tag:theconversation.com,2011:/global/topics/incendies-24476/articlesincendies – The Conversation2023-11-01T13:34:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2165162023-11-01T13:34:50Z2023-11-01T13:34:50ZLes feux de forêt de l’été 2023 ont été les plus dévastateurs en 50 ans. Le pire reste-t-il à venir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556341/original/file-20231027-23-ya6je6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C2032%2C1066&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les incendies de forêt ont majoritairement été déclenchés par la foudre. Leur propagation a ensuite été exacerbée par un manque de précipitations et des températures anormalement élevées.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Victor Danneyrolles)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Après une saison estivale marquée par des incendies exceptionnels, les forêts québécoises s’apprêtent à connaître un bref répit avec le retour des températures plus fraîches et des précipitations neigeuses. </p>
<p>Mais pour combien de temps ? De tels événements <a href="https://www.ledevoir.com/societe/793624/incendies-de-foret-des-feux-records-depuis-100-ans-au-quebec">deviendront-ils plus fréquents ?</a>.</p>
<p>Experts des dynamiques de perturbations en milieu boréal, nous proposons ici de dresser un bilan des feux ayant eu lieu en 2023 au Québec, et d’apporter un éclairage sur leurs causes et conséquences.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
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<h2>Des millions d’hectares affectés</h2>
<p>Selon la Société de protection des forêts contre le feu (<a href="https://sopfeu.qc.ca/">SOPFEU</a>), près de 700 incendies ont ravagé environ 5,1 millions d’hectares (soit la superficie du Costa Rica), au nord comme au sud de la limite nordique des forêts attribuables, soit la ligne qui sépare le Nord québécois du sud, où les forêts sont soumises à des coupes forestières.</p>
<p>Au début du mois d’octobre, quinze incendies étaient encore actifs depuis l’été dans l’ouest du Québec. Trois d’entre eux, bien que sous contrôle, avaient brûlé ensemble près de 700 000 hectares dans la <a href="https://sopfeu.qc.ca/lintervention-de-la-sopfeu-dans-les-differentes-zones-de-protection/">zone de protection intensive</a>, où la SOPFEU combat systématiquement tous les incendies. </p>
<p>Dans la <a href="https://sopfeu.qc.ca/lintervention-de-la-sopfeu-dans-les-differentes-zones-de-protection/">zone nordique</a>, douze incendies étaient sous surveillance constante, certains ne dépassant pas 20 hectares, d’autres atteignant plus d’un million d’hectares. De la superficie totale brûlée en 2023 au Québec, trois quarts (3,8 millions d’hectares) se trouvaient en zone nordique. Au sud du 50<sup>e</sup> degré nord de latitude, dans la zone de protection intensive, environ 1,4 million d’hectares a brûlé, soit plus de 80 fois la moyenne annuelle des dix dernières années.</p>
<p>Lorsqu’on compare la saison des feux de 2023 aux <a href="https://www.donneesquebec.ca/recherche/dataset/feux-de-foret">données disponibles depuis les années 1970</a>, il est assez clair que cette année fut inhabituelle au regard des dernières décennies. Mais, bien qu’impressionnants et difficiles à contenir, ces incendies demeurent vraisemblablement dans la plage de la « variabilité naturelle » observée au cours des siècles précédents. </p>
<p>Plusieurs <a href="https://doi.org/10.1071/WF22090">études</a> ont montré que les cycles de feux particulièrement intenses étaient courants au Québec dans les années 1910-1920. Et encore plus fréquents aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, lorsque les conditions climatiques chaudes et sèches étaient particulièrement propices aux feux de forêt. </p>
<h2>Des conditions météorologiques exceptionnelles</h2>
<p>À l’image des incendies de forêt historiques, les départs de feu au Québec en 2023 ont été alimentés par des <a href="https://www.worldweatherattribution.org/climate-change-more-than-doubled-the-likelihood-of-extreme-fire-weather-conditions-in-eastern-canada/">conditions météorologiques intenses</a>. Dès le mois de juin et après un mois de mai déjà sec, une multiplication significative des incendies a été observée dans la zone intensive. La zone nordique a quant à elle été touchée tout au long des trois mois d’été. </p>
<p>Ces incendies ont majoritairement été déclenchés par la foudre. Leur propagation a ensuite été exacerbée par un manque de précipitations et des températures anormalement élevées. Les températures ont en effet dépassé de <a href="https://www.environnement.gouv.qc.ca/climat/faits-saillants/2023/juin.htm">+2,3 °C la moyenne de la période 1981-2010 pour le mois de juin</a>, établissant un record du mois de juin le plus chaud enregistré au Québec depuis au moins cent ans. </p>
<p>Ces conditions météorologiques exceptionnelles ont été en partie influencées par le phénomène El Niño, un réchauffement cyclique de l’océan Pacifique connu pour son impact sur les conditions météorologiques terrestres. La tendance s’est poursuivie en juillet, avec des températures moyennes exceptionnellement élevées, dépassant largement les normales (+2,7 °C).</p>
<h2>Des conséquences multiples</h2>
<p>Le déclenchement simultané de nombreux incendies et leur propagation rapide ont eu des effets multiples sur la faune et les forêts, le climat, ainsi que sur les populations humaines. </p>
<p>Les feux ont altéré la structure et la composition de la végétation, entraînant des perturbations pour les habitats fauniques, ainsi que des <a href="https://www.ledevoir.com/societe/792940/la-faune-est-elle-aussi-affectee-par-les-incendies-de-foret-et-la-fumee">déplacements et une mortalité chez les animaux</a>. En conséquence, les territoires de chasse, de pêche et de récolte des communautés autochtones ont été affectés. </p>
<p>En plus de représenter une menace directe pour la sécurité publique, la fumée des incendies, à l’origine de problèmes respiratoires, a forcé <a href="https://www.journaldequebec.com/2023/06/06/feux-de-foret-evacuation-obligatoire-a-chibougamau">l’évacuation de milliers de personnes dans plusieurs régions du Québec</a>. La dégradation de la qualité de l’air a été ressentie non seulement à l’échelle du Canada et des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1986201/villes-fumee-usa-jeudi-2023">États-Unis</a>, mais également en <a href="https://www.journaldemontreal.com/2023/06/27/feux-de-foret-les-francais-sont-ils-vraiment-impactes-par-la-fumee-qui-arrive-du-quebec">Europe</a>. Fort heureusement, les évacuations se sont déroulées à temps, sans entraîner de victimes, malgré certains dégâts matériels.</p>
<p>Sur le plan climatique, les grands incendies ont libéré plusieurs mégatonnes de dioxyde de carbone stockées dans les arbres et les sols, <a href="https://doi.org/10.1139/er-2013-0062">ce qui a contribué à accroître les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre</a> (CO<sub>2</sub>, CH<sub>4</sub>).</p>
<p>Bien que les feux aient entraîné des conséquences importantes, <a href="https://theconversation.com/les-forets-boreales-nord-americaines-brulent-beaucoup-mais-moins-quil-y-a-150-ans-198635">ils sont parfois bénéfiques pour certains organismes</a>. On peut penser à des espèces d’arbres, comme le pin gris, qui en dépendent pour se régénérer ou à de nombreuses espèces animales qui affectionnent les forêts brûlées.</p>
<h2>À quoi s’attendre à l’avenir ?</h2>
<p>Les forêts du Québec brûlent et se régénèrent de manière cyclique depuis des millénaires. Cependant, il est impératif de reconnaître que <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15988-6_2">ces cycles peuvent évoluer au cours du temps</a>. </p>
<p>La saison des feux de 2023 souligne l’urgence de se préparer à des changements importants dans les dynamiques de perturbation, et notamment à la possibilité que de tels événements se reproduisent plus fréquemment. </p>
<p>À mesure que les changements climatiques progressent, les épisodes de sécheresse pourraient devenir plus fréquents si les précipitations ne parviennent pas à compenser l’augmentation des températures, comme cela a été observé au XX<sup>e</sup> siècle. </p>
<p>Cette combinaison de facteurs accroît la probabilité d’une augmentation du nombre, de la taille et de l’intensité des feux de forêt. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-forets-boreales-nord-americaines-brulent-beaucoup-mais-moins-quil-y-a-150-ans-198635">Les forêts boréales nord-américaines brûlent beaucoup, mais moins qu’il y a 150 ans</a>
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<p>De tels changements menacent la régénération naturelle des forêts et pourraient conduire à la formation de zones sans arbres, victimes d’incendies trop fréquents <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2024872118">pour que la végétation ait le temps de se régénérer</a>. </p>
<p>Ces conditions pourraient également être exacerbées par l’expansion continue de l’exploitation forestière. <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/796885/de-vastes-pans-de-la-foret-boreale-quebecoise-n-arriveront-pas-a-se-regenerer">Des analyses préliminaires</a> ont montré que plus de 300 000 hectares de forêts brûlées en 2023 pourraient ne pas se régénérer, principalement en raison de l’exploitation forestière des dernières décennies. </p>
<p>Les conséquences des grands feux de forêt soulignent les défis climatiques auxquels nous sommes confrontés. Elles mettent en évidence la nécessité de développer des mesures d’atténuation et d’adaptation, visant à protéger les écosystèmes forestiers vulnérables et leurs habitants. </p>
<p>Il est donc impératif de tirer des leçons de la saison des feux de 2023 afin de renforcer la résilience des forêts et des communautés face aux changements climatiques et limiter les dommages causés par les feux. Cela passe à la fois par une réduction du risque, une protection des zones les plus vulnérables et une sensibilisation des populations locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216516/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Bergeron a reçu des financements de FRQNT,CRSNG,MRNF</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dorian M. Gaboriau, Jonathan Lesven et Victor Danneyrolles ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les feux de forêt de l’été 2023 au Québec ont été très impressionnants – et ravageurs. Il s’agit même de la pire année depuis 50 ans. Et avec les changements climatiques, le pire semble à venir.Dorian M. Gaboriau, Postdoctorant en paléoécologie, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Jonathan Lesven, Doctorant en paléoécologie, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Victor Danneyrolles, Professeur-chercheur en écologie forestière, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Yves Bergeron, Professeur écologie et aménagement forestier, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152242023-10-18T17:03:13Z2023-10-18T17:03:13ZComment réduire le risque incendie posé par les batteries lithium-ion ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552621/original/file-20231007-27-fz8jzx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Voiture électrique en charge</span> <span class="attribution"><span class="source">Mike Bird / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans notre monde peuplé d’appareils électroniques, les batteries rechargeables lithium-ion sont partout. Par rapport aux batteries au plomb, qui ont dominé le marché pendant des décennies, elles présentent plusieurs avantages, comme une charge plus rapide et une densité énergétique plus élevée à poids égal.</p>
<p>De quoi rendre nos gadgets électroniques et nos voitures électriques plus légers et plus durables, au prix de quelques inconvénients. Car ces batteries contiennent plus d’énergie : si elles prennent feu, elles brûlent jusqu’à ce que toute l’énergie stockée soit libérée. Sauf qu’une telle libération soudaine d’énergie peut occasionner des explosions graves, sources de dégâts matériels et humains.</p>
<p>En tant que scientifiques spécialistes de la <a href="https://scholar.google.com/citations?user=jCXInTYAAAAJ&hl=en">production d’énergie</a>, de son <a href="https://scholar.google.com/citations?user=KsW8rMMAAAAJ&hl=en">stockage</a>, de sa <a href="https://scholar.google.com/citations?user=z7C3_h8AAAAJ&hl=en">conversion</a>, ainsi que l’<a href="https://scholar.google.com/citations?user=4WwXknoAAAAJ&hl=en">ingénierie automobile</a>, nous nous intéressons de près au développement de batteries à la fois de forte densité énergétique et sûres. Or, nous voyons des signes encourageants montrant que les fabricants de batteries progressent vers la résolution de ce problème technique important.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yRPW8zN_c0E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Éviter de surcharger ses appareils est un bon moyen pour réduire le risque d’incendie des batteries lithium-ion.</span></figcaption>
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<h2>Un nouveau type de risque incendie</h2>
<p>Le transport urbain est en train de subir une transformation majeure vers l’électrification. Alors que les villes du monde entier se préoccupent de plus en plus du changement climatique et de la qualité de l’air, les <a href="https://theconversation.com/boosting-ev-market-share-to-67-of-us-car-sales-is-a-huge-leap-but-automakers-can-meet-epas-tough-new-standards-203663">véhicules électriques</a> sont désormais sur le devant de la scène.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans le même temps, les vélos et scooters électriques transforment eux aussi les transports urbains en offrant des moyens pratiques et à faible émission de carbone pour naviguer dans les rues encombrées et réduire les embouteillages. Entre 2010 et 2022, les vélos et scooters électriques partagés (ceux appartenant à des réseaux de location) ont représenté <a href="https://nacto.org/2022/12/01/half-a-billion-rides-on-shared-bikes-and-scooters/">plus d’un demi-milliard de trajets</a> dans les villes américaines. Les vélos électriques privés viennent s’ajouter à ce total : en 2021, <a href="https://www.nationalgeographic.com/environment/article/electric-bike-sustainable-transportation">plus de 880 000 vélos électriques ont été vendus aux États-Unis</a>, contre 608 000 voitures et camions électriques.</p>
<p>Les véhicules électriques (VE) représentent une <a href="https://www.vox.com/the-highlight/2023/1/17/23470878/tesla-fires-evs-florida-hurricane-batteries-lithium-ion">petite partie</a> des incendies de voitures, mais <a href="https://www.cbsnews.com/news/lithium-ion-battery-fires-electric-cars-bikes-scooters-firefighters/">il est difficile pour les pompiers de contrôler les incendies de VE</a>. En règle générale, un incendie de VE brûle à environ 2 760 °C, alors qu’un véhicule à essence en feu brûle à 815 °C. Il faut environ 2 000 gallons d’eau – soit environ 7,5 mètres cubes d’eau – pour éteindre un véhicule à essence en feu. Dans certains cas, le contrôle d’un feu de VE peut demander <a href="https://www.bostonglobe.com/2023/01/20/metro/tesla-fire-takes-over-two-hours-20000-gallons-water-extinguish-after-wakefield-crash-police-say/">10 fois plus d’eau</a>.</p>
<p>Il s’agit d’une préoccupation majeure dans les grandes villes où les véhicules électriques sont populaires. Les services d’incendie de New York et de San Francisco déclarent ainsi avoir traité <a href="https://www.cbsnews.com/news/lithium-ion-battery-fires-electric-cars-bikes-scooters-firefighters/">plus de 660 incendies</a> impliquant des batteries lithium-ion depuis 2019. À New York, ces incendies ont causé <a href="https://www.nyc.gov/office-of-the-mayor/news/195-23/mayor-adams-plan-combat-lithium-ion-battery-fires-promote-safe-electric-micromobility#/0">12 décès et plus de 260 blessés</a> de 2021 à début 2023. Il y a un besoin clair d’améliorer les pratiques de manipulation et de charge des batteries, ainsi que de mettre en œuvre des améliorations techniques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un vélo électrique avec un sac Uber Eats accroché au guidon à côté d’un bâtiment." src="https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les vélos électriques sont populaires pour les services de livraison urbaine, ce qui signifie que de nombreux utilisateurs en dépendent pour leurs revenus.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/uber-eats-electric-bike-parked-on-sidewalk-manhattan-new-news-photo/1428511600">Lindsey Nicholson/UCG/Universal Images Group via Getty Images</a></span>
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<h2>Plusieurs batteries électriques par voiture électrique</h2>
<p>Pour comprendre les incendies de batteries lithium-ion, il est important de rappeler quelques principes de base. Une batterie contient des produits chimiques qui contiennent de l’énergie, avec une séparation entre ses deux électrodes. Elle fonctionne en <a href="https://engineering.mit.edu/engage/ask-an-engineer/how-does-a-battery-work/">convertissant cette énergie chimique en électricité</a>.</p>
<p>Les deux électrodes d’une batterie sont entourées d’un électrolyte, une substance qui permet à une charge électrique de circuler entre les deux bornes. Dans une batterie lithium-ion, ce sont les ions lithium qui portent la charge électrique. Lorsqu’un appareil est connecté à une batterie, des réactions chimiques se produisent aux électrodes et créent un flux d’électrons dans le circuit électrique externe qui alimente l’appareil.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Infographie montrant les éléments d’une batterie lithium-ion" src="https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lorsqu’une batterie lithium-ion fournit de l’énergie à un appareil, les ions lithium (atomes porteurs d’une charge électrique) se déplacent de l’anode à la cathode. Les ions se déplacent en sens inverse lors de la recharge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/8Erh2x">Argonne National Laboratory/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Les téléphones portables et les appareils photo numériques peuvent fonctionner avec une seule batterie, mais une voiture électrique a besoin de beaucoup plus d’énergie et de puissance. En fonction de sa conception, un véhicule électrique peut contenir des <a href="https://www.samsungsdi.com/column/all/detail/54344.html">dizaines, voire des milliers de petites batteries individuelles</a>, appelées cellules. Les cellules sont regroupées en ensembles appelés modules, qui sont à leur tour assemblés en packs. Un véhicule électrique standard contient un grand bloc-batterie avec de nombreuses cellules à l’intérieur.</p>
<h2>Ce qui cause le départ de feu</h2>
<p>Généralement, un incendie de batterie <a href="https://doi.org/10.1038/s41557-023-01254-6">commence dans une seule cellule</a> au sein d’un bloc-batterie. Une batterie peut s’enflammer pour trois raisons principales :</p>
<ul>
<li><p>un dommage mécanique, tel qu’un écrasement ou un percement lors d’une collision entre véhicules,</p></li>
<li><p>un dommage électrique dû à un <a href="https://www.thespruce.com/what-causes-short-circuits-4118973">court-circuit</a> externe ou interne,</p></li>
<li><p>ou encore une surchauffe.</p></li>
</ul>
<p>Les courts-circuits des batteries peuvent être causés par une mauvaise manipulation ou par des réactions chimiques indésirables à l’intérieur de la cellule. Lorsque les batteries lithium-ion sont chargées trop rapidement, les réactions chimiques peuvent produire des aiguilles de lithium très pointues appelées dendrites sur l’anode (l’électrode avec une charge négative). Elles finissent par pénétrer le séparateur et atteindre l’autre électrode, ce qui provoque un court-circuit interne de la batterie.</p>
<p>De tels courts-circuits chauffent la cellule de la batterie à plus de 100 °C (212°F). La température de la batterie augmente d’abord lentement, puis d’un seul coup, atteignant sa température maximale en une seconde environ.</p>
<p>Un autre facteur qui rend les incendies de batteries lithium-ion difficiles à gérer est la production d’oxygène. Lorsque les oxydes métalliques de la cathode d’une batterie, ou une électrode chargée positivement sont chauffés, ils <a href="https://www.osti.gov/servlets/purl/1526722">se décomposent et libèrent de l’oxygène gazeux</a>. Les incendies ont besoin d’oxygène pour brûler, de sorte qu’une batterie capable de produire de l’oxygène peut entretenir un incendie.</p>
<p>En raison de la nature de l’électrolyte, une augmentation de 20 % de la température d’une batterie lithium-ion va aussi accélérer certaines réactions chimiques indésirables, ce qui va en retour dégager un excès de chaleur. Cette chaleur va faire augmenter la température de la batterie, ce qui accélère encore davantage les réactions. L’augmentation de la température de la batterie accroît le taux de réaction, créant un processus appelé <a href="https://spectrum.ieee.org/first-xray-views-into-overheating-lithiumion-batteries">emballement thermique</a>. Lorsque ce phénomène se produit, la température d’une pile peut passer de 100 °C à 1000 °C en une seconde.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kHTlVmBbnPA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En cas d’emballement thermique, une batterie lithium-ion entre dans un état d’autoéchauffement incontrôlable qui peut conduire à un incendie ou à une explosion.</span></figcaption>
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<h2>Comment limiter l’emballement thermique</h2>
<p>Les méthodes pour assurer la sécurité des batteries peuvent se concentrer sur le suivi des conditions extérieures ou intérieures de la batterie. La protection extérieure implique en général l’utilisation de dispositifs électroniques tels que des capteurs de température et des soupapes de pression pour s’assurer que la batterie n’est pas soumise à une chaleur ou à une contrainte susceptible de provoquer un accident.</p>
<p>Cependant, ces mécanismes vont augmenter la taille et le poids des batteries, ce qui peut réduire les performances de l’appareil qu’elle alimente (<em>si le véhicule doit déplacer un poids de batterie plus élevé, ndlt</em>). De plus, ils ne sont pas toujours fiables en cas de températures ou de pressions extrêmes, comme celles produites lors d’un accident de voiture.</p>
<p>Les stratégies de protection interne, de leur côté, se concentrent sur l’utilisation d’équipements à sécurité intrinsèque. Cette approche permet de traiter les risques à la source.</p>
<p>Pour réduire l’intensité de l’emballement thermique d’une batterie, il faut une donc une <a href="https://doi.org/10.1016/j.ensm.2017.05.013">combinaison d’améliorations logicielles et matérielles</a>. Les scientifiques travaillent à la mise au point de cathodes qui libèrent moins d’oxygène lorsqu’elles se décomposent, d’électrolytes non inflammables, <a href="https://doi.org/10.1007/s40820-023-01178-3">d’électrolytes à l’état solide</a> qui ne s’enflamment pas et peuvent également contribuer à réduire la croissance des dendrites, et enfin de séparateurs qui peuvent <a href="https://doi.org/10.1002/adma.202302280">résister à des températures élevées sans fondre</a>.</p>
<p>Une autre solution est déjà utilisée : les <a href="https://www.synopsys.com/glossary/what-is-a-battery-management-system.html">systèmes de gestion des batteries, ou BMS (Battery Management System)</a>. Il s’agit d’équipements matériels et de logiciels intégrés dans les batteries qui peuvent surveiller les paramètres vitaux de la batterie, tels que l’état de charge, la pression interne et la température des cellules de la batterie.</p>
<p>Tout comme un médecin se base sur les symptômes d’un patient pour diagnostiquer et traiter sa maladie, les BMS peuvent diagnostiquer les problèmes au sein du bloc-batterie et prendre des décisions autonomes pour éteindre les batteries présentant des points chauds, ou pour modifier la répartition de la charge afin qu’aucune batterie individuelle ne devienne trop chaude.</p>
<p>La composition chimique des batteries évolue rapidement, de sorte que les conceptions les plus récentes vont demander le développement de nouveaux BMS. De nombreux producteurs de batteries <a href="https://www.graphene-info.com/nanotech-energy-soteria-battery-innovation-group-and-voltaplex-energy-join">forment des partenariats</a> qui rassemblent des fabricants ayant des compétences complémentaires afin de relever ce défi.</p>
<p>Les utilisateurs peuvent également prendre des mesures pour <a href="https://www.usfa.fema.gov/prevention/vehicle-fires/electric-vehicles/">maximiser la sécurité</a> de leurs équipements, par exemple :</p>
<ul>
<li><p>Utiliser l’équipement de charge et les prises recommandés par le fabricant, et évitez de surcharger ou de laisser un VE branché pendant la nuit.</p></li>
<li><p>Inspecter régulièrement la batterie pour détecter tout signe de dommage ou de surchauffe.</p></li>
<li><p>Garer le véhicule <a href="https://www.latimes.com/business/story/2023-07-13/how-a-heat-wave-will-hurt-your-ev-battery">loin d’un environnement trop chaud ou trop froid</a> – par exemple, garez-vous à l’ombre pendant les vagues de chaleur – pour éviter que la batterie ne subisse un stress thermique.</p></li>
<li><p>Enfin, en cas de collision ou d’accident impliquant un VE, suivez les protocoles de sécurité du fabricant et débrancher la batterie si possible afin de minimiser les risques d’incendie ou d’électrocution.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/215224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les batteries au lithium-ion sont partout, des vélos aux voitures électriques. Et posent de nouveaux risques d’incendie, voire d’explosion, en cas de dommage ou de surchauffe. Comment y faire face ?Apparao Rao, Professor of Physics, Clemson UniversityBingan Lu, Associate Professor of Physics and Electronics, Hunan UniversityMihir Parekh, Postdoctoral Fellow in Physics and Astronomy, Clemson UniversityMorteza Sabet, Research Assistant Professor of Automotive Engineering, Clemson UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2121372023-08-24T16:51:04Z2023-08-24T16:51:04ZPourquoi les fumées sont le véritable danger des incendies<p>Les incendies ont malheureusement occupé le devant de la scène médiatique ces derniers mois, qu’il s’agisse des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/08/17/megafeux-au-canada-13-7-millions-d-hectares-de-foret-brules-deux-fois-plus-que-l-annee-record-de-1989_6185725_4355770.html">mégafeux qui ont ravagé les forêts canadiennes</a> ou la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/08/29/la-grece-affronte-le-plus-grand-incendie-jamais-enregistre-dans-l-union-europeenne_6186949_3244.html">Grèce</a>, du brasier qui a détruit en août l<a href="https://www.lepoint.fr/monde/incendies-a-hawai-le-bilan-humain-revu-a-la-baisse-97-morts-16-09-2023-2535628_24.php">a ville de Lahaina sur l’île de Maui, à Hawaï</a>, des incendies d’habitation qui se sont déclarés à <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/incendie-meurtrier-a-wintzenheim/incendie-de-wintzenheim-l-enquete-administrative-demontre-qu-il-y-a-un-dysfonctionnement-general-declare-aurore-berge_6077253.html">Wintzenheim</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/18/incendie-mortel-a-grasse-le-suspect-place-en-detention-provisoire_6185859_3224.html">Grasse</a>, <a href="https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/incendie-meurtrier-a-lile-saint-denis-la-piste-criminelle-privilegiee-05-09-2023-7Q6ESMVTNZHHNL5ILSAJLCYYKE.php">l’Ile-Saint-Denis</a>, ou, encore plus récemment, de l’incendie d’immeubles désaffectés à <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/normandie/seine-maritime/rouen/rouen-deux-immeubles-desaffectes-s-effondrent-apres-un-important-incendie_6094806.html">Rouen</a> ou d’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/01/en-espagne-un-incendie-dans-une-discotheque-a-murcie-fait-au-moins-sept-morts_6191879_3210.html">discothèque à Murcie, en Espagne</a>…</p>
<p>Dans la plupart des cas, ces incendies ont fait des victimes, parfois en grand nombre. Toujours impressionnantes, les images de ces catastrophes montrent des paysages ou des bâtiments ravagée par d’immenses flammes. Mais contrairement aux idées reçues, la plupart des décès qui surviennent lors d’incendies ne sont pas dus à un contact direct avec le feu : ce sont en effet généralement plutôt les fumées qu’il dégage qui sont les premières tueuses. </p>
<p>Létales à court et moyen termes, elles peuvent aussi l’être à plus longue échéance. Voici pourquoi.</p>
<h2>À quels dangers les incendies nous exposent-ils ?</h2>
<p>Les décès survenant au cours d’un incendie ont trois origines principales : thermique, traumatique (chute, défenestration volontaire, effondrement des structures brûlées, explosion des réseaux de gaz…) et chimique.</p>
<p>Dans l’imaginaire collectif, la peur du feu repose surtout sur les effets visibles et terrifiants du facteur thermique. La chaleur peut en effet tuer en quelques minutes, en détruisant les poumons. Elle engendre par ailleurs chez les survivants de terribles brûlures sur la surface corporelle, synonymes d’une <a href="https://www.slate.fr/story/229979/petite-fille-brulee-napalm-kim-phuc-traitement-peau-nick-ut-photographie-guerre-vietnam">vie de douleurs</a>, et de séquelles fonctionnelles et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0294126011001270">esthétiques</a>.</p>
<p>Pourtant, de façon assez contre-intuitive, lorsqu’un feu se propage, la cause de la grande majorité des décès est chimique. Ainsi, dans les feux d’habitation, seul un tiers des victimes décède des effets thermiques du feu, la majorité d’entre elles <a href="https://www.researchgate.net/publication/303837877_Chapter_2Fire_Types_and_Combustion_Products">(approximativement 60 à 66 %)</a> mourant plutôt de l’intoxication aux fumées. D’ailleurs, souvent, le corps de bon nombre des défunts ne présente aucune trace de brûlure.</p>
<p>Cette dangerosité des fumées s’explique non seulement par le risque d’asphyxie qu’elles font courir, mais aussi par la toxicité des composées qu’elles contiennent. Ladite toxicité peut s’exprimer immédiatement (en quelques minutes ou quelques heures) ou de façon retardée (en quelques jours, mois, voire années). Afin de comprendre les raisons de cette situation, il faut commencer par brièvement rappeler ce qu’est un feu.</p>
<h2>Le feu, une réaction chimique</h2>
<p>Un feu n’est rien d’autre qu’un ensemble de réactions chimiques, et plus précisément de réactions d’oxydation de divers combustibles. Ces réactions sont exothermiques, autrement dit elles dégagent de la chaleur.</p>
<p>Pour qu’un feu se développe, trois éléments doivent se conjuguer (on parle de <a href="https://theconversation.com/notre-dame-de-paris-comment-se-met-en-place-le-terrible-triangle-du-feu-115666">« triangle du feu »</a>) : un combustible (ce qui va brûler), un comburant (un corps qui, en se combinant au combustible, va entraîner sa combustion) et un élément qui constitue la source d’inflammation, en apportant l’énergie d’activation déclenchant la combustion.</p>
<p>Les combustibles qui alimentent un incendie sont très variés (bois, herbe, laine, polyacrylamide, polyuréthane…). Le comburant est en général le dioxygène (O<sub>2</sub>). L’énergie d’activation peut être apportée par un mégot incandescent, un court-circuit électrique, la foudre…</p>
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<p>Un feu débute lorsque la source d’inflammation provoque une augmentation importante de la température du combustible. Sous l’effet de la chaleur, une <a href="https://www.dailymotion.com/video/x2j22qw">pyrolyse</a> se produit : la surface du combustible subit une décomposition chimique qui émet des gaz inflammables, mais ne génère pas de flamme. Ce sont ces gaz qui s’enflamment sous l’effet de la montée en température, et non le combustible lui-même, comme on pourrait le penser.</p>
<p>Enflammés, ces gaz fournissent l’énergie d’activation (chaleur) au combustible intact, initiant alors un cercle vicieux.</p>
<p>Le feu ne s’arrête que lorsqu’au moins un des éléments du triangle est suffisamment réduit. Cela peut se produire « naturellement », quand il ne reste plus aucun combustible disponible (lorsque l’allumette est consumée entièrement, par exemple), soit suite à une intervention, qu’il s’agisse d’un <a href="https://infopompiers.com/Lexiquepompiers/procedes-extinction-feu/">inertage</a> (abaissement du niveau d’O<sub>2</sub> dans l’air par ajout d’azote) ou d’un apport d’eau (ce qui entraîne un refroidissement et donc une baisse de l’énergie d’activation).</p>
<h2>La menace de l’asphyxie</h2>
<p>Les décès par asphyxie sont majoritaires lors d’un incendie. En effet, non seulement le feu peut induire une baisse brutale de la concentration en O<sub>2</sub> de l’air (hypoxie ambiante), mais de plus, des gaz asphyxiants (CO<sub>2</sub>, CO, HCN) sont libérés rapidement en grandes quantités.</p>
<p>Si l’hypoxie ambiante créée par les feux en espaces clos n’est pas létale en soi, l’abaissement de 21 à 17 % de la concentration d’O<sub>2</sub> dans l’air perturbe la coordination motrice. En dessous de 10 %, les individus perdent rapidement conscience, et la fuite est impossible.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544569/original/file-20230824-23-6ssyir.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Modifications rapides de la composition de l’air et de sa température dans une pièce ouverte (apport continu d’O₂) subissant un feu de 100 kg de bois. Dès la 3ᵉ minute, l’hypoxie ambiante, le taux de CO et de CO₂ et la température de l’air sont à des niveaux létaux. On note l’absence de HCN, le bois contenant très peu d’azote.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Grélot -- Inspiré des travaux de David Purser</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le risque d’asphyxie dépend surtout de la nocivité des fumées qui émanent de l’incendie. Divers gaz asphyxiants peuvent être produits, selon la composition des combustibles consumés. Et c’est bien là le problème, car chaque incendie est unique et il est impossible de déterminer a priori la toxicité des gaz émis.</p>
<p>Le carbone est par exemple un élément très présent dans la grande majorité des combustibles (il représente 50 à 90 % en masse). Sa combustion produira de grandes quantités d’oxydes de carbone (le très toxique monoxyde de carbone CO, et le dioxyde de carbone CO<sub>2</sub>). Toutes les fumées en contiennent, mais dans un feu couvant (mal ventilé) le rendement en C0 peut être 50 fois supérieur à celui d’un feu vif flamboyant.</p>
<p>L’azote, en revanche, est très inégalement réparti dans les matériaux : selon leur nature, ils peuvent en contenir de 0,1 % en masse pour le bois à 26 % pour le <a href="https://www.inrs.fr/publications/bdd/plastiques/polymere.html?refINRS=PLASTIQUES_polymere_2&section=risques">polyacrylonitrile</a>, un polymère utilisé pour fabriquer des fibres textiles acryliques. Or, la combustion de ce composé synthétique peut <a href="https://www.researchgate.net/publication/291361721_Chapter_10_Hydrogen_Cyanide-Physiological_Effects_of_Acute_Exposure_during_Fires">émettre en quantité de l’acide cyanhydrique</a> (HCN), un gaz particulièrement toxique et très inflammable.</p>
<h2>CO et HCN, les jumeaux toxiques</h2>
<p>Lors d’un incendie, de grandes quantités de CO<sub>2</sub> sont émises. Si ce gaz est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0300483X96034920?via%3Dihub">faiblement toxique lorsque ses concentrations dans l’air sont inférieures à 10 %</a>, une l’inhalation de CO<sub>2</sub> à une concentration supérieure à 10 % provoque une hyperventilation qui peut <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9016738/">multiplier par 8 à 10 la ventilation minute</a> (la ventilation minute est le volume d’air inspiré à chaque cycle respiratoire multiplié par la fréquence des cycles par minute).</p>
<p>Cette hyperventilation facilite grandement l’intoxication, lors de la phase initiale d’exposition aux fumées, par des gaz plus asphyxiants tels que le monoxyde de carbone CO et l’acide cyanhydrique HCN. Ces deux gaz sont les premiers responsables de la toxicité immédiate des fumées.</p>
<p>Fortement concentré dans les fumées des feux peu ventilés, le CO a une affinité pour l’hémoglobine (Hb) de 200 à 250 fois supérieure à celle du dioxygène. C’est le principal facteur de la <a href="https://www.inrs.fr/dms/ficheTox/FicheFicheTox/FICHETOX_47-2/FicheToxS">toxicité</a> du CO : la carboxyhémoglobine (HbCO) qui se forme lors de son inhalation remplace l’oxyhémoglobine (HbO<sub>2</sub>), mais elle est inutilisable pour la respiration cellulaire. En d’autres termes, plus le CO est inhalé, moins le dioxygène est capté dans les poumons, transporté par le sang et libéré dans les tissus.</p>
<p>Un taux d’HbCO de 30 % est incapacitant pour un individu actif. Or, la moyenne des taux de HbCO des personnes décédées (non-brûlés) dans des incendies d’habitation est de <a href="https://www.researchgate.net/publication/308942174_Effects_of_pre-fire_age_and_health_status_on_vulnerability_to_incapacitation_and_death_from_exposure_to_carbon_monoxide_and_smoke_irritants_in_Rosepark_fire_incident_victims">l’ordre de 61-63 %</a>, et l’on considère qu’un taux de HbCO post-mortem supérieur à 70 % signe de fait un décès induit directement par ce gaz.</p>
<p>Le traitement de l’intoxication au CO est simple : le retrait immédiat de l’environnement vicié, puis l’oxygénothérapie (apport d’oxygène, sous pression normale ou en caisson hyperbare). Malheureusement, même traitées, peu de personnes comateuses survivent à une HbCO dépassant les 45 %.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544570/original/file-20230824-27-p71juz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Composés toxiques des 3 principaux types d’incendie. Les feux d’habitation consumant de nombreux matériaux synthétiques émettent beaucoup d’HCN, à l’inverse des feux de biomasse. Ces derniers émettent plus de vapeur d’eau (fumées blanches). Les feux de l’interface habitat-forêt (péri-urbain) produisent des fumées mixtes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Grélot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour sa part, le HCN se retrouve dans l’air lors de la phase précoce de feux consumant les matériaux synthétiques azotés comme le nylon, les mousses en polyuréthane du mobilier, le polyisocyanurate des isolants de façade, les plastiques de notre électroménager, etc. Sa concentration est généralement moindre que celle du CO, mais sa <a href="https://www.inrs.fr/dms/ficheTox/FicheFicheTox/FICHETOX_4-1/FicheTox_4.pdf">toxicité</a> est 35 fois plus importante. Elle s’exprime via la formation de l’ion cyanure (CN-) dans le sang, qui bloque la respiration cellulaire.</p>
<p>En outre, <a href="https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/DMT/TI-TF-197/tf197.pdf">l’intoxication au HCN est rapide</a>. Par voie respiratoire elle est presque instantanée, tout comme ses effets délétères. Une concentration dans l’air de 270 ppm <a href="https://www.rincent-air.fr/convertisseur">(295 mg/m³</a>) est létale en moins de trois minutes. Le <a href="https://www.em-consulte.com/article/1369972/intoxication-par-les-fumees-d-incendie">traitement</a> impose le retrait immédiat de la zone viciée, une oxygénothérapie, et l’administration précoce de 5 g (dose adulte) d’hydroxocobalamine.</p>
<p>De plus, la toxicité du HCN et celle du CO se potentialisent. En effet, l’intoxication au HCN s’accompagne d’une <a href="https://books.rsc.org/books/edited-volume/1936/chapter-abstract/2565313/Hydrogen-Cyanide-Physiological-Effects-of-Acute?redirectedFrom=fulltext">hyperventilation (paroxystique en 3 à 5 min)</a> qui favorise l’absorption du CO. La profondeur du manque de dioxygène (anoxie, surtout cérébrale), et donc la rapidité du décès, dépend donc principalement de la concentration dans l’air de ces « jumeaux toxiques » et du niveau d’hypoxie ambiant.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout : de nombreux autres gaz produits pendant les incendies sont particulièrement irritants pour les yeux, le nez, la gorge, et les régions pulmonaires profondes.</p>
<h2>Un cocktail concentré de substances irritantes</h2>
<p>Ammoniac, chlore, phosgène, dioxyde de soufre, oxydes d’azote, pentoxyde de phosphore, chlorure d’hydrogène, bromure d’hydrogène, fluorure d’hydrogène, acroléine, formaldéhyde, acroléine, formaldéhyde… La combustion de la biomasse et des matériaux synthétiques engendre des <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/458052/HPA-CHaPD-004_for_website.pdf">gaz irritants par centaines</a>.</p>
<p>Au début d’un incendie, le relargage de ces gaz ne met généralement pas directement en péril la vie humaine, car les concentrations sont trop basses. Mais ces composés sont rapidement incapacitants. Ainsi, l’acroléine (C<sub>3</sub>H<sub>4</sub>O) serait le plus puissant des irritants pour les humains. Il est quasi <a href="https://publications.gc.ca/Collection/En40-215-48F.pdf">impossible d’en tolérer une concentration atmosphérique supérieure à 2 ppm (soit 5 mg/m³) pendant plus de 2 min</a> (la concentration létale serait de 8-9 ppm (soit 20 mg/m<sup>3</sup>)).</p>
<p>En limitant la possibilité de fuir, les gaz irritants exposent d’autant plus aux brûlures et à l’asphyxie. Par ailleurs, certains d’entre eux expriment une toxicité retardée en provoquant un œdème pulmonaire fatal plusieurs heures (voire plusieurs dizaines d’heures) après l’exposition.</p>
<p>Soulignons que la combustion de matériaux contenant des <a href="https://www.ensad.fr/sites/default/files/retardateurs-flamme.pdf">retardateurs de flammes</a> (des composés ajoutés aux mousses et aux plastiques des mobiliers ou des ordinateurs pour abaisser leur inflammabilité – <a href="w">avec une efficacité discutable selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail</a>) produit des gaz irritants nocifs, qui contiennent des halogénés (chlore, brome, fluor). Lors de leur combustion, de l’acide chlorhydrique gazeux peut notamment être produit, et se solubiliser dans les fluides des muqueuses des voies respiratoires, y provoquant des brûlures chimiques qui altèrent la ventilation.</p>
<h2>Molécules complexes et particules fines : des dangers à plus long terme</h2>
<p>Les incendies produisent aussi nombre de molécules toxiques parmi lesquelles des <a href="https://expertises.ademe.fr/professionnels/entreprises/reduire-impacts/reduire-emissions-polluants/dossier/composes-organiques-volatils-cov/definition-sources-demission-impacts">composés organiques volatils</a> dont certains sont cancérigènes (benzène, styrène, phénol, <a href="https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/hydrocarbures-aromatiques-polycycliques-hap/">hydrocarbures aromatiques polycycliques</a> – HAP, etc.).</p>
<p>Les suies issues de la combustion incomplète de la biomasse sont aussi particulièrement problématiques. Du point de vue physique, elles provoquent un véritable « empoussiérage » des voies pulmonaires, en tapissant l’arbre respiratoire, ce qui rend la respiration difficile. Étant chaudes, elles provoquent des brûlures locales de la muqueuse bronchique, et sont donc source d’inflammation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544571/original/file-20230824-2099-ci8vki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mécanismes de la toxicité respiratoire et cardiovasculaire due à l’exposition répétée à des suies. Cette toxicité concerne notamment pompiers, ramoneurs, ou membre de communautés n’utilisant que le bois pour se chauffer et cuisiner.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Grélot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Par ailleurs, ces suies contiennent des particules fines de différentes tailles (<a href="https://theconversation.com/our-toxic-legacy-bushfires-release-decades-of-pollutants-absorbed-by-forests-145542">PM10</a>, <a href="https://theconversation.com/wildfire-smoke-can-harm-human-health-even-when-the-fire-is-burning-hundreds-of-miles-away-a-toxicologist-explains-why-206057">PM2.5</a>, PM1) et des nanoparticules de carbone sur lesquelles se fixent les substances hautement nocives produites par l’incendie (HAP, quinones, métaux lourds ou de transition…). Ce cocktail aussi varié que toxique est transporté jusqu’aux alvéoles pulmonaires, où il passe ensuite dans le sang.</p>
<p>La toxicité des suies réside également dans les effets retardés des produits de combustion qu’elles contiennent. Ceux-ci entraînent une inflammation chronique qui peut se traduire par des atteintes à moyen et long termes des fonctions respiratoires, cardiovasculaire, immunitaire ou neurologique. Certains sont par ailleurs cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.</p>
<p>L’inhalation, l’ingestion et/ou la contamination cutanée par ces composés expliquent pourquoi la <a href="https://firefightercancersupport.org/wp-content/uploads/2017/11/firefighter-cancer-fact-check.pdf">prévalence de certains cancers est plus bien plus élevée chez les pompiers</a> que dans les populations qu’ils servent (plus du double pour le cancer du testicule, notamment).</p>
<h2>Des mesures de prévention à connaître</h2>
<p>En France, <a href="https://mobile.interieur.gouv.fr/content/download/133115/1055532/file/StatsSDIS22BD.pdf">254 200 incendies se sont produits en 2022. Ils ont ôté la vie à 277 personnes</a>. La majorité d’entre eux sont survenus dans des habitations, les plus mortels étant les incendies nocturnes, car les fumées intoxiquent les dormeurs dans leur sommeil.</p>
<p>Pour limiter le risque d’incendie, il existe une <a href="https://www.saone-et-loire.gouv.fr/prevention-des-incendies-domestiques-a7662.html">myriade de mesures préventives</a>… </p>
<p>Et si malgré tout un incendie survient, <a href="https://www.ffmi.asso.fr/les-conduites-a-tenir-en-cas-dincendie/">certaines actions</a> peuvent <a href="http://www.sdis30.fr/Conseils/Pages/Conduite-%C3%A0-tenir-face-%C3%A0-un-incendie.aspx">accroître les chances d’y survivre</a>. La première d’entre elles consiste à ne pas chercher à fuir en s’aventurant dans des zones fortement enfumées…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212137/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Grélot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les fumées d’incendie sont composées de gaz toxiques asphyxiants et irritants, de vapeur d’eau et de suies. Elles sont souvent plus à craindre que les flammes elles-mêmes.Laurent Grélot, Professeur de Physiologie du travail et de l'exercice /// Ex- CR2C "Spécialiste physiologie du sport " au Commissariat des Armées - HIA Laveran, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2079642023-06-28T20:07:45Z2023-06-28T20:07:45ZComment la pollution atmosphérique impacte la pratique sportive<p>Régulièrement, des épisodes de pollution de l’air viennent faire l’actualité – comme encore récemment dans plusieurs régions de France. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les définit comme des « contaminations de l’environnement intérieur ou extérieur <a href="https://www.who.int/fr/health-topics/air-pollution#tab=tab_1">par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère</a> ».</p>
<p>Il est aujourd’hui <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-quand-respirer-devient-dangereux-129819">largement admis que ce phénomène a un impact sur la santé de la population en général</a>… Mais qu’en est-il pour les sportifs en particulier ? Sont-ils concernés par des risques spécifiques du fait de leur pratique ? </p>
<p>Pour mieux cerner ce vaste sujet, il est important de revenir aux bases : quelles sont les particules les plus dangereuses, et quelles sont les principales sources…</p>
<h2>Les principaux polluants atmosphériques</h2>
<p>L’OMS a classé les <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240034228">différents polluants, et s’est intéressée à leurs effets physiologiques</a>. Les plus importantes sont :</p>
<p>● <strong>Les particules (PM) en suspension</strong>, de taille et de composition chimique variée. Les particules de 20 μm de diamètre (PM20) retombent rapidement, et sont donc peu nombreuses sauf dans les zones d’émission. Les PM10 (diamètre inférieur ou égal à 10 µm), PM2,5 et les particules ultrafines (PM<0,1µm) sont les plus fréquentes dans l’atmosphère.</p>
<p>Plus elles sont petites, plus elles impactent nos organes, provoquant le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32363462/">développement ou l’exacerbation de pathologies respiratoires ou cardio-vasculaires</a>, etc. L’exposition aux PM2,5 (même à des taux inférieurs aux normes en vigueur) peut <a href="https://www.bmj.com/content/367/bmj.l6609.long">augmenter le risque d’accident vasculaire cérébral, de déficits cognitifs, de démence et de maladies d’Alzheimer et de Parkinson</a>.</p>
<p>● <strong>Le monoxyde de carbone (CO)</strong>, gaz formé lors de la combustion incomplète d’éléments carbonés. Véhicules à moteur, chauffages, incinérateurs, raffineries et nombre d’industries en sont de gros producteurs. Nos globules rouges ayant une affinité beaucoup plus forte pour le CO que pour le dioxygène (O<sub>2</sub>), il provoque une diminution rapide de l’oxygénation sanguine parfois jusqu’à la mort.</p>
<p>● <strong>Le dioxyde de soufre (SO<sub>2</sub>)</strong>, gaz soufré d’origine volcanique et industrielle. Si les émissions ont considérablement diminué ces dernières années dans les pays développés, ce n’est pas le cas partout – notamment lorsque mazout et diesel à haute teneur en soufre restent très utilisés. L’exposition au SO<sub>2</sub> provoque une augmentation des hospitalisations et décès de causes cardio-vasculaire ou respiratoire.</p>
<p>● <strong>Les oxydes d’azote (NOx)</strong>, gaz issu de combustibles riches en azote, issu du trafic routier ou des générateurs électriques principalement. Le dioxyde d’azote (NO<sub>2</sub>) est lui-même le précurseur clé d’une série de polluants secondaires d’origine photochimique, tels que l’ozone et les particules organiques, de nitrate et de sulfate mesurées comme PM10 ou PM2,5.</p>
<p>● <strong>Les composés organiques volatiles (COV)</strong>. Ils peuvent provenir d’une fuite de systèmes sous pression (gaz naturel, méthane, etc.) ou d’échappement, de l’évaporation d’un carburant (benzène, etc.) comme de la fumée de cigarette ou de produits ménagers. Leurs effets vont de la simple gêne olfactive à des effets cancérigènes. De plus, en se dégradant dans l’atmosphère du fait du rayonnement solaire et de la chaleur, ils provoquent la formation d’autres composés nocifs tels que l’ozone.</p>
<p>● <strong>L’ozone (O<sub>3</sub>)</strong>, un des <a href="https://theconversation.com/vers-une-accentuation-des-episodes-de-pollution-a-lozone-191454">polluants atmosphériques les plus répandus</a>. Il se forme à partir d’une réaction chimique entre les oxydes d’azote (NOx), le CO, la lumière du soleil et les hydrocarbures. Déplacé par le vent, il se concentre au niveau des grandes villes et les reliefs environnants, surtout par temps ensoleillé.</p>
<p>L’ozone est un fort irritant respiratoire, qui augmente les admissions hospitalières et décès, notamment chez les personnes atteintes de pathologies respiratoires. Il est également <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29103040/">impliqué dans le déclin cognitif</a>, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28063597/">démence</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25310992">maladie d’Alzheimer</a>.</p>
<h2>Normes des polluants</h2>
<p>La recherche sur le lien entre pollution et santé a permis à l’OMS d’établir des <a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/345329">seuils à ne pas dépasser</a>. Ces valeurs ont servi à la mise en place d’indices de qualité de l’air et de conseils pratiques – notamment en termes d’activité physique. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Niveaux pour les principaux polluants (particules fines, ozone, dioxyde d’azote et dioxyde de soufre)" src="https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Code couleurs pour l’indice de qualité de l’air de l’Agence Européenne de l’Environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Agence Européenne de l’Environnement</span></span>
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</figure>
<p>Ces indices ont un code couleur qui va de vert (bonne qualité de l’air) à violet foncé (mauvaise). On peut les retrouver sur les sites ou d’<a href="http://www2.prevair.org/">organismes officiels nationaux</a> ou régionaux, comme <a href="https://www.atmosud.org/">AtmoSud (région sud)</a> ou <a href="https://www.airparif.asso.fr/">AirParif (région Parisienne)</a>. Il en existe d’autres, internationaux, donnant une <a href="https://aqicn.org/map/france/fr/">vue d’ensemble</a> en <a href="https://www.iqair.com/fr/france">France</a>.</p>
<h2>Quand être vigilant lorsque l’on s’entraîne ?</h2>
<p>Dans certaines circonstances, la pratique sportive doit inciter à la vigilance… en extérieur comme en intérieur.</p>
<ul>
<li><strong>En cas de fort trafic automobile</strong></li>
</ul>
<p>La combustion de l’essence ou du diesel entraîne la production de gaz d’échappement contenant une série de polluants potentiellement nocifs : CO, NOx, COV et PM. En cas de chaleur et de températures élevées, de l’O<sub>3</sub> peut également se former en grande quantité.</p>
<p>L’usure des composants des freins et des pneus ainsi que du revêtement routier sont à prendre en compte. De même que la mise en suspension de particules de la surface de la route, par les turbulences générées ou par les forces de cisaillement entre le pneu et le sol.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-toutes-les-particules-fines-nont-pas-les-memes-effets-sur-la-sante-161261">Pollution de l'air : toutes les particules fines n’ont pas les mêmes effets sur la santé</a>
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<p>Les stades, souvent construits à proximité de grands axes routiers (pour en faciliter l’accès) et de parkings, sont donc des lieux potentiellement pollués au moment des matchs. À New Delhi, le marathon se déroule ainsi régulièrement dans des <a href="https://www.courrierinternational.com/dessin/delhi-un-semi-marathon-malgre-la-pollution">conditions dangereuses pour la santé</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Lors d’épandages agricoles</strong></li>
</ul>
<p>Le risque de se trouver exposé à des concentrations de pesticides est difficile à évaluer. Peu d’études en lien avec les activités sportives ont été menées, mais une revue systématique faite auprès de travailleurs des espaces verts exposés à ces substances a observé une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34352232/">augmentation de la fréquence des cancers et de la maladie de Parkinson</a> dans certains sites.</p>
<p>Une cohorte de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8732923/">682 responsables de terrains de golf</a> aux États-Unis a également montré une surmortalité due aux cancers, en particulier de la prostate et du gros intestin, des lymphomes non hodgkiniens et des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34352232">tumeurs du cerveau ou du système nerveux</a>. </p>
<ul>
<li><strong>Pendant des mégafeux de forêt</strong></li>
</ul>
<p>Dans son sixième rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">changement climatique entraînera une hausse d’environ 30 % de la fréquence des incendies</a>, responsables de <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">nombreux problèmes de santé</a>.</p>
<p>Incendies et mégaincendies libèrent de fortes concentrations de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) – entre autres polluants atmosphériques. De plus, les fumées peuvent parcourir des milliers de kilomètres et diffuser cette pollution.</p>
<p>En juin 2017, lors des incendies <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32041266/">au Portugal</a> et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004896971832672X">Espagne</a>, les instruments de mesure des polluants avaient atteint leur limite supérieure… Au Portugal, les concentrations journalières pour les PM avaient localement dépassé pendant 7 à 14 jours les recommandations européennes et nationales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-impacts-les-feux-de-foret-canadiens-peuvent-avoir-sur-la-sante-en-europe-208560">Quels impacts les feux de forêt canadiens peuvent avoir sur la santé en Europe ?</a>
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<p>En Australie, « l’été noir » (2019-2020) a connu cinq mois d’incendies dans l’est et le sud du pays. Les fumées ont été incriminées dans les problèmes respiratoires de nombreux tennismen et women à l’Open de tennis de Melbourne. Un exemple actuel est les <a href="https://theconversation.com/quels-impacts-les-feux-de-foret-canadiens-peuvent-avoir-sur-la-sante-en-europe-208560">mégafeux de forêt au Canada</a>, et l’image impressionnante du ciel orange new-yorkais début juin avec un air « irrespirable » et des activités sportives en extérieur à limiter.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LNFuiG5W8Xc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La fumée a perturbé l’Open d’Australie en 2020.</span></figcaption>
</figure>
<ul>
<li><strong>Au cours de certaines saisons</strong></li>
</ul>
<p>En France, les exercices en plein air peuvent entraîner des expositions généralement à des PM (dont les pollens au printemps) lorsque le climat est tempéré (automne-hiver-printemps), et à l’ozone lorsqu’il fait chaud (printemps-été). Avec le réchauffement climatique, les pollens sont également de plus en plus allergisants et gagnent du terrain.</p>
<ul>
<li><strong>Sur terrain synthétique</strong></li>
</ul>
<p>Il y a quelques années, terrains de loisir et gazon artificiel (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29090445/">comprenant du pneu recyclé</a>) ont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21907387/">suscité des inquiétudes du fait de leur composition</a> : <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CONSO2018SA0033RaEN.pdf">hydrocarbures aromatiques polycycliques, vulcanisants, plastifiants, antioxydants et métaux lourds</a>. Il y a un risque d’inhalation, d’ingestion et de contact avec des résidus problématiques.</p>
<p>Pour les PM, les risques concerneraient davantage leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30458352/">mutagénicité que la santé respiratoire directe</a>. Leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33513533/">quantité mesurée dans les terrains de sport</a> était supérieure aux seuils de sécurité légaux ou recommandés pour chaque composé, dont certains cancérigènes.</p>
<p>De plus, de nombreuses substances chimiques issues de la gomme de pneu ne font encore <a href="https://www.echa.europa.eu/clp-2017">l’objet d’aucune directive quant à leurs éventuels effets nocifs</a>…</p>
<ul>
<li><strong>En intérieur</strong></li>
</ul>
<p>Pratiquer en intérieur expose à des risques spécifiques. Il y a la pollution de l’air intérieur en propre, et celle provenant de l’extérieur – petites PM et ozone notamment. Ce dernier réagit souvent avec les surfaces intérieures.</p>
<p>Des études récentes, mais encore insuffisantes, ont mesuré la pollution en PM, COV et CO<sub>2</sub> dans les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29127930/">gymnases, les centres de fitness et les salles de sport</a>. Leurs concentrations sont essentiellement <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29127930/">fonction du nombre de participants, du type d’activité et de ventilation</a>. Parce qu’il remet peu en suspension les particules présentes, le yoga a <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29127930/">moins d’impact</a> que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25958360/">body attack</a> par exemple. </p>
<p>Les concentrations élevées en COV peuvent provenir du désinfectant pour les mains à base d’alcool distribué dans les centres de fitness ou les produits de nettoyage, des diffuseurs ou parfums, mais également du matériel récent (tapis, petit matériel de fitness, etc.).</p>
<h2>Effets sur la performance</h2>
<p>Il faut noter que certains sportifs sont plus sensibles que d’autres. Les effets sur la performance ont été étudiés de deux façons : en rassemblant les temps réalisés par des athlètes sur une course sur différentes saisons, et en suivant les meilleurs résultats lors de marathons internationaux. Ces résultats ont ensuite été mis en lien avec les mesures environnementales et climatiques locales.</p>
<p>● <strong>Particules.</strong> Une augmentation des PM2,5 et PM10 augmenterait le temps de course au marathon et au 5 km (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19952812/">chez les femmes</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36725956/">mais pas que</a>). Il y a deux explications possibles : par une baisse de la VO<sub>2</sub> max (quantité maximale d’oxygène que notre corps peut utiliser pendant l’exercice) et une augmentation de la perception de l’effort.</p>
<p>Cette corrélation existe <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32033838/">même si les seuils de l’OMS ne sont pas dépassés</a>, mais ces variations de performance ne sont alors <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30662486/">pas forcément perceptibles à l’échelle individuelle</a> ou sur des études de courte durée.</p>
<p>Chaque augmentation de 10 µg/m<sup>3</sup> de PM10 <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19952812/">augmentait par contre le temps de course de 1,4 % chez les femmes marathoniennes</a>. Et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1527002518822701">plus l’air est pollué, plus les effets sont visibles</a>. Un marathonien moyen aurait mis environ 12 minutes de plus pour franchir la ligne d’arrivée lors du marathon de Beijing en 2014, lorsque l’air était très pollué, comparé à un jour où l’air aurait été moyennement pollué.</p>
<p>● L’<strong>ozone</strong> semble le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22649525/">plus impactant pour la performance</a>. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29737586/">En plus de les diminuer</a>, il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6071610/">augmente le nombre d’abandons d’effort</a> – parfois jusqu’à 50 % en cas de concentration importante.</p>
<p>À faible concentration, les effets sont peu perceptibles au niveau de l’individu, mais un auteur a estimé la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29737586">baisse de performance à 0,39 % pour chaque augmentation d’environ 20 µg/m<sup>3</sup> d’O<sub>3</sub></a>.</p>
<p>Le plus souvent, ozone et PM combinent leurs effets. Le suivi des données de cinq Ironman se déroulant chaque année aux États-Unis sur sept ans ont permis de montrer que l’ozone impactait la performance en natation, et les PM2,5 plutôt celles en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35940024/">cyclisme et course à pied</a>. Chaque augmentation de 20 µg/m<sup>3</sup> d’ozone augmente le temps final moyen de 1 % et chaque augmentation de 1 mg/m<sup>3</sup> de PM2,5 de 0,12 %.</p>
<p>De façon cohérente, les marathoniens les plus entraînés, finissant plus vite les épeuves, sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35752238/">moins affectés par les effets des polluants</a>.</p>
<p>Des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34948538/">données comparables ont été obtenues pour les sports collectifs</a>. Chez des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0927537117302658?via%3Dihub">joueurs professionnels de la Bundesglia</a> et des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37146470/">adolescents footballeurs</a>, une baisse de la distance parcourue, des efforts à haute intensité ainsi que du nombre de passes ont été reportés en lien avec la qualité de l’air.</p>
<p>Dans la National Football League aux États-Unis, il a été montré que la <a href="https://www.researchgate.net/publication/367719978_Air_Quality_and_Employee_Performance_in_Teams_Evidence_from_the_NFL">défense était moins efficace quand les PM₂⋅₅ étaient élevées</a>.</p>
<p>Les arbitres professionnels ne sont pas épargnés. Le nombre d’erreur d’arbitrage augmenterait ainsi de 11 % pour chaque hausse de 1ppm de CO (moyenne sur 3h) et de 2,6 % des PM2,5 (moyenne sur 12h).</p>
<p>Les effets de la pollution sur la performance sont souvent masqués par ceux, plus importants, de la chaleur. Ils sont pourtant bien présents et, s’ils sont parfois de faibles envergures, ils suffisent à modifier un podium ou un score qui se joue à quelques secondes…</p>
<p>L’avenir du sport dans un environnement toujours plus chaud et pollué sera-t-il de sélectionner des athlètes moins sensibles aux polluants afin d’optimiser les performances de leur équipe ? Et surtout, que fait-on de ces informations en termes de santé publique ?</p>
<hr>
<p><em>Manon Friocourt est étudiante en Master STAPS (LAMHESS, Université Côte d’Azur). Elle travaille sur les effets des polluants sur la performance, sous la direction de Valérie Bougault, et a contribué à la réalisation de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207964/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Bougault est Conseillère scientifique bénévole de l'équipe de VTT professionnelle Orbea Factory Team et a dirigé un groupe de travail sur pollution, sport et maladies respiratoires pour la commission médicale du CIO.</span></em></p>Intuitivement, on se doute que sport et pollution ne font pas bon ménage. Quels sont les effets des principaux polluants atmosphériques ? Et quand (et où) faut-il fait le plus attention ?Valérie Bougault, Maître de Conférences, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2085602023-06-27T18:23:41Z2023-06-27T18:23:41ZQuels impacts les feux de forêt canadiens peuvent avoir sur la santé en Europe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534281/original/file-20230627-23-t33ggp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C212%2C1988%2C1254&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prévision de la localisation du panache d'aérosols provenant des mégafeux en cours au Canada pour mercredi 28 juin.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://atmosphere.copernicus.eu/charts/packages/cams/products/aerosol-forecasts?base_time=202306270000&layer_name=composition_aod550&projection=classical_global&valid_time=202306280900">Copernicus Atmosphere Monitoring Service (CAMS)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>La fumée de <a href="https://www.ciffc.ca/">plus d’une centaine de feux de forêt</a> au Canada s’est répandue jusque dans les villes nord-américaines, pourtant situées loin des foyers. Le 7 juin 2023, New York et Detroit ont ainsi été classées parmi les <a href="https://www.iqair.com/us/world-air-quality-ranking">cinq villes les plus polluées du monde</a> à cause de ces lointains incendies. La fumée de ces mégafeux traverse maintenant l’Atlantique vers l’Europe – avec un pic attendu en France mercredi ou jeudi.</em></p>
<p><em><a href="https://www.umt.edu/biomedical-pharmaceutical-sciences/people/faculty.php?ID=1345">Chris Migliaccio</a>, toxicologue à l’université du Montana, étudie l’impact de la fumée des incendies de forêt sur la santé humaine. Quels sont les risques auxquels on peut être confrontés, même à des centaines de kilomètres de distance ?</em></p>
<p>(<em>Mark Parrington, du Service de surveillance de l’atmosphère de Copernicus (CAMS), estime <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230626-incendies-au-canada-montr%C3%A9al-suffoque-peu-probable-que-l-air-europ%C3%A9en-soit-affect%C3%A9">peu probable que cela ait un impact majeur sur l’air en Europe</a>, le nuage étant à plusieurs km d’altitude. Mais tous les services d’observation restent vigilants, ndlr.</em>)</p>
<hr>
<h2>Qu’est-ce qui pose problème dans la fumée des incendies de forêt ?</h2>
<p>Lorsque nous parlons de la qualité de l’air, nous parlons souvent des « PM2,5 ». Il s’agit de particules en suspension dans l’air d’un diamètre de 2,5 microns ou moins, suffisamment petites pour pénétrer profondément dans les poumons.</p>
<p>L’exposition aux PM2,5 provenant de la fumée, ou d’autres pollutions atmosphériques telles que les émissions des véhicules, peut exacerber des problèmes de santé tels que l’asthme et réduire la fonction pulmonaire. Ce qui peut aggraver les problèmes respiratoires existants de même que certaines maladies cardiaques.</p>
<p>Mais le terme PM2,5 ne renseigne que sur la taille : pas sur la composition – ce qui brûle dans l’incendie qui les libère peut faire une différence significative dans la chimie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673390779065069568"}"></div></p>
<p>Dans le nord des Rocheuses, la plupart des incendies sont alimentés par la végétation, mais <a href="https://doi.org/10.1289/EHP3450">toutes les végétations ne sont pas identiques</a>.</p>
<p>De plus, si l’incendie se situe dans les zones périurbaines, à la jonction entre ville et nature, les combustibles manufacturés provenant des habitations et des véhicules peuvent également brûler, ce qui va <a href="https://nap.nationalacademies.org/catalog/26460/the-chemistry-of-fires-at-the-wildland-urban-interface">créer une autre chimie toxique</a>. On peut mentionner les <a href="https://www.cdc.gov/climateandhealth/effects/wildfires.htm">composés organiques volatils</a> (COV), le monoxyde de carbone (CO) et les <a href="https://www.cdc.gov/biomonitoring/PAHs_FactSheet.html">hydrocarbures aromatiques polycycliques</a> (HAP) produits lors de la combustion qui sont susceptibles de <a href="https://theconversation.com/comment-la-pollution-atmospherique-impacte-la-pratique-sportive-207964">nuire à la santé humaine</a>.</p>
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<h2>Quels sont les risques pour la santé ?</h2>
<p>Si vous avez déjà été près d’un feu de camp et que vous avez reçu un panache de fumée au visage, vous avez probablement ressenti une certaine gêne… L’exposition à la fumée des feux de forêt entraîne en effet une <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2021GH000578">irritation du nez et de la gorge, voire une inflammation locale</a>. Si vous êtes en bonne santé, votre corps sera bien sûr largement capable de le supporter.</p>
<p>Comme pour beaucoup de choses, c’est la dose qui fait le poison – presque tout peut être nocif à une certaine dose…</p>
<p>En général, les cellules immunitaires situées dans nos poumons, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK513313/">macrophages</a>, y ramassent les particules étrangères et les éliminent – jusqu’à une certaine dose, donc. C’est lorsque le système est débordé qu’il peut y avoir un problème.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration d’une petite section de poumons montrant les alvéoles et, à l’intérieur des alvéoles, des macrophages" src="https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534295/original/file-20230627-22-e1bn10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">C’est au niveau des alvéoles pulmonaires que se font les échanges gazeux de la respiration. S’y trouvent également des cellules du système immunitaire : des macrophages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Brieux, Anatomy and Physiology</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’une des préoccupations est que la fumée peut <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-31459-6">neutraliser l’action des macrophages</a>, ou tout du moins la modifier suffisamment pour que vous deveniez plus sensible aux infections respiratoires.</p>
<p>Une étude sur le temps de latence dans l’effet de l’exposition à la fumée des feux de forêt a montré une <a href="https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.105668">augmentation des cas de grippe après une mauvaise saison d’incendies</a>. D’autres, menées dans les pays en développement, ont de la même façon révélé une augmentation des <a href="https://doi.org/10.1016/j.atmosenv.2022.119055">infections respiratoires</a> chez les personnes qui <a href="http://dx.doi.org/10.1136/thx.2010.147884">cuisinent sur des feux ouverts</a> dans les maisons.</p>
<p>Le stress d’une réaction inflammatoire peut également exacerber des problèmes de santé existants. Le fait d’être exposé à la fumée de bois ne provoquera pas en soi une crise cardiaque… mais si une personne présente des facteurs de prédisposition sous-jacents, tels qu’une accumulation importante de plaques d’athérome en cas de cholestérol, le stress supplémentaire peut augmenter le risque.</p>
<p>Les chercheurs étudient aussi les effets potentiels <a href="https://theconversation.com/breathing-wildfire-smoke-can-affect-the-brain-and-sperm-as-well-as-the-lungs-166548">sur le cerveau</a> et le <a href="https://ehp.niehs.nih.gov/doi/full/10.1289/EHP10498">système nerveux</a> des <a href="https://www.epa.gov/isa/integrated-science-assessment-isa-particulate-matter">particules inhalées</a>.</p>
<h2>Lorsque la fumée se propage sur de longues distances, sa toxicité change-t-elle ?</h2>
<p>Nous savons que la chimie de la fumée des incendies de forêt change. Plus elle reste longtemps dans l’atmosphère, plus <a href="https://theconversation.com/wildfire-smoke-changes-dramatically-as-it-ages-and-that-matters-for-downwind-air-quality-heres-what-we-learned-flying-through-smoke-plumes-151671">elle sera altérée</a> par la lumière ultraviolette. Nous avons encore toutefois <a href="http://doi.org/10.1016/j.etap.2017.08.022">beaucoup à apprendre</a> sur le sujet.</p>
<p>Les chercheurs ont tout de même constaté qu’il semble y avoir un niveau d’oxydation plus élevé : plus la fumée reste longtemps dans l’air, plus des oxydants et des radicaux libres sont générés. Si les effets spécifiques sur la santé ne sont pas encore clairs, il semble qu’une plus grande exposition entraîne des <a href="https://doi.org/10.1155/2017/8416763">effets plus importants</a>.</p>
<p>L’hypothèse est que plus la fumée est exposée aux rayons UV, plus il y a de <a href="https://ec.europa.eu/research-and-innovation/en/horizon-magazine/four-times-more-toxic-how-wildfire-smoke-ages-over-time">radicaux libres formés</a>, et plus le risque d’effets nocifs est élevé. Là encore, il s’agit en grande partie d’une question de dose.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Skyline de Denvers, complètement bouchée" src="https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527317/original/file-20230519-19-n25dl9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Denver a été classée parmi les villes les plus polluées au monde le 19 mai 2023, en grande partie à cause de la fumée des incendies de forêt en provenance de l’Alberta, au Canada.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/cdpheapcd/status/1659537882133204992">Colorado Air Pollution Control Division</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si vous êtes en bonne santé, il est plus que probable qu’une promenade à vélo ou une randonnée dans une fumée légère ne soit pas un problème pour vous : votre corps sera parfaitement capable de récupérer.</p>
<p>En revanche… si vous faites cela tous les jours pendant un mois dans la fumée d’un incendie, cela soulève d’autres questions.</p>
<p>J’ai ainsi participé à des études avec des habitants de Seeley Lake, dans le Montana, qui ont été exposés à des niveaux dangereux de PM2,5 provenant de la fumée des incendies de forêt pendant 49 jours en 2017. Un an plus tard, nous constations toujours une <a href="https://doi.org/10.3390/toxics8030053">diminution de leur fonction pulmonaire</a>. Personne n’a dû être placé sous oxygène, mais il y avait une baisse significative.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-pollution-atmospherique-impacte-la-pratique-sportive-207964">Comment la pollution atmosphérique impacte la pratique sportive</a>
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<p>Il s’agit d’un domaine de recherche relativement nouveau, et nous avons encore beaucoup à apprendre, en particulier avec l’augmentation de l’activité des feux de forêt à mesure que la planète se réchauffe.</p>
<h2>Quelles précautions peut-on prendre ?</h2>
<p>S’il y a de la fumée dans l’air, la seule chose à faire est d'essayer de réduire votre exposition.</p>
<p>Peut-on éviter la fumée ? Non, à moins d’être dans une maison hermétiquement fermée ou que vous disposiez d’un très bon système de chauffage, ventilation et climatisation, disposant par exemple de <a href="https://www.epa.gov/indoor-air-quality-iaq/what-merv-rating">filtres MERV 15 ou supérieurs</a>.</p>
<p>Les niveaux de particules ne sont en effet généralement pas très différents à l’intérieur et à l’extérieur. Mais le fait d’être à l’intérieur diminue votre activité : votre rythme respiratoire est donc plus lent et la quantité de fumée que vous inhalez est probablement plus faible.</p>
<p>Nous avons également tendance à conseiller aux personnes potentiellement plus vulnérables, comme les asthmatiques, de créer un espace sûr à la maison et au bureau avec un système de filtration d’air autonome de haut niveau pour créer un espace où l’air est plus pur.</p>
<p>Certains <a href="https://doi.org/10.1038/s41370-020-00267-4">masques peuvent aider</a>. Un <a href="https://theconversation.com/masques-chirurgicaux-et-ffp2-deux-enquetes-pour-verifier-leur-innocuite-175388">masque FFP2</a> (bien connu depuis le Covid) ne fait pas de mal par exemple. Par contre, un simple masque en tissu ne sera pas d’une grande utilité.</p>
<p>La plupart des États, <a href="http://www2.prevair.org/">dont la France</a>, disposent de moniteurs de qualité de l’air qui peuvent vous donner une idée de la qualité de l’air, alors vérifiez ces sites et agissez en conséquence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher T. Migliaccio a reçu des financements du NIH et de la HRSA pour ses travaux sur les effets de la fumée de bois sur la santé.
</span></em></p>Les fumées des mégafeux qui ravagent le Canada sont en train d’atteindre l’Europe et la France. Que contiennent ces panaches ? Leur composition varie-t-elle ? Et quel impact sur la santé ?Christopher T. Migliaccio, Research Associate Professor in Toxicology, University of MontanaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014352023-06-15T07:11:27Z2023-06-15T07:11:27ZLe réchauffement climatique modifie la forêt boréale et la toundra canadiennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515587/original/file-20230315-2597-i6ezz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5447%2C3059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les effets des changements climatiques sur la forêt boréale canadienne sont complexes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le réchauffement climatique a des effets sur la forêt boréale – l’évolution de la situation dépendra du climat, de la végétation et de la fréquence et de l’intensité des feux de forêt. Le Nord peut connaître différents changements, comme une augmentation et une diminution de la croissance des feuilles, appelées <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-019-0688-1">verdissement et brunissement arctiques</a>, une <a href="https://www.arctictoday.com/shrubification-mean-arctic/">croissance accrue des arbustes</a> et un <a href="https://doi.org/10.1007/s11629-020-6221-1">déplacement de la limite des arbres</a>. C’est l’interaction entre le feu, le climat et le temps qui détermine la nature de la toundra forestière d’aujourd’hui et la façon dont elle évolue en réponse à la variabilité climatique.</p>
<h2>Paysages qui s’enflamment et fronts météorologiques</h2>
<p>Les incendies constituent un élément important de la région boréale, car ils brûlent les vieux arbres et permettent la régénération de la forêt. Après un feu, les arbustes et les arbres feuillus poussent rapidement et forment la canopée, avant d’être remplacés par des épinettes à croissance plus lente. Il en résulte un paysage constitué d’une mosaïque de parcelles, chacune de la taille d’un incendie.</p>
<p>Une augmentation du nombre d’incendies pourrait faire en sorte qu’une plus grande partie du paysage se trouve à un stade précoce de la croissance post-incendie, avec notamment des arbustes et des arbres feuillus qui sont moins inflammables. À l’heure actuelle, la forêt est davantage inflammable, car le passé récent fait en sorte que le paysage est majoritairement dominé par les épinettes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une rangée d’arbres sur une colline" src="https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">On peut voir à l’arrière-plan les séquelles d’un incendie récent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Konrad Gajewski)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La nature de la toundra forestière dépend de la variabilité de la position du front arctique et de l’historique des feux de forêt de la région, mais aussi de son histoire des derniers millénaires.</p>
<h2>La toundra forestière québécoise</h2>
<p>La limite des arbres, c’est-à-dire l’endroit où la forêt rencontre la toundra, peut s’étendre sur des dizaines, voire des centaines de kilomètres. Son emplacement correspond à la <a href="https://doi.org/10.1002/joc.1940">position moyenne du front arctique</a> – une zone de transition entre une masse d’air arctique froide et de l’air plus chaud.</p>
<p>Dans le nord du Québec, la <a href="https://doi.org/10.1641/0006-3568(2001)051%5B0709:TSFTTS%5D2.0.CO;2">zone de toundra forestière est vaste</a>. Dans la <a href="https://cwfis.cfs.nrcan.gc.ca/renseignements/fueltypes/c1">pessière à lichens</a>, les arbres croissent sur l’ensemble du territoire. Après un incendie, les arbres repoussent, car la saison de croissance est suffisamment longue pour permettre aux jeunes plants de survivre.</p>
<p>Plus au nord, le sommet des collines n’a plus d’arbres et l’altitude où commence la végétation de la toundra est de plus en plus basse, couvrant de plus en plus le paysage. Les arbres poussent encore à basse altitude et se régénèrent après un incendie.</p>
<p>Si on continue vers le nord, la toundra couvre encore davantage le paysage, et les épinettes ne poussent plus qu’autour des lacs ou dans les vallées. Elles prennent une forme rabougrie, qu’on appelle <a href="https://doi.org/10.2307/3673062">krummholz</a>, car leur croissance est ralentie par les conditions froides et venteuses. Les épinettes adoptent cette forme arbustive lorsqu’elles sont soumises à un stress, les branches restant près du sol et seules quelques pousses dépassant le niveau de la neige.</p>
<p>Une petite colonie de krummholz peut se maintenir pendant des siècles dans des conditions qui ne sont pas optimales. Après un incendie, les épinettes meurent et il n’y a pas de reproduction, de sorte qu’au fil des siècles, cette zone devient progressivement déboisée. Toutefois, si le climat change favorablement, les arbres reprennent une croissance normale et peuvent établir de nouvelles populations par le biais de graines.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un groupe d’épicéas poussant de manière rabougrie" src="https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Épinettes dans une colonie de krummholz dans le nord du Québec.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Konrad Gajewski)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Histoire des changements climatiques</h2>
<p>De longues périodes de refroidissement ou de réchauffement entraînent le déplacement de différentes zones vers le sud ou vers le nord. Quand le climat se réchauffe, les arbres poussent plus au nord, ce qui n’est pas le cas pendant les périodes froides.</p>
<p>Lorsque la calotte glaciaire qui recouvrait la quasi-totalité du Canada a fondu, il y a entre 20 000 et 6 000 ans, les plantes ont migré vers le nord. Dans la région du delta du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, la glace s’est retirée relativement tôt et les arbres sont arrivés il y a plus de 10 000 ans.</p>
<p>À mesure que la calotte glaciaire poursuivait sa fonte, dénudant le centre du Canada, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2015.02.003">climat se refroidissait dans le nord du Yukon et dans la région du delta du Mackenzie, mais se réchauffait dans le centre du Canada</a>, il y a entre 8 000 et 5 000 ans. Les arbres ne pouvant survivre dans la région la plus au nord du delta du Mackenzie, la limite des arbres s’est déplacée vers le sud. Dans la partie centrale du Canada, les arbres pouvaient désormais pousser plus au nord. Plus tard, lorsque la glace a disparu au Québec, les arbres y ont migré vers le nord. Ce mouvement a été rapide, et les changements dans les différentes régions se sont produits de manière synchronisée, mais déphasée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="ALT" src="https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La toundra forestière (limite des arbres) dans le nord du Québec. En haut à gauche : forêt à lichens. En haut à droite : sous-zone arborée du sud de la toundra forestière. En bas à gauche : sous-zone arbustive du nord de la toundra forestière. En bas à droite : toundra arbustive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Konrad Gajewski)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Migration des plantes et déplacement de la limite des arbres</h2>
<p>La migration des plantes en réponse aux changements climatiques fonctionne de deux façons. Le réchauffement peut occasionner une lente migration vers le nord. Les graines sont dispersées loin de la plante mère et, si les conditions climatiques sont favorables, chaque génération peut s’établir un peu plus au nord. Comme le climat est toujours variable, ce phénomène se produit par à-coups.</p>
<p>Un deuxième mécanisme – plus important – est la migration sur une longue distance. Le transport de graines ou d’arbres entiers par les rivières, la neige ou la glace, ou par des oiseaux ou des animaux, permet une migration pouvant aller jusqu’à des milliers de kilomètres en très peu de temps. <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2015.09.006">C’est ce qui semble s’être produit dans le passé</a>, et ce processus assure une migration rapide vers de nouvelles zones sous l’effet d’un réchauffement climatique.</p>
<h2>Réchauffement actuel</h2>
<p>Au cours des 4 000 dernières années, un refroidissement de longue durée, appelé néoglaciation, est <a href="https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2018.12.025">à l’origine de la nature de la toundra forestière d’aujourd’hui</a>. Auparavant, les populations d’arbres étaient plus abondantes dans le nord du Québec. Avec le refroidissement, les arbres sont devenus des arbustes et ont cessé de se reproduire. Les incendies en ont éliminé une partie et, comme il n’y avait pas de reproduction, la région a pris son aspect actuel.</p>
<p>Aujourd’hui, à mesure que le climat se réchauffe, les krummholz vont s’étendre, croître et se reproduire. Il existe donc une vaste zone que les arbres peuvent coloniser, ce qui laisse supposer que la limite des arbres pourrait se déplacer rapidement vers le nord. Le transport de graines sur de longues distances dans le nord du Canada permettra également une migration rapide.</p>
<p>Il convient toutefois de tenir compte de l’incidence relative du réchauffement climatique et de l’augmentation des incendies. Ainsi, le réchauffement actuel du nord du pays aura des effets complexes sur la végétation nordique, les régions n’y réagissant pas toutes de la même façon, certains processus se produisant rapidement et d’autres beaucoup plus tard.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201435/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Konrad Gajewski a reçu des financements du CRSNG.</span></em></p>La forêt boréale canadienne est affectée par le réchauffement de la planète, le changement climatique et la fréquence des feux de forêt.Konrad Gajewski, Professor, Geography, Environment and Geomatics, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039792023-04-18T15:37:00Z2023-04-18T15:37:00ZIncendie de Notre-Dame : un cas de « surprise prévisible » qui aurait pu être évité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521333/original/file-20230417-22-u6hui8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=134%2C32%2C1063%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a quatre ans, la cathédrale emblématique de Paris était ravagée par les flammes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/145497889@N06/47563907512">Vfutscher/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 avril 2019, la cathédrale <a href="https://theconversation.com/fr/topics/notre-dame-de-paris-69564">Notre-Dame de Paris</a> a été dévastée par un incendie. En quelques heures, la flèche et les deux tiers de la toiture se sont effondrés. L’intérieur de la cathédrale a également subi des dégâts importants. Deux mois après l’incendie, le parquet de Paris a rendu publics les résultats de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/notre-dame-aucun-element-accreditant-une-origine-criminelle-d-apres-l-enquete-preliminaire-parquet-de-paris-26-06-2019-2321221_23.php">l’enquête préliminaire</a>. Comme il n’y a pas eu d’intrusion dans la cathédrale et que l’analyse des débris de la toiture n’a pas permis de retrouver de traces d’hydrocarbures, les enquêteurs ont écarté la piste criminelle. Ils ont avancé deux autres hypothèses pour expliquer le désastre.</p>
<p>La première hypothèse est une cigarette mal éteinte. Au moment de l’incendie, des travaux de restauration de la charpente et de la toiture étaient en cours à Notre-Dame. Interrogés par les enquêteurs, plusieurs ouvriers ont reconnu avoir fumé sur les échafaudages. L’analyse ADN des mégots récupérés à la base des échafaudages a confirmé leurs déclarations. Toutefois, l’incendie a démarré à l’intérieur de la cathédrale et les enquêteurs n’ont pas réussi à déterminer si les ouvriers avaient fumé à l’intérieur de la cathédrale. La seconde hypothèse est un court-circuit. Les ouvriers avaient entreposé une partie des échafaudages dans les combles. Il est possible que ce stockage ait abimé les branchements électriques des cloches et déclenché un court-circuit.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119164304064827392"}"></div></p>
<p>Mais l’incendie de Notre-Dame ne peut pas s’expliquer entièrement par des erreurs commises par les employés « de première ligne ». Comme la plupart des autres désastres, ses causes sont plus profondes.</p>
<h2>La sécurité n’était pas une priorité</h2>
<p>D’une part, le système de sécurité incendie (SSI) de la cathédrale présentait des failles importantes. Alors que ces équipements auraient sans doute permis de sauver les combles et la flèche de Notre-Dame, il ne prévoyait ni cloisons coupe-feu ni système de brumisation automatique. Il reposait entièrement sur la détection et l’intervention humaine rapide pour étouffer le plus rapidement possible un éventuel début d’incendie.</p>
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<p>D’autre part, la sécurité ne semble pas avoir été une priorité à Notre-Dame. Alors que des travaux importants étaient en cours, le chantier ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière. Comme l’a raconté un employé de la cathédrale :</p>
<blockquote>
<p>« Contrairement à ce qui a pu être dit, personne n’allait vérifier le chantier après le départ des ouvriers. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0090261623000104">article</a> récent, nous avançons également l’hypothèse selon laquelle l’incendie de Notre-Dame est une « surprise prévisible » qui aurait pu être évitée. Les chercheurs américains et Michael D. Watkins et Max H. Bazerman définissent une <a href="https://hbr.org/2003/04/predictable-surprises-the-disasters-you-should-have-seen-coming">surprise prévisible</a> comme « un événement ou un ensemble d’événements qui prennent un individu ou un groupe par surprise, alors qu’ils disposaient de toutes les informations nécessaires pour anticiper ces événements et leurs conséquences ».</p>
<h2>Recommandations non suivies</h2>
<p>Quatre caractéristiques distinguent les surprises prévisibles des événements impossibles à prédire.</p>
<p><strong>Premièrement, les dirigeants savent que des problèmes existent… mais ils ne font rien pour les résoudre.</strong> Les incendies sont <a href="https://www.la-croix.com/France/En-France-triste-inventaire-monuments-historiques-incendies-2020-07-18-1201105487">fréquents dans les monuments historiques</a>. Le rôle joué par les travaux est également bien connu. D’après un architecte des monuments historiques :</p>
<blockquote>
<p>« On sait bien que ces incendies surviennent souvent dans ces moments-là, quand ces vieux édifices sont un peu remués ».</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, la sécurité n’a pas été renforcée pendant les travaux. Trois ans avant le désastre, des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) avaient également <a href="https://www.letemps.ch/monde/europe/notredame-etait-danger-un-rapport-oublie-laffirmait-2016">tenté d’alerter</a> les pouvoirs publics sur la vulnérabilité de la cathédrale face à un éventuel incendie. Comme l’a dit l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avions dit en effet (que) le risque d’un embrasement de la toiture existait et qu’il fallait absolument la protéger et installer un système d’extinction ».</p>
</blockquote>
<p>Malheureusement, les recommandations de ce rapport n’ont jamais été suivies.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119149271150804994"}"></div></p>
<p><strong>Deuxièmement, les employés se rendent compte que ces problèmes s’aggravent… mais personne ne les écoute.</strong> À Notre-Dame, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) était chargée de la sécurité incendie. Comme elle a mal entretenu le SSI, il a <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/05/31/a-notre-dame-les-failles-de-la-protection-incendie_5470055_3246.html">rapidement connu des dysfonctionnements</a>. D’après un agent de sécurité :</p>
<blockquote>
<p>« Il y avait des déclenchements intempestifs dans les tours et les combles. À un moment, plus d’une dizaine dans la journée… Alors comme cela devenait insupportable, la Drac nous a carrément demandé de mettre le système en veille restreinte. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil du temps, la Drac a également <a href="https://www.paj-mag.fr/2019/10/23/notre-dame-de-paris-six-mois-apres/">allégé le dispositif de sécurité</a>. Elle a notamment réduit le nombre d’agents de sécurité et décidé de fermer le PC sécurité la nuit. Cette situation préoccupait beaucoup les agents de sécurité. Pour l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Je trouvais que c’était devenu trop dangereux. J’en parlais à ma femme, je lui disais qu’on était tellement peu nombreux là-bas que, s’il se passait quelque chose, la responsabilité était trop grande. »</p>
</blockquote>
<p><strong>Troisièmement, résoudre ces problèmes impliquerait des dépenses non négligeables.</strong> Comme on l’a vu, les enquêteurs ont avancé deux hypothèses pour expliquer l’incendie de Notre-Dame : une cigarette mal éteinte et un court-circuit. Ils ont également conclu à « une dégradation involontaire par incendie par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». En d’autres termes, le désastre provient essentiellement de négligences en matière de sécurité. La sécurité a un coût. Comme beaucoup d’autres organisations, la Drac n’a pas assez investi dans ce domaine… et les conséquences ont été dramatiques.</p>
<h2>Une préférence pour le statu quo</h2>
<p><strong>Quatrièmement, résoudre ces problèmes nécessiterait la remise en cause le <em>statu quo</em>.</strong> Bien que les failles du SSI de la cathédrale soient rapidement apparues, son concepteur et son successeur ont toujours refusé de revenir sur la décision d’équiper la charpente de cloisons coupe-feu et <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/04/19/pourquoi-n-y-avait-il-pas-d-extincteurs-automatiques-dans-la-cathedrale_1722451/">d’extincteurs automatiques</a>. Leur réticence à « mutiler » la charpente a finalement conduit à sa destruction complète. Alors que le clergé aurait pu demander à la Drac d’améliorer les normes de sécurité à Notre-Dame, il a – lui aussi – préféré le <em>statu quo</em>. Cela lui a notamment permis de <a href="https://www.europe1.fr/societe/incendie-a-notre-dame-de-paris-des-cloches-electrifiees-a-lorigine-du-sinistre-3894921">faire électrifier plusieurs cloches</a> dans les combles et la flèche… ce qui est contraire à toutes les règles de sécurité.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-les-sciences-au-service-de-notre-dame-de-paris-188755">Dossier : Les sciences au service de Notre-Dame de Paris</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Quatre ans après l’incendie de Notre-Dame, le dossier est <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/notre-dame-de-paris-l-enquete-sur-l-origine-de-l-incendie-bientot-classee-20220819">sur le point d’être classé</a>. Le ministère de la Culture semble cependant avoir tiré des enseignements de cette surprise prévisible. En 2020, il a demandé un <a href="https://www.sudouest.fr/france/notre-dame-de-paris/notre-dame-de-paris-quot-plan-de-securite-quot-des-cathedrales-sept-monuments-ne-sont-toujours-pas-aux-normes-2007524.php">audit des 86 autres cathédrales françaises</a> en recommandant de porter « une attention toute particulière aux installations électriques et aux procédures mises en place à l’occasion de travaux ».</p>
<p>En février 2022, le Général Georgelin, président de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale, a également annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/14/jean-louis-georgelin-avec-notre-dame-de-paris-on-reconstruit-une-cathedrale-du-xxi-si%C3%A8cle_6169448_3246.html">l’installation de parois coupe-feu</a> et d’un système de brumisation des poutres. C’est une bonne nouvelle… mais la charpente du XIII<sup>e</sup> siècle et la flèche sont perdues à jamais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Barthélemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alertes sur les risques, inertie face aux problèmes de sécurité identifiés… Le drame du 15 avril 2019 présente des caractéristiques qui le distinguent des événements impossibles à prédire.Jérôme Barthélemy, Professeur et Directeur Général Adjoint, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913212022-11-21T19:35:18Z2022-11-21T19:35:18ZForêts en péril : comment l’imagerie et la big data peuvent contribuer à les protéger ?<p>Avec plus de <a href="https://www.liberation.fr/environnement/climat/une-cinquantaine-dinterpellations-en-france-apres-un-ete-catastrophique-sur-le-front-des-incendies-20220923_4O6DB72VBFDXJB2ZO6GZH2HQLM/">65 000 hectares de végétation</a> partis en fumée, l’été 2022 aura été celui des incendies et s’inscrit parmi les pires de ces dernières décennies, avec 2003 et 2019.</p>
<p>Ces feux, qui ne se limitent plus à la seule zone méditerranéenne, provoquent leur lot de victimes au sein de la population et chez les pompiers, de destructions, de pertes économiques et environnementales. Des assauts répétés du climat qui engendrent aussi une dégradation progressive de la santé des arbres.</p>
<p>Au fil du siècle dernier, des outils de diagnostic ont émergé pour suivre de près l’état des forêts. Aujourd’hui, les progrès de l’imagerie offrent un potentiel immense.</p>
<h2>Forêts fragiles, la lente prise de conscience</h2>
<p>Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, les forestiers constatent l’émergence de nouveaux pathogènes des arbres – oïdium du chêne, chancre du châtaignier, dendroctone… Mais il faudra attendre 1958 pour que soit créé l’inventaire forestier national, institut destiné à récolter des statistiques sur les forêts.</p>
<p>Ce n’est que dans les années 1960 que se mettent en place les premiers observatoires puis les premiers suivis de l’état des forêts métropolitaines. La sécheresse de 1976, la mortalité des chênes de la forêt de Tronçais ou encore les dépérissements des résineux dans l’Est entraînent la création d’un département santé des forêts (DSF) au sein du ministère de l’Agriculture en 1989. Est alors établi un suivi de l’état d’environ 12 000 arbres sur 600 placettes permanentes installées de façon systématique tous les 16 km sur l’ensemble du territoire métropolitain.</p>
<p>Chacun de ces arbres est scruté à la loupe, pour repérer d’une part les mortalités de branches pour toutes les essences et d’autre part, le manque de ramifications pour les <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-methode-deperis-pour-quantifier-letat-de-sante-de-la-foret">feuillus et le déficit d’aiguilles pour les résineux</a>. Les observations menées depuis la mise en place de ce dispositif et sur des placettes non permanentes dressent un tableau inquiétant de la santé de nos forêts. Si moins de 1 % des arbres suivis meurent chaque année, la <a href="https://theconversation.com/secheresses-incendies-et-maladies-les-risques-en-cascade-qui-menacent-les-forets-francaises-157448">mortalité est en constante progression depuis 2010</a>.</p>
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<p>Dans le houppier, c’est-à-dire la partie sommitale des arbres, le constat est encore plus net : la perte de feuilles – dite déficit foliaire – y a crû de manière constante depuis le début des mesures en 1997. Pour la mortalité comme le déficit foliaire, pratiquement toutes les espèces d’arbres sont touchées.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/climat-dici-2050-71-des-especes-darbres-en-situation-de-risque-a-paris-bordeaux-montpellier-grenoble-et-lyon-190511">« dépérissement forestier »</a> est évoqué lorsque ce phénomène de dégradation affecte un peuplement entier, voire des massifs. Généralement, il implique plusieurs facteurs environnementaux, qui peuvent se succéder ou agir de concert.</p>
<h2>Cercle vicieux et course contre la montre</h2>
<p>On distingue des facteurs prédisposants (la nature des sols, l’identité et l’origine génétique des arbres en place, la densité du peuplement et/ou considérées), des facteurs déclenchants (des événements de sécheresse et de canicule sévères ou répétés, des défoliations successives à la suite d’attaques de phytophages) induisant une perte de vigueur des peuplements, et enfin des facteurs aggravants (des ravageurs des parties aériennes ou racinaires) contribuant à la mort des arbres affaiblis.</p>
<p>Connus de longue date, ces phénomènes se manifestent actuellement avec une intensité et une ampleur sans précédent. Or les modélisations n’incitent pas à l’optimisme : le climat continuera de se dégrader, mettant à mal la capacité de nombreuses essences d’arbres à se maintenir et adapter leur répartition naturellement.</p>
<p>Cela menace les multiples services que nous offrent les forêts : une forêt qui dépérit stocke de moins en moins de carbone et devient plus sensible au feu.</p>
<p>Le carbone étant relargué sous forme de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère lors des incendies, cela renforce l’intensité, la durée et la fréquence des sécheresses et des canicules, et donc le risque de feu. Un cercle vicieux auquel s’ajoute un risque accru de tempêtes et d’attaques de ravageurs favorisés par le changement climatique.</p>
<p>Des arbres qui dépérissent perdant très vite leur valeur économique, il est crucial de détecter le phénomène rapidement pour sauver ce qui peut l’être et récolter le bois.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">À gauche, parcelle de chênes en forêt d’Orléans en juillet 2022, à droite parcelle mixte de chênes et pins en juin 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Vincent-Barbaroux</span></span>
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</figure>
<h2>La forêt vue du ciel</h2>
<p>Ce faisant, il est aussi indispensable de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">mieux appréhender</a> le rôle relatif des facteurs prédisposants, aggravants et déclenchants pour proposer d’autres pratiques de gestion forestière. Les observations au sol, comme les suivis du DSF, sont à cet égard nécessaires pour alerter et comprendre le phénomène du dépérissement. Mais elles ne permettent pas de couvrir tout le territoire.</p>
<p>Le développement de satellites ouvre quant à lui de nouveaux horizons. Le premier dédié à l’observation de la Terre, Landsat-1, est lancé le 23 juillet 1972 par les États-Unis. La France se dote des satellites SPOT (Système Probatoire d’Observation de la Terre) à partir de 1985. S’ils fournissent des images de haute résolution, le coût prohibitif de traitement des images limite leur utilisation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487236/original/file-20220929-17-hgnv3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Orthophoto au drone sur le massif de Tronçais dans le nord-ouest de l’Allier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unisylva</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487237/original/file-20220929-1555-b4oqas.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Image satellite Sentinel 2 en infra rouge couleurs sur le massif d’Orléans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Theia</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les images ne sont pas seulement dans le domaine visible mais aussi dans l’infrarouge, car ce domaine spectral renseigne précisément sur la structure interne des feuilles (proche infrarouge) ou encore sur l’humidité des sols et des végétaux (moyen infrarouge), et permet de distinguer correctement les feuillus des résineux, un feuillage sain d’un feuillage sénescent.</p>
<p>Il existe aujourd’hui une batterie de métriques qui intègrent dans leur calcul différentes bandes spectrales pour un pixel donné. La plus connue d’entre elles est sans conteste le NDVI (<em>normalised difference vegetative index</em>) basé sur la réflectance des canaux rouge (R) et proche infrarouge (PIR).</p>
<h2>Dépérissement à l’heure du big data</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="satellite volant au-dessus de la planète" src="https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486730/original/file-20220927-14-d4x8wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue d’artiste d’un satellite Sentinel 3.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sentinel_(satellite)#/media/Fichier:Satellitte_Sentinel_3_inng%C3%A5r_i_GMES-programmet_(Foto-_ESA_-_J._Huart,_2008).jpg">ESA -- J. Huart/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, les satellites SPOT ont laissé place aux satellites européens Sentinel du programme européen Copernicus, avec des avancées majeures. La résolution des images au sol est au minium de 10m×10m et les appareils, qui embarquent des capteurs optiques et/ou radars, repassent aux mêmes endroits tous les cinq jours. Cerise sur le gâteau, les images sont gratuites.</p>
<p>La recherche s’est lancée depuis longtemps dans l’exploitation de ces images. Et l’augmentation spectaculaire des capacités informatiques pour les traiter offre la possibilité de suivis à grande échelle et haute résolution encore inimaginables il y a dix ans.</p>
<p>Dans le domaine de la télédétection forestière, les acteurs de la recherche (ONF, CNPF, DSF, IGN, CNES, INRAE, Université d’Orléans, entre autres) ont mis leurs forces en commun au sein du Centre d’expertise scientifique changements et santé des forêts tempérées.</p>
<h2>Les couleurs de l’épicéa</h2>
<p>Ils ont ainsi développé une routine informatique (<a href="https://www.onf.fr/onf/+/cec::les-rendez-vous-techniques-de-lonf-no69-70.html">ForDead, Dutrieux et coll., 2021</a>) pour quantifier la mortalité des forêts d’épicéas à partir des images Sentinel.</p>
<p>La France a en effet connu à partir de 2018 des attaques massives sur des épicéas, d’abord dans le Grand Est, puis les années suivantes dans la quasi-totalité de la moitié nord de la France. La faute au typographe, un coléoptère d’un demi-centimètre, capable de tuer des épicéas lors de ses pullulations, en agressant les vaisseaux conducteurs de l’arbre. On estime que cette <a href="https://agriculture.gouv.fr/crise-scolytes-sur-epiceas-quel-est-le-bilan-fin-2021">crise</a>, qui commence seulement à marquer le pas, a touché environ 55 000 ha, obligeant à récolter en urgence 19 millions de m<sup>3</sup> d’épicéas en France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="main sur un arbre abîmé" src="https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486726/original/file-20220927-24-1t2wx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans la forêt de Villiers-les-Nancy, un épicéa dépérissant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marielle Brunette</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un épicéa en bonne santé est d’un vert sombre, un épicéa tout juste mort prend une coloration diagnostique orangée tendant vers le gris à fur et à mesure que tombent les aiguilles. C’est ce changement radical de couleur du houppier, mesuré par différentes métriques de végétation, qu’exploite ForDead.</p>
<p>Cette chaîne de traitement, qui a prouvé son efficacité dans le cas de l’épicéa, est en cours d’évaluation pour suivre l’état de santé d’autres essences. C’est le cas notamment des chênaies.</p>
<h2>Hécatombe de chênes pédonculés</h2>
<p>Des mortalités massives de chênes pédonculés et, dans une moindre mesure, de chênes sessiles sont observées dans plusieurs grandes forêts de plaine comme à Chantilly et à Vierzon. Les premières études ont montré que la télédétection permettait de bien identifier les peuplements sains et les plus touchés mais peinait à prédire correctement les taux d’attaques intermédiaires. L’exercice s’avère plus délicat que pour l’épicéa.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Mise au point d’une méthode cartographique couplant observations de terrain et analyse d’images Sentinel 2 pour l’évaluation de l’état sanitaire des chênaies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Florian Mouret, Aurore Alarcon et Cécile Vincent-Barbaroux</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, le dépérissement des chênes est un processus lent qui peut prendre plusieurs décennies avant d’aboutir à la mort des arbres, les chênes pouvant même récupérer les bonnes années. Le changement de coloration est également moins spectaculaire que pour l’épicéa. Enfin, ils sont souvent en mélange avec d’autres essences, avec un sous-étage et un sous-bois qui peuvent masquer, vu du ciel, la dégradation de l’état de santé des chênes.</p>
<p>Les études s’orientent aujourd’hui vers l’identification des métriques les plus pertinentes ou l’utilisation de l’intelligence artificielle dont l’intérêt n’est plus à démontrer pour l’exploitation des séries temporelles d’images. C’est ce que s’attache à faire le <a href="https://www.fibois-cvl.fr/recherche-et-developpement/sycomore/">programme de recherche Sycomore</a>. Les attentes des forestiers sont grandes et le pari scientifique et technique est en passe d’être gagné. Pour que nos forêts ne partent pas en poussières ou en fumée.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191321/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Archaux a reçu des financements de la Région Centre Val de Loire pour le programme ARD SyCoMore. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Vincent-Barbaroux a reçu des financements de l’organisation de la région Centre Val de Loire pour le programme ARD SyCoMore.</span></em></p>Les progrès technologiques en matière d’imagerie et d’intelligence artificielle peuvent nous aider à mieux évaluer l’état de santé de nos forêts… et à en tirer les conséquences pour agir.Frédéric Archaux, Chercheur, InraeCécile Vincent-Barbaroux, Chercheuse, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891552022-11-14T16:59:37Z2022-11-14T16:59:37ZComprendre les flammes froides pour rendre les combustions moins polluantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495131/original/file-20221114-18-wh1nbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C12%2C4013%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les flammes froides nous aidaient à limiter la pollution ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/OHRbTbYA7Fo">G Shan/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Flammes froides… À quoi peuvent bien servir des flammes, si elles sont froides ? Les flammes froides furent observées pour la première fois par Sir Humphry Davy, un chimiste britannique, en <a href="https://www.britannica.com/biography/Sir-Humphry-Davy-Baronet">1817</a> lorsqu’il chauffa un filament de tungstène dans des vapeurs d’éther diéthylique, voyant alors naître un faible halo bleuté autour du filament. De par leurs caractéristiques très différentes de leurs sœurs jumelles, les flammes chaudes, les flammes froides ont de nombreuses façons de surprendre.</p>
<p>Elles sont, pour commencer, presque invisibles à l’œil nu et uniquement détectables par une faible lueur bleue. Par ailleurs, comme leur nom l’indique, elles ne donnent naissance qu’à une augmentation limitée de la température (moins de 600 °C, contre typiquement plus de 1000 °C pour les flammes chaudes). Par ailleurs, ces flammes froides sont connues depuis le XX<sup>e</sup> siècle pour leur relation avec le phénomène de cliquetis dans les moteurs à allumage commandé (ou moteurs « essence »). On a pu ainsi s’intéresser à elles pendant de nombreuses années pour des questions liées à la reformulation des carburants liées au retrait du plomb des essences dans les années 1990, ou depuis les années 2000 dans le cadre du développement de moteurs émergents basées sur l’allumage par compression (telles que le moteur SPCCI, commercialisé par Mazda sous le nom de Skyactiv-X).</p>
<p>Par ailleurs, lorsque le 22 septembre 2021 Thomas Pesquet est interrogé par un jeune auditeur de France Inter sur les expériences qu’il a préféré mener sur l’ISS, de quoi parle-t-il en premier ? <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-du-mercredi-22-septembre-2021-7927260">De flammes froides, bien sûr</a> ! Mais quel est le lien entre les flammes froides et l’ISS ? Celui-ci a été fait lors de récentes expériences menées à l’aide du dispositif FLEX (FLame Extinguishment Experiment), qui vise à s’intéresser à la propagation des flammes en microgravité.</p>
<p>Ces études ont une importance particulière pour réduire les risques liés aux incendies dans les stations et véhicules spatiaux. Or, il a été observé que dans certains cas, alors que l’on croyait les flammes éteintes, des flammes froides se développaient et perpétuaient la combustion. Plusieurs campagnes de mesure ont depuis été entreprises afin d’éclaircir la formation de ces flammes dans ces conditions si particulières, auxquelles Thomas Pesquet a ainsi pu prendre part.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481786/original/file-20220830-10206-vtsho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Extinction d’une flamme chaude en microgravité, suivie de l’apparition d’une flamme froide, au sein de l’ISS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Sur notre plancher des vaches, à quoi peuvent-elle servir ? Dans un monde où la combustion constitue encore <a href="https://ourworldindata.org/energy-production-consumption">80 % de la conversion d’énergie</a> primaire au niveau mondial et où l’électrification risque de se heurter très vite au <a href="https://theconversation.com/les-materiaux-de-la-transition-energetique-le-lithium-105429">problème de la disponibilité du lithium</a> et/ou des <a href="https://theconversation.com/en-chine-lexploitation-des-terres-rares-saccompagne-dune-pollution-massive-183676">terres rares</a>, il est plus qu’urgent de faciliter la mise en place de procédés de combustion plus propres. Il faut donc faire face aux trois principales espèces responsables la pollution atmosphérique et du changement climatique : les oxydes d’azote, les particules de suie, et le dioxyde de carbone. Les oxydes d’azote constituent la source principale de l’ozone troposphérique qui provoque asthme et irritations respiratoires, notamment dans les zones urbaines et par beau temps.</p>
<p>Il est bien connu <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9781400862979.364/pdf">depuis 1946</a> que la plus grande partie de ces oxydes d’azote est formée dans les zones où les flammes sont les plus chaudes. Les particules de suie, elles, sont aisément éliminées en mettant en œuvre la combustion dans des conditions où le combustible est en défaut (on parle alors de combustion en régime pauvre). Ainsi, initier des flammes à des températures plus faibles, et en excès d’oxygène permet de réaliser une baisse conséquente des émissions polluantes, et également d’atteindre des rendements thermiques élevés, pour peu que la combustion ait lieu à hautes pressions. Hélas, dans ces conditions de haute pression, basse température et faible concentration en combustible, il peut être délicat d’enflammer le mélange de manière régulière et fiable. En cause ? La chimie des flammes froides.</p>
<p>Mais qu’ont-elles de si particulier ? Les flammes froides se distinguent des flammes chaudes par le fait que les réactions chimiques qui en sont à l’origine sont très différentes de celles qui provoquent les flammes chaudes. En effet, ce qui permet à des flammes de se propager, c’est un type de réactions très particulier : les réactions de ramification. Au cœur des toutes les flammes se trouvent des radicaux en très grand nombre. Ces espèces, dotées d’un électron célibataire, sont responsables des premières réactions de consommation du combustible, et agissent tels des porteurs de chaîne dans les mécanismes de réactions en chaîne qui ont lieu dans les flammes. Dans une réaction de ramification, un radical en forme plusieurs, provoquant leur démultiplication.</p>
<p>Pour qu’une flamme se développe, il faut que les réactions de ramification permettent l’augmentation exponentielle de la concentration de ces radicaux. Dans les flammes chaudes, la ramification est le fait d’un petit nombre de réactions très bien connues, et qui sont identiques pour la plupart des combustibles. Dans les flammes froides, la ramification est bien plus complexe : elle passe par une longue série de réactions, et la formation de molécules instables dont la formation n’a été démontrée expérimentalement <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3576592/">que très récemment</a>. L’occurrence et la vitesse de ces réactions sont très dépendantes de la structure chimique initiale du combustible. C’est pourquoi la composition d’un carburant a une si grande influence sur son indice d’octane, ou pourquoi tous les combustibles ne donnent pas lieu à des flammes froides.</p>
<p>C’est aussi pourquoi les étudier est si important. Nombre de ses réactions ne peuvent être isolées de leurs congénères, et doivent donc être étudiées ensemble. On construit alors des modèles cinétiques, qui recensent toutes les réactions chimiques intervenant dans la flamme. Ces modèles, couplés à des codes de calcul vont permettre de prédire l’évolution des réactions, mais également le dégagement de chaleur ou la formation de polluants dans une flamme. En fonction de la taille de la molécule de combustible étudiée, ces modèles peuvent parfois comporter plusieurs milliers d’espèces chimiques ! On comparera alors les résultats prédits par les modèles avec une caractérisation expérimentale fine des flammes observées, obtenue à l’aide de diagnostics optiques ou d’analyse chimique. On mesure ainsi les espèces formées dans ces flammes, mais aussi leurs domaines de stabilité, ou leur vitesse de propagation. Ces recherches sont menées à l’heure actuelle dans les universités de Princeton, du Wyoming, ou de Lille.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481787/original/file-20220830-8728-c93vdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Flamme froide stabilisée dans un brûleur académique au laboratoire PC2A de l’Université de Lille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laboratoire PC2A, Université de Lille</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Comment, alors, faciliter cette combustion et permettre l’application de la combustion dans des conditions plus sévères, synonymes de combustion plus vertueuse vis-à-vis de l’environnement ? On peut chercher à faciliter l’inflammation à l’aide de <a href="https://www-sciencedirect-com.ressources-electroniques.univ-lille.fr/science/article/pii/S1540748916304837">décharges plasma</a> ou <a href="https://pubs-acs-org.ressources-electroniques.univ-lille.fr/doi/full/10.1021/acs.jpca.1c05583">d’ozone</a> généré in situ, et mettre en œuvre la combustion de carburants non-issus de ressources fossiles (comme les <a href="https://pubs-acs-org.ressources-electroniques.univ-lille.fr/doi/full/10.1021/acs.energyfuels.1c01924">biocarburants</a> ou les e-fuels. De nombreux travaux ont déjà démontré le potentiel de telles solutions, et il y a fort à parier qu’elles auront leur place dans le mix énergétique à venir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189155/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Panaget a reçu des financements de l'Ecole Doctorale SMRE dans le cadre de sa thèse.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Vanhove ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Découvrez les flammes froides, l’une des passions de Thomas Pesquet sur lesquelles il a travaillé dans la station internationale.Thomas Panaget, Doctorant en cinétique chimique de la combustion, Université de LilleGuillaume Vanhove, Maître de Conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922212022-10-31T19:01:41Z2022-10-31T19:01:41ZIncendies 2022 : comprendre la dynamique des feux en Europe grâce aux « pyrorégions »<p>En Europe, la saison des feux 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/08/22/incendies-six-cartes-et-graphiques-qui-montrent-un-premier-bilan-inedit-de-l-ete_6138700_4355770.html">a été largement médiatisée</a> et, dans plusieurs pays, la surface brûlée a été <a href="https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2022/jul/26/how-europe-has-been-hit-by-record-fire-damage-and-temperatures">considérée comme « sans précédent »</a>. Mais pour la plupart, ces analyses ne suffisent pas à étayer de telles conclusions.</p>
<p>Quelques mois après ces événements, grâce à des données homogènes sur le climat et les feux de forêt, nous pouvons recontextualiser ces feux de l’été 2022 : en convoquant des événements passés et en analysant comment le changement climatique pourrait modifier l’activité de tels événements dans le futur.</p>
<h2>D’où viennent les données de surfaces brûlées ?</h2>
<p>Parmi les analyses présentées dans les médias, nombre reposent <a href="https://effis.jrc.ec.europa.eu/">sur la base de données EFFIS</a> (pour European Forest Fire Information System).</p>
<p>Cette base de données collecte les surfaces brûlées à partir de sources différentes (satellites, inventaires nationaux), mais souffre de biais majeurs, notamment des changements de procédure dans la collecte des données au cours du temps afin d’en améliorer la qualité. Ces biais entravent l’analyse des tendances sur le long terme ou l’analyse d’une année spécifique telle que 2022.</p>
<p>Les données issues des satellites sont souvent utilisées pour examiner les feux à l’échelle d’un continent en <a href="https://doi.org/10.1016/j.rse.2019.02.013">raison de leur cohérence spatiale et temporelle</a>. Cependant, il est important de reconnaître que ces données sous-estiment l’activité des feux, en <a href="https://doi.org/10.5194/nhess-21-73-2021">particulier ceux inférieurs à 100 hectares</a> qui échappent à la détection des satellites. En revanche, les données sont homogènes à la fois dans le temps et l’espace, ce qui permet d’établir des comparaisons entre différentes années et différentes régions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-scientifiques-organisent-la-surveillance-du-climat-128016">Comment les scientifiques organisent la surveillance du climat</a>
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<p>Pour nos travaux, nous utilisons les anomalies thermiques issues des satellites MODIS, disponibles depuis 2001 ; cet <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.abd2713">indicateur en temps quasi-réel</a> de l’activité des feux est largement utilisé dans la littérature scientifique.</p>
<h2>La saison des feux 2022</h2>
<p>En agrégeant les données sur l’Europe et en cumulant les anomalies thermiques depuis le 1<sup>er</sup> janvier, nous voyons à l’aide du graphe ci-dessous que 2022 se situe au-dessus de la moyenne, mais n’atteint à aucun moment de l’année la valeur maximale observée au cours des deux dernières décennies.</p>
<p>Par exemple, les anomalies thermiques pour les années 2003, 2007, 2012, et 2017 sont largement plus élevées qu’en 2022. À l’échelle européenne, l’année 2022 se situe ainsi dans la fourchette historique et n’est pas « sans précédent », contrairement à l’impression relayée par de nombreux médias.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491190/original/file-20221023-56678-6lb659.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Anomalies thermiques cumulées à travers l’Europe. Ces anomalies quotidiennes sont issues des capteurs MODIS Terra/Aqua sur la période 2001-2022 (dernière mise à jour le 31 août 2022). Elles constituent un très bon indicateur de l’activité des feux et des surfaces brûlées. L’enveloppe grise correspond à l’écart-type (la dispersion des données par rapport à la moyenne) et les lignes pointillées indiquent les valeurs maximales et minimales au cours de la période historique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
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<h2>Quelles sont les causes des feux extrêmes en Europe ?</h2>
<p>Rappelons qu’il faut généralement <a href="https://doi.org/10.1038/s43017-020-0085-3">trois facteurs clés</a> pour qu’un feu naisse et se propage :</p>
<ul>
<li><p>une source d’ignition (en France, 95 % des départs de feux sont liés aux activités humaines) ;</p></li>
<li><p>la présence de matière combustible (la végétation qui va alimenter le feu) ;</p></li>
<li><p>la teneur en humidité des végétaux et la vitesse du vent (qui dépendent des conditions météorologiques).</p></li>
</ul>
<p>L’influence des deux premiers facteurs ne change pas de façon drastique d’une année sur l’autre. En revanche, la variabilité des conditions météorologiques explique en grande partie les changements de surfaces brûlées d’une année sur l’autre.</p>
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<p>Les saisons de feux extrêmes sont donc généralement <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-70069-z">associées à des conditions climatiques chaudes et sèches</a> qui rendent la forêt inflammable. La co-occurrence de ces conditions avec un vent fort peut amplifier le risque incendie.</p>
<p>Ces variables météorologiques <a href="https://cwfis.cfs.nrcan.gc.ca/background/summary/fwi">peuvent être synthétisées à l’aide de l’indice feu-météo</a>, nommé <em>Fire Weather Index</em> (FWI) et utilisé par les services opérationnels pour mesurer le risque incendie au quotidien.</p>
<h2>Quels sont les régimes de feux eu Europe ?</h2>
<p>Localement, l’occurrence d’un feu est aléatoire, car celui-ci dépend de facteurs humains, bien souvent imprévisibles. Pour surmonter cette difficulté, les feux sont souvent agrégés à l’échelle d’une région ou d’un pays afin de réduire cette dimension aléatoire.</p>
<p>Mais l’agrégation des feux dans des unités géopolitiques n’est pas forcément la plus pertinente pour examiner un risque naturel. Cela est particulièrement vrai pour les feux en Europe, continent très varié en termes de climat, de végétation et d’activités humaines.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491192/original/file-20221023-62307-i70djw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Distribution des « pyrorégions » représentant différentes caractéristiques du feu à travers le continent. Les régions avec plus de 80 % de surface non combustible (surface urbaine et agricole) sont montrées en gris.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est pourquoi le <a href="https://doi.org/10.1007/s12064-010-0082-z">concept de « pyrorégion »</a> permet de mieux comprendre la diversité spatiale du feu. Une pyrorégion présente des caractéristiques similaires telles que la taille des feux, leur fréquence, leur saisonnalité ou encore leur intensité. Ces caractéristiques <a href="https://doi.org/10.1038/s41561-021-00791-4">déterminent au final les impacts du feu</a> sur la végétation et la société ; elles sont souvent utilisées pour mieux comprendre le risque incendie.</p>
<p><a href="https://lnkd.in/eiBuG3p3">Dans une récente étude</a>, nous avons identifié quatre pyrorégions bien distinctes à l’échelle du continent européen.</p>
<p>Par exemple, le sud de la péninsule Ibérique enregistre de grands feux intenses, mais moins fréquents que le nord du Portugal, où la fréquence des incendies et la surface brûlée sont les plus élevées en Europe. Dans les régions montagneuses et traditionnellement pastorales, telles que les Pyrénées, certaines parties des Alpes ou de l’Écosse, la superficie brûlée peut être substantielle, mais provient essentiellement des feux d’hiver ou de printemps (on parle de <em>cool-season fire</em>) qui mettent rarement les écosystèmes en péril.</p>
<p>Bien évidemment, ces pyrorégions ne suivent pas les frontières administratives, écologiques ou climatiques ; elles peuvent être considérées comme un moyen pratique de décrire les régimes de feux dans l’espace, relativement stables à l’échelle des années.</p>
<h2>La saison des feux 2022 vue à travers le prisme des pyrorégions</h2>
<p>De juin à août 2022, des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/08/l-ete-2022-a-ete-le-plus-chaud-jamais-enregistre-en-europe-selon-le-programme-europeen-copernicus_6140713_3244.html">vagues de chaleur persistantes</a> ont touché certaines parties du Nord-Ouest et du Centre de l’Europe, pulvérisant des records de température et favorisant l’activité des feux.</p>
<p>Dans nos travaux, nous avons agrégé les conditions feu-météo (<em>Fire Weather Index</em>) ainsi que l’activité des feux (mesurés par le nombre d’anomalies thermiques détectées par satellite) à l’échelle des pyrorégions ; nous présentons ci-dessous les écarts à la moyenne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491193/original/file-20221023-62810-a250ri.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Anomalies feu-météo et anomalies des feux observés dans chaque pyrorégion. Anomalies (exprimées en pourcentage) dans l’activité des feux (capteurs MODIS Terra/Aqua) et dans l’indice feu-météo, moyennés sur la saison juin-août par rapport à la moyenne historique (2001-2021). Les lignes de régression indiquent la relation linéaire entre l’indice feu-météo et l’activité des feux à l’échelle des pyrorégions. Les pointillés indiquent les conditions normales.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On peut dire que l’année 2022 est en effet « sans précédent » dans la pyrorégion <em>low-fire prone</em> (la moins touchée par les feux habituellement), avec le plus grand nombre de feux détectés au cours des 20 dernières années ; 2022 arrive en seconde position dans la pyrorégion <em>cool-season fire</em>, généralement soumis à des feux hivernaux. En revanche, l’activité des feux est proche de la normale dans la pyrorégion <em>highly-fire prone</em> dans le sud de l’Europe, la région la plus propice aux feux.</p>
<p>L’occurrence de feux dans des régions historiquement « immunisées » a donc sans doute contribué au battage médiatique au cours de l’été.</p>
<h2>Le changement climatique va-t-il modifier ces pyrorégions ?</h2>
<p>Les pyrorégions constituent également une base de référence pour simuler les changements futurs des régimes de feux à mesure que la planète se réchauffe.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1002/essoar.10512410.1">Dans une autre de nos études</a>, en cours d’évaluation, nous montrons une augmentation de l’activité des feux sur l’ensemble du continent sous l’effet du réchauffement, <a href="https://doi.org/10.1007/s13595-020-00933-5">conformément aux données de travaux précédents</a>.</p>
<p>Par exemple, nos résultats indiquent une augmentation supérieure de 50 % des surfaces brûlées dans le nord de la péninsule ibérique, au-delà d’un réchauffement planétaire de 2 °C. Outre la superficie brûlée, notre analyse révèle également une forte augmentation de la fréquence et de l’intensité des feux ainsi qu’un allongement de la saison des feux, ce qui modifiera par conséquent les régimes de feux actuels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/secheresse-2022-un-manque-de-pluies-presque-ordinaire-aux-effets-exceptionnels-191323">Sécheresse 2022 : un manque de pluies presque « ordinaire » aux effets exceptionnels</a>
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<p>Ces changements conduiront à une extension spatiale des pyrorégions les plus favorables aux feux dans le sud de l’Europe, avec des extensions de l’ordre de 50 % à 130 % dans le cadre d’un réchauffement global de 2 °C à 4 °C.</p>
<p>Dans un second scénario que nous étudions, l’augmentation de la surface brûlée, de l’intensité des feux et de l’allongement de la saison à risque de trois mois supplémentaires dans certaines parties des Balkans, du nord du Portugal, de l’Italie et du sud de la France pourraient mettre en défaut les capacités nationales de lutte contre les incendies.</p>
<p>Cette extension spatiale de la zone à risque pourrait également avoir des répercussions sociales et écologiques importantes en l’absence de mesure d’atténuation ou d’adaptation.</p>
<p>Enfin, la déprise agricole et l’abandon de certaines pratiques traditionnelles, comme l’élevage extensif, augmentent dans le sud de l’Europe la surface forestière et la quantité de biomasse disponible pour le feu. Ce phénomène, conjugué à l’étalement urbain et au développement des interfaces habitat-forêt, ne manquera pas d’amplifier notre vulnérabilité aux incendies.</p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192221/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luiz Felipe Galizia travaille pour AXA Climate. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Pimont, Julien Ruffault, Renaud Barbero et Thomas Curt ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Au niveau des feux, l’année 2022 se situe dans la fourchette historique et n’est pas « sans précédent », contrairement à l’impression relayée par de nombreux médias.Luiz Felipe Galizia, PhD, InraeFrançois Pimont, Ingénieur de recherche, spécialiste des incendies de forêts, InraeJulien Ruffault, Chercheur postdoctoral sur les incendies de forêts, InraeRenaud Barbero, Chercheur en climatologie, InraeThomas Curt, Directeur de recherche en risque incendie de forêts, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1930942022-10-30T19:56:34Z2022-10-30T19:56:34ZLes « forêts » de pins maritimes d’Aquitaine, des nids à incendie ?<p>Cet été 2022, les feux de forêt de pins maritimes dans les Landes de Gascogne ont frappé les esprits. Dans les départements concernés de la Gironde, des Landes et du Lot-et-Garonne, les feux ont atteint des dizaines de milliers d’hectares.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte montrant la région naturelle des Landes de Gascogne" src="https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491455/original/file-20221024-17411-efdnki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des Landes de Gascogne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les images diffusées par les médias, les déclarations des pompiers, les constats des élus, des producteurs industriels de bois ou encore des agents de l’ONF, mais aussi les commentaires de résidents et de vacanciers ont semblé assez unanimes dans la description de la « catastrophe ».</p>
<p>Mais que s’est-il passé exactement ? Faut-il parler d’une « catastrophe naturelle » ou d’une « perturbation humaine » ?</p>
<p>Derrière ces expressions se cachent des processus écologiques et des réalités territoriales sur lesquels il faut revenir pour évaluer le poids de la gestion du territoire dans ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/incendies-24476">incendies</a> et tenter d’esquisser une trajectoire durable pour cette région forestière.</p>
<h2>Quand les feux se déclenchent</h2>
<p>Les végétations brûlent sous l’effet de processus naturels, modifiés par les humains ; et certaines brûlent plus que d’autres : les <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.1163886">Landes de Gascogne n’échappent pas à cette maxime scientifique</a>.</p>
<p>Les feux se déclenchent (on parle d’« ignition ») parfois naturellement et se propagent tout aussi naturellement. L’ignition naturelle est provoquée par la foudre, un processus rarissime et peu risqué, car très souvent associée aux pluies d’orage. L’ignition est ainsi le plus souvent le fait des humains.</p>
<p>Reste la propagation : elle concerne la combinaison complexe du combustible (végétaux), de son hétérogénéité en qualité (inflammabilité des espèces végétales), de son abondance, de sa répartition au sol et verticale en forêt, de la <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.tree.2005.04.025">continuité du combustible au niveau du territoire</a> ; et, bien entendu, des conditions météorologiques.</p>
<p>On comprend aisément que l’on peut modifier certains paramètres de végétation pour réduire ou augmenter la propagation d’incendie. Il est donc possible d’agir sur le risque.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491659/original/file-20221025-232-dur65o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Facteurs de contrôle des feux ; à gauche, les facilitateurs (chaleur, sécheresse, boisements clairs, paysage forestier continu) ; à droite, les atténuateurs, à savoir de l’humidité, des boisements denses composés d’arbres peu inflammables et un paysage morcelé alternant des forêts des productions, des forêts naturelles peu inflammables, de l’agriculture (vignes ou fruitiers, grandes cultures, maraîchage, prairies).</span>
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<h2>Mourir, échapper ou survivre aux flammes</h2>
<p>Un feu a des effets variés et multiples sur la biodiversité et la productivité des écosystèmes. Des organismes végétaux, animaux ou microbiens meurent, mais leur démographie peut s’en trouver stimulée.</p>
<p><a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/283244">Le biologiste Philip Grime définissait une perturbation naturelle</a>, tel un feu, comme un processus amenant à « une destruction totale ou partielle de biomasse ». Une perturbation est aussi un évènement limité dans le temps et en étendue.</p>
<p>Si des individus de certaines espèces meurent, des individus de la même espèce ou d’autres espèces survivent grâce à des caractéristiques démographiques, morpho-physiologiques ou comportementales – on parle de « traits biologiques » – permettant d’échapper ou de survivre au feu.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/depuis-legypte-antique-la-longue-lutte-contre-le-feu-117869">Depuis l’Égypte antique, la longue lutte contre le feu</a>
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<p>Cela dépendra, bien entendu, de la fréquence de la perturbation – si elle intervient trop souvent, alors ses effets pourront durer –, mais aussi de son étendue, de l’intensité (feu de cime par opposition à feu de surface), ou encore de la saison.</p>
<p>Les forêts tempérées chaudes, méditerranéennes par exemple, sont résilientes aux feux ; la biodiversité et l’état de l’écosystème y sont bien souvent <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/11956860.2021.1871826">restitués en quelques années</a>, <a href="https://doi.org/10.1007/s11258-020-01034-z">ou quelques décennies</a>. Rappelons que la « résilience » désigne la capacité de réponse rapide à la perturbation en revenant à l’état d’avant cette perturbation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491657/original/file-20221025-19-d86dsq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Conséquences contrastées entre des feux intenses facilités par des monocultures de pins avec des émissions de carbone et une faible diversité, et des feux peu intenses dans des boisements naturels diversifiés et accumulant du carbone dans les sols.</span>
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<h2>Les effets variés du feu sur la biodiversité</h2>
<p>Cette résilience au feu des arbres tempérés chauds ou méditerranéens (comme le pin maritime des Landes) tient à leurs traits biologiques. Mais <a href="https://www.cambridge.org/fr/academic/subjects/life-sciences/ecology-and-conservation/ecology-fire-1?format=HB&isbn=9780521328722">l’ensemble de l’écosystème</a> est lui aussi concerné.</p>
<p>Un feu consume les matières organiques et produit massivement des cendres, notamment du phosphore qui est une nourriture essentielle des arbres, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1098778">pouvant manquer en l’absence de feu</a>. Les feux libèrent du carbone vers l’atmosphère – sous forme de gaz, <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2002JD002325">tel du CO₂</a> – mais aussi vers le sol sous forme de charbon de bois, matière organique mal brûlée.</p>
<p>Dans un monde idéal où une forêt succède à la forêt brûlée, le CO<sub>2</sub> émis vers l’atmosphère sera réabsorbé par les plantes <a href="https://doi.org/10.1016/j.rse.2022.113087">grâce à la magie de la photosynthèse</a>. Le bilan pourrait être à l’équilibre, sous réserve que les feux ne soient pas trop fréquents ou intenses en consumant les matières organiques du sol. Les charbons de bois sont par exemple une chance pour l’écosystème, en stockant durablement du carbone et en protégeant les <a href="https://doi.org/10.3389/fenvs.2017.00053">bactéries nitrifiantes du sol</a>, utiles aux plantes contre certaines toxines.</p>
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<p>Un feu de forêt a ainsi des effets divers pour la biodiversité et l’environnement. Pour les humains, un feu peu sévère pourra être avantageux en améliorant les lits de semences de plantules, en augmentant la productivité des forêts ou en préservant le risque de grands feux par brûlage des sous-bois.</p>
<p>Mais il sera qualifié de désastre en cas de feu très sévère par destruction de ressources sylvicoles, d’infrastructures ou encore de pertes indirectes d’emplois.</p>
<h2>Des choix historiques</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des initiatives locales puis des politiques impériales ont dicté la nécessité de planter du pin maritime dans le Sud-Ouest de la France pour protéger le territoire contre le mouvement des dunes à proximité de la côte, et pour <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ecy.3851">valoriser des sols très infertiles</a> après drainage du plateau landais.</p>
<p>Il s’agissait de susciter une économie rurale dans une région appauvrie par des siècles de pastoralisme et soumise à un exode. La forêt originelle, dominée par des chênes, a été substituée depuis l’Antiquité par des landes de bruyères et d’herbes peu productives pour le bétail.</p>
<p>Il n’existe ainsi pas de forêt naturelle de pins maritimes dans les Landes, hormis peut-être quelques petits boisements sur de vieilles dunes. Le pin maritime est peu gourmand ; il pousse vite, et valorise des sols sableux et pauvres, secs l’été ou engorgés l’hiver. Bien que natif d’Aquitaine, ce pin est à la limite nord de son aire naturelle qui s’étend jusqu’au Maroc. C’est avant tout un Méditerranéen, naturellement beaucoup plus répandu au sud.</p>
<p>Le choix de cet arbre comme essence de reboisement était évident ; c’était le seul arbre natif pouvant former une sylviculture productive sur ces sols peu fertiles dans le contexte du climat du XIX<sup>e</sup> s. L’expérience s’est avérée être une réussite jusqu’à nos jours, en atteste son étendue en Aquitaine (avec près de 80 0000 hectares) et la <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/35842-la-filiere-foret-bois-en-aquitaine-six-ans-apres-la-tempete-klaus-situ">filière industrielle « pin maritime » puissante et diversifiée</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491743/original/file-20221025-18082-letjy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Boisement de production de pin avec sous-bois inflammable de bruyères et d’ajoncs ; trace de gemmage traditionnel avec scarification du pin et godet pour la récolte de la résine.</span>
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<h2>La sylviculture des Landes</h2>
<p>Le pin maritime est exploité pour son bois, mais aussi historiquement pour sa résine par la pratique dite du « gemmage », qui consiste à scarifier les arbres pour en extraire la résine. La forêt de pin maritime est désormais destinée à l’exploitation par coupe rase (tous les arbres d’une parcelle sont coupés, laissant le sol à nu).</p>
<p>La coupe et le gemmage constituent deux perturbations. Comme le feu, la coupe rase exporte de la matière pour la production de bois d’œuvre ou de papier, générant des émissions de gaz dans l’atmosphère. Après coupe, le boisement est replanté ou semé, en sélectionnant les semenciers ou géniteurs, le plus souvent dans des vergers à graines, des lieux de sélection des plus beaux individus en termes sylvicoles pour la production.</p>
<p>Ce sont donc des conduites de cultures de filières agricoles, comme pour du maïs ou du colza.</p>
<p>Une plantation de pins maritimes procède d’un ensemble de mécanismes de sélection, de conduites de cultures avec préparation du sol (30 cm) et du sous-sol (50 cm), l’utilisation d’intrants pour la nutrition des plantes ou le désherbage, et aussi des produits biocides pour lutter contre les parasites et ravageurs de cultures, comme des insectes ou des vers nématodes.</p>
<p>La sylviculture des landes est donc une culture agricole comme une autre, si ce n’est que la <a href="https://www.allianceforetsbois.fr/wp-content/uploads/2016/08/RTG-AQ-Fiche-1-Futaie-resineuse.pdf">rotation est de 30 à 50 ans</a>.</p>
<p>Cette culture fait vivre une partie du territoire, alimente un tissu économique local où même des industriels étrangers investissent compte tenu de la rentabilité de la filière, tel le <a href="https://www.sudouest.fr/landes/tartas/tartas-40-la-papetiere-tembec-passe-sous-pavillon-americain-3453197.php">canadien Tembec dont l’usine de Tartas a été rachetée en 2017 par l’États-unien Rayonier</a>.</p>
<p>Comme dans toutes filières de production, des techniciens de cabinets d’expertises techniques conseillent les propriétaires, ou l’ONF quand il s’agit des forêts communales. L’ONF gère aussi au nom de l’État les forêts domaniales, pour l’essentiel le long du littoral dunaire sensible d’Aquitaine.</p>
<p>Il existe ici une articulation complexe, aux intérêts multiples, entre les exploitants de pin maritime propriétaires fonciers, les conseillers techniques, les investisseurs, les industriels de la filière, les populations locales bénéficiant d’emplois directs et indirects, les communautés territoriales et les pouvoirs publics.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491868/original/file-20221026-21-99k7cm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sous-bois de forêt naturelle mixte (à gauche) avec chêne-liège, chêne sessile, châtaignier, pin maritime, etc. ; en haut à droite, jeune plantation de pin maritime ; en bas à droite, plantation de pin au sous-bois inflammable de bruyères et d’ajoncs.</span>
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<h2>L’homogénéité paysagère de la pinède</h2>
<p>Outre cette économie, la sylviculture des Landes maintient une atmosphère unique en France, celle d’un territoire couvert de pins maritimes. Personne n’y est insensible, même s’il s’agit d’un ensemble monotone et linéaire, <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ecy.3851">à très faible biodiversité</a>.</p>
<p>Cette homogénéité paysagère frappe le regard du voyageur et se révèle dans les images aériennes. Or, ce vaste territoire forestier inflammable nécessite d’être morcelé et hétérogène. Et pas seulement par l’alternance de boisement d’âges différents : il faut de vieilles forêts dont la canopée dense réduit le sous-bois inflammable <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/aec.12594">tout en maintenant de l’humidité</a>.</p>
<p>L’uniformisation des plantations de pins implique des risques de propagation du feu que <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-1-4939-2794-4">seule une gestion raisonnée du territoire</a> permet de limiter.</p>
<p>Cela implique non seulement la création de vastes coupe-feux entretenus, mais aussi l’alternance de peuplements de nature différente en composition d’espèces. Des forêts plus naturelles, mixtes de chênes sessiles ou de chênes-lièges, et d’autres espèces feuillues moins inflammables sont requises en alternance avec des plantations de pin pour réduire le risque de propagation et l’intensité des feux, mais aussi pour retrouver une biodiversité aujourd’hui érodée et fragmentée.</p>
<p>En outre une forêt de feuillus est moins chaude qu’une forêt de pin, préserve le carbone dans son sol et peut produire aussi une ressource ligneuse de qualité supérieure. Cela n’exclut pas le risque de feu, <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/120298">ni même l’utilisation raisonnée du feu contrôlé en saison plus humide</a>, pour dégager les sous-bois, favoriser la régénération en préparant le lit de semences et en stimulant la productivité par production de cendres et de charbon.</p>
<h2>Pour une planification durable du territoire forestier</h2>
<p>Répétons-le : les plantations de pins maritimes des Landes de Gascogne ne constituent pas une forêt naturelle, mais bien un vaste territoire sylvicole industriel hautement inflammable.</p>
<p>Ici, les feux ne sont donc pas une catastrophe d’origine écologique, mais bien humaine et intensifiée par la météorologie. Au XXI<sup>e</sup> siècle, <a href="https://doi.org/10.1038/nature13946">il nous faudra composer avec les feux</a>, le climat plus chaud et parfois plus sec favorisant les incendies.</p>
<p>Certains proposent de manipuler les forêts en privilégiant des espèces natives d’arbres peu inflammables <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nph.12322">afin de réduire les risques</a> ; d’autres préconisent de penser le territoire <a href="https://www.researchgate.net/publication/338455999_Diverse_knowledge_informing_fire_policy_and_biodiversity_conservation_-_Policy_Brief">comme un lieu partagé entre traditions et modernités</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/balade-mathematique-en-foret-136288">Balade mathématique en forêt</a>
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<p>Le modèle de la forêt de pins maritimes des Landes de Gascogne, économiquement déterminant pour cette région au XIX<sup>e</sup> siècle, est aujourd’hui à repenser, ce territoire, de plus en plus peuplé et partagé, étant source d’ignition ; la forêt homogène (propagation) de pins maritimes (inflammables) ne doit plus être l’unique option.</p>
<p>Évitons ainsi d’étendre plus au nord la culture du pin maritime vers des <a href="https://doi.org/10.1093/treephys/25.7.813">climats qui sont devenus favorables non seulement à sa productivité</a>… mais aussi aux incendies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher Carcaillet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Richard Michalet et Thibaut Fréjaville ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Vaste territoire sylvicole hautement inflammable, les plantations de pins maritimes du Sud-Ouest de la France doivent évoluer pour faire face aux dérèglements climatiques.Christopher Carcaillet, Directeur d’études (professeur), écologie et sciences de l'environnement, École pratique des hautes études (EPHE)Richard Michalet, Professeur en écologie, Université de BordeauxThibaut Fréjaville, Chercheur en écologie et génomique fonctionnelles, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1912162022-09-26T20:31:56Z2022-09-26T20:31:56ZRisques climatiques : les tarifs des assurances sont-ils condamnés à augmenter ?<p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/incendies-24476">incendies</a> de forêt du mois de juillet encadrés par des séries d’inondations ont marqué les esprits comme un signe des temps : cette fois, c’est sûr, le climat change, et pas pour le meilleur. Si les dommages liés aux feux sont couverts par la garantie incendie des contrats multirisques habitation, les inondations exigent pour leur part des arrêtés de catastrophe naturelle pour être prises en charge par les assureurs.</p>
<p>À la fin de cet été particulièrement pourri, <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/apres-les-aleas-climatiques-de-lete-le-prix-des-assurances-va-bondir-4130564">Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs affirmait dans <em>le Journal du Dimanche</em> du 28 août</a>, que les sept premiers mois de l’année avaient entrainé 1,2 million de déclarations de sinistres pour un montant total de 4,3 milliards d’euros, contre 3,5 en moyenne annuelle au cours des cinq dernières années. Arnaud Chneiweiss, dans le <a href="https://www.mediation-assurance.org/rapports-activite/">rapport 2021 de la médiation de l’assurance</a>, rapporte aussi une forte augmentation des saisines liées aux événements climatiques, en particulier relatifs à la sécheresse.</p>
<p>À l’échelle de la planète, l'étude <em>Sigma</em> de l'assureur Swiss Re compile tous les ans au début du printemps un <a href="https://www.swissre.com/institute/research/sigma-research/sigma-2022-01.html">bilan des catastrophes naturelles de l’année, et malheureusement la livraison 2022</a> confirme une tendance croissante quant au nombre et au coût des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/catastrophes-naturelles-21173">catastrophes naturelles</a>, qui semble donc liée au changement climatique.</p>
<h2>Des milliards en plus d’ici 2050</h2>
<p>Au-delà des événements climatiques de ces derniers mois, quand on prend en compte la concentration de la population mondiale, notamment dans les zones littorales, et l’effet richesse lié à la croissance, alors le risque agrégé augmente à l’échelle de la planète. Les études menées sur la France entière montrent que cela devrait continuer : ces dernières années, la <a href="https://www.ccr.fr/documents/35794/35836/Etude+Climatique+2018+version+complete.pdf/6a7b6120-7050-ff2e-4aa9-89e80c1e30f2?t=1536662736000">Caisse centrale de réassurance</a> (CCR), l’<a href="https://acpr.banque-france.fr/les-principaux-resultats-de-lexercice-pilote-climatique-2020">Autorité de contrôle prudentiel et de résolution</a> (ACPR) et la fédération <a href="https://www.franceassureurs.fr/assurance-protege-finance-et-emploie/assurance-protege/actualites/changement-climatique-quel-impact-sur-lassurance-a-lhorizon-2050/">France Assureurs</a> ont mené une série de travaux qui établissent un ordre de grandeur de l’aggravation du risque.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lurbanisation-anarchique-facteur-aggravant-des-incendies-dans-les-landes-188619">L’urbanisation anarchique, facteur aggravant des incendies dans les Landes</a>
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<p>Malgré les différences de périmètre, de scénarios envisagés et de méthodologie, les études convergent vers une forte hausse des sinistres liés au risque climatique : +50 % à prix constants dans l’étude CCR, +174 % pour le test de résistance climatique mené par l’ACPR auprès de 22 entreprises d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assurance-21174">assurance</a>, +93 % dans la projection de France Assureurs réalisée à partir d’une <em>maquette</em> statistique. Il conviendra d’ajouter à ce chiffre le différentiel d’inflation et l’excédent de richesse non anticipés par les hypothèses des études.</p>
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<p>Si maintenant on considère que les indemnités versées au titre de ces risques ont été de l’ordre de deux milliards et demi par an au cours des trente dernières années, on table donc sur une augmentation de l’ordre d’un gros milliard, à quatre milliards par an.</p>
<p>À la question « les tarifs sont-ils condamnés à augmenter ? » la réponse est donc bien évidemment oui en valeur absolue ; en valeur relative, on peut toutefois penser que les prix de l’énergie et des aliments carnés augmenteront plus fortement. Mais on peut aussi agir sur les risques qu’on connaît, c’est pourquoi une description plus précise est nécessaire pour envisager des remédiations.</p>
<h2>Une prime moyenne de 26 euros par habitation</h2>
<p>Une <a href="https://www.fondapol.org/etude/les-assureurs-face-au-defi-climatique/">étude réalisée pour la Fondapol en 2020</a>, menée par José Bardaji et Arnaud Chneiweiss, décrit avec précision les trois catégories de risque climatique correspondant à trois régimes d’indemnisation : par ordre décroissant d’importance, il s’agit (1.) des catastrophes naturelles, (2.) des garanties « tempête, grêle, neige » (TGN) et (3.) des assurances agricoles.</p>
<p>Depuis la loi de 1982 sur les « cat nat », celles-ci sont prises en charge en supplément des assurances de dommages (par exemple des contrats multirisques habitation). La différence entre ces deux dispositifs est que le premier (cat nat) est entièrement régi par la réglementation, tant pour le tarif que pour les modalités d’indemnisation, tandis que le deuxième (dommages) l’est par le contrat.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gel-comment-mieux-assurer-les-viticulteurs-159000">Gel : comment mieux assurer les viticulteurs ?</a>
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<p>Enfin, les assurances agricoles ne concernent que les professionnels qui souhaitent s’assurer contre la grêle et/ou les autres périls pouvant porter préjudice à leur activité. En moyenne, la prime « catastrophe naturelle » est de 26 euros par habitation, comme la prime TGN des ménages, tandis que les primes des professionnels sont plus élevées. Les montants payés par les particuliers sont donc raisonnables, et une augmentation, si elle est proportionnée au risque, ne paraîtrait pas démesurée.</p>
<p>Toutefois, on ne peut pas se satisfaire de raisonner en termes de <em>moyenne</em>. L’étude de la Fondapol montre ainsi que les différents régimes organisent « une redistribution massive de la très grande majorité des départements métropolitains » vers certains d’entre eux car la cotisation varie faiblement d’une région à l’autre alors que la sinistralité est très contrastée.</p>
<h2>Un risque pour la solidarité nationale</h2>
<p>Ainsi, au cours des trente dernières années, par exemple, l’Aude a reçu 318 % du montant de sa cotisation aux « cat nat », tandis que la Charente a payé seize fois ce qu’elle a reçu ; pour la garantie TGN, les Landes ont perçu 338 % des sommes cotisées tandis que l’ensemble de l’Île-de-France ne récupérait que 21 % de sa mise.</p>
<p>« La mutualisation est l’essence de l’assurance », pense-t-on à raison : mais un déséquilibre permanent pourrait menacer « l’assurabilité » de certains risques. Pensons au cas de Saint-Barthélemy, ravagé en 2017 par l’ouragan Irma, avec un coût moyen du sinistre de 91 000 euros, soit plus de trente ans de cotisations, moins, hélas, que le temps de retour probable du prochain ouragan.</p>
<p>Il n’est donc pas faux de dire que si nous ne faisons rien en termes de lutte contre le changement climatique, le fardeau des catastrophes naturelles pourrait devenir insupportable, avec le risque d’entrainer une érosion de la solidarité nationale, soit que les habitants de régions les moins exposées refusent de payer pour les autres, soit que la hausse des tarifs rende l’assurance inabordable pour certains ménages.</p>
<p>Les assureurs n’ignorent pas ce défi : les chercheurs Arthur Charpentier, Laurence Barry et Molly James montrent notamment que la composition de la <em>justice actuarielle</em> (qui consiste à faire payer le vrai prix du risque) avec la <em>solidarité</em> n’est pas simple puisque la solution optimale à court terme (c’est-à-dire la redistribution) produit des <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41288-021-00233-7">effets pervers à moyen-long terme</a> (dans la mesure où elle n’incite pas à la prévention).</p>
<p>C’est donc en pleine conscience des enjeux que les assureurs proposent des remédiations. Il faut comprendre que celles-ci engagent notre organisation économique et sociale qui doit changer pour atténuer les effets du changement climatique : de même qu’on ne réglera pas le problème des transports en remplaçant simplement les voitures thermiques par des véhicules électriques, mais en repensant l’ensemble des mobilités dans leurs interactions, de même on ne diminuera pas l’exposition au risque en rendant étanche la maison engloutie par la submersion marine !</p>
<h2>Éduquer sur les risques naturels</h2>
<p>On peut certainement améliorer les normes et les procédés constructifs afin d’éviter que les risques naturels, notamment la sécheresse, aggravent les effets d’éventuels défauts de construction : le <a href="https://www.mediation-assurance.org/rapports-activite/">rapport 2021 de la médiation de l’assurance</a> montre l’acuité de ce problème.</p>
<p>Toutefois, la prévention exige une prise en compte plus générale des risques naturels : comprendre les périls autour de nos habitations c’est aussi les repérer, éviter d’y exposer les nouvelles constructions, avoir les bons réflexes quand la catastrophe arrive. Mieux encore : réaménager les villes (quand les maisons sont régulièrement inondées par le fleuve qui déborde), limiter l’artificialisation des sols, comme certaines communes ont déjà commencé à le faire.</p>
<p>La culture du risque naturel représente un investissement considérable, d’abord en capital humain et dans l’organisation collective. Une journée nationale annuelle devrait avoir pour objet d’éduquer sur les risques naturels locaux, sur les bons réflexes à avoir (ne pas descendre au sous-sol tenter de sauver sa voiture d’une inondation, au risque de perdre la vie), sur les travaux et mesures de prévention engagés par l’État et les collectivités locales. C’est un préalable pour que les investissements physiques soient les plus efficaces.</p>
<p>Il est également essentiel que tous les acteurs, publics (État, collectivité locale, EDF, Météo France, etc.) et privés (assureurs, opérateurs de téléphonie, etc.), partagent mieux leurs informations et retours d’expérience. Les entreprises d’assurance peuvent accompagner les parties prenantes pour réduire les risques au niveau individuel, c’est-à-dire dans le conseil au client, comme collectif : c’est précisément l’utilité des études qu’elles ont diligentées de nous permettre d’entrevoir, au-delà de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/eco-anxiete-75935">éco-anxiété</a>, comment nous pouvons prévenir les risques pour continuer à indemniser leurs conséquences.</p>
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<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/arnaud-chneiweiss-431bb720/">Arnaud Chneiweiss</a>, médiateur de l’assurance, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191216/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Charles Pradier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différentes études font état d’une augmentation à venir des indemnités versées située dans une fourchette d’un à quatre milliards par an d’ici 2050.Pierre-Charles Pradier, Maître de conférences en Sciences économiques, LabEx RéFi, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900922022-09-14T18:08:45Z2022-09-14T18:08:45ZAu Sénégal, mobilisation pour protéger le plus grand gisement forestier du pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484659/original/file-20220914-9486-bt5hhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la partie Sud-Est du Sénégal (ici à Medina Yoro Foulah), les forêts sont menacées par des feux de brousse et la coupe abusive. Les acteurs de la DyTAES se mobilisent pour enrayer la déforestation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin / Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 7 février au 12 mars 2022, la Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) – réseau qui fédère l’ensemble des acteurs de l’agroécologie du pays – <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-caravane-de-lagroecologie-126986">a entrepris une grande caravane</a> pour rencontrer les agriculteurs et agricultrices du pays.</p>
<p>Après un périple de 25 jours ponctué de multiples étapes, les caravaniers ont atteint les départements de Kolda, Velingara et Tambacounda, situés dans le sud-est du Sénégal, une zone forestière de première importance soumise à de multiples pressions.</p>
<h2>Face à face avec des coupeurs de bois clandestins</h2>
<p>Cette forêt, Oumar Dème la connaît depuis son enfance. Il l’a vue se dégrader d’année en année, sous l’agression des feux de brousse et des machettes. En 2014, lorsqu’il est devenu maire de sa commune, Ndoga Babacar (département de Tambacounda), il a décidé de consacrer son mandat à lutter contre le fléau de la déforestation illégale.</p>
<p>Un pari particulièrement risqué dans cette zone frontalière du Sénégal, en proie à la pauvreté, à la corruption et à la circulation des trafiquants de tous genres. Avec l’appui des habitants, le nouveau maire a construit un réseau de surveillance communautaire qui lui permet de savoir ce qui se passe dans chaque parcelle forestière de sa commune.</p>
<p>Un jour d’août 2019, ses informateurs lui ont révélé la présence d’un camp illégal de coupeurs de bois dans une zone reculée, à seulement quelques kilomètres de la frontière gambienne. Il prend alors une décision frappante : se rendre lui-même sur site accompagné de la presse et d’une poignée de militants afin de surprendre les exploitants clandestins !</p>
<p>Arrivé sur place, le groupe découvre une cinquantaine de jeunes hommes et femmes épuisés, le regard hagard, certains semblant en très mauvaise santé. En face des caméras, le maire sermonne le chef de camp et lui rappelle les règles d’utilisation de la forêt en vigueur dans sa commune.</p>
<p>Trois années plus tard, en 2022, alors que la nouvelle caravane de la DyTAES sillonne le pays, le constat est amer : à Ndoga Babacar comme dans tout le sud-est du Sénégal, la situation des forêts s’est dégradée.</p>
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<span class="caption">Les ouvriers d’un camp illégal de coupe de bois et de charbonnage, dans une zone isolée du Sénégal oriental à la frontière sénégalo-gambienne. Ces jeunes hommes originaires de Guinée forestière vivent avec leur famille dans des conditions précaires, sans accès à l’eau ni aux soins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<span class="caption">Camp illégal de coupe de bois (charbonnière, ouvrier et fagots) dans la forêt aménagée de la commune de Ndoga Babacar (département de Tambacounda) ; en août 2019, Oumar Dème (en bleu), maire de la commune, a organisé une conférence de presse dans ce camp.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<h2>Une région forestière menacée par les activités humaines</h2>
<p>La région Sud-Est du Sénégal est pourtant gâtée par la nature. Contrastant drastiquement avec le reste du pays, cette zone subtropicale bénéficie de précipitations abondantes, en moyenne 730 mm/an.</p>
<p>Ce climat clément permet de maintenir le plus grand gisement forestier du pays. La région est connue pour ses forêts classées, dont le parc national du Niokolo-Koba, inscrit sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’Unesco, abritant une faune et flore très riches. Cependant, à travers la fenêtre des voitures, les caravaniers observent le long des routes des tapis de cendres noires et une savanisation galopante. Triste conséquence du charbonnage, des feux de brousse anthropiques, de l’exploitation forestière et de la mise en culture de nouvelles terres.</p>
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<span class="caption">Producteur maraîcher dans une zone de front pionnier de Medina Yoro Foulah (département de Kolda).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<p>Malgré une volonté politique de protéger les forêts, ces dernières disparaissent à un rythme effréné. Entre 1990 et 2015, les <a href="https://inondations-dakar.org/dataset/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement-au-senegal-2015/resource/4c161442-52bd-4770-9b5d-f063452929ab">forêts sont passées de 9,3 à 8,2 millions d’hectares au Sénégal</a>, enregistrant une perte moyenne annuelle de 40 000 ha.</p>
<p>Mactar Diop, préfet du département de Kolda, est conscient du désastre environnemental qui se joue : « la coupe du bois, les défrichements irréguliers pour la production agricole et les feux de brousse anthropiques causent la disparition de beaucoup d’espèces animales et végétales ». Le commerce illicite de bois entre le Sénégal et la Gambie contribue à la disparition progressive d’espèces forestières comme le vène (<em>Pterocarpus erinaceus</em>) et le kapokier (<em>Ceiba pentandra</em>).</p>
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<span class="caption">Parcelle forestière après un feu de brousse dans le département de Kolda.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<span class="caption">Chaque année, les populations du département de Kolda mettent le feu aux forêts et aux jachères. Le brûlage permet de défricher rapidement les sous-bois et de stimuler la croissance de la biomasse herbacée pour nourrir le bétail. Cette pratique, lorsqu’elle n’est pas bien maîtrisée, peut également tuer les arbres et dégrader les sols.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<h2>Une agroécologie protectrice des forêts</h2>
<p>Lors de son passage dans le sud-est du Sénégal, la caravane DyTAES a mis en lumière plusieurs initiatives de lutte contre les feux de brousse anthropiques et la coupe abusive des arbres.</p>
<p>À Kolda, deux communes contiguës (Niaming/Médina Yoro Foulah) se sont coordonnées depuis 2020 pour mettre en défens une parcelle forestière de 20 hectares. Bien que de petite échelle, cette initiative a montré qu’avec un engagement fort des collectivités territoriales, il était possible de mettre un coup d’arrêt rapide à la déforestation.</p>
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<p>Dans le département de Vélingara, plusieurs comités de gestion des catastrophes naturelles ont été créés avec l’appui de l’ONG World vision. Ces comités organisent un réseau de surveillance et d’alerte contre l’élagage illégal des arbres. Ils implantent également des haies « pares-feux » en privilégiant l’anacardier, une essence qui produit les délicieuses noix de cajou et qui constitue une excellente barrière naturelle contre la propagation des incendies.</p>
<p>À Tambacounda, l’ONG Enda Pronat fait la promotion à grande échelle de la régénération naturelle assistée, une pratique qui consiste à protéger les jeunes arbres qui apparaissent spontanément (plutôt que de planter de nouveaux arbres).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le secrétaire du comité environnemental de veille de la forêt de Niaming/Médina Yoro Foulah, dans le Sud-Est du Sénégal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<span class="caption">Visite par les caravaniers de la forêt mise en défens de Niaming/Médina Yoro Foulah ; L’anacardier, en plus de produire des noix, permet de construire des haies vives pare-feux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD ; Malick Djitté/FONGS</span></span>
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<h2>Semer les graines du changement</h2>
<p>Lutter contre la déforestation passe également par une sécurisation et une diversification des moyens d’existence des populations. Dans le sud-est du Sénégal, ces dernières dépendent principalement de l’élevage, de la production de coton, de la riziculture et des cultures d’autosubsistance (niébé, fonio, mil, maïs, etc.).</p>
<p>Malheureusement, ces spéculations subissent de plein fouet les effets négatifs de la révolution verte. En particulier, le coton est en proie à une utilisation importante et abusive de pesticides parfois non homologués ; une situation rendue possible par le manque d’encadrement des producteurs et la porosité de la frontière sénégalo-gambienne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Culture conventionnelle de coton à Koussanar (département de Tambacounda) ; moissonneuses-batteuses utilisées en riziculture intensive à Anambe (département de Velingara) ; Élevage intensif de volailles à Medina Yoro Foulah (département de Kolda).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<p>Lors des étapes sud-est de la caravane, les participants ont rencontré plusieurs initiatives agroécologiques visant à réduire la dépendance des paysans et paysannes vis-à-vis des intrants extérieurs (pesticides, engrais et semences).</p>
<p>Dans le département de Vélingara, par exemple, la ferme agroécologique Biolopin à Djimini intègre intelligemment l’arboriculture, le maraîchage bio, l’élevage et la production de plantes médicinales. La ferme produit, améliore et diffuse des « semences paysannes » en collaboration avec l’Association sénégalaise des producteurs de semences paysannes (ASPSP).</p>
<p>Rustiques, résistantes et peu coûteuses, ces semences paysannes offrent une alternative précieuse aux semences distribuées par les compagnies agrosemencières, particulièrement gourmandes en intrants chimiques et dont la productivité diminue à chaque cycle cultural.</p>
<p>Lamine Biaye, fondateur de Biolopin, rappelle qu’« en agroécologie, il ne faut pas dépendre des semences extérieures […] ; il faut au contraire les produire soi-même pour être autonome. Il y a un grand vent de transition agroécologique à travers le monde, mais il n’y a pas de transition agroécologique sans semences paysannes ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Visite d’un « grenier traditionnel amélioré » avec l’appui de Am Be Koun – Solidarité ; Semences et farine de mil ; Lamine Biaye, fondateur de Biolopin, présente sa collection de « semences paysannes ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD ; Malick Djitté/FONGS</span></span>
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<p>Dans le département de Tambacounda, les producteurs sont également sur la voie de l’autonomisation semencière. Des banques céréalières villageoises ont été créées par l’ONG CARITAS dans 20 villages, bénéficiant à 1020 producteurs et productrices sur une superficie totale de 213 hectares.</p>
<p>À Koussanar, l’ONG ActionAid et la Fédération Yakar Niani Wouli ont mis en place une production écologique de semences bénéficiant à 40 femmes issues de 6 villages. À Saré Nopi, l’organisation Am Be Koun-Solidarité (ABK-S) a modernisé le grenier traditionnel « kourou-kourou » afin d’améliorer les conditions de conservation et de préservation des semences.</p>
<p>Après leur périple de 34 jours à travers le Sénégal, les acteurs de la caravane DyTAES vont se consacrer à la capitalisation des résultats obtenus sur le terrain et à l’ouverture d’un nouveau cycle de dialogue avec le gouvernement sénégalais. Une manière de porter la voix des ruraux du pays et d’alimenter le « plan Sénégal Émergent Vert » en cours d’élaboration.</p>
<hr>
<p><em>Laure Diallo est co-autrice de cet article. Retrouvez tous les articles sur la grande caravane de l’agroécologie au Sénégal en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-caravane-de-lagroecologie-126986">cliquant ici</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les étapes de la caravane évoquées dans cet article ont été organisées par les membres de la DyTAES avec l’appui financier du projet Fair Sahel (Union Européenne), de MISEROR, de Action Aid, de l’Agence Française de Développement, du Cadre National de Concertation des Ruraux (CNCR) et de Bel Fondation d’Entreprise.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Raphaël Belmin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour la dernière étape de la grande caravane de l’agroécologie 2022, cap sur la plus grande zone forestière du pays.Marie-Liesse Vermeire, Chercheuse en écologie du sol, CiradRaphaël Belmin, Chercheur en agronomie, photographe, accueilli à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA, Dakar), CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1886192022-08-11T17:39:05Z2022-08-11T17:39:05ZL’urbanisation anarchique, facteur aggravant des incendies dans les Landes<p>Si la sécheresse et la chaleur exceptionnelles que connaît la France cet été sont l’élément déclencheur des grands incendies toujours en cours dans le massif des Landes de Gascogne, le drame prend aussi sa source dans les tendances lourdes de la démographie et les lacunes de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Cet épisode met en évidence les limites d’une gestion du risque principalement réactive, fondée sur la réponse rapide et massive aux départs d’incendie.</p>
<p>En effet, la stratégie de lutte contre les incendies de forêts repose actuellement sur deux piliers complémentaires : l’aménagement forestier et la lutte contre les feux déclarés. La doctrine en vigueur mise sur la surveillance des forêts et l’intervention la plus rapide possible des secours sur les feux naissants par des moyens terrestres et aériens. Cette stratégie est rendue possible par l’aménagement des massifs forestiers pour créer des accès, des points d’eau, etc. Dans le massif landais, le dispositif de défense contre l’incendie (DFCI) permettant ces aménagements a été mis en place à la suite des grands incendies de la <a href="https://www.dfci-aquitaine.fr/qui-sommes-nous/presentation">décennie 1940</a>. La DFCI est financée pour partie par les propriétaires forestiers et fonctionne largement grâce à leur participation.</p>
<p>Cette organisation basée sur la complémentarité forestiers – pompiers, modernisée au fil du temps, s’est avérée particulièrement efficace en éteignant très rapidement la plupart des incendies et en <a href="https://observatoire-risques-nouvelle-aquitaine.fr/feux-de-foret/risques-nouvelle-aquitaine-des-indicateurs-de-frequence-et-de-superficie-des-feux-de-foret-accessibles-a-tous/">limitant les superficies brûlées</a> malgré un nombre important de départs de feu. Mais ce système, bien adapté au contexte d’un massif forestier exploité de façon intensive et d’une région rurale peu densément peuplée, se trouve aujourd’hui mis en échec par le changement climatique et l’urbanisation.</p>
<h2>80 % des incendies se déclenchent à moins de 50 mètres des habitations</h2>
<p>L’augmentation des températures et la plus grande fréquence des épisodes caniculaires sont sans conteste à l’origine d’une aggravation du risque d’incendie. Moins médiatisées mais tout aussi importantes, l’urbanisation et l’attractivité de la région depuis une cinquantaine d’années (notamment du littoral et de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5760981#titre-bloc-7">Gironde</a>), contribuent elles aussi à une aggravation graduelle du risque. D’abord en générant davantage d’activités sources d’incendies dans ou à proximité des forêts : barbecues mal éteints, feux de chantiers de BTP, mégots jetés en bord de route… Rappelons que <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-feux-foret">près de 95 % des causes sont humaines</a> et qu’en France, 80 % des incendies se déclenchent à moins de 50 mètres des habitations.</p>
<p>Dans le même temps, l’urbanisation dans les zones à risque signifie aussi mécaniquement l’augmentation des victimes et des dégâts potentiels, surtout lorsque cette urbanisation se fait sous forme de prolifération anarchique au contact de la forêt : en Nouvelle Aquitaine un habitant sur deux vit dans une zone peu dense et, selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4270175">Insee</a> ce sont ces zones qui connaissent la plus forte croissance démographique. L’urbanisation s’est étalée autour des bourgs, dans des hameaux isolés, le long des voies de communication et génère la multiplication des zones de contact entre habitat et forêt.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue aérienne de l’étalement urbain à Landiras (Gironde).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Géoportail</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les incendies actuels montrent à quel point cette urbanisation complique le travail des secours face à un incendie de grande ampleur. La présence de nombreux quartiers et hameaux éparpillés contraint les secours à gérer la mise en sécurité de milliers de personnes et les oblige à disperser leurs moyens pour protéger les maisons dans une logique défensive, au détriment d’une stratégie offensive permettant de maîtriser plus rapidement la progression du feu.</p>
<p>Pire encore, les secours ne peuvent pas toujours intervenir à temps. L’exemple de l’incendie qui, en 2018, a fait 85 morts dans la petite ville de Paradise en Californie, l’illustre de façon dramatique : l’avancée rapide du feu, démarré aux environs de 6 heures du matin, a pris la <a href="https://hazards.colorado.edu/quick-response-report/collective-action-in-communities-exposed-to-recurring-hazards">population et les autorités par surprise</a> et n’a pas laissé le temps d’évacuer, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=96Aw-mGxrzA">piégeant de nombreux habitants</a> dans leur maison ou leur voiture.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<h2>Une efficacité de la lutte contre les feux victime de son succès apparent</h2>
<p>Dans ce contexte, la gestion des incendies telle que mise en place jusqu’à présent dans le massif landais, présente plusieurs défauts. Le premier est de s’attaquer principalement aux symptômes et de ne s’attaquer que marginalement à la source du problème. Pourtant la litanie des incendies de l’été en France offre une bonne vision de la diversité des causes humaines d’incendies : déséquilibré pyromane, panne d’un véhicule, braises échappées d’un camion pizza, étincelles au passage d’un train, travaux en forêt, feu d’artifice, jet de mégot, etc.</p>
<p>Une action plus efficace sur ces sources de départ de feu supposerait la remise en cause de certaines activités, des changements de pratiques individuels et collectifs, plus de sensibilisation, des contrôles, etc. Or dans ce domaine, l’efficacité de la lutte contre les feux déclarés constatée jusqu’à présent s’est finalement avérée contre-productive et a alimenté une <a href="https://www.researchgate.net/publication/254734365_The_Dragons_of_Inaction_Psychological_Barriers_That_Limit_Climate_Change_Mitigation_and_Adaptation">forme de déni</a> face aux alertes sur l’aggravation des risques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Maisons en forêt à la Teste de Buch, vue prise depuis la dune du Pilat (Gironde)" src="https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Maisons en forêt à la Teste de Buch, vue prise depuis la dune du Pilat (Gironde).</span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Bouisset, 2017</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nos <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=-0w_EAAAQBAJ">enquêtes auprès d’habitants et d’élus locaux</a> dans le massif landais ont ainsi montré que beaucoup considéraient le problème des incendies comme bien maîtrisé : plus le dispositif réduisait les surfaces brûlées plus le risque était invisibilisé et moins il paraissait inquiétant.</p>
<p>Or, le deuxième défaut du dispositif qui rejoint le premier, est son coût croissant, non seulement pour les propriétaires forestiers mais également pour l’État et surtout les collectivités qui, au niveau national, financent les services d’incendie et de secours pour un montant supérieur à <a href="http://www.senat.fr/rap/l21-163-329-2/l21-163-329-22.html">5 milliards d’euros en 2020</a>.</p>
<p>En France, la politique d’extinction <a href="https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/centre-ressources/changement-climatique-et-extension-des-zones-sensibles-aux-feux-forets">absorbe les 2/3 des financements</a> consacrés aux incendies. Mais là encore, plus le dispositif est efficace, plus son financement est difficile à justifier dans un contexte de budgets contraints : à quoi bon consacrer davantage de moyens à un problème qui occasionne peu de dégâts ?</p>
<h2>Des outils d’aménagement du territoire peu mobilisés</h2>
<p>La confiance excessive dans l’efficacité du dispositif de gestion des incendies explique aussi que les outils disponibles en matière d’aménagement du territoire sont peu ou mal mobilisés dans le massif landais. Seules <a href="https://www.gironde.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Prevention-des-risques-naturels-et-technologiques/Les-risques-en-Gironde/Le-risque-feux-de-foret">13 communes</a> sont dotées de Plans de prévention du risque incendie de forêt (<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/PPR_feux_de_foret_complet_0.pdf">PPRIF</a>).</p>
<p>Établis sur prescription du préfet, ils peuvent interdire les constructions nouvelles dans les zones les plus à risque, les subordonner au respect de certaines mesures de sécurité et même imposer des travaux de sécurisation des constructions existantes. Mais beaucoup d’acteurs du massif landais, à commencer par de nombreux maires, ont jusqu’à présent considéré <a href="https://hal.uvsq.fr/UMR5319/halshs-01816075">l’outil comme trop contraignant</a> car contrariant de façon excessive les projets d’urbanisation. Sans que l’État fasse preuve non plus d’une grande volonté à les voir se généraliser.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Jardin non débroussaillé, la végétation arrive au contact de la maison" src="https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Labenne (Landes) : jardin non débroussaillé, la végétation arrive au contact de la maison.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Bouisset 2018</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>De la même façon, la réglementation impose aux propriétaires de <a href="https://www.nouvelle-aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/obligations-legales-de-debroussaillement-old-a11438.html">débroussailler</a> un périmètre de 50 mètres autour de leur maison. En évitant que les bâtiments soient au contact direct de la végétation, cette mesure permet de mieux les protéger et de faciliter l’action des secours. Or malgré des campagnes de <a href="https://www.dfci-aquitaine.fr/je-suis-un-particulier/autour-de-la-maison/debroussaillement">sensibilisation</a> nombreux sont les résidents de communes forestières qui ne respectent pas pleinement ces consignes, voire les ignorent.</p>
<p>De leur côté, communes et services de l’État montrent souvent peu d’empressement à faire appliquer rigoureusement cette réglementation contraignante. Or cette négligence accroît la vulnérabilité des populations et des constructions, tout en compliquant l’intervention des secours.</p>
<h2>À l’heure du changement climatique : anticiper les risques</h2>
<p>Les <a href="http://foris.fao.org/static/pdf/fm/5thIWFConference2011.pdf">leçons tirées</a> de ce qui se passe ailleurs dans le monde indiquent qu’il est illusoire de croire que le simple renforcement des dispositifs actuels de gestion des incendies par toujours plus de moyens d’extinction, suffira à affronter le double défi du changement climatique et de l’urbanisation.</p>
<p>Sans action sur les causes, sans intégration du risque dans la prise de décision en matière d’aménagement du territoire et sans prise de conscience des populations et des pouvoirs publics locaux, le coût de la lutte deviendra exorbitant et sa capacité à assurer la protection des populations et celle des forêts de plus en plus incertaine au fur et à mesure que le changement climatique s’intensifiera. Car les techniques de lutte sont largement impuissantes face aux grands incendies.</p>
<p>Alors que la gestion actuelle mise surtout sur la réactivité face à l’événement, il est indispensable de penser davantage dans une logique anticipatrice, à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Bouisset a reçu des financements publics de la Région Nouvelle Aquitaine dans le cadre du projet de recherche RiTTA - Risques et transformations territoriales en Aquitaine dans le contexte du changement climatique (2015-2018).</span></em></p>Les grands incendies qui dévastent actuellement les Landes reflètent aussi les défauts d’une urbanisation à outrance et les lacunes de l’aménagement du territoire.Christine Bouisset, Maître de conférences en géographie, membre du laboratoire TREE - Transitions Energétiques et Environnementales, UMR 6031 CNRS, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1857462022-08-04T20:31:27Z2022-08-04T20:31:27ZD’où viennent les bois de Notre-Dame ? Les scientifiques mènent l’enquête<p><em>Catastrophe patrimoniale, l'incendie de Notre-Dame en 2019 permet aussi d’accroître nos connaissances : les débris de la célébrissime cathédrale sont autant de précieux témoins du passé ! Cette série suit le chantier scientifique de Notre-Dame, où bois carbonisés et pièces en métal révèlent leurs secrets. Après un premier épisode où l’on <a href="https://theconversation.com/quand-la-charpente-de-notre-dame-nous-renseigne-sur-la-meteo-medievale-etudier-la-charpente-de-notre-dame-pour-connaitre-la-meteo-medievale-184990">faisait parler la charpente</a>, on se demande d’où viennent les bois de la charpente de la cathédrale.</em> </p>
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<p>Bien qu'en 2022, on peut trouver difficile de se procurer des matériaux de construction dont le prix ne cesse de grimper, nous sommes loin d'imaginer le contexte économique des bâtisseurs au temps des cathédrales. </p>
<p>Les projets d'envergure que sont les cathédrales gothiques mobilisaient des ressources humaines et économiques de tout un territoire, s'étalaient sur des siècles ; ils témoignent d'une organisation complexe pourtant peu connue de nos jours. </p>
<p>Un des exemples les plus emblématiques est la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Alors qu'elle est devenue un symbole du pays, on ignore presque tout de la gestion et de l'alimentation en bois du chantier de l'époque. Une histoire qui a bien failli disparaître lors de l'incendie du 15 avril 2019, quand la charpente médiévale vieille de plus de 800 ans s'est effondrée. </p>
<p>Les poutres calcinées ne pouvant pas être réutilisées pour la reconstruction du monument, elles ont été mises à disposition de la communauté scientifique et sont devenues une source d'information exceptionnelle, une véritable archive matérielle et patrimoniale. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-sciences-au-chevet-de-notre-dame-180915">Les sciences au chevet de Notre-Dame</a>
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<p>Une <a href="https://www.notre-dame.science/gt-bois-membres/">équipe</a> de près de 70 personnes s'est constituée pour en dévoiler les secrets. </p>
<h2>Un chantier économique exceptionnel</h2>
<p>Les poutres calcinées pourraient notamment éclairer le mystère de la provenance géographique des bois employés dans la construction de la charpente. </p>
<p>Il est presque certain qu'ils ont des sources multiples, mais jusqu'à présent, les <a href="https://creaah.cnrs.fr/team/durand-aline/">historiens</a> de notre <a href="https://chrono-environnement.univ-fcomte.fr/spip.php?page=perso&nom=GARNIER&prenom=Emmanuel">groupe</a> de <a href="https://www.irht.cnrs.fr/fr/annuaire/bourlet-caroline">travail</a> n'ont pas pu apporter de réponse précise à cette question, de nombreuses archives ayant disparu au cours de temps. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Gravure montrant un train de flottage du bois" src="https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=687&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=687&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476323/original/file-20220727-1351-z8re3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=687&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gravure montrant un train de bois extrait de l’Encyclopédie Méthodique Arts et Métiers Mécaniques, 1784.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://burgondiart.wordpress.com/2015/04/25/quand-les-parisiens-se-chauffaient-au-bois-du-morvan-la-tradition-du-flottage-du-bois/">Encyclopédie Méthodique Arts et Métiers Mécaniques / Burgondiart</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, des pistes existent. On peut s'inspirer de l'anecdote de l'abbé Suger à la recherche – apparemment déséspérée – de douze poutres pour le chevet de la cathédrale Saint-Denis, qu'il espérait trouver dans la forêt d'Yvelines, qui appartenait alors à l'abbaye. Ainsi, les bois de Notre-Dame auraient pu être coupés dans les forêts du diocèse et du chapitre cathédral, principalement situées en Île-de-France…</p>
<p>D'autres hypothèses sont envisageables. Paris, au milieu du bassin de la Seine, bénéficie en effet d'un réseau fluvial qui facilite le transport des marchandises et notamment du bois (combustible ou peut-être destiné à l'architecture).</p>
<h2>L'hypothèse du flottage du bois</h2>
<p>Les ports autour de l'Île de la Cité étaient alimentés par bateau ou par <a href="https://www.histoires-de-paris.fr/flottage-de-bois/">flottage du bois</a>, de l'amont ou de l'aval de la métropole, par l'Oise, la Seine, voire l’<a href="https://burgondiart.wordpress.com/2015/04/25/quand-les-parisiens-se-chauffaient-au-bois-du-morvan-la-tradition-du-flottage-du-bois/">Yonne</a>.</p>
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<p>Le flottage semble bien implanté depuis le XIVe siècle, comme en attestent certains registres – par exemple, celui du Collège des Bernardins, qui fut fondé en 1348 à deux pas de la cathédrale de Notre-Dame et bâti avec du <a href="https://www.jstor.org/stable/24566255">bois acheté auprès des marchands</a> ; il y a également des traces écrites de flottage sur la Seine et sur l'Oise <a href="http://opac.regesta-imperii.de/id/2583478">dès le XIIIe siècle</a>… c'est-à-dire au moment de la construction de la charpente de Notre-Dame. </p>
<p>Malheureusement, les preuves écrites de marché ou de flottage du bois manquent concernant les bois de la charpente de Notre-Dame. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474111/original/file-20220714-32145-i1b7wc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Trous de flottage dans un entrait du XIIIe siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Girardclos, Jean-Yves Hunot</span></span>
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</figure>
<p>Lors de l'inventaire des bois calcinés et de leur description archéologique, les <a href="https://creaah.cnrs.fr/profiles/hunot-jean-yves/">archéologues</a> et <a href="https://chrono-environnement.univ-fcomte.fr/spip.php?page=perso&nom=GIRARDCLOS&prenom=Olivier">dendroarchéologues</a> ont repéré sur un des «entraits» du XIII<sup>e</sup> siècle un trou destiné à faire passer un cordage pour l'assemblage de trains de flottage : une preuve indiscutable que les troncs peuvent venir de tout le bassin de la Seine.</p>
<h2>Comparer les croissances des arbres</h2>
<p>Il existe plusieurs pistes pour remonter à l'origine géographique des bois de la charpente de Notre-Dame. Notre équipe est ainsi en train de constituer un «référentiel de dendroprovenance», inédit et collectif : nous prélevons bois et sols dans des forêts de chênes couvrant le bassin de la Seine afin de comparer le référentiel aux données qui seront acquises sur les bois de Notre-Dame. </p>
<p>La première piste pour mieux délimiter les provenances géographiques des bois, les analyses de «<a href="https://sstinrap.hypotheses.org/5500">dendroprovenance</a>» s'appuient sur l'anatomie du bois. </p>
<p>En effet, les arbres enregistrent l'environnement dans lequel ils se développent. Par exemple, les cernes, anneaux concentriques formés chaque année en milieu tempéré, représentent <a href="https://theconversation.com/la-dendrochronologie-lart-de-lire-dans-les-cernes-des-arbres-62394">un indicateur des conditions de croissance de l'arbre ou encore du climat</a>. Leur largeur varie d'une année sur l'autre en fonction de l'arbre, mais aussi des conditions environnementales locales et régionales. Ainsi, des arbres poussant dans une même région présentent des croissances qui se ressemblent. </p>
<p>Cette approche de dendroprovenance, fondée sur des corrélations statistiques, dépend donc fortement de la disponibilité de «référentiels dendrochronologiques», qui permettent de relier les observations à des localisations dans le temps et l'espace. </p>
<h2>L’impact de la carbonisation sur les bois</h2>
<p>Afin de compléter cette approche, on s'intéresse aux éléments chimiques présents dans le bois, et notamment aux <a href="https://journals.openedition.org/techne/1090">isotopes du strontium</a>, couramment utilisés en archéologie pour étudier l’<a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/breves/archeologie-archeologie-cette-nouvelle-methode-pourrait-eclairer-histoire-humaine-2920/">histoire des populations humaines</a>. </p>
<p>Récemment appliquée à des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2017.09.005">bois archéologiques issus d'épaves</a>, cette approche a permis de discriminer des <a href="http://bddc.liec.univ-lorraine.fr/cv/POSZWA%20A.htm">bois ayant poussé sur des substrats calcaires de ceux ayant poussés sur des sols silicatés</a>.</p>
<p>Toutefois, les bois de Notre-Dame sont carbonisés, pour certains en périphérie, pour d'autres jusqu'au centre. Or, la carbonisation entraîne des modifications anatomiques, chimiques et isotopiques qui dépendent notamment de la durée d'exposition, des températures atteintes, de la présence d'oxygène. Des tests de carbonisation <a href="https://archeozoo-archeobota.mnhn.fr/fr/annuaire/alexa-dufraisse-8814">ont été menés</a> afin de déterminer si les rapports isotopiques du strontium dans le bois avant et après carbonisation étaient conservés. </p>
<p>Ces expériences de laboratoire ont montré que les rapports isotopiques ne sont pas modifiés, ce qui va nous permettre d'appliquer cette approche aux bois de Notre-Dame.</p>
<h2>Une approche scientifique inédite</h2>
<p>Le bassin de la Seine étant majoritairement représenté par des roches calcaires, nous avons ajouté un indicateur supplémentaire aux approches de largeurs de cerne et de compositions isotopiques du strontium : la composition chimique des bois de Notre-Dame. </p>
<p>Cette approche est totalement inédite sur des bois archéologiques, mais les éléments majeurs comme le calcium, le potassium, ou le fer sont déjà <a href="https://www6.nancy.inrae.fr/eef/Pages-Personnelles/Stephane-Ponton">utilisés</a>, par exemple pour appréhender l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2019.136148">évolution de la fertilité des sols</a> : des minéraux dissous dans le sol sont absorbés par le système racinaire (en fonction de l'acidité du sol), transportés par les vaisseaux conducteurs de la sève vers le tronc, les branches et les feuilles et stockés dans les cellules. La végétation qui a poussé sur un sol calcaire est plus riche en calcium que celle qui a poussé sur des sables ; et la proportion entre deux éléments, par exemple celle du calcium par rapport au manganèse, permet de discriminer si l'arbre a poussé sur un sol acide ou basique. </p>
<p>Là encore, nos expériences permettent de vérifier que la composition élémentaire du bois est un indicateur fiable sur des bois carbonisés. Bonne nouvelle, non seulement les signatures sont conservées mais elles sont même amplifiées par la carbonisation!</p>
<p>Les <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/les-terres-rares-et-apres">terres rares</a>, particulièrement l'yttrium et les lanthanides, peuvent également constituer une empreinte digitale du sol et donc être <a href="https://www.unipa.it/persone/docenti/s/filippo.saiano">utilisés</a> comme <a href="https://enseignants.inrap.fr/media/les-sciences-de-larcheologie-sylvie-coubray-anthracologue-vstf-65">traceurs géographiques complémentaires</a>.</p>
<h2>Constituer un référentiel de dendroprovenance</h2>
<p>C'est en combinant ces différentes approches que l'on peut créer notre «référentiel de dendroprovenance» et le comparer aux données des bois de Notre-Dame. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474115/original/file-20220714-32176-lfmu98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Référentiel de dendroprovenance multi-indicateurs. (a) forêts de chênes sélectionnées poussant sur des roches et sols constrastés (b) prélèvements de sols (c) caractérisation des peuplements forestiers (relevé floristique, mesures des diamètres et hauteurs des arbres (d) prélèvements de carottes de bois pour mesurer les cernes et analyser la composition chimique et isotopique.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, l'équipe des historiens continue à dépouiller les archives des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles et recensent les mentions de l'économie de bois, de la gestion des forêts, ainsi que les nombreux événements climatiques enregistrés par les chroniques médiévales d'Île-de-France. </p>
<p>Nous espérons qu'à la croisée des chemins des données historiques, bioarchéologiques et environnementales, le secret de l'origine des bois de Notre-Dame sera percé et qu'ils contribueront à améliorer les connaissances sur l'organisation du chantier de Notre-Dame de Paris.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexa DUFRAISSE a reçu des financements du CNRS (MITI) et de l'ANR</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Imbert Stulc a reçu des financements de CNRS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Garnier et Jean-Luc Dupouey ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La gestion et l’alimentation en bois du chantier de construction de Notre-Dame restent aujourd’hui encore largement méconnues.Alexa Dufraisse, Directrice de recherche CNRS en archéobotanique, spécialisée en dendro-anthracologie et en anthraco-isotopie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Anna Imbert Stulc, étudiante en thèse en bioarchéologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Emmanuel Garnier, Directeur de recherche CNRS historien du climat et des catastrophes, Université de Franche-Comté – UBFCJean-Luc Dupouey, chercheur en écologie forestière, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863332022-08-02T20:09:32Z2022-08-02T20:09:32ZEstimer la solidité des voûtes de Notre-Dame après l’incendie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/476287/original/file-20220727-11-5kce4y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C6%2C1333%2C696&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Structure en pierres de taille d’un ensemble voûte/arcs-boutants du chœur de Notre-Dame. Ici, le maillage utilisé dans certaines simulations.</span> <span class="attribution"><span class="source">Maurizio Brocato et Paul Nougayrede, GSA Paris-Malaquais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p><em>Catastrophe patrimoniale, l’incendie de Notre-Dame en 2019 permet aussi d’accroître nos connaissances : les débris de la célébrissime cathédrale sont autant de précieux témoins du passé ! Cette série suit le chantier scientifique de Notre-Dame, où bois carbonisés et pièces en métal révèlent leurs secrets. Après de premiers épisodes sur la <a href="https://theconversation.com/etudier-la-charpente-de-notre-dame-pour-connaitre-la-meteo-medievale-184990">charpente</a> et <a href="https://theconversation.com/comment-sont-reveles-les-secrets-des-poutres-de-la-charpente-de-notre-dame-dou-viennent-les-bois-de-notre-dame-les-scientifiques-menent-lenquete-185746">l’origine des bois</a>, on s’intéresse à la <a href="https://theconversation.com/de-fer-et-de-feu-les-metaux-de-notre-dame-a-travers-les-siecles-185748">structure de la cathédrale</a> et, dans ce 4<sup>e</sup> volet, à ses maçonneries.</em></p>
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<p>En avril 2019, au lendemain de l’incendie ayant frappé la cathédrale Notre-Dame, le CNRS et le ministère de la Culture ont mis en place le « chantier scientifique Notre-Dame » pour fédérer et organiser les initiatives émanant de la communauté scientifique française.</p>
<p>Notre groupe de travail « Structures » s’intéresse à l’évaluation mécanique des structures porteuses de la cathédrale – maçonneries et charpentes notamment. Nous avons très rapidement été sollicités par la maîtrise d’œuvre du chantier de restauration, afin d’évaluer la stabilité actuelle des voûtes hautes de la cathédrale affectées par l’incendie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-sciences-au-chevet-de-notre-dame-180915">Les sciences au chevet de Notre-Dame</a>
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<p>Si certaines parties des voûtes se sont effondrées au cours du sinistre, notamment à cause des impacts avec des éléments de la flèche ou de la charpente, la grande majorité des voûtes est restée en place. Ce n’est pas étonnant, car les voûtes étaient pensées à l’origine comme un système de protection incendie en faisant obstacle à la chute d’éléments en feu ! Elles ont bien rempli leur rôle, mais leur stabilité conditionne la sécurité du site.</p>
<p>De plus, les voûtes constituent aujourd’hui un véritable chef-d’œuvre architectural du style gothique – elles font bien sûr l’objet d’une conservation maximale.</p>
<p>Malheureusement, aucune méthode de calcul moderne n’est aujourd’hui disponible en bureau d’études techniques pour modéliser fidèlement le comportement mécanique de telles structures afin d’évaluer la sécurité du site et l’efficacité des mesures de soutènement mises en place par la maîtrise d’œuvre.</p>
<p>C’est pourquoi le recours à l’expertise scientifique s’avère ici nécessaire… et devant des mécanismes très complexes, notre groupe de travail a dû développer de nouvelles approches.</p>
<h2>Joyau de maçonnerie, défi pour les modélisateurs</h2>
<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, la construction de grands édifices a progressivement délaissé la maçonnerie au profit de la construction métallique et du béton armé ; l’effort de calcul/modélisation s’est alors porté sur ces matériaux modernes.</p>
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<p>Par ailleurs, le comportement mécanique d’une structure maçonnée s’avère extrêmement complexe à appréhender : une maçonnerie en pierres de taille appareillées comme celle de la cathédrale Notre-Dame se rapproche d’un matériau composite, anisotrope (matériau dont les propriétés mécaniques varient en fonction de la direction considérée dans le matériau) et hétérogène, constitué de blocs de pierres de taille assemblés par des joints minces de mortier de chaux, dont l’interface pierre-mortier constitue une zone de faiblesse mécanique.</p>
<p>Ainsi, l’endommagement d’une maçonnerie en pierres de taille appareillées se localisera préférentiellement au niveau des interfaces pierre-mortier et, en conséquence, la fissuration de la maçonnerie se produira selon des plans parfaitement identifiés.</p>
<h2>Stabilité et souplesse de la construction</h2>
<p>Notre-Dame est, grâce à ce mode constructif, dotée d’une forte stabilité mécanique, caractérisée par une grande souplesse : les déplacements relatifs entre blocs sont permis par la fissuration aux interfaces pierre-mortier, ce qui induit une capacité importante à dissiper l’énergie mécanique via les frottements au niveau de ces plans de fissuration.</p>
<p>C’est la fissuration aux interfaces pierre-mortier qui confère à la maçonnerie toute la richesse de son comportement mécanique, et qui rend dans le même temps complexe sa modélisation mécanique précise.</p>
<p>Si la modélisation du comportement mécanique des maçonneries fait aujourd’hui l’objet de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11831-019-09351-x">nombreux développements</a>, aucune des méthodes développées à ce jour ne peut se prévaloir de fournir une description exhaustive du comportement de ce matériau hétérogène.</p>
<p>Les études menées par notre consortium scientifique se sont donc appuyées sur la mise en parallèle de différentes méthodes de modélisation mécanique complémentaires, afin d’obtenir une estimation fiabilisée du comportement mécanique post-incendie des voûtes hautes de Notre-Dame.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="simulation du comportement mécanique de Notre Dame" src="https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476288/original/file-20220727-21-4gv6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Déplacements subis par l’ensemble voûte/arcs-boutants lors d’une sollicitation horizontale, appliquée au niveau des murs gouttereaux et dirigée vers l’intérieur du vaisseau central (valeurs des déplacements multipliées par 50), obtenus par simulation numérique du comportement mécanique. Sur cette image, on peut remarquer l’extrême finesse des voûtains du chœur de Notre-Dame.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maurizio Brocato et Paul Nougayrede, GSA Paris-Malaquais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces méthodes s’appuient :</p>
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<li><p>soit sur une approche « continue » : la maçonnerie est modélisée comme un matériau continu unique doté de propriétés élastiques et de ruptures équivalentes à celles du matériau composite maçonnerie ;</p></li>
<li><p>soit sur une approche bloc à bloc ou « discrète » : les interactions entre blocs décrivent le comportement mécanique conféré par les joints de mortier et leurs interfaces.</p></li>
</ul>
<p>Le caractère divisé du comportement de la maçonnerie, conféré par l’assemblage de blocs et l’influence morphologique de l’appareillage, seront plus naturellement et rigoureusement appréhendés par l’approche discrète comparée à l’approche continue, mais au prix de temps de génération de maillages et de calcul des modèles plus importants. En revanche, l’approche discrète échouera à décrire la rupture des blocs alors que l’approche continue la décrira précisément.</p>
<p>Ces deux exemples illustrent la complémentarité des approches discrète et continue ; la mise en parallèle de ces approches permet en définitive de cerner plus précisément les réponses mécaniques simulées des ouvrages modélisés.</p>
<h2>Quelles différences avant et après l’incendie ?</h2>
<p>Une évaluation avant incendie a tout d’abord été réalisée afin de quantifier l’évolution de la stabilité des voûtes après le passage du feu.</p>
<p>Ce premier travail a permis de donner des éclairages quant aux étapes de construction des voûtes et des arcs-boutants. Les modélisations avant incendie ont également révélé que les différences morphologiques constatées entre les voûtes fines du chœur (12 à 15 centimètres d’épaisseur) et les voûtes plus épaisses de la nef (19 à 25 centimètres d’épaisseur) entraînent une poussée des voûtes inférieure à celle des arcs-boutants dans le chœur, et inversement dans la nef.</p>
<p>Les modélisations de l’incendie ont quant à elles conduit à identifier le phénomène physique responsable de la majeure partie des désordres post-incendie constatés sur la cathédrale : les dilatations thermiques.</p>
<p>En effet, le « gonflement » des matériaux à cause de l’augmentation de leur température au cours de l’incendie semble être un facteur plus prépondérant que la diminution des propriétés mécaniques des matériaux en elle-même (cette diminution est liée à l’élévation de température et à la saturation des matériaux par l’eau d’extinction de l’incendie).</p>
<h2>Simuler les techniques de confortement</h2>
<p>Sur cette base, la solution de confortement des voûtes incendiées retenue par la maîtrise d’œuvre a pu être simulée, afin d’évaluer le rapport bénéfice-risque conféré par cette solution et les adaptations possibles permettant d’augmenter son efficacité (par exemple, en ce qui concerne le module d’élasticité et l’épaisseur de la chape ou le comportement du complexe voûte-chape sous sollicitations mécaniques).</p>
<p>Les travaux du groupe de travail « Structures » doivent se poursuivre jusqu’en 2024, date qui devrait voir la fin des travaux de restauration de la cathédrale. En parallèle, les membres du groupe développent un outil de modélisation hybride des maçonneries, consistant en l’utilisation simultanée des approches discrète et continue.</p>
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<p><em>Frédéric Dubois (LMGC-Montpellier), Paul Taforel (MiMeTICS engineering, spin-off du LMGC), Pierre Morenon (plateforme TTT du LMDC-Toulouse), Maurizio Brocato et Paul Nougayrede (GSA-Paris), Jean‑Christophe Mindeguia, Thomas Parent et Stéphane Morel (I2M-Bordeaux, coordination des études) sont co-auteurs de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186333/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Morel coordonne les activités du groupe de travail “Structures” du chantier scientifique CNRS-Ministère de la Culture Notre-Dame. Il est également responsable scientifique de la convention Recherche & Développement dédiée à l'Evaluation post-incendie des structures de la cathédrale Notre-Dame de Paris (2022-2024), partagés entre l'Etablissement Public chargé de la Conservation et la Restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EPRNDP) et un consortium scientifique composé de plusieurs laboratoires et institutions de recherche issus du GT “Structures” et de sociétés privées issues du domaine de la recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Dubois a reçu des financements de l'Université de Montpellier, du CNRS et de l'ANR. Il conseille la société MiMeTICS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Mindeguia est membre du GT Structures du chantier scientifique CNRS-MC Notre-Dame, et membres du consortium scientifique relatif à la convention R&D partagée avec l’EPRNDP. Sa structure d’appartenance reçoit à ce titre des financements pour effectuer des recherche via ces deux dispositifs. Il a reçu des financements de l'ANR et de la Région Nouvelle-Aquitaine.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paul Nougayrede est membre du GT Structures du chantier scientifique CNRS-MC Notre-Dame, et membres du consortium scientifique relatif à la convention R&D partagée avec l’EPRNDP. Sa structure d’appartenance reçoit à ce titre des financements pour effectuer des recherche via ces deux dispositifs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Morenon est membre du laboratoire de recherche LMDC à Toulouse dont les tutelles sont l'INSA de Toulouse et l'Université Toulouse 3 Paul Sabatier, et de sa plateforme de transfert de technologie TTT-LMDC.
Pierre Morenon a reçu des financements de : (i) Etablissement Public chargé de la Conservation et Restauration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris (TTT-LMC est sous-traitant de la Convention R&D EPRNDP-Univ. de Bordeaux relative à l'évaluation post-incendie des structures de la cathédrale Notre-Dame de Paris). (ii) Chantier Scientifique CNRS-Ministère de la Culture Notre-Dame (travaux scientifiques du Groupe de Travail "Structures") (iii) ANR DEMMEFI via le LMDC.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Parent a reçu des financements de (i) Etablissement Public chargé de la Conservation et Restauration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris (ii) Chantier Scientifique CNRS-Ministère de la Culture Notre-Dame (travaux scientifiques du Groupe de Travail "Structures") (iii) Agence Nationale de la recherche (ANR) via le projet DEMMEFI.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maurizio Brocato ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les voûtes de Notre-Dame de Paris constituent un joyau architectural, mais aussi un défi pour les modélisateurs impliqués dans la restauration de la cathédrale.Stéphane Morel, Professeur des Universités, Université de BordeauxFrédéric Dubois, Ingénieur de recherche au CNRS, Université de MontpellierJean-Christophe Mindeguia, Maitre de Conférences en génie civil, Université de BordeauxMaurizio Brocato, Professor, École Nationale Supérieure d'Architecture (ENSA) Paris-Malaquais – PSLPaul Nougayrede, Doctorant en architecture, École Nationale Supérieure d'Architecture (ENSA) Paris-Malaquais – PSLPierre Morenon, Ingénieur et chercheur en Génie Civil au sein de la division transfert de technologie du LMDC. Spécialiste des méthodes de calculs numériques de structures., INSA ToulouseThomas Parent, Maître de Conférences en Génie-Civil, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1857482022-08-01T18:26:06Z2022-08-01T18:26:06ZNotre-Dame, la première cathédrale à avoir utilisé massivement le fer comme matériau de construction<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/476020/original/file-20220726-14-hve2vl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C3988%2C2245&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue de la croisée de Notre-Dame de Paris en décembre 2020. On voit à gauche les agrafes de fer ancrées au sommet des murs, là où se tenait auparavant la charpente incendiée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Maxime L'Héritier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les recherches menées depuis une vingtaine d’années ont montré que les cathédrales gothiques du XIII<sup>e</sup> siècle, comme <a href="https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2016_num_174_4_12893">Bourges</a>, <a href="https://books.openedition.org/septentrion/31457">Chartres</a>, <a href="https://hmsjournal.org/index.php/home/article/view/159/155">Rouen ou Troyes</a> utilisaient le fer comme matériau de construction. Les grandes églises du XII<sup>e</sup> siècle demeurent en revanche relativement méconnues.</p>
<p>L’usage du fer relevé dans certaines d’entre elles (Noyon, Laon) semblait jusqu’ici anecdotique.</p>
<p>L’incendie de Notre-Dame de Paris a révélé que la structure de la cathédrale, élevée à partir des années 1160, était également renforcée de nombreuses armatures de fer. Certaines d’entre elles, des agrafes masquées dans la pierre ou par la charpente, étaient jusqu’à présent inconnues. Leur étude archéométallurgique et leur datation révèle aujourd’hui que Notre-Dame fut bien la première cathédrale à utiliser massivement le fer comme matériau de construction dès le milieu du XIIe siècle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-sciences-au-chevet-de-notre-dame-180915">Les sciences au chevet de Notre-Dame</a>
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<p>Les méthodologies développées depuis plus d’une vingtaine d’années et <a href="https://classiques-garnier.com/aedificare-2019-2-revue-internationale-d-histoire-de-la-construction-n-6-varia-le-fer-et-le-plomb-dans-la-construction-monumentale-au-moyen-age-de-l-etude-des-sources-ecrites-a-l-analyse-de-la-matiere.html">déjà éprouvées sur plusieurs dizaines d’édifices médiévaux</a> permettent de questionner les fers de construction découverts à Notre-Dame afin de renouveler la connaissance de cet édifice et des techniques de construction anciennes, mais aussi celle de l’économie du fer à l’époque médiévale.</p>
<p>Plusieurs dizaines d’armatures de fer, abîmées par l’incendie ou déposées lors des restaurations, peuvent aujourd’hui être scrutées sous l’œil de microscopes optique et électronique. Il s’agit à la fois d’« agrafes » mises en œuvre dans la maçonnerie, dans les tribunes, dans les colonnes monolithes, et au sommet des murs sous la charpente incendiée, mais aussi d’armatures liées à la charpente elle-même (clous de tailles diverses, tiges clavetées et boulonnées) qui témoignent des restaurations au fil des siècles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pièce en fer visible au sein des pierres de Notre-Dame de Paris" src="https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476021/original/file-20220726-10345-jfmdu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Système de chaînage en fer posé par Lassus en 1846 faisant le tour des parties orientales de l’édifice (chœur et transept est).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maxime L’Héritier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les microstructures de ces éléments métalliques renferment une partie de l’histoire de Notre-Dame de Paris et de son chantier, qu’explorent aujourd’hui les archéologues, chimistes et archéomètres – les spécialistes de l’analyse physico-chimique des matériaux anciens, réunis au sein du <a href="https://notre-dame-de-paris.culture.gouv.fr/fr/node/975">groupe de travail Métal</a> du <a href="https://www.notre-dame.science/">chantier scientifique Notre-Dame</a>.</p>
<h2>Quels métaux pour les bâtisseurs de cathédrales ?</h2>
<p>La première question est celle de la <a href="https://books.openedition.org/pumi/37688">qualité du métal employé par les bâtisseurs</a>. Quels choix ont-ils faits tant à l’époque médiévale qu’au cours des restaurations ? L’incendie a-t-il altéré les propriétés de ces fers de construction ? L’observation de surfaces polies au microscope optique, après attaque avec des réactifs chimiques spécifiques permet de révéler la microstructure de ces alliages ferreux, leur mise en forme (replis, soudures…) et d’évaluer leur degré d’hétérogénéité.</p>
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<p>Les fers anciens sont en effet souvent hétérogènes, en lien avec les procédés de production utilisés, notamment les bas fourneaux, qui ne permettent pas une production du fer en phase liquide avant le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Ils contiennent en particulier des teneurs variables en carbone ou en phosphore (les deux principaux éléments qui se combinent au fer), formant des matériaux composites entre <a href="https://books.openedition.org/pumi/37618">fer, acier doux et fer phosphoreux</a>.</p>
<p>Des tests de dureté peuvent être réalisés pour connaître leurs duretés respectives. Ces fers anciens contiennent également de nombreuses impuretés non métalliques, appelées « inclusions de scories », qui sont autant de points faibles dans la structure du matériau.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Pièce en métal provenant des murs de Notre-Dame" src="https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=225&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=225&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476026/original/file-20220726-20-w0g371.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=225&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Agrafe de fer provenant du sommet des murs de la cathédrale déposée avant étude. L’agrafe était scellée au plomb dans la maçonnerie (un des scellements subsiste).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maxime L’Héritier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>À partir de prélèvements d’objets entiers, il est possible d’usiner des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89prouvette_(mat%C3%A9riau)">éprouvettes de traction</a>, c’est-à-dire des pièces de fabrication et de dimensions normalisées, pour leur faire subir des essais mécaniques et déterminer les propriétés physiques de ces matériaux (module d’élasticité, résistance à la traction, allongement à rupture…). À Notre-Dame, les analyses ont pu montrer que le fer médiéval, tout comme celui mis en œuvre au XIX<sup>e</sup> siècle, a des propriétés mécaniques moindres que celles des alliages contemporains, à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15583058.2018.1563229">l’instar de ce qui a déjà pu être établi sur d’autres monuments médiévaux et modernes</a>.</p>
<p>L’incendie ne semble toutefois pas avoir altéré la microstructure du fer ni ses propriétés mécaniques, déjà limitées. Ces informations peuvent servir à la restauration et alimenter les réflexions autour du remploi de ces matériaux.</p>
<h2>Mieux comprendre la chronologie de la construction</h2>
<p>La deuxième question concerne la chronologie des armatures mises en œuvre.</p>
<p>Les faibles quantités de carbone présentes dans les zones aciérées de ces alliages ferreux (l’acier est un alliage fer-carbone) permettent d’accéder à des données cruciales en matière de datation. On sait en effet aujourd’hui <a href="https://www.academia.edu/download/61560725/ActesSMPC2_p57a6320191219-10163-wdywuz.pdf">extraire ce carbone</a>, qui provient du charbon utilisé dans le fourneau de réduction ayant produit le fer, pour en réaliser une datation au carbone 14.</p>
<p>Les zones aciérées révélées par l’attaque métallographique sont prélevées avec un foret, puis le carbone en est extrait par combustion et récupéré sous forme gazeuse (CO<sub>2</sub>) et enfin réduit en graphite. La spectrométrie de masse avec accélérateur de particule (AMS) réalisée au LMC14 permet ensuite de déterminer la quantité de carbone 14 restante et de la comparer aux <a href="https://c14.arch.ox.ac.uk/oxcal.html">courbes de référence</a> pour déterminer l’âge du matériau et en déduire la période de production du fer.</p>
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<img alt="Vue par microscopie d’un échantillon de métal de Notre-Dame" src="https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476022/original/file-20220726-16-3yiami.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coupe métallographique d’une agrafe de fer de Notre-Dame de Paris vue au microscope optique après attaque au réactif Nital. On voit en clair les zones ferritiques et en foncé les zones plus aciérées (notamment une bande médiane allant jusqu’à 0,8 % de carbone). On remarque aussi la présence de nombreuses inclusions non métalliques de taille micrométrique à millimétrique allongées dans le sens du martelage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maxime L’Héritier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette technique, développée il y a moins d’une dizaine d’années pour dater les alliages ferreux anciens, permet de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305440314003860?via%3Dihub">distinguer des armatures contemporaines de la construction de celles rajoutées a posteriori au titre de consolidations</a>.</p>
<p>La comparaison de la datation des agrafes mises en place dans les tribunes du chœur de la nef, et celles du sommet des murs, permettra également d’éclairer l’insertion progressive de ce matériau dans le bâti et de reconstituer les réflexions des bâtisseurs qui l’ont mis en œuvre.
De même, dans la charpente, maintes fois remaniée et où de multiples armatures sont utilisées, la datation permettra de mettre en lumière les phases de restauration antérieures au XVIIe siècle, encore totalement méconnues, en croisant ces informations avec l’étude des bois réalisée en parallèle.
Les premiers résultats révèlent que les agrafes des tribunes du chœur sont bien contemporaines de l’élévation de cette partie de l’édifice dans les années 1160-1170. Celles du sommet des murs remontent pour leur part du début du XIIIe siècle, juste avant la pose de la charpente. Ces datations confirment ainsi que Notre-Dame est le premier édifice gothique à faire un usage massif du fer à des endroits précis de sa maçonnerie, dès les premières campagnes de construction et tout au long du chantier.</p>
<h2>D’où vient le fer de Notre-Dame ?</h2>
<p>La troisième interrogation concerne la provenance de ces matériaux. Où ces tonnes de fer ont-elles été produites ? Comment le chantier de construction était-il approvisionné en métal au XII<sup>e</sup> siècle, au XIII<sup>e</sup> siècle et pour les campagnes ultérieures ; <a href="https://books.openedition.org/efr/7867?lang=fr">sous quelles formes circulaient ces fers</a> ?</p>
<p>On sait en effet que le fer circulait au Moyen Âge dans les deux sens sur la Seine et pouvait aussi être approvisionné par voie de terre ; il aura pu être produit par des domaines de l’évêché ou du chapitre cathédral (le collège de chanoines en charge de la gestion de l’édifice), et particulièrement dans les nombreux domaines situés dans toute l’Île-de-France actuelle.</p>
<p>Il n’est en outre pas rare que <a href="https://www.mdpi.com/2075-163X/10/12/1131">plusieurs sources, locales et plus lointaines</a>, soient mêlées au gré des campagnes de construction. Les soudures observées dans la matrice des fers de Notre-Dame suggèrent l’assemblage de plusieurs pièces pour fabriquer chaque agrafe, dont les origines sont peut-être différentes. Les impuretés contenues dans ces alliages ferreux permettent d’aborder cette question de la circulation de ces matériaux.</p>
<p>Dans les procédés de production anciens en bas fourneaux, majoritairement employés jusqu’à la fin du Moyen Âge, le fer, produit à l’état solide, emporte dans sa matrice des petits fragments de scories (le déchet de la réduction), appelées inclusions de scories, dont la composition est tributaire de la fraction non réduite du minerai utilisé.</p>
<p>L’analyse chimique de ces inclusions, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-662-49894-1_14">réalisée par spectrométrie de masse couplée à un module d’ablation laser</a>, qui facilite l’analyse de volumes d’un diamètre compris entre 30 et 100 micromètres, permet d’accéder à leur composition en éléments traces. La comparaison des résultats sur les différentes agrafes révèle que de multiples sources d’approvisionnement ont été convoquées pour leur fabrication, une diversité qui traduit certainement le dynamisme du marché du fer sur la place parisienne. Mais parfois, on observe aussi que plusieurs fragments de fer d’origines distinctes ont même été assemblés par soudure à la forge pour fabriquer une seule agrafe. Cette pratique témoigne peut-être d’un recyclage actif de vieilles ferrailles sur le chantier. </p>
<p>Cette composition peut enfin être comparée <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/arcm.12265">au moyen d’outils statistiques</a> à celle des macroscories rejetées par les métallurgistes sur les sites de production.</p>
<p>Ainsi, une vaste investigation archéologique est actuellement en cours, en <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03095515/">s’appuyant sur les découvertes existantes</a> dans la région, afin d’identifier les sites à scories ayant pu fournir ce fer et d’y réaliser les analyses nécessaires pour établir ces comparaisons de signatures chimiques.</p>
<p>L’enquête se poursuit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches évoquées dans cet article sont organisées et financées par le CNRS et le ministère de la Culture dans le cadre du « chantier scientifique Notre-Dame ». Elles sont le fruit d'un travail collaboratif impliquant l'ensemble des membres et laboratoires du GT Métal (<a href="https://www.notre-dame.science/gt-metal-membres/">https://www.notre-dame.science/gt-metal-membres/</a>). Elles sont rendues possible par l'implication du Service Régional de l’Archéologie, de la Conservation Régionale des Monuments Historiques, des Architectes en Chef des Monuments Historiques (P. Villeneuve, P. Prunet, R. Fromont) et de l'Établissement Public Notre-Dame (RNDP), qui a financé une partie de ces travaux dans le cadre des études de diagnostic.</span></em></p>En 2019, l’incendie de Notre-Dame a révélé que la structure de la cathédrale, élevée à partir des années 1160, était renforcée de nombreuses armatures de fer.Maxime L'Héritier, Maître de conférences en histoire médiévale, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1849902022-07-31T15:03:03Z2022-07-31T15:03:03ZÉtudier la charpente de Notre-Dame pour connaître la météo médiévale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/476336/original/file-20220727-1293-is1q2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C9%2C1549%2C962&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bois carbonisés de la charpente Notre-Dame de Paris après l'incendie en 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Alexa Dufraisse</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p><em>Catastrophe patrimoniale, l’incendie de Notre-Dame en 2019 permet aussi d’accroître nos connaissances : les débris de la célébrissime cathédrale sont autant de précieux témoins du passé ! Cette série suit le chantier scientifique de Notre-Dame, où bois carbonisés et pièces en métal révèlent leurs secrets. Pour ce premier épisode, on fait parler la charpente.</em></p>
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<p>Notre-Dame est l’un des monuments français les plus célèbres au monde. Sa construction a commencé sous le règne de Louis VII, vers 1160 ; elle s’est étalée entre la fin du XII<sup>e</sup> siècle, avec notamment la construction du chœur, et le début du XIII<sup>e</sup> siècle, avec la construction de la nef puis de ses tours.</p>
<p>Connue aussi sous le nom de « forêt », sa charpente était composée d’un grand nombre de poutres en chêne. En réalité, ce n’est pas une charpente, mais plusieurs qui composent cette forêt. En effet, vers 1225, une partie de la cathédrale a été démantelée pour rehausser les fenêtres du haut. Puis, au cours de la grande restauration de Viollet-le-Duc au XIX<sup>e</sup> siècle, la flèche fut reconstruite ainsi qu’une partie des beffrois et la charpente des transepts.</p>
<p>Du 15 au 16 avril 2019, soit plus de 800 ans après son édification, la cathédrale brûle, une nuit durant, se réveillant dénuée de sa flèche, un trou béant à la place du toit.</p>
<p>D’abord considérés comme des débris, les vestiges de la cathédrale, notamment les poutres calcinées, ont été inventoriés et leur position dans la cathédrale enregistrée avant qu’ils soient évacués vers un entrepôt dédié. Les morceaux de bois, pour certains noircis en périphérie, pour d’autres, carbonisés à cœur, sont désormais accessibles aux chercheurs pour révéler leurs secrets. Une équipe de près <a href="https://www.notre-dame.science/gt-bois-membres/">70 chercheurs</a> s’est regroupée pour les étudier sous toutes les coutures.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-sciences-au-chevet-de-notre-dame-180915">Les sciences au chevet de Notre-Dame</a>
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<p>Ce que nous racontent les bois de la charpente, c’est un millénaire d’histoire partagée entre les hommes, la société et les forêts. Les arbres abattus pour construire la charpente détiennent par exemple dans leurs cernes un enregistrement de ce qu’était le climat quand ils ont poussé.</p>
<p>Ainsi, la destruction – déplorable – de la charpente de Notre-Dame offre une occasion unique d’accéder au climat du Moyen Âge en Île-de-France.</p>
<h2>Quel temps faisait-il au Moyen Âge ?</h2>
<p>Les chênes de la charpente de la nef et du chœur ont poussé au cours des XI<sup>e</sup>-XIII<sup>e</sup> siècles, période concomitante à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Optimum_climatique_m%C3%A9di%C3%A9val">« optimum climatique médiéval »</a> et pour laquelle il n’existe pas encore de données climatiques dans le nord de la France.</p>
<p>Dans les années 1990, une quarantaine de prélèvements par carottage (à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tari%C3%A8re_de_Pressler">tarière de Pressler</a>) ont été réalisés, mais les méthodes sont destructives et aucune autre étude n’aurait donc pu être entreprise depuis.</p>
<p>Cette phase de climat <a href="https://doi.org/10.1016/0031-0182(65)">« optimal »</a> correspond à une augmentation de la fréquence relative des épisodes chauds, principalement autour de l’Atlantique Nord, identifiée en 1965 par des documents historiques (littérature classique, registres administratifs et ecclésiastiques) et par l’étude de carottes de glace, de cernes et de rendements de récolte.</p>
<p>Aujourd’hui, cette période est appelée « anomalie climatique médiévale ». Ce terme, <a href="https://www.nature.com/articles/369546a0">proposé par le chercheur nord-américain Scott Stine</a> en 1994, nuance la première appellation : si cette période est bien caractérisée par des températures clémentes (de quelques dixièmes de degrés plus élevées que celles de 1960-1990) ou une plus grande aridité en Europe et d’autres parties du monde, elle ne s’est pas déroulée de façon synchrone et uniforme dans toutes ces régions, avec des zones vraisemblablement plus froides ou plus humides.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475672/original/file-20220722-26-poic2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Températures moyennes globales depuis l’an 0.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ed Hawkins</span></span>
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</figure>
<p>En effet, le climat fluctue sous l’influence de facteurs externes au système climatique, aussi appelés « forçages » (intensité du rayonnement solaire, <a href="https://www.unige.ch/lejournal/numeros/107/article2/">activité volcanique</a>), mais aussi sous l’effet de sa propre dynamique. L’anomalie climatique médiévale est probablement due à une combinaison de ces causes de variations externes et internes.</p>
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<p>Ces changements, par essence complexes, ont pu entraîner l’amplification ou l’atténuation de certains paramètres climatiques <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2019PA003734">selon les régions</a>, comme l’humidité relative ou la température.</p>
<h2>Les cernes des arbres, ces archives naturelles</h2>
<p>Nous ne disposons pas d’enregistrements météorologiques avant les périodes préindustrielles. Pour étudier le temps au temps des cathédrales, on utilise donc des enregistrements indirects, issus d’archives naturelles telles que les cernes du bois, les coraux, ou des carottes de glace ; puis il faut relier les observations de ces archives naturelles à des données climatiques instrumentales.</p>
<p>Ces dernières années, un certain nombre de reconstructions de température basées sur des archives naturelles comme les <a href="https://lameteorologie.fr/issues/2013/80/meteo_2013_80_14">cernes d’arbres</a> ont été réalisées. Mais les principaux épisodes climatiques au cours du dernier millénaire ne sont pas encore bien décrits, car il existe peu d’archives naturelles avec des résolutions temporelles très fines, à l’échelle de l’année ou du mois.</p>
<p>En étudiant les signaux climatiques enregistrés dans les cernes de croissance des chênes de Notre-Dame (largeur des cernes, densité du bois, composition isotopique de la cellulose), nous tentons de reconstituer les changements climatiques et environnementaux locaux et régionaux qui se sont produits pendant la croissance des arbres – cette discipline s’appelle la « dendroclimatologie ».</p>
<p>Ces études permettent aussi de mieux comprendre le chantier de construction de la cathédrale, les contextes social et économique de Paris, voire la croissance des chênes et des forêts dans leur cadre environnemental.</p>
<h2>La croissance des chênes à la loupe</h2>
<p>La largeur, la densité et la composition chimique et isotopique des cernes varient en fonction du climat. Les compositions isotopiques du carbone et de l’oxygène des cernes sont classiquement utilisés pour étudier l’évolution des climats passés, car ils ont été fixés lors de la saison de croissance. Ces compositions varient au cours des réactions métaboliques dans l’arbre et l’intensité des changements dépend des conditions environnementales et climatiques dans lesquelles s’effectue la croissance.</p>
<p>Par exemple, le carbone qui constitue la cellulose des arbres vient du CO<sub>2</sub> de l’atmosphère. Il est assimilé au niveau des feuilles et intégré dans les sucres, qui vont eux-mêmes s’associer pour former des molécules de cellulose. Lors d’un été sec, l’arbre limite ses échanges gazeux pour ne pas se déshydrater, ce qui entraîne une augmentation du rapport isotopique du carbone des sucres, et par suite de la cellulose. Une valeur relativement élevée du rapport isotopique du carbone de la cellulose d’un cerne pourra donc indiquer que l’été pendant lequel l’arbre a formé ce cerne a été plutôt sec.</p>
<p>Selon l’espèce, la région et le milieu de croissance de l’arbre, les rapports isotopiques du carbone et de l’oxygène peuvent refléter la température atmosphérique, le stress hydrique, la quantité de précipitations ou encore la couverture nuageuse.</p>
<h2>Comprendre comment le bois a brûlé</h2>
<p>S’il est connu que la carbonisation modifie les propriétés physiques et chimiques du bois, on sait aussi que le degré d’altération de la matière varie en fonction du mode de combustion : la température, la durée du chauffage, la disponibilité de l’oxygène dans l’atmosphère, la forme et la taille de l’échantillon de bois, l’espèce et sa teneur en eau peuvent avoir un impact sur le processus de carbonisation.</p>
<p>Il est difficile de reproduire l’incendie d’une charpente en laboratoire, mais les processus de combustion et pyrolyse peuvent, eux, être reproduits et étudiés via des expériences.</p>
<p>Le développement récent d’outils analytiques pour caractériser l’intensité de carbonisation du bois brûlé pourrait permettre d’utiliser les isotopes du carbone et de l’oxygène des poutres calcinées de Notre-Dame – et plus généralement de charbons de bois – pour reconstruire le climat.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475668/original/file-20220722-23-uj1640.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Coupe de bois de chêne archéologique, plus ou moins carbonisé en périphérie laissant apparaître les anneaux de croissance annuels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexa Dufraisse</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, la méthode du <a href="https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/geoscience/item/CRGEOS_2020__352_1_7_0/">« paléothermomètre Raman »</a> permet d’estimer les températures maximales atteintes lors de l’incendie de Notre-Dame autour de 1200 °C. En dessous de 400 °C, la méthode de spectroscopie infrarouge permet de sonder les différentes étapes de décomposition thermique des composants du bois.</p>
<p>Pour chacun de ces outils, une courbe de calibration entre température supposée atteinte et différence mesurée dans la signature isotopique du bois peut être réalisée expérimentalement à partir de bois brûlés. Ces calibrations vont nous permettre, dans les prochaines années, de « corriger » les valeurs isotopiques, et ainsi de remonter à la variabilité naturelle du climat lors du long chantier de construction de Notre-Dame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexa Dufraisse a reçu des financements du CNRS (MITI) et de l'ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane du Boisgueheneuc a reçu des financements du CNRS et de l'ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Delarue a reçu des financements du CNRS et de l'ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Daux a reçu des financements de ANR, CNRS.</span></em></p>Les bois de la charpente de Notre-Dame de Paris nous racontent un millénaire d'histoire partagée entre les hommes et les forêts.Alexa Dufraisse, Directrice de recherche CNRS en archéobotanique, spécialisée en dendro-anthracologie et en anthraco-isotopie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Diane du Boisgueheneuc, Doctorante en dendroclimatologie, Sorbonne UniversitéFrédéric Delarue, Chargé de recherche CNRS, Sorbonne UniversitéValérie Daux, Professeure en Géosciences, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873122022-07-19T18:06:01Z2022-07-19T18:06:01ZComment les forêts de Yellowstone se sont régénérées après les terribles feux de 1988<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474909/original/file-20220719-10270-i9ertz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2016 dans le parc du Yellowstone, l’incendie Maple a brûlé les jeunes arbres qui avaient poussé après les feux de 1988 (photo prise en 2017). </span> <span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Aux États-Unis, de juin à novembre 1988, des brasiers massifs ont ravagé le <a href="https://www.nps.gov/yell/learn/nature/1988fires.htm">parc national de Yellowstone</a>, dans le Wyoming, touchant à peu près 500 000 hectares du parc et ses alentours. Faisant l’objet d’une forte couverture médiatique, la taille et l’intensité des feux avaient surpris les scientifiques, les gestionnaires du parc et le public. Plusieurs médias avaient proclamé la destruction totale du parc, ce qui était totalement faux.</p>
<p>J’étais là durant les feux et suis revenue juste après pour constater les dégâts.</p>
<p>Des forêts brûlées s’étendaient à des kilomètres, les troncs d’arbres noircis donnaient l’impression d’un paysage de désolation. En observant le parc d’un hélicoptère, nous étions cependant surpris de voir une mosaïque de parcelles brûlées mais aussi intactes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/233517/original/file-20180824-149490-1w0c1yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mosaïque d’arbres brûlés et non brûlés à Yellowstone, en octobre 1988.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>J’ai étudié la régénération des forêts de Yellowstone depuis 1989, observant des paysages d’arbres carbonisés se transformer en jeunes forêts abondantes. Les feux jouent un rôle écologique important dans plusieurs écosystèmes et le parc de Yellowstone n’est pas une exception. La faune et la flore locales du site sont bien adaptées à ces <a href="https://doi.org/10.1007/s10021-011-9470-6">cycles historiques de destruction et de régénération</a>. Aujourd’hui, le paysage brûlé est dominé par de <a href="https://doi.org/10.1890/15-1585.1">jeunes pins tordus</a>.</p>
<p>De tels feux se sont majoritairement produits dans des parcs nationaux ou des zones sauvages, où la gestion post-incendie était minimale. Cela nous a beaucoup appris sur les réactions naturelles des <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/S/bo25126049.html">écosystèmes à de tels événements</a>.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<p>Les forêts de Yellowstone étant <a href="https://doi.org/10.1890/10-0097.1">remarquablement résistantes</a>, les incendies de 1988 n’ont pas constitué une catastrophe écologique. Aujourd’hui cependant, le changement climatique et la fréquence des feux pourraient pousser les forêts au-delà de leurs limites.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/233518/original/file-20180824-149466-1g3ongx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Forêts de pins tordus à Yellowstone, photo prise en 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Chaleur, sécheresse et vents puissants</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/x92-005">Des conditions météorologiques extrêmes</a> ont été à l’origine des incendies de 1988 et sont responsables de beaucoup de feux aujourd’hui. L’été de 1988, exceptionnellement sec par rapport aux étés habituels à Yellowstone, est pointé du doigt comme cause principale.</p>
<p>En effet, cette année-là, les quantités de matières combustibles présentes (bûches, aiguilles de pin, arbres flammables) étaient habituelles. Les feux n’ont pu être causés que par de hautes températures, une sécheresse et des vents forts.</p>
<p>Des rafales de plus de 100 km/h m’avaient empêché de survoler les feux début juillet, bien avant le pic de l’incendie. Les routes, les rivières et même les canyons n’ont pas pu stopper les flammes qui ont continué à s’étendre lorsqu’il y avait du vent. Des bourrasques puissantes ont porté des branches enflammées, propageant l’incendie. Les feux ont aussi continué de brûler la nuit.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/233522/original/file-20180824-149487-ij6yat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Feu de cime à Grant Village, au parc national de Yellowstone, le 23 juillet 1988.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ground_fire_at_Grant_Village_2.jpg">National Park Service/Jeff Henry</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment les forêts récupèrent</h2>
<p>Durant les 10 000 dernières années, des incendies se sont produits à Yellowstone, à des <a href="http://apcg.uoregon.edu/envchange/figures/millspaugh-etal-geology-2000-figs/millspaugh.pdf">intervalles de 100 à 300 ans</a>. Les « feux de cimes » brûlent la canopée, tuant les arbres tout en provoquant une poussée de végétation neuve. De tels feux sont habituels à <a href="https://doi.org/10.2307/1311000">Yellowstone</a>, dans d’autres <a href="https://doi.org/10.1007/BF00135079">forêts à haute altitude et dans le Nord</a>.</p>
<p>L’écorce fine des pins tordus est rapidement brûlée, mais les pommes de pin sont adaptées aux feux. Lorsqu’elles chauffent, elles sécrètent de grandes quantités de graines, permettant à la forêt de se régénérer à la suite des incendies. De plus, les feux créent des sols riches en minéraux et sont suivis d’une météo ensoleillée, conditions idéales pour la croissance.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/233523/original/file-20180824-149493-97r2kp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des fleurs sauvages poussent trois ans après un incendie à l’est du Yellowstone, en 2008.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monica Turner</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À Yellowstone, des herbes et fleurs sauvages ont pu pousser à partir de racines survivantes, car les terres n’avaient pas brûlé en profondeur et avaient conservé des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0700180104">nutriments essentiels</a> à leur croissance. Les <a href="https://doi.org/10.1002/ecm.1220">plantes natives</a> ont également poussé à nouveau.</p>
<p>Des peupliers trembles ont aussi pu s’établir à partir des graines semées à travers les forêts de pins brûlés, à plusieurs kilomètres des trembles matures les plus proches. Ces arbres se portent bien à de <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2015.12.012">plus hautes altitudes qu’avant les feux</a>.</p>
<p>Les écosystèmes forestiers de Yellowstone se sont régénérés rapidement, sans intervention humaine. Je pense que les visiteurs ne voient plus la trace des incendies de 1988 et admirent le paysage, la faune et la flore. Des mécanismes de régénération similaires ont été observés aux parcs nationaux des Rocheuses (Colorado), Glacier (Montana) et Grand Teton (Wyoming), qui ont également évolué avec des feux pendant des millénaires. Historiquement, des incendies de grande intensité tuent des arbres, mais ne détruisent pas la forêt.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=634&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=634&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/233524/original/file-20180824-149481-160v3hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=634&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La montagne Huckleberry au parc national de Glacier, après un feu, le 30 juillet 1935 (haut) et le 9 juillet 2009 (bas).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nps.gov/fire/wildland-fire/learning-center/panoramic-lookout-photographs/photo-gallery/change-over-time.cfm">National Park Service</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Changement climatique et incendies</h2>
<p>Les feux de 1988 ont inauguré une nouvelle ère de <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.1130370">feux de forêt majeurs</a> ; ils brûlent de plus en plus de forêts chaque année. Du fait du réchauffement climatique, la météo chaude et sèche, responsable de feux importants, n’est <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2015.0178">plus si rare</a>. La neige fond de plus en plus tôt, les combustibles s’assèchent de plus en plus vite, la température bat des records et la saison des feux se prolonge. Récemment, des feux ont eu lieu dans plusieurs parcs nationaux, dont <a href="https://www.nps.gov/band/index.htm">Bandelier</a>, les <a href="https://www.nps.gov/romo/index.htm">Rocheuses</a>, <a href="https://www.nps.gov/glac/index.htm">Glacier</a> et <a href="https://www.nps.gov/yose/index.htm">Yosemite</a>.</p>
<p>Un climat plus chaud et plus sec aggrave la sécheresse dans des endroits déjà chauds et secs. Dans l’ouest des États-Unis, le changement climatique a asséché des combustibles et <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1607171113">quasiment doublé la surface incendiée</a> entre 1984 à 2015.</p>
<p>Bien que la foudre soit responsable de la plupart des feux dans les Rocheuses, les feux de source humaine <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1617394114">allongent les saisons de feux</a> dans les zones peuplées. Même dans les forêts humides des Appalaches du Sud, la sécheresse a permis à un incendie d’origine humaine de s’étendre du parc national des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/2016_Great_Smoky_Mountains_wildfires">Great Smoky Mountains à Gatlinburg dans le Tennessee</a>, couvrant une surface de 72 km<sup>2</sup>.</p>
<h2>Ce que l’avenir nous réserve</h2>
<p>Dans un monde qui se réchauffe, même les forêts bien adaptées à de larges incendies ne sont plus à l’abri. À la fin du XXI<sup>e</sup> siècle, un climat chaud et sec comme l’été de 1988 pourrait devenir la règle à Yellowstone.</p>
<p>La fréquence des mégafeux va avoir tendance à <a href="http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1110199108">augmenter</a>. De tels feux ont déjà commencé à <a href="http://dx.doi.org/10.1002/ecy.1439">rebrûler des forêts</a> bien avant qu’elles n’aient eu le temps de se régénérer. À Yellowstone et Grand Teton, des incendies en 2016 ont brûlé des forêts jeunes qui avaient déjà brûlé en 1988 et 2000. Nos études sur ces feux récents ont montré que les feux étaient plus intenses et les arbustes nés après l’incendie, moins nombreux. De plus, la survie de ces jeunes arbres dans un climat plus chaud n’est pas garantie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dD8VLS5F2Xo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les méga-feux sont de plus en plus fréquents et pourraient menacer les capacités de regénération des forêts.</span></figcaption>
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<p>Les parcs nationaux représentent les derniers paysages intacts des États-Unis, et nos meilleurs laboratoires pour comprendre les bouleversements que subit l’environnement. La recherche sur les feux de 1988 est devenue une référence pour évaluer les effets des incendies aujourd’hui. Yellowstone maintiendra sa beauté, ses espèces natives et sa capacité à nous inspirer. Cependant, seul le temps nous dira si ses forêts garderont leur <a href="https://doi.org/10.1002/fee.1311">résilience face aux incendies</a> dans les futures décennies.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit par Malik Habchi</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187312/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monica G. Turner a reçu des financements de National Science Foundation, Joint Fire Science Program, US National Park Service Reserve Funds, Wisconsin Alumni Research Foundation (UW2020 Initiative) et University of Wisconsin Vilas Trust.</span></em></p>Les feux de l’été 1988 ont brûlé un tiers du parc de Yellowstone aux États-Unis. Depuis, le parc a constitué un laboratoire précieux pour étudier comment les forêts se remettent des incendies.Monica G. Turner, Professor of Ecology, University of Wisconsin-MadisonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1770062022-02-20T17:26:21Z2022-02-20T17:26:21ZPourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446243/original/file-20220214-15-1sged0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Été 2020, monoculture d’épicéas morts en Argonne, région naturelle chevauchant les départements de la Marne, des Ardennes et de la Meuse (sept. 2020). </span> <span class="attribution"><span class="source">Sylvain Gaudin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Covid-19, urbanisation galopante, péril sur la biodiversité… la forêt apparaît ces dernières années comme le refuge par excellence, un lieu pour retisser des liens avec le vivant, une « nature » en voie de disparition. Dans un monde chahuté, quelle place allons-nous accorder aux forêts, s’interroge cette série.</em> </p>
<hr>
<p>Comme l’ont souligné les conclusions des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/des-assises-foret-et-du-bois-vision-partagee-foret-francaise">Assises nationales de la forêt et du bois</a>, lancées par le gouvernement en octobre 2021 avec pour objectif de « penser la forêt française de demain », la forêt française est aujourd’hui en crise. </p>
<p>Depuis deux décennies, on assiste en effet à une <a href="https://www.ign.fr/reperes/bilan-de-sante-des-forets-francaises">mortalité croissante des peuplements forestiers</a> et à une baisse globale de leur productivité. Si la surface boisée en France métropolitaine ne cesse de croître depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/lif_fa_v2_avril2021.pdf">c’est en raison du boisement – spontané ou artificiel – de terres agricoles</a>, car la superficie occupée par des forêts anciennes, elle, ne cesse de diminuer.</p>
<p>Ce « dépérissement », est généralement <a href="https://theconversation.com/secheresses-incendies-et-maladies-les-risques-en-cascade-qui-menacent-les-forets-francaises-157448">attribué aux modifications climatiques</a>. Les sécheresses estivales récurrentes fragilisent les arbres et la douceur hivernale favorise les pullulations de bioagresseurs, en particulier les scolytes et les hannetons.</p>
<p>Le changement climatique en est sans aucun doute une cause essentielle, mais il est aussi le révélateur d’écosystèmes forestiers fragilisés par des décennies de pratiques sylvicoles focalisées sur la production de bois. Non seulement la forêt française <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/abed01">fixe moins de carbone par unité de surface</a>, mais l’exploitation des peuplements dépérissants induit des <a href="https://bg.copernicus.org/articles/14/2387/2017/">émissions supplémentaires de CO₂</a> aggravant l’effet de serre et les changements climatiques associés.</p>
<p>Dans un tel contexte, adapter la forêt française est plus qu’une nécessité, c’est une urgence.</p>
<h2>L’arbre ne doit plus cacher la forêt</h2>
<p>Les forêts ne sont pas des champs d’arbres, mais des écosystèmes avec de multiples interactions entre les différentes composantes.</p>
<p>Le promeneur a tôt fait de constater que les descentes de cimes et les mortalités de masse concernent surtout des plantations monospécifiques, constituées d’arbres de même âge, correspondant souvent à des essences introduites hors de leur territoire d’indigénat.</p>
<p>C’est le cas de nombreuses plantations d’épicéa en plaine, tandis que les pessières naturelles d’altitude résistent plutôt bien. Les premières constituent des <a href="https://theconversation.com/incendies-secheresses-ravageurs-les-forets-victimes-de-la-monoculture-146603">peuplements simplifiés sensibles aux aléas climatiques</a> (tempêtes, sécheresses, incendies) et aux attaques de bioagresseurs (insectes, champignons…), tandis que les secondes, beaucoup plus hétérogènes et diversifiées, sont plus résilientes.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’Argonne, la forêt morte (Sylvain Gaudin, 2020).</span></figcaption>
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<p>Même s’il existe une sensibilité propre à chaque essence et à <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/190808_lif_ecologie.pdf">chaque situation stationnelle</a>, les impacts directs et indirects du dérèglement climatique sont modulés par l’intégrité fonctionnelle de l’écosystème forestier, qui est elle-même largement influencée par la sylviculture.</p>
<p>Adapter la forêt, c’est agir sur la santé de l’écosystème et non simplement remplacer des arbres mourants par d’autres. C’est un traitement de fond des causes du dépérissement qu’il faut entreprendre et non un simple traitement des symptômes. La forêt ne peut plus être réduite à ses arbres et à sa fonction de production : <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/assises-nationales-de-la-foret-et-du-bois-lalerte-de-600-scientifiques-associatifs-et-acteurs-du-secteur-4087893">seule une vision écosystémique peut être salvatrice</a>.</p>
<h2>La nécessaire adaptation des pratiques sylvicoles</h2>
<p>Le principal levier permettant d’adapter la forêt française repose sur la promotion de pratiques sylvicoles prenant davantage en compte le fonctionnement des écosystèmes forestiers dans leur ensemble ; cela pour améliorer durablement leur état de santé, leur résilience, et accroître leur capacité à séquestrer et à stocker du CO<sub>2</sub>.</p>
<p>D’abord, il faut réserver chaque essence à des stations présentant des conditions optimales pour elle, actuellement et en prenant en compte l’évolution modélisée du climat sur des pas de temps cohérents avec le cycle sylvicultural. Il faut aussi privilégier les peuplements mélangés (plusieurs essences) et structurellement hétérogènes (plusieurs hauteurs et formes de houppiers), de manière à renforcer la résistance aux aléas météorologiques et aux attaques de bioagresseurs.</p>
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<span class="caption">Forêt mélangée des Vosges du Nord (sept. 2021).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Evrard de Turckheim</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Privilégier la régénération naturelle permet d’accroître la diversité génétique soumise à la sélection naturelle et les capacités d’adaptation locale, contrairement aux plantations. Cela implique une meilleure gestion de l’équilibre sylvo-cynégétique, notamment en favorisant la végétation accompagnatrice qui protège les plants sensibles et fournit une ressource alimentaire alternative.</p>
<p>Il existe déjà des modes de sylviculture mettant en œuvre ces principes, comme la <a href="https://reporterre.net/Une-methode-ecologique-d-user-de-la-foret-la-futaie-irreguliere">futaie irrégulière</a> ou jardinée. Ce type de sylviculture <a href="http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/26798/RFF_1996_S_23.pdf">n’est pas nouveau</a>, il a été adopté depuis 2017 par l’Office national des forêts <a href="https://www.onf.fr/onf/+/87d::la-sylviculture-appliquee-dans-les-forets-publiques-dile-de-france.html">pour toutes les forêts publiques franciliennes</a> afin d’éviter les « coupes à blanc ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coupe à blanc d’une parcelle de Douglas dans une forêt de l’Oise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux sécheresses récurrentes, il faut adapter la densité des peuplements au bilan hydrique de la station et préserver l’alimentation en eau des sols, y compris en limitant leur tassement.</p>
<p>Plus généralement, accroître la résilience des forêts nécessite de favoriser la biodiversité au sein de tous les compartiments de l’écosystème. Celle-ci est encore trop souvent perçue comme une contrainte pour le forestier, comme un obstacle à la gestion, alors même que c’est son assurance sur le long terme pour maintenir la fertilité des sols, la résistance aux bioagresseurs et, <em>in fine</em>, la capacité de production de bois.</p>
<h2>Une condamnation sans procès des essences autochtones</h2>
<p>Plusieurs documents de planification, comme les Plans régionaux Forêt-Bois (PRFB) considèrent un peu hâtivement que les essences indigènes ne sont plus adaptées au « nouveau » climat. Cette vision fixiste du monde vivant oublie que les essences forestières européennes ont déjà connu bien des changements climatiques (notamment un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit_%C3%A2ge_glaciaire">Petit Âge glaciaire</a> et un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Optimum_climatique_m%C3%A9di%C3%A9val">Optimum médiéval</a>). Pire, elle ignore nombre de travaux scientifiques récents qui mettent en lumière des capacités d’adaptation insoupçonnées des arbres.</p>
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<p>Au moins trois ensembles de mécanismes permettent l’adaptation spontanée des arbres en environnement changeant : les mécanismes génétiques, via la sélection naturelle qui agit sur le long terme, ce qui nécessite une certaine diversité génétique ; les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/pce.13729">mécanismes épigénétiques</a>, qui prédisposent des individus à des conditions environnementales que leurs parents ont vécues, via des marques induites capables de moduler l’expression des gènes et d’induire des mutations ; les <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03256378">mécanismes holobiontiques</a>, via les symbioses issues de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092913931930931X">co-évolution entre l’arbre et son microbiote</a>, ce dernier contribuant à de nombreuses fonctions vitales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Forêt mélangée dans le Sud amiénois (Somme) où les épicéas sont épargnés par les attaques de scolytes (oct. 2021).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’efficacité de ces différents mécanismes face à des changements climatiques rapides est encore mal connue, d’où l’intérêt de pouvoir observer la réponse des essences autochtones dans un contexte « naturel », c’est-à-dire hors forêt soumise à la sylviculture.</p>
<p>À cet égard, il est important d’augmenter les superficies d’aires forestières protégées et leur représentativité des différents contextes climatiques et des types de sols, comme souligné <a href="http://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2021-27_avis_autosaisine_du_cnpn_du_14_decembre_2021_pour_les_assises_de_la_foret_et_du_bois.pdf">dans la contribution du Conseil national de la protection de la nature</a> aux Assises de la forêt et du bois.</p>
<p>Ces espaces à naturalité élevée constituent non seulement des réservoirs de biodiversité préservée, mais aussi des laboratoires grandeur nature pour la compréhension de la biologie des espèces et des dynamiques forestières spontanées, indispensables à l’acquisition de références pour concevoir les itinéraires sylviculturaux de demain.</p>
<h2>Une fausse bonne idée : le recours aux essences exotiques</h2>
<p>La prétendue « inadaptation » des essences autochtones justifie le recours à des essences exotiques, venant souvent d’autres continents, dont l’intérêt et l’innocuité sont plus que douteux… L’idée de privilégier les essences naturellement résistantes au stress hydrique serait séduisante, si elle ne faisait pas preuve d’une certaine amnésie (en plus de faire l’impasse sur des millions d’années d’histoire évolutive).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte montrant la progression de la chalarose du frêne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de l’Agriculture</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Car l’introduction d’essences exotiques en forêt n’est pas nouvelle. Beaucoup se sont soldées soit par des échecs d’acclimatation, soit par de graves crises écologiques : introductions accidentelles de bioagresseurs exotiques (l’actuelle épidémie de chalarose du frêne en est un exemple parmi des dizaines d’autres), invasions biologiques (le cerisier tardif, jadis vanté pour ses mérites en foresterie est devenu aujourd’hui l’ennemi du forestier), érosion de la biodiversité autochtone (les sous-bois fantomatiques de nombreuses plantations de conifères en plaine en sont un exemple criant) ; ou encore, aggravation des conséquences de certains aléas (les méga-feux que connaît la Péninsule ibérique sont étroitement liés aux plantations d’eucalyptus, très inflammables, et pourtant promues en région méditerranéenne française).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En forêt de Compiègne (Hauts-de-France), invasion par le cerisier tardif (juin 2005).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une analyse détaillée de ces risques est présentée <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">dans un livre blanc</a> sur l’introduction d’essences exotiques en forêt, récemment publié par la Société botanique de France.</p>
<p>Les risques associés aux essences exotiques, difficilement prévisibles, mais réels et coûteux pour la société, justifient que les nouvelles plantations soient davantage réglementées. Celles-ci devraient faire l’objet d’une étude d’impact préalable avec analyse de risque.</p>
<p>Plus généralement, il est urgent d’évaluer le rapport bénéfice/risque à moyen et à long terme de ces plantations, et, dans l’attente d’une telle évaluation, de soumettre à un moratoire les mesures politiques et financières incitant leur introduction en forêt.</p>
<h2>Mieux prendre en compte les résultats de la recherche scientifique</h2>
<p>Cet effort indispensable pour adapter la gestion des forêts aux changements climatiques ne doit pas se limiter aux actions d’ingénierie, mais reposer sur une approche scientifique interdisciplinaire, fondée sur l’ensemble des apports récents des sciences et techniques de la conservation.</p>
<p>La recherche scientifique en écologie forestière en particulier est très mobilisée sur la question des <a href="https://www.inrae.fr/changement-climatique-risques">impacts des changements climatiques</a> sur la forêt et des <a href="https://www.inee.cnrs.fr/fr/recherche">capacités adaptatives des espèces</a>.</p>
<p>Les nombreux résultats de la recherche permettraient d’appuyer les stratégies de gestion et de planification forestières sur des bases scientifiques robustes. Pourtant ces résultats sont jusqu’ici peu ou pas pris en compte par les décideurs.</p>
<p>La gestion durable des forêts ne peut pourtant reposer sur la seule ingénierie, tout comme elle ne peut se réduire aux seuls arbres. Agir en environnement changeant et en univers incertain suppose d’intégrer nos connaissances scientifiques dans tous les domaines, de prendre en compte l’évolution des attentes sociétales et d’actualiser les outils des ingénieurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Decocq est vice-président de la Société botanique de France ; il a dirigé la rédaction du «livre blanc sur l'introduction d'essences exotiques en forêt». Il est par ailleurs membre du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et de la Commission régionale de la forêt et du bois (CRFB) de la région Hauts-de-France. Il a participé et dirigé de nombreux projets de recherche financés par l'ANR, les Ministères et des collectivités territoriales.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Serge Muller préside actuellement le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), ainsi que le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) de la région Grand Est. Il est membre associé de l’Autorité environnementale du CGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE)</span></em></p>Si la surface de forêt a augmenté sur le territoire métropolitain ces dernières décennies, les peuplements forestiers dépérissent. Une approche écosystémique s’impose.Guillaume Decocq, Professeur en sciences végétales et fongiques, directeur de l’UMR EDYSAN, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Serge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1661192021-08-17T18:02:15Z2021-08-17T18:02:15ZÀ l’épreuve du feu et de la pandémie, un regain de solidarité nationale en Algérie<p>En cet été 2021, l’Algérie est confrontée à une double épreuve : d’une part, une <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1050663/article/2021-07-29/covid-19-en-algerie-le-pays-manque-d-oxygene-en-temoigne-une-video-et-un-appel-l">pénurie d’oxygène dans les hôpitaux</a> en pleine troisième vague de cas de Covid due à la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/29/en-algerie-le-systeme-de-sante-est-submerge-par-le-variant-delta_6089865_3212.html">rapide propagation du variant delta</a> dans un pays encore peu vacciné ; d’autre part, et depuis moins longtemps, des incendies d’une violence inédite, qui ont provoqué <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/08/14/algerie-des-incendies-continuent-de-ravager-le-nord-du-pays-le-bilan-s-alourdit_6091449_3212.html">plusieurs dizaines de morts</a>.</p>
<p>Les réseaux sociaux, où la solidarité s’organise, étaient déjà submergés d’images poignantes d’hôpitaux saturés et de médecins épuisés, qui paient d’ailleurs un <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/covid-19-en-algerie-plus-de-260-medecins-emportes-par-la-pandemie_4728337.html">lourd tribut</a> à l’épidémie. S’y ajoutent désormais d’impressionnantes images apocalyptiques qui révèlent l’étendue du désastre humain, matériel et environnemental provoqué par des incendies colossaux qui semblaient <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/algerie-la-plupart-des-incendies-sont-maitrises-annonce-la-protection-civile_4739041.html">maîtrisés au 16 août</a>. Selon, les autorités, ces incendies étaient de nature criminelle : le 12 août, le président de la République a annoncé <a href="https://www.challenges.fr/monde/algerie-le-president-annonce-l-arrestation-de-22-pyromanes_776765">l’arrestation de 22 pyromanes</a>.</p>
<h2>La lenteur des secours</h2>
<p>Les villageois, avant tout en Kabylie, région particulièrement touchée, ont dû <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/algerie/reportage-en-algerie-la-kabylie-reduite-en-cendres-657f1c78-fac1-11eb-ba79-96c5b236843d">affronter le feu</a> avec des moyens rudimentaires.</p>
<p>Les renforts de la protection civile et de l’armée ont été accueillis positivement par la population, mais jugés tardifs et insuffisants face à la magnitude du désastre. Très vite, les citoyens ont <a href="https://www.lavantgarde-algerie.com/article/actualites/le-collectif-sos-la-kabylie-est-calcinee-appelle-louverture-dune-voie-pour-une-aide-internationale">exhorté l’État à accepter l’aide internationale</a> : au vu de l’ampleur de la catastrophe, l’enjeu de la fierté nationale devait passer au second plan. L’envoi de <a href="https://www.jeuneafrique.com/1217151/politique/incendies-en-algerie-comment-la-france-a-envoye-deux-canadair-en-kabylie/">deux Canadairs</a> fournis par l’Union européenne a pris trois précieux jours car le pouvoir algérien, soucieux de sauver la face, a tenu à signer pour cela un accord commercial de location avec l’UE.</p>
<p>Entretemps, avec l’humour de résistance <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">que l’on connaît aux Algériens</a>. les internautes avaient comparé l’équipement en Canadairs des pays voisins, chiffré le coût d’un Canadair et de la formation du personnel, et comparé ces sommes relativement réduites au budget démesuré dévolu aux dépenses militaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416517/original/file-20210817-23-1gf4nay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Montage posté par l’ONG Info Béjaïa 24 sur son compte Facebook.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/199486740662525/photos/a.199497037328162/896309224313603">Page Facebook Info Béjaïa 24</a></span>
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</figure>
<p>Particulièrement touchée par les incendies, la Kabylie est connue pour son irrédentisme matérialisé par un <a href="http://www.slate.fr/story/208763/algerie-elections-legislatives-anticipees-kabylie-tension-abstention-mak">boycott récurrent des élections</a>, y compris les législatives de mai dernier, ce qui constitue, de fait, un défi lancé à un pouvoir central qui a classé en mai 2021 comme <a href="https://www.elwatan.com/a-la-une/haut-conseil-de-securite-le-mak-et-rachad-classes-organisations-terroristes-19-05-2021">terroriste</a> le mouvement autonomiste Kabyle (MAK), minoritaire dans la région. La répression qui vise le mouvement pacifique du Hirak, lancé début 2019 et dont les marches hebdomadaires ont été <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/algerie-marches-interdites-le-hirak-se-refugie-sur-les-reseaux-sociaux-20210604">interdites</a>, a conduit certains à ironiser sur le fait que le pouvoir use largement de canons à eau pour disperser les manifestants, mais que ces mêmes canons sont introuvables lorsqu’il faut secourir les populations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425077435045974021"}"></div></p>
<p>La population a pris l’habitude de largement remettre en cause la gouvernance du pays sur les réseaux sociaux, espace d’expression majeur du pays, qu’il s’agisse de crise sanitaire ou d’incendie, de pénurie d’oxygène, mais aussi de liquidités, de semoule, d’huile, de lait, d’eau ou encore de coupures d’électricité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425929168789848068"}"></div></p>
<p>Aussi, l’annonce d’un <a href="https://www.dzairdaily.com/algerie-deuil-national-3-jours-incendies/">deuil national de trois jours</a> pour commémorer les civils et militaires décédés du fait des incendies a irrité la toile au moment où les feux continuaient de s’étendre. Les internautes n’ont pas manqué de souligner qu’il aura fallu trois jours avant que des officiels ne se présentent aux victimes pour déclencher un fonds spécial d’indemnisation et six jours au chef de l’État pour visiter deux hôpitaux. Le sentiment d’abandon de la population ne s’est pas éteint lorsque le 12 août au soir, le président de la République a déclaré que la demande d’aide internationale avait été exprimée par l’Algérie dès le 9 août mais que <a href="https://www.facebook.com/fildalgeriedz/photos/a.1769586323150169/3942045275904252/">celle-ci était indisponible en raison des incendies en Grèce</a>. Deux Canadairs attendus d’Espagne le 13 août 2021, et un de Suisse le lendemain, a annoncé le président. Bon nombre d’internautes se sont étonnés que ces procédures aient tant duré, au vu de l’urgence, et déploré que les autorités algériennes n’aient pas accepté l’aide proposée par le Maroc voisin, avec lequel les relations diplomatiques sont tendues.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425555471608467456"}"></div></p>
<h2>Les Algériens, champions de la solidarité sociale</h2>
<p>Sans attendre, dès le 9 août au soir, s’est mise en mouvement une solidarité phénoménale, transcendant les divisions entre régions et <a href="https://www.lefigaro.fr/international/algerie-la-diaspora-en-premiere-ligne-face-aux-feux-et-a-la-crise-sanitaire-20210812">largement appuyée par la diaspora</a> – une mobilisation en continuité de celle toujours à l’œuvre pour faire face à la pénurie de moyens sanitaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=607&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=607&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=607&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=763&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=763&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416522/original/file-20210817-6755-1m61vl2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=763&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Les Algériens se mobilisent pour la Kabylie », dessin de Dilem.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://kabyle.com/image/vivement-letat-kabyle">Kabyle.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des appels à agir avec responsabilité et unité pour aider les zones sinistrées ont inondé la toile, un facilitateur important. On se souvient qu’en mars 2020, à l’avènement du coronavirus, ce sont les citoyens, avant l’État, qui ont mis fin aux marches du Hirak, par responsabilité au vu de la crise sanitaire – les Algériens avaient d’ailleurs été distingués par des médias internationaux comme <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/face-au-coronavirus-les-algeriens-champions-de-la-solidarite">« champions de la solidarité »</a> ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425887467895463937"}"></div></p>
<p>En très peu de temps, le Hirak avait <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-peuple-algerien-aspire-au-prix-nobel-de-la-paix-134499">mobilisé ses codes de collaboration solidaire</a> au travers des réseaux sociaux pour compenser, dans la mesure du possible, la fragilité du système sanitaire.</p>
<p>Cet été, un élan de générosité massif a traversé le pays. Depuis l’ensemble du territoire, des convois de dons interminables ont afflué notamment vers la Kabylie, zone la plus sinistrée, signant <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/algerie-face-a-l-apocalypse-de-feu-une-massive-solidarite-s-organise-11-08-2021-2438586_3826.php">l’union du peuple dans l’adversité</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416523/original/file-20210817-23-5l14am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’un des nombreux messages de ce type relayés sur Facebook par de nombreux internautes.</span>
</figcaption>
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<p>Des appels pour lister les besoins, les associations fiables par village, les denrées nécessaires, les lieux de dépôt, itinéraires de départ depuis les principales villes ont été très relayés sur les réseaux. Parallèlement, des centaines de jeunes de différentes régions sont allés spontanément prêter main-forte aux locaux dans les villages reculés. On y note des scènes de fraternité émouvantes, parfois entre personnes ne parlant pas la même langue (kabyle/arabe), qui contrastent heureusement avec le racisme et les discriminations dont les réseaux sociaux algériens sont souvent le terrain d’expression.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1425168612025831429"}"></div></p>
<h2>La Kabylie, inspiration des théories de la solidarité sociale</h2>
<p>En Kabylie, la solidarité en provenance de l’ensemble du pays a été spectaculaire. Hôtels, foyers, salles des fêtes <a href="https://www.facebook.com/CulturArtKabyle/photos/a.2628991823783073/5025433327472232/">ont ouvert leurs portes aux familles sinistrées</a>, maintenant un principe d’hospitalité ancestral.</p>
<p>Dans cette région, les systèmes de gouvernance de structures ancestrales qui comportent plusieurs niveaux telles les jemaà (« assemblées villageoises » <a href="https://www.berose.fr/article2013.html">étudiées par Pierre Bourdieu</a>) se mêlent aux institutions modernes formelles (autorités locales, associations, entreprises…) pour constituer des collectifs agiles et à fort <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1980_num_31_1_2069">« capital social »</a>, identifiant vite les besoins. Les familles, délibérant ensemble sur les décisions à prendre, organisent l’action et solutionnent les conflits. Cette fois, les Kabyles ont également utilisé les réseaux sociaux pour communiquer, facilitant l’apport et la répartition de l’aide. Ainsi, quand un village déborde de dons, il parvient à éviter le gaspillage (thématique moderne), conciliant cette tradition avec une vraie agilité en matière d’usage des outils de communication et de management des dons.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/exJ8C0mQ8GM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>C’est après avoir lu des travaux sur l’organisation sociale en Kabylie (notamment <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/1565270-la-kabylie-et-les-coutumes-kabyles-premiere-pa--adolphe-hanoteau-aristide-letourneux-association-atout-kabylie-europe">ceux d’A. Letourneu et A. Hanoteau</a>) que le père de la sociologie Émile Durkheim a forgé la problématique des <a href="http://www.education-populaire.fr/solidarite-mecanique-organique/">solidarités mécanique et organique</a>. Historiquement, selon Hanoteau et Letourneux, qui écrivaient en 1893, toute la société kabyle est imprégnée de « l’esprit d’association et de solidarité » et « partout, on retrouve, à ses divers degrés, l’association solidaire, aussi bien dans les moindres intérêts de la vie privée que dans les relations de la famille, du village et de la tribu ». Bourdieu soulignait à cet égard qu’« à l’imperfection des techniques répond une perfection hyperbolique du lien social, comme si la précarité de l’ajustement à l’environnement naturel trouvait contrepoids dans l’excellence de l’ajustement social […] ». <a href="https://www.facebook.com/farid.alilat/posts/10226359761449880">Cette contribution</a> récente du journaliste Farid Allilat illustre l’actualité de ce propos.</p>
<p>Bourdieu élaborera dans cette même Kabylie les principaux concepts de sa théorie, notamment ceux du « capital social » et de la « violence symbolique », en relation directe avec le sentiment de l’honneur qui n’épargne aucune société.</p>
<h2>Une ombre au tableau de la solidarité : une tragédie dans la tragédie</h2>
<p>Le 11 août dernier, Djamel Ben Ismaïl, un jeune bénévole venu en Kabylie depuis la ville de Miliana, située à des centaines de kilomètres de là, pour participer à la lutte contre les incendies, a été <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/le-lynchage-a-mort-de-djamel-ben-ismail-accuse-a-tort-de-pyromanie-choque-l-algerie_2156657.html">lynché</a> dans la ville kabyle de Larbaâ Nath Irathen.</p>
<p>Soupçonné par la foule d’être l’un des auteurs des incendies, il a été littéralement immolé sur la place publique, en présence de policiers. Une enquête est ouverte, de nombreux <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/lynchage-dun-innocent-en-algerie-36-suspects-arretes-15-08-2021-WDQRWMYTLNG5DLPIS5ODRL2OHM.php">suspects arrêtés</a> grâce aux vidéos prises par les badauds.</p>
<p>Une <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/l-algerie-meurtrie-par-le-lynchage-d-un-jeune-en-kabylie-15-08-2021-2438933_3826.php">onde de choc</a> d’indignation et de refus de la barbarie a traversé tout le pays (et au-delà, via la diaspora). Ce crime sauvage pourrait recristalliser des divisions (entre Arabes et Kabyles) que la solidarité nationale transcende. Dans ce contexte, la réaction majestueuse du père de la victime, qui a appelé à la fraternité, à l’humanisme et à l’union entre tous les Algériens a forcé le respect dans l’ensemble du pays. Quand diverses assemblées représentatives de la société kabyle lui ont demandé pardon, il a déclaré « J’ai perdu un fils, j’ai gagné des enfants. Vous êtes tous mes enfants », éteignant ainsi d’autres feux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1426492994920849411"}"></div></p>
<p>Dans l’urgence, sur le lieu du drame, les comités de village et citoyens ont publié ce communiqué. Dès à présent, le principe de réparation ancestral s’organise, avec des <a href="https://www.facebook.com/photo/?fbid=4559717567392105&set=gm.1759531057582023">appels aux dons</a> depuis la Kabylie pour soutenir la famille de la victime et sa région, Miliana.</p>
<p>La solidarité inter-régions et l’union ont continué massivement malgré ce sombre épisode. Djamel Ben Ismaïl, artiste, bénévole, hirakiste, célébré sur la toile, viendra longtemps hanter la conscience des Algériens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La région la plus sinistrée par les incendies est la Kabylie, la solidarité du peuple algérien uni a démenti tout spectre de divisions régionales comme ressort de la vie politique du pays.Nacima Ourahmoune, Professeur / Chercheur/ Consultant en marketing et sociologie de la consommation, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1655912021-08-06T12:41:20Z2021-08-06T12:41:20ZUn goût de fumée : comment les feux de forêt altèrent les raisins et menacent l’industrie du vin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/414886/original/file-20210805-21-o0q08w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5966%2C3983&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fumée des feux de forêt altère les raisins et donne au vin un goût de cendre. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Photo AP/Noah Berger) </span></span></figcaption></figure><p>Le feu <a href="https://www.winespectator.com/articles/the-impact-of-2020-s-wildfires-063021">peut ravager un vignoble et ses infrastructures</a>, jusqu’au système d’irrigation. Mais même un brasier lointain peut altérer les raisins de cuve en leur donnant un goût de fumée et de cendres. Ce phénomène se produit <a href="https://www.wineaustralia.com/getmedia/be15194e-0e9f-466e-bc7e-2171d635ed18/Final-Report-RD-05-02-3">quand les raisins sont exposés à la fumée de feux de forêt pendant leur maturation</a>.</p>
<p><a href="http://bcfireinfo.for.gov.bc.ca/hprScripts/WildfireNews/Statistics.asp">La Colombie-Britannique a déjà dépassé</a> la moyenne décennale <a href="https://www2.gov.bc.ca/gov/content/safety/wildfire-status/about-bcws/wildfire-statistics/wildfire-averages">pour le nombre de feux de forêt</a> et le total d’hectares brûlés. Plusieurs brasiers, près de la vallée viticole de l’Okanagan, se rapprochent des villes et des zones agricoles, ce qui représente une menace pour les producteurs de raisins et viticulteurs.</p>
<p>En tant que chimiste analyste, j’étudie la signature chimique des feux de forêt dans les raisins, et je cherche les moyens d’empêcher que la fumée n’affecte la production viticole</p>
<h2>Menace cachée</h2>
<p>Nous connaissons tous la senteur de fumée qui imprègne les vêtements ou les cheveux après un bon feu de camp, et l’arôme sans pareil de la viande ou du poisson fumé. La fumée n’altère pas les vins de la même manière.</p>
<p>Les raisins de cuve absorbent facilement les composés responsables du goût de fumée, <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf800927e">mais les enzymes les transforment presque immédiatement en composés imperceptibles au goût ou à l’odorat</a>. Ce sont les levures de fermentation qui régénèrent le goût de fumée.</p>
<p>Pour l’industrie vinicole britanno-colombienne, la fumée est une menace grave, car elle rend invendables les vins contaminés, à cause de leur odeur désagréable. Fait aggravant, cette senteur affreuse passe généralement inaperçue au moment de la récolte. Elle n’apparaît qu’après que les vignobles ont investi temps et argent pour récolter et fermenter des tonnes de raisins qui avaient l’air normales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des barils de vin invendus remplis de vin contaminé par la fumée" src="https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413803/original/file-20210729-23-7lxloj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des barils de chardonnay dans un vignoble de la vallée de la Willamette, à Turner, dans l’Oregon : le viticulteur californien a annulé le contrat pour cause de contamination par la fumée en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andrew Selsky)</span></span>
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</figure>
<p><a href="https://www.winespectator.com/articles/how-did-2020-s-wildfires-impact-california-wine">L’impact économique du phénomène est difficile à mesurer</a>, mais il peut être grave. En Australie, l’industrie vinicole <a href="https://www.mdpi.com/2306-5710/7/1/7">a perdu l’équivalent de 276 millions de dollars canadiens</a> à cause des feux de brousse. En Colombie-Britannique, <a href="https://www.vivino.com/CA/en/fairview-cellars-fume-franc/w/5724681">certains vins altérés par la fumée</a> pourraient être écoulés comme nouveauté, mais le gros, rendu imbuvable, devra être jeté.</p>
<h2>La chimie de l’odeur de fumée</h2>
<p>C’est une catégorie de composés, les phénols volatils, qui sont largement en cause dans le goût de fumée. Ils sont faciles à sentir parce qu’ils s’évaporent à basse température. L’odorat peut détecter les plus âcres <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf2040548">à des concentrations de l’ordre de partie par milliard</a>, soit l’équivalent d’une cuillère à thé dans une piscine olympique.</p>
<p>Lorsque les phénols volatils pénètrent les raisins en cours de maturation ou les feuilles, ils sont presque immédiatement détoxifiés <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf103045t">par un processus appelé glycosylation</a>, qui les lie chimiquement au glucose et à d’autres hydrates de carbone simple.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des raisins couverts de cendre dans un vignoble" src="https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413824/original/file-20210729-27-7c85nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des raisins couverts de cendres après des feux de forêt en Californie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eric Risberg)</span></span>
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</figure>
<p>Ces nouveaux glycosides ne sont pas volatils et n’ont pas d’arôme. Selon certaines études, les <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf405327s">bactéries de la bouche</a> les métaboliseraient, produisant une perception d’odeur de fumée au fond de la gorge ou de la bouche qui va en s’intensifiant à chaque gorgée.</p>
<p>Mais le problème principal survient lorsque les levures de fermentation <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1755-0238.2011.00128.x">décomposent les glycosides phénoliques volatils</a> dans les cuves. Elles régénèrent alors la mauvaise odeur dans des raisins d’apparence normale. Fait intéressant : l’exposition à la fumée ne conduit pas automatiquement à un vin vicié. Parfois, des quantités tolérables de phénols volatils <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf035380x">sont lessivées lors du vieillissement en fûts de chêne</a>. Grâce à des instruments ultrasensibles, mes collègues et moi avons pu élucider cette mystérieuse chimie du goût.</p>
<h2>Détecter le phénomène avant la récolte</h2>
<p>Depuis 2015, les étudiants de mon laboratoire au Campus Okanagan de l’Université de Colombie-Britannique, à Kelowna, sont à la pointe des recherches au Canada sur le goût de fumée.</p>
<p>Jusqu’à récemment, le gros de la recherche émanait de chercheurs australiens. Mais en raison des différences entre l’Australie et la Colombie-Britannique quant aux combustibles et aux conditions viticoles, nous avons estimé que la présence de phénols volatils spécifiques dans les vins de cuve pourrait présenter des marqueurs chimiques distincts pour chaque région.</p>
<p>Nous avons donc conçu une <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jafc.7b04946">méthode pour simuler les effets d’un feu de forêt sur le vignoble</a> en utilisant un combustible mêlant aiguilles de pin ponderosa, écorce et matière organique du sol.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tente fumigène sur mesure" src="https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413389/original/file-20210727-17-1con7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tente fumigène sur mesure servant à simuler les effets de la fumée des feux de forêt sur les raisins de cuve.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Matthew Noestheden)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons considéré qu’il serait possible de faire des prédictions plus rapides sur les concentrations de phénols volatils en faisant bouillir le jus du raisin dans de l’acide chlorhydrique et en <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.jafc.7b03225">imitant chimiquement les transformations induites par les levures</a> pendant la vinification.</p>
<p>Nos recherches ont montré qu’il suffit de moins d’une heure pour que les phénols volatils qui ont pénétré le raisin soient transformés en formes non volatiles. Nous savons que ce sont les raisins eux-mêmes qui agissent puisque les phénols volatils ne sont détectables qu’après fermentation ou ébullition dans l’acide.</p>
<p>Fait intéressant, les glycosides ne sont pas la seule manière dont les phénols volatiles sont piégés dans le raisin. D’autres formes encore non identifiées sont présentes, mais les levures opèrent de la même manière pour libérer les phénols volatils malodorants.</p>
<p>Pour concevoir des méthodes pour éliminer les phénols volatils du jus de raisin ou du vin, nous devrons d’abord identifier tous les processus par lesquels les raisins les dissimulent.</p>
<h2>Un peu de prévention</h2>
<p>En parallèle de ces recherches, nous avons commencé à utiliser nos outils et nos méthodes pour protéger le vignoble.</p>
<p><a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jafc.9b05859">Un examen préliminaire de trois substances</a> autorisées pour la pulvérisation agricole suggérait que l’une d’elles, normalement utilisée sur les cerises, réduirait significativement les concentrations de phénols volatils dans les raisins exposés. Malheureusement, <a href="https://www.mdpi.com/1420-3049/26/14/4311">l’étude de suivi</a> menée dans trois vignobles de l’Okanagan n’a pas permis de reproduire l’effet souhaité, et nos recherches se poursuivent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Test des pulvérisations protectrices sur les raisins" src="https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413379/original/file-20210727-24-9lgkb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Wesley Zandberg et James Favell, étudiant chercheur, expérimentent diverses substances de protection sur des raisins de table à l’extérieur de leur laboratoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alexander Garner)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons toutefois découvert que les raisins de table rouges, vendus à l’année dans les épiceries, transforment les phénols volatils de manière assez semblables aux raisins de cuve. Grâce à cette trouvaille, qui nous libère des contraintes saisonnières, nous pourrons expérimenter sur des dizaines de variables et de produits à l’année en laboratoire.</p>
<p>En attendant, les producteurs de raisin et de vin de l’Okanagan devront surveiller les phénols volatils et évaluer leurs récoltes avec soin, même quand les raisins ont l’air parfaits.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165591/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wesley Zandberg reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), du BC Wine Grape Council (BCWGC), du Réseau canadien de glycomique (subvention d'équipe de collaboration) et de l'Université de la Colombie-Britannique (sous la forme d'une subvention du Fonds d'éminence). Il a été soutenu financièrement par MITACS, en partenariat avec Supra Research and Development, une entreprise d'analyse basée à Kelowna qui offre maintenant des tests de détection de la fumée pour les établissements vinicoles locaux et internationaux.</span></em></p>Alors que les feux de forêt continuent de se propager, les producteurs de raisins et les viticulteurs de l’Okanagan doivent faire face à la menace de plus en plus fréquente des émanations de fumée.Wesley Zandberg, Assistant Professor of Chemistry, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641512021-07-14T14:25:32Z2021-07-14T14:25:32ZChaleurs extrêmes : quand les changements climatiques menacent la santé publique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/411254/original/file-20210714-19-hffol4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C25%2C5573%2C3701&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le parc national de la Vallée de la Mort, en Californie, la température a encore atteint des sommets records le 11 juillet 2021, selon les relevés du National Weather Service à Furnace Creek.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/John Locher) </span></span></figcaption></figure><iframe style="width: 100%; height: 175px; border: none; position: relative; z-index: 1;" allowtransparency="" src="https://narrations.ad-auris.com/widget/la-conversation/chaleurs-extr-mes---quand-les-changements-climatiques-menacent-la-sant--publique" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Une nouvelle vague de chaleur sévit aux États-Unis, moins de trois semaines après la <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/nouvelles/le-mois-de-juin-sacheve-par-une-chaleur-exceptionnelle">précédente</a>, qui a touché le Nord-ouest américain et l’ouest du Canada à la fin juin. Les températures ont alors dépassé les 45 degrés Celsius pendant plusieurs jours.</p>
<p>Quelques jours auparavant, un potentiel <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/nouvelles/record-de-38- %C2 %B0c-au-nord-du-cercle-arctique">record de température de 38 °C avait aussi été enregistré au nord du cercle arctique</a>. Dans la zone touchée par la vague de chaleur, plus de 70 stations météorologiques qui mesurent la température depuis au moins les années 1960 ont enregistré des <a href="https://weather.com/forecast/regional/news/2021-06-28-record-heat-wave-northwest-washington-oregon-canada">températures égales ou dépassant des records établis</a>.</p>
<p>Peut-on vraiment établir un lien entre les changements climatiques et ces vagues de chaleur exceptionnelle ?</p>
<h2>Plusieurs records battus</h2>
<p>Le record absolu de température au Canada, de 45 °C, avait été établi le 5 juillet 1937 en Saskatchewan. Il a été dépassé trois jours de suite <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/nouvelles/le-mois-de-juin-sach%C3%A8ve-par-une-chaleur-exceptionnelle">à Lytton</a>, en Colombie-Britannique. Il a fait 46,6 °C le 27 juin, 47,9 °C le 28 juin et 49,5 °C le 29 juin. La nouvelle <a href="https://www.leparisien.fr/meteo/canada-record-de-chaleur-pour-le-troisieme-jour-de-suite-avec-495-degres-30-06-2021-U76ZIKKBJBFZRDG62TAQUEJFVY.php">a fait les manchettes</a> de médias étrangers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1410305596902019074"}"></div></p>
<p>Plusieurs records de température ont aussi été battus dans les Territoires du Nord-Ouest. Aux États-Unis, des records de température sont aussi tombés à Seattle et Portland, entre autres.</p>
<p>Un autre fait frappant : les <a href="https://confluence.ecmwf.int/display/FUF/Western+North+America+Extreme+Heat">températures ont été significativement plus élevées que la normale</a> correspondante à cette période de l’année. Par exemple, on a enregistré des températures de 20 °C au-dessus de la normale à Portland, É.U.</p>
<p>Au Canada, la chaleur extrême et l’assèchement de la végétation ont augmenté le risque d’incendies forestiers. Des <a href="https://www.theweathernetwork.com/ca/news/article/threat-of-lightning-adds-worries-of-new-wildfires-igniting-in-british-columbia">centaines de feux de forêt ont été déclarés en Colombie – Britannique</a> depuis le début de juillet.</p>
<p>Le lundi 5 juillet, on dénombrait environ 200 incendies actifs, dont le tiers étaient considérés hors de contrôle. Le village de <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2021-07-02/incendie-de-foret/deux-morts-dans-l-incendie-a-lytton.php">Lytton a été ravagé à 90 %</a> par un feu de forêt, forçant l’évacuation de sa population dans un court délai.</p>
<h2>Le phénomène du dôme de chaleur</h2>
<p>Les anticyclones (systèmes de haute pression) sont normalement associés au beau temps et à un ciel clair. Cependant, quand un anticyclone reste longtemps sur une même région en raison d’un « blocage atmosphérique », qui empêche le déplacement de celui-ci, cette situation peut donner lieu à une vague de chaleur. Dans le cas de la vague de chaleur qui a affecté l’ouest du continent nord-américain, l’anticyclone a persisté une semaine au-dessus des régions affectées.</p>
<p>Le blocage atmosphérique qui a causé ce dôme de chaleur est connu sous le nom de « blocage oméga ». C’est normalement ce type de blocage qui cause les vagues de chaleur dans cette région. Le <a href="https://www.worldweatherattribution.org/western-north-american-extreme-heat-virtually-impossible-without-human-caused-climate-change/">système de haute pression a atteint des valeurs records</a> ; cependant, ces valeurs ont été beaucoup moins exceptionnelles que les températures extrêmes observées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Carte météorologique" src="https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410441/original/file-20210708-17-eomzux.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte d’analyse du Centre météorologique canadien (CMC) au 30 juin 2021, à 00:00 UTC. Les couleurs violette et rouge à l’ouest du continent nord-américain représentent la température élevée. L’anticyclone responsable de la vague de chaleur est représenté par la lettre H1015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Météocentre</span></span>
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<p>Cette vague de chaleur est du jamais vu, à tel point que les météorologues se sont demandés si cet évènement, <a href="https://confluence.ecmwf.int/display/FUF/Western+North+America+Extreme+Heat">bien prévu par les modèles atmosphériques</a>, était une erreur des modèles.</p>
<h2>Un enjeu de santé publique</h2>
<p>Cette vague de chaleur exceptionnelle a eu des impacts importants sur la santé des populations affectées. Puisqu’il s’agit des régions qui ne sont pas habituées à des températures aussi élevées, la population est moins prête pour affronter la chaleur accablante. Par exemple, un <a href="https://www.bchydro.com/news/press_centre/news_releases/2020/report-air-conditioning.html">rapport de BC Hydro</a> publié l’année dernière a trouvé que le nombre de foyers ayant des climatiseurs en Colombie-Britannique est de 34 %.</p>
<p>Entre le 25 juin et le 1<sup>er</sup> juillet 2021, la <a href="https://news.gov.bc.ca/releases/2021PSSG0062-001295">Colombie-Britannique a rapporté 719 décès soudains et inattendus</a> (à noter qu’il s’agit de résultats préliminaires), ce qui est trois fois plus que la normale au cours de cette même période. La vague de chaleur a probablement contribué significativement à cette augmentation des décès, mais on ne sait pas encore combien de décès peuvent être attribués à celle-ci. Dans la plupart des cas, il s’agissait de personnes âgées qui habitaient seules dans des résidences privées sans ventilation adéquate.</p>
<p>Une autre conséquence négative de la vague de chaleur est la <a href="https://archipel.uqam.ca/9073/1/Gachon_et_al_2016_Guide_Heat_Waves_EN.pdf">dégradation de la qualité de l’air</a> car les conditions météorologiques associées aux vagues de chaleur (stabilité des basses couches de l’atmosphère, température élevée, présence de la lumière du soleil et vent faible) sont favorables à la formation et à la concentration des contaminants atmosphériques tels que l’ozone et les particules fines. D’ailleurs, la fumée des feux de forêt contribue à dégrader davantage la qualité de l’air.</p>
<h2>Le Canada se réchauffe plus rapidement</h2>
<p>Le Canada est et sera particulièrement affecté par les changements climatiques, selon le <a href="https://changingclimate.ca/CCCR2019/fr/">Rapport sur le climat changeant du Canada</a>, publié en 2019. En effet, le Canada s’est réchauffé et continuera de se réchauffer à un rythme deux fois plus élevé que le reste du globe.</p>
<p>Avec le réchauffement climatique, les températures extrêmement chaudes sont devenues et deviendront plus fréquentes et intenses, ce qui augmentera la sévérité des vagues de chaleur et le risque de feux de forêt. La vague de chaleur qui a affecté le Nord-ouest américain s’inscrit donc dans cette tendance.</p>
<p>Cependant, il est important de préciser que l’on ne peut pas imputer un phénomène météorologique précis, telle cette vague de chaleur, aux changements climatiques d’origine anthropique, c’est-à-dire au réchauffement planétaire causé par l’activité humaine, qui est la principale cause des changements climatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sans-des-mesures-plus-ecologiques-une-hausse-du-rechauffement-planetaire-limitee-a-1-5-c-sera-hors-datteinte-153967">Sans des mesures plus écologiques, une hausse du réchauffement planétaire limitée à 1,5 °C sera hors d’atteinte</a>
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<p>Ce que l’on peut analyser, c’est la façon dont la probabilité ou l’intensité d’un certain type d’évènement extrême a changé à la suite de l’augmentation de la concentration de gaz à effets de serre découlant des activités humaines.</p>
<h2>Les risques d’incendie augmentent</h2>
<p>Ce domaine de la science du climat, connu sous le nom d’ « attribution des événements », a été appliqué à plusieurs évènements extrêmes qui ont eu lieu au Canada. Par exemple, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-017-2030-0">étude portant sur les feux de forêt de Fort McMurray de 2016</a> a conclu que le réchauffement d’origine anthropique a augmenté la probabilité de risque de feux de forêt extrêmes dans l’Ouest canadien. En d’autres mots, les feux de forêt de Fort McMurray auraient eu moins de chances de se produire dans un monde sans réchauffement climatique d’origine anthropique.</p>
<p>Puisque la vague de chaleur qui a frappé l’Ouest canadien a eu lieu récemment, il faudra attendre encore quelque temps avant que des études d’attribution de cet évènement soient menées et publiées dans une revue à comité de lecture. Une première analyse rapide de cette vague de chaleur a conclu que celle-ci aurait été <a href="https://www.worldweatherattribution.org/western-north-american-extreme-heat-virtually-impossible-without-human-caused-climate-change/">quasiment impossible sans le réchauffement climatique</a> d’origine anthropique.</p>
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<img alt="Des carcasses de voitures et des bâtiments brûlés" src="https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411268/original/file-20210714-17-18kxq3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des voitures et des structures brûlées sont vues à Lytton, en Colombie-Britannique, le vendredi 9 juillet 2021, après qu’un feu de forêt ait détruit la majeure partie du village le 30 juin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Darryl Dyck</span></span>
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<p>Les vagues de chaleur comme celle-ci deviendront plus fréquentes avec le réchauffement climatique, avec des conséquences néfastes pour les populations affectées. En <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-3/">limitant le réchauffement climatique à 1,5 °C au lieu de 2 °C</a>, nous pourrions réduire d’environ 420 millions et 65 millions le nombre de personnes exposées, respectivement, à des vagues de chaleur extrêmes et à des vagues de chaleur exceptionnelles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-records-de-chaleur-signifient-quil-faut-changer-le-discours-sur-lurgence-climatique-163960">Les records de chaleur signifient qu’il faut changer le discours sur l’urgence climatique</a>
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<p>Malheureusement, à l’heure actuelle nous ne sommes pas du tout en voie d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter l’augmentation de température à bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et idéalement à 1,5 °C. <a href="https://wedocs.unep.org/xmlui/bitstream/handle/20.500.11822/34461/EGR20KMF.pdf">Nous nous dirigeons plutôt vers un réchauffement climatique de 3 °C</a> au cours de ce siècle, ce qui aurait des conséquences négatives significatives pour la santé humaine. Nous sommes encore à temps pour prendre la bonne route, mais il faut agir vite et fermement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164151/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marta Moreno Ibáñez est membre du Conseil de l'Association of Polar Early Career Scientists (APECS) et membre de la Société canadienne de météorologie et d'océanographie (SCMO). Elle a reçu une bourse d'excellence de la Fondation familiale Trottier.</span></em></p>Avec le réchauffement planétaire, les températures extrêmement chaudes deviendront plus fréquentes et intenses, ce qui augmentera la sévérité des vagues de chaleur et le risque de feux de forêt.Marta Moreno Ibáñez, PhD candidate in Earth and atmospheric sciences, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1534652021-01-26T20:35:57Z2021-01-26T20:35:57ZMatteo, 5 ans : « Pourquoi le feu, ça brûle ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380667/original/file-20210126-19-11r9ofe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C6647%2C3313&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Barrière de feu.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.freepik.com/vecteurs-libre/banniere-flamme-feu-realiste_10155833.htm"> Macrovector / Freepik</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour avoir un feu, il faut trois éléments. Du combustible (par exemple : du bois, de l’essence, du tissu… mais pas la pierre, ni le béton), il faut de l’air (plus exactement l’oxygène de l’air que nous respirons) et une source de chaleur (celle qu’apporte une allumette, ou une étincelle par exemple).</p>
<p>Sans l’un ou l’autre de ces éléments, il n’y a plus de feu. C’est d’ailleurs de cette façon qu’on lutte contre les feux : en retirant le combustible (on fait par exemple des tranchées dans les forêts pour enlever le bois combustible et « couper » la propagation du feu), ou en supprimant l’oxygène (avec un torchon humide sur une friteuse qui prend feu, ou en pulvérisant de la mousse pour chasser l’oxygène), ou encore en refroidissant la flamme ou la surface qui brûle avec de l’eau.</p>
<p>Quand la flamme chauffe un combustible disponible, ce dernier se transforme et produit du gaz : cette transformation s’appelle la pyrolyse. C’est ce gaz qui en se mélangeant avec l’oxygène, en présence de chaleur, va brûler et entretenir la flamme. Celle-ci émet alors une grande quantité d’énergie.</p>
<p>D’où vient cette énergie ? Elle est en fait stockée dans le combustible et provient essentiellement des liaisons chimiques entre les atomes, qui sont les « briques » qui constituent la matière. La combustion des gaz de pyrolyse libère une partie de cette énergie en cassant les liaisons entre les atomes et en produisant de nouvelles molécules (des molécules d’eau et du dioxyde de carbone en particulier).</p>
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<figcaption><span class="caption">Au feu (C’est pas sorcier).</span></figcaption>
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<p>La flamme, en elle-même, est composée des gaz brûlés et de petites particules qu’on appelle les suies. Ce sont les suies qui donnent sa couleur jaune à la flamme, car elles sont très chaudes et envoient du rayonnement. Le « rayonnement thermique » est l’un des trois modes de transmission de la chaleur (avec la convection et la conduction). C’est le même phénomène qui permet au Soleil d’envoyer de l’énergie à la Terre, et c’est aussi ce qui explique la sensation de chaleur que l’on ressent quand on se trouve juste devant un barbecue. C’est ce « rayonnement » qui transmet en grande partie l’énergie de la flamme au combustible, le chauffe, ce qui produit les gaz de pyrolyse, qui sont brûlés à leur tour et entretiennent la flamme, qui progresse et brûle petit à petit tout le combustible disponible.</p>
<p>À cause de cette énergie, la température dans la flamme est très grande. On mesure des valeurs allant jusque 1 000 °C à 1 500 °C. Parfois plus dans certaines flammes. Que l’on parle de flammes de bougies ou de celles observées sur les grands feux de forêt, les niveaux de température sont identiques ! Par contre, la grande différence se situe sur les « volumes » de flammes qui sont impliqués et donc sur les puissances qui sont dégagées.</p>
<h2>Une démonstration en laboratoire</h2>
<p>Dans l’expérience ci-dessous, on a disposé de la paille qui représente une zone de végétation. Sur la première image, on enflamme la végétation. On enlève ensuite le brûleur qui sert à l’allumage, mais la flamme elle-même rayonne vers la paille qui n’est pas encore en feu. Sous l’effet de cette énergie reçue, celle-ci produit des gaz de pyrolyse qui entretiennent la flamme. Elle avance progressivement, brûlant toute la végétation disponible. Le feu s’éteint tout seul à la fin, car il n’a plus de combustible disponible.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379703/original/file-20210120-19-o5kber.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DSC.</span>
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<span class="caption">DSC.</span>
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<span class="caption">DSC.</span>
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<span class="caption">Expérience de paille qui brûle en laboratoire.</span>
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</figure>
<p>Ces expériences en laboratoire permettent de comprendre les mécanismes de la propagation, mais aussi de mesurer la vitesse à laquelle le feu se propage, les températures atteintes ou encore la puissance du feu.</p>
<h2>Les conséquences du feu</h2>
<p>Un être humain ressent déjà une gêne lorsqu’il est en contact avec des gaz ou une surface au-dessus de 40 à 60 °C. Alors 1 000 °C, c’est bien plus grand et les conséquences sont beaucoup plus importantes !</p>
<p>À proximité d’une flamme, très rapidement les tissus, ou la peau, reçoivent une telle quantité d’énergie qu’ils se déshydratent (ils perdent l’eau qu’ils contiennent), puis se dégradent (ils se transforment et sont brûlés comme tout combustible au contact d’une flamme), causant des dégâts irrémédiables et une douleur transmise par le système nerveux.</p>
<p>Dans une forêt, la flamme va se propager d’arbre en arbre, brûlant progressivement quasiment toute la végétation disponible, comme sur la démonstration ci-dessus. Un arbre en feu chauffe l’arbre d’à côté, qui devient une nouvelle source de combustible et s’enflamme à son tour.</p>
<p>Dans l’incendie de Notre-Dame de Paris, le feu s’est propagé progressivement sur toute la charpente, qui était en bois, de la même façon. Une source de chaleur à l’origine de l’incendie a chauffé le bois de la charpente, qui s’est enflammé, la flamme a apporté une énergie de plus en plus grande et l’incendie s’est progressivement propagé sur tout le bois qui était présent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Boulet a reçu des financements de l'Université de Lorraine, du CNRS, de l'Agence Nationale de la Recherche, de la Commission Européenne, dans le cadre de ses activités de recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Collin a reçu des financements de l'Université de Lorraine, du CNRS, de l'Agence Nationale de la Recherche, de la Commission Européenne, dans le cadre de ses activités de recherche. </span></em></p>Il est vrai que l’on fait souvent cette expérience douloureuse assez jeune : le feu, ça brûle, mais, comment ce phénomène s’explique-t-il ?Pascal Boulet, Directeur du LEMTA (Laboratoire énergies et mécanique théorique et appliquée), Université de LorraineAnthony Collin, Enseignant - chercheur de l’Université de Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1527642021-01-06T19:18:00Z2021-01-06T19:18:00ZAvec la réalité virtuelle, la deuxième vie de Notre-Dame de Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377417/original/file-20210106-13-md7bjy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C185%2C1214%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La société FlyView propose des visites de la cathédrale en réalité virtuelle.</span> </figcaption></figure><p>Pour célébrer 2021, la <a href="https://www.paris.fr/pages/le-concert-de-jean-michel-jarre-dans-une-notre-dame-virtuelle-16298">ville de Paris propose un concert</a> multimédia conçu et mis en scène par Jean‑Michel Jarre dans une réplique numérique de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Pour ce show intitulé « Bienvenue ailleurs », placé sous le patronage de l’Unesco, la légende de la musique électronique et son avatar évoluent dans une scénographie inventive. <a href="https://www.vrroom.buzz/vr-news/music/your-backstage-pass-jarres-vr-gig-notre-dame">La société VRrOOm a mis en œuvre de nombreuses innovations</a> technologiques pour que des milliers de spectateurs puissent assister simultanément au concert diffusé en « live », l’artiste se produisant depuis le studio Gabriel, son image étant mêlée aux images virtuelles de la cathédrale, avec son avatar « sur place ».</p>
<p>Retransmis en direct via plusieurs réseaux sociaux pour le passage à la nouvelle année, le show est désormais accessible sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VKjFjFtKBRI">YouTube</a> et sur <a href="https://vrchat.com/home/launch?worldId=wrld_b4789ecc-8170-441b-ac6f-6e009aeb037a&instanceId=0&shortName=palm-julycommodore-bcc1c">VRChat</a>. Grâce à un casque de réalité virtuelle, il est possible d’assister à un spectacle son et lumière à 360 degrés avec des effets spéciaux qui donnent vie à une modélisation de Notre-Dame à la fois réaliste et futuriste. Les vitraux, les colonnes, les rosaces, les arcs, les voûtes, la façade, et les différents espaces sont mis en valeur dans une chorégraphie architecturale de matières, de formes, de textures et de couleurs.</p>
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<p>Les cathédrales ont toujours été des <a href="https://theconversation.com/cathedrales-numeriques-restaurer-et-visiter-notre-dame-grace-aux-nouvelles-technologies-116020">lieux d’expérimentation et d’innovation</a> technologique. Cela continue avec le numérique qui est utilisé pour la préservation des monuments et la médiation culturelle avec une dimension à la fois éducative, ludique, sociale et créative. Le visiteur devient acteur de sa propre visite et peut <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02388849/">interagir de manière naturelle</a> avec les autres visiteurs et avec le lieu qu’il visite en réalisant des quêtes ou en relevant des défis.</p>
<h2>Le numérique essentiel dans la restauration de Notre-Dame</h2>
<p><a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/notre-dame-premier-point-sur-lavancee-des-recherches">Le CNRS coordonne la restauration de Notre-Dame de Paris</a>, ce qui donne lieu à de nombreux projets scientifiques. Le désastre causé par l’incendie de la cathédrale permet aux chercheurs d’observer et d’étudier des éléments jusqu’alors inaccessibles. <a href="https://www.scientifiquesnotre-dame.org/">L’association des Scientifiques au Service de la Restauration de Notre-Dame de Paris</a> créée dès le lendemain de l’accident, rassemble les chercheurs qui souhaitent mettre leurs connaissances et leurs compétences à profit dans ce projet titanesque. Ils conseillent les autorités, contribuent aux programmes de recherche du CNRS, communiquent dans les médias et <a href="https://uploads.strikinglycdn.com/files/b6d980fb-6ca2-4f4d-aca6-74fb32901e58/Olivier%20Poisson%20chronologie%20ND.pdf">documentent les actions menées</a>.</p>
<p>Le CNRS s’appuie sur l’expertise de l’entreprise française <a href="https://www.artgp.fr/-releves-architecturaux-37-.html">Art Graphique & Patrimoine (AGP)</a> qui avait déjà modélisé en 3D le toit et les poutres pour les travaux prévus dans la cathédrale avant l’incendie. AGP a commencé à créer une nouvelle modélisation complète cinq jours après la catastrophe. Les mesures de l’intérieur de la cathédrale ont été prises avant qu’elle ne soit encombrée d’échafaudages. <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/informatique/scanner-notre-dame-de-paris-etait-une-urgence-absolue_137032">Cette démarche urgente</a> a nécessité plusieurs techniciens à l’intérieur du bâtiment 24 heures sur 24.</p>
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<p>Cependant, suite à l’incendie, les autorités ont constaté une <a href="https://www.iledefrance.ars.sante.fr/pollution-au-plomb-suite-lincendie-de-notre-dame-questions-reponses">contamination de l’air et du sol par le plomb</a> contenu dans la flèche de la cathédrale. Les techniciens ont donc dû prendre beaucoup de précautions et les <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/08/12/une-modelisation-3d-a-la-mesure-de-notre-dame-de-paris_1745058">travaux sur le chantier ont été très ralentis</a>. Des drones ont été utilisés pour la modélisation des parties supérieures et du toit du bâtiment. Le nouveau modèle numérique intégral sera comparé avec les modèles partiels réalisés entre 1995 et 2016.</p>
<p><a href="http://pages.vassar.edu/antallon/">Les travaux du scientifique américain Andrew Tallon</a>, ancien professeur d’art et d’architecture médiévale qui a mesuré plus d’un milliard de points à Notre-Dame avant son décès en 2018, seront également utilisés. C’est lui qui a <a href="https://actu.fr/societe/le-modele-3d-plus-precis-monde-notre-dame_22991246.html">convaincu le Vassar Institute de l’Université de New York</a> de financer une numérisation complète des voûtes de Notre-Dame par Art Graphique & Patrimoine.</p>
<h2>Une visite numérique différente et complémentaire</h2>
<p>L’accès à une copie virtuelle de la cathédrale permet de vivre une expérience <a href="https://theconversation.com/cathedrales-numeriques-restaurer-et-visiter-notre-dame-grace-aux-nouvelles-technologies-116020">qui présente de nombreux intérêts</a>. En effet, la fermeture prolongée de la cathédrale est très frustrante pour ceux qui y sont attachés pour des raisons personnelles, religieuses, culturelles, historiques ou scientifiques. La réalité virtuelle immersive permet donc de rester connecté à <a href="https://theconversation.com/je-vous-salue-notre-dame-de-paris-de-lemotion-a-la-reconstruction-dun-patrimoine-mondial-115575">ce lieu iconique et à sa puissance symbolique</a>. C’est aussi un moyen de faire visiter Notre-Dame aux adultes et aux enfants du monde entier qui la connaissent par les livres, les films et les dessins animés et qui ne pourront pas visiter la vraie pendant des années.</p>
<p>D’autres n’auront jamais accès à ce patrimoine mondial faute de ressources. Alors s’ils ne peuvent pas venir à Notre-Dame, Notre-Dame peut aller vers eux grâce à Internet. Partout dans le monde, une <a href="https://journals.openedition.org/pds/5617">visite virtuelle peut s’accompagner d’éléments culturels, éducatifs et ludiques</a> destinés à mieux faire connaître la cathédrale au public.</p>
<p>Chaque visiteur virtuel pourra ainsi établir une connexion personnelle avec le monument à travers sa réplique virtuelle. Il pourra même visiter certaines parties qui ne sont pas accessibles dans la réalité, voir avec beaucoup plus de précision certains détails, et <a href="https://www.erudit.org/en/journals/museo/2013-v6-n2-museo0857/1018927ar.pdf">bénéficier de conditions exceptionnelles de visite</a>, seul dans le monument, avec une luminosité parfaite, et la possibilité de s’approcher aussi prêt qu’il le souhaite de chaque élément. Il pourra flotter dans les airs et voir à quelques centimètres les vitraux, les <a href="https://www.connaissancedesarts.com/monuments-patrimoine/que-sont-les-mays-de-notre-dame-11119104/">grands Mays</a> ou les <a href="https://www.pariscityvision.com/fr/paris/monuments/notre-dame-de-paris/gargouilles">gargouilles</a>.</p>
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<p>Si le CNRS utilise la modélisation de la cathédrale dans un but scientifique pour sa restauration, sa préservation et sa compréhension, d’autres usages peuvent également être proposés. La société <a href="https://www.lepoint.fr/culture/quand-la-realite-virtuelle-permet-de-visiter-notre-dame-de-paris-23-07-2020-2385367_3.php">FlyView propose déjà de se téléporter dans la cathédrale</a> avant l’incendie grâce à des images filmées 360 degrés, puis de la voir dans son état actuel, partiellement détruite. Présentée comme fascinante et bouleversante, <a href="https://www.flyview360.com/revivre-notre-dame.html">cette visite en réalité virtuelle immersive</a> ne peut se faire que dans les locaux de FlyView, moyennant 19 euros, et selon un scénario de 18 minutes. C’est actuellement la seule visite possible de la cathédrale. On est encore loin d’un accès en ligne, gratuit, universel, illimité et où chacun est son propre guide.</p>
<h2>Le virtuel ne met pas en péril le sacré</h2>
<p>Bien que virtuelle, une réplique numérique de Notre-Dame de Paris, ou d’une autre cathédrale, peut très bien <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-2018-1-page-97.htm">accomplir elle aussi une mission spirituelle</a> et être un lieu de recueillement, de culte et d’étude religieuse. La pandémie de Covid-19 qui a entraîné la fermeture des lieux de culte partout dans le monde a révélé la <a href="https://theconversation.com/la-foi-chretienne-renouvelee-par-la-covid-19-150192">capacité des fidèles de toutes les religions à se réunir virtuellement</a> pour communier, prier, s’enseigner les uns les autres et exercer leur foi en accomplissant des <a href="https://www.academia.edu/697919/A_New_Forum_for_Religion_Spiritual_Pilgrimage_Online">cyber-rituels</a>. Si la technologie peut être une <a href="https://www.forbes.fr/management/intelligence-artificielle-levangelisme-numerique-ou-lavenement-de-la-religion-technologique/">menace pour les religions à travers le transhumanisme</a>, elle peut aussi être un <a href="https://www.lepoint.fr/societe/quand-le-numerique-vole-au-secours-du-religieux-14-06-2020-2379792_23.php">support qui la favorise et la renouvelle</a>.</p>
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<p>Certains mondes virtuels très réalistes sont terrifiants ou merveilleux. Ils peuvent aussi bien revêtir une dimension sacrée, sous une forme tout aussi intense. En effet, l’environnement numérique favorise la propagation du sacré, produit de nouvelles formes de syncrétisme et <a href="https://revistaseletronicas.pucrs.br/ojs/index.php/famecos/article/view/14128/0">amène à vivre une communion mystique</a>. Alors que des millions de personnes visitent la cathédrale Notre-Dame chaque année, y compris pendant les offices religieux, il serait possible de profiter de la cathédrale virtuelle de manière beaucoup plus paisible et dans un recueillement libéré de toute perturbation.</p>
<p>Les visiteurs pourraient avoir le privilège d’observer sous tous les angles les centaines d’objets sacrés numériques présents dans la cathédrale, dont des <a href="https://www.academia.edu/697919/A_New_Forum_for_Religion_Spiritual_Pilgrimage_Online">reliques virtuelles</a> et même de les manipuler, les vraies n’étant exposées qu’une fois par mois. Parmi ces reliques, on trouve la couronne d’épines, la tunique de Saint-Louis, l’ostensoir de Sainte-Geneviève, ainsi qu’un clou de neuf centimètres, un morceau de croix et une partie du fouet qui auraient été utilisés pendant la Passion du Christ. <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/net-plus-ultra/net-plus-ultra-13-septembre-2018">La réalité virtuelle permet des reconstitutions de ces objets</a> tels qu’ils étaient à l’origine et de raconter leur histoire jusqu’à nos jours.</p>
<h2>Des alternatives multiples de visites thématiques</h2>
<p>De nombreux scénarios de visites virtuelles de Notre-Dame pourraient être proposés grâce à la réalité virtuelle : les <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=03YbQPKKt6U">différentes étapes de la construction</a> de la cathédrale, ses différentes évolutions, le déroulement de l’incendie, les travaux de restauration ou encore les <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=A7doMraDq4I">versions de Notre-Dame revisitée par des architectes du monde entier</a> qui lui ont rendu hommage après l’incendie.</p>
<p>Toutes ces visites virtuelles thématiques alternatives permettraient de toucher un plus large public et de disséminer la connaissance relative à Notre-Dame alors même que celle-ci est fermée. La réalité virtuelle immersive apparaît donc comme une solution pertinente et durable pour faire revivre la Cathédrale, en faire profiter ceux qui la connaissent déjà et à qui elle manque, et la faire découvrir à ceux qui n’ont pas pu la visiter et ne pourront pas avant longtemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Visiter Notre-Dame de Paris, c’est possible grâce à la réalité virtuelle immersive qui permet de nombreuses expérimentations, comme le spectacle du réveillon de Jean‑Michel Jarre.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.