tag:theconversation.com,2011:/global/topics/la-ligue-53676/articlesla Ligue – The Conversation2020-11-26T20:05:39Ztag:theconversation.com,2011:article/1506892020-11-26T20:05:39Z2020-11-26T20:05:39ZQuel avenir pour les droites populistes dans le monde de l’après-Covid ?<p>En dépit d’inquiétudes croissantes face aux conséquences économiques de la pandémie de coronavirus, la crise sanitaire ne semble pas alimenter pour l’heure le soutien aux <a href="https://theconversation.com/les-preoccupations-economiques-liees-a-la-covid-19-favorisent-elles-le-vote-national-populiste-150193">partis de droite populiste</a> tels que le Rassemblement national de Marine Le Pen en France, la Ligue italienne ou l’AfD en Allemagne.</p>
<p>Outre-Atlantique, la défaite de Donald Trump à l’élection présidentielle, malgré un nombre record de suffrages, a attesté de l’impact politique de la gestion de la crise sanitaire, en particulier dans <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/inquietudes-economiques-face-a-la-covid-19-un-terreau-pour-le-vote-national">l’électorat modéré</a>. Au Royaume-Uni, Boris Johnson paie lui aussi le prix politique de son inaction face à la <a href="https://yougov.co.uk/topics/politics/trackers/boris-johnson-approval-rating">pandémie</a>.</p>
<h2>Un nouveau « cycle » de déclin des droites populistes ?</h2>
<p>Si ces partis semblent aujourd’hui à la peine face à la pandémie, un nouveau « cycle » politique marqué par le déclin des acteurs populistes paraît cependant encore très hypothétique. Pour plusieurs raisons.</p>
<p>Le succès de ces mouvements s’inscrit tout d’abord dans des transformations profondes des sociétés contemporaines, en réponse aux changements politiques, économiques et culturels qui ont affecté les régimes démocratiques depuis plusieurs décennies. Or ces facteurs structurels ne sont pas amenés à disparaître avec le coronavirus. Bien au contraire.</p>
<p>L’impact de la crise sanitaire devrait se faire sentir au travers de ses répercussions économiques, avec pour effet d’attiser les anxiétés et les insécurités qui alimentent traditionnellement le <a href="https://voxeu.org/article/globalisation-and-economic-nationalism">vote populiste</a>.</p>
<p>Dans les grandes démocraties occidentales comme la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/21/le-confinement-reflet-des-inegalites-sociales-liees-au-logement-et-au-niveau-de-revenu-des-francais_6037292_823448.html">France</a> ou les <a href="https://www.pewsocialtrends.org/2020/09/24/economic-fallout-from-covid-19-continues-to-hit-lower-income-americans-the-hardest/">États-Unis</a>, la crise sanitaire touche principalement les groupes sociaux les plus vulnérables, dans les couches populaires, qui constituent traditionnellement le gros des troupes des droites populistes.</p>
<p>Sous les effets de la pandémie, les inégalités socio-économiques en particulier devraient continuer de se <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_755885/lang--fr/index.htm">renforcer</a> et ces groupes plus exposés pourraient bien être de nouveau tentés à l’avenir de se tourner vers ce type de partis.</p>
<p>L’impact économique de la pandémie a de surcroît le potentiel déstabiliser des classes moyennes déjà très fragilisées par la <a href="https://www.cairn.info/le-retour-des-populismes--9782348037436-page-49.htm">crise de 2008</a>. Une enquête récente du <em>Pew Research Center</em> montre à cet égard des niveaux d’inquiétudes économiques <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/09/14/in-many-countries-people-are-more-negative-about-the-economy-amid-covid-19-than-during-great-recession/">supérieurs à ceux de 2008</a> dans la plupart des grandes nations occidentales.</p>
<h2>Le populisme ou la « performance » des crises</h2>
<p>La chaîne causale qui permet de relier la pandémie au populisme est complexe : <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/government-and-opposition/article/how-to-perform-crisis-a-model-for-understanding-the-key-role-of-crisis-in-contemporary-populism/3A522CO20FF774CFA5D0C91CD10A98F1">l’histoire récente</a> du populisme montre toutefois comment ces acteurs « performent » et médiatisent les crises en dirigeant les frustrations et les colères vers les élites politiques. Dans sa version nationaliste de droite, le populisme articule en outre les peurs économiques avec le ressentiment à l’encontre des immigrés.</p>
<p>Si, pour l’instant, les enjeux de santé publique semblent encore l’emporter sur les questions économiques, en <a href="https://www.ifop.com/publication/le-barometre-des-deux-crises-vague-3/">France</a> ou aux <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2020/11/03/us/elections/exit-polls-president.html">États-Unis</a> par exemple, une fois l’urgence sanitaire passée, la réalité économique pourrait ouvrir la voie aux populistes pour exploiter une crise d’ampleur probablement historique.</p>
<p>L’existence d’une profonde <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Note2_Bruno_BaroV11.pdf">défiance politico-institutionnelle</a> dans nombre de nations occidentales offre en la matière un terreau particulièrement fertile à la critique des élites et à l’instrumentalisation des effets économiques de la pandémie par les entrepreneurs populistes.</p>
<p>À plus longue échéance, on ne peut occulter par ailleurs les effets potentiels de la pandémie sur les migrations internationales. Les estimations du PNUD anticipent une <a href="https://feature.undp.org/coronavirus-vs-inequality/fr/">baisse historique</a> de l’indice de développement humain dans le monde pour la première fois depuis sa création en 1990.</p>
<p>Associée aux effets du changement climatique, une telle explosion de la pauvreté est de nature à intensifier les <a href="https://www.iom.int/fr/news/loim-et-le-hcr-effectuent-une-visite-conjointe-aux-iles-canaries-dans-un-contexte-de-hausse-des">flux migratoires</a> et remettre de ce fait l’immigration au cœur de l’agenda politique, au profit des droites populistes. Au plus fort de la crise des réfugiés de 2015, ces dernières avaient su exploiter les inquiétudes liées à l’immigration et avaient enregistré des résultats à la hausse dans la plupart des pays européens, y compris dans l’ancien bloc soviétique.</p>
<p>Enfin, troisième et dernier motif de prudence, les effets de la crise sanitaire pourraient aussi se faire sentir à plus long terme dans la légitimation de certains des thèmes fétiches des nationaux-populistes.</p>
<p>À l’image du <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-face-aux-crises-qui-frappent-le-pays-un-besoin-de-protection-plus-fort-que">cas français</a>, les inquiétudes relatives à la pandémie ont attisé la demande de protection, de sécurité et de leadership fort.</p>
<h2>Le danger de la rhétorique autoritaire</h2>
<p>La crise a conduit de nombreux gouvernements occidentaux à des mesures de restriction des libertés. Si le risque d’érosion des principes démocratiques demeure somme toute très limité, la <em>zeitgeist</em> sécuritaire qui s’impose peut en revanche venir nourrir, elle, la rhétorique autoritaire des droites populistes.</p>
<p>À cela s’ajoute la menace du terrorisme islamiste telle que réactivée par les attentats récents en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/30/attentat-de-nice-confinement-emmanuel-macron-sous-le-feu-roulant-des-crises_6057846_823448.html">France</a> ou en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/06/attentat-de-vienne-l-enquete-se-poursuit-des-perquisitions-lancees-en-allemagne_6058715_3210.html">Autriche</a>. La menace terroriste constitue indéniablement un autre phénomène porteur pour les droites populistes, que ces dernières tentent depuis de nombreuses années de relier à l’immigration et à l’arrivée des réfugiés.</p>
<p>En cela, les enjeux de la pandémie de coronavirus Covid-19 résonnent avec la question fondamentale des frontières et de la protection des intérêts nationaux. Derrière la crise sanitaire se dessine aussi en filigrane le clivage entre « société ouverte » et « société fermée », structurant de nombre de <a href="http://www.slate.fr/story/121605/ouvert-ferme-clivage-politique">systèmes politiques contemporains</a>. En France, les deux dernières vagues du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF ont illustré un <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Note3_Gilles_IVALDI_BaroV11bis.pdf">mouvement net de repli national</a> au sein de l’opinion à l’égard de l’ouverture de la France sur le monde à l’occasion de la crise sanitaire.</p>
<p>L’après-Covid risque fort d’être marqué par le retour imposé des frontières et de la souveraineté, au profit de l’idéologie nationaliste des droites populistes.</p>
<h2>Le retour des intérêts nationaux</h2>
<p>Aux États-Unis, la présidence Biden n’annonce pas de rupture forte sur la question du <a href="https://foreignpolicy.com/2020/11/05/protectionism-trump-biden-buy-american-tariffs/">protectionnisme économique et du libre-échange</a>. En Europe, le difficile déploiement du <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-pologne-et-la-hongrie-bloquent-le-plan-de-relance-europeen-1265332">plan de relance européen</a> témoigne de la prévalence des intérêts nationaux et de la fragilité de la solidarité européenne.</p>
<p>Un éventuel échec de l’Union européenne à apporter une réponse efficiente aux enjeux socio-économiques de la crise sanitaire permettrait à des mouvements tels que le RN ou la Ligue de Matteo Salvini de réactiver un discours eurosceptique qu’ils avaient pour beaucoup d’entre eux stratégiquement tempéré lors des <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/les-populismes-aux-elections-europeennes-de-2019-diversite-ideologique-et">élections européennes de 2019</a>.</p>
<p>Et donner finalement raison aux leaders populistes qui, à l’image de Giorgia Meloni, fondatrice des Frères d’Italie, ou Marine Le Pen, <a href="https://www.la-croix.com/France/Politique/coronavirus-Marine-Le-Pen-Nous-devons-jouer-role-lanceur-dalerte-2020-04-08-1201088508">proclament</a> que « le monde de demain sera celui du retour des frontières ». En l’occurrence, il pourrait surtout marquer le retour des populistes de droite…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Ivaldi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche</span></em></p>Les mouvements de droite populiste ne paraissent pas, pour l’heure, tirer profit de la pandémie de coronavirus. L’hypothèse d’un cycle de « déclin » populiste paraît cependant peu probable.Gilles Ivaldi, Chercheur en science politique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179352019-05-28T23:44:31Z2019-05-28T23:44:31ZVers la « salvinisation » de l’Europe ?<p>Au lendemain des élections européennes, Matteo Salvini se pose comme le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/26/elections-europeennes-2019-en-italie-la-ligue-de-matteo-salvini-arrive-en-tete_5467711_3210.html">grand vainqueur du scrutin</a>, en Italie comme en Europe. La liste de la Ligue n’a-t-elle pas remporté plus de 34 % des suffrages ? Le nombre des eurodéputés « salvinistes » n’a-t-il pas bondi de 5 à 28 ? Désormais premier parti d’Italie, la Ligue veut fédérer tous les populistes nationalistes vainqueurs en France, au Royaume-Uni, en Pologne et en Hongrie.</p>
<p>Les négociations pour constituer des groupes parlementaires et choisir le président de la Commission sont d’ores et déjà engagées. Mais le leader italien peut-il peser politiquement au point de donner le la au continent ? Rien n’est moins sûr. Certes, la communication et le marketing propulsent Matteo Salvini sur le devant de la scène. Mais l’arithmétique parlementaire et la tactique partisane lui refusent le premier rôle.</p>
<h2>Une brève histoire du continent salviniste</h2>
<p>Omniprésent depuis des mois à la une des médias chez lui et à l’étranger, Matteo Salvini a fait très habilement fructifier son capital de départ – les 17 % des voix obtenus lors des <a href="https://theconversation.com/en-italie-laboratoire-et-avant-garde-du-scenario-dune-coalition-contre-nature-92899">législatives italiennes de mars 2018</a>. En obtenant la vice-présidence du Conseil des ministres et le poste de ministre de l’Intérieur, il a arraché une parité symbolique avec Luigi di Maio et le <em>Movimiento 5 Stelle</em> (M5S), qui l’avait pourtant distancé dans les urnes à plus de 32 % des voix au Sénat comme à la Chambre des députés.</p>
<p>Puis, à force de déclarations hostiles aux migrants, à l’islam, aux élites et <a href="https://theconversation.com/le-clivage-france-italie-premier-acte-de-la-campagne-des-europeennes-111868">au couple Merkel-Macron</a>, il a affiché une proximité personnelle avec le premier ministre hongrois Viktor Orban à la fin du mois d’août 2018, grâce à une conférence de presse conjointe à Milan. Il a même fait le déplacement de Varsovie, en janvier 2019, pour signer un document avec le Parti Droit et Justice (PiS) qui n’avait rien demandé. Point d’orgue de sa campagne continentale, Matteo Salvini a réuni autour de lui 12 partis nationalistes européens dans son fief de Milan, le 18 mai dernier.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-marche-sur-milan-117537">La marche sur Milan</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Désormais, la Ligue dispose de l’hégémonie politique en Italie car il a laminé son allié de coalition : le M5S n’a en effet rassemblé que 17 % des voix lors de cette élection. De même, à l’ouest du continent, au sein de l’alliance avec Marine Le Pen, Salvini est devenu dominant face aux 23 eurodéputés menés par Jordan Bardella. Enfin, il a lancé des têtes de pont en direction de l’Est à la faveur de la suspension prononcée par le Parti populaire européen (PPE) à l’encontre du Fidesz hongrois. De l’hégémonie nationale à la suprématie continentale, le pas semble franchi pour le leader ligueur. Peut-être peu trop vite…</p>
<h2>L’arbre italien et la forêt européenne</h2>
<p>Matteo Salvini dispose-t-il réellement d’un réseau d’alliances partisanes capable de lui assurer le leadership en Europe ? L’arbre (franco-)italien qui prospère ne doit pas masquer la forêt nationaliste européenne, qui stagne.</p>
<p>C’est vrai, certains alliés de groupe parlementaire européen ont prospéré : le <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_que-faut-il-retenir-des-resultats-des-elections-europeennes?id=10231202">Vlaams Belang belge a attiré plus de 11 % des voix</a> et a gagné 2 sièges de plus qu’en 2014. Le Rassemblement national français fait un écho honorable au triomphe de la Ligue, avec une première place conquise face à la liste Renaissance.</p>
<p>Mais plusieurs alliés effectifs ou potentiels de la Ligue marquent le pas. L’essor électoral du Parti de la liberté d’Autriche, le FPÖ, est stoppé net par <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">« l’Ibizagate »</a> qui a discrédité son chef, Heinz-Christian Strache. Avec 19,7 % des voix, le FPÖ a fait un score inférieur à celui du deuxième tour de la présidentielle de 2016 (46,2 %) et des législatives de 2018 (26 %). Éclipsé par l’ÖVP du chancelier Kurz (34,5 % des voix dimanche), le FPÖ est expulsé de la coalition au pouvoir, perdant ainsi la crédibilité que donne l’exercice du pouvoir national.</p>
<p>La stagnation est évidente aussi pour le parti nationaliste anti-euro allemand <em>Alternativ für Deutschland</em> (AfD) : il n’a réuni que 10,5 % des voix. S’il progresse par rapport aux 7,1 % des européennes engrangés en 2014, en revanche il baisse par rapport aux législatives de 2018 (12,6 % des voix). Enfin, la percée annoncée de <em>Vox</em> en Espagne se solde par un plutôt modeste 6 % des voix.</p>
<p>Certains alliés de la Ligue ont même subi de réels revers : le Parti du peuple danois passe de 26,5 % à 13 % des voix. Dans le Parlement européen précédent, il siégeait dans un autre groupe que la Ligue mais était courtisé pour rejoindre l’orbite salvinienne. Le parti estonien EKKRE chute, pour sa part, de 18 % à 12 % des suffrages et perd la moitié de ses sièges. Quant au PVV de Geert Wilders, allié de la première heure, son électorat est siphonné : il passe de 13,32 % à 3,5 % des voix. On le voit : les gros bataillons d’eurodéputés de la Ligue et du RN seront finalement bien seuls s’ils n’attirent pas d’autres partis.</p>
<p>À court terme, l’hégémonie personnelle de Matteo Salvini en Europe bénéficie de l’affaiblissement ou du tassement de ses alliés nationalistes. Ainsi, quand le RN passe de 24,86 % des voix en France en 2014 à 23,31 % en 2019, cela évite à la Ligue une lutte interne pour la suprématie. Mais, dans les mois qui viennent, la salvinisation du Parlement européen puis de la Commission européenne sera nécessairement entravée par la faiblesse numérique et politique de ses partenaires. Le populisme a peut-être fait une percée. Mais le groupe de la Ligue est, lui, contenu.</p>
<h2>Vers une « internationale » des populistes europhobes ?</h2>
<p>Fort de son contingent de plus de 50 sièges, le binôme Ligue-RN s’impose comme un acteur incontournable du Parlement européen. Il progresse en nombre de sièges par rapport à la précédente législature grâce au gain de 23 sièges de la Ligue. Mais gagne-t-il en attractivité politique au point de rassembler les forces europhobes ?</p>
<p>Les partis populistes, anti-islam et anti-fédéralistes étaient éclatés en différents groupes dans le Parlement européen issu des élections de 2014. Aux côtés de l’Europe des Nations et des Libertés (ENL) rassemblant la Ligue et le FN, les eurosceptiques du Fidesz de Viktor Orban siégeaient au sein du PPE avec la CDU-CSU allemande et Les Républicains français. Les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) rassemblaient, de leur côté, le PiS polonais et les conservateurs britanniques. Le groupe Europe de la Liberté et de la Démocratie directe accueillait UKIP de Nigel Farage ainsi que le M5S. Et les négociations pour constituer le groupe ENL avaient donné lieu à de multiples rebondissements.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La composition du nouveau Parlement européen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne :DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est le premier défi de la « salvinisation » de l’Europe : Matteo Salvini parviendra-t-il à éviter l’éclatement traditionnel des forces d’extrême droite au moment de constituer des groupes parlementaires au Parlement européen ? Il en va de son poids politique <a href="https://theconversation.com/quand-le-parlement-europeen-se-nationalise-117872">au moment de la nomination du président de la Commission</a>.</p>
<p>Matteo Salvini pourra relever le défi quantitatif sans difficulté : un groupe parlementaire doit en effet être constitué d’au moins 25 eurodéputés (La Ligue est déjà à 28) issus de 7 États membres. Les parlementaires du RN français, du FPÖ autrichien, du Vlaams Belang belge du PVV néerlandais et, potentiellement de l’AfD allemande, du Parti populaire danois, du Parti des Vrais Finnois en Finlande et du EKKRE estonien, fourniront les troupes nécessaires.</p>
<h2>L’impossible ralliement du Fidesz hongrois et du PiS polonais</h2>
<p>Matteo Salvini butera surtout sur sa faible séduction politique, notamment à l’est de l’Europe qui concentre de grands bataillons de députés eurosceptiques. Dans cette région, les vainqueurs sont le Fidesz du premier ministre hongrois Viktor Orban (avec plus de 52 % des voix et 13 eurodéputés) et le PiS polonais (45,38 % des voix et 26 sièges). Ces partis partagent des thématiques anti-islam et anti-fédéralistes avec la Ligue et le RN. Mais ils ont une ligne politique qui ne leur permet pas de siéger avec le RN et la Ligue.</p>
<p>Viktor Orban ne quittera pas le PPE. D’abord, il ne se risquera pas à perdre son hégémonie régionale au profit de Salvini : il vaut mieux être premier dans le groupe de Višegrad (V4) que second à Bruxelles. <a href="https://theconversation.com/litalie-nouveau-laboratoire-de-l-orbanisation-de-leurope-96566">L’orbanisation de l’Europe</a> ne peut s’accommoder de sa salvinisation. De plus, pour le Fidesz, l’ancrage historique dans le PPE est un gage de respectabilité et de sérieux que ne peuvent lui donner le RN et la Ligue. Enfin, Orban est courtisé par un PPE affaibli par la perte de 39 sièges au Parlement européen. Pour conserver sa place de premier groupe parlementaire d’Europe, il ne laissera sans doute pas les 13 eurodéputés hongrois quitter le groupe.</p>
<p>Quant au parti polonais Droit et Justice, étiqueté trop rapidement « national-populiste » en France, il ne peut rejoindre un groupe mené par la Ligue. La russophilie traditionnelle de la Ligue, du RN et du FPÖ ne peut cohabiter avec la ligne nationaliste hostile à la Russie qui constitue l’ADN du PiS. D’autre part, le PiS est en position de force sur l’échiquier politique national <a href="http://www.rfi.fr/europe/20190527-europeennes-pologne-ultraconservateurs-confortes-legislatives">avec près de 46 % des voix</a> et il prépare les élections parlementaires de l’automne. Lui non plus ne prendra pas le risque d’un renversement d’alliance qui le rangerait dans le camp de l’extrême droite en Europe.</p>
<p>Enfin et surtout, le PiS est un parti profondément structuré par le catholicisme conservateur qui ne peut être dupe des manifestations de foi tardive de Matteo Salvini. En d’autres termes, brandir un crucifix le lendemain des élections ne suffira pas à faire passer la Ligue pour un parti démocrate-chrétien.</p>
<p>En clair, il ne faut pas confondre salvinisation d’un groupe parlementaire et hégémonie continentale. Dans les discours, les symboles et les images, Matteo Salvini est déjà omniprésent. Mais dans les négociations qui s’engagent pour la Commission, il jouera le rôle d’un <em>challenger</em>, pas d’un <em>leader</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les discours, les symboles et les images, Matteo Salvini est déjà omniprésent. Mais dans les négociations qui s’engagent, il jouera le rôle d’un challenger pas d’un leader.Cyrille Bret, Géopoliticien et philosophe, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1175852019-05-24T12:45:37Z2019-05-24T12:45:37ZEn Italie, Matteo Salvini pour la première fois sur la défensive<p>On commence à distinguer les premières fissures dans la <em>success story</em> de Matteo Salvini et de la Ligue. Certes, il est probablement encore trop tôt pour pouvoir parler de l’épuisement d’un cycle politique, même si en Italie les cas de montée et de déclin politique rapide ne manquent pas. Mais certains signes laissent deviner un mouvement souterrain dans le paysage politique en Italie, tout en suggérant que le pari de Matteo Salvini i les élections européennes pour devenir l’acteur politique hégémonique en Italie et en Europe risque d’échouer.</p>
<h2><em>Virtú</em> et <em>Fortuna</em>, les ressorts de l’ascension de Matteo Salvini</h2>
<p>Au début de la campagne, le sentiment général était celui que cette élection aurait dû s’apparenter à la marche triomphale de Salvini vers l’hégémonie politique en Italie et, dans le cadre d’un projet plus vaste, en Europe. D’autre part, l’histoire récente de Matteo Salvini et de la Ligue témoignait d’une réussite formidable.</p>
<p>En 2013, Salvini sort du second rang de la Ligue avec un parcours caractérisé par une forme d’<a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/04/07/matteo-salvini-l-irresistible-ascension-du-capitaine_1719959">extrémisme politique</a>. Il intègre la Ligue du Nord dans les années quatre-vingt après avoir milité dans les rangs de l’extrême gauche et, jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, il représente la <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/07/07/les-trois-vies-de-matteo-salvini-le-temps-du-militant_5327550_3214.html">tendance d’extrême gauche</a> au sein du parti.</p>
<p>Après les élections du 2013, Salvini prend un parti qui plafonne à 4 %, discrédité par des scandales de corruption, affaibli par un leadership en déclin et doté d’un programme politique basé sur un clivage nord-sud désormais dépassé. Il le transforme en l’actuelle Ligue nationaliste, parti dominant dans le champ du centre-droit italien, en tête dans les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-mauvaise-passe-pour-matteo-salvini-1017831">derniers sondages disponibles avec plus de 30 % des intentions de vote</a>, et à la tête d’un gouvernement de coalition avec le Mouvement 5 étoiles. Rappelons ici sonexcellent résultat aux élections législatives de 2018 : de 17 % des suffrages exprimés.</p>
<p>Au pays de Machiavel, une combinaison adéquate de « Virtú » (la capacité politique) et « Fortuna » (les circonstances) a favorisé la montée en puissance de Matteo Salvini. <em>Virtú</em> comme sa capacité innée de communication, son habilité à imposer des thèmes à l’agenda politique (notamment l’immigration), son transformisme et capacité d’adaptation aux divers contextes politiques.</p>
<p><em>Fortuna</em> comme le déclin progressif du leadership politique de Silvio Berlusconi, et le nouvel espace politique créé par le déplacement vers le centre du Parti démocratique qui a permis à la Ligue (ainsi qu’au M5S) de s’approprier des thèmes à la fois d’extrême droite (immigration, sécurité, nationalisme) et de gauche (problèmes sociaux liés aux difficultés économiques de l’après-crise de 2008).</p>
<h2>Premières difficultés pour Salvini et la Ligue</h2>
<p>Toutefois, en attendant les résultats de l’élection de ce dimanche dans laquelle la Ligue est sur le point de devenir le premier parti italien, la campagne électorale a montré – pour la première fois – Salvini et la Ligue en difficulté, souvent placés dans une posture défensive.</p>
<p>Même l’<a href="https://www.lesoir.be/225089/article/2019-05-18/milan-salvini-lance-les-souverainistes-la-conquete-de-leurope">événement organisé</a>, samedi 18 mai, à Milan avec les dirigeants des partis européens d’extrême droite n’a pas eu l’impact espéré : les manifestations organisées contre l’événement ont fait la une des journaux télévisés, et le message politique lancé par Salvini est resté très vague dans sa référence à la nécessité d’un renouveau radical en Europe.</p>
<p>La réunion a eu aussi lieu au moment exact où l’un des principaux alliés de Salvini, le FPÖ autrichien (Parti de la liberté d’Autriche), a sombré dans une <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">crise inédite</a> et a été évincé du gouvernement de coalition en raison du scandale concernant les liens de ses dirigeants avec la Russie et les soupçons de financements occultes.</p>
<h2>Les trois menaces qui pèsent sur la Ligue</h2>
<p>La Ligue, malgré les sondages et malgré sa capacité d’imposer le discours politique dominant en Italie, connaît donc des difficultés croissantes, et les raisons sont principalement au nombre de trois :</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, on observe en Italie un phénomène paradoxal qui pourrait être défini comme la « neutralisation des populismes ». En d’autres termes, la Ligue commence à payer la cohabitation avec le Mouvement 5 étoiles au sein du gouvernement. Ces derniers mois, le plus pénalisé par l’alliance a été le M5S, en baisse dans les sondages et forcé à accepter de nombreux compromis qui ont dénaturé son agenda politique. Désormais, c’est au tour de la Ligue de souffrir de cette alliance : l’inaction du gouvernement Conte, en raison des vetos croisés de la part des deux partis, les tensions et querelles persistantes risquent d’éclipser les sujets sur lesquels la Ligue a construit son discours politique, telles que l’immigration et la sécurité, soulignant ainsi l’instabilité du gouvernement et sa manque d’efficacité.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, la Ligue subit, beaucoup plus que le Mouvement 5 étoiles, les répercussions des enquêtes judiciaires sur les affaires de corruption impliquant ses dirigeants. Les cas d’<a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/decryptage-les-sept-points-de-discorde-qui-menacent-le-gouvernement-salvini-di-maio">Armando Siri</a>, sous-secrétaire d’État accusé d’avoir touché un pot-de-vin, ainsi que l’enquête pour corruption visant le maire de Legnano (près de Milan), lui aussi membre de la Ligue, affaiblissent l’image de la « nouvelle » Ligue. Cette menace est particulièrement redoutée par Salvini, qui a construit sa propre carrière en marquant son opposition à la vieille Ligue du Nord touchée par des scandales et des enquêtes.</p></li>
<li><p>Troisièmement, le plan d’hégémonie européenne de la Ligue se heurte aux difficultés rencontrées par la droite populiste <a href="https://theconversation.com/une-europe-sous-linfluence-de-forces-populistes-encore-desunies-115965">pour construire des alliances solides en Europe</a> et mener à bien son projet politique. Les désaccords insurmontables sur des questions telles que le rôle de la Russie (sur lequel, par exemple le Rassemblement national en France et le parti Droit et Justice en Pologne se trouvent sur des positions opposées), ou les questions budgétaires (entre la rigueur du FPÖ autrichien et la critique des politiques d’austérité de la part de Ligue italienne) font vaciller l’alliance et affaiblie la capacité opérationnelle de cette future <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/pays-bas/une-alliance-entre-les-partis-d-extreme-droite-au-parlement-europeen-est-elle-possible_3395013.html">« Alliance européenne des peuples et des nations »</a> au Parlement européen. En outre, le cas autrichien montre clairement comment les tentatives de l’extrême droite visant à influencer le Parti populaire européen (PPE) dans le cadre d’une possible alliance post-électorale sont vouées à l’échec, après les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/26/joseph-daul-president-du-ppe-aucune-entente-ne-se-fera-avec-un-parti-populiste_5455221_3210.html">prises de position</a> claires des dirigeants du PPE en Europe à ce sujet.</p></li>
</ul>
<h2>Face au principe de réalité économique</h2>
<p>Enfin, la précaire situation économique et financière italienne, et en particulier le poids de la <a href="https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/dette-record-croissance-en-berne-le-mauvais-eleve-italien-preoccupe-la-zone-euro-5cd18d357b50a60294a4db8c">dette publique</a>, sont à la fois un fardeau qui empêche le développement du pays mais aussi un frein politique sur toute sorte d’aventure populiste. Cela obligera le gouvernement actuel (comme les gouvernements précédents) à faire face, tôt ou tard, au principe de réalité, celui des ressources limitées, et donc à payer en terme de soutien électoral les promesses non tenues.</p>
<p>Dans un tel contexte, la concurrence avec le M5S, les problèmes judiciaires, l’absence de résultats économiques du gouvernement actuel et de débouché politique européen, menacent de faire dérailler les projets de Matteo Salvini au lendemain des élections européennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117585/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luca Tomini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au lieu de servir de marchepied vers son hégémonie politique en Italie, cette élection européenne pourrait bien marquer l’amorce d’un nouveau cycle, moins pour le dirigeant de la Ligue.Luca Tomini, Chercheur qualifié FNRS. Professeur en science politique (ULB), Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1176372019-05-23T22:13:08Z2019-05-23T22:13:08ZEuropéennes : cinq infos indispensables avant d’aller voter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276075/original/file-20190523-187172-achyh5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C23%2C1180%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vote pour renouveler le Parlement européen a lieu entre le 23 et 26 mai 2019.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/vectors/%C3%A9lections-europ%C3%A9ennes-choix-europe-4216066/">parsucco/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Des millions d’électeurs s’apprêtent ce dimanche à choisir les 751 membres du Parlement européen parmi 28 états membres et représenter ainsi 512 millions de citoyens à travers l’Union européenne. <a href="https://theconversation.com/european-elections-a-beginners-guide-to-the-vote-114473">Ces élections européennes</a>, un gigantesque exercice démocratique, auront de profondes conséquences pour les citoyens européens et le rôle de l’UE à l’échelle internationale.</p>
<p>Voici les cinq informations clefs qu’il faut avoir en tête et qui pourraient bien redéfinir l’Europe, et peut-être, le monde.</p>
<h2>Les populistes gagnent-ils du terrain ?</h2>
<p>Les flambées populistes font partie intégrante de la vie politique. Dans son histoire récente, l’Europe a vécu des périodes où des partis politiques pro-européens ont cédé plusieurs fois le pas à des mouvements populistes anti-européens tout comme d’ailleurs de nombreux États à travers le monde.</p>
<p>Les mouvements populistes actuels ont tendance s’attacher à des questions d’ordre national, s’opposantn souvent à des décisions clefs du gouvernement, comme l’a démontré le mouvement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> ou plus internationales, s’interrogeant par exemple sur l’utilité même de l’Union européenne, ou encore s’attardant sur des tendances plus spécifiques telles que les migrations ou la mondialisation.</p>
<p>Les élections de 2019 sont l’opportunité parfaite pour ces mouvements populistes de gagner du terrain sur le plan international.</p>
<p>Parmi les partis les plus à même de gagner des sièges au parlement, citons celui de Nigel Farage, le <a href="https://theconversation.com/le-brexit-une-tragedie-shakespearienne-107152">Brexit party</a> au Royaume-Uni, le <a href="https://theconversation.com/le-fn-de-marine-le-pen-ni-vichy-ni-antisysteme-52267">Rassemblement national de Marine Le Pen</a> et la Ligue de Matteo Salvini en Italie.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/italie-les-cles-de-la-popularite-de-matteo-salvini-109354">Italie : les clés de la popularité de Matteo Salvini</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le parti d’extrême-droite allemande <a href="https://theconversation.com/la-renaissance-de-lextreme-droite-en-allemagne-66094">Alternative pour l’Allemagne</a> (AfD) est aujourd’hui le plus large parti d’opposition dans le pays mais il ne devrait pas être un compétiteur de grande envergure, tout comme le <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">parti autrichien FPÖ, actuellement en pleine tumulte</a>.</p>
<p>La Hongrie en revanche pourrait être représentée par le parti de centre-droit Fidesz (et ce en dépit de <a href="https://www.opendemocracy.net/en/breaking-fresh-evidence-hungary-vote-rigging-raises-concerns-fraud-european-elections/">nombreuses allégations</a> à l’encontre de la validité du dernier scrutin national).</p>
<p>La Pologne sera elle aussi divisée entre des groupes pro-européen comme la <a href="http://www.rfi.fr/europe/20190518-pologne-coalition-europeenne-mobilisent-varsovie">Coalition européenne</a> et le parti Droit et justice qui défend l’idée d’une Europe « chrétienne » constituée d’États souverains.</p>
<h2>Comment le Parlement européen se constituera-t-il ?</h2>
<p>Après les élections, les nouveaux élus des partis populistes, de droite comme de gauche, devront se positionner au sein des <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/quels-sont-les-groupes-politiques-representes-au-parlement-europeen.html">huit groupes politiques présents au Parlement</a>. Ils peuvent également choisir de ne pas s’associer à ces partis. Ces choix auront d’importantes conséquences sur la façon dont travaillera le Parlement.</p>
<p>En travaillant au sein de la coalition, ils peuvent influencer des décisions clefs (par exemple s’opposer à l’euro, peser sur les politiques migratoires ou en diplomatie étrangère) et créer des consensus avec les autres partis, de droite comme de gauche.</p>
<p>De même, ils peuvent refuser de s’engager sur certaines législations et bloquer la prise de décision au sein du Parlement.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/une-europe-sous-linfluence-de-forces-populistes-encore-desunies-115965">Les partis populistes</a> ayant formulé des programmes bien spécifiques sur certaines questions européennes – y compris celles impliquant une dimension internationale – auront plus ou moins de poids selon le nombre de sièges obtenus.</p>
<iframe src="https://public.flourish.studio/visualisation/374664/embed" frameborder="0" scrolling="no" style="width:100%;height:600px;" width="100%" height="400"></iframe>
<div><a class="‘flourish-credit’" target="‘_top’"><img> </a></div>
<p>Un regroupement des votes vers le centre-droit verrait le conservateur <a href="https://www.eppgroup.eu/">Parti Européen du Peuple ; (PPE)</a> renforcé. Il s’agit du groupe parlementaire le plus important actuellement avec 217 sièges occupés par des euro-députés de tous les États membres soit 29 % des députés européens. Il imposerait le prochain agenda parlementaire et pourrait revigorer postes et politiques décisionnaires clefs au sein de l’UE.</p>
<p>Au contraire, si les électeurs désertent le centre-droit et les partis populistes, les partis démocrates et socialistes deviendront les deuxième et troisième partis les plus importants, ce qui compliquera la vie de la coalition du centre-droit et celle du PPE.</p>
<h2>Les Verts peuvent-ils changer la donne ?</h2>
<p>Le poids des Verts dans cette élection ne doit par ailleurs pas être sous-estimée. En Angleterre comme dans le reste de l’Union, les partis dits Verts espèrent rallier les voix de celles et ceux mal à l’aise avec les messages simplistes des partis d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. La force des partis Verts est alors de proposer une narrative qui sort de la dynamique d’opposition de type « eux » contre « nous » en fédérant les citoyens autour d’une cause commune et universelle : faire <a href="https://theconversation.com/la-montee-en-puissance-dune-justice-climatique-mondiale-105867">face au changement climatique</a>.</p>
<p>Le Parlement européen ne compte pas un mais deux groupes à tendance écologiste et tous deux devraient augmenter leur nombre de sièges.</p>
<p>S’ils parvenaient à s’entendre et à rallier d’autres groupes à leur cause, le Parlement européen pourrait devenir moteur dans la lutte contre le changement climatique tout en renforcement la capacité de l’institution à travailler avec la Commission européenne et les législations européennes en vigueur sur le sujet.</p>
<p>L’UE deviendrait alors un acteur incontournable face à des puissances sous influence de dirigeants climatosceptiques comme les États-Unis ou le Brésil.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climatoscepticisme-energies-fossiles-sortie-de-laccord-de-paris-trump-affole-la-planete-69296">Climatoscepticisme, énergies fossiles, sortie de l’Accord de Paris : Trump affole la planète</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Le Royaume-Uni choisira-t-il à nouveau le Brexit ?</h2>
<p>Depuis le référendum actanten juin 2016 le départ du Royaume-Uni de l’UE, le <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=le+Brexit">Brexit</a>, le gouvernement britannique demeure dans l’incapacité de s’accorder sur un accord de sortie.</p>
<p>Ce trou noir législatif est aussi une opportunité de dénigrer les pouvoirs en place.</p>
<p>Ainsi le Brexit Party de Nigel Farage offre une échappatoire : « vous voulez quitter l’UE ? Votez pour nous et nous ferons en sorte que ce message soit entendu ». Même si, en pratique les parlementaires européens ne peuvent imposer le Brexit depuis le Parlement européen.</p>
<p>En revanche, les partisans du « Remain » ne sont pas forcément unis quant à leur différents objectifs sur le plan européen, ce qui rend leur communication – et l’adhésion à leur projet européen- plus difficile et moins lisible pour le citoyen britannique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les discussions entre le Royaume-Uni et l’UE sur le Brexit se trouvent dans une impasse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/HaTrIRCH_WI">kevin grieve/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Qui seront les futurs responsables de l’UE ?</h2>
<p>Le Parlement européen a gagné en autorité, en visibilité et en légitimité depuis la première élection de 1979.</p>
<p>C’est désormais une institution sur laquelle les États membres s’appuient, qui légifère de concert avec la Commission européenne et scrute les législations proposées sur le commerce, la diplomatie extérieure, les questions environnementales ou encore le budget de l’Union.</p>
<p>C’est aussi le parlement qui choisit les profils des responsables au plus hauts postes de la Commision européenne. Les principaux partis européens proposent ainsi leur « tête de liste » au Conseil européen pour le poste de président de la Commission européenne (parmi d’autres postes). Actuellement <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/elections-europeennes-2019-les-candidats-a-la-presidence-de-la-commission.html">six candidats sont en lice (Spitzenkandidat)</a> parmi les huit groupes parlementaires.</p>
<p>Ils seront, tout comme les parlementaires européens, en charge de promouvoir et construire la stratégie <a href="https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-and-fiscal-policy-coordination/eu-economic-governance-monitoring-prevention-correction/european-semester/framework/europe-2020-strategy_fr">Europe 2020</a>.</p>
<p>Au centre de cette feuille de route se trouvent notamment les relations bilatérales dans le cadre de la coopération franco-allemande ainsi que la délicate question des équilibres régionaux des pays baltes aux Balkans. Il faudra par ailleurs compter sur de nouveaux partenaires désormais indissociables de la stratégie européenne, comme le Canada et la Chine tout en réanimant le travail déjà commencé avec les États-Unis autour des questions sensibles que sont le commerce, l’aide au développement et la concurrence internationale.</p>
<p>Qui des populistes ou des pro-européens l’emportera ? Les premiers résultats nous indiqueront quelle Europe se profilera pour demain.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3-zKEhd10wM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">INA, 15 mai 1979.</span></figcaption>
</figure>
<hr>
<p><em>Traduction de la version originale en anglais par Clea Chakraverty.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amelia Hadfield a reçu, lors de son dernier poste à la Canterbury Christ Church University un financement européen Jean Monnet. Elle n'a cependant pas reçu d'autres financement depuis qu'elle a pris son poste en tant que cheffe du département Politique de l'Université de Surrey. </span></em></p>Quels sont les points clefs de ce scrutin ? Et quel sera l’impact pour l’Union européenne de demain ?Amelia Hadfield, Head of Department of Politics, University of SurreyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173842019-05-21T07:07:10Z2019-05-21T07:07:10ZL’Autriche dans la tourmente de « l’affaire Ibiza »<p>C’est une vidéo qui a mis le feu aux poudres au sein du parti d’extrême droite autrichien le FPÖ, présidé par Heinz-Christian Strache. « L’affaire Ibiza », comme la nomment de nombreux médias, a débuté vendredi soir 17 mai, quand les journaux allemands, le <em>Süddeutsche Zeitung</em> et <em>Der Spiegel</em>, ont diffusé une vidéo tournée en caméra cachée, il y a un peu plus de deux ans.</p>
<p>On y voit le patron du FPÖ proposant à une femme – laquelle se présente comme étant la nièce d’un grand oligarque russe – de financer le FPÖ d’une manière occulte et de racheter un grand média autrichien, le <a href="https://www.krone.at/"><em>Kronen Zeitung</em></a>. Le but de cette opération à l’époque était clair : propulser Strache au pouvoir.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8Jlcy3pFGu0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La vidéo à été tourné à Ibiza en 2017, on y voit le leader de la FPÖ Strache et son collègue Gudenus avec une prétendue nièce d’un oligarque russe.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Heinz-Christian Strache, l’homme du scandale</h2>
<p>Mais qui est Heinz-Christian Strache, l’homme qui se trouve dans la tourmente et qui a été contraint de quitter ses fonctions de vice- chancelier ?</p>
<p>Quelques éléments biographiques permettent de mieux cerner une personnalité complexe. Durant son enfance, Heinz-Christian Strache a été éduqué en internat. C’est à cette époque qu’il va commencer à s’intéresser à la politique. Dès l’âge de quinze ans, il assiste à des réunions d’extrême droite.</p>
<p>C’est à peu près au même âge qu’il fréquente les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/strache-la-chute-du-m-propre-de-l-extreme-droite-autrichienne-18-05-2019-2313456_24.php">« Wiking-Jugend » (WJ), (les Jeunesses Wiking), une organisation néonazie</a>. Plusieurs photos seront publiées de ces réunions, au début des années 2000, simultanément avec le début de son ascension politique en Autriche. Elles le montrent en train de faire des signes et gestes nazis. Tout comme Jörg Haider, Heinz-Christian Strache a voulu réhabiliter les soldats nazis. En novembre 1989, il était même allé jusqu’à rencontrer le révisionniste britannique, David Irving, à l’occasion d’une conférence que ce dernier donnait à Vienne.</p>
<p>Confronté aux photos publiées par la presse au début des années 2000, il affirme avoir été <a href="https://gfx.sueddeutsche.de/apps/e563408/www/">« là juste pour écouter »</a> et récuse « toute forme d’adhésion idéologique ».</p>
<p>Toujours dans les années 1990, Strache assiste à une réunion politique à laquelle participent également Horst Rosenkranz et Gerd Honsik, <a href="https://gfx.sueddeutsche.de/apps/e563408/www/">deux personnalités de l’extrême droite se revendiquant du néonazisme</a>.</p>
<h2>En Autriche, la coalition vole en éclats</h2>
<p>La vidéo incriminée a eu pour conséquence de fragiliser l’actuelle coalition gouvernementale ÖVP/FPÖ, dirigée par le jeune chancelier Sebastian Kurz. À l’extérieur, les réactions, aussi bien au niveau national qu’européen, ne se sont pas faites attendre.</p>
<p>Le président autrichien Alexander Van der Bellen a convoqué des élections anticipées pour septembre prochain, insistant sur le fait qu’il fallait redonner confiance au plus vite dans la classe politique autrichienne et montrer une <a href="https://www.lecho.be/economie-politique/europe/elections/le-president-autrichien-pour-des-elections-anticipees-debut-septembre/10128541.html">image digne au niveau européen</a>.</p>
<p>Sebastian Kurz, chancelier autrichien et chef du parti conservateur autrichien l’ÖVP, a mis fin à la coalition gouvernementale, qui n’aura donc duré <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/autriche-kurz-annonce-des-legislatives-anticipees-20190518">que dix-huit mois</a>. Dès le lendemain de la diffusion de la vidéo, le chancelier Kurz déclarait que, dans ces conditions, « il était (lui) impossible de rester au pouvoir ».</p>
<p>En outre, le jeune chef du gouvernement a dénoncé le refus du FPÖ de changer de stratégie politique et regrettait publiquement les attaques incessantes d’Heinz-Christian Strache à l’encontre de la démocratie et des médias, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/18/autriche-en-pleine-crise-gouvernementale-kurz-annonce-des-legislatives-anticipees_5463993_3210.html">mettant à mal l’image de l’Autriche au niveau international</a>.</p>
<h2>Coup dur pour les nationalistes européens</h2>
<p>À l’étranger, le chancelier autrichien a obtenu un soutien de marque, en provenance d’Allemagne. À Berlin, c’est la présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui a tenu à apporter son appui au chancelier Kurz, suite à sa décision de rompre la coalition. La dauphine désignée d’Angela Merkel a ainsi affirmé :</p>
<blockquote>
<p>« Strache montre que les populistes d’extrême droite ne s’intéressent qu’à eux et pas à leur pays, à l’Europe ou au futur. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1130072843088211968"}"></div></p>
<p>En France, la présidente du Rassemblement national s’est, quant à elle, interrogée sur le timing des révélations fournies par cette vidéo <a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/corruption-fpo-scandale-abime-raout-nationaliste-autour-pen-salvini-a-187325">à seulement quelques jours du scrutin européen</a>. Marine Le Pen a, par ailleurs, a insisté sur le fait que le FPÖ restait un grand parti avec pas moins de 25 % des suffrages obtenus aux dernières élections.</p>
<p>De fait, le FPÖ est l’un des partis d’extrême droite les plus influents au niveau européen et le seul à avoir atteint un tel degré de responsabilité en Autriche, se voyant confié la vice-chancellerie et deux ministères régaliens.</p>
<p>Mais pour les leaders d’extrême droite au niveau européen, c’est un vrai coup dur à quelques jours des élections.</p>
<p>La démission d’Heinz-Christian Strache est intervenue le <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/05/17/a-milan-les-extremes-droites-reunies-autour-de-matteo-salvini_1727871">samedi 18 mai, jour où 12 partis d’extrême droite s’étaient donné rendez-vous à Milan</a> pour un grand meeting autour de Matteo Salvini et de Marine Le Pen.</p>
<h2>Le FPÖ, une quête de respectabilité compromise</h2>
<p>Cette affaire pointe du doigt les relations troubles entre le FPÖ et la Russie, et plus généralement entre les partis d’extrême droite et la Russie. Certains journalistes vont jusqu’à considérer les partis d’extrême droite comme des « chevaux de Troie » envoyés par Poutine pour faire de l’ingérence au sein des instances européennes.</p>
<p>Peu avant les législatives de 2017, le FPÖ avait ainsi signé un <a href="https://www.20minutes.fr/politique/2521359-20190519-europeennes-2019-extreme-droite-cheval-troie-poutine-accuse-cohn-bendit">accord de coopération avec Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine</a>. Ces liens obscurs avec la Russie n’ont cessé de faire l’objet de rumeurs et de polémiques <a href="https://www.sueddeutsche.de/politik/fpoe-russland-strache-gudenus-putin-1.4452906">dans de multiples médias autrichiens</a>.</p>
<p>Le FPÖ qui, depuis des années, gagne en respectabilité auprès de l’opinion publique locale à travers des résultats électoraux convaincants, pourra-t-il se remettre de cette affaire, à la veille des élections européennes et <a href="https://orf.at/wahlergebnisse/nr17/#specials/nrwahl-archiv">à quelques mois des élections législatives anticipées ?</a> Le scandale « Ibiza » pourrait bien, en tout cas, sonner le glas de la carrière politique d’Heinz-Christian Strache.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal d'opposition Les Républicains de la ville de Maxéville. </span></em></p>Cette affaire pointe du doigt les relations troubles entre le FPÖ et la Russie, et plus généralement entre les partis d’extrême droite et le Kremlin.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1159652019-04-29T20:14:07Z2019-04-29T20:14:07ZUne Europe sous l’influence de forces populistes encore désunies<p>La perspective des prochaines élections européennes nourrit deux approches différentes. D’un côté, pour certains observateurs ou acteurs politiques, à l’instar de la République en marche en France, un spectre hante l’Union européenne : celui du populisme. Tout doit être mis en œuvre pour éviter cette catastrophe qui se profile. Davantage, des comparaisons avec les années 30, plus que douteuses d’un point de vue historique, sont parfois mobilisées pour dramatiser l’enjeu présent.</p>
<p>De l’autre, on explique que ces craintes n’ont aucune raison d’être puisque les projections de sièges fondées sur les différents sondages n’enregistreraient qu’une faible poussée populiste avec une fourchette oscillant entre 60 à 170 sièges selon les modes de calcul incluant ou pas les différents groupes eurosceptiques et les Britanniques, sur les 705 que comptera le Parlement européen.</p>
<p>Ce différentiel d’appréhension soulève plusieurs questions dont trois méritent ici d’être posées :</p>
<ul>
<li><p>Les populistes sont-ils en mesure de s’unir et, si oui, pourront-ils peser sur le Parlement et donc, en partie, sur la composition de la Commission, et plus généralement sur la politique de l’Union européenne ?</p></li>
<li><p>Comment évaluer leur dynamique politique qui ne se limite pas au simple calcul du nombre de leurs futurs parlementaires ?</p></li>
<li><p>Enfin, au-delà même du scrutin du mois de mai qu’est-ce que nous dit la progression électorale des populistes, que personne ne nie, de l’état de nos démocraties ?</p></li>
</ul>
<h2>Qu’est-ce que le populisme ?</h2>
<p>Il faut, bien entendu, d’abord préciser ce que l’on entend par populistes. On désigne ainsi les partis et les mouvements qui estiment qu’un antagonisme irréductible, une <em>summa divisio</em>, un clivage décisif opposent le peuple supposé unique et vertueux à une caste, un establishment tout aussi homogène et complotant en permanence contre ce même peuple.</p>
<p>Pour les populistes, il n’existe pas de problème compliqué mais que des solutions simples – ce qui justifie le recours systématique au référendum et à l’usage des réseaux sociaux qu’ils ont appris à maîtriser avec dextérité. Leur leader prétend incarner de manière exclusive le peuple qui doit exercer sa souveraineté pleine et entière, ce qui par conséquent les amène à bousculer les procédures de la démocratie libérale et représentative.</p>
<p>Et pour que ce peuple littéralement sacralisé existe, les populistes ont besoin d’inventer des ennemis, la classe dirigeante de leurs pays respectifs et Bruxelles, les immigrés, les étrangers, les Arabes, les musulmans voire les Juifs.</p>
<p>Le syndrome populiste est un. Cependant, si les populistes partagent nombre de points communs – la critique de l’Europe, l’affirmation de la prééminence de la souveraineté nationale, la détestation des classes dirigeantes et des partis traditionnels –, ils affichent aussi de profondes divergences selon qu’ils sont de droite, de gauche, ni de gauche ni de droite, régionalistes ou encore une émanation de chefs d’entreprise entrés en politique.</p>
<h2>« La Ligue des Ligues » est mal partie</h2>
<p>Or ce sont ceux de droite, largement dominants en Europe, qui affichent les plus grandes ambitions de renverser la table de l’Union européenne et de s’unir. Qu’en est-il concrètement ? Pour le moment, Matteo Salvini, le leader de la Ligue, qui annonçait, le 1<sup>er</sup> juillet dernier, sa volonté de forger <a href="https://www.ilmessaggero.it/primopiano/politica/salvini_lega_pontida-3830019.html">« la Ligue des Ligues qui mette ensemble tous les mouvements libres et souverains européens »</a> est obligé de constater que son projet se heurte à quelques obstacles.</p>
<p>À Milan, le 8 avril dernier, il n’a pu réunir autour de lui que les représentants de l’AfD venus d’Allemagne, du Parti populaire danois et des Vrais Finlandais. Il arrivera sans doute à entraîner d’autres partis, dont certainement le Rassemblement national. Mais quoi qu’il en soit, ces populistes sont des souverainistes nationalistes. Et en cherchant à s’unir, ils se mettent dans des contradictions difficilement surmontables. Parce que chaque parti défend ses intérêts nationaux.</p>
<p>Ainsi les Italiens militent pour une répartition des migrants – ce dont ne veut pas entendre parler Viktor Orban. De même, sa proximité avec Vladimir Poutine heurte Droit et Justice en Pologne. Le gouvernement autrichien, auquel participe le Parti de la liberté, avait envisagé un moment de distribuer des passeports aux Italiens du Trentin-Haut-Adige – ce qui avait indigné la Ligue comme le Mouvement 5 étoiles.</p>
<p>Les orientations économiques divergent aussi radicalement. Matteo Salvini, du fait de son alliance avec le Mouvement 5 étoiles, a été obligé de faire des concessions avec – par exemple – le revenu de citoyenneté, ce que refusent les populistes plus libéraux économiquement. Mais Salvini, s’il gouvernait seul, comme il espère pouvoir le faire à plus ou moins long terme reviendrait à une politique plus « libérale » attendue par ses électeurs traditionnels du nord de la péninsule, en particulier les petits entrepreneurs. Ce qui ne va pas dans le sens de ce que prône son amie Marine Le Pen pour la France, elle qui veut une politique sociale réservée aux Français.</p>
<p>Enfin, les uns et les autres poursuivent, pour le moment du moins, des objectifs stratégiques divergents. Sur l’Europe comme sur le choix de leurs groupes au futur Parlement. Viktor Orban entend pouvoir revenir au sein du Parti populaire européen (PPE) et on ne sait pas si Droit et Justice quittera l’Alliance des conservateurs et réformistes européens.</p>
<p>En d’autres termes, les populistes de droite sont unis dans leur contestation de l’orientation de l’Union européenne, la critique du Parti populaire européen comme du Parti socialiste européen, et ils érigent en figures de l’ennemi honni et détesté, Emmanuel Macron et Angela Merkel. Mais ils divergent sur presque tout le reste.</p>
<h2>Besoin de protection sociale… et d’Europe</h2>
<p>Les populistes européens sont, à l’évidence, portés par une dynamique ascensionnelle provoquée par la double crise de défiance politique (au sein de chaque État-nation et envers l’Union européenne), le profond malaise social avec le chômage, les inégalités, la pauvreté parfois et même dans les pays à fort taux d’emploi la précarisation généralisée du travail, enfin la crise culturelle voire identitaire qui se marque par l’inquiétude voire la peur de l’immigration, fût-elle régulière ou clandestine, et l’arrivée de migrants, exploitées sciemment par les populistes de droite. Lesquels ne font que souffler sur ces braises pour mieux se présenter comme une potentielle alternative.</p>
<p>Toutefois, leur ascension n’a rien d’irrésistible. Par leur manque de crédibilité, notamment sur les sujets économiques et sociaux, leurs divergences, mais aussi du fait de la manière dont les électeurs les utilisent. Ils partagent leur fermeté sur l’immigration et en matière de sécurité et en votant pour eux ils espèrent obtenir aussi de la protection sociale. Mais ils leur indiquent également des limites à ne pas franchir, notamment celle du refus de sortir de l’Union européenne et pour les pays de la zone euro de renoncer à la monnaie unique. L’exemple de l’Italie est à cet égard édifiant.</p>
<p>Depuis la formation, le 1<sup>er</sup> juin dernier, du gouvernement populiste Ligue–Mouvement 5 étoiles avec le professeur Giuseppe Conte comme président du Conseil, la confiance des Italiens à l’égard de l’Union européenne et de la monnaie unique qui était particulièrement basse est sensiblement remontée. Le résultat en est que toutes les menaces d’« Italexit » brandies par des représentants de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles ainsi que par leurs « intellectuels organiques » ont quasiment disparu des radars.</p>
<h2>La copie et l’original</h2>
<p>S’il ne faut donc pas surestimer ni sous-estimer les populistes, il s’agit de prendre la mesure de ce qu’ils expriment des mutations de nos démocraties et de ce que – d’ores et déjà – ils sont en train de modifier dans leurs fondements.</p>
<iframe allowfullscreen="true" style="transition-duration:0;transition-property:no;margin:0auto;position:relative;display:block;background-color:#000000;" frameborder="0" scrolling="no" width="100%" height="406" src="https://www.arte.tv/player/v3/index.php?json_url=https%3A%2F%2Fapi.arte.tv%2Fapi%2Fplayer%2Fv1%2Fconfig%2Ffr%2F087181-381-A%3FlifeCycle%3D1&lang=fr_FR&mute=0"></iframe>
<p>À notre avis, la puissance des populistes, qu’ils soient au pouvoir ou pas, provient de leur capacité à imposer leurs thématiques, leur temporalité de l’urgence, la simplification de leurs argumentaires, leur façon de faire de la politique et leur mode d’agir. Cela se diffuse non seulement dans nos sociétés mais jusque chez leurs adversaires qui sur le fond les combattent, mais parfois en leur empruntant leurs propres méthodes, en copiant leur style.</p>
<p>De la sorte s’esquisse une forme de démocratie immédiate, sans médiation et toute déterminée par l’immédiateté, une peuplecratie où la souveraineté du peuple serait sans limite, à la différence de la démocratie contemporaine, d’autant qu’elle bénéficie de la formidable caisse de résonnance des réseaux sociaux.</p>
<p>Tel est aussi l’un des enjeux fondamentaux de l’élection européenne : savoir si nos démocraties libérales et représentatives sont capables de se repenser, de se refonder, de se rénover, ou si la peuplecratie, qui n’est pour le moment, qu’une potentialité, pourrait ensuite se transmuter en démocrature. À l’instar de ce qui existe déjà en Hongrie ou en Pologne.</p>
<hr>
<p><em>Professeur d’histoire et de sociologie politique, Marc Lazar est directeur du Centre d’histoire de Sciences Po et président de la School of Government de la Luiss (Rome). Il vient de publier avec Ilvo Diamanti, « Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties » (Gallimard).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Lazar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La puissance des populistes provient de leur capacité à imposer leurs thématiques, leur temporalité de l’urgence, la simplification de leurs argumentaires et leur mode d’agir.Marc Lazar, Directeur du Centre d’Histoire de Sciences Po et Président de la School of government de l’Université Luiss (Rome), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1118682019-02-14T21:35:11Z2019-02-14T21:35:11ZLe clivage France-Italie, premier acte de la campagne des européennes<p>Après l'avoir rappelé pour consultations, la France vient d'annoncer le retour de <a href="http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2019/02/07/crise-franco-italienne-la-recreation-est-finie-selon-paris,2515075.php">son ambassadeur en Italie</a>. Par ce geste, elle entendait protester contre les positions hostiles à l’exécutif français des deux vice-présidents du conseil italien, Luigi Di Maio et Matteo Salvini. Le premier s’est rendu en France soutenir les « gilets jaunes » le 5 février, et le second a multiplié les déclarations contre Emmanuel Macron depuis plusieurs mois.</p>
<p>Cet événement diplomatique, sans précédent depuis le deuxième conflit mondial, manifeste une dégradation importante des relations politiques bilatérales entre les deux gouvernements. Il ouvre aussi le premier acte de la campagne électorale en vue des européennes du 26 mai prochain.</p>
<p>On peut considérer que les deux leaders italiens se sont rendus coupables d’ingérences caractérisées dans la vie politique nationale, comme l’a indiqué le ministre des Affaires étrangères français, Jean‑Yves Le Drian. On peut, au contraire, estimer que les pouvoirs publics français ont eu une réaction outrée, comme leur alliée locale, Marine Le Pen, l’a répété sur les médias nationaux. Mais l’interrogation demeure : pourquoi une telle passion politique transalpine alors même que, structurellement, les deux pays sont intimement liés y compris sur la scène politique européenne ?</p>
<p>La relation bilatérale franco-italienne pâtit des conjonctures nationales (interne à l’Italie ou spécifique à la France) mais aussi d’un vaste mouvement de recomposition des forces politiques à l’échelle continentale.</p>
<h2>Des rivalités internes au gouvernement italien</h2>
<p>La première raison de cette crise transalpine est italienne. C’est la conséquence <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/05/elections-legislatives-en-italie-les-partis-antieuropeens-font-le-plein_5265638_3214.html">des élections générales de mars 2018</a>. Et c’est la manifestation d’une rivalité exacerbée entre les partenaires de la coalition gouvernementale : la Ligue (anciennement du Nord) de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles (M5S) de Luigi di Maio auparavant dirigé par Beppe Grillo.</p>
<p>Ces deux partis avaient été les grands vainqueurs des sénatoriales et des législatives avec plus de 17,4% % des voix pour la Ligue (la coalition de centre-droit dont faisait partie la Ligue rassemblant 37% des suffrages avec un peu plus de 14 % pour Forza Italia) et plus de 32 % des voix pour le M5S, contre 22 % des voix pour la coalition de centre-gauche sortante menée par Matteo Renzi. Après des négociations difficiles, et sous la menace de nouvelles élections convoquées par le président de la République italienne, les deux vainqueurs avaient réussi à conclure un accord de coalition portant Giuseppe Conte à la tête du conseil des ministres italiens, flanqué de deux vice-présidents, les leaders qui aujourd’hui vilipendent le président français.</p>
<p>Entre les deux partenaires, la rivalité s’est installée dès les débuts du gouvernement. En particulier, Matteo Salvini vise à supplanter le M5S. Dans les médias, il a multiplié les sorties contre l’Europe accusée de favoriser l’afflux de migrants et de laisser l’Italie démunie. Il a ainsi placé le M5S dans la position du parti défendant l’Union européenne et la vocation historique de l’Italie. Ce qu’il a fait timidement dans un premier temps.</p>
<p>Mais, face aux sondages favorables à Matteo Salvini et à l’occasion du mouvement des « gilets jaunes », le M5S a vite renoncé à ses positions européennes. Il a emboîté le pas à la Ligue, en proposant aux « gilets jaunes » sa plate-forme numérique, en accusant la France d’appauvrir l’Afrique, puis en annonçant la fin de l’ère Macron et, enfin, en se rendant en France récemment. Ainsi, Luigi di Maio s’est engagé dans la surenchère : il a placé sa survie politique dans l’anti-macronisme.</p>
<p>Les relations franco-italiennes font donc aujourd’hui les frais d’une rivalité interne entre les deux leaders populistes italiens issus des élections générales de 2018.</p>
<h2>France-Italie, une relation bilatérale perturbée par les « gilets jaunes »</h2>
<p>La deuxième raison majeure de cette crise bilatérale tient à la préparation, en France comme en Italie, de la campagne électorale en vue des européennes de mai 2019.</p>
<p>Côté italien, chacun des deux leaders italiens chercher à s’arroger le statut de principal opposant à la présidence Macron. Loin d’être conjoncturelle ou passagère, cette crise illustre la stratégie de rupture les deux partis ont utilisé pour se hisser au pouvoir en Italie. Depuis sa création en 1991, la Ligue prône le rejet des partis traditionnels (démocratie-chrétienne au premier chef) et de leurs engagements européens. Et le M5S s’est construit opposition farouche (voire vulgaire) aux élites installées.</p>
<p>En France, Salvini et Le Pen ont cultivé leur alliance historique, appelant régulièrement à voter l’un pour l’autre, siégeant ensemble au Parlement européen au sein du groupe Europe des Libertés et des Nations (ENL), <a href="https://www.lesechos.fr/08/10/2018/lesechos.fr/0302372444864_salvini-et-le-pen-lancent-le---front-de-la-liberte--.htm">tenant des meetings communs</a>. Matteo Salvini se place à l’avant-garde du rejet de l’islam, des migrants et des demandeurs d’asile – assimilés les uns aux autres sans autre forme de procès. Sur le thème des migrations, Matteo Salvini a même pris un avantage sur son alliée française : en tant que ministre de l’Intérieur, il est en position de refuser aux navires de migrants l’accès aux côtes italiennes.</p>
<p>Côté français, la présidence Macron a pour ligne directrice la relance de l’Europe et la lutte contre les partis nationalistes et les mouvements populistes. Dans les sondages comme sur l’échiquier politique, le principal opposant à cibler est le Rassemblement national. En effet, les sondages actuels donnent LREM et le RN au coude à coude pour les élections européennes nettement devant Les Républicains et la France Insoumise. Le principal combat se livre donc entre LREM et ce qui apparaît comme une branche de la Ligue, le RN.</p>
<p>Le mouvement des « gilets jaunes » a précipité la polarisation transalpine : le Rassemblement national n’a pas ouvertement récupéré le mouvement alors que La Ligue et le M5S ont, eux, saisi les revendications antisystème pour s’inviter dans le débat français et appeler ouvertement à la fin de la présidence Macron. De là à prendre symboliquement la tête de la contestation, il n’y a qu’un pas que les deux leaders italiens essaient de franchir.</p>
<p>L’accès de fièvre transalpin tient donc aussi à des facteurs très hexagonaux.</p>
<h2>L’Italie tente de constituer un bloc contre le couple franco-allemand</h2>
<p>L’objectif structurel des leaders italiens dans cette dispute bilatérale est de lancer leurs campagnes pour les élections européennes de mai 2019.</p>
<p>Matteo Salvini sillonne l’Europe pour bâtir une coalition. Son premier objectif est le <a href="https://www.lesoir.be/175450/article/2018-08-28/milan-viktor-orban-designe-matteo-salvini-comme-son-heros">parti du premier ministre hongrois, le Fidesz</a>. Lors de sa conférence de presse conjointe avec Viktor Orban à Milan, le 29 août 2018, Matteo Salvini a repris la principale récrimination de la Hongrie et du Groupe de Višegrad envers Bruxelles : la politique migratoire de l’Union mettrait en danger l’identité culturelle de l’Europe et le principe de souveraineté nationale. Il a ainsi amorcé une « convergence des luttes » nationalistes propre à séduire en Slovaquie, en Tchéquie et au-delà.</p>
<p>Il exploite une conjoncture particulière, car le Fidesz voit son affiliation traditionnelle au Parti populaire européen (PPE) discutée. Le PPE n’a pas soutenu la Hongrie, en septembre dernier, quand le Parlement européen a voté pour les sanctions prévues à l’article 7 du Traité sur l’Union européenne en cas de graves risques pesant sur les droits fondamentaux. Toutefois le PPE n’a pas exclu le Fidesz…</p>
<p>Le deuxième objectif de Salvini est l’alliance avec le PiS au pouvoir en Pologne. <a href="http://www.bvoltaire.fr/rencontre-salvini-kaczynski-a-varsovie-ou-quand-droites-populistes-et-v4-se-rapprochent/">Lors d’un déplacement à Varsovie</a>, le 9 janvier 2019, il a signé avec ses dirigeants un accord antimigrations en dix points. Là encore, il exploite la conjoncture : le gouvernement polonais est, lui aussi, en butte à la procédure de l’article 7 en raison de ses réformes constitutionnelles. En outre, dans le prochain Parlement européen, le PiS sera privé de son principal allié, le Parti conservateur britannique (Brexit oblige) et devra chercher un groupe. De là à rejoindre la Ligue…</p>
<p>Quant au M5S, il est aujourd’hui engagé dans une recherche d’alliés à l’échelle continentale. En effet, ses principaux partenaires pour former un groupe au Parlement européen, les élus indépendants britanniques quitteront eux aussi le Parlement européen. Le M5S doit se trouver une place sur l’échiquier politique européen. Il se signale bruyamment en s’opposant à la présidence Macron et espère ainsi se rallier des partis eux-mêmes isolés lors de la prochaine mandature européenne.</p>
<h2>À Bruxelles, une recomposition des forces politiques en vue ?</h2>
<p>Ce qui est aujourd’hui en jeu dans les relations franco-italiennes, c’est une recomposition continentale des forces politiques. Jusqu’ici, le Parlement européen et la Commission européenne étaient largement dominés par le Parti Populaire européen (PPE), suivi par les sociaux-démocrates du S&D. Ces deux forces sont en effet majoritaires au Parlement européen sortant avec – respectivement – 217 et 187 sièges sur 750 au total.</p>
<p>Matteo Salvini veut recomposer la scène politique européenne pour contester le leadership de ces partis historiquement pro-européens. Pour compter au Parlement il doit rassembler 25 eurodéputés issus d’au moins sept États membres. Les 27 eurodéputés dont les sondages créditent la Ligue doivent constituer l’épine dorsale d’un groupe où pourraient siéger, sous réserve qu’ils soient réélus, les 20 députés du RN français, les 5 représentants du FPÖ autrichien, les 4 députés PVV néerlandais et les élus de partis comme les populistes du SPD tchèque, ceux du Vlaams Belang belge… Fort d’un groupe parlementaire dont il maîtriserait les principaux éléments et la ligne, Salvini entend peser sur la nomination du président du Conseil européen, puis sur l’attribution des postes de Commissaires européens.</p>
<p>Quant à Emmanuel Macron, il a lui aussi pour ambition de modifier les équilibres au Parlement européen comme il l’a fait en France en renouvelant l’échiquier politique. Ainsi, les libéraux du groupe ALDE ne sont que le quatrième groupe parlementaire actuel avec 68 eurodéputés. Se positionner comme le rempart le plus solide contre une vague nationaliste en Europe est la ligne rouge de la campagne qui s’annonce. Et l’opposition avec les deux leaders italiens met en évidence le clivage entre les progressistes et les nationalistes.</p>
<p>L’accès de fièvre franco-italien n’est que la préfiguration de la fièvre électorale qui va saisir le continent en mai pour les élections européennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111868/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La relation bilatérale pâtit de conjonctures nationales, mais aussi d’un vaste mouvement de recomposition des forces politiques à l’échelle continentale avant les élections européennes de mai.Cyrille Bret, Enseignant, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972812018-06-05T19:23:17Z2018-06-05T19:23:17ZLe populisme italien menace-t-il la stabilité de la zone euro ?<p>L’Europe est soumise à rude épreuve depuis 2008. Après avoir essuyé la crise des dettes souveraines qui a particulièrement affecté l’Irlande, l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Italie, l’Union européenne se retrouve face à la montée des populismes. Ceux-ci portent au pouvoir des mouvements très critiques vis-à-vis de son fonctionnement et de la zone euro : en 2015, Tspiras arrive au pouvoir en Grèce, en 2016 le Royaume-Uni se prononce en faveur du Brexit, en 2017 la France voit, au dernier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron faire face à Marine Le Pen…</p>
<p>Nouvel épisode dans cette série anti-européenne : en Italie vient d’être nommé un gouvernement issu d’une coalition improbable entre la gauche anti-système (Mouvement 5 étoiles, en italien <em>Movimento 5 Stelle</em>) et l’extrême droite (Ligue du Nord, <em>Lega Nord per l’indipendenza della Padania</em>), avec en prime comme ministre des Affaires européennes Paolo Savona, un anti-Européen convaincu. Alors que la zone euro venait de renouer avec une croissance économique relativement dynamique (+2,5 %), le nouveau gouvernement italien fait-il peser une menace sérieuse sur la stabilité de la zone euro ?</p>
<h2>L’échec de Tsipras n’a pas servi de leçon aux populistes de tout poil</h2>
<p>Apparemment l’<a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-souverainete-budgetaire-existe-t-elle-493180.html">échec de Tsipras</a> dans sa tentative de défier les règles de l’Euro n’a pas découragé les Italiens. En portant au pouvoir la coalition du Movimento Cinque Stelle (M5S) et la Ligue du Nord, l’Italie semble à son tour déterminée à ne pas vivre sous le diktat de la zone euro.</p>
<p>Il est important de garder à l’esprit que l’Italie a toujours fait partie des pays les plus eurosceptiques. Aujourd’hui, même s’ils sont en majorité favorables à l’euro, 33 % des Italiens interrogés sont contre, et 11 % ne savent pas quoi en penser, selon le <a href="https://www.ft.com/content/e1ae85c2-631b-11e8-90c2-9563a0613e56">dernier sondage Eurobarometer</a>. Soit la proportion la plus élevée d’Europe… La majorité des Italiens pense que les intérêts de l’Italie ne sont pas pris en compte au niveau européen, et ce principalement sur le dossier de la crise migratoire – 80 % d’entre eux sont en désaccord avec la manière dont l’Europe a géré la question des réfugiés.</p>
<p>En outre, près de 40 % des Italiens estiment que l’Italie aurait plutôt mieux réussi en dehors de l’Europe, sachant que 19 % d’entre eux n’ont pas d’opinion sur la question. Enfin seuls 54 % des Italiens se sentent Européens, pourcentage le plus faible d’Europe après la Grèce. Toufefois, même s’ils ont en commun le populisme, symptomatique d’une crise de la confiance dans le projet européen, les cas de l’Italie et de la Grèce sont différents. La situation de nos voisins transalpins est à certains égards la plus inquiétante parce qu’elle s’est mise en place malgré l’épisode grec, et parce que l’Italie est la 3<sup>e</sup> économie de la zone euro.</p>
<h2>Le coût du populisme au pouvoir</h2>
<p>Si le nouveau gouvernement populiste met en œuvre <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/05/18/le-mouvement-5-etoiles-et-la-ligue-devoilent-leur-contrat-de-gouvernement_5301035_3214.html">ses propositions</a> – revenu universel, retour en arrière sur le régime des retraites et impôt sur le revenu basé sur un flat-tax (un taux d’imposition unique pour tous les Italiens) – les finances publiques vont se détériorer alors même que l’Italie vient de renouer <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/0301264022525-deficit-la-france-toujours-a-la-remorque-de-la-zone-euro-2151628.php">avec des déficits publics inférieurs à 3 %</a>, conformément au pacte de stabilité. Or l’Italie traîne une dette publique proche ou supérieure à 100 % du PIB depuis presque 30 ans (elle s’élevait en 2017 à 131,5 % du PIB). Toute augmentation des déficits risque de l’aggraver.</p>
<p>Évidemment, la conviction de ce nouveau gouvernement est que <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/06/05/italie-giuseppe-conte-devoile-sa-feuille-de-route-au-senat-et-promet-un-changement-radical_5309972_3214.html">sa politique</a> est la bonne pour stimuler la croissance économique : les déficits devraient donc être compensés par une croissance économique plus élevée. En dehors de tout jugement de valeur quant à l’efficacité de telles mesures sur la croissance, le risque principal déjà avéré pour l’État italien est de devoir s’endetter à des taux plus élevés. En effet, l’offre de titres d’État italien supplémentaires intervient à un moment où la Banque centrale européenne (BCE) a <a href="https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/la-bce-a-reduit-ses-achats-de-titres-italiens-malgre-la-crise-politique-1769461.php">réduit le montant de ses acquisitions</a>, et les titres sont principalement détenus par les investisseurs nationaux dont la capacité d’absorption est, par définition, limitée. L’État italien risque de devoir proposer des taux plus attractifs pour être certain que ces nouvelles émissions soient totalement souscrites.</p>
<p>Le rejet par le président Sergio Materrella <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/italie/italie-qui-sont-les-tetes-d-affiche-du-gouvernement-du-mouvement-5-etoiles-et-de-la-ligue_2780547.html">du premier gouvernement</a> formé par Giuseppe Conti, le 27 mai dernier, avait conduit à une <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/05/28/20002-20180528ARTFIG00267-italie-les-taux-de-la-dette-au-plus-haut-depuis-2013.php">forte augmentation du rendement des titres italiens</a>, surtout à court terme. En quelques semaines le rendement des titres d’État à 2 ans est passé d’un taux négatif de -0,27 % à un taux proche de 2,72 % le mardi 29 mai, tandis que le rendement à 10 ans est passé de 2,4 % à 3,39 % dans le même temps alors que ceux de la France sont restés relativement stables autour de respectivement – 0,50 % à 2 ans et 0,70 % à 10 ans. </p>
<h2>La tragédie grecque rejouée à l’italienne ?</h2>
<p>Si la méfiance des investisseurs se confirme dans les mois à venir, le coût de la dette risque donc de se renchérir d’autant. Ce renchérissement pourrait avoir un effet boule de neige sur l’endettement de l’Italie, qui avoisine les 132 %. En cas d'accélération de la détérioration, l’Italie pourrait se retrouver en défaut de paiement.</p>
<p>Seul facteur qui peut tempérer cette remontée des taux : la dette italienne est majoritairement détenue par des investisseurs nationaux. En d’autres termes, le risque se reportera sur les détenteurs de la dette, qui sont majoritairement des banques. Mais cette situation n’augure rien de bon sachant que les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/05/25/l-inquietude-pour-les-banques-italiennes-ressurgit_5304416_3234.html">banques italiennes sont déjà fragiles</a>.</p>
<p>Malheureusement, étant donné le timing, l’Italie ne pourra guère compter sur la BCE. En effet, la politique d’assouplissement quantitatif (<a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_quantitative-easing.html">quantitative easing</a>) est plutôt dans une phase de décélération. Si elle continue à réinvestir le produit des titres arrivés à échéance, la BCE achète moins de titres qu’il y a quelques mois. Et en cas d’aggravation de la situation, elle ne serait pas davantage une alliée. En effet, en cas de crise de défiance envers la dette italienne, la BCE pourra difficilement recourir à sa procédure de dernier ressort appelée OMT (<em>Outright Monetary Transactions</em>). Adoptée en 2012, celle-ci consiste à acheter de façon illimitée les obligations souveraines d’un État dont la dette souveraine est attaquée. En échange, la BCE demande au pays auquel elle vient en aide une série de mesures de restrictions budgétaires. Or celles-ci iraient à l’encontre des principes même qui ont porté au pouvoir la coalition M5S-Ligue du Nord.</p>
<p>L’Italie se retrouverait donc dans un scénario à la grecque, où elle ne pourrait plus aller se financer sur les marchés et devrait décider de son avenir au sein de la zone euro. On a vu où cela a conduit le gouvernement Tsipras qui, ne voulant pas provoquer la sortie de son pays de la zone euro, a finalement appliqué la politique économique qu’il combattait lorsqu’il a été élu.</p>
<h2>L’adhésion à l’Euro remise en cause ?</h2>
<p>Tout cela n’augure rien de bon. Nous sommes en train de rejouer l’épisode grec avec la troisième économie de la zone euro. Si le gouvernement de la coalition tient (il ne faut pas oublier que l’Italie a eu 65 gouvernements en 70 ans) et persiste dans l’application de son programme, il mettra le pays en porte à faux avec le pacte de stabilité.</p>
<p>Les discussions au sein de la zone euro risquent de devenir plus âpres : si l’adhésion de l’Italie à l’Euro devait se retrouver dans la balance, c’est la stabilité de la zone qui serait menacée. Le pouvoir de négociation sera peut-être moins clairement en faveur des pays du Nord, et le risque d’implosion serait plus élevé que dans l’épisode grec, en raison du poids de l’économie italienne…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Janson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’alliance des populistes Ligue du Nord et M5S a donné naissance en Italie à un gouvernement eurosceptique. Quels risques sa politique économique fait-elle courir à l’Italie et à la zone euro ?Nathalie Janson, Économiste & enseignante-chercheure, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/975522018-06-01T09:45:04Z2018-06-01T09:45:04ZComment l’Union européenne est devenue un problème en Italie<p>En Italie, la crise politique aura été de courte durée : moins d’une semaine. Un violent clivage sur l’Union européenne en fut la cause : le président Mattarella refusait de nommer Paolo Savona, un économiste notoirement opposé à la monnaie unique européenne et germanophobe, à la tête du ministère de l’Économie au sein d’un gouvernement antisystème 5 étoiles–Ligue. Paolo Savona devrait finalement être chargé des Affaires européennes, sous la tutelle paradoxale d’un ministre des Affaires étrangères apprécié à Bruxelles : Enzo Moavero Milanesi. Le titulaire du ministre de l’Économie est finalement un autre universitaire proche de la Ligue mais qui ne prône pas la sortie de l’euro : Giovanni Tria.</p>
<p>Le président Mattarella a eu beau jeu de dire qu’un pays démocratique ne peut décider de sortir de l’euro sans en avoir débattu et sans l’avoir choisi de façon explicite.</p>
<h2>L’Europe, un élément fédérateur en Italie… jadis</h2>
<p>Ce faisant, cet épisode révèle sans fard combien le lien des Italiens à la construction européenne a changé. Car s’il y avait bien un <a href="https://theconversation.com/1957-2017-que-reste-t-il-des-traites-de-rome-70791">État fondateur du Marché commun</a> où l’adhésion à l’Europe était largement partagée, c’était l’Italie.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221344/original/file-20180601-142063-177z42o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En 1957, au moment de l’élaboration du Traité de Rome.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1a/%D0%A0%D0%B8%D0%BC%D1%81%D1%8C%D0%BA%D0%B8%D0%B9_%D0%B4%D0%BE%D0%B3%D0%BE%D0%B2%D1%96%D1%80.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des années 1950 au début des années 2000, la société italienne, dans ses différentes composantes, a considéré la construction européenne comme une partie de la solution à ses problèmes et ses défis nationaux. Les agents économiques, entrepreneurs comme salariés, poussés à rompre avec le protectionnisme, ont particulièrement su tirer parti de la création de ce grand marché de consommateurs exigeants et prospères d’échelle continentale qu’était la CEE, devenue UE. À la différence de la France, l’Italie n’a pas connu la désindustrialisation.</p>
<p>Cette interdépendance, et la solidarité européenne (notamment la PAC et, depuis plus de trente ans, la politique régionale de l’UE), ont aidé l’Italie à faire face à la dichotomie historique entre son Nord industrieux et prospère et son Mezzogiorno économiquement moins développé et en proie à l’emprise mafieuse.</p>
<p>La construction européenne a aussi favorisé l’influence de l’Italie en Europe, car les acteurs italiens des sociétés civile, économique et politique ont su en faire avec efficacité un espace d’influence de leurs conceptions des politiques publiques. La PAC, comme l’euro, en sont les cas de figure les plus spectaculaires.</p>
<p>Mais on pourrait tout aussi bien mentionner le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen de développement régional (Feder) et les programmes de coopérations régionales transfrontaliers de type Interreg, la Banque européenne d’investissement (BEI). Ou encore l’appui au financement de la recherche et développement (R&D), à l’innovation et à l’aéronautique ; le programme de mobilité étudiante Erasmus, élargi à l’enseignement professionnel avec Leonardo, et au processus d’Espace européen d’enseignement supérieur dit « de Bologne ».</p>
<p>La construction européenne a, enfin, été un élément fédérateur au sein d’une société italienne que la Guerre froide a traversé et secoué avec une intensité unique en son genre dans la CEE, jusque et y compris par la violence politique, qu’elle soit terroriste ou d’État.</p>
<h2>Une préférence pour l’Europe qui s’est enrayée avec la crise</h2>
<p>Depuis le début des années 2000, cette préférence italienne pour l’Europe s’est progressivement enrayée. En 2008 déjà, l’historien et politiste <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2014-1-page-283.htm">Antonio Varsori</a> écrivait que </p>
<blockquote>
<p>« rares sont les Italiens qui contestent le fait que l’appartenance à l’UE ait été un élément de stabilité économique, mais beaucoup se demandent si elle est un facteur de développement ».</p>
</blockquote>
<p>Depuis, le doute s’est installé sur la pertinence de la construction européenne. Six jeunes adultes sur dix ne peuvent « décohabiter » – en <a href="https://www.persee.fr/doc/ofce_0751-6614_2000_num_72_1_1579">Italie, « Tanguy » n’est pas une farce mais une tragédie</a> –, notamment en raison des structures figées du foncier et de l’immobilier et, plus largement, du patrimoine.</p>
<p>Le chômage des moins de trente ans est particulièrement élevé. La compétitivité des entreprises et la productivité du travail se sont dégradées. La croissance des années de crise et de sortie de crise est une des plus faibles de l’UE. La dette publique de l’Italie est la deuxième plus élevée après celle de la Grèce. Le secteur bancaire italien est le maillon faible du secteur bancaire européen.</p>
<p>Et si l’UE, de solution, était devenue une partie des problèmes de l’Italie ?</p>
<h2>De l’émigration à l’immigration</h2>
<p>La Ligue comme le M5S ont fait de cette interrogation une certitude et de l’UE un bouc émissaire : affranchissons-nous des disciplines auxquelles contraint l’interdépendance européenne, et tout ira mieux ! La dégradation de la situation économique ne coïncide-t-elle pas avec l’entrée en vigueur de la monnaie unique ? La critique de la construction européenne est devenue un répertoire plus facile à décliner que celui de l’inventaire des difficultés intrinsèques à l’Italie dans une mondialisation qui rebat les cartes à grande vitesse.</p>
<p>La <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/10/20002-20180210ARTFIG00024-la-population-italienne-a-chute-de-100000-personnes-l-an-dernier.php">question démographique</a> en est la plus emblématique. Depuis le milieu des années 1980, avec l’effondrement du taux de fécondité et l’allongement de l’espérance de vie, l’Italie est brutalement devenue un pays au taux d’accroissement naturel négatif, l’un des plus bas de l’UE. Pendant ce temps, les femmes ont toujours autant de difficultés à s’insérer sur le marché du travail.</p>
<p>Dans les dernières années du XX<sup>e</sup> siècle, l’Italie, d’émigration durant des décennies, est devenue en quelques années un pays d’immigration. Dans la décennie 2010, ce renversement de tendance est devenu spectaculaire. Le raccourci a vite été fait par la Ligue comme par le M5S comme quoi les flux migratoires étaient la cause du chômage, et de la criminalité, y compris mafieuse, au même titre que la concurrence des entreprises d’Asie est rendue responsable du moindre dynamisme des entreprises italiennes.</p>
<p>Pour nationaliser son électorat, la Ligue, jusque récemment dite « du Nord », a, dans sa doctrine, remplacé la détestation de l’Italien du Sud, soi-disant pouilleux et assisté, par la haine du migrant, du demandeur d’asile et de l’étranger non européen.</p>
<p>Le dépit croissant vis-à-vis de l’UE a été alimenté par cette xénophobie et cette démagogie. En effet, les différents États membres de l’Union européenne n’ont manifesté aucune solidarité vis-à-vis de l’Italie au cours des dernières années durant lesquelles le pays a accueilli plusieurs centaines de milliers de demandeurs d’asile fuyant les guerres de « l’arc de crise » qui prend en écharpe une partie de l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient.</p>
<h2>Le refus d’européaniser la question migratoire</h2>
<p>Cette dynamique s’est superposée et mêlée <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2008-5-page-13.htm">à l’inversion de la situation migratoire de l’Italie</a> : entre 2002 et 2016, le nombre d’étrangers installés en Italie est passé de 1,3 à un peu plus de 5 millions. Ces derniers représentent un peu plus de 8 % des près de 61 millions habitants d’Italie, soit un taux presque identique à celui de la France (8,9 % de 67 millions).</p>
<p>Le refus des États membres de l’UE de réformer par le haut les <a href="https://theconversation.com/migrations-en-europe-lechec-tragique-de-la-dissuasion-47129">conventions de Dublin</a> – conventions qui obligent les pays par lesquels les ressortissants étrangers sont entrés dans l’UE à instruire les procédures de délivrance des permis de séjour ou de statut de réfugié –, comme le refus d’accueillir une partie des ressortissants étrangers ayant franchi la Méditerranée au péril de leur vie pour venir en Europe, ont nourri le sentiment que l’UE avait lâché l’Italie.</p>
<p>D’autant plus que, pendant ce temps, la Commission européenne a tenu un discours punitif sur l’état des finances publiques italiennes. Dans les faits, si Bruxelles ne l’a volontairement pas fait suivre d’effet, ménageant les gouvernements de la troisième économie de la zone euro, ce discours a été instrumentalisé par les deux partis antisystème.</p>
<p>Les partenaires européens de l’Italie, ainsi que la BCE et la Commission européenne, après avoir poussé les parlementaires italiens à retirer en 2011 leur confiance à un Silvio Berlusconi qui laissait filer le déficit et la dette, ont contribué à faire de <a href="https://theconversation.com/referendum-en-italie-le-quitte-ou-double-de-matteo-renzi-69649">Matteo Renzi, jeune leader réformiste de centre gauche</a>, une alternative crédible et progressiste dans le cadre de l’interdépendance européenne. Lors des élections européennes de 2014, le Parti démocrate qu’il dirigeait tout en étant premier ministre a obtenu le score exceptionnel de 40 % des suffrages !</p>
<p>Mais, en refusant d’européaniser la question migratoire italienne, en surjouant le discours ordo libéral, et en ne luttant pas contre les inégalités, les partenaires européens de l’Italie n’ont pas mis en œuvre une logique de solidarité politique et de soutien au gouvernement Renzi. Ce choix politique aurait pourtant permis à une majorité d’Italiens de repasser du dépit à l’adhésion vis-à-vis de la construction européenne.</p>
<h2>Un alliage de deux phobies</h2>
<p>Le résultat est qu’aujourd’hui, une partie des élites économiques et politiques du pays, qui ont joué un rôle si important dans cette adhésion durant un demi-siècle, ne voit plus cette construction européenne comme un levier de développement et d’intégration économique et sociale – c’est bien ce dont témoigne pour partie le vote pour la Ligue dans l’industrielle Italie du Nord et celui pour le M5S dans la « troisième Italie », celle du Centre doté d’un tissu dense de PME exportatrices.</p>
<p>Dans le même temps, ce qui a été vécu comme un lâchage de l’Italie par l’UE a ouvert un espace au souverainisme et à une critique simpliste, voire démagogique, de l’Europe par la Ligue comme par les 5 étoiles. On voit le résultat aujourd’hui : les <a href="https://theconversation.com/en-italie-laboratoire-et-avant-garde-du-scenario-dune-coalition-contre-nature-92899">deux mouvements populistes concurrents</a> ont fini par marginaliser les partis de droite comme de gauche, et à cimenter leur rapprochement postélectoral par l’alliage de deux phobies, celle des étrangers et celle de l’UE. De façon très significative, le leader de la Ligue, <a href="https://lemonde.fr/europe/article/2018/05/31/matteo-salvini-et-luigi-di-maio-les-deux-hommes-forts-du-nouveau-gouvernement-italien_5307820_3214.html">Matteo Salvini, devient aujourd’hui ministre de l’Intérieur</a> : il mettra lui même en œuvre la nouvelle politique migratoire du gouvernement de Giuseppe Conte.</p>
<p>La fermeté du président Mattarella a donc eu le mérite de provoquer une clarification sur les contours précis des politiques proposées dans ces deux registres phobiques par les deux formations antisystème qui ont le vent en poupe, la Ligue et le M5S.</p>
<h2>Européanisation en vue de la xénophobie</h2>
<p>L’une des deux – ou les deux – iront-elles jusqu’à proposer noir sur blanc une sortie de l’euro ou, a minima, un référendum sur celle-ci ? Rien n’est moins sûr, car rien ne dit qu’une telle option soit de nature à rallier une majorité de suffrages.</p>
<p>Pour l’instant, la coalition des deux partis populistes va être amenée à préciser comment elle compte mettre en œuvre son programme de baisse des impôts, d’augmentation des dépenses publiques et de non-respect des critères de Maastricht, sans sortir de la zone euro. En effet, sa mise en œuvre engagera non seulement les économies des Italiens qui en ont, mais aussi l’économie de chaque État membre de l’Union économique et monétaire (UEM). Nombreux seront les gouvernements, y compris ceux auxquels participent déjà l’extrême droit (comme le Danemark et l’Autriche), qui s’y opposeront.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ge89udn0i_E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Comme on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens, le plus probable est que les deux formations politiques en question biaisent sur cette question de l’euro et des finances publiques. Pour donner le change, elles vont vraisemblablement durcir davantage encore leur position et leurs exigences sur la question migratoire, notamment en proposant que l’État de droit et les libertés constitutionnelles ne régissent plus le droit des personnes étrangères et des personnes migrantes. Une Italie gouvernée par des souverainistes populistes est assurément un risque pour l’UEM. Elle déclenchera plus sûrement encore une européanisation de la xénophobie d’État.</p>
<p>Dans la phase qui s’ouvre, les deux formations antisystème accédant au pouvoir chercheront à utiliser les capacités politiques et institutionnelles de l’UE pour fonder un nationalisme européen. Cette politique suscitera beaucoup moins d’opposition des autres États membres que sur l’euro, quand ce n’est pas de l’adhésion.</p>
<h2>La crise en Italie : une opportunité pour l’Europe ?</h2>
<p>La fermeté du président Mattarella donne donc aux autres États membres de l’UE qui ne sont pas encore sur cette ligne xénophobe une opportunité : la possibilité de montrer aux Italiens qu’ils ont entendu leur colère et leur frustration, et de proposer sur les questions d’accueil des migrants, de politique migratoire et d’asile, de politique de croissance et d’endettement public une alternative à la xénophobie et au nationalisme européen du M5S et de la Ligue.</p>
<p>Le jeu en vaut d’autant plus la chandelle que le corps électoral italien est aujourd’hui divisé en deux, et que nombreux sont les Italiens à rejeter cette xénophobie, à se mobiliser pour l’hospitalité et à douter du bien-fondé d’une sortie de l’euro ou d’un creusement des déficits.</p>
<p>L’avènement d’un pouvoir populiste en Italie pourrait-il être l’enjeu et le moteur d’une relance de la construction européenne ? Ce ne serait vraiment pas la première fois que l’Italie contribuerait de façon décisive et imaginative à celle-ci, quand bien même ce le serait cette fois par une ruse de l’histoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dernière crise politique en Italie montre combien le lien de ce pays fondateur du Marché commun a changé en profondeur vis-à-vis de l’Europe.Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/971042018-05-24T20:13:34Z2018-05-24T20:13:34ZFrancs-maçons dehors ! Quand le nouveau gouvernement italien se débarrasse des loges<p>La coalition du Mouvement 5 étoiles, populiste, et de la Ligue, anciennement Ligue du Nord et d’extrême droite, <a href="https://theconversation.com/litalie-nouveau-laboratoire-de-l-orbanisation-de-leurope-96566">gouvernant aujourd’hui l’Italie</a>, a décidé dans son programme <a href="http://www.lastampa.it/2018/05/18/contratto-governo-lncqr8WoDImtooTgz8zbQN/pagina.html">publié le vendredi 18 mai 2018</a>, d’interdire aux francs-maçons de faire partie du gouvernement.</p>
<p>Cette interdiction renvoie, pour les francs-maçons italiens, au souvenir des lois antimaçonniques du régime fasciste, <a href="http://storia.camera.it/cronologia/leg-regno-XXVI/elenco">promulguées le 13 février 1923</a>, qui visait à l’époque à les exclure du gouvernement et de la vie civile de toute activité politique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/220108/original/file-20180523-51091-925la7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait du « programme » en italien.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Unification italienne</h2>
<p>Les relations ambiguës entre les droites, voire les extrêmes droites, et les francs-maçons remontent aux années précédant à la création de l’Italie en tant qu’État-nation en 1871.</p>
<p>À cette époque, pour une très large part, les francs-maçons italiens étaient « garibaldiens » du nom du général Giuseppe Garibaldi, considéré comme le père de l’unification italienne et lui-même <a href="http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/public/index.jsp?record=bmr%3AUNIMARC%3A8784804&failure=%2Fjsp%2Fpublic%2Ffailure.jsp&action=public_direct_view&success=%2Fjsp%2Fpublic%2Findex.jsp&profile=public">franc-maçon</a>. En effet, ils soutinrent à la fois la création de l’Italie en tant qu’État-nation et l’annexion des États de l’Église, qui occupaient une large part de l’Italie centrale (ils comprennent les actuelles <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volution_territoriale_de_l%27Italie">Emilie-Romagne, Marche, Ombrie et Latium</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/220195/original/file-20180523-51127-1yqago4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte postale représentant Giuseppe Garibaldi, (1808-1882), à Naples, 1861.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Giuseppe_Garibaldi_1861.jpg">Library of Congress</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les francs-maçons italiens étaient aussi pour beaucoup, <a href="https://www.herodote.net/Franc_maconnerie-synthese-1790.php">comme en France, des anticléricaux</a>. Mais, ils n’étaient pas forcément positionnés à gauche sur l’échiquier politique. L’origine de cet élitisme est lié à sa sociologie initiale et une histoire qui remonte au moins au XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Des loges proches du pouvoir</h2>
<p>À cette époque, dans le royaume de Naples, les loges étaient principalement des loges militaires, composés de mercenaires à la solde de la monarchie. Par la suite, comme dans le reste de l’Europe d’ailleurs, la sociologie des loges était plutôt élitiste, <a href="https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_2000_num_61_1_1303">composée d’aristocrates et de hauts prélats</a>.</p>
<p>La volonté d’unifier la péninsule italienne au XIX<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/risorgimento/">Risorgimento</a>, se diffusa dans les loges qui devinrent assez rapidement nationalistes (dans le sens d’un <a href="https://www.laprocure.com/peuples-nations-europe-xixe-siecle-rene-girault/9782010196744.html">nationalisme d’existence</a>). La franc-maçonnerie devint alors un acteur de la vie politique italienne. Son âge d’or se situe ainsi au tournant des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles : en 1900, tous les membres du conseil communal de Rome <a href="https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_2000_num_61_1_1303">sont francs-maçons</a>. Ils dominent aussi largement les chambres parlementaires. À la même époque, il y avait dans toute la péninsule, environ 500 loges et 20 000 maçons.</p>
<p>Ces loges italiennes, peu organisées, étaient aussi assez marquées par les pratiques irrégulières, illégitimes, c’est-à-dire ne respectant pas les pratiques de la franc-maçonnerie anglaise et de ce fait n’ayant pas obtenu une patente de la Grande Loge Unie d’Angleterre, à l’origine de la franc-maçonnerie.</p>
<p>Elles étaient aussi marquées par l’ésotérisme, ayant par exemple recours aux rites dits de Memphis-Misraïm, nés de spéculations ésotériques et maçonniques aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles. <a href="https://www.hiram.be/blog/2014/11/22/decouverte-des-rites-memphis-misraim-un-rite-atypique/">Garibaldi en était l’un des initiés.</a></p>
<h2>Indulgence pour les fascistes</h2>
<p>Dans l’immédiat après-guerre, l’instituteur socialiste Benito Mussolini fonde en 1919 les <em>Fasci Italiani di combattimento</em>, Faisceaux italiens de combat, plus connu sous le nom de fascisme. Certains francs-maçons voient d’un œil indulgent l’arrivée de ce mouvement violent d’extrême droite au discours irrédentiste. Cette indulgence résiste à l’interdiction des Loges en 1923, peu après sa marche sur Rome de 1922 et sa prise effective du pouvoir.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=505&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=505&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=505&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=635&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=635&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/220274/original/file-20180524-51102-1q4l3kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=635&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chemises noires marchent sur Rome le 31 octobre 1922, ici devant le palais du Quirinal, alors résidence royale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://it.wikipedia.org/wiki/File:Sfilata_fascista_(Quirinale).jpg">Archeologo/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette interdiction n’est pas propre au fascisme : l’URSS naissante l’avait également promulguée et il était interdit aux militants communistes d’être francs-maçons. Une phase plus radicale est franchie le 25 septembre 1925, lorsque des francs-maçons furent l’objet d’une littérale chasse à l’homme dans les rues de Florence. Certains furent tués, les autres internés à Lipari et les loges détruites. Le Grand Maître Torrigiani décida alors la dissolution des loges de l’obédience « Palazzo Giustiniani », marquée à gauche, avant d’être lui-même interné. Les francs-maçons les plus à droite restèrent favorables au régime fasciste jusqu’aux Accords du Latran de 1929, signés entre le Saint-Siège et le régime fasciste confirmant le catholicisme comme seule religion de l’État italien.</p>
<p>Malgré ce contexte tendu, certains francs-maçons célèbres, comme <a href="https://tempspresents.com/2013/11/20/stephane-francois-julius-evola-racisme-judaisme/">Arthuro Reghini ou Guido de Giorgio</a> restèrent favorable au fascisme. À partir de ce moment, la franc-maçonnerie italienne se met en sommeil. Elle ne réapparaîtra qu’après la Seconde Guerre mondiale, exsangue.</p>
<h2>Années de plomb et loges autoritaires</h2>
<p>C’est ainsi que naît en 1944 la Loge P2, de son vrai nom « Propaganda massonnica 2 » pour initier et surtout accueillir, sur le modèle de l’ancienne loge « Propaganda massonica » (fondée en 1877), des personnalités politiques et des élites – économiques ou culturelles. l’objectif était de reconstruire une franc-maçonnerie exsangue. Jusqu’à la fin des années 1960, elle remplit son rôle, vivotant. À compter de la fin des années 1960, le patronat, dominant dans la loge, voit arriver de nouveaux membres issus de l’armée et des services de renseignement. Tous sont foncièrement <a href="http://www.fontitaliarepubblicana.it/documents/121-000-relazione-anselmi.html">anticommunistes</a>.</p>
<p>Nous sommes alors dans l’Italie des années de plomb et du terrorisme, tant d’extrême gauche que d’extrême droite. Or des membres de la loge, qui comprenaient 962 personnes, tendaient vers l’extrême droite, favorables à la mise en place d’un régime autoritaire.</p>
<p>La liste rendue publique comptait par ailleurs nombre de personnalités italiennes. On pense ainsi à Roberto Calvi président du Banco ambrosianno (retrouvé pendu sous un pont londonien en 1982), Michele Sindona (le banquier de Cosa Nostra, empoisonné en prison en 1986), des directeurs de journaux dont celui de <em>Il Corriere della sera</em>, les chefs d’État Majors de la marine, de l’air, des officiers des carabiniers, le directeur du SISMI (le service de renseignement militaire), des officiers de renseignement, des présentateurs TV et évidement des industriels comme <a href="http://www.repubblica.it/politica/2015/12/16/news/p2_i_nomi_piu_importanti_della_lista_gelli-129591682/">Silvio Berlusconi</a> (numéro d’adhésion 625).</p>
<p>Les portes de la loge s’ouvrirent alors aux néofascistes et aux mafieux. Dans les années 1970, les francs-maçons de la loge P2 réfléchirent à une réforme de la société, en particulier à une purge de celle-ci des militants et des intellectuels d’extrême gauche. Ce projet est connu sous le nom de « schéma R ».</p>
<h2>Un scandale sur plus de 20 ans</h2>
<p>En 1981, les velléités autoritaires et totalitaires de la loge sont découvertes, le complot mis à jour. Cela a déclenché a un énorme scandale dans la péninsule lorsque les 962 noms des membres furent rendus public.</p>
<p>La découverte du plan de subversion de la démocratie conduit par la loge et par son Vénérable Maître, <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2015/12/16/licio-gelli-le-grand-maitre-des-secrets-italiens-est-mort-a-96-ans_4833292_3382.html">Licio Gelli</a>, a fait l’objet de plusieurs procès et d’une enquête parlementaire présidée par la sénatrice démocrate-chrétienne Tina Anselmi.</p>
<p>Ce projet de subversion violente a nourri les fantasmes complotistes les plus divers, non seulement à l’égard des francs-maçons en Italie, mais aussi en ce qui concerne les stratégies américaines, fantasmées ou réelles, de contre-subversion anti-communiste <a href="https://tempspresents.com/2016/04/05/stay-behind-europeens-tenembaum-origoni/">dans le cadre du <em>Stay Behind</em></a>, c’est-à-dire à la création illégale attribuée, parfois à tort, à l’OTAN dès le début de la Guerre froide, de groupes paramilitaires visant à combattre par l’arrière une occupation de l’Europe occidentale par les forces du Pacte de Varsovie. En Italie, il s’agissait du réseau Gladio.</p>
<p>Ainsi, on prête à la loge P2 une implication dans l’ensemble des actes de violence terroristes en Italie, de l’<a href="http://guillaumeorigoni.blog.lemonde.fr/2012/02/27/1-3milan-12-decembre-1969-lattentat-de-piazza-fontana-premier-acte-de-la-strategie-de-la-tension/">attentat de Piazza Fontana en 1969</a> jusqu’à celui de la <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-01-mars-2018">gare de Bologne en 1980</a>, sans compter sa possible implication dans les multiples planifications de coups d’État jusqu’en 1970, dont celui du Commandant Borghese à la tête des <a href="https://journals.openedition.org/cdlm/5535">commandos mussoliniens de la decima Mas</a>. Le Commandant Junio Valerio Borghese est un militant fasciste référent dans l’Italie des années de plomb. Il meurt en Espagne en 1974 dans des circonstances qui restent aujourd’hui toujours incertaines.</p>
<p>Si l’implication de la loge dans le réseau Gladio n’est pas prouvée, son caractère <a href="http://www.fontitaliarepubblicana.it/documents/360-09-legdoc-xxiii-n-2-2bis-1-relatore-teodorio-ocr.html">ultra-atlantiste</a> l’est : il s’agissait, selon les membres de la commission d’enquête parlementaire sur la P2, de défendre les valeurs de l’Occident de la subversion marxiste.</p>
<p>La loge fut dissoute, son Vénérable fut exclu de la maçonnerie, mais cela a sali la réputation de la franc-maçonnerie italienne durant de longues années, en plus du scandale politique et l’histoire a défrayé la chronique judiciaire jusqu’à la fin des années 1990-2000.</p>
<h2>Crise de confiance</h2>
<p>L’histoire de la loge P2 est devenue une blessure profonde dans l’histoire maçonnique et politique de la première République italienne.</p>
<p>Plus de trente après la découverte du scandale : les loges inspirent encore de la défiance parmi la population et les partis populistes et n’ont pas retrouvé leur faste passé.</p>
<p>Il y a peu, la <a href="http://www.fontitaliarepubblicana.it/documents/360-09-legdoc-xxiii-n-2-2bis-1-relatore-teodorio-ocr.html">P2 était encore évoquée</a> par la commission d’enquête parlementaire sur la séquestration et la mort d’Aldo Moro, homme d’État, Président de la Démocratie chrétienne et artisan du rapprochement avec le Parti communiste italien, alors deuxième force politique de la péninsule.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_7o2tTGliXE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’affaire Aldo Moro, archives INA.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il fut assassiné par les Brigades rouges le 9 mai 1978 après 55 jours de captivité qui ébranlèrent la stabilité institutionnelle italienne.</p>
<p>L’antimaçonnisme virulent que l’on observe ainsi aujourd’hui est en partie conséquence de cette histoire, et ce, en dépit du fait que la loge P2 était proche des mouvements fascisants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97104/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane François est membre de l'ORAP de la Fondation Jean Jaurès</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Origoni est membre de l'ORAP de la Fondation Jean Jaures.</span></em></p>L’interdiction pour les francs-maçons de participer au gouvernement renvoie l’Italie à ses heures les plus sombres.Stéphane François, Politiste, historien des idées, chercheur associé, École pratique des hautes études (EPHE)Guillaume Origoni, Doctorant en histoire, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/965662018-05-21T13:48:43Z2018-05-21T13:48:43ZL’Italie, nouveau laboratoire de l’« orbanisation » de l’Europe<p>Un tremblement de terre gronde à Rome ! L’improbable se dénoue donc : l’accouchement d’un accord de gouvernement coalisant le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue (Lega). Le nom du chef du gouvernement fait encore l’objet de tractations serrées entre les chefs de ces deux formations et le président de la République, Sergio Mattarella. La nomination du premier ministre puis, sur proposition de ce dernier, du gouvernement est en effet une des prérogatives constitutionnelles du président de la République italienne.</p>
<p>Pour ce faire, Sergio Mattarella demande des garanties à ses interlocuteurs, notamment sur le respect des engagements européens de l’Italie. Si, formellement, rien n’est encore acté, tant les formations populistes sont atypiques et susceptibles de changements de pied, les Italiens s’attendent à ce que ces ultimes négociations débouchent sur un gouvernement de coalition totalement inédit entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue.</p>
<p>Ces deux formations sont celles qui ont obtenu le plus de suffrages <a href="https://theconversation.com/en-italie-laboratoire-et-avant-garde-du-scenario-dune-coalition-contre-nature-92899">aux élections législatives italiennes du 4 mars dernier</a>. Le M5S – que dirige, depuis l’effacement de son fondateur Beppe Grillo, le jeune et lisse Luigi di Maio – totalise un tiers des suffrages et des élus. C’est un parti populiste inclassable, <a href="https://theconversation.com/le-mouvement-5-etoiles-en-italie-lecture-marketing-dun-phenomene-politique-inclassable-93547">« ni de droite ni de gauche »</a>, dont le programme emprunte à toutes les traditions idéologiques, y compris la démocratie directe, l’écologie et la xénophobie.</p>
<p>La Lega est dirigée par Matteo Salvini. C’est un parti d’extrême-droite d’aujourd’hui : populiste, nationaliste, raciste. Ayant mis un mouchoir sur son mépris pour l’Italie et les Italiens du Sud, la Ligue – anciennement Ligue du Nord – est parvenue à nationaliser son électorat. Avec 17 % des suffrages et 20 % des sièges, elle est devenue le premier des trois partis de droite, dont l’alliance électorale a regroupé 37 % des voix.</p>
<p>À eux seuls, ces deux partis qui s’étaient durement combattus durant la campagne ont la majorité au Parlement. Un tout petit nombre d’analystes pariait sur cette alliance, certes contre-nature. Mais qui serait implacablement, disaient-ils, la meilleure traduction gouvernementale possible du message politique envoyé par les électeurs italiens : sortir les sortants et renverser la table. Rompre avec un demi-siècle de culture politique italienne, y compris son européisme inventif. Il aura fallu deux mois pour que Salvini accepte l’invitation que lui fait depuis mars Luigi di Maio.</p>
<h2>Un tremblement de terre italien… et européen</h2>
<p>Tremblement de terre européen, il l’est d’abord car l’Italie est un membre fondateur de la construction européenne. Il suffit de rappeler que le traité instituant la communauté économique européenne est connu sous le nom de <a href="https://theconversation.com/1957-2017-que-reste-t-il-des-traites-de-rome-70791">« traité de Rome »</a>, ville où il fut signé le 25 mars 1957 par les chefs de gouvernements et ministres de six États : la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie. Or, selon l’accord de gouvernement, ce pays sera dirigé par un gouvernement eurosceptique et souverainiste.</p>
<p>Celui-ci ne se contentera sans doute pas de s’opposer à des réformes d’approfondissement de l’Europe, comme celles prônées <a href="https://theconversation.com/ou-en-est-le-desamour-des-francais-vis-a-vis-de-leurope-94264">au nom de la France par Emmanuel Macron</a>. Dans le droit fil de leurs programmes de campagnes électorales respectives, dorénavant consignés dans un contrat de gouvernement détaillé, il proposera très probablement une réforme de l’UE dans un sens souverainiste et populiste, en prétendant « redonner » (<em>sic</em>) leur pouvoir aux peuples européens, et par une politique migratoire xénophobe caractérisée par des objectifs d’expulsions à grande échelle.</p>
<p>Il l’est, ensuite, car l’Italie est la troisième économie de l’Union européenne. Or, les deux partis au pouvoir s’accordent sur la dénonciation démagogique de la gabegie des administrations publiques, tant nationales que locales et européenne, de la corruption et du népotisme. Ils prônent, l’un et l’autre, des baisses d’impôts et l’augmentation des retraites. Il s’agit aussi – après avoir critiqué les réformes dites structurelles, notamment du marché du travail, de réduction des déficits et de modernisation de l’État, entreprises par les précédents gouvernements italiens (Monti, Letta, Renzi et Gentilloni) – de revenir, notamment, sur le recul de l’âge de départ à la retraite.</p>
<p>À eux deux, le M5S et la Ligue séduisent une addition de personnes mécontentes ou inquiètes, à qui ils promettent beaucoup, sans se soucier des règles d’interdépendance qui lient les États membres de la zone euro partageant la même monnaie. La formation de ce gouvernement risque de remettre en cause les fondements de la gestion des finances publiques en Europe.</p>
<p>Certains se réjouiront d’une victoire qui affaiblit l’<a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2016-3-page-26.htm">ordolibéralisme</a> qui caractérise celle-ci. On peut tout aussi bien anticiper un affaiblissement de la capacité de l’État italien à se financer, et une reprise des tensions dans la zone euro : il n’est pas sûr que les citoyens visés par les promesses électorales des deux partis arrivés au pouvoir et qui aspirent à une baisse du chômage et à une augmentation de leur niveau de vie en retirent des bénéfices. Mais, selon le proverbe, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.</p>
<h2>La feinte du Mouvement 5 étoiles</h2>
<p>Ce tremblement de terre est-il une surprise ? Il est surtout une nouveauté radicale : il donnerait – et c’est le propre de la démocratie – une traduction institutionnelle et gouvernementale au séisme politique qui a déjà eu lieu avec les résultats des élections du 4 mars dernier. Dès le lendemain de ce scrutin, il était donc possible d’anticiper ce dénouement.</p>
<p>En effet, le M5S perdrait une grande part de sa crédibilité en s’associant avec un des partis classiquement au pouvoir ces vingt dernières années, comme le Parti démocrate de gauche, du gouvernement sortant, ou Forza Italia, dirigé par Silvio Berlusconi. Depuis son surgissement au début de l’actuelle décennie, le Mouvement 5 étoiles ne cesse de dénoncer la corruption et la vacuité des partis de gouvernements, caractérisées selon lui par le fait qu’ils trahissent, par nature, les électeurs qu’ils prétendent représenter.</p>
<p>Cette dénonciation de la trahison du peuple par les élites est au fondement de l’<a href="https://theconversation.com/des-racines-et-des-ailes-le-populisme-est-il-lavenir-des-peuples-72324">idéologie populiste</a>, dans sa variante de droite comme dans sa variante de gauche. Si le Mouvement 5 étoiles a pu laisser croire, un peu comme une feinte, qu’il ne refuserait pas d’envisager de discuter d’un programme de gouvernement avec le parti de gauche, c’était pour diviser un parti et une mouvance, la gauche de gouvernement, déjà très affaiblis par le résultat des élections. <a href="https://theconversation.com/referendum-en-italie-le-quitte-ou-double-de-matteo-renzi-69649">Matteo Renzi</a>, récent jeune et prometteur premier ministre, qui reste leur figure tutélaire mais controversée, a, depuis son aventin sénatorial, empêché ce processus de décomposition de sa famille politique.</p>
<p>Luigi di Maio avait, en revanche, exclu, durant ces deux mois, de négocier avec Forza Italia. Son mouvement, le M5S, est en effet parvenu à supplanter Forza Italia dans ses bastions du Mezzogiorno où celui-ci était lui même arrivé à chausser la botte de feu la Démocratie chrétienne dans les années 1990 et 2000.</p>
<h2>L’enterrement programmé de Forza Italia</h2>
<p>De son côté, la Lega, elle, est en passe de supplanter ce même Forza Italia dans ses bastions de la droite industrielle, bourgeoise et riche de l’Italie du Nord. Elle y a, notamment, séduit les milieux ouvriers et artisanaux d’aujourd’hui. De ce point de vue, l’alliance Lega et M5S enterrera Forza Italia et débarrassera l’Italie de l’hypothèque Berlusconi, le vieux « caïman », ainsi que l’avait consacré le film saisissant de Nani Moretti en 2006. C’était tentant. Voilà qui est en passe d’être fait.</p>
<p>Forza Italia a préféré s’y résoudre en feignant d’organiser ce mouvement qui le dépasse, selon le célèbre aphorisme de Lampedusa dans son roman <em>Le Guépard</em>. Relégué deuxième de la coalition dite de centre-droit avec moins de 15 % des voix, derrière la Ligue, il avait fait savoir la semaine dernière qu’il ne s’opposerait plus à des discussions directes entre celle-ci et le M5S, et qu’il pourrait envisager de soutenir ce gouvernement de coalition.</p>
<p>Dans le cadre de son alliance électorale du « centre-droit », Forza Italia avait d’ores et déjà accepté de radicaliser son programme de droite pour le rendre compatible avec la xénophobie et la dénonciation virulente de l’UE et des migrants portée par la Ligue.</p>
<h2>Une nouvelle synthèse idéologique à l’échelle européenne</h2>
<p>La concrétisation de cette coalition gouvernementale inédite parachèverait donc à l’échelle de l’Italie la formidable évolution qui est à l’œuvre en Europe depuis quelques années seulement. Une évolution que nous avons proposé de nommer « orbanisation de l’Europe », du nom de Viktor Orban, premier ministre de Hongrie depuis 2010.</p>
<p>L’orbanisation se caractérise par une nouvelle synthèse idéologique au sein de laquelle les doctrines et les pratiques gouvernementales des partis de la droite parlementaire et de gouvernement se fondent dans les doctrines des partis de droite radicale et extrême, qui se caractérisent par une pratique illibérale et souverainiste de la démocratie parlementaire.</p>
<p>En Hongrie, le parti de Viktor Orban incarne cette synthèse à lui seul ; il la met en œuvre au gouvernement depuis 2010 en ayant remporté trois élections législatives de rang (2010, 2014, 2018). Et ceci, tout en demeurant membre du Parti populaire européen, la grande fédération des partis conservateurs et démocrates-chrétiens, traditionnellement très favorable à la construction européenne et au libéralisme politique, et qui est aussi le groupe le plus nombreux au sein du Parlement européen.</p>
<p>La bénédiction donnée par un Silvio Berlusconi affaibli à l’alliance entre le M5S et la Lega témoigne de la vigueur et de la dynamique qui portent cette « orbanisation » de la vie politique européenne. À la fin de l’année 2017, elle a pris en Autriche le visage d’une alliance entre le parti autrichien membre du PPE, l’ÖVP (chrétien démocrate) et le parti d’extrême droite FPÖ, membre de l’ENL (Europe des nations et des libertés), qui regroupe au Parlement européen plusieurs partis d’extrême droite dont le Front national… et la Ligue.</p>
<h2>Une configuration inédite</h2>
<p>En Italie, l’<a href="https://theconversation.com/vers-lorbanisation-de-leurope-94993">orbanisation</a> est sur le point de prendre une forme bien plus nouvelle, puisqu’elle se réalise et se décline en marginalisant Forza Italia, le parti italien membre du PPE. L’Italie est ainsi, une de fois plus, un laboratoire politique européen, <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/l-italie-laboratoire-des-populismes">selon l’heureuse formule de Marc Lazar</a>. Cette fois-ci, s’y invente sous nos yeux une configuration inédite dans laquelle :</p>
<ul>
<li><p>des partis du courant protestataire et tribunicien, qui classiquement restent dans l’opposition, accèdent au pouvoir ;</p></li>
<li><p>cette accession se fait par exclusion ou marginalisation – sans alliance avec ceux-ci – des partis de gouvernement ;</p></li>
<li><p>les repères et les marqueurs idéologiques droite/gauche classiques sont brouillés et dénoncés comme dépassés ;</p></li>
<li><p>les dirigeants nouveaux prétendent que c’est le peuple qui accède directement au pouvoir à travers eux : un peuple (ici italien) pur, authentique, idéalement uni, et dont l’avènement va nécessairement de pair avec la dénonciation de groupes et de communautés qui le menaceraient – ici : les migrants, les étrangers, les musulmans, les Roms, les fonctionnaires, les assistés…</p></li>
</ul>
<p>Ce faisant, l’accord survenu entre le Mouvement cinq étoiles et la Ligue cristallise et donne un visage à des évolutions qui traversent l’ensemble des sociétés européennes, où elles s’y parent d’habits moins neufs.</p>
<h2>Le visage neuf de l’euroscepticisme</h2>
<p>Si cet accord a été jugé très improbable, c’est qu’il est en effet osé, et bien plus neuf, que l’<a href="https://theconversation.com/en-autriche-le-fpo-nen-a-pas-fini-avec-les-vieux-demons-du-passe-92805">alliance droite-extrême droite d’Autriche que dirige le chancelier Kurz</a>. Il est aussi, dès lors qu’il se matérialise au gouvernement, bien plus tourné vers le futur et les autres Européens que l’alliance d’une partie des conservateurs britanniques et du UKIP ayant plaidé victorieusement pour le Brexit. Pour cette raison, M5S et Lega pourraient mettre en œuvre un programme et une pratique de gouvernement plus radicalement inattendus.</p>
<p>Cet accord donne également un visage neuf, et jeune, à l’euroscepticisme. En cela aussi, le laboratoire italien participe de l’orbanisation de la vie politique en Europe. Viktor Orban prône, en effet, un nationalisme européen. Il s’agit d’une convergence des luttes souverainistes contre « l’islamisation des sociétés européennes » (<em>sic</em>). Il s’agit de rétablir la souveraineté des nations des États membres de l’UE sans sortir de celle-ci. L’UE peut, en effet, être détournée pour mettre en œuvre à l’échelle du territoire européen des politiques publiques qui promouvraient ce rétablissement des souverainetés nationales et cette protection de la civilisation européenne qu’il appelle de ses vœux. Ainsi, avant même de soumettre leur programme de coalition au Président Mattarella, la Lega et le M5S avaient déjà abandonné, respectivement, l’idée de sortir de l’euro, et, a fortiori, de l’UE.</p>
<p>En Hongrie, ce nationalisme européen va de pair avec une abrasion de l’État de droit, l’étouffement de l’indépendance économique des médias, le fait de favoriser des oligopoles et du népotisme – à tel point que Balint Magyar qualifie la politique des gouvernements Orban d’<a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/interview/la-hongrie-dorban-un-etat-mafieux/">État mafieux</a>.</p>
<p>En Italie, les deux partis populistes et xénophobes arrivés au pouvoir plaident pour un rajeunissement des élites, une reconnaissance de l’entrepreunariat et de l’initiative, l’horizontalité et l’initiative locale – versant soutien aux start-up, démocratie directe et revenu universel de citoyenneté pour le M5S, et version baisse des charges et des taxes et préférence nationale à tous les échelons pour la Lega.</p>
<p>Pour autant, quelles pratiques politiques déclineront concrètement l’objectif d’en finir avec la corruption et la « caste », selon le terme par lequel les populistes italiens désignent les cadres et les élus des partis de gouvernement qu’ils combattent ? C’est au nom d’objectifs similaires que les actuels gouvernements hongrois, polonais et tchèque s’en prennent aux juges, à la séparation des pouvoirs, ou aux hauts fonctionnaires et au pluralisme de la presse et des médias.</p>
<p>Les partis majoritaires dans ces trois pays se réclament de l’illibéralisme. <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=DEBA_099_0017">Fareed Zakaria</a> l’a caractérisé comme une doctrine qui sépare l’exercice de la démocratie représentative (multipartisme et compétition électorale), de l’État de droit (libertés constitutionnelles, séparation des pouvoirs et indépendance de chacun d’eux, liberté de la presse, respect des minorités…).</p>
<h2>L’Italie, après le Danemark</h2>
<p>Au vu de ce qui se passe en Italie depuis le 4 mars, on ne peut déjà plus faire comme si cette évolution majeure qu’est l’orbanisation caractérisait, avec la Hongrie et la Pologne, la seule ancienne « Europe de l’Est ». Déjà le Danemark propose le cas de figure d’un gouvernement de centre droit qui déroge à l’État de droit pour les ressortissants étrangers non citoyens de l’UE et qui envisage de le faire pour les habitants des zones sensibles qui commettraient des délits.</p>
<p>Dirigé par Laars Lokke Rasmussen, ce gouvernement de coalition de trois partis centristes libéraux et de droite doit sa majorité parlementaire au parti d’extrême droite arrivé deuxième aux élections de 2015, le Parti du peuple danois. Cette configuration témoigne d’une radicalisation de la droite danoise qui, devenue xénophobe, met en place des mesures bien éloignées du libéralisme politique dont elle se réclame depuis des décennies. L’historique parti libéral d’Allemagne, retourné dans l’opposition depuis les élections de 2012, connaît actuellement une trajectoire idéologique du même type.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/218844/original/file-20180514-100725-smam8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lars Loekke Rasmussen, le premier ministre danois.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/77/Danmarks_statsminister_Lars_Loekke_Rasmussen_pa_pressmote_vid_Nordiska_radets_session_i_Stockholm_2009_%284%29.jpg/1024px-Danmarks_statsminister_Lars_Loekke_Rasmussen_pa_pressmote_vid_Nordiska_radets_session_i_Stockholm_2009_%284%29.jpg">Johannes Jansson/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Partout en Europe les eurosceptiques et les illibéraux abandonnent leur posture tribunicienne et cherchent à accéder au pouvoir en se réclamant d’une autre façon de poursuivre l’entreprise européenne plutôt que d’en sortir. L’onde de choc du tremblement de terre politique italien, qui donne à cette orbanisation de l’UE une forte visibilité, ne fait que commencer à se faire sentir.</p>
<h2>Des tensions qui ne vont pas tarder</h2>
<p>Ce faisant, les contradictions et les tensions ne vont pas tarder à apparaître au sein même de cette onde de choc. Filons encore un instant la métaphore sismique : comme tout tremblement de terre, celui-ci court le long de différents plans de faille, et fracture le substrat en plusieurs blocs. L’extrême-droite associée au pouvoir au Danemark ou en Autriche ne verra pas d’un bon œil les coups de boutoir contre l’ordo libéralisme et le sérieux budgétaire annoncés, dès lors qu’elle se concrétisera, par la coalition gouvernementale antisystème italienne.</p>
<p>Cette coalition devra aussi négocier avec ceux de ses interlocuteurs économiques, patronaux et syndicaux, qui s’inquiéteront d’une possible reprise de l’inflation et de l’envolée des taux d’intérêt suite à la dégradation annoncée des finances publiques du pays.</p>
<p>Les deux partis antisystème ne pourront pour autant renoncer purement et simplement aux mesures de baisses des impôts et d’augmentation des allocations sociales gravées dans le marbre de leur contrat de gouvernement : leur crédibilité comme leur installation durable au pouvoir en dépendent. Mais, face à l’ouverture de plusieurs bras de fer sur ce terrain, ils devront, sinon lâcher du lest, toutefois passer des compromis, en étalant la réalisation de ces mesures dans le temps, ou en les ciblant.</p>
<p>Ils ont déjà fait marche arrière, la semaine dernière, sur leur exigence d’annulation partielle de la dette contractée par l’État italien auprès de la BCE. Ils y reviendront d’une façon ou d’une autre. L’histoire et le fonctionnement de la construction européenne nous enseignent que la vie politique de l’UE est faite de négociations permanentes et de compromis globaux – de package deal. C’est pourquoi il est probable que les mesures les plus immédiatement et les plus fortement visibles du gouvernement antisystème italien soient des mesures dites de politique migratoire.</p>
<p>C’est en effet dans ce domaine que la convergence des différentes extrêmes-droites européenne est la plus forte. De même, c’est dans ce domaine que la radicalisation de la droite de gouvernement et la colonisation de sa doctrine par l’idéologie d’extrême-droite est la plus avancée et, là encore, la plus répandue en Europe. « L’Italie » d’abord et « l’Italie aux Italiens » sont en effet deux des slogans forts de la Ligue, tandis que celui-ci et le M5S s’accordent sur une définition commune d’un peuple politique italien mythique et authentique. Ils partagent ceci avec les autres partis populistes et d’extrême-droite européens.</p>
<h2>Vers une européanisation de la xénophobie</h2>
<p>La suspension, partielle mais substantielle, depuis 2015, du franchissement des frontières intérieures à l’UE sans contrôle des papiers d’identité – ce qu’on appelle la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen – est le signal le plus tangible de cette évolution. Il est très probable que les premiers et les grands perdants, dans un délai très rapproché, de l’arrivée au pouvoir des populistes antisystème italien, seront les personnes étrangères et les ressortissants européens d’origine étrangère ou considérés comme tels. On peut certes, d’ores et déjà, anticiper une amplification des mobilisations de solidarité au sein des sociétés civiles, et des batailles sur le terrain juridique, notamment auprès de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) et de la CJUE (Cour de justice de l’UE).</p>
<p>Des gouvernements d’autres États membres de l’UE se déclareront choqués par l’expulsion sans ménagement de 600 000 étrangers et un durcissement sans précédent des conditions d’examen et de rétention des candidats à l’installation dans l’UE via l’Italie, l’une et l’autre prévue dans le programme de gouvernement annoncé. Mais il est très improbable que ces gouvernements fassent pression et mettent en œuvre des sanctions ou des mesures de contraintes pour les empêcher – ce qu’ils ne manqueront pas de faire dans le domaine de la monnaie et des comptes publics – quand bien même l’une et l’autre s’affranchiraient sans vergogne du droit européen. Le temps que CEDH et CJUE condamnent, ces actions auront déjà eu lieu, et il n’y aura pas moyen de revenir en arrière.</p>
<p>La première, et sans doute la plus durable, des conséquences en Europe, de l’arrivée au pouvoir du M5S et de la Ligue en Italie, sera probablement une européanisation de la xénophobie. Son pendant sera une inflexion xénophobe, voire raciste, des politiques publiques communautaires et nationales, dirigée de façon essentialiste contre les personnes originaires de familles ou de pays étrangers à l’UE, notamment les pays du monde arabo-musulman et d’Afrique sub saharienne, ainsi que contre les Roms, et, de façon larvée et ponctuelle, comme en Hongrie et en Pologne d’ores et déjà, contre les Juifs.</p>
<p>Avec l’avènement programmé en Italie d’un gouvernement antisystème animé, entre autres, par l’extrême droite, le front se durcit entre les deux Europes : celle d’un nationalisme rajeuni en nationalisme européen et celle d’un européisme renouvelé par son affirmation offensive d’une souveraineté européenne. La première s’inscrit dans le sillon des anti-Lumières, une tradition européenne, ancienne, bien documentée mais occultée depuis la défaite des fascismes et la dynamique de la construction européenne. La seconde s’inscrit dans une tradition tout aussi vivante qui, encore que plus que la doctrine libérale, est celle des Lumières, notamment sur leurs versants kantien et érasmien. La bataille des élections européennes 2019 sera décisive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96566/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une alliance contre-nature, mais conforme au message des électeurs, se met en place à la tête de l’Italie, rassemblant le Mouvement 5 étoiles et la Ligue.Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/966892018-05-15T21:03:59Z2018-05-15T21:03:59ZComment améliorer la compétitivité de la ligue 1 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219088/original/file-20180515-195321-1fafo02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C15%2C5184%2C3391&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Relancer la Ligue 1…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/34676801216/132c5956d1/">faneitzke on Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Plus de 1,153 milliard d'euros par an: c'est le prix des droits TV du Championnat de France pour la période 2020 - 2024, a annoncé la Ligue de football professionnel (LFP). Le grand gagnant de l'appel d'offres mardi est le groupe espagnol Mediapro. Retour sur les précédents appels d'offres et pistes de réflexion pour le futur.</p>
<h2>La France rattrape son retard par rapport aux grands européens</h2>
<p>Il faut dire que notre championnat avait accumulé un retard important avec ses concurrents européens. La ligue 1 n’était que 5<sup>e</sup> au classement économique : l’<a href="https://www.lequipe.fr/Medias/Actualites/La-premier-league-attribue-une-partie-des-droits-pour-2019-2022-et-commence-a-plafonner/875632">Angleterre, avec la Premier League, est valorisée à 2,3 milliards d’euros</a>. La liga espagnole suit derrière, avec 1,1 milliard et espère scorer à 1,3 milliard dès l’année prochaine. <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Allemagne-les-droits-tv-explosent/692413">Quasiment autant en Allemagne, où les droits de retransmission de la Bundesliga se négocient à 1,1 milliard</a>. Enfin, l’Italie ferme la marche avec une valeur estimée à 946 millions cette saison et qui devrait passer à 1,05 milliard en 2019.</p>
<p>Et à échelle internationale, c’est pire. La ligue 1, malgré l’arrivée de nombreux investisseurs étrangers, notamment le Qatar et ses pétro-dollars au Paris Saint-Germain, est bien moins prisée que les autres championnats européens.</p>
<p><a href="http://www.lfp.fr/corporate/article/les-droits-internationaux-de-la-ligue-1-attribues-a-bein-sports-de-2018-a-2024.htm">Les droits internationaux de la ligue 1 ont été négociés jusqu’en 2024 et n’ont été cédés qu’à 80 millions d’euros par an à la branche « monde » de Bein Sport</a> soit 13 fois moins que les droits de la Premier League (1,1 milliard), 7,5 fois moins que les droits de la Liga (<a href="https://www.ecofoot.fr/liga-suspension-vente-droitstv-internationaux-2463/">600 millions</a>) et 4,6 fois moins que le Calcio (371 millions). Quant à l’<a href="https://www.ecofoot.fr/bundesliga-droitstv-1029/">Allemagne, elle reste 3 fois supérieure à la France, à 240 millions d’euros</a>.</p>
<p>Le pays est donc un nain économique par rapport à ses concurrents et cela se voit au palmarès. Malgré Marseille finaliste de l’Europa League cette saison, le pays n’a remporté qu’une seule fois la ligue des Champions, en 1993 avec Marseille, et une coupe des vainqueurs de coupe, en 1996 avec le Paris Saint-Germain.</p>
<p>Alors que les Anglais, les Espagnols, les Italiens et les Allemands parviennent à truster les premières places, à accumuler les trophées majeurs et à attirer des fans aux quatre coins du globe, nous restons sur le côté de la route et n’arrivons pas à avancer aussi vite que nous le voudrions.</p>
<p>Que faudrait-il faire alors ? Comment pourrions-nous renforcer la compétitivité de la ligue et améliorer l’attractivité de notre championnat ? N’existerait-il pas des solutions pour soutenir notre réputation, notre notoriété, et parvenir à rattraper le retard qui nous sépare du « big-four » ?</p>
<h2>S’affirmer sur les nouveaux continents</h2>
<p>C’était l’un des objectifs de la LFP dès la <a href="http://www.lfp.fr/corporate/article/presentation-du-plan-strategique-de-la-lfp.htm">nomination de Nathalie Boy de la Tour et de Didier Quillot, respectivement présidente de la ligue et directeur général exécutif</a> : booster la réputation de la France à travers le monde.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219092/original/file-20180515-195321-1rwzuuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nathalie Boy de La Tour, présidente de la LFP.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un plan, présenté en avril 2017, visait à « valoriser le football professionnel français à l’international », « mieux connaître et servir les clients pour augmenter les revenus matchday et merchandisiing » et « développer les relations avec les entreprises, les investisseurs et l’UEFA ». Cela s’est traduit notamment par l’ouverture d’un bureau à Pékin, en Chine, afin de multiplier les échanges avec les autorités locales et parvenir à faire connaître la ligue 1 en Asie, territoire en pleine expansion footballistique.</p>
<p><a href="http://rmcsport.bfmtv.com/football/ligue-1-multiplex-le-dimanche-affiche-le-samedi-soir-les-horaires-vont-changer-1429736.html">A cela se rajoute la modification organisationnelle du championnat</a>, avec la fin du multiplex le samedi soir à 20h, préféré le dimanche après-midi à 15h, et une affiche fixée le même jour, à 13h. Quel intérêt ? Jouer sur le décalage horaire et diffuser les matchs français en prime time à la télévision en Asie.</p>
<p>Avec 6 heures en plus, le match à 13h en France aura lieu à 19h à Pékin, et le multiplex de 15h sera joué à 21h à l’Empire du Milieu. Imaginez l’audience lorsque des affiches PSG – Monaco ou Lyon – Marseille seront diffusées en prime time en Chine, avec un potentiel de 1,6 milliard de téléspectateurs ?</p>
<p>Cela insufflera très certainement un regain de notoriété et donc une valorisation économique certaine.</p>
<h2>Soutenir l’équité sportive et l’intensité compétitive</h2>
<p>Si la France ne gagne pas autant de titres européens qu’elle le souhaiterait, cela est peut-être dû au manque de compétitivité sportive de son championnat. Par exemple, au soir de l’élimination du PSG face au Real Madrid, en huitièmes de finale de Ligue des Champions, le milieu <a href="https://bit.ly/2Kr9dNA">Adrien Rabiot</a> avait expliqué que cet échec s’expliquait par le manque d’intensité de la ligue 1.</p>
<blockquote>
<p>« Le problème, c’est que c’est facile d’en mettre huit à Dijon, quatre ou cinq en championnat, mais c’est dans ces matchs-là qu’il faut être décisif. »</p>
</blockquote>
<p>Exactement comme Jean‑Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais, <a href="https://www.ecofoot.fr/edito-concurrence-football-2936/">qui déclarait</a> en 2007, au soir d’une élimination en coupe d’Europe, que « la Ligue 1 manquait de locomotives. […] Sans concurrence, on ne peut pas avancer ».</p>
<p>Tant pour le suspense, l’audimat, l’intérêt que pour la performance, il conviendrait donc de renforcer l’équité sportive et l’intensité compétitive. Autrement dit, mettre des bâtons dans les roues des puissants et faire en sorte que tout le monde puisse battre tout le monde, garantir une « randomisation du champion ».</p>
<p>Et comment faire ? La science économique apporte de nombreux outils à ce niveau-là, déjà existant dans les sports américains : le salary-cap, la luxury-tax, la contribution Coubertobin, l’égalisation des droits TV, les quotas de formations, etc. Outre-Atlantique, le championnat de hockey sur glace, par exemple, est considéré comme le championnat le plus incertain et aléatoire au monde.</p>
<h2>Se différencier du reste de l’Europe</h2>
<p>Et si notre retard avec le big-four était tel que la solution ne pourrait pas être économique ? Si l’issue passait par une autre tonalité ? Pourquoi, par exemple, ne pas faire de la France le championnat de la nouveauté et de l’expérimentation ? Cela serait une solution pour faire parler de nous et grandir médiatiquement.</p>
<p>En 1968, les Américains, avec la NASL, avaient eu comme ambition de faire aimer le ballon rond à un public de néophytes. Ils organisèrent alors un championnat avec des règles très spécifiques mais très marquantes : l’impossibilité de match nul, <a href="http://www.sofoot.com/une-seance-de-tirs-au-but-a-l-americaine-en-afrique-du-sud-434964.html">des tirs au but organisés comme en hockey</a>, une simplification de la règle du hors-jeu, des remplacements supplémentaires, etc. (tout est raconté dans mon livre <em>Pourquoi les tirs au but devraient être tirés avant la prolongation</em>, Éditions le Bord de l’Eau)</p>
<p>On pourrait donc faire de la France le pays de l’innovation, tester et expérimenter de nouvelles règles comme les points de bonus offensif et défensif, la fin des matchs nuls et l’organisation automatique de tirs au but, le changement de l’ordre de passage (<a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Uefa-une-nouvelle-formule-de-tirs-au-but-plus-egalitaire-va-etre-testee-par-les-u17/797845">du connu ABAB au ABBA voire au mystérieux ABBA BAAB</a>), l’introduction du carton blanc, le droit à un quatrième remplacement voire, comme le désire Raymond Domenech, des remplacements illimités, etc.</p>
<p>Ces nouveautés attireront un nouveau public, de nouveaux investisseurs, de nouveaux annonceurs et insuffleront, très certainement, une croissance économique non-négligeable. Ne reste plus qu’à enclencher le changement !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Rondeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Soutenir l’équité sportive et l’intensité compétitive, se différencier du reste de l’Europe : quelques pistes pour redonner du lustre à la Ligue 1.Pierre Rondeau, Professeur d'économie, Sports Management SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928992018-03-05T20:53:57Z2018-03-05T20:53:57ZEn Italie, laboratoire et avant-garde du scénario d’une coalition contre-nature<p>Ecco ! En Italie, la table étant renversée, on est parti pour des semaines de négociation entre les partis pour trouver un nouveau gouvernement. Mais les choses pourraient aller plus vite qu’on ne le pense. En effet, les deux partis arrivés en tête sont deux des partis anti-système : la Lega d’extrême droite (ex-Ligue du Nord) que dirige Salvini et le Mouvement 5 Étoiles (M5S), libertaire et populiste, ni de droite ni de gauche, emmené par Luigi di Maio.</p>
<p>Le président de la République, Sergio Mattarella, demandera nécessairement à un de ces deux-là d’entamer les consultations pour former un gouvernement. Le M5S est de loin le premier parti d’Italie avec un tiers des voix. Mais, avec près de 18 % des suffrages, la Lega est le premier des trois partis de la coalition dite du centre droit arrivée en tête.</p>
<p>Bien qu’ils s’en défendent et qu’ils soient en très forte concurrence, ces deux partis pourraient converger vers un accord de gouvernement. Pourquoi ?</p>
<h2>Sus à Forza Italia !</h2>
<p>Le M5S perdrait une grande part de sa crédibilité s’il s’associait avec un des partis classiquement au pouvoir depuis des décennies, comme le Parti démocrate de gauche, du gouvernement sortant, qui s’est effondré, ou Forza Italia. D’autant que son mouvement a supplanté Forza Italia, le parti de droite de Berlusconi, arrivé deuxième de la coalition de centre droit, dans ses bastions du Mezzogiorno où il est parvenu à chausser la botte de feue la Démocratie Chrétienne.</p>
<p>La Lega, elle, est en passe de supplanter ce même Forza Italia dans ses bastions de la droite industrielle, bourgeoise et riche de l’Italie du Nord. De ce point de vue, une alliance Lega et M5S enterrerait Forza Italia et débarrasserait l’Italie de l’hypothèque Berlusconi, le vieux caïman. C’est tentant.</p>
<p>S’agissant du programme, de nombreux points opposent les deux partis. Ainsi, la Lega, longtemps très critique envers la redistribution vers le Mezzogiorno des richesses produites dans les régions du Nord, ne partage pas du tout la philosophie du revenu d'assistance universel du M5S qui a tant séduit la jeunesse au chômage du sud de l'Italie. Mais ils pourraient se retrouver sur une durée déterminée sur l’essentiel : la réforme de l’UE dans un sens souverainiste et une politique migratoire xénophobe caractérisée par des expulsions à grande échelle. Ils ont également en commun la dénonciation démagogique de la gabegie des administrations publiques, tant nationales que locales, de la corruption et du népotisme. Ils prônent l’un et l’autre des baisses d’impôts et l’augmentation des retraites. A eux deux, ils séduisent une addition de mécontentements.</p>
<h2>Une alliance improbable mais tentante</h2>
<p>Cette coalition est improbable. Dans un premier temps, chacun des deux mouvements jurera ses grands dieux qu’elle n’est pas une option. Le temps de laisser l’hypothèse s’installer dans l’opinion. Cette coalition serait, d’une certaine façon, révolutionnaire. Osée. Bien plus neuve, et tout aussi radicale, que l’alliance droite-extrême droite qui vient de se mettre en place en Autriche. Bien plus tournée vers le futur que l’alliance d’une partie des conservateurs britanniques avec Ukip, qui a plaidé victorieusement en faveur du Brexit.</p>
<p>Elle donnerait un visage neuf, et jeune, à l’euroscepticisme en prônant un souverainisme mou et un nationalisme européen. C’est déjà ce que fait Viktor Orban en Hongrie ; mais son nationalisme européen à lui enracine un illibéralisme, de l’oligarchie, des oligopoles et du népotisme, quand les deux partis populistes et xénophobes italiens plaident pour un rajeunissement des élites, une reconnaissance de l’entrepreunariat et de l’initiative, l’horizontalité et l’initiative locale – versant start-up pour le M5S, et version autorité à tous les échelons pour la Lega.</p>
<p>Enfin, à eux deux, ces deux mouvements arrivés en tête auraient la majorité des sièges dans les deux chambres – une coalition à deux, même pour une durée déterminée, simplifierait considérablement l’exercice de formation d’un gouvernement, tout en renversant toutes les quilles de l’Europe tel un coup gagnant au bowling de Bruxelles.</p>
<p>Contre-nature, certes, mais tentant, non ? Une fois encore l’Italie serait le laboratoire et l’avant garde des évolutions politiques en Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bien qu’ils s’en défendent et qu’ils soient en très forte concurrence, le M5S et la Ligue du Nord pourraient converger vers un accord de gouvernement. Pourquoi ?Sylvain Kahn, Professeur agrégé, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.