tag:theconversation.com,2011:/global/topics/licence-26695/articleslicence – The Conversation2020-07-15T17:45:25Ztag:theconversation.com,2011:article/1427382020-07-15T17:45:25Z2020-07-15T17:45:25ZRéussite aux examens post-Covid : des résultats trop beaux pour être vrais ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347623/original/file-20200715-31-n552bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C14%2C1853%2C1063&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au baccalauréat, « les résultats n’ont jamais été aussi élevés ». La réussite a augmenté de près de 8 % en 2020, s’élevant à 95,7 %. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/graduating-students-pupil-hands-gown-throwing-1478874752">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Au bout d’une année scolaire bouleversée par le Covid-19, on ne peut qu’être frappé par l’importance de la progression de la réussite aux examens. Le phénomène touche autant l’enseignement secondaire que l’enseignement supérieur. En fin de première année universitaire, les taux de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/06/des-taux-de-reussite-exceptionnels-lors-des-partiels-dans-les-universites_6045289_3224.html">réussite en licence</a> sont « exceptionnels ». On constate des progressions de 10 à 12 % par rapport à 2019.</p>
<p>Pour le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/07/bac-2020-91-5-d-admis-avant-rattrapage-un-taux-de-reussite-exceptionnel-apres-un-examen-bouleverse-par-la-crise-liee-au-covid-19_6045516_3224.html">baccalauréat</a>, « les résultats n’ont jamais été aussi élevés ». La réussite a augmenté de près de 8 %, en s’élevant à 95,7 %. Pour ce <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2020/07/08/record-absolu-de-reussite-pour-le-bac-option-covid_6045543_1473685.html">« bac option Covid »</a>, il y a bien eu un « effet bonus ». Quelle lecture peut-on faire de cette étonnante progression : faut-il s’en réjouir, ou s’en attrister ? Les examens n’auraient-ils pas été bradés ?</p>
<p>On peut tenter une réponse à travers trois questions. Tout d’abord, de tels taux de réussite ne signifient-ils pas que les examens de 2020 ne sont pas fiables ? Mais comment apprécier la <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782804168735-faut-il-avoir-peur-de-l-evaluation">fiabilité d’un examen</a> ? On peut lui « faire confiance », pour l’essentiel, si sa validité est importante, c’est-à-dire s’il « mesure » bien ce qu’il est censé mesurer.</p>
<h2>Absence de fiabilité ?</h2>
<p>La première condition pour que des examens soient valides est qu’ils se focalisent bien sur les savoirs ou les compétences visés par les enseignements. De ce point de vue, il n’y a pas de raison que les évaluateurs post-Covid aient malencontreusement, et significativement, proposé, tant dans l’évaluation au quotidien (contrôle continu pour le bac), qu’à l’occasion d’épreuves spécifiques (partiels universitaires), des épreuves qui n’auraient pas été centrées sur les cibles adéquates.</p>
<p>Mais la validité pourrait s’apprécier aussi par des critères de surface. La hauteur du taux de réussite pourrait en être un. Que vaut un examen qui admet (pratiquement) tous les candidats ? Le diplôme n’est-il pas alors dévalorisé ?</p>
<p>Toutefois, on peut se demander en quoi un taux peu élevé serait le signe indiscutable d’une plus grande validité. Qu’est-ce qui garantit que le bac de 1967, avec 61 % de réussite, était plus valide que celui de 2017, avec ses 87,9 % ? Dans l’absolu, rien. On pourra alors dire, soit que le bac 2020 n’était pas assez sévère. Soit qu’il ne fait qu’enregistrer le fait que le niveau monte ! Pour un examen, le concept de « sévérité » n’a qu’une pertinence sociale, et non scientifique.</p>
<h2>Excès de bienveillance ?</h2>
<p>Surgit alors une autre question : les conditions d’enseignement et d’évaluation très particulières de l’année 2020 auraient-elles poussé les examinateurs à être excessivement bienveillants ? Taraudés par le regret de n’avoir pu enseigner de façon satisfaisante pendant la période de confinement, et soucieux, dans un louable souci d’équité, de ne pas léser les candidats, certains peuvent supposer que les examinateurs, plus ou moins consciemment, auraient fait preuve d’une bienveillance finalement condamnable.</p>
<p>Il est clair que, pour le bac, le recours à une <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/12/23122015Article635864491598740887.aspx">évaluation</a> continue, qui plus est limitée à deux trimestres, pouvait s’avérer propice à un double biais. Une attitude générale de bienveillance (sujets pas trop difficiles, exigences en baisse) aurait accompagné naturellement la tentation de donner un coup de pouce à des élèves que l’on connaissait (trop) bien. Si bien que le diplôme aurait été trop généreusement accordé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247913796926148608"}"></div></p>
<p>Certes, dans plusieurs cas, la généreuse bienveillance a pu se transformer en indulgence fâcheuse, débouchant sur des « arrangements » condamnables. Mais, d’une part, des procédures d’harmonisation, voire de redressement, des notes, ont heureusement contribué à corriger les effets de cette dérive. Et surtout, d’autre part, faut-il suspecter la majorité des enseignants-examinateurs d’un déplorable laxisme ? L’hypothèse d’une complaisance généralisée exigerait d’être étayée par une enquête solide. D’autant plus que l’on voit mal un corps enseignant plutôt rebelle exécuter massivement, et sans broncher, de très hypothétiques consignes ministérielles.</p>
<h2>Risque de vague submersive ?</h2>
<p>Ne peut-on pas alors juger ces résultats trop bons d’un troisième point de vue, celui de la capacité d’absorption des structures éducatives suivantes ? Le risque d’être submergé par la vague des nouveaux arrivants est déjà perçu, à l’université. En STAPS, par exemple, à Caen, on craint d’être « totalement débordés » par la hausse sans précédent (33 % !) des effectifs de deuxième année de licence, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/06/des-taux-de-reussite-exceptionnels-lors-des-partiels-dans-les-universites_6045289_3224.html">témoigne un enseignant</a> dans <em>Le Monde</em>.</p>
<p>Le risque est encore plus évident pour les nouveaux bacheliers. Y aura-t-il de la place pour tous dans le supérieur ? Dans les deux cas, une réussite trop généreuse pourrait signifier qu’on laisse entrer sur le « marché » de la poursuite d’études un nombre important d’individus ayant moins de chances de réussir l’année suivante. On ne ferait que repousser l’échec d’une année.</p>
<p>Toutefois, il n’y a alors qu’un problème, certes important, mais nullement insoluble, de moyens. Et une forte réussite ne peut nullement être considérée, en soi, comme excessive. De la même façon qu’il n’y a pas de niveau de réussite, en soi, optimal, sauf à considérer que tel pourcentage d’individus est condamné à l’échec. De même enfin qu’il n’est pas déraisonnable de faire confiance à ceux à qui on attribue un diplôme, en pariant sur leur réussite future.</p>
<p>Finalement, le plus étonnant ne serait-il pas, en cette affaire, que l’on s’étonnât d’un taux de réussite élevé ? Après tout, ne devrait-on pas toujours viser, et espérer, 100 % de réussite ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142738/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi s'étonne-t-on toujours face à des résultats d'examens élevés ? Après tout, ne devrait-on pas toujours viser, et espérer, 100 % de réussite ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1393482020-05-27T18:16:10Z2020-05-27T18:16:10ZTravail à distance : cinq bonnes pratiques à emprunter au développement « open source »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337373/original/file-20200525-106853-1b4nzzk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1235%2C689&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un logiciel est dit « open source » si son code source est ouvert et partagé permettant ainsi la contribution de nombreux utilisateurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/programmer-working-on-computer-office-typing-1613443987">TheCorgi / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’épidémie de Covid-19 a forcé les organisations à proposer du travail à distance à tous les salariés pour lesquels l’activité s’y prête. Il ne s’agissait donc plus de télétravailler <a href="https://archives-rfg.revuesonline.com/article.jsp?articleId=19268">sur une partie</a> de l’activité, mais de basculer toute l’activité et notamment toutes les activités collaboratives de ces salariés isolés par le confinement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337560/original/file-20200526-106811-1q8yxsr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De la collaboration réelle à la collaboration virtuelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">instagram/@florence.trs</span></span>
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<p>Dans le même temps, le <a href="http://theconversation.com/comment-le-coronavirus-a-reveille-lintelligence-collective-mondiale-135465">besoin d’intelligence collective</a> s’est accentué pour lutter contre ce virus et trouver rapidement des solutions innovantes. Des collectifs composés d’institutionnels, d’entreprises, de chercheurs d’universités, d’hôpitaux et d’organisations non gouvernementales ainsi que des bénévoles se sont rassemblés autour de projets destinés à répondre à la pandémie.</p>
<p>La problématique a donc été d’arriver à mobiliser plus d’intelligence collective en interne et en externe avec des partenaires d’innovation alors que la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/S15327051HCI1523_4">dématérialisation des échanges</a> rendait la collaboration plus difficile.</p>
<p>Le monde du logiciel open source, qui fonctionne de façon mondialisée et dématérialisée depuis plus de 25 ans, a une grande expérience du travail collaboratif à distance.</p>
<p>La majorité des logiciels, en particulier Linux, sont construits sur la base de composants ayant été conçus <a href="https://archives-rfg.revuesonline.com/article.jsp?articleId=1979">collaborativement à distance</a>. L’open source donne ainsi des <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-teletravail-pourquoi-ne-pas-s-inspirer-de-l-open-source-78486.html">clés pour adapter le travail à distance des organisations</a> et favoriser des <a href="http://theconversation.com/expert-conversation-using-open-source-drug-discovery-to-help-treat-neglected-diseases-79318">avancées médicales</a>.</p>
<h2>Un processus de codéveloppement</h2>
<p>L’open source est d’abord une <a href="https://opensource.org/docs/osd">philosophie</a> définie par l’ouverture et le partage du code source du logiciel. Plusieurs licences existent mais le système emblématique de <a href="http://rfg.revuesonline.com/article.jsp?articleId=15861">protection des logiciels</a> est le « copyleft » : le propriétaire du code source accorde à ceux qui le souhaitent les droits d’exécuter le code, de le consulter, de le modifier et de le distribuer, suivant les caractéristiques des licences choisies. Cela s’oppose au copyright qui est le droit de propriété classique.</p>
<p>La communauté open source fournit des <a href="https://opensource.guide/fr/">guides</a> aux individus et organisations qui souhaitent se lancer. Mais il s’agit surtout d’une organisation différente du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840606067250">processus d’innovation</a>, qui mutualise les développements, via un codéveloppement avec des communautés de projet et des licences spécifiques.</p>
<p>La même philosophie peut être appliquée en dehors de l’informatique, par exemple avec des <a href="http://openhardware.metajnl.com/articles/10.5334/joh.4/">partages de plans ouverts</a> pour une fabrication <a href="https://arxiv.org/abs/1702.08072">distribuée par imprimantes 3D</a>. Face à l’épidémie, plusieurs <a href="https://f1000research.com/articles/9-218/v2">entreprises industrielles</a>, comme <a href="https://www.isinnova.it/easy-covid19-eng/">Decathlon</a> et <a href="https://techcrunch.com/2020/03/30/medtronic-is-sharing-its-portable-ventilator-design-specifications-and-code-for-free-to-all/">Medtronics</a> dont on a beaucoup parlé, se sont inspirées de ces pratiques et ont rendu disponibles les plans de respirateurs, ventilateurs et masques nécessaires dans les hôpitaux.</p>
<p>Autre exemple, le partage de la <a href="https://www.who.int/gpsc/5may/tools/system_change/guide_production_locale_produit_hydro_alcoolique.pdf">recette</a> de la solution hydroalcoolique par le biais de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour accélérer et massifier sa diffusion.</p>
<p>Ces pratiques s’inscrivent dans une démarche open source bien qu’elles n’intègrent pas toute sa puissance, notamment en matière de création continue de connaissance.</p>
<p>Les pratiques open source rassemblent, sur une base de volontariat, des utilisateurs sur toute la planète, qui le plus souvent ne se voient jamais, et qui contribuent si et quand ils le souhaitent. Les fondateurs et animateurs de ces communautés ont donc appris comment faire pour les motiver et rendre leur travail collaboratif à distance efficace, afin d’obtenir des projets en amélioration rapide et continue.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337561/original/file-20200526-106828-noose6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le fonctionnement de l’innovation open source, à travers le cas des ventilateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">instagram/@florence.trs</span></span>
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<p>Pour comprendre le fonctionnement en mode collaboratif à distance des organisations qui utilisent l’open source et les bonnes pratiques mises en place, nous avons interrogé seize experts, chercheurs, dirigeants d’entreprises et animateurs de communautés open source.</p>
<h2>Cinq bonnes pratiques à adopter</h2>
<p>Pour nos experts, la « voie de l’open source » permet de faciliter la diffusion, de favoriser la coopération et de créer de la connaissance très rapidement et de façon ordonnée. La fabrication est distribuée, réalisée là où les organisations en ont besoin.</p>
<p>Les organisations (entreprises, universités, communautés de projets open source, etc.) qui la mettent en place ont les caractéristiques suivantes.</p>
<ul>
<li><strong>Elles donnent une place essentielle à la communication</strong>. Leurs dirigeants, avec souvent un leader incarné, passent beaucoup de temps à expliquer ce qu’ils font. Pour cela, elles développent une feuille de route ou « roadmap » stratégique, à la fois collaborative et précise, afin que les objectifs soient clairs, compris et partagés par tous. Une roadmap est une technique de planification de la stratégie qui définit les objectifs à court et à moyen terme, très utilisée par les communautés de projet open source. Elles proposent des projets utiles qui intéressent leurs contributeurs potentiels. Elles permettent aux personnes de contribuer en assurant l’accès aux sources, c’est-à-dire la transparence de l’information.</li>
</ul>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337388/original/file-20200525-106819-8ydgij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le symbole du copyleft, avec un C réfléchi (ouvert à gauche), à l’inverse du copyright (C ouvert à droite).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Copyleft.svg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p><strong>Elles reconnaissent les apports de chacun à travers plusieurs éléments</strong>. Tout d’abord nous pouvons évoquer le système de copyleft assorti de la précaution « use it at your own risk » (utilisation sous la responsabilité de l’utilisateur). Par le copyleft, chacun peut savoir qui est à l’origine d’un composant open source et de sa dernière modification. Cette méthode fait partie intégrante des licences copyleft open source. Il y a également les <a href="https://www.atlassian.com/fr/git/tutorials/making-a-pull-request">« pull requests »</a> c’est-à-dire la communication d’une intention de modifier un composant open source. Les réponses données dans les forums sont autant d’occasion pour que les expertises de chacun soient reconnus, ce qui <a href="http://doi.wiley.com/10.1111/j.2044-8309.2012.02105.x">renforce</a> alors les activités collaboratives.</p></li>
<li><p><strong>Elles décomposent les tâches en modules</strong>. Ceci permet l’<a href="https://pdfs.semanticscholar.org/9024/c4a950bfd4062675e5351cfa1aaa8a2e4aa8.pdf">« open superposition »</a> de microtâches, et cela facilite ainsi la participation des individus ainsi que l’intégration des innovations apportées par chacun. Comme les tâches ont été découpées, elles peuvent être confiées à de multiples personnes. Les méthodologies et outils de l’open source leur permettent d’agir de façon asynchrone sur ces tâches ; les micro-innovations sont alors superposées. La modularité permet aussi de distinguer ce qui est générique de ce qui est spécifique à chaque entreprise, et de partager de façon totalement ouverte ce qui est générique.</p></li>
<li><p><strong>Elles mettent en place de nombreux dispositifs de collaboration</strong>. Il est alors possible de travailler de manière synchrone et asynchrone à distance grâce à des méthodologies, des documentations, des outils de suivi des versions, de tests et d’intégration des innovations proposées. Ces organisations adoptent également des principes collaboratifs sous forme de codes de conduite pour favoriser l’inclusion, par exemple le <a href="https://www.kernel.org/doc/html/latest/process/code-of-conduct.html">« Linux code of conduct »</a> (code de conduite Linux).</p></li>
<li><p><strong>Elles innovent en matière économique</strong>. Elles fondent leurs <a href="https://archives-rfg.revuesonline.com/article.jsp?articleId=11599">modèles économiques</a> éventuels sur de la double licence et sur des services de maintenance et de personnalisation de composants open source en perpétuelle évolution.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337562/original/file-20200526-106842-topn0w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les cinq bonnes pratiques de l’innovation open source.</span>
<span class="attribution"><span class="source">instagram/@florence.trs</span></span>
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<p>À ce jour, l’open source constitue l’innovation organisationnelle la plus à même de répondre aux exigences collaboratives du travail à distance. Elle facilite la diffusion et la coopération, et permet d’accélérer la création de connaissances.</p>
<p>Pour les chercheurs en médecine, il s’agit donc désormais de basculer vers de l’« open science » et ainsi de créer de meilleurs conditions et outils de lutte contre le Covid-19. Cette nécessité d’une recherche ouverte et collaborative vaut d’ailleurs tout autant pour les chercheurs en management.</p>
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<p><em>Cet article a été élaboré suite à un appel à contributions flash de la Revue française de gestion dans le contexte de la crise sanitaire engendré par la pandémie de Covid-19.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La crise sanitaire a démontré la nécessité de mettre en place des processus de développement ouverts et distribués déjà à l’œuvre depuis 25 ans dans le monde du logiciel.Kiane Goudarzi, Professeur des Universités, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Veronique Sanguinetti Toudoire, Enseignante chercheuse, Université Polytechnique des Hauts-de-FranceVincent Chauvet, Professeur des Universités, Université de ToulonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1393312020-05-27T18:15:40Z2020-05-27T18:15:40ZD’un laboratoire universitaire à 40 millions d’utilisateurs, l’aventure d’un logiciel libre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337627/original/file-20200526-106836-1dcxmwr.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C326%2C1024%2C559&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une représentation graphique de dépendances dans des problèmes « SAT » </span> <span class="attribution"><span class="source">Daniel Le Berre</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le numérique est devenu un outil indispensable de la science et l’accès aux programmes informatiques est un enjeu important. Pour la <a href="https://theconversation.com/reproduire-un-resultat-scientifique-plus-facile-a-dire-qua-faire-129848">reproductibilité de la recherche</a> bien sûr, mais plus encore pour diffuser des informations, des « détails », que l’on trouve <a href="https://paperswithcode.com">rarement</a> dans les articles scientifiques eux-mêmes.</p>
<p>Les logiciels ont pour particularité d’être exploitables sans en comprendre tous les détails s’ils sont suffisamment bien conçus, à la différence des articles scientifiques. On peut considérer qu’il s’agit de « connaissances exécutables ». Leur diffusion en dehors des laboratoires a donc un potentiel d’impact important sur la société. Une autre particularité des logiciels est qu’ils évoluent, ne serait-ce que pour s’adapter à leur environnement qui évolue sans cesse. Comment permettre l’essaimage de ces outils uniques ?</p>
<h2>Les laboratoires de recherche créent des logiciels</h2>
<p>La complexité d’un logiciel varie : du script utilitaire (l’équivalent d’un marteau dans un atelier) à un environnement complet (l’atelier complet du forgeron, avec tous ses outils), en passant par des preuves de concept créées à l’occasion de master ou de thèses (les nouveaux outils, qui n’ont pas encore été optimisés et dont l’usage n’est pas encore répandu). Dans bien des cas, un code n’est pas initialement conçu pour perdurer ou être réutilisé… alors qu’il pourrait être utile à d’autres, et que sa diffusion pourrait avoir de la valeur.</p>
<p>Nombre de logiciels créés dans les laboratoires de recherche ne sont pas écrits par des spécialistes du développement logiciel, mais par les chercheurs eux-mêmes, quelle que soit leur spécialité. La priorité est alors d’écrire des programmes qui correspondent aux formules, algorithmes, processus, modèles qu’ils étudient, avant toute considération de génie logiciel. Ce qui caractérise ces logiciels, c’est la complexité du sujet traité : ce qu’ils font est généralement compréhensible des spécialistes uniquement. C’est ce qui rend difficile leur maintenance par une tierce personne.</p>
<p>Enfin, les logiciels développés dans le cadre d’un travail de recherche sont avant tout conçus pour être utilisés dans un environnement contrôlé : celui du laboratoire. De fait, leur utilisation dans un autre environnement peut s’avérer compliqué : matériel, système d’exploitation, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Compilateur">compilateurs</a> (qui permettent de passer du code source au code exécutable par la machine), fonctionnement dépendant de matériels ou de logiciels qu’on ne peut pas diffuser, etc.</p>
<h2>Les logiciels sont des outils qui évoluent sans cesse</h2>
<p>Un logiciel évolue, c’est dans sa nature. Si son périmètre fonctionnel ne change pas, il faudra l’adapter au fur et à mesure de sa diffusion à de nouveaux systèmes d’exploitation, nouvelles architectures, nouveaux compilateurs, etc. Mais aussi et surtout corriger les bugs trouvés lors de l’usage du logiciel dans un environnement différent de celui du laboratoire.</p>
<p>Idéalement, il faut aussi permettre aux utilisateurs de contacter les auteurs du logiciel : de la simple adresse mail à la liste de diffusion, du forum de discussion à un outil spécifique pour gérer les demandes d’évolution ou de correction du logiciel.</p>
<p>Pour mettre à disposition un logiciel, il faut déterminer les conditions d’utilisation, c’est-à-dire choisir une licence. Une des solutions pour partager l’effort de maintenance des logiciels de laboratoire est de choisir une licence libre, pour permettre à l’utilisateur d’adapter lui-même le logiciel a ses besoins.</p>
<h2>Les logiciels libres</h2>
<p>Les <a href="https://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html">logiciels libres</a> sont des logiciels pour lesquels le ré-utilisateur dispose de quatre droits fondamentaux : les utiliser, les étudier (leur code source), les modifier et les redistribuer. On trouve souvent des logiciels dont le code source est disponible dans le monde académique, mais pour un usage académique uniquement. Ce ne sont pas, par définition, des logiciels libres, qui sont libres pour tous.</p>
<p>Comme l’utilisation est libre pour tous, l’accès au logiciel est gratuit. Ce sont généralement les services autour du logiciel qui sont payants (le support, l’intégration, le développement de fonctionnalités spécifiques, etc.).</p>
<p>Comme un logiciel évolue, l’idéal est de diffuser à l’aide d’un dépôt de code dit « incrémental », qui permet de facilement comparer les différentes versions, et de les maintenir. Il existe actuellement bon nombre de solutions, appelées des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Forge_(informatique)">« forges »</a> permettant d’intégrer un dépôt incrémental de code, un système de gestion de tickets et des procédures de construction automatique du logiciel à partir de son code source. Ces forges facilitent l’échange de code entre développeurs à l’aide de propositions de modifications sur le dépôt de code. Ces contributions ne sont pas anodines et doivent être prises en compte dans la gestion de la <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2002_num_99_1_3021">propriété intellectuelle</a>.</p>
<p>En réalité, donner accès au code source d’un logiciel n’est généralement pas suffisant pour permettre son adoption : il faut idéalement disposer de tests automatiques (vérifier automatiquement que pour un certain nombre d’entrées, les sorties attendues sont obtenues) et d’un moyen simple de construire l’application à partir de son code source. C’est ce qui permet de vérifier qu’une modification du code n’entraîne pas de dysfonctionnement évident dans l’application, et, pour un futur utilisateur, de s’assurer qu’il aura la possibilité de maintenir lui-même le logiciel en cas de nécessité.</p>
<h2>Sat4j : d’un laboratoire universitaire à une utilisation indirecte massive par des développeurs</h2>
<p><a href="https://www.sat4j.org/">Sat4j</a> est une bibliothèque d’outils permettant de résoudre « le plus simple des problèmes difficiles », le problème SAT et ses variantes. Il s’agit d’un problème « pivot », qui permet de résoudre beaucoup d’autres problèmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ils-ne-savaient-pas-que-cetait-insoluble-alors-ils-lont-resolu-124624">Ils ne savaient pas que c’était insoluble, alors ils l’ont résolu</a>
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<p>Ces outils ne sont pas destinés au grand public, plutôt aux chercheurs, aux étudiants de master ou à des ingénieurs spécialisés. Contrairement aux autres outils développés dans la communauté scientifique orientés vers la performance pure – la vitesse de résolution des problèmes, Sat4j a été conçue dès le départ comme une brique réutilisable pour les utilisateurs du langage Java.</p>
<p>Sat4j <a href="https://sonarqube.ow2.org/dashboard?id=org.ow2.sat4j%3Aorg.ow2.sat4j.pom">comporte</a> actuellement 45 000 lignes de code et pratiquement 2900 tests automatiques. Sat4j a été développée initialement en 2004 par deux enseignants-chercheurs de l’université d’Artois, une « petite » université de 11 000 étudiants située dans le bassin minier, au sein du <a href="http://www.cril.univ-artois.fr">Centre de Recherche en Informatique de Lens</a>. Elle a été dès le départ conçue pour être réutilisable hors du monde académique, notamment en la diffusant sous une <a href="https://www.gnu.org/licenses/lgpl-3.0.en.html">licence libre permettant son utilisation dans tout type de logiciel</a>. Sat4j a été diffusée dès ses premières versions par le <a href="http://www.ow2.org/">consortium ObjectWeb</a> qui fournissait le dépôt de code, les listes de diffusion et la gestion de tickets nécessaire à son évolution.</p>
<p>En 2007, la plate-forme ouverte <a href="https://www.eclipse.org">Eclipse</a> cherchait une solution pour résoudre le problème de dépendances de ses greffons (ou <em>plugin</em>, en anglais). Eclipse est une plate-forme qui fournit et produit des outils pour réaliser des logiciels – elle est souvent utilisée comme base pour des outils développés par de grandes sociétés, comme IBM, Oracle ou SAP. Chaque module dépend d’autres modules, ou est incompatible avec d’autres. Quand on installe un « greffon », c’est-à-dire un ou plusieurs modules complémentaire, il faut veiller à respecter les dépendances et incompatibilités entre modules.</p>
<p>Il s’agit en fait de résoudre le problème SAT. Si les outils ad hoc développés initialement fonctionnaient correctement quand le nombre de greffons était réduit, le succès de la plate-forme a nécessité une refonte complète de la gestion des dépendances. La bibliothèque Sat4j a été sélectionnée car elle répondait au besoin fonctionnel d’Eclipse, était maintenue et parce que la licence a pu être adaptée pour les besoins d’Eclipse.</p>
<p>En juin 2008, Eclipse 3.4 sortait avec un nouveau système de gestion de ses greffons basé sur Sat4j. Un seul bug dans ce contexte a été trouvé dans la bibliothèque depuis (très rapidement, et corrigé dans la version de septembre 2008). L’intégration a été affinée pendant deux ans, avec notamment la mise en place d’un mécanisme d’explication quand l’installation d’un « greffon » n’est pas possible, dans le cadre d’un contrat avec la société Genuitec. En juin 2010, une « place de marché pour greffons » (un <em>app store</em> spécialisé pour développeurs informatiques) <a href="https://marketplace.eclipse.org">a été ouverte pour Eclipse</a> – basée sur Sat4j.</p>
<p>Toutes les installations de greffons sur ce marché se font à l’aide de Sat4j, soit plus de 40 millions d’installations à ce jour. C’est aussi le cas de toute mise à jour, toute installation manuelle dans Eclipse ou dans les logiciels basés sur Eclipse. Cependant, ce travail est caché. Pratiquement aucun utilisateur d’Eclipse ne connaît l’existence de Sat4j.</p>
<p>Si la dernière version officielle de Sat4j, intégrée dans Eclipse, est sortie il y a sept ans, la bibliothèque continue d’évoluer au fil de nos travaux de recherche.</p>
<p>Sat4j a dès le départ été développé à l’aide du logiciel libre Eclipse : un juste retour des choses, qui souligne le potentiel de co-construction des logiciels libres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte » publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, visitez le site <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Le Berre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Développés par une communauté pionnière du « libre » et de l’ouverture, les logiciels sont des outils bien particuliers en science. Le mode de diffusion peut faire la différence.Daniel Le Berre, Professeur en informatique, CRIL CNRS UMR 8188, Université d'ArtoisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1168562019-05-13T19:14:56Z2019-05-13T19:14:56ZÉtudes de santé : à qui profite la réforme de la première année ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273832/original/file-20190510-183109-bafkxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C904%2C550&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de places dans les cursus médicaux est par conséquent directement lié aux capacités d’encadrement de stagiaires dans les services hospitaliers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réforme des études de médecine fait partie des mesures phares du projet de loi <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/ma-sante-2022-un-engagement-collectif/article/ma-sante-2022-mise-en-oeuvre#Le-projet-de-loi-Ma-Sante-2022">« Ma santé 2022 »</a> qui devrait être adopté en juillet 2019. Son ambition est de favoriser une meilleure adéquation entre la formation des médecins et les besoins des populations. Parmi les différentes mesures, on trouve la suppression d’ici 2020 du numerus clausus et celle du concours organisé à la fin de la première année de médecine (mais aussi d’odontologie, pharmacie et sage-femme).</p>
<p>Voilà qui laisserait chaque université déterminer ses capacités d’accueil, « au regard des capacités de formation et des besoins des territoires ». Les étudiants se destinant à la médecine auront désormais plusieurs voies d’accès.</p>
<p>Certains s’inscriront à un « portail santé », en remplacement de l’actuelle première année commune aux études de santé (PACES), avec des enseignements pluridisciplinaires et un système d’évaluation revisité, privilégiant la réflexion à la mémorisation. D’autres opteront pour une licence dans la discipline de leur choix, doublée d’une « mineure santé » qui permettrait d’intégrer la filière santé à la fin de la deuxième ou de la troisième année.</p>
<p>Ce nouveau système, <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Reforme_des_etudes_de_Sante/56/2/Annexe_5_Bilan_experimentations_PACES_1050562.pdf">déjà expérimenté</a> dans seize universités depuis 2014, entend généraliser et institutionnaliser des passerelles entre le cursus de médecine et les licences universitaires. Son objectif est double : diversifier les formations et donc les profils des futurs médecins, mais aussi proposer une réorientation valorisante aux étudiants non-admis en médecine (représentant aujourd’hui environ 80 % des inscrits en première année).</p>
<h2>Une sélectivité incontournable</h2>
<p>Annoncées comme « révolutionnaires » en termes d’impact sur le système de santé, les nouvelles modalités d’accès aux études de médecine s’inscrivent pourtant dans la continuité des évolutions de ces dernières décennies. En effet, en dépit de l’existence formelle d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000853891">numerus clausus</a> fixé au niveau national, le nombre de places offertes en fin de la première année <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche11-3.pdf">n’a cessé d’augmenter</a> depuis le milieu des années 1990.</p>
<p>Répartie sur les quatre filières (médecine, odontologie, pharmacie et sage-femme), la hausse a été particulièrement marquée pour le nombre de places en médecine, passé de 3 500 en 1993 à 9 314 en 2019 (+166 %). Vu la structure des études médicales, la disparition du concours à la fin de la première année n’entraînera pas la fin de la sélectivité.</p>
<p>Depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886688">réforme Debré</a> de 1958, la formation des médecins est organisée autour des Centres hospitaliers universitaires (CHU), à la fois lieux de soins, d’enseignement et de recherche. Cela en fait une exception dans le paysage de l’enseignement supérieur français, qui, jusqu’à une époque récente, a nettement séparé enseignement, recherche et pratique professionnelle. </p>
<p>Les études de médecine sont en effet indissociables de la pratique clinique et de la recherche. Le nombre de places dans ces cursus est par conséquent directement lié aux capacités d’encadrement de stagiaires dans les services des établissements hospitaliers.</p>
<h2>Des réorientations facilitées</h2>
<p>Pour ce qui est de la diversification des parcours de formation initiale et du développement de nouvelles aptitudes, la réforme prolonge des réflexions anciennes pour répondre à des inquiétudes nouvelles. Dans un monde vieillissant et confronté à des bouleversements technologiques, l’intensification des attentes sociétales vis-à-vis de la médecine questionne de nouveau les contenus et les méthodes de formation des futurs professionnels. </p>
<p>Déjà, en 1973, le <a href="https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/debre.pdf">professeur Robert Debré</a> appelait de ses vœux une formation médicale mobilisant d’autres disciplines (santé publique, statistique, psychologie, économie, sociologie) et développant des compétences dans les domaines du médicament, de la présence, de la parole.</p>
<p>Plus récemment, dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/20180117-role-des-CHU.pdf">rapport</a> présenté au Sénat en 2017, la Cour des comptes réaffirmait la nécessaire intégration dans la formation médicale d’enseignements interdisciplinaires. L’association de savoirs et de compétences issues de traditions de recherche différentes, telles que les sciences de l’ingénieur, la philosophie et les sciences de l’environnement, est considérée comme indispensable pour outiller les professionnels de santé face aux évolutions des métiers et pour préparer « la médecine de demain ».</p>
<p>Plus que le système de santé, c’est sans doute l’enseignement supérieur français qui peut tirer profit de cette réforme. Les passerelles et les dispositifs de réorientation cherchent à retenir les étudiants au sein d’un même établissement, redonnant ainsi une nouvelle attractivité aux licences universitaires.</p>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2010-2-page-71.htm">désaffection</a> des bacheliers, notamment ceux qui ont les meilleurs résultats au bac, pour les licences universitaires au profit des classes préparatoires aux grandes écoles ou des établissements privés s’accentue depuis vingt ans. C’est dans le même esprit que peut être comprise la politique récente d’« universitarisation des formations de santé » qui vise à ramener dans le giron des universités les formations paramédicales, notamment les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) qui comptent parmi les cursus les plus demandés à la sortie du bac (en 2019 9,6 % des vœux confirmés via la plate-forme Parcoursup).</p>
<p>Ainsi, par la diversification des modalités d’accès aux études de médecine et à défaut de pouvoir relever le défi des déserts médicaux, le gouvernement pourrait insuffler une nouvelle dynamique aux universités françaises à l’instar de ce qui se pratique dans les « Bachelors of Liberal Arts » des campus nord-américains, véritables creusets de l’inter-professionnalité. Reste à savoir si les étudiants accepteront les <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2019-1-page-225.htm">réorientations proposées</a> et la logique qui les sous-tend.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Annoncées comme « révolutionnaires » en termes d’impact sur le système de santé, les nouvelles modalités d’accès aux études de médecine s’inscriraient plutôt dans la lignée des dernières évolutions.Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1143352019-03-29T00:54:34Z2019-03-29T00:54:34ZDébat : Les universités face aux stratégies de « greenwashing » des entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/266070/original/file-20190327-139374-n1aj6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C101%2C4500%2C2889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Trouver la juste place des entreprises au sein des cursus universitaires. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/female-speaker-giving-presentation-lecture-hall-1055550002">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En décembre dernier, l’université Paris Sciences et Lettres (PSL) – qui regroupe notamment Dauphine et l’École normale supérieure – et la banque BNP Paribas ont annoncé le lancement d’un nouveau programme de licence pour la rentrée 2019 : la <a href="https://www.psl.eu/formation/licence-impact-positif-school-positive-impact"><em>School of Positive Impact</em></a> (ou L’École de l’impact positif). L’ambition affichée de cette formation pluridisciplinaire est « de former une nouvelle génération de décideurs aux enjeux de transition écologique, économique et sociale ». L’objectif est évidemment louable. On peut toutefois s’interroger sur l’opportunité du partenariat avec BNP Paribas.</p>
<p>Le 22 février dernier, le Conseil d’administration de PSL a adopté à une très large majorité (19 voix pour sur 22 votants) le principe de cette licence, malgré la contestation de certains membres du personnel et étudiants des établissements concernés. Ce vote ne concerne pas uniquement PSL, il ne s’agit pas d’un cursus ou d’un partenariat comme un autre. Les enjeux s’étendent à toute la communauté universitaire. Il illustre à la fois la dérive de la responsabilité sociale des entreprises et celles des universités.</p>
<h2>Chaires et entreprises, les liaisons dangereuses</h2>
<p>Les débats sur la place des entreprises dans l’enseignement supérieur sont fréquents, souvent vifs, et il ne s’agit pas ici de condamner aveuglément les chaires. Rappelons d’abord qu’en France, elles sont rarement associées à un poste de professeur, conférant à son titulaire une reconnaissance académique, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons.</p>
<p>Elles se présentent plutôt sous la forme de mécénats d’entreprises (enseignement sponsorisés, soutien à des équipes de recherche, etc.). Les réticences sont traditionnellement plutôt fortes en France et les chaires se sont développées lentement. Malgré tout, elles transforment en profondeur le fonctionnement de l’enseignement supérieur et ses missions.</p>
<p>Pour certains, elles représentent un formidable levier d’action, comme le défend par exemple <a href="http://blog.educpros.fr/les-nouveaux-modeles-economiques-de-l-enseignement-superieur/comment-les-chaires-d%E2%80%99entreprises-transforment-en-profondeur-les-relations-entreprises-universites/">Gilles Gleyze</a>. À condition toutefois d’éviter deux écueils : que cela se transforme en pure opération de communication pour l’entreprise, avec la caution de la communauté scientifique, et que cela nuise à l’indépendance de la recherche.</p>
<p>Que BNP Paribas ait une chaire de <a href="https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-ecole-centrale-paris-inaugurent-chaire-finance-quantitative-bnp-paribas">finance quantitative</a> avec l’École centrale de Paris, de <a href="https://www.hec.edu/fr/faculte-et-recherche/chaires">finance d’entreprise</a> avec HEC, ou de <a href="https://group.bnpparibas/communique-de-presse/l-essec-business-school-bnp-paribas-renouvellent-partenariat-autour-chaire-disruption-digitale">disruption digitale</a> avec l’ESSEC, cela peut se comprendre. Mais lorsque BNP Paribas crée une chaire sur les <a href="https://group.bnpparibas/communique-de-presse/l-ecole-polytechnique-bnp-paribas-creent-chaire-internationale-enseignement-recherche-stress-tests">stress test</a> avec l’École polytechnique, dont l’objectif affiché est de « concevoir des solutions répondant aux attentes des régulateurs bancaires », on peut légitimement s’inquiéter de l’indépendance des recherches qui y sont menées. Dans le cas du partenariat de BNP Paribas avec la <em>School of Positive Impact</em>, on peut aussi s’interroger sur les motivations de l’entreprise.</p>
<h2>La banque d’un monde qui change ?</h2>
<p>BNP Paribas, à la pointe du combat pour le développement durable ? La question mérite d’être posée. Certains Twittos n’ont pas manqué de le faire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1097893394590900225"}"></div></p>
<p>BNP Paribas a souvent été pointée du doigt pour ses pratiques peu « responsables ». Sans évoquer l’amende controversée de 9 milliards de dollars infligée par les États-Unis pour <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/01/la-bnp-paribas-formellement-condamnee-a-une-amende-record-aux-etats-unis_4626207_3234.html">violation des embargos</a> à l’encontre de plusieurs pays, comme le Soudan ou l’Iran, le groupe a fait l’objet de multiples sanctions dont le bien-fondé n’a pas été mis en doute.</p>
<p>En 2017, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de régulation) l’a sanctionné pour « plusieurs insuffisances importantes » de son dispositif de lutte contre le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2017/06/02/lutte-contre-le-blanchiment-bnp-paribas-ecope-d-une-amende-de-10-millions-d-euros_5138107_3234.html">blanchiment des capitaux</a> et le financement du terrorisme. La même année, le groupe se faisait de nouveau épingler par le régulateur américain pour avoir <a href="https://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/05/24/bnp-paribas-devra-payer-350-millions-de-dollars-pour-manipulation-des-changes-aux-etats-unis_5133547_1656994.html">manipulé le marché des changes</a>, puis en 2018 pour une tentative de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/bnp-paribas-devra-payer-90-millions-de-dollars-d-amende-pour-avoir-manipule-l-indice-isdafix-788862.html">manipulation des produits de taux</a>. Il lui a également été reproché, pêle-mêle, d’être un des plus <a href="http://multinationales.org/BNP-Paribas-et-le-Credit-agricole-parmi-les-plus-gros-sponsors-europeens-de-l">gros financeurs européens d’armes atomiques</a> et une des banques les plus actives dans les <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/impots/paradis-fiscaux/un-quart-des-benefices-des-banques-europeennes-se-trouve-dans-les-paradis-fiscaux_2116671.html">paradis fiscaux</a>. Sans compter que BNP Paribas est régulièrement pointés du doigt par les ONG pour son implication dans le <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/11/25/energies-les-banques-francaises-se-font-beaucoup-d-argent-fossile_1694240">financement des énergies fossiles</a>.</p>
<p>Cela n’empêche d’ailleurs pas la banque de figurer dans de nombreux classements d’entreprises jugées « vertueuses » par les agences de notation extrafinancière (Vigeo Eiris, Sustainalytics, Oekom, FTSE4Good…). Cela illustre d’ailleurs bien à quel point il est difficile de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-7-page-109.htm?contenu=resume">mesurer la responsabilité sociale des entreprises (RSE)</a>.</p>
<p>Au final, toutes ces affaires valent à BNP Paribas une bien piètre réputation. Le groupe fut d’ailleurs l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=xyhpPn8yeow">objet d’un reportage</a> signé Thomas Lafarge et Xavier Harel : « BNP Paribas, dans les eaux troubles de la première banque européenne ». Pas besoin d’être cynique pour se dire que la banque a bien besoin de redorer son blason.</p>
<h2>Greenwashing</h2>
<p>Dans le jargon académique on parle de <a href="https://www.novethic.fr/lexique/detail/greenwashing.html"><em>greenwashing</em></a>, ou éco-blanchiment. Il s’agit pour les entreprises d’adopter un positionnement et une communication orientés développement durable dans le but principal de « verdir » (ou de « blanchir ») leur image.</p>
<p><a href="https://www.nber.org/papers/w17254">Matthew Kotchen</a>, professeur à l’université de Yale et membre du prestigieux NBER, montre ainsi que les entreprises qui adoptent les comportements (en apparence) les plus « responsables » sont précisément celles qui sont les moins « vertueuses ». Les entreprises profitent ainsi du <a href="https://doi.org/10.1177/0007650315620118">caractère foncièrement multidimensionnel</a> de la RSE pour communiquer sur certaines bonnes actions qui ne sont pas en lien direct avec leurs activités, mais qui dans le bilan final pèseront autant, sinon plus, que leurs comportements irresponsables.</p>
<p>Margaret E. Ormiston (London Business School) et Elaine M. Wong (University of California) considèrent que la RSE offre un crédit moral qui permet aux dirigeants de s’engager dans un traitement moins éthique des parties prenantes : c’est le concept de <a href="https://doi.org/10.1111/peps.12029"><em>Licence to ill</em></a>. Les exemples abondent : on peut citer notamment l’entreprise Vale, responsable il y a quelques semaines de la <a href="https://theconversation.com/drame-du-barrage-brumadinho-au-bresil-ou-limpuissance-de-la-rse-111544">catastrophe de Brumadinho</a> au Brésil – un drame écologique et humain – qui se targue de partenariats signés avec les populations indigènes… Que les entreprises dévoient le concept de RSE, pour des raisons marketing, rien de très étonnant. Ce qui est nouveau, c’est qu’elles le font désormais avec l’assentiment des universités.</p>
<h2>Clause de non-dénigrement</h2>
<p>L’université PSL, en acceptant ce partenariat exclusif avec BNP Paribas pour sa formation au développement durable, n’offre-t-elle pas à la banque une <em>Licence to ill</em> à peu de frais ?</p>
<p>Le contrat qui lie PSL et BNP Paribas dans le cas de cette nouvelle licence est confidentiel. Un article publié dans <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/22/un-projet-de-licence-universitaire-financee-par-bnp-paribas-fait-debat_5426947_3224.html"><em>Le Monde</em></a> le 22 février dernier a toutefois de quoi nous alerter. Le montant serait de 8 millions d’euros sur 5 ans – rappelons que la plupart des Chaires bénéficient du régime fiscal du mécénat, qui permet à l’entreprise de défiscaliser 60 % de ses dons.</p>
<p>En principe, l’entreprise ne peut exiger alors contractuellement aucune contrepartie. Il a pourtant été question d’une « clause de non-dénigrement ». Celle-ci n’a même pas besoin d’être explicite : comment penser que les recherches ou les enseignements puissent dans ces conditions rester tout à fait indépendants ? Je ne doute absolument pas du sérieux, de l’intégrité, de la sincérité et du dévouement de mes collègues. Au contraire, je déplore qu’ils soient dans une situation aussi inconfortable.</p>
<p>Notons que l’université Paris-Dauphine, membre central de l’alliance PSL, accueille déjà depuis plusieurs années, une chaire <a href="https://www.dauphine.fr/fr/recherche/chaires-dentreprise/chaire-finance-et-developpement-durable.html">« Finance et développement durable »</a> financée par… le Crédit Agricole et EDF, et hébergée par l’<a href="https://www.institutlouisbachelier.org/en/the-foundations/europlace-institute-of-finance/">Institut Europlace de finance</a> – une émanation du lobby de la Place financière de Paris.</p>
<h2>De la responsabilité des universités, aussi</h2>
<p>La question ici ne se limite pas à la RSE. Les universités ne doivent pas servir de caution aux stratégies de <em>greenwashing</em>. Il en va de leur responsabilité. Dauphine a justement fait de cette responsabilité sociale des universités (RSU) un des <a href="https://www.dauphine.psl.eu/fr/universite/rsu.html">axes forts de sa politique</a>.</p>
<p>Au-delà des bonnes intentions, comment cela se traduit-il dans ses actes ? Les étudiants de la <em>School of Positive Impact</em> auront bon jeu de se mettre en <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/02/22/les-jeunes-appeles-a-manifester-a-paris-pour-le-climat_5426651_3244.html">grève pour le climat</a>, quand leur cursus sera financé par BNP Paribas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1096411822889013248"}"></div></p>
<p>À l’heure où les <em>fake news</em> font l’actualité, où la défiance envers la recherche est à son paroxysme, la communauté universitaire doit affirmer son indépendance. Il ne s’agit pas d’exclure par principe toute relation avec les entreprises, mais de ne pas se compromettre dans des opérations de communication, ne pas être complice du <em>greenwashing</em>. La <em>School of Positive Impact</em> jette un lourd discrédit sur la formation supérieure et la recherche. La responsabilité et l’indépendance ont un prix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gunther Capelle-Blancard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Université PSL lance à la rentrée 2019 une licence centrée sur les enjeux de transition écologique, économique et sociale. Un objectif louable, financé par… BNP Paribas. « Licence to ill » ?Gunther Capelle-Blancard, Professeur d'économie (Centre d'Economie de la Sorbonne et Paris School of Business), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/973092018-05-30T22:05:49Z2018-05-30T22:05:49ZParcoursup : une nouvelle étape dans le rapprochement entre l’université et le monde du travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220717/original/file-20180529-80637-weedch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C53%2C991%2C538&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un lycéen médiocre ne peut-il devenir un étudiant passionné, une fois arrivé en amphi ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock.com/EQRoy</span></span></figcaption></figure><p>En supprimant le <a href="https://www.franceinter.fr/societe/plan-etudiant-fin-du-tirage-au-sort-un-milliard-d-euros-d-investissement-et-fin-de-la-secu-etudiante">recours au tirage au sort</a> qui avait pu être pratiqué les années précédentes dans les formations les plus demandées, et en s’engageant contre la méconnaissance des débouchés, le nouveau dispositif national d’inscription à l’université, Parcoursup, se veut plus rationnel que l’ancienne plate-forme Admissions Post-Bac. Cela suffit-il pourtant à éliminer l’arbitraire des affectations dans l’enseignement supérieur ? Il semblerait plutôt que cet arbitraire ressurgisse sous une autre forme, mieux admise, car conforme au projet d’une société moderne. Le point à travers trois dimensions saillantes de Parcoursup.</p>
<h2>La volonté de favoriser des choix éclairés</h2>
<p>Parcoursup met en place une série d’outils pour aider les lycéens à réaliser des choix en toute connaissance de cause. Outre <a href="https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=calendrier">un calendrier</a>, des fiches sur les contenus des formations et leurs débouchés, les règles du jeu incluent un système « d’attendus » : les savoirs et les compétences jugés nécessaires à la réussite dans le supérieur ont été définis filière par filière, ce qui servira à départager les candidats en cas de manque de places. Cette démarche suit le <a href="https://people.umass.edu/aizen/">postulat de la décision rationnelle</a>. Dans ce modèle, un individu évalue les conséquences de ses choix, ses chances de succès, ainsi que les différentes normes susceptibles de l’influencer avant de se prononcer.</p>
<p>Cependant, malgré ces bases en apparence solides, l’environnement qui entoure la prise de décision reste incertain, comme l’ont établi différentes expérimentations. Les psychologues américains Eldar Shafir et Amos Tversky ont montré que les <a href="https://www.cairn.info/les-limites-de-la-rationalite-tome-1--9782707126757-p-118.htm">étudiants préfèrent reporter une décision tant qu’ils ne connaissent pas l’issue définitive d’une situation, même si celle-ci est prévisible</a>. Ainsi, lorsqu’on leur demande s’ils prévoient de partir en vacances après leurs examens, la quasi-totalité d’entre eux répond par l’affirmative, soit pour se récompenser d’avoir réussi, soit pour reprendre des forces avant le rattrapage. Mais, si on leur propose dans la foulée de mettre une option, pour quelques dollars, sur un voyage à Hawaï – qui leur assurerait ensuite une remise très avantageuse – la très grande majorité refuse, préférant attendre le résultat des examens. Nous avons observé le <a href="https://journals.openedition.org/pmp/1373">même type de mécanismes chez les sous-officiers de l’armée de l’air</a> confrontés à la mobilité annuelle.</p>
<p>Un individu sommé de prendre une décision qui engage son avenir, avant même d’avoir passé son baccalauréat, sera donc placé dans une situation délicate. De plus, comme avec n’importe quelle plate-forme de recrutement, tout lycéen sait très bien que l’issue de sa candidature sur Parcoursup dépend des choix de ses camarades. Survient alors le phénomène de la pensée magique, du même ordre que celui qui nous interdit de nous abstenir de voter de <a href="https://www.editions-ellipses.fr/product_info.php?products_id=1881">peur que tout le monde fasse de même</a> : croire que notre comportement aurait le pouvoir d’influencer celui des autres. Chacun tente de spéculer sur ce que les autres candidats sont en train de penser et de faire. Par nature, Parcoursup demeurera donc opaque pour les utilisateurs, puisque le niveau des attendus dépendra des demandes reçues.</p>
<h2>La gestion des compétences comme modèle</h2>
<p>Pour éviter le tirage au sort, Parcoursup repose sur un double système de classifications : d’une part, les attendus exigés pour une place disponible ; d’autre part, des attendus détenus par des candidats. En droit par exemple, le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid124272/publication-des-attendus-des-formations-sur-parcoursup.html">cadrage national défini le 12 décembre dernier</a> exige que les candidats à ce parcours d’études affichent autant une grande capacité d’expression écrite qu’une aptitude confirmée à la logique. Autre exemple : pour intégrer une licence en histoire, les candidats devront manifester un profil « apte à la démarche scientifique ». Les <a href="https://www.parcoursup.net/les-attendus-de-parcoursup-details-et-fonctionnement/">attendus</a> sont définis comme des « capacités » et « aptitudes » « manifestées » et « confirmées ».</p>
<p>Or, comment déterminer de manière fiable les attendus correspondant à une formation donnée ? Les directeurs de diplômes sont-ils les mieux placés pour en juger ? Ces derniers ne risquent-ils pas simplement de placer le curseur sur les seules données quantitatives dont ils disposent ? Et les notes obtenues au lycée sont-elles alors des mesures objectives des attendus ? Ne faudrait-il pas voir plutôt l’étudiant en situation ? Un lycéen médiocre ne peut-il pas se révéler passionné par les cas de droit qu’il aura à traiter ; un autre se découvrir une passion pour les sciences une fois arrivé en amphithéâtre ? Enfin, faut-il éliminer toute forme d’échec à l’université ? L’échec n’est-il pas parfois moteur dans la construction d’une personne ?</p>
<p>Avec les attendus, Parcoursup met donc en place un système de gestion par les compétences, qui fait déjà l’objet de <a href="https://www.cairn.info/faut-il-bruler-la-gestion-des-competences--9782804151997.htm">critiques scientifiques sérieuses</a> dans le champ des ressources humaines. Comme les compétences, ces « attendus » posent deux problèmes principaux :</p>
<ul>
<li><p>ils dépendent des conditions dans lesquels ils sont évalués</p></li>
<li><p>en excluant des candidats sur la seule base d’attendus confirmés au cours du lycée, on écarte, sans le savoir, d’excellents étudiants potentiels.</p></li>
</ul>
<p>En imposant cette sélection supplémentaire (en plus du baccalauréat), on élimine de fait de la diversité au sein des formations supérieures.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/220718/original/file-20180529-80626-s2rsvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Avec Parcoursup, les lycéens sont invités à réfléchir en termes de CV et de compétences</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’idéal d’un management scientifique des parcours</h2>
<p>Parcoursup marque une nouvelle étape vers un CV qui se construirait de manière automatique, au gré des formations et des organisations fréquentées. Il suffit d’incrémenter ce CV avec les expériences professionnelles qui sont déjà informatisées, dans les filières en apprentissage par exemple, voire même de les compléter avec des catégories extraites de l’activité des jeunes sur les réseaux sociaux. En bout de ligne, dans cet idéal d’un <a href="https://www.itespresso.fr/gestion-rh-infor-adopte-lapproche-profiling-scientifique-de-peopleanswers-71700.html?inf_by=5b0d1e94671db859378b46b7">management scientifique des parcours</a>, pour un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09585192.2016.1244699?journalCode=rijh20&">pilotage performant</a>, un jeune n’aurait ensuite plus qu’à cocher parmi des propositions personnalisées, en fonction des critères définis par les universités ou les entreprises. Chacun aurait accès à une vue subjective, définie par le système, des différentes voies possibles pour lui.</p>
<p>Cependant, le CV, censé résumer les compétences et le profil, ne restitue pas la complexité d’une personnalité. En cela, Parcoursup rejoint une limite classique de tout projet de classification du réel. En biologie, la difficulté et l’enjeu de cet exercice sont discutés au sein d’une sous-discipline, la systématique : classer les êtres vivants reflète toujours un projet, une intention. Plus récentes, les sciences sociales remettent difficilement en cause les catégories qu’elles utilisent. Par exemple, le sexe est une catégorie standard, mais les recherches sur la performativité du langage, c’est-à-dire sa capacité à produire les réalités sociales autant qu’à les décrire, avec la notion de <a href="https://lejournal.cnrs.fr/dossiers/precieuses-etudes-de-genre">genre</a>, indiquent l’ambivalence et la complexité de cette simple caractéristique. D’après les travaux publiés en <a href="https://www.routledge.com/Liquid-Organization-Zygmunt-Bauman-and-Organization-Theory/Kociatkiewicz-Kostera/p/book/9780415706629">2014</a> par les spécialistes de théorie des organisations Michel Fortier & Marie-Noëlle Albert, au lieu de clarifier le réel, cette méthode de gestion produit des jugements professionnels arbitraires à partir de caractéristiques très partielles des <a href="http://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2158244015604347">personnes humaines</a> considérées.</p>
<p>À cela s’ajoutent les effets propres à l’informatisation. Parcoursup organise de fait un marché où se rencontrent une demande (des attendus exigés par les universités) et une offre (des attendus détenus par les candidats). D’après les travaux publiés dans le même <a href="https://www.routledge.com/Liquid-Organization-Zygmunt-Bauman-and-Organization-Theory/Kociatkiewicz-Kostera/p/book/9780415706629">ouvrage</a> par Peter Pelzer, les procédures informatisées recréent une forme de hasard impersonnel dans lequel le sort des individus serait aux mains non seulement de « forces contrôlant les transactions » mais aussi d’un « être supérieur », doué de volonté, punissant ceux qui ne répondent pas à ses attentes.</p>
<p>Avec les attendus, de nouvelles pratiques sociales régissant le passage du lycée vers les universités se stabiliseront. D’un côté, les universités seront moins vulnérables aux variations démographiques, puisqu’elles auront la main sur les critères d’entrée. De l’autre, elles seront plus exposées aux fluctuations de leur <a href="https://hal.inria.fr/hal-01329179">attractivité</a> relative. Concernant les individus, ceux qui rencontrent le succès escompté durant leurs années de lycée sont susceptibles de se sentir davantage maîtres de leur destinée ; et les autres de trouver les critères légitimes.</p>
<p>Mais tous seront exposés à une incertitude nouvelle : les variations conjointes des souhaits exprimés dans la plate-forme et des critères définis par les universités en réponse. Que les souhaits soient satisfaits ou non à l’issue de la procédure Parcoursup importe peu : l’effet « épée de Damoclès » <a href="https://journals.openedition.org/pmp/1373">observé avec des outils de GRH comparables</a> est susceptible de générer des inquiétudes, des incompréhensions voire de la souffrance, pour les lycéens comme pour les personnes qui les accompagnent. Que l’on soit accepté ou refusé par un tirage au sort ou que l’on ait accès à l’enseignement supérieur par un système qui ajoute à d’autres formes d’aléas une dimension morale, on peut ressentir la même incertitude, voire de l’<a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00667333">hypocrisie organisationnelle</a>.</p>
<h2>Vers un nouveau modèle de gestion des ressources humaines</h2>
<p>On peut prédire un certain succès à Parcoursup. Il est probable qu’il s’avère efficace pour installer durablement de nouvelles pratiques car il répond globalement à l’idéal d’une gestion moderne : il correspond aux outils que la majorité d’entre nous connaissons dans nos univers professionnels, et bénéficie donc d’une forte acceptabilité sociale.</p>
<p>En effet, il poursuit l’intégration des universités au marché du travail. <a href="http://www.leseditionsdeminuit.com/livre-La_Condition_postmoderne-2180-1-1-0-1.html">Comme l’écrivait le philosophe Jean‑François Lyotard à propos de la science</a>, l’université est devenue progressivement un lieu performatif : elle est désormais non plus évaluée sur sa capacité à produire et transmettre des connaissances « vraies » mais sur son efficacité à garantir un avenir aux étudiants dans les différents compartiments du marché du travail.</p>
<p>Dans une économie moderne, ce glissement est compréhensible : <a href="http://www.leconomiste.eu/images/PicsHOMEMADE/Circuit%20conomique.png">lieu où se produit la valeur qui sera ensuite redistribuée sous forme de salaires, de dividendes, d’impôts divers et d’intérêts, l’entreprise est de fait au centre la société</a>. Puisque ses financements en dépendent, l’université doit également concourir à son développement, ce que Parcoursup matérialise très bien en donnant à voir non pas des domaines de connaissance mais désormais des parcours professionnels.</p>
<p>Ensuite, Parcoursup franchit une nouvelle étape vers un idéal de gestion moderne des ressources humaines, fondé sur la rationalité bureaucratique wébérienne impersonnelle. Il engendrera en contrepartie de nouvelles déconvenues. À l’échelle individuelle, des personnes pourraient souffrir parce que leur projet aura été « objectivement » refusé. À l’échelle collective, il pourrait générer des difficultés pour les personnes en charge d’accompagner les jeunes, acteurs et témoins plus ou moins en empathie. Comme tous les <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.1993.9309035149">outils de gestion</a>, Parcoursup pourrait aussi être vécu comme un nouvel outil de domination et d’assujettissement à la gestion des ressources humaines moderne. À d’autres, cette évolution apparaîtra au contraire comme salutaire, utile et efficace.</p>
<p>Après des décennies de développement de la gestion des ressources humaines moderne, on peut aisément décrypter les limites du nouveau système Parcoursup, et notamment le nouvel arbitraire qu’il va engendrer. Mais il n’est pas possible de prédire si les difficultés seront objectivement plus nombreuses ou plus profondes qu’avec les systèmes précédents. Chacun se fera une opinion en fonction de ses valeurs et préférences quant à la manière d’organiser le parcours des jeunes au sein de notre société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Maclouf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme APB, Parcoursup a ses avantages et ses inconvénients, mais traduit une évolution de société, en invitant les étudiants à raisonner en termes de compétences et d’objectif professionnel.Etienne Maclouf, Enseignant-chercheur en sciences de gestion, Paris 2 Panthéon-Assas (LARGEPA), Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/946782018-04-13T04:25:42Z2018-04-13T04:25:42ZAccès à l’université : les points litigieux… ne sont pas dans la loi !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/214467/original/file-20180412-540-1fxwqn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C494%2C2544%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une AG à Paris 1 Tolbiac… en mai 2007.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/35349231@N00/491769021/in/photolist-KsrNe-4NEwft-Ww2Prp-bZDfGq-4NEvXR-Ksmrm-4NJJt1-4NJJMf-4NJGh5-4NEr22-7DbvdA-6RH4yT-4NJGBA-4NJHgm-4NJJaJ-7Ke4c-aYFEDz-gEgYbT-ahmFpX-4Vcc9h-4V7XDH-4V7XVn-4V7XyP-4V7XPr-9AqdKg-4VccjN-4Vcd6C-4VccW5-4V7Yik-4Vcdhu-4Vcd2C-94xG3P-haeZ1v-5Gqi1X-4V7YdP-uqgcG-94ANbd-9Gqgbh-BfXfP-6dzDY7-6Rza8y-4Vcd9A-4V7YbR-C9eUY-aWGA3H-4cN3Ur-dSdDED-4Vcc4Y-bshRkV-jfstHu">David Monniaux/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans une <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/04/03/nouvelle-journee-de-mobilisation-etudiante-a-l-occasion-de-la-greve-a-la-sncf_5280012_3224.html">dizaine d’universités</a>, des blocages sont venus pénaliser le fonctionnement du service public pour protester contre la réforme de l’admission à l’université. Mais très vite, les revendications se sont éloignées du leur cause initiale pour dénoncer pêle-mêle les atteintes au <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/04/03/nouvelle-journee-de-mobilisation-etudiante-a-l-occasion-de-la-greve-a-la-sncf_5280012_3224.html">statut de cheminot</a>, la situation du <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/article/intervention-des-forces-de-l-ordre-a-nanterre-le-president-de-l-universite-s-explique_fedfbcd0-3c90-11e8-97f1-d49a00654525/">peuple kurde</a>, l’expulsion des zadistes de Notre Dame des Landes… ou même réclamer l’<a href="http://etudiant.lefigaro.fr/article/plus-d-un-millier-de-personnes-manifestent-a-paris-contre-la-reforme-de-l-universite_70b59c52-3cc9-11e8-bbee-4fbbaa28a7bb/">abolition du capitalisme</a>.</p>
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<h2>Tirage au sort vs sélection</h2>
<p>La question de l’entrée dans l’enseignement supérieur ne date pourtant pas d’aujourd’hui, déjà en 2016, dans une tribune publiée dans <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/06/12/tirage-au-sort-a-l-universite-une-vaste-hypocrisie-antirepublicaine_4948625_3232.html#UzR6XTGVub2kTW0U.99"><em>Le Monde</em></a>, Jean‑Loup Salzmann, à la tête de la Conférence des présidents d’université (CPU) et Gilles Roussel, président de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, réclamaient une meilleure orientation des bacheliers :</p>
<blockquote>
<p>« Il est irresponsable de laisser croire à un lycéen qu’il peut s’inscrire dans la filière de son choix sans aucun prérequis et sans se soucier de son insertion professionnelle à terme ! Qui peut croire qu’un jeune peut réussir en langues sans avoir un bagage conséquent acquis durant ses années de lycée ? »</p>
</blockquote>
<p>Les filières en tensions sont généralement sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), psychologie, médecine et droit. Pour l’UNEF, les filières en tension ne nécessitent pas une meilleure orientation, mais la <a href="https://blogs.mediapart.fr/unef-le-syndicat-etudiant/blog/170717/il-est-urgent-d-ouvrir-reellement-les-portes-de-l-enseignement-superieur">création de places supplémentaires</a>.</p>
<p>Pour éviter la sélection par dossier des futurs étudiants, le gouvernement entérine le <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/04/27/universite-le-gouvernement-enterine-le-tirage-au-sort_5118535_4401467.html">tirage au sort</a> en 2017. Cette mesure est censée être temporaire, en attendant la création davantage de place dans les universités. En effet, le ministère de l’époque considérait que seule l’obtention du baccalauréat doit déterminer l’accès à l’université.</p>
<p>Au contraire, pour le syndicat des étudiants de droite (UNI), il est urgent de mettre en place une sélection à l’instar des classes préparatoires, des grandes écoles, des Instituts Universitaires de Technologie (IUT), des classes de BTS ou encore des Centres de Formation et d’Apprentissage. <a href="http://blogs.lexpress.fr/attali/2017/07/17/nul-ne-peut-accepter-quon-tire-sa-vie-au-sort/">Nul ne peut accepter qu’on tire son futur au sort</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SGjYC86g-OQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si un tel système sélectif était instauré, que deviendraient les étudiants refusés ? Ils devraient être réorienté vers d’autres filières pas forcement plus « professionnalisantes ». En continuant d’accepter tous les bacheliers, l’université assume sa singularité, assure sa mission de service public et constitue le fondement du <a href="https://www.moncompteactivite.gouv.fr/cpa-public/mes-droits-formation">droit à la formation</a>.</p>
<p>C’est pourquoi, lors de l’écriture de la loi, le sénateur Jacques Grosperrin (LR) a proposé un <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/article/et-si-les-places-en-fac-etaient-fixees-en-fonction-des-debouches-_0e50edb6-0b67-11e8-8e45-f934993d24f8/">amendement</a>, afin de définir les capacités d’accueil en licence en fonction des taux de réussite et de l’insertion professionnelle.</p>
<blockquote>
<p>« Les places doivent être ouvertes au regard des débouchés, et non pas en fonction des vœux des étudiants, martèle le sénateur. Il faut sortir de l’hypocrisie de ces formations en tension qui mènent à une impasse professionnelle. »</p>
</blockquote>
<p>La réflexion sur une sélection en fonction des débouchés mérite d’être posée, mais l’intérêt professionnel d’une formation ne se résume pas à un secteur professionnel, par l’exemple les effectifs des <a href="https://theconversation.com/reconnaitre-aux-diplomes-de-droit-un-veritable-statut-de-juriste-86525">métiers du droit</a> sont assez faibles (entre 110 000 et 130 000 postes), en revanche les compétences d’une formation juridique sont appréciées par les recruteurs.</p>
<h2>La tentative d’une troisième voie</h2>
<p>De fait, l’ambition de la loi ORE n’est ni de sélectionner ni de tirer au sort, mais de mieux orienter les futurs étudiants, pour éviter que des bacheliers soient de nouveau laissés sur le carreau. Pour cela, elle offre aux universités la possibilité de définir des « attendus », sorte de recommandations sur le profil à avoir pour être admis dans telle filière, tout en laissant la possibilité aux étudiants motivés de s’inscrire malgré tout à condition de suivre un « accompagnement pédagogique ».</p>
<p><strong>Le cadre de la loi</strong></p>
<p>La <a href="http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/parcoursup-les-attendus-prerequis-pour-vos-inscriptions-dans-le-superieur.html">définitions des attendus</a> a d’abord été le résultat d’un « cadrage national », ce dernier a été « construit avec les acteurs de l’enseignement supérieur », mais ne constitue qu’une base de travail transmise aux universités. Ces dernières sont ensuite libres de décliner leurs propres attendus « pour exprimer au mieux les exigences et les spécificités de leurs formations ».</p>
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<div><a href="http://www.youscribe.com :80/catalogue/documents/education/etudes-superieures/les-attendus-en-licence-ministere-decembre-2017-2909291" title="Les attendus en licence -- Ministère -- Décembre 2017" target="_blank">Les attendus en licence – Ministère – Décembre 2017</a> publié par <a href="http://www.youscribe.com :80/leparisienetudiant/" target="_blank">LeParisienEtudiant</a></div>
<p>Si la loi ne détaille pas de mesures précises sur la question des prérequis et de l’accompagnement pédagogique, c’est qu’elle laisse la liberté aux universités de s’organiser elles-mêmes et de s’adapter à la diversité des situations. Trois situations se présentent :</p>
<ul>
<li><p>Les filières sélectives restent sélectives, comme les DUT universitaires ou les classes préparatoires et les BTS. Les candidats sont sélectionnés sur dossier à l’issue d’un « oui » ou d’un « non ».</p></li>
<li><p>D’autres filières, comme les écoles, recrutent à l’issue d’un concours. Les candidats sont admis en fonction de leur classement.</p></li>
<li><p>Les filières non sélectives restent non sélectives : les universités ne pourront répondre que « oui » ou « oui si » aux candidats à l’entrée en licence.</p></li>
</ul>
<p>Dans la plupart des cas, il n’y aura aucun changement car les filières disposeront d’une capacité d’accueil suffisante.</p>
<p>Ce système s’annonce dés le départ partiel, car il ne concerne que les filières en tension, comme les STAPS, la psychologie et le droit. Dans la plupart des cas, il n’y aura pas changement car les filières disposeront d’une capacité d’accueil suffisante.</p>
<p><strong>Les limites de la loi</strong></p>
<p>En l’absence de sélection à l’entrée, l’autre moyen de remédier à un manque de prérequis est la mise en place de cours de remises à niveau. D’ailleurs, c’était déjà tout l’objet du <a href="http://www.letudiant.fr/etudes/fac/plan-reussite-en-licence-le-bilan-introuvable-12153.html">plan réussite en licence</a> et de l’instauration de tutorat, sans parvenir à des résultats suffisamment satisfaisants. La loi ORE n’apporte pas vraiment de solution à ces questions, puisqu’elle ne propose des modules d’accompagnement pédagogique que dans les filières en tension, pour éviter le tirage au sort.</p>
<p>La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, a promis une enveloppe de 35 millions pour mettre en place le « oui si ». Répondre « oui si » à un lycéen c’est d’abord lui dire « oui » à l’entrée à l’université, mais c’est également être en capacité de lui apporter un accompagnement pour l’amener vers la réussite. Une revendication logique des étudiants serait d’appliquer cet accompagnement pédagogique dans toutes les filières. Seulement, cela exigerait davantage de moyens.</p>
<p>Le dispositif Parcoursup est loin de régler ces problèmes, mais il a au moins le mérite d’essayer de mettre fin au tirage au sort, d’accompagner au mieux les étudiants tout en laissant la liberté aux universités d’adapter les prérequis à leurs spécificités, et surtout de tenter d’améliorer l’égalité des chances.</p>
<p>De l’objectif aux résultats, le succès de la réforme va dépendre avant tout de la coopération des universités chargées de la mettre en œuvre, sans oublier les rectorats.</p>
<h2>Le rôle des universités</h2>
<p>Si le gouvernement laisse aux universités, autonomes depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000824315">loi LRU de 2007</a>, le soin de mettre en œuvre la réforme. Les universités définissent les prérequis et choisissent la forme que prendra la <a href="http://www.leprogres.fr/france-monde/2018/04/03/parcoursup-les-universites-sont-elles-pretes">remise à niveau</a> : travaux dirigés supplémentaires de méthodologie ou de techniques, année de remise à niveau préalable, stages intensifs en début d’année, etc.</p>
<p><strong>Le processus décisionnel</strong></p>
<p>L’application de cette réforme est donc tout aussi déterminante que le texte de loi, car c’est au niveau des instances des universités qu’interviendront réellement les problématiques d’application. Les attendus et les accompagnements pédagogiques se déterminent par les sections/départements disciplinaires et les Conseils des facultés, ensuite celui de la formation universitaire et enfin le Conseil d’Administration de chaque université.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214488/original/file-20180412-577-xtxw8b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les instances de l’université.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Université Nice Sophia Antipolis</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce processus décisionnel, des représentants élus par les étudiants participent aux délibérations et à la prise des décisions.</p>
<p><strong>Donner la parole à la démocratie étudiante</strong></p>
<p>Au-delà de l’effet spectaculaire des blocages, avec leurs <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/article/incidents-et-violences-se-multiplient-dans-les-universites_5052113c-3352-11e8-b02d-8394132343d4/">violences</a> et leurs <a href="http://www.sudouest.fr/2018/04/04/universites-bloquees-amphis-occupes-la-ministre-denonce-une-desinformation-4343199-4699.php">fake news</a>, une majorité des étudiants soutient la réforme d’après les <a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/node/8346">urnes universitaires légitimes</a> et les <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/article/reforme-de-l-universite-les-jeunes-plebiscitent-le-projet-du-gouvernement_504070ba-c306-11e7-a746-54c3b98d380a/">sondages</a>. À titre d’exemple, le référendum organisé par l’Université de Lorraine le 9 avril donne une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meurthe-et-moselle/nancy/vote-fac-lettres-nancy-705-oui-deblocage-reprise-cours-1455963.html">majorité de 70 %</a> en faveur de la levée du blocage et du respect de calendrier des examens dans le campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy bloqué depuis le 22 mars.</p>
<p>Les négociations menées à travers les institutions universitaires « légales » n’ont absolument rien à voir avec les <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/fac-tolbiac-etudiants-grevistes-exigent-office-10-20-pour-partiels-3353614.html">revendications</a> des bloqueurs telle l’attribution d’un 10/20 à tous les étudiants qui se présenteraient aux partiels. Ce mouvement étudiant minoritaire ternit l’image de l’Université en France sans jamais soulever les vraies revendications des étudiants.</p>
<p>Au final, la loi ORE est nécessaire mais reste pour l’instant insuffisante. Mettre fin à l’arbitraire du tirage au sort représente en soi un progrès, à condition que tous les néo-bacheliers de France aient cette fois accès à la formation souhaitée lors de leurs vœux. Il faudrait donc patienter jusqu’à septembre pour savoir si Parcoursup tient réellement ses promesses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Rossinot est membre de La République en Marche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Georges Laforge, Guillaume Bagard et Inès Ahmed Youssouf Steinmetz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Décryptage de la Loi ORE, et de sa mise en oeuvre dans les universités. Quelles alternatives aux blocages ont les étudiants pour exprimer leurs revendications au sein des instances académiques?Guillaume Bagard, Doctorant contractuel chargé d'enseignement en Droit, Université de LorraineGeorges Laforge, Doctorant en Sciences Economiques et Attaché d'Enseignement et de Recherche à la Faculté de Droit, Sciences Economiques et Gestion de Nancy et à l’Institut Supérieur d’Administration et de Management (ISAM-IAE), Université de LorraineHélène Rossinot, Interne en santé publique, AP-HPInès Ahmed Youssouf Steinmetz, doctorante en droit, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/944482018-04-05T20:23:15Z2018-04-05T20:23:15ZRéforme universitaire : les nostalgiques du tirage au sort et les défis de la loi ORE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213272/original/file-20180404-189801-n83vf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C17%2C3969%2C2634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Revaloriser les parcours universitaires (ici la Sorbonne).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/saneboy/4350578491/in/photolist-7CrRpZ-98C5xm-Uq5B1p-dbWAe7-Tk6Qs3-dbWzsy-6N7Cp6-rmdhWN-98CCH7-hFnxMY-nFoewh-pcHswQ-bmvWPu-98CCoE-nvcW85-dmECtP-98zdGt-98C85E-98yRza-Bhq3aR-rsc2xM-pDEuJi-TNpzhG-hFmK2V-98Cia5-227a6T7-BkSv34-YTYnA3-ntuASw-98yPye-qWa5nu-hFmKdX-98zJz6-5YrX33-6REWeU-dmEEAe-6ZYBtn-asANXU-hFnxPS-c6DERj-bHe3iB-b5M8bn-bHdkYr-5YLD5S-cs3Qo9-bHeP6D-buiJJu-39SdX2-98zwzK-buicaf">Valentin Ottone/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La loi « Orientation et réussite des étudiants » (ORE), promulguée le 8 mars dernier, semble susciter davantage de réactions hostiles maintenant qu’elle est devenue une loi de la République que pendant les sept ou huit mois qui ont précédé son adoption par le Parlement.</p>
<h2>Des résistances malgré la concertation et la promulgation</h2>
<p>Des universités et des facultés sont bloquées ici ou là par un nombre croissant d’étudiants qui ne sont pourtant pas concernés par cette loi. Des motions de plus en plus nombreuses sont votées par des départements et des conseils académiques qui semblent considérer que leur légitimité est supérieure à celle des lois de la République.</p>
<p>Des universitaires invitent explicitement à boycotter la mise en œuvre des « dispositifs d’accompagnement pédagogique et des parcours de formation personnalisés » (article L. 612-3 du code de l’éducation), ou ils exigent de ne pas être associés aux « délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription » (article L. 612-3 du code de l’éducation). Ils oublient ainsi, ou font mine de le faire, que l’article 3 du décret statutaire les concernant (n° 84-431 du 6 juin 1984), dispose que les « enseignants-chercheurs […] assurent la direction, le conseil, le tutorat et l’orientation des étudiants ».</p>
<p>Pourtant, ni les syndicats, ni les associations des étudiants, ni l’immense majorité de la communauté universitaire n’ignorent les raisons qui ont poussé la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation à essayer d’apporter une réponse législative au scandale de l’échec en première année d’université, à la procédure honteuse du tirage au sort et à la dévalorisation progressive de la licence.</p>
<p>Pendant les mois de septembre et octobre, une concertation nationale à laquelle ont été associées toutes les organisations représentatives a permis aux communautés concernées par la réforme de s’exprimer. Cette concertation a influencé de manière considérable l’élaboration du texte législatif, bien plus timide dans sa formulation et dans ses objectifs que le projet de loi initial.</p>
<h2>Trente ans d’échecs</h2>
<p>Mieux orienter les bacheliers, qui échouent à plus de 60 % actuellement, surtout en raison d’un choix pour lequel ils ne bénéficient d’aucun éclairage, serait devenu une erreur et même une faute selon tous ceux pour qui le statu quo possède systématiquement, et paresseusement, toutes les vertus.</p>
<p>Or la loi ORE est loin d’être révolutionnaire. Elle ne va pas assez loin sur un certain nombre de points : l’introduction d’une véritable période propédeutique, le nombre, insuffisant, de places créées dans les filières supérieures courtes à l’intention des bacheliers professionnels et technologiques, la faiblesse des moyens alloués aux universités pour mettre en place des « parcours de formation personnalisés », les modalités de validation de ces mêmes parcours.</p>
<p>Quant à la plate-forme ParcourSup, dont la plupart de ceux qui la critiquent ne connaissent sans doute pas bien les fonctionnalités de l’algorithme, elle ne pourra pas résoudre en quelques mois les problèmes dus à la complexité institutionnelle de l’enseignement supérieur français, qui propose un nombre incalculable de choix sélectifs et non, à l’inadéquation didactique du lycée actuel ainsi qu’à la contrainte du diplôme de baccalauréat délivré à 80 % d’une classe d’âge.</p>
<h2>Une loi prudente</h2>
<p>Cette loi prudente arrive après trente ans de retards coupables, qui n’ont fait qu’aggraver la condition de notre système universitaire. Confrontée à une concurrence déloyale, qui pousse vers le système sélectif les meilleurs bacheliers (plus de 90 % des bacheliers avec une mention très bien ne choisissent pas l’université), l’université française a été transformée progressivement en un deuxième choix, et pour un certain nombre de disciplines en filière de remédiation du secondaire.</p>
<p>Qui peut s’accommoder d’un tel gâchis ? Qui peut être nostalgique de la plate-forme Admission post-bac et du tirage au sort ? Qui peut se plaindre du fait que l’on veut aider dans leur orientation les bacheliers les plus fragiles, qui n’ont souvent ni les connaissances requises pour accéder aux études supérieures, ni même, du moins pour ce 40 % d’entre eux qui abandonne au bout de quelques mois, la volonté de poursuivre leur formation ?</p>
<p>Le Conseil d’État et la Cour Constitutionnelle ont balayé les exceptions juridiques de tous ceux qui voulaient lire dans cette loi une remise en cause du droit au libre accès à l’enseignement supérieur. Par-delà les questions juridiques, au nom de quel principe pédagogique ou démocratique peut-on affirmer que des bacheliers mal formés, qui n’ont pas la moindre idée de ce qui les attend à l’université et de ce que l’université attend d’eux, et qui sont pour leur grande majorité condamnés à l’échec, seraient-ils lésés dans leurs droits parce que des équipes pédagogiques leur conseilleraient soit de s’orienter vers d’autres filières, soit d’acquérir les connaissances leur permettant de poursuivre leurs études ?</p>
<p>La législation en vigueur avant la loi ORE ne préservait que la lettre de leur droit : l’inscription libre à l’université, qui n’était autre qu’une concession démagogique et une condamnation à l’échec. Ce droit était un leurre, que seuls une ou deux associations d’étudiants qui en ont fait leur raison sociale et quelques syndicats pour lesquels le service public semble se résumer à une virtualité défendaient et défendent encore.</p>
<h2>Orienter les étudiants, un devoir pour les universités</h2>
<p>Un étudiant universitaire coûte environ 11 000 euros par an à l’État français. C’est très peu, en comparaison de ce que ce même État accorde à un étudiant des classes préparatoires (16 500 euros) et c’est en effet légèrement inférieur à la moyenne de ce que les pays de l’OCDE, qui n’ont cependant ni un système sélectif parallèle ni les organismes de recherche, dépensent pour leurs étudiants. Là est le scandale. Il faut tout faire pour améliorer cette situation et convaincre la Nation d’augmenter et mieux redistribuer les moyens alloués à l’enseignement supérieur. Ces 11 000 euros sont insuffisants, mais pourquoi l’État ne devrait-il pas avoir le droit de tout faire pour qu’ils soient dépensés au mieux.</p>
<p>Orienter les étudiants, qu’ils aient ou non les « attendus » prévus par la loi, est à bien regarder non pas un droit mais un devoir pour l’université. C’est aussi un droit désormais pour les bacheliers, qui peuvent réclamer des universités qu’elles mettent réellement en œuvre les différents dispositifs prévus par la loi ORE. Le débat sur la prétendue sélection a fait oublier celui sur la véritable réussite, qui ne peut être le résultat d’une simple inscription. Autrement, il faudrait inscrire parmi les droits fondamentaux le droit à la licence.</p>
<p>Par ailleurs, un certain nombre d’universitaires qui ne considèrent pas que le baccalauréat est accordé avec une largesse coupable, qui ne s’émeuvent pas des difficultés que peut comporter l’épreuve de philosophie, qui estiment, à juste titre, que les lycéens ont la maturité pour défiler contre une loi ou occuper un lycée, pensent que la rédaction d’une lettre de motivation de quelques lignes constitue une épreuve discriminante, qui pénaliserait les étudiants issus des classés défavorisées.</p>
<p>Une telle position paraît entachée d’une contradiction : comment concilier en effet la conviction que les bacheliers réussissent uniquement grâce à leur mérite les épreuves du baccalauréat avec la certitude qu’ils seraient incapables de rédiger quelques lignes pour expliquer les raisons qui motivent leur choix de s’inscrire dans telle ou telle filière universitaire ? S’agit-il d’un mépris de classe ou d’une mauvaise foi idéologique ?</p>
<h2>Sortir de la sélection par l’échec</h2>
<p>Les universitaires sont dans leur très grande majorité des pédagogues capables de distinguer la motivation de la rhétorique, une intention sincère de la maîtrise de formules rédigées par d’autres. La lettre de motivation n’aura aucun impact négatif sur l’avis émis par les équipes pédagogiques ; elle pourra peut-être se révéler inutile, mais elle ne constitue pas une humiliation ou pire un handicap dont devraient souffrir des bacheliers qui ne bénéficient pas d’un environnement familial favorisé.</p>
<p>En revanche, beaucoup de bacheliers issus des classes défavorisées sont pénalisés par un système qui repousse sans fin l’évaluation de leurs connaissances et qui leur offre finalement un seul véritable droit : le droit au chômage ou, au mieux, à des métiers qui les condamnent à une sorte de ségrégation sociologique et professionnelle.</p>
<p>Enfin, d’autres universitaires, tout aussi hostiles à la loi ORE, pensent qu’une grande sévérité en première année d’université devrait suffire à « écrémer » et à garantir la qualité du diplôme de licence. La sélection par le manque d’orientation et d’information et la sélection par l’échec seraient donc la solution à offrir à des bacheliers mal formés. Or il serait facile de démontrer que dans la plupart des universités françaises l’application rigoureuse d’une notation sévère en première année comporterait la fermeture de plusieurs filières, notamment dans les sciences humaines et sociales. Certaines disciplines ne seront sauvées, en effet, que si l’université parvient à attirer à nouveau les meilleurs bacheliers. Et pour cela il faut garantir à ces étudiants un diplôme universitaire digne de ce nom. Sans oublier que l’université n’a pas pour seule mission l’insertion professionnelle mais aussi la spécialisation disciplinaire du master et la formation à la recherche par la recherche du doctorat.</p>
<h2>Revaloriser les diplômes et viser la vraie réussite</h2>
<p>La loi ORE ne résoudra certainement pas tous les biais et les torts du système français, qui favorise les insiders et n’offre aux outsiders que des droits quasi virtuels, le premier de ces droits étant une inscription dont la quasi-gratuité n’est là que pour dissimuler et retarder le choc avec le monde du travail.</p>
<p>Cette loi a cependant le mérite de remettre au cœur de l’enseignement supérieur la question de la réussite : non pas de la même réussite pour tous, qui ne peut être qu’un slogan creux, mais de la réussite pour chacun, selon des modalités qui dépendent, certes, de la volonté et de l’engagement de l’étudiant, mais aussi des moyens mis en œuvre pour l’aider à mettre en valeur ses qualités, à en faire un atout professionnel. De cette réussite dépend aussi l’avenir de la Nation.</p>
<p>La loi ORE offre aussi la possibilité à la communauté universitaire de remettre la transmission du savoir au cœur de ses missions. La production des connaissances nouvelles pourrait alors redevenir la première vocation de l’université et le levier de la société de demain. Tout cela dépendra moins de ce que dit la loi que de la manière dont la communauté saura saisir les opportunités qu’elle ouvre à nos universités, notamment en matière de formation continue.</p>
<p>C’est le souhait qu’exprime à ce propos Antoine Compagnon dans le dernier numéro de la revue <em>Le Débat</em> (n° 199, mars–avril 2018, p. 48), et que je fais mien : </p>
<blockquote>
<p>« Espérons que l’on pourra envisager plus sereinement de glisser d’un enseignement supérieur trop polarisé sur la formation initiale à des formations tout au long de la vie, faites d’allers et retours à l’université au fur et à mesure des besoins et des envies. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/94448/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Galderisi est président de Qualité de la science française</span></em></p>Même si la loi ORE contesté actuellement par certains, paraît assez peu révolutionnaire, elle permet de sortir du virtuel et d’aller vers une revalorisation des diplômes universitaires.Claudio Galderisi, Professeur de langues et littératures de la France médiévale, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/942262018-04-02T19:57:25Z2018-04-02T19:57:25ZLes raisons de la mobilisation étudiante contre la réforme ORE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212813/original/file-20180402-189801-1g4juoj.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C25%2C1217%2C716&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation à Lyon le 1er février.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=E2bkwWIsQcc">France 3 Auvergne Rhône Alpes/YouTube</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 mars dernier, ils n’étaient que 500 étudiants, lycéens, personnels enseignants et parents d’élèves à battre le pavé à Paris contre la loi relative à l’Orientation et à la Réussite des Étudiants (<a href="https://bit.ly/2GJzKHA">ORE</a>) qui modifie sensiblement les conditions d’accès aux formations universitaires généralistes (Licences) dans la perspective de la rentrée 2018 et qui peut être perçue comme la revanche post-mortem de l’<a href="https://bit.ly/2rSMsNT">ancien ministre Alain Devaquet</a>.</p>
<p>En dépit de slogans combatifs et d’une marche dynamique bien encadrée par des forces de l’ordre nombreuses, les manifestants ont compris que cette quatrième journée de mobilisation contre la réforme promulguée une semaine auparavant par Emmanuel Macron après la <a href="https://bit.ly/2ImG7h9">validation par le conseil constitutionnel</a>, constituait un nouvel échec. C’est alors qu’une étudiante en vint à escalader la statue de Jeanne-d’Arc située place des Pyramides, avant de singer avec dérision Jean‑Marie Le Pen en s’écriant <a href="https://bit.ly/2Ij074j">« Jeanne, au secours ! »</a>, comme ce dernier l’avait fait le 1<sup>er</sup> mai 2016 en désespoir de cause, huit mois après son éviction du Front national par sa fille Marine Le Pen.</p>
<p>S’il est impossible de savoir si la supplique ironique de cette étudiante a été entendue par la Pucelle d’Orléans, il n’en demeure pas moins que la contestation étudiante a connu, une semaine plus tard, un développement remarqué dans plusieurs universités, alors qu’on ne l’attendait plus, ce qui lui a permis de bénéficier en retour d’un regain d’intérêt de la part des médias de masse.</p>
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<p>Ces derniers s’interrogent désormais sur une extension rapide de la protestation des étudiants à l’échelle du pays, alors que le contexte social demeure ô combien tendu avec le début de la grève prolongée des cheminots, à partir du 2 avril, pour la défense du service public ferroviaire et de leur statut, et l’exaspération de nombreux fonctionnaires.</p>
<p>Mais qu’en est-il réellement ? Un scénario de type 1986, c’est-à-dire une mise en mouvement exceptionnelle des enseignés, étudiants et lycéens, est-elle envisageable à court et à moyen terme ?</p>
<h2>Une réforme modifiant les conditions d’accès à l’université publique</h2>
<p>Le candidat Emmanuel Macron, qui souhaitait voir « franchir une nouvelle étape dans l’autonomisation des établissements universitaires », après les lois-cadres de <a href="https://bit.ly/2Iol7qb">2007 (LRU)</a> et de <a href="https://bit.ly/2uAyce0">2013 (ESR)</a>, a défendu cette réforme universitaire pendant sa campagne présidentielle. Le nouveau gouvernement la justifia en expliquant qu’il était urgent de diminuer le <a href="https://bit.ly/2q0JmmP">taux d’échec jugé insupportable en premier cycle</a>, tout en apportant une solution pour en finir avec le <a href="https://lemde.fr/2sJrdct">très controversé</a> <a href="https://lemde.fr/2r5kjlG">tirage au sort</a> usité depuis plusieurs années pour sélectionner les candidats dès lors qu’on avait affaire à des filières en tension (nombre de candidats supérieur au nombre de places).</p>
<p>Pour ce faire, le gouvernement entendit repenser les règles ordonnant l’admission à l’Université publique afin que « chaque bachelier qui entre dans l’enseignement supérieur puisse en sortir avec un diplôme » comme le déclara la <a href="https://lemde.fr/2zZUa8W">ministre Frédérique Vidal</a> aux côtés du premier ministre.</p>
<p>Les filières généralistes universitaires étaient jusqu’alors demeurées non sélectives, non exclusives, comme l’imposait le code de l’éducation (<a href="https://bit.ly/2IlfKIs">Article L612-3</a>). Ainsi, devaient-elles permettre à tous les néo-bacheliers désireux d’intégrer ces filières dites « libres » de pouvoir y accéder sans autre prérequis que l’obtention d’un des trois baccalauréats, c’est-à-dire sans avis, ni recommandation.</p>
<p>Les départements universitaires n’avaient pas leur mot à dire, n’étaient pas habilités à interroger la cohérence entre les acquis de la formation antérieure des candidats et les caractéristiques des formations auxquelles ils postulaient. Les néo-bacheliers avaient donc toute latitude pour s’inscrire dans la filière de leur choix, dans la limite des places disponibles, sans pouvoir se retrouver entravés de quelque manière que ce soit.</p>
<p>Or, le gouvernement postula que l’échec en première année était d’abord la conséquence d’un défaut d’orientation des lycéens auquel on devait remédier d’urgence. À ses yeux, il n’était pas acceptable que des néo-bacheliers continuent à se fourvoyer dans des filières qui ne seraient pas <em>a priori</em> faites pour eux étant donné qu’ils n’auraient ni les « compétences », ni les « aptitudes » requises pour espérer réussir dans de bonnes conditions, c’est-à-dire obtenir leur licence en trois ans, et ainsi ne pas risquer inutilement l’échec.</p>
<p>Dès lors, pour le gouvernement, fallait-il aider les lycéens à se diriger dans les méandres de l’orientation post-bac en leur présentant honnêtement et rigoureusement le champ des formations possibles ainsi que leur contenu respectif pour balayer les idées reçues, source d’autocensure chez certains.</p>
<p>Mais également subordonner l’orientation des néo-bacheliers en laissant à ces derniers le soin d’enregistrer librement leurs vœux pendant un temps déterminé sur une plate-forme numérique rebaptisée <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a>, avant de conférer aux départements universitaires la mission d’évaluer, de classer et de choisir entre les candidatures reçues celles qui conviendraient le mieux en fonction de prérequis, soit une liste de compétences et de connaissances attendues des postulants. Au cas où l’on jugerait que les caractéristiques d’un postulant ne répondraient pas aux attentes prédéfinies, le département concerné pourrait décider de conditionner l’inscription de celui-ci à l’acceptation d’un « dispositif d’accompagnement pédagogique » qui prendrait la forme d’une année de remédiation.</p>
<p>Ainsi, dorénavant, les universités vont-elles exercer un droit de regard sur les demandes d’admission afin de s’assurer de la concordance, de l’adéquation entre les attendus et les profils des jeunes gens aspirants (néo-bacheliers et étudiants en réorientation).</p>
<p>Dès lors, si l’obtention du baccalauréat reste toujours une condition de possibilité pour accéder à ces licences, elle ne sera plus une condition suffisante pour espérer y entrer automatiquement. Les étudiants pourront, certes, toujours demander à vouloir accéder à la filière qui leur correspond le mieux, mais les départements universitaires pourront tout aussi librement déterminer s’ils consentent à les inscrire immédiatement, ou alors subordonner leur inscription à une remise à niveau.</p>
<h2>Une réforme accusée d’imposer la norme de la sélection à l’entrée de l’université</h2>
<p>Le gouvernement a répété depuis juillet 2017, et le début de la période de la concertation avec les représentants de la communauté universitaire, qu’il s’agissait bien d’orientation active et d’accompagnement personnalisé pour aider à la réussite du plus grand nombre à l’Université, mais en aucun cas de « sélection » à proprement parler, et de remise en cause du droit à poursuivre ses études.</p>
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<p>Comme Alain Devaquet en son temps, le gouvernement a récusé ce qui lui apparaissait comme autant de mésinterprétations, et par là même comme autant de mauvais procès faits à sa réforme par ses détracteurs. Aussi, a-t-il pu se réjouir de voir que sa réforme recueillait le soutien officiel non seulement du premier syndicat étudiant, la <a href="https://bit.ly/2H4oYJT">FAGE</a>, mais aussi celui <a href="https://bit.ly/2H5uY59">du SGEN-CFDT</a>, ainsi que de la majorité des membres du CNESER et des présidents d’université.</p>
<p><em>A contrario</em>, d’autres organisations syndicales étudiantes, telles que l’<a href="https://bit.ly/2GHmh3d">UNEF</a>, Solidaires étudiant·e·s, mais aussi de personnels enseignants comme le <a href="https://bit.ly/2GRHwz4">SNESUP-FSU</a> se sont émues, et réclament aujourd’hui encore l’abrogation de la loi ORE dénoncée comme « une vaste entreprise de destruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ».</p>
<p>En effet, si ces organisations entendent lutter tout autant contre l’échec à l’Université, elles refusent que le droit positif contraigne les futurs étudiants à passer par ce qui leur apparaît comme l’institutionnalisation d’une sélection en amont risquant d’aggraver les inégalités entre élèves selon leurs origines sociales, tout en affermissant la mise en concurrence des établissements. Elles entendent défendre le droit et la liberté pour chaque bachelier de s’inscrire dans la filière de son choix, sans être dissuadé, et encore moins empêché par une autorité universitaire sous prétexte de ne pas correspondre au profil recherché.</p>
<h2>Le refus d’un « tri » <em>a priori</em></h2>
<p>Ainsi refusent-elles que les étudiants soient dorénavant triés, et <em>a fortiori</em> potentiellement exclus, sans même avoir eu le droit d’essayer de suivre les formations jugées conformes à leurs envies du moment, quitte à se tromper, et risquer l’échec. Ce qui leur apparaît particulièrement choquant, c’est au fond le <a href="https://lemde.fr/2GuyMj5">caractère prédictif</a> qui sous-tend l’esprit de la réforme.</p>
<p>Celle-ci tendrait, en effet, à réduire considérablement l’éventail des futurs possibles pour bien des jeunes gens en postulant qu’il serait possible d’anticiper les succès et échecs des primo-étudiants à partir des succès et des échecs advenus au cours des années au lycée. On essaierait ainsi de lire l’avenir au travers de la relecture du passé récent, comme si le futur ne pouvait pas être autre chose qu’un long étirement du passé, sans possibilité de bifurcation et de révélation dans le développement individuel de chacun.</p>
<p>De nombreux <a href="https://bit.ly/2Gt0NU8">universitaires</a> se sont exprimés dans la presse pour dénoncer cette réforme consacrant à leurs yeux la remise une cause de l’accès de droit à l’Université, et par là même perçue comme une étape décisive dans le processus de réorganisation néo-libérale du système universitaire engagé depuis le début des années 2000 afin que l’Université française devienne <a href="https://bit.ly/2GMxQWz">davantage concurrentielle et compétitive</a> dans cette « économie du savoir et de la connaissance ».</p>
<p>Pour ces organisations contestataires, la solution réside non pas dans le classement des dossiers et ce qu’ils perçoivent comme une forme de sélection sociale inique, mais dans l’augmentation significative des capacités d’accueil des formations universitaires, et notamment celles actuellement en tension (STAPS, Droit, Psycho). Nécessitant la création d’au moins 7 000 postes d’enseignants titulaires pour améliorer le taux d’encadrement en Licence et la fin du sous-financement des établissements universitaires vu comme une pénurie délibérément organisée par les décideurs politiques pour justifier le cours des réformes, le fait d’agir d’abord sur l’offre de formation permettrait, selon elles, d’apporter une réponse juste et équitable au <a href="https://bit.ly/2zdTal5">« choc démographique »</a> auquel est confrontée l’Université publique depuis 2013, et qui devrait perdurer jusqu’en 2019.</p>
<h2>La mobilisation étudiante s’accélère t-elle vraiment ?</h2>
<p>Alors que les assemblées générales étudiantes (AG) s’étaient caractérisées, depuis le mois de janvier, par la faiblesse du nombre de participants, exceptées à l’Université Paul Valéry de Montpellier et celle de Toulouse qui <a href="https://lemde.fr/2GuA7q7">conteste un projet de fusion</a>, on a pu observer que l’affluence dans les AG avait sensiblement augmenté dans plusieurs universités entre le 22 et 29 mars : 1 000 étudiants à Paris 1, 3 000 Toulouse, 1 000 à Nancy, 3 000 à Montpellier, 700 à Nantes.</p>
<p>On atteint ainsi des niveaux qu’on n’avait pas connus lors de la mobilisation du printemps 2016 contre la loi travail, et qu’on avait dès lors plus vu en France depuis l’automne 2010 lorsque des dizaines de milliers d’étudiants et de lycéens s’étaient mobilisés aux côtés des salariés et des fonctionnaires contre la réforme remettant en cause l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Toutefois, ce ne sont là que quelques universités qui sont concernées par ces AG de masse. On est encore loin d’une diffusion, à un déploiement comparable à 2007 et 2009, sans même parler de 1986 ou 2006.</p>
<p>On a assisté de façon concomitante à l’extension des « grèves actives » se traduisant, bien que de façon différentielle selon les universités concernées, par la suspension prolongée des enseignements et l’occupation permanente des locaux par les étudiants mobilisés. Ces grèves concernent actuellement <a href="https://bit.ly/2H4YAPZ">une dizaine d’universités</a> sur 85, ce qui est loin d’être anodin, même si cela demeure pour l’heure un phénomène limité.</p>
<p>A titre de comparaison, lors de la mobilisation des étudiants contre le <a href="https://lemde.fr/1JTr76Z">contrat première embauche en 2006</a>, ce sont plus de 50 universités qui furent touchées à la fin du mois de mars, qui marqua l’acmé du mouvement, par des grèves, tandis que lors de la mobilisation fulgurante et exceptionnelle contre le <a href="https://bit.ly/2rSMsNT">projet de réforme Devaquet à l’automne 1986</a> on en compta plus de 60.</p>
<p>Par ailleurs, en dépit des appels à manifester de la Coordination nationale de l’Éducation (CNE) constituée sur l’impulsion du SNES-SUP, et qui se rassembla une première fois le 27 janvier 2018 avec plus de deux cents délégués venus d’une trentaine d’universités, le mouvement étudiant et lycéen contre la loi ORE s’est caractérisée jusqu’à présent par l’absence de manifestations de masse dans les principales villes universitaires.</p>
<p>Ainsi, les trois premières journées nationales de manifestations appelées par la CNE, les 1<sup>er</sup>, 6 et 15 février n’ont-elles jamais rassemblé plus de 20 000 personnes sur l’ensemble du territoire national. En province, pendant ces deux derniers mois, les cortèges n’ont que trop rarement dépassé le millier de manifestants (1 000 à Lille, 1 000 à Toulouse, 500 à Rennes le 6 février).</p>
<p>L’assise numérique trop étroite de ces manifestations rend en l’état illusoire la possibilité de rendre la situation politiquement intenable pour le pouvoir d’Etat, comme ce fut le cas en 1986 (réforme Devaquet), en 1994 (CIP), ou en <a href="https://lemde.fr/2H50rEx">2006 (CPE)</a> qui constitue la dernière victoire mémorable d’un mouvement des jeunesses scolarisées contre une réforme gouvernementale (si on excepte la réforme du lycée du <a href="https://bit.ly/2InuRkA">Ministre Xavier Darcos</a> reportée <em>sine die</em> après une mobilisation lycéenne qui rassembla jusqu’à 150 000 personnes dans toute la France le 18 décembre 2008).</p>
<p>Plusieurs explications peuvent être avancées pour tenter de rendre intelligible cette situation. Contrairement à 1986, il n’est pas question dans la loi ORE d’augmentation des frais d’inscription et de remise en cause du caractère national des diplômes. Les étudiants actuels ne sont pas concernés directement par la réforme étant déjà étudiants. Le champ syndical et politique contestataire est sinistré avec notamment <a href="https://bit.ly/2CvhKKY">une UNEF très diminuée</a>, tandis que la crise de confiance dans l’action collective protestataire demeure intacte avec la succession des défaites du mouvement social depuis une décennie. </p>
<p>Enfin, il existe bel et bien une adhésion à l’esprit même de la réforme chez nombre d’étudiants, ce que la sociologue <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/04/ALLOUCH/58539">Annabelle Allouch nomme</a> « l’adhésion et la croyance à cette forme institutionnelle d’évaluation de soi et de comparaison avec autrui ».</p>
<p>Alors que la fin de l’année universitaire approche et que la pression des partiels risque de se faire de plus en plus ressentir, y compris chez les militants, les prochaines journées de manifestations permettront de vérifier si, par-delà ces « grèves avec blocage » médiatisées et ces AG, un bond en avant quantitatif est effectivement observé. Mais pour ce faire, encore faudrait-il que les lycéens décident à leur tour d’agir ensemble contre cette réforme…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lycéens dans la manifestation à Paris le 15 mars.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=NUiIA7QOHnI&t=26s">Street Politics/YouTube</a></span>
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<h2>Les lycéens, premiers concernés, mais grands absents de la mobilisation</h2>
<p>Réforme de l’accès à l’Université oblige, <a href="https://bit.ly/2Je3HOj">666 002 lycéens</a> inscrits cette année en terminale étaient directement concernés par ce changement des « règles du jeu ». Le risque était donc grand que survienne une mise en mouvement de dizaines, voir de centaines de milliers de jeunes gens refusant de continuer à accepter dans ces conditions la compétition scolaire et la <a href="https://bit.ly/2q3CzZV">« société du concours »</a>.</p>
<p>Sans doute, le gouvernement se rappelait-il que si les étudiants avaient joué le rôle de fer de lance contre le projet de réforme Devaquet en 1986, l’irruption joyeuse et déterminée des lycéens dans l’espace public avait été décisive pour inverser le rapport de force en faveur des protestataires. Aussi, le 4 jeudi décembre 1986, sur les 800 000 jeunes qui manifestèrent dans les rues parisiennes et en province, bien plus de la moitié étaient des lycéens.</p>
<p>Trente ans plus tard, on ne peut être que frappé par l’absence remarquable des lycéens lors des journées de mobilisation des mois de février et de mars, notamment des futurs néo-bacheliers, alors qu’ils sont les premiers concernés par cette réforme universitaire, et qu’ils auraient eu par voie de conséquence de bonnes raisons de vouloir rendre publique leur opposition collective à ce qui est dénoncé comme la remise en cause de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2007-1-page-151.htmdevantlapoursuitedes%C3%A9tudes">« l’égalité méritocratique des chances »</a>.</p>
<p>Mais jusqu’à présent aucune crise du consentement, aucune rupture d’allégeance de la part des lycéens. Ces derniers ont joué, bon an mal an, le jeu de Parcoursup en allant saisir sur la plate-forme numérique leurs vœux comme le gouvernement les y enjoignait. À défaut d’aller manifester en masse, ils n’ont pas non plus boycotté la plate-forme numérique en expliquant qu’ils refusent de participer à cette grande course à l’orientation du fait de cette réforme.</p>
<p>Dans une enquête menée la semaine dernière auprès d’un échantillon représentatif de lycéens d’un lycée public à Rennes pour tenter de saisir, même imparfaitement, les raisons permettant d’expliquer l’absence de mobilisation de leur part sur un thème pourtant « explosif », voici ce que ces derniers ont mis en avant pour expliquer leur attentisme, et plus largement celui des masses lycéennes : la satisfaction de la fin du tirage au sort, un déficit d’explication de la réforme, le refus de rater des cours, préférer se concentrer sur la préparation du Bac, l'intransigeance supposée du gouvernement, le caractère estimé vain des manifestations de jeunes qui peuvent engendrer qui plus est des débordements et des violences policières, les contrôles de l’administration et des parents jugés dissuasifs.</p>
<p>En dépit de ces constats empiriques posés sans prétention d’exhaustivité, nous ne pouvons évidemment prédire ce qu’il adviendra dans les prochains jours, dans les prochaines semaines. Nous savons seulement que <a href="https://bit.ly/2q0NovE">l’histoire des mouvements sociaux en France</a> nous a appris à nous méfier des apparences conjoncturelles…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Melchior ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La loi relative à l’Orientation et à la Réussite des Étudiants suscite des mouvements de colère un peu partout en France. Analyse des enjeux de la réforme et de la mobilisation limitée pour l’heure.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/913412018-02-08T21:01:45Z2018-02-08T21:01:45ZDébat : oui à l’information des élèves, non à l’orientation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205354/original/file-20180207-74497-dtdr52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C56%2C1632%2C1084&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Giò : « Orientierungslos » (sans orientation).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pixelspin/535127079/in/photolist-PhECX-fNbqdS-eZRRod-pcwXSX-oEwKx7-6MfKpN-9VsvXi-biTwPi-6WAvbg-a3U5AT-2J55UP-9uPaUa-ahG7mK-daKWu5-oJt2xB-58FBzZ-oExaVy-6WAt1Z-6MbyoD-6WAu5r-ak4LYf-a3WVEW-6WAqDr-h17oBg-7jTxrF-PghapZ-Z4Bbwx-oFkwJ7-3f8j6a-vc6RM-R1UWdC-8cnohA-Xh12Lx-4h5YuW-5HU59i-oWKVPt-kTcbR-8xNAfb-edPtEK-5QBdXE-h1iJdE-egE1TG-5GtxZa-8cnfxd-Z4EnBH-5XvD8Y-5K3Y7S-eSd18m-JAkCep-6tESeC">Giò / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Oui à l’information des élèves <a href="http://bit.ly/2gQYJu2">à l’entrée du supérieur</a>, non à l’orientation. Et moins encore à cet impératif catégorique qui veut que l’on recherche à tous crins à orienter les futurs étudiants, à les mettre dans les bonnes cases ; c’est-à-dire là où il y a de l’emploi (un rêve de politique), et à les détourner des mauvaises cases, ces filières qui ne débouchent sur aucun métier (un cauchemar de politique).</p>
<p>Ce que je veux dire – et à l’heure où l’on s’intéresse aux recherches en <a href="http://bit.ly/2EnAWPU">neurosciences dans le domaine de l’éducation</a>, il est étonnant qu’on ne prenne pas en compte les étapes normales du développement de l’individu – c’est qu’on oublie l’essentiel.</p>
<h2>Qui peut dire sérieusement à 18 ans ce qu’il veut faire de sa vie</h2>
<p>D’une part, à 18 ans, il est normal de ne pas toujours savoir ce que l’on veut faire. Et c’est heureux ! Les choses ne se font pas d’un claquement de doigts ou d’un geste du menton. Elles mûrissent petit à petit, par essai et erreur. Elles sont le résultat de tentations et de tentatives, d’objets de rencontres, d’expériences. Comme elles sont aussi et parfois, et il faut l’accepter, d’une part de hasard.</p>
<p>D’autre part – et là est l’essentiel – une grande Nation est avant tout une Nation qui encourage, respecte et prend en compte les désirs (ici professionnels) de la jeunesse. Si elle les met sous le boisseau, les éteint ou les cadenasse, ce qui revient au même, par instrumentalisation de leurs choix, elle va au plus court, et le plus court c’est toujours l’expression d’une forme de totalitarisme.</p>
<h2>La tentation de l’instrumentalisation est toujours une tentation totalitariste</h2>
<p>Cette tentation n’est pas l’apanage de la gauche, de la droite, ou aujourd’hui de la majorité. Elle est consubstantielle aux politiques dès lors qu’ils oublient l’essentiel : mettre ou remettre, et pour de bon, les hommes et les femmes – les citoyens – au cœur de leurs préoccupations. Ce qui veut dire : préférer l’intérêt général c’est-à-dire l’ensemble des intérêts des hommes et des femmes que je dirige à mes seuls intérêts.</p>
<p><strong>Contre le mirage du meilleur des mondes</strong></p>
<p>Cette tentation totalitariste est récurrente. Nous avions déjà eu un bon aperçu de celle-ci avec le <a href="http://bit.ly/2s1mh5Z">tirage au sort des étudiant·e·s</a> pour leurs études dans le supérieur, une <a href="http://bit.ly/2EOjX6X">honte pour la Nation</a>, parce que crime contre la jeunesse. Il est donc positif que le gouvernement d’aujourd’hui ait décidé d’y mettre fin. Décider avec une pièce jetée en l’air de l’avenir professionnel d’un·e étudiant·e n’a pas de nom. Comme sont inacceptables les scories du nivellement par le bas et de l’égalitarisme en lieu et place d’un vrai et très urgent travail à faire sur l’équité dans l’éducation et l’enseignement supérieur.</p>
<h2>Non à l’orientation mais oui à l’information</h2>
<p>Pour revenir sur l’orientation, il faut lui préférer <strong>une amélioration de l’information des élèves</strong>. Multiplions les <a href="https://www.laplacedesmetiers.com/">occasions de rencontres</a> avec les professionnels, travaillons à leur donner envie. Travaillons à éveiller le plus important, le désir de faire quelque chose. <a href="http://bit.ly/2BJPXue">« Quelle serait la profession de mes rêves »</a>) « Quel domaine me donnerait envie d’aimer et de créer ? » « Quel métier ai-je envie d’exercer ? » Ouverture et clé de voûte de la joie d’apprendre et de se voir apprendre des étudiants et futurs étudiants.</p>
<p>C’est là <strong>la responsabilité du politique</strong> à l’égard de la jeunesse. Mettre en place les conditions d’éveil, d’expression et si possible de mise en œuvre de leurs désirs professionnels. Les politiques sont au service des désirs de la jeunesse. Non la jeunesse au service des désirs des politiques.</p>
<h2>Plaidoyer pour le droit à l’échec</h2>
<p>Cela ne veut pas dire que tous les étudiants vont réussir, la réussite, elle – une fois que l’État a mis tous les moyens en œuvre, et s’est attaché, chantier encore immense, à faire en sorte que chacun, quelles que soient ses origines, son milieu social, etc., puisse bénéficier des mêmes chances et conditions de réussite – est de la responsabilité de l’étudiant·e·. Et alors ?</p>
<p>Quand bien même des étudiant·es échoueraient. Ce n’est pas grave, l’<a href="http://bit.ly/2kK3mYr">échec</a>. C’est d’ailleurs ce qu’on essaie d’enseigner également dans l’entreprise. Ce qui est grave c’est de ne pas avoir essayé. Ce qui est grave c’est de ne pas avoir eu la chance de pouvoir tenter sa chance. Il est très différent d’avoir essayé-échoué ou d’avoir été empêché d’essayer et de vivre avec ces regrets. C’est pour cela aussi qu’une partie de l’<a href="http://bit.ly/2nJuCZc">échec en licence</a> n’est pas si grave que cela – voire peut même être dit extrêmement sain – dès lors qu’il peut être attribué à des essais non réussis.</p>
<h2>Un véritable impératif pour notre Nation</h2>
<p>Faire de la <a href="http://bit.ly/2BKb8fU">centralité du désir</a> et de l’<a href="http://bit.ly/2C3J2aT">équité des chances de réussite</a>, l’axe fort de notre enseignement supérieur, parce que cela fait condition pour les étudiant·e·s d’exercer un travail vivant, est un véritable impératif pour notre Nation !</p>
<p>Si nous voulons éviter que les enfants, demain, ne succombent aux tentations des extrêmes, nous devons retisser du commun. Fil rouge de la <a href="http://bit.ly/2Etp7rv">consistance de notre tapisserie commune</a> pour prendre un joli mot de Félix Guattari, tous nos efforts doivent être tendus pour permettre à chacun, à partir de son désir, d’exercer un travail vivant, premier et plus sûr rempart à la désolation et folie des hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loick Roche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les politiques veulent mettre les élèves qui entrent dans l’enseignement supérieur dans des cases. Un marché… On oublie qu’à 18 ans, il est normal de ne pas toujours savoir ce que l’on veut faire.Loick Roche, Directeur Général Ecole de Management & Vice-président de la Conférence des Grandes Écoles, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/904312018-01-30T21:20:20Z2018-01-30T21:20:20ZLa réforme de l’accès à l’université… ou la revanche d’Alain Devaquet<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/203992/original/file-20180130-107703-1v9aqye.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris quartier latin novembre 1986. Photo tirée du documentaire « Devaquet si tu savais », de Franck Schneider et Francis Kandel.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Manifestation_contre_la_loi_Devaquet_05.JPG">Franck.schneider / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"955101865477332992"}"></div></p>
<p><em>Tweet de Luc Chatel, ancien ministre de l’Éducation nationale du Président de la République Nicolas Sarkozy entre 2009 et 2012</em>.</p>
<p>Dimanche 21 janvier 2018, on apprenait le <a href="http://lemde.fr/2Gtpqk7">décès à 75 ans d’Alain Devaquet</a>, ancien ministre du gouvernement Chirac, après une longue maladie. Son nom restera associé à une réforme structurelle de l’enseignement supérieur qui cherchait à modifier, notamment, les conditions d’accès au premier cycle universitaire par l’introduction d’une forme de sélection. Une réforme universitaire dont l’application fut étouffée dans l’œuf par l’exceptionnelle mobilisation des lycéens et des étudiants à l’automne 1986 ; moment d’exception politique qui continue à occuper une place incontournable dans l’histoire des mouvements étudiants et lycéens en France.</p>
<h2>Le système Parcoursup, comme un écho…</h2>
<p>Ironie de l’histoire, l’annonce de sa mort intervint à la vielle du lancement de <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a>, c’est-à-dire « la plate-forme nationale d’admission en première année des formations de l’enseignement supérieur ». Celle-ci succède au système APB pour l’orientation post-baccalauréat. Chaque candidat (lycéen en terminale, apprenti, étudiant en réorientation interne ou externe) est invité à saisir en ligne jusqu’à dix vœux de formation maximum, sans les hiérarchiser.</p>
<p>S’inscrivant dans la continuité <a href="http://lemde.fr/1HK7LkG">des réformes Pécresse</a> (2007) et <a href="http://lemde.fr/2Fvi7aq">Fioraso</a> (2013) qui visaient à offrir une plus grande autonomie aux établissements universitaires, sa mise en place a été rendue possible par l’<a href="http://lemde.fr/2Eou4zl">arrêté du 19 janvier 2018</a>, avant même l’adoption définitive par le Parlement du projet de loi relatif à « l’orientation et à la réussite des étudiants » dont la plateforme d’admission en ligne correspond à l’article 1.</p>
<p>Or, la philosophie générale de cette réforme semble faire échos à celle portée, il y a plus de trente ans, par l’ancien ministre Alain Devaquet. En effet, en dépit des dénégations répétées de Frédéric Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, et du <a href="http://lemde.fr/2GwyhSb">premier ministre, Édouard Phillipe</a>, cette réforme consacre l’extension du principe de sélection à l’entrée des filières universitaires demeurées jusqu’alors non sélectives, et la remise en cause du droit à un accès libre, sans avis ni recommandation, pour tous les néo-bacheliers désireux de les intégrer.</p>
<h2>1986 ou « l’alternance dans l’alternance »</h2>
<p>En 1986, Alain Devaquet a 43 ans. Agrégé de chimie, professeur à Polytechnique et admirateur de Jacques Chirac, il a commencé en 1977 une carrière politique au sein du RPR formation gaulliste fondée le 5 décembre 1976. Député de Paris en 1978, il est nommé, le 21 mars 1986, délégué auprès du ministre de l’Éducation nationale chargé de la recherche et de l’enseignement supérieur au lendemain de la victoire électorale des droites rassemblées sur une plate-forme commune signée, le 16 janvier 1986, par Jacques Chirac, président du RPR, et Jean Lecanuet, président de l’UDF.</p>
<p>Le préambule de la « plate-forme gouverner ensemble » proclamait la nécessité de rompre « avec le dirigisme » de la majorité socialiste sortante, en imposant ou en restaurant, par la médiation de l’État interventionniste, la norme de la concurrence dans de nombreux secteurs, tout en actant l’irréversibilité de certaines réformes emblématiques mises en œuvres par les gauches <a href="http://bit.ly/2DM4uD8">entre 1981 et 1986</a> (l’abolition de la peine de mort, la 5<sup>e</sup> semaine de congés payés ou encore l’abaissement de l’âge légal de départ de la retraite à 60 ans).</p>
<p>Les droites obtenaient de justesse une majorité absolue à l’Assemblée nationale au détriment des gauches à l’issue des élections législatives du 16 mars 1986. Le contexte politique de cette année 1986 fut inédit sur le plan institutionnel avec la <a href="http://bit.ly/2DLwxGI">première cohabitation</a> : le président François Mitterrand nommait Jacques Chirac comme premier ministre.</p>
<h2>Faire des études pour tenter de conjurer le spectre du chômage endémique</h2>
<p>La rentrée universitaire 1986 marqua le début de la deuxième période de croissance intense <a href="http://bit.ly/2FvkfyR">des effectifs de l’Université française</a> où le nombre d’étudiants passa de 1 400 000 à la rentrée 1987 à 2 100 000 à la rentrée 1995. Néanmoins, bien qu’elle se soit massifiée et démocratisée depuis le début des années 1960, l’Université française disposait toujours dans les années 1980 d’une structure sociale particulièrement inégalitaire, faisant d’elle encore un privilège inaccessible pour la grande majorité des jeunes issus de la classe ouvrière. En 1985, ces derniers ne représentaient que 13 % des effectifs globaux à l’Université (même si c’était trois fois plus qu’en 1960), alors que dans le même temps les enfants ayant des parents exerçant une profession libérale ou étant cadres supérieurs continuaient à représenter plus de 30 % des effectifs comme en 1960.</p>
<p>Par ailleurs, alors que le chômage était devenu un phénomène social de masse depuis le milieu des années 1970, en premier lieu chez les jeunes entrants sur le marché du travail avec un taux de chômage de l’ordre de 26 % en 1986, l’obtention d’un diplôme universitaire demeurait statistiquement le meilleur viatique. Le risque de se retrouver au chômage pour les hommes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur était en moyenne, entre 1980-1985, quatre fois moins important comparé à ceux qui n’avaient aucun capital scolaire à faire valoir, tandis qu’il l’était de deux fois et demie par rapport aux jeunes diplômés d’un CAP.</p>
<p>Grâce à cette réussite scolaire, les lycéens et étudiants des milieux populaires espéraient bénéficier d’une ascension sociale relative ou forte, tandis que ceux des classes moyennes supérieures et bourgeoises entendaient au minimum conjurer le spectre du déclassement social.</p>
<p>Dès lors, tous ces lycéens et étudiants étaient très attentifs à l’imposition de nouvelles règles susceptibles de freiner la démocratisation de l’enseignement supérieur, et qui risquaient de contrarier la demande sociale d’éducation.</p>
<h2>Fondre l’Université française dans le moule de l’autonomie</h2>
<p>Le projet de réforme des universités fut présenté officiellement par Alain Devaquet le 12 juin 1986, sans qu’une véritable concertation n’ait été engagée avec la communauté universitaire, pour être adopté le 11 juillet 1986 au conseil des ministres avant une lecture et une adoption par le Parlement prévue à l’automne de la même année. Cette nouvelle réforme devait remplacer la <a href="http://fracademic.com/dic.nsf/frwiki/1068884">loi Savary, promulguée le 26 janvier 1984</a>, qui créa la notion de « service public d’enseignement supérieur ».</p>
<p>L’ambition première du <a href="http://bit.ly/2DMmi54">projet de loi Devaquet</a> était « d’accroître par des mesures concrètes l’autonomie effective des établissements universitaires ». La loi ne fixant qu’un « cadre minimal », l’autonomie statutaire des universités était censée permettre « une meilleure adaptation de ces dernières aux situations particulières ».</p>
<p>Si la « timidité » supposée du projet de loi rebuta la frange la plus libérale de la majorité parlementaire, soutenue par le <a href="http://bit.ly/2En3hDt">syndicat étudiant anti-marxiste UNI</a>, qui réclamait une libéralisation complète du système universitaire français, son contenu, qu’Alain Devaquet s’efforça de présenter comme raisonnable et équilibré, suscita une vive émotion, au sens de « mise en mouvement », dans les facultés et les lycées à partir de la fin novembre 1986.</p>
<p>Et cela alors que cette réforme n’avait suscité aucune réaction d’envergure parmi les principaux concernés notamment lors de son passage au Sénat entre le 23 et le 29 octobre 1986 ; au point qu’il était entendu que la réforme allait poursuivre son cheminement sans rencontrer de résistances. Ce constat amena notamment Gérard Courtois à écrire dans <em>Le Monde</em>, daté du 24 octobre 1986, que « M. Devaquet a de bonnes chances de faire voter son texte sans déclencher de tempête ».</p>
<p>Deux mesures comprises dans le projet de réforme finirent par cristalliser l’indignation et l’angoisse de très nombreux étudiants et lycéens.</p>
<p>En premier lieu, la possibilité offerte aux établissements de fixer eux-mêmes les droits d’inscriptions annuels – sous un seuil maximum de 800 francs – et que les étudiants boursiers demeuraient exemptés, afin d’augmenter leurs ressources, et ainsi de moins dépendre des dotations de l’État. <strong>Cette possibilité offerte aux universités de majorer les frais d’inscriptions</strong>, qui avaient déjà augmenté sensiblement depuis 1980, fut interprétée par les étudiants et les lycéens comme la volonté d’instaurer une sélection par l’argent, au risque de renforcer la surreprésentation à l’Université des catégories sociales les plus favorisées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/203996/original/file-20180130-107694-13vpdyd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paris Quartier Latin, novembre 1986. Extrait du documentaire. « Devaquet si tu savais » de Franck Schneider et Francis Kandel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Manifestation_contre_la_loi_Devaquet_03.JPG">Franck Schneider/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais c’est surtout la liberté laissée aux universités de « déterminer les conditions d’accès aux différentes formations en tenant compte des caractéristiques de celles-ci, des aptitudes requises des étudiants et des capacités d’accueils de l’établissement » qui cristallisa l’essentiel des mécontentements. Elle fut interprétée comme une volonté d’empêcher nombre de primo-accédants de s’inscrire après le baccalauréat dans les filières universitaires et <em>de facto</em> de remettre en cause <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2007-1-page-151.htm">« l’égalité méritocratique des chances »</a>.</p>
<p>Les néo-bacheliers voulaient <strong>pouvoir continuer à s’inscrire dans la filière de leur choix dans n’importe quelle université</strong>, indépendamment de la nature de leur bac, sans prérequis autre que l’obtention de ce dernier. Pour eux, cette réforme Devaquet, c’était la généralisation de la sélection, déjà pratiquée illégalement par les universités françaises les plus prestigieuses, comme Dauphine, pour préempter les meilleurs étudiants, et donc l’aggravation des logiques de différentiation entre des établissements déjà en concurrence.</p>
<p>Les démentis répétés d’Alain Devaquet ne les calmeront pas. Celui-ci assurait que rien dans la réforme n’empêcherait un bachelier d’intégrer l’Université, si besoin avec l’intervention du recteur, et que dans cette réforme il était d’abord question pour les universités de s’assurer de la cohérence entre les choix d’orientation au lycée et les filières universitaires choisies, pour lutter contre l’abandon en premier cycle, qui touchait déjà entre 40 et 60 % des étudiants selon les filières.</p>
<p>Dans un entretien au journal <em>Le Monde</em>, daté du mercredi 25 novembre 1986, Alain Devaquet s’efforça de récuser les mésinterprétations faîtes, selon lui, de son projet de loi : « Par critère d’accès », il faut comprendre la possibilité laissée aux universités qui le demandent de dire aux étudiants : </p>
<blockquote>
<p>« “Avec le bac, il est souhaitable que vous choisissiez telle filière” Il s’agit d’éviter qu’ils se fourvoient vers des formations pour lesquelles ils ne sont pas faits, parce qu’ils n’ont pas les qualités requises pour y réussir. Il s’agit là d’orientation, pas de sélection ».</p>
</blockquote>
<h2>Une mobilisation essentiellement « réactive »</h2>
<blockquote>
<p>« Les étudiants et les lycéens ne protestaient pas contre la société. Au contraire, ils voulaient pouvoir s’y intégrer » (Gilles Lipovetsky)</p>
</blockquote>
<p>Quand on analyse la nature de ce mouvement, l’on constate que celui-ci fut une mobilisation essentiellement « réactive », c’est-à-dire réagissant à l’intention du pouvoir central d’imposer une réforme de l’enseignement supérieur à la communauté universitaire. Dès lors, cette mobilisation prit, dès le départ, <strong>un caractère strictement défensif, se structurant autour d’un mot d’ordre négatif</strong> « Retrait de la réforme Devaquet ». Celui-ci fut acté lors de la réunion des États généraux du mouvement étudiant le 22 novembre 1986, prélude à l’extension fulgurante, irrésistible de la mobilisation dans les universités comme dans les lycées.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/203991/original/file-20180130-107697-1xb9gyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Autocollant étudiant de 1986.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/charlottehenard/16807384663/in/photolist-rBdeUc">Charlotte Henard/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les étudiants et les lycéens entendaient agir en état de légitime défense pour soutenir le maintien des règles du jeu existantes dans le système universitaire qui allaient, selon eux, s’en trouver modifiées dans un sens non désiré.</p>
<p>Il n’y eut pas de dimension utopique dans la production revendicative des opposants au projet de loi Devaquet, au sens qu’ils n’ont à aucun moment eu l’ambition de profiter de cette période de mobilisation pour penser collectivement la construction de nouvelles réalités révolutionnaires à l’Université, comme en dehors.</p>
<p>Si le sociologue Pierre Bourdieu salua à chaud dans une tribune pour <em>Libération</em>, le 4 décembre 1986, la victoire de cette mobilisation, qui, selon lui, avait l’immense mérite de remettre en cause « l’idéologie de la fin des idéologies » considérée comme le paradigme dominant le champ intellectuel français <a href="http://bit.ly/Xnicqu">dans cette décennie cauchemar</a>, le philosophe Cornelius Castoriadis souligna, quant à lui, quelques mois plus tard, le « côté purement corporatiste et particulier, sectoriel du mouvement », et surtout « l’insignifiance totale des revendications des étudiants et des lycéens ».</p>
<p>Il est indiscutable qu’à l’inverse de ce qui s’était passé en mai-juin 1968, il n’a pas été question, à l’automne 1986, pour les étudiants et les lycéens d’essayer <a href="http://bit.ly/2DLDOm3">« d’imaginer l’école d’une société libre »</a>.</p>
<p>Contrairement à 1968, en 1986, on n’échangea pas dans les AG étudiants, ou seulement de façon confidentielle, au sujet de la pédagogie, de la <a href="https://www.cairn.info/la-segregation-scolaire--9782707171160.htm">ségrégation scolaire</a>, du rôle hiérarchisant des examens et des concours, des rapports entre enseignants et enseignés, du contenu des enseignements, ou de la fonction sociale de l’Université. On n’envisagea pas le bouleversement du système universitaire afin que les étudiants qui refuseraient ce destin de « cadres de cette société d’exploitation et d’aliénation » deviennent des « intellectuels critiques » au service du sujet de l’émancipation, la classe ouvrière.</p>
<p>À l’automne 1986, ce qui fut dénoncé avec vigueur, c’est d’abord le fait que la compétition à l’Université puisse se trouver à un moment donné faussée par le renforcement des procédures de sélection. Les étudiants et les néo-bacheliers ne voulaient pas une « sélection amont », comme la nomma Alain Lipietz dans une tribune au <em>Monde</em> du 18 décembre 1986, c’est-à-dire être triés avant même avoir eu le droit d’essayer les formations jugées conformes à leurs envies du moment, quitte à se tromper et risquer l’échec.</p>
<p>Ainsi, cette mobilisation exceptionnelle en 1986 ne fut pas celle de jeunes gens cherchant collectivement à détruire préventivement la société capitaliste avant d’y être pleinement intégrés, comme l’avait énoncé Jean‑Paul Sartre aux étudiants de la Sorbonne le 20 mai 1968, ou qui chercheraient à remettre en cause le caractère intrinsèquement élitaire du système des grandes écoles produisant la <a href="http://bit.ly/2noZMFd">« Noblesse d’Etat »</a>. Ce fut celle <em>a contrario</em> d’agents évoluant dans le même champ, celui du système éducatif français, et qui décident à un moment donné d’agir ensemble contre le pouvoir d’Etat afin de sauvegarder une liberté de choix individuel commune. Autrement dit : pouvoir décider en souveraineté, s’autodéterminer sans être entravé <em>a priori</em> pour entreprendre des études supérieures dans la perspective de s’insérer sur le marché du travail.</p>
<p>C’est donc à une véritable crise du consentement des jeunesses scolarisées à laquelle ont dû faire face les décideurs politiques en cette fin d’année 1986.</p>
<h2>Une mobilisation exceptionnelle des jeunesses scolarisées</h2>
<p>La grève des cours avait été une votée pour la première fois le 17 novembre 1986, dans la petite université de Paris XIII à Villetaneuse, sous l’impulsion décisive de quelques membres de l’<a href="http://www.ina.fr/video/CAB86032722">UNEF-ID, dont Isabelle Thomas</a>, membre du bureau national du principal syndicat étudiant et future figure politique et médiatique du mouvement. Puis, la suspension des enseignements s’était étendue à une dizaine d’universités, essentiellement parisiennes, avant la tenue de la fameuse réunion du 22 novembre 1986.</p>
<p>Le moment tournant dans l’histoire du mouvement Devaquet fut donc cet <a href="http://bit.ly/2DKQoSh">« Appel à tous les étudiants de France »</a> rédigé par les États-Généraux du mouvement étudiant qui se tint à la Sorbonne le samedi 22 novembre 1986. Dans cet appel, largement médiatisé tout au long du week-end et le lundi suivant, le retrait de la réforme fut posé comme préalable à l’ouverture de négociations avec le gouvernement Chirac, tandis qu’on appela à la grève illimitée des cours dans toutes les universités.</p>
<p>Dès le lundi 24 novembre, l’on assistait à une extension fulgurante du mouvement à l’échelle nationale. Le jeudi 27 novembre, jour de la première grande journée de mobilisation nationale (500 000 manifestants dans toute la France), alors que la présentation du projet de loi devant les députés par Alain Devaquet devait être effectuée, le fonctionnement normal de plus de 60 universités sur 77 fut remis en cause par la grève des cours adoptée à main levée dans les AG étudiantes.</p>
<p>Le mouvement Devaquet fut bien plus massif que n’importe quel mouvement étudiant et lycéens s’étant <a href="http://bit.ly/2rRboWe">déroulés dans les années 1968</a>, y compris le mouvement du printemps 1973 contre loi Debré sur les sursis militaires et l’instauration des DEUG à l’Université. Aussi, rassembla-t-il jusqu’à 800 000 manifestants, le jeudi 4 décembre 1986, dont 500 000 à Paris venu de toute la France en car et en train.</p>
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<figcaption><span class="caption">4 décembre 1986.</span></figcaption>
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<p>Ce mouvement de 1986 détonna parce qu’il se caractérisa, en plus de son <a href="http://bit.ly/2EmiHaP">« apolitisme » revendiqué</a>, par son obsession démocratique. En effet, la méfiance patente des étudiants et des lycéens à l’endroit des organisations syndicales et politiques traditionnelles les conduisirent à défendre une organisation du mouvement que l’on pourrait qualifier de « basiste ». Celle-ci reposa sur le postulat selon lequel l’organisation de l’action collective devait être l’œuvre des étudiants et lycéens eux-mêmes.</p>
<p>Aussi, s’il n’était pas question de se passer du précieux concours des militants des organisations syndicales, politiques et associatives (UNEF-ID, UNEF-SE, les JCR, LO, <a href="http://bit.ly/2nqBmdw">SOS Racisme</a>) dont les militants assumaient le rôle de cadres organisateurs du mouvement dans les facultés et les lycées, ces derniers ne devaient pas chercher à se substituer aux étudiants et lycéens, en gérant la grève pour eux et sans eux.</p>
<p>Les étudiants et lycéens mobilisés, loin de cultiver « la remise de soi » à l’égard des militants syndicaux et politiques, inscrivirent les formes d’organisation du mouvement dans le prolongement des mobilisations étudiantes et lycéennes des années 1968 en faisant leurs les principes d’auto-organisation et d’auto-détermination. Ainsi, la <a href="http://bit.ly/2EmiHaP">Coordination Nationale Étudiante (CNE)</a> fut considérée comme la seule instance décisionnelle habilitée à négocier avec le gouvernement du fait de sa faculté à réunir en son sein des délégués, syndiqués et non syndiqués, qui étaient tous élus et mandatés par les AG souveraines.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nuit du 5 au 6 décembre 1986.</span></figcaption>
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<h2>Dénouement tragique d’une mobilisation victorieuse</h2>
<p>Malgré la mobilisation historique des jeunesses scolarisées, le gouvernement continua à opposer une fin de non-recevoir. Le jeudi 4 décembre, en dépit du déferlement dans les rues de la capitale, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=H3ouvBZBmys">négociations</a> entre le pouvoir central et les délégués de la CNE (avec à leur tête le militant trotskiste de 27 ans David Assouline) se soldait par un échec.</p>
<p>Dans la nuit du 5 au 6 décembre, alors que deux lycéens et un étudiant avaient été grièvement blessés par les forces de l’ordre la veille (Jérôme Duval, Jean‑François Rigal, Patrick Berthet), après que la manifestation centralisée parisienne est dégénérée en violents affrontements avec la police, un jeune étudiant de 22 ans, Malik Oussékine, rentrant d’une soirée passée dans un club de Jazz, et qui n’avait pas pris part à la contestation jusqu’alors, fut pris en chasse par deux policiers du Peloton de Voltigeurs Monoportés (PVM), avant d’être rattrapé, puis roué de coups à terre dans le hall d’immeuble du 20 rue Monsieur-le-Prince, situé dans le quartier de l’Odéon.</p>
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<p>Il devait être minuit, et ces policiers étaient chargés de repousser avec leurs collègues, hors du Quartier Latin, des manifestants s’adonnant à des déprédations, après l’évacuation de la Sorbonne occupée. Frappé à mort, Malik Oussékine décéda des suites de ses blessures avant même l’arrivée des secours, ce qui ne manqua pas de provoquer, dès la nouvelle connue, un terrible émoi non seulement parmi les étudiants et lycéens mobilisés, mais dans toute la société.</p>
<p>Refusant de condamner publiquement les exactions policières, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur devint la nouvelle bête noire des manifestants qui réclamèrent sa démission, tandis que Alain Devaquet, très affecté par la mort tragique et violente de ce jeune étudiant, et comprenant que sa réforme était mort-née, préféra quitter le gouvernement.</p>
<p>Acculé après ces violences policières mortifères, craignant autant une radicalisation du mouvement en cours, qu’une possible extension de la contestation à d’autres secteurs de la société (salariés du privé, fonctionnaires) <a href="http://bit.ly/2DLJGM7">avec un scénario de type mai-juin 1968</a>, Jacques Chirac comprit que l’ordre ne pourrait être ramené durablement sans que l’on ait donné entière satisfaction aux étudiants et aux lycéens qui réclamaient, depuis deux semaines déjà, le retrait total et définitif du projet de loi Devaquet.</p>
<p>À 13 heures, le lundi 8 décembre 1986, après s’être concerté avec ses ministres, mais également avec certaines organisations syndicales de salariés (CFDT et FO) qui le pressèrent de renoncer à son projet de réforme tant décrié, Jacques Chirac intervient dans les journaux télévisés pour annoncer qu’il comptait « retirer l’actuel projet de loi ».</p>
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<figcaption><span class="caption">L’allocution de Jacques Chirac le 8 décembre 1986.</span></figcaption>
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<p>Pour la première fois depuis 1968, un mouvement étudiant et lycéen se solda par une victoire totale au regard des objectifs qu’il s’était fixés au départ. Victorieux, le mouvement perdit aussitôt sa raison d’être.</p>
<p>Ainsi, dès le lendemain dans la quasi-totalité des facultés et des lycéens, les cours reprirent normalement. Les étudiants de l’Université Rennes 2 furent les seuls à décider, le mardi 9 décembre, de voter symboliquement la poursuite de la grève des cours jusqu’au lendemain où la “grève générale” appelée par la CNE, le samedi précédent, et soutenue par la CGT et la FEN, avait été transformée en journée d’hommage à Malik Ousékine et à Abdel Benyahia, un Algérien de 20 ans tué dans un café par un policier ivre qui n’était pas de service le 5 décembre. Ce mercredi 10 décembre rassembla plus de 500 000 personnes silencieuses à Paris et dans 36 villes de province avec pour seul mot d’ordre : <a href="http://bit.ly/2DPj4hq">« Plus jamais ça »</a>.</p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/90431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Melchior ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parcoursup est en place depuis le 22 janvier et une grève nationale des lycées et universités est annoncée pour le 1ᵉʳ février, Retour sur le projet de 1986 d’Alain Devaquet, décédé le 21 janvier.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/881732018-01-14T20:44:57Z2018-01-14T20:44:57ZL’université européenne : utopie ou futur prometteur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201314/original/file-20180109-83571-ay1ppa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Logements étudiants Tietgenkollegiet, Copenhague.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wojtekgurak/6287796283/">Wojtek Gurak/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DR.</span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
<hr>
<p>L’harmonisation communautaire de l’enseignement supérieur constitue un succès marquant de la construction européenne. La mise en place du système Licence, Master, Doctorat <a href="http://www.education.gouv.fr/cid2206/la-mise-en-place-du-l.m.d.-licence-master-doctorat.html">(LMD)</a> dans l’Union européenne, copié dans de nombreux autres pays, facilite au quotidien les échanges d’étudiants étrangers et offre à nos universités un rayonnement mondial.</p>
<p>La libre circulation des personnes fait partie des <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/history/1990-1999_fr">quatre libertés</a> inhérentes au marché unique et favorise le développement de la coopération au sein des États membres pour garantir le respect de ces droits fondamentaux. Cela passe par la concertation, le compromis et la réalisation de réformes difficiles.</p>
<h2>La méthode des petits pas appliquée à l’enseignement supérieur</h2>
<p>Cette méthode est aussi appelée <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/ue-citoyennete/construction-europeenne/comment-s-est-construite-union-europeenne.html">Monnet-Schuman</a> en hommage au commissaire au plan <a href="https://www.herodote.net/Jean_Monnet_1888_1979_-synthese-206.php">Jean Monnet</a>, et au ministre des affaires étrangères <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/biographie-de-robert-schuman">Robert Schuman</a>, considérés comme des pères de l’Europe. L’idée est de fonder l’Union « par le bas » grâce à la mise en place d’une gestion commune entre pays membres dans des secteurs limités, stratégiques et de plus en plus nombreux, afin de créer une solidarité de fait entre ces pays.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201316/original/file-20180109-83567-gsfiu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Sorbonne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/6296569163/0d5f8288ab/">Stuck in Customs/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Appliquée à l’enseignement supérieur, cela consiste à adopter et mettre en place plusieurs directives, par exemple celle intitulée <a href="http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31989L0048:fr:HTML">89/48 CEE</a> qui reconnaît des diplômes supérieurs d’une durée minimale de 3 ans, ce texte est complété par une autre directive <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339500">92/51 CEE</a>, ou plus récemment celle du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000703171">2005/36/CE</a> relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.</p>
<p>Les normes qui organisent les études supérieures dans chaque nation européenne résultent d’une Histoire, les transformer n’est pas toujours chose facile. Ainsi la directive constitue un outil idéal pour parvenir à cette harmonisation en douceur. Elle fixe des objectifs généraux à atteindre pour les États membres, mais elle laisse aux parlements nationaux le soin de transposer cette norme selon leurs règles dans un délai raisonnable et en tenant compte des contextes nationaux.</p>
<h2>Le Processus de Bologne à l’origine du LMD</h2>
<p>Cette harmonisation s’est construite dans le cadre du <a href="http://ec.europa.eu/education/policy/higher-education/bologna-process_fr">processus de Bologne</a>. Elle a duré près de 15 ans, de la signature de la <a href="https://www.coe.int/t/dg4/highereducation/recognition/lrc_FR.asp">convention de Lisbonne</a> en 1997 à la déclaration finale de la conférence de Vienne en 2010 qui officialise la création de l’<a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56043/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56043/presentation-de-l-e.e.e.s.html">Espace européen de l’Enseignement supérieur</a> (EEES).</p>
<p>L’idée principale du LMD était d’organiser l’enseignement supérieur autour de trois diplômes : Licence, Master, Doctorat. Cette configuration s’est substituée à d’autres diplômes : le DEUG correspond aujourd’hui au niveau L2, la maîtrise au niveau M1, et les DEA ou DESS aux actuels M2.</p>
<p>Il s’agit non seulement d’accroître la mobilité entre étudiants européens et internationaux, mais aussi de faciliter les échanges entre les disciplines, entre formations professionnelles et générales, et par le biais des VAE (validation des acquis de l’expérience) de permettre aux travailleurs d’accéder à tout moment de leur vie à une formation universitaire correspondant à leur niveau.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201315/original/file-20180109-142334-39pks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Oxford.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/224982/">_Hadock_ on VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>La maîtrise des langues, obstacle encore important</h2>
<p>L’objectif revendiqué de l’Union européenne est que chaque Européen parle au moins trois langues européennes. Dans certaines filières, la maîtrise de l’anglais est presque atteinte – l’obtention d’un score minimal au <a href="http://www.letudiant.fr/examen/tests-examens-langues/pourquoi-passer-le-toeic-3-bonnes-raisons-d-obtenir-un-high-score.html">TOEIC</a> conditionne le diplôme d’ingénieur dans la plupart des écoles supérieures –, mais pas dans les filières dites littéraires, ni dans la filière médicale.</p>
<p>Dans ce domaine pourtant, la littérature scientifique est presque exclusivement en anglais, les congrès et rencontres entre spécialistes également. Et pourtant… L’article 18 de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000344668&categorieLien=cid">arrêté du 18 mars 1992</a> relatif à l’organisation du premier cycle et de la première année du deuxième cycle des études médicales stipulait que </p>
<blockquote>
<p>« l’enseignement des langues étrangères doit représenter l’équivalent d’au moins 120 heures, soit sous forme d’un enseignement spécifique, soit intégré à celui d’autres disciplines. S’il n’a pas été dispensé en première année du premier cycle, il doit obligatoirement être organisé en seconde année du premier cycle et en première année du deuxième cycle ».</p>
</blockquote>
<p>Les textes plus récents sont beaucoup plus flous. On retrouve dans l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2011/3/22/ESRS1106857A/jo">arrêté du 22 mars 2011</a> la mention des langues étrangères, noyée au milieu d’autres compétences :</p>
<blockquote>
<p>« Un enseignement de langues vivantes étrangères, une formation permettant l’acquisition de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence de niveau 1, un apprentissage à la maîtrise des outils informatiques et une initiation à la recherche sont également organisés. »</p>
</blockquote>
<p>Même chose dans l’arrêté du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027343762&categorieLien=id">8 avril 2013</a>, qui stipule qu’un enseignement de langues vivantes étrangères est prévu (au pluriel). Nous sommes pourtant déjà malheureusement bien loin d’enseigner de manière correcte l’anglais en médecine, alors que cela devrait être une priorité…</p>
<p>Et pourtant !</p>
<p>Il ne faudrait pas que la culture européenne se rétrécisse à l’utilisation de l’anglais comme langue véhiculaire, ce qui impliquerait l’acquisition de deux langues en plus de sa langue maternelle (<a href="https://europa.eu/european-union/topics/multilingualism_fr">multilinguisme</a>). Pendant longtemps, cette troisième langue a été l’allemand, l’espagnol ou l’italien. Aujourd’hui, il est aussi pertinent de maîtriser les langues nordiques ou de l’est de l’Europe. Ce qui implique d’encourager de manière plus forte l’apprentissage de ces langues dans les universités.</p>
<p>L’Union européenne a ainsi mis en place un <a href="https://www.azurlingua.com/adultes/niveau.htm">cadre européen de référence</a> pour harmoniser l’apprentissage des langues avec des niveaux de A1 à C2 pour déterminer la maîtrise d’une langue.</p>
<p>Alors, comment réussir la transition et développer la maîtrise des langues étrangères chez nos étudiants ?</p>
<p>Les stages à l’étranger et la sensibilisation à la culture de nos voisins paraissent être un bon début. En médecine par exemple, les échanges sont encore trop peu développés. À cause de l’épée de Damoclès du concours de fin de 6<sup>e</sup> année, nombreux sont ceux qui renoncent à partir. Et réaliser 6 mois à l’étranger lors de son internat relève du parcours du combattant. Le plus souvent, ces expériences, en plus de ne pas être correctement valorisées et encore moins encouragées, doivent être réalisées hors cursus, lors d’une « disponibilité », privant l’interne de son salaire et créant de véritables inégalités entre ceux qui pourront partir sans être rémunérés, et les autres.</p>
<p>Il est non seulement temps de démocratiser cette période de travail à l’étranger pour les internes, mais aussi de la valoriser, voire même de la rendre incontournable dans le parcours de nos jeunes médecins et plus largement de nos étudiants dont le futur sera, quoi qu’il arrive, lié de près à l’international.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88173/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Rossinot est membre de En Marche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdesselam Dahoun, Guillaume Bagard et Inès Ahmed Youssouf Steinmetz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Quelques pistes pour faire avancer la construction d’un système vraiment européen d’enseignement supérieur.Guillaume Bagard, Doctorant contractuel en Histoire du droit chargé d'enseignement, Université de LorraineAbdesselam Dahoun, Professeur en Matériaux, Université de LorraineHélène Rossinot, Interne en santé publique, AP-HPInès Ahmed Youssouf Steinmetz, doctorante en droit, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/846132017-10-04T21:06:55Z2017-10-04T21:06:55ZLe collège universitaire : dépoussiérer une vieille idée pour inspirer l’université de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188166/original/file-20170929-21594-u4q12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campus de Toronto : le college.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/156381/">Visual Hunt</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 septembre dernier, une <a href="http://bit.ly/2xQagnb">fuite relayée par EducPros</a> révélait que l’Université Paris-Saclay pourrait être divisée en deux entités : « Cette dernière deviendrait une université de recherche avec masters et doctorats, laissant des formations bac+2 et bac+3 à un « collège universitaire » autonome ». L’article donne peu de précisions sur ce collège, si ce n’est son objectif affiché de professionnalisation, mais il semblerait que l’idée suscite de forts débats.</p>
<p>Il ne serait pas passionnant ici de disserter sur un projet dont on ne sait pas grand-chose. Une chose est surprenante cependant, l’emploi d’une expression relativement rare dans la nomenclature universitaire française : le collège. En effet, c’est plutôt une institution connue et centrale en Angleterre et aux États-Unis. Si l’on va vers ce modèle, ne faut-il pas revenir sur ses origines, son histoire et son fonctionnement ?</p>
<p>Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’idéaliser la manière dont s’organise et fonctionne le système d’enseignement supérieur anglo-saxon, mais de chercher à en comprendre les principes et objectifs pour éventuellement s’en inspirer. Je ne prêche donc pas pour une réplication rigide de ces formes étrangères sur notre modèle français, ce serait idiot. Mais ne pas s’y intéresser en ces temps de réformes (nécessaires, mais souvent démunies de vision) serait tout aussi problématique…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le collège de l’université du Missouri à Columbia et ses colonnes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo/Visual Hunt</span></span>
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<h2>Collège, racine et histoire d’une idée</h2>
<p>Le mot collège vient du latin <em>collegium</em> qui renvoie à l’idée d’une association, d’un ensemble de personnes ou d’un corps social. On retrouvera ce sens au Moyen-Âge pendant lequel le terme collège sert à désigner des confréries religieuses ou des corporations professionnelles. Au sens large, on peut donc y voir un collectif, une collectivité, voire une communauté d’individus possédant une caractéristique ou un trait qui les regroupe.</p>
<p>Mais le mot renvoie aussi à un mode de fonctionnement : la collégialité. Il s’agit alors de postuler l’égalité entre les membres, ce qui impose des logiques de délibération et potentiellement de vote. Dans un fonctionnement collégial, le pouvoir se doit d’être ouvert et non concentré entre les mains de quelques-uns. Pour autant, une personne peut « mener » le groupe pour des raisons pratiques, on parlera alors du <em>primus inter pares</em>, le premier d’entre ses pairs : Proviseur, Principal, Doyen, Prévôt, etc. L’inspiration est ici religieuse, et plus particulièrement chrétienne. Comme on le retrouve dans la Constitution dogmatique sur l’Eglise <em>Lumen Gentium</em> : Jésus-Christ donne aux apôtres « la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux » (L’institution des Douze, §19).</p>
<p>Au-delà des organisations religieuses, c’est au Moyen-Âge que le collège deviendra aussi une institution pédagogique. Il est alors principalement une œuvre caritative permettant aux étudiants les plus pauvres de pouvoir être logés et soutenus financièrement en parallèle de leurs études universitaires.</p>
<p>Si des enseignements complémentaires y sont délivrés, il est d’abord un lieu de vie et d’assistance. On les voit apparaître d’abord en France autour du XII<sup>e</sup> siècle avant de se développer rapidement dans le reste de l’Europe, principalement dans les villes universitaires évidemment (Paris, Oxford, Bologne, Cambridge, Toulouse).</p>
<p>En France, ils garderont pour la plupart cette dimension caritative et complémentaire répondant aux besoins d’étudiants pauvres, même si les enseignements vont peu à peu s’y développer et qu’ils s’ouvriront pour certains à des étudiants extérieurs. On y trouve alors des répétiteurs complétant les cours universitaires, mais aussi des maîtres qui délivrent leurs propres enseignements.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188170/original/file-20170929-13542-7y0lv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Robert de Sorbon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_de_Sorbon#/media/File:Robert_de_Sorbon.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>Ce fut par exemple le cas pour le collège fondé par Robert de Sorbon durant la décennie 1250 dans le Quartier Latin à Paris et dont la bibliothèque était jalousée par tous les autres (Jacques Verger, <a href="https://francearchives.fr/commemo/recueil-2007/39909">La fondation du Collège de Sorbonne</a>).</p>
<p>Mais c’est probablement en Angleterre, et plus particulièrement à Oxford, que le « collège » trouve sa forme pédagogique la plus aboutie.</p>
<h2>Le <em>college</em>, unité historique et organisationnelle de l’Université d’Oxford</h2>
<p>Oxford, en tant qu’institution d’enseignement supérieur, émerge au XI<sup>e</sup> siècle de l’organisation d’une vie intellectuelle et académique locale autour de savants en théologie et d’historiens que l’on venait consulter et écouter. Même si les théories et récits diffèrent, il est aujourd’hui clair que l’institution se structure dès le XIII<sup>e</sup> siècle sur deux piliers : les départements de l’Université d’un côté, et les <em>colleges</em> de l’autre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Oxford, Angleterre : Keble College.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/14961856100/50745872be/">Superdove/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme l’annonce l’<a href="https://www.ox.ac.uk/about/organisation?wssl=1">Université d’Oxford</a>, « Les 38 collèges sont des institutions aux gouvernances et financements indépendants (qui) sélectionnent et admettent les étudiants de premier cycle (<em>undergraduate</em>) […] offrent le logement, les repas, les espaces communs, les bibliothèques, les équipements sportifs et sociaux et un soin pastoral à leurs étudiants ». Plus loin, on découvre que « le système des collèges est au cœur du succès de l’Université, permettant aux étudiants et aux professeurs de bénéficier d’une appartenance à une institution importante et internationalement reconnue, et à une communauté académique restreinte et interdisciplinaire ».</p>
<p>Les <em>colleges</em> d’Oxford (et de Cambridge) sont avant tout des lieux de vie intellectuelle pour leurs étudiants – à l’origine on y venait faire une retraite pour apprendre. Ils y dorment, mangent, apprennent et se divertissent au sein d’une communauté, ouverte certes mais première et centrale. Les <em>fellows</em> qui y enseignent s’y considèrent comme leurs membres responsables de l’élévation intellectuelle de leurs étudiants, laissant aux départements le soin de leur formation disciplinaire. La logique est celle d’une <em>liberal arts education</em>, c’est-à-dire l’acquisition d’une culture générale et pluridisciplinaire, et ce quelle que soit la spécialité choisie par l’étudiant.</p>
<p>Cet apprentissage se fait en tutorats, le fameux dispositif pédagogique qui fait la fierté d’Oxford depuis sa fondation, basé sur des interactions directes avec les <em>fellows</em>, en tous petits groupes (en général seul ou à deux, parfois à trois) et préparés par des essais obligeant les étudiants à se positionner sur les sujets (Cosgrove, 2011, <a href="http://bit.ly/2yxw7wz"><em>Critical Thinking in the Oxford tutorial</em></a>).</p>
<p>Le collège universitaire pourrait alors être cette communauté d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs, qui par leurs coexistence, interactions et collaborations sur un lieu partagé et ouvert (du latin <em>campus</em> « large espace, place ») s’enrichiraient intellectuellement et mutuellement. Par contre, dans le modèle d’Oxford, l’enseignement n’y est alors pas spécialisé, mais par définition sur la base des arts libéraux : <strong>transdisciplinaire et généraliste</strong>.</p>
<p>Ce modèle s’est diffusé un peu partout en Angleterre (Cambridge et Durham par exemple) mais peine à survivre à la massification de l’enseignement supérieur britannique (pour plus de détails, voir l’excellent <a href="http://bit.ly/2hAMSnk"><em>The Oxford Tutorial</em></a>). Il a auparavant influencé de nombreuses institutions, et surtout inspiré les premiers colons américains dans leur fondation de l’Université d’Harvard, puis de l’ensemble du système d’enseignement supérieur des États-Unis.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Harvard College Medical School, plus tard Boston University.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5373039869/fe4ec38e18/">Boston Public Library/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Les <em>colleges</em> étasuniens</h2>
<p>Au XVII<sup>e</sup> siècle dans l’état de la Nouvelle-Angleterre, alors que les protestants fraîchement arrivés cherchent à structurer un établissement d’enseignement supérieur, ils se tournent naturellement vers le modèle britannique. Au-delà d’un « simple » lieu d’apprentissage, il s’agit pour eux de créer une institution qui vise à « développer l’homme dans sa totalité – son corps et son âme tout autant que son intellect » (Morison, <a href="http://bit.ly/2fWdxY6"><em>The Founding of Harvard College</em></a>).</p>
<p>Morison ira même plus moins :</p>
<blockquote>
<p>« L’apprentissage à l’université sans la vie d’un collège n’a aucun intérêt […] Apprendre dans les livres seulement peut se faire en classe et par la lecture ; mais c’est seulement en étudiant et en débattant, mangeant et buvant, jouant et priant en tant que membres de la même communauté collégiale, dans une association proche et constante les uns avec les autres et avec leurs tuteurs que le cadeau inestimable du caractère peut être transmis aux jeunes hommes. »</p>
</blockquote>
<p>Comme en Angleterre, il s’agit d’organiser, autour d’un apprentissage universitaire, <strong>une vie intellectuelle</strong> au sein d’une communauté.</p>
<p>Cette dernière permet au savoir formel de s’insérer dans « une tête bien faite », ou comme le formulent les américains, un caractère, au sens large de la personnalité et du sens moral (le <em>character</em>). Ainsi, Daniel C. Gilman, président de John Hopkins à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, considère que l’université ne devra jamais être « un simple lieu de progression du savoir et de son acquisition, mais devra toujours être un lieu de développement du caractère » (Laurence Versey, <a href="http://bit.ly/2xGNdZT"><em>Emergence of the American University</em></a>)</p>
<p>Au cœur de la pédagogie d’un <em>college</em> est l’idée d’un <strong>apprentissage latéral</strong>, entre les étudiants, au travers d’échanges structurés et enrichis par les enseignants, et avec les enseignants eux-mêmes qui, en partageant une partie de leur vie avec eux, ne peuvent plus être de simples et distantes figures d’autorité épistémique. Pas de spécialisation hâtive donc, on s’y confronte à « toutes les branches du savoir (qui sont) connectées ensemble » (Laurence Newman, <a href="http://www.cardinalnewmansociety.net/university.html"><em>The Idea of a University</em></a>)</p>
<p>L’idée du <em>college</em> américain est donc de compléter, ou plutôt d’encadrer, le savoir universitaire par un dispositif permettant aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui y vivent de structurer les esprits qui l’accueillent. Il faut donc considérer les enseignements techniques et autres formations professionnelles comme une sorte de seconde couche qui ne peut se déposer que si la première est saine. Il ne s’agit donc pas d’opposer – l’un serait nécessairement meilleur que l’autre – mais d’articuler – l’un ne peut aller sans l’autre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un des objectif du « collège » : favoriser la transmission entre étudiants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/12826654344/6575a94808/">KOMUnews/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et la France ?</h2>
<p>Comme le synthétise élégamment Andrew Delbanco dans son excellent <a href="http://bit.ly/2k8iqC7"><em>College, What It Was, Is and Should Be</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le collège américain a toujours été plus qu’un lieu de transmission d’informations ou de l’acquisition de compétences ; il a, dans ses beaux jours, aidé les jeunes à se préparer pour des vies pleines de sens et de vocation […] A une époque où la demande d’innovation n’a jamais été aussi forte, la plus grandes des innovations que nous pourrions faire est de retrouver ces valeurs fondamentales et de renouveler notre engagement envers elles. » (p. xiv)</p>
</blockquote>
<p>Est-ce dans cette direction que Paris-Saclay ou d’autres veulent aller ? Ce serait ambitieux, mais absolument nécessaire tant nos campus français manquent parfois de cette intense vie collective des <em>colleges</em> anglo-saxons.</p>
<p>L’enjeu est de taille car, comme le disait <a href="http://bit.ly/2yK3xsZ">Richard Riley</a>, ministre de l’Éducation sous Bill Clinton,</p>
<blockquote>
<p>« Nous préparons actuellement les étudiants à des postes qui n’existent pas encore, et à utiliser des technologie qui n’ont pas été inventées pour résoudre des problèmes dont nous ne savons pas encore qu’ils en sont ».</p>
</blockquote>
<p>Se concentrer uniquement sur des connaissances formelles et disciplinaires, ou sur les outils et techniques du moment, est dangereux et contre-productif. Il faut que nos étudiants soient capables d’appréhender les enjeux d’aujourd’hui pour préparer les réponses et techniques de demain.</p>
<p>Dans cette optique, le <em>college</em> américain cherche à articuler les enseignements techniques nécessaires à l’insertion professionnelle des étudiants, tout en les confrontant aux « grandes questions » des humanités, de la science et des arts. Encore une fois, il ne s’agit pas d’idéaliser l’université américaine telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, ou a fonctionné hier, mais d’en comprendre la logique et les intentions pour inspirer nos propres solutions, aujourd’hui et demain.</p>
<p>Une dernière chose que les étudiants peuvent acquérir par l’éducation libérale des <em>colleges</em> américains, et même la plus importante pour <a href="http://bit.ly/2xC7d1Z">Andrew Delbanco</a> : « un efficace détecteur à conneries (<em>bullshit</em>) ». Quoi ne plus nécessaire à l’heure du populisme, des faits alternatifs et du règne de ce qu’on appelle dorénavant le régime de la post-vérité ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoann Bazin est membre du think tank Different.</span></em></p>Le collège est une institution connue et centrale en Angleterre et aux États-Unis. Analyse de ce modèle au moment où l’on en parle pour le système français.Yoann Bazin, Enseignant chercheur en Sciences de gestion, ISTECLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/836892017-09-11T21:10:24Z2017-09-11T21:10:24ZAccès à l’université et financement de l’enseignement supérieur et de la recherche : que faire ? (épisode 2)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/185333/original/file-20170909-12546-kicn4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation étudiante (2007)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/2070105355/29e62f5c74/">°]° via Visualhunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Deuxième épisode sur quatre de l’état des lieux et propositions sur l’université en particulier, et l’enseignement supérieur et la recherche en général. (Retrouvez le <a href="http://theconversation.com/acces-a-luniversite-et-financement-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherche-que-faire-episode-1-83054">premier épisode</a>.)</p>
<p>Je propose quelques faits et constats, avec une approche aussi objective et pédagogique que possible, qui sont à l’origine des débats actuels sur l’enseignement supérieur et l’université. Constats concernant l’université.</p>
<h2>Financement de la partie enseignement supérieur</h2>
<p>Environ <a href="http://www.oecd.org/fr/edu/rse.htm">1,5 % du PIB selon l’OCDE</a> (repris par le <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_02-la_depense_pour_l_enseignement_superieur_dans_les_pays_de_l_ocde.php">ministère</a>) est consacré à l’enseignement supérieur en France, proche de la moyenne de l’OCDE.</p>
<p>Le budget d’une université est typiquement abondé à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Budget_des_universit%C3%A9s_fran%C3%A7aises">80 % par l’État</a>, et à 20 % par d’autres sources (contrats de recherche, formation continue, partenariats, collectivités territoriales, Europe, etc.). La dépense principale d’une université concerne sa masse salariale, de l’ordre de 70 % ou plus.</p>
<p>Le budget français dédié à l’enseignement supérieur est de l’ordre de <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_01-la_depense_d_education_pour_l_enseignement_superieur.php">30 milliards d’euros</a> par an. Pour donner une comparaison, cette somme équivaut à environ 1.04 fois le coût du <a href="http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/09/29/le-cice-a-ameliore-les-marges-des-entreprises-et-a-eu-un-effet-probable-sur-l-emploi_5005134_1656968.html">CICE</a>, ou équivaut à 2,5 points de <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N17580">CSG</a> (sachant que son augmentation de 1,7 point rapportant 20 milliards est en discussion) ou six fois ce que rapporte l’ISF, ou encore 5,5 fois le montant du <a href="http://www.senat.fr/rap/l16-140-325/l16-140-32517.html">CIR (Crédit impot recherche)</a>. Vu l’importance de l’enseignement supérieur pour la société, son coût demeure abordable et comparable à d’autres dépenses publiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183457/original/file-20170825-28509-g2g4d9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dépense par étudiant en France en fonction du niveau et du type d’établissement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Figure 1 de Berné et Métivier, 2015/2017 : source : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01520905</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01520905">très documenté et court rapport</a>, O. Berné & F. Métivier étudient les inégalités de financement de l’enseignement en France. L’une des figures remarquables est la suivante : le budget moyen par étudiant selon le niveau et le type d’établissement. Il apparaît clairement que l’université est très largement <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_01-la_depense_d_education_pour_l_enseignement_superieur.php">sous-dotée</a> par rapport aux CPGE ou aux grandes écoles, alors qu’elle accueille la majorité des étudiants. Il est alors facile (ou malhonnête) d’accabler l’université de dysfonctionnements par rapport, par exemple, aux grandes écoles.</p>
<p>Enfin, comme le rappelle <a href="https://www.Facebook.com/unistra/posts/1452480254801587">M. Deneken</a>, le président de l’université de Strasbourg, l’université, <em>“sans être sélective, accueille et forme à l’excellence, dans des ratios budgétaires incomparables”</em>.</p>
<h2>Démographie étudiante</h2>
<p>Entre 1980 et 2015, la dépense <em>“au profit du supérieur a été multipliée par 2,6 en euros constants ; malgré cette forte augmentation, la dépense moyenne par étudiant n’a augmenté que de 40 % en raison du doublement des effectifs”</em> <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_01-la_depense_d_education_pour_l_enseignement_superieur.php">selon le rapport ESR 2017</a>.</p>
<p>Si cette <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid115366/projections-des-effectifs-dans-l-enseignement-superieur-pour-les-rentrees-de-2016-a-2025.html">forte</a> <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/04/11/enseignement-superieur-350-000-etudiants-de-plus-d-ici-a-2025_5109537_4401467.html">hausse</a> du nombre d’étudiants en cours et prévue est une bonne nouvelle pour notre société – qui voit ainsi de nombreux citoyens accéder à qualifications du supérieur très recherchées sur le marché de l’emploi de l’économie traditionnelle et de la nouvelle économie – elle pose néanmoins des problèmes critiques aux universités dont les manques de moyens ne permettent pas ou peu d’absorber ce flux de nouveaux étudiants dans de bonnes conditions, malgré une <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/hausse-des-effectifs-combien-aura-chaque-universite.html">rallonge budgétaire</a> en 2017. Ce flux d’étudiants correspond à l’équivalent <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/04/11/enseignement-superieur-350-000-etudiants-de-plus-d-ici-a-2025_5109537_4401467.html">d’une dizaine d’universités</a> de taille moyenne d’ici 2025, c.-à-d. demain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183505/original/file-20170826-27579-akij3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur depuis 1960 (en milliers).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tableau 09.01 : ESR 2017 : https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_09-les_etudiants_dans_les_filieres_de_formation_depuis_50_ans.php</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Filières en tension</h2>
<p>Trop de demandes par rapport au nombre de places disponibles, ces filières sont victimes de leur succès : droit, psychologie, <a href="http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Apres-le-bac/Organisation-des-etudes-superieures/Les-licences/Licence-les-mentions-du-domaine-sciences-technologie-et-sante/Les-licences-de-STAPS">STAPS</a> (sciences et techniques des activités physiques et sportives), sociologie, médecine (<a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid53276/les-etudes-de-sante.html">PACES</a>, première année commune aux études de santé).</p>
<p>Il faut savoir qu’une filière ne se résume pas à « un amphi, quelques salles de TD et des enseignants-chercheurs ». Outre des aspects immobiliers – il faut bien des amphis et salles de TD et/ou TP pour accueillir convenablement les étudiants – l’enseignement supérieur requiert un nombre d’enseignants-chercheurs qualifiés et reconnus internationalement ainsi que des personnels administratifs et techniques expérimentés (essayez de gérer une petite filière de plusieurs centaines d’étudiants sur votre temps libre, vous comprendrez vite : il faut plus d’1 <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quivalent_temps_plein">ETPT</a>). Ces filières en tension ont des limitations d’accueil car il y a inadéquation entre le nombre d’enseignants-chercheurs (qui pourtant se donnent beaucoup et dépassent leurs quotas d’heures à enseigner) et le nombre d’étudiants ou, ce qui est lié, inadéquation avec le nombre de dispositifs techniques nécessaires.</p>
<p>Une posture martiale visant à vouloir augmenter les capacités d’accueil d’un coup est insuffisante : recruter les enseignants-chercheurs ou les ingénieurs, techniciens et administratifs, ou construire des amphis ou salles de TD ou de TP avec équipements est un processus long et réfléchi, et qui demande des moyens. Même si l’ESR (Enseignement Supérieur et recherche) fait appel, souvent au-delà du raisonnable, aux emplois précaires (CDD administratifs ou techniques, <a href="http://www.education.gouv.fr/cid1217/les-attaches-temporaires.html">ATER</a> par exemple) pour pallier une partie des besoins.</p>
<h2>Sélection des étudiants à l’entrée de l’université</h2>
<p>La sélection n’existe en principe pas en premier cycle universitaire une fois le baccalauréat (ou équivalent) obtenu (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000027748474&idSectionTA=LEGISCTA000006166680&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20170825">article L711-1</a>) – sauf cas particulier.</p>
<p>Le ministère utilise depuis plusieurs années le tirage au sort pour sélectionner les étudiants dans les filières en tension, ce contre quoi la communauté s’inscrit logiquement en faux. La CPU rappelle <a href="http://www.cpu.fr/actualite/tirage-au-sort-position-de-la-cpu/">son opposition</a> au tirage au sort, et la ministre F. Vidal évoque, enfin, <a href="http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/apb-la-ministre-frederique-vidal-veut-mettre-fin-au-tirage-au-sort-a-la-fac.html">sa suppression</a>. Mais comment résoudre cet épineux problème ? Se pose alors la question de la sélection ou, mieux, de l’<a href="https://theconversation.com/licence-paces-apb-pourquoi-le-systeme-coince-comment-le-faire-evoluer-79482">orientation</a> des étudiants à l’entrée du premier cycle universitaire.</p>
<p>Récemment, F. Dardel, président de l’université Paris-Descartes, <a href="https://theconversation.com/comment-nos-voisins-europeens-orientent-et-selectionnent-les-futurs-etudiants-a-luniversite-81079">résumait</a> la manière dont nos voisins européens sélectionnent ou orientent leurs étudiants. Bien menée, elle oublie cependant que l’université française cohabite avec les CPGE et les grandes écoles, système quasi inexistant à l’étranger. L’ignorer peut aboutir à un résultat biaisé et marquant que l’on connaît : le taux d’échec très élevé en licence française contraste avec les autres pays, dont l’accès au supérieur n’est pas le même, ainsi que la parité des étudiants.</p>
<p>Cependant, cette étude met en lumière des pistes très intéressantes concernant l’orientation. Ce débat houleux suscite logiquement l’ire des syndicats étudiants comme la <a href="https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2017-03-15,fage-prerequis-selection-ne-devions-pas-le-debat.htm">FAGE</a> et l’<a href="http://www.letudiant.fr/etudes/fac/selection-a-l-entree-de-l-universite-l-unef-recense-379-formations-illegales.html">UNEF</a>.</p>
<p>Je tiens à préciser qu’une grande (la majorité ?) partie des universitaires (dont l’auteur) reste très attachée à l’accueil de tous les étudiants – sélection, orientation ou pas. Ainsi, le débat de la sélection à l’entrée de l’université s’entend, dans cet article, comme : comment accepter tous les étudiants, mais en améliorant le taux de réussite : dans ce cadre, la sélection/orientation peut-elle être un levier parmi d’autres ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185334/original/file-20170909-32330-1ubtlj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’accès à l’université est-il un parcours d’obstacles ? (Toulouse Mirail).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/3400517915/65c0d35753/">Frank Taillandier/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Échec en Licence</h2>
<p>Le taux de réussite de la Licence en trois ans est scandaleusement <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_19-les_parcours_et_la_reussite_en_licence_licence_professionnelle_et_master_a_l_universite.php">faible : 27 %</a>. Ce chiffre peut se comprendre en réalisant que, en moyenne, environ 65 % des étudiants réussissent leurs examens chaque année. Cela aboutit mécaniquement à environ 27 % de réussite sur trois ans (0,65<sup>3</sup> = 0,27 soit 27 %), même si le réalité est bien plus complexe que ce simple modèle.</p>
<p>Les enseignants-chercheurs qui côtoient, comme moi, les étudiants de L1 le savent bien : une partie des étudiants s’évapore vite dès le début du premier semestre (littéralement : on ne les voit pas ou plus après une ou deux séances), une partie demeure mais ne s’accroche pas assez, une autre partie s’accroche mais n’obtient pas des résultats satisfaisants, et enfin une partie réussit convenablement.</p>
<p>Ce sont des jeunes citoyens qui composent les rangs des deux tiers d’étudiants qui échouent. Statistiquement issus plutôt des catégories les moins favorisées <a href="http://theconversation.com/acces-a-luniversite-et-financement-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherche-que-faire-episode-1-83054">on l’a vu</a>, ils n’ont pas toujours obtenu et acquis les codes et méthodologies au lycée pour s’adapter au supérieur. Ils travaillent mais échouent assez vite et se découragent – malgré les petits groupes, l’accompagnement, le tutorat et autres dispositifs équivalents souvent mis en place par leurs établissements. Par ailleurs, nombre d’entre aux doivent avoir une activité salariée pour financer leur logement. Certains étudiants de bonne volonté cumulent alors les difficultés d’ordre extra-universitaire (malgré les aides), alors que l’accès à l’université est l’aboutissement d’une éducation pour une partie des familles ; il est alors cruel et dramatique d’échouer sur cette marche.</p>
<p>Ne sous-estimons pas les drames personnels : l’échec d’un étudiant à l’université est grave pour toute la société. D’abord pour l’étudiant lui-même, car dans sa construction sociale, professionnelle en devenir, et personnelle, c’est une cassure qui s’opère et qui peut être longue à réparer malgré les joies et l’ouverture intellectuelle rencontrées à l’université. Pour l’université ensuite, car ce sont des ressources humaines très qualifiées qui sont déployées et des moyens qui sont mobilisés sans résultat net (alors qu’un étudiant ne constitue pas seulement un coût, mais bien un apport à la société). Pour la société enfin, qui accepte (et se résigne, abdique ? face à) ce gâchis dans un contexte de sous-financement des universités.</p>
<p>Au-delà des chiffres, ces étudiants ont des parcours personnels riches, et ont beaucoup à apporter à notre société – pourtant avide d’innovations, de créativité, de ruptures, d’idées novatrices, d’influences multiculturelles – mais qui reproduit ses élites comme au XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Frais d’inscription à l’université</h2>
<p>Ils sont parmi les plus bas du monde (et coûtent moins cher mensuellement qu’un <a href="http://www.navigo.fr/titres/le-forfait-navigo-mois-tarifs-et-zones/">forfait Navigo</a> de transports en commun en Île-de-France). Pourquoi ne pas les augmenter afin de rendre viable le modèle de financement des universités, en manque cruel de moyens comme on l’a vu ? Cette question importante mérite d’être posée.</p>
<p>Pour y répondre, il faudra cependant, au-delà des postures idéologiques, prendre en compte la sociologie des étudiants qui seront touchés, ainsi qu’examiner les exemples à l’étranger (en n’omettant pas les biais des modes de financement différents des établissements), ce qu’ont fait les rapport <a href="http://multimedia.enseignementsup-recherche.gouv.fr/stranes2015/index.html#154">STRANES</a> de l’<a href="http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/education/regards-sur-l-education-2016_eag-2016-fr#page258">OCDE</a>, ou de manière complète <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00749625v2">mes collègues D. Flacher, H. Harari-Kermadec, et L. Moulin</a>. Certaines de ces études prennent en compte la difficulté de l’accès au crédit, le désengagement des États suite au relèvement des frais d’inscription. On le voit, le sujet est très complexe et ne traite qu’une petite partie du problème de l’accès à l’université et du financement pérenne de l’ESR.</p>
<h2>Dualité universités – CPGE/grandes écoles</h2>
<p>Les CPGE et l’université se partagent l’essentiel de l’accès au premier cycle pour les filières longues. Cette spécificité française engendre un biais sociologique et de niveau scolaire assez important, puisque les classes prépapartoires, sélectives, attirent en proportion une majorité de <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/60/08/9/6_25089.pdf">bons élèves</a>.</p>
<p>Au contraire des autres pays, l’université française est souvent perçue par les familles comme un second choix. Heureusement, de nombreuses passerelles ou équivalences existent dans les deux sens, favorisant la perméabilité des filières CPGE/ingénieur et universitaires. Citons les exemples : 1) les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Magist%C3%A8re_(dipl%C3%B4me)">magistères universitaires</a> très prisés et dans lesquels s’inscrit parfois une écrasante majorité d’anciens élèves de CPGE ; 2) les écoles d’ingénieur universitaires <a href="http://www.polytech-reseau.org/accueil/">Polytech</a> avec prépas intégrées, sélectives et prisées ; 3) les <a href="http://www.letudiant.fr/examen/concours-ingenieurs/admissions-paralleles-entrer-dans-grande-ecole-sans-passer-par-la-prepa.html">admissions parallèles</a> des grandes écoles sur dossier pour les étudiants universitaires titulaires de DUT, licence ou M1. Notre système gagnerait à faciliter et généraliser ces passerelles.</p>
<h2>Science et société</h2>
<p>Je dépasse ici le cadre strictement universitaire pour élargir vers tout l’ESR et aborder le sujet de la relation – parfois tumultueuse – de la science et de la société : le grand public, les jeunes, mais aussi les décideurs, les médias, les politiques, les entrepreneurs, etc. Des « fake news » à l’<a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/03/19/eclipse-non-a-l-obscurantisme-dans-certaines-ecoles-de-la-republique_4596554_1650684.html">éclipse de soleil annulée</a> à l’école, nous assistons à une défiance d’une partie des citoyens envers la science. La confusion est entretenue par des actions publiques ou privées sur des sujets importants (nucléaire, OGM, pesticides, perturbateurs endocriniens, cancer, amiante, algues vertes, œufs contaminés, grippe aviaire, médicaments dangereux mis sur le marché, etc.) qui mélangent choix politiques et causes technologiques ou développements scientifiques. La science (toute la science : sciences humaines et sociales et sciences dures) n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Ce sont les (non-)choix éthiques et politiques qui donnent à une découverte ou une technologie une utilité sociale ou la transforment en danger public.</p>
<p>Pourtant de nombreuses actions existent et peuvent prendre différentes formes, des célébrissimes <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fête de la Science</a> ou <a href="https://www.afastronomie.fr/les-nuits-des-etoiles">Nuit des Étoiles</a>, à des performances arts et sciences, des café-débats comme <a href="https://pintofscience.fr/">Pint of Science</a>“ ou <a href="https://www.ted.com/tedx/events?autocomplete_filter=France">TEDx</a> ou encore sous forme papier ou électronique (chaînes vidéo YouTube, podcasts, sites web – comme celui-ci ! – blogs, réseaux sociaux, etc.). On remarquera cependant un manque de recul critique et un grand illettrisme scientifique parmi la population – et en particulier au sein de la classe politique. Le 21 février 2017, l’<a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0926.asp">Assemblée nationale</a> votait une bienvenue résolution sur les sciences et le progrès dans la République. Avec la <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid113974/la-strategie-nationale-de-culture-scientifique-technique-et-industrielle.html">SNCSTI</a>, cette résolution est de nature à réconcilier les citoyens avec la science en général, enjeu important (y compris donc pour les acteurs de l’ESR), mais de nombreux progrès restent à faire pour promouvoir l’esprit critique, la démarche scientifique, la joie de la curiosité et de l’inconnu, bref le « bon sens » de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Descartes#cite_note-6">Descartes</a>. À ce sujet, je ne résiste pas au plaisir de citer le très regretté <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Comment_voyager_avec_un_saumon">Umberto Eco</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Contrairement à ce que disait Descartes, la chose du monde la mieux partagée, ce n’est pas le bon sens, mais la bétise : car chacun pense en être si bien dépourvu que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer moins qu’ils en ont. »</p>
</blockquote>
<h2>Autres problématiques</h2>
<p>Parmi d’autres problématiques dans d’enseignement supérieur et la recherche, citons : la charge de travail croissante et peu supportable pour les équipes scientifiques et administratives concernant l’inflation des guichets de demandes de financements (dont le faible taux de succès de l’<a href="http://www.agence-nationale-recherche.fr/">ANR</a>, <a href="http://excellagence.fr/">parfois tourné en dérision</a>, ou le <a href="https://brigittegonthier-maurin.fr/activite-des-senateurs/les-communiques-de-presse/article/en-publiant-cette-contribution-personnelle-je-poursuis-mon-objectif-de">discuté Crédit impôt recherche CIR</a>), les complications sans fin pour engager des collègues en CDD quand on en a la possibilité, les <a href="https://universiteenruines.tumblr.com/">locaux souvent dégradés</a> et les charges immobilières contraignantes, des politiques RH souvent bloquées (en particulier par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glissement_vieillissement_technicit%C3%A9">GVT</a>) avec le recours à de nombreux contractuels faisant de fait du travail récurrent normalement dévolu à des personnels permanents dont les « postes » n’existent pas ou plus, les faibles perspectives d’évolution de carrière des personnels et les faibles ouvertures de recrutements, les <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid94756/les-regroupements-universitaires-et-scientifiques-une-coordination-territoriale-pour-un-projet-partage.html">regroupements d’établissements dans des COMUE ou autres grandes structures</a> toujours questionnés, en plus des problématiques spécifiques à l’autonomie des établissements sans les moyens associés, et à l’attractivité sur la scène internationale. Le bilan de la <a href="http://www.lemonde.fr/education/article/2017/08/15/apres-dix-ans-d-autonomie-les-universites-peinent-toujours-a-trouver-l-equilibre_5172669_1473685.html">LRU</a> est également débattu. </p>
<p>Ces points ne seront pas abordés ici, mais indiquons que les établissements et organismes sont sensibles à ces aspects et tentent – arrivent même parfois – à mettre en place des politiques de rétablissement ou d’évolution de la situation vers un état plus sain et plus serein.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183497/original/file-20170825-19963-1we2hce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Spécialisation de la science française par rapport aux USA, à la Chine et au Japon. La France excelle notamment en mathématiques, sciences de l’univers, et biologie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ESR 2017 : Figure 46.02 : https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_R_46-le_profil_scientifique_de_la_france_a_travers_ses_publications.php</span></span>
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<p>Terminons ce tableau par une note plus positive : les moyens de la recherche sont souvent préservés ou reconfigurés de sorte à permettre des avancées scientifiques constantes dans des conditions acceptables pour l’essentiel. (Avant de m’attirer les foudres des collègues en colère sur ce dernier point, je signale qu’effectivement en matière de recherche, la France est, comme pour l’enseignement supérieur, en mode de sous-investissement criant, en témoigne par exemple la comparaison avec les <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_R_26-l_effort_de_recherche_et_developpement_en_france.php#ILL_EESR10_R_26_05">autres pays</a> de l’OCDE).</p>
<hr>
<p><em>Je passerai en revue dans l’épisode 3 l’essentiel des propositions communément discutées pour faire face à ces constats, avant de formuler (épisode 4) des propositions.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Dole est l'un des Vice-Présidents de l'université Paris-Sud, chargé de "médiation scientifique, art, culture, société" (il s'exprime ici à titre personnel). Il a reçu des financements du CNES, de la Région Ile-de-France (DIM-ACAV), du CNRS (PNCG) de l'IUF, et de l'ANR. Il est élu local dans une ville de l'Essonne, et membre du think tank Terra Nova 91. Il est en outre auteur du livre "le coté obscur de l'univers" (2017, Dunod). Il a marché pour les sciences.</span></em></p>Quelques faits et constats, avec une approche aussi objective et pédagogique que possible, qui sont à l’origine des débats actuels sur l’enseignement supérieur et l’université.Hervé Dole, Professeur (astrophysique et physique) - Institut d'Astrophysique Spatiale (CNRS & Univ. Paris-Sud), Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/578492016-04-19T04:40:24Z2016-04-19T04:40:24ZCe que « bachelor » veut dire<p>Est-ce vraiment une question de mot ? Assurément, « bachelor » est la traduction anglaise de « Licence » : cette seule raison justifierait-elle de réglementer administrativement l’usage du terme « bachelor », comme le revendique la Conférence des présidents d’université (CPU) ?</p>
<p>Croit-on vraiment qu’en formulant un interdit protecteur de la « Licence », on aura tari la source du développement de ces bachelors ?</p>
<p>Le diagnostic fait ressortir quatre constats.</p>
<h2>Effet de substitution</h2>
<p>Les programmes en deux ans perdurent à grande échelle dans le système public, dix-huit ans après l’adoption d’un cycle de Licence en 3 ans (le « L » de LMD). Si les universités ont su passer du DEUG à la Licence, la persistance des filières post-bac en deux ans concerne encore près de 450 000 étudiants, inscrits dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), dans les BTS et dans les IUT.</p>
<p>Du même coup, le « bac + 3 » se faufile subrepticement. Le système public a conçu une troisième année, baptisée « licence pro », qui cultive une spécialisation excessive, contradictoire avec la polyvalence des cadres intermédiaires et avec l’évolution des métiers et additionne un public hétéroclite d’étudiants issus de parcours très différents.</p>
<p>Des BTS, publics ou privés, s’adjoignent une troisième année de complaisance fourguée par un « partenaire » étranger à but très lucratif. Les Bachelors in Business Administration (BBA) deviennent un marché dynamique. Des Écoles d’ingénieurs se penchent sur le lancement de bachelors d’assistant-ingénieur.</p>
<p>Il devient difficile de ne pas voir dans cette nouvelle offre un effet de substitution aux lacunes du premier cycle des établissements publics d’enseignement supérieur. Même les classes prépas n’échappent pas à la pression des « 3 ans » : les Grandes Écoles recrutent une part croissante de leurs effectifs en dehors des prépas, parmi les diplômés des meilleures licences universitaires.</p>
<p>Il s’ensuit que le dispositif post-bac en deux ans accuse de plus en plus son décalage avec le modèle LMD (Licence-Master-Doctorat), dont le premier étage est la licence en trois ans.</p>
<h2>Taux d’échec</h2>
<p>La licence universitaire reste marquée par un taux d’échec excessif : 40 % seulement des inscrits en première année obtiennent le diplôme en trois ou quatre ans. Le couperet de la première année témoigne de la défaillance de l’orientation de nombreux bacheliers qui n’ont pas trouvé de filière adaptée à leurs attentes ; c’est particulièrement vrai des bacheliers technologiques et professionnels qui ne sont respectivement que 20 % et 4 % à atteindre la licence en trois ou quatre ans.</p>
<p>Le taux d’inscription des bacheliers généraux en première année à l’université (hors IUT) a baissé de 8,4 points en dix ans. Dans le même temps, le taux des étudiants (tous bacs) inscrits à l’université a chuté de 4,6 points, tandis que la part des effectifs étudiants inscrits dans les écoles post-bacs (médico-social, commerce, média, ingénierie) a augmenté de 5,6 points : vase communicant ?</p>
<p>Il serait dérisoire de contester la dynamique à l’œuvre, et de traiter comme un épiphénomène des écoles dont le poids atteint désormais 28 % du total de la population étudiante.</p>
<h2>Adapter le public</h2>
<p>Les universités contournent péniblement l’interdiction de la sélection des bacheliers, afin d’adapter leur public étudiant aux exigences des licences (licences à double parcours, licences à capacité limitée, collèges de droit ou d’économie, etc.) Ce choix est validé par les bacheliers : dans le dispositif APB (Admission Post Bac), ceux des premiers vœux qui ciblent les universités sont en augmentation pour les licences sélectives et en baisse pour les licences non sélectives : à tel point que la procédure d’inscription APB a été modifiée cette année, pour obliger les candidats à passer, avant tout autre choix, par le portail d’une filière universitaire non sélective et non limitée.</p>
<p>Ainsi, tout se passe comme si l’expérience de l’échec massif en premier cycle avait deux conséquences : les licences universitaires évoluent vers des conditions d’admission resserrées d’une part, une partie des bacheliers évite l’université, pour faire le choix des écoles post-bacs, d’autre part. Le résultat de cette polarisation, paradoxale au regard des objectifs du service public, est d’abandonner au secteur privé la réponse aux attentes d’une population étudiante non préparée à une Licence générale et à des études longues.</p>
<h2>Polyvalence</h2>
<p>Les entreprises sont en quête de cadres intermédiaires polyvalents, ceux qui sont formés à bac + 3. Or, l’étude des emplois des diplômés souligne le décalage entre la structure des qualifications dans les entreprises d’une part, et l’organisation de l’enseignement supérieur d’autre part. Alors que les diplômes de Masters sont censés préparer au statut de cadre, 40 % des titulaires de Masters sont employés dans les professions intermédiaires.</p>
<p>De fait, la licence n’est pas reconnue comme un niveau de qualification et d’entrée sur le marché du travail. Si les entreprises pâtissent de cette inadaptation structurelle, les premières victimes en sont les jeunes eux-mêmes, pour l’accès à l’emploi, pour la qualité de leurs emplois et pour l’évolution de leurs carrières. Et la sociologie des jeunes en souffrance reproduit fidèlement la hiérarchie des positions sociales ; les laissés pour compte de l’offre de formation sont toujours les mêmes.</p>
<p>C’est donc un enjeu d’ouverture sociale et de démocratisation du système que de valoriser le professionnalisme des formations au niveau Licence. La défense du statu quo est devenue l’alibi du renoncement à la démocratisation sociale de l’enseignement supérieur.</p>
<p>Des entreprises en manque de cadres intermédiaires, un enseignement supérieur court organisé sur un cycle de deux ans, un cycle supérieur long qui se protège : la demande de formation de premier cycle qualifiante se tourne donc vers l’offre privée. Si celle-ci répond à une partie des besoins, elle contraint les familles à un effort financier difficile, et il ne dédouane pas le service public de ses responsabilités.</p>
<h2>Diversité</h2>
<p>Une politique publique démocratique devrait donc assumer la diversité des voies de formation en Licence. Il conviendrait d’offrir dans l’université la voie d’une Licence préparant aux professions intermédiaires, bâtie sur un programme cohérent en trois ans, non pas un « 2 + 1 ». Il faut une Licence qualifiante, pas une hyper spécialisation rapidement exécutée en un an.</p>
<p>Une telle licence, appelons-la « licence technologique », délivrerait dès la première année un programme de qualification professionnelle assez concentré pour répondre à l’offre d’emplois et assez ouvert pour assurer l’employabilité des jeunes tout au long de la vie. Elle redonnerait au système le souffle que les IUT ont su créer à leur création. Ce pourrait être l’occasion de donner aux IUT l’opportunité d’une meilleure intégration aux universités, en contrepartie du portage des licences technologiques.</p>
<p>La Licence technologique serait moins sélective que l’actuel diplôme des IUT, si elle offrait aux candidats un plus grand nombre de places. Dans cet esprit, le choix de l’orientation n’est pas celui de l’élimination, il est au contraire associé au développement d’une voie de réussite assumée, en particulier pour les bacheliers technologiques et professionnels.</p>
<p>À côté de ces licences qui prépareraient aux professions intermédiaires, il existe les filières préparant à un cursus long, conclu par le Master, parfois même par le Doctorat : il s’agit des licences universitaires et des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).</p>
<p>Il convient de reconnaître aux CPGE le statut de première et deuxième année de Licence, et de libérer le droit pour les universités d’ouvrir des classes équivalentes. On faciliterait ainsi la convergence et le rapprochement des corps professoraux de ces niveaux post-bac.</p>
<p>Il s’agit aussi d’inscrire progressivement ces deux premières années de « prépa » dans la perspective d’un cycle cohérent en trois ans et d’offrir ainsi aux grandes écoles un vivier d’excellence en fin de Licence. Cette évolution inciterait les grandes écoles à se repositionner sur leur vocation : celle de « graduate schools » formant aux diplômes de Masters et de Doctorat.</p>
<h2>Filières d’excellence</h2>
<p>Les licences universitaires doivent gagner le droit d’assumer leurs filières d’excellence partout où elles existent. Combien de temps obligera-t-on les universités à développer leurs Licences sélectives dans la semi-clandestinité ? Là où elles devraient afficher la fierté de l’excellence, elles sont condamnées à avancer masquées. Ce n’est pas le meilleur moyen d’attirer les très bons étudiants.</p>
<p>La demande sociale de formation emprunte les voies libres, quand elle ne rencontre pas d’offre attractive. Elle ne se laisse pas endiguer par les interdits. L’urgence pour le service public d’enseignement supérieur n’est pas à « faire le ménage » dans les appellations contrôlées, mais à construire une offre de licence adaptée.</p>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Bruno Magliulo, inspecteur d’académie honoraire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57849/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Batsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une politique publique démocratique devrait donc assumer la diversité des voies de formation en licence et offrir dans l’université la voie d’une licence préparant aux professions intermédiaires.Laurent Batsch, Président et professeur de sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.