tag:theconversation.com,2011:/global/topics/mutuelle-24144/articlesmutuelle – The Conversation2021-10-14T17:19:57Ztag:theconversation.com,2011:article/1694222021-10-14T17:19:57Z2021-10-14T17:19:57ZLes défis de la couverture sanitaire universelle en Afrique : un ouvrage de synthèse en français<p>L’accès aux soins de santé est au cœur de la volonté déclarée des États du monde de se diriger vers la <a href="https://www.uhc2030.org/fr/">couverture sanitaire universelle</a> (CSU) en 2030. Depuis 2015, celle-ci est l’un des objectifs de développement durable (<a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/health/">ODD</a>).</p>
<p>Dans un <a href="https://www.editionscienceetbiencommun.org/?p=1636">ouvrage collectif</a> qui vient de paraître, nous avons souhaité rendre accessibles en français (et gratuitement) les plus récentes connaissances scientifiques sur l’état des lieux en la matière en Afrique pour soutenir les réflexions et les débats sur les différentes options pour y parvenir.</p>
<h2>Où en est-on ?</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425974/original/file-20211012-15-pvee1y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Vers une couverture sanitaire universelle en 2030 » vient de sortir aux Éditions Science et bien commun et est gratuitement disponible en téléchargement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions Science et bien commun</span></span>
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<p>La couverture sanitaire est aujourd’hui loin d’être universelle. Elle est très variable d’un pays à l’autre mais aussi, au sein de chaque pays, d’un groupe de population à l’autre et d’un service de santé à l’autre. Par exemple, plusieurs chapitres du livre montrent comment le Burkina Faso a été en mesure d’améliorer de manière incroyable l’accès aux soins de santé pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes (pour leur accouchement) par l’intermédiaire d’une politique de suppression du paiement des soins financée par l’État.</p>
<p>Cette politique s’est révélée non seulement <a href="https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/cus/chapter/limpact-de-la-reduction-et-de-la-suppression-du-paiement-des-frais-dutilisation-sur-la-prestation-de-services-au-burkina-faso/">efficace</a> mais aussi <a href="https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/cus/chapter/cout-efficacite-des-politiques-dexemption-du-paiement-des-soins-de-sante-maternelle-au-burkina-faso/">efficiente</a>, et son rapport coût-bénéfice est impressionnant.</p>
<p>Mais malgré les progrès remarquables de certains pays en Afrique, il reste encore de nombreux défis et obstacles pour que soient atteints les deux objectifs principaux de la CSU, à savoir l’amélioration de l’accès aux soins de santé de qualité pour tous et la réduction du fardeau financier pour les familles dans un contexte où l’on demande encore aux patients de payer lorsqu’ils se rendent dans un centre de santé. Plusieurs chapitres du livre illustrent ces défis dans de nombreux pays de la région ouest-africaine car les obstacles sont encore nombreux.</p>
<h2>Des financements publics insuffisants</h2>
<p>Le premier obstacle, souvent peu abordé, est celui du manque de financement public accordé au secteur de la santé. De même que la France est loin d’atteindre ses engagements internationaux pour l’aide publique au développement, très rares sont les pays en Afrique à approcher de leur <a href="https://au.int/sites/default/files/pages/32894-file-2001-abuja-declaration.pdf">objectif de consacrer 15 % de leur budget au secteur de la santé</a>. Par exemple, le <a href="https://www.unissahel.org/wp-3-senegal">Sénégal</a> accorde autant (soit 5 %) de son budget annuel au ministère de la Santé qu’à celui de la Défense où à celui de l’Ordre et de la sécurité publique.</p>
<p><a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/345336/9789290234531-eng.pdf">Selon l’OMS</a>, un seul pays, le Rwanda, a atteint cet objectif aujourd’hui. De fait, ils restent tous très dépendants de l’aide internationale pour financer leur système de santé. Par exemple, <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/345336/9789290234531-eng.pdf">au Rwanda</a>, 49 % des dépenses de santé sont payées par l’aide internationale contre 15 % au Burkina Faso ou 27 % en Guinée. Du fait de l’insuffisance des dépenses publiques en matière de santé des États, les citoyens doivent payer des sommes considérables quand ils doivent se soigner.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149003073882337281"}"></div></p>
<p>Ainsi, au Burkina Faso, 40 % des dépenses totales de santé sont supportées par les habitants, qui payent lorsqu’elles se rendent au centre de santé. Or, ce mode de financement est injuste puisque l’on demande aux malades de payer sans tenir compte de leur capacité financière. C’est tout l’intérêt des <a href="https://www.pum.umontreal.ca/catalogue/acces-aux-soins-de-sante-en-afrique-de-louest-l">politiques de suppression</a> de ces paiements au point de service que nous évoquons dans notre ouvrage et qui datent des années 2000.</p>
<p>Mais, évidemment, pour que cela puisse fonctionner, il faut que le retrait de ces paiements par les populations soit compensé par un financement public dont le mode de collecte tient compte des enjeux d’équité, c’est-à-dire que les gens devraient payer en fonction de ses capacités. Rares sont les pays qui se sont déjà engagés dans ce mode de financement équitable et solidaire à une échelle nationale. C’est certainement le principal défi des prochaines décennies pour les pays africains car l’argent, <a href="https://books.openedition.org/pum/3607?lang=fr">contrairement aux idées reçues</a>, ne manque pas toujours. Il suffit de penser à l’évasion fiscale, qui se chiffre en milliards, et aux <a href="https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/opinions/secteur-minier-financer-soins-sante-afrique/">industries minières internationales</a> présentes en Afrique.</p>
<h2>Des choix à la fois techniques et idéologiques</h2>
<p>Le corollaire à cette dépendance à l’aide internationale est l’influence que les experts étrangers peuvent exercer sur le choix des instruments de politique de santé. En effet, pour atteindre la CSU, il existe de multiples choix possibles et les débats sont très nombreux et très anciens. Par exemple, faut-il prélever une partie du salaire ou taxer les populations pour financer un système de santé ? Faut-il demander un paiement au point de service ou le supprimer ? Faut-il payer une prime de performance au personnel de santé ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NsGD3hn0yp4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Couverture-Santé Universelle (CSU) : Un exemple au Ghana/OMS, 22 mars 2019.</span></figcaption>
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<p>Ces choix sont techniques mais ils sont aussi souvent enchâssés dans des idéologies et des perspectives propres aux personnes et aux organisations d’aide internationale qui imposent encore très souvent leurs idées, comme c’est le cas de la <a href="https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/cus/chapter/la-diffusion-politique-du-financement-base-sur-les-resultats-au-mali/">Banque mondiale et de certains cabinets de consultants</a>. L’ouvrage collectif met en évidence les débats en cours autour de ces différents instruments, mais aussi la permanence et l’échec des outils issus de l’approche du <a href="https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/cus/front-matter/introduction/"><em>New Public Management</em></a> (par exemple le financement basé sur les résultats, le paiement direct des soins, etc.) comme c’est le cas en <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2013-1-page-77.htm">France pour son système de santé</a>.</p>
<h2>La piste des assurances communautaires professionnelles à grande échelle</h2>
<p>Il existe cependant des initiatives prometteuses dans la région ouest-africaine dont il faut parler et sur lesquelles il convient de continuer de produire des connaissances scientifiques pour en vérifier la pertinence.</p>
<p>Avec plusieurs collègues, nous étudions une innovation relativement récente en Afrique de l’Ouest francophone, celle des assurances communautaires à grande échelle avec un soutien de professionnels pour la gestion. En effet, après plus de 20 ans d’expériences, les recherches ont montré que les mutuelles communautaires organisées au niveau des villages et des communes avec une gestion bénévole n’étaient pas une solution, comme nous <a href="https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/cus/chapter/implications-pour-la-recherche-et-pour-les-politiques-de-sante/">l’évoquons dans l’ouvrage</a>. Elles couvrent trop de peu personnes et leur stabilité financière est très précaire. Ainsi, depuis quelques années, des pays comme le <a href="https://www.ceped.org/fr/publications-ressources/working-papers-du-ceped/article/la-couverture-universelle-en-sante">Mali</a> et le <a href="https://www.itg.be/files/docs/shsop/shsop34.pdf">Sénégal</a> se sont engagés (alors que cela avait été proposé <a href="http://dspace.itg.be/handle/10390/6090">il y a très longtemps</a>) dans le développement de mutuelles de santé, où la cotisation reste volontaire (c’est un autre défi !), à l’échelle d’un département/cercle.</p>
<p>De plus, la gestion de ces mutuelles n’est plus laissée à des bénévoles mais réalisée par des professionnels de l’assurance et de la gestion. Les instances de gouvernance continuent d’impliquer les communautés et leurs représentants. Cela pose évidemment des défis concernant la place des communautés et de la <a href="https://theconversation.com/les-invisibles-du-systeme-de-sante-au-senegal-137456">démocratie sanitaire</a> qu’il faudra étudier. Par exemple, au Sénégal, nous évoquons dans le livre le fait que deux départements disposent aujourd’hui d’une assurance maladie qui couvre plus de la moitié de leur population, ce qui est un record historique à notre connaissance. Ce modèle, qui s’est montré <a href="https://theconversation.com/senegal-un-modele-dassurance-sante-resilient-en-temps-de-covid-19-143116">résilient</a> face à la pandémie de Covid-19, commence à s’étendre dans d’autres départements du Sénégal et il a reçu des délégations du Niger, de la Guinée, de la Mauritanie, montrant son attractivité et son potentiel.</p>
<h2>Rendre accessibles les résultats de la recherche</h2>
<p>Enfin, cet ouvrage collectif aborde aussi l’enjeu central de <a href="https://www.equiperenard.org/">l’accès et de l’utilisation de la science</a>. C’est en effet aussi un enjeu scientifique que de produire des connaissances sur la manière dont il est possible de favoriser l’utilisation des données probantes par les acteurs de terrain et les décisionnaires.</p>
<p>Cet objet de recherche est encore rarement abordé en <a href="https://alternatives-humanitaires.org/fr/2020/03/18/lutilisation-de-la-recherche-par-les-ong-un-appel-a-actions-et-a-reflexions/">Afrique de l’Ouest</a>. Un chapitre du livre est consacré à ces défis au <a href="https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/cus/chapter/le-point-de-vue-des-decideurs-du-burkina-faso-sur-lutilisation-de-la-recherche-au-ministere-de-la-sante/">Burkina Faso</a> et montre comme la science éclaire peu les responsables du ministère de la Santé.</p>
<p>L’un des défis de l’utilisation de la recherche est que cette dernière est la plupart du temps, dans le domaine de la santé, publiée en anglais, ce qui n’en facilite pas l’utilisation par les décisionnaires francophones de l’Afrique de l’Ouest. C’est pour cela que nous avons publié ce livre en français et en accès gratuit. Il n’est pas en vente et quelques copies papier sont actuellement distribuées dans les pays.</p>
<p>De plus, il y a encore beaucoup d’équipes de recherche qui rechignent à s’engager dans un soutien aux politiques publiques et à adapter leurs résultats de recherche pour que ceux-ci puissent nourrir les réflexions des décideurs. Certaines équipes préfèrent attendre que leurs résultats soient publiés dans des revues scientifiques (souvent payantes) en anglais, ce qui peut prendre de nombreux mois et parfois des années, avant de les partager avec les responsables des systèmes de santé concernés. </p>
<p>Il nous reste donc collectivement encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les résultats de nos travaux puissent soutenir le développement et les décisions en faveur de la couverture sanitaire universelle en 2030. Nous espérons que cet ouvrage collectif pourra nourrir les réflexions francophones sur le sujet au-delà des idées reçues et des solutions miracles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169422/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valéry Ridde a reçu des financements d'organismes de recherche publics (ANR, IRSC, AFD, ONG etc.). Il est actuellement affecté à l'ISED/UCAD au Sénégal.</span></em></p>De nombreux travaux sont consacrés aux défis et aux promesses de la mise en place de la couverture sanitaire universelle en Afrique. Un ouvrage qui vient de paraître fait le point sur la situation.Valery Ridde, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1618602021-06-02T18:11:14Z2021-06-02T18:11:14ZCoopératives, supermarchés solidaires… Devenir une organisation alternative ne s’improvise pas !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403982/original/file-20210602-814-1ki0mqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=123%2C30%2C873%2C582&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le supermarché coopératif et participatif La Louve, à Paris, les membres décident des actions à mener lors des assemblées générales qui ont lieu tous les 2&nbsp;mois.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Dossier de presse La Louve / Denis Meyer</span></span></figcaption></figure><p>Qu’y a-t-il de commun entre un supermarché coopératif, un living lab, une plate-forme de financement participatif solidaire ou un groupe de lanceurs d’alerte ?</p>
<p>Face à un modèle capitaliste dont les critiques dénoncent le caractère prédateur et destructeur, des citoyens s’organisent pour résister et montrent que des alternatives restent possibles et existent déjà, à l’instar du <a href="https://www.bastamag.net/Face-au-beton-les-JAD-d-Aubervilliers-appel-a-occuper-les-jardins-ouvriers-en">mouvement de protestation</a> contre la disparition de jardins ouvriers dans le nord de Paris pour faire place aux infrastructures olympiques.</p>
<p>L’examen attentif du fonctionnement de ces organisations alternatives ou <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/utopies_reelles-9782707191076">« utopies réelles »</a>, du nom de l’ouvrage du sociologue américain Erik Olin Wright, met en avant leur volonté, leur capacité mais aussi leurs difficultés, à mettre en œuvre une gouvernance démocratique, une inclusion sociale et une performance qui intègre mieux les dimensions écologiques et sociales.</p>
<h2>Des idéaux de démocratie</h2>
<p>Les recherches réunies dans l’ouvrage <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/versus/ouvrage/622-organisons-l-alternative.html"><em>Organisons l’alternative !</em></a> que nous avons coordonné ne visent pas seulement à penser théoriquement ces autres options, mais aussi, et peut-être surtout, à questionner leur concrétisation, à entrer dans la cuisine organisationnelle qui les rend possibles au quotidien. Il s’agit de montrer, comme cela a récemment été fait pour la finance citoyenne, la variété des organisations dans lesquelles ces alternatives peuvent être mises en place.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1384775437033869315"}"></div></p>
<p>Les études portent sur quatre grands groupes d’organisations. Le premier se compose d’organismes bancaires, de plates-formes de financement participatif ou de mutuelles qui tentent de revitaliser le pouvoir démocratique dans la sphère financière et de rendre celle-ci plus abordable aux citoyens.</p>
<p>Le deuxième regroupe des coopératives qui permettent à leurs travailleurs comme à leurs bénéficiaires de participer aux décisions collectives et ainsi d’explorer d’autres rapports au travail ou à la consommation. Elles prennent majoritairement la forme de <a href="https://theconversation.com/comment-les-scop-gerent-leurs-ressources-humaines-87420#:%7E:text=au%20moins%2040%20%25%20pour%20la,r%C3%A9mun%C3%A9ration%20du%20capital%20(dividendes).">Société coopérative d’intérêt collectif</a> (SCIC), et exercent dans des domaines très divers allant de la distribution à l’habitat en passant par le secteur de l’énergie ou des cabinets comptables.</p>
<p>Des organisations plus disparates constituent le troisième groupe. Il s’agit de living labs, maisons des lanceurs d’alerte, groupes d’entraide mutuelle en psychiatrie ou autres espaces de coworking qui tentent de créer une communauté autour d’un enjeu collectif dont se saisissent leurs membres, dans des logiques d’entraide, de coopération, voire de solidarité.</p>
<p>Le quatrième et dernier groupe relève du partage et de la transmission du savoir et de l’information, qu’il s’agisse des plates-formes alternatives ou des recherches participatives.</p>
<p>Toutes ces alternatives sont habitées par des idéaux de démocratie et de changements économiques et sociaux. Elles se heurtent aux limites de leur mise en œuvre concrète.</p>
<h2>Des transformations pas uniquement formelles</h2>
<p>Étudier les organisations alternatives, c’est en effet aussi aborder leurs tensions et leurs limites. Deux cas font notamment l’objet d’une comparaison dans notre ouvrage. Au <a href="https://www.cairn.info/revue-recma-2016-2-page-78.htm">supermarché La Louve</a>, un magasin situé dans le XVIII<sup>e</sup> arrondissement de Paris, ce sont les membres de la coopérative qui proposent les produits selon différents critères économiques, sociaux ou environnementaux. Ceux-ci restent en rayon en fonction des chiffres de vente auprès de ces mêmes membres. La SCIC <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02091349/">AlterConso</a> à Lyon unit, elle, agriculteurs et consommateurs, tous sociétaires de l’organisation.</p>
<p>Ces initiatives pensent le travail autrement, dans le secteur de la distribution alimentaire. Chacune de ces coopératives propose des formes de travail et de consommation alternatives pour dépasser les limites usuelles du salariat, en particulier les rapports hiérarchiques. La Louve fait travailler ses clients et leur propose en contrepartie des tarifs plus bas, tandis qu’AlterConso inclut ses salariés et ses consommateurs dans ses processus de décisions collectives.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1073534479128518658"}"></div></p>
<p>Un des résultats les plus forts de ces études conjointes est de montrer qu’il ne suffit pas de renoncer au contrat de travail salarié pour se débarrasser de ses limites. L’organisation peut répéter aisément des conceptions instrumentales du travail, invisibilisant alors les tensions sous-jacentes. Autrement dit, ce n’est que grâce à une réflexion collective, de fond et permanente qu’elle peut concrètement réinventer le travail.</p>
<h2>Contexte institutionnel et contradictions</h2>
<p>Deux idées clés émergent de ces études de cas.</p>
<p>Pour transformer les usages, il est nécessaire de <strong>cultiver une certaine « orgadiversité »</strong>, néologisme que nous proposons en référence au concept de biodiversité. Encourager la diversité des organisations alternatives demeure un enjeu contemporain indubitable pour ne pas tourner en rond et pour ne pas répéter en boucle les erreurs de modèles dont on connaît déjà depuis longtemps les limites. C’est l’expérimentation de combinaisons variées de travail, de statuts, de liens, de modes de gouvernance et de financement qui aboutit à faire émerger les alternatives.</p>
<p>Seconde idée, pour être durables, les organisations alternatives doivent <strong>se doter de modèles et d’outils de gestion qui leur sont propres</strong>. Parce qu’elles prennent leurs distances avec des modèles dominants sans pour autant pouvoir les abandonner radicalement en raison de leur ancrage institutionnel, les organisations alternatives se heurtent nécessairement à des contradictions et des ambiguïtés. L’enjeu pour elles réside dans leur prise en charge en restant alignées avec leurs missions et leurs valeurs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1170&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1170&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403615/original/file-20210531-17-19ua0fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1170&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>L’enjeu du contexte institutionnel semble en effet essentiel pour les organisations alternatives comme le montre le cas des mutuelles étudiantes. Malgré des structures et des valeurs bien présentes, les mutuelles étudiantes se sont éloignées radicalement des principes mutualistes et de service public qui avaient présidé à leur fondation. Cet éloignement s’explique par la mise en concurrence des mutuelles entre elles, par le fait d’en avoir créé plusieurs pour proposer un service a priori similaire, à l’opposé de la coopération inscrite dans leurs valeurs.</p>
<p>Les travaux de notre ouvrage montrent, en définitive, qu’il existe une grande diversité d’organisations alternatives qui sont des sources d’inspiration pour innover en matière de transition écologique et sociale. Elles constituent des voies, parmi d’autres, pour fonder de nouveaux imaginaires et construire des futurs plus désirables.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur l’ouvrage collectif <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/versus/ouvrage/622-organisons-l-alternative.html">« Organisons l’alternative ! Pratiques de gestion pour une transition écologique et sociale »</a> publié cette année aux éditions EMS et coordonné par Amina Béji-Bécheur, Bénédicte Vidaillet et Fabien Hildwein</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amina Béji-Bécheur a reçu des financements de l'Université Gustave Eiffel pour mener à bien le projet de recherche Penser les organisations alternatives et de l'ADEME pour mener le projet de recherche ESADICAS (étude socio-anthropologique des dispositifs d'acculturation à la sobriété).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Vidaillet et Fabien Hildwein ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les initiatives qui intègrent dans leur performance les dimensions écologiques et sociales doivent gérer le hiatus entre leurs idéaux et la mise en œuvre de l’activité.Amina Béji-Bécheur, Professeur des universités, membre de l'Institut de Recherche en Gestion, Université Gustave EiffelBénédicte Vidaillet, professeure agrégée des universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Fabien Hildwein, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1431162020-08-31T19:24:55Z2020-08-31T19:24:55ZSénégal : un modèle d’assurance santé résilient en temps de Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/354887/original/file-20200826-16-1d75zoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C613%2C459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cérémonie de remise de cartes aux bénéficiaires enrôlés dans l'Unité départementale d'assurance maladie par la mairie de NIoro </span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Dans sa volonté d’étendre la couverture sanitaire de sa population, le Sénégal s’est lancé ces dernières années dans <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/wp40.pdf">plusieurs stratégies</a> de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32015580/">financement de la santé</a>, au risque d’une certaine <a href="https://www.who.int/bulletin/volumes/98/2/19-239665/en/">fragmentation</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/99956/119628/F1231146326/BEN-99956.pdf">plan stratégique de développement de la couverture maladie universelle 2013-2017</a> vise un objectif de couverture du risque maladie d’au moins 75 % de la population en 2021. Après les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X03002122">mutuelles communautaires</a> au niveau communal et la <a href="https://equityhealthj.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12939-019-1089-9">gratuité des soins</a> pour certaines personnes (personnes âgées, enfants de moins de 5 ans, indigents) ou certains services (césariennes, traitement VIH), le Sénégal a testé deux modèles d’extension de la couverture du risque maladie.</p>
<p>Le premier est la décentralisation de l’assurance maladie (DECAM) avec la création de mutuelles de santé au niveau communal. Le second est une <a href="https://www.itg.be/files/docs/shsop/shsop34.pdf">assurance maladie à grande échelle</a> professionnalisée avec, pour le moment, deux unités départementales d’assurance maladie (UDAM) à Koungheul et Foundiougne. De 2013 à 2017, la formulation et la mise en œuvre de ces deux unités ont été organisées par le ministère de la Santé et de l’Action sociale avec la Coopération technique belge (Enabel), à travers son Projet d’Appui à l’Offre et à la Demande de Soins (PAODES).</p>
<p>Le dispositif des UDAM est un modèle d’unités d’assurance à grande échelle :</p>
<ul>
<li><p>Une unité opérationnelle au niveau du département avec une gestion centralisée</p></li>
<li><p>Une professionnalisation de son organisation</p></li>
<li><p>Un financement associant la cotisation des populations et des subventions de l’État et/ou des partenaires</p></li>
<li><p>Les formations sanitaires fournissent les soins et les UDAM contrôlent la qualité des services</p></li>
<li><p>Un système de tarification forfaitaire transparent et uniforme</p></li>
<li><p>Une intégration des collectivités territoriales dans les instances de décision</p></li>
<li><p>Une représentation locale des populations issues des organisations communautaires de base par la mise en place d’antennes de collectivités territoriales</p></li>
</ul>
<h2>Des unités départementales efficaces dans un contexte de pandémie</h2>
<p>Les résultats des UDAM ont été capitalisés, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5728265/">Forum national</a> sur la couverture universelle en santé a été organisé et un <a href="https://www.itg.be/files/docs/shsop/shsop34.pdf">ouvrage collectif</a> a été publié.</p>
<p>Le soutien d’<a href="https://www.enabel.be/fr/publication/introducing-large-scale-health-insurance-rural-poor-senegal">Enabel (PAODES)</a> a pris fin en juin 2017. Depuis, les UDAM doivent s’organiser sans appui technique et financier international. Malgré ces défis, et contrairement aux mutuelles communautaires <a href="https://bmchealthservres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12913-017-2419-5">qui ne se relèvent généralement</a> pas de l’arrêt des appuis, les UDAM ont su s’adapter. Leur viabilité financière est toujours appréciable et leurs indicateurs de performance n’ont pas chuté : ils ont même progressé si l’on évoque les taux de pénétration, soit la proportion de la population cible adhérente aux UDAM (Figure 1).</p>
<p><strong>Figure 1 : Évolution du taux de pénétration des deux UDAM</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348798/original/file-20200722-21-vamu7m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les UDAM ont été en mesure de s’adapter, d’innover et de s’organiser pour déployer des stratégies de <a href="http://www.equitesante.org/wp-content/uploads/2015/07/1.-Pluye-Potvin-Denis-2004-EPP.pdf">pérennisation</a>. Les circonstances de ce contexte sont exceptionnelles à étudier car les recherches sur la pérennité des interventions de santé en Afrique sont rares et le <a href="https://globalizationandhealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12992-017-0307-8">succès du maintien des acquis encore plus</a> [21]. Cela fera l’objet d’une prochaine recherche.</p>
<p>Mais le Sénégal a été frappé début mars 2020 par la pandémie du SARS-CoV-2. La Figure 2 montre l’évolution des cas de la Covid-19 depuis le début de la pandémie. Fin août 2020, <a href="https://www.covid19afrique.com">plus de 13 000 cas ont été recensés</a>.</p>
<p><strong>Figure 2 : Évolution des cas de Covid-19 et des tests effectués au Sénégal</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354922/original/file-20200826-7372-n8u767.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si le nombre de cas et de décès reste bien moindre qu’ailleurs et qu’un plateau semble atteint, les mesures prises par l’État pour endiguer la pandémie ont eu un impact sur le fonctionnement des UDAM. Alors que quelques études sur la <a href="https://u-paris.fr/hospicovid/">résilience</a> des systèmes d’assurance et des systèmes de santé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32199083/">ont démarré en Europe</a>, nous pensons utile de nous interroger sur celle des UDAM au Sénégal. Il s’agit d’une réflexion exploratoire afin de partager nos idées et de préparer une prochaine recherche empirique dans le cadre du programme de recherches <a href="https://www.unissahel.org">UNISSAHEL</a>.</p>
<h2>Défis et adaptation des activités des UDAM en contexte de pandémie</h2>
<p>Notre analyse a permis de mettre au jour au moins quatre défis importants auxquels les UDAM ont dû faire face pendant le début de la pandémie en organisant des solutions innovantes.</p>
<p><strong>Défi 1 : Participer de manière responsable à la lutte contre la pandémie</strong></p>
<p>Les UDAM se sont senties immédiatement et pleinement parties prenantes de la réponse sanitaire à la pandémie. Mais il ne s’agissait pas d’y répondre en faisant courir des risques démesurés à ses employés. Tous les agents ont été formés par les médecins-chefs des districts aux enjeux de santé publique de la maladie, tant au plan clinique que des gestes barrières. Les UDAM se sont aussi directement impliquées dans la riposte.</p>
<p>Ainsi, leurs directeurs sont membres du comité départemental de gestion de l’épidémie et des comités communaux multisectoriels de lutte. À Koungheul, le personnel technique de l’UDAM a accompagné les relais communautaires et le collectif d’étudiants de la commune dans leurs visites à domicile pour sensibiliser les populations aux gestes barrières. À Foundiougne, des volontaires de la Croix-Rouge sont venus pour soutenir l’UDAM dans l’organisation des dispositifs d’accueil sécuritaire (prise de température, lavage des mains, etc.) des bénéficiaires dans leurs locaux. Les UDAM ont appuyé financièrement le plan de riposte départemental en octroyant un budget de 550 000 F CFA à Foundiougne et 1 500 000 F CFA à Koungheul.</p>
<p><strong>Défi 2 : maintenir la collecte des cotisations</strong></p>
<p>Les UDAM vivent en grande partie des cotisations de leurs membres. Dans un contexte où les déplacements étaient restreints et les contacts entre personnes sujettes à distanciation physique, elles ont dû innover sans participer à la propagation du coronavirus. Pour le renouvellement des cotisations, les paiements électroniques ont été privilégiés et, lorsque cela était nécessaire, en subventionnant les frais d’envois des adhérents. Il a été conseillé aux nouveaux adhérents, l’envoie des photos et autres documents nécessaires par messagerie WhatsApp.</p>
<p>Les agents collecteurs se sont appuyés sur les points focaux des UDAM dans les villages pour optimiser la collecte des cotisations et réduire le nombre de déplacements nécessaires. À Foundiougne, afin d’éviter que les adhérents ayant plus de 10 bénéficiaires et qui n’avaient pas, dans les conditions économiques difficiles durant l’épidémie, la possibilité de tous les renouveler, ne fassent un choix sur les personnes à assurer, la stratégie adoptée pour l’UDAM consistait à leur demander de suivre l’ordre d’enrôlement de la famille inscrit dans le logiciel de gestion. Il s’agit d’une forme de contrainte tacite pour éviter que lors du renouvellement de la cotisation, le chef de ménage ne sélectionne que les personnes les plus malades au détriment des autres.</p>
<p><strong>Défi 3 : continuité de la prise en charge des bénéficiaires dans les formations sanitaires</strong></p>
<p>Durant la période où il était interdit de se déplacer entre communes, il n’a pas été possible de remettre les documents permettant aux indigents (familles bénéficiant de la bourse de sécurité familiale leur donnant droit à une cotisation gratuite subventionnée par l’État) de renouveler leur adhésion. Pour garantir la permanence de leur accès aux soins, une correspondance spécifique a été adressée à tous les médecins-chefs. De même, lorsqu’un patient adhérent d’une UDAM est référé, il doit d’abord venir chercher une lettre de prise en charge au siège départemental. Il a été devenu possible de demander cette lettre au niveau plus local du district.</p>
<p>Pour les personnes devant se rendre à l’hôpital, les UDAM ont innové en envoyant directement un courrier électronique de prise en charge. En outre, puisque le suivi des plaintes au niveau local a été réduit par la limitation des déplacements des agents de l’UDAM, c’est lors des réunions mensuelles de coordination au niveau du district et en la présence des infirmiers responsables des formations sanitaires que les difficultés rencontrées par les patients ont été abordées.</p>
<p><strong>Défi 4 : garantir le paiement des factures dans un contexte de retard de l’État</strong></p>
<p>Les UDAM continuent de subir les effets du retard de remboursement des subventions générales de l’État et des subventions ciblées pour les mutuelles de santé et des frais associés aux exemptions de paiement pour certaines catégories de personnes. À ce retard de près de deux années de paiement exacerbé en contexte de pandémie, s’ajoute la réduction du recours aux soins. En outre, dans le département de Koungheul, ce sont les postes de santé qui préfinançaient les évacuations sanitaires d’urgence au sein du district et l’UDAM les remboursait à la fin du mois. Or, dans ce contexte, l’UDAM éprouvait des difficultés à honorer ce remboursement mensuel. Cela a amené certaines structures à réclamer aux bénéficiaires de payer des frais d’évacuation alors que leur adhésion à l’UDAM leur donne droit gratuitement à ce service. Ainsi, l’UDAM s’est engagée à rembourser mensuellement les évacuations sanitaires d’urgence aux postes de santé afin d’éviter aux bénéficiaires de perdre cet acquis.</p>
<p>Alors que les UDAM ont été en mesure de faire face à l’arrêt du soutien de leur partenaire technique et financier mi-2017, l’arrivée de la pandémie en mars 2020 représente une nouvelle épreuve. Elles ont été capables d’innovations pour affronter les nouveaux défis que la pandémie a provoqués à l’échelle du pays mais aussi localement, dans leur routine organisationnelle.</p>
<p>Face à la <a href="https://www.unissahel.org/analyse-de-la-resilience">résilience</a> dont ont fait preuve les UDAM et leurs personnels, on est en droit de croire que la pandémie ne suffira pas à rompre cette dynamique en faveur de la couverture universelle en santé au Sénégal.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec Ndeye Bineta Mbow et Ibrahim Senghor, directrice et directeur des UDAM de Foundiougne et de Koungheul. Merci à F.-A. Roy, E. Bonnet et F.-B. Diongue Lopes pour les données et la figure 2 (https://www.covid19afrique.com).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Ridde a reçu des financements de nombreux organismes de recherche publics (ANR, IRSC, AFD, etc.) et il a été consultant pour Enabel afin de soutenir la capitalisation de cette expérience des UDAM. </span></em></p>La pandémie de la Covid-19 met en évidence la résilience du modèle de couverture sanitaire au Sénégal, même s’il reste quelques défis à relever.Valery Ridde, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1155132019-06-05T20:47:17Z2019-06-05T20:47:17ZSénégal : des mutuelles mieux adaptées pour les travailleurs du secteur informel<blockquote>
<p>« Tous les jours quand je me réveille je prie pour que ni moi, ni mes parents ne tombions malades parce que je n’aurai pas les moyens de me soigner. » (M.T., couturière, 44 ans, mère de 2 enfants)</p>
</blockquote>
<p>Cette phrase est assez classique dans le discours des travailleurs du secteur informel au Sénégal. Une <a href="http://www.aho.afro.who.int/sites/default/files/ahm/reports/661/ahm1711.pdf">étude</a> sur les dépenses catastrophiques de santé montre qu’en 2011, la contribution des ménages au financement de la santé était toujours élevée au Sénégal, notamment en raison de dépenses majeures en médicaments.</p>
<p>Cette étude révélait que 2,59 % des ménages avaient effectué des dépenses catastrophiques et 1,78 % des ménages étaient tombés dans la pauvreté en 2011, alors que ce taux était de 0,96 % en 2005.</p>
<p>En 2015, le taux de croissance du Sénégal, a tout de même <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/senegal/overview">atteint</a> 6,5 % (le taux le plus haut depuis 2003), un chiffre qui semble s’être maintenu durant les années 2016 et 2017. Dans ce contexte de croissance comment expliquer que les travailleurs soient toujours aussi vulnérables ?</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Fatoumata Hane, maîtresse de conférence en anthropologie à l'université Ziguinchor au Sénégal (AFD).</span></figcaption>
</figure>
<h2>De nombreuses initiatives dont l’efficacité reste mitigée</h2>
<p>Certes différentes initiatives ou mécanismes ont été instaurées pour faciliter l’accès aux soins de santé des plus pauvres ou « indigents ».</p>
<p>Parmi les <a href="https://www.jstor.org/stable/90013898">nombreux dispositifs</a>, citons la loi n°62-29 sur les certificats d’indigence permettant une <a href="http://www.servicepublic.gouv.sn/index.php/demarche_administrative/demarche/1/856">aide financière ponctuelle</a>, la ligne budgétaire de secours aux nécessiteux des communes, les services sociaux des hôpitaux ou encore les interventions ponctuelles de la Caisse de Sécurité Sociale et la prise en charge d’indigents par les <a href="https://journals.openedition.org/economiepublique/8820?file=1">mutuelles de santé</a>.</p>
<p>Cependant, comme l’indique le sociologue Eric Baumann, ces dispositifs interviennent « dans des proportion extrêmement réduites » et <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/39836120.pdf">restent souvent méconnus</a> de la population cible.</p>
<h2>Un secteur informel largement exclu</h2>
<p>Par ailleurs, le système de santé basé sur le paiement direct exclut de l’accès aux soins une large part de la population, à savoir les travailleurs du secteur informel.</p>
<p>En effet, si l’économie sénégalaise repose principalement sur l’agriculture, pilier des politiques économiques et sociales, la dernière enquête nationale <a href="http://www.ansd.sn/ressources/rapports/Rapport-final-ENSIS.pdf">sur le secteur informel</a> indique ce dernier emploie 48,8 de la population active.</p>
<p>Comme le montre une <a href="http://www.dpee.sn/IMG/pdf/etude_secteur_informel.pdf">étude</a> le secteur informel est largement dominé par le commerce qui réalise 64 % du chiffre d’affaire et 37 % de la valeur ajoutée. En outre, l’ensemble des services créent environ 72 % de la valeur ajoutée du secteur informel suivi par le secondaire avec 27,4 %.</p>
<p>Ce dernier est dominé par les industries alimentaires et le BTP qui ont créé respectivement 35,4 % et 34,6 % de la valeur ajoutée du secteur. Concernant les industries alimentaires informelles, leurs activités sont dominées par la transformation des produits halieutiques et la fabrication de glace. Pour ce qui est du BTP, la présence de l’informel se fait ressentir dans toute la chaine des activités de construction.</p>
<h2>Un manque de protection</h2>
<p>Cependant ces travailleurs du secteur informel sont exclus des systèmes de protection sociale institutionnalisés comme le montre le tableau suivant, dont les données datent de 2007.</p>
<p>Il présente les régimes de protection contre le risque maladie. Comme le montre le tableau, seules les personnes salariées ou ayant souscrit des assurances privées sont couvertes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277725/original/file-20190603-69055-cz5zlg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est donc pour répondre à ce manque de protection contre le risque maladie des travailleurs du secteur informel que sont nées, dès la fin des années 80’, des mutuelles de santé.</p>
<h2>Une culture mutualiste pour les travailleurs informels</h2>
<p>Trois phases marquent le développement des mutuelles de santé au Sénégal : la phase de naissance (avant 1994), la phase de diffusion (1994-98) et la <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/wp40.pdf">phase d’engagement, depuis 1998</a>.</p>
<p>La mutuelle de Fandène, dans la région de Thiès, créée en 1988 et première mutuelle de santé du Sénégal fait office de pionnière.</p>
<p>Ancrée au sein des communautés et forte de son succès (taux de pénétration élevé) ainsi que de sa pérennité, elle constitue une référence dans le pays. Encore aujourd’hui elle régulièrement invoquée comme preuve d’une culture mutualiste au Sénégal et du potentiel des mutuelles communautaires à protéger efficacement les travailleurs du secteur informel et rural contre le risque maladie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277731/original/file-20190603-69091-j1dngi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mutuelle de Sante au Sénégal : la mutuelle pionnière est celle de Fandène dans la région de Thiès.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.laviesenegalaise.com/couverture-maladie-universelle-660-mutuelles-de-sante-mises-place-senegal">Laviesénégalaise</a></span>
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</figure>
<p>En 2015, une étude expliquait le « fondement de la résilience et de la pérennité » de la mutuelle de Fandène par « les conditions de sa création, les caractéristiques de sa population cible, la réciprocité élargie, la gouvernance, la confiance et la conscience critique des membres ainsi que la qualité des soins ». Cette recherche mettait cependant en avant la <a href="https://www.ceped.org/IMG/pdf/wp40.pdf">difficulté</a> pour des mutuelles de petite taille et à adhésion volontaire de contribuer à la couverture universelle.</p>
<h2>Un modèle soutenu progressivement par l’État</h2>
<p>Le modèle mutualiste s’est rapidement diffusé dans d’autres régions du pays. En 1997, le Sénégal comptait 19 mutuelles. Dix ans plus tard, on en dénombrait 129. Les mutuelles de santé ont obtenu l’appui de nombreuses organisations nationales et internationales. L’Etat s’est aussi progressivement impliqué dans la promotion et l’appui aux mutuelles de santé.</p>
<p>En 1998, la Cellule d’Appui aux Mutuelles de santé, IPM et comités de santé (CAMICS) est créée au sein du Ministère de la Santé. Enfin, un Plan Stratégique de Développement des Mutuelles de Santé au Sénégal est élaboré en 2004.</p>
<p>Outre la communication auprès des publics cibles, l’État soutient notamment le développement des capacités d’implantation, d’organisation et d’extension des mutuelles de santé (communautaires et socio-professionnelles).</p>
<h2>La couverture santé universelle : une réflexion plus longue</h2>
<p>La réflexion sur la Couverture Santé Universelle (CSU), l <a href="https://www.afro.who.int/fr/news/lancement-officielle-de-la-couverture-maladie-universelle-au-senegal">ancée officiellement à Dakar en 2013</a>, n’a été initiée qu’ en 2008. Elle se base sur deux constats.</p>
<p>D’une part, les réformes initiées durant les « années 90 », à savoir le recouvrement des coûts et la réforme hospitalière, ont eu un impact négatif sur l’accessibilité financière aux soins de santé. D’autre part, les différents programmes visant à faciliter l’accès aux soins de santé pour les plus pauvres et les groupes vulnérables se sont révélés inefficaces et ne concernaient qu’une faible proportion de la population concernée.</p>
<h2>Un nouveau programme centré sur les mutuelles</h2>
<p>C’est dans ce cadre que s’inscrit le programme Décentralisation de l’Assurance Maladie (DECAM) financé par l’USAID et qui repose sur l’<a href="https://pdfs.semanticscholar.org/2f4c/7601df7c4d9c4b092043cf7b7621f7221f6d.pdf">appui au développement de mutuelles de santé communautaires</a> dans chaque collectivité territoriale. Ce régime s’adresse donc à l’ensemble des résidents des collectivités territoriales, à l’exception de ceux qui bénéficient déjà d’une couverture maladie basée sur l’emploi.</p>
<p>Le DECAM couvre un paquet minimum de bénéfices qui est harmonisé (comprenant les services des postes et centres de santé) ainsi qu’un paquet complémentaire (comprenant les services des hôpitaux).</p>
<p>Ces services sont pris en charge à 80 %, et à 50 % pour les médicaments de spécialités vendus dans les officines privées ayant signé une convention avec la mutuelle de santé. Les maladies chroniques ne sont pas prises en charge dans le paquet de soins. Le paquet de base est géré par la mutuelle de santé, alors que le paquet complémentaire, financé par la subvention de l’État, est géré par l’union départementale des mutuelles.</p>
<h2>Des enjeux exigeant des dispositifs de financement innovants</h2>
<p>L’adhésion aux mutuelles de santé est organisée sur une base familiale ou de groupe (l’adhésion individuelle est prévue comme « l’exception »). Elle coûte 1000 FCFA (1,52 euros) et la cotisation annuelle est fixée à 7000 FCFA (10,61 euros) par bénéficiaire. Cependant, cette cotisation est subventionnée à 50 % par l’État.</p>
<p>En 2019, le taux d’enrôlement dans les mutuelles de santé est <a href="https://fr.allafrica.com/stories/201801260358.html">estimé à 47 %</a> alors que l’objectif pour le taux de couverture en 2021 est fixé à 80 %, mais il intègre les <a href="https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/226717/1/Les%20mutuelles%20de%20sant%C3%A9%20subventionn%C3%A9es%20comme%20instruments%20de%20la%20CMU%20au%20S%C3%A9n%C3%A9gal.pdf">bénéficiaires des différents programmes</a> de gratuité et les bénéficiaires du programme Bourse Sécurité Familiale (BSF), ce qui cache mal la faible adhésion aux mutuelles qui tourne autour de 17 %. Ce qui montre l’enjeu autour de la politique des chiffres.</p>
<p>Aujourd’hui, les enjeux autour du financement de la CSU restent un défi majeur pour sa pérennité au Sénégal d’où la réflexion en cours sur la mobilisation de financements innovants comme la taxe sur les <a href="http://www.loggos.fr/2015/08/08/la-taxation-des-appels-entrants/">appels téléphoniques entrants</a>, une Couverture Maladie Universelle <a href="https://cio-mag.com/senegal-la-cmu-va-mettre-en-ligne-une-plateforme-pour-financer-lacces-a-la-sante/">impliquant la diaspora</a> ou le financement de la CSU par les ressources minières, s’alignant sur une <a href="https://afro.who.int/node/8825">proposition togolaise</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans une série d’articles consacrée au travail informel et ses défis dans le monde.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fatoumata Hane a présenté une communication lors d'un colloque sur le travail informel à l'AFD en avril 2019, dont cet article est issu. </span></em></p>Au Sénégal, les travailleurs du secteur informel sont particulièrement désavantagés dans l’accès aux soins. Mais ils s’organisent grâce à un système de mutuelles en plein essor.Fatoumata Hane, Socio-anthropologue, Université Assane Seck de ZiguinchorLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/851952017-10-08T18:59:50Z2017-10-08T18:59:50ZLe système de santé français est-il toujours aussi solidaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189195/original/file-20171006-3228-1jjezw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Soins remboursables…</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Des critères de justice sociale ont présidé à la mise en place de la protection sociale en France, notamment pour la couverture du risque maladie. L’équité horizontale suppose ainsi que les patients peuvent bénéficier d’un même accès aux soins, à besoin de soin donné, et de manière totalement déconnectée de leur revenu. L’équité verticale requiert un financement identique pour une même capacité contributive ce qui sous-tend le caractère progressif du financement avec le revenu. Cette double solidarité entre les bien-portants et les malades d’une part et entre les riches et les pauvres d’autre part (« de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ») fonde le système de santé français. Mais n’est-elle pas aujourd’hui fragilisée par la concentration de l’AMO (Assurance maladie obligatoire) sur le risque lourd et la montée en charge des financeurs privés ?</p>
<p>De prime abord, cette question semble incongrue tant la France est perçue, à raison, comme un pays particulièrement généreux en matière d’investissement public dans la santé. Les DCS (dépenses courantes de santé) représentent 11 % de son PIB, un ratio comparable à celui mesuré en Suède, en Allemagne, au Japon ou encore aux Pays-Bas (mais loin derrière les USA avec une proportion de 17 %). En 2016, près des quatre cinquièmes de ces dépenses sont prises en charge par l’AMO en France. Ce ratio élevé est particulièrement stable depuis 30 ans. Notons cependant que 13 pays de l’OCDE se caractérisent par un ratio légèrement supérieur, le niveau le plus élevé étant l’apanage de la Norvège (85 %).</p>
<p>Autre élément de comparaison internationale : le RAC (reste à charge) final (c’est-à-dire le montant restant à la charge du patient après remboursement de l’AMO et des organismes complémentaires). La part du RAC final dans les DCS est de 7 % en France, la plus faible proportion observée parmi les pays de l’OCDE en 2015 (dont la moyenne est de 20 %).</p>
<p>Pourtant en toile de fond de cette couverture maladie particulièrement flatteuse pour le système français, se logent des inégalités d’accès aux soins et de financement qui remettent partiellement en question la double solidarité du modèle hexagonal.</p>
<h2>Des bien-portants vers les malades ?</h2>
<p>C’est entendu, la Sécurité sociale assure un niveau moyen de remboursement des soins élevé. En moyenne, 77 % des dépenses de santé en 2016 <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/panoramas-de-la-drees/article/les-depenses-de-sante-en-2016-resultats-des-comptes-de-la-sante-edition-2017">sont remboursées par l'AMO</a>. Cependant du fait de la coexistence de deux opérateurs distincts (l’AMO et les OCAM – organismes complémentaires d’assurance maladie), la couverture du risque santé renvoie à des situations extrêmement contrastées selon l’état de santé, le niveau de revenu, la qualité de la couverture complémentaire ou le type de soins. Par exemple, en 2016, 91 % des dépenses hospitalières sont remboursées par la Sécurité sociale contre 69 % des médicaments, 65 % des dépenses en soins de ville mais seulement 33 % des soins dentaires et 3,3 % de la dépense d’optique.</p>
<p>Les inégalités sociales de santé étant très prononcées en France et fortement corrélées au revenu, la redistribution effectuée par l’AMO des hauts revenus vers les bas revenus est massive. Depuis, la mise en place en 2000 de la <a href="https://www.cmu.fr/cmu-complementaire.php">CMU-C</a> et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé en 2005, l’équité horizontale est ainsi respectée en matière d’accès aux soins de généralistes notamment. Elle ne l’est pas, en revanche, en matière d’accès aux soins de spécialistes ou d’actes de prévention. À état de santé et âge équivalents, les classes les plus aisées y accèdent plus que les classes les plus défavorisées.</p>
<p>Ces écarts ne relèvent pas uniquement de difficultés financières mais aussi de différences de comportements et de niveau d’information des individus (<a href="http://bit.ly/2fV7mH6">Dourgnon <em>et coll.</em>, 2012</a> ; <a href="http://bit.ly/2fPrfLW">Jusot, 2014</a>). Les phénomènes de renoncement aux soins pour raisons financières (tickets modérateurs, dépassements d’honoraires non-couverts) sont bien plus répandus chez les plus démunis attestant d’une barrière financière significative face à certains soins (dentaire, optique, spécialistes…).</p>
<p>Bien que 95 % de la population soit couverte par une assurance complémentaire santé, l’hétérogénéité de la couverture conduit donc à remettre en question, pour certains soins, le principe d’équité horizontale.</p>
<h2>L’AMO concentre de plus en plus ses remboursements sur le « risque lourd »</h2>
<p>Par ailleurs, la concentration des dépenses de santé de l’AMO sur le « risque lourd » (défini par le dispositif ALD, affection de longue durée, comme « une maladie chronique comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse », articles L160-14-3 et L160-14-4 du <a href="http://bit.ly/2xY6Sa0">code de la Sécurité sociale</a>) s’accentue. Les ALD représentent 90 milliards d’euros en 2015, soient 70 % des dépenses totales de l’Assurance maladie (concentrées sur 17 % de la population) contre un peu moins de 60 % en 2005.</p>
<p>Ces dépenses ont progressé de manière dynamique depuis 2005 à un taux supérieur à 5 % en moyenne par an de 2005 à 2010. Dix millions de Français en ALD reçoivent 70 % des remboursements de l’AMO. En analysant plus finement les dépenses, 30 % des remboursements de l’AMO portent exclusivement sur la prise en charge de deux ALD : l’ALD <em>diabète de type 1 et diabète de type 2</em> qui concerne 2,5 millions de personnes âgées en moyenne de 66 ans (dont 53 % d’hommes) et l’ALD <em>Tumeur</em> qui touche 2 millions de personnes âgées en moyenne de 67 ans (dont 55 % de femmes).</p>
<p>En dépit de cet effort significatif de l’AMO sur la prise en charge des personnes en ALD, ces dernières ne sont pas parfaitement protégées. Du fait de l’absence d’un système de bouclier sanitaire plafonnant les RAC, les assurés sociaux les plus malades et souvent les plus âgés sont exposés à un risque financier lié aux coûts des soins.</p>
<p>Entre 1998 et 2008, le RAC des personnes en ALD est de 140 euros contre 80 euros pour les personnes sans ALD s’agissant des dépenses de pharmacie (<a href="http://bit.ly/2xYFsi7">Dourgnon et coll., 2013</a>). Pire, le RAC (après remboursement de l’AMO et hors dépassements) d’un assuré ALD sur vingt est de plus de 900 euros par an (Caby et Eidelman, 2015).</p>
<h2>Le rôle croissant des complémentaires santé : un risque pour le contrat social ?</h2>
<p>Du fait du rôle croissant de la complémentaire santé dans le financement des dépenses de santé (13,3 % de la consommation de soins et de biens médicaux en 2016, très concentrés sur l’optique et le dentaire), des changements sont en cours apparaissant en rupture avec le contrat social tacite présenté en préambule. Un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2016-4-page-15.htm">article récent de Jusot et coll.</a> (2016) publié dans la <em>Revue française d’économie</em> s’appuyant sur les données du modèle INES-OMAR souligne que le financement des complémentaires santé est régressif en raison de primes dépendant de l’âge et non du revenu.</p>
<p>Non seulement le système de santé français est coûteux en frais de gestion du fait d’un système bicéphale (15,3 milliards d’euros en 2016 à parts égales entre AMO et OCAM) mais, en plus, la montée en charge des complémentaires impose donc une régressivité contraire à l’équité verticale. D’après les exercices de simulation du modèle INES-OMAR, les primes payées aux OCAM représentent 4,5 % du revenu disponible des classes les plus défavorisées contre moins de 2 % pour les classes les plus favorisées.</p>
<p>Si la double solidarité est encore assurée grâce à la place prééminente de l’AMO en France (mais très concentrée sur les personnes en ALD), la place croissante des OCAM fait porter un risque non-négligeable sur les fondements du contrat social. Le désengagement de l’AMO sur les soins courants suggère de réfléchir à la mise en place d’un panier de soins solidaire (note du Conseil d’analyse économique, 2017) mais aussi à un bouclier sanitaire permettant d’éviter les RAC catastrophiques et de limiter les situations de renoncement aux soins.</p>
<p>Par ailleurs, la diversification des modes de financement et le poids grandissant de la CSG dans le financement posent la question de la participation financière des retraités à un système de santé auquel ils ont déjà fortement contribué durant leur vie professionnelle.</p>
<p>En dépit de ces tensions, les Français restent très attachés au caractère solidaire de l’assurance maladie. D’après le <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/open-data/aide-et-action-sociale/article/le-barometre-d-opinion-de-la-drees">Baromètre d'opinion de la Drees</a>, seuls 15 % de la population est favorable en 2016 à l’idée d’attribuer les prestations maladie uniquement aux cotisants (contre 9 % en 2004). Ce soutien garantit, pour l’heure, une adhésion au système de santé français mais les évolutions en cours appellent à la vigilance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85195/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Barnay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le système de santé français s’appuie sur une double solidarité entre les bien-portants et les malades ; et entre les riches et les pauvres qui est fragilisé par le rôle accru de l’assurance privée.Thomas Barnay, Professeur en sciences économiques, Directeur du Master 2 Economie de la santé, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/838992017-09-20T18:52:42Z2017-09-20T18:52:42ZSystème de santé canadien : un bilan en demi-teinte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186420/original/file-20170918-8285-1hfw6kd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La population canadienne vieillit rapidement, une nouvelle donne qui pèsera encore davantage sur son système de santé, déjà cher et peu efficace.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><em>À l’occasion du lancement par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de la concertation <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/22891-Strategie-sante-Agnes-Buzyn-ouvre-concertation">autour de la stratégie nationale de santé</a>, The Conversation publie une série d’articles sur les différents systèmes de santé à travers le monde. Après les cas de <a href="https://theconversation.com/notre-systeme-de-sante-est-il-en-bonne-sante-82671">la France</a>, de <a href="https://theconversation.com/le-national-health-service-britannique-un-seul-modele-quatre-systemes-83517">la Grande-Bretagne</a> et de <a href="https://theconversation.com/le-systeme-de-sante-australien-est-enviable-mais-encore-trop-inegalitaire-83336">l’Australie</a>, voici une analyse du système canadien.</em></p>
<hr>
<p>Les Canadiens sont fiers de leur système de santé, l’une des spécificités qui les distinguent des Américains. Le système actuel est soutenu par quasiment tous les partis politiques, et ce depuis près de 50 ans.</p>
<p>Quoique très réputé, ce système de santé est cher et se heurte à plusieurs difficultés, vouées à s’exacerber dans un contexte sanitaire en pleine évolution, marqué notamment par le vieillissement de la population. Des initiatives audacieuses s’imposent pour lui assurer un avenir pérenne.</p>
<p>Le Conseil de la politique de santé (<em>Health Policy Council</em>) de l’École d’études politiques de la Queen’s University réunit des spécialistes en matière d’économie, de politique, de pratique clinique, d’éducation et de recherche. Cet organisme étudie, enseigne et intervient sur les <a href="http://www.queensu.ca/connect/policyblog/">questions de politique de santé</a> et sur le système canadien, en les abordant sous différents angles. Plusieurs de ses chercheurs ont réuni ici leur expertise pour dire si, oui ou non, le système canadien est en bonne santé.</p>
<h2>Un modèle national d’assurance maladie</h2>
<p>Le système de santé canadien actuel est né dans la province du Saskatchewan, lorsque le gouvernement de gauche de la Fédération du Commonwealth coopératif (CCF), dirigé par le premier ministre de l’époque, Tommy Douglas, a créé le premier <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/health-care-system/reports-publications/health-care-system/canada.html">régime d’assurance maladie provincial</a>. Celui-ci a pris en charge les services d’hospitalisation universels (dès 1947), puis les frais de consultation médicale (à partir de 1962). Les dépenses hospitalières ont été couvertes, à 50/50, par les provinces et par le gouvernement fédéral en 1957, tout comme les consultations médicales à partir de 1968.</p>
<p>Ce nouveau modèle, bien que fortement décrié par les médecins et les compagnies d’assurance, a été plébiscité par les habitants du Saskatchewan et d’ailleurs. Dans les années 1960, les gouvernements provinciaux et territoriaux successifs ont adopté le « modèle du Saskatchewan ». Le territoire du Yukon a été la dernière juridiction territoriale à l’intégrer, en 1972.</p>
<p>En 1968, la loi sur les services médicaux (<em>National Medical Care Insurance Act</em>), instaurant le financement des régimes d’assurance provinciaux par le gouvernement fédéral à hauteur de 50 %, est entrée en application. En 1984, la <a href="https://lop.parl.ca/content/lop/researchpublications/944-e.htm">Loi sur la santé (<em>Canada Health Act</em>)</a> a interdit aux médecins de facturer directement aux patients des frais non couverts par l’assurance maladie.</p>
<p>Les <a href="https://www.med.uottawa.ca/sim/data/Canada_Health_Act.htm">cinq principes fondamentaux</a> du système de santé canadien sont donc l’universalité (tous les citoyens sont couverts), l’intégralité (tous les services médicaux et hospitaliers essentiels sont couverts), la transférabilité (validité de la couverture dans l’ensemble des provinces et des territoires), la gestion publique (assurance financée par les autorités publiques) et l’accessibilité.</p>
<p>Il n’a pas vraiment changé depuis 50 ans, malgré de nombreuses pressions.</p>
<h2>Longues périodes d’attente</h2>
<p>Depuis quelques années en effet, la fondation <a href="http://www.commonwealthfund.org">Commonwealth Fund</a>, basée aux États-Unis, remet en question la qualité du système canadien. Cet organisme indépendant très respecté publie chaque année un classement des systèmes de santé de 11 pays, dans lequel le Canada occupe depuis plusieurs années la neuvième ou dixième place.</p>
<p>L’un des problèmes principaux, dans notre système, est l’accès aux soins. Si la plupart des Canadiens bénéficient d’excellents soins en cas d’urgence – infarctus, attaque cérébrale, cancer… –, beaucoup de soins moins urgents entraînent de longs mois, voire des années, d’attente.</p>
<p>Les patients ayant besoin d’une prothèse de la hanche ou du genou, d’une opération de l’épaule, de la cheville ou de la cataracte, ou d’une consultation spécialisée doivent souvent patienter <a href="http://www.waittimealliance.ca">bien plus qu’on ne le recommande dans ce genre de cas</a>. En outre, beaucoup de personnes âgées ne souffrant pas d’une maladie grave attendent à l’hôpital pendant des mois, et parfois des années, leur transfert vers un établissement de soins de longue durée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Canada est classé 9ᵉ sur 11 pays dans le rapport « Mirror, Mirror 2017 » de la fondation Commonwealth Fund.</span>
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</figure>
<p>Mais l’accessibilité n’est pas le seul problème. D’après les critères de la fondation Commonwealth Fund évaluant l’efficacité, la sécurité, la coordination, l’équité et la prise en compte des patients, le système de santé canadien est <a href="http://www.commonwealthfund.org/publications/fund-reports/2017/jul/mirror-mirror-international-comparisons-2017">au mieux… médiocre</a>. Au vu de son coût, il offre clairement des résultats insuffisants.</p>
<h2>La prévalence des maladies chroniques</h2>
<p>Comment le Canada, jadis pionnier en matière de santé à l’échelle mondiale, a-t-il pu rejoindre le milieu (voire la queue) de peloton ?</p>
<p>Le pays et la population ont changé, mais le système de santé, lui, ne s’est pas adapté. Dans les années 1960, la majorité des soins de santé concernaient des maladies et des blessures graves, ce qui rendait pertinent le modèle basé sur les services médicaux et hospitaliers.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183666/original/file-20170828-1542-1elm9qe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les soins de santé prodigués à domicile peuvent être plus efficaces et plus confortables que les visites à l’hôpital.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Aujourd’hui, la prise en charge médicale concerne de plus en plus des maladies chroniques telles que le diabète, la démence, l’insuffisance cardiaque, les maladies pulmonaires chroniques et d’autres affections qui touchent beaucoup de seniors.</p>
<p>Bien sûr, on a toujours besoin d’hôpitaux. Mais la population réclame de plus en plus des solutions axées sur la collectivité. Il faut, dans une certaine mesure, réduire la place des hôpitaux dans le système de santé canadien, afin de permettre aux patients de profiter de soins à domicile et dans des structures locales.</p>
<p>Autre problème majeur : le nombre limité de services de santé couverts par les régimes d’assurance provinciaux. La couverture « intégrale » ne s’applique en réalité qu’aux services hospitaliers et médicaux. Un grand nombre d’autres services importants, dont les soins dentaires, les médicaments fournis en dehors des hôpitaux, les soins de longue durée, la kinésithérapie, certains soins à domicile et beaucoup d’autres sont payés en partie seulement par un mélange d’assurances publiques et privées, avec un « reste à charge » pour les patients. Or ces dépenses sont au-dessus des moyens de nombreux Canadiens à faibles revenus.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://www.cma.ca/En/Pages/health-equity.aspx">déterminants sociaux en matière de santé</a> tels que l’alimentation, l’habitat et les revenus, ne sont pas pris en compte dans le « système » de soins, même s’ils sont aussi importants pour la santé des Canadiens que les services médicaux et hospitaliers.</p>
<h2>Population vieillissante et hausse des coûts</h2>
<p>Le système de santé canadien est soumis à de nombreuses pressions. Tout d’abord, les gouvernements fédéraux successifs ont notablement réduit leurs contributions financières depuis la fin des années 1970, lorsqu’une part des impôts fédéraux a été transférée aux provinces et aux territoires. De nombreuses voix s’élèvent pour avertir que si les contributions fédérales continuent de baisser, les normes nationales seront de plus en plus difficiles à appliquer – sans compter que les autorités fédérales risquent de perdre la légitimité morale nécessaire pour mettre en œuvre la loi sur la santé.</p>
<p>Le deuxième problème concerne le coût croissant de l’assurance hospitalisation universelle. Avec les fluctuations de la croissance économique, les gouvernements successifs ont augmenté les budgets consacrés à la santé à des rythmes variables. Au final, en 2016, les dépenses de santé totales représentaient environ <a href="https://www.cihi.ca/en/nhex2016-topic1">11,1 %</a> du PIB canadien, contre environ <a href="http://evidencenetwork.ca/costs-and-spending/costs1">7 %</a> en 1975.</p>
<p>Les dépenses de santé <a href="http://worthwhile.typepad.com/.a/6a00d83451688169e201b7c6fd426b970b-pi">s’élèvent aujourd’hui</a> à plus de 6 000 dollars canadiens (soit 4 127 euros) par citoyen. Par rapport à d’autres pays de même niveau économique, le système canadien est clairement <a href="https://blogs.wsj.com/economics/2013/07/23/u-s-health-spending-one-of-these-things-not-like-others/">parmi les plus onéreux</a>.</p>
<p>Dans les prochaines années, avec l’entrée dans le troisième âge de la génération du baby-boom, la population vieillissante exercera encore plus de pression sur le système de santé. En 2014, pour la première fois de son histoire, le Canada comptait <a href="http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/150929/cg150929b004-eng.png">plus de personnes âgées que d’enfants</a>.</p>
<p>Le fait que les Canadiens vivent aujourd’hui plus vieux et en meilleure santé que jamais est sans aucun doute une grande avancée sociale. Mais c’est aussi un problème économique. En effet, la couverture maladie des personnes âgées <a href="http://www.andrewweavermla.ca/wp-content/uploads/2015/01/HealthSpend.jpg">coûte en moyenne plus cher</a>.</p>
<p>De plus, les populations de certaines provinces, en particulier <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Provinces_de_l%27Atlantique">celles de l’Atlantique</a>, du Québec et de Colombie-Britannique, <a href="http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/150929/cg150929b004-eng.png">vieillissent plus vite</a>. Ces provinces, dont certaines ont de très faibles perspectives de croissance économique, auront d’autant plus de mal à suivre l’augmentation des frais de santé dans les années à venir.</p>
<h2>Ce qu’il est possible de faire dans l’immédiat</h2>
<p>Faute d’avoir su s’adapter aux besoins changeants de la population, le système canadien est devenu très cher tout en offrant des résultats médiocres. Les Canadiens méritent mieux. Voici quatre propositions précises :</p>
<p><strong>1. Intégration et innovation</strong></p>
<p>Au Canada, les acteurs du secteur de la santé fonctionnent, encore maintenant, en vase clos. Les hôpitaux, les premiers soins, l’aide sociale, les soins à domicile et ceux de longue durée fonctionnent comme des entités séparées, ce qui crée des problèmes de partage d’information et une incapacité générale à servir les patients de manière coordonnée. En plaçant le patient au cœur du système, quels que soient le professionnel et l’établissement de soins auquel il est adressé, on devrait pouvoir offrir des soins de meilleure qualité, plus sûrs et moins chers. Et pour y parvenir, il est essentiel d’investir dans les systèmes d’information.</p>
<p><strong>2. Responsabilité élargie</strong></p>
<p>Les prestataires canadiens doivent adopter des modèles de responsabilité davantage axés sur les résultats que sur le rendement. C’est la qualité et l’efficacité des services rendus, et non leur quantité, qui devraient être récompensées. En harmonisant les objectifs des professionnels, des patients et du système de santé, on pourrait avancer ensemble dans la même direction.</p>
<p><strong>3. Élargir la notion d’intégralité</strong></p>
<p>On sait que la santé des Canadiens dépend de beaucoup d’autres facteurs que l’accès aux services médicaux et hospitaliers. Alors, pourquoi limiter leur système de santé « universel » à la prise en charge de ces deux types de services ? Un régime d’assurance santé qui se veut équitable ne devrait-il pas répartir les investissements publics entre des services plus variés ? Aujourd’hui, les Canadiens prônent par exemple une couverture universelle pour les médicaments. Une meilleure intégration des services sanitaires et sociaux permettrait aussi d’agir plus efficacement sur les facteurs sociaux liés à la santé.</p>
<p><strong>4. Initiatives audacieuses</strong></p>
<p>Le gouvernement, tout comme le secteur de la santé, doivent prendre des initiatives audacieuses pour combler les écarts et surmonter les obstacles qui compliquent la situation. Les Canadiens doivent admettre que la recherche d’amélioration et de changement n’implique pas forcément de sacrifier les nobles idéaux qui sont à la base de leur système. Il s’agit au contraire d’évoluer de manière à pouvoir honorer et préserver ces idéaux. Les dirigeants du pays ne doivent donc pas hésiter à se fixer des objectifs ambitieux en matière de santé.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Valeriya Macogon pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chris Simpson est l'ancien président de l'Association médicale canadienne (CMA), dont il a été le porte-parole sur plusieurs questions relatives aux politiques de santé. Il est également membre du National Speakers' Bureau, et s'exprime régulièrement à propos des politiques sanitaires lors de rencontres organisées par des ONG, associations, entreprises, universités ou autres organisations.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David M.C. Walker, Don Drummond, Duncan Sinclair et Ruth Wilson ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le système canadien est cher et peu efficace. Confronté au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques, il a besoin d’initiatives audacieuses pour être réformé.Chris Simpson, Professor of Medicine and Vice-Dean (Clinical), School of Medicine, Queen's University, OntarioDavid M.C. Walker, Professor of Emergency Medicine, Queen's University, OntarioDon Drummond, Stauffer-Dunning Fellow in Global Public Policy and Adjunct Professor at the School of Policy Studies, Queen's University, OntarioDuncan Sinclair, Professor of Health Services and Policy Research, Queen's University, OntarioRuth Wilson, Professor of Family Medicine, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/826712017-09-17T20:23:47Z2017-09-17T20:23:47ZNotre système de santé est-il en bonne santé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183641/original/file-20170828-1533-u3w0wr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, la Carte Vitale (ici un specimen) garantit l'accès de chaque citoyen aux soins en cas de maladie grave. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_Vitale#/media/File:CarteVitale2.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>À l’occasion du lancement le 18 septembre par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de la <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/22891-Strategie-sante-Agnes-Buzyn-ouvre-concertation">concertation autour de la stratégie nationale de santé</a>, The Conversation publie une série d’articles sur les différents systèmes de santé à travers le monde. En plus du cas de la France, des experts examinent celui du <a href="https://theconversation.com/le-national-health-service-britannique-un-seul-modele-quatre-systemes-83517">Royaume-Uni</a>, de <a href="https://theconversation.com/le-systeme-de-sante-australien-est-enviable-mais-encore-trop-inegalitaire-83336">l'Australie</a>, du <a href="https://theconversation.com/systeme-de-sante-canadien-un-bilan-en-demi-teinte-83899">Canada</a> et, en anglais, <a href="https://theconversation.com/au/topics/global-health-systems-series-43434">de plusieurs autres pays</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les Français peuvent être critiques quand ils discutent, entre eux, des soins reçus à l’hôpital ou chez leur médecin. Les mêmes sont pourtant prêts à défendre notre système de santé en clamant qu’il est le meilleur au monde ! Une affirmation qui fait référence à un classement effectué par la prestigieuse Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette agence internationale a en effet <a href="http://www.who.int/whr/2000/en/whr00_fr.pdf">réalisé une comparaison entre 191 pays</a> dont la France est ressortie en tête.</p>
<p>Disons-le tout net : ces travaux sont vieux de 17 années. En même temps, la France n’a jamais pu être véritablement détrônée depuis, car ce palmarès fut le premier mais aussi… le dernier réalisé par l’OMS, dont la méthodologie a été aussitôt contestée. Par la suite, la France est montée et descendue dans différents classements en fonction des critères retenus par leurs auteurs et de leur conception de ce qu’est un « bon » système de santé.</p>
<p>Dans le plus récent, publié en juillet, la France se place seulement 10<sup>e</sup>, juste devant les États-Unis. Il s’agit d’une <a href="http://www.commonwealthfund.org/interactives/2017/july/mirror-mirror/">comparaison de 11 pays industrialisés</a> conduite par le Commonwealth Fund, une fondation basée à New York. Ces travaux couronnent le Royaume-Uni, pourtant recalé au… 26<sup>e</sup> rang dans une <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673617308188?via%3Dihub">autre étude portant sur 195 pays</a> parue en mai dans la revue <em>The Lancet</em>. Dans celle-ci, la France se situait au 15<sup>e</sup> rang – la première place étant occupée par un pays minuscule, la principauté d’Andorre. C’est dire à quel point de tels résultats se révèlent difficiles à interpréter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184382/original/file-20170901-27291-139epe4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La France figure à la 10ᵉ place (sur 11) dans le classement conduit par la fondation Commonwealth Fund.</span>
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<h2>On préfère souvent guérir… que prévenir</h2>
<p>Si aucun pays, comme on le voit, ne peut prétendre que son système de santé est le meilleur d’entre tous, les Français se montrent globalement satisfaits du leur - même si un quart d'entre eux pense <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/sondage-les-francais-deplorent-la-deterioration-de-l-hopital-public/">que la situation se détériore</a>. On peut en effet lui reconnaître plusieurs points forts : un bon accès à des soins de qualité, ainsi qu’une reconnaissance croissante des droits des patients. À l’inverse, il pêche d’une part par sa complexité – les citoyens s’y perdent – et d’autre part, le peu d’accent mis sur la prévention. Contrairement à l’adage, en France on préfère souvent guérir… que prévenir.</p>
<p>Les fondements de notre Sécurité sociale ont été posés dans des circonstances historiques tout à fait exceptionnelles, en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Faute de gouvernement, c’est un organe issu de la lutte contre l’occupant allemand, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_national_de_la_R%C3%A9sistance">Conseil national de la résistance</a> – où toutes les sensibilités politiques étaient représentées – qui a dessiné notre protection sociale, incluant retraite et assurance maladie. Il s’agissait de conclure un pacte de solidarité pour pouvoir reconstruire le pays.</p>
<p>Notre système est dit « bismarckien » car s’inspirant de celui mis en place vers 1880 en Allemagne par le <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/protection-sociale/definition/systemes-bismarckien-beveridgien-protection-sociale-quelles-caracteristiques.html">chancelier impérial Otto von Bismarck</a>. Au départ, en effet, la France a suivi une logique où les droits de chacun sont ouverts par son activité professionnelle. Le système s’est construit, dès cette époque, sur les notions de solidarité et de redistribution : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.</p>
<h2>Le droit de tous à la santé, inscrit dans la constitution française</h2>
<p>Par la suite, notre pays a emprunté certains éléments au modèle beveridgien, reposant sur les idées de l’économiste britannique William Beveridge et défendant l’universalité des droits. En effet, certains citoyens se sont trouvés exclus du système faute d’activité professionnelle. Une extension pour les plus démunis (la Couverture maladie universelle) a ainsi été créée en 1999, permettant que le droit de tous à la santé, inscrit dans le préambule de la constitution française, soit respecté. La même année, un régime particulier (l’Aide médicale d’État) a été conçu pour couvrir les étrangers en situation irrégulière. Ainsi le système mixte actuel constitue une manière originale de conjuguer solidarité et universalité.</p>
<p>Le modèle français fait coexister des établissements de soins publics, <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/panoramas-de-la-drees/article/les-etablissements-de-sante-edition-2017">couvrant 61 % des lits et places</a>, avec une <a href="http://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/3020/synthese_analyse_de_lactivite_hospitaliere_2015.pdf">offre privée plus limitée</a>. Cette dernière privilégie l’activité en ambulatoire (sans nuit passée sur place) et, pour l’hospitalisation, la chirurgie peu invasive et les populations présentant les situations les moins complexes.</p>
<p>Les soins prodigués atteignent en France une qualité correspondant à celle des pays occidentaux de niveau de vie comparable. Ainsi, dans l’étude Concord-2 portant sur 67 pays, la France occupe une <a href="http://www.e-cancer.fr/Actualites-et-evenements/Actualites/Les-cancers-en-France-2016-une-edition-100-interactive">bonne position sur la survie à 5 ans dans le cancer</a>, notamment pour le cancer du sein. Il en est de même pour des maladies aiguës comme l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral, <a href="http://www.oecd.org/fr/sante/systemes-sante/panorama-de-la-sante-19991320.htm">selon l’OCDE</a>.</p>
<h2>L’hôpital concentre les moyens et le prestige</h2>
<p>Dans le cas du diabète, par contre, on constate un taux d’admission à l’hôpital plus élevé que dans les autres pays de l’OCDE, un chiffre révélateur de « l’hospitalo-centrisme » de notre pays. L’hôpital concentre en effet l’essentiel des moyens et du prestige en matière de santé, au détriment des soins de base. Ceux-là sont essentiellement réalisés par des professionnels de santé en libéral. Avec un nombre annuel de 6,7 consultations de médecin par habitant en 2010, la France se situe cependant dans la moyenne des pays de l’OCDE (6,4).</p>
<p>Côté financement, le modèle français repose sur une assurance obligatoire pour tout citoyen. Chacun dispose ainsi d’une Carte « vitale » au nom très explicite, couvrant totalement les soins indispensables pour les maladies les plus graves (comme le cancer ou le diabète) et en partie les autres soins. S’y ajoute une assurance complémentaire, proposée le plus souvent par des mutuelles de santé, organismes à but non lucratif. Celle-ci est facultative mais 95 % de la population y souscrit.</p>
<p>La plupart de nos concitoyens l’ignorent, mais la France est le pays de l’OCDE où le « reste à charge », c’est-à-dire la part de la facture effectivement payée par chacun après remboursement par le système d’assurance, <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns2016.pdf">est le plus faible</a>. Il a représenté 7 % du total des dépenses en 2014, contre 27 % en Suisse, pays où ce « reste à charge » est le plus élevé.</p>
<h2>Un niveau de dépenses comparable à la Suède ou l’Allemagne</h2>
<p>Notre système de santé coûte-t-il cher, comme le répètent les médias et les gouvernements depuis… plus de 30 ans ? À y regarder de plus près, nos dépenses de santé sont <a href="https://theconversation.com/le-systeme-de-sante-francais-explique-aux-americains-67018">largement inférieures à celles des États-Unis</a>, de loin le champion du monde. Globalement, en 2014, la France consacrait 11,1 % de son produit intérieur brut (PIB) à la santé, se rangeant à la 5<sup>e</sup> place des pays de l’OCDE, à des niveaux comparables à la Suède, l’Allemagne ou les Pays-Bas.</p>
<p>Si l’on regarde maintenant ces dépenses en fonction du pouvoir d’achat (parité de pouvoir d’achat), notre pays se situe <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns2016.pdf">à un niveau très proche de la moyenne des quinze pays ayant adhéré à l’Union européenne avant 2004</a>. Ainsi, contrairement à l’idée d’une France lanterne rouge en termes de coût des soins, la France se range « dans le peloton », avec les pays comparables.</p>
<p>Les Français, au final, sont-ils bien soignés ? Oui, si l’on en juge leur espérance de vie à la naissance. En 2014, les femmes vivaient en <a href="https://data.oecd.org/fr/healthstat/esperance-de-vie-a-la-naissance.htm">moyenne jusqu’à 86 ans</a>, un âge parmi les plus élevés au sein de l’OCDE. Les hommes, jusqu’à 79,5 ans – résultat un peu moins favorable, mais restant dans les niveaux supérieurs. Toutefois, cet indicateur reflète surtout les conditions sociales, économiques et culturelles de chaque pays.</p>
<h2>Une espérance de vie à 65 ans élevée</h2>
<p>L’espérance de vie à 65 ans est sans doute un indicateur plus pertinent. En effet, les multiples pathologies liées à l’âge sont d’autant mieux prises en charge que le système de santé est performant. À cet égard, la France <a href="https://data.oecd.org/fr/healthstat/esperance-de-vie-a-65-ans.htm">obtient de très bons résultats</a>, tant chez les femmes (24 ans, juste derrière le Japon) que chez les hommes (19,7 ans, soit le meilleur taux pour les pays de l’OCDE). Le décalage important chez les hommes entre l’espérance de vie à la naissance et celle à 65 ans révèle le poids, dans notre pays, des décès prématurés. Ceux-ci sont en grande partie liés à des causes évitables, notamment les conduites addictives comme le tabagisme ou l’alcoolisme.</p>
<p>S’il faut retenir un motif d’insatisfaction vis-à-vis de notre système de soins, c’est sans aucun doute celui de voir perdurer les inégalités de santé selon le niveau d’éducation ou l’origine sociale. En France, l’écart d’espérance de vie à 35 ans entre un cadre et un ouvrier <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908110">est de 6,4 ans</a>. La plupart des pays sont confrontés au même problème, indiquant que ce problème doit être au centre des préoccupations communes.</p>
<p>Notre système de santé est-il prêt à relever les défis du vieillissement de la population et de la progression des maladies chroniques ? Il doit pour cela parvenir à coordonner des acteurs oeuvrant pour l’instant chacun de leur côté, s’agissant de l’hôpital, de la médecine de ville et des soins à domicile. Cette approche intégrée de la santé, désormais familière aux Français sous le nom de « parcours de soins », reste à consolider. Cela passe par une réflexion sur le mode de financement des établissements de santé et de rémunération des professionnels hors hôpital. Aujourd’hui, ces derniers sont essentiellement payés à l’acte, ce qui n’encourage pas le suivi global du patient.</p>
<h2>Trop d’inégalités dans l’accès aux soins</h2>
<p>Il faudra aussi exercer une vigilance particulière sur la <a href="http://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(16)00580-8.pdf">question de l’accès aux soins</a>. Aujourd’hui, des citoyens renoncent à consulter pour des raisons financières, notamment pour leurs dents ou leur vue. D’autres ne parviennent pas à trouver de praticien exerçant en libéral au tarif remboursé par la Sécurité sociale, alors qu’ils n’ont pas les moyens de consulter ceux pratiquant des honoraires plus élevés – même si ces « dépassements » sont plafonnés depuis 2013. Les habitants de certaines zones désormais qualifiées de « déserts médicaux », enfin, manquent de médecins à proximité.</p>
<p>Notre système de soins, solide et sophistiqué, peut « encaisser » le vieillissement de la population, pour peu qu’il adapte son fonctionnement. Mais si l’on veut éviter que, tôt ou tard, la machine s’engorge, il faut actionner dès maintenant le seul levier susceptible d’agir à une échelle suffisamment large : la prévention des maladies, et la promotion de la santé auprès des citoyens. À l’heure où 1 adolescent sur 3 fume quotidiennement, faisant de la France un des pays européens les plus touchés par l’addiction au tabac chez les jeunes, le défi est de taille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82671/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Français disposent d’un système de soins et d’assurance-maladie plutôt performant. Il reste toutefois trop inégalitaire et ne met pas assez l’accent sur la prévention des maladies.Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/789522017-06-13T20:51:08Z2017-06-13T20:51:08ZAu-delà de l’État et du marché, l’économie sociale et solidaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173261/original/file-20170610-307-400hnj.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=78%2C5%2C633%2C432&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'économie sociale et solidaire en France en deux chiffres.</span> </figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em> </p>
<hr>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle s’est terminé par la mise en évidence de ce que le rêve communiste s’était transformé en cauchemar. L’écroulement du mur de Berlin a conforté les approches d’Hayek et Friedman, assimilant l’État à la coercition et le capitalisme à la liberté. Un récit convergent a aussi bénéficié d’une grande audience, celui de <a href="http://bit.ly/2r5LYzd">Francis Fukuyama</a> expliquant que l’histoire était finie puisque l’alliance de l’économie de marché et de la démocratie représentait un ordre social qui s’était définitivement imposé et ne pouvait connaître aucune alternative souhaitable.</p>
<h2>Capitalisme, étatisme… rompre avec les vieux débats</h2>
<p>Le début du XXI<sup>e</sup> siècle, avec ses crises récurrentes, montre à son tour que ce régime s’avère pourtant incapable de résoudre les problèmes environnementaux et sociaux. L’ampleur des dégâts engendrés par l’anthropocène et l’explosion des inégalités s’avère insupportable. Elle conduit en tout cas à ce que les populations déstabilisées se retrouvent au bord de la crise de nerfs comme l’ont illustré plusieurs élections nationales. Le gouffre se creuse entre ceux qui croient en l’avenir et ceux qui ont l’impression de ne plus avoir de futur. Ce qui frappe désormais c’est la <a href="http://bit.ly/2r5Thqt">fragilité préoccupante de la démocratie</a>.</p>
<p>Si elle a été détruite hier par l’étatisme autoritaire, elle est aujourd’hui mise en danger par la guerre économique. La cohésion sociale ne saurait être rétablie ni par l’évocation réitérée d’un ennemi extérieur ni par de simples réformes de libéralisation des mœurs. La démocratie ne pourra subsister que si elle s’étend à l’économie.</p>
<p>Il devient donc nécessaire de rompre avec des débats économiques et politiques focalisés sur l’État et le marché. Les pouvoirs publics ne peuvent plus se contenter de restaurer l’autorité de l’État ou de répondre à l’injonction des marchés. Leur responsabilité inclut, face aux défis actuels, la prise en compte des initiatives de la société.</p>
<p>Pour aller dans ce sens, il convient d’abord de repérer la révolution invisible qui s’est opérée.</p>
<h2>Une révolution invisible</h2>
<p>Il existait depuis longtemps <a href="http://bit.ly/2rXtkux">des entreprises non capitalistes</a> (coopératives, mutuelles, associations) réunies dans l’appellation de l’économie sociale. Mais dans les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle des initiatives se sont manifestées, dans le commerce équitable, la consommation alternative, les circuits courts, les services de proximité, les monnaies sociales, les finances solidaires… Se reconnaissant dans plusieurs continents sous l’<a href="http://bit.ly/2ofD8OS">expression générique d’économie solidaire</a>, elles renouent avec une volonté de transformation que l’économie sociale avait pu oublier.</p>
<p>Puis se sont encore ajoutées diverses formes d’entrepreneuriat social arguant de nouvelles opportunités d’activités économiques à but social. S’est donc constitué un ensemble hétérogène le plus souvent désigné au niveau international comme économie sociale et solidaire (ESS).</p>
<p>Dans plusieurs dizaines de pays de tous les continents, le XXI<sup>e</sup> siècle a coïncidé avec la reconnaissance de l’ESS à travers de nouvelles lois-cadres ou politiques publiques. Il y a donc une perspective de débordement des débats du XX<sup>e</sup> siècle centrés sur le marché et l’État mais selon des modalités variées qui amène à dégager des scénarios contrastés.</p>
<h2>Le scénario de la continuité de l’ESS</h2>
<p>Le premier scénario, celui de la continuité, est particulièrement présent en Europe. Il confirme la séparation entre la partie valorisée de l’ESS, correspondant au modèle coopératif qui est central dans les théorisations de l’économie sociale, et la partie sous-estimée, correspondant aux associations. Ce sont donc les composantes marchandes de l’ESS qui sont visibilisées et les entités non marchandes qui sont négligées.</p>
<p>Ceci pose un problème grandissant puisque les <a href="http://bit.ly/2rXCpnr">associations</a> représentent désormais une large majorité d’emplois au sein de l’ESS. L’instrumentalisation de ces dernières au service d’objectifs fixés par les tutelles publiques peut dans ce cas se coupler avec la mise en place d’un secteur public au rabais, les associations avalisant le désengagement de l’État. Dans ce scénario, la valorisation de la société civile cache une volonté de diminution de l’intervention publique.</p>
<p>La modernisation de l’État implique de rationaliser les associations par leur regroupement, ce qui va de pair avec leur confinement dans une fonction de prestataires de services, de plateforme technique. La baisse des coûts est l’objectif prioritaire et l’évaluation est rabattue sur la standardisation des résultats, ce qui n’autorise plus guère les associations à innover ou à co-élaborer l’intérêt général.</p>
<h2>Le scénario du « social-business »</h2>
<p>Le deuxième scénario,celui du social business, est fréquent dans les pays anglo-saxons. Il autonomise l’ESS de l’État social et la mobilise comme un social business pouvant contribuer à un capitalisme d’« intérêt général ». Dans ce modèle, l’ESS serait en retard en matière de management par rapport aux entreprises privées, il faudrait qu’elle adopte toutes leurs techniques ce qui lui permettrait de mieux assurer sa fonction sociale.</p>
<p>Cette option traduit une croyance dans la gestion grâce à laquelle les associations arriveraient à remplir un nouveau rôle. Cette conception est très séductrice pour un certain nombre de responsables qui se sont engouffrés dans ce « managérialisme » pour améliorer leur fonctionnement. À cela s’ajoute la théorisation d’une nouvelle philanthropie, une <em>venture philanthropy</em> comme on dit aux États-Unis. C’est-à-dire une philanthropie plus soucieuse de résultats. Un ensemble de méthodes s’y ajoutent depuis les <a href="http://bit.ly/2seGwhU">social impact bonds</a> jusqu’au marketing <a href="http://bit.ly/2rhiuhj">« bottom of the pyramid »</a>.</p>
<h2>Le scénario d’une socioéconomie plurielle</h2>
<p>Le troisième scénario, <a href="http://bit.ly/2sOldk0">plus répandu au Sud</a>, est celui d’une socioéconomie plurielle. À l’évidence, dans celui-ci l’économie sociale et solidaire ne constitue pas un secteur à part. Elle n’a de portée que si elle est en mesure de peser sur la conception même de l’économie : après une période où la société a été sacrifiée au capitalisme dérégulé, l’enjeu est le rééquilibrage en faveur d’une économie au service des populations, ce qui suppose des alliances avec des composantes de l’économie marchande plus territorialisées, plus attentives aux besoins locaux et moins obnubilées par la maximisation du retour sur investissement.</p>
<p>Dans une perspective pluraliste, l’économe sociale et solidaire peut s’articuler avec une économie marchande régulée mais elle peut aussi contribuer à une reconfiguration du social. Dans cette option, les associations ne pallient pas le désengagement de l’État, au contraire elles questionnent le service public dans le sens d’un renouvellement de ses modalités d’intervention, garantissant la professionnalisation des emplois mais faisant plus de place à l’expression des usagers et à l’engagement des bénévoles.</p>
<p>Néanmoins, c’est l’autre exigence de ce scénario, toutes ces transformations de l’économie et du social ne peuvent advenir que si les initiatives citoyennes se revendiquent comme espaces publics de la société civile.</p>
<p>L’architecture institutionnelle qui a cloisonné économie et social en privilégiant le capitalisme marchand et l’étatisme non marchand ne peut évoluer sans que des forces sociales ne contrecarrent les clientélismes et les lobbies qui confortent les inégalités sociales et les atteintes à l’environnement. Les entités de l’ESS ont une activité économique.</p>
<p>Mais elles ne sont pas seulement des entreprises. Elles sont aussi des lieux d’expression à travers des forums, des arènes au niveau territorial pour rentrer en dialogue avec les pouvoirs publics. L’idée est qu’une politique publique ne se construit pas uniquement à partir du sommet, elle se construit dans un dialogue à la fois conflictuel et constructif avec les associations de la société civile.</p>
<p>De Barcelone à Quito, tout un ensemble d’expériences permet d’aller dans le sens d’une co-construction des politiques publiques à partir d’actions solidaires dont l’activité délibérative est assumée. Il s’agit qu’elles se rassemblent et prennent la parole plus fortement pour un nouveau dialogue avec les pouvoirs publics. Leur expression peut alors rencontrer les interrogations des responsables publics concernant les incertitudes démocratiques.</p>
<h2>Une hybridation des approches du Sud et du Nord</h2>
<p>Depuis la <a href="http://bit.ly/2t6ATia">loi de 2014</a>, on parle souvent en France de changement d’échelle pour l’ESS. L’ouverture au troisième scénario qui en fait un vecteur de transition écologique et sociale est toutefois lié à une nouvelle hybridation entre les démarches du Sud et du Nord. C’est une attitude moins occidentalo-centrée qui peut permettre des synergies pour donner plus de place à une économie au service de la société.</p>
<p>Les chercheurs ont des choix à opérer de ce point de vue.</p>
<p>Alors que beaucoup voient dans l’ESS uniquement des entreprises souffrant d’amateurisme ou un service public au rabais, d’autres envisagent de façon moins conformiste l’étude des expériences dans leur complexité.</p>
<p>En analysant les ambivalences des processus d’institutionnalisation ils mettent en évidence que les débats économique et politique au XXI<sup>e</sup> siècle ne peuvent être enfermés dans la dualité entre marché et État.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78952/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Louis Laville ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>État des lieux des avancées de l’économie sociale et solidaire et analyse des scénarios d’évolution du secteur.Jean-Louis Laville, Professeur titulaire de la chaire économie solidaire, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/720962017-02-28T23:26:48Z2017-02-28T23:26:48ZComplémentaire santé obligatoire : un désavantage social ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158743/original/image-20170228-29917-kc7zl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.creditagricole.info/upload/docs/image/jpeg/2014-10/complementaire_sante_pacifi.jpg.associated/th-609x359-complementaire_sante_pacifi.jpg.jpg">Credit Agricole</a></span></figcaption></figure><h2>Motiver avant tout</h2>
<p>Afin de recruter, fidéliser les salariés, les DRH s’efforcent de mettre en œuvre des outils de <a href="http://bit.ly/2lbmtct">motivations variés</a>. Il s’agit alors de réfléchir à des moyens de rétribution : formations, team-building ou politique de rémunération.</p>
<p>Parmi les leviers liés à la <a href="http://bit.ly/2kBOhdn">rémunération</a>, il est un outil qui a perdu de son attrait au fil du temps : la complémentaire santé (communément appelée mutuelle). Il s’agit d’un périphérique de rémunération appartenant aux <em>périphériques statutaires</em> selon la pyramide de Donnadieu.</p>
<p>Obligatoire depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2016, la complémentaire santé perd du même coup son statut davantage offert par des employeurs soucieux de fidéliser leurs salariés.</p>
<p>En effet, certaines entreprises ayant des mutuelles attractives ont longtemps utilisé cet argument au moment du recrutement. En cas de difficultés pour attirer les talents, la mutuelle pouvait se montrer décisive dans le « package » de rémunération proposé.</p>
<h2>Deux réformes au goût amer</h2>
<ul>
<li><p>En premier lieu, l’article 4 de la Loi de finances pour 2014, dispose que la suppression de la déductibilité fiscale de la part patronale finançant la complémentaire santé est applicable de façon rétroactive aux revenus depuis janvier 2013. En bref, la part patronale des cotisations santé doit désormais être intégrée dans le net imposable du salarié.</p></li>
<li><p>En second lieu, depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2016 tous les employeurs doivent proposer à leurs salariés une mutuelle collective, à adhésion obligatoire, financée à 50 %, comprenant certaines garanties minimales. C’est la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 qui correspond aux promesses de campagne de 2012, d’une « mutuelle pour tous ». Les garanties minimales (on parle de « panier de soins minimum ») correspondent à ce que le législateur a défini comme un seuil de couverture</p></li>
</ul>
<p>Elles comprennent :</p>
<ul>
<li><p>la prise en charge à 100 % du ticket modérateur sur les consultations et actes médicaux et sur la majorité des frais de pharmacie (à l’exclusion de l’homéopathie, des cures thermales et des médicaments remboursés à 15 % et 30 %).</p></li>
<li><p>la prise en charge intégrale et sans limitation de durée du forfait journalier hospitalier ;</p></li>
<li><p>la prise en charge des soins dentaires prothétiques et soins d’orthopédie dentofaciale à hauteur d’au moins 125 % de la base de remboursement de la Sécurité sociale ;</p></li>
<li><p>en optique, un forfait minimum est obligatoirement pris en charge tous les deux ans (ou tous les ans pour les mineurs et en cas d’évolution de la vue du bénéficiaire) pour un équipement composé de deux verres et d’une monture. Le montant du forfait varie selon le degré de correction. Concernant les lentilles, il n’existe aucune obligation.</p></li>
</ul>
<p>Celui-ci s’est parfois révélé moins favorable que les conditions dont bénéficiaient précédemment les salariés. Il y a fort à parier que de <a href="http://bit.ly/2m6tShd">nombreux salariés perdront</a> en qualité de remboursement, ce qu’ils gagneront en avantage pécuniaire lors du paiement mensuel de la prime d’assurance.</p>
<p>Seul moyen pour un salarié de ne pas être affilié : se trouver dans l’une des situations suivantes : CDD, temps partiel, alternant, bénéficiaire de la CMUC (CMU complémentaire) ou de l’ACS (Aide au paiement d’une complémentaire santé), collaborateur couvert par son conjoint, collaborateur ayant déjà une mutuelle individuelle (jusqu’à échéance du contrat individuel).</p>
<p>Instaurer une complémentaire obligatoire revient à augmenter les prélèvements sur le salaire. La Sécurité sociale en tant que régime de base, repose sur la solidarité nationale. Elle couvre bien les soins indispensables en termes de santé publique et de gravité de l’événement mais les risques fréquents sont remboursés par les complémentaires santé. Le financement est donc reporté sur les employeurs et les salariés.</p>
<p>Le caractère obligatoire de cette couverture laisser entendre que les salariés ne maîtrisent plus leur budget santé. Pour certains qui avaient fait le choix de rester sans complémentaire santé individuelle, perdront du pouvoir d’achat en cotisant pour la mutuelle collective, pour une dépense qu’ils avaient jusqu’alors choisi d’éviter.</p>
<p>Appliquer des mêmes garanties pour tous, ne présente pas forcément d’intérêt puisque les besoins sont différents pour chaque salarié.</p>
<p>L’employeur verra sa masse salariale impactée (de l’ordre de 1 à 5 %) avec le financement d’au moins 50 % de la cotisation. C’est la raison pour laquelle certains employeurs vont être tentés de proposer des niveaux de garantie plus bas, l’absence de prise en charge des ayants-droits et une participation employeur minimale.</p>
<p>Un contrat peu avantageux pourrait ensuite pousser les salariés à recourir aux cas de dispense permettant de refuser la complémentaire d’entreprise, et par conséquent être moins nombreux à souscrire.</p>
<p>La part employeur de la cotisation est exonérée de charges sociales et peut être déduite du bénéfice imposable de l’entreprise (dans la limite des plafonds autorisés), à condition que le régime frais de santé soit collectif et obligatoire, et également « responsable ». Tous les nouveaux contrats mis en place à compter d’avril 2015 doivent en effet respecter un cahier des charges pour continuer à bénéficier d’avantages fiscaux et sociaux.</p>
<p>Les risques de redressement URSSAF liés aux caractères collectif et obligatoire du régime <a href="http://bit.ly/2kDrF95">ne sont pas à négliger</a>.</p>
<h2>Avantage ou contrainte</h2>
<p>Le caractère obligatoire d’un dispositif transforme ainsi parfois un avantage en contrainte !
Il ne sera désormais plus possible de promouvoir la complémentaire santé comme un avantage propre à l’entreprise. Les recruteurs et les responsables rémunération devront se montrer un peu plus inventifs. Il serait donc intéressant de repenser le système de rémunération et de recentrer les avantages proposés aux salariés autour de l’<a href="http://bit.ly/2kuSk91">épargne salariale</a> ou de l’épargne retraite.</p>
<p>Même en période de crise, attirer les talents reste un défi majeur pour l’entreprise. Il est donc important de réfléchir à une politique de rémunération raisonnée, mêlant optimisation fiscale et sociale et intérêt pour les salariés à moyen et long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72096/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La complémentaire santé devenue obligatoire est-elle toujours un outil de motivation des salariés ?Caroline Diard, Enseignant-Chercheur en Management des Ressources Humaines - Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/686262016-11-10T15:03:48Z2016-11-10T15:03:48ZSécurité sociale étudiants, avantage catégoriel ou traquenard ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/145446/original/image-20161110-25228-lpe8h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Militants étudiants (à Nantes).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mcanevet/316309731/in/photolist-tXaS4-p56nSX-pmzqQB-p569xb-pjxkgN-5vPoDW-pjxkrN-rqdxW2-p56nZa-snvsrk-snkW3Q-p56nSB-pMZA34-snvorg-qJLwea-p56o4t-qJGjiw-rqGqoD-qsm1T2-p56a77-s63X1P-pmzqMv-qGtNaq-qsm1RP-snkWkU-s5Waqy-p55tsj-92GNBj-s4bbAR-p56o3r-q16q1Q-p55tmY-snkYUb-pmzqiV-s63WHe-pmxRTd-skdsWf-p569o3-snt5v6-bu1Pyp-snvoET-s5VAch-p56or2-LBwJz-qJB2kT-pmieQD-pjxkvW-rqvdch-rqv8yu-pmif3T">Manuel/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Enfin bachelier et fier de l’être, François s’inscrit à l’université. Il a rempli au préalable un dossier sur APB (Admission Post-Bac) mais doit se déplacer pour finaliser l’inscription. Une fois sur place, le précieux certificat de scolarité lui sera remis. Mais, surprise, en sus de ses droits universitaires, il doit s’acquitter de 215 euros pour s’affilier à la sécurité sociale « étudiants ».</p>
<p>À y regarder de plus près le formulaire qui lui est remis par de jeunes gens sympathiques recrutés pour l’occasion, il faut choisir entre deux options : SMER (Société Mutualiste Étudiante Régionale) et LMDE (La Mutuelle des Étudiants). François est fort surpris, pensant pouvoir rester « ayant droit » de la sécurité sociale de ses parents, étant encore à leur charge fiscale. D’ailleurs, il bénéficie de la complémentaire santé de son père, en tant « qu’enfant à charge ». (La plupart des complémentaires santé couvrent les enfants à charge étudiants.)</p>
<p>Ce régime spécial de couverture maladie (RSSE) éveille la curiosité de François, qui aimerait en fait échapper à la cotisation….</p>
<h2>Précisions sur ce régime très très spécial…</h2>
<p>Le RSSE ne gère par les accidents du travail ni la vieillesse, contrairement aux autres régimes. Seule la maladie <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F675">y est gérée</a>.</p>
<p>Les Français connaissent bien les très médiatisés régimes spéciaux en matière de retraite (SNCF, RATP, militaires, marins, clercs de notaire…). En matière de protection sociale maladie, on parle également de régimes spéciaux. Parmi ces régimes spéciaux, la sécurité sociale étudiante a été pointée du doigt par le rapport annuel sur la sécurité sociale 2013 de la Cour des comptes.
Précédemment, en 2012, l’UFC-Que choisir et les sénateurs s’y étaient <a href="http://www.letudiant.fr/static/uploads/mediatheque/EDU_EDU/2/3/122723-rapport-securite-sociale-2013-securite-sociale-etudiants695-original.pdf">attaqués</a>.</p>
<p>En 2016, un étudiant doit s’acquitter de 215 euros, lors de son inscription et peut souscrire au choix à la SMER (ou une de ses branches régionales, membre du réseau), ou à la LMDE. Ce régime spécial (RSSE) a été créé en 1948 et confié à des « mutuelles étudiantes », associations à but non lucratif gérées par des étudiants élus en leur sein. Ces mutuelles bénéficient d’une délégation de service public de sécurité sociale.</p>
<p>Créée en 1948, la MNEF (Mutuelle Nationale des Étudiants de France) est en prise à des difficultés financières dès les années 80. Elle sera au centre d’un scandale politico-financier qui prendra fin en 2006. La LMDE (créée par l’UNEF et la FAGE), remplace la MNEF depuis 2000.</p>
<p>En France, tout étudiant entre 16 et 28 ans, doit donc être affilié soit à la LMDE, soit à une SMER, sauf dans certains <a href="http://bit.ly/2aQruXB">cas spécifiques</a>.</p>
<p>Quelques-uns d’entre peuvent néanmoins échapper à la cotisation : les boursiers, les étudiants de moins de 20 ans, et les étudiants salariés.</p>
<h2>Le cas des étudiants salariés</h2>
<p>C’est pour ces derniers que la réforme du 1<sup>er</sup> janvier 2016 a franchement changé la donne. En principe, les étudiants qui ont une activité salariée peuvent dans certains cas être dispensés des 215 euros de cotisation annuelle : si leur contrat de travail débute au plus tard le 1<sup>er</sup> septembre, et qu’ils effectuent au moins 150 heures de travail sur 3 mois ou 600 heures par an, et que le contrat couvre l’année universitaire.</p>
<p>Avant la réforme du 1<sup>er</sup> janvier 2016, 60 heures par mois ou 120 heures par trimestre suffisaient. La réforme de la sécurité sociale du 1<sup>er</sup> janvier 2016, a mis en œuvre la protection universelle maladie. Cette réforme garantit à toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière, un droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue <a href="http://www.ameli.fr/assures/droits-et-demarches/la-protection-universelle-maladie.php">tout au long de la vie</a>. Cette réforme a cependant visiblement durci les conditions d’accès des étudiants au régime général, les contraignant de fait à adhérer aux régimes étudiants.</p>
<p>Cette réforme semble ainsi défavorable aux étudiants, elle pourrait contribuer à une iniquité du système. Il est alors tout à fait envisageable qu’une organisation étudiante, un collectif soulève une QPC (question priorité de constitutionnalité, soulevée à l’encontre d’une disposition législative qui porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit).</p>
<p>Dès l’entrée dans l’enseignement supérieur, c’est un piège qui se referme. Une fois l’inscription effectuée, c’est un long parcours du combattant pour obtenir sa couverture maladie : difficultés pour obtenir l’attestation de droits (délai de six semaines après l’inscription universitaire), problème de télétransmission avec les complémentaires santé, médecin traitant à déclarer à nouveau, plateforme téléphonique injoignable, mise à jour de la carte vitale… La délégation de service public créée en 1948 est censée permettre un accès facile aux services de sécurité sociale pour les étudiants.</p>
<p>Il semblerait que dans les faits, le changement de régime (passage du régime général au régime « étudiants ») est compliqué. Il ne faut pas non plus oublier que dès leur entrée dans la vie active, les étudiants rejoindront alors à nouveau un autre régime en fonction de leur profession… Il suffit pour eux d’un contrat d’alternance pour obtenir le statut de salarié, donc dépendant du régime général… Retour à la case départ ! Autant d’allers-retours inutiles et chronophages.</p>
<p>Ce passage par le « régime étudiants » est-il finalement utile, avantageux et surtout équitable ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La réforme de la protection universelle maladie, censée éviter la rupture des droits en cas de changement de situation, comporte un point en défaveur des étudiants qui travaillent.Caroline Diard, Enseignant-Chercheur en Management des Ressources Humaines, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/541862016-02-09T05:48:45Z2016-02-09T05:48:45ZLa monnaie : l’impensé des recherches en économie sociale et solidaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/110784/original/image-20160209-12621-1hwwrpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'argent. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/40875537@N04/5659908590/in/photolist-9C9vCS-aFAPtx-9ZA9J6-cXNz15-68zxij-aFDkRt-aFDet2-bDwJ11-rAG5dm-bmm93i-55FLSR-bf3Nge-nQZguc-bu6sBd-8usD9K-657VsP-dmyfCP-snzzza-6oVWp-bbeUhH-61LYTT-brcZGM-8ismaU-qnZDsQ-aFB2Ba-4Kdou8-8HWvej-kyBTGB-bnFUG4-fKKcRD-knHgd-cEJ54Q-8ip6ZZ-cNdyo-9htwiK-fKuazu-bu6pKh-9FPrx5-bf3TAn-5z3f3L-bUVSpp-f54gtt-6c6Q6r-cEHZc1-9qRF8r-62LD8Z-9htwN2-9PSLHY-7987Vs-bH1gac">Aaron Patterson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La monnaie est le talon d’Achille de l’économie orthodoxe qui la considère comme un simple lubrifiant de l’échange marchand et non comme un bien désiré pour lui-même pouvant affecter profondément le fonctionnement de l’économie. Curieusement, les travaux sur l’<a href="http://www.alternatives-economiques.fr/la-definition-de-l-economie-sociale-et-solidaire_fr_art_350_27927.html">Économie sociale et solidaire</a> (ESS), pourtant très critiques vis-à-vis de la théorie orthodoxe, ne se penchent que très peu sur la monnaie alors que beaucoup d’initiatives solidaires sont consacrées à cette dernière.</p>
<p>Dans la théorie orthodoxe (néoclassique), notre économie se résume à une économie de marché, une économie d’échange. Dans une telle vision, la monnaie est une marchandise particulière qui a pour fonction première de faciliter les transactions. Pourtant, l’économie ne se résume pas à des transactions sur un marché. Avant d’échanger, il convient bien évidemment de produire. Or, au cours des siècles, le mode de production dominant a changé. Ainsi, depuis la révolution industrielle, nous sommes entrés dans une économie monétaire de production où les individus ne produisent généralement plus par et pour eux-mêmes, mais pour l’entreprise qui les emploie.</p>
<p>Dans cette économie, la monnaie n’est plus un simple lubrifiant de l’échange, mais le préalable à toute activité économique. En effet, l’entreprise doit être en mesure de faire l’avance salariale pour associer le facteur travail au facteur capital. Cette avance monétaire ne peut se faire sans l’entremise du système bancaire qui, seul, est en mesure de faire naître des unités monétaires dans l’acte d’octroi du crédit. Dans ce cadre, l’activité productive des individus est non seulement subordonnée aux décisions de production des entreprises, mais aussi aux décisions de financement des banques. Ces dernières sont assujetties à une logique de rentabilisation du capital qui les conduit à ne retenir que les productions financièrement viables. Cette logique capitaliste réduit la production à la création de marchandises, sans prise en considération de l’utilité sociale et de l’impact écologique de cette dernière.</p>
<p>C’est pourquoi, visant, au contraire, le renforcement de solidarités dans un environnement sain, l’<a href="http://www.atelier-idf.org/agir-ess/entreprendre-autrement-ess/initiez-vous-ess/economie-sociale-solidaire/">ESS</a> peut être vue comme une réaction aux maux engendrés par l’économie monétaire de production.</p>
<h2>Les initiatives monétaires de l’économie sociale</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle cette réaction va prendre <a href="http://www.cress-fc.org/index.php/economie-sociale-et-solidaire">plusieurs formes</a>.</p>
<ul>
<li><p>La forme des <a href="http://www.alternatives-economiques.fr/histoire-des-banques-cooperatives_fr_art_223_31127.html">coopératives et des mutuelles bancaires</a> qui facilitent l’accès au crédit et à la monnaie aux indépendants (artisans, agriculteurs…) </p></li>
<li><p>La forme des coopératives de production qui dans la constitution d’un capital commun entendent échapper à la logique du profit au nom de la liberté productive.</p></li>
<li><p>La forme des mutuelles sociales visant la sécurisation de l’activité salariale.</p></li>
</ul>
<p>Le résultat de ces expériences est mitigé. En effet, elles sont bien à l’origine d’un usage alternatif de la monnaie. Le mouvement mutualiste est à l’origine de la reconnaissance de l’État providence qui revient à mettre en place un système de production sociale généralisé (soins, aide aux personnes…) échappant à la logique de rentabilisation du capital.</p>
<p>Ainsi, dans le cadre du système monétaire de production, une partie du financement, et donc de la création monétaire par les institutions monétaires, est affectée à la production de biens publics. Le mutualisme constitue donc le ferment d’un usage social de la monnaie qui trouve son apogée après-guerre avec la création de la Sécurité sociale. Cependant, l’alternative à la monnaie asservie au capital n’est que partiellement réussie. En effet, une bonne partie des <a href="http://base.socioeco.org/docs/histoire_ess.pdf">banques mutualistes</a> ont été rattrapées par la logique spéculative, le financement des projets de production de leurs sociétaires n’échappant pas à la règle de la rentabilisation capitaliste.</p>
<h2>Les initiatives monétaires de l’économie solidaire</h2>
<p>L’<a href="http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/terre/5-5-l-economie-solidaire/l-economie-solidaire-une-maniere.html">économie solidaire</a> qui se développe à la fin des années 70-80 constitue, elle aussi, une interrogation quant à l’économie monétaire de production et à l’usage de la monnaie assujetti à la logique de profit. Nous nous plaçons, ici, dans une période de remise en cause de l’État providence, de crise économique et de globalisation des marchés. La généralisation de la logique de marché, comme solution à la crise, s’accompagne d’un retour à l’hégémonie de l’économie monétaire de production. La société civile, confrontée à l’emprise croissante de logique de rentabilisation (délocalisation, individualisation, exclusion), réagit, de nouveau, par des pratiques cherchant à réinventer l’économie pour la rendre plus solidaire.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/110615/original/image-20160208-2602-lahcky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Monnaie locale nantaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/quartiercreation/8466252392/in/photolist-dU398p-dU8KNS-dU396R-dU39in-dU8KWh-dU8KVQ-dU396V-dU394r-dU394H-dU8KSQ-dU8KU3-dU8KVW-dU8KT1-dU3974-dU8KUb-eFmgAp-erF7Gs-bVdr1y">Quartie Création/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi ces dernières, les <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-1-page-81.htm">systèmes d’échanges locaux</a>, les <a href="http://monnaie-locale-complementaire.net/">monnaies locales</a> et les <a href="http://www.accorderie.fr/">accorderies</a>, nous semblent particulièrement intéressantes. Car, au-delà des dispositions techniques et des règles de régulation qui diffèrent fortement d’une initiative à l’autre, on retrouve la même volonté : gérer démocratiquement la monnaie pour renforcer le lien social. Cette volonté pragmatique de maîtriser l’accès à la monnaie est une invitation pour les théoriciens de l’économie solidaire à se pencher sur le rôle de la monnaie comme levier ou frein à la transition vers une société postcapitaliste. En effet, il n’y aura pas de transition démocratique vers une société solidaire sans une réappropriation citoyenne généralisée du fait monétaire.</p>
<p>Passées ou actuelles, ces initiatives monétaires soulignent, en creux, un impensé des théories contemporaines de la recherche en ESS : l’accès à la monnaie comme préalable au développement d’une auto-organisation productive de la société civile et comme levier de changement de régime économique. Pas de société démocratique sans une théorie démocratique de la monnaie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les recherches sur la place de la monnaie dans l’économie capitaliste classique sont légion, celles sur son rôle dans l’économie sociale et solidaire sont encore trop peu nombreuses.Éric Dacheux, Professeur Information Communication , Université Clermont Auvergne (UCA)Daniel Goujon, Maitre de Conférences, Sciences Economiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/534372016-01-21T05:55:16Z2016-01-21T05:55:16ZFaut-il supprimer les mutuelles étudiantes… ou réfléchir aux conditions de leur pérennité ?<p>Une enquête de l’émission <em>Envoyé Spécial</em> posait récemment la question suivante dans son titre même : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uD7h67PwMEI">« Faut-il supprimer les mutuelles étudiantes ? »</a>. Une question décidément redondante à laquelle d’autres parties prenantes, associations de consommateurs, syndicats étudiants, groupe de travail parlementaire sur la protection et la santé des étudiants, etc. répondent de manière tout aussi tranchée et en appellent tout bonnement à la fin des mutuelles étudiantes<sub>1</sub>.</p>
<p>Sans trancher sur ce point, notre analyse invite surtout à une réflexion poussée sur les moyens de soutenir ces formes originales et alternatives d’un système social et solidaire géré par les principaux destinataires voire, à s’interroger sur les postulats idéologiques à l’origine des choix politiques qui précédent la décision de mise en concurrence directe de ces Mutuelles étudiantes entre elles.</p>
<p><strong>Des prises de position qui omettent un point essentiel : la concurrence et la rivalité que se livrent les mutuelles étudiantes sur le terrain</strong></p>
<p>Cette enquête, reprenant les arguments récurrents en faveur de la suppression des mutuelles étudiantes, insistait sur les difficultés de ces dernières – et notamment de la <a href="http://www.lmde.com/">LMDE</a>, première d’entre elles en France puisqu’elle affilie la moitié des étudiants – à rembourser efficacement ses adhérents. Grâce à des techniques de caméra cachée au sein de la LMDE, l’enquête montrait inefficacité et incohérences organisationnelles, procédures défaillantes, personnel dépassé, etc.</p>
<p>Posant la question d’une réforme (nécessaire) du mutualisme étudiant, et d’une disparition de ces mutuelles, la journaliste attribuait la difficulté de poser sereinement ce débat aux relations consanguines entre la LMDE, l’<a href="http://unef.fr/">UNEF</a>, principal syndicat étudiant largement financé par la LMDE, et certains membres du gouvernement pour qui l’UNEF a servi de tremplin politique. Enfin, le coût de gestion de ce régime spécifique, trois fois supérieur à celui de l’assurance maladie était également pointé du doigt.</p>
<p>Quelle que soit sa qualité, ce reportage et ces critiques récurrentes, omettent curieusement un aspect essentiel de ce qui se joue actuellement pour les mutuelles étudiantes : la situation de concurrence effrénée dans laquelle elles sont mises.</p>
<p>En effet, en France, les mutuelles étudiantes évoluent dans une situation de duopole dans lequel, depuis le début des années 70, dans chaque région, deux organisations sociales, militantes et non lucratives se partagent le marché étudiant et réalisent plus de 90 % de leur chiffre d’affaires en concurrence frontale sur un même lieu (établissements d’enseignement supérieur) et sur une même période (la rentrée universitaire) : la période de « campagne ».</p>
<p>Cette campagne entraîne des dépenses de communication considérables et fait l’objet d’une préparation minutieuse notamment par les personnes des départements dits de « développement » de ces mutuelles qui sont prêtes à tous les excès pour « rabattre »<sub>2</sub> les « étudiants-clients », potentiels affiliés ou adhérents.</p>
<p>Ainsi, alors que l’enquête d’<em>Envoyé Spécial</em> insiste sur une gestion interne inadaptée et manquant de professionnalisme, ce qui pose le problème sous un angle technique pouvant éventuellement être résolu, la question essentielle est bien certainement celle-ci : dans quelles conditions concurrentielles le mutualisme étudiant pourrait-il survivre et fournir une qualité de service appropriée tout en restant fidèle à ses valeurs et à ses principes ?
Une question qui devrait être prise en compte pour réfléchir à l’avenir des mutuelles étudiantes et qui n’est pas sans lien avec le coût de gestion élevé et la désaffection vis-à-vis du mutualisme étudiant à laquelle nous assistons indiscutablement.</p>
<p>Pendant trois ans, nous avons pu analyser la relation de concurrence entre deux des principales mutuelles étudiantes sur le territoire et observer, sur une vingtaine de sites universitaires, les pratiques commerciales mises en place par les « développeurs » et « conseillers » qui sont chargés, au moment de la rentrée, d’informer, d’affilier et de faire adhérer les étudiants, ainsi que leurs pratiques de rivalité concurrentielle vis-à-vis de leurs alter ego concurrents. Étonnés, pour ne pas dire consternés par ces pratiques à l’opposé de leur mission de service public et des principes mutualistes affichés par ces organisations, nous avons décidé d’étudier les modes de management et de gestion des ressources humaines à l’origine de ces pratiques : recrutement, formation, techniques de motivation et d’incitation des conseillers, etc.</p>
<p><strong>Rivalité concurrentielle et agressivité commerciale</strong></p>
<p>Concrètement, voici quelques éléments issus de nos observations qui illustrent la rivalité concurrentielle surprenante entre ces deux organisations alternatives et militantes.</p>
<p>Déjà, en amont, la négociation de l’emplacement des stands avec les services de scolarité est stratégique, l’objectif étant de toucher le maximum d’étudiants. Les enjeux pour chaque mutuelle conduisent à des tensions très fortes entre concurrents et les développeurs négocient très durement les emplacements de leur stand avec les services de scolarité des universités. Ces négociations, que nous avons pu observer, peuvent amener à des situations où les responsables des services de scolarité doivent parfois s’interposer, y compris physiquement, entre concurrents pour éviter des affrontements. Les développeurs interrogés expliquent qu’il s’agit de « ne pas céder un centimètre » et de ne pas être mis en échec au moment de leur première confrontation directe avec leur concurrent à l’entame de la campagne.</p>
<p>Pendant la campagne, les tensions sont également manifestes entre les conseillers concurrents sur les sites. Tout d’abord, il faut « rabattre » les étudiants sur son stand. Les rabatteurs concurrents sont situés côte à côte et parfois amenés à entrer en contact physique pour diriger l’étudiant vers le bon stand. Les conseillers reçoivent en amont de la campagne une formation complète où ils apprennent comment « accompagner l’étudiant, le faire asseoir, le diriger vers l’inscription sans qu’il se fasse attraper par la concurrence » à l’aide de techniques variées : « rabattage statique », « assis », « statique debout », « mobile debout », tenant compte de la présence ou non des parents, etc.</p>
<p>Une fois l’étudiant « rabattu », les conseillers peuvent enfin commencer leur mission. En théorie, celle-ci est une mission d’information et de service public ; dans les faits, elle se résume souvent à vendre leur mutuelle par tous les moyens. La mitoyenneté des stands permet aux conseillers rivaux de s’observer en permanence, d’écouter les argumentaires de leurs concurrents et soit de les déconstruire ensuite auprès des étudiants, soit d’intervenir directement pour démontrer le caractère fallacieux de tel ou tel argument ou dénigrer la mutuelle rivale en dénonçant notamment les problèmes de qualité de service discutés plus haut. L’intensité du rabattage et l’exaspération qui résulte des jeux de déstabilisation entre conseillers concurrents entraînent régulièrement des querelles et <a href="http://www.sudetudiantlille.org/2006/07/violence-et-securite-sociale/">agressions physiques entre eux</a>.</p>
<p><strong>Des techniques de vente musclées</strong></p>
<p>L’intensité concurrentielle et la primauté accordée à la vente sur les idéaux alternatifs se retrouvent également dans les pratiques de vente auprès des étudiants.</p>
<p>Les conseillers, obnubilés par les objectifs qu’ils ont à réaliser, comprennent vite qu’ils peuvent exploiter le manque d’information des étudiants pour leur proposer des complémentaires santé ainsi que des services additionnels. En effet, les étudiants sont en général peu renseignés sur leur couverture médicale. Ils comprennent bien qu’il est obligatoire de s’affilier à une mutuelle étudiante pour la partie sécurité sociale (parce que cela est spécifié sur leur dossier d’inscription à l’université) mais ils ne sont pas toujours certains d’être couverts par la complémentaire santé de leurs parents. Sur les stands, les conseillers n’hésitent pas à exploiter ce déficit d’information et à laisser entendre que la souscription à une complémentaire santé est également obligatoire, selon un argumentaire bien rodé.</p>
<p>Sur certains sites, en utilisant ces techniques de vente qui amènent l’étudiant à ne plus différencier sécurité sociale (obligatoire) et complémentaire (facultative), les conseillers sont capables de multiplier leurs ventes de complémentaires santé par trois.</p>
<p>De plus, les mutuelles étudiantes, une fois admises sur le site d’inscription universitaire, n’hésitent pas à proposer de nombreux services additionnels tels que des contrats d’assurance, des ouvertures de comptes chez une banque partenaire, des cartes de réduction, etc. Le caractère alternatif de la mutuelle n’est alors non seulement plus rempli, mais surtout, il est instrumentalisé en étant réduit à un argument commercial pour convaincre, par exemple chez les étudiants dont la discipline peut les amener à apprécier ce type d’arguments (les étudiants en lettres ou en sociologie étant identifiés comme tels).</p>
<p><strong>Des pratiques aux modes de management</strong></p>
<p>Les observations menées et les témoignages recueillis montrent que ces pratiques, loin d’être contingentes ou de constituer des dérives locales non désirées, sont au contraire le produit de modes de management et de gestion des ressources humaines spécifiques, en amont de et pendant cette campagne : pilotage par les objectifs de vente ; recrutement sélectionnant les profils les plus agressifs et les plus à même de s’engager dans la rivalité concurrentielle et de ne pas la contester ; formation favorisant la vente au détriment de l’information ; préparation à l’utilisation de techniques de rivalité agressives (y compris physiquement) ; mise en concurrence des conseillers entre eux par des affectations « au mérite » et des « réunions de motivation » ; précarisation salariale des conseillers ; modes d’animation et de contrôle privilégiant la pression sur les conseillers et la reproduction des comportements attendus.</p>
<p>Les mutuelles étudiantes que nous avons observées sont des organisations à but non lucratif. Elles appartiennent à l’économie sociale et solidaire et se revendiquent officiellement comme des organisations alternatives (notamment par rapport aux assurances privées.).</p>
<p>Pourtant, loin de se battre pour remettre en cause ce contexte concurrentiel et mener à bien leur mission d’information et de sensibilisation militante, elles s’engagent pleinement dans une lutte fratricide où tout travail d’information est rendu impossible. Une question essentielle est alors d’expliquer ce phénomène et de s’interroger sur la capacité de ces mutuelles étudiantes en particulier et des organisations alternatives en général à remplir leur mission sociale et alternative dans des contextes de concurrence frontale.</p>
<p><strong>Le contexte concurrentiel : un élément déterminant pour les organisations sociales et solidaires en général et les mutuelles étudiantes en particulier</strong></p>
<p>Le cas du mutualisme étudiant présente des conditions idéales pour réfléchir à cette question et remettre en cause des idées reçues. En effet, on peut ici difficilement se satisfaire de l’explication souvent invoquée selon laquelle c’est la concurrence d’organisations capitalistes classiques voire les effets de la mondialisation qui pervertissent les mutuelles et les forcent à développer des pratiques et modes de management incohérents.</p>
<p>En l’espèce, seules deux mutuelles sont en situation de concurrence directe, elles opèrent sur un marché régulé par l’État, dans un contexte strictement français. C’est donc bien la situation de concurrence elle-même qu’il s’agit d’interroger, une situation concurrentielle particulière dont les acteurs des mutuelles étudiantes n’arrivent pas à s’extraire.</p>
<p>C’est d’ailleurs ce qu’avaient pressenti certains acteurs lors de la décision historique de créer un deuxième réseau mutualiste étudiant venant concurrencer la MNEF – initialement la seule mutuelle étudiante. Le risque induit par cette situation de concurrence inédite était alors pointé dans un rapport moral de 1972<sub>3</sub> par les adhérents qui craignaient une surenchère commerciale risquant « d’entraîner une désaffectation à l’égard de la mutualité ».</p>
<p>Rappelons que dans les années 1970, plusieurs mutuelles régionales constituées en réseau souhaitaient jouir de la même prérogative de gestion de la sécurité sociale étudiante que celle accordée à la MNEF, ce qui leur avait été octroyé en 1972 par le gouvernement conservateur en place. Que cette décision soit motivée par une volonté libérale de mise en concurrence ou qu’elle soit une tentative d’affaiblir le pouvoir contestataire de l’UNEF dont les relations avec la MNEF étaient déjà très fortes, il semble quarante ans plus tard que ces inquiétudes étaient fondées.</p>
<p>La concurrence entre mutuelles étudiantes a annihilé leur vocation de transformation sociale et leur a fait perdre progressivement toute forme de crédibilité vis-à-vis de leurs principales parties prenantes, discréditant ainsi l’ensemble du mutualisme étudiant.</p>
<p>Au plan politique, à l’heure où le premier ministre est directement interpellé sur le sujet et en quelque sorte <a href="http://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2015-02-13,mutuelles-etudiantes-le-gouvernement-ne-peut-plus-feindre-lignorance.htm">sommé de prendre position</a>, les enseignements de ce travail de recherche impliquent que la volonté de promouvoir l’existence du mutualisme étudiant doit s’accompagner d’une réflexion sur le contexte qui peut rendre possible un tel projet.</p>
<p>Une concurrence directe, même entre mutuelles, peut menacer la spécificité de ces organisations et la crédibilité de l’alternative dont elles sont porteuses. Plus largement, ce n’est plus seulement la pérennité des mutuelles étudiantes qui est en jeu ici, mais bien au-delà, la possibilité, pour toute une série d’initiatives originales de l’économie sociale et solidaire, de préserver les principes, valeurs et pratiques sociales et alternatives qui les caractérisent lorsqu’elles sont exposées aux logiques de concurrence sur leur marché.</p>
<p><em>(1) Par exemple : <a href="http://www.quechoisir.org/argent-assurance/assurance/assurance-des-personnes/communique-inscriptions-a-la-faculte-l-ufc-que-choisir-met-au-banc-les-mutuelles-etudiantes">« Inscriptions à la faculté : l’UFC-Que Choisir met au “banc” les mutuelles étudiantes »</a>, rapport du 12 septembre 2012.<br>
(2) Terme utilisé en interne.<br>
(3) Rapport moral de la MNEF, congrès de Thonon, 1972, cité par Morder, 2004 p. 5. Voir également le commentaire de Brahami 2009 p. 37 à ce sujet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plutôt que réfléchir à supprimer les mutuelles étudiantes, il faut s’interroger sur leur capacité à remplir leur mission dans un contexte de concurrence frontale.Youcef Bousalham, Maitre de conférences , Université de Rouen NormandieBénédicte Vidaillet, professeure agrégée des universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.