tag:theconversation.com,2011:/global/topics/orientation-33822/articlesorientation – The Conversation2023-06-02T09:49:39Ztag:theconversation.com,2011:article/2030182023-06-02T09:49:39Z2023-06-02T09:49:39ZParcoursup : les adolescents face au stress des choix d’orientation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529350/original/file-20230531-27-3hlj3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1917%2C1325&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les rêves offrent un espace pour se construire et se préparer à la rencontre avec la réalité.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’orientation est une source de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a> considérable pour les jeunes. Si c’est souvent en fin d’année scolaire, lors de la diffusion des résultats d’admission post-bac, que l’opinion publique en prend conscience, ce phénomène va bien au-delà des échéances de fin d’année scolaire. Il toucherait deux tiers des jeunes de 18 à 25 ans, selon une <a href="https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2018/12/181211_Cnesco_orientation_enquete_jeunes_credoc.docx.pdf">enquête menée par le CREDOC</a> (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie) pour le CNSECO (Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire).</p>
<p>Bien que le stress paraisse augmenter à l’approche de la classe de terminale, les <a href="https://journals.openedition.org/osp/617">collégiens expriment déjà eux aussi massivement leurs difficultés face à ces choix d’avenir</a>.</p>
<p>Alors que les lycéens reçoivent à compter du 1<sup>er</sup> juin 2023 sur <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a> les premières réponses à leurs demandes d’inscription dans l’enseignement supérieur, interrogeons-nous sur ce que représente l’orientation pour les nouvelles générations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/orientation-post-bac-linevitable-stress-de-parcoursup-161036">Orientation post-bac : l’inévitable stress de Parcoursup ?</a>
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<p>Si de nombreux dispositifs sont mis en place pour aider les élèves à construire leurs parcours, on continue généralement de se focaliser sur des enjeux d’insertion scolaire, universitaire, ou socio-professionnelle. On oublie souvent la spécificité du temps dans laquelle s’inscrivent ces échéances, l’adolescence, qui agit sur la manière d’envisager des projets d’avenir.</p>
<h2>L’orientation, cap important vers l’âge adulte</h2>
<p><a href="https://www.revuecliopsy.fr/wp-content/uploads/2019/10/RevueCliopsy22-Meloni-015.pdf">Le choix d’orientation</a> marque souvent une des premières prises de responsabilité des adolescents. Associé au développement de leur autonomie, il implique une distanciation avec les parents, et donc la perte de leur protection. Les appréhensions face à l’avenir sont encore plus fortes quand les élèves ont l’impression d’être démunis face à la <a href="https://theconversation.com/orientation-post-bac-linevitable-stress-de-parcoursup-161036">complexité des filières et des procédures</a> ou d’avoir un niveau trop faible.</p>
<p>Les jeunes <a href="https://www.education.gouv.fr/rapport-thematique-igesr-2020-l-orientation-de-la-quatrieme-au-master-325088">se plaignent fréquemment de l’injustice des dispositifs d’orientation</a>, et leur détresse peut dès lors se mêler à un sentiment de colère. Sans préjuger de son bien-fondé, cette plainte interpelle l’institution et, à travers elle, les adultes, à la fois critiqués et recherchés pendant ce processus d’autonomisation.</p>
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<a href="https://theconversation.com/choix-scolaires-une-orientation-heureuse-est-elle-possible-103295">Choix scolaires : une « orientation heureuse » est-elle possible ?</a>
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<p>Bien que les choix d’orientation soient moins tributaires qu’auparavant des traditions sociales et familiales, à travers eux, les adolescents se situent néanmoins <a href="https://www.cairn.info/revue-cliopsy-2009-2-page-105.htm">dans une filiation</a> en affirmant leur proximité avec un membre de leur entourage exerçant dans la voie envisagée ou manifestant son intérêt à son égard. C’est pourquoi la valorisation procurée par l’admission dans un cursus est aussi une façon d’espérer satisfaire les personnes importantes à leurs yeux.</p>
<p>« Être pris », « être refusé », « savoir s’ils veulent de moi » sont autant d’expressions que les jeunes utilisent pour signifier leurs préoccupations. Dès lors, les choix d’orientation engage la construction de l’image de soi à plusieurs niveaux. Tout d’abord, leur émission reflète l’idée que les adolescents se font d’eux-mêmes selon, notamment, leur assurance, leurs caractéristiques sociales, <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2007-2-page-87.htm">leur féminité/masculinité</a>, comme le développe notamment Françoise Vouillot.</p>
<p>Les réponses qu’ils reçoivent façonnent à leur tour leur représentation d’eux-mêmes. Non seulement elles renforcent ou affaiblissent leur confiance en eux mais elles consolident, ou au contraire, remettent en question leur identité, puisqu’à travers elles, l’espace social émet un jugement sur l’adéquation de leur personnalité avec la place envisagée.</p>
<h2>Choisir et affirmer son identité</h2>
<p>L’élaboration d’un projet d’orientation s’apparente effectivement à celle d’un « projet identitaire » selon la formule de <a href="https://cerisy-colloques.fr/pieraaulagnier2021/">Piera Aulagnier</a>. Avec lui, l’adolescent cherche à <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2014-2-page-131.htm">repérer ses désirs</a>, à les affirmer, à les faire reconnaitre. Le projet lui permet ainsi de s’authentifier en évoquant ses rêves, ses idéaux, ses désirs, mais aussi leurs limitations. Toutefois, il reste soumis à la reconnaissance sociale, par la sélection et la remise de diplôme.</p>
<p>En d’autres termes, alors que le projet représente pour l’adolescent une occasion de prendre la parole en son nom en énonçant comment il souhaite se situer dans la vie collective, l’admission ou le refus dans la filière demandée soutient ou, au contraire, destitue cette tentative de s’affirmer en tant que personne.</p>
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<figcaption><span class="caption">#DitesNousTOUT : votre orientation, un choix de cœur ou stratégique ? (Région Occitanie, 2017).</span></figcaption>
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<p>Toutes les formes de stress ne sont néanmoins pas équivalentes. Certaines concernent davantage la crainte de manquer d’informations sur les voies existantes, sur les débouchés ou sur le quotidien d’une activité professionnelle. D’après nos observations de terrain, issues de nos recherches sur le vécu de l’orientation menées en établissements scolaires de différentes académies, ces préoccupations sont plus prégnantes chez des élèves ou chez des étudiants de milieux sociaux défavorisés. Centrées sur le fonctionnement et sur les attentes sociales, elles renvoient à un manque de repères externes.</p>
<p>À ces préoccupations se mêle une quête de repères internes mis à mal à l’adolescence avec les transformations physiques et psychiques. Sous cet angle, le stress de l’orientation pourrait être requalifié en angoisse. Avec lui, il s’agit finalement de l’angoisse liée au risque de perdre l’amour et l’estime de sa famille en n’étant pas à la hauteur des attentes, de l’angoisse face à la responsabilité d’affirmer ses désirs face aux demandes sociales, de l’angoisse du « qui suis-je ? »</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-des-diplomes-pour-imaginer-lavenir-171223">« Une jeunesse, des jeunesses » : des diplômes pour imaginer l’avenir ?</a>
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<p>Quelques situations amplifient cette angoisse identitaire, comme le cas où les adolescents sont plus fragiles psychiquement. De même, les élèves « orientés par défaut » ou soumis à « une orientation subie », déjà en difficultés scolaires, ne parviennent pas à se sentir reconnus quand ils énoncent leurs projets au point pour certains d’affirmer « ne pas avoir d’avenir » ou « d’être bon à rien ».</p>
<p>Cette angoisse peut encore être oppressante pour les élèves issus de milieux sociaux défavorisés qui se sentent engagés dans un avenir sans issue, mais aussi éprouvante pour les élèves de milieux sociaux favorisés soumis à des pressions exigeantes. Enfin, elle peut être alimentée par <a href="https://doi.org/10.1051/psyc/202050060">l’assignation à un stigmate social, culturel ou médical</a>, qui assujettit les adolescents aux projets des autres à leur égard, les dépossédant de leur avenir. Ainsi, comme nous avons pu le montrer dans un précédent article, bien que les <a href="https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-2020-2.htm">élèves atteints d’un handicap</a> soient régulièrement amenés à énoncer leurs projets d’avenir, leurs paroles sont finalement peu prises en compte.</p>
<h2>Des rêves à concilier avec les enjeux du monde contemporain</h2>
<p>Inhérente au processus de l’adolescence, l’angoisse du choix d’avenir est particulièrement forte alors que montent les <a href="https://theconversation.com/en-2020-les-generations-climat-haussent-le-ton-128959">inquiétudes environnementales</a>, sociales ou géopolitiques, rendant difficile la projection dans l’avenir, et par conséquent, les rêves de jeunesse. Or les <a href="https://doi.org/10.3917/ep.089.0162">rêves sont fondamentaux à l’adolescence</a>. En fournissant un espace protégé, ils accordent du temps pour grandir et imaginer une façon de se présenter aux autres avant de pouvoir affronter la rencontre de la réalité.</p>
<p>Pour autant, le contexte ne nous dédouane pas d’interroger la responsabilité des adultes. Il pourrait paraître paradoxal que le stress ou l’angoisse s’accroisse au moment même où l’institution aspire à développer des pratiques éducatives bienveillantes. Dans ce sens, Pierre Boutinet remarque la <a href="https://www.puf.com/content/Anthropologie_du_projet">contradiction d’une position institutionnelle qui encourage les élèves et les étudiants à exprimer des choix pour finalement ne pas en tenir véritablement en compte</a>. Les projets envisagés sont aussitôt confrontés à la réalité menaçante du poids des notes, du nombre de places en établissement et du manque de débouchés.</p>
<p>En somme, l’exigence de performance pousse à développer des compétences scolaires, professionnelles et sociales afin de maîtriser l’orientation. Mais le discours porteur de promesses d’émancipation au travail ne permet pas de prendre en compte les inquiétudes des adolescents en restant focalisé sur l’idée qu’une « bonne orientation » assurerait l’avenir.</p>
<p>Ce discours pourrait pourtant s’essouffler avec les successions de crises sociales et de crises d’emploi, ou encore, avec le développement de la <a href="https://theconversation.com/mesurer-la-souffrance-au-travail-des-sirenes-hurlantes-au-mur-du-silence-83751">souffrance au travail</a>. Pour l’heure, en évitant le questionnement intime des adolescents, le risque est de ne pas les considérer à travers leur histoire personnelle, mais comme des élèves ou des étudiants permutables et malléables à souhait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203018/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Méloni ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le choix d’orientation post-bac touche à des enjeux d’identité et il importe de ne pas éviter ce questionnement intime pour aider les adolescents à affronter l’inquiétude de l’avenir.Dominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810862022-04-18T15:46:10Z2022-04-18T15:46:10ZDétecter plus tôt Alzheimer grâce à un jeu vidéo<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458418/original/file-20220418-24-j2faic.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1147%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image extraite du jeu vidéo Sea Hero Quest.</span> </figcaption></figure><p>Un jeu vidéo pour l’aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer ? Je ne sais pas vous, mais quand je lis ce genre de titre j’ai tendance à lever les yeux au ciel. C’est vrai qu’à l’heure où les soignants sont poussés à bout par les effets croisés d’une pandémie et de la dégradation de leurs conditions de travail, proposer de les aider avec un jeu vidéo ressemble au mieux à un vœu pieu, au pire à une provocation…</p>
<p>Pourtant, le projet Sea Hero Quest, développé par nos équipes de recherche en collaboration avec des soignants a pour objectif de répondre à un vrai besoin exprimé par ces derniers.</p>
<p>L’idée est de développer un test capable d’évaluer le sens de l’orientation pour détecter le plus tôt possible la maladie d’Alzheimer, dont la désorientation spatiale est un symptôme précoce. Rassurez-vous, ce n’est pas parce que vous pensez avoir un mauvais sens de l’orientation que vous êtes plus à risque de développer une démence. De nombreux facteurs culturels et démographiques comme l’âge, le genre, le niveau d’éducation, ou encore les habitudes de sommeil influencent nos capacités à nous repérer.</p>
<p>Et c’est justement un problème pour les médecins : comment savoir si M. Martin a un mauvais score à son test d’orientation spatiale parce qu’il développe une démence ou s’il a toujours été comme cela ? Une solution est de comparer les performances de M. Martin à celles d’autres personnes ayant les mêmes caractéristiques démographiques. Cela permettrait de s’assurer que ses mauvaises performances ne sont pas liées qu’à son profil, mais sont bien potentiellement pathologiques. Comparer le comportement du patient à celui de milliers de personnes lui ressemblant rendrait le test beaucoup plus précis, taillé sur mesure.</p>
<h2>4 millions de participants à l’étude scientifique</h2>
<p>Mais pour faire toutes ces comparaisons, il faut une base de données avec du monde, beaucoup de monde. Bien plus que les quelques dizaines de participants recrutées habituellement dans les études en neuroscience ou en psychologie. Avec Sea Hero Quest, nous avons mis à profit une fraction des milliards d’heures hebdomadaires passées par les humains à jouer à des jeux vidéo. Nous avons, en collaboration avec le studio de <em>game design</em> <a href="https://glitchers.com/">Glitchers</a>, développé un jeu vidéo d’orientation spatiale sur smartphones et tablettes. Le joueur incarne le capitaine d’un petit bateau devant résoudre des labyrinthes aquatiques de plus en plus complexes. Ces épreuves virtuelles correspondent à des tâches classiques de la littérature scientifique, que nous avons rendues ludiques. S’ils le veulent bien, les joueurs peuvent aussi répondre à quelques questions sur leur profil démographique. Selon <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0213272">nos résultats</a>, les performances à ce jeu sont bien prédictives des performances spatiales dans le monde réel, et non pas le simple reflet des compétences en jeux vidéo. Ouf.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du jeu vidéo Sea Hero Quest VR.</span></figcaption>
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<p>Cela a marché au-delà de nos espérances. Entre 2016 et 2019, plus de 4 millions de joueurs de tous les pays du monde ont téléchargé et joué à Sea Hero Quest. A ce moment-là, nous sommes éberlués, hypnotisés par le flux de données s’amassant sur nos serveurs. Si on avait voulu tester autant de participants de manière « classique », directement dans notre labo, ça aurait pris 1000 ans et coûté 100 000 000 d’euros.</p>
<p>Un tel jeu de données est inédit en sciences comportementales. Au-delà de l’aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer, il permet de répondre à des questions jusqu’alors irrésolues. Par exemple sur la différence entre les hommes et les femmes en termes de navigation spatiale. De nombreuses études scientifiques ont fait état d’un avantage pour les hommes à certaines tâches d’habileté spatiale, mais on n’a jamais très bien compris d’où venait cette différence. Grâce au jeu de données de Sea Hero Quest, on a pu estimer l’ampleur de cette <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(18)30771-1">différence entre les sexes</a> dans 53 pays. On a remarqué que cette dernière était proportionnelle à l’égalité entre les hommes et les femmes du pays dans lequel on se place, telle que mesurée par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Global_Gender_Gap_Report">Rapport mondial sur l’écart entre les femmes et les hommes</a> du Forum économique mondial. Ce rapport compare l’accès des hommes et des femmes à l’emploi, à la santé, à l’éducation, et aux instances politiques. Il y a ainsi peu de différences de genre en termes de navigation spatiale dans les pays scandinaves, beaucoup plus en Égypte ou en Arabie saoudite. Cela signifie que la dimension socioculturelle joue un rôle important dans ces différences cognitives entre les genres.</p>
<p>Et Sea Hero Quest est un outil parfait pour l’investiguer.</p>
<h2>Notre sens de l’orientation dépend de l’endroit où l’on a grandi</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04486-7">article</a> paru la semaine dernière à la Une de la revue Nature, nous nous sommes intéressés à un autre facteur culturel : l’influence de l’endroit où l’on grandit sur notre sens de l’orientation à l’âge adulte. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235215461500039X">On sait que</a> si on fait grandir une souris dans une cage « enrichie » avec des jeux et des labyrinthes, cela a un impact sur la forme de son cerveau et sur ses fonctions cognitives comparées à une souris qui aurait grandi dans une cage plus simple. Mais comme il est interdit de mettre des enfants dans des cages, ce résultat n’a jamais été reproduit chez les humains.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1511730788718501893"}"></div></p>
<p>Grâce au jeu Sea Hero Quest, nous pouvons comparer les fonctions cognitives de personnes ayant grandi dans une multitude d’endroits. Nous avons tout d’abord remarqué que les joueurs ayant grandi en ville ont en moyenne un moins bon sens de l’orientation que ceux ayant grandi en dehors des villes, indépendamment de leur âge, genre, ou niveau d’éducation. Mais là encore, l’ampleur de cette différence varie beaucoup d’un pays à l’autre. Dans certains pays comme les USA, l’Argentine ou le Canada, vivre dans une ville est vraiment préjudiciable, alors qu’en France, en Roumanie ou en Inde, il n’y a pas de différence significative entre ville et campagne. Mais d’où viennent ces variations d’un pays à l’autre ?</p>
<p>Les pays où les différences sont les plus fortes comportent davantage de villes avec un plan quadrillé, comme Chicago, Buenos Aires ou Toronto. Et de fait, il est bien plus simple de s’orienter dans ces villes que dans les rues tourmentées de Paris, Prague ou New Delhi. En grandissant dans une ville quadrillée, on exerce moins son sens de l’orientation qu’en grandissant à la campagne, où les réseaux de routes sont moins organisés et les distances à parcourir plus importantes, et ça se ressent à l’âge adulte.</p>
<p>La période clef qui façonne durablement notre sens de l’orientation est l’enfance, lorsque notre cerveau est en plein développement. A l’inverse, le lieu où vivent les joueurs au moment où ils jouent n’est pas statistiquement lié à leurs compétences spatiales. Ça ne veut pas dire qu’il est impossible de s’améliorer en tant qu’adulte, mais ça demande plus de travail !</p>
<p>« L’Homme n’est que la silhouette de son paysage natal » a dit le poète Shaul Tchernichovsky, et ce résultat ne lui donne pas tort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Coutrot a reçu des bourses de recherche publiques et financées par l'association Alzheimer's Research. </span></em></p>Sea Hero Quest, ce jeu vidéo pensé par des scientifiques, a été téléchargé plus de 4 millions de fois et a permis de mesurer nos capacités d’orientation.Antoine Coutrot, Chargé de Recherche CNRS, INSA Lyon – Université de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1794322022-03-23T19:21:35Z2022-03-23T19:21:35ZSur Parcoursup, les émotions des lycéens influencent leurs choix<p>Depuis 2018, la plate-forme numérique Parcoursup permet aux lycéens d’enregistrer leurs vœux d’orientation dans l’enseignement supérieur et de postuler auprès des différentes formations. Ce portail participe à la régulation des inscriptions dans les universités et les écoles post-bac à partir de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2020-2-page-337.htm?contenu=article">critères d’admission</a> supposés égalitaires et socialement justes.</p>
<p>La procédure se déroule en <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15225">trois étapes</a>. Au premier semestre, les élèves de terminale préparent leur projet d’orientation motivé en s’informant sur les formations et les professions auxquelles celles-ci conduisent. Cette réflexion est censée être poursuivie au second semestre et concrétisée par l’inscription sur la plate-forme et la formalisation des vœux. Lors de la troisième étape, en juin et juillet, les lycéens reçoivent – ou ne reçoivent pas – des propositions d’admission de la part des établissements et doivent prendre des décisions en acceptant ou non ces propositions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/orientation-post-bac-linevitable-stress-de-parcoursup-161036">Orientation post-bac : l’inévitable stress de Parcoursup ?</a>
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<p>Le dispositif Parcoursup obéit en apparence à une logique purement cognitive intégrant dans le processus d’affectation des lycéens leurs performances scolaires, les appréciations des enseignants, l’avis du conseil de classe sur la pertinence du projet d’orientation, leurs vœux d’orientation non hiérarchisés, les capacités d’accueil et exigences fixées par les établissements d’enseignement supérieur (examen des dossiers par les commissions des formations).</p>
<p>Ces ingrédients gérés par des algorithmes constituent la partie émergée de l’iceberg car, comme le fait toute personne accomplissant une transition scolaire ou professionnelle, les élèves mobilisent inévitablement des ressources socioaffectives pour faire face à cet événement institutionnalisé. De l’élaboration des vœux aux propositions d’admission, les émotions sont au cœur du dispositif et les prendre en considération conditionne notre compréhension de cette expérience qui constitue une sorte de prototype de ces transitions qui marqueront la vie professionnelle.</p>
<h2>Les émotions au cœur de l’orientation</h2>
<p>Comme le soulignent les travaux empiriques en psychologie depuis les années 1980, les émotions, loin d’être sources de troubles du comportement et du fonctionnement psychologique, jouent au contraire un <a href="https://journals.openedition.org/osp/748">rôle de guide</a>. Elles impulsent l’action de l’individu dans une direction déterminée, et orientent les processus cognitifs (attention, mémoire, raisonnement, décision…) afin d’assurer sa sécurité physique et psychologique. Agréables ou désagréables, les émotions aident le plus souvent les lycéens à se situer et faire des choix.</p>
<p>Les élèves sont ainsi conduits au cours de ces différentes étapes à anticiper leur avenir professionnel, à se fixer un objectif qu’ils désirent atteindre et, pour ce faire, à poursuivre plus ou moins explicitement les buts et objectifs intermédiaires les acheminant progressivement vers la vie professionnelle souhaitée. Franchir ces étapes ne se fait pas sur un coup de tête. Le choix rationnel peut mobiliser de nombreux processus : se poser des questions, identifier ses talents et appétences, rechercher des informations sur les formations et les métiers, sélectionner ces dernières avec pertinence, assimiler et coordonner les informations entre elles, accommoder les manières de se concevoir, et de concevoir certaines formations ou professions…</p>
<p>Tout au long de ces opérations, les émotions sont mobilisées. À tout moment, une information peut donner naissance à une émotion plus ou moins agréable selon qu’elle perturbe ou au contraire renforce le cours des choses ou les attentes de la personne. Cela peut être le cas par exemple d’une appréciation plus ou moins favorable émanant des instances scolaires sur le projet d’orientation de l’élève.</p>
<p>Les travaux empiriques montrent en effet que de telles appréciations suscitent des <a href="https://www.cairn.info/revue-enfance-2011-4-page-465.htm">émotions multiples</a> et d’intensité variable – tristesse, colère, anxiété, dégoût, honte, culpabilité mais aussi joie, exaltation, intérêt. En particulier, les émotions négatives apparaissent significativement plus intenses lorsque l’appréciation énoncée par l’instance scolaire contrarie les vœux d’orientation, que lorsqu’elle les entérine.</p>
<h2>L’anxiété, une place particulière dans l’orientation</h2>
<p>On sait par ailleurs que les décisions d’orientation et les activités qui lui sont associées peuvent être perçues comme anxiogènes par les élèves. L’anxiété est appréhension de ce qui pourrait advenir dans un futur plus ou moins proche, et l’orientation engage l’avenir de la personne souvent durablement. Rechercher des informations sur les formations et les professions nécessite de se confronter à la nouveauté. Si la nouveauté peut être source d’enthousiasme, elle est assez fréquemment source d’inquiétude. De même, faire le choix d’une orientation implique de renoncer à d’autres possibilités, ce qui peut induire la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0001879115000640">peur de se tromper</a>.</p>
<p>Ces activités d’orientation prennent en outre place dans un contexte de transition de l’enseignement secondaire vers l’enseignement supérieur, de transition de l’adolescence à l’âge adulte, auxquels elles préparent. <a href="https://www.jstor.org/stable/40375413">L’anticipation et le vécu de ces transitions</a>, en raison notamment des changements importants qui les escortent suscitent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0001879121000154">multiples émotions</a>, parmi lesquelles de l’anxiété.</p>
<p>Ce sentiment d’insécurité n’est toutefois pas partagé de la même façon par tous les individus. Face aux enjeux de l’orientation, et lorsqu’il s’agit de se projeter mentalement dans son avenir scolaire et professionnel, les filles déclarent davantage de <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2012-2-page-249.htm">peur d’échouer</a>, de décevoir leurs parents, et de s’éloigner de leurs proches, dans le cadre de leur parcours scolaire et professionnel que les garçons. De même, les élèves de milieu sociologiquement peu favorisés éprouvent une peur d’échouer et de décevoir leurs parents plus élevée que ceux d’un milieu favorisé ou moyen.</p>
<h2>Le partage social, une ressource ?</h2>
<p>Lorsqu’elles sont confrontées à un évènement qui induit des émotions, les personnes mettent en œuvre différents moyens pour tenter d’y faire face. L’un d’entre eux consiste à <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/partage-social-des-emotions/">partager</a> avec les personnes de son entourage proche l’évènement et les émotions éprouvées qui y sont associées. Pour les lycéens, parler de Parcoursup, de l’orientation, des émotions qui y sont associées, avec leurs parents, leurs amis et amies proches, ou les acteurs jouant un rôle important dans l’orientation (enseignants et enseignantes, psychologues de l’éducation nationale…), peut procurer des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10775-019-09417-z">bienfaits psychologiques</a>.</p>
<p>Le partage social permet de renforcer les liens et d’obtenir du soutien afin d’être rassuré, de restaurer l’estime de soi, le sentiment de compétence et d’atténuer le sentiment de solitude éprouvé face à la situation. En s’appuyant sur le langage et les structures logiques de pensée, il contribue en outre à réorganiser l’information et créer du sens, à réorganiser les priorités et les objectifs, envisager la situation sous un angle nouveau, et adapter ses actions en conséquence.</p>
<p>L’efficacité de ce partage repose cependant sur la qualité des liens tissés avec l’entourage. Plus les adolescents perçoivent les relations avec ces personnes comme sécurisantes, plus ils pourront s’impliquer dans ce partage, et plus ils en tireront des bénéfices psychologiques.</p>
<p>Les bonnes décisions d’orientation au sein de Parcoursup ne sont donc pas seulement fondées sur des calculs supposés rationnels mais également sur la possibilité d’en débattre sereinement avec des personnes de confiance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle VIGNOLI a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur de la Recherche et de l'Innovation pour effectuer une recherche sur Parcoursup. L'article présent ne fait cependant pas référence aux données de cette recherche en cours sur Parcoursup et financée par le Ministère. Il s'appuie exclusivement sur des articles déjà publiés antérieurement. </span></em></p>Parcoursup, la plate-forme d’admissions post-bac, obéit en apparence à une logique purement rationnelle. Mais les émotions sont bel et bien au cœur de ce dispositif d’orientation. Comment les gérer ?Emmanuelle Vignoli, Maîtresse de conférences (HDR) en psychologie de l'orientation, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1536602021-01-22T12:08:45Z2021-01-22T12:08:45ZPour s’orienter, les bousiers comptent sur la Voie lactée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380002/original/file-20210121-13-1jgjtf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C2%2C1874%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Voie lactée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/voie-lact%C3%A9e-ciel-%C3%A9toil%C3%A9-2881461/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Les insectes se dirigent un peu comme nos ancêtres : en se fiant au ciel. La position du soleil constitue leur principal repère, mais ils sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15146265/">également sensibles aux propriétés de la lumière diffuse</a>, la lueur bleue émanant des couches supérieures de l’atmosphère, qui les renseigne indirectement. Les indications fournies par le rayonnement solaire diffus sont notamment les variations de luminosité et de couleur du ciel, ainsi que la façon dont la lumière est polarisée par l’atmosphère. L’ensemble de ces « indices célestes » permet à diverses espèces d’insectes de suivre une trajectoire déterminée.</p>
<p>De nuit, les indices visuels étant plus difficiles à percevoir, les choses se compliquent. Si certaines espèces nocturnes s’en remettent à la lueur de l’astre lunaire pour s’orienter, les bousiers (<em>Scarabaeus satyrus</em>) se fient aux points lumineux de la Voie lactée, la traînée lumineuse qui parcourt le ciel nocturne, et qui est due à la disposition en forme de disque des étoiles de notre galaxie. Pour nous permettre de comprendre comment ils s’y prennent, mes collègues et moi-même avons reproduit, à l’aide de diodes électroluminescentes, une Voie lactée artificielle destinée à évaluer les performances des coléoptères. <a href="http://rstb.royalsocietypublishing.org/content/372/1717/20160079">Nous avons ainsi découvert</a> qu’ils se basent sur les variations de luminosité entre les différentes parties de la Voie lactée pour déterminer leur trajectoire.</p>
<p>L’obscurité n’empêche pas les <em>Scarabaeus satyrus</em> de se repérer. Chaque soir, ils prennent leur envol dans la savane africaine, en quête des bouses fraîches dont ils se nourrissent. Mais ils ne sont pas seuls. Alors, pour échapper à la concurrence de leurs semblables, ils façonnent une pelote <a href="https://books.google.com/books?isbn=1444341987">d’excréments qu’ils déplacent sur quelques mètres en la faisant rouler</a> avant de l’enterrer et de s’en repaître.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165831/original/image-20170419-6395-1dtpf5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Et j’emmène ça où, moi ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Pour éviter de revenir à leur point de départ, ils font rouler leur boulette en conservant une trajectoire rectiligne. Des scientifiques ont découvert qu’ils en étaient capables même par nuit sans lune, pourvu que le ciel soit dégagé. En 2009, un groupe de chercheurs a donc emmené un certain nombre de spécimens au <a href="http://www.planetarium.co.za">planétarium de Johannesburg</a>, où ils ont observé la capacité des bousiers à s’orienter en fonction de différentes configurations de la voûte étoilée.</p>
<p>Les scientifiques <a href="http://bit.ly/2otpafg">ont constaté</a> que les coléoptères parvenaient à maintenir leur trajectoire lorsque seule la Voie lactée était projetée sur le plafond du planétarium. En revanche, ils se montraient moins performants dès lors que seules les étoiles les plus brillantes étaient activées.</p>
<p>Rien ne permettait cependant de déterminer avec certitude quel type de repère la Voie lactée fournit aux coléoptères. Nous savions, par exemple, que les <a href="http://www.sandiegocounty.gov/content/dam/sdc/pds/ceqa/Soitec-Documents/Final-EIR-Files/references/rtcref/ch9.0/rtcrefaletters/F1%202014-12-19_Emlen1975.pdf">oiseaux qui migrent la nuit peuvent distinguer les constellations</a> situées autour du pôle Nord céleste, tout comme le faisaient les marins avant l’avènement des systèmes de navigation modernes. Ces constellations demeurent visibles dans l’hémisphère Nord du ciel lorsque la Terre tourne, et constituent donc un repère fiable pour les itinéraires nord-sud.</p>
<p>Les expériences menées au planétarium ont montré que les coléoptères ne s’en remettent pas aux constellations formées d’étoiles brillantes, mais plutôt aux caractéristiques de la Voie lactée. Mes collègues et moi-même nous sommes donc dit qu’ils procédaient probablement à des comparaisons de luminosité, en repérant soit le point le plus lumineux de la Voie lactée, soit un certain gradient de lumière présente dans le ciel du fait de cette dernière.</p>
<h2>Une Voie lactée artificielle</h2>
<p>Pour confirmer cette théorie, nous avons eu recours à notre Voie lactée artificielle, reproduite sous forme de <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2016.0079">traînée lumineuse simplifiée</a>, et en simulant différentes configurations d’étoiles et de gradients de lumière. Nous avons constaté que les insectes s’éloignaient de leur trajectoire lorsqu’ils étaient confrontés à une disposition partielle d’étoiles au sein de la Voie lactée. Ils ne parvenaient à respecter l’itinéraire voulu que si les deux extrémités de la traînée présentaient des degrés de luminosité différents.</p>
<p>Ces observations montrent que les coléoptères nocturnes ne se fient pas aux tracés complexes des étoiles de la Voie lactée mais plutôt à la différence de luminosité au sein de la voûte céleste. Il en va de même pour leurs <a href="https://jeb.biologists.org/content/217/13/2422">semblables diurnes</a>, qui s’orientent, lorsque le soleil n’est pas visible, en se basant sur le gradient de luminosité du ciel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164663/original/image-20170410-8846-n7u3of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une boussole pour le travail de nuit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si cette stratégie, qui repose sur la différenciation des degrés de luminosité, est assurément moins élaborée que la méthode consistant à se référer à certaines constellations, méthode à laquelle ont recours les <a href="https://academic.oup.com/auk/article-abstract/84/4/463/5198008?redirectedFrom=fulltext">oiseaux</a> et les navigateurs, elle s’avère tout à fait adaptée pour interpréter la multiplicité de données que présente la voûte céleste, surtout si l’on tient compte de la taille minuscule des yeux et du cerveau de ces insectes. Ils surmontent ainsi les possibilités limitées de leurs systèmes de traitement des informations et en font davantage avec moins de ressources, tout comme les humains ont appris à le faire avec la technologie.</p>
<p>Quoique rudimentaire, cette approche se révèle particulièrement efficace sur de courtes distances. De fait, bien que le <em>Scarabaeus satyrus</em> soit la seule espèce connue à s’orienter de cette manière, cette technique pourrait bien être utilisée par de nombreuses autres créatures lors de leurs expéditions nocturnes.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Damien Allo pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153660/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Foster reçoit des financements du Conseil de la Recherche sudédois, de la fondation Knut and Alice Wallenberg, de la fondation Carl Trygger's foundation pour la Recherche scientifique, de la fondation Lars Hierta Memorial et de la Société Physiographique Royale de Lund. </span></em></p>Des études récentes montrent que ces coléoptères s’en remettent à la luminosité de la voûte étoilée pour savoir dans quelle direction aller.James Foster, Postdoctoral fellow in functional zoology, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1367402020-04-26T18:52:28Z2020-04-26T18:52:28ZMême avec zéro cas, l’Afrique aurait sévèrement souffert du Covid-19<p>S’il peut être difficile de prévoir à ce stade les conséquences sanitaires qu’aura la pandémie de Covid-19 en Afrique subsaharienne, tout indique que l’économie de la région sera durement affectée. D’une part, les pays de cette zone dépendent largement de l’exportation des matières premières – pétrole, cacao, coton, etc. – qui voient leurs cours baisser avec la chute de la demande mondiale. <a href="https://unctad.org/en/PublicationsLibrary/gds_tdr2019_covid2_en.pdf">Selon les données de la CNUCED</a>, la baisse des prix des matières premières est de 37 % en glissement annuel au 25 mars 2020 dans leur globalité. Elle est de 55 % pour les hydrocarbures ; le cours du cacao subit une baisse de 11 %, celui du coton de quasiment 23 %. <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/le-petrole-americain-rebondit-1196617">Des développements plus récents semblent accentuer cette tendance à la baisse</a>.</p>
<p>D’autre part, les <a href="http://www.fao.org/3/I9542FR/i9542fr.pdf">pays africains sont importateurs des denrées de première nécessité</a> dont les chaînes d’approvisionnement sont très perturbées. La baisse du volume des exportations associée à la détérioration des termes de l’échange conduiront donc à un problème de soutenabilité des comptes extérieurs de ces pays.</p>
<p>En plus de cette transmission via les échanges commerciaux, un grand nombre de pays africains dépendent des transferts des migrants qui constituent pour eux une source majeure de financement externe. Ils seront vraisemblablement affectés par la baisse de ces flux due à la perturbation de l’activité économique dans les pays développés. Enfin, n’oublions pas que certains pays africains, dont le tourisme occupe une part importante dans l’économie, sont déjà pénalisés avec le coup d’arrêt des vols commerciaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1252013689504497666"}"></div></p>
<p>Ce degré de prévisibilité des conséquences du Covid-19, dans un horizon d’incertitude planétaire, démontre pour ainsi dire que pour l’Afrique, au moins, cette pandémie n’est pas de l’ordre de la conjoncture – au sens d’un système qui fait face, à un moment donné, à un choc –, mais plutôt de l’ordre du structurel – au sens d’un système parti pour subir des chocs perpétuels. Et si c’est donc la structure des économies africaines qui fait problème, les réponses à la pandémie de Covid-19 en Afrique ne devraient pas s’affranchir d’intégrer la composante structurelle. Une condition essentielle pour cela réside dans la capacité des élites politiques, administratives, économiques et intellectuelles à percevoir les ressources naturelles dont dépendent les pays africains comme une opportunité de transformer leurs économies au lieu de les percevoir comme des rentes pérennes – ce qu’elles ne sont pas.</p>
<h2>Les ressources naturelles : ce n’est pas rien mais ce n’est pas tout !</h2>
<p>S’il y a bien un pays dont les élites ont été confrontées aux mêmes opportunités et défis associés aux ressources naturelles, et que les élites africaines devraient étudier de près à défaut de s’en inspirer, c’est la Malaisie. Les exemples des dragons d’Asie sont en réalité assez peu informatifs pour les pays africains, en raison des différences de caractéristiques initiales des économies. A contrario, la Malaisie, quant à elle, possédait une structure initiale de l’économie comparable à celle des pays africains, car dépendant des ressources naturelles – à savoir, l’étain, le caoutchouc, l’huile de palme, et le pétrole.</p>
<p>Lors du premier choc pétrolier de 1973, le revenu réel par habitant de la Malaisie – 2400 dollars US, en termes constants – se situait à des niveaux comparables à ceux des pays d’Afrique subsaharienne au même moment – 1460 dollars US en moyenne. En 2018, soit 45 ans plus tard, le revenu réel par habitant de la Malaisie a quintuplé – il s’élève désormais à 12 120 dollars US –, tandis que ceux de ses homologues africains n’ont quasiment pas bougé – <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.PCAP.KD">1660 dollars US en moyenne</a>.</p>
<p>En exploitant les opportunités offertes par les ressources naturelles, et en contrecarrant les défis, les élites malaisiennes démontrent que posséder des ressources n’est pas rien, mais bien aussi que posséder des ressources n’est pas tout non plus ! À noter qu’à ce jour, la Malaisie est le pays d’Asie du Sud-Est le plus touché par le Covid-19. Mais les éléments factuels qui précèdent montrent que la Malaisie est mieux préparée que les pays africains pour affronter l’épidémie et pour protéger sa population tant du point de vue économique que sanitaire.</p>
<p>Les élites malaisiennes y sont arrivées en saisissant les <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/617611574179512389/pdf/Agricultural-Transformation-and-Inclusive-Growth-The-Malaysian-Experience.pdf">ressources naturelles pour transformer leur économie</a> via notamment des fondamentaux de la croissance à long terme – institutions, capital physique (infrastructures) et capital humain (éducation et santé). Une meilleure interprétation par les élites africaines de ces fondamentaux pourrait permettre d’enclencher la diversification du tissu économique, de présenter plus de résilience face aux chocs de court terme tout en plaçant les économies sur une trajectoire de long terme de développement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1180449771112353794"}"></div></p>
<p>Sans être exhaustif, si l’on prend le cas du capital humain, une constante en Afrique pour l’un des éléments qui permettent son accumulation – l’éducation – est de mettre l’accent sur la <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SE.SEC.ENRR?locations=ZG&name_desc=false">quantité (taux de scolarisation)</a>. En revanche, l’orientation des élèves et étudiants est passée à la trappe. Les pays africains se retrouvent donc avec des effectifs pléthoriques dans des filières de formation en lettres, sciences humaines et sociales au détriment des formations scientifiques, techniques et professionnelles.</p>
<p>Une orientation des élèves et étudiants vers des filières conformes aux réalités économiques – telles que de la production des cultures vivrières et l’agro-industrie – permettrait une meilleure insertion professionnelle des jeunes et serait source d’une croissance économique soutenue, à la différence d’une allocation en faveur des filières de formation en lettres, sciences humaines et sociales, dont la surreprésentation qui en découle est plutôt associée à des activités non productives de recherche et de capture de la rente publique – bref, à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304387814001564">corruption</a>.</p>
<p>La lutte contre la corruption requiert elle-même une structuration des institutions qui doivent présenter de réels contre-pouvoirs. Ce qui est loin de la pratique usuelle consistant simplement à organiser des élections – ce qu’on appelle la <a href="https://theconversation.com/afrique-dune-democratie-des-elections-a-une-democratie-de-developpement-129242">démocratie des élections</a></p>
<h2>Qui peut le moins pourra-t-il le plus ?</h2>
<p>Comme il est précédemment noté, la dépendance à l’égard des exportations en matières premières, dont la baisse des cours liée au Covid-19 va impacter négativement les économies, ne date pas d’aujourd’hui. Par ailleurs, le système sanitaire qui a démontré sa déficience depuis des années dans la lutte contre les maladies diverses – notamment le paludisme – qui affectent au quotidien les citoyens des pays africains, ne peut raisonnablement pas être prêt à affronter la pandémie de Covid-19, et cela ne date pas de la présente période. La structure des activités économiques, tirées par le secteur informel, auquel une majorité des citoyens de grandes villes africaines doivent leur pain quotidien, et qui rend les mesures de confinement inopérantes pour ces populations sinon les expose même à plus de vulnérabilité – ne date pas non plus d’aujourd’hui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1252759232400719873"}"></div></p>
<p>De manière factuelle, le seul élément nouveau est le confinement des élites africaines dans leurs pays. De façon inédite dans la mondialisation actuelle, les élites de différents pays d’Afrique sont appelées à devoir vivre avec les populations de leurs pays et peut-être même comme ces dernières pendant quelques semaines. Ce confinement des élites – politiques, économiques, administratives ou intellectuelles – dans les pays d’Afrique va-t-il les inciter à tout faire pour mettre en œuvre dans leurs pays le <a href="https://theconversation.com/african-politicians-seeking-medical-help-abroad-is-shameful-and-harms-health-care-82771">bien-être qu’elles vont si souvent chercher ailleurs</a> ?</p>
<p>Une réponse positive à cette question appelle d’ores et déjà, à court terme, à un redéploiement urgent des dépenses courantes non nécessaires – missions à l’étranger, bons de carburant dans la haute administration, etc. – vers les plus vulnérables. Les sociétés civiles devraient également porter plus d’attention à l’allocation des dettes contractées pour faire face aux conséquences du Covid-19. Une dette contractée aujourd’hui sera remboursable demain… pourvu qu’elle ait été allouée aux investissements productifs – notamment aux infrastructures essentielles qui manquent cruellement aux pays africains –, et non à la consommation. De tels pas à court terme peuvent ouvrir la voie à des choix plus judicieux à moyen et long termes. Dans le cas d’une réponse négative, alors, hélas pour l’Afrique, la pandémie de Covid-19 sera malheureusement de l’ordre du déjà-vu !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136740/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’économie des pays d’Afrique subsaharienne, très dépendante des exportations de matières premières, va se ressentir durement du ralentissement des échanges dû à l’épidémie.Dramane Coulibaly, Enseignant-chercheur au laboratoire EconomiX-CNRS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLuc-Désiré Omgba, Professeur de sciences économiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1224382019-09-05T18:40:51Z2019-09-05T18:40:51ZFormations post-bac : Parcoursup, le choix de l’inscription à la carte ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/290723/original/file-20190903-175700-1h4hw2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C1429%2C4925%2C3241&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'interactivité du web permet de présenter des résultats de recherche de manière intuitive.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/geolocation-on-map-285754931?src=-1-65">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la rentrée scolaire bat son plein, des touristes insouciants explorent encore les cartes d’Airbnb ou de Tripadvisor, en quête d’un lieu agréable pour profiter des derniers rayons de soleil estivaux.</p>
<p>Ces mêmes jours de septembre, sur un registre beaucoup plus fébrile, les bacheliers qui n’ont pas obtenu en juin d’affectation dans l’enseignement supérieur scrutent la carte des formations du site d’admissions Parcoursup à la recherche d’une place dans une université ou école post-bac. Du 25 juin au 11 septembre, la <a href="https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=questions#ETAPES-COMPLEMENTAIRE">phase complémentaire</a> leur permet en effet de postuler auprès des établissements qui n’ont pas totalement bouclé leurs listes d’inscription.</p>
<p>Dans les deux cas – vacances ou orientation scolaires et professionnelle –, les plans à disposition des internautes fonctionnent sur un mode intuitif. Si ces outils interactifs se ressemblent, peut-on vraiment rapprocher leurs logiques ? Et quels enseignements tirer de ces similitudes ?</p>
<h2>Modèles touristiques</h2>
<p>Pour sa deuxième édition en 2018-2019, la plate-forme nationale Parcoursup qui gère l’attribution des places dans l’enseignement supérieur – en remplacement du site Admissions Post-Bac (APB) – offre aux élèves en phase d’orientation un nouvel outil : une <a href="http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/info/parcoursup-une-carte-interactive-pour-choisir-ses-formations.html">carte géographique interactive</a> permettant de visualiser la répartition des dernières places disponibles.</p>
<p>Développée par le laboratoire <a href="https://www.labri.fr/">LaBRI</a> (Laboratoire bordelais de recherche en informatique), et basée sur les données de l’<a href="http://www.onisep.fr/">ONISEP</a>, cette carte mise en ligne le 6 février 2019 est actualisée quotidiennement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289974/original/file-20190828-184211-1pfuxww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mise en ligne en février 2019, la carte interactive de Parcoursup offre un design rassurant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
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</figure>
<p>Au premier coup d’œil, il faut avouer que l’internaute aura une impression de déjà-vu. Avec ses couleurs, ses balises rouges et son système de zoom, cette représentation fondée sur la géolocalisation est devenue un incontournable du web touristique. Depuis quelques années, en effet, les designs des cartes proposées par ces sites tendent à s’homogénéiser.</p>
<p>De fait, on y retrouve les mêmes fonctions clefs :</p>
<ul>
<li><p>une barre de recherche en champ libre</p></li>
<li><p>des critères pour filtrer les résultats</p></li>
<li><p>une icône de localisation, avec la possibilité d’établir des listes d’adresses</p></li>
<li><p>une fonction « zoom » pour changer d’échelle</p></li>
</ul>
<p>Les cartes d’Airbnb, de Tripadvisor et de Parcoursup suivent ce design.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289976/original/file-20190828-184211-apw3mz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La carte Airbnb a inspiré les codes actuels du web touristique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289977/original/file-20190828-184207-19b71nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La carte interactive de Tripadvisor a le même style d’identité visuelle que celle d’Airbnb.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
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<h2>Héritage historique</h2>
<p>Ces codes de représentation sont le fruit d’une histoire. C’est à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Bertin_(cartographe)">Jacques Bertin</a>, cartographe français (1918-2010), que l’on doit les premières réflexions théoriques sur le langage cartographique, proche de la sémiologie visuelle. C’est grâce à lui que toutes les cartes statistiques ont un air de famille.</p>
<p>Dans son laboratoire de cartographie, il mit au point des principes graphiques homogènes. Aujourd’hui on y fait encore référence dans l’enseignement universitaire de la cartographie. Jacques Bertin est en quelque sorte le père de la « datavisualisation ». Cet anglicisme désigne l’optimisation de la représentation graphique afin de faciliter la lecture de données statistiques complexes.</p>
<p>Avant lui, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Dupin">Charles Dupin</a>, mathématicien français avait lancé la mode des cartes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_choropl%C3%A8the">« chloroplèthes »</a> (cartes thématiques où chaque couleur correspond à une mesure statistique). Cela fait donc deux siècles que des données statistiques sont représentées sur des cartes. Il est intéressant de noter que le <a href="http://clioweb.canalblog.com/archives/2017/10/09/35751012.html">niveau d’instruction</a> en France a fait partie des premiers sujets explorés de cette manière – un dégradé de couleurs figurant son intensité par département.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289978/original/file-20190828-184202-1rys277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les premières cartes statistiques traitaient déjà d’éducation.</span>
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<p>Ces pères de la cartographie moderne soulignaient qu’une carte est toujours une simplification du réel. C’est une construction culturelle. Une carte met en récit une réalité. Elle la raconte.</p>
<h2>Que nous « raconte » la carte de Parcoursup ?</h2>
<p>La présence même d’une carte comme point d’entrée pour une recherche de formation est révélatrice. Le premier critère à prendre en compte pour le choix d’une formation serait sa localisation. À bien y réfléchir, il n’est pas évident que ce soit le plus pertinent.</p>
<p>Pouvoir prendre de la hauteur sur une carte offre une expérience grisante. Mais ce plaisir démiurgique peut aussi conduire au vertige. En 1977, la vidéo <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Powers_of_Ten">« Powers of ten »</a> réalisée pour IBM en montrait déjà la puissance évocatrice.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0fKBhvDjuy0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Zoomer, dézoomer… un vertige démiurgique !</span></figcaption>
</figure>
<p>De la même manière, zoomer et dézoomer sur la carte de Parcoursup peut plonger les jeunes bacheliers dans le plus grand désarroi, alors que le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid37384/parcoursup-la-plateforme-d-admission-dans-l-enseignement-superieur.html">but mis en avant</a> initialement était de les aider à « affiner leurs recherches de manière simple et intuitive ».</p>
<p>L’hyperchoix de la société postmoderne s’affiche ici sous forme de balises de localisation. Des milliers de formations apparaissent et s’affinent au fur et à mesure de la recherche. Un peu comme si vous aviez accès au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Google_Earth">Google Earth</a> de la formation : des lieux à l’infini mais aucune trajectoire établie !</p>
<p>Si l’enjeu du parcours étudiant est bien celui de l’orientation, pourquoi avoir choisi une carte qui ne représente aucun chemin ? Le mot <em>parcours</em> est au cœur de Parcoursup mais la carte est vierge de tout tracé. À la carte d’Airbnb on aurait pu opposer une carte routière ou, mieux, une carte de randonnée. On y trouve des tracés, des voies mais aussi des obstacles, des points d’étapes, des refuges, des dénivelés plus ou moins abrupts.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290709/original/file-20190903-175691-12yzj35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une carte de randonnée permet de fixer des points d’étapes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/603717755?src=-1-52&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En matière de représentation graphique, <a href="https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1933_num_10_69_6628?q=choix+d%27une+l%C3%A9gende+pour+une+repr%C3%A9sentation+graphique">aucun choix n’est anodin</a>. Plutôt que de privilégier une carte interactive qui emprunte aux codes touristiques, on aurait pu imaginer d’autres symboles : une pyramide avec les frais de scolarité des plus modestes aux plus onéreux, un entonnoir avec des taux de sélection des plus bas aux plus élitistes, ou encore une maquette de maison avec les formations les plus pratiques en guise de fondations et les plus théoriques en guise d’éléments de décoration.</p>
<p>Les termes utilisés ne sont pas neutres non plus. Par exemple, les mots « plate-forme », « orientation », « carte » <a href="https://theconversation.com/parcoursup-un-gps-de-lorientation-post-bac-pas-si-facile-a-manier-122436">font penser à un GPS</a>. Or Parcoursup est loin d’en posséder les fonctionnalités, comme on l’a vu, restant plus proche d’un site d’inscription que d’un outil d’aide à la décision. La prochaine version de Parcoursup s’engagera-t-elle dans cette évolution ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Parallèlement à ses activités de professeur et de chercheuse, Alice RIOU a fondé l'agence web de Randonnées "Pedestria" en 2003.</span></em></p>Pour visualiser les formations supérieures encore ouvertes aux inscriptions, Parcoursup propose une carte interactive sur le modèle des services touristiques de géolocalisation. Une aide, vraiment ?Alice Riou, Professeur Associé - Marketing et Innovation, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1224362019-09-03T19:01:00Z2019-09-03T19:01:00ZParcoursup, un GPS de l’orientation post-bac pas si facile à manier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/290389/original/file-20190831-165985-1jmc7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=988%2C943%2C3961%2C2685&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Beaucoup de bacheliers s'engagent dans le processus d'orientation sans avoir déterminé leur destination exacte.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/young-woman-friends-cellphone-looking-app-1280680426">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Ces paroles, les moins de 20 ans ne les connaissent peut-être pas. Mais à l’image de ce que chantait Francis Cabrel dans un titre de 1981, les lycéens qui veulent s'inscrire dans l’enseignement supérieur pour la rentrée 2020 vont à partir du 22 janvier formuler leurs vœux d'orientation, et chercher à prendre <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1PvF18rxsLE">« leur place dans le trafic »</a>… Ils peuvent d'ores et déjà naviguer sur le site <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a>, ouvert le 20 décembre 2019, pour découvrir les cursus accessibles et les pré-requis de chaque formation.</p>
<p>Cette phase d'information est l’occasion de revenir sur la philosophie qui sous-tend cette plate-forme d’affectation dans les universités, écoles et classes préparatoires, lancée en 2018 avec la promesse d’un meilleur accompagnement des jeunes dans leurs choix.</p>
<p>Une analyse <a href="http://www.lattice.cnrs.fr/sites/itellier/poly_info_ling/linguistique007.html">sémantique</a> (des mots) et <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1970_num_25_6_422296?q=s%C3%A9miotique">sémiotique</a> (des signes) indique qu’elle emprunte de nombreux codes à l’univers du GPS automobile. Sans réussir pour autant à en adopter le système intuitif d’orientation.</p>
<h2>Nouveau référentiel</h2>
<p>Depuis deux ans, la plate-forme doit orienter un peu plus de <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T129/l_orientation_des_nouveaux_bacheliers_sur_parcoursup_les_voeux_et_les_propositions_d_admission/">600 000 bacheliers</a> chaque année vers plus de <a href="https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=formations">14 000 formations</a>. Pas étonnant qu’il y ait quelques bouchons sur les routes de la rentrée. Pourtant le nouveau système avait justement été mis en place pour éviter les ralentissements.</p>
<p>L’ancienne plate-forme Admission Post-Bac, dite APB, a été remplacée par Parcoursup le 15 janvier 2018, suite au « Plan etudiants » et à la <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid38616/loi-relative-a-l-orientation-et-a-la-reussite-des-etudiants-loi-ore.html">loi ORE du 8 mars 2018</a>. La première lettre de cette loi souligne d’emblée que l’orientation post-bac est bien un enjeu majeur du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.</p>
<p>Or, pour changer de cap, il fallait aussi un changement de codes. En suivant les chemins tracés par <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1977-v10-n1-2-etudlitt2204/500440ar/">Algirdas Julien Greimas</a> et <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1964_num_4_1_1027">Roland Barthes</a>, décryptons les évolutions des symboles visuels opérés d’APB à Parcoursup, pour comprendre ce qui se joue derrière cette notion de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/pr/2005-v33-n2-pr1043/012287ar/">« parcours »</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289914/original/file-20190828-184229-m8667s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Source : archive Wikipedia de APB et site actuel de Parcousup.</span>
<span class="attribution"><span class="source">https://fr.wikipedia.org/wiki/Admission_Post-Bac</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Processus de choix</h2>
<p>L’ancienne appellation mettait l’accent sur l’admission, étape administrative officialisant l’inscription à un établissement. Le mot « bac » y était encore présent. Le nouveau nom quant à lui substitue le processus au point d’étape.</p>
<p>Doublée de la mention « Entrez dans l’enseignement supérieur », la nouvelle signature invite au mouvement. Le libellé « post bac » était inclus dans un phylactère bleu, comme la bulle d’une BD. Ou plus probablement dans la tête des jeunes bacheliers comme celle des SMS réceptionnés ! Cela renvoyait graphiquement à un jeu de questions et réponses.</p>
<p>Alors que le logotype d’APB évoquait le dialogue, celui de Parcoursup adopte une typographie plus lisible et moins anxiogène. La casse minuscule est plus cohérente avec l’environnement de l’écriture électronique en vogue sur tout l’<a href="https://www.ergognome.com/conception/pourquoi-preferer-les-minuscules-aux-majuscules/">univers graphique du web</a>. La minuscule est à la fois l’écriture par défaut sur un clavier, plus naturelle et informelle, tandis que la majuscule évoque parfois l’urgence, voire le danger.</p>
<p>Le logotype de Parcoursup est composé aux deux tiers d’une couleur froide, sérieuse. Par opposition, une couleur chaude vient trancher la lettre « s » au cœur du mot. Le rouge orangé rappelle l’importance de l’enjeu, attire l’attention. Le « s » bicolore est une lettre de transition chromatique. Sa forme évoque à elle seule un chemin serpentant. Et finalement sa double couleur permet au « up » un statut à part. « Up » signifie aussi « vers le haut » en anglais. S’agit-il discrètement d’inviter à une transition vers la langue anglaise ?</p>
<p>L’alternance de couleurs, que l’on retrouve dans les trois petites flèches, annonce une démarche en étapes. On peut aussi y voir trois marches d’escalier, une grimpette progressive vers les études supérieures. Un rythme ternaire calqué sur la première tranche de la réforme européenne dite LMD (licence, bac +3, master, bac +5, doctorat, bac +8).</p>
<h2>Critères de navigation flous</h2>
<p>Habituellement, sur un GPS automobile, il convient d’indiquer cinq variables importantes pour lui permettre d’optimiser un parcours : un lieu de départ, un lieu d’arrivée, des dates, des préférences personnelles de trajet, des règles économiques.</p>
<p>Ironiquement, les mêmes questions peuvent se poser au candidat de Parcoursup pour optimiser son trajet dans l’enseignement supérieur. Mais il faut reconnaître qu’il s’agit d’un GPS difficile à utiliser :</p>
<ul>
<li><p><strong>Un lieu de départ qui ressemble à une ligne d’arrivée</strong> : Peu de bacheliers réalisent qu’ils sont à l’aube d’un nouvel épisode. Le baccalauréat n’était donc pas une <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/Le-bac-n-est-pas-une-fin-en-soi">fin en soi</a>. C’est un « passeport », mais vers quelle contrée inconnue ?</p></li>
<li><p><strong>Un lieu d’arrivée difficile à indiquer</strong> : Peu de bacheliers savent d’ores et déjà exprimer un choix professionnel.</p></li>
<li><p><strong>Des dates qui obligent à rester dans le rythme</strong> : Si certains bacheliers seraient bien tentés par une <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/01/02/l-annee-de-cesure-une-annee-de-plus-ou-une-annee-de-moins_5404351_4401467.html">année de césure</a> après la terminale, la plupart n’osent pas manquer la traditionnelle rentrée de septembre. Et la procédure de Parcoursup est cadrée au plan national.</p></li>
<li><p><strong>Des préférences qui demandent réflexion</strong> : Un GPS permet généralement d’indiquer si on privilégie la vitesse, le coût du déplacement, la distance parcourue, ou le passage par certaines étapes… Sur Parcoursup, il n’est pas possible de filtrer les réponses selon des préférences personnelles d’apprentissage – cours en face à face, des cours en ligne, travaux pratiques… Face à ces questions, nombre de bacheliers restent perplexes. Certains s’expriment encore en évoquant les matières qu’ils aimaient au lycée. Rares sont ceux qui se connaissent profondément, et identifient bien les modes d’apprentissage qui leur correspondent.</p></li>
<li><p><strong>Des règles économiques… taboues dans le secteur de l’éducation</strong> : Un paramètre économique dans un GPS de l’orientation universitaire semblerait bien cynique. De fait, ce filtre important des GPS automobiles ne fait pas partie des critères évoqués sur Parcoursup. Il ne s’agit pas ici de privilégier les autoroutes à péage ou les chemins de traverses gratuits. Pourtant, le coût des études est une question clé pour les familles.</p></li>
</ul>
<p>Aucun des cinq paramètres d’un GPS habituel ne semble évident à renseigner sur Parcoursup pour trouver son parcours universitaire, de sorte que le site, à l’instar d’Admissions Post-Bac, reste plus une plate-forme d’inscription qu’il ne se rapproche d’un outil d’aide à la navigation.</p>
<p>Alors pour trouver sa voie, on a toujours la possibilité de baisser sa vitre et de demander son chemin au premier venu. De nos jours, cela revient à se tourner vers les réseaux sociaux. Le jeune bachelier peut tenter une incursion dans la cacophonie de YouTube et des forums, ou jongler entre les différents sites institutionnels. Cela suffira-t-il à l’aider à vraiment à se construire un parcours sur mesure ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Parallèlement à ses activités de professeur et de chercheuse, Alice RIOU a fondé l'agence web de Randonnées "Pedestria" en 2003. </span></em></p>Les lycéens qui veulent s'inscrire dans l'enseignement supérieur ont jusqu'au 20 mars 2020 pour déposer leurs candidatures sur le site Parcoursup. Regards sur ce GPS de l'orientation.Alice Riou, Professeur Associé - Marketing et Innovation, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1195722019-06-28T13:29:11Z2019-06-28T13:29:11ZPodcast : « Les Défricheurs », ou la vie après le bac<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281743/original/file-20190628-94704-xrbatu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C588%2C421&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Film de Fabien Truong et Mathieu Vadepied</span> <span class="attribution"><span class="source">Heliox films</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, début juillet, l’annonce des résultats du bac fait la « une » des journaux télévisés. Dans les reportages défilent les images de lycéens fébriles et de parents émus. Pour les familles, un chapitre se termine en effet. Mais les débats autour de <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a>, la plate-forme d’affectation dans l’enseignement supérieur, nous le rappellent : l’examen, aussi symbolique soit-il, ne suffit pas à ouvrir toutes grandes les portes de l’avenir, et c’est à chaque jeune de jongler avec les informations et d’apprivoiser les codes universitaires pour conquérir sa place en société.</p>
<p>Comment cet « après » se dessine-t-il ? En tandem, le réalisateur Mathieu Vadepied et <a href="http://www.fabientruong.com/acceuil/film/">Fabien Truong</a>, sociologue et auteur de <em>Jeunesses françaises, bac+5 made in banlieue</em>, explorent cette phase de transition et de construction dans le documentaire <em>Les Défricheurs</em> (diffusion prévue sur France 3 le 1<sup>er</sup> juillet, film <a href="https://www.france.tv/france-3/l-heure-d/1000489-a-la-conquete-du-bac-et-d-une-vie-apres.html">accessible en ligne</a> ensuite pendant un mois). On y suit les trajectoires de trois élèves de terminale : Brandon, qui choisit une prépa commerciale, Amine qui se risque en Staps, filière si convoitée par les bacheliers, et Faïda, qui entame des études de droit.</p>
<p>Pas simple de filmer l’orientation, ce processus de décisions personnelles où se croisent espoirs et barrières sociales. Le documentaire fait le choix de rester à la hauteur des trois protagonistes, faisant fi des voix off. Objectif : garder « l’ouverture » de l’ethnographie, montrer que tout ne suit pas une trajectoire rectiligne. Les « défricheurs », ce sont « ces jeunes de milieu populaire qui sont déjà passés par les études supérieures et qui en sont un peu revenus », comme nous l’explique Fabien Truong.</p>
<p>Dans le documentaire, on voit les trois héros transmettre le flambeau à la génération suivante en revenant dans leur lycée quelques années plus tard pour présenter leurs filières, leurs réussites et leurs échecs. Dans ce podcast, Fabien Truong nous fait part de son expérience de chercheur passé derrière la caméra pour sonder d’une autre manière la question de l’orientation, sans faire de la « sociologie illustrée ». Bonne écoute !</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/THFetH4hEuk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Épisode de la série « Défricher », liée au documentaire.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/119572/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Judith Mayer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment filmer l’orientation, ce processus de décisions personnelles où se croisent espoirs et barrières sociales ? Zoom sur « Les Défricheurs », documentaire du sociologue Fabien Truong.Judith Mayer, Enseignante certifée (lettres modernes, sciences de l'information et de la communication, FLE), autrice (France Culture, Radio Nova, Joca Seria), Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1153452019-05-21T20:58:11Z2019-05-21T20:58:11ZEn Belgique, de plus en plus d’étudiants français dans les facs de psychologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/274988/original/file-20190516-69199-1ckb5gr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=92%2C7%2C901%2C470&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Liège fait partie des villes qui attirent les étudiants français en psychologie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En ce mois de mai 2019, alors que l’année académique touche à sa fin, les facultés de psychologie francophones de Belgique surveillent avec inquiétude l’évolution des demandes d’inscriptions pour la rentrée académique 2019-2020. Y aura-t-il une <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/04/02/les-universites-belges-saturees-d-etudiants-francais_5444726_4401467.html">nouvelle augmentation</a> des candidatures en provenance de France ?</p>
<p>Les premiers chiffres ne sont pas rassurants. À date équivalente, les demandes d’inscription sont plus élevées que l’année précédente qui avait déjà enregistré une hausse record.</p>
<p>À l’université de Liège, un peu plus de 20 % des étudiants du master en sciences psychologiques (soit 128 sur 561 étudiants) sont des étudiants français. En deux ans, ce nombre a plus que doublé et, si l’on en croit ces premiers chiffres de la nouvelle session d’admission, le pic n’est pas encore atteint. Cette subite explosion est une conséquence de la <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/12/26/enseignement-superieur-la-loi-autorisant-la-selection-en-master-est-promulguee_5054078_4401467.html">réforme</a> des conditions d’entrée en première année de master dans les universités françaises, intervenue en 2017.</p>
<p>À l’issue des trois années de licence (l’équivalent du bachelier en Belgique), les étudiants français doivent passer le cap d’un concours ou d’un examen de dossier pour poursuivre leur cursus. D’après la Fédération nationale des étudiants en psychologie (Fenepsy), environ <a href="https://issuu.com/fenepsy.officiel/docs/cdp_s_lection_master">30 % des étudiants</a> français sortant de licence n’auraient pas obtenu d’admission dans un master en psychologie en France. Pour terminer des études dans lesquelles ils ont déjà beaucoup investi, ils se tournent dès lors vers des pays voisins.</p>
<h2>Un problème de moyens</h2>
<p>L’une des vocations de l’université est de favoriser les échanges entre les pays et la circulation du savoir. L’accueil d’étudiants venant de l’Hexagone n’a donc en soi rien de scandaleux. Pour les facultés de psychologie belges, la difficulté actuelle est surtout liée à l’ampleur du phénomène, dans un contexte budgétaire déjà difficile.</p>
<p>Depuis quelques années, les filières de psychologie rencontrent un succès grandissant auprès des étudiants belges. A la faculté de l’<a href="http://www.fapse.uliege.be/cms/c_5000/fr/accueil">université de Liège</a>, les effectifs sont ainsi passés de 1311 inscrits en 2011 à 2165 inscrits en 2019. Cependant, dans le système budgétaire à enveloppe fermée qui est d’application en Belgique francophone, l’accroissement du nombre d’étudiants ne s’accompagne pas d’une augmentation des moyens alloués pour les encadrer.</p>
<p>Assurer un encadrement pédagogique adéquat devient donc de plus en plus difficile. Comment dans ces circonstances, accueillir décemment une importante cohorte supplémentaire ? Entre les carences de lieux de stage, de tutorat pour les mémoires de fin d’étude ou de locaux pour les activités pratiques, les enseignants ont de plus en plus l’impression de ne plus pouvoir assurer des cours d’une qualité satisfaisante. Sentiment partagé, comme en témoigne la <a href="https://www.rtbf.be/info/societe/detail_face-a-l-afflux-d-etudiants-francais-la-fef-demande-plus-de-moyens-pour-les-etudes-en-psychologie?id=10084110">manifestation</a> des étudiants de psychologie de l’Université Libre de Bruxelles en novembre 2018.</p>
<p>À cela s’ajoute un autre problème : l’hétérogénéité de la formation antérieure de ces nouveaux venus selon leur université d’origine. Les programmes du cursus en psychologie ont été agencés de manière à assurer une progression cohérente des apprentissages. Même s’il n’est pas impossible de s’insérer dans le cursus en cours de route, les étudiants doivent généralement récupérer par eux-mêmes une série de prérequis insuffisamment ou pas du tout maîtrisés.</p>
<p>Du point de vue des enseignants, l’insertion de quelques étudiants qui ne maîtrisent pas tous les prérequis, bien que problématique, n’est pas insurmontable. Par contre, lorsqu’ils deviennent nombreux, c’est la cohérence même de la formation qui est ébranlée. On comprend l’inquiétude des enseignants face aux 20 à 30 % d’étudiants français inscrits actuellement dans certains cours et la perspective qu’ils soient prochainement majoritaires.</p>
<h2>Pas de solution immédiate</h2>
<p>Si les causes et les conséquences du problème sont bien connues, aucune solution satisfaisante ne semble se dégager à l’heure actuelle. Les règles européennes de <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0419-la-libre-circulation-des-personnes-principe-enjeux-et-defis">libre circulation</a> interdisent d’appliquer aux citoyens européens des discriminations à l’admission sur base de la nationalité. Pas question donc d’appliquer des critères d’admission qui seraient différents pour les étudiants belges et français.</p>
<p>Les universités belges pourraient imposer un contingentement général du nombre d’étudiants inscrits en psychologie, sous la forme par exemple d’un concours d’entrée. Cependant, si l’objectif est de limiter l’afflux d’étudiants français, ce concours devrait être instauré après le bachelier au moment de l’entrée en master.</p>
<p>En effet, un concours en début de bachelier limiterait le nombre d’étudiants belges sans aucun effet sur les étudiants français qui arrivent essentiellement en master. Inacceptable évidemment pour les citoyens belges qui financeraient un peu plus les parcours des étudiants français au détriment de leurs propres nationaux.</p>
<p>L’application d’un concours d’entrée plus tard dans le cursus, en début de master, semble tout aussi inacceptable. En Belgique, le bachelier en psychologie ne permet pas d’exercer la profession. Il s’agit d’un bachelier de transition qui autorise uniquement l’inscription au master. Contingenter les inscriptions à l’entrée du master empêchera inévitablement certains étudiants de terminer leur formation pour les abandonner avec un diplôme sans grande valeur sur le marché du travail. Cette mesure serait jugée particulièrement injuste.</p>
<p>Une autre possibilité serait d’inscrire la psychologie dans le décret <a href="https://www.euroguidance-france.org/partir-en-europe/belgique/inscription-double-inscription-en-belgique-faq/">« non-résident »</a> qui permet de limiter le nombre d’étudiants non-résidents à 30 % dans certaines formations. C’est le cas par exemple en kinésithérapie ou en orthophonie. Cette mesure se heurte cependant à deux écueils. Le premier est la nécessité de démontrer que l’excès d’étudiants étrangers en psychologie entraînerait un risque pour la santé publique en Belgique. Le second est que le décret non-résident est lui-même juridiquement contesté pour sa contradiction avec les règles européennes de libre circulation.</p>
<p>En Belgique, certains ont proposé de demander à la France une contribution financière pour la formation des étudiants français qui retournent ensuite majoritairement exercer dans leur pays. S’il n’est pas interdit d’espérer, on voit mal pourquoi la France qui prend des mesures de contingentement en partie pour des raisons budgétaires accepterait de financer les étudiants qui contournent le système en étudiant à l’étranger.</p>
<p>En attendant qu’une hypothétique solution se dégage, les facultés de psychologie prennent des mesures d’urgence pour parer au plus pressé. Il faut tant bien que mal gérer la pléthore d’inscriptions et éviter une dégradation de la qualité de l’enseignement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Quertemont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis que l’accès en master est soumis à sélection en France, un grand nombre de diplômés de licence sans affectation se tournent vers la Belgique. Avec des problèmes logistiques à la clé.Etienne Quertemont, Doyen de la faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l'Education, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1168562019-05-13T19:14:56Z2019-05-13T19:14:56ZÉtudes de santé : à qui profite la réforme de la première année ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273832/original/file-20190510-183109-bafkxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C904%2C550&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de places dans les cursus médicaux est par conséquent directement lié aux capacités d’encadrement de stagiaires dans les services hospitaliers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réforme des études de médecine fait partie des mesures phares du projet de loi <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/ma-sante-2022-un-engagement-collectif/article/ma-sante-2022-mise-en-oeuvre#Le-projet-de-loi-Ma-Sante-2022">« Ma santé 2022 »</a> qui devrait être adopté en juillet 2019. Son ambition est de favoriser une meilleure adéquation entre la formation des médecins et les besoins des populations. Parmi les différentes mesures, on trouve la suppression d’ici 2020 du numerus clausus et celle du concours organisé à la fin de la première année de médecine (mais aussi d’odontologie, pharmacie et sage-femme).</p>
<p>Voilà qui laisserait chaque université déterminer ses capacités d’accueil, « au regard des capacités de formation et des besoins des territoires ». Les étudiants se destinant à la médecine auront désormais plusieurs voies d’accès.</p>
<p>Certains s’inscriront à un « portail santé », en remplacement de l’actuelle première année commune aux études de santé (PACES), avec des enseignements pluridisciplinaires et un système d’évaluation revisité, privilégiant la réflexion à la mémorisation. D’autres opteront pour une licence dans la discipline de leur choix, doublée d’une « mineure santé » qui permettrait d’intégrer la filière santé à la fin de la deuxième ou de la troisième année.</p>
<p>Ce nouveau système, <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Reforme_des_etudes_de_Sante/56/2/Annexe_5_Bilan_experimentations_PACES_1050562.pdf">déjà expérimenté</a> dans seize universités depuis 2014, entend généraliser et institutionnaliser des passerelles entre le cursus de médecine et les licences universitaires. Son objectif est double : diversifier les formations et donc les profils des futurs médecins, mais aussi proposer une réorientation valorisante aux étudiants non-admis en médecine (représentant aujourd’hui environ 80 % des inscrits en première année).</p>
<h2>Une sélectivité incontournable</h2>
<p>Annoncées comme « révolutionnaires » en termes d’impact sur le système de santé, les nouvelles modalités d’accès aux études de médecine s’inscrivent pourtant dans la continuité des évolutions de ces dernières décennies. En effet, en dépit de l’existence formelle d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000853891">numerus clausus</a> fixé au niveau national, le nombre de places offertes en fin de la première année <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche11-3.pdf">n’a cessé d’augmenter</a> depuis le milieu des années 1990.</p>
<p>Répartie sur les quatre filières (médecine, odontologie, pharmacie et sage-femme), la hausse a été particulièrement marquée pour le nombre de places en médecine, passé de 3 500 en 1993 à 9 314 en 2019 (+166 %). Vu la structure des études médicales, la disparition du concours à la fin de la première année n’entraînera pas la fin de la sélectivité.</p>
<p>Depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886688">réforme Debré</a> de 1958, la formation des médecins est organisée autour des Centres hospitaliers universitaires (CHU), à la fois lieux de soins, d’enseignement et de recherche. Cela en fait une exception dans le paysage de l’enseignement supérieur français, qui, jusqu’à une époque récente, a nettement séparé enseignement, recherche et pratique professionnelle. </p>
<p>Les études de médecine sont en effet indissociables de la pratique clinique et de la recherche. Le nombre de places dans ces cursus est par conséquent directement lié aux capacités d’encadrement de stagiaires dans les services des établissements hospitaliers.</p>
<h2>Des réorientations facilitées</h2>
<p>Pour ce qui est de la diversification des parcours de formation initiale et du développement de nouvelles aptitudes, la réforme prolonge des réflexions anciennes pour répondre à des inquiétudes nouvelles. Dans un monde vieillissant et confronté à des bouleversements technologiques, l’intensification des attentes sociétales vis-à-vis de la médecine questionne de nouveau les contenus et les méthodes de formation des futurs professionnels. </p>
<p>Déjà, en 1973, le <a href="https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/debre.pdf">professeur Robert Debré</a> appelait de ses vœux une formation médicale mobilisant d’autres disciplines (santé publique, statistique, psychologie, économie, sociologie) et développant des compétences dans les domaines du médicament, de la présence, de la parole.</p>
<p>Plus récemment, dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/20180117-role-des-CHU.pdf">rapport</a> présenté au Sénat en 2017, la Cour des comptes réaffirmait la nécessaire intégration dans la formation médicale d’enseignements interdisciplinaires. L’association de savoirs et de compétences issues de traditions de recherche différentes, telles que les sciences de l’ingénieur, la philosophie et les sciences de l’environnement, est considérée comme indispensable pour outiller les professionnels de santé face aux évolutions des métiers et pour préparer « la médecine de demain ».</p>
<p>Plus que le système de santé, c’est sans doute l’enseignement supérieur français qui peut tirer profit de cette réforme. Les passerelles et les dispositifs de réorientation cherchent à retenir les étudiants au sein d’un même établissement, redonnant ainsi une nouvelle attractivité aux licences universitaires.</p>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2010-2-page-71.htm">désaffection</a> des bacheliers, notamment ceux qui ont les meilleurs résultats au bac, pour les licences universitaires au profit des classes préparatoires aux grandes écoles ou des établissements privés s’accentue depuis vingt ans. C’est dans le même esprit que peut être comprise la politique récente d’« universitarisation des formations de santé » qui vise à ramener dans le giron des universités les formations paramédicales, notamment les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) qui comptent parmi les cursus les plus demandés à la sortie du bac (en 2019 9,6 % des vœux confirmés via la plate-forme Parcoursup).</p>
<p>Ainsi, par la diversification des modalités d’accès aux études de médecine et à défaut de pouvoir relever le défi des déserts médicaux, le gouvernement pourrait insuffler une nouvelle dynamique aux universités françaises à l’instar de ce qui se pratique dans les « Bachelors of Liberal Arts » des campus nord-américains, véritables creusets de l’inter-professionnalité. Reste à savoir si les étudiants accepteront les <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2019-1-page-225.htm">réorientations proposées</a> et la logique qui les sous-tend.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Annoncées comme « révolutionnaires » en termes d’impact sur le système de santé, les nouvelles modalités d’accès aux études de médecine s’inscriraient plutôt dans la lignée des dernières évolutions.Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1117632019-03-24T23:32:40Z2019-03-24T23:32:40ZParcoursup : premiers retours sur les dispositifs d’aide à la réussite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265358/original/file-20190322-36244-1dlunwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C5%2C995%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les enseignants intervenant dans ces dispositifs pédagogiques d’accompagnement pour la réussite doivent être formés</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=questions#RUBRIQUE-0">Parcoursup</a> est la plate-forme d’<a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/12/20/parcoursup-2019-mode-d-emploi_5400050_4401467.html">orientation</a> et de candidature des lycéens vers l’enseignement supérieur qui a remplacé le site Admissions Post-Bac en 2018. Pour cette deuxième saison d’utilisation, il nous semble important de revenir sur l’une des nouveautés apportées par la procédure : les dispositifs d’accompagnement proposés aux étudiants auxquels les universités ont répondu <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/les-oui-si-quel-bilan-du-nouveau-dispositif-daccompagnement-pour-les-etudiants-a-luniversite">« Oui, si »</a> lors de la phase de candidature.</p>
<p>Cette admission sous condition supposait que les nouveaux arrivants, dont le niveau était jugé un peu juste par rapport aux exigences et attendus de la licence visée, devraient suivre un parcours spécifique ou personnalisé, intégrant un tutorat, des modules de renforcement, ou les deux. Comment les universités ont-elles aménagé les cursus en ce sens ?</p>
<p>La <a href="http://promosciences.org/dispositif-oui-si-quelles-pedagogies-pour-la-reussite/">récente enquête</a> que nous avons menée dans le cadre de notre association <a href="http://promosciences.org/">Promosciences</a> a mis en évidence de fortes différences de stratégies en fonction des publics concernés, des objectifs et des ressources à disposition (humaines, logistiques, numériques…).</p>
<h2>Valoriser les mentors</h2>
<p>Afin d’élaborer et ensuite déployer ces dispositifs d’accompagnement, il est essentiel d’engager et de motiver les enseignants, les enseignants chercheurs et même les étudiants tuteurs ou mentors.</p>
<p>Il est à noter que si la valorisation de l’implication des étudiants mentors peut être effectuée par le biais d’emplois étudiants associés à une reconnaissance de leur engagement, il est important que ces tuteurs ou mentors soient également formés et accompagnés par les équipes pédagogiques. C’est bien ici tout un écosystème qui doit être mis en place dans chaque composante, ou établissement, pour tendre vers une amélioration de la réussite des étudiants. Celle-ci ne doit d’ailleurs pas être considérée uniquement comme « scolaire » mais bien aussi comme personnelle.</p>
<p>De la même façon, les enseignants intervenant dans ces dispositifs pédagogiques d’accompagnement pour la réussite doivent être formés, et leur engagement valorisé par des progressions dans leur carrière. La demande va bien au-delà de la simple prise en considération d’heures complémentaires, d’autant plus que, pour ces nouvelles approches pédagogiques, les temps de médiation et d’accompagnement des étudiants nécessitent un investissement et des compétences jusque-là négligées par le système.</p>
<h2>Des étudiants acteurs</h2>
<p>Les noms et les articulations de ces parcours accompagnés « Oui-Si » avec les parcours classiques doivent être choisis avec pertinence, de sorte à ne pas stigmatiser les étudiants qui les suivent.</p>
<p>En dehors des transformations portant sur les cursus – étalement de la première année sur deux ans, ou ajout d’heures d’enseignements complémentaires de « remise à niveau » sur la première année de licence – la préoccupation majeure de toutes les équipes porteuses des dispositifs d’accompagnement est de rendre l’étudiant acteur de ses apprentissages. Cela s’organise généralement au travers de pédagogies dites « actives », par projet ou par problème, qui privilégient les situations authentiques d’investigation et facilitent les interactions entre pairs.</p>
<p>Toutefois, les stratégies mises en œuvre pour atteindre cet objectif, et <em>in fine</em> accompagner les jeunes dans l’appropriation de leur nouveau métier d’étudiant, diffèrent d’une formation à une autre, d’un établissement à un autre. Les enseignements de méthodologie du travail universitaire ont montré toute leur importance, mais semblent également avoir des limites (tout au moins dans leur forme classique), s’agissant de leur capacité à engager les étudiants dans une dynamique de réussite.</p>
<p>Le tutorat est un outil difficile à gérer, car souvent imaginé sans l’appui des moyens de communication les plus utilisés par les jeunes. Au contraire, l’enseignement et l’accompagnement par les pairs (majoritairement des étudiants de L3 ou de master) pour les apprentissages disciplinaires, mais aussi pour donner des conseils sur les méthodes de travail et les stratégies d’apprentissage, semblent relativement pertinents.</p>
<p>Dans ce cadre, l’accent mis sur l’acquisition par l’étudiant de compétences transversales de communication, d’expression écrite ou orale est clairement l’un des axes au centre de la grande majorité des dispositifs d’accompagnement mis en œuvre.</p>
<h2>Des résultats à confirmer</h2>
<p>Pour la communauté universitaire, sans ces pratiques pédagogiques renouvelées, sans un étalement des enseignements de la première ou des deux premières années sur un temps plus long, permettant un meilleur rythme d’apprentissage de l’étudiant grâce à la mise en œuvre du contrat pédagogique pour la réussite étudiante, la réforme semblerait vouée à un échec quasi certain – ou tout du moins, aurait-elle une portée limitée comme le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid55536/plan-pluriannuel-pour-la-reussite-en-licence.html">« Plan pluriannuel pour la réussite en licence »</a> en son temps. Le simple ajout d’heures de « renforcement » au programme est d’ailleurs clairement identifié comme non pertinent pour la réussite des étudiants.</p>
<p>Les analyses des premiers résultats en cours, à l’issue de ce premier semestre d’expérimentation de ces parcours accompagnés, montrent que certains dispositifs ont un réel intérêt pour la réussite des étudiants, avec en particulier une meilleure persévérance dans les études et une certaine amélioration des notes, tandis que d’autres n’obtiennent pas l’adhésion des étudiants.</p>
<p>Les équipes pédagogiques impliquées dans ces parcours accompagnés ont clairement adopté une démarche scientifique : conception et expérimentation de nouveaux dispositifs, suivies par une évaluation de l’impact sur les apprentissages et la réussite. Cependant, si un premier aperçu de cet impact sur la réussite des étudiants est possible en fin d’année universitaire, il faudra encore deux à trois ans de suivi pour réellement mesurer l’efficacité de ce qui a été mis en place.</p>
<p>Malgré cela, après une année d’expérimentation, les échanges dans les réseaux professionnels, entre collègues de différents établissements, devraient permettre de remodeler certains parcours, pour pallier certains défauts déjà identifiés en s’inspirant des bonnes pratiques d’autres parcours. Et c’est bien là le point le plus important pour les futurs bacheliers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Morin est membre de PROMOSCIENCES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claire Darraud est membre de l'association PROMOSCIENCES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Kolinsky est membre de l'association PROMOSCIENCES</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Evain est membre de l'association PROMOSCIENCES</span></em></p>En cette nouvelle saison d’orientation post-bac, voici les enseignements d’une première enquête sur l’aménagement de cursus pour les étudiants admis en licence sous condition de remise à niveau.Christophe Morin, Maître de conférences en Biochimie, Vice-doyen à la pédagogie ; Président de PROMOSCIENCES, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Claire Darraud, Associate professor, Université de LimogesCorinne Kolinsky, Maître de conférence en Physique, Université Littoral Côte d'Opale Michel Evain, Chair professor, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1112202019-02-07T22:05:51Z2019-02-07T22:05:51ZOrientation post-bac : trois conseils pour s’inscrire sur Parcoursup<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/257457/original/file-20190206-174890-15lkljt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C4%2C989%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis 2018, <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a> est le point de passage obligé des jeunes qui veulent s’inscrire en première année d’études supérieures. Cette plate-forme numérique recense toutes les formations post-bac reconnues par l’État (à quelques exceptions près, comme Sciences Po ou certaines écoles d’art), et, depuis le 22 janvier dernier, chaque candidat au bac peut y enregistrer <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/12/20/parcoursup-2019-mode-d-emploi_5400050_4401467.html?xtmc=parcoursup&xtcr=18">dix vœux</a> d’orientation.</p>
<p>Trop souvent, l’an passé, nous avons croisé des lycéens dépités de voir leurs demandes rejetées. Celles-ci étaient pourtant hors de leur portée, vu leur bas classement dans la liste des postulants. Or, s’ils avaient opté pour une filière « non sélective », ils auraient pu obtenir une place en fac pour étudier justement la thématique qui les intéressait.</p>
<p>« Je ne savais pas », nous ont répondu certains. « Mes parents ne voulaient pas que je m’y inscrive, ils disaient que la fac, c’est pour les nuls », nous ont répondu d’autres. Notons que les parents en question n’ont souvent pas connu l’université, ou il y a si longtemps que leur vision tient désormais beaucoup du <a href="https://www.challenges.fr/economie/les-universites-ne-sont-pas-des-usines-a-chomeurs_337174">cliché</a>.</p>
<p>Lycéens, familles, enseignants de terminale, voici trois conseils tirés de notre expérience d’universitaires qui peuvent vous aider à éviter de voir Parcoursup se transformer en casse-tête :</p>
<ul>
<li><p>Choisissez la ou les formations qui vous intéressent vraiment, sans autocensure.</p></li>
<li><p>Parmi vos dix vœux, réservez cependant toujours au moins deux choix à des filières « non sélectives » dans les universités, dans un domaine proche de vos souhaits et en adéquation avec votre bac.</p></li>
<li><p>Venez rencontrer en amont les enseignants et les établissements lors de leurs <a href="http://www.terminales2018-2019.fr/Pres-de-chez-vous/Les-journees-portes-ouvertes-2018-2019-dans-l-enseignement-superieur?id=951488">« journées portes ouvertes »</a> (JPO). Attention : beaucoup auront lieu début février, faites vite !</p></li>
</ul>
<h2>Une offre vaste</h2>
<p>Que de témoignages de parents nous disant « ah bon, l’université ne sélectionne pas ? C’est pourtant ce que nous avions entendu à la télé ». Soyons rationnels. De nombreuses formations à l’entrée de l’université sont non sélectives : l’université ne peut proposer que « oui » ou « oui, si » à vos vœux. Chacun a donc une place !</p>
<p>Parmi les formations non sélectives, certes, quelques-unes sont dites « en tension », ce qui veut dire que le nombre de candidats excède largement leurs capacités d’accueil. De ce fait, la formation est « remplie » bien avant que tous les candidats aient été appelés. Mais cela ne concerne qu’un certain nombre de filières, bien identifiées : <a href="http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Apres-le-bac/Principaux-domaines-d-etudes/Les-licences-de-sciences/La-licence-STAPS">STAPS</a>, <a href="http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Apres-le-bac/Principaux-domaines-d-etudes/Les-etudes-medicales/La-PACES-et-les-alternatives">PACES</a>, Droit ou encore Psychologie ou Biologie.</p>
<p>L’offre de formation en licence est bien plus vaste, puisque l’université, en lien avec la recherche, propose des formations dans quasiment tous les domaines de la connaissance. Notez que certaines formations sont en alternance, professionnalisantes au plus près des besoins socio-économiques.</p>
<p>Dans toutes ces filières, il peut aussi y avoir dix ou vingt fois plus de candidats que de places. Il est donc très probable que la première réponse que vous recevrez en mai indiquera que vous êtes sur liste d’attente. Mais votre position peut très bien évoluer vers un « oui » au cours du processus. Car vous êtes très nombreux à faire de multiples candidatures en ayant des priorités différentes, et beaucoup de places sont donc amenées à se libérer. Soyez patient !</p>
<p>Notre expérience est que la motivation des étudiants est un facteur déterminant de réussite. Lycéens, choisissez donc dans Parcoursup les filières qui vous plaisent, sans autocensure. Quand vous recevez des conseils, demandez-vous depuis combien de temps la personne qui vous parle a été en contact avec la réalité dont elle parle. Et, si vous n’avez pas déjà choisi l’université, rajoutez un ou deux choix de filières universitaires « non sélectives » (et au moins une dans votre académie), y compris avec de nombreux « sous choix », dans les domaines proches de vos centres d’intérêt ou de projet professionnel.</p>
<h2>Des dispositifs d’accompagnement</h2>
<p>Les filières non sélectives (et pas en tension) accueillent tous les étudiants qui le souhaitent. Cependant, nous recevons typiquement 8 000 candidatures pour une filière de 500 places. Si vous vous retrouvez 7 000<sup>e</sup> sur la liste d’attente, comment expliquer qu’il n’y a pas de sélection (et comment s’assurer d’avoir une place) ? Tout simplement par le nombre important de désistements, dû aux 10 ou 20 choix que chaque bachelier fait. Ainsi, la liste de candidats se réduit naturellement, sans sélection, jusqu’à ce que les 500 étudiants qui souhaitent vraiment s’inscrire puissent le faire, avec le statut « oui » ou « oui, si ».</p>
<p>S’il y a des inquiétudes quant à l’autonomie nécessaire aux nouveaux étudiants de Licence, il faut savoir que les universités ont déployé de forts moyens pour accompagner et mieux encadrer les premières années, en particulier les « oui, si », même si l’attente de l’université est grande sur la capacité des étudiants à rapidement adopter les bonnes méthodes de travail. Fini le temps où les étudiants pouvaient être abandonnés à leur sort dans les amphis surchargés.</p>
<p>Sachez que d’autres formations universitaires accessibles après le bac sont sélectives par construction, comme les IUT, les cycles d’ingénieur, et les double licences. Les universités peuvent alors vous indiquer « oui », « oui, si » ou « non ».</p>
<h2>Un environnement d’excellence</h2>
<p>Si les universités ouvrent leurs portes à tous, cela ne revient pas à faire des concessions avec leurs exigences d’excellence, au contraire. Avec leurs partenaires, notamment les organismes de recherche, les universités sont à l’avant-garde des dernières avancées scientifiques. Cherchez d’où sont issus et où ont exercé l’écrasante majorité des <a href="https://www.europe1.fr/sciences/a-strasbourg-dans-luniversite-des-prix-nobel-2865682">prix Nobel</a> : c’est bien à l’université.</p>
<p>Pour autant, point besoin d’être un futur Nobel pour venir étudier à l’université. La motivation compte et, avec nos partenaires du <a href="https://www.challenges.fr/emploi/quand-les-facs-dament-le-pion-aux-grandes-ecoles_297477">monde socio-économique</a>, les universités d’aujourd’hui forment des citoyens responsables, disposant d’esprit critique, de valeurs humanistes, d’une autonomie et d’une prise de recul nécessaires pour s’épanouir dans la société et construire le monde de demain.</p>
<p>N’hésitez donc pas à vous rendez aux « journées portes ouvertes » des universités ou des écoles que vous convoitez ! Elles ont lieu en général au mois de févier, et il n’y a rien de mieux que d’écouter les conseils de ceux qui enseignent directement, de voir les locaux et l’ambiance. Et faites l’enquête sur les connaissances et compétences que vous acquerrez, les expériences que vous vivrez, les possibilités de voyages à l’étranger, ainsi que sur les perspectives d’insertion professionnelle.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Isabelle Demachy et Nathalie Hatton pour leur aide à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Dole est l'un des Vice-Présidents de l'université Paris-Sud, chargé de "médiation scientifique, art, culture, société". Il est en outre auteur du livre "le coté obscur de l'univers" (2017, Dunod).
</span></em></p>Lycéens, familles, enseignants de terminale, voici quelques conseils fondés sur l’expérience d’enseignants-chercheurs pour éviter de voir Parcoursup se transformer en casse-tête.Hervé Dole, Professeur (astrophysique et physique) - Institut d'Astrophysique Spatiale (CNRS & Univ. Paris-Sud), Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1106152019-02-06T22:55:35Z2019-02-06T22:55:35ZLa créativité, pont entre les études de sciences et les humanités ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256159/original/file-20190129-108338-vb0uuc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C995%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les étudiants capables de passer des sciences dures aux sciences humaines ont une carte à jouer en entreprise. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans une célèbre <a href="http://sciencepolicy.colorado.edu/students/envs_5110/snow_1959.pdf">conférence</a> donnée en 1959, le romancier et chimiste C.P. Snow a parlé de la séparation entre les sciences dures et les humanités, et du manque de respect et de dialogue qui existe souvent entre ces deux champs. Il a souligné en quoi cela pouvait nuire à l'avenir d'un pays dans la mesure où de nombreuses innovations résultent de l'interaction entre ces deux cultures.</p>
<p>Snow en attribuait en grande partie la faute à ce qu'il appelait « notre croyance fanatique dans la spécialisation des cursus de formation » et dans cette obsession de « créer de petites élites autour de compétences pointues ». Malheureusement, peu de choses semblent avoir changé.</p>
<p>Le <a href="http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs.pdf">rapport de 2016</a> du Forum économique mondial sur l'avenir de l'emploi a mis en évidence le fait que la plupart des systèmes éducatifs continuent à proposer des parcours de formation très cloisonnés, avec une dichotomie entre humanités et sciences. Or l'industrie a besoin de profils capables d'assumer des fonctions transverses, avec des compétences à la fois techniques, sociales et analytiques. Le rapport énumérait ensuite les compétences qui seraient les plus prisées sur le marché du travail en 2020, plaçant en tête la capacité à résoudre des problèmes complexes, l'esprit critique et la créativité.</p>
<p>L'une des façons de relever ces défis dans les écoles, les collèges et les universités consiste à mettre la créativité au centre des programmes scolaires. Nous la voyons comme la <a href="https://repository.cardiffmet.ac.uk/bitstream/handle/10369/5086/Gina%20Deininger%20PhD%20thesis.pdf?sequence=1&isAllowed=y">capacité</a> à faire émerger des idées ou des choses nouvelles et de valeur. Mais j'ajouterais qu'elle inclut aussi bien la pensée critique (ou pensée convergente) que la pensée « divergente » – qui consiste à explorer un éventail de possibles et de solutions.</p>
<h2>Ouvrir les perspectives</h2>
<p>Si la créativité est traditionnellement associée aux arts et aux sciences humaines, elle est tout aussi importante pour la résolution de problèmes complexes en science, en technologie, en ingénierie et en maths. Les bases de la créativité sont l'écoute, l'observation, l'empathie, aussi bien que la capacité à expérimenter, à travailler en groupe ou à analyser les choses – ce qui relève des humanités comme des sciences.</p>
<p>La créativité <a href="https://selfdeterminationtheory.org/SDT/documents/2000_RyanDeci_SDT.pdf">est également stimulée</a> par le sentiment d'avoir un but, de vouloir progresser dans un domaine et la liberté de travailler de manière flexible. Elle exige et crée donc tout naturellement un pont entre humanités et sciences dures.</p>
<p>Il n'est pas si fréquent pour un étudiant de cultiver une expertise dans les deux champs à la fois, ou même de souhaiter le faire – mais ce n'est pas ce qui importe le plus. L'enjeu majeur, c'est que les étudiants reconnaissent la valeur de toutes les disciplines et le rôle qu'elles peuvent jouer dans la génération de nouvelles idées ou d'objets de valeur – que cette valeur bénéficie à l'apprentissage et la progression personnelle, à des communautés et des organisations ou à la société dans son ensemble.</p>
<p>On incite fortement aujourd'hui les étudiants à choisir les sciences et l'ingénierie. Je ne suis pas contre, mais je pense que c'est important de reconnaître aussi que les entreprises de technologie ont besoin de collaborateurs capables de comprendre l'humain, les sociétés et la culture. Des filières somme l'anthropologie, les sciences de gestion, l'histoire, la psychologie ou le marketing (pour n'en nommer que quelques-unes) sont donc tout aussi cruciales.</p>
<h2>Travailler sur des projets</h2>
<p>Alors comment pouvons-nous mieux intégrer la créativité aux cursus de formation ? Plusieurs approches peuvent être envisagées. La première consiste à partir d'une étude des produits eux-mêmes. Soutenue par le <a href="https://www.goodreads.com/book/show/14822838-world-class-learners">professeur Yong Zhao</a>, celle-ci permet aux étudiants d'assimiler un sujet en se comportant en concepteurs plutôt qu'en consommateurs passifs.</p>
<p>Il s'agit d'attribuer aux étudiants des projets identifiés comme pertinents et importants pour eux. Une telle approche combine en général la théorie et la pratique tout en encourageant certaines des compétences créatives de base que nous avons listées plus haut. Cela peut impliquer aussi une collaboration avec l'industrie ou des collectivités, ou l'association de sujets abordés dans différentes matières.</p>
<p>Un autre moyen d'encourager la créativité consiste à amener les étudiants à développer tout un panel d'hypothèses pour résoudre des problèmes, plutôt que de les inciter à rechercher une seule bonne solution. La peur de l'échec est l'une des plus grandes barrières à la créativité. Mais le <a href="https://books.google.co.uk/books?id=ATStICyXVxAC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=What%20is%20Play%3F&f=false">jeu</a> est l'un des meilleurs moyens de la surmonter – que ce soit en <a href="https://www.goodreads.com/book/show/17288649-creative-confidence">jouant</a> avec des matériaux, des technologies, des idées ou des concepts, ce qui peut se faire en fabricant et en testant des prototypes.</p>
<p>La créativité peut aussi être stimulée en mettant les étudiants en contact avec d'autres cultures, groupes ou organisations – à l'échelle locale ou internationale – et en les encourageant à se déplacer. Qu'il s'agisse de se rendre dans des centres de soins locaux, de rapprocher des écoles et des communautés du monde entier, de comprendre comment améliorer le monde environnant, de voir comment les nouvelles technologies peuvent améliorer le système de santé, le rôle des agriculteurs locaux dans la production alimentaire ou la production de nouveaux films ou séries télévisées, les possibilités sont nombreuses.</p>
<p>Il ne s'agit pas de théories qui demandent des années pour être intégrées aux systèmes scolaires actuels. Au Pays de Galles, un <a href="https://beta.gov.wales/new-school-curriculum-overview">nouveau programme</a> basé sur ces approches est par exemple à l'étude. Fondé sur une <a href="https://beta.gov.wales/succesful-futures-review-curriculum-and-assessment-arrangements">étude indépendante</a> menée par le Professeur Graham Donaldson, l'un de ses principaux objectifs est d'aider les étudiants à devenir des « contributeurs entreprenants et créatifs », avec une approche plus centrée sur des domaines d'études que sur des sujets bien définis.</p>
<p>Bien que les commentaires de Snow remontent à près de soixante ans maintenant, et que la séparation entre les sciences dures et les humanités reste répandue, mettre l'accent sur la créativité à tous les niveaux d'études sera un moyen de combler cet écart.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gareth Loudon est professeur de créativité à la Cardiff School of Art & Design, et directeur du centre de créativité. Il participe à un projet actuel de recherche et développement lancé par le gouvernement du Pays de Galles.
</span></em></p>La plupart des systèmes éducatifs continuent à proposer des parcours de formation très cloisonnés. Et si on misait sur la créativité pour former des étudiants plus polyvalents ?Gareth Loudon, Professor of Creativity, Cardiff Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1086332018-12-19T23:40:01Z2018-12-19T23:40:01ZEnseignement supérieur : 30 ans de réformes, toujours trop d’inégalités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251233/original/file-20181218-27764-btttw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C958%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dès le début des études supérieures, les inégalités scolaires se cumulent avec les inégalités sociales et de genre. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 80, la notion d’égalité des chances est au cœur de toutes les réformes éducatives et la lutte contre les disparités, qu’elles soient de genre ou sociales, est devenue une priorité politique. C’est d’ailleurs l’un des objectifs affichés de la réforme LMD (2002-2006) et du processus de Bologne, inscrit dans le code de l’éducation, qui a harmonisé l’organisation des études supérieures au niveau européen.</p>
<p>Pourtant force est de constater que malgré les nombreuses réformes politiques, « les dispositifs successifs sont venus s’empiler, perdant peu à peu en efficacité » (<a href="https://www.gouvernement.fr/action/la-lutte-contre-les-inegalites-scolaires">Ministère de l’Éducation nationale, 2015</a>). Et selon l’OCDE et son enquête PISA (2012), la France est d’ailleurs le pays où le milieu social influence le plus les résultats scolaires.</p>
<h2>Une hiérarchie des filières</h2>
<p>En premier lieu, dans l’accès aux différents parcours de l’enseignement supérieur, et notamment aux filières dites « prestigieuses », on observe des différences notables entre les étudiants et les étudiantes, selon leur origine sociale. Les différentes réformes n’ont pas assez pris en considération les écarts de moyens entre la masse d’étudiants en premier cycle universitaire et le petit nombre d’étudiants favorisés des grandes écoles (<a href="https://www.inegalites.fr/L-ecole-peut-elle-reduire-les-inegalites-sociales">Maurin, 2013</a>). Ainsi, <a href="http://www.beta-umr7522.fr/productions/publications/2016/2016-02.pdf">entre 1998 et 2010</a>, on constate que les enfants de cadre ont toujours deux fois plus chance que les enfants d’ouvriers de suivre une classe préparatoire aux Grandes Écoles plutôt qu’une formation universitaire.</p>
<p>Ensuite, ces inégalités observées au stade des inscriptions se retrouvent au niveau du type de diplôme obtenu. Ainsi, malgré l’ouverture des grandes écoles aux filles au cours des années 1970, les écoles d’ingénieurs ne comptent aujourd’hui qu’un quart de filles. En 2010 les <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_96/45/2/DEPP-EF96-2018-article-6-evolutions-inegalites-genre-enseignement-superieur_905452.pdf">garçons avaient 2,5 fois plus de chance qu’elles</a> d’être diplômés d’une école d’ingénieur plutôt que d’une école de commerce.</p>
<p>De manière générale, de fortes inégalités marquent encore l’enseignement supérieur français. Le bac possédé, le fait d’avoir ou non une année d’avance, et les spécialités suivies au lycée restent des facteurs différenciants en termes d’orientation. Mais, au-delà de ces inégalités scolaires, ce sont encore et surtout les inégalités de genre, les inégalités sociales et les inégalités culturelles qui persistent.</p>
<p>La comparaison entre le devenir de la génération ayant quitté l’enseignement supérieur en 1992 et celle ayant terminé ses études en 2004 montre que les <a href="http://www.beta-umr7522.fr/IMG/UserFiles/Jaoul-Grammare/Abstract_AES.pdf">inégalités dites « injustes »</a> (c’est-à-dire les inégalités dues à des facteurs que l’individu ne peut pas contrôler comme son sexe ou son milieu social, contrairement à ses performances scolaires sur lesquelles il a un minimum de contrôle) n’ont pas baissé.</p>
<p>En effet, malgré la mise en place de la réforme LMD et les objectifs affichés d’équité, il apparaît que, pour prétendre faire des études longues, il vaut mieux être un fils de cadre qu’une fille d’ouvrier…</p>
<h2>Un effet de cumul</h2>
<p>Malheureusement, les inégalités ont tendance à se cumuler. Lorsqu’on dresse le profil des étudiants qui poursuivent ou arrêtent leurs études, on met en évidence, dès le début de leur parcours dans l’enseignement supérieur, un cumul des inégalités scolaires et des inégalités sociales et de genre. Ce phénomène met l’accent sur le fait que l’école, non seulement ne corrige pas les inégalités, mais au contraire, les amplifie, impliquant ce qu’il est commun d’appeler un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Matthieu">« effet Mathieu »</a> (mécanisme par lequel les individus issus de milieux favorisés vont avoir tendance à accroître leur avantage sur les autres individus).</p>
<p>Au fur et à mesure que l’individu avance dans son parcours scolaire, les inégalités scolaires et sociales agrègent leurs effets – positifs ou négatifs- et déterminent ainsi des profils – favorables et défavorables- à la réussite des individus.</p>
<p>Avec la réforme LMD seuls les diplômes de niveau bac+3, bac+5 et bac+8 (Licence-Master-Doctorat) sont reconnus ; le niveau bac+4 (anciennement la maîtrise) n’est plus diplômant. Ainsi, plus d’individus, quelle que soit leur origine, poursuivent leurs études au-delà de ce palier : en 1998, 12,6 % des étudiants arrêtaient leurs études après la quatrième année et 15 % après la cinquième année ; en 2010, ces taux sont de 5,7 % et 26,1 %. Un progrès ? En réalité, en augmentant la durée des études sanctionnant le premier diplôme reconnu – la licence – d’une part, et le coût des études ensuite, cette réforme a contribué à augmenter les inégalités sociales.</p>
<p><a href="http://www.beta-umr7522.fr/IMG/UserFiles/Jaoul-Grammare/Relief48_MJG.pdf">La comparaison des profils de poursuite d’études longues entre 1998 et 2007</a> souligne, d’une part, une persistance des profils favorables et défavorables à la poursuite d’études et, d’autre part, une persistance des effets cumulatifs des inégalités tout au long de l’enseignement supérieur. Les remèdes restent à trouver…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108633/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Jaoul-Grammare ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La lutte contre les inégalités est une priorité politique depuis de nombreuses années. Mais les dispositifs s’empilent plus qu’ils ne gagnent en efficacité. Le point en cette période d’orientation.Magali Jaoul-Grammare, Chargée de Recherche CNRS en Economie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1032952018-09-17T22:36:05Z2018-09-17T22:36:05ZChoix scolaires : une « orientation heureuse » est-elle possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236497/original/file-20180915-177962-663oyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C5%2C989%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En matière d'orientation, l'éventail des possibles est-il si ouvert que le prétend l'idéal méritocratique ?</span> </figcaption></figure><p>Depuis qu’il existe un dispositif d’orientation institutionnalisé, répartissant les jeunes entre les filières scolaires, puis vers des métiers, on n’a de cesse de dénoncer les difficultés et la cruauté de ce système. Mais peut-il y avoir, dans la société telle qu’elle est, une « orientation heureuse » ?</p>
<p>Si les processus d’orientation et les inégalités sociales qui leur sont liées font régulièrement débat dans les sociétés démocratiques, c’est parce qu’ils sont au cœur de leur idéologie fondatrice, à savoir l’idéologie méritocratique. Dans un monde où règne une fine division du travail, on n’admet plus que la naissance – ou l’entreprise léguée de père en fils – détermine le devenir des personnes. L’affaire est d’autant plus sérieuse que l’attractivité des places à prendre varie considérablement, qu’il s’agisse de leur rémunération ou des conditions de travail.</p>
<p>Une compétition est alors inévitable. Pour que les inégalités qui en résultent soient jugées acceptables, elles sont censées découler des efforts et des talents propres aux individus, et non d’atouts qu’ils se sont contentés d’« hériter ». L’institution scolaire se trouve alors chargée de la tâche cruciale de détection des mérites et du classement impartial des individus sur cette base.</p>
<h2>Le leitmotiv de l’égalité des chances</h2>
<p>C’est le règne de la méritocratie scolaire, de ce que les sociologues anglo-saxons appellent l’<em>education-based meritocracy</em>, considéré comme un idéal moderne et progressiste. Moderne car les « places » de la société sont distribuées sur la seule base des certifications scolaires, censées refléter elles-mêmes des compétences. Progressiste car ces dernières résulteront des seuls talents personnels et non de l’influence du milieu social d’origine.</p>
<p>Il faut rappeler que les spécialistes de l’orientation ont toujours été extrêmement sensibles à cette question, depuis ses promoteurs au début du vingtième siècle. Ainsi, pour des psychologues comme Henri Piéron, la détection scientifique des aptitudes devait permettre de fonder une orientation juste, qui admettait une sélection mais prétendait l’établir sur des différences d’utilité commune. On espérait réaliser une société juste grâce à une orientation juste.</p>
<p>L’égalité face aux règles de l’orientation mais plus largement face à la réussite scolaire devient alors un enjeu primordial, de même que la notion d’égalité des chances. Car l’idéal méritocratique ne peut se réaliser si, face à la compétition, les personnes se différencient autrement que par leurs capacités et leurs motivations, ou si leur liberté est entravée. La concurrence serait alors faussée. Ce n’est donc pas un hasard si le succès de la notion de mérite va de pair avec celle d’égalité des chances, depuis les années 1980.</p>
<h2>Des carrières pipées dès le primaire</h2>
<p>La sociologie de l’éducation met à nu l’écart entre ce modèle et la réalité, montrant que, dès leur plus jeune âge, la réussite est influencée par l’origine sociale ou l’école fréquentée. La distance par rapport au modèle méritocratique est encore plus évidente quand on examine les choix d’orientation : qu’il s’agisse de se décider pour un établissement, une filière ou une option, tous sont marqués par le milieu de l’élève, au-delà de ses résultats scolaires. Et qui dirait que l’on « mérite » d’être dans le meilleur lycée de la ville ou dans la meilleure classe grâce à des stratégies habiles ?</p>
<p>Notre système d’orientation cristallise les inégalités pour deux types de raisons. D’abord parce qu’il donne un poids essentiel à la réussite scolaire telle qu’elle est évaluée par les notes. Or, tant que la réussite est biaisée socialement, les notes censées la refléter vont l’être, sans compter que la notation est elle-même imparfaite par définition. Ensuite, les différentes voies d’études étant hiérarchisées aux yeux des enseignants et des élèves, ces derniers – souvent encouragés par les premiers – choisissent d’autant plus facilement les « meilleures filières » (celles qui donnent accès aux emplois les plus attractifs) que leur niveau scolaire est bon. A contrario, ceux ou celles qui ont plus de difficultés sont relégués dans les voies dont personne ne veut (et où il y a de la place).</p>
<p>D’autre part, notre système cristallise aussi les inégalités en donnant beaucoup de poids aux vœux des élèves et de leurs familles : or ces vœux sont très inégalement ambitieux et informés. Peut-être faudrait-il parfois, paradoxalement, donner moins de latitude aux familles. Ou alors l’institution devrait-elle les conseiller plus précisément, pour contrer l’autosélection que pratiquent systématiquement les plus éloignées des codes scolaires.</p>
<h2>Le marché du travail comme arbitre</h2>
<p>Il faut donc prendre en compte cette double responsabilité de l’école si l’on veut tendre vers des orientations moins affectées par l’origine sociale. Ceci dit, même en supposant que l’on y parvienne, dès lors que le choix scolaires débouchent sur des positions professionnelles inégales, l’orientation peut-elle être vécue plus sereinement ?</p>
<p>En matière d’insertion, c’est le marché du travail qui est le suprême arbitre. Difficile de considérer que le mérite scolaire sanctionné par les diplômes y soit parfaitement reconnu. Qui soutiendrait que les salaires constituent un étalonnage fidèle des capacités intellectuelles ou de la valeur morale des personnes ? Dans la conjoncture qu’affrontent les diplômés, nombre de candidats dotés des compétences requises n’obtiendront finalement pas le poste espéré. De fait, leur mérite ne sera pas reconnu.</p>
<p>Régulièrement, l’on entend dire que les personnes n’ont qu’à se former convenablement pour s’insérer dans un monde qui recherche des talents toujours trop rares. Mais contrairement à ces discours de plus en plus répandus, le nombre même de diplômés atteste d’une abondance de talents qui n’a pas assoupli la sélection. Si la rhétorique de l’employabilité renvoie sans cesse les individus à la responsabilité de se former pour être capables de se vendre, bien d’autres paramètres interviennent : la concurrence avec les autres candidats, mais aussi les rapports de force et les aléas du marché du travail.</p>
<h2>Le poids du premier emploi</h2>
<p>Au-delà d’une compétition pour l’emploi surdéterminée par le contexte économique global, il faut compter en France avec la prégnance d’un principe « adéquationniste » fort : à chaque emploi est censée correspondre une formation et vice versa. Cette vision se double d’un climat général de relatif pessimisme par rapport à l’avenir.</p>
<p>Du même coup, les élèves abordent leur orientation de manière souvent très utilitariste, pensant davantage aux débouchés qu’à leurs goûts, et très angoissée. Si l’insertion professionnelle s’avère plus ou moins difficile selon les filières, on croit volontiers que le premier métier sera celui de toute une vie.</p>
<p>Ce ne sont pas les mérites ou les efforts de chacun, ou encore la qualité de l’école, qui vont rendre possible ou bloquer l’ascension sociale mais le contexte économique global. Tout dépend des opportunités qui se présentent sur le marché du travail. Environ 40 % de la mobilité sociale est de nature structurelle, c’est-à-dire qu’elle résulte des changements socio-économiques qui s’opèrent d’une génération à l’autre, créant des « appels d’air » dans certaines branches et en fermant d’autres. L’idéologie méritocratique est trompeuse et volontiers culpabilisante en ce qu’elle suggère que les destinées pourraient dépendre entièrement de choix purement individuels… si l’on savait bien s’orienter !</p>
<h2>Repenser la place des diplômes</h2>
<p>Pour atténuer le caractère « dramatique » de l’orientation, il faudrait que des réorientations, des passerelles et des retours en formation soient à tout instant possibles. Ainsi, les jeunes n’auraient pas le sentiment de jouer leur vie sur un « choix » scolaire. On pourrait aussi imaginer un tout autre modèle où les filières et les choix scolaires seraient sans conséquence sur le devenir professionnel.</p>
<p>Voilà qui changerait le climat des classes et la tonalité des choix d’orientation ! Ajoutons que si tous les jeunes partaient dans la vie avec un bagage scolaire de bon niveau et moins inégal, cela faciliterait les choses. De même, autre utopie, si tous les emplois étaient également attractifs… On choisirait alors selon ses goûts personnels authentiques.</p>
<p>Alors que nous pensons, en France, qu’il est juste de répartir les « places » dans la société sur la base des diplômes – parce que ceux-ci exprimeraient la valeur, le mérite, les compétences, des personnes–, on voit bien que cela fige les inégalités, dans la mesure où ils sont inégalement possédés par les uns et par les autres – pour des raisons dont l’école est elle-même responsable.</p>
<p>Les diplômes ne sanctionnent qu’une faible proportion des qualités des personnes et nombre d’entre elles ont des chances se de révéler une fois en situation de travail. À condition, bien sûr, que tous ceux qui n’ont pas de diplôme se voient donner une chance. Donner moins de poids aux diplômes pour aller vers plus de justice, c’est une perspective que nourrissent les perspectives internationales. Mais, en France, elle apparaît encore relativement paradoxale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Duru-Bellat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parcoursup, le site dédié aux admissions dans l'enseignement supérieur, vient d'ouvrir ses portes. L'occasion de s'interroger sur l'égalité des chances qui s'offrent aux lycéens candidats.Marie Duru-Bellat, Professeure des universités émérite en sociologie, Observatoire sociologique du changement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1020072018-09-09T21:51:57Z2018-09-09T21:51:57ZMieux orienter les étudiants : l’autre promesse déçue de Parcoursup ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235008/original/file-20180905-45178-mthksj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C23%2C973%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A la veille de la rentrée étudiante, nombre de candidats sont encore en attente d'une place dans l'enseignement supérieur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 21 juillet 2017, alors que leurs résultats de bac faisaient déjà partie du passé, <a href="https://www.lemonde.fr/bac-lycee/article/2017/07/22/apb-2017-22-891-candidats-sont-d-ores-et-deja-inscrits-en-procedure-complementaire_5163736_4401499.html">plus de 65 000 jeunes bacheliers étaient encore en attente d’une place dans l’enseignement supérieur</a>. C’est en grande partie pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise que le ministère de l’Enseignement supérieur a décidé d’enterrer le système Admission Post-Bac (APB) et de lui substituer une nouvelle plate-forme d’affectation dans le supérieur, Parcoursup. Avec une autre promesse en filigrane, celle d’une meilleure orientation, grâce à</p>
<blockquote>
<p>« une procédure d’entrée qui redonne, à toutes les étapes, du pouvoir de décision à chacun des futurs étudiants et qui fait de la personnalisation le principe »</p>
</blockquote>
<p>comme le déclarait la ministre Frédérique Vidal lors de la présentation de loi sur la réussite étudiante, en décembre 2017.</p>
<p>Il s’agissait de faire mieux sur tous les tableaux, en somme. Qu’en est-il et qu’en sera-t-il ?</p>
<h2>Une lenteur prévisible</h2>
<p>Au vu <a href="https://www.parcoursup.fr/pdf/Indicateurs_publics_05_09_2018.pdf">des indicateurs en fin de procédure</a>, publiés le 5 septembre 2018, l’amélioration ne saute pas aux yeux. Sur les 810 000 candidats inscrits à Parcoursup, environ 70 000 n’ont pas eu le bac, 583 032 ont accepté l’une des affectations qui leur a été proposée, dont 511 228 définitivement et 71 804 encore en attente d’un meilleur choix ; 47 258 n’ont reçu aucune proposition ; et 181 757 ont quitté la procédure.</p>
<p>En novembre 2017, le député Cédric Villani et le sénateur Gérard Longuet conduisaient une audition publique intitulée <a href="https://www.senat.fr/rap/r17-305/r17-3051.pdf">« Les algorithmes au service de l’action publique : le cas du portail admission post-bac »</a>, à laquelle participaient notamment des représentants de la <a href="http://www.cpu.fr/">Conférence des présidents d’université</a> (CPU) et du <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid24149/dgesip.html">ministère</a> (DGSIP). Avec la fin de la hiérarchisation des vœux, les différents experts sollicités pointaient un certain nombre de risques : lenteur de l’affectation, stress dû aux réponses au fil de l’eau, explications insuffisantes pour que le système soit accepté, prise en compte du handicap, difficulté de logement pour les réponses tardives…</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x69iw2t" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>En cause : la <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2017/11/16/apb-des-chercheurs-s-inquietent-du-fonctionnement-de-la-future-plate-forme_5216075_4401467.html">fin de la hiérarchisation des vœux</a>, qualifiée de « retour en arrière de 10 ans ». Sur APB, en effet, les lycéens classaient leurs demandes par ordre de préférence, l’algorithme s’occupait de simuler leurs désistements, et ils ne recevaient qu’une seule réponse en fin d’étape de la procédure. Au contraire, dans Parcoursup, sont les lycéens eux-mêmes qui doivent se désister, ce qui laissait craindre un engorgement du système qui s’est bel et bien produit.</p>
<h2>Les limites des « attendus »</h2>
<p>Pour expliquer les dysfonctionnements et la longueur du processus, le ministère de l’Enseignement supérieur déploie l’argument d’un meilleur soutien à l’orientation : « Si Parcoursup va plus lentement, c’est parce qu’on accompagne les jeunes sans affectation », a déclaré la ministre <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-22-aout-2018">sur France Inter</a> le 22 août dernier. De fait, la plate-forme se veut à la fois un outil de prédiction des chances de succès des candidats, doublé d’un système de remédiation <em>a priori</em>. Cette facette pédagogique répond-elle à ses promesses ?</p>
<p>Une des étapes de Parcoursup est l’étude des dossiers des lycéens par les commissions d’examen des vœux. Plus que simplement classer ces candidatures pour décider des admis et des refusés, l’objectif affiché est de mieux orienter les étudiants en se prononçant sur l’adéquation de leur profil avec les différentes formations demandées. En clair, il s’agit d’augmenter le taux de réussite en recrutant des étudiants correspondant plus aux attendus de la formation… Ou plus clairement encore, de prédire leur réussite sur la base de leurs résultats passés.</p>
<p>Il s’agit là d’un objectif très ambitieux. Il est plutôt reconnu jusqu’ici que la réussite des étudiants reste quelque chose de très difficile à présager. Certes, il existe des statistiques fiables de réussite selon les filières d’origine, mais qui ne peuvent tenir compte des trajectoires individuelles. En réalité, on peut très bien réussir en provenant d’une filière affichant de très bas taux, comme échouer en provenant d’une filière renommée.</p>
<h2>Un outil de remédiation <em>a priori</em></h2>
<p>Une autre disposition de Parcoursup est de pouvoir imposer des mesures d’accompagnement personnalisées (ou « oui si ») aux candidats. Ces mesures existaient, mais n’étaient suivies jusqu’ici que par les étudiants qui le souhaitaient. L’objectif affiché désormais consiste à combler les lacunes détectées lors de l’examen des dossiers. En clair, d’imposer des mesures de remédiation <em>a priori</em>.</p>
<p>Sur ce point aussi, l’on peut émettre quelques réserves. Il est généralement reconnu que les mesures de remédiation ne fonctionnent de façon optimale que sur la base du volontariat, pour éviter un sentiment de stigmatisation démotivante. D’autre part, il est préférable d’observer la pratique de l’étudiant et d’établir un dialogue avant de lui prescrire un accompagnement, si l’on veut que les mesures soient réellement personnalisées.</p>
<h2>Un terrain d’étude pédagogique</h2>
<p>En bouleversant ces idées reconnues depuis longtemps en matière de réussite (<a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1997_num_119_1_1169">M. Romainville, « Peut-on prédire la réussite d’une première année universitaire ? », 1997</a>), Parcoursup crée un formidable terrain d’étude pédagogique. Avec des cohortes de plusieurs centaines de milliers de bacheliers, que nous pourrons suivre pendant de nombreuses années, jamais nous n’aurons monté une expérimentation d’aussi grande envergure.</p>
<p>Il serait donc urgent de concevoir les indicateurs permettant de mesurer l’efficacité de ce volet pédagogique.</p>
<p>Certes, le ministère a fait des efforts sans précédent en terme de mise à disposition des indicateurs. #DataESR produit déjà <a href="https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr/explore/dataset/fr-esr-parcours-et-reussite-des-bacheliers-en-licence-export/information/">tous les taux de passages par série du bac et du supérieur</a> (<a href="https://data.esr.gouv.fr/data1ercycle/Licence/">version graphique</a>). Il sera donc possible de comparer ces taux dès l’an prochain.</p>
<p>Cependant, deux informations manquent encore. D’abord, pour mesurer plus précisément l’efficacité de la politique d’orientation, il faudrait disposer du taux d’abandon prématuré. C’est possible en calculant la différence entre le nombre d’inscrits et le nombre d’étudiants ayant passé leurs examens, informations dont disposent les universités.</p>
<p>Ensuite, il serait judicieux de décliner les taux de réussite et d’abandon en fonction des mesures d’accompagnement. Ces mesures n’ayant aucun cadrage national, chaque filière est libre de les déterminer. Des statistiques nationales sont donc indispensables pour identifier les mesures les plus efficaces, et transformer les expérimentations en bonnes pratiques.</p>
<p>Pour conclure, si Parcoursup n’est pas un outil d’affectation performant, notamment du fait de sa lenteur structurelle, il s’avérera peut-être un outil d’orientation plus efficace qu’APB. C’est sur le long terme que l’on pourra vraiment apprécier la réforme, mais dès la fin de cette année, les taux d’échecs et d’abandon en première année permettront de vérifier si Parcoursup a réussi à être un outil de prédiction de la réussite des étudiants et de remédiation <em>a priori</em>.</p>
<p>Sur le terrain, on pourra rapidement apprécier l’efficacité du volet orientation de Parcoursup, en observant la traditionnelle disparition des étudiants de nos amphis dès les premières semaines. Si elle perdure, il nous faudra en douter. Mais si elle est significativement réduite, alors nous aurons un indicateur fort de réussite sur ce plan. Il faudra alors se demander comment enseigner toute l’année dans des groupes surchargés, plutôt que sur les seules premières semaines… C’est toute l’organisation universitaire qui peut s’en trouver bouleverser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gossa a reçu des financements du CNRS, du MESRI, de l'ANR et de l'INRIA.
Membre du Conseil d'Administraion de l'Université de Strasbourg et syndiqué au SNESUP-FSU.</span></em></p>Outre une meilleure efficacité dans l’affectation des étudiants, la plate-forme Parcoursup promettait aussi de mieux accompagner les jeunes qui s’inscrivent dans le supérieur. Qu’en est-il ?Julien Gossa, Professeur associé en informatique, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/979412018-06-10T20:38:25Z2018-06-10T20:38:25ZDébat : Les raisons du consentement lycéen à Parcoursup<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/222433/original/file-20180608-191978-rg0t17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C0%2C3940%2C2191&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une cours de lycée vide ( Lycée Hélène Boucher à Paris)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Cours_Lyc%C3%A9e_H%C3%A9l%C3%A8ne-Boucher_02.jpg">Wikipédia / Sigoise</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Beaucoup de commentaires se sont développés sur Parcoursup, <a href="https://bit.ly/2sIIV2J">depuis avant même</a> que cette plate-forme n’entre en fonction. Accusée de <a href="https://bit.ly/2JlLK49">bien des maux</a>, elle est particulièrement visée autour de son rôle dans la fabrication ou la reproduction d’inégalités sociales.</p>
<h2>Comment expliquer une certaine atonie des lycéens ?</h2>
<p>Il est sain que des données se confrontent et des débats se multiplient. Mais par-delà la réalité (ou non) de <a href="https://lemde.fr/2HysMRY">cette question</a>, on doit constater que la mobilisation n’a guère touché qu’une fraction très ciblée des jeunes (tant dans son ancrage disciplinaire que probablement dans son profil sociologique).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222429/original/file-20180608-191943-11c6qjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Manifestation des lycéens Rouen en janvier 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alixjolly/39185723114/in/photolist-22GH5gL-aoSUvM-5g41ja-5SPezi-253L8iy-23Kpg7e-253L6Db-sqRc9-253L8T1-FsoVdi-23Kpa1B-23Mwkwg-egYY2n-sqRcd-qA9mwC-dP8bLi-23Kp5Gr-ekSxZb-8nR3Dz-aT92Ca-qAauTs-Jp4tf2-5neZt4-rzbWBn-fk7Rpc-dMSaS4-71aXS6-7jZV2g-SyhVou-dgsd12-rfSexV-bLQDgx-rz6hT3-VjCTsD-23KpgkR-23KpfHi-253L8JJ-253L5bb-253L7ys-sGh6B-253L7mJ-23Kp81z-23Kpfyk-dATsa4-FsoNPg-bs5u1M-FsoPAr-sqRc8-j94P5-242KAxG">Alix Jolly/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour l’essentiel et à l’<a href="https://bit.ly/2JxakLi">exception de quelques établissements</a>, les premiers concernés, les lycéens n’ont pas battu le pavé et repris les fréquents appels à se mobiliser venus de leurs aînés. On sait pourtant que les lycéens ont eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de se mobiliser dans la période récente (on pense par exemple au <a href="https://bit.ly/2xUXNjw">CPE en 2006</a> ou même à la loi travail en 2016) ce qui montre qu’ils auraient pu, eux aussi, prendre le chemin du pavé… surtout en ce cinquantenaire de 1968.</p>
<p>À quoi attribuer cette atonie des lycéens présentés par les détracteurs de Parcoursup comme les premières victimes de ce nouveau mécanisme d’affectation dans l’enseignement supérieur ?</p>
<h2>Il fallait remplacer APB</h2>
<p>La première hypothèse consiste à considérer que l’ancien système avait <a href="https://bit.ly/2l1zEyp">montré ses limites</a>. Même si ces cas n’ont pas représenté la majorité (on parle de 5 %), l’application Post Bac avait conduit à des situations dans lesquelles l’accès à certaines formations (STAPS, PACES) résultait de <a href="https://bit.ly/2xW44LR">tirages au sort</a>.</p>
<p>Qu’importe la réalité et l’intensité de la motivation personnelle, certains lycéens ont vu leur orientation se jouer au hasard. Certains ont sans doute renouvelé leur candidature cette année. Alors même que les élèves sont pris dans un monde qui leur demande de construire un projet personnel et professionnel qui les implique au cœur de leur identité personnelle, celle-ci était niée par une logique statistique froide et indifférente à chacun.</p>
<p>Les lycéens de 2018 ont assisté à ces scènes désolantes de 2017 (peut-être mise en avant par le jeu médiatique) non sans plaindre ceux qui les précédaient. Et quand un nouveau président et un nouveau ministre leur ont présenté un mécanisme alternatif leur donnant des gages que le hasard n’aurait plus le dernier mot, ils ont sans doute éprouvé un certain soulagement.</p>
<p>Peut-être imparfait, le nouveau système évitait l’arbitraire de l’ancien qui ne pouvait ainsi plus apparaître comme un recours. Le repli sur « c’était mieux avant » n’était pas possible. Et cela ne concernait pas seulement les étudiants des filières potentiellement concernées mais tous les autres au nom d’un principe supérieur de mise à distance de l’aléatoire dans les choix essentiels de son existence. Le hasard est bien la négation de l’autonomie dans la construction de son monde, de la liberté de choisir ou du moins du sentiment de pouvoir le faire.</p>
<h2>Les lycéens sélectionnés ont le dernier mot</h2>
<p>Par ailleurs, l’idée de Parcousup est passée parce que cette nouvelle application a inversé le rapport de force entre les institutions et les lycéens. Les vœux ont été examinés par les institutions qui les ont classés mais le dernier mot a été confié aux lycéens.</p>
<p>Bien sûr, ceux qui n’ont pas été retenus ne sont pas les plus intéressés par ce changement mais ce renversement discret de la distribution du pouvoir n’est pas anodin. Les établissements le découvrent maintenant qui dépendent de la prise de décision des lycéens là où ils étaient maîtres du jeu sous APB.</p>
<p>Dès lors que les étudiants avaient obtenu une réponse positive à un vœu, ils quittaient le jeu. Les meilleur·e·s élèves ont désormais le <a href="https://lemde.fr/2Lzzg5B">pouvoir de choisir</a> et ainsi de remanier ou d’amplifier des hiérarchies établies entre formations.</p>
<p>À la date du 6 juin, près de la moitié des candidats ayant reçu au moins une proposition d’admission (295 577 sur 607 911) ne l’ont pas acceptée définitivement. Sous APB, ils n’auraient pas pu continuer à peser dans ce mécanisme d’attribution des places d’enseignement supérieur aux élèves.</p>
<p>On comprend dès lors l’adhésion des meilleurs élèves à la réforme mais alors pourquoi les moins bons ne sont-ils pas entrés en résistance ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222431/original/file-20180608-191951-1h77nep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran du site Parcoursup.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=tutosvideo">Ministère d l’Éducation nationale</a></span>
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<h2>Parcoursup ou l’impression d’une prise en charge personnalisée</h2>
<p>C’est que Parcousup a donné l’impression que les lycéens seraient pris en compte à travers la singularité de leur cas. Chacun de leurs vœux (10 au maximum mais en réalité chaque vœu pouvait être décliné sur des établissements différents donc certains candidats ont totalisé plus de 50 vœux) était examiné et classé avec la garantie du non recours au tirage au sort.</p>
<p>Scolarité, notes du bac de première, lettre de motivation rebaptisée « projet de formation », bulletins scolaires, avis des enseignants (« fiche avenir »), CV, tous ces éléments confortaient les lycéens dans l’idée d’une prise en compte à la fois personnelle et assez globale de leur situation personnelle.</p>
<p>De même l’idée d’un <a href="https://bit.ly/2Lx8DhM">« oui, mais »</a> c’est-à-dire d’un accès à une formation sous réserve du suivi de modules de rattrapage accréditait une prise en charge personnalisée des candidats.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222432/original/file-20180608-191971-108g7df.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sur le site Parcoursup.</span>
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<p>Et c’est sans doute ce sentiment d’un traitement particulier de chacun qui a rendu acceptable cette nouvelle plate-forme. Par-delà les inégalités sociales et la hiérarchisation des élèves, au moins chaque élève n’était plus une boule numérotée dans une machine géante.</p>
<p>Ce sentiment est sans doute discutable là où les candidats étaient nombreux car des destins vont se jouer à des écarts millimétriques mais cela semblera comme une « inégalité juste » pour reprendre l’expression de François Dubet.</p>
<p>« Plutôt les inégalités et la prise en compte de chacun que la loterie » semblent dire les lycéens. Et du coup, le jugement de Parcoursup apparaît comme une reconnaissance personnelle pour ceux qui obtiennent leur vœu ou la possibilité de choisir parmi plusieurs. Comment ne pas être sensible à l’accumulation de réponses positives ? À l’inverse, il <a href="https://bit.ly/2JmmavW">peut apparaître violent</a> pour ceux qui restent en attente.</p>
<h2>Une hiérarchisation sévère</h2>
<p><a href="https://bit.ly/2Hxx1NN">Parcoursup donne à voir</a> la hiérarchie et la position que chacun y occupe. Dans les mêmes établissements (mais dans certains plus que dans d’autres) les lycéens se découvrent « élus » ou « perdants » d’une compétition qui les implique à titre personnel (quoi de plus personnel qu’un choix d’orientation ?).</p>
<p>L’ensemble des éléments qui forgent leur dossier est pris en compte avec des conséquences visibles. Il est possible que cela produise une modification du rapport des élèves à leurs études. Du choix des options aux appréciations sur les bulletins et à leur CV, ils seront peut-être plus nombreux à penser aux conséquences à venir de leurs décisions tout au long de leur scolarité.</p>
<p>Cela ne fera pas disparaître les inégalités sociales dans la maîtrise de l’information sur le système d’enseignement ou dans la capacité à intérioriser la norme du comportement scolaire mais là où les conséquences étaient jusqu’alors euphémisées ou cachées, elles apparaîtront de façon plus directe.</p>
<p>Le désir de reconnaissance individuelle propre à notre société conduit à l’acceptation des inégalités sociales. C’est désormais vrai y compris dans le cadre des études supérieures. C’est un monde sans fard qui naît. C’est aussi un monde qui ne parvient toujours pas à penser la différenciation en dehors de la hiérarchie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Poissenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des explications possibles à la relative atonie des lycéens face à la mise en place de Parcoursup.Claude Poissenot, Enseignant-chercheur à l'IUT Nancy-Charlemagne et au Centre de REcherches sur les Médiations (CREM), Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/953812018-04-24T19:07:50Z2018-04-24T19:07:50ZOù va le mouvement étudiant ?<p>Les semaines se succèdent, la période des partiels est censée avoir commencé, mais le retour à la normale dans un certain nombre d’établissements universitaires français est <a href="https://bit.ly/2FbeWUq">toujours remis au lendemain</a>, et cela au grand dam des présidents d’université, <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/04/19/loi-orientation-pourquoi-nous-refusons-le-blocage-de-nanterre_5287637_3232.html">d’enseignants</a> et d’étudiants aspirant au rétablissement de l’ordre universitaire afin que les examens du second semestre puissent se tenir dans des conditions satisfaisantes.</p>
<p>Cela fait maintenant plus d’un mois que le mouvement des étudiants contre la loi ORE s’est rendu incontournable dans le champ médiatique. Cette réforme est accusée par <a href="https://www.francetvinfo.fr/choix/tribune-une-selection-absurde-plus-de-400-enseignants-chercheurs-denoncent-la-reforme-de-l-acces-a-l-universite_2693044.html">ses détracteurs</a>, sous couvert d’aider à l’orientation des primo-étudiants afin de remédier au supposé faible <a href="https://www.cairn.info/reussite-echec-et-abandon-dans-l-enseignement-supe--9782804168681-p-53.htm">taux de réussite</a> en premier cycle, d’institutionnaliser une « sélection en amont » à l’entrée de l’Université publique. Or, celle-ci doit demeurer, selon eux, un « sanctuaire » dans cette <a href="https://journals.openedition.org/lectures/23700">« société du concours »</a>, c’est-à-dire rester pleinement ouverte à la jeunesse populaire qui est toujours sous-représentée à l’Université par rapport aux enfants de cadres, et cela en dépit du processus de démocratisation engagée <a href="http://books.openedition.org/pur/10275">depuis les années 1960</a>.</p>
<p>Pour bénéficier de cette forte exposition médiatique, il aura fallu que les étudiants protestataires fassent ce qu’ils n’avaient pas réussi à accomplir depuis le mois de novembre 2017 au moment où se tinrent les <a href="https://bit.ly/2HlQB05">premières assemblées générales d’étudiants</a> (AG) : la suspension des enseignements dans un nombre suffisamment important d’universités. Autrement dit, atteindre un seuil critique à partir duquel il n’était plus possible de ne pas prendre au sérieux ce qui était en train de se jouer dans le champ universitaire.</p>
<p>Pourtant, un paradoxe saute aux yeux quand on s’emploie à analyser de façon concrète l’état du mouvement actuel : la multitude d’AG, les « grèves actives » ne se sont pas traduites jusqu’à présent par un mouvement de masse dans l’espace public.</p>
<p>Cette situation problématique pour les opposants à cette réforme n’est pas inédite. Elle peut rappeler, même si les contextes sont différents, la mobilisation de l’automne 2007 lorsque des étudiants, des lycéens et des enseignants-chercheurs décidèrent d’agir ensemble contre la <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2007/11/09/la-loi-sur-l-autonomie-des-universites-un-texte-qui-reforme-la-gouvernance-des-facultes_976753_3224.html">loi cadre LRU</a>. Celle-ci était une promesse du candidat Nicolas Sarkozy et visait à imposer un nouveau paradigme à l’Université française, celui de l’autonomie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215960/original/file-20180423-133859-7mfh6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Début novembre 2007, les étudiants de Tolbiac, Université Paris I, s’opposent à la fermeture administrative de la fac.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/10699036@N08/1999682524/in/photolist-BfXfP-43GTX7-9Gqgaj-bZgHJy-43GTWU-5TS6N4-5TWsHy">Frédérique Panassac/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Une montée impétueuse de la contestation étudiante ?</h2>
<p>En dehors de Toulouse-Jean Jaurès où la « grève avec blocage » avait été votée dès la fin janvier pour protester à la fois contre ladite « sélection » et le <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/toulouse-nouveau-patron-universite-jean-jaures-dit-non-fusion-1445045.html">projet de fusion avec deux autres établissements</a>, l’Université de Poitiers bloquée le 27 février, et l’Université Rennes 2 bloquée ponctuellement lors des journées de manifestation (1<sup>er</sup>, 6, 15 février), les étudiants contestataires demeuraient relativement inaudibles, sinon invisibles. Malgré les efforts entêtés des équipes militantes issues des gauches politiques et syndicales (NPA, France insoumise, UNEF, Jeunes communistes, Alternative libertaire, Solidaires étudiant·e·s, Lutte ouvrière), la contestation étudiante ne paraissait pas vouloir sortir de son lit.</p>
<p>Pour ce faire, il aura fallu que survienne un événement fortuit le soir même de la journée d’action réussie des fonctionnaires, le 22 mars 2018 : les violences physiques perpétrées dans la faculté de droit et de sciences politiques de Montpellier à l’endroit d’étudiants protestataires par des <a href="https://bit.ly/2Hm3F9Z">militants nationalistes</a> ayant pour objectif revendiqué de suppléer la « carence des pouvoirs publics démissionnaires ». Très médiatisées, ces violences commises avec la bénédiction du doyen atteignirent la « dignité étudiante ». Elles suscitèrent en réaction une vive émotion chez de nombreux étudiants, mais aussi enseignants, qui se rendirent disponibles pour se mobiliser contre la loi ORE.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QsrNlutqTos?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Attaque de l’extrême-droite à la fac de Montpellier : témoignage et vidéos d’étudiants.</span></figcaption>
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<p>Il s’agit là du moment tournant dans l’histoire de la mobilisation contre la loi ORE. Un mois plus tard, ce sont une bonne dizaine d’universités qui se trouvent concernées, bien que de façon différenciée, par des « grèves avec blocage », c’est-à-dire par la suspension des enseignements par les étudiants eux-mêmes et l’appropriation politique des locaux. Cette dernière est susceptible de permettre le développement de nouvelles sociabilités, de <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2018/04/24/avec-les-cours-et-ateliers-alternatifs-je-passe-plus-de-temps-a-la-fac-qu-avant_5289742_4401467.html">nouveaux rapports entre enseignants et enseignés</a>, comme on l’avait déjà vu à une grande échelle en 2009 à la faveur du mouvement des étudiants et des universitaires baptisé <a href="http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2085">« Printemps des chaises »</a>.</p>
<p>Ces grèves, remettant en cause le cours normal de la vie universitaire, sont <a href="http://rogueesr.fr/nous/">soutenues pratiquement et publiquement par de nombreux enseignants</a>, mais aussi par des membres du personnel administratif, refusant de consentir à une réforme appréhendée comme une nouvelle étape dans le processus de <a href="https://bit.ly/2GMxQWz">« destruction de l’Université française »</a>. Le recours à la force publique contre les foyers de contestation fait, quand à lui, l’objet de multiples <a href="https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/180418/les-etudiant-e-s-ont-raison-de-se-revolter-contre-l-ordre-de-la-selection-et-de-la-rep">condamnations</a>.</p>
<p>Si le déploiement de la grève à l’échelle du pays n’est pas comparable avec ce qui était advenu lors de mouvements étudiants antérieurs (1986, 2006, 2007, 2009), cette extension inattendue, survenant alors que la loi ORE promulguée risquait d’apparaître comme un fait acquis, démontre que, loin de se réduire à « quelques professionnels du désordre », la mobilisation a connu une tendance à la hausse, changeant ainsi de dimension au cours des dernières semaines.</p>
<p>Ainsi, par rapport au <a href="https://www.contretemps.eu/anatomie-dune-periode-dexception-politique/">mouvement contre la loi travail au printemps 2016</a>, est-on parvenu à un niveau d’insubordination bien plus élevé. Alors que les AG en 2016 ne dépassèrent que rarement les 200 personnes, un certain nombre d’entre elles réussissent cette année à atteindre des niveaux d’affluence qu’on n’avait plus connus depuis la mobilisation contre la réforme des retraites à l’automne 2010, et parfois depuis plus d’une décennie. C’est-à-dire depuis 2006 lors de la mobilisation historique des jeunesses scolarisées contre le Contrat Premier Embauche (CPE) et la Loi « Égalité des chances ».</p>
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<figcaption><span class="caption">AG Rennes 2 mardi 10 avril 2018.</span></figcaption>
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<p>Ce fut le cas notamment à Rennes 2, université populaire dépositaire d’une longue tradition revendicative, où près de 4 500 personnes se rassemblèrent, le lundi 16 avril, pour décider à une large majorité de la reconduction de la « grève avec blocage » jusqu’au 30 avril.</p>
<h2>Où sont « les masses contestataires » ?</h2>
<p>Depuis le début de la mobilisation, et c’est ce qui constitue un paradoxe remarquable, les rues des villes universitaires sont demeurées, sinon désertes, en tout cas vierges de toutes manifestations de masse comparables à celles survenues lors des mouvements étudiants victorieux que ce soit en <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2017-2-page-115.htm">1986 (Devaquet)</a>, <a href="http://www.germe-inform.fr/?p=1785">1994 (CIP)</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VEzcPkWQgkw">2006 (CPE)</a>.</p>
<p>Au mois de février, de mars, mais aussi d’avril, en dépit des AG plus ou moins massives selon les universités et de la multiplication des blocages de sites, le nombre de manifestants n’a eu de cesse de se caractériser par sa petitesse.</p>
<p>Le mardi 10 avril, dernière journée nationale de mobilisation contre la loi ORE, ils n’étaient que 1 500 à manifester à Paris, 1 200 à Nantes, 150 à Nice, 300 à Lille, c’est-à-dire qu’ils étaient encore moins à défiler par rapport à ce qui se donnait à voir au mois de février (13 000 manifestants dans toute la France le 6 février, à peine davantage le 15 février). Aucun grand bon en avant n’aura donc été constaté au cours des deux derniers mois, aucune démonstration de force.</p>
<p>Facteur aggravant de cette faible mobilisation des opposants, les lycéens ne se sont toujours pas mis en mouvement, contrairement à 1986 et à 2006 où leur implication irrésistible aux côtés des étudiants contestataires avait été ô combien décisive pour rendre la situation politiquement intenable pour les décideurs politiques qui finirent par négocier les conditions de leur défaite.</p>
<p>Les 2,2 millions de lycéens, toutes filières confondues, sont pourtant les premiers concernés par cette loi modifiant les conditions d’accès aux filières universitaires généralistes dont le code de l’éducation consacrait, avant sa modification au mois de mars de cette année, le caractère « libre », c’est-à-dire le fait qu’elles puissent être intégrées sans autre prérequis, sans autre attendu que l’obtention d’un des trois baccalauréats.</p>
<p>Ainsi, loin d’être montés en première ligne, les futurs bacheliers se tiennent-ils toujours à l’écart de la contestation, malgré quelques frémissements relevés ici ou là, comme à Tours. Il n’en demeure pas moins que la mobilisation <a href="https://bit.ly/2qR7GJ1">relativement importante des lycéens tourangeaux</a> (2 000 à 3 000 les 14 et 20 avril) fait pour le moment davantage office d’exception que de règle à l’échelle du territoire national.</p>
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<figcaption><span class="caption">Tours : quatre lycées bloqués le 13 avril 2018.</span></figcaption>
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<h2>Le précédent de l’automne 2007 : la mobilisation anti-LRU</h2>
<p>Avec les <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/sondage-59-des-francais-favorables-a-l-intervention-des-forces-de-l-ordre-dans-les">interventions policières</a> pour évacuer des sites universitaires bloqués (Paris 1-Tolbiac, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Montpellier 3, Lyon 2), le <a href="http://www.cpu.fr/actualite/universites-la-loi-permet-dorganiser-un-accompagnement-vers-la-reussite-pour-lensemble-des-etudiants/">soutien accordé à cette réforme par la quasi-totalité des présidents d’université</a>, en dehors de <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/parcoursup-six-presidents-universite-demandent-ouverture-negociations.html">six d’entre eux</a> qui ont décidé de rompre à leur tour le consensus autour de cette réforme, et la mobilisation concomitante des cheminots, la situation présente tend à rappeler celle de l’automne 2007.</p>
<p>À cette époque, alors que les cheminots et les salariés de la RATP s’étaient engagés dans une grève unitaire contre la <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2007/10/15/la-greve-du-jeudi-18-octobre-devrait-etre-tres-largement-suivie-a-la-sncf_967033_3234.html">réforme des régimes spéciaux de retraite</a> porté par le Ministre du travail Xavier Bertrand, et que des centaines de milliers de fonctionnaires manifestaient le 20 novembre 2007 pour la défense de l’emploi public, des milliers d’étudiants et lycéens se mobilisèrent contre la LRU promulguée dès le 10 août 2007, le Président Nicolas Sarkozy en ayant fait une de ses priorités.</p>
<p>Pendant les mois d’octobre et de novembre 2007, une quarantaine d’universités furent concernées non seulement par des AG massives, mais également par des « grèves actives ». De plus, comme on a pu le voir dans plusieurs universités ces dernières semaines (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=GPX9lB-BW5g">Toulouse-Jean Jaurès</a>, Paris 1-Tolbiac, Paris 8), des étudiants et des enseignants contestataires travaillèrent aux jointures avec des cheminots en grève. L’objectif était de permettre à ceux qui ne se fréquentent pas habituellement de ne pas demeurer dans leurs espaces séparés, mais de créer des liaisons sur le modèle des <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2009-1-page-163.htm">« rencontres improbables »</a> de <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/la-grande-table-2eme-partie-vendredi-5-janvier-2018">mai-juin 1968</a>.</p>
<p>Par ailleurs, à l’instar de la loi ORE, la LRU fut soutenue par la Conférence des Président d’Université dont le président, <a href="http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/jean-pierre-finance-president-de-la-cpu-la-lru-est-une-veritable-loi-de-decentralisation.html">Jean‑Pierre Finance</a>, considérait qu’elle constituait « une véritable loi de décentralisation avec le transfert aux universités de différentes responsabilités jusqu’ici exercées par l’État ». Enfin, on assista à pas moins de vingt interventions policières pour mettre fin aux occupations de locaux et rétablir la normalité universitaire partout où cela était jugé nécessaire.</p>
<p>En dépit de ces mouvements de grève largement médiatisés, jamais les étudiants et les lycéens n’en vinrent en 2007 à exprimer en masse dans l’espace public leur opposition à cette réforme. Pour ne prendre qu’un exemple : la plus grosse manifestation à Rennes, une des villes les plus mobilisées, ne rassembla que 2 500 étudiants et lycéens le 8 novembre 2007. On était loin des <a href="http://rennes-info.org/Rennes-Photos-de-la-manifestation,459">10 000 étudiants et lycéens ayant défilé le 7 février 2006 contre le CPE</a>, c’est-à-dire dès la première journée nationale de mobilisation qui rassembla 300 000 jeunes gens partout en France.</p>
<p>Ce même jour, d’autres manifestations toutes aussi confidentielles eurent lieu respectivement à Paris (un millier de personnes), Lille (2 000), Toulouse (1 000), Perpignan (1 000), Aix-en-Provence (300-400), Caen (600). Cette distorsion entre le nombre de facultés dont le bon fonctionnement fut perturbé et le nombre de manifestants ne fut jamais dépassé, et les milliers d’opposants échouèrent en définitive à contraindre le <a href="https://www.cairn.info/histoire-des-droites-en-france--9782262070748.htm">gouvernement de droite néolibéral</a> à abroger la loi LRU qui demeure paradigmatique une décennie plus tard.</p>
<h2>Et maintenant, que peut-il se passer ?</h2>
<p>Concernant la mobilisation en cours, on pourrait taire cette absence envahissante des « masses contestataires » extra-muros au lieu de mettre le problème sur le tapis. Pourtant, si « la petitesse n’est jamais la preuve de l’inanité d’une cause », comme le postulait le théoricien <a href="http://danielbensaid.org/">Daniel Bensaid</a>, cette réalité empirique, à savoir le non élargissement de la base contestataire se donnant à voir dans l’espace public, rend pour le moment chimérique l’espoir de voir abroger la loi ORE, alors que le Président de la République Emmanuel Macron a réaffirmé <a href="https://bit.ly/2F97wBe">qu’il entendait ne rien céder</a>.</p>
<p>Il faudra en passer par <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2006-1-page-19.htm">des manifestations massives de rue</a>, car elles demeurent la condition nécessaire, sinon suffisante, pour espérer à un moment donné entraver les desseins d’un gouvernement déterminé. <a href="https://bit.ly/2rRboWe">Aucun mouvement des jeunesses scolarisées</a> n’a jamais réussi à triompher d’un pouvoir d’Etat sans être parvenu à faire descendre dans la sphère partagée des centaines de milliers de jeunes gens.</p>
<p>Dans ces conditions, le mois de mai sera décisif : alors que les étudiants mobilisés vont se retrouver confrontés à la tenue des partiels et à la contrainte de leur propre calendrier de vie (travail d’été, fin de location de leur appartement), les lycéens vont-ils passer de l’attentisme à l’agir ensemble contre la loi ORE ? Autrement dit, va-t-on assister <a href="https://bit.ly/2HSmHBF">à une déferlante lycéenne dans les prochaines semaines</a>, c’est-à-dire en plein mois de mai, ce qui constituerait une première depuis 1968 ?</p>
<p>Pour ce faire, l’Union nationale lycéenne-Syndicale et Démocratique appelle, à partir du 30 avril, à « une <a href="http://unl-sd.fr/semaine-revolte-lyceenne-2">semaine de la Révolte lycéenne »</a>, malgré un calendrier serré qui, avec le temps accordé aux révisions, risque de brider l’action collective des 650 000 lycéens de terminale soucieux de décrocher leur baccalauréat. Qu’en sera-t-il des centaines de milliers d’élèves de seconde et de première, soumis à un sentiment d’urgence moins fort ? Faudra-t-il <em>a contrario</em> attendre la prochaine rentrée scolaire, à partir de septembre 2018, pour assister, peut-être, à une crise du consentement de la part des lycéens, une fois qu’il aura été possible de dresser un bilan critique de la première session de Parcoursup ? En ce sens, la loi ORE s’avérera-t-elle être une bombe à retardement pour le pouvoir ?</p>
<p>En 1986, l’irruption lycéenne, joyeuse et déterminée, était intervenue à partir du lundi 24 novembre, alors qu’il ne s’était pour ainsi dire rien passé dans les lycées jusque là, et que le <a href="https://bit.ly/2rSMsNT">projet de réforme Devaquet</a> avait été adopté par les sénateurs à la fin du mois d’octobre sans coup férir. Le gouvernement dirigé par Jacques Chirac pensait-il sans doute à ce moment précis que la réforme était déjà un fait acquis, avant même son adoption par l’Assemblée nationale ?</p>
<p>Or, il n’aura pas fallu attendre dix jours pour que 800 000 lycéens et étudiants descendent dans les rues à Paris et en province. Nous étions le jeudi 4 décembre 1986. Il s’agissait là de la plus massive mobilisation des jeunesses scolarisées de toute l’histoire sociale contemporaine, supérieure aux manifestations exceptionnelles de <a href="https://bit.ly/2HIduhC">mars et d’avril 1973 contre la loi Debré</a> supprimant les sursis militaires pour les étudiants.</p>
<p>L’évocation de ce mouvement étudiant et lycéen permet de rappeler que les chemins de l’histoire ne sont jamais balisés, que des bifurcations demeurent possibles, en dépit du champ des contraintes et des pesanteurs du temps présent, et qu’un événement fortuit, susceptible d’engendrer en réaction une vive émotion et <em>a fortiori</em> une « levée en masse », peut toujours advenir. Aussi, il nous faut rester prudent quant à l’évolution à court et à moyen terme du mouvement anti-loi ORE, tout en gardant à l’esprit que « nous reconnaissons notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre <a href="https://bit.ly/2K7zKQo">pour apparaître brusquement</a> ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95381/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Melchior ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réflexions sur les suites possibles de la contestation étudiante contre la loi ORE.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/952002018-04-19T21:06:50Z2018-04-19T21:06:50ZSélection à l’université : sortir de l’hypocrisie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215360/original/file-20180418-163971-19tsmu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C34%2C3864%2C2240&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ouverte à tous ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/franckmichel/3937869711/in/photolist-6ZYBtn-hFnxPS-79Qavz-YTYnA3-98yWBV-4p9Fot-LFgkG-98z43a-LFgkj-7PLVTF-asRYzG-eGu51q-mwk6Kp-hFnYtk-39Srtn-Bhq3aR-bHbecn-6vZJCH-buhFcL-dvszJq-4behXm-9xbPFe-ek7EX7-dB7tY8-ntuASw-bkA5zQ-ntmJ94-dCbkEQ-9vfsxG-bui8Z3-7VYYzF-bHegfM-buhu2d-buhcvE-bHbmLe-9vcswp-bugFfE-bHeeyD-9vcrRn-pK3BBB-6WjYrm-bujxxd-eeAVv9-buinxW-BS5HBW-bHdesH-buhQ15-bHbHjB-dmEEAe-24etk8y">Franck Michel/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le refus de <a href="https://bit.ly/2vqf82A">toute sélection</a> est au cœur du mouvement de contestation de la loi ORE (loi Vidal), qui a conduit au « blocage » de plusieurs universités. Pour les <a href="https://bit.ly/2qIgHDo">étudiants « bloqueurs »</a>, la cause est entendue : la <a href="https://bit.ly/2H7niOL">sélection à l’entrée de l’université</a> est, par nature, antidémocratique.</p>
<p>Cette façon de voir les choses résiste-t-elle à un examen dépassionné et non-partisan de ce qui fait problème en la matière ? Elle souffre, selon nous, d’une triple faiblesse : diaboliser une pratique qui ne mérite pas cette indignité ; abandonner au mal que l’on prétend combattre une bonne moitié des étudiants ; reposer sur une conception inadéquate, car incomplète, du droit à l’éducation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215357/original/file-20180418-164001-1qjutdf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Site Facebook NonSelectionLorraine.</span>
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<h2>Vade retro, Satana : une diabolisation contradictoire</h2>
<p><a href="https://lemde.fr/2H8YiXt">La sélection</a> tiendrait-elle de la peste, ou du cancer ? Est-elle, pire encore, de l’ordre du Mal ? On pourrait le penser, à voir la façon dont elle est condamnée a priori, comme si l’on était effrayé par la seule évocation de son nom.</p>
<p>On lui confère alors un statut semblable à celui de la peste, ce mal que, selon La Fontaine, l’on se résout difficilement à « appeler par son nom » : « Un mal qui répand la terreur,/Mal que le ciel en sa fureur/Inventa pour punir les crimes de la terre ». Ou encore à celui du cancer : « Ce mal mystérieux dont on cache le nom », comme l’a chanté Brassens.</p>
<p>Il faut observer que la peur a gagné aussi le camp de ceux qui estiment raisonnable de faire une (petite) place à la sélection dans l’accès à l’université. Car, comme le dirait encore Brassens, si la chose ne les gêne pas, le mot doit leur répugner, puisqu’ils se feraient tuer sur place plutôt que de reconnaître que l’orientation « active » ou « personnalisée », et a fortiori « prescriptive » (<a href="https://lemde.fr/2wV20l0">Beaud et coll., <em>Le Monde</em> 2017</a>) va bien de pair, sauf à faire le postulat d’une harmonie préétablie, avec une sélection intervenant à des moments « charnières » du cursus.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215356/original/file-20180418-163995-gh1bfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://paris-luttes.info/reunion-d-information-debat-le-25-9415">Paris luttes Info</a></span>
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<p>C’est alors le terme de « filtrage », ou de tri, qui peut faire peur. Les « insoumis » dénoncent un « tri sélectif ». On trie des ordures ménagères. Mais des migrants ? Ou des étudiants ? Peut-on les traiter comme des choses ? Il faut regarder la réalité en face : il y a dans toute évaluation certificative une prise de décision.</p>
<p>On valide, ou non, une année, un cycle de travail. On accorde, ou non, un diplôme. On sépare ainsi le public des candidats en deux catégories, en discriminant (distinguant), les reçus, et les « collés ». Quand le fait d’être reçu confère un droit à bénéficier d’un parcours ou d’une formation définis, cela s’appelle « sélection ».</p>
<p>De ce point de vue, comme le faisait observer un précédent secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, la sélection « existe déjà : c’est le bac ». « Pas besoin d’en rajouter », ajoutait-il ! La diabolisation de toute sélection supplémentaire repose donc en fait sur la reconnaissance et l’acceptation de la fonction sélective du bac. La diabolisation de celle-là va de pair avec la sanctification de celle-ci. De quoi perdre son latin…</p>
<h2>Cachez cette sélection que je ne saurais voir là-haut, pour que je puisse mieux l’interdire ici…</h2>
<p>Ce que refusent les étudiants « bloqueurs », c’est donc toute sélection qui viendrait s’ajouter à la sélection initiale opérée par le bac. On fait alors comme si cette sélection initiale était judicieuse et pertinente, en faisant l’économie d’un examen critique de cette pertinence. On accorde sans discussion que « le » bac (tout bac, quel qu’il soit), sélectionne de façon judicieuse les étudiants dignes de poursuivre des études supérieures, quelles qu’elles soient.</p>
<p>On accepte alors une double fiction. Celle de l’existence d’« un » bac, alors qu’à l’évidence il y a une pluralité de bacs différents, qui, ne sanctionnant pas les mêmes compétences, ne préparent pas de façon égale à l’ensemble des futurs parcours ultérieurs possibles. Et celle du lycéen devenu prêt (préparé) à tout grâce à son bac, alors que le simple bon sens devrait faire reconnaître qu’une « orientation sélective » s’est déjà exercée tout au long des études, au collège, puis surtout au lycée, où l’on a suivi des « formations » spécifiques depuis la classe de seconde !</p>
<p>Et surtout, comment ne pas voir que le refus de toute « sélection » qui aurait simplement pour fonction de prendre en compte les caractéristiques des parcours individuels, et de leurs effets en termes de construction différenciée de compétences, s’accompagne d’une cécité, signifiant acceptation, pour la sélection qui opère massivement dans une bonne moitié du système d’enseignement supérieur ?</p>
<p>Comment être aveugle au fait que le système d’enseignement supérieur est à deux vitesses.</p>
<p>D’un côté, des universités ouvertes à tous, où l’on refuse par principe toute sélection, qui permettrait de tenir compte de la réalité des compétences construites, lesquelles peuvent correspondre (ou non) à des prérequis exigés pour la réussite dans tel ou tel parcours.</p>
<p>De l’autre, des grandes écoles, des écoles de commerce, des facultés de médecine, voire des IUT ou des classes de BTS, dans un espace ultrasélectif où, pour l’essentiel, s’opère la reproduction des élites.</p>
<p>Système totalement déséquilibré, où le refus de la sélection, d’un côté, est comme le gage de l’acceptation de l’hypersélection reproductrice, de l’autre. Quand on pense que certains prétendent travailler ainsi à la démocratisation de l’enseignement, n’y a-t-il pas de quoi pleurer ?</p>
<h2>Mais qui a vraiment droit à quoi ?</h2>
<p>Les adversaires de la sélection (qui veulent l’interdire à l’université, mais pas dans les sites de reproduction des élites !) font valoir le droit de tout français bachelier à des études longues. N’ont-ils pas raison ? Au nom de quoi interdire à certains de s’engager dans de telles études ?</p>
<p>Mais tout bachelier a-t-il le droit de s’engager dans des études de son choix, quand bien même son parcours précèdent donnerait toutes les raisons de craindre un échec éminemment prévisible ? Après tout, pourquoi pas.</p>
<p>Comme le disait Descartes, dans une lettre à Mersenne du 27 mai 1641</p>
<blockquote>
<p>« il nous est toujours libre de nous empêcher de poursuivre un bien qui nous est clairement connu, ou d’admettre une vérité évidente, pourvu seulement que nous pensions que c’est un bien de témoigner par là la liberté de notre franc arbitre. »</p>
</blockquote>
<p>Toutefois, et déférence gardée envers Descartes, nous pensons que ce que l’on est en droit d’exiger de l’État républicain en matière d’études correspond non pas à un seul, mais à deux droits :</p>
<ul>
<li><p><strong>Droit à l’éducation :</strong> c’est le droit de bénéficier, du moins jusqu’à la fin de la période de scolarité obligatoire, de pratiques, en particulier d’enseignement, qui permettent de développer les potentialités offertes par les « universaux anthropologiques », propres à tous les êtres humains : pouvoirs d’apprendre, de comprendre, d’agir, de parler, de grandir dans une communauté, d’adopter des conventions sociales, etc. (<a href="https://bit.ly/2qHZgTH">Hadji, 1992, p. 77</a>)</p></li>
<li><p><strong>Droit à la formation :</strong> c’est le droit de construire un bagage minimal de connaissances et de compétences pouvant donner accès au monde du travail. C’est le droit d’acquérir une ou des qualifications, nécessaires à l’exercice d’un métier.</p></li>
</ul>
<p>Plutôt que de militer pour le droit qu’aurait n’importe quel bachelier à entrer n’importe où dans n’importe quel cursus universitaire sans que l’on tienne compte de ses acquis antérieurs, ne serait-il pas beaucoup plus utile et intelligent d’exiger le respect du droit à la formation, que des études techniques, ou suivant la voie de l’apprentissage, ou de l’alternance, peuvent aussi bien, sinon mieux, satisfaire ? Ne faudrait-il pas aussi dépasser le paradoxe de l’existence de filières sélectives d’enseignement supérieur court (IUT, BTS), venant concurrencer des filières longues, et totalement non sélectives ?</p>
<p>N’est-ce pas dans <strong>le combat pour la qualification</strong>, plutôt que dans celui pour le blocage et la paralysie des institutions d’enseignement universitaire, que chacun pourra exprimer le mieux son courage et sa lucidité ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95200/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>N’est-ce pas dans le combat pour la qualification, plutôt que dans celui pour le blocage des universités, que chacun pourra exprimer le mieux son courage et sa lucidité ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/944482018-04-05T20:23:15Z2018-04-05T20:23:15ZRéforme universitaire : les nostalgiques du tirage au sort et les défis de la loi ORE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213272/original/file-20180404-189801-n83vf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C17%2C3969%2C2634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Revaloriser les parcours universitaires (ici la Sorbonne).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/saneboy/4350578491/in/photolist-7CrRpZ-98C5xm-Uq5B1p-dbWAe7-Tk6Qs3-dbWzsy-6N7Cp6-rmdhWN-98CCH7-hFnxMY-nFoewh-pcHswQ-bmvWPu-98CCoE-nvcW85-dmECtP-98zdGt-98C85E-98yRza-Bhq3aR-rsc2xM-pDEuJi-TNpzhG-hFmK2V-98Cia5-227a6T7-BkSv34-YTYnA3-ntuASw-98yPye-qWa5nu-hFmKdX-98zJz6-5YrX33-6REWeU-dmEEAe-6ZYBtn-asANXU-hFnxPS-c6DERj-bHe3iB-b5M8bn-bHdkYr-5YLD5S-cs3Qo9-bHeP6D-buiJJu-39SdX2-98zwzK-buicaf">Valentin Ottone/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La loi « Orientation et réussite des étudiants » (ORE), promulguée le 8 mars dernier, semble susciter davantage de réactions hostiles maintenant qu’elle est devenue une loi de la République que pendant les sept ou huit mois qui ont précédé son adoption par le Parlement.</p>
<h2>Des résistances malgré la concertation et la promulgation</h2>
<p>Des universités et des facultés sont bloquées ici ou là par un nombre croissant d’étudiants qui ne sont pourtant pas concernés par cette loi. Des motions de plus en plus nombreuses sont votées par des départements et des conseils académiques qui semblent considérer que leur légitimité est supérieure à celle des lois de la République.</p>
<p>Des universitaires invitent explicitement à boycotter la mise en œuvre des « dispositifs d’accompagnement pédagogique et des parcours de formation personnalisés » (article L. 612-3 du code de l’éducation), ou ils exigent de ne pas être associés aux « délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription » (article L. 612-3 du code de l’éducation). Ils oublient ainsi, ou font mine de le faire, que l’article 3 du décret statutaire les concernant (n° 84-431 du 6 juin 1984), dispose que les « enseignants-chercheurs […] assurent la direction, le conseil, le tutorat et l’orientation des étudiants ».</p>
<p>Pourtant, ni les syndicats, ni les associations des étudiants, ni l’immense majorité de la communauté universitaire n’ignorent les raisons qui ont poussé la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation à essayer d’apporter une réponse législative au scandale de l’échec en première année d’université, à la procédure honteuse du tirage au sort et à la dévalorisation progressive de la licence.</p>
<p>Pendant les mois de septembre et octobre, une concertation nationale à laquelle ont été associées toutes les organisations représentatives a permis aux communautés concernées par la réforme de s’exprimer. Cette concertation a influencé de manière considérable l’élaboration du texte législatif, bien plus timide dans sa formulation et dans ses objectifs que le projet de loi initial.</p>
<h2>Trente ans d’échecs</h2>
<p>Mieux orienter les bacheliers, qui échouent à plus de 60 % actuellement, surtout en raison d’un choix pour lequel ils ne bénéficient d’aucun éclairage, serait devenu une erreur et même une faute selon tous ceux pour qui le statu quo possède systématiquement, et paresseusement, toutes les vertus.</p>
<p>Or la loi ORE est loin d’être révolutionnaire. Elle ne va pas assez loin sur un certain nombre de points : l’introduction d’une véritable période propédeutique, le nombre, insuffisant, de places créées dans les filières supérieures courtes à l’intention des bacheliers professionnels et technologiques, la faiblesse des moyens alloués aux universités pour mettre en place des « parcours de formation personnalisés », les modalités de validation de ces mêmes parcours.</p>
<p>Quant à la plate-forme ParcourSup, dont la plupart de ceux qui la critiquent ne connaissent sans doute pas bien les fonctionnalités de l’algorithme, elle ne pourra pas résoudre en quelques mois les problèmes dus à la complexité institutionnelle de l’enseignement supérieur français, qui propose un nombre incalculable de choix sélectifs et non, à l’inadéquation didactique du lycée actuel ainsi qu’à la contrainte du diplôme de baccalauréat délivré à 80 % d’une classe d’âge.</p>
<h2>Une loi prudente</h2>
<p>Cette loi prudente arrive après trente ans de retards coupables, qui n’ont fait qu’aggraver la condition de notre système universitaire. Confrontée à une concurrence déloyale, qui pousse vers le système sélectif les meilleurs bacheliers (plus de 90 % des bacheliers avec une mention très bien ne choisissent pas l’université), l’université française a été transformée progressivement en un deuxième choix, et pour un certain nombre de disciplines en filière de remédiation du secondaire.</p>
<p>Qui peut s’accommoder d’un tel gâchis ? Qui peut être nostalgique de la plate-forme Admission post-bac et du tirage au sort ? Qui peut se plaindre du fait que l’on veut aider dans leur orientation les bacheliers les plus fragiles, qui n’ont souvent ni les connaissances requises pour accéder aux études supérieures, ni même, du moins pour ce 40 % d’entre eux qui abandonne au bout de quelques mois, la volonté de poursuivre leur formation ?</p>
<p>Le Conseil d’État et la Cour Constitutionnelle ont balayé les exceptions juridiques de tous ceux qui voulaient lire dans cette loi une remise en cause du droit au libre accès à l’enseignement supérieur. Par-delà les questions juridiques, au nom de quel principe pédagogique ou démocratique peut-on affirmer que des bacheliers mal formés, qui n’ont pas la moindre idée de ce qui les attend à l’université et de ce que l’université attend d’eux, et qui sont pour leur grande majorité condamnés à l’échec, seraient-ils lésés dans leurs droits parce que des équipes pédagogiques leur conseilleraient soit de s’orienter vers d’autres filières, soit d’acquérir les connaissances leur permettant de poursuivre leurs études ?</p>
<p>La législation en vigueur avant la loi ORE ne préservait que la lettre de leur droit : l’inscription libre à l’université, qui n’était autre qu’une concession démagogique et une condamnation à l’échec. Ce droit était un leurre, que seuls une ou deux associations d’étudiants qui en ont fait leur raison sociale et quelques syndicats pour lesquels le service public semble se résumer à une virtualité défendaient et défendent encore.</p>
<h2>Orienter les étudiants, un devoir pour les universités</h2>
<p>Un étudiant universitaire coûte environ 11 000 euros par an à l’État français. C’est très peu, en comparaison de ce que ce même État accorde à un étudiant des classes préparatoires (16 500 euros) et c’est en effet légèrement inférieur à la moyenne de ce que les pays de l’OCDE, qui n’ont cependant ni un système sélectif parallèle ni les organismes de recherche, dépensent pour leurs étudiants. Là est le scandale. Il faut tout faire pour améliorer cette situation et convaincre la Nation d’augmenter et mieux redistribuer les moyens alloués à l’enseignement supérieur. Ces 11 000 euros sont insuffisants, mais pourquoi l’État ne devrait-il pas avoir le droit de tout faire pour qu’ils soient dépensés au mieux.</p>
<p>Orienter les étudiants, qu’ils aient ou non les « attendus » prévus par la loi, est à bien regarder non pas un droit mais un devoir pour l’université. C’est aussi un droit désormais pour les bacheliers, qui peuvent réclamer des universités qu’elles mettent réellement en œuvre les différents dispositifs prévus par la loi ORE. Le débat sur la prétendue sélection a fait oublier celui sur la véritable réussite, qui ne peut être le résultat d’une simple inscription. Autrement, il faudrait inscrire parmi les droits fondamentaux le droit à la licence.</p>
<p>Par ailleurs, un certain nombre d’universitaires qui ne considèrent pas que le baccalauréat est accordé avec une largesse coupable, qui ne s’émeuvent pas des difficultés que peut comporter l’épreuve de philosophie, qui estiment, à juste titre, que les lycéens ont la maturité pour défiler contre une loi ou occuper un lycée, pensent que la rédaction d’une lettre de motivation de quelques lignes constitue une épreuve discriminante, qui pénaliserait les étudiants issus des classés défavorisées.</p>
<p>Une telle position paraît entachée d’une contradiction : comment concilier en effet la conviction que les bacheliers réussissent uniquement grâce à leur mérite les épreuves du baccalauréat avec la certitude qu’ils seraient incapables de rédiger quelques lignes pour expliquer les raisons qui motivent leur choix de s’inscrire dans telle ou telle filière universitaire ? S’agit-il d’un mépris de classe ou d’une mauvaise foi idéologique ?</p>
<h2>Sortir de la sélection par l’échec</h2>
<p>Les universitaires sont dans leur très grande majorité des pédagogues capables de distinguer la motivation de la rhétorique, une intention sincère de la maîtrise de formules rédigées par d’autres. La lettre de motivation n’aura aucun impact négatif sur l’avis émis par les équipes pédagogiques ; elle pourra peut-être se révéler inutile, mais elle ne constitue pas une humiliation ou pire un handicap dont devraient souffrir des bacheliers qui ne bénéficient pas d’un environnement familial favorisé.</p>
<p>En revanche, beaucoup de bacheliers issus des classes défavorisées sont pénalisés par un système qui repousse sans fin l’évaluation de leurs connaissances et qui leur offre finalement un seul véritable droit : le droit au chômage ou, au mieux, à des métiers qui les condamnent à une sorte de ségrégation sociologique et professionnelle.</p>
<p>Enfin, d’autres universitaires, tout aussi hostiles à la loi ORE, pensent qu’une grande sévérité en première année d’université devrait suffire à « écrémer » et à garantir la qualité du diplôme de licence. La sélection par le manque d’orientation et d’information et la sélection par l’échec seraient donc la solution à offrir à des bacheliers mal formés. Or il serait facile de démontrer que dans la plupart des universités françaises l’application rigoureuse d’une notation sévère en première année comporterait la fermeture de plusieurs filières, notamment dans les sciences humaines et sociales. Certaines disciplines ne seront sauvées, en effet, que si l’université parvient à attirer à nouveau les meilleurs bacheliers. Et pour cela il faut garantir à ces étudiants un diplôme universitaire digne de ce nom. Sans oublier que l’université n’a pas pour seule mission l’insertion professionnelle mais aussi la spécialisation disciplinaire du master et la formation à la recherche par la recherche du doctorat.</p>
<h2>Revaloriser les diplômes et viser la vraie réussite</h2>
<p>La loi ORE ne résoudra certainement pas tous les biais et les torts du système français, qui favorise les insiders et n’offre aux outsiders que des droits quasi virtuels, le premier de ces droits étant une inscription dont la quasi-gratuité n’est là que pour dissimuler et retarder le choc avec le monde du travail.</p>
<p>Cette loi a cependant le mérite de remettre au cœur de l’enseignement supérieur la question de la réussite : non pas de la même réussite pour tous, qui ne peut être qu’un slogan creux, mais de la réussite pour chacun, selon des modalités qui dépendent, certes, de la volonté et de l’engagement de l’étudiant, mais aussi des moyens mis en œuvre pour l’aider à mettre en valeur ses qualités, à en faire un atout professionnel. De cette réussite dépend aussi l’avenir de la Nation.</p>
<p>La loi ORE offre aussi la possibilité à la communauté universitaire de remettre la transmission du savoir au cœur de ses missions. La production des connaissances nouvelles pourrait alors redevenir la première vocation de l’université et le levier de la société de demain. Tout cela dépendra moins de ce que dit la loi que de la manière dont la communauté saura saisir les opportunités qu’elle ouvre à nos universités, notamment en matière de formation continue.</p>
<p>C’est le souhait qu’exprime à ce propos Antoine Compagnon dans le dernier numéro de la revue <em>Le Débat</em> (n° 199, mars–avril 2018, p. 48), et que je fais mien : </p>
<blockquote>
<p>« Espérons que l’on pourra envisager plus sereinement de glisser d’un enseignement supérieur trop polarisé sur la formation initiale à des formations tout au long de la vie, faites d’allers et retours à l’université au fur et à mesure des besoins et des envies. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/94448/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Galderisi est président de Qualité de la science française</span></em></p>Même si la loi ORE contesté actuellement par certains, paraît assez peu révolutionnaire, elle permet de sortir du virtuel et d’aller vers une revalorisation des diplômes universitaires.Claudio Galderisi, Professeur de langues et littératures de la France médiévale, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/942262018-04-02T19:57:25Z2018-04-02T19:57:25ZLes raisons de la mobilisation étudiante contre la réforme ORE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212813/original/file-20180402-189801-1g4juoj.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C25%2C1217%2C716&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation à Lyon le 1er février.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=E2bkwWIsQcc">France 3 Auvergne Rhône Alpes/YouTube</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 mars dernier, ils n’étaient que 500 étudiants, lycéens, personnels enseignants et parents d’élèves à battre le pavé à Paris contre la loi relative à l’Orientation et à la Réussite des Étudiants (<a href="https://bit.ly/2GJzKHA">ORE</a>) qui modifie sensiblement les conditions d’accès aux formations universitaires généralistes (Licences) dans la perspective de la rentrée 2018 et qui peut être perçue comme la revanche post-mortem de l’<a href="https://bit.ly/2rSMsNT">ancien ministre Alain Devaquet</a>.</p>
<p>En dépit de slogans combatifs et d’une marche dynamique bien encadrée par des forces de l’ordre nombreuses, les manifestants ont compris que cette quatrième journée de mobilisation contre la réforme promulguée une semaine auparavant par Emmanuel Macron après la <a href="https://bit.ly/2ImG7h9">validation par le conseil constitutionnel</a>, constituait un nouvel échec. C’est alors qu’une étudiante en vint à escalader la statue de Jeanne-d’Arc située place des Pyramides, avant de singer avec dérision Jean‑Marie Le Pen en s’écriant <a href="https://bit.ly/2Ij074j">« Jeanne, au secours ! »</a>, comme ce dernier l’avait fait le 1<sup>er</sup> mai 2016 en désespoir de cause, huit mois après son éviction du Front national par sa fille Marine Le Pen.</p>
<p>S’il est impossible de savoir si la supplique ironique de cette étudiante a été entendue par la Pucelle d’Orléans, il n’en demeure pas moins que la contestation étudiante a connu, une semaine plus tard, un développement remarqué dans plusieurs universités, alors qu’on ne l’attendait plus, ce qui lui a permis de bénéficier en retour d’un regain d’intérêt de la part des médias de masse.</p>
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<p>Ces derniers s’interrogent désormais sur une extension rapide de la protestation des étudiants à l’échelle du pays, alors que le contexte social demeure ô combien tendu avec le début de la grève prolongée des cheminots, à partir du 2 avril, pour la défense du service public ferroviaire et de leur statut, et l’exaspération de nombreux fonctionnaires.</p>
<p>Mais qu’en est-il réellement ? Un scénario de type 1986, c’est-à-dire une mise en mouvement exceptionnelle des enseignés, étudiants et lycéens, est-elle envisageable à court et à moyen terme ?</p>
<h2>Une réforme modifiant les conditions d’accès à l’université publique</h2>
<p>Le candidat Emmanuel Macron, qui souhaitait voir « franchir une nouvelle étape dans l’autonomisation des établissements universitaires », après les lois-cadres de <a href="https://bit.ly/2Iol7qb">2007 (LRU)</a> et de <a href="https://bit.ly/2uAyce0">2013 (ESR)</a>, a défendu cette réforme universitaire pendant sa campagne présidentielle. Le nouveau gouvernement la justifia en expliquant qu’il était urgent de diminuer le <a href="https://bit.ly/2q0JmmP">taux d’échec jugé insupportable en premier cycle</a>, tout en apportant une solution pour en finir avec le <a href="https://lemde.fr/2sJrdct">très controversé</a> <a href="https://lemde.fr/2r5kjlG">tirage au sort</a> usité depuis plusieurs années pour sélectionner les candidats dès lors qu’on avait affaire à des filières en tension (nombre de candidats supérieur au nombre de places).</p>
<p>Pour ce faire, le gouvernement entendit repenser les règles ordonnant l’admission à l’Université publique afin que « chaque bachelier qui entre dans l’enseignement supérieur puisse en sortir avec un diplôme » comme le déclara la <a href="https://lemde.fr/2zZUa8W">ministre Frédérique Vidal</a> aux côtés du premier ministre.</p>
<p>Les filières généralistes universitaires étaient jusqu’alors demeurées non sélectives, non exclusives, comme l’imposait le code de l’éducation (<a href="https://bit.ly/2IlfKIs">Article L612-3</a>). Ainsi, devaient-elles permettre à tous les néo-bacheliers désireux d’intégrer ces filières dites « libres » de pouvoir y accéder sans autre prérequis que l’obtention d’un des trois baccalauréats, c’est-à-dire sans avis, ni recommandation.</p>
<p>Les départements universitaires n’avaient pas leur mot à dire, n’étaient pas habilités à interroger la cohérence entre les acquis de la formation antérieure des candidats et les caractéristiques des formations auxquelles ils postulaient. Les néo-bacheliers avaient donc toute latitude pour s’inscrire dans la filière de leur choix, dans la limite des places disponibles, sans pouvoir se retrouver entravés de quelque manière que ce soit.</p>
<p>Or, le gouvernement postula que l’échec en première année était d’abord la conséquence d’un défaut d’orientation des lycéens auquel on devait remédier d’urgence. À ses yeux, il n’était pas acceptable que des néo-bacheliers continuent à se fourvoyer dans des filières qui ne seraient pas <em>a priori</em> faites pour eux étant donné qu’ils n’auraient ni les « compétences », ni les « aptitudes » requises pour espérer réussir dans de bonnes conditions, c’est-à-dire obtenir leur licence en trois ans, et ainsi ne pas risquer inutilement l’échec.</p>
<p>Dès lors, pour le gouvernement, fallait-il aider les lycéens à se diriger dans les méandres de l’orientation post-bac en leur présentant honnêtement et rigoureusement le champ des formations possibles ainsi que leur contenu respectif pour balayer les idées reçues, source d’autocensure chez certains.</p>
<p>Mais également subordonner l’orientation des néo-bacheliers en laissant à ces derniers le soin d’enregistrer librement leurs vœux pendant un temps déterminé sur une plate-forme numérique rebaptisée <a href="https://www.parcoursup.fr/">Parcoursup</a>, avant de conférer aux départements universitaires la mission d’évaluer, de classer et de choisir entre les candidatures reçues celles qui conviendraient le mieux en fonction de prérequis, soit une liste de compétences et de connaissances attendues des postulants. Au cas où l’on jugerait que les caractéristiques d’un postulant ne répondraient pas aux attentes prédéfinies, le département concerné pourrait décider de conditionner l’inscription de celui-ci à l’acceptation d’un « dispositif d’accompagnement pédagogique » qui prendrait la forme d’une année de remédiation.</p>
<p>Ainsi, dorénavant, les universités vont-elles exercer un droit de regard sur les demandes d’admission afin de s’assurer de la concordance, de l’adéquation entre les attendus et les profils des jeunes gens aspirants (néo-bacheliers et étudiants en réorientation).</p>
<p>Dès lors, si l’obtention du baccalauréat reste toujours une condition de possibilité pour accéder à ces licences, elle ne sera plus une condition suffisante pour espérer y entrer automatiquement. Les étudiants pourront, certes, toujours demander à vouloir accéder à la filière qui leur correspond le mieux, mais les départements universitaires pourront tout aussi librement déterminer s’ils consentent à les inscrire immédiatement, ou alors subordonner leur inscription à une remise à niveau.</p>
<h2>Une réforme accusée d’imposer la norme de la sélection à l’entrée de l’université</h2>
<p>Le gouvernement a répété depuis juillet 2017, et le début de la période de la concertation avec les représentants de la communauté universitaire, qu’il s’agissait bien d’orientation active et d’accompagnement personnalisé pour aider à la réussite du plus grand nombre à l’Université, mais en aucun cas de « sélection » à proprement parler, et de remise en cause du droit à poursuivre ses études.</p>
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<p>Comme Alain Devaquet en son temps, le gouvernement a récusé ce qui lui apparaissait comme autant de mésinterprétations, et par là même comme autant de mauvais procès faits à sa réforme par ses détracteurs. Aussi, a-t-il pu se réjouir de voir que sa réforme recueillait le soutien officiel non seulement du premier syndicat étudiant, la <a href="https://bit.ly/2H4oYJT">FAGE</a>, mais aussi celui <a href="https://bit.ly/2H5uY59">du SGEN-CFDT</a>, ainsi que de la majorité des membres du CNESER et des présidents d’université.</p>
<p><em>A contrario</em>, d’autres organisations syndicales étudiantes, telles que l’<a href="https://bit.ly/2GHmh3d">UNEF</a>, Solidaires étudiant·e·s, mais aussi de personnels enseignants comme le <a href="https://bit.ly/2GRHwz4">SNESUP-FSU</a> se sont émues, et réclament aujourd’hui encore l’abrogation de la loi ORE dénoncée comme « une vaste entreprise de destruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ».</p>
<p>En effet, si ces organisations entendent lutter tout autant contre l’échec à l’Université, elles refusent que le droit positif contraigne les futurs étudiants à passer par ce qui leur apparaît comme l’institutionnalisation d’une sélection en amont risquant d’aggraver les inégalités entre élèves selon leurs origines sociales, tout en affermissant la mise en concurrence des établissements. Elles entendent défendre le droit et la liberté pour chaque bachelier de s’inscrire dans la filière de son choix, sans être dissuadé, et encore moins empêché par une autorité universitaire sous prétexte de ne pas correspondre au profil recherché.</p>
<h2>Le refus d’un « tri » <em>a priori</em></h2>
<p>Ainsi refusent-elles que les étudiants soient dorénavant triés, et <em>a fortiori</em> potentiellement exclus, sans même avoir eu le droit d’essayer de suivre les formations jugées conformes à leurs envies du moment, quitte à se tromper, et risquer l’échec. Ce qui leur apparaît particulièrement choquant, c’est au fond le <a href="https://lemde.fr/2GuyMj5">caractère prédictif</a> qui sous-tend l’esprit de la réforme.</p>
<p>Celle-ci tendrait, en effet, à réduire considérablement l’éventail des futurs possibles pour bien des jeunes gens en postulant qu’il serait possible d’anticiper les succès et échecs des primo-étudiants à partir des succès et des échecs advenus au cours des années au lycée. On essaierait ainsi de lire l’avenir au travers de la relecture du passé récent, comme si le futur ne pouvait pas être autre chose qu’un long étirement du passé, sans possibilité de bifurcation et de révélation dans le développement individuel de chacun.</p>
<p>De nombreux <a href="https://bit.ly/2Gt0NU8">universitaires</a> se sont exprimés dans la presse pour dénoncer cette réforme consacrant à leurs yeux la remise une cause de l’accès de droit à l’Université, et par là même perçue comme une étape décisive dans le processus de réorganisation néo-libérale du système universitaire engagé depuis le début des années 2000 afin que l’Université française devienne <a href="https://bit.ly/2GMxQWz">davantage concurrentielle et compétitive</a> dans cette « économie du savoir et de la connaissance ».</p>
<p>Pour ces organisations contestataires, la solution réside non pas dans le classement des dossiers et ce qu’ils perçoivent comme une forme de sélection sociale inique, mais dans l’augmentation significative des capacités d’accueil des formations universitaires, et notamment celles actuellement en tension (STAPS, Droit, Psycho). Nécessitant la création d’au moins 7 000 postes d’enseignants titulaires pour améliorer le taux d’encadrement en Licence et la fin du sous-financement des établissements universitaires vu comme une pénurie délibérément organisée par les décideurs politiques pour justifier le cours des réformes, le fait d’agir d’abord sur l’offre de formation permettrait, selon elles, d’apporter une réponse juste et équitable au <a href="https://bit.ly/2zdTal5">« choc démographique »</a> auquel est confrontée l’Université publique depuis 2013, et qui devrait perdurer jusqu’en 2019.</p>
<h2>La mobilisation étudiante s’accélère t-elle vraiment ?</h2>
<p>Alors que les assemblées générales étudiantes (AG) s’étaient caractérisées, depuis le mois de janvier, par la faiblesse du nombre de participants, exceptées à l’Université Paul Valéry de Montpellier et celle de Toulouse qui <a href="https://lemde.fr/2GuA7q7">conteste un projet de fusion</a>, on a pu observer que l’affluence dans les AG avait sensiblement augmenté dans plusieurs universités entre le 22 et 29 mars : 1 000 étudiants à Paris 1, 3 000 Toulouse, 1 000 à Nancy, 3 000 à Montpellier, 700 à Nantes.</p>
<p>On atteint ainsi des niveaux qu’on n’avait pas connus lors de la mobilisation du printemps 2016 contre la loi travail, et qu’on avait dès lors plus vu en France depuis l’automne 2010 lorsque des dizaines de milliers d’étudiants et de lycéens s’étaient mobilisés aux côtés des salariés et des fonctionnaires contre la réforme remettant en cause l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Toutefois, ce ne sont là que quelques universités qui sont concernées par ces AG de masse. On est encore loin d’une diffusion, à un déploiement comparable à 2007 et 2009, sans même parler de 1986 ou 2006.</p>
<p>On a assisté de façon concomitante à l’extension des « grèves actives » se traduisant, bien que de façon différentielle selon les universités concernées, par la suspension prolongée des enseignements et l’occupation permanente des locaux par les étudiants mobilisés. Ces grèves concernent actuellement <a href="https://bit.ly/2H4YAPZ">une dizaine d’universités</a> sur 85, ce qui est loin d’être anodin, même si cela demeure pour l’heure un phénomène limité.</p>
<p>A titre de comparaison, lors de la mobilisation des étudiants contre le <a href="https://lemde.fr/1JTr76Z">contrat première embauche en 2006</a>, ce sont plus de 50 universités qui furent touchées à la fin du mois de mars, qui marqua l’acmé du mouvement, par des grèves, tandis que lors de la mobilisation fulgurante et exceptionnelle contre le <a href="https://bit.ly/2rSMsNT">projet de réforme Devaquet à l’automne 1986</a> on en compta plus de 60.</p>
<p>Par ailleurs, en dépit des appels à manifester de la Coordination nationale de l’Éducation (CNE) constituée sur l’impulsion du SNES-SUP, et qui se rassembla une première fois le 27 janvier 2018 avec plus de deux cents délégués venus d’une trentaine d’universités, le mouvement étudiant et lycéen contre la loi ORE s’est caractérisée jusqu’à présent par l’absence de manifestations de masse dans les principales villes universitaires.</p>
<p>Ainsi, les trois premières journées nationales de manifestations appelées par la CNE, les 1<sup>er</sup>, 6 et 15 février n’ont-elles jamais rassemblé plus de 20 000 personnes sur l’ensemble du territoire national. En province, pendant ces deux derniers mois, les cortèges n’ont que trop rarement dépassé le millier de manifestants (1 000 à Lille, 1 000 à Toulouse, 500 à Rennes le 6 février).</p>
<p>L’assise numérique trop étroite de ces manifestations rend en l’état illusoire la possibilité de rendre la situation politiquement intenable pour le pouvoir d’Etat, comme ce fut le cas en 1986 (réforme Devaquet), en 1994 (CIP), ou en <a href="https://lemde.fr/2H50rEx">2006 (CPE)</a> qui constitue la dernière victoire mémorable d’un mouvement des jeunesses scolarisées contre une réforme gouvernementale (si on excepte la réforme du lycée du <a href="https://bit.ly/2InuRkA">Ministre Xavier Darcos</a> reportée <em>sine die</em> après une mobilisation lycéenne qui rassembla jusqu’à 150 000 personnes dans toute la France le 18 décembre 2008).</p>
<p>Plusieurs explications peuvent être avancées pour tenter de rendre intelligible cette situation. Contrairement à 1986, il n’est pas question dans la loi ORE d’augmentation des frais d’inscription et de remise en cause du caractère national des diplômes. Les étudiants actuels ne sont pas concernés directement par la réforme étant déjà étudiants. Le champ syndical et politique contestataire est sinistré avec notamment <a href="https://bit.ly/2CvhKKY">une UNEF très diminuée</a>, tandis que la crise de confiance dans l’action collective protestataire demeure intacte avec la succession des défaites du mouvement social depuis une décennie. </p>
<p>Enfin, il existe bel et bien une adhésion à l’esprit même de la réforme chez nombre d’étudiants, ce que la sociologue <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/04/ALLOUCH/58539">Annabelle Allouch nomme</a> « l’adhésion et la croyance à cette forme institutionnelle d’évaluation de soi et de comparaison avec autrui ».</p>
<p>Alors que la fin de l’année universitaire approche et que la pression des partiels risque de se faire de plus en plus ressentir, y compris chez les militants, les prochaines journées de manifestations permettront de vérifier si, par-delà ces « grèves avec blocage » médiatisées et ces AG, un bond en avant quantitatif est effectivement observé. Mais pour ce faire, encore faudrait-il que les lycéens décident à leur tour d’agir ensemble contre cette réforme…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212820/original/file-20180402-189798-1rykdey.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lycéens dans la manifestation à Paris le 15 mars.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=NUiIA7QOHnI&t=26s">Street Politics/YouTube</a></span>
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<h2>Les lycéens, premiers concernés, mais grands absents de la mobilisation</h2>
<p>Réforme de l’accès à l’Université oblige, <a href="https://bit.ly/2Je3HOj">666 002 lycéens</a> inscrits cette année en terminale étaient directement concernés par ce changement des « règles du jeu ». Le risque était donc grand que survienne une mise en mouvement de dizaines, voir de centaines de milliers de jeunes gens refusant de continuer à accepter dans ces conditions la compétition scolaire et la <a href="https://bit.ly/2q3CzZV">« société du concours »</a>.</p>
<p>Sans doute, le gouvernement se rappelait-il que si les étudiants avaient joué le rôle de fer de lance contre le projet de réforme Devaquet en 1986, l’irruption joyeuse et déterminée des lycéens dans l’espace public avait été décisive pour inverser le rapport de force en faveur des protestataires. Aussi, le 4 jeudi décembre 1986, sur les 800 000 jeunes qui manifestèrent dans les rues parisiennes et en province, bien plus de la moitié étaient des lycéens.</p>
<p>Trente ans plus tard, on ne peut être que frappé par l’absence remarquable des lycéens lors des journées de mobilisation des mois de février et de mars, notamment des futurs néo-bacheliers, alors qu’ils sont les premiers concernés par cette réforme universitaire, et qu’ils auraient eu par voie de conséquence de bonnes raisons de vouloir rendre publique leur opposition collective à ce qui est dénoncé comme la remise en cause de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2007-1-page-151.htmdevantlapoursuitedes%C3%A9tudes">« l’égalité méritocratique des chances »</a>.</p>
<p>Mais jusqu’à présent aucune crise du consentement, aucune rupture d’allégeance de la part des lycéens. Ces derniers ont joué, bon an mal an, le jeu de Parcoursup en allant saisir sur la plate-forme numérique leurs vœux comme le gouvernement les y enjoignait. À défaut d’aller manifester en masse, ils n’ont pas non plus boycotté la plate-forme numérique en expliquant qu’ils refusent de participer à cette grande course à l’orientation du fait de cette réforme.</p>
<p>Dans une enquête menée la semaine dernière auprès d’un échantillon représentatif de lycéens d’un lycée public à Rennes pour tenter de saisir, même imparfaitement, les raisons permettant d’expliquer l’absence de mobilisation de leur part sur un thème pourtant « explosif », voici ce que ces derniers ont mis en avant pour expliquer leur attentisme, et plus largement celui des masses lycéennes : la satisfaction de la fin du tirage au sort, un déficit d’explication de la réforme, le refus de rater des cours, préférer se concentrer sur la préparation du Bac, l'intransigeance supposée du gouvernement, le caractère estimé vain des manifestations de jeunes qui peuvent engendrer qui plus est des débordements et des violences policières, les contrôles de l’administration et des parents jugés dissuasifs.</p>
<p>En dépit de ces constats empiriques posés sans prétention d’exhaustivité, nous ne pouvons évidemment prédire ce qu’il adviendra dans les prochains jours, dans les prochaines semaines. Nous savons seulement que <a href="https://bit.ly/2q0NovE">l’histoire des mouvements sociaux en France</a> nous a appris à nous méfier des apparences conjoncturelles…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Melchior ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La loi relative à l’Orientation et à la Réussite des Étudiants suscite des mouvements de colère un peu partout en France. Analyse des enjeux de la réforme et de la mobilisation limitée pour l’heure.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/937772018-03-28T19:01:42Z2018-03-28T19:01:42ZLes paradoxes de l’insertion professionnelle des jeunes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212398/original/file-20180328-109207-2zk2ye.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2266%2C1684&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C'est par où, l'entrée ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jfgornet/14705783515/in/photolist-opuZ6D-kVfYV-dnrhhx-iirkvZ-pfVBFG-7UbcUa-gZqDox-ninLpV-VE1VfY-5kXA5P-eaQ1Jy-oLcpm6-TNJHYw-Uw7oF9-W8q6hs-T1yt9G-WbY8pC-fMUREh-pvop5X-24w81Aj-cstPgo-BsXNLJ-rB2Zdb-bW7Avo-ebYGMF-s7hRCS-auRffY-KMptrA-kSgeY-pibmRJ-DRc9XM-ukUTT-iitByh-dG2ESR-haAbaz-gw4QA7-JrzugC-WFy1Df-9hwY4R-p3qTJ8-dgn9Ce-VjgZrp-YvJ42f-fcB9qH-7UDhxA-SgyEer-hZFfaj-faibCU-oFs1MZ-omPcUo">Jean-François Gornet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pendant longtemps, l’insertion professionnelle a été considérée comme un des marqueurs du passage à la vie adulte. Même si c’est encore le cas, on observe une dissociation entre l’insertion professionnelle et la perception subjective d’être devenu un adulte.</p>
<p>L’insertion des jeunes est bien à l’intersection de plusieurs facteurs qui interagissent entre eux : les liens sociaux, le capital culturel et financier, les niveaux de qualification, les méthodes de sélection et d’orientation scolaires. On a tendance en France à regrouper la catégorie des « jeunes » dans une même catégorie et à les stigmatiser comme une génération sacrifiée par rapport à l’emploi. Pourtant, à y regarder de plus près, la France se situe de plus en plus dans une société à plusieurs vitesses en matière d’insertion professionnelle des jeunes.</p>
<p>La dernière étude longitudinale du CEREQ intitulée, <a href="http://www.cereq.fr/publications/Cereq-Bref/D-une-Generation-a-l-autre-l-inquietude-des-jeunes-en-question">« D’une génération à l’autre », <em>l’inquiétude des jeunes en question</em></a>, montre ce paradoxe de jeunes qui se disent majoritairement confiants face à l’avenir, mais dont le sentiment d’insécurité augmente.</p>
<h2>Le poids du diplôme</h2>
<p>Si les spécialistes de l’éducation s’entendent pour noter que l’insertion professionnelle ne peut se faire en amont que par l’institution de l’école et sa fonction éducative, on peut observer un décalage entre une frange de la jeunesse qui sort du système sans diplôme ou qualification et une autre, surdiplômée, dont le parchemin sert encore de viatique tout au long de la carrière professionnelle. Dans l’entre-deux, la classe moyenne des jeunes diplômés des BTS, DUT et de l’université dont l’insertion sera plus ou moins difficile selon les filières choisies.</p>
<p>De plus, selon les pays, les filières seront plus ou moins valorisées selon la place qu’elles accordent à la professionnalisation, celle-ci intervenant parfois assez tôt dans les cursus. Si celle-ci contribue à la valorisation des filières en Allemagne, elle est envisagée en France plus tardivement et avec un poids social mois fort que celui qui est donné aux formations générales.</p>
<p>Le poids des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) illustre ce bien ce phénomène où une minorité d’élèves hypersélectionnés acquièrent pendant deux ans des connaissances pointues mais qui restent générales sans se préoccuper de connaissances techniques et professionnelles.</p>
<h2>Un sentiment de déclassement propagé dans la société</h2>
<p>Les effets de classements scolaires ont un impact sur le sentiment de déclassement et de sentiment d’insertion ou non. Comme le montrent <a href="http://books.openedition.org/pur/10296?lang=es">Dubet, Duru-Bellat et Vérétout (2010)</a>, le poids que la société donne au diplôme va avoir une importance forte sur le quotidien de l’école (stress, incivilités), mais aussi sur la vie professionnelle (sentiment de déclassement, manque de reconnaissance de la formation continue…) : « Dans certains pays, les diplômes créent relativement peu d’inégalités de revenus, alors que dans d’autres ils en créent beaucoup : ils creusent bien plus les écarts à l’est ou au sud de l’Europe qu’au nord, et ceci dépend, à la fois, de la structure des systèmes scolaires et de celle des emplois et des salaires ».</p>
<h2>L’hyperchoix de l’orientation</h2>
<p>Au poids du diplôme se rajoute également la difficulté pour nombre de jeunes à s’orienter dans un système éducatif hyperspécialisé où l’on demande à des jeunes de choisir une voie ou un métier dès l’âge de quinze ou seize ans. Les débats générés par le logiciel Admission Post Bac devenu Parcoursup sont révélateurs du stress généré chez les jeunes et leurs parents pour choisir la « bonne » filière au plus tôt parmi des milliers. L’affluence d’élèves et de parents dans les salons de l’orientation est significative de cette volonté de trouver la filière idoine dans une offre de formation publique et privée pléthorique.</p>
<p>Aujourd’hui, l’orientation professionnelle des jeunes se trouve à l’intersection de choix individuels, familiaux et de déterminismes sociaux, territoriaux.</p>
<h2>Qui est ce jeune adulte ?</h2>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1964_num_5_4_6400">Georges Lapassade</a> d’abord, puis <a href="http://journals.openedition.org/lhomme/19492">Jean‑Pierre Boutinet</a> ensuite, se sont interrogés sur ce jeune adulte. Comme le rappelle le premier, toutes les sociétés définissent en effet systématiquement les adultes en opposition avec l’enfance. L’<em>adultus</em> reste bien celui qui, selon l’étymologie, aurait fini de croître, serait arrivé à sa maturité et assumerait des responsabilités, tiendrait des engagements et exercerait un métier. </p>
<p>Pour Jean‑Pierre Boutinet, être adulte se caractérise par le fait de se sentir responsable. La notion de responsabilité invoquée par <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=35757">Boutinet et Dominicé</a> comme curseur de l’état adulte semble marquer le pas pour les générations les plus jeunes qui peinent à s’insérer professionnellement, même si celle-ci se déporte sur des engagements liés à l’écologie ou à l’humanitaire. Ce qui est sûr, c’est que le modèle linéaire études/insertion/travail/retraite a explosé pour laisser la place à une nouvelle temporalité de l’alternance faite de sas ou d’allers-retours entre études, emploi, chômage et inactivité… On semble loin des trois phases que <a href="https://www.scienceshumaines.com/les-rites-de-passage_fr_1079.html">Van Gennep</a> dans son explication des rites de passage distinguait : la séparation, la transition et la phase d’incorporation.</p>
<p>Ce brouillage des âges de la vie que J.P. Boutinet réservait aux adultes semble aussi concerner les jeunes qui ne s’installent pas dans le statut d’adulte mais qui ne sont plus des adolescents.</p>
<p>Du côté des parents, ils sont d’autant plus compréhensifs qu’ils ont connu également ces difficultés d’insertion et de stabilisation professionnelle.</p>
<p>Georges Lapassade envisageait déjà les conséquences qui allait concerner l’éducation et la formation : « La formation professionnelle ne doit plus viser, si du moins elle veut être efficace, à la transmission d’un métier mais à un entraînement en vue d’un ajustement permanent à la transformation des techniques ».</p>
<h2>Des jeunes entre conformisme et contestation</h2>
<p>La faculté à critiquer les règles lorsqu’elles sont ressenties comme injustes marquent aujourd’hui culturellement notre société. De nombreuses enquêtes qualitatives ont montré le sentiment de malaise qui touche les jeunes européens avec des ruptures assez fortes entre jeunes des pays nordiques et jeunes des pays du sud de l’Europe. La mondialisation ou encore la construction européenne est perçue davantage comme une menace qu’une opportunité laissant ainsi la place à d’autres formes de construction de l’identité individuelle que peuvent représenter l’espace familial ou social de proximité.</p>
<p>Pourrions-nous dire que la difficulté des jeunes à se projeter sereinement dans le futur est due au fait qu’il n’y a plus de projet de société, de « fictions nécessaires » pour reprendre l’expression de <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-declin-de-l-institution-francois-dubet/9782020551632">François Dubet</a>, c’est-à-dire des cadres cognitifs et moraux indispensables à l’accomplissement du projet de socialisation ? Le récent débat sur les <a href="http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html"><em>bullshit jobs</em></a> dénoncés par des jeunes diplômés très qualifiés est révélateur de cette quête de sens.</p>
<h2>Les difficultés d’insertion des jeunes vont-elles affecter les liens intergénérationnels ?</h2>
<p>Notre modèle social a été conçu sur la base d’une confiance intergénérationnelle qui peut être illustrée à travers les mécanismes de retraite par répartition notamment, mais aussi par l’acceptation par les aînés de situations professionnelles difficiles, mais tolérées dans l’espoir que leur progéniture ait une vie plus facile. Ce modèle qui ne fonctionne plus modifie en profondeur le rapport que les jeunes ont de l’Etat, du travail et du salariat et de manière plus large de la démocratie. <a href="https://books.openedition.org/pur/10296?lang=en">Duru-Bellat et Verley</a> ont précisé de manière longitudinale l’allongement de la jeunesse et le renforcement du rôle des parents :</p>
<blockquote>
<p>« Entre 1982 et 1994, l’âge médian de fin d’études passe de 19 ans et 3 mois à 22 ans. En 2001, un jeune sur deux sortant de l’enseignement supérieur a plus de 23 ans. Parallèlement, l’âge médian d’obtention d’un emploi passe de 21 ans et 6 mois à 24 ans. Le modèle de l’accès rapide à l’emploi stable à l’issue de la formation est fortement remis en question, au profit de parcours moins linéaires, plus flexibles voire aléatoires. »</p>
</blockquote>
<p>Ces difficultés d’insertion rappellent aussi cruellement les inégalités sociales qui font que la difficulté d’insertion est rapidement corrélée à des formes de marginalisation selon les difficultés d’emploi des parents. N’est pas <a href="http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18667804&cfilm=29078.html"><em>Tanguy</em></a> qui veut…</p>
<p>Le sentiment que la précarité ou la pauvreté sont des situations partagées collectivement par le même groupe d’âge peut provoquer un autre phénomène paradoxal. A la fois, cela peut déculpabiliser des jeunes qui se voyaient auparavant renvoyer leur manque de projet ou de volonté individuelle. A partir du moment où un sentiment d’appartenance à une classe d’âge existe, une possibilité d’opposition existe avec les autres classes d’âge.</p>
<p>Cette tendance pourrait devenir saillante dans la mesure où, à l’autre bout des âges de la vie, les pouvoirs publics demandent de travailler plus longtemps, même s’il y a encore de gros écarts entre l’âge théorique de départ ou de relégation du marché du travail et l’âge réel.</p>
<p>Finalement, la problématique de l’insertion professionnelle des jeunes est très paradoxale au regard de celle de leurs aînés. Les jeunes n’ont jamais été aussi longtemps formés (la jeunesse n’a jamais été aussi diplômée ; plus de 50 % des jeunes de plus de 20 ans étant encore scolarisés), ils n’ont jamais eu autant d’expériences professionnelles par des stages qu’ils soient d’observation ou d’application ou des « petits » boulots.</p>
<p>Ils maîtrisent les outils de la nouvelle économie numérique mieux que leurs aînés et sont à l’aise dans la polyvalence cognitive développée par ces technologies nouvelles. Leur identité se créé davantage par des styles identitaires tels que la musique, les vêtements ou des pratiques de loisirs.</p>
<p>Leur approche des rapports sociaux est à l’image de leurs pratiques numériques : moins hiérarchiques et plus horizontales, plus immédiates…</p>
<p>Dernier paradoxe, mais non des moindres, ce sentiment de la jeunesse semble aussi très dépendant du niveau socioprofessionnel des parents et de leur pouvoir d’achat.</p>
<p>Enfin, dans une jeunesse qui dure, jeunesse à rallonge comme le disent certains, les jeunes sont dans le même temps dépendant économiquement de leurs parents et autonomes dans la création de leur style de vie, à la fois inquiets face à l’avenir mais pouvant tester des choix d’orientation variés, trouver des passerelles entre des formations ou des niveaux d’études.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93777/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Aujourd’hui, l’orientation professionnelle des jeunes se trouve à l’intersection de choix individuels, familiaux et de déterminismes sociaux, territoriaux.Gilles Pinte, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Bretagne SudJacques Fischer-Lokou, Maître de conférences en psychologie sociale, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/916252018-02-14T21:00:05Z2018-02-14T21:00:05ZParcoursup et Cordées de la réussite : le cas de l’UPEC<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205847/original/file-20180211-51706-1jx0ot8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Journée nationale des cordées de la réussite de la Faculté des sciences et technologie de l’UPEC, 18 janvier 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">UPEC</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Article rédigé avec les étudiants tuteurs suivants : Amina Benghellam, Swann Beuve-Helissey, Stacy Castelao, Claire Chanseaume, Laetitia Da Costa, Elsa Ebeire, Emilie Falchero, Clémence Fergeau, Soumeya Laouedj, Laura Lesprit, Alyssa Mokkedem, Julien Narcisse, Manon Perrier</em>.</p>
<hr>
<p>Le 18 janvier dernier, a eu lieu la journée nationale des cordées de la réussite de la Faculté des sciences et technologie de l’UPEC.</p>
<p>Comme tous les ans, cet évènement est l’occasion pour près de 300 lycéens issus des deux cordées de la réussite, <a href="http://sciences-tech.u-pec.fr/la-faculte/cordees-de-la-reussite/cordee-banlieue-est-cap-vers-les-sciences-548129.kjsp">« Banlieue-Est, cap vers les sciences »</a> (créée en 2011) et <a href="http://sciences-tech.u-pec.fr/la-faculte/cordees-de-la-reussite/cordee-link-la-cordee-science-connected--812070.kjsp?RH=1512989785039">« Cordé<em>E-Link</em>, sciences connected »</a> (créée en 2017) de rencontrer des étudiants de sciences et de visiter des laboratoires. Elle a été clôturée par une conférence scientifique du <a href="https://iees-paris.ufr918.upmc.fr/index.php?page=fiche&id=57">Pr Philippe Mora</a> du <a href="http://ieesparis.ufr918.upmc.fr/spip.php?article195">laboratoire IEES-Paris</a> sur « les fourmis, termites et vers de terre, des ingénieurs méconnus », dynamisée par l’utilisation de <a href="https://theconversation.com/les-boitiers-de-vote-outil-antidecrochage-a-la-fac-66619">boîtiers de vote</a>.</p>
<h2>Dans le contexte de la réforme du bac en cours</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205800/original/file-20180210-51703-1b89g44.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cordées 2018 UPEC.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les lycéens, dont 79 % sont des élèves de filière S et 21 % de filière STL, ont cette année encore particulièrement apprécié (90,8 %) cette journée. Ils avouent à plus de 80 % que cette action a fait évoluer leur vision de l’université, avec près de 40 % d’entre eux qui envisagent maintenant des formations auxquelles ils ne pensaient pas jusqu’alors, grâce aux discussions qu’ils ont eues avec les étudiants.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205804/original/file-20180210-51731-hsa1p0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cordées 2018 UPEC.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces chiffres sont à rapprocher de ceux obtenus l’an passé, lors de la précédente <a href="https://theconversation.com/les-cordees-de-la-reussite-une-ouverture-du-secondaire-sur-le-superieur-et-reciproquement-75377">journée nationale des cordée de la réussite</a>, où les lycéens étaient 43 % à déclarer que cette journée avait complètement fait évoluer leur vision des enseignements et de la vie à l’université.</p>
<p>Ceci est une information intéressante au moment où une réforme du baccalauréat est discutée, et où un travail sur le projet de formation et le projet professionnel des lycéens tiendra sans doute une place importante dans les futures évolutions de l’articulation entre le secondaire et l’enseignement supérieur.</p>
<p>Un tel évènement est aussi extrêmement intéressant pour mieux connaître le public de lycéens impliqué dans ces cordées et appréhender le continuum Bac-3/+3. Ainsi, après une matinée de conseils et de discussions avec des étudiants de L1 et L3 inscrits dans les différentes formations de la faculté des Sciences et Technologies, les lycéens ont assisté à une présentation de Parcoursup en partenariat avec le réseau social <a href="https://www.jobirl.com/">JobIRL</a>.</p>
<h2>Entrer en contact avec des métiers</h2>
<p>Un outil numérique qui a suscité l’intérêt des enseignants du secondaire présents et qui paraît essentiel pour des jeunes qui n’ont pas forcément le réseau, les relations leur permettant de prendre contact avec quelqu’un exerçant le métier qui les intéresse, ou encore, pour trouver un stage.</p>
<p>Menée de façon interactive avec des boîtiers de vote, cette intervention nous a permis d’une part de sensibiliser ces jeunes des cordées de la réussite à la nécessité de travailler leur projet de formation dès les années de lycée, et d’autre part d’obtenir des données pour dresser une image du paysage actuel des lycéens vis-à-vis de leur orientation.</p>
<p>Ainsi, si l’objectif des cordées de la réussite est d’augmenter l’ambition, ce sondage réalisé auprès des près de 300 jeunes dans l’amphithéâtre, montre que seulement 30 % d’entre eux ont déjà un projet clair de formation. 30 % autres « hésitent entre plusieurs projets », 15 % « y ont pensé, mais ne savent pas quoi faire », tandis que les 25 % restants « n’y ont pas encore pensé » ou semblent « s’agacer » de ce questionnement récurrent en ce moment !</p>
<h2>Projets d’orientation : comment choisir ?</h2>
<p>Et à quelques jours de l’ouverture de la plate-forme Parcoursup, il est intéressant de voir que si 17 % des élèves déclarent ne pas pouvoir faire un seul vœu de projet d’orientation, une majorité des élèves (64 %) déclare n’être actuellement capable que d’émettre au maximum 3 vœux, et 8,5 % pensent pouvoir inscrire 4 vœux sur 10 possibles dans Parcoursup !</p>
<p>Cela montre bien qu’un travail important reste à effectuer pour l’orientation de ces jeunes et la construction d’un réel projet de formation post-bac. Bien entendu, il faut relativiser ces chiffres par le fait que 80 % des élèves présents étaient des élèves de 1<sup>re</sup>, mais cela doit alerter les acteurs de l’orientation sur le travail qui doit être réalisé en utilisant toutes les ressources à leur disposition.</p>
<p>Ces jeunes issus de filières scientifiques S ou STL, sont assez logiquement intéressés, parmi les différents secteurs d’activités référencés sur JobIRL, par les domaines du médical (19,5 %), de la recherche (16,5 %), de l’ingénierie (14,5 %) et informatique-digital (11,5 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205802/original/file-20180210-51727-1iw5y6m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cordées 2018 UPEC.</span>
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<p>Parmi une dizaine de métiers proposés, presque un quart des lycéens (23 %) étaient intéressés par le métier de chercheur, 16 % par la fonction de chef de projet, 15 % par un poste d’ingénieur en informatique, et 10,5 % se déclaraient motivés par les métiers de l’enseignement ! Les étudiants qui ont organisé cette journée (de futurs enseignants pour une bonne partie d’entre eux), tout comme les enseignants-chercheurs présents qui ont fait visiter les laboratoires, ont été surpris par ces déclarations. Se réaliseront-elles réellement ? Nous devrons attendre quelques années pour le savoir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205803/original/file-20180210-51713-izbjky.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cordées 2018 UPEC.</span>
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<h2>La vision des étudiants tuteurs</h2>
<p>Au cours de cette journée, les étudiants de la faculté des sciences et technologie de l’UPEC, se sont vus confier différents rôles, différentes tâches qui leur ont permis de multiplier les points de vue.</p>
<p>Pendant que certains étudiants accompagnaient les élèves par groupes dans les différents ateliers proposés, d’autres animaient ces ateliers, tandis que d’autres encore étaient en charge de réaliser un reportage photo.</p>
<p>Une dynamique très positive a été ressentie, aussi bien du côté des élèves, des étudiants que des enseignants-chercheurs qui ont pris plaisir à échanger sur leurs parcours. Concernant le déroulement de la journée, la diversité des activités proposées a semblé très appréciée par les élèves et leurs enseignants accompagnateurs : </p>
<blockquote>
<p>« Pour nous, étudiants dont le projet professionnel est de devenir enseignant, ce fut aussi l’occasion de nouer un premier contact avec des groupes d’élèves, très différents pour certains et auxquels nous avons dû nous adapter. Au cours de la journée, nous avons progressivement pris de l’assurance dans la prise de parole en public avec des groupes d’environ 20 lycéens. Nous avons dû trouver les clés pour instaurer un échange, cibler les attentes des élèves et répondre à leurs interrogations sur l’université en nous mettant à leur portée. »</p>
<p>« Si beaucoup d’élèves ont confié avoir des idées reçues sur les enseignements, la vie à la fac, certaines sont tombées au cours de cette journée grâce aux ateliers et conférences. Certains élèves (notamment en STL) ont vu des voies qu’ils pensaient ne pas pouvoir envisager s’ouvrir devant eux. Le témoignage d’étudiants ayant suivi ce parcours leur a démontré qu’une entrée en fac pouvait aussi être couronnée de succès. Au final, il nous apparaît clairement :<br>
– que nombre de ces lycéens étaient perdus face à cette problématique de l’orientation,<br>
– que la problématique de l’orientation des élèves soulevée au cours de cette journée nationale des cordées de la réussite, est essentielle pour notre futur métier. »</p>
<p>« En conclusion, notre participation à l’organisation d’un tel évènement s’est avérée très formatrice et enrichissante. Elle impactera sans aucun doute nos pratiques et notre posture future vis-à-vis des taches d’orientation dont nous aurons la charge. Nous sommes tous convaincus de l’intérêt de continuer à mener de telles actions qui semblent avoir apporté à chacun d’entre nous. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/91625/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Morin travaille pour Université Paris Est Créteil.
Les cordées de la réussite "Banlieue-Est, cap vers les sciences" et "CordéE-Link, sciences connected" reçoivent des subventions du CGET, du MEN, MESRI et de la Région Ile de France.
Christophe Morin est président de l'association PROMOSCIENCES
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Dubois travaille pour Université Paris Est Créteil. Il est membre du CA de l'association PROMOSCIENCES.</span></em></p>Compte rendu et analyse d’une journée des Cordées de la réussite à l’UPEC, au moment où l’on s’apprête à réformer les parcours bac -3, bac +3… et où les lycéens doivent faire des choix d’orientation.Christophe Morin, Maître de conférences en Biochimie, Vice-doyen à la pédagogie ; Président de PROMOSCIENCES, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Nicolas Dubois, Professeur agrégé de biochimie génie biologique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/913452018-02-13T20:23:22Z2018-02-13T20:23:22ZVers une fonction publique moins attractive ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205254/original/file-20180207-74490-yb43wn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Premier Comité interministériel de la transformation publique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/GDarmanin/status/959053666098581505">Gérald Darmanin/Twitter</a></span></figcaption></figure><p>Afin de respecter l’<a href="http://www.lemonde.fr/personnalite/emmanuel-macron/programme/">engagement présidentiel</a> de supprimer 120 000 postes d’ici la fin du quinquennat, le gouvernement a annoncé un <a href="http://www.leparisien.fr/politique/fonction-publique-pourquoi-macron-veut-un-plan-de-departs-volontaires-02-02-2018-7537755.php">« plan de départ volontaire »</a> et un « élargissement du recours au contrat » pour « transformer l’action publique ».</p>
<p>Actuellement, sur près de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/12/18/97002-20171218FILWWW00127-la-fonction-publique-employait-567-millions-de-personnes-fin-2016-insee.php">5,67 millions</a> de salariés de la fonction publique, on compte 1,25 million de non statutaires. Le statut reste la norme générale tandis que l’emploi de non-titulaires est particulièrement encadré par la loi et limité à des circonstances bien définies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205231/original/file-20180207-74482-1roqdq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Combien y a-t-il de fonctionnaires en France ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">fonction-publique.gouv.fr.</span></span>
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</figure>
<p>De nombreux aspects de la réforme sont absents du débat public : quelles compétences nécessitent les métiers de la fonction publique ? Quels critères de recrutement pour les contractuels ? Et comment trouver sa place au sein de l’administration pour une durée déterminée, alors que tout le système d’avancement est basé sur de longues carrières ?</p>
<h2>L’évolution des métiers de la fonction publique</h2>
<p>Les nouvelles technologies ont complètement bouleversé le fonctionnement de l’administration provoquant de facto une évolution des compétences au sein de la fonction publique.</p>
<p>Prenons l’exemple Anne-Marie, <a href="http://www.cnfpt.fr/node/146/repertoire-metiers/metier/241?mots_cles=">officier d’État civil</a> dans une commune de taille moyenne, des années 70 jusqu’aux années 2000 : dotée d’une excellente mémoire, Annie connaît par cœur tous les habitants du village. Elle maîtrise la dactylographie, ne commet jamais de fautes d’orthographe, et sa bonne humeur accompagne les habitants dans leurs formalités administratives.</p>
<p>Dans la <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/grilles-de-carrieres-types-de-la-fonction-publique-de-letat">nomenclature</a> de la fonction publique, son poste est classé à l’époque « catégorie D », c’est-à-dire d’exécution, et sera réhaussé en 1988 « catégorie C » c’est-à-dire d’application après la <a href="http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/P-Administration_publique_professions_juridiques_armee_et_police.pdf">disparation du grade D</a>. Dans la France Pompidolienne, marquée par le plein emploi, l’entrée dans la vie active se faisait à partir du « certificat d’études », c’est dans l’exercice de son métier qu’Annie s’est formée avant d’être titularisée.</p>
<p>Aujourd’hui, le même métier a considérablement évolué et nécessite d’autres compétences. D’abord l’État civil est à présent informatisé, et se fait à partir de logiciels plutôt techniques.</p>
<p>Pour Gwendoline secrétaire de Mairie en 2018, dans une commune similaire à celle d’Anne-Marie, il a fallu être opérationnelle presque dès son recrutement.</p>
<p>Avec l’arrivée des ordinateurs, il n’y a plus que deux fonctionnaires dévolus aux tâches administratives de la mairie, Gwendoline doit donc être polyvalente sur plusieurs services à la fois : urbanisme, État civil, comptabilité, rédaction des arrêtés municipaux…</p>
<p>Recrutée agent administratif de catégorie C, Gwendoline est diplômée d’un Master de droit des collectivités territoriales. Le poste de <a href="http://www.cnfpt.fr/node/146/repertoire-metiers/metier/98?mots_cles=secr%C3%A9taire">secrétaire de mairie</a> qu’elle occupe, peut varier de la catégorie A, B, et C selon le nombre d’habitants de la commune et ses capacités financières.</p>
<p>Gwendoline espère tenter les concours pour progresser au sein de la fonction publique territoriale mais est-ce que les exigences de son poste et la pression exercée désormais sur les fonctionnaires territoriaux le lui permettront toujours ?</p>
<h2>La sélection par concours</h2>
<p>Si ces métiers ont évolué, le système de recrutement des fonctionnaires est à peu près demeuré inchangé : pour entrer dans la fonction publique, il faut la plupart du temps réussir un <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/score/concours">concours</a> nécessitant théoriquement le brevet, le baccalauréat ou la licence en fonction des catégories. Nombreux sont les candidats à se présenter pour un nombre de places toujours plus restreint. On constate que parmi les <a href="https://www.carrieres-publiques.com/actualite-fonction-publique-reforme-des-epreuves-des-concours-moins-de-bachotage-pour-mieux-recruter-d-200">critères de recrutement</a>, la culture générale a, peu à peu, laissé place à des exigences plus professionnelles pour répondre au mieux aux besoins des employeurs publics.</p>
<p>Dans les faits, les candidats sont aujourd’hui le plus souvent titulaires de diplômes plus élevés que celui exigé pour tenter le concours et cette tendance s’accroît sensiblement dans le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/point_stat/PointStat_Recrut_Externe.pdf">profil des lauréats</a> (voir schéma).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205081/original/file-20180206-14072-1e7nkfb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Enquêtes annuelles Bilan des recrutements dans la fonction publique de l’État.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DGAFP, département des études, des statistiques et des systèmes d’information.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les diplômés de l’université irriguent les administrations dont la <a href="http://www.studyrama-emploi.com/home_interview.php?id=625">technicité des métiers</a> est sans doute sous-estimée par le grand public.</p>
<p>Outre le diplôme, on remarque que beaucoup de lauréats ont eu déjà une ou plusieurs expériences professionnelles au sein de l’administration en tant que contractuels ou ont réussi un concours d’une catégorie inférieure, ce qui leur assurent déjà une bonne connaissance du service public.</p>
<p>Autres facteurs importants, la préparation du concours influe sur le résultat, et il est aussi notable que les femmes réussissent en moyenne mieux les concours, notamment ceux de catégorie A. Des <a href="http://www.slate.fr/story/127721/fonction-publique-femmes-pas-bonne-nouvelle">études</a> ont montré la féminisation de la fonction publique même si des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/recherche-d-emploi/fonction-publique/des-inegalites-femmes-hommes-encore-elevees-dans-la-fonction-publique_2293771.html">inégalités</a> persistent à travers la progression de carrière.</p>
<p>Par ailleurs, même les fonctionnaires entrés sans diplômes ont pu se former grâce à une formation continue de qualité, propre à la fonction publique, mise en place par ses <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/score/ecoles-de-formation">écoles</a> et le <a href="http://www.cnfpt.fr">CNFPT</a>.</p>
<p>Les <a href="http://www.slate.fr/story/128624/humour-fonctionnaires-rire">clichés</a> véhiculés dans l’imagerie populaire ont de quoi déconcerter une administration de plus en plus <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/ces-diplomes-qui-choisissent-la-fonction-publique-1374/">diplômée</a>, qu’au contraire on pourrait presque accuser d’élitiste, compte tenu de la forte sélection liée au recrutement, plus particulièrement pour les titulaires des catégories A et B.</p>
<h2>Vers un recrutement sur titres ?</h2>
<p>Si le personnel de la fonction publique n’est plus recruté seulement sur concours, il faut donc qu’il le soit sur d’autres critères objectifs, par exemple des diplômes acquis à l’université.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205255/original/file-20180207-74473-noxm8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À l’université d’Aix-Marseille, le 8 septembre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Horvat/AFP</span></span>
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</figure>
<p>Historiquement, c’est à partir du XIII<sup>e</sup> siècle, que l’<a href="http://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1969_num_2_1_1196">alliance</a> entre le pouvoir royal et les facultés de droit a permis l’émergence d’un État en France. Il serait sain de renouer cette union à travers des diplômes à réaliser en alternance avec les administrations.</p>
<p>Déjà des universités en partenariat avec des centres de gestion proposent des <a href="http://www.cdg54.fr/docs/aide%20au%20recrutement/Dipl%C3%B4me%20universiatire/DU%20MAIRIE_23102017.pdf">D.U. de gestionnaire administratif/secrétaire de mairie</a>. Ces formations s’ajoutent aux traditionnels licences et masters d’administration, et de droit public.</p>
<p>Ce serait l’occasion pour l’État, à la fois de reconnaître la large palette de compétences exigées au sein de la fonction publique, mais aussi la qualité de la formation professionnelle à l’université.</p>
<p>Sans ces garde-fous, l’élargissement à davantage de contractuels pourrait rapidement conduire à de dangereux excès, comme renoncer à des fonctionnaires compétents via le plan de départ concerté pour laisser des élus embaucher des personnes ne disposant pas des savoir-faire nécessaires.</p>
<h2>Les controversés contrats des collaborateurs parlementaires</h2>
<p>Le recours au contrat existe déjà pour certains salariés d’institution publique, par exemple les fameux collaborateurs parlementaires dont les scandales lors de la dernière présidentielle ont révélé le <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-autres-structures-de-soutien-a-l-activite-parlementaire/les-collaborateurs-de-deputes">statut</a> très « permissif » :</p>
<p>Le député gère ainsi une enveloppe de 10 581 euros, il peut recruter la personne qu’il souhaite sans être tenu par une exigence de concours ou de diplôme, à l’exception des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/penelopegate-un-an-apres-l-affaire-fillon-ce-qui-a-change-ce-qui-est-reste-en-l-etat_1978603.html">« emplois familiaux »</a> suite à une réforme récente qui témoigne des stigmates du <a href="http://www.francesoir.fr/politique-france/penelope-gate-quest-ce-quun-collaborateur-parlementaire-et-que-dit-la-loi">« Pénélope gate »</a>.</p>
<p>Plus intéressant, « les collaborateurs sont recrutés sur la base d’un contrat de travail de droit privé. », concept quelque peu curieux pour une institution publique telle l’Assemblée nationale, en revanche, le contrat devient public, si le député recrute un fonctionnaire en détachement.</p>
<p>Le contrat est en principe de durée indéterminée, c’est-à-dire qu’il perdurera en cas de réélection du député, et s’interrompra avec le mandat dans le cas contraire, mais ce contrat peut aussi être à durée déterminée si le député employeur le décide.</p>
<p>Ce genre de contrat de droit privé serait sans doute jugé inconstitutionnel s’il était appliqué à toutes les administrations, mais dans le cas inverse, il porterait un coup certain à l’attractivité de la fonction publique.</p>
<h2>La progression au sein de la fonction publique</h2>
<p>Dans la fonction publique, gravir les échelons dépend d’un savant mélange entre l’expérience et la compétence. Une <a href="http://www.cnfpt.fr/evoluer/carriere/national">carrière</a> dans l’administration est en effet rythmée par des concours et des examens professionnels, il s’agit du moyen classique pour monter en grade, le tout ajusté par une dose de promotion interne.</p>
<p>L’appareil d’État décide de l’avancement de millions de salariés, et au sein de ses administrations, les revendications sont monnaie courante. La moindre réforme peut bousculer un équilibre et entraîner dans un effet boule de neige de nombreuses autres velléités d’évolution.</p>
<p>Le statut du fonctionnaire n’est que la contrepartie d’un salaire au départ faible mais qui progresse au fur et à mesure de la <a href="https://www.cairn.info/les-100-mots-de-la-fonction-publique--9782130581901-page-19.htm">carrière</a>. Si l’État choisit le recours à davantage de contractuels, il conviendrait de les rémunérer en intégrant une moyenne de cette progressivité salariale.</p>
<p>C’est la perspective d’évolution et la stabilité de l’emploi qui motivent les fonctionnaires à effectuer toute leur carrière au sein de l’administration.</p>
<h2>Les oubliés de la réforme</h2>
<p>Emmanuel Macron promettait lors de sa <a href="https://www.challenges.fr/politique/emmanuel-macron-veut-assouplir-le-statut-des-fonctionnaires-lancer-de-primes-au-merite-faciliter-les-reconversions_564850">campagne</a> : « Nous développerons le recrutement sur contrat dans les fonctions non régaliennes ». Cette terminologie est souvent répétée dans les <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/01/20002-20180201ARTFIG00270-il-est-possible-de-reduire-les-effectifs-dans-la-fonction-publique-non-regalienne.php">médias</a> sans que le sens véritable ne soit ni précisé, ni compris.</p>
<p>Le mot <a href="http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9galien_r%C3%A9galienne/67590">régalien</a> fait allusion à l’ancien régime, et renvoie aux personnes au service de la royauté : certains étaient <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k316293b/f22.image">officiers</a>, c’est-à-dire propriétaires de leur charge, d’autres choisis par le roi lui-même et révocables à tout moment, les <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/commissaire-royal/">commissaires</a>.</p>
<p>C’est seulement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le premier <a href="https://www.cairn.info/les-100-mots-de-la-fonction-publique--9782130581901-page%5B-5.htm">statut</a> général de la fonction publique sera défini par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027380680&categorieLien=id">loi du 19 octobre 1946</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205257/original/file-20180207-74470-lx68mx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1003&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La loi du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives nationales, 19780549/7</span></span>
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</figure>
<p>Sous l’<a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/histoire-administration.html">ancien régime</a>, Les « fonctions régaliennes » se limitaient à la défense, la justice, la police et la fiscalité. Certes le pouvoir de <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k316293b/f172.image">police administrative</a> sous l’ancien régime pouvait toucher de multiples aspects, y compris économiques comme le commerce de grains ou la réglementation des corporations de métier, pour autant il n’existait pas de fonction publique hospitalière, ou rattachée au ministère de l’Éducation nationale, ni non plus un corps de fonctionnaires territoriaux comme aujourd’hui.</p>
<p>Il apparaîtrait très surprenant que le gouvernement veuille diminuer les postes de titulaires dans les hôpitaux, et l’État n’a pas le pouvoir de réduire la fonction publique territoriale sans porter atteinte au droit constitutionnel de <a href="http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/libre-administration-collectivites-territoriales-principes-limites.html">libre administration des collectivités territoriales</a>. Même si les baisses de dotations répétées contraignent déjà les territoires à restreindre leur personnel.</p>
<p>Ainsi le flou demeure sur les emplois préservés et ceux ciblés par ce « plan de départ volontaire ». Le candidat Macron projetait aussi qu’un quart des grands directeurs ministériels ne soit pas fonctionnaire. Un <a href="https://www.challenges.fr/politique/emmanuel-macron-veut-assouplir-le-statut-des-fonctionnaires-lancer-de-primes-au-merite-faciliter-les-reconversions_564850">engagement</a> qu’il semble depuis avoir oublié, car rien dans la réforme annoncée n’impacterait la haute fonction publique.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, l’exécutif aurait tort de négliger les <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/sondage-les-fonctionnaires-se-sentent-mal-aimes-ils-ne-devraient-pas-5307827">enquêtes d’opinions</a> régulières qui montrent l’attachement des Français pour la qualité de leurs services publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Bagard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux aspects de la réforme sont absents du débat public. Comment trouver sa place dans l’administration pour une durée déterminée, quand tout le système est basé sur de longues carrières ?Guillaume Bagard, Doctorant contractuel chargé d'enseignement en Droit, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/913412018-02-08T21:01:45Z2018-02-08T21:01:45ZDébat : oui à l’information des élèves, non à l’orientation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205354/original/file-20180207-74497-dtdr52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C56%2C1632%2C1084&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Giò : « Orientierungslos » (sans orientation).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pixelspin/535127079/in/photolist-PhECX-fNbqdS-eZRRod-pcwXSX-oEwKx7-6MfKpN-9VsvXi-biTwPi-6WAvbg-a3U5AT-2J55UP-9uPaUa-ahG7mK-daKWu5-oJt2xB-58FBzZ-oExaVy-6WAt1Z-6MbyoD-6WAu5r-ak4LYf-a3WVEW-6WAqDr-h17oBg-7jTxrF-PghapZ-Z4Bbwx-oFkwJ7-3f8j6a-vc6RM-R1UWdC-8cnohA-Xh12Lx-4h5YuW-5HU59i-oWKVPt-kTcbR-8xNAfb-edPtEK-5QBdXE-h1iJdE-egE1TG-5GtxZa-8cnfxd-Z4EnBH-5XvD8Y-5K3Y7S-eSd18m-JAkCep-6tESeC">Giò / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Oui à l’information des élèves <a href="http://bit.ly/2gQYJu2">à l’entrée du supérieur</a>, non à l’orientation. Et moins encore à cet impératif catégorique qui veut que l’on recherche à tous crins à orienter les futurs étudiants, à les mettre dans les bonnes cases ; c’est-à-dire là où il y a de l’emploi (un rêve de politique), et à les détourner des mauvaises cases, ces filières qui ne débouchent sur aucun métier (un cauchemar de politique).</p>
<p>Ce que je veux dire – et à l’heure où l’on s’intéresse aux recherches en <a href="http://bit.ly/2EnAWPU">neurosciences dans le domaine de l’éducation</a>, il est étonnant qu’on ne prenne pas en compte les étapes normales du développement de l’individu – c’est qu’on oublie l’essentiel.</p>
<h2>Qui peut dire sérieusement à 18 ans ce qu’il veut faire de sa vie</h2>
<p>D’une part, à 18 ans, il est normal de ne pas toujours savoir ce que l’on veut faire. Et c’est heureux ! Les choses ne se font pas d’un claquement de doigts ou d’un geste du menton. Elles mûrissent petit à petit, par essai et erreur. Elles sont le résultat de tentations et de tentatives, d’objets de rencontres, d’expériences. Comme elles sont aussi et parfois, et il faut l’accepter, d’une part de hasard.</p>
<p>D’autre part – et là est l’essentiel – une grande Nation est avant tout une Nation qui encourage, respecte et prend en compte les désirs (ici professionnels) de la jeunesse. Si elle les met sous le boisseau, les éteint ou les cadenasse, ce qui revient au même, par instrumentalisation de leurs choix, elle va au plus court, et le plus court c’est toujours l’expression d’une forme de totalitarisme.</p>
<h2>La tentation de l’instrumentalisation est toujours une tentation totalitariste</h2>
<p>Cette tentation n’est pas l’apanage de la gauche, de la droite, ou aujourd’hui de la majorité. Elle est consubstantielle aux politiques dès lors qu’ils oublient l’essentiel : mettre ou remettre, et pour de bon, les hommes et les femmes – les citoyens – au cœur de leurs préoccupations. Ce qui veut dire : préférer l’intérêt général c’est-à-dire l’ensemble des intérêts des hommes et des femmes que je dirige à mes seuls intérêts.</p>
<p><strong>Contre le mirage du meilleur des mondes</strong></p>
<p>Cette tentation totalitariste est récurrente. Nous avions déjà eu un bon aperçu de celle-ci avec le <a href="http://bit.ly/2s1mh5Z">tirage au sort des étudiant·e·s</a> pour leurs études dans le supérieur, une <a href="http://bit.ly/2EOjX6X">honte pour la Nation</a>, parce que crime contre la jeunesse. Il est donc positif que le gouvernement d’aujourd’hui ait décidé d’y mettre fin. Décider avec une pièce jetée en l’air de l’avenir professionnel d’un·e étudiant·e n’a pas de nom. Comme sont inacceptables les scories du nivellement par le bas et de l’égalitarisme en lieu et place d’un vrai et très urgent travail à faire sur l’équité dans l’éducation et l’enseignement supérieur.</p>
<h2>Non à l’orientation mais oui à l’information</h2>
<p>Pour revenir sur l’orientation, il faut lui préférer <strong>une amélioration de l’information des élèves</strong>. Multiplions les <a href="https://www.laplacedesmetiers.com/">occasions de rencontres</a> avec les professionnels, travaillons à leur donner envie. Travaillons à éveiller le plus important, le désir de faire quelque chose. <a href="http://bit.ly/2BJPXue">« Quelle serait la profession de mes rêves »</a>) « Quel domaine me donnerait envie d’aimer et de créer ? » « Quel métier ai-je envie d’exercer ? » Ouverture et clé de voûte de la joie d’apprendre et de se voir apprendre des étudiants et futurs étudiants.</p>
<p>C’est là <strong>la responsabilité du politique</strong> à l’égard de la jeunesse. Mettre en place les conditions d’éveil, d’expression et si possible de mise en œuvre de leurs désirs professionnels. Les politiques sont au service des désirs de la jeunesse. Non la jeunesse au service des désirs des politiques.</p>
<h2>Plaidoyer pour le droit à l’échec</h2>
<p>Cela ne veut pas dire que tous les étudiants vont réussir, la réussite, elle – une fois que l’État a mis tous les moyens en œuvre, et s’est attaché, chantier encore immense, à faire en sorte que chacun, quelles que soient ses origines, son milieu social, etc., puisse bénéficier des mêmes chances et conditions de réussite – est de la responsabilité de l’étudiant·e·. Et alors ?</p>
<p>Quand bien même des étudiant·es échoueraient. Ce n’est pas grave, l’<a href="http://bit.ly/2kK3mYr">échec</a>. C’est d’ailleurs ce qu’on essaie d’enseigner également dans l’entreprise. Ce qui est grave c’est de ne pas avoir essayé. Ce qui est grave c’est de ne pas avoir eu la chance de pouvoir tenter sa chance. Il est très différent d’avoir essayé-échoué ou d’avoir été empêché d’essayer et de vivre avec ces regrets. C’est pour cela aussi qu’une partie de l’<a href="http://bit.ly/2nJuCZc">échec en licence</a> n’est pas si grave que cela – voire peut même être dit extrêmement sain – dès lors qu’il peut être attribué à des essais non réussis.</p>
<h2>Un véritable impératif pour notre Nation</h2>
<p>Faire de la <a href="http://bit.ly/2BKb8fU">centralité du désir</a> et de l’<a href="http://bit.ly/2C3J2aT">équité des chances de réussite</a>, l’axe fort de notre enseignement supérieur, parce que cela fait condition pour les étudiant·e·s d’exercer un travail vivant, est un véritable impératif pour notre Nation !</p>
<p>Si nous voulons éviter que les enfants, demain, ne succombent aux tentations des extrêmes, nous devons retisser du commun. Fil rouge de la <a href="http://bit.ly/2Etp7rv">consistance de notre tapisserie commune</a> pour prendre un joli mot de Félix Guattari, tous nos efforts doivent être tendus pour permettre à chacun, à partir de son désir, d’exercer un travail vivant, premier et plus sûr rempart à la désolation et folie des hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loick Roche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les politiques veulent mettre les élèves qui entrent dans l’enseignement supérieur dans des cases. Un marché… On oublie qu’à 18 ans, il est normal de ne pas toujours savoir ce que l’on veut faire.Loick Roche, Directeur Général Ecole de Management & Vice-président de la Conférence des Grandes Écoles, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.