tag:theconversation.com,2011:/global/topics/primaires-24804/articlesprimaires – The Conversation2024-03-04T17:46:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2244402024-03-04T17:46:25Z2024-03-04T17:46:25ZMalgré sa grande popularité, Nikki Haley ne pourra devenir présidente des États-Unis. Voici pourquoi<p>Les résultats de la <a href="https://www.journaldequebec.com/2024/02/24/donald-trump-remporte-la-primaire-republicaine-de-la-caroline-du-sud">primaire républicaine de la Caroline du Sud</a>, le 24 février, sont tombés quelques minutes après la fermeture des bureaux de vote : une nouvelle victoire pour Donald Trump. </p>
<p>Dans un État où Nikki Haley a occupé le poste de gouverneure, l’équivalent de première ministre, c’est une terrible défaite. Elle semble confirmer l’inévitable nomination de Trump comme candidat républicain pour l’élection présidentielle de 2024, surtout après une autre défaite, celle du New Hampshire, <a href="https://www.nytimes.com/2024/01/11/us/politics/chris-christie-nikki-haley-new-hampshire.html">l’État où elle avait le plus de chance de s’imposer selon les sondages</a>.</p>
<p>Même si Haley a réussi <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054028/nikki-haley-primaire-district-de-columbia">à décrocher une victoire dans le District de Colombia</a>, cela n'a rien changé à la course. Sa campagne s'est terminée après le super mardi (« super tuesday »), alors que 15 États se sont prononcés pour cette course électorale. <a href="https://www.nytimes.com/live/2024/03/04/us/trump-biden-haley-elections?unlocked_article_code=1.aE0.gjTO.iqwXPROMs2Xb&smid=url-share">Statistiquement</a>, les résultats n'officialise pas la nomination de Trump. Mais cela semble n’être qu’une question de temps. <a href="https://www.nytimes.com/live/2024/03/04/us/trump-supreme-court-colorado-ballot">La Cour suprême</a> vient par ailleurs de confirmer l’éligibilité de Trump à se présenter à l’élection présidentielle.</p>
<p>Pourtant, malgré cette défaite annoncée, c’est Nikki Haley qui sort du lot dans les sondages pour la présidentielle à venir. </p>
<p>Comment expliquer un tel décalage ?</p>
<p>Étudiant au doctorat en communication politique à l’Université de Montréal, mes recherches portent principalement sur la politique américaine, notamment sur les élections de grande envergure et la transformation du Parti républicain. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/atmosphere-politique-aux-etats-unis-voici-ce-quon-peut-apprendre-de-lallemagne-de-lentre-deux-guerres-222140">Atmosphère politique aux États-Unis : voici ce qu’on peut apprendre de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres</a>
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<h2>Nikki Haley, en avance sur Trump et Biden !</h2>
<p>Un récent <a href="https://www.realclearpolling.com/polls/president/general/2024/haley-vs-biden">sondage</a> comparant Nikki Haley à Joe Biden dans un hypothétique duel présidentiel révélait un avantage de plus de 15 points de pourcentage pour la candidate républicaine. </p>
<p>Certes, la moyenne des sondages ne permet pas de témoigner d’un écart aussi grand pour Haley face au président Biden. Mais elle récolte tout de même un avantage plus important que son homologue du même parti avec une marge d’environ 4,9 %, contre <a href="https://www.270towin.com/2024-presidential-election-polls/">1,5 % pour Trump</a>. </p>
<p>Ainsi, au sein des candidatures importantes encore en lice, Haley serait fort probablement celle qui récolterait le plus de support lors de la prochaine élection présidentielle. </p>
<p>Mais au sein de son propre parti, Haley traîne en moyenne sur Donald Trump par plus de <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">60 points de pourcentage</a>. </p>
<p>Ce qui fait toute la différence, ce sont les électeurs affiliés à aucun des deux grands partis traditionnels, c’est-à-dire, le vote indépendant. </p>
<p>Les résultats du New Hampshire le confirment : si cet État était considéré comme le plus avantageux pour Haley, c’était notamment par l’importante présence (<a href="https://www.nytimes.com/2024/01/22/us/politics/nh-primary-explainer-how-vote.html">près de 40 %</a>) d’électeurs et d’électrices indépendantes. </p>
<p>Par ses politiques plus modérées, Haley parvient à rejoindre cette partie de l’électorat, expliquant ainsi sa popularité dans les sondages nationaux.</p>
<p>Mais le problème pour l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud est le support, ou plutôt, l’absence de support au sein de l’électorat républicain. Face à Trump, elle cumule seulement le <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/24/us/politics/trump-haley-south-carolina-takeaways.html">quart des membres de son propre parti</a> dans les primaires du New Hampshire et de la Caroline du Sud, les deux courses où elle était le mieux positionnée.</p>
<h2>Les Américains ne souhaitent pas un autre duel Trump-Biden</h2>
<p>Malgré tout, Haley a continué de s’accrocher, répétant que la majorité des Américains et Américaines ne souhaitent pas revoir un duel entre Trump et Biden, et se présentant ainsi comme l’alternative.</p>
<p>En effet, un <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917?cid=sm_npd_nn_tw_mtp">sondage de 2023</a> permettait de cristalliser cette tendance, alors qu’environ six personnes sur dix indiquaient que Trump ne devrait pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Pour ce qui est de Biden, la proportion montait à sept personnes sur dix. </p>
<p>D’un côté, l’ancien président républicain cumule les procès criminels et perpétue le mensonge que l’élection de 2020 lui aurait été volé. Son rôle dans l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump">insurrection du 6 janvier 2021</a>, son incivilité politique et sa tendance vers l’autocratique motivent aussi le sentiment négatif face à la réélection du 45<sup>e</sup> président des États-Unis.</p>
<p>De l’autre, l’âge de Joe Biden mine la crédibilité de sa candidature et semble de plus en plus inquiéter l’électorat américain. <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917?cid=sm_npd_nn_tw_mtp">La majorité des membres de son parti</a> pense qu’il ne devrait pas se représenter. De récents moments de confusion dans son discours ont contribué à alimenter l’aura de faiblesse autour de l’actuel président. </p>
<p>Même si Biden et Trump sont relativement du même âge, ce facteur se fait beaucoup plus ressentir chez le démocrate, contribuant à ternir l’image de sa potentielle réélection.</p>
<h2>Un système politique au bord de la rupture</h2>
<p>Pourquoi Haley est-elle restée si longtemps dans la course aux primaires malgré sa position désavantageuse ? </p>
<p>Un élément de réponse repose sur ses ressources financières. Alors qu’elle se positionne désormais comme la figure de proue du mouvement anti-Trump, elle attire le soutien de nombreux donateurs et donatrices. Cela lui a permis à la fois de poursuivre sa campagne, mais aussi de la légitimer. </p>
<p>En fait, Nikki Haley apparaît de plus en plus comme le symbole de la défaillance du système politique américaine : une présidente que les États-Unis ne peuvent pas avoir.</p>
<p>L’incapacité de Haley de remporter les primaires républicaines vient du fait que ces élections, de plus faible importance, attirent de faibles taux de participation. Ainsi, une minorité mobilisée, les partisans de Trump dans ce cas-ci, parvient à imposer sa volonté sur ce processus électoral, contribuant ainsi à l’émergence d’une frange plus radicale au sein du parti. La situation particulière de Trump, <a href="https://www.washingtonpost.com/history/2020/12/28/grover-cleveland-trump-non-consecutive-terms/">rare président à se présenter pour un deuxième mandat non consécutif</a>, contribue aussi à sa popularité et au sentiment d’inévitabilité de son élection pour représenter le Parti républicain aux prochaines présidentielles. </p>
<p>Ainsi, Haley ne peut concrétiser sa popularité électorale face à un système politique qui impose un bipartisme presque inéluctable. Il ne lui offre aucune réelle manière de se faire élire. </p>
<p>Marqué par le contexte actuel d’une <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2022/03/10/the-polarization-in-todays-congress-has-roots-that-go-back-decades/">polarisation de plus en plus importante</a>, le système politique américain apparaît être sur le point de céder. Même la candidature de Biden, malgré son âge, en témoigne. Le président actuel, qui représente une frange plus modérée du Parti démocrate, semble incarner la seule candidature capable de rallier le pays contre Trump. Mais chaque jour, il devient le <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/04/us/politics/biden-president-age-2024.html">plus vieux président de l’histoire des États-Unis</a>. </p>
<p>Ultimement, malgré l'impossibilité de l’élection de Nikki Haley comme représentante du Parti républicain pour la présidentielle de 2024, la candidate symbolise avant tout quelque chose qui dépasse les lignes partisanes : un système politique malade. Si les solutions à cette situation apparaissent limitées, osons croire que 2028 laissera place à l’élaboration de nouvelles possibilités.</p>
<p>En raison de leur âge respectif, et de la constitution qui limite à deux les mandats présidentiels, ni Trump ni Biden ne devraient se représenter aux prochaines élections. Les cartes commencent déjà à être brassées pour la suite des choses. Nikki Haley incarne ainsi l’espoir d’un nouvel avenir, mais dont la concrétisation demeure plus qu’incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224440/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marin Fortin-Bouthot a été boursier Marc-Bourgie 2022-2023 de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire
Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM. Il est membre du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM) et de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'Université du Québec à Montréal. </span></em></p>La popularité de Nikki Haley a été freinée par le fonctionnement même des primaires et des caucus, et par le bipartisme américain.Marin Fortin-Bouthot, Étudiant au doctorat, chercheur sur les États-Unis, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2176912023-12-03T16:29:18Z2023-12-03T16:29:18ZVote par Internet : doit-on choisir entre confort et sécurité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562193/original/file-20231128-18-hgxla3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C32%2C5455%2C3604&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vote électronique pourrait-il permettre d'augmenter le taux de participation aux élections? À quels coûts en termes de risques de fraude ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-femme-assise-sur-un-canape-a-laide-dun-ordinateur-portable-gVVGVlV753w">Resume Genius, Unplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le vote par Internet est aujourd’hui un mode de scrutin plébiscité par de nombreux organisateurs d’élections tels que les partis politiques, entreprises, et associations. Ce ne sont pas moins de 620 000 Français qui ont voté par Internet lors des différentes primaires à l’élection présidentielle en 2022 (<a href="https://www.eelv.fr/c-presidentielle-y-aller-pour-gagner-cf-2020112122/">écologiste</a>, <a href="https://republicains.fr/actualites/2021/11/26/decision-de-linstance-de-controle-3/">Les Républicains</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/01/27/primaire-populaire-donnees-collectees-controle-des-resultats-issue-du-vote-le-scrutin-en-six-questions_6111216_6059010.html">populaire</a>) et 270 000 Français de l’étranger lors des <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/actualites-du-ministere-de-l-europe-et-des-affaires-etrangeres/article/elections-legislatives-ouverture-du-portail-de-vote-par-internet-27-05-22">élections législatives</a>… Mais aussi près d’un million de votants lors des <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/ArchivePortailFP/www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/stats-rapides/resultats-electionsFP_2022.pdf">élections professionnelles de la fonction publique d’état</a>, la même année.</p>
<p>Plusieurs avantages du vote par Internet peuvent expliquer ce succès : une possible réduction des coûts et une facilité d’organisation mais aussi, et surtout, le confort et la praticité de pouvoir voter depuis chez soi. Cependant, bien que ce dernier point soit <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/06/25/le-vote-electronique-remede-a-l-abstention-comprendre-le-debat-qui-agite-l-entre-deux-tours-des-regionales_6085744_4355770.html">souvent présenté comme un rempart face à l’abstentionnisme croissant</a>, il est en fait <a href="https://www.zora.uzh.ch/id/eprint/136119/">loin</a> de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/poi3.160">faire consensus</a> dans la <a href="https://elections.fgov.be/informations-generales/etude-sur-la-possibilite-dintroduire-le-vote-internet-en-belgique">littérature académique</a>.</p>
<p>Plus généralement, le confort de pouvoir voter depuis son téléphone ou son ordinateur occulte bien souvent les enjeux liés à la sécurité, comme les possibilités de cyberattaques ou de fraudes électorales, et les risques induits sont rarement discutés et bien compris.</p>
<p>En fait, pour l’instant, le vote par Internet échoue bien souvent à atteindre les mêmes garanties que le mode de scrutin traditionnel, le vote papier à l’urne.</p>
<h2>Quelles garanties pour un scrutin ?</h2>
<p>Un système de vote doit assurer deux garanties fondamentales, définies par le code électoral. Tout d’abord <em>le secret du vote</em> garantit à tout votant que personne ne saura comment iel a voté. Ensuite, la <em>sincérité du scrutin</em> assure que le résultat de l’élection n’a pas été truqué, par exemple en retirant, modifiant, ou ajoutant un bulletin de vote.</p>
<p>Pour le vote traditionnel, le vote papier à l’urne, le secret du vote est garanti par l’utilisation d’isoloirs, d’enveloppes opaques et identiques, et d’urnes rassemblant et mélangeant tous les bulletins. La sincérité du scrutin est assurée par l’utilisation d’urnes transparentes et scellées qui sont à tout moment scrutées par un certain nombre <em>d’assesseurs</em> qui vérifient le bon déroulé du scrutin. Ainsi le scrutin est rendu <em>vérifiable</em> et il suffit d’un seul assesseur honnête pour garantir la sincérité du scrutin.</p>
<p>Dans le cas du vote par Internet, la question se pose alors en ces termes : lorsque je clique sur un choix de vote puis sur le bouton « Votez », que se passe-t-il réellement ? Qui vérifie que mon vote sera bien pris en compte et qui serait en mesure de connaître mon vote ? Toutes les solutions de vote par Internet promettent un haut niveau de sécurité supposément garanti par la cryptographie (chiffrement, signature numérique, preuve à divulgation nulle de connaissance, etc.). Qu’en est-il vraiment ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1535200370946883584"}"></div></p>
<p><em>Une <a href="https://twitter.com/FR_Consulaire/status/1535200370946883584">invitation</a> à voter en ligne de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire.</em></p>
<h2>En théorie : la cryptographie garantit un vote par Internet sûr</h2>
<p>Pour répondre à ces questions, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a émis des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038661239">recommandations</a> définissant des bonnes pratiques pour atteindre certains niveaux de sécurité.</p>
<p>Par exemple, les bulletins doivent être cryptographiquement chiffrés et la clé permettant le déchiffrement doit être distribuée entre plusieurs autorités possédant chacune un fragment de clé. Ainsi, en présence de toutes les autorités et leur fragment de clé, et uniquement dans ce cas, les bulletins peuvent être <em>collectivement</em> déchiffrés, révélant ainsi le résultat de l’élection (cela imite partiellement le rôle des assesseurs).</p>
<p>De même, pour s’approcher de la transparence d’une urne physique, un votant qui soumet un bulletin doit recevoir en retour un <em>reçu cryptographique</em> confirmant la prise en compte de son bulletin. Ce reçu lui permet également de vérifier, à postériori, que son bulletin n’a pas été retiré de l’urne avant le décompte final.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561375/original/file-20231123-27-waakdv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quelques étapes du vote électronique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lucca Hirschi et Alexandre Debant</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour les scrutins à fort enjeu (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038661239">niveau 3 des recommandations de la CNIL</a>), cette vérification grâce au reçu cryptographique doit même être rendue possible via un tiers de confiance, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038661239">distinct de l’organisateur du scrutin</a>… ce dernier n’étant pas considéré de confiance (<a href="https://eprint.iacr.org/2022/1653">tout comme son serveur web, qui héberge le site web de l’élection</a>).</p>
<p>En théorie, ces bonnes pratiques permettent d’assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin, même lorsque les organisateurs ou leurs systèmes informatiques sont compromis, s’approchant des garanties du vote papier.</p>
<h2>En pratique : la sécurité défaillante des solutions de vote</h2>
<p>Malheureusement, de nombreux exemples démontrent les faiblesses des recommandations CNIL et des solutions de vote existantes qui n’assurent pas les garanties escomptées.</p>
<p>Il est ici important de rappeler qu’avec le vote par Internet, l’impact d’une éventuelle attaque ou erreur prend une envergure inédite : dans le cas du vote physique, si on peut imaginer une « fraude » dans un seul ou un petit nombre de bureaux de vote, il semble compliqué de truquer tous les bureaux de vote d’un pays simultanément. En revanche, pour le vote par Internet, toutes les urnes dématérialisées sont généralement centralisées : stockées et gérées par une seule entité, et une seule corruption compromet l’ensemble des bulletins et résultats.</p>
<p>Commençons par le secret du vote : est-il réellement suffisant de chiffrer les votes ?</p>
<p>Pour répondre à cette question, il faut en fait savoir comment est générée, distribuée, et stockée la clé (ou les clés) de déchiffrement. Il est arrivé que <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15911-4_1">certains systèmes rendent publique la clé de déchiffrement une fois l’élection terminée</a>. Un attaquant sachant faire le lien entre les votants et leur bulletin (par exemple en ayant observé le réseau entre le votant et le serveur de vote) pouvait alors violer le secret du vote de chacun de ces votants en déchiffrant simplement leur bulletin associé avec la clé une fois divulguée.</p>
<p>D’autres vulnérabilités, plus subtiles, permettent également de violer le secret du vote, malgré l’utilisation de chiffrement et une bonne gestion des clés. De telles vulnérabilités ont récemment été découvertes sur le <a href="https://www.usenix.org/conference/usenixsecurity23/presentation/debant">système de vote utilisé lors des élections législatives de 2022 par les Français résidants hors de France</a> (1,2 million d’électeurs éligibles) ou encore les <a href="https://orbilu.uni.lu/bitstream/10993/49442/1/main.pdf">systèmes de vote utilisés en Estonie</a> ou en <a href="https://inria.hal.science/hal-03446801/">Suisse</a>.</p>
<p>Enfin, l’utilisation de reçus cryptographiques est-elle suffisante pour assurer l’intégrité du scrutin ?</p>
<p>Ici aussi, le diable est dans les détails. Il est en effet crucial que la solution de vote assure que le reçu fourni au votant correspond bien au bulletin de vote qu’il a transmis. Lors des élections législatives 2022, il a été démontré qu’un <a href="https://eprint.iacr.org/2022/1653">attaquant pouvait modifier le bulletin de vote soumis par un votant</a> et adapter le reçu avant de le transmettre au votant, qui croit alors à tort pouvoir vérifier <em>son bulletin</em>.</p>
<h2>Vers un vote par Internet plus sûr</h2>
<p>Devant de tels constats, les agences gouvernementales compétentes – ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) et CNIL, la communauté scientifique et les vendeurs de solutions s’activent et collaborent pour améliorer la sécurité du vote par Internet.</p>
<p>Tout d’abord, une plus grande transparence des systèmes de vote et de leurs exigences de sécurité est nécessaire. Par la publication de spécifications décrivant précisément le fonctionnement des composants critiques mais aussi du code source des programmes correspondants, différents experts pourront étudier la sécurité de ces systèmes et ainsi collectivement contribuer à leur amélioration. De même, la publication claire et précise des objectifs de sécurité prétendument atteints par les systèmes permettra à chaque votant de comprendre les hypothèses de confiance sous-jacentes et ainsi d’accepter librement et de manière éclairée d’utiliser ou non le système avec ses risques résiduels. Cette approche a fait ses preuves <a href="https://cyber.gouv.fr/publications/mecanismes-cryptographiques">pour la standardisation des primitives cryptographiques et permet le développement de systèmes toujours plus sûrs</a>.</p>
<p>Il faut ensuite élever les exigences de sécurité du vote par Internet. Tout d’abord via des recommandations et standards plus ambitieux et précis quant aux objectifs de sécurité et transparence à atteindre. Mais aussi au travers d’un cadre législatif mieux adapté aux spécificités du vote électronique. En effet, il n’est pas suffisant d’exiger le secret du vote et la sincérité du scrutin via la vérifiabilité (reçu).</p>
<p>Par exemple, en comparaison avec le vote papier, d’autres propriétés sont attendues : assurer la <em>résistance à l’achat de vote</em> ou la <em>coercition</em>. En effet, si l’isoloir assure que l’on peut voter sans subir de pression extérieure, qui nous dit que le votant est seul et libre de voter comme iel l’entend derrière son ordinateur ?</p>
<p>De même, il serait intéressant de discuter de la pertinence des solutions mises en place pour authentifier les votants. La solution la plus répandue aujourd’hui est l’authentification à deux facteurs, également largement utilisée pour d’autres usages tels que les applications bancaires. Toutefois, elle présente une limite claire : les identifiant et mot de passe peuvent être volés, devinés, ou abusés. Serait-il possible d’améliorer cela en se reposant par exemple sur un e-identité (<a href="https://e-estonia.com/solutions/e-identity/id-card/">comme la carte nationale d’identité numérique, telle que déployée depuis de nombreuses années en Estonie</a>) ?</p>
<p>Enfin, si l’ensemble des bulletins de vote papier sont détruits physiquement à la fin d’une élection, la question du stockage (volontaire ou non) sur Internet des bulletins pose évidemment la question du maintien du secret du vote dans 5, 10, 20 ans, quand les cryptographes auront certainement trouvé des failles dans le mécanisme de chiffrement utilisé. Cette <a href="https://orbilu.uni.lu/bitstream/10993/52132/1/main.pdf">résistance du secret du vote à de futures faiblesses de la cryptographie utilisée aujourd’hui est communément appelée <em>everlasting-privacy</em></a>.</p>
<p>Toutes ces questions sont malheureusement encore ouvertes, et, oui, il semble qu’aujourd’hui encore, le choix du confort se fait au détriment de la sécurité. Heureusement, ces questions sont autant de pistes de recherche qui nous occupent, nous autres chercheurs, et auront certainement demain de nouvelles réponses. En attendant, elles constituent peut-être autant de raisons de limiter l’utilisation du vote par Internet lors de scrutins à très fort enjeu : notamment pour les élections présidentielles et primaires de partis politiques.</p>
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<p><em>Le PEPR Cybersécurité et son projet <a href="https://pepr-cyber-svp.cnrs.fr/">Security Verification Protocol</a> (SVP) sont soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucca Hirschi a reçu des financements du projet ANR Vérification de Protocoles de Sécurité (ANR-22-PECY-0006).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Debant a reçu des financements du projet ANR Vérification de Protocoles de Sécurité (ANR-22-PECY-0006).
Alexandre Debant effectue des missions de conseil auprès de La Poste Suisse pour le développement de sa solution de vote électronique.</span></em></p>Le confort du vote depuis son canapé se fait au prix de la sécurité du scrutin – de quoi limiter l’utilisation du vote électronique pour les élections à fort enjeu.Lucca Hirschi, Chercheur en informatique, spécialisé en cybersécurité, InriaAlexandre Debant, Chercheur en informatique, spécialisé en cyber sécurité, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070542023-06-11T16:19:55Z2023-06-11T16:19:55ZInculpations, scandales… Comment expliquer la popularité de Donald Trump auprès des électeurs républicains ?<p>Après une <a href="https://theconversation.com/donald-trump-mis-en-examen-quelles-consequences-pour-sa-candidature-a-la-presidentielle-de-2024-203071">première inculpation</a>, en mars dernier, par le procureur de Manhattan dans l’affaire Stormy Daniels, Donald Trump vient d’être à nouveau inculpé, cette fois au niveau fédéral, pour des motifs beaucoup plus graves : il est accusé d’avoir <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/08/us/politics/trump-indictment-charges.html">violé la loi sur l’espionnage</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/10/comment-donald-trump-a-voulu-dissimuler-la-conservation-illegale-de-documents-classifies_6176977_3210.html">mis en danger la sécurité des États-Unis</a> en conservant illégalement, après son départ de la Maison Blanche, des documents classés secret défense.</p>
<p>Un coup dur pour sa candidature à la présidentielle 2024 ? Pas nécessairement.</p>
<h2>« Une attaque politique des Démocrates »</h2>
<p>Sans surprise, face à cette inculpation fédérale, Trump <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IwRLNazAFG8">clame son innocence</a>, accusant l’administration Biden d’« ingérence électorale au plus haut niveau » et d’« instrumentalisation du Département de la Justice et du FBI ». Cette défense, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XIs78EJqCEQ">reprise par Fox News</a>, est aussi celle adoptée par des <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/trump-second-indictment-republicans-defend-1234767431/">ténors du Parti républicain</a>, y compris Kevin McCarthy, le président de la Chambre des représentants. </p>
<p>Même <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/09/us/politics/trump-republicans-polls-2024.html">ses adversaires aux primaires</a>, à commencer par son principal rival, <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/4041851-trump-indictment-desantis-blasts-weaponization-of-federal-law-enforcement/">Ron DeSantis</a>, se trouvent forcés d’adhérer à ce récit : une inculpation qui serait une attaque politique de Joe Biden contre l’un des principaux candidats à l’investiture présidentielle du Parti républicain. </p>
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<p>Si les Républicains les plus en vue défendent l’ancien président ou restent silencieux, c’est que Donald Trump reste très populaire chez leurs électeurs. Il est en <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/polls/president-primary-r/2024/national/">tête des sondages</a> aux primaires avec plus de 50 % des intentions de vote. Surtout, il distance son adversaire principal DeSantis par 30 points, un écart qui continue de se creuser, y compris <a href="https://www.fau.edu/newsdesk/articles/april2023-voter-poll">dans l’État de Floride</a> où DeSantis a pourtant été <a href="https://www.nytimes.com/2022/11/08/us/politics/desantis-wins-florida-governor.html">réélu gouverneur à une très large majorité</a> en 2022.</p>
<p>Cette nouvelle inculpation, comme les affaires et scandales précédents, a peu de chances d’entamer le soutien des électeurs républicains à l’ancien président. Elle pourrait même le renforcer, d’autant que, s’il est reconnu coupable, Trump <a href="https://medium.com/@natroll/archives-de-la-maison-blanche-non-trump-ne-sera-pas-in%C3%A9ligible-1adbe29173de">resterait de toute façon éligible</a>.</p>
<p>En effet, selon la Constitution et le <a href="https://constitution.congress.gov/browse/amendment-14/#:%7E:text=No%20State%20shall%20make%20or,equal%20protection%20of%20the%20laws.">14ᵉ amendement</a>, seule une <a href="https://www.lawfareblog.com/disqualification-office-donald-trump-v-39th-congress">condamnation pour insurrection ou rébellion</a> pourrait le disqualifier. Théoriquement, il pourrait donc faire campagne depuis une prison, comme l’a déjà fait un autre candidat, <a href="https://www.washingtonpost.com/dc-md-va/2019/09/22/socialist-who-ran-president-prison-won-nearly-million-votes/">Eugene Debbs, en 1920</a>. Et s’il venait à être élu, il tenterait sans doute de <a href="https://verdict.justia.com/2023/04/12/can-a-president-serve-from-prison-we-might-find-out#:%7E:text=Yes%2C%20he%20would%20be%20subject,unlikely%20to%20invoke%20those%20processes.">se gracier lui-même</a> de ses crimes fédéraux. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531213/original/file-20230610-63747-wx78ok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tweet de Kevin McCarthy en soutien à Donald Trump.</span>
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<p>Comment Donald Trump, qui <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/07/etats-unis-donald-trump-le-president-insurrectionnel_6065424_3210.html">a encouragé une insurrection</a>, subi <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/majority-of-house-members-vote-for-2nd-impeachment-of-trump">deux procédures de destitution</a>, été <a href="https://www.lopinion.fr/international/donald-trump-mis-en-examen-ce-quil-faut-savoir">mis en examen</a> et reconnu <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/09/donald-trump-reconnu-responsable-de-l-agression-sexuelle-de-l-ex-journaliste-e-jean-carroll-par-un-tribunal-civil-de-new-york_6172691_3210.html">coupable d’agression sexuelle</a>, qui fait toujours l’objet de <a href="https://www.nytimes.com/article/trump-investigations-civil-criminal.html">nombreuses enquêtes judiciaires</a> – y compris pour <a href="https://www.cnbc.com/2023/03/20/trump-seeks-to-block-georgia-election-interference-criminal-charges.html">interférence dans des élections</a>, et qui continue de <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/trump-continues-insults-of-rape-accuser-pushing-election-lies-during-cnn-town-hall">nier le résultat de la présidentielle de 2020</a>, peut-il encore dominer le camp républicain ?</p>
<p>Sur le papier, il semble pourtant y avoir un espace pour une alternative à Trump au sein du parti. Malgré les apparences, les pro-Trump qui soutiennent l’ancien président de manière indéfectible <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/11/america-has-anti-maga-majority/672047/">sont minoritaires</a> au sein des sympathisants républicains. Selon des calculs effectués en 2022, ils représenteraient environ le <a href="https://theconversation.com/how-a-divided-america-including-the-15-who-are-maga-republicans-splits-on-qanon-racism-and-armed-patrols-at-polling-places-193378">tiers des Républicains (30 à 37 %)</a>, soit à peu près 15 % des électeurs américains, un chiffre confirmé par un <a href="https://www.nbcnews.com/meet-the-press/meetthepressblog/share-republicans-identifying-trump-supporters-ticks-indictment-poll-f-rcna81195">sondage récent de NBC</a>.</p>
<h2>Des Républicains divisés</h2>
<p>Le problème réside dans le fait que, hormis cette base pro-Trump <a href="https://fivethirtyeight.com/features/trump-polls-very-conservative-voters-2016-2024/amp/">très radicalisée</a>, homogène et unie autour de l’ancien président, les <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/apr/10/republican-party-2024-divided7">électeurs républicains sont divisés</a>. Ceux qui seraient éventuellement prêts à opter pour un autre candidat que lui le sont pour des raisons variées et à des degrés divers. Et presque un tiers d’entre eux (soit 20 % des électeurs républicains) semblent ne pas avoir trouvé de candidat alternatif et se disent donc prêts à se rallier à Trump. </p>
<p>Le défi de n’importe quel concurrent de l’ancien président consiste non seulement à rassembler un pourcentage suffisamment important d’électeurs républicains sous une même bannière, mais aussi à se placer à la fois comme héritier et rival de Donald Trump. Or ce dernier n’hésite pas à attaquer violemment tout adversaire pouvant constituer une menace sérieuse, comme il le <a href="https://www.reuters.com/world/us/trump-is-attacking-desantis-hard-policy-amid-flurry-insults-2023-05-17/">fait avec DeSantis</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etats-unis-la-democratie-en-sursis-196524">États-Unis : la démocratie en sursis ?</a>
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<p>En dehors de l’ancien gouverneur du New Jersey <a href="https://edition.cnn.com/2023/06/06/politics/chris-christie-2024-announcement/index.html">Chris Christie</a> et de l’ex-vice-président <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0juZRV-u_S4">Mike Pence</a>, déjà perçus comme déloyaux avant même leur entrée en campagne, les candidats aux primaires évitent pourtant de s’en prendre frontalement à Trump, préférant <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/4019501-why-gop-candidates-are-piling-on-desantis-not-trump/">réserver leurs coups à DeSantis</a>. Attaquer Trump, c’est aussi laisser entendre que ses électeurs se sont trompés ou qu’ils ont été trompés.</p>
<p>En outre, l’ex-président <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/08/donald-trump-voit-d-un-bon-il-la-multiplication-des-candidatures-a-l-investiture-republicaine-pour-2024_6176660_3210.html">bénéficie de la multiplication de candidatures aux primaires</a> et de l’éparpillement des voix qu’elle engendre. Ils sont déjà une <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/05/27/top-10-gop-2024-presidential-candidates/">petite dizaine</a> à s’être officiellement déclarés, mais <a href="https://pro.morningconsult.com/trackers/2024-gop-primary-election-tracker">aucun ne semble encore émerger</a>. En effet, le scrutin majoritaire à un tour appliqué pour les primaires et le fait que, dans la plupart des États, le <a href="https://nymag.com/intelligencer/2023/03/2024-delegate-rules-could-give-trump-and-or-desantis-a-boost.html">candidat qui a obtenu le plus grand nombre de voix</a> remporte l’ensemble des délégués profitent à l’ex-locataire de la Maison Blanche. Fort de son socle électoral solide, ce dernier devrait d’autant plus facilement devancer ses poursuivants que ceux-ci seront nombreux et se déchireront entre eux. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1666819489823096832"}"></div></p>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier que seule une toute petite minorité d’électeurs votent aux primaires . Il y avait <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2016/06/10/turnout-was-high-in-the-2016-primary-season-but-just-short-of-2008-record/">moins de 15 % de participation</a> chez les Républicains en 2016, le taux le plus élevé en plus de 30 ans. Il est communément admis que c’est la frange la plus radicalisée qui vote pour ce scrutin, bien que les <a href="https://www.newamerica.org/political-reform/reports/what-we-know-about-congressional-primaries-and-congressional-primary-reform/are-primaries-a-problem/">études à ce sujet soient peu concluantes</a>.</p>
<h2>DeSantis : un rival plus radical mais moins charismatique</h2>
<p>La stratégie adoptée par Ron DeSantis est de faire une campagne à la droite de Trump sur des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/31/etats-unis-l-iowa-terre-privilegiee-de-l-affrontement-entre-donald-trump-et-ron-desantis_6175516_3210.html">thèmes de guerre culturelle</a> : il se positionne comme étant radicalement <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/may/24/florida-governor-ron-desantis-history">anti-woke</a>, <a href="https://apnews.com/article/florida-abortion-ban-approved-c9c53311a0b2426adc4b8d0b463edad1">anti-avortement</a>, <a href="https://www.nbcnews.com/nbc-out/out-politics-and-policy/desantis-signs-dont-say-gay-expansion-gender-affirming-care-ban-rcna84698">anti-transgenre et LGBT</a>, mais aussi <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-02-15/desantis-strategy-to-win-voters-with-gun-laws-poses-2024-campaign-risk">pro-armes</a>. Reste que, ce faisant, DeSantis cherche à séduire un segment de l’électorat assez similaire à celui de Trump.</p>
<p>Décrit par le <em>Financial Times</em> comme un <a href="https://www.ft.com/content/3aa3b7a6-8f72-4c37-82dd-d98946198aa7">« Donald Trump avec un cerveau et sans le mélodrame »</a>, il <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/03/14/desantis-charisma-presidency/">n’a pas le charisme</a> de ce dernier. Son style de gouvernance en Floride, basé sur <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/03/ron-desantis-2024-florida-authoritarian/673483/">l’autoritarisme</a> et une <a href="https://www.wsj.com/articles/disney-says-desantis-allies-are-weaponizing-the-power-of-government-eab0e30b">instrumentalisation politique</a> des institutions, y compris les <a href="https://nymag.com/intelligencer/2023/01/ron-desantis-florida-schools-censorship-universities-dont-say-gay-stop-woke.html">établissements d’enseignement</a>, rappelle davantage <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2022/4/28/23037788/ron-desantis-florida-viktor-orban-hungary-right-authoritarian">celui de Viktor Orban</a> que celui de l’ancien président américain. De plus, après avoir chanté les louanges de Donald Trump, il doit maintenant l’attaquer sans sembler se contredire ou, pis, passer pour un <a href="https://www.politico.com/newsletters/florida-playbook/2022/11/11/trump-rips-desantis-as-disloyal-00066427">traître</a> auprès de la base.</p>
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<figcaption><span class="caption">Spot de campagne de DeSantis en 2018 en vue de l’élection du gouverneur de Floride.</span></figcaption>
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<h2>Le ressentiment racial et une crise identitaire comme facteurs d’unité</h2>
<p>Dès que l’ancien président est mis en difficulté, par exemple au moment de sa première mise en examen, une <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2024-election/nbc-news-poll-nearly-70-gop-voters-stand-trump-indictment-investigatio-rcna80917">vaste majorité (70 %) de sympathisants républicains</a> s’est ralliée à lui et a semblé adhérer à l’idée que toute inculpation est <a href="https://www.politico.com/news/2023/03/31/donald-trump-indictment-00090001">motivée par des considérations politiques</a>. De même, et de façon plus inquiétante, une majorité continue de <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/03/14/election-deniers-evidence-belief/">croire que l’élection de 2020 leur a été volée</a>, y compris une partie de ceux qui reconnaissent, aujourd’hui, l’absence de preuve.</p>
<p>Cette permanence du soupçon illustre non seulement que la perception compte davantage que la réalité, mais aussi qu’il existe une forme de paranoïa symptomatique d’une crise identitaire dont les racines se situent dans <a href="https://www.washingtonpost.com/news/monkey-cage/wp/2017/12/15/racial-resentment-is-why-41-percent-of-white-millennials-voted-for-trump-in-2016/">l’anxiété économique et le ressentiment racial</a>. La recherche a largement documenté (<a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/537A8ABA46783791BFF4E2E36B90C0BE/S1049096518000367a.pdf/explaining_the_trump_vote_the_effect_of_racist_resentment_and_antiimmigrant_sentiments.pdf">ici</a>, <a href="https://academic.oup.com/poq/article-abstract/83/1/91/5494625">ici</a>, <a href="https://centerforpolitics.org/crystalball/articles/the-transformation-of-the-american-electorate/">ici</a> ou <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691174198/identity-crisis">ici</a>) que les électeurs de Donald Trump étaient essentiellement blancs, non diplômés, évangéliques et de classe moyenne. Ces études concluent également que ce sont d’abord les questions d’identité – surtout liées à la race, à l’immigration, à la religion et au genre –, davantage que l’économie, qui ont été les forces motrices de l’élection de Trump en 2016.</p>
<p>Pour une partie de cet électorat américain blanc, il existe en effet ce que la <a href="https://www.goodreads.com/book/show/28695425-strangers-in-their-own-land">sociologue Arlie Hochschild</a> appelle <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/12/deep-story-trumpism/617498/">« une histoire profonde »</a> :celle de Blancs de la classe moyenne qui seraient mis à l’écart par des groupes minoritaires, abandonnés par le gouvernement, <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/01/13/new-research-shows-connection-between-political-victimhood-white-support-trump/">victimisés</a> et traités avec mépris par une élite de gauche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-grand-desarroi-de-la-majorite-blanche-aux-etats-unis-146993">Le grand désarroi de la majorité blanche aux États-Unis</a>
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<p>Le ressentiment de ces Blancs non diplômés qui se jugent délaissés vient en partie de leur affaiblissement démographique : leur part dans l’électorat est passée de <a href="https://centerforpolitics.org/crystalball/articles/the-transformation-of-the-american-electorate/">69 % en 1980 à 39 % en 2020, et devrait tomber à 30 % d’ici à 2032</a>. </p>
<h2>Une stratégie de l’émotion</h2>
<p>Le succès de Donald Trump vient de son charisme et de sa capacité à utiliser une <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/sep/02/donald-trump-strategy-republican-national-convention">stratégie de l’émotion</a> basée sur la peur, le sentiment de rancune et d’humiliation. Ceci en s’appuyant sur <a href="https://www.politico.com/magazine/story/2018/11/01/donald-trump-elite-trumpology-221953/">sa propre rancœur envers les élites</a> new-yorkaises, puis envers Barack Obama à travers ses allégations de <a href="https://theconversation.com/birtherism-trump-and-anti-black-racism-conspiracy-theorists-twist-evidence-to-maintain-status-quo-174444"><em>birtherism</em></a>, l’élection d’un président noir ayant contribué à <a href="https://www.washingtonpost.com/business/how-evangelical-voters-swung-from-carter-to-trump/2023/03/01/e43a7112-b833-11ed-b0df-8ca14de679ad_story.html">polariser encore plus la politique américaine autour de la question raciale</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530991/original/file-20230608-16844-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation pro-Trump à New York pendant sa comparution devant la justice dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels, le 4 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/protrump-supporters-rally-new-york-criminal-2284802573">Lev Radin/Shutterstock</a></span>
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<p>Ce qui est remarquable, et peut-être contre-intuitif, c’est que ce récit de ressentiment racial est parfois même adopté par des minorités qui éprouvent de <a href="https://www.nbcnews.com/think/opinion/trump-vote-rising-among-blacks-hispanics-despite-conventional-wisdom-ncna1245787">l’antipathie à l’égard d’autres groupes minoritaires</a>. Une <a href="http://www.beacon.org/Racial-Innocence-P1822.aspx">étude récente</a> montre, par exemple, la croissance du nombre de Latinos, comme d’autres personnes de couleur, dans le mouvement suprémaciste blanc.</p>
<p>Enfin, Trump a pu s’appuyer sur la peur des chrétiens blancs évangéliques, comme l’a montré <a href="https://wwnorton.com/books/9781631495731">Kristin Kobes Du Mez</a>, en leur offrant un récit du « carnage américain » qui résonne avec leurs croyances eschatologiques de <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2020/7/9/21291493/donald-trump-evangelical-christians-kristin-kobes-du-mez">déclin et de destruction à la fin des temps</a>.</p>
<h2>Trump, martyr et superhéros</h2>
<p>Donald Trump a construit autour de sa personne un récit où il est une <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2017/11/victim-in-chief/544463/">victime</a>, voire un martyr, auquel <a href="https://www.psypost.org/2021/01/egocentric-victimhood-is-linked-to-support-for-trump-study-finds-59172">s’identifie cet électorat</a> et, en même temps, un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vk_RjS_P_tM">superhéros</a> <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1536504220920189">hypemasculinisé</a> dans lequel ses partisans peuvent se projeter, y compris quand la victime annonce qu’elle se fera bourreau des responsables de leurs malheurs . À la veille des élections de 2016 il se disait ainsi être la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ehvUQrRDyyU">voix des « oubliés »</a> ; avant celles de 2024, il <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qG0ko3rMWig">se présente</a> comme leur « guerrier » et leur justicier, promettant d’être la « rétribution » et le « châtiment » pour « ceux qui ont été lésés et trahis ».</p>
<p>Cette vengeance pourrait même s’abattre sur les Républicains qui le trahiraient. N’oublions pas que le leadership à la Chambre de Kevin McCarthy dépend d’une majorité si faible qu’il est <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2023/jan/15/kevin-mccarthy-house-speaker-trump-republican-influence">à la merci de la frange la plus pro-Trump des élus</a> de son parti. De la même façon, le Grand Old Party est pris en otage par <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2023/05/18/donald-trump-paradox-gop-00097458">ce mouvement minoritaire mais puissant</a>, dont la seule constance est la loyauté envers son chef, Donald Trump, quitte à affaiblir le parti et faire perdre des élections. </p>
<p>Dans un tel contexte, on peut légitimement se poser la question de ce qui se passerait si Trump devait perdre les primaires républicaines. Il n’est pas impossible qu’il rejette alors les résultats, et affirme qu’elles ont été truquées. S’il se présentait, alors, en tant qu’indépendant, presque <a href="https://www.politico.com/news/2023/02/28/trump-voters-republican-primary-00084652">30 % des électeurs républicains seraient prêts à la suivre</a>, même si des <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2023/03/06/trump-third-party-chances/">études montrent</a> qu’il n’aurait presque aucune chance de l’emporter. Il ferait en tout état de cause exploser le Parti républicain, une possibilité qui ne fait que renforcer sa domination sur un parti déjà très affaibli, <a href="https://theconversation.com/apres-la-defaite-de-donald-trump-que-va-devenir-le-parti-republicain-149772">incapable de se redéfinir sur une ligne idéologique et intellectuelle claire</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207054/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump demeure le grand favori aux primaires républicaines de 2024, malgré l’entrée en lice de nouveaux candidats. La multiplication des candidatures pourrait même le favoriser.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947642022-11-16T17:08:05Z2022-11-16T17:08:05ZTrump 2024 : une candidature vouée à l’échec ?<p>C’est donc à Mar-a-Lago, dans un environnement qui convient à l’ancien président, avec ses dorures, ses volumes impressionnants, son luxe, et devant quelques invités triés sur le volet et tout acquis à sa cause, que <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/trump-a-depose-sa-candidature-formelle-a-l-election-presidentielle-de-2024-20221116">Donald Trump a annoncé sa candidature</a> à l’élection présidentielle américaine de 2024.</p>
<p>Cette annonce, présentée par l’intéressé comme <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221114-trump-set-to-officially-launch-2024-comeback-bid">« le plus grand discours de toute l’histoire des États-Unis »</a>, a pourtant le goût d’amertume de certains produits périmés.</p>
<p>Le 45<sup>e</sup> POTUS a eu beau affirmer qu’il allait rendre l’Amérique de nouveau grande et glorieuse, lançant à cette occasion le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/article/trump-et-son-nouveau-slogan-magaga-pour-2024-ont-inspire-les-internautes_210309.html">curieux slogan MAGAGA</a> (Make America Great and Glorious Again), et affirmer que sa victoire « sera construite sur de grandes idées, des ambitions audacieuses et des rêves audacieux pour l’avenir de l’Amérique », il semblait le savoir lui-même : tout cela ne le mènera nulle part. Pour plusieurs raisons, qui ont trait à la fois au timing de cette déclaration, à son âge, à son isolement au sein du Parti républicain ou encore à l’émergence d’adversaires qui paraissent bien placés pour le devancer.</p>
<h2>Le timing désastreux de l’annonce d’un candidat âgé et isolé</h2>
<p>Comment aurait-il pu choisir un pire moment pour faire son annonce ? La bonne stratégie est de se présenter le dernier au départ de la course, en laissant les adversaires s’épuiser et en se posant en recours, après avoir bien observé les autres et relevé toutes leurs faiblesses. C’est <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-11-page-7.htm">ce qu’il avait fait en 2015</a>, avec le succès que l’on sait.</p>
<p>Cette fois-ci, en se décidant deux ans avant le scrutin, Donald Trump a donné l’avantage à ses adversaires pour les primaires républicaines, qui ne vont pas manquer de prendre leur temps et de lui compliquer la tâche, l’air de rien. L’entrée en lice des uns et des autres diminuera d’autant, chaque fois, l’impact de la candidature Trump, qui cédera un point par-ci, trois points par-là, jusqu’à ce qu’un de ses concurrents apparaisse comme plus crédible pour la victoire.</p>
<p>En outre, le Trump de 2022, et ce sera encore plus vrai pour celui de 2024, n’est plus « The Donald » de 2015. Le <a href="https://tyt.com/reports/7015be31e708f973a/7b852d7f677784d59">discours moribond</a>, prononcé d’une voix monocorde à la lecture pénible d’un prompteur a fait bondir cette évidence au premier plan : Donald Trump a vieilli. Il est même aussi vieux que l’était Joe Biden lorsqu’il avait annoncé sa candidature pour 2020. Trump l’avait alors <a href="https://www.businessinsider.com/trump-joke-joe-biden-age-young-vibrant-man-2019-4?r=US&IR=T">moqué pour son âge</a>, une idée largement reprise par ses supporters à coups de « Sleepy Joe », qui s’est décliné en « sénile » depuis la défaite de 2020.</p>
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<figcaption><span class="caption">Donald Trump : « J’annonce ma candidature à l’élection présidentielle », Les Échos, 16 juin 2022.</span></figcaption>
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<p>Enfin, Trump ne peut aujourd’hui guère compter sur l’appui de la machinerie nationale du Parti républicain. C’est un point que l’on pourrait penser sans importance, puisqu’il n’était soutenu par personne en 2015, ce qui ne l’avait pas empêché de triompher.</p>
<p>Pourtant, il se présente cette fois-ci comme un ancien président et l’absence de soutien n’est plus synonyme d’une défiance face à un inconnu : elle révèle qu’il a été incapable de créer un réseau solide derrière lui, qui croit en sa victoire au point de faire campagne à ses côtés. Or c’est bien ce dont il a besoin pour vaincre le camp démocrate, qui a repris les rênes.</p>
<p>Même problème avec ses supporters : on avait déjà remarqué que les <a href="https://www.telegraph.co.uk/world-news/2021/12/12/donald-trumps-florida-roadshow-greeted-rows-empty-seats/">rangs s’étaient clairsemés</a>. Bien entendu, les fans « MAGA », les plus impliqués, les plus engagés, sont toujours là. Mais ce n’est pas suffisant pour faire un gagnant. La force de Trump avait été de faire revenir devant les urnes une <a href="https://www.propublica.org/article/revenge-of-the-forgotten-class">population qui ne votait plus</a>. Ceux-là rêvaient d’un champion capable de renverser la table et doté d’une poigne de fer pour faire face à leurs « ennemis » – car ils imputent au camp d’en face toutes les difficultés qu’ils traversent, au point de finir par croire qu’ils sont effectivement dans une guerre totale.</p>
<p>Mais les meetings de Donald Trump se sont vidés : de 30 000 il y a deux ans, l’ancien président ne pouvait guère plus réunir plus de 2 000 à 3 000 personnes ces derniers mois.</p>
<p>Pis encore : les sondages ne cessent d’indiquer qu’ils ne sont plus que 30 à 34 % au sein de parti républicain à souhaiter son retour et la <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/12/us/politics/trump-approval-polling-2024.html">moitié d’entre eux ne le souhaite pas</a>. Cela ne veut pas dire qu’ils ne l’aiment plus ; juste qu’ils attendent autre chose.</p>
<h2>Un bilan, pas de programme</h2>
<p>C’est une difficulté majeure pour le candidat Trump : il a cette fois un bilan. Bon ou mauvais, on trouvera les deux avis et la discussion tournera en rond.</p>
<p>Mais ce qui est indubitable, c’est que ce bilan l’emprisonne. En 2016, il était un homme totalement neuf et rien ne pouvait lui être opposé, car il répondait invariablement qu’il allait réussir. Les fantasmes et les projections ont donc fait leur œuvre : ses futurs électeurs y croyaient. Et ils en rajoutaient même par rapport à ce qu’il disait, annonçait ou promettait.</p>
<p>Et s’il a un bilan, dans lequel ses concurrents ne manqueront pas de piocher pour le mettre en difficulté, il n’a en revanche pas de programme. C’est bien un des points qui pose un problème réel et de fond. Au cours des deux dernières années, Donald Trump n’a eu qu’un seul élément de programme : « Je suis le meilleur, réélisez-moi. »</p>
<p>Or la <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/11/10/entretien-midterms-2022-aux-etats-unis-pourquoi-le-raz-de-maree-republicain-tant-annonce-na-t-il-pas-eu-lieu-10791819.php">contreperformance du camp républicain aux midterms</a> est principalement due à cette absence de perspective concrète : en ancrant cette stratégie dans l’esprit de ses sympathisants, Trumps les a coupés de ceux qui attendent des politiciens qu’ils apportent des réponses à leurs problèmes. Fort de ce constat, le programme a semble-t-il été rajouté au dernier moment à sa déclaration de candidature : c’est un copié-collé de celui de 2016. Mais on n’est plus en 2016.</p>
<h2>L’épée de Damoclès de la justice</h2>
<p>Il a beau tenter de faire l’impasse sur cette maudite journée du 6 janvier 2021, Donald Trump sera <a href="https://theconversation.com/lenquete-sur-lemeute-du-capitole-le-watergate-de-donald-trump-191025">rattrapé par elle sans arrêt</a>. Il est déjà dans les livres d’histoire pour une tentative d’insurrection, après avoir affronté <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2021-1-page-413.htm">deux procédures d’impeachment</a>. Ces taches sont indélébiles et vont teinter sa campagne, qu’il le veuille ou non. Il sera donc contraint de se poser encore et encore en victime et ne pourra jamais décoller.</p>
<p>Il est évident aussi que <a href="https://www.levif.be/international/usa-les-liens-entre-trump-et-lextreme-droite-au-coeur-dune-enquete-parlementaire/">ses liens avec les groupes d’extrême droite</a> – les Proud Boys, les Oath Keepers, le Ku Klux Klan et d’autres encore – vont hanter les prochains mois. Sa <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/757562/sous-pression-donald-trump-ressuscite-le-complotisme-qanon">proximité avec le groupe QAnon</a>, dont il ne peut plus désormais se passer, clouera son positionnement dans la droite la plus dure et la plus dangereuse, repoussant les indépendants à l’opposé de lui.</p>
<p>Tout le monde, enfin, a compris que la raison de sa déclaration de candidature très prématurée est d’hystériser le débat et d’allumer un contre-feu puissant lorsque le glaive de la justice s’abattra sur lui. <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220921-donald-trump-et-ses-enfants-poursuivis-%C3%A0-new-york-pour-fraude-fiscale">Poursuites</a> à New York pour fraude fiscale, <a href="https://www.lepoint.fr/monde/une-enquete-dans-l-etat-de-georgie-pourrait-etre-fatale-a-trump-30-08-2022-2487738_24.php">enquêtes</a> pour ingérence électorale en Georgie, <a href="https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=1892">menaces d’inculpation</a> au niveau fédéral pour l’émeute du Capitole, les ennuis judiciaires de Donald Trump sont colossaux et on voit mal comment il pourrait désormais échapper à une sanction, qui n’exclut pas une peine de prison.</p>
<p>Son évident est de fédérer ses plus fidèles pour qu’ils descendent dans les rues lorsque le pire arrivera. Rien ne dit que cette stratégie fonctionnera, car les électeurs ont déjà rejeté son jusqu’au-boutisme lors des midterms 2022 en <a href="https://www.marianne.net/monde/ameriques/midterms-aux-etats-unis-le-gros-flop-des-candidats-trumpistes">se détournant largement des candidats qu’il avait ouvertement soutenus</a>.</p>
<h2>Des adversaires dangereux</h2>
<p>La donnée nouvelle, à laquelle Donald Trump ne s’attendait pas, c’est que le désamour à son égard se traduit par la recherche de remplaçants : la brusque mise sous les projecteurs de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/ron-desantis-l-homme-qui-menace-donald-trump-16-11-2022-2497967_24.php">Ron DeSantis</a>, dès le lendemain des midterms, a fait éclater la bulle Trump.</p>
<p>Aussitôt, ils ont été nombreux à chercher à prendre la lumière à leur tour : <a href="https://www.politico.com/news/2022/09/20/ted-cruz-campaign-2024-00057668">Ted Cruz</a>, <a href="https://www.politico.com/news/2022/11/14/pence-2024-run-prayerful-consideration-00066877">Mike Pence</a>, <a href="https://slate.com/news-and-politics/2022/09/lindsey-graham-abortion-ban-2022-midterm-2024-election.html">Lindsey Graham</a>, <a href="https://edition.cnn.com/2022/04/06/politics/kristi-noem-biden-ukraine-russia/index.html">Kristi Noem</a>, <a href="https://thehill.com/homenews/sunday-talk-shows/3679988-youngkin-declines-to-say-if-he-will-run-for-president-2024-is-a-long-way-away/">Glenn Youngkin</a>, <a href="https://eu.desmoinesregister.com/story/news/politics/2022/06/30/iowa-caucus-2024-nikki-haley-will-run-president-if-theres-place-me/7747121001/">Nikki Haley</a>, <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/3596528-tim-scott-dodges-questions-about-whether-he-wants-trump-to-run-in-2024/">Tim Scott</a>, pour ne citer que les plus en vue, qui ne veulent pas laisser le champ libre aux autres et qui se cherchent encore une stratégie et un chemin pour se lancer.</p>
<p>En 2016, lors des primaires républicaines, Donald Trump était le chasseur. En 2024, en sa qualité d’ancien président, il sera le puissant à abattre. Difficile de parier un dollar sur sa victoire…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump vient d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle de 2024. De nombreux aspects indiquent qu’elle ne sera sans doute pas couronnée de succès.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1735232021-12-09T18:17:01Z2021-12-09T18:17:01ZCongrès LR : la droite débordée par sa droite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/436656/original/file-20211209-159504-4fd58t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C22%2C1016%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 6 décembre 2021 Valerie Pécresse, candidate LR de la présidentielle 2022 et Eric Ciotti, à sa droite, se rendaient à Saint-Martin-Vesubie, commune dévastée par la tempête Alex il y a un an.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Christophe Simon/ AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le congrès des Républicains visant à élire le candidat du parti pour la prochaine élection présidentielle s’est soldé samedi 4 décembre par la <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/presidentielle-2022-valerie-pecresse-remporte-le-congres-lr-et-devient-la-candidate-de-la-droite-20211204">victoire d’une candidate, Valérie Pécresse</a>, qui a déjoué les pronostics favorables à Xavier Bertrand et Michel Barnier, en battant assez nettement au second tour le non moins inattendu Éric Ciotti.</p>
<p>L’opération semble donc réussie pour la droite, qui se dote d’une candidate unique après de longs mois d’incertitude sur la procédure à adopter – et ce <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2021/12/05/eric-ciotti-met-en-garde-valerie-pecresse-qui-n-envoie-pas-le-bon-message_6104813_6059010.html">malgré les exigences</a> de son concurrent des Alpes-Maritimes.</p>
<p>Ce congrès a néanmoins fait l’objet de <a href="https://www.europe1.fr/politique/congres-lr-les-trois-enseignements-dun-scrutin-plein-de-surprises-4080392">nombreuses conjectures sur le sens</a> à donner aux résultats de ce congrès, le débat public ayant été brièvement saturé d’interprétations plus ou moins étayées sur le succès des un·e·s et la défaite des autres. Cette nomination n’est d’ailleurs peut-être pas tant la fin du processus laissant place à une campagne bien rangée que le début d’une nouvelle séquence de questionnement sur l’identité politique d’une droite <a href="https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/macron-zemmour-pecresse-peut-elle-desserrer-letau-1369804">fortement concurrencée</a> et qui jouera sa survie en avril prochain. De quoi donc se demander quelles sont les leçons que la droite peut tirer du congrès des Républicains.</p>
<h2>Les partis comptent toujours</h2>
<p>Ayant enchaîné les défaites électorales majeures, victime des défections de certains cadres et ayant connu une hémorragie de ses adhérents, le parti Les Républicains était sans aucun doute <a href="https://theconversation.com/les-republicains-un-parti-dans-la-tourmente-160943">dans la tourmente</a> jusqu’à il y a peu. Aujourd’hui, le nombre des adhérents est revenu <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/les-republicains-ont-ils-le-meme-nombre-d-adherents-que-lors-de-la-creation-de-l-ump-en-2002-20211203">à un niveau plus honorable</a> (environ 150 000 mi-novembre), Valérie Pécresse et Xavier Bertrand ont repris leur carte – même si d’autres cadres, <a href="https://www.varmatin.com/politique/nous-ne-nous-retrouvons-plus-dans-la-ligne-des-republicains-confie-falco-apres-le-depart-de-lr-de-muselier-729193">notamment en PACA</a>, ont rendu la leur – et la première peut espérer jouer un <a href="https://www.20minutes.fr/elections/sondage-election/3192655-20211209-presidentielle-2022-disent-sondages-apres-victoire-valerie-pecresse-congres-lr">rôle de premier plan</a> dans la campagne présidentielle à venir.</p>
<p>Cette séquence a surtout montré que les partis, qu’ils soient très structurés ou plus <a href="https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/121217/jean-luc-melenchon-le-mouvement-gazeux-et-la-france-insoumise">gazeux</a>, demeuraient les organisations centrales de la vie politique. Premièrement, en raison des ressources organisationnelles et financières dont ils bénéficient, permettant aux candidats de profiter d’une masse de bénévoles pour leur campagne de terrain voire numérique, et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=DG14IpJheDlSp6mfH8g6dk8KJkgVS-Wo1--kHLKjrCE=">potentiellement d’un pécule</a> leur permettant de se libérer au moins partiellement du recours aux prêts bancaires. En temps normal, les partis permettent également de réduire la concurrence électorale entre candidats d’une même famille, un impératif qui est apparu décisif dans l’adoption d’un processus de désignation commun à droite qui ne pouvait logiquement qu’être piloté par Les Républicains, comme le fut la primaire de la droite et du centre de 2016.</p>
<p>Enfin, la nomination officielle permet de bénéficier d’une étiquette politique qui, si elle est souvent déconsidérée, constitue un repère pratique pour les électeurs, y compris lors des élections législatives suivantes. Le résultat de Xavier Bertrand au congrès tend d’ailleurs plutôt à montrer qu’il est déconseillé d’insulter l’avenir, dans la mesure où les adhérents du parti <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2017/12/11/25001-20171211ARTFIG00273-xavier-bertrand-annonce-son-depart-des-republicains-apres-l-election-de-laurent-wauquiez.php">qu’on a quitté avec fracas</a> peuvent être amenés à en décider – là où Valérie Pécresse a su rester plus proche du parti, et où Éric Ciotti a surjoué sa fidélité au parti et à l’ancien candidat François Fillon. Certes, Emmanuel Macron a pu donner des idées à certains en lançant avec succès sa <a href="https://www.pug.fr/produit/1662/9782706142635/l-entreprise-macron">propre entreprise partisane</a>, mais ni Libres ! de Pécresse, ni La Manufacture de Bertrand n’ont su construire une organisation suffisamment robuste et affirmée pour véritablement concurrencer sur son propre terrain un parti déjà établi comme Les Républicains.</p>
<h2>Les primaires renforcent l’individualisation de la politique</h2>
<p>Le congrès des Républicains – que l’on peut définir comme une primaire fermée, dans la mesure où l’on a procédé à une élection dans laquelle seuls les membres de l’organisation pouvaient voter – a certes rempli sa fonction de nomination d’une candidate unique, mais laisse planer quelques doutes sur sa capacité à rassembler l’entièreté de sa famille politique, particulièrement la frange la plus droitière mobilisée par Éric Ciotti.</p>
<p>Si à droite persiste une forme de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2003-5-page-761.htm">« culture du chef »</a> s’agençant assez bien avec les exigences de l’élection présidentielle française d’inspiration gaullienne, celle-ci ne s’incarne pas tant dans une autorité hiérarchique incontestée que dans la propension des cadres du parti à taire momentanément leurs divergences au profit d’une candidature dont la réussite pourrait s’avérer particulièrement rétributrice. La légitimité du chef n’est acquise que dans la mesure où ses « subordonnés » y trouvent un intérêt.</p>
<p>Même nommés en bonne et due forme, les candidats ne sont donc pas à l’abri des critiques voire des défections si certains cadres peuvent en tirer plus de bénéfices qu’à travers leur loyauté – c’est a priori ce qui s’est passé pour Manuel Valls après sa défaite à la primaire de la Belle Alliance Populaire en janvier 2017. Paradoxalement, les primaires peuvent mettre en lumière des hommes ou des femmes politiques de second plan qui, grâce à des scores inattendus, peuvent se sentir en droit de négocier l’orientation de la future campagne, à l’image d’Éric Ciotti ou de <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2021/09/30/election-presidentielle-2022-lendemain-de-primaire-tendu-chez-les-ecologistes_6096528_6059010.html">Sandrine Rousseau</a>.</p>
<p>La marge d’action des prétendants est d’autant plus grande que le parti ne s’affirme pas comme l’instance où se décide le programme présidentiel. Si en 2011 le <a href="https://www.lemonde.fr/primaire-parti-socialiste/article/2011/10/12/un-programme-largement-commun-et-des-divergences-souvent-formelles_1586380_1471072.html">Parti socialiste s’était doté d’un programme</a> qui engageait plus ou moins les candidats à sa primaire, tel n’a pas été le cas des Républicains en 2016 et en 2021, en dépit d’un <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/les-republicains/presidentielle-2022-les-premieres-pistes-de-reflexions-du-programme-lr-6900622">travail de consultation et de synthèse</a> de longue haleine par l’organisation centrale du parti.</p>
<h2>La crise du leadership est une crise de l’institution partisane</h2>
<p>Dans un parti faiblement institutionnalisé reposant beaucoup sur des règles informelles et une organisation flexible, la conciliation des différentes sensibilités pour définir un projet commun est d’habitude garantie par le dirigeant du parti, qui cherche à s’assurer du soutien de l’ensemble des cadres et des militants. Or, la primaire contourne ce processus de délibération officieux en sélectionnant un nom qui est logiquement associé à une validation d’une certaine ligne politique. Et quand certaines divergences idéologiques apparaissent, le perdant peut tout aussi bien estimer que l’unité nécessaire au vainqueur ne peut être garantie que par un compromis, chacun étant supposément propriétaire des militants qui ont voté pour lui et décidant donc de leur (dé)loyauté, ainsi que de l’émergence d’un récit médiatique en termes d’unité ou au contraire de division.</p>
<p>La « crise de leadership » des Républicains, dont il a <a href="https://www.leparisien.fr/politique/presidentielle-2022-la-droite-recherche-desesperement-un-leader-28-08-2020-8374332.php">beaucoup été question</a> avant l’annonce du congrès, et qui est momentanément <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/le-pen-compare-le-congres-lr-a-un-quatre-quarts-pecresse-lui-replique-qu-elle-va-en-manger-matin-midi-et-soir-20211202">apparue après le premier tour</a> quand on constatait qu’aucun candidat n’avait significativement surclassé les autres, n’était donc pas tant due à l’absence d’un homme (ou d’une femme) providentiel·le qu’à la faiblesse de l’organisation du parti. Celui-ci, tout indispensable qu’il soit à droite, apparaît davantage comme une arène dans laquelle ses principaux leaders se livreraient à un rapport de force permanent, que comme le lieu de l’élaboration de l’idéologie, de l’image et de l’intégration de la famille politique qu’il entend pourtant représenter.</p>
<h2>Vers la constitution d’un mouvement de droite radicale ?</h2>
<p>S’il est un candidat qui s’est démarqué de ses concurrents lors des débats du congrès des Républicains, c’est bien Éric Ciotti, <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-eric-ciotti-veut-etablir-le-droit-du-sang-pour-obtenir-la-nationalite-francaise-31d4bc84-0836-11ec-a841-cbabc780533d">avec ses propositions « fortes »</a> sur le tryptique immigration-identité-insécurité et sur la fiscalité.</p>
<p>Pourtant, aucun candidat ne s’est privé de dérouler en long, en large et en travers ses constats et ses solutions pour réduire l’immigration légale ou illégale, sur-sanctionner les délinquants ou réprimer toute expression du <a href="https://theconversation.com/le-wokisme-ou-limport-des-paniques-morales-172803">« wokisme »</a> et de la « cancel culture », <a href="https://www.franceinter.fr/politique/securite-ecole-wokisme-minute-par-minute-de-quoi-ont-parle-les-candidats-lr-lors-du-troisieme-debat">qui ont occupé la majorité des débats télévisés</a>.</p>
<p>Cette stratégie de radicalité du discours visait certes à s’attacher le vote d’adhérents perçus comme en demande de radicalité idéologique et attachés à des personnalités conservatrices ou classées à la droite du parti, comme Laurent Wauquiez ou Bruno Retailleau. Chacun se préparant à une éventuelle campagne pour l’élection présidentielle, il s’agissait aussi de s’assurer du soutien d’électeurs de droite séduits par le discours identitaire d’Éric Zemmour qui clamait être <a href="https://www.europe1.fr/politique/je-suis-le-candidat-du-rpr-que-signifie-cette-phrase-deric-zemmour-4070304">« le candidat du RPR »</a>, c’est-à-dire plus fidèle au gaullisme que les héritiers du gaullisme eux-mêmes.</p>
<p>Dans les faits, l’essayiste d’extrême droite se conforme surtout à un moment particulier de l’histoire du RPR – <a href="https://www.youtube.com/watch?v=P3gPy5DIh5I">celui où il s’est le plus rapproché du programme du FN</a>.</p>
<p>Sa stratégie est cependant symptomatique d’une véritable guerre identitaire qui se mène entre candidats pour savoir qui sera le plus légitime à représenter la droite, la vraie, celle qui s’assume comme telle. Un conflit qu’Éric Ciotti n’a pas hésité à rejouer au sein même des Républicains, en lançant au lendemain de son défaite <a href="https://www.nicematin.com/politique/a-droite-a-nice-eric-ciotti-annonce-quil-cree-son-propre-mouvement-au-sein-du-parti-les-republicains-731640">son propre mouvement</a> nommé « À droite ! », assimilant implicitement Valérie Pécresse au centre dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5Lpk_VhXquA">interview à VA+</a>.</p>
<p>Nous avions déjà traité <a href="https://theconversation.com/pourquoi-eric-zemmour-embarrasse-t-il-autant-la-droite-170846">dans un précédent article</a> du discours appelant la droite à se « décomplexer » face à la supposée hégémonie culturelle et idéologique de la gauche. Ce discours, d’<a href="https://www.la-croix.com/Actualite/France/La-droite-decomplexee-de-Nicolas-Sarkozy-a-Jean-Francois-Cope-_NG_-2012-08-27-846618">au moins quinze ans d’âge</a>, s’inscrivait néanmoins généralement dans une stratégie de transformation de la droite de l’intérieur. Il était parfois assumé par des figures dirigeantes comme Jean-François Copé ou Laurent Wauquiez, tandis que le FN se cantonnait à une posture « ni de droite, ni de gauche ». Aujourd’hui, il semble de plus en plus s’incarner dans des forces politiques à part, revendiquant soit une sensibilité bien distincte au sein du parti, comme celle d’Éric Ciotti, soit carrément extérieure au parti, comme celle d’Éric Zemmour.</p>
<h2>La droite sera-t-elle victime de ses penchants radicaux ?</h2>
<p>Il convient de caractériser ce discours comme étant typique de la droite radicale, pas seulement parce qu’il serait plus à droite (c’est-à-dire plus nationaliste, plus sécuritaire, plus autoritaire, plus économiquement libéral, moins permissif, etc.) que le discours habituel de la droite de gouvernement, mais également parce qu’il prétend revenir aux racines mêmes de la droite politique et intellectuelle, supposément trahies par les élites crypto-centristes converties à l’intégration européenne, à l’égalitarisme et au multiculturalisme.</p>
<p>Ce discours a largement prospéré dans ce qu’on qualifiait de « droite hors les murs », qui avait longtemps <a href="https://www.valeursactuelles.com/politique/lappel-dangers-pour-lunite-de-la-droite/">cherché à rassembler les différentes organisations</a> de droite et d’extrême droite dans un seul mouvement, <a href="http://www.slate.fr/story/150039/droite-hors-les-murs-alt-right-francaise">sans succès</a> – du moins jusqu’à la candidature d’Éric Zemmour.</p>
<p>Celle-ci, en dépit de sa proximité évidente <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20211201-zemmour-un-bonapartiste-promoteur-d-un-nationalisme-ethnique">avec les idées ethnicistes et contre-révolutionnaires</a>, est pourtant de nature à brouiller les frontières entre droite et extrême droite, le candidat envisageant plutôt un seul et même grand espace politique soudé par le nationalisme. Jean-Marie Le Pen ne se revendiquait-il pas aux débuts du Front national de la droite <a href="https://www.franceculture.fr/politique/le-front-national-est-il-un-parti-dextreme-droite">« nationale, sociale et populaire »</a> avant d’incarner un antisystémisme plus ambigu ?</p>
<p>En ce sens, la droite radicale peut-elle se permettre de faire le tri entre toutes les références historiques qui se sont revendiquées de droite ou ont été revendiquées par elle ? La porosité entre les différents imaginaires et organisations dans lesquels puise la droite radicale peut être illustrée par la trajectoire de Guillaume Peltier, ancien du FN et du MPF depuis devenu député UMP, <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/apres-le-congres-christian-jacob-fait-le-tri-dans-les-instances-des-republicains-20211207">jusqu’à il y a peu vice-président du parti LR</a> et soutien d’Éric Ciotti, démis de ses fonctions pour avoir salué le discours d’Éric Zemmour à Villepinte.</p>
<h2>Les leçons du congrès des Républicains</h2>
<p>Pour en revenir aux leçons que l’on peut tirer du congrès des Républicains, la droite s’est indubitablement retrouvée piégée par un long processus de droitisation dont les débats télévisés étaient un aboutissement et qui questionne aujourd’hui sa capacité à séduire les électeurs partis chez Emmanuel Macron sans risquer de s’aliéner par exemple les sympathisants d’Éric Ciotti. Mais on peut également considérer qu’elle s’est retrouvée piégée par la posture contestataire qu’ont adopté une bonne partie des dirigeants de la droite depuis 2004.</p>
<p>Nicolas Sarkozy, en devenant président du parti suite à la démission d’Alain Juppé, est en effet devenu le premier leader de la droite rassemblée à promouvoir une sorte de <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/palgrave.fp.8200131">posture antisystème « soft »</a> en promettant de rompre avec la vieille droite timorée incarnée par Jacques Chirac, afin de faciliter son élection en 2007. Par la suite, Jean-François Copé, puis à nouveau Nicolas Sarkozy, et enfin Laurent Wauquiez ont incarné cette posture, ainsi que les concurrents de Christian Jacob lors de l’élection interne de 2019, Julien Aubert et Guillaume Larrivé.</p>
<p>Peut-être en partie à son insu, en tout cas de manière non préméditée, François Fillon est également devenu une sorte d’incarnation de l’opposition au système judiciaire et médiatique ayant été trahi par les élites du parti ayant pris le prétexte des affaires pour désavouer sa ligne très libérale et sa sensibilité personnelle conservatrice. Aujourd’hui, l’expression de « droite du Trocadéro », <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/philippe-la-droite-du-trocadero-c-est-la-droite-qui-se-paie-de-mots-20190516">inventée par Édouard Philippe</a>, est reprise comme un symbole de ralliement par tous ceux – y compris Éric Ciotti durant le congrès LR – qui y ont vu un marqueur de la fidélité à la droite assumée contre la majorité de l’état-major du parti. François Fillon est également perçu comme le seul des leaders de la droite à avoir su accueillir dignement les anciens de La Manif pour tous, mobilisation <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/et-la-france-se-reveilla%20--%20enquete-sur-la-revolution-des-valeurs_0-1737891_9782810005642.html">théorisée comme un réveil de la droite traditionnelle</a>.</p>
<p>La question de savoir si la fraction des Républicains la plus typique du radicalisme de droite et de cet antisystémisme « soft » se détachera du parti pour poursuivre une stratégie que l’on pourrait qualifier « d’idéaliste » en se regroupant avec les autres acteurs de la droite radicale, ou si elle lui restera fidèle dans l’optique plus « pragmatique » de conquête des responsabilités (et donc d’influence sur la conduite gouvernementale) sera peut-être le principal enjeu de la droite dans les prochains mois. La seconde option est à la fois la plus ancienne et la plus répandue au sein des plus radicaux des politiciens de droite, mais son attractivité future dépendra grandement du résultat de la prochaine élection présidentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilien Houard-Vial a reçu des financements de la Fondation Nationale des sciences politiques dans le cadre d'un contrat doctoral.</span></em></p>La nomination de Valérie Pécresse est peut-être le début d’une nouvelle séquence de questionnement sur l’identité politique d’une droite fortement concurrencée.Emilien Houard-Vial, Doctorant en science politique, Centre d'études européennes (Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1718842021-11-16T18:50:05Z2021-11-16T18:50:05ZPrimaire de la droite : les candidats entre faibles conflits et gros consensus<p>« Penser c’est juger », écrit Kant dans ses Prolégomènes de 1783. D’autre part, participer c’est prendre parti. Il se pourrait bien que ces deux assertions représentent une grande partie de ce qui forme les débats politiques. Le jugement est, en effet, inhérent à toute expression politique ce qui la rend toujours interprétable dans un sens favorable ou défavorable et permet ainsi la prise de parti.</p>
<p>C’est l’aspect conflictuel du débat politique qui en fait le versant verbal du combat politique. Mais débattre c’est aussi rechercher le consensus à travers des arguments qui peuvent être développés de façon rationnelle de telle sorte qu’un débat politique apparaît toujours comme le modèle de la joute politique où le consensus et le conflit sont toujours en tension.</p>
<p>À cet égard, comment se sont présentés les deux débats organisés par Les Républicains des 8 et 14 novembre 2021 pour éclairer le vote des adhérents qui conduit à l’investiture de leur candidat à l’élection présidentielle de 2022 ? Quels sont les enjeux fondamentaux autour desquels ont tourné ces débats ?</p>
<h2>Le consensus et les petites différences des candidats à la primaire</h2>
<p>Incontestablement, l’enjeu stratégique principal a consisté à négocier la part du consensus et la part des différences que pouvait exprimer chaque candidat. Globalement, le premier <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rGrAv9ctS6Y">débat du 8 novembre sur LCI</a> a été davantage inspiré par le souci du rassemblement (culminant chez Michel Barnier mais nettement affaibli dans le deuxième) que l’expression des différences. La situation électorale telle que la révèlent les sondages d’intention de vote fait apparaître la nécessité pour les cinq candidats d’apparaître sinon totalement unis du moins très proche les uns des autres dans leur positionnement politique.</p>
<p>Le deuxième débat s’est tenu le 14 novembre sur BFMTV et RMC. Il était décisif pour une raison strictement électorale à court terme car il constituait l’une des dernières occasions pour les cinq candidats de dynamiser à leur profit respectif la campagne d’adhésion des militants de LR qui s’achèvera le 16 novembre. En effet, le nombre de <a href="https://www.franceinter.fr/politique/chez-les-republicains-la-guerre-des-cartes-d-adherents">nouveaux adhérents</a> à LR enregistrés à la suite des deux débats du 8 et du 14 novembre constitue l’un des indicateurs les plus évidents du succès ou de l’échec de ces débats télévisés. Il faudra donc surveiller cet indicateur pour évaluer l’impact de ces débats.</p>
<p>Le besoin du consensus est rappelé par le thème de la « famille politique » largement repris par tous les prétendants tout au long du débat. Les thèmes spécifiques sur lesquels vient s’investir ce souci de l’apparente unité sont multiples.</p>
<p>L’évocation des questions soulevées par le pouvoir d’achat et la dette sont l’occasion d’une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r0062.asp">ode à la « valeur travail »</a>. La préférence pour l’énergie nucléaire, le durcissement très net concernant la réduction de l’immigration et l’expulsion des clandestins, l’augmentation des dépenses régaliennes et le retour de l’ordre et de la sécurité ou la France dans le monde avec le maintien au Sahel, tous les thèmes ont donné lieu à une offre de tonalité très unanime et droitière.</p>
<p>Les différences apparaissent mineures tant elles sont éparses à travers les deux débats et ne constituent pas de foyer d’agrégation. Si l’on s’attarde quelques instants sur les propos des uns et des autres, nous avons par exemple Valérie Pécresse qui reproche à Michel Barnier « de ne pas avoir dit comment il finançait ses mesures ». « Attention de ne pas trop promettre » rétorque-t-il ensuite à la Présidente de la région Île-de-France à propos des suppressions d’emplois publics. Philippe Juvin finit par avouer « moi, je n’ai jamais quitté ma famille politique », ce qui n’a pas du plaire ni à Xavier Bertrand ni à Valérie Pécresse. Michel Barnier rejette la prime d’activité suggérée par Xavier Bertrand comme forme d’assistanat inopportun de l’État.</p>
<p>Ces divergences ne donnent pas cependant l’impression d’une animosité comparable à celle qui s’était exprimée entre les sept candidats de la primaire de la droite et du centre lors de leur premier débat du 13 octobre 2016 où de multiples <a href="https://www.sudouest.fr/2016/11/03/debat-de-la-primaire-de-droite-sarkozy-attaque-de-tous-les-cotes-2556738-625.php?nic">attaques <em>ad hominem</em></a> avaient été lancées.</p>
<h2>Prégnance des questions identitaires et d’immigration</h2>
<p>Le tropisme identitaire marque très fortement le premier débat et encore plus le deuxième où les questions de l’immigration et de l’intégration tiennent une place de choix puisqu’elles inspirent des propositions consensuelles (renforcement général des mesures de lutte contre l’immigration clandestine) aussi bien que particulières (moratoire de Barnier, critiqué par Pécresse pour son inefficacité face à l’immigration zéro, proximité idéologique de Ciotti avec Zemmour en qui il refuse de voir un adversaire contrairement à ses concurrents, prise de position de Ciotti en faveur de la préférence nationale et son refus du regroupement familial).</p>
<p>L’obsession sécuritaire est aussi très sensible à travers les deux débats successifs. Quant au contenu de ces débats, on pourra s’étonner de voir les quatre thèmes sélectionnés économie, immigration, sécurité, place de la France dans le monde. Réplique exacte du premier débat avec le seul changement de leur ordre de traitement. Il serait important de savoir si la domination de ces thèmes dans l’ensemble est à imputer aux journalistes ou si elle traduit le souci des candidats de se conformer aux attentes réputées droitières des adhérents de LR qui vont voter le 4 décembre pour désigner le candidat de la droite dite républicaine.</p>
<p>Cette domination a été interprétée comme le signal d’une orientation « à droite, toute » pour reprendre le commentaire du quotidien <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2021/11/15/presidentielle-2022-chez-les-republicains-des-candidats-a-droite-toute_6102060_6059010.html">« Le Monde »</a> concernant la fermeté des propositions communes, pour l’essentiel, des prétendants. On peut s’étonner que les quatre thèmes sélectionnés ne constituent qu’une faible partie de la Charte des principes fondamentaux des Républicains adoptée en octobre 2019. La laïcité, en particulier, qui y figurait a ainsi disparu des enjeux électoraux des candidats à l’investiture.</p>
<h2>Tous contre Macron</h2>
<p>Le thème le plus rassembleur est dans aucun doute la condamnation unanime de la présidence d’Emmanuel Macron pour toutes ses décisions : le laxisme à l’égard de l’immigration et la défense de la sécurité publique, l’augmentation de la dépense publique (« Il a cramé la caisse » selon Pécresse qui préconise la suppression de 200000 emplois publics), la gestion critiquable de la crise sanitaire de la Covid, le déclassement de la France au plan international comme le montre l’affaire humiliante des sous-marins australiens, le désintérêt pour le referendum néo-calédonien et le maintien de la France dans le pacifique.</p>
<p>Bref, Macron est désigné comme la cible principale des Républicains. De pouvoir d’achat, de politique industrielle, d’environnement ou de fiscalité, il a été aussi question mais de façon très tardive et fugace au point que ces thèmes n’ont pas permis de repérer des différences profondes de projet entre les candidats.</p>
<p>Sachant que l’essentiel des effets produits sur le public par ce type de débat tient aux commentaires et aux verdicts, politiques et médiatiques, qui s’en suivent, on se contentera de pointer que la droite républicaine a assumé sans détour ses valeurs et sa prétention consensuelle et déterminée à mettre en œuvre une politique marquée par la fermeté des mesures de nature à davantage satisfaire ses militants que l’ensemble des électeurs français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171884/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les adhérents du parti Les Républicains éliront bientôt leur favori pour l’élection de 2022. Lors des débats télévisés, les candidats ont exprimé leurs désaccords mais surtout leurs idées communes.Jacques Gerstlé, Professeur émérite de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1668442021-09-05T16:57:46Z2021-09-05T16:57:46ZLa droite se déchirera-t-elle pour ses idées ?<p><a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/debacle-a-la-presidentielle-pecresse-quete-des-millions-lr-se-cherche-une-position-20220411_P2RRUGHDGBDWVK3BC33L76AKBM/">La débâcle de Valérie Pécresse (moins de 5% des voix exprimées)</a> lors du premier tour de la présidentielle 2022 ouvre à nouveau le débat sur les possibles directions idéologiques que prendra le parti Les Républicains. Plongé dans une <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/12/le-soutien-de-nicolas-sarkozy-a-emmanuel-macron-ouvre-une-crise-supplementaire-chez-lr_6121818_6059010.html">crise peut-être sans précédent</a> après le ralliement officiel de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron, le parti, endetté, doit désormais trouver un terrain d'entente, fracturé entre ses différents courants.</p>
<p>Ainsi, plusieurs cadres de LR, dont Xavier Bertrand - annoncé comme sortant de la primaire de la droite en décembre- se réclament du <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-26-mars-2021">gaullisme social</a>. Valérie Pécresse elle évoquait plutôt sa proximité avec Angela Merkel et <a href="https://www.lepoint.fr/politique/valerie-pecresse-je-suis-2-3-merkel-et-1-3-thatcher-18-08-2021-2439397_20.php">Margaret Thatcher</a>. Éric Ciotti quant à lui occupe le créneau de la <a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/eric-ciotti-le-pari-du-dur-20210827_TIAUHIOCTZHCFBI3I3YPQ5UXBQ/">« droite forte »</a>.</p>
<p>Pour autant, ces tentatives de distinction peinent souvent à se concrétiser dans les programmes, qui ne font généralement apparaître que des divergences superficielles ou formelles. Déjà en 2016, à l’exception des projets de Nathalie Kosciusko-Morizet – à la tonalité moderniste – et de Jean-Frédéric Poisson – à la tonalité conservatrice –, les candidats à la primaire de la droite et du centre semblaient se distinguer bien plus par leur ethos et leur parcours politique <a href="https://www.sudouest.fr/politique/primaire-de-la-droite-comparez-les-programmes-des-candidats-en-8-points-3577899.php">que par leurs idées</a>.</p>
<p>La question se pose donc de savoir quel est l’état de la diversité idéologique de la droite française à l’heure où celle-ci semble plus éclatée que jamais <a href="https://www.lepoint.fr/politique/de-l-ump-a-lr-une-histoire-mouvementee-un-parti-divise-02-06-2019-2316442_20.php">depuis la création</a> de l’Union pour un mouvement populaire (UMP, fondé en 2002), tantôt tentée par le macronisme, tantôt par le dialogue avec l’extrême droite, et souvent coincée dans un inconfortable <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/vu-de-letranger-coincee-entre-macron-et-le-pen-la-droite-traditionnelle-en-passe">entre-deux stratégique</a> d’où elle attend des jours meilleurs. Surtout, peut-on véritablement identifier des points de désaccord substantiels qui viendraient compliquer le rassemblement tant espéré par Les Républicains ?</p>
<h2>Immigration, sécurité et identité : un accord radical</h2>
<p>Il était encore possible, il y a cinq ans, d’identifier au sein de la droite des différences d’appréciation significatives au sein du tryptique immigration-sécurité-identité qui fit les <a href="https://www.jstor.org/stable/42843723?seq=1#metadata_info_tab_contents">grands jours</a> du quinquennat Sarkozy. L’UMP, devenue entretemps Les Républicains (en 2015), se distinguait alors entre ceux qui souhaitaient continuer et approfondir les accents droitiers <a href="https://www.liberation.fr/france/2013/10/04/buisson-une-faction-francaise_937077/">encouragés jadis par Patrick Buisson</a>, et ceux qui y voyaient une dérive ayant mené à la défaite de 2012. C’est ainsi que l’on vit émerger le thème de <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/09/14/l-identite-heureuse-histoire-d-une-formule-devenue-une-marque-de-fabrique_4997377_4854003.html">« l’identité heureuse »</a> porté par Alain Juppé, mettant en avant la tolérance aux différences et l’acceptation des immigrés – une différence certes plus formelle que substantielle, mais qui suscita de vive critique en « naïveté » de la part de ses adversaires de l’époque.</p>
<p>Depuis, l’intéressé a quitté son parti et la politique, et les discours avoisinant ceux de l’extrême droite à propos de l’immigration et de la sécurité (voire du lien entre les deux) est devenu une constante parmi les barons de la droite. La première partie du projet européen des Républicains, intitulée « Europe frontière », propose ainsi de délocaliser le traitement des demandes d’asile hors d’Europe, de ramener systématiquement les bateaux de migrants en Afrique ou encore de dénoncer le <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277029-quest-ce-que-le-pacte-de-marrakech-sur-les-migrations">Pacte de Marrakech</a> signé par la France en 2018, en ce qu’il « encourage l’immigration et promeut le multiculturalisme ».</p>
<p>Aujourd’hui, les divergences sur les questions identitaires, migratoires ou sécuritaires demeurent bien maigres, même entre les cadres de la frange dite « modérée », comme Valérie Pécresse, et ceux de la frange dite « dure », comme Laurent Wauquiez. Si ce dernier avait effectivement mécontenté nombre de Républicains durant sa présidence, c’était moins pour ses positions sur l’immigration – sujet auquel il avait rapidement consacré une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=L5LK1UG9Utk">convention thématique</a> – que pour sa rhétorique susceptible de faire fuir les électeurs de la droite la plus anti-lepéniste, comme l’illustre l’épisode du <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/06/07/pour-que-la-france-reste-la-france-le-slogan-des-republicains-critique-meme-a-droite_5311389_823448.html">tract « Pour que la France reste la France »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/L5LK1UG9Utk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Laurent Wauquiez prononce un discours à charge contre l’immigration en 2018.</span></figcaption>
</figure>
<p>Du reste, son éviction en juin 2019 n’a rien changé à la <a href="https://republicains.fr/nos-propositions/immigration/">ligne du parti en la matière</a>, tout comme l’importance des thématiques identitaires <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/valerie-pecresse-denonce-l-aveuglement-d-emmanuel-macron-sur-l-islamisme-et-l-immigration-incontrolee-20210823">dans les discours des potentiel(le)s candidat(e)s de droite</a>.</p>
<h2>Un consensus culturel plus ou moins bruyant</h2>
<p>Les questions culturelles ont indubitablement représenté un aspect important du discours de la droite durant le quinquennat Hollande, de l’adoption du mariage pour tous aux <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/primaires-droite/2016/11/22/35004-20161122ARTFIG00192-qu-a-vraiment-dit-francois-fillon-sur-l-avortement.php">soupçons d’inclination anti-avortement de François Fillon</a>. La droite a alors eu l’opportunité de descendre dans la rue pour s’opposer férocement aux projets de la gauche, rappelant les grandes heures de <a href="https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/10/29/10001-20121029ARTFIG00588-le-24juin-1984-le-jour-o-la-droite-a-pris-la-bastille.php">l’opposition au PACS ou à la loi Savary</a>.</p>
<p>Ces sujets ne représentent-ils est vrai pas une occasion pour la droite de se diviser, comme cela avait été le cas <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements1-2009-3-page-34.htm?contenu=article">durant le vote de la loi Veil en 1974</a> : à quelques exceptions près – comme les cinq députés LR <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/15/(num)/3855">ayant voté pour le récent projet de loi relatif à la bioéthique</a> – la droite française s’affirme très largement comme conservatrice, et n’a pas manqué de donner de la voix à ce marqueur fort de distinction vis-à-vis de la gauche.</p>
<p>Néanmoins, si le quinquennat d’Emmanuel Macron a été l’occasion d’une flambée des polémiques médiatiques sur l’écriture inclusive, « l’intersectionnalité » ou « l’islamogauchisme », la question de la préservation de l’ordre social et moral n’a plus autant été mise en avant par la droite, en raison aussi bien de la timidité réformatrice d’un gouvernement qui compte dans ses rangs nombres d’anciens LR, que du faible potentiel électoral que représentent finalement ces sujets au-delà du noyau dur de la droite conservatrice.</p>
<h2>La montée de la problématique écologique</h2>
<p>A contrario, <a href="https://theconversation.com/comment-les-droites-ont-redecouvert-la-nature-162484">l’écologie a représenté un sujet</a> de plus en plus important pour la droite, qui en avait fait jusque-là une quantité négligeable – si l’on excepte un aparté au milieu des années 2000, entre Charte et Grenelle de l’Environnement. Or, suite au score inattendu des écologistes aux européennes de 2019 et aux actualités climatiques de plus en plus menaçantes, Les Républicains ont accéléré leur transition programmatique, avec <a href="https://republicains.fr/conventions/">deux conventions sur l’écologie en un an</a> (une sur la pollution et la préservation de l’environnement, l’autre sur le réchauffement climatique) et un <a href="https://www.deputes-les-republicains.fr/images/documents/POUR-UNE-ECOLOGIE-POSITIVE-Strategie-environnementale-Deputes-LR.pdf">livret programmatique des députés LR</a>.</p>
<p>Le véritable changement réside dans la place qu’a pris la thématique écologique dans le discours des Républicains : celle-ci est devenue pleinement fonctionnelle quand le parti a décidé de ne plus « simplement » contester aux écologistes le monopole de l’écologie, et a plutôt opté pour une approche plus conflictuelle défendant une l’écologie raisonnable et raisonnée contre une écologie « punitive », « totalitaire », « gauchiste » et catastrophiste. En opposant une écologie propre de droite à une écologie de gauche, LR peut ainsi faire de l’environnement un marqueur de distinction à mettre en avant dans son expression publique.</p>
<p>Le sujet est néanmoins trop « neuf » à droite pour susciter des divisions internes. Peut-être qu’à l’avenir s’opposeront une tendance « techno-optimiste » voyant dans le progrès scientifique la porte de sortie de la crise climatique, et une tendance « conservatrice-romantique » centrée sur la préservation des terroirs et la méfiance vis-à-vis de la modernité. Mais pour l’instant l’écologie de droite est <a href="https://ehouardvial.wordpress.com/2020/09/08/droite-et-ecologie-lalliance-impossible/">largement marquée par un consensus</a> autour du maintien du nucléaire, de la sobriété énergétique et des innovations technologiques, résumé par la formule de la « croissante verte ».</p>
<h2>Europe, la fin du casus belli</h2>
<p>L’Europe a pendant longtemps été le motif majeur des disputes idéologiques au sein du pôle de droite, scindé entre souverainistes attachés au souvenir du général De Gaulle, à l’instar de Philippe Séguin et de Charles Pasqua qui <a href="http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=24&rub=autres-articles&item=86">menèrent la campagne contre le traité de Maastricht</a> à droite, et les partisans de la construction européenne, dont furent Valéry Giscard-d’Estaing et Edouard Balladur. Le refus de tout partage de souveraineté et le protectionnisme économique et culturel apparaissaient alors également comme une lutte pour la revendication d’un <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1990_num_40_6_394525">patrimoine idéologique déjà largement affaibli</a> par le tournant (néo)libéral de la droite post-gaulliste.</p>
<p>La donne semble avoir depuis bien changé. La retraite politique de Seguin et l’aventure ratée d’une novelle mouture pour le RPF de Pasqua ont marginalisé le souverainisme au sein de la nouvellement créée UMP, soutenant un Jacques Chirac désormais définitivement acquis à la construction européenne.</p>
<p>En 2005, <a href="https://www.leparisien.fr/archives/sarkozy-affiche-l-unite-de-son-parti-07-03-2005-2005758783.php">90,8 % des adhérents votèrent en faveur</a> de la motion de soutien au Traité établissant une Constitution pour l’Europe, emmenés par un <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/146965-declaration-de-m-nicolas-sarkozy-president-de-lump-sur-sa-position-e">Nicolas Sarkozy alors euro-enthousiaste</a>, qui fit d’ailleurs passer le traité sous une forme modifiée en 2007 en dépit du précédent rejet du référendum.</p>
<p>Difficile certes d’affirmer qu’aujourd’hui aucune tête ne dépasse concernant la question européenne. La gestion de la crise financière par l’Union européenne et ses dissensions internes n’ont pas manqué de susciter une certaine défiance alimentée par Marine Le Pen lorsqu’elle était à la tête du FN, et l’épouvantail fédéraliste n’a pas négligé de faire son trou à droite. Pour autant, le parti parvient à un compromis en 2019 autour de la double souveraineté française européenne, manière de préserver les capacités d’action de la France sans renoncer au projet politique européen.</p>
<p>Malgré les différences de registre, il apparaît donc peu probable que la droite se déchire sur la question européenne.</p>
<h2>De nouvelles données</h2>
<p>Difficile a priori d’être plus consensuel à droite qu’à propos des questions économiques. Scindée dans les débuts de la V<sup>e</sup> République entre gaullistes étatistes et républicains libéraux, la droite a depuis largement convergé vers un modèle libéral et économe, favorable à la réduction de la pression fiscale et averse à la régulation étatique de l’économie – même si la France n’a jamais compté parmi les pays les plus libéraux sur le plan économique. <a href="https://www.cairn.info/les-grandes-idees-politiques--9782361064488-page-82.htm?contenu=article">Florence Haegel explique ainsi en 2017</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on examine les propositions programmatiques des différents candidats aux primaires présidentielles de la droite, on constate non seulement que les questions économiques ne permettent pas de les distinguer mais que les post-gaullistes se révèlent parfois les plus libéraux ».</p>
</blockquote>
<p>Or, les choses ont changé depuis. Ainsi, la victoire d’Emmanuel Macron et de La République en Marche a incarné un libéralisme sûr de lui – réalisant par exemple la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) que n’avaient pas entrepris les gouvernements Fillon – et obligeant Les Républicains à trouver matière à se distinguer pour ne pas apparaître « à la traîne » du gouvernement.</p>
<p>Par ailleurs, l’inefficacité de la stratégie de droitisation – qui a échoué à faire diminuer le score du Front/Rassemblement national <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/government-and-opposition/article/mainstream-party-strategies-towards-extreme-right-parties-the-french-2007-and-2012-presidential-elections/12B441AA6AAE57ECDE210020C5B161B3">depuis 2012</a> - a été pour certains la preuve que la solution pour récupérer ses électeurs ne réside pas seulement dans les questions d’immigration et de sécurité, mais aussi dans des réponses concrètes à l’anxiété sociale et à l’absence de perspectives d’avenir réjouissantes.</p>
<p>La crise du coronavirus a aussi mis en lumière les conséquences des politiques austéritaires mises en place par la droite sur les services publics (notamment <a href="https://www.challenges.fr/politique/observatoire-2012/l-hopital-se-reforme-dans-la-douleur_305747">hospitaliers</a>) et souligné ainsi la fragilité de certaines populations <a href="https://www.vosgesmatin.fr/sante/2021/02/08/precarite-des-etudiants-les-jeunes-republicains-des-vosges-ecrivent-au-gouvernement">face aux aléas</a>.</p>
<p>Enfin, l’émergence d’une nouvelle génération de parlementaires ou de cadres locaux n’ont pas été impliqués dans l’élaboration desdites politiques austéritaires que la droite a largement continué de défendre pendant le quinquennat Hollande, divisant un peu plus les troupes.</p>
<p>On a ainsi pu voir le jeune secrétaire général du parti Aurélien Pradié <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/03/30/planification-revolution-des-salaires-les-idees-choc-du-numero-3-de-lr_1783178/">demander à ce que l’on « interroge » le libéralisme</a> au début de la pandémie, rapidement rabroué par l’ancien ministre de l’Économie, Éric Woerth, qui craint que la tentation du « laxisme » sur les <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/03/31/pour-lr-revenir-au-social-ou-rester-liberal_1783747/">questions budgétaires</a>.</p>
<p>Certes, la droite n’est pas près d’abandonner de sitôt son objectif de baisse des dépenses publiques ou sa volonté de favoriser avant tout l’activité des entreprises privées. En la matière, les propositions des candidat(e)s de la droite « sociale » et de la droite « libérale » <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/valerie-pecresse-est-elle-vraiment-plus-liberale-que-xavier-bertrand-1412397">varient d’ailleurs fort peu</a>. Pour autant, les remises en question de la doxa économique de la droite, bien que fragmentaires, ne sont pas rares, à l’instar de la proposition d’une hausse significative des salaires <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/guillaume-peltier-le-travailliste-des-republicains-20191029">par Guillaume Peltier</a> ou l’appel à « abandonner la pensée bruxello-budgétaro-néolibérale » <a href="https://twitter.com/JulienAubert84/status/1241678908703023107">par Julien Aubert</a>. La droite ne sera sans doute jamais collectiviste, mais elle pourrait progressivement douter de la capacité de la droiture budgétaire, de la politique de l’effort et du moins d’État à préserver son socle électoral.</p>
<p>Le premier tour de l'élection présidentielle bouleverse néanmoins les dynamiques et les personnalités, plus que les idées.</p>
<p>Ainsi, il est fort peu probable que les questions idéologiques soient un obstacle à un quelconque rassemblement des leaders de la droite, particulièrement si Les Républicains parviennent à organiser une méthode de sélection basée sur la conciliation formelle ou informelle des différentes « sensibilités » de la droite modérée, marquées par des références historiques préférentielles ou des registres lexicaux spécifiques. </p>
<p>Reste à savoir si ces derniers resteront au sein des LR ou rejoindront un Emmanuel Macron beaucoup plus clairement positionné au centre-droit et qui leur tend désormais la main.</p>
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<p><em>L’auteur réalise sa thèse sous la direction de Florence Haegel.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilien Houard-Vial a reçu des financements de la Fondation Nationale des sciences politiques dans le cadre d'un contrat doctoral.</span></em></p>Quel est l’état de la diversité idéologique de la droite française à l’heure où celle-ci semble plus éclatée que jamais ?Emilien Houard-Vial, Doctorant en science politique, Centre d'études européennes (Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1393992020-05-29T00:10:29Z2020-05-29T00:10:29ZJoe Biden en route vers la Maison Blanche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337668/original/file-20200526-106819-19kb1w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C0%2C4224%2C2822&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">AAP/EPA/Tracie van Auken</span></span></figcaption></figure><p>À 77 ans, au crépuscule de sa vie, la troisième fois a été la bonne pour Joe Biden.</p>
<p>Il l’a emporté sur 24 autres aspirants à l’investiture démocrate, issus de tous les horizons politiques, et s’est imposé comme le candidat à la présidence de son parti, lequel se retrouve aujourd’hui dans une situation qui aurait paru impensable en janvier : uni de la gauche à la droite, par-delà les races et les croyances, l’âge et l’idéologie.</p>
<p>Biden est sorti vainqueur des primaires alors même qu’il a effectué une collecte de fonds médiocre, que son impact sur les réseaux sociaux est faible et qu’il ne dispose pas d’une base d’adeptes enthousiastes.</p>
<p>Les électeurs ont dû surmonter un certain scepticisme à son endroit avant d’accepter l’idée que c’est bien Joe Biden – cet homme qui a échoué dans ses candidatures à la Maison Blanche en 1988 et 2008 – qui était le démocrate le mieux à même de venir à bout de Donald Trump en novembre prochain.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coronavirus-aux-etats-unis-la-campagne-de-la-peur-134179">Coronavirus aux États-Unis : la campagne de la peur</a>
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<p>Sur le fond, Biden n’a pas changé depuis sa première tentative, il y a plus de trois décennies. Comme Richard Ben Cramer l’a rapporté dans le <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/33217/what-it-takes-by-richard-ben-cramer/">fameux récit</a> qu’il a fait de la campagne de 1988, « What It Takes », Biden avait à l’époque compris ceci :</p>
<blockquote>
<p>« Les Américains voulaient seulement de leur gouvernement un coup de main pour atteindre une vie meilleure pour leurs enfants, une aide pour se propulser un peu plus haut sur l’échelle sociale… C’était sa vie : celle d’un gamin de la classe moyenne qui avait reçu un peu d’aide en cours de route… et c’était tout ce qu’il avait à montrer. Mais c’est ce qui le reliait à un grand nombre d’électeurs du pays. C’est tout ce dont il avait besoin ! »</p>
</blockquote>
<p>Vingt ans plus tard, voici Biden au poste de vice-président de l’administration Obama. J’ai pris des notes sur tous ses discours adressés aux démocrates de la Chambre des Représentants. Voici trois citations que j’avais notées dans les carnets qui ont servi de support au livre que j’ai co-écrit avec Bryan Marshall, <a href="https://www.press.umich.edu/8918588/committee"><em>The Committee</em></a>, consacré aux mesures législatives historiques que l’administration Obama a cherché à faire adopter par le Congrès.</p>
<p>En 2010 :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons aider la classe moyenne et les travailleurs américains, c’est-à-dire les gens qui nous ont envoyés ici. »</p>
</blockquote>
<p>En 2012 :</p>
<blockquote>
<p>« Il est absolument clair que les décisions que nous avons prises sont efficaces. Et les gens voient bien qu’elles sont efficaces. […] Le peuple américain comprend que les républicains ont rejeté la notion de compromis. Ce n’est pas de cette façon que le peuple américain veut que nous fonctionnions. […] Nous ne pouvons pas faire entendre raison aux républicains, mais le peuple américain s’en chargera en novembre.</p>
<p>Nous gagnerons tout simplement parce que notre position est la bonne. Cette année, l’Amérique aura sous les yeux une comparaison très parlante. C’est un contraste saisissant, saisissant : Oussama Ben Laden est mort et General Motors est vivant. »</p>
</blockquote>
<p>Toute sa vie durant, Biden s’est voulu profondément lié à l’Amérique moyenne. Son message en 2020 est le même qu’en 1988. Et sa tâche est la même que lorsqu’il était sur le ticket de Barack Obama en 2008 : faire en sorte que l’Amérique se remette de la pire crise économique depuis la Grande Dépression.</p>
<p>À l’époque, c’est Biden qui avait été chargé de veiller à la mise en œuvre de l’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/American_Recovery_and_Reinvestment_Act_of_2009">American Recovery Act</a>, la première loi importante adoptée après l’entrée en fonctions du duo Obama-Biden. Au bout du compte, cette loi a donné l’impulsion d’une décennie de croissance économique et de plein emploi. Biden s’est donc déjà trouvé aux commandes au moment où l’exécutif devait juguler une crise économique majeure, et s’efforcera de recommencer s’il est élu en novembre prochain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335943/original/file-20200519-83348-14t5q0z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Barack Obama et le vice-président Joe Biden à la Maison Blanche en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jonathan Ernst/AAP/EPA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une vice-présidente à choisir</h2>
<p>À ce stade, nous savons seulement que le choix de Biden pour la vice-présidence s’orientera vers une femme. Le débat fait rage dans les éditoriaux des grands journaux et sur les réseaux sociaux : quelle candidate serait la mieux placée ? Aux yeux de Biden, qui connaît bien les exigences de cette fonction pour l’avoir occupée pendant huit ans, deux aspects sont absolument prépondérants.</p>
<p>Compte tenu de son âge, il est impératif que la vice-présidente soit pleinement qualifiée et capable d’assumer sans ciller la fonction présidentielle s’il venait à décéder pendant son mandat. C’est en cela que Sarah Palin a gravement nui à la candidature de John McCain en 2008.</p>
<p>D’autres personnalités médiocres, qu’elles soient insipides (Dan Quayle sous George H.W. Bush) ou accusées de délits (Spiro Agnew sous Richard Nixon) ont exercé la fonction de vice-président mais n’ont pas accédé à la présidence.</p>
<p>En revanche, certains vice-présidents, comme Walter Mondale sous Jimmy Carter, Al Gore sous Bill Clinton et Dick Cheney sous George W. Bush, sont devenus de véritables partenaires de gouvernance, dotés d’un réel pouvoir et de réelles responsabilités, réinventant la fonction. C’est ce type de vice-présidence qui inspire Biden.</p>
<p>Biden avait exigé d’Obama – et obtenu satisfaction – qu’il soit toujours la dernière personne dans la pièce avec le président avant que des décisions importantes ne soient prises, afin de pouvoir pleinement exprimer son avis, que le président se range à celui-ci ou non. Par exemple, (Obama n’a pas suivi les conseils de Biden](https://www.washingtonpost.com/politics/2020/01/08/bidens-claim-that-he-didnt-tell-obama-not-launch-bin-laden-raid/) lors du raid qui a tué Oussama Ben Laden).</p>
<p>Biden veut une vice-présidente qui puisse jouer auprès de lui le même rôle que celui qu’il a joué auprès d’Obama. L’avantage électoral qu’elle pourrait apporter au ticket démocrate en novembre prochain (la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar susciterait des votes en faveur de Biden dans le Midwest, et la sénatrice de Californie Kamala Harris mobiliserait les Afro-Américains), est aux yeux du candidat un aspect secondaire.</p>
<p>Le deuxième facteur est l’alchimie personnelle : Biden doit ressentir, dans sa relation avec sa colistière, la même intensité qu’il a connue avec Obama pendant leurs huit années de cohabitation. Ainsi, une femme parfaitement qualifiée et dotée d’une grande notoriété ne sera pas désignée si Biden estime que le duo qu’il formerait avec elle ne parviendrait pas à faire de grandes choses ensemble faute de convictions communes et de confiance réciproque.</p>
<p>Étant donné que depuis 1952 cinq vice-présidents ont fini par accéder à la présidence, le choix qu’effectuera Biden pourrait bien avoir des conséquences majeures sur l’avenir du Parti démocrate et du pays pendant les douze prochaines années.</p>
<h2>Une élection à gagner</h2>
<p>Posez la question à n’importe quel Américain qui s’intéresse à la vie politique et il vous dira que l’élection de novembre 2020 sera la plus importante de sa vie.</p>
<p>Depuis la Maison Blanche, le président Donald Trump utilise pleinement l’avantage que lui offre sa position actuelle pour marteler son message sur les ondes, comme nous l’avons particulièrement constaté depuis le début la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Il dispose d’un réseau de chaînes de télévision qui est indéniablement devenu un média d’État. Il peut également s’appuyer sur une majorité républicaine au Sénat qui n’exercera aucun contrôle sur ses actions, quelles qu’elles soient, et ne fera rien pour protéger le scrutin contre l’ingérence russe en sa faveur, pas plus qu’elle ne s’opposera aux <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/new-voter-suppression">processus mis en œuvre afin d’empêcher une partie des électeurs de se rendre aux urnes</a>.</p>
<p>Trump peut compter sur un <a href="https://thehill.com/hilltv/rising/476978-trump-support-among-republicans-reaches-all-time-high-in-poll">taux de soutien de 90 % parmi les sympathisants républicains</a>. Il a le pouvoir de déclarer des urgences nationales et de lancer des actions militaires pour défendre les États-Unis. Sa campagne est dotée d’une machine de guerre redoutablement efficace sur les réseaux sociaux. Ses dépenses de campagne dépasseront celles de Biden de <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/why-campaign-fundraising-isnt-the-factor-to-bank-on/2020/05/19/ff7042b8-99f0-11ea-a282-386f56d579e6_story.html">bien plus de 100 millions de dollars</a>. Sa base électorale ne s’est pas effritée – elle est <a href="https://www.realclearpolitics.com/epolls/other/president_trump_job_approval-6179.html">solidement fixée aux alentours de 46 % des intentions de vote</a> – malgré les coups de boutoir qu’ont portés au président certains médias qu’il qualifie d’« ennemis du peuple » et de propagateurs de « fake news » et malgré le <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/feb/05/how-donald-trump-got-acquitted-after-impeachment">discrédit que fait peser sur lui la procédure d’impeachment dont il a fait l’objet</a>.</p>
<p>L’avalanche de mensonges de Trump va se poursuivre. Il mène campagne comme personne dans l’histoire américaine moderne, sans honte et sans relâche. Et s’il obtient suffisamment de voix dans les États clés qu’il a gagnés en 2016, il peut être réélu.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/donald-trump-blames-everyone-but-himself-for-the-coronavirus-crisis-will-voters-agree-135205">Donald Trump blames everyone but himself for the coronavirus crisis. Will voters agree?</a>
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<p>La tâche de Biden est claire : récupérer les États traditionnellement acquis aux démocrates – Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin – que Trump a gagnés en 2016 à la faveur d’une explosion de colère populiste contre un establishment politique dont Hillary Clinton était l’une des incarnations. Pour cela, il devra résister aux accusations de conspiration et de corruption que Trump déchaîne contre lui en dénonçant le prétendu <a href="https://www.nytimes.com/reuters/2020/05/14/us/politics/14reuters-usa-trump-obamagate-explainer.html">« Obamagate »</a>.</p>
<p>À l’heure où ces lignes sont écrites, les sondages donnent Biden vainqueur du vote populaire avec une marge de trois à neuf points. Il est en tête dans trois États clés, dont la Floride, et a une chance de s’emparer de l’Arizona et de la Caroline du Nord. Trump, de son côté, vise le Minnesota, le New Hampshire et le Nouveau-Mexique. Le consensus aujourd’hui est que si l’élection avait lieu maintenant, Biden gagnerait.</p>
<p>Le scrutin de novembre apparaît de plus en plus comme un référendum sur la personne de Trump et sa gestion de la pandémie. La question est de savoir si les électeurs, confrontés à des difficultés désastreuses (plus de 16 millions d’Américains ont perdu leur assurance maladie en perdant leur emploi), feront confiance à Trump pour relancer l’économie.</p>
<p>Le message de Biden est simple : l’incapacité de Trump à prendre la mesure de la pandémie et à agir pour protéger le peuple américain a coûté des dizaines de milliers de vies qui auraient pu être sauvées. Biden, lui, a contribué à sortir la nation de la Grande Récession en 2009, et sait comment le faire à nouveau en 2021.</p>
<h2>Un pays à guérir</h2>
<p>Dans sa <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FaN-Pf_LW1Q">vidéo de lancement de campagne</a> en avril 2019, Biden n’aurait pas pu être plus clair :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai écrit à l’époque de [la marche des nazis à Charlottesville en 2017] que nous étions engagés dans une bataille pour l’âme de cette nation. Eh bien, c’est encore plus vrai aujourd’hui. Je crois que l’Histoire se souviendra des quatre années de ce président et de tout ce qu’il représente comme d’un moment aberrant. Mais si nous laissons à Donald Trump la possibilité de rester huit ans à la Maison Blanche, il changera à jamais et fondamentalement le caractère de cette nation – ce que nous sommes – et je ne peux regarder cela se produire sans réagir. […] Les valeurs fondamentales de cette nation, notre position dans le monde, notre démocratie même, tout ce qui a fait l’Amérique, est en jeu. […] Plus important encore, nous devons nous rappeler qui nous sommes. Nous sommes l’Amérique. »</p>
</blockquote>
<p>À la fin des primaires, l’objectif de la plupart des démocrates était évident : se débarrasser de Trump. Comme les électeurs voyaient des limites aux candidatures de Bernie Sanders et d’Elizabeth Warren, et comme Kamala Harris, Amy Klobuchar ou encore Pete Buttigieg ne pouvaient tout simplement pas atteindre la masse critique nécessaire pour l’emporter, ils ont conclu que c’était Biden, un homme bien connu de tous ses concitoyens, qui était le mieux placé pour réussir à libérer le pays de Trump.</p>
<p>Parce qu’eux aussi veulent avant tout que l’Amérique soit guérie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruce Wolpe a travaillé pendant dix ans pour le groupe démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis. Il a voté pour que Joe Biden soit le candidat démocrate à la présidence lors du Super Tuesday du 3 mars 2020 au Colorado. Il reçoit une allocation en tant que Senior Fellow non-résident du United States Studies Centre de l'Université de Sydney.
</span></em></p>Candidat pour la troisième fois à la Maison Blanche et vice-président de Barack Obama, Joe Biden doit maintenant relever un grand défi : choisir le bon colistier et vaincre Donald Trump en novembre.Bruce Wolpe, Non-resident Senior Fellow, United States Study Centre, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1367032020-04-26T18:52:32Z2020-04-26T18:52:32ZComment les Républicains cherchent à profiter de la pandémie pour accroître les chances de réélection de Trump<p>Les États-Unis, on le sait, sont le pays du monde le plus violemment touché par la pandémie de Covid-19. Celle-ci <a href="https://www.ft.com/content/20b2ceda-a29c-36e6-a30e-05544b1e2765">ne sera sans doute pas endiguée</a> au moment de l’élection présidentielle du 3 novembre prochain, ce qui peut faire hésiter de nombreux électeurs à se rendre dans les bureaux de vote.</p>
<p>Les Républicains <a href="https://www.vanityfair.com/news/2020/04/republicans-now-just-admitting-they-want-fewer-americans-to-vote">comptent justement sur une faible participation qui, selon eux, avantagerait le président sortant</a> ; pour cela, ils multiplient des manœuvres à la limite de la légalité, s’opposant notamment au souhait des Démocrates de généraliser le vote par correspondance.</p>
<h2>2010-2020 : dix ans de manœuvres républicaines dans les États fédérés</h2>
<p>Pour des raisons qui tiennent à l’Histoire, la <a href="https://fas.org/sgp/crs/misc/R45549.pdf">mise en œuvre du droit de vote aux États-Unis est largement déléguée aux États fédérés</a>. Depuis le <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-americaine-2010-3-page-117.htm">raz-de-marée électoral qu’ils ont réussi en 2010</a>, les Républicains ont profité de la majorité dont ils disposent dans la quasi-totalité des États pour prendre des <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/new-voter-suppression">dizaines de mesures</a> qui <a href="https://www.brookings.edu/blog/fixgov/2016/11/08/voter-suppression-in-u-s-elections/">portent atteinte à l’exercice effectif du droit de vote</a> et visent, de façon parfois à peine dissimulée, à <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2018/10/2018-midterms-and-specter-voter-suppression/573826/">éloigner des urnes des électeurs qui ont tendance à voter démocrate</a>.</p>
<p>Dans certains États, le parti au pouvoir a durci les modalités d’inscription sur les listes électorales, ce qui porte préjudice aux nouveaux électeurs et en particulier aux jeunes. Dans d’autres, les <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-american-miroir/20140722.RUE0510/la-carte-d-identite-obligatoire-pour-voter-fait-scandale-aux-etats-unis.html">électeurs ont désormais l’obligation de posséder une carte d’identité</a>. Or les minorités et, en particulier, les Afro-Américains, ont statistiquement plus de chances de ne pas disposer de carte d’identité. Rappelons qu’aux États-Unis il n’y a pas de carte d’identité fédérale. Si un État accepte la présentation du permis de conduire, c’est neutre ; mais si c’est le permis de chasse, cela favorise le parti républicain. S’il exige une carte d’identité difficile à obtenir, certains électeurs peuvent se montrer méfiants et hésiter à se la procurer.</p>
<p>Ailleurs ont été restreintes les plages de vote anticipé, pourtant indispensables quand on sait que les Américains votent le mardi, un jour ouvré. Or les minorités sont particulièrement affectées en cas de réduction des plages de vote anticipé car leurs bureaux de vote ont toutes les chances d’être très éloignés de leur lieu de travail. Des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1065912914524831">études</a> ont montré que les électeurs les plus affectés par le durcissement des conditions de vote sont les minorités qui ont tendance à voter démocrate.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"795676841717694464"}"></div></p>
<p>En outre, le <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/30/midterms-comment-le-gerrymandering-ou-charcutage-electoral-pese-sur-l-election-americaine_5376458_4355770.html">découpage électoral</a> qui est effectué tous les dix ans après le recensement décennal permet au parti majoritaire au sein de chaque État de dessiner une carte électorale lui permettant d’ancrer et d’accroître sa domination politique. Cette pratique, qui a toujours existé, a été rendue particulièrement efficace par l’expansion des outils numériques et du big data (mégadonnées), et a permis le double raz-de-marée des Républicains le <a href="https://www.lemonde.fr/elections-americaines/article/2016/10/12/le-8-novembre-une-journee-de-multiples-votes-aux-etats-unis_5012610_829254.html">8 novembre 2016</a> (ils ont alors remporté la <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2016/nov/10/donald-trump-republicans-control-washington-congress">présidence et le Congrès</a>).</p>
<p>Au plan national, bien que minoritaires en nombre de voix (1,4 million de voix de moins que les Démocrates), ils ont obtenu une majorité de 33 sièges à la Chambre des Représentants. Deux ans plus tard, en 2018, il a fallu un <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/midterms-il-y-a-bien-eu-une-vague-democrate-aux-etats-unis_2051022.html">large écart</a> pour que la victoire démocrate en voix puisse se traduire en nombre de sièges à la Chambre.</p>
<p>Au niveau des États, ils se sont en novembre 2016 retrouvés à la tête de 69 des 99 assemblées législatives étatiques (chacun des 50 États, à l’exception du Nebraska qui est monocaméral, dispose d’une Chambre basse et d’une Chambre haute), et ont remporté 33 sièges de gouverneur sur 50 ; et dans 25 États, ils tenaient les trois leviers du pouvoir, c’est-à-dire le poste de gouverneur et les deux Chambres (<em>trifecta</em>).</p>
<h2>Le Covid-19 bouleverse la campagne</h2>
<p>En novembre 2020, la pandémie de Covid-19 pose la question de la sécurité physique des électeurs qui risquent d’être confrontés à un dilemme : voter ou protéger leur santé. Déjà, le calendrier des élections primaires démocrates en mars et avril a été <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-aux-etats-unis-l-epidemie-bouleverse-les-primaires-democrates-6792347">entièrement bouleversé</a>, plusieurs États (Ohio, Indiana puis dix États où des élections primaires devaient se tenir le 7 avril) ayant repoussé le scrutin au mois de juin en espérant qu’il pourrait avoir lieu à ce moment-là (les primaires continuent malgré l’abandon de tous les candidats à l’exception de Joe Biden, car ces consultations sont de bons moyens pour galvaniser les électeurs et collecter de fonds. Sans oublier qu’elles désignent les délégués qui iront à la convention nationale…).</p>
<p>Quant aux conventions nationales – celle des Démocrates en juillet (repoussée à août) et celle des Républicains en août –, il n’est pas certain qu’elles puissent se tenir si les mesures d’éloignement physique sont prolongées. Or la Constitution et la loi prévoient des dates précises tant pour les élections (le mardi suivant le premier lundi de novembre) que pour l’entrée en fonctions des membres du Congrès (le 3 janvier) et du président élu (20 janvier). Les élections n’ont jamais été reportées depuis l’entrée en vigueur de la Constitution, que ce soit durant la Guerre de Sécession, les deux Guerres mondiales ou la crise de 1929. Parce que les élections doivent se tenir, il incombe au Congrès et aux États de mettre en place les conditions d’un exercice du droit de vote sans danger.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle les Démocrates et certains Républicains au niveau des États proposent l’extension au pays entier de la possibilité de voter par correspondance, qui n’est pour l’instant autorisée que dans quelques États. Dans certains d’entre eux, c’est le <em>mail voting</em> qui est en vigueur : c’est la procédure par défaut et l’État, par exemple l’Oregon ou l’État de Washington, envoie des bulletins papier à tous les électeurs qui votent par courrier. Dans d’autres existe l’<em>absentee voting</em> : c’est une procédure dérogatoire, l’électeur pouvant demander à bénéficier du vote par correspondance.</p>
<h2>Les obstacles à la généralisation du vote par correspondance</h2>
<p>Certains observateurs sont conscients de <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/elections/2020/04/20/naacp-others-person-voting-still-needed-during-coronavirus-pandemic/5144452002/">l’hostilité au vote par correspondance des Afro-Américains</a> qui se battent depuis 150 ans pour obtenir un exercice effectif de leur droit de vote et ne veulent pas renoncer à aller voter « en personne ». Un autre grand obstacle est d’ordre financier : il faudrait que les États puissent disposer des moyens d’acheter les tonnes de papier nécessaires pour imprimer bulletins et enveloppes, ainsi que des machines à scanner des bulletins de plusieurs pages, et qu’ils puissent former les dizaines de milliers d’assesseurs des bureaux de vote et « éduquer » les citoyens sur les nouvelles modalités de vote. Les financements nécessaires doivent leur être accordés par le Congrès au niveau fédéral.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250964118023966721"}"></div></p>
<p>C’est pourquoi les Démocrates ont fait pression sur les Républicains pour que l’extension du vote par correspondance, et les fonds qui vont avec, fassent partie du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/25/aux-etats-unis-un-accord-pour-un-plan-de-sauvetage-historique-de-2-000-milliards-de-dollars_6034361_3234.html">package de 2 200 milliards de dollars de soutien à l’économie adopté fin mars</a>. Ils n’ont obtenu que <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/senate-stimulus-package-includes-400-million-to-help-run-elections-amid-the-pandemic/2020/03/25/4d0db91e-6ebe-11ea-b148-e4ce3fbd85b5_story.html">400 millions de dollars</a>, un début, mais notoirement insuffisant (il faudrait entre 2 et 4 milliards de dollars). Et la <a href="https://www.npr.org/2020/04/14/834460134/sen-klobuchar-on-her-bill-to-ensure-mail-in-voting-rights-and-on-joe-biden?t=1587506778144">proposition de loi déposée par la sénatrice Amy Klobuchar</a>, prévoyant le vote par correspondance, des modalités allégées d’inscription sur les listes électorales et des plages de vote anticipé plus larges, a peu de chances d’être approuvée en raison de l’opposition frontale des Républicains.</p>
<p>Mais le principal obstacle est l’opposition du président Trump qui <a href="https://apnews.com/4cf54df2ab65b4f7d0ee6d4aed774428">dénonce « la porte ouverte à la fraude » et celle des Républicains au Congrès, alors que plusieurs Républicains dans les États sont favorables à l’extension du vote par correspondance</a>.</p>
<p>Pourtant, des élections justes et libres en 2020 sont un impératif et c’est d’autant plus un enjeu de démocratie que le président Trump a admis publiquement, le 30 mars dernier, que si le Congrès adoptait les mesures proposées par les Démocrates, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/mar/30/trump-republican-party-voting-reform-coronavirus">« les Républicains ne pourraient plus jamais l’emporter »</a>.</p>
<h2>L’élection dans le Wisconsin, un moment clé ?</h2>
<p>Le fiasco de <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2020/04/07/wisconsins-election-nightmare-is-preview-what-could-happen-november/">l’élection maintenue le 7 avril dans le Wisconsin</a> illustre les difficulté du Grand Old Party. Les électeurs, appelés aux urnes à la fois pour les primaires démocrates et pour élire un juge à la Cour suprême de l’État, ont été contraints de faire la queue pendant des heures en ne respectant pas toujours les mesures de distanciation car, à titre d’exemple, seuls cinq des 180 bureaux de vote de Milwaukee étaient ouverts – en raison du manque de personnel, à juste titre inquiet pour sa santé.</p>
<p>Or la situation ne relève pas de l’incurie mais d’un cynique calcul politique qui oblige les électeurs à risquer leur vie ou à renoncer à voter. Ce sont les Républicains à tous les niveaux – la législature de l’État, la Cour suprême de l’État et la Cour suprême des États-Unis – qui sont intervenus pour empêcher le report de l’élection malgré les risques posés par le coronavirus (et alors que les élections prévues le même jour dans dix autres États ont été reportées) et pour s’opposer au report de la date du décompte des bulletins de vote par correspondance qui n’étaient pas parvenus à plusieurs dizaines de milliers d’électeurs le 7 avril, jour de l’élection.</p>
<p>Les Républicains comptaient sur un taux de participation bas (il fut de 30 % en l’occurrence, grâce aux bulletins qui étaient parvenus aux électeurs à temps) pour permettre au très conservateur juge David Kelly, en poste depuis sa nomination en 2016 par l’ancien gouverneur républicain Scott Walker, d’être reconduit dans ses fonctions. La question était d’importance : c’est la Cour suprême du Wisconsin qui va se prononcer sur la décision, prise par les Républicains majoritaires dans l’État, de radier des listes électorales 240 000 électeurs, essentiellement des Démocrates, simplement parce qu’ils n’ont pas répondu à un courrier. Or le Wisconsin est un État pivot et son basculement dans l’escarcelle de Trump en 2016 s’est fait avec seulement 22 748 voix.</p>
<p>Il faut donc voir ce qui s’est passé le 7 avril dans le Wisconsin pas simplement comme un nouveau stratagème républicain à la limite de la légalité mais comme un élément de la mise en place systématique des conditions destinées à favoriser la réélection de Donald Trump en novembre 2020. Mais ces manœuvres se sont retournées contre les Républicains : les électeurs ont réagi et c’est la progressiste <a href="https://www.citizenside.fr/voulez-idee-gagnera-novembre-regardez-simplement-election-semaine-wisconsin/">Jill Karofsky qui a été élue</a>.</p>
<p>Cette issue a donné de l’espoir aux Démocrates mais ils sont conscients qu’une mobilisation de tous les instants et à tous les niveaux est indispensable. L’initiative en faveur d’une extension du droit de vote par correspondance <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/apr/13/michelle-obama-vote-by-mail-push">lancée le 13 avril par la très populaire Michelle Obama</a> et son groupe <a href="https://www.whenweallvote.org/">When We All Vote</a> (quand nous voterons tous) est le premier jalon de la longue bataille à venir. Son époux et prédécesseur de Donald Trump à la Maison Blanche a eu ces mots pour mobiliser ses compatriotes : « Ne laissons pas une épidémie mettre en danger le droit de vote. » C’est tout l’enjeu des prochains mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Républicains utilisent tous les moyens à leur disposition pour réduire autant que possible la participation des électeurs démocrates à la prochaine présidentielle.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1332302020-03-09T18:16:41Z2020-03-09T18:16:41ZLes trois paradoxes des primaires démocrates<p>Il y avait en réalité deux compétitions dans la première phase des primaires démocrates aux États-Unis : une visant à désigner le candidat de la Gauche, une autre destinée à sélectionner le représentant du Centre, les vainqueurs de ces premières batailles devant ensuite s’affronter, dans un contexte pleinement bipolarisé, pour le droit de combattre Donald Trump à la présidentielle.</p>
<h2>Comment on en est arrivés au duel Biden-Sanders</h2>
<p>Nous savions depuis longtemps que le vote du <a href="https://www.politico.com/2020-election/results/super-tuesday/">« super-mardi » du 3 mars 2020</a> serait déterminant. Quatorze États étaient en jeu ce jour-là. Le verdict a été conforme à celui attendu : dans le duel démocrate final, le <a href="https://edition.cnn.com/2020/03/05/politics/biden-vs-sanders/index.html">sénateur du Vermont Bernie Sanders sera le porte-drapeau de la Gauche et l’ancien vice-président Joe Biden celui du Centre</a>.</p>
<p>Bien moins prévisible, en revanche, a été le processus qui a conduit à cette confrontation. Si Sanders a immédiatement hégémonisé l’espace à gauche, Biden, lui, a connu beaucoup plus de difficultés à émerger du combat des centristes. Le vote modéré a en effet été initialement divisé entre plusieurs candidats, et Biden a même semblé plongé dans une crise irréversible du fait d’une <a href="https://time.com/5701941/bidens-fundraising-front-runner/">campagne de fundraising incolore</a> (en comparaison de celles de ses adversaires, à commencer par Sanders, mais aussi Elizabeth Warren et Pete Buttigieg), des <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/primaire-democrate-americaine-premier-debat-rate-pour-joe-biden-7797939526">performances embarrassantes aux premiers débats télévisés</a> et, surtout, des défaites très lourdes qu’il a subies <a href="https://www.inquirer.com/politics/nation/iowa-caucuses-joe-biden-presidential-trump-democrats-20200205.html">dans l’Iowa le 4 février</a> et <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/feb/11/joe-biden-new-hampshire-campaign-2020">dans le New Hampshire une semaine plus tard</a>. Sa résurrection, lancée par la <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/03/01/biden-remporte-largement-la-caroline-du-sud-et-reprend-espoir_1780147">large victoire en Caroline du Sud</a> et scellée par le résultat extraordinaire du super-mardi, était difficilement imaginable.</p>
<p>Même si <a href="https://edition.cnn.com/2020/03/05/politics/tulsi-gabbard-still-running/index.html">Tulsi Gabbard n’a pas encore abandonné la course</a>, il est désormais certain que l’adversaire de Donald Trump sera soit Bernie Sanders soit Joe Biden. La Gauche s’apprête à affronter le Centre, dans un parti qui en termes de contenus de son programme politique, s’est <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-parti-democrate-americain-a-opere-un-grand-virage-a-gauche_fr_5d78aab1e4b0432f8174cbb5">beaucoup déplacé à gauche</a> au cours de ces dernières années. Mais au-delà de la nature de ce duel, les primaires sont caractérisés par trois paradoxes, indicatives des faiblesses des démocrates et de celui qui les représentera en novembre.</p>
<h2>Deux vieux hommes blancs</h2>
<p>Premier paradoxe : deux vieillards blancs – Biden a 77 ans et Sanders 78 – se disputent les suffrages d’un électorat extraordinairement divers en termes démographiques et sociologiques. Et celui qui remportera le combat ira défier Donald Trump (73 ans). Le vainqueur de la présidentielle 2020 sera le plus vieux vainqueur d’une présidentielle de toute l’histoire du pays. Or les hommes blancs de plus de 70 ans ne représentent plus que <a href="https://www.census.gov/data/tables/2018/demo/age-and-sex/2018-age-sex-composition.html">4 à 5 % de la population totale</a>. Surtout, si les votants blancs, masculins et vieux sont surreprésentés au sein de l’électorat républicain, l’électorat démocrate, lui, est beaucoup plus composite et hétérogène. </p>
<p>Comme ces primaires l’ont bien montré, les catégories surreprésentées dans le vote démocrate sont les jeunes, les minorités et les femmes. Au Texas, par exemple – où Biden a devancé Sanders par 34,5 % contre 30 % –, les sondages de sortie des urnes nous indiquent que les femmes ont représenté 56 % des votants, les « hispaniques/latinos » 31 %, et les Blancs seulement 44 %. Parmi les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/16/etats-unis-les-raisons-du-trop-plein-democrate-pour-l-investiture-presidentielle_5463010_3210.html">plus de vingt candidats présents au début des primaires</a>, cette diversité était bien représentée. Aujourd’hui, surtout avec la décision d’Elizabeth Warren de quitter la course à la Maison Blanche, il n’en est plus ainsi.</p>
<h2>Une polarisation accrue</h2>
<p>Le cas d’Elizabeth Warren illustre le deuxième paradoxe de ces primaires. La plus grande diversité des démocrates est visible aussi sur le terrain idéologique. Alors que le parti républicain est devenu de plus en plus uniformément (et radicalement) conservateur, le parti démocrate doit couvrir un espace très ample, qui va du Centre à la Gauche. Autrement dit, le candidat du parti de l’âne doit savoir parler aussi bien qu’aux modérés qu’aux radicaux, et faire office de pont entre les deux.</p>
<p>La victoire de Barack Obama en 2008 fut notamment le résultat de sa capacité unique à offrir (et incarner) cette synthèse idéologique. Mais les candidats qui ont essayé de répliquer ce modèle – comme Pete Buttigieg et Elizabeth Warren – ont été vaincus. Ces primaires « bipolaires » ont récompensé ceux qui sont parvenus à dominer la Gauche (Sanders) et le Centre (Biden). Mais cela aboutit à un duel entre deux candidats connotés par ce positionnement politique, qui seront donc moins capables de représenter l’électorat démocrate dans son intégralité… et donc plus vulnérables dans la compétition présidentielle contre Trump.</p>
<p>En effet, ce contexte bipolarisé semble encore intensifier le niveau de confrontation entre les deux parties, Gauche et Centre, réduisant les marges de compromis et de médiation. D’un côté, le front liberal-centriste <a href="https://nymag.com/intelligencer/2020/01/bernie-sanders-electable-trump-2020-nomination-popular-socialism.html">affirme</a> que non seulement Sanders échouerait à vaincre Trump, mais que sa candidature nuirait aussi aux chances démocrates (déjà limitées) de gagner le Sénat et celles (plus concrètes) de conserver la majorité à la Chambre des Représentants. De l’autre côté, le front « Sandersien » <a href="https://jacobinmag.com/2020/03/democratic-establishment-joe-biden-2020-election-sanders">accuse</a> Biden et l’establishment démocrate de bloquer un changement qui ne peut plus être remis à plus tard et d’utiliser sans scrupules les outils d’une politique vieille, cynique et ruineuse.</p>
<h2>Une primaire dont le vainqueur sortira affaibli</h2>
<p>Cela nous amène au troisième et dernier paradoxe, qui est lié au système électoral de ces primaires. Les démocrates souhaitaient éviter une répétition de 2016 : un long conflit fratricide, qui a laissé des traces profondes, affaiblissant le parti en vue du grand combat de novembre. Dans une compétition qui est désormais bipolaire, Sanders vs. Biden, le système électoral – proportionnel avec un barrage du 15 % au niveau de chaque état et de chaque collège électoral – contribuera inévitablement à prolonger leur affrontement, même s’il est très peu probable que l’on assiste à une <a href="https://www.nytimes.com/2020/02/27/us/politics/brokered-democratic-convention.html">« brokered convention »</a> où aucun candidat n’ayant obtenu la majorité absolue, ce sont les délégués qui seraient amenés à trancher. L’un des deux, Sanders ou Biden, arrivera en juillet avec la majorité. Mais il y arrivera après une compétition longue et disputée, qui affûtera encore plus des accusations et des récriminations qui <a href="https://www.vox.com/2020/3/5/21164608/super-tuesday-results-bernie-sanders">se font déjà beaucoup entendre</a>.</p>
<p>Biden est clairement le favori. Sa base électorale est plus ample et expansible. Certes, Sanders génère un enthousiasme extraordinaire, mobilise l’électorat jeune et obtient <a href="https://www.vox.com/2020/3/4/21164235/latino-vote-texas-california-bernie-sanders-super-tuesday">d’excellents résultats parmi les « hispaniques »</a>. Mais il ne semble pas capable d’étendre cet électorat au-delà d’une certaine limite. Et il est donné largement perdant chez deux « communautés » les Noirs et le femmes (surtout celles ayant un niveau d’instruction élevé) – qui sont fondamentales pour les démocrates (Obama n’aurait jamais été élu sans le vote féminin).</p>
<p>Dans la perspective de la présidentielle, la lutte entre Biden et Sanders paraît extrêmement néfaste pour les chances des démocrates. Elle alimente et exacerbe les tensions, elle permet aux républicains de jouer à plein sur le <a href="https://www.foxnews.com/politics/hunter-bidens-controversies-explained">scandale</a> ukrainien impliquant le fils de l’ancien vice-président, Hunter, et expose Biden à être dépeint par le camp sandersien comme le représentant par excellence d’un establishment washingtonien corrompu qui se mobilise une fois de plus pour préserver ses privilèges et empêcher un véritable changement. Une accusation déjà adoptée par Trump lui-même et sur laquelle le sortant fondera véritablement sa campagne électorale s’il fait face comme attendu à l’ancien vice-président de Barack Obama…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Del Pero est membre, en tant que "Research Fellow" de l'Istituto di Politica Internazionale di Milan</span></em></p>L’adversaire démocrate de Donald Trump en novembre prochain sera soit Joe Biden, soit Bernie Sanders. Quel que soit le vainqueur de cet affrontement, il y laissera des plumes…Mario Del Pero, Professeur d’histoire internationale, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1331302020-03-06T15:52:15Z2020-03-06T15:52:15ZElizabeth Warren à l’heure du choix<p><a href="http://www.nova.fr/rosie-la-riveteuse-limage-de-propagande-devenue-embleme-feministe">Rosie la riveteuse</a>, icône de l’imagerie américaine de la Seconde Guerre mondiale puis du féminisme, est morte. C’est une des nouvelles de ce jeudi 5 mars 2020 alors que l’Amérique politique attend de savoir à qui, de Berne Sanders ou de Joe Biden, va se rallier Elizabeth Warren à présent qu’elle a <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/elizabeth-warren-abandonne-la-course-a-la-maison-blanche-5e6120a69978e2051e06a6f1">mis fin à sa campagne présidentielle</a> : il faut dire que son parcours est chaotique, à l’image du mouvement #MeToo, qui était au plus haut voici un an, <a href="https://theconversation.com/these-womens-accomplishments-tell-another-story-of-america-120682">portait un nombre historique de femmes au Congrès</a>, libérait la parole sur les violences faites aux femmes et mettait sur le devant de la scène toutes celles qui ont réussi « en dépit » des freins sociétaux qui leur sont imposés du fait de leur genre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1156362589858869248"}"></div></p>
<h2>Chacun à sa place ?</h2>
<p>Elizabeth Warren a reçu un coup de téléphone de Bernie Sanders. Bien entendu, il lui a proposé de se rallier à lui. Encore une femme qui soutient un homme et pas le contraire, constateront celles et ceux qui suivent. Comme toutes ces Rosie, dont l’Amérique a eu terriblement besoin pendant que les hommes étaient partis « faire la guerre », et qui ont occupé leurs postes de travail dans les magasins, les bureaux, les usines ou les champs. Tous ces postes « qui ne convenaient qu’à des hommes », parce qu’il faut être musclé comme un homme pour les occuper. Logiquement donc, ces mêmes hommes ont repris leur dû à leur retour et ont renvoyé leurs épouses, et autres femmes, à la maison, s’occuper des enfants et du foyer.</p>
<p>Elizabeth Warren a consacré sa vie pour changer tout cela. Elle fait partie de cette poignée de femmes qui ont tout affronté pour gravir les échelons. Son parcours est exemplaire et beaucoup la citent d’ailleurs en exemple. On connaît son nom comme ceux de <a href="https://www.britannica.com/biography/Barbara-Boxer">Barbara Boxer</a>, de <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/11/07/janet-reno-attorney-general-de-bill-clinton-est-morte_5026896_3382.html">Janet Reno</a>, de <a href="https://www.senate.gov/senators/FeaturedBios/Featured_Bio_Mikulski.htm">Barbara Mikulski</a> ou d’Hillary Clinton, qui se sont toutes frayé un chemin en politique. Elles ont travaillé main dans la main avec les féministes les plus en vue au cours de ce dernier quart de siècle, comme <a href="https://biography.yourdictionary.com/robin-morgan">Robin Morgan</a>, <a href="https://www.telerama.fr/livre/gloria-steinem,-icone-feministe-nous,-les-femmes,-ne-sommes-pas-destinees-a-etre-subordonnees-ou,n6204873.php">Gloria Steinem</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2011-1-page-109.htm">Susan Faludi</a>, <a href="https://laffont.ca/auteur/erica-jong/">Erica Jong</a>, et d’autres moins connues.</p>
<h2>Sa position change, pas ses idées</h2>
<p>Elizabeth Warren va donc devoir faire un choix. Cela veut aussi dire qu’elle va réfléchir au meilleur moyen de voir ses idées triompher. Pas de problème pour l’assurance santé pour tous, l’école gratuite ou la progressivité de l’impôt, autant de projets que Bernie Sanders défend déjà farouchement. Pour beaucoup d’autres questions, il n’y a aucune différence entre Bernie et Joe : tous deux sont favorables à un congé maternité (ou parental), à un salaire minimum relevé à 15 dollars de l’heure, à sonner le glas de la peine de mort, ou à réintégrer sans délai l’accord de Paris. Les questions environnementales ne permettent pas de les départager et c’est peut-être sur la légalisation de la marijuana que Bernie est plus en avance que Joe. Mais peu importe.</p>
<p>Elizabeth Warren va toutefois subir des pressions. Après avoir porté aussi longtemps la cause des femmes, elle ne peut pas aujourd’hui les abandonner en plein milieu du chemin. Il n’est plus supportable aujourd’hui que les femmes soient d’emblée condamnées à une vie plus dure, plus compliquée ou plus chargée que celle des hommes. Le monde professionnel reste dominé par le masculin, tous les emplois les plus prestigieux étant réservés aux hommes : dans les États-Unis d’aujourd’hui, les femmes ne représentent que 16,8 % des avocats et 17 % des chefs d’entreprise (pas plus de 6 % dans les grandes entreprises). Cette situation influe bien sûr sur les salaires. Les moyennes relevées aux États-Unis sont édifiantes : lorsqu’un homme gagne 1 dollar, une femme dotée des mêmes qualifications gagne 77 cents pour le même travail. Si elle est noire, son salaire dégringole à 64 cents. Les footballeuses de l’équipe nationale ont fait de cette question leur cheval de bataille et attaquent leur fédération en justice <a href="https://www.foxbusiness.com/features/world-cup-elizabeth-warren-uswnt-equal-pay">avec le soutien de… Elizabeth Warren</a>.</p>
<p>Elizabeth Warren va aussi se retrouver face à ses responsabilités : elle a reçu il y a une semaine le soutien de la puissante <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/485565-emilys-list-endorses-warren">Emily’s List</a>, une association de femmes qui se bat pour le droit à l’avortement et d’autres préoccupations féministes. À Washington, la Cour suprême vient de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/etats-unis-la-cour-supreme-examine-une-loi-restreignant-l-acces-a-l-avortement_2119993.html">commencer l’examen</a> du dossier en appel contre une loi de l’État de Louisiane qui vise à restreindre l’accès à l’avortement. Un autre combat de la vie d’Elizabeth Warren. Sur cette question, elle a quelques divergences avec Joe Biden, et n’en n’a aucune avec Bernie Sanders. Mais si Joe devient le nominé, c’est lui qui pourra faire changer les choses.</p>
<p>Elizabeth Warren va donc devoir choisir entre deux hommes blancs, âgés, qui ont vécu à ses côtés cinquante ans d’évolution progressiste, au sein de cette gauche américaine dans laquelle ils baignent tous les trois depuis tellement longtemps. Le choix est difficile parce qu’il y a celui du cœur et celui de la raison, comme dit l’adage populaire.</p>
<p>Elizabeth Warren, pourtant, aura en tête que son combat doit continuer et qu’elle doit convaincre un de ces deux hommes qu’ils ont la responsabilité de poursuivre cette mission qui a toujours été la sienne : rendre visibles toutes ces femmes qui étaient invisibles, redonner à toutes ces Rosie la place qui est la leur dans la société.</p>
<h2>Quel après ?</h2>
<p>Elizabeth Warren s’apprête donc à quitter la scène. Comme Eleanor Roosevelt, elle a fait ce qu’elle a pu pour faire avancer les choses et la cause des femmes. Comme son amie Hillary Clinton, elle s’est heurtée à ce mur, qu’Hillary appelait plafond et qu’elle pensait avoir suffisamment craquelé avec les millions de voix qui s’étaient portées sur elle.</p>
<p>Ce ne sera donc pas Elizabeth Warren. Et la cause des femmes semble sortir par la petite porte de cette compétition et doit accepter de s’en remettre à trois hommes blancs, venus du passé et qui prétendent préparer le futur.</p>
<p>Mais le futur est peut-être déjà là… Avec la sortie de Warren, un nouveau coup de projecteur va être porté sur une candidate que tout le monde a oubliée, mais qui est bien encore là : <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2020/us/elections/tulsi-gabbard.html">Tulsi Gabbard</a>, la jeune députée d’Hawaï, avec son franc-parler et ses airs frondeurs, avec sa rigueur militaire et sa résilience tellement incroyable qu’elle n’a toujours pas abandonné, va se rappeler à ces trois vieux messieurs et à son parti. Elle va commencer par faire jouer la règle établie par le parti lui-même : avec le gain d’un seul délégué, on est qualifié pour le débat des « grands » candidats : le <a href="https://www.phoenixnewtimes.com/news/democratic-candidates-debate-arizona-phoenix-on-march-15-11443574">15 mars</a>, elle pourrait donc figurer sur la scène nationale, à égalité avec Joe Biden et Bernie Sanders. Le retour d’une nouvelle Rosie, plus jeune, beaucoup plus jeune, et qui a baigné dans l’idée qu’elle n’était pas inférieure.</p>
<p>Beaucoup d’Américains vont alors se demander qui elle est et ce qu’elle fait là. Mais beaucoup pourraient être séduits aussi, ou séduites, et tenté·e·s de reporter sur elle, du moins momentanément, leurs espoirs et leurs aspirations. L’histoire n’est donc pas finie, même si Rosie nous a quittés et si Elizabeth s’apprête à tirer sa révérence dans cette campagne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133130/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Elizabeth Warren vient de se retirer de la course présidentielle américaine. Malgré cet échec, son discours et ses idéaux continueront, d’une façon ou d’une autre, d’imprégner la campagne.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1310122020-02-02T19:04:58Z2020-02-02T19:04:58ZCaucus de l’Iowa : première étape d’une très longue campagne<p>Cette fois, c’est parti. À la veille du discours du président Trump sur l’état de l’union et à quelques jours de son acquittement au Sénat dans son procès d’impeachment, l’attention médiatique se porte sur les démocrates puisque leur premier caucus démarre ce lundi 3 février dans l’Iowa. Trump, qui n’a rien à craindre de primaires républicaines comme il y a quatre ans, a bien essayé de leur voler la vedette en y organisant un meeting, le <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Donald-Trump-refuse-laisser-devant-scene-democrates-lIowa-2020-01-31-1201075456">30 janvier dernier</a>, où il s’est efforcé de caricaturer et de moquer ses adversaires, en insistant sur les surnoms qu’il leur a choisis (« Bernie le fou » pour Sanders, « Joe l’endormi » pour Biden, « Pocahontas » pour Elizabeth Warren…).</p>
<p>Mais ce sont bien ces derniers qui feront l’actualité, ce soir, en Iowa. Tous les quatre ans, ce froid État du Midwest des États-Unis, représentant à peine 1 % de la population américaine, a son heure de gloire. Parce que ses habitants sont à 90 % des Blancs, le caucus de l’Iowa, le premier d’une course de fond de plusieurs mois, est souvent accusé, surtout à gauche de l’échiquier politique, d’être <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/01/31/first-four-states-primary-caucus-do-not-look-like-america-combined-they-get-closer/">peu représentatif de l’Amérique</a>. Il n’en reste pas moins symboliquement fort. Il motive et lance celui ou celle qui sort en tête et lui assure une attention médiatique importante, et cela compte. Et même si rien n’est joué pour la suite, un très mauvais résultat en Iowa n’augure rien de bon. L’importance de ce premier vote est donc forte, d’autant que l’on attend une participation plus grande que d’habitude, le sentiment anti-Trump ne se démentant pas chez les électeurs démocrates.</p>
<h2>Des primaires démocrates à l’issue incertaine</h2>
<p>Cette année, il s’agit donc avant tout de déterminer qui sera le ou la plus à même de battre Trump : l’électorat démocrate sera-t-il d’autant plus motivé que le président en place va échapper à la destitution ? Cet enjeu, dominant, finira-t-il par laisser la place aux débats sur les programmes (santé, dette étudiante, réduction des inégalités, environnement, limitation du port d’armes, fiscalité, etc.) ?</p>
<p>Dans l’Iowa, les sondages sont très incertains entre les quatre principaux prétendants à l’investiture démocrate : Joe Biden, Bernie Sanders <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2020/01/bernie-sanders-and-his-supporters-bro-y-reputation/605836/">(qui semble disposer d’un léger avantage dans cet État)</a>, Elizabeth Warren et l’outsider Pete Buttigieg. Sans oublier <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2020/us/elections/amy-klobuchar.html">Amy Klobuchar</a>, qui pourrait bien créer une surprise. Le milliardaire Mike Bloomberg a choisi de ne pas y participer et d’entrer dans la course aux primaires seulement en mars.</p>
<p>Sanders, Warren et Klobuchar, tous trois sénateurs, ont moins pu ratisser le terrain que leurs deux adversaires car ils étaient retenus à Washington par la procédure d’impeachment. Biden et Buttigieg en ont profité pour multiplier les réunions publiques – dans des écoles, d’anciens théâtres, des églises, des salles des fêtes – et les meetings, parfois devant quelques dizaines de personnes. C’est le jeu dans l’Iowa. Une campagne à l’ancienne qui, cette année, vise tout particulièrement les indécis ou encore les pro-Trump de 2016 qui avaient voté Obama en 2012.</p>
<p>Rappelons que les résultats des primaires et des caucus déterminent le nombre de délégués qui sera accordé à chaque candidate et candidat pour la convention nationale du parti démocrate, en juillet prochain. <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/iowa-caucuses-2020-latest-updates/2020/01/31/a9ba59f6-439e-11ea-b5fc-eefa848cde99_story.html?itid=hp_hp-cards_hp-card-politics%3Ahomepage%2Fcard-ans">Les caucus, moins nombreux, ont la particularité d’être plus « grassroots » (axés sur une campagne « de terrain »)</a> que les primaires, et obéissent à un processus complexe. Alors que les primaires se caractérisent par un vote simple des sympathisants à bulletin secret, les caucus consistent en des réunions de sympathisants du parti qui, dans l’Iowa, se tiendront dans près de 1 700 enceintes : aux débats et tractations s’ajoutent les « pitches » des représentants des candidats jusqu’à la dernière minute pour convaincre l’auditoire. Puis vient le temps des « alignements » et de la désignation.</p>
<h2>Plus de démocratie dans la désignation du candidat démocrate en 2020</h2>
<p><a href="https://www.politico.com/interactives/2020/iowa-caucus-how-they-work/">Dans chaque salle, les participants se divisent en groupes selon leur candidat préféré</a>, qui doit obtenir au premier tour au moins 15 % des votes sur place pour être considéré comme « viable ». Les supporters de ceux qui ont passé ce seuil de 15 % ne peuvent alors plus voter. Un second tour a lieu : il ne concerne que les autres supporters, qui disposent d’un temps limité pour rallier, ou non, un candidat « viable », en s’interpellant dans la salle. Les délégués sont ensuite répartis à la proportionnelle entre les candidats « viables » au niveau de l’État. Et c’est celui ou celle qui a obtenu le plus gros score, donc le plus grand nombre de délégués, qui est nommé·e vainqueur du caucus. Ce n’est donc pas nécessairement celui ou celle qui a rassemblé le plus de voix au départ ! L’Iowa désigne 41 délégués pour la convention nationale du parti (soit environ 1 % du total), qui s’ajoutent aux 8 « super délégués » (élus, cadres du parti), appelés officiellement cette année « délégués automatiques », qui sont directement qualifiés.</p>
<p>Cette année, le parti a démocratisé et rendu plus transparent le processus de désignation. Il a tiré les leçons du fiasco de 2016 et des critiques émanant des partisans de Sanders qui s’étaient <a href="https://www.nytimes.com/2016/07/27/us/politics/bernie-sanders-protests.html">sentis floués</a>. Ainsi, on saura pour la première fois qui est arrivé en tête dès le premier « round » et comment se sont opérés les ralliements du deuxième tour. Le vote des caucus est également facilité pour les sympathisants qui se trouvent en dehors de leur État ou qui ne parlent pas anglais. Enfin, les « délégués automatiques », qui ont un rôle prépondérant lors de la convention nationale, et ont été accusés de ne pas avoir suffisamment tenu compte du vote populaire en privilégiant Clinton au détriment de Sanders, verront le poids de leur vote diminuer.</p>
<h2>Un suspense qui risque de durer jusqu’au 3 novembre</h2>
<p>Dans l’histoire récente, chez les démocrates, plus que chez les républicains, remporter l’Iowa est bon signe pour l’investiture : Al Gore a remporté le caucus en 2000, John Kerry en 2004, Barack Obama en 2008 et Hillary Clinton en 2016.</p>
<p>Dans les sondages nationaux, pour l’heure, Joe Biden a une longueur d’avance sur ses concurrents parce qu’il est considéré par les électeurs démocrates comme l’adversaire le plus dangereux pour Donald Trump. Son programme modéré est également susceptible d’attirer davantage d’électeurs indépendants que ceux d’Elizabeth Warren ou de Bernie Sanders, beaucoup plus à gauche. Enfin, parce qu’il fut le vice-président de Barack Obama, Biden est très populaire chez les Afro-Américains (excepté peut-être chez les jeunes). Pour autant, il est encore loin d’avoir partie gagnée.</p>
<p>Les enjeux pour les démocrates sont les suivants : est-ce qu’un ou une candidat·e va se détacher rapidement dans la course des primaires ? Y aura-t-il des tractations et lesquelles ? Le parti va-t-il réussir à se réconcilier autour d’un programme clair et rassembleur ? Quelle vision de l’Amérique va l’emporter : celle d’une nation unie ou bien celle d’un pays clivé – en d’autres termes, comment tourner la page Trump ?</p>
<p><a href="https://www.nytimes.com/2020/01/28/magazine/joe-biden-2020.html">Une campagne démocrate réussie suffira-t-elle pour l’emporter face au président en place ?</a> On le sait, le système des Grands Électeurs peut faire voler en éclats les pronostics réalisés à l’échelle nationale. On le pressent aussi, c’est dans quelques États clés que se jouera l’élection, le 3 novembre prochain (on parle du Wisconsin, du Michigan et de la Pennsylvanie). Pour les primaires comme pour la Maison-Blanche, le suspense est entier et l’année sera palpitante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131012/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est chercheuse associée à l'IRIS.</span></em></p>Le caucus de l’Iowa lance des primaires démocrates qui promettent d’être particulièrement disputées cette année. Depuis 2000, la vainqueur de ce caucus a toujours obtenu l’investiture du parti…Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée à l'IRIS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1280352019-11-28T19:26:49Z2019-11-28T19:26:49ZPourquoi Michael Bloomberg entre-t-il en campagne ?<p>La candidature de Michael Bloomberg a <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2019/11/24/20971503/michael-bloomberg-2020-presidential-run-billionaire-new-york">surpris tous les observateurs</a> : il avait <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/05/l-ancien-maire-de-new-york-michael-bloomberg-renonce-a-la-presidentielle-2020_5431855_3210.html">renoncé à la campagne en mars</a>, assurant qu’il y avait trop de candidats pour qu’il puisse s’y faire une place et reportant tous les espoirs des centristes sur Joe Biden, l’ancien vice-président, qui s’apprêtait à entrer dans la course.</p>
<p>Six mois plus tard, donc, revoilà Bloomberg, ses millions et son arrogance, qui déclenche la <a href="https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/avec-bloomberg-l-argent-plus-que-jamais-au-cur-de-la-presidentielle-americaine-5ddd578d9978e272f9320a19">fureur de l’aile progressiste du parti démocrate</a>. Il faut dire que le milliardaire combat vigoureusement cette aile du parti et n’est pas franchement en bons termes avec Bernie Sanders ou Elizabeth Warren. On n’a donc pas été surpris de les entendre l’accueillir avec des déclarations violentes, l’accusant même de vouloir « acheter le poste de président ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1192580948275204097"}"></div></p>
<h2>Le « Super-Mardi », étape décisive ?</h2>
<p>L’impétrant n’en a que faire. Il est là pour promouvoir ses idées et le fait avec une <a href="https://www.nouvelobs.com/medias/20191123.AFP9236/presidentielle-2020-bloomberg-achete-pour-un-montant-record-de-pubs-tele.html">présence publicitaire jamais vue à ce jour dans une présidentielle</a> : plus de 30 millions de dollars dépensés pour promouvoir son entrée en campagne, 13,2 millions investis dans les 14 États du premier « Super-Mardi » en une seule semaine : c’est plus que ce que chacun des candidats a déboursé au cours de la totalité de sa campagne depuis le début de l’année !</p>
<p>Bloomberg a annoncé une drôle de stratégie : il va « sauter » les quatre premiers scrutins de février pour se concentrer sur ceux du Super-Mardi du 3 mars. Il faut dire que les quatre premiers votes ne rapportent en tout « que » 155 délégués, à se partager entre les candidats qui dépasseront 15 % des suffrages, alors que la Californie, par exemple, rapporte à elle seule 495 délégués. Le Super-Mardi sera une « super-collecte » puisqu’il y aura ce jour-là, outre les 495 californiens, 262 délégués à conquérir au Texas, 114 au Massachusetts, sans compter tous ceux de l’Alabama, du Colorado, du Minnesota, de la Caroline du Nord, du Tennessee, de la Virginie et de cinq autres États encore, pour un total de 1 352 délégués (sur un total de 3 769 pour l’ensemble du pays : il en faut 1 885 pour être investi).</p>
<p>Rappelons que le système de désignation du candidat à la présidentielle passe par un vote local, qui prend la forme d’un caucus ou d’une primaire. Le caucus est un vote réservé aux seuls militants du parti, alors que la primaire est élargie aux sympathisants répertoriés (primaire fermée) ou à tout le monde (primaire ouverte). Dans chaque État, après chacun de ces scrutins, un certain nombre de délégués, décidé au niveau de la direction du parti, est partagé entre les candidats ayant obtenu plus de 15 % des voix. Ce sont ces délégués qui, au final, désignent le candidat lors d’une convention nationale qui se tient au cours de l’été. En général, ils votent suivant le résultat obtenu dans leur État. Ils y sont même forcés dans la plupart d’entre eux.</p>
<h2>Le Parti démocrate plus fracturé que jamais</h2>
<p>L’entrée en campagne de Michael Bloomberg vient encore davantage mettre en évidence la profonde vraie fracture qui s’est ouverte entre les progressistes et les modérés au sein du parti de l’Âne (le surnom du parti démocrate).</p>
<p>Cette fracture est apparue au grand jour en 2016, lors du combat qui a opposé Hillary Clinton à Bernie Sanders. Après cette séquence électorale très tendue, les progressistes ont tout d’abord tenté de faire supprimer le système des « super-délégués » qui s’ajoutent au total et votent comme ils l’entendent. Ces supers-délégués sont des cadres du parti, des élus ou d’anciens élus, qui favorisent principalement la ligne modérée du parti. Bernie Sanders et ses amis ont finalement obtenu que ces super-délégués ne votent pas lors du premier tour de la convention. Une vraie victoire puisqu’il n’y a plus eu de deuxième tour depuis les années 1960.</p>
<p>Mais en 2020, la primaire devrait se disputer à trois, entre Joe Biden, Bernie Sanders et Elizabeth Warren que personne n’attendait. Si les prévisions se vérifient, cela signifie qu’il y aura une convention « contestée », et donc un deuxième, voire un troisième tour. L’importance des super-délégués réapparaît donc. 38 d’entre eux seront « affectés » au cours des quatre premiers scrutins, et 249 supplémentaires au cours du Super-Mardi. On comprend donc que si les voix se répartissent en trois tiers plus ou moins équivalents, ce qui est très probable, ce sont ces super-délégués qui arbitreront au final et feront le roi.</p>
<h2>Bloomberg au service de Biden ?</h2>
<p>Quel rapport tout cela a-t-il avec Mickael Bloomberg ? A priori, il part comme un outsider et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/24/primaires-democrates-la-perilleuse-candidature-tardive-de-michael-bloomberg_6020354_3210.html">beaucoup pensent qu’il ne réussira pas à monter dans le train en marche</a>. Mais il y a eu de nombreux développements étonnants ces derniers temps : les stratégies politiciennes, ne l’oublions pas, sont souvent invisibles pour le grand public. Peu ont vu que le <a href="https://www.seattletimes.com/seattle-news/politics/washington-democrats-choose-presidential-primary-for-2020-ditching-caucuses/">nombre de caucus, qui était de 11 en 2016, avait brutalement chuté</a> et que beaucoup de primaires « fermées » étaient désormais « ouvertes » : or le système des caucus et les primaires « fermées », c’est-à-dire réservées aux militants et sympathisants reconnus, avait été très favorable à Bernie Sanders, alors que le choix de l’ouverture bénéficie davantage aux plus modérés, comme Hillary en 2016, et certainement Biden en 2020.</p>
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<p>Beaucoup de leaders sont également montés au créneau ces derniers jours, au premier rang desquels Barack Obama, qui a lancé un appel aux militants démocrates pour les avertir du danger d’un glissement trop à gauche. « Il faut battre Trump », a-t-il rappelé pour justifier son intervention et ne pas s’attirer l’ire du camp progressiste.</p>
<p>Puis, très vite, <a href="https://www.lejdd.fr/International/etats-unis-pourquoi-les-democrates-sont-en-panique-3931848">deux nouveaux candidats que l’on n’attendait plus et qui sont tous les deux centristes se sont lancés dans cette compétition déjà surchargée</a>. Deval Patrick, que personne ne connaît en dehors du Massachusetts, dont il a été le gouverneur, pourrait bien n’avoir qu’une seule mission : reprendre autant de voix qu’il le pourra à Elizabeth Warren, sénatrice du même État <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/467082-poll-warren-leads-biden-by-15-points-in-massachusetts">où les sondages</a> lui donnent pour l’instant une confortable avance. </p>
<p>Quant à Michael Bloomberg, avec son argent et sa force de frappe, il fera la promotion des idées centristes et attaquera plus franchement les « gauchistes » dans les États où il s’est construit un réseau solide, comme la Californie où, on l’a dit, 495 délégués sont à conquérir au cours du Super-Tuesday. <a href="https://www.sfgate.com/politics/article/California-2020-polls-Joe-Biden-Elizabeth-Warren-14846690.php">Elizabeth Warren est pour le moment en tête</a> dans cet État qui est devenu le fer de lance du progressisme et de l’anti-trumpisme dans le pays. Chaque délégué ramené au centre renforcera ainsi la position de Joe Biden. Bloomberg ne serait donc peut-être que la « voiture-balai » de Joe Biden, au service duquel il met ses millions sans le dire, tentant de prendre à Elizabeth Warren et à Bernie Sanders le plus de délégués possibles.</p>
<p>La route est encore longue jusqu’au Wisconsin où se tiendra la convention démocrate… Il devrait y avoir de nombreux autres soubresauts, qui trahiront les nombreuses tensions qui secouent le parti.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128035/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le milliardaire Michael Bloomberg vient de se porter candidat à l’investiture démocrate en vue de la présidentielle américaine de 2020. Quel peut être l’impact cette candidature inattendue ?Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/773462017-05-09T23:10:04Z2017-05-09T23:10:04ZL’entrisme, nouvelle donne de la vie politique française ?<p>À l’occasion <a href="https://theconversation.com/les-primaires-progres-ou-recul-de-la-democratie-74773">des primaires</a> des Républicains (LR) et du Parti socialiste (PS), l’entrisme politique a fait sa réapparition avec force dans la vie politique française. Ce faisant, il a précipité l’échec des partis traditionnels de gouvernement en révélant la fragilité de leur ligne idéologique partisane.</p>
<p>Si rien ne change, il risque bien de définir la politique française pendant les années à venir.</p>
<h2>Une technique définie par Trotsky</h2>
<p>L’entrisme politique est une technique révolutionnaire qui consiste à entrer dans une organisation avec pour ambition d’en prendre le pouvoir ou sinon d’en changer le projet, voire la mission.</p>
<p>Concrètement, une ou plusieurs personnes se concertent de manière plus ou moins secrète pour phagocyter de l’intérieur une organisation visée. Cette technique a été définie par Trotsky en 1934, en particulier <a href="http://www.fayard.fr/les-trotskistes-9782213611556">dans le journal français <em>La Vérité</em></a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168388/original/file-20170508-20735-9e7ta3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le premier numéro du journal « La Vérité ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_V%C3%A9rit%C3%A9_(journal,_1929)#/media/File:La_V%C3%A9rit%C3%A9-Num%C3%A9ro_1_Page_1.jpg">Tusco/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>On peut parler d’entrisme politique mais aussi d’entrisme religieux (le salafisme en constitue un exemple) et même d’entrisme financier (qu’est-ce d’autre qu’une prise de participation dans une entreprise, participation cachant un but plus ambitieux ?).</p>
<p>Ce qui importe, c’est que l’idée – soit la volonté de prendre le pouvoir dans une organisation auquel on n’appartient pas – précède l’action. Car, à l’inverse, changer la mission d’une organisation après y être entré n’est rien que de banal puisque cela renvoie à l’évolution même des individus, de leurs idées et de leur association.</p>
<p>Dans le cas des primaires, l’entrisme politique est officiel et transparent. En appelant tous les sympathisants d’un parti politique à venir exprimer leur choix lors d’une primaire, on ouvre littéralement la porte à des personnes dont l’objectif, à défaut d’être concerté, est d’orienter la ligne politique du parti concerné.</p>
<h2>Les raisons d’un succès</h2>
<p>Les raisons du succès de l’entrisme politique sont nombreuses, sans qu’on puisse toutefois les généraliser à l’ensemble des partis. Nous nous arrêterons sur les deux principales.</p>
<p>Il y a d’abord l’absence actuelle de cadre idéologique clair des partis de gouvernement. Que ce soit le PS ou LR, chaque parti a le plus grand mal à définir un cadre politique idéologique, même s’il prétend le contraire. Par exemple, l’aggiornamento de la ligne idéologique du PS <a href="http://theconversation.com/un-parti-socialiste-bien-mal-parti-72978">n’a toujours pas été accompli</a>, malgré les multiples allers et retours au pouvoir depuis 36 ans. À défaut d’explications, il devient dès lors difficile pour l’électorat de gauche de ne pas se sentir trahi. Partant, la volonté est forte de vouloir reprendre la main et de revenir aux « fondamentaux » du parti. Les plus découragés, eux, vont voir ailleurs…</p>
<p>De l’autre côté, LR rencontre des problèmes identiques : le débat puis le vote des primaires les ont mis en évidence. La différence repose sur le fait que le parti historique de la droite française a changé deux fois de nom depuis 2000 (RPR puis UMP et enfin LR) sans avoir réussi, pour autant, à clarifier sa ligne idéologique.</p>
<p>À cela s’ajoute une pratique politique qui <a href="http://theconversation.com/lamere-lessive-de-la-mere-denis-la-presidentielle-a-lepreuve-du-prelavage-des-primaires-75437">souffre d’un certain écart</a> avec le discours de la campagne électorale. Le champion de chaque parti, à trop vouloir attirer les suffrages de la frange la plus radicale de son électorat, s’est engagé dans un discours électoraliste et partisan. Or, ce discours ne correspond pas non plus à la pratique passée de son propre parti, une fois celui-ci parvenu aux affaires.</p>
<p>En appuyant son projet sur ses propres valeurs morales, le candidat des Républicains, François Fillon, a prétendu incarner des valeurs dont les « affaires » ont révélé qu’il n’en était rien. Ce faisant, il a oublié que, par définition, un discours conservateur ne propose pas grand-chose de nouveau sur le plan idéologique. Un candidat conservateur est de fait principalement considéré sur sa rectitude morale et sa probité, plutôt que sur ses idées. D’où l’échec annoncé de François Fillon dès le début des révélations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"770150054480998400"}"></div></p>
<h2>Un risque réel pour Macron</h2>
<p>Dans ces deux cas, l’entrisme a réussi parce que la ligne idéologique était non claire en théorie et non assumée dans l’action politique. Partant, il a tout à la fois brouillé la ligne politique – déjà peu claire – et accéléré la chute du parti concerné. Et rien ne dit que la marche de l’entrisme ait été stoppée au pied de la pyramide du Louvre au son de l’« Hymne à la joie » et de la « Marseillaise ». Car la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle laisse tout entier le danger d’un nouvel entrisme.</p>
<p>Le risque est en effet grand pour <em>En Marche</em> d’incarner la quintessence du <a href="https://research.vu.nl/ws/portalfiles/portal/1902168">« parti attrape-tout » théorisé par Otto Kirchheimer</a> : ces partis centristes, sans réelle idéologie, dont le but est la conquête du pouvoir et qui restent pilotés par des élites.</p>
<p>À l’approche des élections législatives, Emmanuel Macron doit rapidement clarifier la ligne politique de son mouvement en la faisant définitivement accepter à ceux qui devront l’incarner et l’appliquer de manière responsable. La menace de voir son mouvement faire l’objet d’un nouvel entrisme par des partis traditionnels qui y verront un moyen de prendre leur revanche demeure réelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"831502165537673216"}"></div></p>
<p>Afin d’éviter cela, peut-être que le nouveau président français peut s’inspirer de l’expérience allemande. En 2000, Angela Merkel avait symboliquement tué son père politique, Helmut Kohl, avant de rassembler en 2005 les forces de la droite, du centre et de la gauche dans une grande coalition qui a duré, malgré quelques atermoiements, jusqu’à ce jour.</p>
<p>En France, la séquence politique n’a pas été différente depuis un an pour Emmanuel Macron. Si François Hollande n’est pas comparable à Helmut Kohl, la tradition allemande du compromis et des alliances politiques reste également très différente des deux côtés du Rhin. En outre, les positions du centre demeurent toujours <a href="https://theconversation.com/valeurs-de-droite-et-valeurs-de-gauche-de-la-revolution-francaise-aux-elections-de-2017-75655">difficiles à caractériser</a> et résistent mal aux caricatures de ceux qui veulent cliver et opposer.</p>
<p>Cependant, l’enjeu n’a jamais aussi été important pour la France. Le plus jeune président de la République de ces deux derniers siècles ne peut courir le risque d’être bloqué dès le début de son mandat, alors que sa jeunesse et son projet politique avaient fait la promesse du mouvement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77346/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrice Cailleba ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’absence d’une ligne politique claire a précipité la déroute des partis de gouvernement, elle constitue également une sérieuse menace pour le nouveau locataire de L’Élysée.Patrice Cailleba, Professeur de management, ESC PauLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/773732017-05-08T20:08:55Z2017-05-08T20:08:55ZLongitude 20’17, le Président du jour d’après<blockquote>
<p>« Tu enfanteras dans la douleur » Genèse, 3.16</p>
</blockquote>
<p>Bergson avait opposé le temps à la durée : le temps qui se mesure mathématiquement, la durée qui se ressent affectivement. Qu’elle aura semblé longue cette campagne présidentielle, partie de biais sur des primaires décalées, baignant dans une atmosphère délétère alourdie de boules puantes ou avariées, pétaradant à droite comme à gauche sous l’effet d’explosions en chaîne. Il y a des années qui durent des siècles.</p>
<p>Jacques Chirac disait, au lendemain du 21 avril 2002, n’avoir pas peur de Le Pen, mais avoir peur pour la France. En 2017, à la peur pour la France s’est ajoutée la peur de Le Pen. Entre les deux situations, toute la différence est là, produite par quinze années d’accumulation de colères, d’inquiétudes, d’incertitudes du lendemain, d’apparente incapacité des gouvernants à maîtriser les mutations. Profitant de la crise, et de l’affaiblissement des réflexes de défense d’un système politique à bout de souffle, le <a href="https://theconversation.com/le-front-national-2002-2017-du-vote-de-classe-au-vote-de-classement-77303">FN s’est étendu</a>, puis enraciné dans les profondeurs et le flanc du pays. Le diable s’est habillé en Français moyen. Il s’est banalisé. Pire, il s’est relativisé aux yeux de certains acteurs. La phrase terrible lancée par un <a href="https://theconversation.com/lin-sou-tenable-legerete-de-linsoumis-77133">Mélenchon déçu par le 23 avril</a> donne la profondeur des dégâts : « Le Pen, c’est encore pire que Macron ! » Question de degré, plus de nature.</p>
<p>Le premier acquis de la très belle victoire d’Emmanuel Macron est d’avoir permis, grâce à un vote des citoyens où la raison démocratique l’a emporté sur les sentiments ou ressentiments politiques, de surmonter le mur de la peur. D’avoir incarné, faute de front républicain, une affirmation sans appel des valeurs fondamentales de la République. Il fallait que ce soit sanctionné par un écart sans appel : avec deux suffrages sur trois, cela l’a été, malgré le poids des doutes, des réticences, des demi-ralliements.</p>
<p>Mais sa performance va au-delà et engage un avenir qui, pour être incertain et largement inconnu, n’en sera pas moins irrémédiable. Tournant délibérément le dos à 30 ans de logique de fonctionnement politique, Emmanuel Macron ne peut échapper à son destin d’être le Président du jour d’après, dans un univers substantiellement transformé.</p>
<h2>Si vite, si jeune</h2>
<p>La partie n’était pas gagnée d’avance. Il y a un an elle était même considérée comme injouable. D’avoir su finement anticiper sur des circonstances qui le favoriseront (retrait du Président sortant, implosion du Parti socialiste, éclatement de la Gauche, déchirement des droites), le nouvel élu a fait mentir tous les pronostics. Avec un sens aigu de la temporalité, il a mené un blitzkrieg exceptionnel et pleinement épousé le profond besoin de changement des Français.</p>
<p>Il a su transformer en autant d’atouts des éléments que ses adversaires entendaient utiliser comme flèches critiques : sa jeunesse excessive devient promesse de renouvellement énergique ; son expérience de banquier, garantie de sa compétence à traiter les dossiers économiques ; son passage au gouvernement, la preuve de sa volonté réformatrice ; <a href="https://theconversation.com/apres-lelection-reconcilier-les-francais-avec-le-monde-77307">son attachement indéfectible à l’Europe</a>, la garantie de sa stature internationale. Fort probablement, cette affirmation européenne a joué un rôle central dans sa victoire paradoxale : le même qu’avait rempli, en 1981, l’annonce par Mitterrand qu’il allait abolir la peine de mort.</p>
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<p>Dans un cas comme dans l’autre, aller à contre-courant de la pensée dominante est apparu comme un acte de courage et d’indépendance. De la sorte, Emmanuel Macron est devenu le plus grand dénominateur commun pour ceux qui voyaient avec inquiétude les vieux partis de gouvernement faire comme si rien n’avait changé et s’apprêter à jouer leur trop habituelle partie de saute-mouton avec un FN en embuscade.</p>
<p>Certes la rapidité du combat a privé le nouveau Président de l’atout habituellement rassurant de la familiarité : elle ne lui aura pas laissé le temps d’incruster dans l’imaginaire profond une image précise de lui-même. Seuls les contours de son portrait sont pour l’heure fermement dessinés. On ne perdra pas de vue qu’il a fait en un an ce que Mitterrand a parcouru en 16 ans ou Jacques Chirac en 18 ans. Voilà qui vient surligner l’étrangeté d’une victoire dont les conditions vont peser lourdement sur la suite des évènements.</p>
<h2>Chaos dieu fondateur</h2>
<p>Un regard sur la foisonnante mythologie grecque peut aider à percevoir la profondeur du débat qu’a ouvert la victoire d’Emmanuel Macron.</p>
<blockquote>
<p>« Au commencement du monde était Chaos : tout était là, mais rien n’était en ordre. Le ciel et la terre étaient mêlés, les eaux circulaient en tous sens. Ces eaux mêmes qui n’étaient pas très distinctes du feu. Le Chaos, c’était une situation sans nom. Alors tout était mélangé. » (« L’Odyssée », d’Homère)</p>
</blockquote>
<p>Il faudra attendre l’irruption de Chronos pour introduire l’ordre dans ce magma.</p>
<p>En fracassant le mur commode isolant la droite de la gauche, le candidat d’En Marche ! a provoqué une manière de <em>big-bang</em> politique, entraînant une série d’explosions en chaîne qui ne s’arrêteront pas à l’orée des législatives. Au nez et à la barbe des autres forces politiques qui semblent ne pas avoir pris conscience du séisme, et qui ne voient pas que Saturne a dévoré ses enfants. Emmanuel Macron a réussi spectaculairement à sortir la vie politique de la triangulation mortifère qu’imposait à la droite et à la gauche la présence toujours plus envahissante du FN.</p>
<p>Témoigne de ce chiasme la stratégie des vaincus du premier tour de l’élection présidentielle. Ils ont choisi d’enjamber le deuxième tour de la présidentielle et de mettre le cap sur les législatives, tentant de contourner le piège dans lequel ils s’étaient eux-mêmes enfermés depuis trois décennies. La plupart le feront avec élégance, en appelant à voter Macron. L’un manquera totalement la marche, Mélenchon, aveuglé par les monstres qu’il avait fabriqués de toutes pièces, et emmenant aigrement ses troupes dans une impasse mortifère.</p>
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<p>On nous a fait assister stupéfaits au jeu consistant à mettre la charrue des élections législatives avant le bœuf de la présidentielle. Comment les vieux constitutionnalistes dont nous sommes pourraient-il contempler indifférents ce gigantesque rétropédalage des partis de gouvernement ? Depuis 50 ans, droite comme gauche ont tiré le cheval de la V<sup>e</sup> République derrière la doxa de la majorité présidentielle. Avec la complicité de la droite, et dans la continuité de l’action de Mitterrand, les socialistes sont même allés plus loin : ils ont figé dans le marbre le système en <a href="https://theconversation.com/presidentielle-pourquoi-les-tirs-au-but-devraient-etre-tires-avant-la-prolongation-76299">inversant le calendrier électoral</a> pour rendre improbable toute contradiction à quarante jours d’intervalle.</p>
<p>Or, les voici tous, à contresens de leur histoire et de leurs victoires, prêts à organiser une cohabitation qu’ils ont pourtant constamment crucifiée jusque-là. Visant à vider le vote du 7 mai de toute substance opérationnelle en s’appuyant sur une exégèse aussi artificielle que partiale du scrutin, voire en faisant dire <a href="https://theconversation.com/les-votes-blancs-et-nuls-feront-cette-election-77183">aux abstentionnistes et aux votes blancs</a> ce qu’ils ont refusé de dire, leur tentative se ramène finalement à vouloir rejouer une partie qu’ils ont incontestablement perdue. Et le leader des Insoumis, ironie supplémentaire pour ce partisan d’une urgente VI<sup>e</sup> République, de leur emboîter le pas, en prétendant revenir à la Constitution de 1958 dont il utiliserait les ambivalences parlementaires à son profit.</p>
<p>On peut légitimement penser que la ficelle est trop grosse pour tromper les électeurs qui ont témoigné massivement leur confiance à Emmanuel Macron en lui remettant la charge de défendre la République et de promouvoir le changement. Ses adversaires auraient tort de réitérer l’énorme erreur de Marine Le Pen consistant à sous-estimer sa maîtrise de soi, sa fermeté et sa vision des choses. Mais le vrai danger pour le nouveau Président est ailleurs s’il veut gagner la partie. Qu’il laisse les morts enterrer les morts et qu’il ouvre vraiment la nouvelle voie qu’il a laissée espérer.</p>
<h2>Introuvable intérêt général ?</h2>
<p>Sur cette pyramide de plus de vingt millions de voix, il est venu, il a vu, il a vaincu, mais il n’a pas encore convaincu pleinement. Car, en reflet de sa stratégie complexe, Emmanuel Macron hérite d’une situation éminemment compliquée. Il lui faudra plus qu’une confiance dans l’automaticité des réflexes électoraux pour gagner la guerre.</p>
<p>La société française est profondément divisée, fracturée socialement et géographiquement. Et l’on sait que les lignes de fracture traversent les quatre blocs qui se sont agrégés dans les derniers votes. <a href="https://theconversation.com/presidentielle-la-haine-76914">La violence des échanges</a> de ces derniers mois aura eu au moins le mérite de faire émerger le substrat de la crise culturelle que traverse la France : elle est rongée par la montée d’un individualisme délétère qui enferme, par catégories, les citoyens dans une attitude frileuse de repli et de refus des réformes.</p>
<p>Toute transformation profonde n’est lue qu’au filtre de l’avantage ou de la menace qu’elle présente directement pour l’intérêt particulier de l’individu ou du groupe. Ainsi, on entendra un électeur déclarer au micro de France-Inter : « Je ne voterai pas pour des gens qui ne s’intéressent pas à moi. » Ou l’humoriste Pierre-Emmanuel Barré : « Vous pensiez vraiment que j’allais voter Macron ? Eh bien, non ! Je n’aime pas son programme, je ne vote pas pour lui. » Cette préférence strictement personnelle peut atteindre parfois jusqu’à la haine, comme <a href="http://lemonde.fr/idees/article/2017/05/04/francois-ruffin-lettre-ouverte-a-un-futur-president-deja-hai_5122151_3232.html?xtmc=ruffin&xtcr=2">François Ruffin</a> la criera dans une tribune du <em>Monde</em>.</p>
<p>Rousseau avait parfaitement décrit cette alchimie nécessaire à l’émergence de l’intérêt général lors du débat démocratique. Il écrivait, dans le <em>Contrat social</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a bien souvent de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun ; l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entredétruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. »</p>
</blockquote>
<p>Parfaitement conscient des difficultés de cette confrontation, Rousseau envisageait la nécessité d’apporter des « lumières publiques » au débat, tâche qu’il confiait à un « Législateur ». La situation d’une France où domine, dans de larges secteurs de la société un sentiment de peur et de déréliction, il y a urgence à relancer le sens de la solidarité autour de l’intérêt commun. De tracer la voie à l’accomplissement du troisième terme de la devise, la fraternité. Combat culturel primordial pour retrouver la confiance dans l’action collective. Et donc réussir le rassemblement.</p>
<p>La condition de la réussite réside dans les premières mesures, dans les premiers choix humains. Pour être convaincant, Emmanuel Macron doit maintenant aller jusqu’au bout du projet de rupture avec les vieux comportements politiques. Cela devra transparaître dès la composition de l’équipe gouvernementale et de son chef. Elle devra surprendre. Elle pourra choquer. Mais, sans ce choc, on continuera à lire l’action politique avec des lunettes d’hier. « Il n’y a de long ouvrage, disait Baudelaire, que celui qu’on n’ose pas commencer. Il devient cauchemar. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur cette pyramide de plus de vingt millions de voix, Emmanuel Macron est venu, il a vu, il a vaincu. Mais il n’a pas encore convaincu pleinement.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/773532017-05-08T16:07:33Z2017-05-08T16:07:33ZAprès la présidentielle de toutes les surprises, des législatives très ouvertes<p>Jamais une élection présidentielle n’avait, <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/informations/espace-presse/communiques-de-presse/cp000231-les-elections-presidentielles-sous-la-ve-republique">sous la Vᵉ République</a>, connu autant de rebondissements et jamais la campagne n’avait été aussi longue.</p>
<p>En 2016, le désaveu du Président sortant était très fort dans l’opinion. Les socialistes étaient très divisés entre frondeurs et soutiens du premier ministre, Manuel Valls. Les premiers ont réussi à imposer au Président de passer par l’épreuve des primaires ouvertes s’il voulait se représenter. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, a lancé le mouvement En Marche ! en avril, avec la volonté de rompre avec l’alternance au pouvoir des grands partis de gouvernement, et en espérant porter une dynamique nouvelle autour d’un programme centriste et d’un renouvellement de la classe politique. En août, il rompait complètement avec les socialistes en quittant le gouvernement.</p>
<p>L’opération était alors jugée peu crédible par presque tous les observateurs avisés qui se rappelaient de l’échec de <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2012/20120207.OBS0809/8-fevrier-1988-raymond-barre-candidat-a-la-presidentielle.html">Raymond Barre en 1988</a>, manquant d’une force politique pour porter sa candidature. Beaucoup se rappelaient aussi de l’échec de François Bayrou en 2007, rompant l’alliance traditionnelle des centristes avec la droite. Il avait alors attiré à la fois des déçus de la droite, inquiets du profil de Nicolas Sarkozy, et des électeurs de gauche, peu convaincus par la candidate socialiste. Bayrou avait réussi un très beau score au premier tour (18,6 %), mais n’avait pas été qualifié pour le tour décisif.</p>
<h2>Un désaveu aux primaires des principaux ténors de la droite et de la gauche</h2>
<p>Aux élections régionales de 2015, le Front national se hissait au rang de premier parti en France avec au premier tour près de 28 % des suffrages exprimés, ce qui indiquait que sa candidate avait de très fortes chances d’être présente au second tour de la présidentielle et d’y faire un score très important.</p>
<p>Dans cette conjoncture, Alain Juppé semblait très bien placé pour être le candidat de la droite et emporter l’élection présidentielle, tant le <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/alain-juppe-deja-president_1792826.html">désir d’alternance</a> semblait fort dans le pays. En novembre 2016, la primaire de la droite et du centre, pour la première fois ouverte à l’ensemble des sympathisants, allait connaître un grand succès de participation, mais aussi révélé le désir très fort de changement, puisque Nicolas Sarkozy était éliminé au premier tour et Alain Juppé au second. La large victoire de François Fillon à la primaire pouvait alors faire penser qu’il gagnerait facilement l’élection présidentielle, certains sondages lui accordant alors autour de <a href="http://www.francesoir.fr/politique-france/presidentielle-2017-francois-fillon-deja-president-dans-les-sondages">30 % des intentions de vote</a>.</p>
<p>Nouveau rebondissement en décembre, <a href="https://theconversation.com/francois-hollande-la-non-candidature-de-lelysee-69801">François Hollande</a> renonçait à solliciter un second mandat et Manuel Valls abandonnait son poste de premier ministre pour se lancer dans l’élection et y défendre le bilan du quinquennat. Les primaires socialistes de janvier ne mobilisaient que très moyennement mais manifestaient aussi un désir de renouvellement, en éliminant Manuel Valls et en qualifiant Benoît Hamon, représentant de la gauche du parti.</p>
<h2>Un premier tour éclaté aboutissant à l’élimination des partis de gouvernement</h2>
<p>Au même moment, François Fillon, qui semblait avoir du mal à légitimer son programme sur la très forte réduction du nombre de fonctionnaires et la baisse des remboursements des dépenses de santé, est rattrapé par les affaires. Mis en examen, il maintient pourtant sa candidature, Les Républicains n’arrivant pas à s’entendre sur celui qui pourrait le remplacer. Il s’érode dans les sondages mais garde un socle de partisans, <a href="http://blog.francetvinfo.fr/scenes-politiques/2017/02/11/francois-fillon-peut-il-encore-simposer-dans-la-presidentielle.html">entre 18 et 20 % des intentions de vote</a>.</p>
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<p>De son côté, Benoît Hamon ne parvient pas à convaincre l’électorat socialiste, moins à gauche que les votants de la primaire. Les socialistes manifestent <a href="http://www.lepoint.fr/presidentielle/soutien-de-manuel-valls-a-macron-la-gauche-se-dechire-29-03-2017-2115577_3121.php">leur division</a>, beaucoup de responsables du parti n’acceptant pas de soutenir quelqu’un qui avait critiqué fortement la politique suivie au cours du quinquennat. Le candidat s’effrite régulièrement : alors qu’il était crédité de 15 à 18 % d’intentions de vote présidentiel au soir de sa qualification, il tombe à 8 % le 23 avril. Selon Ipsos, les électeurs de François Hollande au premier tour de 2012 se seraient prononcés le 23 avril 2017 à 47 % pour Emmanuel Macron, 24 % pour Jean‑Luc Mélenchon et seulement 15 % pour <a href="https://theconversation.com/les-audaces-contrariees-de-benoit-hamon-76297">Benoît Hamon</a>. La décrépitude socialiste est presque semblable à celle que les socialistes avaient connue en 1969, Gaston Deferre obtenant seulement 5 % des exprimés au premier tour.</p>
<p>Candidat de la gauche radicale, sous l’étiquette de « La France insoumise », Jean‑Luc Mélenchon réussit une belle campagne, profitant beaucoup des divisions socialistes. Ayant doublé en février Benoît Hamon dans les sondages, il incarne de plus en plus le vote utile à gauche visant à qualifier un candidat de ce camp pour le second tour.</p>
<p>Emmanuel Macron profite des déboires de la droite et de la gauche. Beaucoup d’électeurs habituels des deux grands partis de gouvernement ont beaucoup hésité mais ont finalement souvent voté pour favoriser la qualification d’un candidat plutôt que pour exprimer leur soutien aux idées d’un candidat.</p>
<p>Au soir du premier tour, Emmanuel Macron arrive en tête avec 24 %, suivi par Marine Le Pen à 21,3 %, qualifiée mais avec un score inférieur à ce qu’elle pouvait espérer un an plus tôt. François Fillon est à 20 % et Jean‑Luc Mélenchon à 19,6 %. C’est un panorama tout à fait inattendu qui sort donc des urnes, les <a href="https://theconversation.com/apres-lechec-de-la-droite-les-scenarios-de-la-recomposition-76674">deux partis traditionnellement en tête</a> se retrouvant éliminés du second tour.</p>
<h2>Un second tour en partie d’adhésion, en partie de rejet</h2>
<p>Un peu comme en 2002, l’enjeu du second tour change donc de nature. Dans une situation de grande division politique et de flou sur les recompositions politiques à venir, il ne s’agit plus de savoir si on souhaite un Président et une majorité de gauche ou de droite, mais de manifester un soutien ou un rejet de l’extrême droite.</p>
<p>Comme on pouvait s’y attendre, Emmanuel Macron est largement élu, avec 66,1 % des voix, faisant même mieux que ce que lui prédisaient les derniers sondages. D’après Ipsos à la veille du second tour, les reports de voix lui auraient été assez favorables, puisqu’il aurait attiré 71 % de l’électorat Hamon, 52 % de l’électorat Mélenchon, 48 % de l’électorat Fillon et 27 % des suffrages Dupont-Aignan. Ce vote semble avoir été chez un peu plus d’un électeur sur deux un vote d’adhésion, alors que les autres ont voté pour éliminer Marine Le Pen, sans être convaincus par le candidat et le programme d’Emmanuel Macron.</p>
<p>Avec 33,9 % des suffrages, Marine Le Pen fait beaucoup mieux que son père 17 ans plus tôt. D’après le même sondage, elle aurait récupéré 30 % du vote Dupont-Aignan, 20 % du vote Fillon, 7 % du vote Mélenchon et 2 % du vote Hamon. Ce qui montre qu’elle a réussi – au moins en partie – son entreprise de dédiabolisation et que le Front républicain anti-FN s’est affaibli. Alors que son père ne retrouvait même pas au second tour l’ensemble des voix de l’extrême droite au premier, elle gagne 12,6 points dans l’entre-deux tours. Elle a donc une certaine capacité de rassemblement, même si son parti continue à être rejeté par beaucoup.</p>
<p>Il faut, enfin, insister sur l’importance de l’abstention – 25,4 % des inscrits – et des votes blancs et nuls – 11,5 % –, soit au total plus d'un tiers des électeurs, légèrement plus qu’en 1969. Dans un second tour opposant le gaulliste Georges Pompidou et le centriste Alain Poher, 35,6 % n’avaient pas voulu choisir entre « blanc bonnet et bonnet blanc », selon l’expression du communiste Jacques Duclos.</p>
<p>En 2017, les différences sont évidemment beaucoup plus fortes entre les deux finalistes, mais un nombre très important d’électeurs n’ont pas choisi entre ce qu’ils considèrent comme deux perspectives aussi peu satisfaisantes l’une que l’autre. Ce rejet de l’offre électorale aurait concerné – toujours selon le sondage Ipsos – 43 % des électeurs Dupont-Aignan, 41 % de ceux de Jean‑Luc Mélenchon, 32 % chez François Fillon, 27 % chez Benoît Hamon. Les électeurs se reportent semble-t-il un peu moins facilement qu’autrefois, ne voulant pas donner leur confiance à quelqu’un qu’ils apprécient peu.</p>
<h2>Des législatives très ouvertes</h2>
<p>Dans leur discours de la soirée électorale, le nouvel élu et la perdante ont tous deux cherché à mobiliser pour les élections législatives, le premier en demandant aux électeurs de lui donner une majorité présidentielle et la seconde en se présentant comme l’incarnation de l’opposition. En fait, le paysage de la campagne législative sera loin d’être aussi réducteur.</p>
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<p>Les premiers sondages réalisés dimanche soir sur les intentions de vote au premier tour législatif – qui évidemment ne préjugent pas du résultat, d’autant qu’on ne connaît pas encore les candidatures dans chaque circonscription – indiquent que les votes devraient davantage ressembler aux résultats du premier tour présidentiel qu’à ceux du second. Selon Harris interactive, En Marche ! et le Modem sont crédités de 26 % des voix, le Front national de 22 %, Les Républicains et l’UDI également de 22 %, La France insoumise de 13 %, le Parti socialiste et le PRG de 8 %.</p>
<p>Ce sondage indique aussi qu’un peu plus de la moitié des interviewés souhaitent une majorité parlementaire allant du centre gauche au centre droit plutôt qu’une majorité de droite ou de gauche. Mais selon le sondage Ipsos, 61 % ne veulent pas d’une majorité absolue pour le nouveau Président. Kanta Sofres indique des tendances semblables. Les électeurs semblent donc assez hésitants entre un vote de confirmation de l’élection présidentielle et un vote manifestant davantage une attitude critique, selon les orientations politiques de chacun.</p>
<p>Lorsque les sondages prendront en compte l’offre électorale et mesureront des intentions en fonction du nom des candidats dans chaque circonscription, l’effet de leur notabilité est susceptible de faire bouger le panorama de départ, ce qui défavorisera En Marche ! si le nouveau parti présente, comme il l’a dit, une moitié de candidats complètement nouveaux dans la vie politique et peu connus, même si le profil de cadres ayant exercé des responsabilités professionnelles dans le public et le privé <a href="https://en-marche.fr/le-mouvement/legislatives">semble privilégié</a>.</p>
<h2>Un troisième et quatrième tours décisifs</h2>
<p>Évidemment, le résultat du premier tour sera aussi dépendant du jugement porté sur le premier mois d’activité du gouvernement nommé à la mi-mai et sur le degré de recomposition du système partisan. Du côté des socialistes, il y aura probablement trois tendances : celle du basculement complet vers En Marche ! en abandonnant la « vieille maison », celle qui voudra être à la fois PS et majorité présidentielle, celle qui voudra rester fidèle à la filiation socialiste. Cet éclatement à gauche semble devoir être beaucoup plus fort qu’à droite où le basculement vers la majorité présidentielle devrait être nettement plus limité.</p>
<p>Il y aura certainement peu d’élus au soir du premier tour, le résultat final du second dépendra beaucoup de l’existence ou non d’accords de désistement entre tendances, puisque notre système électoral donne un avantage considérable au second tour aux alliances, qu’elles soient ou non formalisées. De ces accords dépendront le nombre de compétitions avec trois, voire rarement quatre candidats pouvant se maintenir au second tour, selon la participation électorale au premier, puisqu’il faut avoir obtenu plus de 12,5 % des inscrits – soit souvent 20 % des exprimés – pour pouvoir se maintenir.</p>
<p>Le résultat final de la séquence électorale à quatre tours qui ponctue notre vie politique depuis 2002 reste donc très ouvert entre plusieurs hypothèses :</p>
<ul>
<li><p>une majorité présidentielle pour appliquer – en principe – le programme du président ;</p></li>
<li><p>une majorité de coalition allant du centre gauche au centre droit ;</p></li>
<li><p>une majorité de droite et du centre, débouchant sur une cohabitation ;</p></li>
<li><p>une majorité de gauche mais cette dernière hypothèse semble aujourd’hui improbable.</p></li>
</ul>
<p>Ces législatives vont donc être très différentes de ce qu’on a connu depuis 2002. Elles ne seront pas seulement la confirmation de l’élection présidentielle, l’enjeu sera beaucoup plus fort puisque la teneur de la majorité de gouvernement reste très incertaine. L’importance de ce choix pourrait faire baisser l’abstention qui avait atteint un record en 2012 avec 42,8 % au premier tour et 44,6 % au second.</p>
<p>Ces législatives vont constituer une étape marquante dans un début de recomposition du système partisan. En ce sens, elles pourraient être plus décisives encore que l’élection présidentielle elle-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77353/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les législatives vont constituer une étape marquante dans un début de recomposition du système partisan. En ce sens, elles pourraient être plus décisives que l’élection présidentielle elle-même.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762972017-04-19T19:36:18Z2017-04-19T19:36:18ZLes audaces contrariées de Benoît Hamon<p>Lancée le 16 août 2016 à l’occasion du <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/08/16/25001-20160816ARTFIG00160-2017-hamon-multiplie-les-signaux-en-vue-d-une-candidature.php">20 heures de France 2</a>, la campagne de Benoît Hamon pour les primaires l’avait vu imposer progressivement à ses challengers ses thèmes de campagne (revenu universel, transition écologique, légalisation du cannabis, reconnaissance du <em>burn-out</em>, lutte contre les perturbateurs endocriniens, « taxe-robot », visas humanitaires…)</p>
<p>Celui qui devait quitter le statut de troisième homme – derrière Manuel Valls et Arnaud Montebourg – pour celui de présidentiable générait alors enthousiasme et ferveur auprès d’un électorat plutôt jeune en recherche de solutions pérennes pour affronter les décennies à venir. Large, sa victoire lors des primaires lui permit de s’envoler dans les sondages d’opinion et de se retrouver à près de 17 % des intentions de vote à la mi-février.</p>
<p>Pourtant, à quelques jours du premier tour, cette belle dynamique semble grippée et Hamon pourrait sortir vaincu, mais aussi en partie discrédité, d’une campagne que certains jugent calamiteuse.</p>
<h2>Ralliements, raffinements et morcellements : une stratégie souvent contre‑productive</h2>
<p>Nombreux sont ainsi les observateurs qui ont noté les erreurs de stratégie d’Hamon et de son équipe. Les tentatives de ralliement des écologistes et de la France insoumise ont souvent été perçues comme une perte de temps précieux, à un moment où il était urgent de consolider l’ancrage des thèmes de campagne. Cette perception s’est trouvée renforcée par l’échec d’Hamon à rallier un Jean‑Luc Mélenchon qui résista à la pression <a href="http://www.regards.fr/web/article/une-alliance-entre-melenchon-et-hamon-ils-y-croient-encore">d’une partie de l’électorat de gauche en faveur d’une alliance</a>.</p>
<p>Ce dernier a par ailleurs su tirer profit de ce contexte délicat pour négocier un « pacte de non-agression », privant Hamon et ses proches de la possibilité d’attirer l’attention sur certains points clivants du programme de la France insoumise et du positionnement de son candidat : le rapport à l’Union européenne, la relative bienveillance à l’égard de Poutine et d’Assad, le rapport au protectionnisme et au souverainisme…</p>
<p>Autre erreur stratégique relevée par quelques observateurs : le remodelage de ses principales propositions à l’issue de la primaire. Tandis que certaines – sans doute jugées trop peu consensuelles – passaient à l’arrière-plan de la communication du candidat (légalisation du cannabis, visas humanitaires…), d’autres se voyaient modifiées, repensées, affinées…</p>
<p>Les efforts de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/09/benoit-hamon-rabote-de-nouveau-sa-promesse-de-revenu-universel-pour-les-18-25-ans_5092265_4355770.html">raffinement du chiffrage de sa mesure phare qu’est le revenu universel</a> ont ainsi été perçus et présentés, au mieux comme des tergiversations, au pire comme des reniements. Ces perceptions ont contribué à ternir l’image d’une radicalité réaliste et assumée qu’Hamon avait su imposer lors de la primaire et qui aurait dû en faire le candidat de la rupture avec la gauche de gestion au pouvoir depuis cinq ans.</p>
<p>Les équipes du candidat ont sans doute aussi eu le tort de vouloir annoncer de manière fragmentée les mesures du programme hamoniste. Leur objectif d’occupation de l’espace médiatique s’est heurté à la forte concurrence événementielle des affaires Fillon et Le Pen. De plus, ce morcellement a masqué la cohérence du programme d’Hamon et sa capacité à penser intelligemment l’articulation entre transition démocratique, transition économique et transition écologique.</p>
<p>On peut estimer <em>a posteriori</em> que le candidat aurait eu intérêt à insister sur les vertus du revenu universel ou du 49.3 citoyen et à centrer ses discours sur quelques thématiques de campagne bien hiérarchisées – lutte contre les discriminations ; moralisation de la vie politique ; renforcement des services publics ; construction européenne. Quitte à ne pas chercher à s’adresser à l’ensemble de l’électorat et à provoquer des points de clivage avec ses concurrents.</p>
<h2>Le PS ou le retour de la « machine à perdre »</h2>
<p>Les inclinaisons de la communication du candidat à la suite de sa victoire à la primaire étaient sans doute inévitables. Hamon se trouvait en effet soumis à une <a href="http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-valls-reunit-ses-proches-a-l-assemblee-ce-mardi-soir-28-02-2017-6719046.php">très forte pression</a> du gouvernement et de l’appareil du PS pour raboter son programme et faire rentrer celui-ci dans les clous du logiciel réformiste au sens le plus classique du terme. L’ancien ministre de l’Éducation nationale devait ainsi donner des gages, faire allégeance, obtenir l’adoubement de ceux qui exerçaient alors le pouvoir dans le pays et au sein du Parti.</p>
<p>La marge de manœuvre d’Hamon s’avérait très étroite. S’il est parvenu à proposer assez subtilement son inventaire des cinq ans de pouvoir de François Hollande, il a manifestement laissé beaucoup d’énergie et d’élan dans ses efforts pour donner des gages aux poids lourds du gouvernement, à la direction du PS et à ses anciens adversaires vallsistes.</p>
<p>Encouragé du bout des lèvres par certains (rencontre tiède avec le premier ministre Bernard Cazeneuve ; déclaration ambiguë de Pierre Moscovici…), critiqué plus ou moins ouvertement par d’autres (Michel Sapin, Stéphane Le Foll, Claude Bartolone, Bertrand Delanoë…), à aucun moment les trois groupes suscités n’ont daigné le soutenir massivement et s’incliner devant la décision des électeurs de la primaire. Pire, ils ont tout fait pour parasiter, gêner, troubler la dynamique de sa campagne jusqu’à ces sommets que furent les <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/23/le-ralliement-de-le-drian-a-macron-enieme-indice-du-coup-de-mou_a_22008364/">ralliements de Le Drian, Delanoë et Valls</a> à la candidature d’Emmanuel Macron.</p>
<p>De manière très paradoxale, Benoît Hamon fédérait alors une partie importante des partis de gauche – avec le soutien d’Europe Écologie les Verts et de Yannick Jadot mais aussi du Parti radical de Gauche ou du Mouvement Républicain et Citoyen –, obtenait l’appui de personnalités comme José Bové, Christiane Taubira, Éva Joly, Éric de Montgolfier ou Thomas Piketty mais voyait sa candidature dévaluée par certains des cadres de son propre parti.</p>
<p>Malgré les efforts de Martine Aubry, d’Anne Hidalgo, de Thierry Mandon ou de Najat Vallaud-Belkacem, une fois encore la « machine à perdre » qu’avait pu être le PS dans le passé se mettait en route. Si les rôles de François Hollande et de Jean-Christophe Cambadélis doivent être décryptés dans les années à venir, force est d’ores et déjà de constater l’aveuglement des cadres du parti devant l’opportunité de reconstruction véritable du Parti qu’offrait la candidature de Benoît Hamon.</p>
<h2>Des cadrages médiatiques globalement défavorables</h2>
<p>L’évocation d’un troisième type de facteurs, extérieurs au candidat et au Parti, s’avère cruciale pour qui veut comprendre cet échec annoncé.</p>
<p>Tout d’abord, Benoît Hamon n’est jamais parvenu à s’affranchir totalement de son image de <a href="http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/01/29/benoit-hamon-le-petit-frondeur-devenu-grand_1544933">« frondeur »</a>. Cette image avait le double inconvénient de le replacer au sein de la majorité actuelle tout en en faisant un éternel contestataire refusant de se confronter à la réalité du pouvoir. La position de celui qui critique de l’extérieur ceux qui exercent les responsabilités, l’enfermait d’emblée hors de la sphère du pouvoir.</p>
<p>S’ajoute à ce cadrage, le recours récurrent au champ sémantique du candidat sympathique mais un peu rêveur (le « petit Benoît », le « marchand d’illusion », le « candidat de l’utopie »…) tandis que certaines critiques de Vallsistes se perdaient dans la prose nauséabonde de la dénonciation de l’islamo-gauchisme aux côtés de <em>Valeurs Actuelles</em> et des réseaux d’extrême-droite (affublant par exemple le candidat du surnom « Bilal Hamon »). Parfois en résonance avec les discours d’une partie du gouvernement et de l’appareil du PS, ces stéréotypes ont largement desservi Hamon alors qu’il tentait de renforcer son image de présidentiable et sa stature de chef pour son camp et pour son pays.</p>
<h2>Jusqu’au bout, le pari de l’intelligence</h2>
<p>Plus importante encore semble être l’incapacité des observateurs à percevoir comment le vainqueur de la primaire citoyenne a cherché à rompre assez nettement avec certaines pratiques traditionnelles de la communication politique : usage de la langue de bois, formes de démagogie, recherche permanente du clivage et de la polémique… Jusqu’à ces derniers jours, Benoît Hamon a en effet tenu sa position : faire appel à l’intelligence de ses concitoyens et faire preuve de pédagogie, de clarté et d’honnêteté afin de les convaincre de voter pour un programme susceptible de préparer le pays aux décennies à venir. Aussi a-t-il refusé de travailler à la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/chantal-mouffe-la-gauche-et-le-peuple">construction d’antagonismes profonds</a> entre son camp et celui de ses concurrents et de recourir massivement à l’émotion et aux affects.</p>
<p>Tandis que tous ses principaux adversaires mobilisaient ces stratégies, somme toute classiques, pour fédérer leur camp et passer la barre des 20 % au premier tour, il s’est employé à faire exactement l’inverse :</p>
<ul>
<li><p>produire un discours fédérateur abolissant les frontières entre les différents groupes qui constituent la société française ;</p></li>
<li><p>appeler à voter pour des propositions concrètes sans exagérer les difficultés actuelles de la France et sans se présenter comme l’ultime recours face à une situation de crise ;</p></li>
<li><p>parier sur un engagement qui ne reposerait plus sur les pulsions, sur la peur, le ressentiment ou la colère mais sur la prise en considération des défis collectifs qui attendent la société française et sur les choix les plus efficaces pour y répondre.</p></li>
</ul>
<p>Si utopie il y a chez Benoît Hamon, c’est sans doute là qu’elle réside, dans la confiance en la maturité suffisante de notre espace public pour qu’une telle démarche politique trouve un écho solidaire et favorable parmi les observateurs, les leaders d’opinion, les journalistes spécialisés.</p>
<p>Gageons que dans quelques années, ces audaces contrariées du candidat seront lues comme un effort profond et salutaire de renouvellement des pratiques politiques et du lien qui unit les dirigeants aux citoyens. Des audaces qui ouvrent très certainement une voie vers ce que devra être la politique dans un futur proche si notre démocratie souhaite ériger des digues solides contre les politiques de haine de l’autre, de repli sur soi et de manipulation des émotions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Robinet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le candidat de la « Belle alliance populaire », Benoît Hamon, n’est plus désormais crédité que de 7 à 8 % d’intentions de vote. Comment en est-il arrivé là ?François Robinet, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/754372017-03-29T19:38:57Z2017-03-29T19:38:57ZL’amère lessive de « la Mère Denis » : la présidentielle à l’épreuve du prélavage des primaires<blockquote>
<p>« J’ai ausculté la France, j’ai exploré ses cavernes. Je n’ai point osé dire la profondeur du mal. » (Hippolyte Taine)</p>
</blockquote>
<p>Il y a de profondes lézardes sur la façade de la Maison France. Elles risquent de s’étendre et de s’élargir encore au cours des semaines, voire des jours qui viennent.</p>
<p>Sur fond de miasmes récurrents entretenus par les feuilletons judiciaires, l’enchevêtrement des enjeux rend inaudibles à beaucoup d’électeurs les propositions des candidats : celles-ci sont moins jugées pour elles-mêmes qu’en rapport à celui ou celle qui les formule. L’apostrophe remplace l’argument, le fantasme, la vision raisonnée. La mêlée est confuse, les positions s’entrecroisent et s’emmêlent. Les adversaires d’hier se muent en meilleurs amis du jour, les amis d’hier en ennemis de demain. Les frontières entre les camps deviennent impalpables à force d’être instables.</p>
<p>La seule certitude qui semble en voie de dominer chez l’électeur moyen, c’est de ne pas en avoir ; ou, plus inquiétant encore, que le jeu qu’on lui propose ne le concerne pas. Il espérait participer à une bataille réglée par des mouvements d’ensemble, il n’a droit qu’à des saccades velléitaires, des positions fragmentées.</p>
<p>Comment s’étonner, dès lors, à moins de quatre semaines du scrutin, du nombre des indécis et du taux d’abstention prévus par les sondages ? Et du même coup, ne pas pointer le vrai danger pour notre système politique : car la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-et-comment-marine-le-pen-peut-gagner-avec-moins-de-50-dintentions-de-vote-74994">faiblesse de la participation</a> induit mécaniquement la hausse des partis protestataires, l’émergence d’un vote de répulsion contre un système dénué de capacité d’attraction.</p>
<p>Dans le contexte actuel, on aurait tort de s’imaginer que le simple vote utile puisse constituer un rempart suffisant contre l’extrémisme. La lassitude peut amener plus sûrement à la résignation qu’à l’engagement. Une manière de préavis de grève du vote, faute de préavis de rêve d’avenir.</p>
<h2>Bipolarisation en berne</h2>
<p>D’autant que cette situation inédite, plaçant en périgée cette élection dont la V<sup>e</sup> République faisait son apogée, ne s’est pas produite en un jour. Elle vient de loin. Mûrie au fil de trente années d’alternances au pouvoir des deux grands partis de gouvernement, dont les échecs successifs patents ont érodé la confiance des électeurs dans leurs représentants, elle s’est spectaculairement annoncée un soir de 2002 : l’irruption, au milieu des décombres dispersés des vieilles formations politiques, d’un trublion extrémiste aurait dû résonner comme un tocsin.</p>
<p>Avec un Président sortant à moins de 20 % des suffrages, des abstentions filant vers les 30 %, un premier ministre dérivant en langueurs océanes, tout indiquait que le système politique s’était enrayé. Un réflexe républicain put éviter la sortie de route. Il n’a pas trouvé sa consolidation dans les séquences politiques suivantes.</p>
<p>Trois mandats présidentiels consécutifs ont creusé la distance entre les attentes inquiètes des citoyens et l’action de leurs gouvernants. Au sentiment justifié d’inefficacité des mesures prises contre la crise, est venu s’ajouter celui d’une trahison permanente des engagements initiaux : à droite comme à gauche, on semble avoir mis un malin plaisir à omettre, voire à contredire ses promesses de campagne. De même qu’elle avait emporté Nicolas Sarkozy en 2012, cette forme désinvolture gouvernementale empêche <a href="https://theconversation.com/sortie-de-secours-pour-francois-hollande-69843">François Hollande en 2017</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/163205/original/image-20170329-8584-11bbnd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nicolas Sarkozy et François Hollande, en mai 2012, le jour de la passation de pouvoir. Cinq ans plus tard, tous deux sont exclus de la course présidentielle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/120123012@N04/21862481245/in/photolist-igQyF3-BShrSZ-bSCYNR-ziUVZP">Daniel Malys/Flickr</a></span>
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<p>Encore que la situation soit aujourd’hui plus complexe. L’incapacité du sortant à se représenter s’accompagne d’une autre impossibilité : celle d’une alternance naturelle et paisible. Comme l’ont parfaitement mis en évidence les scrutins locaux de 2014 et <a href="https://theconversation.com/regionales-2015-sanction-par-explosion-52173">2015</a>, sous les coups de boutoirs conjugués de la crise et de la montée des extrêmes, la bipolarisation de la vie politique a commencé à voler en éclats. Les deux partis qui la garantissaient au rythme des alternances, le PS et Les Républicains, s’avèrent impuissants à garantir une dynamique d’attraction et ne peuvent empêcher l’émergence d’une troisième force. Voilà le classique face-à-face droite-gauche durablement ébranlé par l’émergence d’un tiers perturbateur.</p>
<p>Une part essentielle du chaos actuel, qui a vu la droite passer en moins de deux mois d’une élection imperdable à une défaite probable, la gauche exploser à hue et à dia, tient là : dans le refus des partis traditionnels d’intégrer cette nouvelle situation politique, qui contredit la logique même de l’élection présidentielle. Et à l’inverse, la formidable percée de celui que nous avions qualifié ici d’<a href="https://theconversation.com/le-ministre-et-son-double-ou-letrange-marche-de-monsieur-macron-57953">étrange Monsieur Macron</a>, s’explique largement par cette anticipation qui a été la sienne de se situer au-dessus du clivage droite-gauche.</p>
<h2>Du triphasage au tripatouillage</h2>
<p>Car, si l’affaissement de la bipolarisation n’a pas abouti à casser la distribution classique des pouvoirs locaux, il en va tout autrement de l’élection présidentielle dont elle est directement la fille naturelle. On sait que la révision constitutionnelle de 1962 a non seulement instauré l’élection du Président <a href="https://theconversation.com/presidentielle-marianne-en-souffrance-74596">au suffrage universel direct</a> : en voulant imposer un élu qui soit l’homme de la Nation et non pas d’un parti, elle a limité l’accès au second tour à deux candidats. Une sorte de courant biphasé, pour prendre une comparaison électrique.</p>
<p>Or l’émergence d’un troisième larron aboutit à brancher du triphasé sur le biphasé. On connaît les effets de cette fausse manœuvre : une perturbation du système placé en surchauffe, qui peut aller jusqu’à son explosion. Certains, pour qualifier cette nouvelle situation, parlent de « tripolarisation ». Outre qu’il s’agit d’une manière de barbarisme scientifique – le principe des pôles allant par deux –, l’expression ne nous semble pas adaptée à la situation réelle : la droite et la gauche, regroupements de plusieurs forces derrière un parti dominant, constituent effectivement deux pôles. Pas le FN, qui est un unique parti, parvenant à lui seul à faire autant sinon plus que chacun des deux autres rassemblements.</p>
<p>Une analyse renouvelée des flux électoraux s’impose, tant aux politiques qu’aux analystes : elle ne peut plus s’axer principalement sur l’affrontement droite-gauche qui constituait jusque-là le cœur du système. Le temps n’est plus où le FN ne jouait qu’un rôle d’arbitre : il forme désormais l’un des trois angles de la figure et participe directement au résultat final, obligeant à appréhender d’un seul regard les trois plans qui évoluent de manière synchronisée.</p>
<p>C’est donc d’une triangulation qu’il faut plutôt parler, dont nous avons montré, dans l’<a href="https://theconversation.com/des-regions-en-trompe-l-il-52460">analyse des dernières élections régionales</a>, les lourdes incertitudes qu’elle fait planer sur la probabilité du résultat final. Mais plutôt que de mesurer les ajustements rendus nécessaires par ce nouveau jeu de forces qui prive les électeurs d’un vote d’adhésion en les condamnant à un vote d’empêchement aussi usant que dévitalisant, les vieux partis ont préféré fermer les yeux. Et se livrer à un travail de ravaudage qui confine au tripatouillage.</p>
<h2>L’échec du cycle prélavage des primaires</h2>
<p>Voilà un an que, rendus au rôle de Cassandre, nous tentons, de chronique en chronique, de montrer que les primaires, dans ce nouveau contexte, sont le cheval de Troie de la destruction de l’offre politique. Elles y sont parfaitement parvenues. Elles prétendaient répondre à un besoin, apparemment louable : celui de rassembler chaque camp autour d’un leader, sinon incontestable au moins indiscutable, afin de créer une dynamique de victoire par l’accès au deuxième tour de la présidentielle. Erreur fatale, cette sorte de « prélavage » à la campagne introduisait un biais profond dans le processus électoral, imposant de jouer le second tour avant le premier.</p>
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<p>On se souvient : aussi bien François Hollande que Nicolas Sarkozy ne se sont ralliés que du bout des lèvres à la procédure. Encore ne l’ont-ils fait que parce qu’ils surestimaient la capacité de leur appareil partisan à contrôler l’issue du scrutin. C’était, à contresens, sous-estimer le discrédit des partis de gouvernement, qu’il s’agisse de LR déchiré par les rivalités personnelles, ou du PS miné par un quinquennat fissuré sous les frondes. Dans une atmosphère de « dégagisme », les deux camps ont massivement balayé sortants et revenants. Ils l’ont fait de manière identique : en croyant promouvoir deux candidats purs de toute compromission, tout en espérant revenir à l’orthodoxie de leurs valeurs respectives. C’était prendre le risque d’un resserrement, interdisant un vrai rassemblement.</p>
<p>La suite l’a trop montré. Par une spirale implacable, des pans entiers des vieux continents politiques sont devenus flottants, faisant perdre à ceux-ci leur centre de gravité. La montagne des primaires a accouché de deux figures étranges : à gauche, un candidat engoncé dans un costume trop grand pour lui ; à droite, un candidat revêtu d’un costume taché.</p>
<p>Une campagne surréelle se déroule sous nos yeux hagards : le candidat du Parti socialiste, censé assumer le bilan, tire à boulets rouges sur l’action du parti qui l’a fait désigner ; le candidat de la droite, mis en examen, continue à vouloir incarner le champion de la moralisation de la vie politique ! Mêlant dans une même eau trouble informations, insinuations, accusations, diffamations, une spirale entretenue par des réseaux hétérogènes déforme en échos fragmentés une parole politique déjà inaudible, décrédibilisée. Et rend l’atmosphère difficilement respirable.</p>
<h2>Sortir de l’impasse</h2>
<p>Le piège s’est refermé : il y a peu de chance de voir les deux candidats des primaires tirer les conséquences de leur échec. L’un et l’autre s’appuient sur la légitimité de leur désignation. « Ce n’est pas eux qui m’ont donné vie, c’est un vote populaire », déclare Benoît Hamon <a href="http://lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/03/29/manuel-valls-annonce-qu-il-votera-pour-emmanuel-macron_5102394_4854003.html">à l’encontre des socialistes « dissidents »</a>. Et les deux hommes de s’accompagner du lamento de la victimisation : victime des trahisons pour Hamon, d’un obscur cabinet noir pour Fillon.</p>
<p>Il y a pourtant un urgent besoin de parole vraie, que les vieux schémas droite-gauche, pour vénérables et structurants qu’ils soient, ne suffisent pas à remplir. Au lieu d’entendre paraphraser Brillat-Savarin et affirmer : « Dis-moi avec qui tu manges et je te dirai qui tu es », les Français attendent des candidats qu’ils clarifient et articulent les lourds enjeux du scrutin, plutôt que de les mélanger pour mieux les noyer. Ils ont nom Europe, mondialisation, protection sociale, rôle de l’État…</p>
<p>Faute de cette clarification, il y a fort à parier que la lessive des primaires n’aura lavé plus blanc que le vote de la même couleur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La montagne des primaires a accouché de deux figures étranges : à gauche, un candidat engoncé dans un costume trop grand pour lui ; à droite, un candidat revêtu d’un costume taché.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/745962017-03-20T22:55:51Z2017-03-20T22:55:51ZPrésidentielle : Marianne en souffrance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/161655/original/image-20170320-9108-4y04pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marianne sur la colonne des Girondins, à Bordeaux,</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/patrice_calatayu/33343566131/in/photolist-6RP5us-bWZk9c-6TDMZ3-cph8X1-4UYUUd-t4tHi-5m6kVZ-58xqF7-6BVPz5-SNsuxe-MPzzG-4PjU3Y-4oqWUc-gyjRZ-bm7hEa-2J9Kx-4Nfpg2-4nvSb-9sR2T-5TmAkT-9sR4q-5QQpTX-9sQZS-ft6DHq-rPBcXh-7zovF-dL6MJr-cMBA4S-iKVBDR-bnqode-bnbms3-5T4K1B-d6z8Rd-482sbo-JXPx4-67RGNk-egrqRp-qdMZuF-bytMsV-8WTpQ5-8WQnma-6Spyb5-6SpDgA-6SkFMe-dAsnS6-7FanLH-6fRZiw-88RjP1-2EN8T-6SpEB1">Patrice Catalayu/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Voici venir le temps des derniers tours de piste pour les candidats à l’élection au suffrage universel direct d’un président ou d’une présidente de la République française. Mode d’élection historiquement marqué d’opprobre depuis le coup d’État du 2 décembre 1851, crime perpétré par le prince-président de la République Louis Napoléon Bonaparte, il fut imposé au forceps en 1962 par le général de Gaulle, accepté par un référendum populaire peu respectueux des termes de la Constitution.</p>
<p>De parlementaire le régime devint présidentialiste, ou « mi-présidentiel, mi-parlementaire », mariant l’élément essentiel du régime présidentiel, l’élection du Président de la République au suffrage universel – système imparfait aux États-Unis où le président Trump a été élu avec plus de 2 millions de suffrages de moins qu’Hillary Clinton – et les ingrédients du régime parlementaire par l’existence d’un premier ministre à la tête d’un gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale élue au suffrage universel.</p>
<p>Jusqu’à l’élection de 2017, ce mode d’élection avait connu un enracinement paisible dans les mœurs de la V<sup>e</sup> République, mais les circonstances politiques actuelles amènent beaucoup d’observateurs à s’interroger sur l’efficacité voire la pérennité de ce mode d’élection. Toutefois, on peut considérer que ce système peut et doit être maintenu à condition d’entreprendre des réformes qui tiennent compte de plusieurs éléments dans l’évolution politique du pays : le passage de la « bipolarisation » à la « tripolarisation » de la vie politique, et les règles de la moralisation de la vie politique que l’on impose aux candidats, au nom de la transparence en démocratie.</p>
<h2>Un mode d’élection enraciné dans la vie politique française</h2>
<p>En 55 ans, les sévères propos de Gaston Monnerville, Président du Sénat, dans son discours du 9 octobre 1962, sont oubliés :</p>
<blockquote>
<p>« L’élection du président de la République au suffrage universel ne fera que créer la confusion des pouvoirs. Elle donnera raison à un pouvoir personnel, omnipotent, incontrôlable, irresponsable (…) C’est proprement abolir la démocratie. »</p>
</blockquote>
<p>Non seulement ce ne fut pas le cas, mais de nombreuses nations entreprirent les réformes constitutionnelles pour adopter ce type de modèle, notamment en Russie après la chute du régime communiste.</p>
<p>Plusieurs sondages récents révèlent que près de 90 % des Français adhéreraient à ce système qui fait donc de l’élection présidentielle un grand moment de la vie politique avec un taux de participation au vote élevé, même s’il a un peu régressé au fil du temps.</p>
<p>L’organisation de l’élection déterminée par l’article 7 de la Constitution permet, avec ou sans primaires organisées par les grands partis, d’avoir un nombre important de candidats au premier tour, mais un duel au second tour.</p>
<p>Cette organisation correspondait bien à la bipolarisation de la vie politique qui a longtemps régi le fonctionnement des institutions, grâce aussi au scrutin majoritaire adopté pour l’élection des députés (sauf un retour fugitif à la représentation proportionnelle sous le gouvernement de Laurent Fabius dans les années 80).</p>
<h2>Le record inégalable de Mitterrand</h2>
<p>À l’élection présidentielle, celui qui obtenait la majorité des voix au second tour : soit le champion de la droite (allié ou non au centre), soit le champion de la gauche, toutes composantes de droite ou de gauche regroupées pour le second tour. Ainsi en fut-il à droite pour Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac lors de sa première élection et Nicolas Sarkozy. À gauche pour François Mitterrand pour ses deux mandats, 14 ans de présidence (record désormais impossible à battre) ; puis François Hollande démontrant que le système permettait démocratiquement l’alternance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/161585/original/image-20170320-9108-hd1r3n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Georges Pompidou en 1965.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Georges_Pompidou_-_Bundesarchiv_B_145_Bild-F020538-0006.jpg?uselang=fr">Steiner, Egon/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Toutefois, quelques exceptions à ce schéma virent le jour : en 1969, au second tour, c’est un candidat du centre, Alain Poher, qui fut opposé à Georges Pompidou, l’affaiblissement et les divisions passagères de la gauche ayant exclu la présence d’un de ses candidats au deuxième tour avant « l’union de gauche ».</p>
<p>D’autre part, les prémices des effets de la tripolarisation se sont révélés lors de la réélection de Jacques Chirac en 2002, lorsque Lionel Jospin – candidat de la gauche et premier ministre sortant – a été éliminé au premier tour, le Front national représenté par Jean-Marie Le Pen étant arrivé second. Le réflexe de l’attachement aux valeurs fondamentales de la République, dont certaines ne sont pas respectées par le programme du Front national, avait alors permis à Jacques Chirac de bénéficier d’un report des voix de la gauche engendrant un score historique de 82,2 % des voix, le score le plus élevé jamais obtenu par un candidat à l’élection présidentielle au suffrage universel, devant celui du Prince-président Louis Napoléon Bonaparte en décembre 1848 sous la Seconde République.</p>
<h2>Champions blessés</h2>
<p>Mais voici qu’en 2017, la mise en œuvre de ce système se trouve grevée de tant de dysfonctionnements qu’il amène les analystes de la vie constitutionnelle et politique comme les citoyens, souvent <a href="https://theconversation.com/le-web-et-les-reseaux-sociaux-de-bons-thermometres-de-lopinion-politique-71300">via les réseaux sociaux</a>, à considérer que ces nouveaux tours de piste répondent mal aux impératifs de la démocratie pluraliste. Ceux-ci devraient aboutir à désigner à la tête de l’État un candidat capable d’exercer cette « charge suprême », et de transcender les divisions en vue d’assurer le meilleur avenir possible aux citoyens français.</p>
<p>Or, comme dans la pièce de Corneille, <em>Horace</em>, tous les champions seront blessés dans cette lutte et le dernier survivant, c’est-à-dire le vainqueur sera, dès son élection, fragilisé par les blessures qui lui ont été infligées lors du combat. La tripolarisation résulte de la montée en puissance du Front national qui recueille près du tiers des intentions de vote, et réduit ainsi l’espace politique de la gauche et de la droite à la portion congrue de deux tiers des suffrages.</p>
<p>Jamais l’éclatement au sein de la droite et de la gauche n’a donné naissance à autant de programmes irréconciliables. En outre, la fragilisation sur le plan de l’éthique républicaine de transparence et de probité qui touche certains candidats entraîne la campagne électorale dans un maelström dévastateur aux yeux de la plupart des citoyens désabusés.</p>
<p>Jamais ces tours de piste n’avaient été aussi chaotiques, malaisés, soumis à des bourrasques et même des tempêtes politiques successives en vue de susciter l’abandon de certains concurrents ou de les discréditer, sous le regard de plus de 40 millions de spectateurs-acteurs que sont les électrices et électeurs.</p>
<p>Marianne est en souffrance.</p>
<h2>La crédibilité politique et morale au centre des débats</h2>
<p>Navrant spectacle que celui de la dénonciation des scandales, des querelles, suscitant la valse hésitation des supporters qui après avoir acclamé un candidat, le huent jusqu’à lui demander d’arrêter la course avant de l’acclamer de nouveau le lendemain, « contraints » et forcés car aucun autre candidat ne se présente à l’horizon. Quant aux primaires, elles ont éliminé à droite comme à gauche les candidats qui semblaient avoir une stature d’homme d’État.</p>
<p>Ainsi, l’on est en train de dévoyer l’esprit de la campagne, qui selon une expérience démocratique positive, devrait permettre aux concurrents d’exposer clairement et contradictoirement leur programme politique, dont la réalisation entraînerait des modifications du mode de vie des citoyens au cours des années qui viennent, dans un environnement national européen et international qui inquiète.</p>
<p>Mais voici que l’essentiel du débat porte, non de ces programmes, mais sur la crédibilité politique et morale des candidats.</p>
<p>On en vient à douter de l’efficacité du système, gangrené par ces « affaires » et à craindre que la substance de notre démocratie n’en soit affectée, embourbée dans ce cloaque politique au détriment des vrais débats.</p>
<p>On ne peut souhaiter que le Président qui sortira en tout état de cause des urnes, sans être le sauveur de la France, annonce par certains avec emphase contre l’évidence, réussisse dans sa mission – ce qui lui sera bien difficile.</p>
<h2>Un mode d’élection à pérenniser… et à moderniser</h2>
<p>Malgré ces turbulences, peu de commentateurs postulent le retour à un <a href="https://theconversation.com/pour-eviter-un-nouveau-21-avril-instaurons-le-jugement-majoritaire-58178">mode d’élection différent</a>, par exemple par les assemblées ou un collège élargi comme autrefois.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=868&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=868&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=868&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1091&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1091&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/161592/original/image-20170320-9132-1x5lhiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1091&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jacques Chirac, en 2006.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Jacques_Chirac_2_(cropped).jpg">Remibetin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le système a globalement bien fonctionné même au cours des neuf années de cohabitation, d’abord avec un Président de gauche obligé de désigner, par deux fois, un premier ministre de droite, puis un Président de droite obligé de désigner un premier ministre de gauche, par la volonté du peuple exprimée par des élections législatives entraînant une discordance entre la majorité présidentielle et la majorité législative. Les institutions et les hommes se sont pliés à cette situation, sans que la vie politique, économique et sociale en soit profondément altérée.</p>
<p>Sans doute faudrait-il regrouper et clarifier les règles de la moralisation de la vie publique, de telle manière que la vérification approfondie a priori de la sincérité des déclarations patrimoniales des candidats, la « légalité » de leurs relations avec les deniers publics, et leur situation au regard d’incriminations pénales potentielles, permettent de ne retenir la candidature que de candidats au-dessus de tout soupçon.</p>
<h2>Des primaires problématiques</h2>
<p>D’autre part, l’institution coutumière de primaires au sein de la droite et de la gauche entraîne plus de difficultés qu’elle n’en résoud, alors même qu’un certain nombre de candidats ne se sont pas pliés à ce jeu des primaires, qui ont en 2017 engendré un désordre dévastateur. Soutenir qu’un candidat est investi d’une légitimité démocratique d’airain parce qu’il a obtenu 2 millions de suffrages, c’est oublier les 38 millions d’électeurs qui ne se sont pas exprimés et ont ainsi fait l’économie de 2 euros.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=793&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=793&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=793&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=997&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=997&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/161595/original/image-20170320-9144-1oh9vtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=997&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Georges Clemenceau, le Tigre fut congédié en 1920.</span>
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<p>Le phénomène des primaires est moins nouveau qu’on ne le croit. Sous la III<sup>e</sup> République existait un tour préalable « indicatif », avant l’élection réelle par la Chambre des députés et le Sénat réunis en Assemblée nationale – députés et sénateurs étant les seuls électeurs –, et les candidats devaient normalement se plier aux résultats de cette « primaire », au nom d’une éthique républicaine traditionnelle.</p>
<p>En 1913, Raymond Poincaré, battu par Jules Pams lors de ce vote indicatif, maintint pourtant sa candidature et fût élu. George Clémenceau lui reprocha vivement.</p>
<p>En 1920, George Clémenceau, âgé de près de 79 ans, était naturellement candidat à la présidence de la République, lui, « le tigre », le « père la victoire », le plus populaire des Français. Mais son anticléricalisme choquait les députés catholiques majoritaires dans la nouvelle chambre « bleu horizon », et l’on suscita contre lui la candidature de Deschanel, qui le battit à ce tour indicatif. Fidèle à la sa morale républicaine, George Clémenceau ne se présenta pas à la présidence.</p>
<h2>Le feu au bûcher</h2>
<p>Le premier ministre anglais Lloyd Georges, stupéfait, déclara « cette fois ce sont les Français qui ont brûlé Jeanne d’Arc » et l’on sait ce qu’il advînt de la présidence de Paul Deschanel. Si ses thuriféraires affirment qu’un candidat est le sauveur de la France, comme Jeanne d’Arc, qu’il prenne garde à ce que les citoyens français ne mettent le feu au bûcher qui l’immolera comme victime propitiatoire sur l’autel d’une démocratie exigeant de ses gouvernants la transparence et la probité.</p>
<p>Ce sont là quelques éléments de réflexion qui méritent d’être approfondis pour sauvegarder l’essentiel, c’est-à-dire l’émergence de candidats expérimentés, charismatiques, alliant courage, force, capacité de jugement sur les évolutions de la société et les relations internationales, capacité de dialogue, de sagesse et de souplesse dans les consultations avant de prendre des décisions.</p>
<p>Aboutira-t-on à ce que la personne élue ne déçoive ni ses électeurs, ni ceux qui n’ont pas voté pour lui et gère convenablement la France en étant garant et gardien des valeurs républicaines au profit de tous les citoyens. Qui répondra aux inquiétudes de Marianne ? La réponse est dans le vent de l’histoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74596/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-André Lecocq ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’élection au suffrage universel peut et doit être maintenue, à condition d’entreprendre des réformes tenant compte de la tripolarisation politique et des nouvelles exigences morales.Pierre-André Lecocq, Professeur émérite des universités, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/747732017-03-20T22:55:47Z2017-03-20T22:55:47ZLes primaires, progrès ou recul de la démocratie ?<p>L’émergence des primaires dans le processus de choix du président de la République française est une réforme plus importante qu’il n’y paraît, modifiant silencieusement notre système politique et notre forme de démocratie représentative.</p>
<h2>La préhistoire des primaires</h2>
<p>L’idée de primaires est née dans les années 1990 à droite, même si – sans être théorisées – des formes de primaires internes ont lieu à partir de 1988 chez les Verts pour désigner leur représentant. Il s’agissait alors d’éviter la concurrence entre deux candidats de droite qui risquaient de se faire de l’ombre. En 1988, au premier tour, Mitterrand obtient 34,1 % des suffrages, Chirac 19,9 %, Barre 16,5 % et Le Pen 14,4 %. La qualification pour le second tour face au candidat de gauche a été serrée, montrant qu’à l’avenir l’unité des candidatures entre les droites est nécessaire pour garantir une présence dans la compétition finale.</p>
<p>Charles Pasqua – gaulliste historique – milite dès 1989 en faveur de primaires à la française qu’il considère comme affaiblissant le poids des partis et permettant un contact direct des candidats avec leurs sympathisants. On peut en douter puisque ce sont ces mêmes partis qui organisent le processus et le contrôlent… Pasqua propose une primaire pour éviter à nouveau des combats électoraux fratricides entre représentants de la droite (Giscard et Chirac en 1981, Chirac et Barre en 1988). Il prévoit que l’ensemble des élus des partis de droite constitue le corps électoral.</p>
<p>À sa suite, en 1993, Édouard Balladur – nouveau Premier ministre – envisage avec son ministre de l’Intérieur – le même Charles Pasqua – une primaire organisée par les pouvoirs publics, comme aux États-Unis : l’État prendrait en charge cette opération, prévue le même jour, pour tous les partis qui le souhaitent. Pour diverses raisons, à peu près l’ensemble des partis politiques s’y déclare opposé. Au RPR, notamment, Jacques Chirac craint que le premier ministre, très populaire dans les sondages, y trouve une opportunité pour le marginaliser. L’idée est abandonnée.</p>
<h2>Deux conditions fondamentales prérequises</h2>
<p>Ce début de l’histoire des primaires à la française permet d’identifier les deux conditions fondamentales pour leur organisation :</p>
<ul>
<li>Il faut qu’il y ait plusieurs candidats à départager. Pour 2017, les entreprises électorales autour d’une personnalité – comme dans le cas d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon – n’ont aucune raison d’organiser une primaire. De même, lorsqu’un parti fonctionne selon les modalités traditionnelles – le leader du parti aurait une vocation naturelle à incarner la candidature présidentielle – on ne voit pas pourquoi prévoir une primaire. C’est ce qu’on observe au Front national.</li>
</ul>
<p>Il est donc assez logique que les primaires concernent prioritairement les partis de gouvernement, incarnant un camp politique large, qui comprennent inévitablement plusieurs tendances, ayant chacune envie de se faire entendre dans le débat électoral.</p>
<ul>
<li>Il faut, ensuite, qu’un parti ou une coalition de forces politiques soient convaincues qu’il est préférable de faire sélectionner le candidat présidentiel par un large corps électoral plutôt que simplement par le parlement d’un parti (ses forces dirigeantes).</li>
</ul>
<h2>Imaginées à droite, nées à gauche</h2>
<p>Les primaires, imaginées à droite, vont pourtant naître à gauche. L’idée d’un vote des adhérents avait été inscrite dans les statuts du PS en 1971 mais n’avait jamais abouti à une élection entre plusieurs candidats présidentiels. La tradition voulait qu’à l’élection fondamentale, le chef du parti puisse imposer sa candidature s’il le souhaitait. Fin 1980, Michel Rocard qui, selon les sondages, semblait mieux positionné que François Mitterrand pour l’emporter avait osé annoncer sa candidature mais en précisant qu’il se retirerait si François Mitterrand faisait valoir la sienne, ce qu’il fit.</p>
<p>Ce loyalisme partisan est tout à fait étonnant aujourd’hui : les rapports internes aux partis sont beaucoup moins conformistes qu’avant et les luttes de tendances beaucoup plus fortes. C’est un congrès extraordinaire qui adoube François Mitterrand en janvier 1981, après un vote symbolique (et probablement peu contrôlé) des adhérents dans les fédérations. Environ 84 % des adhérents se prononcent favorablement pour le candidat, dans une élection non concurrentielle. Ce n’est donc pas une primaire au sens préalablement défini. En 1988, la question d’organiser des primaires ne se pose pas : un président sortant (ou un premier ministre de cohabitation) sont considérés comme parfaitement légitimes à se (re)présenter pour défendre leur bilan).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Mitterrand (ici avec Christian Pierret), au temps où il régnait en maître à la tête du PS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Pierret/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Début 1995, des primaires internes au PS (c’est-à-dire limitées aux adhérents) vont être organisées pour désigner le candidat présidentiel socialiste dans une situation où aucun candidat ne s’impose naturellement après la renonciation de Jacques Delors. Lionel Jospin y devance largement Henri Emmanuelli. Ce sont deux personnalités qui s’opposent – un ancien et un actuel premier secrétaire – mais aussi deux lignes politiques.</p>
<p>En 2002, des primaires internes sont organisées par le PCF et par les écologistes pour départager des candidats : un vote des adhérents est organisé entre Robert Hue, secrétaire national (qui obtient 77 %) et Maxime Gremetz, candidat de l’orthodoxie (15 %). En 2001, les écologistes font aussi voter leurs adhérents, à deux reprises même, pour investir Alain Lipietz puis pour le désinvestir au profit de Noël Mamère.</p>
<p>En 2007, l’idée d’une sélection du candidat par un vote des adhérents, déjà acquise au PS, qui investit largement Ségolène Royal (61 % des suffrages) contre Dominique Strauss-Kahn (21 %) et Laurent Fabius (19 %), s’impose à l’UMP mais pour des raisons conjoncturelles : Nicolas Sarkozy, qui avait pris le contrôle du parti, fait adopter cette règle pour dominer plus facilement une éventuelle candidature du camp chiraquien. Ce ne sera finalement pas une élection concurrentielle. La position de Nicolas Sarkozy est devenue si forte à l’intérieur du parti que personne ne juge utile de compter ses soutiens. Il est investi par 98 % des 234 000 suffrages exprimés.</p>
<p>C’est la fin d’une première étape du processus d’institutionnalisation, celui de primaires internes organisées par les partis de gouvernement. Elle manifeste le besoin de redonner du pouvoir aux adhérents (qui semblent ne plus être très nécessaires dans des partis professionnalisés) et de relégitimer des partis qui sont souvent considérés comme peu démocratiques et coupés de la société. Lorsque la candidature du leader d’un parti n’est plus considérée comme naturelle et que plusieurs candidats potentiels se manifestent, il est de moins en moins considéré comme légitime de se contenter de faire choisir l’heureux élu par une instance d’élites partisanes.</p>
<h2>L’ère des primaires ouvertes</h2>
<p>Une deuxième étape se situe entre 2011 et 2016, avec l’institution de primaires ouvertes, initiées par le PS qui a besoin de redorer son image après les divisions internes au sommet de l’appareil en 2008 (Royal-Aubry). En 2011, il y a aussi une primaire des Verts qu’on peut qualifier de semi-ouverte : il faut s’inscrire à l’avance, signer des chartes idéologiques, payer 10 €. Le corps électoral (33 000 inscrits et 25 000 suffrages), largement composé d’adhérents EELV, MEI ou coopérateurs, correspond à des personnes impliquées dans la sphère écologiste plutôt qu’à de simples sympathisants. En 2016, la primaire organisée par EELV auprès des adhérents et des inscrits spécifiques réunit seulement 17 000 personnes, dont environ 12 000 se sont exprimés à chacun des deux tours.</p>
<p>Les primaires ouvertes sont finalement acceptées par la droite pour 2016, car elles se sont révélées en succès de mobilisation en 2011 contribuant à la victoire de François Hollande. Ces primaires ouvertes sont imposées à Nicolas Sarkozy qui estimait avoir plus de facilité à être intronisé candidat par des primaires fermées. Les autres prétendants préfèrent s’en remettre au verdict des sympathisants (il y a donc beaucoup de calculs politiques dans le choix du corps électoral).</p>
<p>Les règles adoptées par les partis dans l’organisation des primaires reprennent très largement celles de l’élection elle-même : inscription nécessaire sur les listes électorales, limitation du nombre de candidats par l’instauration de parrainages pour pouvoir se présenter, scrutin majoritaire à deux tours, avec maintien des deux premiers candidats arrivés en tête pour le second.</p>
<p>L’institutionnalisation des primaires n’est cependant pas totale puisque les textes législatifs ne les organisent pas. Elle diminuerait beaucoup le contrôle des partis sur le processus et la possibilité de l’adapter à chaque conjoncture politique.</p>
<h2>Les Français en redemandent</h2>
<p>Les Français politisés aiment ces nouvelles primaires qui leur permettent d’être consultés pour élire les candidats, comme ils aiment qu’on les invite à s’exprimer lors de référendums. D’après un sondage de début 2016, environ 80 % des Français s’y déclarent favorables, aussi bien à droite qu’à gauche. On ne veut plus trop des candidats sélectionnés par la classe politique, ce serait aux citoyens de le faire. Les primaires citoyennes sont un bon moyen de rapprocher les partis politiques de l’électeur. Elles ne sont pas des entreprises contestant les partis politiques puisque ce sont eux qui les organisent.</p>
<p>Même si elles ont été créées pour des raisons pragmatiques et avec beaucoup de calculs sous-jacents, elles sont aujourd’hui assez généralisées et il faudra des raisons de plus en plus fortes aux partis pour y échapper. Le PS n’y a finalement pas renoncé alors que son candidat était au pouvoir et avait initialement souhaité s’en dispenser.</p>
<p>Si le processus des primaires – au moins internes – est populaire au PCF, ceux-ci n’en ont pas organisé en 2016. Après avoir souhaité une primaire unique de toutes les gauches, puis des gauches alternatives (sans les socialistes), ils ont finalement renoncé à présenter leur candidat, préférant soutenir Jean-Luc Mélenchon.</p>
<p>Il y a eu aussi des tentatives de « primaires décalées » mais qui n’ont pas abouti. L’appel « Notre primaire » lancé notamment par Thomas Piketty, Yannick Jadot, Daniel Cohn-Bendit en janvier 2016, en faveur d’une primaire de toutes les gauches et des écologistes, n’a pas eu de suite parce que les partis concernés ne l’ont pas souhaitée. L’initiative « LaPrimaire.org » – consistant à organiser une « primaire en ligne 100 % démocratique et ouverte qui permet aux citoyens de choisir leurs candidat(e)s et de co-construire les projets politiques » (dixit le site) – méconnaît le rôle de sélection des candidats par les partis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5yCq2HKy44k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le site a enregistré les candidatures et les programmes. Tous ceux qui le voulaient (127 000 personnes environ) ont pu voter. Une candidate a donc été désignée mais totalement inconnue (Charlotte Marchandise) et sans soutiens importants. Cette initiative nettement anti-partisane, qui méconnaît les conditions de fonctionnement d’une démocratie représentative (qui a besoin de médiateurs légitimes entre le citoyen et la scène politique) et ne peut seulement se dérouler sur le web, n’a eu qu’un faible écho.</p>
<h2>Un outil de mobilisation électorale et civique</h2>
<p>Les primaires citoyennes semblent un progrès pour faire discuter et contribuer à des prises de conscience politique – ce qui est une fonction importante des partis. Environ 7 millions de citoyens se sont exprimés dans les urnes des primaires en 2016 (15 % du corps électoral français), les débats télévisés ont connu de fortes audiences, sur les programmes très techniques, nécessitant parfois des compétences pointues pour comprendre les mécanismes économiques et sociaux. On n’aurait pas pu organiser ce type de débats dans la France des années 1950 ou 60, où le niveau scolaire de la population était beaucoup plus faible.</p>
<p>Grâce aux primaires, on saisit bien les différences entre les candidats de chaque camp et encore plus entre gauche et droite. C’est donc un outil de mobilisation électorale, pour choisir l’élu mais aussi discuter les programmes de chacun. La discussion d’idées s’était beaucoup affaiblie dans les partis ; là on en retrouve sous une forme médiatisée large et non plus dans les réunions militantes. L’orientation programmatique du parti est, du coup, davantage discutée par les sympathisants. Et la ligne du candidat retenu tend à devenir la ligne du parti : à LR, on a institutionnalisé la chose (l’élu peut revoir la direction du parti) ; au PS, la ligne de l’élu devient assez incontournable alors qu’elle était minoritaire (c’était la voix des frondeurs). Le réseau des candidats (à l’intérieur et en marge de leur parti) devient plus déterminant que la force partisane elle-même. Le parti tend à perdre ses possibilités de contrôle sur les choix des candidats.</p>
<p>Les débats des primaires citoyennes tendent à supplanter ceux des congrès partisans entre militants. Pour <a href="http://www.slate.fr/story/129602/primaires-contre-democratie-remi-lefebvre">Rémy Lefebvre</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les primaires sont donc l’envers de la faiblesse des partis : c’est parce qu’ils ne sont plus assez militants et qu’ils ne sont plus assez ancrés dans la société qu’ils font appel aux sympathisants. C’est un aveu d’impuissance en même temps qu’une stratégie de survie car, en organisant des primaires, ils veulent conserver leur monopole sur le jeu politique. »</p>
</blockquote>
<p>Ajoutons que les primaires sont l’occasion pour les partis de recueillir des coordonnées de sympathisants. Ce recueil ne peut se faire qu’avec l’accord express des individus qui pourront être recontactés par la suite et informés des activités et des prises de position locales ou nationales de leur formation. Les partis ne peuvent garder en mémoire l’ensemble des listes électorales avec les coordonnées des individus. Le processus est strictement contrôlé par la CNIL.</p>
<h2>Les limites de l"exercice</h2>
<p>Toutefois, la pratique des primaires n’a pas que des avantages :</p>
<ul>
<li><p>il est difficile de « réussir » l’exercice. Il faut convaincre un nombre important de personnes de s’y exprimer mais il faut aussi essayer de donner l’image d’une famille politique disciplinée, fière de son identité, défendant des propositions voisines, les candidats ne se distinguant que sur des aspects limités. De ce point de vue, les fortes tensions actuelles, encore plus à gauche qu’à droite, ont laissé voir des partis de gouvernement très divisés et même menacés d’éclatement pour ce qui est du Parti socialiste.</p></li>
<li><p>les campagnes électorales sont à l’agenda politique sur une année au lieu de six mois ; pendant ce temps, on ne peut plus vraiment faire de grandes réformes.</p></li>
<li><p>les primaires contribuent à renforcer encore la personnalisation et la médiatisation de la vie politique.</p></li>
<li><p>elles accroissent, en phase de précampagne, les inégalités de médiatisation entre candidats : seuls les grands partis peuvent organiser des primaires dont on parle beaucoup dans les médias.</p></li>
</ul>
<p>Le développement des primaires depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle n’est pas propre à la France. On l’observe dans un nombre significatif de pays en Europe de l’Ouest (Italie, Grèce, Espagne, Portugal…), mais aussi au-delà. Il traduit une transformation du rapport à la politique et une modification assez importante des systèmes politiques : le citoyen ne veut plus se voir imposer ses candidats par les élites, il veut pouvoir contribuer à leur choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Même si les primaires ont été créées pour des raisons pragmatiques et avec nombre de calculs sous-jacents, leur succès populaire rendra difficile tout retour en arrière pour les partis.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/745762017-03-16T21:45:05Z2017-03-16T21:45:05ZLes médias font-ils l’élection ?<p>On a longtemps cru que les médias étaient tout-puissants dans les campagnes électorales. Cela venait de croyances relatives à la propagande du début et de la moitié du XX<sup>e</sup> siècle. Quand les premières études « scientifiques » ont commencé à se développer sous l’impulsion de Paul Lazarsfeld et son équipe (1944), on s’est rendu compte que les médias n’avaient que des effets limités en termes d’influence directe sur le comportement électoral.</p>
<p>Paradoxalement, c’est au moment où la propagande nazie donnait à plein qu’on s’est rendu compte que les effets des médias n’étaient que limités dans les démocraties représentatives comme les États-Unis. Il est apparu que l’électeur était politiquement avant tout comme il était socialement.</p>
<h2>Effets indirects d’agenda</h2>
<p>Mais, à partir des années 70, on a déplacé la question en s’intéressant plus particulièrement aux effets indirects des médias et, plus précisément, à leurs effets cognitifs, c’est-à-dire sur les connaissances et les représentations des électeurs. Ainsi a-t-on pu mettre en évidence <a href="https://www.unc.edu/%7Efbaum/teaching/PLSC541_Fall06/McCombs%20and%20Shaw%20POQ%201972.pdf">des effets dits d’agenda</a> par lesquels les médias désignent au public les problèmes qu’il doit considérer comme prioritaires.</p>
<p>D’autre part, des effets de cadrage ont été repérés par lesquels les médias construisent les objets politiques (les hommes, les programmes, les partis, etc…) et donc formatent les <a href="http://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/I/bo3684515.html">perceptions publiques</a>. On a même décelé des effets d’amorçage par lesquels l’information des médias dictent les critères à utiliser pour évaluer les candidats ou les situations politiques.</p>
<p>On voit donc que des effets indirects puissants agissent durant les campagnes électorales qui ont la capacité d’orienter les électeurs sur des objets prioritaires : certains candidats, les « présidentiables » plutôt que d’autres souvent appelés « petits candidats ». Mais aussi sur des définitions dominantes de la situation politique : la France « rongée » par la fonction publique ou insuffisamment encadrée dans les hôpitaux, les écoles ou en matière de sécurité et de justice, par exemple. La visibilité est devenue quasiment tyrannique et les médias sont le vecteur le plus puissant de la visibilisation.</p>
<h2>Poids des sondages et emballement médiatique</h2>
<p>Les candidats jouent stratégiquement avec ces propriétés des médias pour rendre plus légitimes leurs propositions ou bien disqualifier les adversaires. Chaque candidat, même les plus jeunes, a un « capital politique » fait de réputation qu’il tient de son passé ou de son appartenance partisane et n’est pas totalement libre de proposer le programme qu’il souhaite. Ainsi, on a vu durant les primaires de la droite et du centre qu’un large consensus existait autour d’un programme économique libéral et d’un programme fortement sécuritaire. Mais on a vu aussi comment la critique de Nicolas Sarkozy à l’égard de « l’alternance molle » d’Alain Juppé a permis au troisième candidat, François Fillon, d’émerger et d’écraser finalement ses concurrents.</p>
<p>Le poids des sondages diffusés par les médias s’est ici avéré décisif en avalisant une poussée irrésistible des intentions de vote redoublant l’emballement médiatique. On voit ici que la question du poids des sondages est avant tout la question de leur diffusion médiatique.</p>
<p>La phase des primaires passées, on a été submergé par le feuilleton du Pénélopegate qui a mis à mal le profil public du vainqueur de la primaire de la droite pris dans la contradiction entre son image de probité revendiquée comme irréprochable et de la réalité d’une situation moralement inacceptable. On a pu évoquer à ce sujet l’existence d’un authentique « tribunal médiatique » faisant fi de la présomption d’innocence pour mettre en danger de non-qualification au deuxième tour de l’élection présidentielle le candidat présumé fautif.</p>
<p>Mais l’un des paradoxes de cette campagne réside dans l’impact très inégal de la révélation médiatique des emplois fictifs de Marine Le Pen au Parlement européen comparé à ceux présumés de la famille Fillon. Cet exemple montre bien que le poids des médias n’est pas homogène lorsque change l’identité partisane du protagoniste central.</p>
<h2>L’heure du débat</h2>
<p>Le débat télévisé programmé le 20 mars entre les cinq principaux candidats (Mélenchon, Hamon, Macron, Fillon et Le Pen) va donner lieu à un déchaînement d’annonces et de commentaires médiatiques où l’idée de la toute-puissance des médias aura sans doute la part belle. Il est vrai que dans une conjoncture électorale particulièrement fluide, le débat peut jouer un rôle non négligeable si l’un des candidats fait une gaffe ou adopte une conduite inadaptée.</p>
<p>Mais tout porte à penser que la prudence aidant, les candidats en position de se qualifier ne prendront que peu de risque, contrairement à ceux qui ont besoin de « renverser la table » pour avoir une chance de participer au second tour. Certes, la tripartition de l’espace politique ne sera pas favorable à Marine Le Pen qui sera isolée et devra faire face aux attaques cumulées des quatre autres candidats, mais qui sera toutefois protégée d’une trop grande agressivité par son « genre féminin ».</p>
<p>Certes, Emmanuel Macron, favori des sondages d’intention de vote, sera sans doute la cible commune de quatre adversaires qui auront des raisons différentes de former une coalition objective d’intérêts stratégiques. Certes, F. Fillon cherchera à montrer que son programme mérite de le qualifier pour le second tour. Quant aux deux autres candidats, ils auront, de plus, fort à faire pour marquer leurs différences et la singularité de leur offre électorale.</p>
<h2>Visibilité différentielle</h2>
<p>On connaît bien la distribution des préférences médiatiques des citoyens et on sait aussi qu’ils ont tendance à penser que l’influence des médias ne jouera que sur « les autres » : c’est ce qu’on appelle « l’effet troisième personne ». Il n’en demeure pas moins que le commentaire médiatique a posteriori d’un débat télévisé peut s’avérer déterminant pour la reconnaissance d’un vainqueur, comme l’a montré le cas Fillon en novembre 2016. Ce qui est en cause ici, c’est la circularité de l’information pour parler comme Pierre Bourdieu qui fustigeait l’imitation des médias dans la reproduction de leurs commentaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vcc6AEpjdcY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Au fond, une campagne électorale se joue principalement dans les médias et les quelques conduites de participation spontanée – assistance aux meetings, collage d’affiches, diffusion de tracts, porte-à-porte, etc. – reste l’apanage d’une toute petite quantité de citoyens ou militants. Certes, la participation en ligne (sur Facebook, Twitter ou YouTube) se développe rapidement mais n’implique que très faiblement ceux qui cliquent et s’en tiennent là pour exprimer leurs opinions. On peut même craindre qu’elle n’enferme les convaincus dans un comportement de consolidation continue de leurs convictions – ce qui à terme conduirait à une menace authentique pour le dialogue démocratique.</p>
<p>Au total, les effets les plus puissants des médias résident dans leur capacité à conférer une visibilité différentielle, un cadrage (une interprétation) discriminant et à orienter l’attention publique sur <a href="https://www.researchgate.net/publication/309877669_La_communication_politique_3e_edition_Jacques_Gerstle_et_Christophe_Piar_Armand_Colin_Paris_2016_255_pages">des objets préférentiels</a>.</p>
<p>Il ne faudrait, cependant, pas oublier que les médias sont insérés dans des mondes sociaux auxquels leurs consommateurs appartiennent aussi et de cette expérience ils tirent des attitudes politiques parfois persistantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Gerstlé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’impact des médias réside moins dans le poids des révélations sur tel ou tel candidat que dans l’orientation des électeurs sur certaines figures ou thèmes de campagne.Jacques Gerstlé, Professeur de sciences politiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/739452017-03-05T20:31:13Z2017-03-05T20:31:13ZEmmanuel Macron, ou l’effet bandwagon<p>Tous les jours un nouveau sondage est publié pour éclairer cette élection présidentielle ; tous les jours les journalistes commentent tel décrochage, telle remontée, telle stagnation, un peu comme un commentaire sportif, comme une course de lévriers ou un marathon qui durerait quatre mois.</p>
<p>Les sciences politiques ont, bien sûr, l’habitude de discourir et théoriser sur le sondage. Il est d’abord <a href="https://theconversation.com/des-sondeurs-desarmes-face-a-la-zone-muette-68518">question de méthodologie</a>, de la formulation des interrogations, de la façon de les administrer, de la marge d’erreur, de tout cet arsenal technique qui a fait dire à certains que « l’opinion publique n’existe pas » (<a href="http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/questions/opinionpub.html">Pierre Bourdieu</a>). Mais bien vite se pose la <a href="https://theconversation.com/ne-confondons-pas-sondages-et-previsions-69389">question de l’impact éventuel des sondages</a> et de leur publication sur le comportement des électeurs. Depuis bien longtemps, l’interrogation suivante – « le sondage fait-il l’élection ? » – surgit à chaque cours dans les amphithéâtres d’études politiques.</p>
<p>Cette élection où le processus des primaires s’est généralisé est troublante : alors même que les partis vantaient la démocratie que représentaient lesdites primaires et surtout la légitimité de celui qui en sortirait vainqueur, ces mêmes organisations partisanes (ou plutôt nombre de ceux qui les peuplent) semblent déjà regretter, pour diverses raisons, les choix faits par les électeurs eux-mêmes. Et, en effet, ces choix ont plutôt favorisé le camp traditionnel à droite (par-delà les affaires judiciaires), et celui en rupture avec le gouvernement à gauche. Un vote aujourd’hui vu comme <em>radical</em> alors qu’il peut paraître simplement logique.</p>
<h2>Vainqueur putatif des sondages</h2>
<p>Ce vote semble laisser béant un <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-plus-proche-de-juppe-que-de-hollande-dans-les-urnes-virtuelles-60402">espace au centre</a>, un espace que l’ex-ministre de l’Économie de François Hollande, Emmanuel Macron, semble vouloir et pouvoir combler. Et c’est là que le sondage intervient avec toute sa force et sa puissance. Il cristallise, amplifie, favorise cette logique ; au départ il la mesure modestement, puis il lui donne corps.</p>
<p>C’est là que l’on peut dire que l’effet bandwagon joue à fond pour le jeune candidat, celui qui pousse les électeurs, influencés par la publication des chiffres, à suivre le train en marche, à suivre celui qui est en tête, celui qui a le plus de chance de réussir.</p>
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<p>Cet effet d’entraînement joue déjà à fond pour les professionnels de la profession politique : rejoindre le candidat leader des sondages semble devenu un impératif (même si, en cas de retour de Juppé, ils pourraient regretter ce choix…).</p>
<p>Il n’empêche que, dans cette république façon cinquième, on sait combien « the winner takes it all », si tant est que les législatives ne soient pas une bérézina complète à force de tractations… Il serait dommage d’avoir loupé ce train en marche et d’être condamné à l’opposition pendant cinq ans. De Jean-Marie Le Guen, proche d’Anne Hidalgo, à François Bayrou en passant par Renaud Dutreil, les politiques apportent leur dot au putatif vainqueur… des sondages.</p>
<h2>Sondage et vote utile</h2>
<p>Au niveau des électeurs, cet effet est dévastateur pour le premier tour, voire pour la politique. Car le sondage semble désormais servir de premier tour. Combien, lors d’entretiens dans des travaux de type qualitatif, affirment calculer leur vote au regard du second tour :</p>
<blockquote>
<p>« Les sondages disent que c’est face à Emmanuel Macron que Le Pen est la plus faible, alors je vais voter Macron, même si au départ je voulais voter pour Hamon. » (Entretien, étudiant, 23 ans, 26 février, Paris).</p>
</blockquote>
<p>Le sondage crée ce vote dit « utile » dès le premier tour, il l’amplifie considérablement, il le consolide ; il empêche presque de faire de la politique, de faire campagne tant il enlève aux militants et sympathisants l’espoir dans une bataille à livrer.</p>
<p>Nous retrouvons donc ici l’effet « bandwagon » par la stimulation d’un comportement grégaire des individus qui fait converger les électeurs vers le candidat en tête.</p>
<p>Face à cet effet bandwagon, il y a son pendant nommé « l’effet underdog » : lui, consiste à secourir le perdant, il pousse les électeurs à se mobiliser pour le candidat à la traîne dans les sondages. Cet effet peut bien sûr stimuler les électeurs d’une Marine Le Pen, qui sera probablement au second tour et faire pression pour faire mentir les sondages ; ce ne serait pas la première fois.</p>
<p>Néanmoins, on peut à ce stade, faire l’hypothèse que l’effet bandwagon est plus fort en tant qu’il participe du vote « utile » dont nous avons parlé, mais ce n’est qu’une hypothèse.</p>
<p>Il est d’ailleurs à parier que si François Fillon se retirait au profit d’Alain Juppé, l’effet bandwagon se reporterait sur le maire de Bordeaux. À la différence près que ce dernier est élu de terrain de longue date et qu’il est passé par la logique des primaires. L’effet bandwagon pourra jouer en sa faveur aussi, mais il sera arrimé à une forme de légitimité. Quoi qu’il en soit, cet effet qui bénéficie pour l’instant à Emmanuel Macron est, lui, le reflet quasi exclusif d’une dynamique médiatiatico-sondagière.</p>
<h2>Le temps des débats</h2>
<p>In fine, heureusement pour ceux qui aiment la politique – celle qui de Gramsci à Julien Freund nous parle de bataille culturelle, de vision du monde, de sens d’un pays –, le temps des débats et des confrontations va avoir lieu. La politique va enfin s’incarner, va se dire et se faire au-delà de ces chiffres sur papier glacé. L’idée que l’on se fait de tel ou tel candidat va être chahutée par sa réalité physique et politique.</p>
<p>C’est comme cela, d’ailleurs, que <a href="https://theconversation.com/alain-juppe-victime-de-la-peur-du-chirac-bis-69181">Juppé n’a pas passé les primaires</a> de la droite (à moins d’un rebondissement de dernière minute), de même que <a href="https://theconversation.com/hamon-valls-le-candidat-du-desir-contre-le-candidat-du-realisme-71951">Valls</a> ou Montebourg celles de la gauche. Car, à la fin, la politique peut peut-être reprendre ses droits.</p>
<p>Mais, en définitive, et pour reprendre le sujet qui nous occupe, nous pouvons affirmer avec force que si les sondages participent de la vie politique, c’est peut-être moins en tant qu’observateur ou faiseur de prédictions mais certainement plus en tant qu’acteur à part entière. De là à reparler de démocratie sondagière, il n’y a qu’un pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73945/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est membre du think tank Different. </span></em></p>Au niveau des électeurs, cet effet est dévastateur pour le premier tour, voire pour la politique. Car le sondage semble désormais servir de premier tour.Virginie Martin, Docteur sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/729782017-02-20T19:59:25Z2017-02-20T19:59:25ZUn parti (socialiste)… bien mal parti ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157173/original/image-20170216-9529-1e7j890.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manuel Valls et Benoît Hamon, avec dans le rôle de l'arbitre Jean-Christophe Cambadélis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Eric Feferberg/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les résultats de la primaire de la Belle Alliance organisée par le Parti socialiste (PS) ont conduit au choix de la fronde aux dépens de la gauche gouvernementale. Tout au long de cette campagne en interne, certes très rapide, ont été proférées des menaces de rupture à l’intérieur même de cette organisation partisane. Le danger d’un éclatement de cette organisation est ainsi devenu réel à moins que, comme à l’accoutumée, le PS ne s’en sorte encore une fois. Il est vrai que son histoire est tout sauf un long fleuve tranquille.</p>
<h2>Deux gauches combattantes… entre elles</h2>
<p>Le symbole de ces deux gauches irréconciliables a été la poignée de main devant le perron de la rue de Solférino entre les deux finalistes, Benoît Hamon et Manuel Valls. L’image se voulait symbolique, elle l’a été mais sûrement pas comme l’aurait souhaitée le Premier secrétaire du parti, Jean-Chistophe Cambadélis.</p>
<p>Ce dernier était placé au centre des deux comme un arbitre de boxe après le combat et le verdict des juges. Le vainqueur, sourire et bras levé en signe de victoire. Le vaincu, mine déconfite et faisant à la presse, et par delà elle, aux électeurs, un signe de la main signifiant que le rendez-vous serait non pas dans trois mois, mais dans cinq ans.</p>
<p>L’investiture officielle du candidat Hamon aura souffert de l’absence du soutien de cette gauche de gouvernement. Seule la ministre de l’Éducation nationale accompagnée de cinq secrétaires d’État étaient présents à cette intronisation. Ni le Président de la République ni son premier ministre, Bernard Cazeneuve, n’ont apporté un quitus au candidat vainqueur de la primaire.</p>
<p>Depuis la victoire de Benoît Hamon, paradoxalement, la fronde a changé de camp. Les ex-frondeurs appellent à l’union alors que les ex-partisans de la gauche de gouvernement menacent de partir ou de se mettre en retrait pour en sous-main soutenir le candidat Emmanuel Macron, ancien membre du gouvernement PS, qui s’est en son temps, autoproclamé « non socialiste ».</p>
<h2>Le risque de la scission</h2>
<p>Le risque d’une scission interne est bien réel. Mais à vrai dire, l’Histoire même du Parti socialiste est faite de conflits internes. La question de l’unité du PS s’est toujours posée depuis sa création en couvant en son sein <a href="http://www.persee.fr/doc/pole_1262-1676_2005_num_22_1_1231">des tendances difficilement compatibles</a> :</p>
<ul>
<li><p>adeptes de la Révolution française <em>versus</em> démocrates fervents de la représentation parlementaire ;</p></li>
<li><p>proches de la religion <em>versus</em> anticléricaux ;</p></li>
<li><p>dreyfusards <em>versus</em> antidreyfusards ;</p></li>
<li><p>partisans d’un engagement dans les conflits militaires (les deux guerres mondiales, les guerres de décolonisation) <em>versus</em> pacifistes, puis anticolonialistes ;</p></li>
<li><p>les « pour » un rapprochement avec le Parti communiste versus les « contre » ;</p></li>
<li><p>les « pour » la Constitution 1958 et son évolution vers un régime présidentiel <em>versus</em> les « contre » ;</p></li>
<li><p>les « pour » le Traité européen versus les « contre » ;</p></li>
<li><p>les « pour » Ségolène Royal en 2007 <em>versus</em> les « contre ».</p></li>
</ul>
<p>Mais le grand schisme aura été la sécession entre la gauche révolutionnaire et la gauche de gouvernement en 1921 lors du Congrès de Tours. Déjà à cette époque, deux conceptions « irréconciliables » entre un socialisme à la vision plus ouverte et une autre qui recherche non pas la participation gouvernementale, mais le <a href="http://www.editions-perrin.fr/livre/la-gauche-en-france/9782262023591">renversement du système politique</a> s’étaient affrontées pour finalement se diviser.</p>
<p>En vérité, le socialisme français n’a jamais fait le deuil de cette dualité et de cette rupture avec le Parti communiste. C’est précisément ce conflit interne larvé qui l’a empêché de vivre un « Bad Godesberg » à la française, pris en tenailles entre le réformisme et la Révolution. Le Parti social-démocrate (ouest) allemand, le SPD, avait, lui, abandonné en 1959 son ambition révolutionnaire pour reconnaître comme incontournable l’utilisation de moyens démocratiques pour conquérir le pouvoir. Cette conversion idéologique s’était accompagnée de la reconnaissance de l’économie de marché et de la proclamation d’une loyauté totale à l’égard de la constitution allemande.</p>
<h2>Au bord du précipice</h2>
<p>Que vont-ils faire ? Se réconcilier ? Se séparer ? L’épisode de « Pénélopegate » a un temps dissipé les troubles et fait diversion aux questions récurrentes de l’unité du Parti socialiste. Mais existe-t-il encore une vision commune ? Y a-t-il encore un « on » socialiste ? Pour reprendre <a href="http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1992_num_104_2_2655">Michel Maffesoli</a>, la <em>glatinum mundi</em> – cette colle du monde qui assure, tel un ciment social, « la liaison, la gestion, l’ajustement des individus et des groupes entre eux » – soude-t-elle encore les militants au sein du Parti socialiste ?</p>
<p>Nous avions montré, en 2010, à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007 menée par Ségolène Royal que cette question d’une scission interne avait été évoquée, mais finalement remise à plus tard (<em>De l’application des représentations sociales en marketing politique, étude sur les militants du Parti socialiste français au cours de la présidentielle de 2007</em>, Thèse de doctorat, université de PAU). Certainement, la finesse managériale de François Hollande dans sa recherche du consensus et de la synthèse pendant dix ans à la tête du PS (1997-2008) avait eu raison de l’éclatement. Mais il n’est plus le secrétaire général du parti et, en tant que Président de la République, il a montré que l’action politique ne pouvait faire l’économie de choix difficiles qui lèvent le voile sur une synthèse de façade, celle-ci restant incantatoire et confortable quand on est dans l’opposition.</p>
<p>Ce faisant, sans expliquer ses décisions, sans annoncer ce qu’il allait faire, ou pire en faisant le contraire, tout en multipliant les erreurs politiques, le Président Hollande a sabordé sa présidence et plongé son parti dans une nouvelle crise. Et la boîte de Pandore s’est ré-ouverte. Le Parti socialiste est de nouveau au bord du précipice et ce n’est pas la chute de ses homologues européens (en Grèce, en Italie et en Espagne) qui est pour le réconforter.</p>
<h2>Un <em>aggiornamento</em> salvateur</h2>
<p>Le PS est à la croisée des chemins. Selon que l’on soit pessimiste ou optimiste, son avenir ne sera pas le même. Certes, <a href="https://lectures.revues.org/457">comme le note Rémi Lefebvre (2006)</a>, il a su traverser au cours de son histoire bien des épreuves et est toujours présent quand d’autres n’y ont pas survécu :</p>
<blockquote>
<p>« Par-delà ses avatars successifs, le Parti socialiste est marqué par une forte continuité historique. Dès lors on peut se demander comment un parti si faible et si dépourvu de ressources politiques et de soutiens sociaux a pu se maintenir, même avec des fortunes diverses, tout au long du siècle, à la faveur de contextes si troublés ».</p>
</blockquote>
<p>Mais cette fois la pente est rude. Un accord avec Jean-Luc Mélenchon pourrait changer la donne, mais les négociations entre l’ex-socialiste et le vainqueur de la primaire de la Belle Alliance Populaire ne sont pas au beau fixe. Faute d’une réconciliation entre tous les acteurs de la gauche, une défaite en mai prochain est probable. Le Parti socialiste actuel pourra-t-il survivre à un 21 avril bis, surtout s’il termine au-delà de la troisième place ?</p>
<p>Une reconstruction, une nouvelle vision, bref un <em>aggiornamento</em> sera bel et bien nécessaire à sa pérennité au sein d’un écosystème politique en pleine mutation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis la victoire de Benoît Hamon, la fronde a changé de camp. Les ex-frondeurs appellent à l’union alors que les ex-partisans de la gauche de gouvernement menacent de partir.Frédéric Dosquet, Professeur de marketing, ESC PauPatrice Cailleba, Professeur de management, ESC PauLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/718472017-01-26T22:15:26Z2017-01-26T22:15:26ZLe discours d’Emmanuel Macron, construction d’un storytelling<blockquote>
<p>« L’avenir de la nation et du monde dépend de la capacité des citoyens américains à choisir les bonnes histoires. […] c’est la bataille des histoires, et non le débat sur des idées, qui détermine comment les Américains vont réagir à une compétition présidentielle. Ces récits habiles sont la principale forme d’échange de notre vie publique, ils constituent la monnaie de la politique américaine. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ce qu’affirme Evan Cornog, professeur de journalisme à l’université de Columbia, <a href="http://television.telerama.fr/television/christian-salmon-obama-c-est-l-art-du-storytelling-porte-a-son-incandescence,35081.php">à propos des élections américaines</a>.</p>
<p>Cette dimension narrative a été popularisée en France grâce notamment à <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Storytelling-9782707156518.html">Christian Salmon</a>, et s’est ensuite diffusée auprès des commentateurs politiques, (qui en abusent parfois, qualifiant de « storytelling » des points de communication très peu concernés par la narrativité).</p>
<h2>Le « je » et le « nous »</h2>
<p>Pour rendre compte des diverses campagnes politiques en cours (primaires, campagne des candidats déjà déclarés), nous élaborons une méthodologie d’analyse, dans le cadre du projet <a href="http://ideo2017.ensea.fr/">#Idéo2017</a>, qui s’appuie sur différentes fonctionnalités de logiciels existant pour analyser les tweets de compte politiques. En utilisant le <a href="http://tropes.fr/">Tropes</a>, nous pouvons décrire le style d’un corpus.</p>
<p>En nous attachant à un recueil de 500 tweets publiés par le compte d’Emmanuel Macron (500 tweets extraits au 20 janvier), nous obtenons le résultat suivant :</p>
<ul>
<li><p>Style plutôt narratif : raconte un récit, à un moment donné, en un certain lieu.</p></li>
<li><p>Mise en scène : dynamique, action. Prise en charge à l’aide du « Je ».</p></li>
</ul>
<p>En regardant les éléments saillants dans ce corpus, le « nous » semble également particulièrement présent. Pour savoir s’il ne s’agit pas d’un trait commun aux tweets politiques de candidats, j’ai comparé avec un corpus de tweets de François Fillon. Cette comparaison fait ressortir l’importance du « nous » chez Emmanuel Macron. Par exemple :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"820323350006341637"}"></div></p>
<p>et parfois combiné au « vous » :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"817805643461591040"}"></div></p>
<p>Ce récit s’inscrit dans un cadre de mouvement/déplacement, bien retranscrit par le nom même de « En marche ! », que j’avais déjà analysé <a href="http://www.huffingtonpost.fr/julien-longhi/de-en-marche-a-he-oh-la-gauche-quand-la-parole-politique/">précédemment</a>.</p>
<p>Pris dans la dynamique du « nous » et du sentiment de « mise en marche », différents thèmes sont alors combinés, comme autant d’éléments narratifs dans le storytelling constitué. Ceci ressort visuellement sur le nuage de mots constitué à partir de ce corpus :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154262/original/image-20170125-23875-1454a8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les mots les plus fréquents – « Europe », « France, « français », « pays » – sont pris entre les éléments contextuels du récit (« enmarchebordeaux », « macronlille », « enmarche.fr », « macronclermont »), et étayés par des éléments plus programmatiques (« travail », « révolution », « santé »).</p>
<h2>Les personnages, le décor, les actions</h2>
<p>Ceci se dessine davantage encore sur le <a href="http://www.iramuteq.org">graphique suivant</a>, qui permet de faire émerger les grandes thématiques convoquées par le candidat :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154263/original/image-20170125-23858-2nn6tm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les classes lexicales 1 et 2 concernent en effet l’Europe (avec des verbes comme « prendre (risque) », « agir », « rendre », « recréer ») et la France (avec des termes comme « projet », « émancipation », « construire », « venir », « porter »), et sont deux classes ayant une certaine proximité. Le récit proposé aux Français est donc lié à l’Europe, et les changements et propositions passent largement par l’Europe.</p>
<p>Grâce à une analyse des relations entre les catégories dans le logiciel Tropes, il est possible de caractériser les catégories employées dans les tweets, mais préciser également si elles sont des « actants », ou des « actés » (agent de l’action, patient/objet de l’action). Il ressort que les catégories « Macron » et « enmarche » sont des actants, alors qu’« Europe », « français », « nation », « projet », ou « travail », sont des actés.</p>
<p>La dimension dynamique engagée par le lexique, le nom du mouvement, se retrouve aussi dans la répartition des rôles dans le récit : le protagoniste (le candidat) ne subit pas l’action, mais est l’acteur des actions. On le voit dans les tweets suivants :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"820330586267156480"}"></div></p>
<p>ou :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"820327156668661760"}"></div></p>
<p>ou encore :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"818882925659725825"}"></div></p>
<p>On reconnaît linguistiquement une dimension active et volontariste de l’action politique.</p>
<p>Il est également notable qu’Emmanuel Macron aborde concrètement une pluralité de sujets dans la classe 4 repérée plus haut, que l’on pourrait considérer comme la catégorie programmatique, qui s’appuie sur les classes narratives autour de la France et de l’Europe.</p>
<h2>La trame narrative</h2>
<p>Le nuage de mots de cette catégorie est d’ailleurs probant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154261/original/image-20170125-23878-316hc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On y trouve de nombreux termes liés à l’emploi et à l’économie, ainsi que les acteurs de ces thématiques (salarié, entreprise, étudiant).
Tout se passe comme si le candidat Macron :</p>
<ul>
<li><p>esquissait un décor qui motive de lui-même une certaine posture et certaines actions (la France et de manière plus générale d’Europe) ;</p></li>
<li><p>occupait dans ce décor un rôle actif, qui constitue le moteur de l’action (avec des verbes et des substantifs qui renvoient à l’action, au changement, etc.) ;</p></li>
<li><p>participait à des actions riches en interactants, et en actions générées par le fil narratif.</p></li>
</ul>
<p>Alors que certains sondages créditent Emmanuel Macron d’intentions de vote assez conséquentes, et que certains commentateurs s’étonnent de cette « bulle » sondagière, il est intéressant de constater que ce candidat se démarque également par sa stratégie narrative, repérable même dans ses tweets : usage du « je » et du « nous », mise en scène d’un « décor » constitué par la France et l’Europe, utilisation d’éléments lexicaux comme autant de composants du récit constitué, rôle d’acteur vis-à-vis des sujets politiques qui sont des « actés ».</p>
<p>Il élabore en effet une communication narrative, qui met à profit différents ressorts utilisés aujourd’hui dans le storytelling. Cette forme narrative de communication entre, en outre, en adéquation avec des dimensions psychologiques et culturelles (familiarité des histoires, pouvoir de conviction par le recours à une forme d’intelligence narrative, projection et émotion), ce qui contribue à expliquer son succès actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71847/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Longhi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pris dans la dynamique du « nous » et du sentiment de « mise en marche », différents thèmes sont combinés, comme autant d’éléments narratifs dans le storytelling constitué.Julien Longhi, Professeur des universités en sciences du langage, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/717512017-01-26T12:02:36Z2017-01-26T12:02:36ZEmmanuel Macron, le candidat attrape-tout<p>Un concept a émergé depuis quelques dizaines d’années en sciences politiques : celui de <em>catch-all party</em>, autrement dit le <em>parti attrape tout</em>, à savoir le parti qui séduit tous azimuts au-delà des classes sociales et surtout des clivages classiques entre droite et gauche.</p>
<p>Plus précisément, ce type de parti se définit par sa capacité d’attirer des individus ayant des points de vue différents les uns des autres, des électeurs venant d’horizons divers, des hommes et des femmes qui peuvent venir de la gauche comme de la droite. Ce concept développé par le <a href="http://www.partypolitics.org/Volume15/v15i5p539.htm">politiste Otto Kirchheimer</a> évoque un parti faiblement bureaucratique, faiblement organisé, pouvant être aussi caractérisé par une centralisation du pouvoir dans les mains du leader et de son entourage immédiat (<a href="http://ceraps.univ-lille2.fr/fileadmin/user_upload/enseignants/Sawicki/Sawicki-Cahiers_francais_1996.pdf">Sawicki, 1996</a>). Ce parti, conséquemment, peut se transformer en parti dit charismatique (selon le mot d’Angelo Pannebianco (Political Parties : Organisation and Power, Cambridge, Cambridge University Press, 1988) autour d’une figure et d’une seule. C’est le risque de dérive de ce type de parti, sans bureaucratie suffisante, seul le leader peut tenir l’ensemble.</p>
<p>Longtemps la science politique a donné le qualificatif de parti « attrape tout » au Front national ; ceci par sa capacité à séduire des électeurs venant de la gauche comme de la droite. L’électorat de gauche pouvant être attiré par le volet économique et social ; celui de droite étant intéressé par les aspects identitaire et sécuritaire. Ajoutons à cela la faiblesse de l’organisation partisane et un leadership très marqué par Marine Le Pen, nous avions là tous les ingrédients d’un <em>catch-all party</em>.</p>
<h2>Dépasser le sempiternel clivage gauche-droite</h2>
<p>Nous assistons visiblement aujourd’hui à l’émergence d’un mouvement « attrape tout » : celui d’Emmanuel Macron baptisé « En Marche ». Et, au-delà de cela, nous voyons naître un candidat attrape-tout tant l’acronyme du mouvement EM fait écho aux initiales de sa propre personne ; EM dirige EM, le sommet de la pyramide est siglé par l’homme qui attrape-tout, le « catch-all man », « le catch-all candidate », le mouvement messianique tourné vers ce « designated candidate ».</p>
<p>L’électorat de ce mouvement-candidat-attrape-tout se dessine peu à peu, mais déjà – aux dires des données sociologiques des sondages – il semble enjamber le Rubicon et dépasse le clivage gauche-droite.</p>
<p>A ce jour, on peut, avec certitude, affirmer que EM est le « _catch-all candidate _ » en termes de personnalités qui le rejoignent ou l’apprécient : des écologistes plutôt marqués à droite comme Corinne Lepage, des élus socialistes comme Gérard Collomb, des journalistes démocrates à la mode USA comme Laurence Haim, des historiques de l’UDF et du Nouveau Centre comme Jean-Marie Cavada, des protégés du gouvernement actuel tel Jean Pisani-Ferry, des visiteurs du soir libéraux tel Alain Minc… La liste est longue mais elle illustre bien les dépassements de clivages politiques. Socialistes, libéraux de droite, écologistes, centristes, on trouve tout cela chez EM et tout ce petit monde s’emploient à dépasser allègrement le sempiternel clivage entre la droite et la gauche.</p>
<h2>Nouveau gotha</h2>
<p>Pour l’heure, nous ne pouvons savoir avec certitude si EM – le mouvement et le candidat – sauront séduire au-delà de ces élites. Est-ce que ce « catch all » candidat-mouvement saura attraper tous les électorats, dans toutes les classes sociales et dans toutes les campagnes de France.</p>
<p>Nous nous demanderons à l’avenir si ce catch-all mouvement ne va pas devenir un parti messianique à la gloire d’Emmanuel Macron avec pour simple intention de remplacer la « bourgeoisie d’État » actuellement en place par ce nouveau cercle d’initiés, ce nouveau ghota, ce <em>who’s who</em> spectaculaire. C’est tout le risque du catch-all party…</p>
<p>Car, tandis que des visions du monde sont clairement proposées par Benoît Hamon avec une vision tout hétérodoxe et écologique de la société, par Manuel Valls avec sa posture toute républicaine, par François Fillon avec un objectif de libéralisation de la France ou par Marine Le Pen avec son cap national-identitaire, ceux qui marchent ne proposent pour l’instant qu’un élan qui ressemblerait à la terre techno-digital-promise de la Sillicon Valley, version Frenchie. Un élan des élites qui ont visiblement envie de ne plus être dans l’ombre du politique à tirer d’éventuelles ficelles, mais de passer côté lumière.</p>
<p>Est-ce que l’essence du politique n’est qu’une juxtaposition de noms voire d’expertises et d’experts ou une vision du monde et de la société à laquelle on croit et pour laquelle on se bat ? <a href="http://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1967_num_41_2_2472_t1_0184_0000_4">Le philosophe et politologue Julien Freund</a>, s’inspirant de Carl Schmidt, nous dirait que tout ne peut pas être dans tout et que la politique se définit bien par une vision versus une autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est vice-présidente du Think-tank Different. </span></em></p>L’acronyme du mouvement En marche fait écho aux initiales de sa propre personne : « EM dirige EM », le sommet de la pyramide est siglé par l’homme qui attrape-tout, le « catch-all man ».Virginie Martin, Docteur sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.