tag:theconversation.com,2011:/global/topics/protocole-de-kyoto-22542/articlesProtocole de Kyoto – The Conversation2023-09-06T17:34:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2129032023-09-06T17:34:05Z2023-09-06T17:34:05ZHistoire des crédits carbone : vie et mort d'une fausse bonne idée ?<p>C’est une métaphore peu flatteuse qui colle à la peau des crédits carbone. Ces derniers seraient de véritables « indulgences des temps modernes ». De la même façon que l’Église catholique a pu promettre l’absolution des péchés à ses fidèles mettant la main au porte-monnaie pour acheter ces fameuses indulgences, les crédits carbone seraient largement inutiles pour le climat. Achetés par des industries parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, ils permettraient de s’acheter une bonne conscience écologique sans avoir à se remettre en question car, quelque part sur la planète, un projet qu’ils soutiennent en achetant des crédits carbone se charge, par exemple, de planter des arbres, ou bien d’éviter de la déforestation.</p>
<p>Récemment, des révélations du <em>Guardian</em> ont entaché plus encore la réputation de ces fameux crédits en révélant qu’en plus de permettre à de gros émetteurs de gaz à effet de serre de ne rien changer ou presque à leur manière de produire, la plus grande partie des crédits carbone achetés et censés contrebalancer les émissions de gaz à effet de serre, <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/revealed-forest-carbon-offsets-biggest-provider-worthless-verra-aoe">n’avait eu aucune action vertueuse pour la planète</a>.</p>
<p>Avant que ne soit donc planté le dernier clou du cercueil des crédits carbone, tâchons de comprendre comment l’idée de commercialiser quelque chose d’aussi intangible que les émissions carbone a pu émerger puis se développer et générer autant de dérives.</p>
<h2>Avant les crédits carbone, un système pensé autour de quotas carbone</h2>
<p>Pour cela, il faut remonter au vieux débat sur les outils économiques pour protéger l’environnement. L’un des premiers penseurs de la question, Arthur Pigou (1877-1959) était partisan du principe du pollueur-payeur, et de taxes sur les activités néfastes pour l’environnement.</p>
<p>Mais une taxe agit sur les prix. Or il est difficile de savoir à quel niveau de taxation les quantités de polluants commencent à baisser. En réponse, le principe du <em>cap and trade</em>, (en français « plafonnement et échange ») est mis en avant dans les années 1960. C’est une régulation par les quantités, en principe plus adaptée à des situations où certaines limites ne doivent pas être dépassées. En fixant un seuil, une autorité locale ou nationale distribue ou fait payer à un ensemble d’agents économiques des quotas, qui peuvent ensuite se revendre entre différents acteurs. C’est une logique de rationnement.</p>
<p>Une de ses premières concrétisations émerge en Nouvelle-Zélande avec, dès 1986, des quotas de pêche nationaux, censés éviter la surpêche. Dans les années 1990, un système de <em>cap and trade</em> est mis en place aux États-Unis pour réduire les émissions de dioxyde de soufre, issues de centrales à charbon.</p>
<p>Plusieurs paramètres étaient alors réunis pour le bon fonctionnement du système : les autorités américaines disposaient d’informations fiables pour fixer des limites et imposer des sanctions. Des technologies étaient disponibles, et le coût de réduction des émissions n’était pas trop éloigné d’une entreprise à l’autre.</p>
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<img alt="Sur l'image de gauche, un filet de pêche rempli de poisson. Sur l'image de droite, une cheminée de centrale à charbon" src="https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En Nouvelle-Zélande, dès 1986, des quotas de pêche nationaux sont établis afin d'éviter de mettre en péril le renouvellement du stock de poisson.
Les résultats apparaissent satisfaisants même si la revente de ces quotas de pêche entre acteurs de l’industrie semble propice à la disparition des petites structures au profit de grandes. En 1990 aux États-Unis le Clean Air Act est promulgué pour lutter contre les pluies acides causées par l’émission du dioxyde de soufre. Afin de fixer un seuil à ne pas dépasser d’émission de ce gaz toxique pour la santé et les écosystèmes, les autorités divisent ce plafonnement d’émissions en quotas distribués aux acteurs de l’industrie émettrice de ce gaz : les usines produisant de l’électricité à partir de charbon. Chaque usine a ainsi son propre seuil à ne pas dépasser.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/on-fisherman-boatcatching-fish-513364243">Watchares Hansawek / Shutterstock et Petr Kratochvil</a></span>
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<h2>L’impossible <em>cap and trade</em> mondial du carbone ?</h2>
<p>Lors du protocole de Kyoto, cet exemple va servir d’argument aux partisans d’un système de <em>cap and trade</em> plutôt que de taxes carbone pour limiter les émissions de CO<sub>2</sub> à l’échelle planétaire. Pourtant, d’emblée, des limites à l’établissement d’un système mondial de <em>cap and trade</em> du carbone étaient perceptibles. Quelle gageure, en effet, que de passer d’un exemple local à un dispositif mondial, et d’une pollution émise par un seul secteur industriel aisé à surveiller à un gaz émis par tous les acteurs de l’économie planétaire, sans véritable gouvernance mondiale. Les coûts de réduction des émissions de CO<sub>2</sub> sont très hétérogènes entre secteurs économiques et pays. Et surtout, les pays en développement (dont la Chine et l’Inde) refusent de prendre des engagements quantitatifs, au nom de leur « droit au développement ».</p>
<p>Les pays industrialisés prêts à limiter leurs émissions de CO<sub>2</sub> craignent, eux, que l’instauration de quotas ne soit trop contraignante pour leurs entreprises. Émerge alors l’idée de leur permettre, dans une certaine mesure, de dépasser les plafonds alloués en finançant des projets de réduction des émissions en dehors de leur périmètre, voire de leur pays.</p>
<p>La suggestion paraît cohérente dans la mesure où toutes les émissions de CO<sub>2</sub> se diffusent dans l’atmosphère et où certaines réductions d’émission sont moins coûteuses que d’autres, par exemple dans des pays moins développés où des rénovations du parc industriel ou énergétique sont les bienvenues. Cette idée, à la genèse des crédits carbone, est aussi perçue par certains pays du Sud, comme l’opportunité d’attirer des investissements pour un développement durable financé par des industries du Nord en quête de gisements de réduction d’émissions bon marché.</p>
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<img alt="Vision aérienne de la mine de sables bitumineux de Syncrude," src="https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'absence de régulation et de sanctions véritables a considérablement affaibli les ambition du système de quotas carbone du protocole de Kyoto.
En 2011 par exemple, le Canada à voulu éviter de payer une amende de 14 milliards de dollars dont il aurait dû s’acquitter en 2012 pour non-respect des objectifs qu’il s’était fixé, et s'est donc retiré du protocole.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Syncrude_oil_sands_mine_works,_Mildred_Lake,_Alberta.jpg">Dicklyon/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>L’émergence du Mécanisme de Développement Propre</h2>
<p>Ainsi naît, à l’issue du protocole de Kyoto, le principal système onusien de crédit de compensation carbone dit MDP, pour Mécanisme de Développement Propre. En théorie, il a l’ambition d’être complémentaire au système de quotas établis par les pays ayant pris des engagements quantifiés de plafonnement des émissions. Mais en réalité, il en dénature quelque peu les ambitions.</p>
<p>Car, pour que le système des quotas soit efficace, il faut que le prix du quota soit élevé, afin d’inciter les acteurs de l’économie à faire évoluer en profondeur leur modèle économique. Or, alors que les quotas participent d’une logique de rationnement appelée à se durcir avec le temps, les projets de réduction d’émissions existent potentiellement en nombre quasi illimité sur la planète, et le nombre de crédits mis en marché également. L’inverse, donc, de la logique de rationnement.</p>
<p>L’offre de crédits carbone va ainsi s’accroitre plus que la demande ne peut absorber, car les entreprises concernées, surtout européennes, ne peuvent utiliser qu’un pourcentage maximum de crédits pour remplir leurs engagements. Et l’abondance de ces crédits va contribuer à retarder la hausse du « prix du carbone ». Or si celui-ci reste peu élevé, les entreprises ont tout avantage à acheter des crédits carbone plutôt qu’à agir significativement pour la baisse de leur empreinte carbone.</p>
<p>Autre enjeu des crédits carbone : ils doivent respecter un critère d’additionnalité. Il faut démontrer que c’est la perspective de vente des crédits carbone qui a déclenché la décision d’entreprendre le projet. Un projet intrinsèquement rentable sans vente de crédits carbone n’est pas éligible. Mais très vite, une partie des promoteurs des projets s’emploient à dissimuler la rentabilité potentielle d’investissements déjà programmés dans, par exemple, les énergies renouvelables, pour contourner cette règle. Une très large partie des crédits issus du MDP est probablement non-additionnelle, même s’il est très difficile de savoir combien, du fait de l’asymétrie d’information entre les promoteurs de projet (qui, seuls, connaissent leurs véritables coûts et marges… et leurs intentions) et les évaluateurs. Le MDP ayant généré environ 2,4 milliards de crédits (chacun correspondant à une tonne de CO<sub>2</sub> équivalent évitée), le problème n’est pas anecdotique.</p>
<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://shows.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/episodes/64f885b7b20f810011c5577f?">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://embed.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/64f88694aa4e5a0011d2f295" width="100%"></iframe>
<h2>Débats autour de possibles crédits carbone forestiers</h2>
<p>Si, à l’origine, le MDP était conçu pour financer des rénovations industrielles ou thermiques, rapidement des projets concernant les forêts vont donner lieu à des discordes : à la COP 6 de La Haye, en 2000 ont lieu de vives discussions autour de possibles crédits carbone de « déforestation évitée », visant à protéger des forêts de la déforestation qui représente entre 10 et 13 % des émissions annuelles anthropiques de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Vendre des crédits carbone de « déforestation évitée » implique de démontrer qu’en l’absence de projet une forêt sera déboisée. Or, cette proposition ne fait que déplacer le problème. Car, si une forêt est protégée de la déforestation par un projet local, la perte de couvert forestier aura simplement lieu ailleurs car les moteurs de la déforestation (demande de terres agricoles, pression des marchés mondiaux, démographie…) n’auront eux pas disparu.</p>
<p>Reste la possibilité de crédits carbone pour la plantation de nouvelles forêts. Mais les scientifiques soulignent qu’une grande partie du CO<sub>2</sub> reste des siècles dans l’atmosphère (et contribue au réchauffement durant tout ce temps) tandis qu’il est impossible de garantir qu’une forêt plantée pourra subsister et séquestrer du carbone sur une aussi longue durée. Le compromis trouvé est celui de « crédits temporaires », qui seront boudés par le marché puisque les crédits carbone « permanents », sans date de péremption, sont largement disponibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À l'heure où de plus en plus de méga-feux font les titre de l'actualité, la non-permanence des crédits carbone forestiers parait de plus en plus évidente.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/wildfire-british-columbia-canada-forest-fire-2324666211">Fernando Astasio Avila/ Shutterstock</a></span>
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<h2>Émergence du marché volontaire et de ses dérives</h2>
<p>Au final, le MDP ne produira donc qu’un infime nombre de crédits forestiers. Mais, en parallèle, émerge un nouveau marché : celui de la compensation carbone. Sur ce marché volontaire, on trouve les entreprises ambitionnant de devenir « neutre en carbone » pour améliorer leur image. Cette fois, les projets de déforestation évitée, écartés du mécanisme onusien, se taillent la part du lion : environ 45 % des crédits du marché volontaire.</p>
<p>Mais avec le développement de ces projets surgit un nouveau problème : leur effet sur la baisse des émissions est souvent invérifiable. Car l’absence ou la réduction de la déforestation qu’ils promettent sont souvent mesurées en comparant les résultats attendus, soit à un niveau de déforestation passée (en supposant que l’avenir sera une redite du passé), soit à un scénario du niveau le plus probable (« <em>business as usual</em> ») de déforestation en l’absence de projet. Ces scénarios « contrefactuels » sont invérifiables, puisque le projet sera réalisé. Il est donc tentant de construire un « scénario du pire » pour maximiser le nombre de crédits potentiels. Ainsi, une augmentation relative de la déforestation (inférieure à la prévision) est assimilée à une « réduction »</p>
<p>Début 2023, <em>The Guardian</em> et <em>Die Zeit</em> affirmaient que plus de 90 % des crédits certifiés par VERRA, le plus grand standard de certification des crédits carbone forestiers « ne valent rien ». Un des articles scientifiques sur lequel s’appuient les journalistes a examiné plusieurs projets de protection de forêts en Amazonie brésilienne depuis la fin de la décennie 2000. Les niveaux de référence de ces projets étaient de simples prolongements de la moyenne de la déforestation passée, censée figurer les niveaux futurs « sans projet ». Or les chercheurs ont analysé les dynamiques de déforestation de zones comparables mais sans projet, et ont trouvé que la déforestation a baissé partout durant cette période, avec ou sans projet, et ce dans des proportions comparables. Ils ont donc conclu à une absence d’effet net des projets.</p>
<h2>Le MDP est mort, vive le nouveau MDP !</h2>
<p>Malgré tous ces écueils, les négociateurs de la Convention Climat n’ont pas renoncé à l’utilisation de crédits carbone, y compris forestiers. Si le mécanisme onusien du MDP est arrivé à son terme en 2020, des centaines de millions de crédits MDP sont encore à vendre, et l’Article 6 de l’Accord de Paris (2015) a posé les bases d’un nouveau marché international des « réductions d’émissions ».</p>
<p>Cet article prévoit un « ajustement » entre vendeurs et acheteurs. Cela pour prévenir un risque nouveau, celui du double comptage des réductions d’émissions, à la fois dans les pays vendeurs de crédits et dans les inventaires des pays acheteurs – ceci lié au fait que tous les pays ont maintenant, peu ou prou, des engagements sur leurs niveaux d’émission futurs. Les pays qui vendront des « réductions d’émissions » ne pourront se prévaloir de ces réductions dans leurs bilans nationaux – contrairement aux acheteurs.</p>
<p>L’article 6.4 en particulier, dont les modalités ne sont pas encore finalisées, reprend, lui, globalement le principe du MDP, avec toutefois, une mise à l’écart des projets de déforestation évitée ne réduisant pas de manière absolue la déforestation, afin d’éviter les « baisses relatives » par rapport à un scénario invérifiable.</p>
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<img alt="Panorama d'une forêt du Libéria" src="https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Libéria s'apprête à céder des droits exclusifs de 10% de son territoire à une société émiratie qui commercialise les créditscarbone obtenus à partir de projets de conservation ou de reforestation, rapportaient divers titres de presse en août 2023. Grand client de crédits carbone, les Émirats-Arabes-Unis continuent d'assurer vouloir atteindre la neutralité carbone, et ce, sans arrêter leurs investissements pétroliers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tlupic/7975993144">Travis Lupick/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Passer d’une logique de compensation à une logique de contribution ?</h2>
<p>Les crédits carbone sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Contrairement à ce que beaucoup d’analystes prédisaient, leur prix restent bas, voire baissent (beaucoup sont à moins d’un ou deux euro), avec une offre toujours plus grande, sans que la demande ne suive. Suite aux révélations du <em>Guardian</em>, le prix des crédits de déforestation évitée ont baissé de 40 %. Une partie du public a compris ce qu’est le <em>greenwashing</em>, et le principe de compensation apparaît de plus en plus suspect.</p>
<p>Il est possible que la logique de compensation cède progressivement le pas à une logique de contribution à l’effort collectif pour lutter contre les changements climatiques pour que les acheteurs de crédits carbone ne s’autorisent plus à déduire ces crédits de leurs propres émissions et que les consommateurs ne se donnent pas l’illusion qu’ils peuvent « effacer » leur empreinte carbone découlant de leurs choix de consommation. Quelle que soit la sémantique adoptée, un nombre croissant d’acteurs converge sur l’idée de viser des impacts et non des compensations. Certains experts proposent d’envisager des certificats d’impact positif, portant sur le carbone, la biodiversité, l’eau et les bénéfices apportés aux communautés locales. Cette clarification serait bienvenue. Mais est-ce que les entreprises auront la même appétence pour des certificats d’impact ? Combien seront-elles à accepter de sortir de l’ambiguïté ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Karsenty est membre du Conseil Scientifique de la Fondation pour la Nature et l'Homme</span></em></p>Les crédits carbone forestiers sont désormais considérés par diverses études scientifiques comme sans effet positif pour le climat. Retour sur l'avènement de cet outil de compensation carbone et ses limites vite atteintes.Alain Karsenty, Économiste de l’environnement, chercheur et consultant international, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801842022-04-10T20:10:42Z2022-04-10T20:10:42ZAvec la guerre, changement d’ère dans la géopolitique du climat ?<p>Dans son <em>Adresse aux Français</em> du 2 mars 2022, le président Emmanuel Macron a évoqué la <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/03/02/adresse-aux-francais-ukraine">« nouvelle ère »</a> dans laquelle la Russie avait précipité l’Europe. « <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/01/opinion/russia-ukraine-cold-war.htm">Je pressens qu’une époque se termine</a> », écrit de son côté l’historienne de la guerre froide Mary Elise Sarotte, professeur à l’université Johns Hopkins.</p>
<p>En particulier, les fracas de la guerre et ses conséquences géopolitiques ne seront pas sans effet sur les négociations climatiques. <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-La-transition-energetique-bas-carbone-percutee-par-la-crise-ukrainienne_3750582.html">« La guerre en Ukraine sonne-t-elle le glas des agendas climatiques ? »</a>, interroge Olivier Passet, directeur de la recherche de Xerfi Canal.</p>
<p>Les préoccupations et ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre risquent bien de descendre de plusieurs crans de l’ordre du jour international. L’adaptation au changement climatique pourrait toutefois être, pour d’autres raisons, propulsée tout en haut.</p>
<h2>Poutine et le climat</h2>
<p>En 2003, lors d’une réunion du G8, Vladimir Poutine avait présenté la Russie comme « un pays froid où quelques degrés de plus permettraient de <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2005-4-page-37.htm">faire des économies de chauffage et de vêtements</a> ». La Russie représente le 4<sup>e</sup> plus gros pays émetteur de gaz à effet de serre dans le monde et – on en sait les enjeux – un <a href="https://www.carbonbrief.org/qa-what-does-russias-invasion-of-ukraine-mean-for-energy-and-climate-change?utm_campaign=WeeklyBriefing&utm_content=20220318&utm_medium=email&utm_source=Revuenewsletter">fournisseur majeur de combustibles fossiles dans le monde et en particulier de gaz en Europe</a>.</p>
<p>Elle convoite les ressources de l’immense Arctique, qui recouvre une superficie équivalente à celle de l’ex-URSS et retire du seul Arctique russe près de 80 % de ses ressources en gaz et 20 % de celles en pétrole. Si le climat est toujours resté largement en retrait de ses priorités politiques, la Russie est confrontée à de multiples menaces – désertification, érosion des sols, incendies en Sibérie, fonte du pergélisol, qui recouvre près de 60 % du territoire, et pollution industrielle gigantesque.</p>
<h2>Le temps lointain de l’entente UE-Russie</h2>
<p>Dans le passé, la Russie a joué un rôle décisif pour l’entrée en vigueur du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Kyoto">protocole de Kyoto</a> : cela n’avait toutefois rien à voir avec ses ambitions climatiques.</p>
<p>L’entrée en application de l’accord international requérait d’être signé par au moins 55 pays représentant 55 % des émissions, or les États-Unis refusaient de le ratifier.</p>
<p>La Russie de son côté y rechignait également, mais cherchait un appui politique qu’elle n’avait pas pour pouvoir adhérer à l’OMC : elle monnaya donc sa signature contre le soutien de l’Union européenne à son entrée dans l’organisation, et ratifia en 2005 le protocole, qui cependant ne l’engageait à rien. <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/823.php4">Deal conclu : Kyoto contre OMC</a>.</p>
<p>Nous sommes aujourd’hui à des années-lumière de cette entente fondée sur des intérêts bien compris.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"871872083210403843"}"></div></p>
<h2>L’adaptation, jusqu’ici négligée</h2>
<p>La mise en péril de l’équilibre du système climat devait être réglée par la réduction de la pollution générée par la combustion des énergies fossiles. Tous les experts et politiques vouaient alors une confiance inébranlable et sincère dans les capacités à réduire rapidement les émissions.</p>
<p>La question de l’adaptation aux changements climatiques a d’abord été accueillie par les experts, économistes, et politiques, comme une proposition défaitiste, risquant seulement de miner les volontés à décarboner, une <a href="http://nebula.wsimg.com/a1d2957d5da9380522a79295351b1227?AccessKeyId=C36A984220368DA7C13D&disposition=0&alloworigin=1">option politiquement incorrecte</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1305259253054279680"}"></div></p>
<p>Longtemps négligée, considérée au Nord comme au Sud comme n’étant pas la priorité, elle revient aujourd’hui au centre des débats face aux conséquences déjà visibles du changement climatique.</p>
<h2>Une décarbonation trop peu ambitieuse</h2>
<p>Le verdict du <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Full_Report.pdf">rapport du GIEC sur les sciences du climat présenté en août 2021</a> est sans appel.</p>
<p>Sur les 5 scénarios possibles qu’il présente, un seul, celui héroïque et pour beaucoup irréaliste de la neutralité carbone à 2050, apparaît susceptible de ne pas dépasser 1,5 °C à l’horizon 2100. Les 4 autres débordent ce seuil avec des températures qui s’emballent : respectivement 1,8 °C, 2,7 °C, 3,6 °C et même 4,4 °C pour la fin du siècle, 3 d’entre eux dépassant même les 2 °C avant 2050.</p>
<p>Les dérèglements climatiques ne seront pas contenus, les conséquences seront majeures à l’échelle de la planète, et plus encore à celle des territoires et des communautés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1460183171601940480"}"></div></p>
<p>L’ampleur des efforts que sous-tend aujourd’hui la décarbonation rapide des économies et de nos modes de développement – l’objectif de <a href="https://climate.selectra.com/fr/empreinte-carbone/neutralite-carbone">neutralité carbone à 2050</a> à l’échelle de la planète, ou au plus tard pour la seconde moitié du siècle – apparaît désormais bien au-delà des seuils d’acceptabilité économique et sociale.</p>
<p>Il a fallu du temps pour comprendre, et surtout admettre, que les politiques de réduction des émissions ne suffiraient pas à contenir le réchauffement en dessous d’1,5 °C ni même des 2 °C, les seuils pourtant adoptés par <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris">l’accord de Paris</a> en 2015.</p>
<h2>L’enjeu de l’adaptation et des impacts</h2>
<p>La montée en puissance de l’adaptation et des impacts marque un glissement de l’idéalisme au réalisme, un retour sur terre au plus près des problèmes réels. Toutes les sociétés seront affectées, les populations vulnérables des pays du Sud sont déjà les premières victimes, et ce n’est que le début, comme en témoigne le <a href="https://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_FullReport.pdf">rapport du GIEC sur l’adaptation, dévoilé le 28 février</a>.</p>
<p>Antonio Guterres, du haut de son poste de secrétaire général des Nations unies, a ramassé son contenu avec des mots jamais utilisés jusqu’alors : <a href="https://www.lopinion.fr/economie/climat-rapport-giec-chaque-dixieme-de-degre-que-lon-parvient-a-eviter-va-augmenter-les-possibilites-de-sadapter">« Un atlas de la souffrance humaine et une condamnation accablante de l’échec du leadership climatique »</a>.</p>
<p>Les scientifiques ne croient plus au scénario de la neutralité carbone. C’est implicite dans ce qu’écrit le GIEC dans son rapport sur l’adaptation : c’est avec <a href="https://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_FullReport.pdf">« une très forte confiance »</a> qu’ils estiment que « <a href="https://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_FullReport.pdf">certaines trajectoires à faibles émissions sont peu probables</a> ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1511453200410419208"}"></div></p>
<p>Le rapport de son groupe de travail III sur l’atténuation du changement climatique publié ce 4 avril le confirme : <a href="https://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_FullReport.pdf">« Les réductions d’émissions annoncées conduiront vraisemblablement à un réchauffement supérieur à 1,5 °C au cours du XXIᵉ siècle »</a>.</p>
<p>Et le GIEC de préciser que pour limiter le réchauffement à 1,5 °C les émissions devraient atteindre un pic tout de suite, au plus tard avant 2025.</p>
<p>Pour relever tant les situations d’urgence que les défis de long terme de l’adaptation, il faudra des politiques dont on imagine encore mal l’ampleur. La prochaine conférence des États sur le climat, la <a href="https://sdg.iisd.org/events/2021-un-climate-change-conference-unfccc-cop-27/">COP27</a>, se tiendra en novembre 2022 à Sharm El-Sheikh, en Égypte ; ce sera une COP pour le Sud, avec tout en haut de son ordre du jour l’adaptation et son financement.</p>
<h2>Une nouvelle ère géopolitique pour le climat</h2>
<p>Les 100 milliards de dollars par an d’aide climatique promis aux pays du Sud lors de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9rence_de_Copenhague_de_2009_sur_les_changements_climatiques">COP15 de Copenhague en 2009</a>, doivent arriver cette année. Faut-il en douter ? Le gouvernement américain devrait débloquer <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/15/climate/united-states-climate-pledges.html">1 petit milliard de dollars en 2022</a>, alors que Joe Biden avait promis en septembre 2021 devant l’Assemblée générale des Nations unies de <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2021/09/21/biden-climate-finance/">délivrer pas moins de 11,4 milliards de dollars chaque année d’ici 2024</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1456056203591684103"}"></div></p>
<p>Les questions portées par les pays du Sud et la Chine vont dominer les négociations et politiques climat. La Chine, de par son seul poids matériel, va peser lourd. Les États-Unis n’ont guère plus de 200 centrales thermiques au charbon en fonctionnement ; la <a href="https://www.carbonbrief.org/influential-academics-reveal-how-china-can-achieve-its-carbon-neutrality-goal">Chine, elle, au moins 3000</a>, et près de 5000 mines en exploitation. La réalité n’est pas si banale à rappeler pour cet immense pays composé de 27 provinces : <a href="https://www.socialeurope.eu/china-takes-the-climate-stage">celle du Shandong par exemple, a émis en 2017 à peu près autant de CO₂ que toute l’Allemagne</a>, respectivement 800 et 787 millions de tonnes.</p>
<p>Les États-Unis et l’Europe ont perdu, pour un temps que l’on ne peut borner, la main sur le climat. La puissante et riche Chine continuera, comme elle l’a toujours fait depuis plus d’un tiers de siècle, à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S095937802200022X">soutenir les revendications des pays du Sud</a> à l’encontre de pays du Nord qui n’en font jamais assez. Sans le crier ni même le revendiquer, c’est la Chine qui aura la main la plus lourde pour le devenir des négociations et des politiques climatiques.</p>
<p>Possible que l’on soit déjà entré dans une nouvelle ère géopolitique pour le climat aussi.</p>
<hr>
<p><em>Nathalie Rousset – docteure en économie, ancienne chargée de programme au Plan Bleu, aujourd’hui consultante – est co-autrice de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180184/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Damian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la guerre en Ukraine fait passer les objectifs climatiques au second plan, la géopolitique du climat devra s’intéresser davantage à l’adaptation.Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/782752017-06-28T18:40:17Z2017-06-28T18:40:17ZClimat : comment revenir à un taux de CO₂ tolérable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175593/original/file-20170626-326-k60m3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C137%2C2048%2C1226&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le secteur des transports est l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/xa4/6881309290/in/photolist-bu5vvC-oF52Xn-oD3dFF-btAU5v-72XHkx-dotnh9-bi39Fe-9R1hkU-decLkS-4Y2LyD-7V3AWE-o6yv5L-aq5Csp-giuRMG-dKPsD1-3jaUuL-g9gGvX-4Y2LMV-qRFaKL-nCkehd-bvngfT-bi2Vne-omPuDG-e3BY8C-btdksX-9SM8zm-9eZB2h-7UYaK2-npRzWf-dD41h8-bi38PH-oD5KBs-nLgnqC-bstu1H-5JgDYH-7UYaMe-7UYaHk-oD5TNh-mF4BdZ-nqK19P-7JhASP-bssUkc-omPyRj-9wYRZA-3j6ypv-92dh6J-oD5x3Q-mF4Cyp-9eu5KX-94jPsD">abstrkt.ch/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Consommation excessive, forte croissance démographique : en 2012, le <a href="http://www.wwf.fr/vous_informer/rapports_pdf_a_telecharger/planete_vivante/?1383/Rapport-Plante-Vivante-2012">WWF indiquait</a> qu’avec son empreinte écologique actuelle l’humanité aurait besoin en 2030 de deux planètes pour subvenir à ses besoins. Mais de planète, il n’en existe qu’une.</p>
<p>Le concept de <a href="https://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art32/">limites planétaires</a> a été développé par une équipe internationale de 26 chercheurs en 2009 dans le but de proposer un cadre commun d’évaluation des impacts des activités humaines sur la planète.</p>
<p>Ce travail désigne et précise les limites au-delà desquelles ces activités risqueraient d’affecter significativement le fonctionnement et la stabilité de la planète, menaçant l’avenir même de l’humanité. Ces limites sont au nombre de 9 et concernent des domaines variés, allant de la disponibilité de l’eau au changement climatique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=619&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=619&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=619&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=778&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=778&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173419/original/file-20170612-10193-1hbwcgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=778&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Limites planétaires selon le rapport de Rockström et coll. publié dans <em>Nature</em> en 2009. Les zones en rouge représentent l’état actuel estimé et le cercle vert définit les limites estimées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Limites_plan%C3%A9taires#/media/File:Planetary_Boundaries.png">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le seuil du tolérable pour le climat</h2>
<p>La limite liée au changement climatique se base sur le maintien d’un certain taux de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère. Si ce gaz à effet de serre y est naturellement présent, sa concentration toujours plus forte depuis le XIX<sup>e</sup> siècle est en grande partie <a href="http://leclimatchange.fr/les-elements-scientifiques/">imputable aux activités humaines</a> (via la combustion massive de ressources fossiles comme le pétrole ou le charbon) ; cette concentration conduit à un renforcement de l’effet de serre qui provoque une hausse des températures. Elle participe également à l’acidification des océans.</p>
<p>Pour éviter les conséquences irréversibles de ce réchauffement, les scientifiques ont ainsi établi qu’il faut maintenir le taux de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère en dessous du seuil des 350 ppm (parties par million en volume de molécules d’air) ; ces niveaux correspondent à ceux du <a href="http://cycleducarbone.ipsl.jussieu.fr/index.php/visiteurs/des-faits-marquants/24-augmentation-plus-rapide-du-co2-dans-l-atmosphere">stade préindustriel</a> (avant 1850), garantissant de faibles impacts environnementaux.</p>
<p>Or en 2017 – soit deux ans après la signature de l’Accord de Paris dont l’objectif est de maintenir le réchauffement global en dessous des 2 °C d’ici à la fin du XXI<sup>e</sup> siècle – ce taux dépasse <a href="http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4585.htm">toujours les 400 ppm</a>. Cette valeur a été atteinte en 2013 et continue d’augmenter du fait des activités humaines, transports et industrie en tête.</p>
<p>L’autre limite identifiée par les spécialistes concerne le seuil de 550 pm, au-delà duquel les conséquences s’avéreront catastrophiques (fonte des glaces, manque de disponibilité en eau pour l’humanité, etc.).</p>
<p>Entre ces deux seuils se situe une phase transitoire dans laquelle nous nous trouvons : ici, les effets sur l’environnement se manifestent graduellement, à l’image de la disparition progressive de la grande barrière de corail en Océanie.</p>
<h2>Dessiner des trajectoires</h2>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/srep42061">Dans un article</a> paru récemment dans la revue <em>Nature Scientific Reports</em>, nous avons montré que malgré les différents accords internationaux (dont le Protocole de Kyoto de 1997 et le récent Accord de Paris), la concentration de CO<sub>2</sub> continue sa progression quasi-exponentielle.</p>
<p>Face à cette situation, au lieu de proposer des solutions optimales qui ont peu de chances d’être appliquées, nous avons identifié un ensemble de solutions plus ou moins ambitieuses. Elles permettent d’envisager comment maintenir la concentration de CO<sub>2</sub> en dessous de 550 ppm, puis comment espérer revenir à 350 ppm.</p>
<p>Cet ensemble de solutions permet d’envisager tous les cas : ce qui se passe si nous agissons tout de suite ou si l’action est différée (comme le fait craindre la sortie de Washington de l’Accord de Paris). Nous avons également estimé la manière dont cet ensemble d’options s’amenuise au fil temps.</p>
<p>Prenons l’exemple de l’évolution de la concentration de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère. La figure ci-dessous présente l’ensemble des possibles en fonction de trois scénarios : si l’on attend 2035 pour d’agir (scénario 2035, en orange) ; si l’on attend 2025 (scénario 2025, en vert) ; si l’on agit tout de suite (scénario 2010, en rouge clair). On peut notamment voir que si nous tardons à agir (scénario 2035), nous atteindrons au minimum 538 ppm (en 2055) alors que si nous agissons tout de suite (scénario 2010), nous pouvons limiter ce pic de CO<sub>2</sub> à 440 ppm en 2035.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175812/original/file-20170627-24741-12x9254.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ensemble des évolutions possibles de la concentration de CO₂ dans l’atmosphère, en imposant une limite supérieure de 550 ppm.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean‑Denis Mathias</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toujours à titre d’exemple, prenons cette autre figure qui se concentre sur le taux de réduction possible des émissions de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère. On voit que si nous agissons dès maintenant, une réduction de 33 % de ces émissions d’ici à 2055 sera suffisante pour limiter le CO<sub>2</sub> à 550 ppm en 2100. En revanche, si nous attendons 2035, cette réduction devra atteindre les 46 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175813/original/file-20170627-24786-45nn2n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ensemble des évolutions possibles de réduction des émissions de CO₂ afin de ne pas dépasser une concentration de CO₂ de 550 ppm dans l’atmosphère.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean‑Denis Mathias</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La réduction des émissions ne suffira pas</h2>
<p>Quant à revenir à un taux autour des 350 ppm en 2100, cela ne semble pas possible avec la seule réduction des émissions, même si celle-ci est drastique et immédiate.</p>
<p>Pour atteindre cet objectif, il faudra réaliser en plus 10 % <a href="http://www.smithschool.ox.ac.uk/research-programmes/stranded-assets/Stranded%20Carbon%20Assets%20and%20NETs%20-%2006.02.15.pdf">d’émissions « négatives »</a> d’ici à 2060. Ces émissions dites « négatives » consistent <a href="http://www.ifpenergiesnouvelles.fr/Espace-Decouverte/Tous-les-Zooms/Changement-climatique-Les-technologies-de-captage-du-CO2">à capter le CO₂</a> de l’atmosphère grâce à de nouvelles méthodes de géoingénierie qu’il va falloir développer dans les années à venir.</p>
<p>Ne rien faire aujourd’hui limite notre future capacité d’action. La balle est désormais dans le camp des décideurs publics pour orienter les prochaines politiques climatiques et les programmes de recherche dans le domaine de la géo-ingénierie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78275/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Denis Mathias a reçu des financements de l’ANR.</span></em></p>Depuis 2013, le taux de CO₂ présent dans l’atmosphère a atteint 400 ppm et ne cesse d’augmenter. Mais pour contenir le réchauffement climatique, il va falloir repasser sous le seuil de 350 ppm.Jean-Denis Mathias, Chercheur en modélisation, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/608772016-06-21T04:30:30Z2016-06-21T04:30:30ZL’urgence à s’adapter redessine la lutte contre le changement climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/127108/original/image-20160617-11092-gqbngz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Exbury Egg », la maison flottante imaginée par le designer Stephen Turner. </span> <span class="attribution"><span class="source">exburyegg.me</span></span></figcaption></figure><p>La signature de l’<a href="https://theconversation.com/laccord-de-paris-ou-le-choix-de-la-methode-douce-52597">Accord de Paris</a> en décembre 2015 a marqué une étape importante en matière de coopération internationale. Succès diplomatique, puisque signé par quasiment tous les pays de la planète, il est le résultat d’une volonté commune – qui s’est construite petit à petit <a href="https://theconversation.com/de-kyoto-a-paris-a-la-recherche-de-lefficacite-climatique-58029">depuis l’Accord de Kyoto</a> en 1995 – d’aller dans le même sens : celui de la « décarbonation » de nos économies et de nos modes de vie pour un futur soutenable.</p>
<p>C’est aussi le sens donné à l’objectif politique de limiter le réchauffement global de la planète à <a href="https://theconversation.com/limiter-le-rechauffement-de-la-planete-a-1-5-c-la-question-qui-brule-59507">« moins de +2 °C, voire +1,5 °C »</a> à l’horizon de la fin du siècle (par rapport à la fin du siècle précédent). À ceci près que pour associer cet objectif à un futur « soutenable », il manque encore diverses pièces du puzzle.</p>
<h2>Décarboner les économies et appréhender les impacts</h2>
<p>Tout d’abord, quelle est notre capacité, d’un pays à l’autre, à transformer nos économies au point qu’elles deviennent neutres en carbone ? C’est la question de la mise en œuvre des engagements des pays, point-clé des négociations climatiques post-2015 qui ont repris en mai dernier à Bonn, Allemagne.</p>
<p>Ensuite, et même si la perspective du « moins de +2 °C » nous éloigne considérablement de scénarios catastrophes comme celui du +4 °C représenté par l’un des scénarios du GIEC, quels seront ses impacts ? La science est en effet très claire : même si l’on arrête d’émettre des gaz à effet de serre dès maintenant, des latences dans les processus atmosphériques et océaniques expliquent que des impacts surviendront quand même, voire pour certains telle l’élévation du niveau de la mer, se poursuivront au-delà de ce siècle. Sur ce point de la mesure des risques d'impacts dans un monde à +1,5-2 °C, la science est en marche, notamment dans la perspective de produire un rapport spécial du GIEC.</p>
<p>Enfin, c’est la dernière pièce manquante du puzzle que met en avant <a href="http://science.sciencemag.org/content/352/6291/1280">un article récemment paru</a> dans la revue <em>Science</em> : quelle(s) preuve(s) avons-nous de notre capacité à être adaptés à un réchauffement global de « moins de +2 °C » ? Autrement dit, cet objectif ne peut être qualifié de souhaitable qu’à la condition que les <a href="https://theconversation.com/changements-climatiques-sadapter-57072">sociétés soient adaptées</a> aux impacts inévitables d’un tel réchauffement. C’est une idée forte qui émerge de l’Accord de Paris, même s’il ne la formule pas si explicitement.</p>
<h2>La nécessité de mesurer les progrès d’adaptation</h2>
<p>Ne pas découpler les trajectoires mondiales d’atténuation et d’adaptation sur le XXI<sup>e</sup> siècle suppose d’être en capacité de mesurer les progrès dans un domaine comme dans l’autre. Sur l’atténuation, de nombreux travaux ont été développés dans ce sens depuis plusieurs années, et les <a href="https://theconversation.com/contributions-nationales-50286">« contributions nationales volontaires »</a> (<em>INDCs</em> en anglais) que les pays ont fourni en amont de la COP21 en sont un des achèvements.</p>
<p>En revanche, sur l’adaptation, on part de beaucoup plus loin. D’une part, parce que jusqu’à la COP21, le sujet adaptation n’a quasiment été abordé dans les négociations climatiques que sous l’angle du financement : schématiquement, combien les pays du Nord doivent-ils donner aux pays du Sud pour que ces derniers s’adaptent aux impacts climatiques des activités industrielles des premiers ? D’autre part, parce que la science de l’évaluation de l’adaptation n’en est qu’à ses balbutiements.</p>
<p>Le point remarquable ici, c’est que l’Accord de Paris encourage de manière très claire la communauté internationale à développer un « objectif global d’adaptation » et à réaliser un « bilan global » (<em>global stocktake</em>) sur les progrès en matière d’adaptation. Une telle impulsion devrait permettre d’accélérer les travaux ici et là, et d’apporter en l’espace de quelques années une réponse à la question précédente : sommes-nous, humanité, sur la voie de l’adaptation ?</p>
<p>Il reste des obstacles à lever, comme celui de la définition d’indicateurs de mesure de l’adaptation à l’échelle nationale, sachant que de tels indicateurs doivent à la fois respecter le principe des « circonstances nationales » – c’est-à-dire vraiment refléter les spécificités des territoires, quitte à être différents d’un pays à un autre – et être robustes d’un point de vue scientifique – c’est-à-dire répondre effectivement aux impacts.</p>
<p>L’exercice est rendu complexe notamment par le fait que, puisque nous sommes dans un cadre de négociations politiques, il faut réussir à trouver un compromis entre tensions politiques et objectifs scientifiques. Toutefois, comme c’est le cas dans le domaine de l’atténuation, même un panel d’indicateurs imparfaits sera utile pour aller de l’avant.</p>
<h2>Anticiper les barrières politiques</h2>
<p>Un autre obstacle consiste en l’émergence possible de réticences de divers pays, qu’ils soient pauvres ou riches, à faire état publiquement de leurs efforts d’adaptation. Un pays en développement qui montrera des efforts significatifs aura peut-être peur de se voir amputé de prochains financements internationaux dédiés à l’adaptation, d'autres pays étant jugés plus « prioritaires ». Un pays développé craindra quant à lui, peut-être, les critiques de ses collectivités locales et de son opinion publique à l’égard d’efforts que ceux-ci jugeront insuffisants.</p>
<p>Mais comme pour le domaine de l’atténuation, qui a lui aussi dû affronter (et affronte encore) de nombreux obstacles, il est indispensable de dépasser ces barrières politiques. Une raison majeure est que, outre le temps qui presse, la mal- ou la non-adaptation d’un pays donné pourra avoir des répercussions sur d’autres pays, limitrophes ou plus distants. C’est l’une des conséquences de la mondialisation. Ce sont, par exemple, les migrations internationales après des catastrophes naturelles, ou la fluctuation des marchés agricoles internationaux suite à de fortes intempéries.</p>
<p>Cette « interdépendance » au-delà des frontières nationales doit être pleinement reconnue à l’échelle internationale, ce que commence à faire l’Accord de Paris. Et cela doit amener <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-en-finir-avec-les-idees-recues-sur-la-responsabilite-du-nord-52163">à un renouvellement</a> des « intentions » de coopération : faire état des progrès nationaux en matière d’adaptation ne doit pas être vu comme une nouvelle manière de distinguer les bons des mauvais élèves, au Sud comme au Nord, mais d’abord comme une opportunité d’appréhender la question de l’adaptation à l’échelle globale, ce qui notamment est une nécessité, on l’a vu, pour juger les efforts d’atténuation à la lumière de la « réelle soutenabilité ».</p>
<p>Ce ne sont que des mots, direz-vous, et en un sens vous avez raison ; à ceci près qu’ils sont sous-jacents à l’Accord de Paris qui, lui, est juridiquement contraignant. Ce texte n’est qu’une brique, mais une brique qui, désormais, existe et sur laquelle on peut, générations futures oblige, construire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre K. Magnan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face au changement climatique, l’Accord de Paris encourage la mise en place d’un « objectif global d’adaptation ». Un projet qui réclame de nouvelles formes de collaboration et d’évaluation.Alexandre K. Magnan, Docteur en géographie, Chercheur "Vulnérabilité et Adaptation au changement climatique", IddriLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/580292016-04-22T04:13:37Z2016-04-22T04:13:37ZDe Kyoto à Paris, à la recherche de l’efficacité climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/119898/original/image-20160422-5457-k1l40p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À la COP21 de Paris. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cop21/23097638119/">Arnaud Bouissou/Medde/COP Paris</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Organisée fin 2015 à Paris, la COP21 a été saluée comme un rendez-vous décisif et c’est le texte de son accord que les États <a href="http://www.cop21.gouv.fr/les-prochains-etapes/">signent ce 22 avril 2016</a> à New York. Bien qu’elle s’inscrive dans la même logique « ascendante » (<em>bottom up</em>) – basée sur des <a href="https://theconversation.com/contributions-nationales-50286">objectifs nationaux</a> témoignant d’efforts volontaires – que le sommet Copenhague (2009), réputé être un échec, le résultat de cette COP est perçu positivement.</p>
<p>Quelles évolutions les différentes phases des négociations climatiques ont-elles connues depuis le protocole de Kyoto en 1997 ? Ces évolutions témoignent-elles d’une plus grande efficacité dans la lutte contre les effets des changements climatiques ?</p>
<h2>Kyoto, une contrainte toute relative</h2>
<p>Le <a href="http://unfccc.int/resource/docs/convkp/kpfrench.pdf">protocole de Kyoto</a> est négocié en 1997, puis ratifié en 2005 du fait du retrait américain et des tergiversations russes. C’est une impulsion : il s’agit avant tout d’engager les États sur une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (<a href="https://theconversation.com/gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a>) dont la concentration dans l’atmosphère contribue à l’augmentation de la température moyenne sur Terre.</p>
<p>C’est pourquoi l’objectif collectif semble si peu ambitieux : les engagements nationaux sont fixés dans le cadre des négociations et l’objectif global est de – 5 % d’émissions en 2012 par rapport à 1990. Il est d’autant plus restreint qu’il ne concerne que 55 % des émissions de GES pour 55 pays. Au nom de la responsabilité commune <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-50988">mais différenciée</a>, les pays émergents échappent à cette contrainte.</p>
<p>Kyoto épouse la théorie de Garrett Hardin, la <a href="http://science.sciencemag.org/content/162/3859/1243.full">« tragédie des biens communs »</a>, qui s’appuie sur une parabole s’inspirant de la théorie des jeux : deux éleveurs se partageant un champ auraient, sans l’existence d’une autorité extérieure garantissant la privatisation des pâturages et la mise en œuvre d’un mécanisme de suivi et de contrainte, un comportement court-termiste ; ils laisseraient leurs animaux consommer l’herbe très vite au lieu de s’entendre en vue d’une gestion durable des ressources. Le risque que le voisin « triche » et consomme tout le pâturage est trop grand pour que les deux éleveurs coopèrent.</p>
<p>Suivant cette logique, les COP de Montréal (2005) et de Nairobi (2006) mettent en place un dispositif de suivi et de contrainte, conformément à l’article 18 du protocole pour éviter que certains pays ne se comportent en « passagers clandestins », profitant des bénéfices issus des efforts collectifs sans en faire eux-mêmes. Les émissions doivent être mesurables, vérifiables et rapportées de manière transparente.</p>
<p>Les <a href="http://unfccc.int/parties_and_observers/parties/annex_i/items/2774.php">pays industrialisés</a> sont dans l’obligation de fournir des informations quant à leurs rejets de GES et de s’engager à remplir leurs objectifs. Le non-respect entraîne des <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/compliance/items/3277.php">sanctions</a> : blocage de l’accès au marché du carbone, obligation de prendre des mesures correctrices et celle d’ajouter aux objectifs post-2012 les émissions manquantes, auxquelles s’additionne une pénalité de 30 %.</p>
<p>On le voit, Kyoto et les COP qui suivent visent le développement d’un droit international de l’environnement s’appuyant sur des procédures de contrôle, des amendes et même des procédures d’appel.</p>
<p>Pourtant, le niveau de contrainte et son application sont dépendants des bonnes volontés nationales. Les États qui décident de se retirer du protocole ne peuvent pas faire l’objet de sanctions, à l’image du Canada puis du Japon qui décident de ne pas se réengager pour « Kyoto II » dans le cadre de l’<a href="http://www.presscenter.org/fr/pressrelease/20150605/amendement-de-doha-au-protocole-de-kyoto">amendement de Doha</a>. La sanction en matière d’émissions est soumise aux négociations politiques des COP puisqu’elle s’exerce sur la seconde période d’engagement ; les États ont ainsi intérêt à négocier leur participation contre une remise à plat ou une décote.</p>
<p>Sanctionner en alourdissant les objectifs de réduction de GES reste d’autre part problématique : si un pays décide d’appliquer une politique de passager clandestin, alourdir ses objectifs de réduction est contre-productif et le pousse au retrait. Le niveau de contrainte inscrit sur le papier est donc tout relatif.</p>
<h2>Des négociations plombées par les compromis</h2>
<p>Kyoto portait en lui-même les germes de Copenhague. Pour que le protocole puisse passer en 1997, il a fallu beaucoup de compromis. Les pays de l’Est obtiennent par exemple des objectifs surévalués, basés sur une production industrielle d’avant la chute du mur de Berlin qui s’effondrera au cours des années suivantes. Cela leur permettra de vendre leur surplus de quotas, appelé <a href="http://www.nature.com/news/the-kyoto-protocol-hot-air-1.11882">« air chaud »</a> à d’autres États.</p>
<p>Kyoto aboutit par ailleurs à l’absence d’objectif quantitatif contraignant pour les pays émergents. Il n’est donc pas surprenant que certains de <a href="http://unfccc.int/parties_and_observers/parties/non_annex_i/items/2833.php">ces États</a>, à l’image de la Chine, aient particulièrement rechigné à se fixer des objectifs vérifiables, mesurables et transparents et aient invoqué leur droit au développement en 2009, puis en 2015.</p>
<p>L’« air chaud » et la non-implication des émergents, combinés au précédent du défaut américain (environ 30 % des GES mondiaux d’alors) et au contexte d’affirmation des émergents dans un monde multipolaire aboutissent en 2009 à l’accord de Copenhague (COP15).</p>
<h2>Vers une contrainte de transparence</h2>
<p>La COP15 n’a pas abouti à cet accord contraignant et cohérent avec les objectifs du GIEC qu’espéraient les <a href="http://tcktcktck.org">ONG</a>. Les États sont invités à informer la communauté internationale de leurs propres objectifs nationaux en annexe, la transparence et la vérification par la communauté internationale de la réalisation de ces objectifs sont déficientes et aucun mécanisme de sanction n’est prévu. L’annexe des objectifs nationaux est très loin d’un objectif à 2 °C et repousse à l’après 2020 les mesures d’atténuation les plus importantes pour lutter contre les effets du changement climatique.</p>
<p>En comparaison, l’accord de Paris introduit davantage de transparence et de régularité : les signataires partagent une communication nationale tous les 5 ans, celle-ci suit une méthode commune de mesure et de vérification. Les pays sont tenus de produire cette communication et ainsi d’appliquer les politiques qu’ils se donnent.</p>
<p>Si la COP21 représente un progrès en matière de transparence et d’information par rapport à Copenhague, aucun mécanisme de contrainte et de sanction pour non-réalisation des objectifs n’est prévu, contrairement au protocole de Kyoto.</p>
<h2>Une partition Nord-Sud obsolète</h2>
<p>Dépasser les catégories « pays industrialisés » et « pays émergents » a été essentiel pour qu’un accord climatique fasse sens. Le graphique ci-dessous permet de le comprendre. Il montre les principales tendances en émissions de CO<sub>2</sub> issues des énergies fossiles : on comprend que l’émergence de la Chine et bientôt celle de l’Inde vont bouleverser la hiérarchie mondiale des émetteurs de CO<sub>2</sub>. En 2012, la Chine est devenue le <a href="https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/co2-emissions-from-fuel-combustion-highlights-2015.html">premier émetteur</a> de CO<sub>2</sub> issus des énergies fossiles (27 %) devant les États-Unis (17 %).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/119674/original/image-20160421-27004-1da8gui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les émissions de CO₂ issues des énergies fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IEA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La communauté internationale s’est fixée collectivement à Paris un objectif « bien inférieur à 2 °C » de réchauffement climatique, mais <a href="http://www.unep.org/publications/ebooks/emissionsgapreport/">« le fossé des émissions »</a> demeure très important. Si les <a href="http://www4.unfccc.int/submissions/indc/Submission%20Pages/submissions.aspx">promesses</a> de la COP21 se réalisaient, on s’orienterait vers un réchauffement supérieur à 3 °C, bien trop élevé pour nos capacités d’adaptation.</p>
<h2>De l’importance la pression sociale</h2>
<p>La « tragédie des biens communs » risque-t-elle de se réaliser en l’absence d’un régime climatique doté de sanctions crédibles ? Pas si sûr, tant la théorie de Garrett Hardin repose sur une modélisation jugée simpliste et <a href="http://www.cambridge.org/us/academic/subjects/politics-international-relations/political-economy/governing-commons-evolution-institutions-collective-action">critiquée</a> par Elinor Ostrom en 1990.</p>
<p>Il y a en effet un décalage entre la théorie de Garrett Hardin et plusieurs dizaines de cas empiriques de gestion des ressources naturelles. Elinor Ostrom ajoute que le « jeu » des éleveurs de Garrett Hardin change du tout au tout si l’on introduit notamment la possibilité pour les acteurs de communiquer.</p>
<p>L’autogouvernance des « biens communs » – eau, forêt, ressources halieutiques, etc. – est possible lorsqu’une confiance entre partenaires est instaurée ; par exemple, avec l’introduction d’une communication transparente et une forme de sanction sociale. Un acteur ne trichera pas s’il a trop à perdre socialement et s’il sait que ses voisins jouent le jeu.</p>
<p>L’accord de Paris peut ainsi devenir efficace si les procédures de communication transparentes et régulières sont respectées et si la pression sociale sur les États est telle que les signataires aient intérêt à respecter leurs engagements. Il faut donc garder à l’esprit l’importance de cet engagement citoyen pour arriver à ce que des objectifs de plus en plus ambitieux et les financements promis soient déployés pour un monde bien en deçà du seuil des 2 °C.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58029/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roman de Rafael a reçu des financements du ministère de l’enseignement supérieur (contrat doctoral). </span></em></p>Quelles évolutions les négociations climatiques ont-elles connu depuis le protocole de Kyoto en 1997 ?Roman de Rafael, Doctorant en sciences économiques, LIPHA, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/525972015-12-23T05:42:07Z2015-12-23T05:42:07ZUn an après : L’accord de Paris à la COP21 ou le choix de la méthode douce<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151457/original/image-20161223-17301-e1tvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><span class="source">Remi Malingrëy</span></span></figcaption></figure><p><em>Un an après, <a href="http://www.remimalingrey.com/">Rémi Malingrëy</a> porte un regard graphique et personnel sur l’article de Yves Petit. La COP21 s’était achevée le 12 décembre 2015 dans la liesse avec l’adoption de l’accord de Paris sur le climat. La COP22, qui s’est déroulée du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech – et dont l’objectif principal était de préciser sur plusieurs points l’accord de Paris –, s’est au contraire achevée dans une ambiance plutôt morose, ne parvenant à adopter qu’une feuille de route climatique plutôt floue.</em></p>
<hr>
<p>Sans exagération, il est juste d’affirmer que l’accord de Paris – qualifié de manière quasi unanime d’« historique » – a été conclu dans la liesse et beaucoup d’émotion. Pour le président François Hollande, il constitue « le premier accord universel de l’histoire des changements climatiques » ; pour Laurent Fabius, qui a assuré la présidence de la COP21, il s’agit d’« un accord différencié, juste, durable, équilibré et juridiquement contraignant, qui reconnaît les principes de justice climatique, de responsabilités et capacités différenciées ». </p>
<p>Après de multiples compromis permettant de rallier l’ensemble des Parties (les pays signataires), l’accord de Paris a sans doute perdu en consistance juridique, mais il est assurément le meilleur possible.</p>
<p>Depuis <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2011/cop17/fre/09a01f.pdf">la création</a> du groupe de travail spécial de la plate-forme de Durban pour une action renforcée, un processus a été lancé pour élaborer dans le cadre de <a href="http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">la CCNUCC de 1992</a> « un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique, applicable à toutes les Parties ». Sur la base de cette formule souple et relativement imprécise, la COP21 a adopté l’accord de Paris le 12 décembre 2015. Ce <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09r01f.pdf">texte</a> de 18 pages figure en annexe à une « décision de la COP » de 22 pages qui n’est, contrairement à l’accord, pas soumise à la ratification des Parties. </p>
<p>La structure retenue oblige à jongler entre la décision et le texte de l’accord, car ils se complètent et comportent tous deux des dispositions sur les mêmes questions. À titre d’illustration, l’article 9 de l’accord est relatif aux ressources financières et les paragraphes 53 à 65 de la décision sont regroupés sous le titre « Financement ».</p>
<h2>En rien du « droit mou »</h2>
<p>Contrairement à ce que l’on a pu lire, l’accord de Paris n’est pas un accord historique fondé sur un <a href="http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/14/cop21-un-accord-historique-mais-fonde-sur-un-droit-mou_4831521_4527432.html">« droit mou »</a>, car ce texte et la décision de la COP, qui lui sert en quelque sorte de support, sont d’égale importance et contiennent tous deux à la fois des éléments contraignants et d’autres qui le sont moins. </p>
<p>Il n’est pas contestable que l’accord de Paris soit un traité multilatéral, tout comme <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/items/3274.php">le protocole de Kyoto</a>, et qu’il deviendra juridiquement obligatoire pour les États qui auront décidé de le ratifier. Après son entrée en vigueur, comme n’importe quel traité, il devra être exécuté de bonne foi par les États-Parties, ainsi que le prévoit <a href="https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%201155/volume-1155-I-18232-French.pdf">la Convention de Vienne</a> du 23 mai 1969 sur le droit des traités (article 26 <em>« Pacte sunt servanda »</em>). </p>
<p>Si certaines dispositions de la décision de la COP et de l’accord de Paris entrent dans la catégorie du « droit mou », emblématique du droit international de l’environnement, l’accord de Paris est contraignant à de nombreux égards, et ce en dépit de l’absence d’un mécanisme coercitif ou de sanction. En droit international, en effet, la contrainte ne va pas systématiquement de pair avec ce genre de dispositions, afin de s’assurer que les États respectent leur engagements. </p>
<h2>La nouveauté de la « dénonciation »</h2>
<p>Par rapport au protocole de Kyoto, l’accord de Paris innove : non seulement il comporte, comme c’est la règle, un article sur son entrée en vigueur, mais également un article sur sa dénonciation.</p>
<p>L’article 21 de l’accord de Paris retient les mêmes pourcentages que le protocole de Kyoto : à partir du 22 avril 2016, 55 Parties à la CCNUCC représentant « au total au moins un pourcentage estimé à 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre » devront avoir déposé leurs instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, l’accord entrant en vigueur trente jours après ce dépôt. <a href="http://unfccc.int/files/ghg_data/application/pdf/table.pdf">Un tableau</a> précise le « poids climatique » de chaque Partie dans cette ratification : la Chine compte pour 20,09 %, les États-Unis pour 17,89 %, l’Union européenne pour 12,10 %, la Russie pour 7,53 %, l’Inde pour 4,10 %, et ainsi de suite. Par comparaison avec celui qui a servi à la ratification du protocole de Kyoto, les États-Unis comptaient alors pour 36,1 % des émissions.</p>
<p>Malgré leur poids qui est en diminution, tout a été fait pour s’assurer de leur ratification. <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-contributions-nationales-50286">Les contributions nationales</a> (CPDN), qui forment dorénavant l’ossature du dispositif climatique, sont seulement consignées dans un registre public qui sera tenu par le Secrétariat de la CCNUCC (article 4-12), ce qui ne leur confère pas un caractère obligatoire, les États-Unis ne souhaitant pas lier leur CPDN à un engagement juridiquement contraignant. </p>
<p>Le financement plancher de <a href="https://theconversation.com/apres-la-cop21-la-solidarite-climatique-a-lheure-des-comptes-52452">100 milliards d’euros</a> se trouve ainsi dans la décision de la COP, et non dans l’accord, afin d’éviter une ratification devant le Congrès des États-Unis, où les climatosceptiques dominent. Le désormais <a href="http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/13/cop21-les-six-lettres-qui-ont-sauve-l-accord-sur-le-climat_4830715_4527432.html">célèbre épisode</a> relatif au remplacement du mot <em>« shall »</em> (doit), qui est synonyme de juridiquement contraignant, par <em>« should »</em> (devrait, qui n’est donc plus contraignant) à l’article 4-4 de l’accord s’explique également par l’enjeu lié à la ratification américaine. Cet article ne devait pas créer une nouvelle obligation juridique internationale pour les États-Unis ; il est destiné à permettre au président Obama d’opter pour la voie d’un <em>executive agreement</em> et d’éviter ainsi l’obstacle du Sénat. Il en effet fort probable que si les États-Unis ne ratifient pas l’accord de Paris, la Chine fasse de même !</p>
<p>Semblant en quelque sorte tirer les enseignements de l’échec du protocole de Kyoto et du « retrait » du <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/13/le-canada-quitte-le-protocole-de-kyoto_1617695_3244.html">Canada</a> et du <a href="http://www.lefigaro.fr/environnement/2010/12/02/01029-20101202ARTFIG00689-protocole-de-kyotole-japon-se-desengage.php">Japon</a>, l’article 28 de l’accord de Paris introduit une clause de dénonciation, celle-ci pouvant intervenir « à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent accord », donc en principe à partir de 2023. Un État-Partie qui le désire pourra donc se délier de ses engagements et se retirer de l’accord de Paris, ce qui évitera les errements rencontrés par le protocole de Kyoto. L’accord de Paris pourrait ainsi perdre son caractère universel.</p>
<h2>Réviser pour mieux contraindre ?</h2>
<p>186 Parties à la CCNUCC ont déposé des contributions nationales qui, au total, représentent 98 % des émissions mondiales de GES, ce qui constitue indiscutablement un succès, mais dessine toutefois une trajectoire de réchauffement de 3 °C, voire davantage. Une première difficulté découle par conséquent du fait qu’elles sont largement insuffisantes pour respecter le seuil de 2° C – encore moins l’objectif de 1,5 °C – ce que reconnaît le paragraphe 17 de la décision de la COP, selon lequel « des efforts de réduction des émissions beaucoup plus importants que ceux associés aux CPDN seront nécessaires ». </p>
<p>Une seconde provient de leur « positionnement », car elles n’ont trouvé de vraie place ni dans la décision ni dans l’accord, en dépit des dispositions qui leur sont consacrées (décision, points 12-21 et accord, articles 3 et 4), mais simplement dans un registre extérieur. Malgré leur portée décisive, elles n’ont donc pas à première vue une valeur contraignante.</p>
<p>Afin de remédier à cette absence de portée contraignante des CPDN, une clause de rendez-vous ou de révision quinquennale a été prévue au paragraphe 9 de l’article 4 de l’accord. Le paragraphe 3 du même article précise fort à propos que « la CPDN suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la CPDN antérieure et correspondra à son niveau d’ambition le plus élevé possible ». Les CPDN devront donc être revue systématiquement à la hausse, ce qui équivaut à leur redonner un potentiel contraignant, d’autant plus qu’un bilan collectif des progrès devra être réalisé en 2018, grâce à l’organisation d’un dialogue de facilitation entre les Parties. </p>
<p>Ce principe d’une revue tous les cinq ans des progrès accomplis en vue d’atteindre les objectifs à long terme retenus avait fait l’objet d’un accord entre la France et la Chine dans <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-presidentielle-commune-de-la-france-et-de-la-chine-sur-le-changement-climatique/">la déclaration présidentielle</a> commune sur le changement climatique signée le 2 novembre 2015. </p>
<p>Cette solution tout de même un peu baroque, laissant les CPDN en orbite si l’on peut dire, évite de mettre le président Barack Obama en difficulté devant le Congrès. Leur caractère non contraignant s’explique donc, mais il est compensé par le fait que le cadre de transparence de l’article 13, et la procédure de non-respect de l’article 15, destinés à garantir la crédibilité des efforts des Parties, sont en revanche contraignants. </p>
<p>Un sentiment mitigé demeure cependant, car la première révision n’a vocation à intervenir qu’en 2025, puisque l’accord est censé entrer en vigueur en 2020. De plus, selon Jean Tirole, le mécanisme quinquennal de révision des ambitions <a href="https://theconversation.com/accord-de-paris-encore-un-long-chemin-52338">« ignore ce que les économistes appellent l’effet de cliquet »</a>, ce qui n’assure pas forcément une révision à la hausse des ambitions, car on a tendance à demander « toujours plus au bon élève ». L’UE, rejointe notamment par les États-Unis et le Brésil, qui a joué un rôle de pionnier dans la mise sur pied de la coalition pour une ambition élevée, semble bien consciente de ce risque.</p>
<h2>Ni intrusion, ni judiciarisation</h2>
<p>Dans le but de garantir le respect d’engagements permettant la gestion d’intérêts communs à l’ensemble des Parties, les rédacteurs du protocole de Kyoto, ayant pour modèle <a href="http://www.un.org/fr/events/ozoneday/montreal.shtml">le protocole de Montréal</a> relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, ont prévu un mécanisme d’observance. Ce genre de mécanisme, que l’on considère comme un substitut à l’application des principes de la responsabilité internationale que les États ne souhaitent pas mettre en œuvre dans le domaine de l’environnement, est appréhendé comme un remède au mal chronique dont souffre le droit international de l’environnement, à savoir son absence d’effectivité. La procédure hybride prévue, oscillant entre incitations et sanctions, n’a pas été mise en œuvre, ce qui n’est pas sans répercussions dans l’accord de Paris.</p>
<p>L’accord de Paris n’a, en effet, pas retenu un système d’observance, mais un système MRV <em>(Monitoring, reporting and verification</em> ou <em>measurable, reportable and verifiable)</em> applicable à l’ensemble des Parties. D’une part, le cadre de transparence comprend une obligation d’inventaire des émissions anthropiques par les sources et des absorptions anthropiques par les puits de GES, ainsi que « les informations nécessaires au suivi des progrès accomplis » (accord, art. 13-7). </p>
<p>D’autre part, un examen technique par les experts permettra de mettre « en évidence les domaines se prêtant à des améliorations chez la Partie concernée », ce qui aura pour effet de l’obliger à respecter l’accord de Paris et renforce la contrainte à son égard (accord, art. 13-12). Il contient également une procédure de non-respect à l’article 15, qui doit faciliter sa mise en œuvre et promouvoir son respect. Cet article prévoit la constitution d’un comité d’experts dont le travail sera axé uniquement sur la facilitation (et non plus sur la facilitation et l’exécution comme <a href="http://www.decitre.fr/livres/changements-climatiques-les-enjeux-du-controle-international-9782110067302.html">prévu</a> par le protocole de Kyoto). Il fonctionnera « d’une manière qui est transparente, non accusatoire et non punitive » et en tenant compte de la situation et des capacités respectives des États parties.</p>
<p>Comme le président de la COP21 l’a répété à de nombreuses reprises, l’enjeu de la transparence et de la procédure de l’article 15 est d’établir confiance et dialogue entre des Parties, qui ont des intérêts fort divergents. Sachant que la transparence permet de mettre en jeu la réputation d’un État, il n’est aucunement question dans le domaine de l’environnement d’opter pour des procédures et des mesures de vérification intrusives, comme en matière d’armement, ou bien de s’engager sur la voie d’une judiciarisation avec condamnation des États défaillants, même si aux Pays-Bas <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/06/24/l-etat-neerlandais-condamne-en-justice-a-reduire-ses-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre_4660674_3244.html">un tribunal a ordonné</a> à l’État de réduire ses émissions de GES. Le droit de l’environnement n’est pas encore prêt pour un tel <em>aggiornamento</em> ; les souverainetés étatiques restent sur leurs gardes !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tirant les leçons des ratés du protocole de Kyoto, le texte adopté à la COP21 a banni le mot « sanctions » de son vocabulaire, optant pour une approche qui favorise la révision et la transparence.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/516732015-12-03T05:39:58Z2015-12-03T05:39:58ZAccord sur le climat : la France et l’Europe condamnées à jouer les seconds rôles<p>La conférence climatique qui se tient en ce moment sur le site de Paris-Le Bourget constitue le plus grand événement diplomatique jamais accueilli en France, même si les 40 000 personnes dont on prévoyait la venue avant les attentats du 13 novembre ne seront pas toutes présentes. </p>
<p>C’est François Hollande qui avait proposé, en septembre 2012, la tenue de cette réunion exceptionnelle, afin de « parvenir à un accord global sur le climat en 2015 ». De ce point de vue, ce sera un succès : les 195 États présents plus l’Union européenne (les « parties » signataires de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques de 1992) devraient valider le 11 décembre, à l’unanimité ou par consensus (les deux voies sont possibles), l’« Accord de Paris ». </p>
<h2>Washington et Pékin à la barre</h2>
<p>Il n’y aura cependant pas lieu de trop bomber le torse. L’empreinte de la France, comme celle de l’Union européenne, dont elle coordonne les positions, sera faible ; ni l’une ni l’autre n’ont les moyens de faire prévaloir leur point de vue ou leurs préférences. La colonne vertébrale de l’accord attendu à Paris est déjà connue. Elle a été préemptée, hors du continent européen, par le G2 climatique États-Unis/Chine. L’accord, contrairement aux attentes répétées du président Hollande et à la position de l’Union européenne, ne sera pas juridiquement contraignant, du moins sur l’essentiel, c’est-à-dire les objectifs de réduction des émissions.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/les-etats-unis-non-a-la-contrainte-oui-a-la-transparence-51448">Les États-Unis</a> ont été les premiers pays à faire connaître, le 12 février 2014, leurs propositions pour la conférence : premièrement, un accord sur des politiques strictement nationales, en lieu et place d’une grande construction internationale du type protocole de Kyoto ; deuxièmement, non plus des engagements, mais des <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-contributions-nationales-50286">« contributions nationalement déterminées »</a>, c’est-à-dire des promesses de réduction des émissions laissées à l’appréciation de chaque pays, selon son stade de développement, ses contraintes et possibilités d’action. Ces contributions, modestes, seront révisées périodiquement (la première fois, en 2025) et progressivement augmentées (c’est ce qui est espéré) par degré.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-chine-veut-mettre-sur-pied-le-plus-grand-marche-du-carbone-au-monde-51447">La Chine</a> marquera son accord total avec toutes les revendications des pays en développement à Paris. Mais elle se trouve sur la même ligne que les États-Unis concernant la colonne vertébrale des politiques à conduire. L’accord climatique États-Unis/Chine, signé le 12 novembre 2014 et préparé depuis plusieurs années par une diplomatie américaine très active, peut être analysé comme une sorte de déclaration officielle de <em>leadership</em>, de cogouvernance de la planète, sur les bases voulues par ce G2 climatique. De surcroît, l’acceptation de politiques nationales, d’ambitions variables et hétérogènes, est manifestement le (plus petit) dénominateur commun à la majorité des pays pour parvenir à la signature d’un accord. La France et l’Union européenne n’y pourront rien.</p>
<h2>Un accord « contraignant » <em>a minima</em></h2>
<p>Le 2 novembre, depuis Pékin, le président Hollande, se félicitait d’une déclaration commune avec son homologue Xi Jinping, aux termes de laquelle la Chine s’engageait pour un « accord juridiquement contraignant » à Paris, avec des objectifs revus tous les cinq ans : « un pas majeur », déclarait Hollande. Non, un petit pas. Le plus grand a déjà été fait, de concert, par les États-Unis et la Chine. </p>
<p>La forme juridique que prendra l’Accord de Paris demeure imprécise. Mais, là encore, le poids des États-Unis pèse déjà. Ce ne sera pas un protocole – qui demande à être ratifié par les parlements nationaux, opération inenvisageable pour Washington, où une telle ratification exigerait ce que l’on appelle une « super majorité » des deux tiers des 100 sénateurs, impossible à réunir. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ainsi que le président Hollande, militent avec force pour l’obtention d’un « accord global contraignant ». Quant à l’Union européenne, elle souhaitait toujours, lors de la présentation de sa contribution chiffrée pour Paris, le 6 mars 2015, que le futur accord soit juridiquement contraignant et prenne, de préférence, la forme d’un protocole à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>).</p>
<p>Au vu des positions déjà connues des grands acteurs de la négociation, on voit mal comment il pourrait en aller ainsi. En juillet 2015, Todd Stern, le négociateur américain pour le climat, indiquait que son pays soutiendrait que les mesures de transparence, de communication et de <em>reporting</em> des contributions de chacun soient « légalement contraignantes », mais qu’il s’opposerait à ce que les objectifs de réduction, eux, le soient. </p>
<p>La Chine est à peu près sur la même ligne : dans sa contribution pour la conférence de Paris, annoncée le 30 juin 2015, elle s’est prononcée pour un accord « légalement contraignant », mais elle semble entendre par là uniquement le fait de lister séparément les contributions des pays développés et en développement dans les décisions de la conférence. Les subtilités langagières seront à préciser, mais le vocable <em>binding</em> (contraignant) figurera dans la version en anglais de l’accord de Paris. Les États-Unis et la Chine – à leurs conditions –, n’y feront pas obstacle. Mais il n’obligera pas à grand-chose. Un compromis a minima dont la présidence française de la COP21 devra se satisfaire.</p>
<h2>L’Union européenne paralysée</h2>
<p>Il y a plus désolant. La période d’engagement initial du protocole de Kyoto – pierre d’angle de la politique climatique européenne – a pris fin en décembre 2012. L’Union européenne a obtenu, lors de <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/11/climat-un-accord-a-durban-pour-un-nouveau-pacte-mondial-en-2015_1617160_3244.html">la Conférence de Durban</a> en 2011 (COP17), l’acceptation de la prorogation de celui-ci jusqu’en 2020. L’officialisation du prolongement de Kyoto est cependant toujours en attente. Le protocole a été signé par 192 pays. Pour qu’il soit officiellement prorogé, il faut que les parlements de 75 % au moins des signataires, soit 144 États, aient ratifié cette prorogation (en termes onusiens, le Doha Amendment to the Kyoto Protocol). </p>
<p>À l’ouverture de la COP, quatre années après Durban, 54 pays seulement avaient ratifié l’Amendement de Doha. Le Parlement français a bien autorisé, le 18 décembre 2014, le prolongement de Kyoto. Mais, le 27 octobre dernier, le président conservateur polonais Andrzej Duda a opposé, lui, son veto à cette ratification. </p>
<p>Le résultat est là : l’Union européenne se trouve paralysée et ses 28 pays sont absents de la liste de ceux ayant officiellement ratifié (à la date du 30 novembre 2015) le prolongement de Kyoto. Il semble très compliqué de décider depuis Bruxelles, et tout particulièrement pour ce qui est de l’attitude adoptée par Varsovie. Sur ce point qui fâche, rien ne sera dit à Paris… C’est peut-être mieux pour la crédibilité de la diplomatie climat du Vieux Continent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Damian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France et l’Union européenne sont-elles condamnées à jouer les seconds rôles à la COP21, éclipsées par le duo sino-américain qui mène la diplomatie climatique mondiale ?Michel Damian, Professeur émérite, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/515492015-12-01T05:38:08Z2015-12-01T05:38:08ZLe Canada va-t-il sortir de sa schizophrénie climatique ?<p>Ces dix dernières années, les Canadiens ont surtout montré leurs mauvais côtés en matière de lutte contre le changement climatique. Nous nous sommes non seulement retirés du Protocole de Kyoto en 2011, mais nous avons aussi affaibli la protection de l’environnement, en débattant sans fin sur la construction d’oléoducs pour acheminer le pétrole brut depuis les <a href="http://www.anl.gov/articles/argonne-analysis-shows-increased-carbon-intensity-canadian-oil-sands">sables bitumineux</a>, riches en carbone.</p>
<p>Si l’engagement du Canada à réduire ses émissions est assez comparable à celui d’autres pays industrialisés, on lui a néanmoins <a href="https://theconversation.com/canadas-climate-target-is-a-smokescreen-and-full-of-loopholes-42167">reproché d’être insuffisant</a> par rapport à ceux de l’Union européenne notamment.</p>
<p>Parmi les points positifs, citons néanmoins la Colombie-Britannique, qui est parvenue à mettre en place <a href="http://www.fin.gov.bc.ca/tbs/tp/climate/carbon_tax.htm">une taxe carbone</a> sans que cela affecte ses recettes, et l’Ontario, qui a abandonné progressivement <a href="http://e360.yale.edu/feature/how_ontario_is_putting_an_end_to_coal-burning_power_plants/2635/">les centrales au charbon</a> et adopté le système des quotas, à la suite du Québec et de la Californie, afin de continuer à réduire ses émissions.</p>
<p>À l’échelle des villes, l’ancien maire de Toronto, David Miller, a présidé le C40, un groupe d’action international sur le climat réunissant les maires de grandes villes. Le Canada est l’un des pays les plus avancés en matière de recherche et développement autour des technologies à faible intensité carbonique, notamment dans le secteur de la <a href="https://www.concordia.ca/research/zero-energy-building.html">construction d’habitations passives</a>. Il utilise également des sources d’électricité à faible intensité carbonique, plus propres que la plupart des autres pays, grâce à sa forte production d’énergie hydraulique.</p>
<p>La question est maintenant de savoir si le nouveau gouvernement libéral saura tirer parti de l’optimisme et de la détermination du Premier ministre, Justin Trudeau, pour faire évoluer les comportements canadiens et nos relations avec le reste du monde. La composition du nouveau cabinet est un premier signe de ce changement : il inclut <a href="http://www.thestar.com/news/canada/2015/11/09/canadas-new-environment-minister-backs-climate-change-science-in-paris.html">une ministre</a> de l’Environnement et du Changement climatique. Le prédécesseur de Justin Trudeau, Stephen Harper, était quant à lui un <a href="https://theconversation.com/is-lagging-on-climate-change-a-political-liability-49574">fervent défenseur</a> des intérêts de l’industrie pétrolière.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101140/original/image-20151107-16239-n3cjtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des sables bitumineux à Alberta : le pétrole contenu dans l’asphalte est extrait à l’aide d’un procédé encore plus polluant que celui des puits de pétrole.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/howlcollective/6544064931/in/photolist-aYh3vH-r2P69j-ufTvft-ufKYAB-tj1xgg-tiKf9b-ufoyoN-tiRdwk-tX3fS3-tYazRY-tYbChL-tYhsyX-ufzvGd-tiTTNc-tiYaQq-tYg7ES-ug1M9e-tiXQq3-ug88Y8-ufyYuo-tj8DPc-tYiV7V-ufRtWF-kDwHyR-kDBs8b-tiZg5R-thnXSb-uexFM6-8k4DSx-tiRKp2-tY86XU-thF92L-ufxUMW-thJ2Fy-kDuuLk-kDuC4r-kDtRkD-8BiMmC-6XCD7G-8BiMoN-8BiMtW-7HDaZ4-6XyG3P-kDCXuq-ufv5PW-tYnvGm-ucj9Fh-8jzTsn-8jzTXT-tiRMj5">howlcollective/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Encore beaucoup à faire</h2>
<p>Il est aujourd’hui bien possible qu’au sortir de la COP21 notre position soit sensiblement différente de ce qu’elle aurait été avec Stephen Harper.</p>
<p>À mon sens, les libéraux peuvent changer la donne à deux niveaux. Tout d’abord, le Canada devrait adopter des réglementations plus strictes, tout en tirant profit des dépenses gouvernementales consacrées à l’infrastructure. Il poursuivrait ainsi son engagement de réduction des émissions et sortirait des seuls mécanismes du marché du carbone. Ensuite, si Justin Trudeau fait preuve d’audace, il pourrait tenter de sortir de l’impasse de la réduction des <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a> en incitant les autres dirigeants à s’intéresser davantage aux sources d’électricité propres.</p>
<p>Il est important de rappeler que l’objectif canadien d’une réduction de 30 % des émissions de GES d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005 n’est pas une mince affaire. Pour atteindre cet objectif, <a href="http://news.gc.ca/web/article-en.do?nid=974959">le pays prévoit</a> d’adopter une réglementation visant à diviser par deux la consommation et les émissions des voitures et camionnettes entre 2008 et 2025. Quelques améliorations sont également prévues pour les camions.</p>
<p>L’industrie pétrolière et chimique (y compris la production d’engrais) n’échappera pas aux réductions de ses émissions, en particulier d’hydrofluorocarbures, qui participent au réchauffement climatique. Le Canada a déjà interdit la construction de nouvelles centrales au charbon. Il souhaite à présent <a href="http://news.gc.ca/web/article-en.do?nid=974939">améliorer le rendement</a> des centrales au gaz naturel.</p>
<h2>Un prix du carbone fixé au niveau national ?</h2>
<p>Avant son élection, Justin Trudeau avait déclaré vouloir suivre l’exemple de certaines provinces, en instaurant <a href="http://www.theglobeandmail.com/news/politics/trudeau-vows-to-adopt-carbon-pricing-if-liberals-win-election/article22842010/">un prix du carbone</a> au niveau national. Cette stratégie pourrait s’avérer payante, mais les libéraux devront éviter les débats interminables sur les <a href="http://www.env-econ.net/carbon_tax_vs_capandtrade.html">mérites respectifs</a> des quotas et de la taxe carbone. Si l’on veut vraiment réduire les émissions, il faudra probablement taxer le carbone au même taux qu’en Suède, soit environ 140 euros par tonne, un prix cinq fois supérieur à celui pratiqué en Colombie-Britannique. Reste à savoir si les Canadiens accepteront de payer ce surcoût indispensable pour s’assurer que les mesures seront vraiment efficaces.</p>
<p>Les libéraux pourraient mettre en place d’autres mesures et stratégies d’investissement afin de dépasser l’engagement initial d’une réduction de 30 %. Les normes de construction pourraient être durcies, par exemple, en imposant un meilleur rendement énergétique, proche de celui des bâtiments passifs.</p>
<p>En promettant, pendant la campagne, d’investir davantage dans l’infrastructure des villes et communautés canadiennes, les libéraux ont peut-être créé des opportunités que le gouvernement précédent n’avait pas saisies. Les transports en commun à faible intensité carbonique, les véhicules électriques et les normes plus contraignantes de consommation énergétique des logements publics sont autant de dépenses en infrastructures qui participent à limiter les changements climatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101141/original/image-20151107-16242-natpw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La production d’électricité canadienne ne nécessite que peu de carbone, car elle repose en grande partie sur l’énergie hydraulique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aeriel_picture,_Revelstoke_Dam.jpg">Arsenikk</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Le Canada pourrait cependant aller beaucoup plus loin grâce à son large parc de production d’électricité propre. La plupart de ses provinces, dont les plus peuplées – la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec – s’appuient en effet largement sur l’énergie hydraulique, les énergies renouvelables et, dans le cas de l’Ontario, le nucléaire. Dans un monde où le carbone n’a plus bonne presse, c’est un avantage économique incontestable.</p>
<p>Car la réduction des émissions de GES passera nécessairement par le secteur de l’électricité, responsable de 30 % des émissions dans les pays développés. Comme elle est inhérente à la croissance économique, ce chiffre va continuer à grimper.</p>
<p>Pour se détacher des combustibles fossiles, <a href="http://www.iea.org/etp/etp2014/">l’électricité</a> offre les meilleures perspectives. Cela implique, par exemple, de remplacer les moteurs et chaudières à combustion par des véhicules et des pompes à chaleur électriques. Néanmoins, une réduction sensible des émissions de GES ne se fera que si cette électricité provient de sources propres, comme c’est déjà le cas dans la plupart des provinces canadiennes.</p>
<h2>Vers une électricité moins polluante</h2>
<p>Pendant la COP21, les participants vont négocier la quantité totale de GES qu’ils sont autorisés à émettre, principalement en fonction des tonnes de CO<sub>2</sub> émises par chaque pays.</p>
<p>Dans un autre article, j’avais <a href="http://www.nature.com/nclimate/journal/v5/n3/full/nclimate2494.html">évoqué une unité de mesure</a> universelle qui pourrait servir aux États afin de calculer leur contribution effective à la lutte contre le changement climatique. Il s’agit de l’intensité carbone de la production électrique, c’est-à-dire la quantité d’émissions générée par unité de production d’électricité.</p>
<p>Pourquoi le Canada se contenterait-il d’être à l’avant-garde de la production d’électricité propre, alors qu’il peut s’engager à diminuer l’intensité carbone de ses ressources, et encourager ses homologues à en faire de même ?</p>
<p>Justin Trudeau est, sans nul doute, bien mieux placé que son prédécesseur pour mettre en avant les actions positives du Canada en matière de gestion des changements climatiques. Mais il ne peut faire oublier que son pays compte parmi ceux qui émettent le plus de GES par habitant.</p>
<p>Pour améliorer son image, le Canada ne pourra pas se contenter de sa promesse de réduire ses émissions de 30 %. Les libéraux devraient tirer profit du programme de dépenses du pays dans les infrastructures. Mais Justin Trudeau pourrait aller encore plus loin et renforcer notre position dans les négociations, en tant que producteurs d’électricité propre.</p>
<p><br>
<em>Traduit de l’anglais par Maëlle Gouret/<a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51549/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher Kennedy receives funding from the Natural Sciences and Engineering Research Council of Canada to research on low carbon cities, infrastructure and buildings in a global context. </span></em></p>Le Canada, héraut des mesures à prendre pour limiter le changement climatique, est paradoxalement l’un des États les plus à la traîne en la matière.Christopher Kennedy, Professor of Civil Engineering, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/512922015-11-27T05:43:33Z2015-11-27T05:43:33ZLes inégalités sociales, première source de pollution ?<p>Aujourd’hui, alors que la COP21 s’ouvre dans quelques jours, on fait de plus en plus le lien entre questions environnementales et inégalités sociales. Mais c’est avant tout en mobilisant la notion de « justice environnementale », comme le font à la fois des philosophes comme Catherine Larrère et des économistes comme Éloi Laurent ou plus largement les chercheurs de l’<a href="http://www.iddri.org/">IDDRI</a>. La question est alors de décrire et de questionner l’inégale distribution des risques environnementaux entre individus, au sein d’un pays le plus souvent, pour examiner en quoi cela affecte les inégalités sociales ; quelles sont, en d’autres termes, les incidences sociales des périls environnementaux ? Les inégalités sociales sont alors positionnées en aval (comme une conséquence).</p>
<p>Mais on peut aussi, perspective bien plus rare et pourtant à nos yeux tout aussi pertinente, les positionner en amont. On se demande alors dans quelle mesure les inégalités sociales en elles-mêmes accroissent les problèmes environnementaux, avec les questions de justice afférentes. En d’autres termes, il s’agit d’interroger le coût et le caractère écologiquement soutenable des inégalités, non seulement au sein d’un pays, mais aussi entre pays.</p>
<p>Les inégalités mondiales, entre tous les habitants de la planète, sont évidemment condamnables en termes éthiques : rien ne peut justifier que selon le pays où l’on a la chance ou la malchance de naître, l’espérance de vie soit d’une cinquantaine d’années (au Tchad) ou supérieure à 82 ans (au Canada). Alors qu’on ne choisit pas son pays et que, par ailleurs, nous autres pays riches ne sommes pas sans responsabilité dans la situation de nombre de pays pauvres, on a là une injustice (globale) majeure.</p>
<h2>Des inégalités délétères à tous les niveaux</h2>
<p>Mais au-delà des arguments éthiques qui peuvent toujours donner matière à débats, il est nécessaire de mobiliser aussi, pour convaincre de la nécessité de lutter contre les inégalités planétaires, des considérations empiriques concrètes montrant que ceci va dans le sens de nos propres intérêts. Les arguments sont à la fois de nature sociologique et de nature économique, mais aussi, perspective moins courante, mais tout aussi pressante, de nature écologique. Ils amènent tous à conclure que les inégalités sont, de manière générale et en elles-mêmes, délétères pour toute société, et aussi dangereuses à l’échelle du monde.</p>
<p>Pour ce qui est des aspects sociaux et économiques, un certain nombre de travaux montrent que les inégalités en général (tant au niveau intra pays qu’inter-pays) constituent une menace à la fois pour le bien-être, la cohésion sociale et la démocratie. Sans développer ce point, il faut prendre au sérieux le fait qu’aujourd’hui, les inégalités internationales sont bien connues de tous. On ne peut plus guère ignorer la richesse des autres, et s’il est difficile de prévoir les effets de cette prise de conscience, il est peu probable que cela laisse indifférent. Ces inégalités entraînent-elles, chez les plus pauvres, de l’envie, une honte, un sentiment d’impuissance ? Entraînent-elles une volonté de ressembler aux plus riches de la planète, à tout prix ? Les analyses empiriques manquent sur ces questions. Mais même s’il est certain que les inégalités mondiales sont moins prégnantes que celles qui existent au sein des pays, il ne fait pas de doute que la globalisation change les références à l’aune desquelles on se juge (relativement) pauvre ; les habitants des pays pauvres risquent donc de se sentir de plus en plus pauvres, par rapport à des pays riches de plus en plus proches.</p>
<p>Dans un monde où les interactions globales ainsi que les possibilités de déplacement sont plus nombreuses, on peut alors s’attendre à davantage de mouvements migratoires. Ceci nourrit à son tour toutes les politiques de repli parfois racistes ou xénophobes : les pays riches construisent des textes ou des murs pour essayer de se protéger des migrants venus des pays pauvres, question appelée à devenir chaque jour plus brûlante et qu’illustre l’actualité la plus récente… Parmi les effets sociaux de fortes inégalités entre pays, on peut également évoquer des tensions politiques grandissantes, certaines guerres liées à l’accès à des ressources naturelles rares ou à des problèmes climatiques, voire la montée des intégrismes religieux.</p>
<h2>Une menace pour la croissance économique ?</h2>
<p>Concernant l’impact économique des inégalités, il faut rappeler que les économistes libéraux ont longtemps défendu les inégalités : dès lors que les chances de tous sont raisonnablement égales sur un marché où prévaut une concurrence non faussée, pourquoi se soucier de ces inégalités qui sont plutôt un signe de bonne santé de l’économie ? On a aussi longtemps argué du <em>trickle-down effect</em> – effet de ruissellement : l’enrichissement des riches tire les pauvres vers le haut, et bénéficie à tous puisque cela stimule la croissance. La meilleure façon d’aider les pauvres était donc d’assurer la croissance ; c’est d’ailleurs ainsi que l’on a pu justifier, notamment aux États-Unis, d’alléger la pression fiscale sur les plus riches, pour que le ruissellement se fasse au mieux…</p>
<p>Aujourd’hui, ces thèses sont largement discutées : d’une part, les inégalités non seulement ne seraient pas favorables à la croissance, mais pourraient au contraire la freiner ; d’autre part, la croissance ne serait pas forcément suffisante pour réduire les inégalités. L’économiste américain Joseph E. Stiglitz l’affirme : <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_prix_de_l_in%C3%A9galit%C3%A9-345-1-1-0-1.html">le prix de l’inégalité</a>, c’est la détérioration de l’économie, qui devient moins stable et moins efficace, à tel point que les inégalités ne seraient pas sans responsabilité dans la récente crise financière elle-même. Ceci s’accompagne à ses yeux d’une perte de confiance dans la démocratie et dans l’idéal américain d’égalité des chances. S’y ajoute la course au statut social dont profitent ceux qui sont déjà le mieux dotés au départ. Stiglitz, tout en récusant l’effet de ruissellement, pointe ce qu’il appelle un « comportementalisme du ruissellement », à savoir cette sensibilité de chacun à la consommation des autres qui prospère sur un fond d’inégalités importantes et en même temps les pérennise.</p>
<p>Si donc, on ne croit plus, bien au contraire, que les inégalités favorisent la croissance (c’est là l’argument majeur « anti-inégalité » d’organismes jusqu’alors obsédés par la croissance comme l’OCDE), on ne croit plus non plus que la croissance serait non seulement nécessaire, mais quasiment suffisante pour réduire durablement la pauvreté. Les bénéfices apportés par la croissance se distribuent différemment selon l’état des sociétés, et en particulier leur niveau d’inégalité : plus les pays sont inégalitaires, moins la croissance économique « profite » aux plus pauvres.</p>
<p>Enfin et peut-être surtout, il faut compter de plus avec les effets des inégalités globales (voir notamment l’ouvrage de Jean-Michel Sévérino et Olivier Ray, <em><a href="http://www.decitre.fr/livres/le-grand-basculement-9782738126856.html">Le Grand Basculement</a></em>) : les inégalités entre pays – et particulièrement les différentiels importants de salaires et de pouvoir d’achat entre pays riches et pays pauvres – engendrent un modèle économique du « pauvre vers le riche », un modèle qu’ont su exploiter des pays émergents comme l’Inde ou la Chine ; ceux-ci vendent aux riches les produits qu’ils produisent à bas coûts, en profitant précisément des inégalités entre pays riches et pays pauvres. Une conséquence, au sein de ces pays, est que ce modèle néglige à la fois les producteurs – mauvaises conditions de travail, salaires très faibles – et les consommateurs puisque le marché intérieur passe après les exportations. Dans les pays riches, si les consommateurs bénéficient de produits bon marché, les délocalisations et le chômage viennent contrebalancer ce « bénéfice » ; et, par ailleurs, que les pays pauvres deviennent en s’enrichissant des clients solvables pourrait leur être très bénéfique. Pour les pays pauvres comme pour les plus riches, ce modèle ancré dans les inégalités entre pays est donc insoutenable.</p>
<h2>Des inégalités insoutenables pour la planète</h2>
<p>Il l’est aussi si l’on se place au niveau de la planète : dans un monde fini, les inégalités constituent une menace. Pour défendre cette thèse, il faut mettre en relation le social et l’écologique, et se demander spécifiquement dans quelle mesure les inégalités sociales elles-mêmes sont susceptibles d’affecter – de fait, d’accroître – les problèmes environnementaux, alors qu’une société – au niveau des États comme au niveau de la planète – moins inégale rendrait davantage possible leur résolution.</p>
<p>Nous l’avons évoqué, en accroissant les compétitions entre personnes, l’inégalité ajoute à la pression pour consommer comme moyen d’exprimer son statut. Pour les individus, cela à pousse à travailler ou à s’endetter toujours davantage et au niveau collectif, cela engendre une spirale sans fin de croissance économique, de destruction des ressources et de pollution. Le risque est alors que, avec la mondialisation et la diffusion d’un certain style de vie – qu’on pense au mode de vie des « super-riches » occidentaux mis en scène dans les séries télévisées –, les inégalités par rapport à cette norme, à la fois au sein des pays et entre pays, engendrent une course à une consommation distinctive ruineuse pour la planète. Ceci dans un contexte où, dès lors que les ressources de la planète sont finies et que les interdépendances entre pays sont étroites, du fait de la globalisation, les consommations des riches ont un impact sur le sort des pauvres. C’est le cas quand les classes moyennes indiennes et chinoises imitent le régime alimentaire carné des pays riches ; il en résulte par ricochet une augmentation du prix des céréales qui lui-même est responsable des émeutes de la faim de 2008.</p>
<p>Il est donc clair que non seulement l’inégalité est socialement corrosive, mais constitue l’obstacle le plus significatif à un niveau d’activité économique soutenable en termes écologiques. De plus, les inégalités entre pays autorisent des jeux de pouvoir non neutres en matière environnementale. Tant qu’il y a des pays riches et des pays pauvres, les premiers ont le pouvoir et la capacité de transférer leurs pollutions dans les seconds. Alors que, si l’on allait vers des rapports de force moins léonins, et des réglementations internationales garantissant des marchandages moins déséquilibrés, on voit mal ce qui pousserait les pays pauvres à accepter sans broncher d’accueillir sur leur sol tous les déchets des pays riches ou à brader à des firmes étrangères le droit d’exploiter leurs ressources naturelles. Et dans ce cas, les pays riches seraient incités bien plus qu’actuellement à limiter leur pollution.</p>
<h2>Les pollueurs et les autres</h2>
<p>On peut ajouter que tout comme les inégalités s’avèrent, de manière générale, nuisibles à un fonctionnement démocratique, l’atteinte d’un consensus mondial sur les questions environnementales et la gestion des biens communs est d’autant plus réalisable que sont limitées les inégalités entre pays. Que les inégalités majorent les tensions est patent lors des réunions internationales successives, notamment depuis le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto</a> et les <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">COP</a> successives ; les questions de changement climatique y sont à présent posées en termes de justice entre pays riches pollueurs et les autres : les dégradations découlant du changement climatique mettent en péril les droits humains les plus élémentaires dans certaines parties du monde, alors que la responsabilité en revient historiquement et dans une grande mesure aux pays riches.</p>
<p>Ces lectures divergentes confortées par des inégalités de pouvoir vont d’autant plus peser dans les débats internationaux qu’il y a parfois des arbitrages à faire entre des mesures allant dans le sens de l’équité et d’autres privilégiant la résorption des problèmes environnementaux : d’un côté, pour aller dans le sens de l’équité, subventionner le charbon dans les pays pauvres, de l’autre, pour aller dans le sens de la durabilité, limiter l’exploitation des forêts, par exemple ; des compromis sont donc souvent nécessaires.</p>
<p>On est bien là face à un problème de justice globale. C’est un problème de justice distributive globale que de déterminer la répartition des coûts et des bénéfices environnementaux, face à des ressources rares. Toutes ces questions – qui doit être protégé du changement climatique, qui doit payer, qui peut avoir le droit de polluer… – sont sans aucun conteste des questions de justice distributive et elles se situent au niveau global et intergénérationnel. Le changement climatique n’a rien à faire des frontières des États. Dès lors, les principes de justice qui peuvent étayer les décisions en la matière sont clairement de nature cosmopolitiste. Et cette perspective doit être couplée avec une prise en compte de la dynamique spécifique qu’engendrent les inégalités.</p>
<p>Comme le notent Jean-Michel Sévérino et Olivier Ray, « la montée continue des inégalités mondiales n’a pu être gérée pour l’instant que parce qu’une part croissante des plus pauvres voyaient leurs conditions de vie s’améliorer… » Mais à l’évidence, dans un monde fini, on ne peut compter sur l’accroissement infini de la taille du gâteau, et le butoir écologique constitue l’argument suprême pour défendre la lutte contre les inégalités mondiales. Non seulement donc les problèmes environnementaux constituent un vrai défi de justice globale, mais une perspective de justice globale, dépassant le cadre des États et focalisée sur les inégalités, constitue la voie la plus pertinente pour résoudre ce problème. Ce qui constitue un projet politique, peut-être le projet utopique dont on aurait tant besoin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
L’inégalité est socialement corrosive et constitue aussi l’obstacle le plus sérieux à un niveau d’activité économique soutenable en termes écologiques.Marie Duru-Bellat, Professeure des universités émérite en sociologie, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/506802015-11-27T05:40:42Z2015-11-27T05:40:42Z« Atténuation, adaptation »<p>Si jusqu’à la fin des années 2000, l’« atténuation » a été l’approche dominante adoptée pour limiter les émissions globales d’origine anthropique de gaz à effet de serre (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a>), dont la concentration dans l’atmosphère perturbe le climat, elle a depuis montré ses limites. Face à un réchauffement qui apparaît aujourd’hui inéluctable, les thèmes d’« adaptation », et plus récemment de « vulnérabilité » et de « résilience », s’imposent progressivement.</p>
<p>Pour résoudre le problème du changement climatique, les négociations internationales ont d’abord porté en priorité sur « l’atténuation » du réchauffement, à travers la mise en place d’accords politiques pour limiter les émissions globales de GES.</p>
<h2>L’atténuation, une approche globale et limitée</h2>
<p>Lors du Sommet de la terre de Rio, en 1992, la mise en place d’une gouvernance mondiale sur le climat sous l’égide des Nations unies a traduit le consensus autour du risque climatique. L’accord multilatéral global (la <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>) qui est alors prévu pour s’imposer à tous les États repose sur une stratégie dite de « partage du fardeau », les pays se répartissant l’effort de réduction d’émissions.</p>
<p>Ce choix place les engagements de réduction des pays au centre des négociations internationales. Une distinction de traitement est néanmoins établie entre les pays industrialisés et les pays dits en voie de développement, selon le principe des <a href="http://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-contributions-nationales-50286">« responsabilités communes mais différenciées »</a>.</p>
<p>Les négociations climatiques sont rythmées par les conférences annuelles des
parties (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">COP</a>) de la CCNUCC. À la COP3, en 1997, l’adoption de son protocole de Kyoto
est l’aboutissement d’un accord multilatéral, les pays développés et certains pays en transition signataires, étant les responsables historiques de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se fixent des objectifs quantifiés à respecter. Les autres pays sont dispensés d’obligation de réduction de leurs émissions. L’accord est alors largement salué, même si les efforts de réduction de gaz à effet de serre (calculée en équivalent CO<sub>2</sub>) sont modestes (5 % en moyenne sur la période 2008-2012 par rapport au niveau de 1990). Il repose en partie sur la création de « marchés carbone » : les mécanismes de marché sont supposés permettre de réduire à moindre coût les émissions par un système d’échange de quotas de droits d’émissions destinés essentiellement aux industriels. Les unités CO<sub>2</sub> non émises deviennent alors l’unité de mesure de la lutte contre le changement climatique. La même logique de marché sera bientôt appliquée aux questions de déforestation à travers le mécanisme de réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation (Redd+).</p>
<p>Mais force est de constater l’inefficacité de ces choix sur le niveau mondial des émissions. Le décalage est patent entre, d’un côté, les prévisions de plus en plus alarmistes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat <a href="https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml">Giec</a> et, de l’autre, l’enlisement des négociations. L’approche globale, réduite à une vision purement quantitative, a isolé la question climatique d’autres réalités, comme l’accroissement de l’exploitation des énergies fossiles, la concurrence accélérée des économies émergentes et plus généralement la nécessité d’un développement durable… Alors que les causes mêmes des émissions n’ont pas été interrogées. Les négociations sont ainsi restées longtemps indépendantes des questions du commerce international, des politiques de l’énergie, de la géopolitique et de l’économie, ainsi que des questions sociales en général, conduisant à une forme d’autisme : alors que les négociations formulaient de timides engagements, les accords commerciaux internationaux et les politiques nationales sur les courts et moyens termes allaient souvent à l’encontre de la réduction des émissions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/103251/original/image-20151125-23861-1wx97ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">M. Bernoux/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>L’adaptation, une stratégie locale ciblée</h2>
<p>Il a fallu du temps, ajouté à l’inefficacité des négociations internationales et à l’augmentation des émissions de GES, pour que le thème de « l’adaptation » entre en force, signalant par là la prise de conscience que, contrairement à ce que prévoyait la Convention sur le climat, l’atténuation ne se fera pas au rythme d’une adaptation naturelle des écosystèmes au changement climatique. L’adaptation vise ainsi à garantir des moyens d’action collective pour se préparer à un monde à + 2 °C. L’émergence du thème de l’adaptation correspond aussi à l’implication des pays en développement, qui remettent en cause le cadrage en termes d’atténuation alors qu’ils subissent les premiers les dommages dus à l’industrialisation des pays développés. Lors de la <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-Plan-d-action-de-Bali-COP13.html">Conférence de Bali</a> (2007), ils imposent le thème de l’adaptation comme un deuxième objectif de la Convention, aussi crucial que celui de l’atténuation.</p>
<p>Cette prise en considération de la capacité adaptative des systèmes et des populations a été renforcée par les travaux des communautés de chercheurs que cela soit en sciences humaines et sociales ou de l’environnement et de l’écologie. De nombreux travaux portent ainsi sur les capacités d’adaptation des agrosystèmes et des populations rurales du Sud en lien avec leur environnement.</p>
<p>Plus récemment encore, l’effort des spécialistes du changement climatique s’est porté sur les synergies entre atténuation et adaptation, notamment pour réconcilier les échelles : les solutions qui seront apportées aux niveaux locaux doivent augmenter les capacités adaptatives, mais doivent aussi apporter des solutions au problème global du changement climatique, et vice versa. Se focaliser uniquement sur l’adaptation reviendrait à retomber dans une forme d’autisme et laisser croire que l’adaptation sera toujours possible sans effort sur les émissions.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">COP21</a> a marqué un nouveau cycle de négociations avec un changement important de cadrage de la question climatique. La réduction des émissions de GES n’est plus l’objectif unique des négociations, au profit d’autres stratégies intégrant les questions de l’adaptation et des pertes et dommages. Ce rééquilibrage ne se fait toutefois pas sans contradiction : alors que l’objectif de maintenir les émissions en dessous du seuil de 2 °C est maintenu, l’objectif d’adaptation seule envisage, lui, des augmentations de température de 3°, 4°, 5 °C…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50680/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martial Bernoux works for FAO since October 21th</span></em></p>Si l’atténuation cherche à freiner l’augmentation de la concentration de GES dans l’atmosphère, l’adaptation vise, elle, à optimiser la gestion des conséquences du changement climatique.Martial Bernoux, Agropédologue, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/513502015-11-27T05:40:36Z2015-11-27T05:40:36ZLa Russie va se servir de ses vastes forêts comme monnaie d’échange<p>La Russie est réputée pour être l’un des États les <a href="https://theconversation.com/russias-silence-on-climate-change-helps-no-one-20661">plus difficiles</a> en matière de négociations climatiques, et il ne faut s’attendre à aucun changement lors de la COP21. Après tout, le pays possède de vastes réserves de pétrole et de gaz, subit des hivers rigoureux et défend âprement ses intérêts économiques.</p>
<p>Sa stratégie s’articulera autour de trois axes majeurs. Elle soulignera tout d’abord le rôle prépondérant des forêts dans la régulation du climat, ce qui la placera en position de force pour aborder la réduction des émissions, puisque le territoire russe compte <a href="http://sputniknews.com/world/20150903/1026548330/russia-trees-record-study-world.html">640 milliards d’arbres</a>. Elle insistera aussi sur la nécessité d’un engagement multilatéral, préambule à tout accord, la Russie étant l’un des plus fervents adeptes du principe de « <a href="https://www.google.co.uk/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0CCQQFjAAahUKEwivyI7O2IPJAhWJ1RQKHeRQDzQ&url=http%3A%2F%2Fcisdl.org%2Fpublic%2Fdocs%2Fnews%2Fbrief_common.pdf&usg=AFQjCNHcUf74_jtbQcSRNWq6CGCCY3k2Bg">responsabilité commune mais différenciée</a> » dans les politiques climatiques. Enfin, il est quasiment certain qu’elle ne signera pas un accord susceptible d’entraver son développement économique.</p>
<p>La Russie, qui est l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) au monde, était jusqu’à peu dans le camp des pays opposés à un accord mondial sur le changement climatique. Il a ainsi fallu plus de six ans à Moscou pour <a href="http://www.theguardian.com/world/2004/oct/23/society.russia">ratifier le protocole de Kyoto</a>, et permettre enfin au traité de prendre effet.</p>
<p>Ce comportement s’expliquait par des problèmes politiques et économiques qui n’avaient pas grand-chose à voir avec le climat lui-même. La ratification du traité a notamment été retardée par les négociations concernant l’adhésion de la Russie à l’<a href="http://www.forbes.com/sites/larrybell/2013/06/23/climate-change-russia-is-steamed-about-u-ns-kyoto-carbon-credit-cop-out/">Organisation mondiale du commerce</a> (OMC).</p>
<p>Aujourd’hui, la détermination des Russes est, en apparence, des plus fermes. Leur <a href="http://www4.unfccc.int/submissions/INDC/Submission%20Pages/submissions.aspx">« contribution prévue déterminée au niveau national »</a> (CPDN), présentée au mois de mars, les engage à réduire, d’ici à 2030, leurs émissions de GES de 25 à 30 % par rapport à 1990.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/103364/original/image-20151126-28272-nvfamh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En Russie, les centaines de milliards d’arbres peuvent absorber énormément de carbone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Yuganskiy_nature_reserve_aerial_view.jpg">Tatiana Bulyonkova</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Selon la Russie, de telles mesures sont envisageables car le pays s’est affranchi de la corrélation entre développement économique et émissions de GES. La CPDN indique ainsi que le PIB a augmenté de 72,9 % entre 2000 et 2012 tandis que les émissions de GES ne croissaient que de 11,8 %. On considère néanmoins que l’économie russe est <a href="http://www.tsp-data-portal.org/TOP-20-Carbon-Intensity">très polluante</a>, en raison du niveau élevé d’émission par unité de PIB. Ceci est principalement dû aux hivers rudes et à des bâtiments et infrastructures obsolètes et énergivores.</p>
<p>Néanmoins, la notion de changement climatique a peu à peu intégré les discours publics et officiels du pays. Vladimir Poutine lui-même <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2015/09/28/read-putins-u-n-general-assembly-speech/">évoque le sujet</a> ces temps-ci, comme il l’a fait au cours de la dernière assemblée générale des Nations unies. Son engagement récent constitue incontestablement un pas en avant par rapport aux promesses précédentes, comme à Copenhague, où la Russie ne s’était engagée qu’à une réduction de <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2009/cop15/eng/11a01.pdf">15 % à 20 % de ses GES</a>. Le plan d’action de lutte russe passe aussi désormais par des <a href="http://www.rg.ru/2013/10/04/eco-dok.html">décrets présidentiels</a>, une <a href="http://government.ru/media/files/41d4d0082f8b65aa993d.pdf">législation nationale</a>, une <a href="http://archive.kremlin.ru/eng/text/docs/2009/12/223509.shtml">doctrine officielle</a> sur le climat et même une <a href="http://www.energystrategy.ru/projects/docs/ES-2030_(Eng).pdf">stratégie énergétique</a>.</p>
<h2>Savoir lire entre les lignes</h2>
<p>Force est de constater qu’avec la crise économique qui a suivi la dissolution de l’Union soviétique, l’objectif d’émissions basé sur les niveaux de 1990 est bien plus facile à atteindre. Au cours de la dernière décennie du XX<sup>e</sup> siècle, l’effondrement de la majorité des industries polluantes du pays a entraîné une chute spectaculaire des émissions de GES, qui n’ont toujours pas retrouvé leur niveau initial. D’ailleurs, pour atteindre ses objectifs, la Russie <a href="http://www.carbonbrief.org/ambiguous-russian-climate-pledge-mystifies-many/">n’a même pas besoin de réduire ces émissions</a>.</p>
<p>De plus, certaines des stratégies de rendement énergétique susceptibles d’atténuer le changement climatique, telles que la modernisation du secteur de l’énergie ou l’amélioration du rendement énergétique des bâtiments, sont dans <a href="http://www.mckinsey.com/insights/winning_in_emerging_markets/lean_russia_sustaining_economic_growth">l’intérêt économique de la Russie</a>. Il est probable qu’elles auraient été envisagées, indépendamment de toute obligation internationale.</p>
<h2>Atouts et inconvénients des ressources russes</h2>
<p>Le pays a toujours mis l’accent sur son immense taïga, qui couvre une grande partie de la Sibérie et abrite <a href="http://www4.unfccc.int/submissions/INDC/Submission%20Pages/submissions.aspx">plus de 70 %</a> des forêts boréales de la planète. La CPDN indique clairement que l’engagement russe est « soumis à la prise en compte maximale des capacités d’absorption des forêts », elles-mêmes censées permettre aux industries de poursuivre leurs émissions. Les experts et les écologistes russes <a href="http://www.kommersant.ru/doc/2720457">doutent</a> cependant que leur impact sur les émissions soit aussi élevé que le prétend le gouvernement.</p>
<p>L’économie russe repose avant tout sur les vastes réserves de gaz du pays, les plus importantes du monde. Quand elles n’appartiennent pas directement à l’État, les principales compagnies gazières, pétrolières et électriques entretiennent des liens très étroits avec celui-ci. En Russie, énergie et sécurité de l’État vont de pair et les combustibles fossiles sont souvent considérés comme un outil politique essentiel, comme l’ont démontré nombre de <a href="http://www.reuters.com/article/2012/12/21/us-russia-gas-disputes-idUSBRE8BK11T20121221">conflits relatifs au gaz</a>, avec l’Ukraine ou la Biélorussie, notamment.</p>
<p>Il est donc peu probable que la Russie crée la surprise à Paris. Elle répétera très certainement qu’elle poursuit l’objectif d’une réduction de 25 % à 30 % des émissions de GES, soulignera l’importance de ses forêts et rappellera le principe de « responsabilité commune mais différenciée ». Si engagement il y a, elle aura pris soin de s’assurer qu’il ne viendra pas bouleverser l’équilibre prioritaire qu’elle entend maintenir entre stabilité économique et stabilité politique.</p>
<p><br>
<em>Traduit de l’anglais par Catherine Biros/<a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word </a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianna Poberezhskaya ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dotés d’immenses ressources forestières et énergétiques, les autorités gouvernementales russes ne sont pas candidates au compromis climatique.Marianna Poberezhskaya, Lecturer in International Relations, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/511312015-11-24T05:41:04Z2015-11-24T05:41:04ZL’UE dans les négociations climatiques<p>L’Union européenne, qui s’est fixée pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a>) de 80 à 95 % d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 1990, est avec ses 28 États membres un acteur incontournable des négociations climatiques. En 2009, le <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/traite-lisbonne/index.shtml">Traité de Lisbonne</a> a intégré la lutte contre le changement climatique parmi les objectifs de l’action internationale de l’UE dans le domaine de l’environnement, en reconnaissant ainsi la volonté de l’Europe de jouer un rôle de <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12012E191">leader</a>. Mais l’action climatique européenne a débuté beaucoup plus tôt, dès la négociation, en 1992, de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>). Au fil des années, l’UE a utilisé deux instruments majeurs pour affirmer sa position : elle a adopté une série de mesures visant à réduire ses émissions de GES, lui permettant ainsi d’accroître sa crédibilité vis-à-vis des autres pays ; elle a usé de sa force diplomatique pour convaincre les États réticents à s’engager dans la lutte contre le changement climatique.</p>
<p>Cette stratégie européenne a connu des succès importants dans la première phase des négociations climatiques, avec notamment l’adoption de la CCNUCC et de son Protocole, le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto</a> (1997). L’entrée en vigueur (2005) de ce dernier réclamait la ratification de 55 pays représentant au moins 55 % des émissions de GES. Lorsque les États-Unis, premiers émetteurs de GES de l’époque, ont annoncé leurs refus de ratifier le Protocole, la Communauté européenne a su prendre le leadership des négociations pour parvenir à l’obtention du quorum de ratifications en convaincant la Russie. Parallèlement, l’Europe avait mis en place le système communautaire d’échanges de quotas d’émissions (<a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Systeme-communautaire-d-echange-de.html">SCEQE</a>) : ce premier et plus important marché d’émissions au monde devait montrer l’exemple de solutions économiquement efficaces pour réduire les GES et convaincre ainsi les parties préoccupées par le coût des engagements de Kyoto. </p>
<h2>Les fragilités de l’Union élargie</h2>
<p>Le Protocole de Kyoto ne prévoyait des engagements que pour la période 2008-2012. La négociation d’un accord « post-Kyoto » a montré une perte d’influence de l’Union, se concrétisant dans l’échec retentissant de la Conférence de Copenhague (2009). Les raisons de cette perte d’influence sont multiples : depuis les années 1990, les équilibres géopolitiques avaient évolué et la Chine était alors en passe de devenir le principal pays émetteur en CO<sub>2</sub>, devant les États-Unis. En interne, l’élargissement de 15 à 27 États membres avait crée une Europe beaucoup moins homogène, rendant l’élaboration d’une position commune de plus en plus complexe. La crise économique et financière qui débutait contribua en outre à réduire l’attention portée aux questions environnementales.</p>
<p>Depuis Copenhague, l’Union européenne tente de reprendre sa position prééminente dans les négociations internationales. La <a href="http://www.cop21.gouv.fr/">COP21</a> de Paris représente ainsi une opportunité majeure de conclure le nouvel accord de l’après 2020. La capacité de l’Union européenne de faire valoir sa position vis-à-vis de la communauté internationale se mesurera spécifiquement à deux points, déjà centraux lors de la Conférence de Rio (1992) : la nature des engagements et l’interprétation du principe des « <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-justice-climatique-50988">responsabilités communes mais différenciées</a> ». </p>
<h2>Engagements contraignants vs engagements volontaires</h2>
<p>Lors des négociations qui ont conduit à l’adoption de la CCNUCC, la Communauté européenne avait affirmé la nécessité d’avoir des engagements de réduction des émissions quantitativement établis, imposés aux parties par la communauté internationale et juridiquement contraignants. La Communauté européenne était en outre favorable au fait d’imposer ces mesures uniquement aux pays développés. L’identification de deux catégories principales de parties à la convention – à savoir, les pays industrialisés engagés juridiquement à réduire leurs émissions et les pays en développement non contraints, pouvant ainsi poursuivre leur croissance librement –, répondait au principe des responsabilités dites « communes mais différenciées ». La position des États-Unis était opposée à celle de l’Europe : aucune différenciation de pays ne devait avoir cours et les engagements devaient être volontaires et déterminés au seul niveau national. </p>
<p>Le texte de la Convention-cadre propose ainsi un compromis : il s’agit de « stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (<a href="http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">art. 2 CCNUCC</a>). Aucun accord n’a cependant été trouvé concernant la quantification de l’objectif, témoignant sur ce point d’une prédominance de la position américaine, réticente à tout engagement chiffré imposé de l’extérieur. En revanche, le principe des responsabilités communes mais différenciées tel que proposé par la Communauté européenne a été intégré dans la convention et s’est matérialisé dans la distinction des parties à la convention en deux catégories principales : les pays développés listés dans l’Annexe I de la Convention et les pays en développements généralement indiqués avec le nom « pays non Annexe I ».</p>
<h2>Des négociations parallèles</h2>
<p>En 1995, lors de la première <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">Conférence des parties</a> (la COP1 de Berlin), le processus d’élaboration d’un protocole visant à établir les règles de mise en œuvre de la Convention-cadre a été lancé. À Kyoto, deux ans plus tard, les parties ont adopté ce protocole : un accord juridiquement contraignant fixant des objectifs quantifiés de réduction des émissions que les pays développés devaient atteindre à une échéance précise. Dans ses grandes lignes, la position européenne avait ainsi pu s’affirmer dans l’accord. Si la Convention et le Protocole montrent donc le succès de l’Europe sur la scène internationale, la structure de gouvernance qu’ils ont figée est à l’origine des principales difficultés qu’elle a rencontrées par la suite. En divisant le monde en deux parties, le Protocole a poussé les États-Unis à rejeter l’accord. </p>
<p>Les conséquences ont été lourdes : d’abord la crédibilité d’un accord dont le premier émetteur ne faisait pas partie était mise en cause ; ensuite, les négociations successives ont eu lieu sur deux voies parallèles, les COP avec les États-Unis et les COP-MOP réservées aux seuls parties au Protocole. Cette complexité accrue est, entre autres, avancée comme l’une des causes de l’échec de Copenhague. Enfin, les pays en développement, Chine en tête, ont trouvé dans le Protocole un argument de poids justifiant leur inaction dans la réduction des émissions. À Kyoto, Pékin s’est opposé avec force à la proposition européenne, tentant une conciliation avec les États-Unis, visant à imposer des engagements volontaires aux pays en développement. Cela a marqué le début d’un déplacement du centre des négociations de l’Atlantique – Europe et États-Unis – au Pacifique – États-Unis et Chine. Copenhague témoigne de ce bouleversement. Depuis, l’idée européenne des engagements contraignants a été remise en discussion et la Conférence de Lima (2014) semble confirmer que le futur accord pourrait se baser exclusivement sur des <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-contributions-nationales-50286">contributions nationales volontaires</a>. </p>
<p>De même, la distinction entre pays « développés » et « en développement » semble s’assouplir : la Chine semble ainsi disposée à assumer des engagements et une nouvelle interprétation du principe des responsabilités communes mais différenciées tendant à exclure de la réduction des émissions seuls les pays les plus pauvres. L’Union européenne, de son coté, continue à <a href="http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/09/18-counclusions-un-climate-change-conference-paris-2015/">envisager un accord</a> imposant au moins que les contributions nationales aient une valeur juridiquement contraignante.</p>
<h2>Des efforts diversifiés pour réduire les émissions</h2>
<p>Si la position de l’Europe a rencontré des difficultés significatives pour s’affirmer dans les négociations, il est important de rappeler que lorsqu’on évalue l’action climatique européenne, on ne peut se limiter aux seuls Conférences onusiennes. Au cours des vingt dernières années, la politique climatique de l’UE s’est construite et développée autour de mesures ambitieuses tels le Paquet énergie-climat de 2009, contenant, entre autres, une réforme du SCEQE et des mesures fortes pour le développement des énergies renouvelables et des biocarburants. Le changement climatique est aujourd’hui pris en compte dans toute politique européenne, et des structures <em>ad hoc</em> sont en charge d’en <a href="http://ec.europa.eu/clima/">coordonner les actions</a>. </p>
<p>L’ensemble de cette politique climatique a permis à l’Europe de <a href="http://www.eea.europa.eu/data-and-maps/data/data-viewers/greenhouse-gases-viewer">réduire de manière significative</a>ses émissions, mais constitue aussi un instrument d’influence sur les pays tiers. Le SCEQE a été établi pour devenir le noyau d’agrégation d’un marché des crédits d’émission bien plus large que les frontières européennes, et constitue la référence pour toutes les initiatives similaires entreprises dans le monde (comme en Australie ou en Chine). Reste que le moyen de pression le plus fort à disposition de l’UE demeure l’accès à son marché économique intérieur, un levier qu’elle commence à utiliser pour forcer les pays tiers à s’engager vers des économies plus sobres en carbone.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eleonora Russo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Acteur majeur des négociations climat qui s’ouvrent le 30 novembre à Paris, l’Union européenne tentera de faire entendre sa voix face aux États-Unis et aux grands émergents, Chine en tête.Eleonora Russo, Docteur en droit public, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/509882015-11-20T05:36:27Z2015-11-20T05:36:27Z« Justice climatique »<p>Dès l’élaboration de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>) en 1992 et le début de la négociation climatique internationale, l’équité est apparue comme la clé de voûte d’un régime international du climat ambitieux. Il est en effet indéniable que l’enjeu climatique est un enjeu de justice. C’est d’autant plus vrai si l’on considère la planète et le climat comme des biens communs, car l’ensemble des États doit disposer des mêmes droits à l’espace écologique. </p>
<p>Selon cette approche, ainsi que l’a rappelé le Pape François dans son <a href="http://www.lavie.fr/medias/le-texte-integral-de-l-encyclique-laudato-sii-18-06-2015-64352_73.php">encyclique « Laudato si »</a> du 18 juin 2015, il existe bien une dette écologique du Nord envers le Sud, en raison d’une utilisation disproportionnée des ressources naturelles qui a été pratiquée par certains pays, et de l’existence de déséquilibres commerciaux et des conséquences qui en découlent dans le domaine écologique.</p>
<p>Afin de parvenir à élaborer un régime climatique juste et équitable, la négociation climatique est « prisonnière » du principe des responsabilités communes mais différenciées, posé dans la <a href="http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm">Déclaration de Rio</a> de 1992, et systématiquement mis en avant par les pays en développement (<a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/pays_en_d%C3%A9veloppement_PED/42908">PED</a>) et les grands pays émergents. En effet, selon le principe 7 de la Déclaration de Rio :</p>
<blockquote>
<p>« Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en matière de développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. »</p>
</blockquote>
<p>Il est par conséquent logique que le succès des négociations climatiques dépendent du montant des transferts financiers que les PED estiment devoir recevoir de la part des pays industrialisés.</p>
<h2>Responsabilités communes mais différenciées</h2>
<p>La CCNUCC et le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto</a> portent la marque de l’équité et de la justice climatique, car ils opèrent une distinction capitale entre les pays développés et les PED. Non seulement le principe des responsabilités communes mais différenciées est inscrit à l’article 3 de la Convention de 1992 – baptisé « article de l’équité » – mais, tant la Convention que le Protocole posent des obligations et des charges différentes pour les deux catégories de pays, plus lourdes bien entendu pour les pays développés.</p>
<p>Ils reconnaissent ce que l’on dénomme – sans qu’aucune définition précise n’existe – la « responsabilité historique » des pays développés dans le réchauffement climatique. À l’évidence, la responsabilité des États est commune et chacun a un degré de responsabilité différent, en fonction de son niveau de développement. C’est pourquoi le Protocole de Kyoto est souvent qualifié d’« inégalitaire », car il instaure une inégalité « compensatrice », selon les termes d’<a href="http://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1992_num_38_1_3097">Alexandre Ch. Kiss</a>. Ce principe du droit international de l’environnement reflète des oppositions idéologiques entre les pays en développement, qui prétendent avoir le droit de se développer en raison du lien existant entre dégradation de l’environnement et pauvreté, et les pays développés, qui font de la protection de l’environnement une cause commune, à laquelle l’ensemble des États de la planète doit œuvrer.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/x1SgmFa0r04?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une vidéo en time-lapse de la Nasa montrant les émanations de CO2 sur la planète pour une année complète (2006).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le caractère binaire du principe des responsabilités communes mais différenciées devrait en principe évoluer, car les grands pays émergents, Chine en tête, se classent parmi les plus importants émetteurs de CO<sub>2</sub>. Il devient donc difficile de ne prendre en compte que le passé pour établir des accords climatiques par lequels les États de la planète s’engagent pour dix, vingt ans ou plus. <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2009/cop15/fre/11a01f.pdf">L’Accord de Copenhague</a> de 2009 a d’ailleurs enfoncé un coin dans l’appréhension binaire du principe, car les États-Unis comme les grands émergents ont accepté des actions nationales de réduction à caractère volontaire (<em>Nationnaly Appropriate Mitigation Actions</em>, NAMA). </p>
<p>Ils ont également déposé une <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-contributions-nationales-50286">contribution nationale</a> (CPDN ou INDCs), le total des contributions s’élevant à 154 à la date du 16 novembre 2015. <a href="https://unfccc.int/files/meetings/lima_dec_2014/application/pdf/auv_cop20_lima_call_for_climate_action.pdf">L’Appel de Lima</a> de 2014 poursuit dans la même direction, en précisant que l’accord ambitieux qui doit être adopté doit refléter « le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, compte tenu des différences existant dans la situation de chaque pays », ce qui atténue quelque peu le caractère binaire du principe.</p>
<h2>Solidarité et financements</h2>
<p>Selon le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la question du financement est <a href="http://www.lemonde.fr/climat/article/2015/06/06/laurent-fabius-le-financement-est-un-point-cle-pour-un-accord-sur-le-climat_4648625_1652612.html">« la clé d’un accord sur le climat »</a>. Elle est d’autant plus cruciale qu’elle est également un vecteur de la solidarité internationale, la solidarité étant une valeur fondamentale devant sous-tendre les relations internationales du XXI<sup>e</sup> siècle comme l’a affirmé la <a href="http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/55/2">Déclaration du Millénaire</a> adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 2000. L’issue positive des négociations climatiques est en effet en partie liée au niveau de financement qui obtenu, afin d’aider les pays les plus pauvres à mettre en œuvre leurs engagements en matière d’atténuation et à relever les défis de l’adaptation.</p>
<p>L’Accord de Copenhague s’est attelé à cette question et a mis sur pied des institutions chargées d’organiser cette solidarité internationale : <a href="https://www.wmo.int/pages/publications/bulletin_fr/archives/61_1_fr/Fondsvertpourleclimat.html">Fonds vert pour le climat</a>, <a href="https://www.ctc-n.org/">Mécanisme technologique</a>, ou mécanisme <a href="http://www.efi.int/files/attachments/euflegt/flegt_redd__bn_2_french_web1.pdf">REDD +</a> pour réduire les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts. Il a également prévu une montée en puissance des financements : partant d’un niveau de 30 milliards de dollars en 2010-2012, ils doivent atteindre 100 milliards de dollars par an en 2020, toutes sources de financement confondues (publiques, privées, bilatérales, multilatérales ou encore <em><a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/12002_Doha_fiche_Fast-start_DEF_31-10-12_print.pdf">fast start</a></em>). </p>
<p><a href="http://unfccc.int/resource/docs/2013/cop19/fre/10a01f.pdf">La Conférence de Varsovie</a> de 2013 a permis un autre progrès avec la création du Mécanisme sur les pertes et préjudices <em>(loss and damage)</em>, afin de faire face aux conséquences désastreuses du dérèglement climatique, les pays du Sud voyant dans son établissement la concrétisation d’une certaine justice climatique. Le <em><a href="http://unfccc.int/files/bodies/application/pdf/ws1and2@2330.pdf">draft agreement</a></em> du 23 octobre 2015, qui a servi de base de négociation lors de la COP21, comporte un article sur cette question, ainsi qu’un autre sur le financement et un troisième sur les transferts de technologies.</p>
<p>Finalement, la recherche d’un droit commun du climat apparaît à bien des égards comme la conciliation entre un droit des « riches » soucieux de leur avenir, et un droit des « pauvres » désireux de rattraper avant tout leur retard économique. Les différentes solutions retenues restent sans doute insuffisantes et c’est pourquoi de plus en plus d’économistes, dont le prix Nobel d’économie 2014 <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/06/04/pour-un-accord-efficace-sur-le-climat_4647453_3234.html#">Jean Tirole</a>, recommandent d’instaurer un régime de tarification du carbone mondial et harmonisé, afin de mettre à profit les effets redistributifs d’un prix mondial du carbone, ce que recommande d’ailleurs le GIEC. </p>
<p>Cependant, selon certains économistes, à l’image d’<a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/22/climat-les-idees-fausses-de-bons-economistes_4794859_3234.html">Olivier Godard</a>, il n’est pas sûr que la fixation d’un tel prix, éventuellement assorti d’un système de « bonus-malus », soit compatible avec l’instrument des contributions nationales et la justice climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contenir les effets du changement climatique en faisant converger le droit des pays les plus riches et celui des pays en développement, tel est l’enjeu de l’équité climatique.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/504142015-11-13T05:45:05Z2015-11-13T05:45:05ZLe climatoscepticisme, qu’est-ce que c’est ?<p>Ce courant de pensée désigne une forme de déni radical de l’existence d’un problème – en l’occurrence le dérèglement climatique – en même temps que la mise en cause personnelle de ceux (scientifiques, ONG, politiques, membres de l’administration ou élus) qui invitent la société à agir pour prémunir l’humanité des manifestations les plus graves de ce dérèglement. L’attaque sur la scientificité des travaux sur le climat ne constitue pas ici la motivation, mais seulement l’instrument. Le point commun à toutes les démarches climatosceptiques consiste à vouloir bloquer l’action collective face au risque climatique, action que certains considèrent comme une menace pour leurs intérêts, leurs modes de vie ou leur conception des libertés.</p>
<p>En France, il est d’abord apparu au début des années 1990 (voir <a href="https://www.librairie-obliques.fr/livre/960794-la-verite-sur-l-effet-de-serre-le-dossier-d-un--yves-lenoir-ed-la-decouverte">l’ouvrage</a> d’Yves Lenoir), dans la perspective du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro (1992) et notamment de l’adoption de la Convention-cadre sur le changement climatique (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>). En 2000, ce sont les conclusions du 3<sup>e</sup> rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui essuient les critiques. Puis, à partir du moment où, en 2006, la négociation internationale s’est portée sur l’après 2012, terme des engagements pris dans le cadre du <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto,</a> la France s’est trouvée affectée par un nouvel épisode d’expression médiatique climatosceptique qui a enflé jusqu’à la Conférence de Copenhague (2009). Une récente vague s’est formée ces derniers mois à l’approche de la COP21.</p>
<h2>Jouer sur plusieurs tableaux</h2>
<p>Du point de vue des thèmes mobilisés, le noyau du climatoscepticisme consiste en une contestation radicale de l’existence d’une menace planétaire grave due au dérèglement climatique d’origine anthropique. Les climatosceptiques y voient une thèse ou une <a href="http://www.plon.fr/ouvrage/l-imposture-climatique/9782259209854">idéologie « réchauffiste »</a> dangereuse et sans fondement. Selon les moments historiques et les intervenants, le point d’application du rejet varie : aux yeux de certains, le dérèglement climatique n’existe pas ; on observe seulement des variations naturelles analogues à celles que le climat a déjà montré dans le passé historique de l’humanité, comme durant <a href="http://www.larecherche.fr/savoirs/climatologie/fonte-glaces-au-moyen-age-01-06-2001-78674">l’optimum climatique médiéval</a> (du X<sup>e</sup> au XIX<sup>e</sup> siècle). </p>
<p>Pour d’autres, le changement climatique existe bel et bien, mais n’est pas attribuable à l’homme, <a href="http://www.albin-michel.fr/L-Innocence-du-carbone-EAN=9782226209160">bien incapable</a> d’avoir une telle influence sur des processus aussi puissants que ceux qui régissent le climat de la planète ; l’évolution de l’activité du soleil serait en cause. D’autres encore soulignent que le changement en question aura globalement <a href="http://www.ring.fr/livre/livre.php/livre/climat-investigation">des effets positifs</a>, notamment sur l’agriculture et l’exploitation forestière, sur les transports maritimes (<a href="http://www.franceculture.fr/emission-tout-un-monde-la-route-du-nord-est-ouverte-2015-01-06">la route du Nord</a>) ou sur le tourisme. Certains objectent que de vrais scientifiques s’interdiraient de dire quoi que ce soit sur l’état futur du climat dans plusieurs décennies, car l’approche par <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/03/27/la-religion-de-la-catastrophe-par-henri-atlan_1325086_3232.html">la modélisation</a> est intrinsèquement défaillante à fournir des prévisions à cette échéance. D’autres enfin, sans aborder le fond des diagnostics scientifiques, se moquent d’une nouvelle forme de <a href="http://www.seuil.com/livre-9782021011326.htm">millénarisme</a> ou croient repérer tous les ingrédients d’une idéologie totalitaire.</p>
<p>À s’en tenir aux thèses avancées, on pourrait croire avoir affaire à une discussion scientifique légitime sur des points de controverse que la démarche scientifique devrait savoir dénouer. Le scepticisme des climatosceptiques ne serait qu’un doute scientifique de bon aloi. En fait, il se positionne à l’interface des sciences et des enjeux d’action collective, mais en subvertissant les relations usuelles entre ces deux pôles. </p>
<p>Le climatoscepticisme lance des polémiques qui, non seulement ne se déroulent ni sur le seul terrain du développement scientifique ni exclusivement sur celui de l’agir collectif, mais agencent les arguments de façon à contourner les épreuves constitutives de chaque terrain : les énoncés ou diagnostics scientifiques ne sont pas soumis à un examen critique relevant de l’administration d’une preuve scientifique, mais sont récusés en prenant pour cibles les scientifiques, individuellement ou collectivement, comme dans le cas du GIEC accusé d’ourdir un complot mondial et d’agencer une manipulation opérée par une coalition de grands intérêts. Pareillement, la discussion sur l’agir collectif – que faire ? – est sabotée en mobilisant abusivement l’autorité de la science, allant d’une généralisation infondée de données partielles ou locales aux affirmations sans preuves et aux mensonges (voir le chapitre sur « Les controverses climatiques en France : la logique du trouble » dans l’ouvrage collectif <em><a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100760680">Controverses climatiques, sciences et politique</a></em>).</p>
<h2>Semer la confusion dans les esprits</h2>
<p>À quoi reconnaître empiriquement le discours climatosceptique ? Bien qu’ils nous parlent de science, <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-actuel/L-avenir-du-climat-enquete-sur-les-climato-sceptiques">les climatosceptiques</a> ont en commun de ne pas participer aux recherches scientifiques concernant le climat : ils n’ont pas publié (ou presque) de travaux originaux ou critiques dans les revues scientifiques reconnues dans ce champ ; ils ne participent pas aux congrès et colloques qui réunissent les spécialistes du domaine. En revanche, ils écrivent des livres pour le grand public, tiennent des blogs où ils font feu de tout bois sans tri préalable, font des conférences devant des auditoires cultivés mais incompétents, vont de plateaux de télévision en émissions de radio, sans dédaigner les colonnes que leur offrent des journaux au nom de l’équilibre dans la représentation des « points de vue ». Le discours climatosceptique est en outre insensible à la dynamique de la discussion scientifique, autiste à la réfutation de ses énoncés et joue de la répétition des mêmes arguments victorieux, à ses yeux, des « dogmes réchauffistes ».</p>
<p>Dans son expression médiatique, le climatoscepticisme mobilise différents moyens rhétoriques. Il vise d’abord à diffuser <a href="http://www.editions-lepommier.fr/ouvrage.asp?IDLivre=509">le doute</a>, jeter le trouble. De ce point de vue, le caractère brouillon, polymorphe, tous azimuts d’une argumentation contradictoire n’est pas un défaut, car cela entretient la confusion et accrédite l’idée qu’on ne connaît quasiment rien au sujet. </p>
<p>La seconde ficelle consiste à détourner les idéaux démocratiques de l’ordre politique pour les appliquer à la présentation publique des connaissances scientifiques. Les climatosceptiques demandent la mise en débat public des sciences du climat, un débat dans lequel, naturellement, une égalité de traitement doit être assurée à toutes les « hypothèses » en présence. Or dans les conditions d’un débat médiatique, il est impossible aux spécialistes de démonter, avec des moyens suffisants pour être immédiatement compréhensibles par le public, les assertions erronées professées par les climatosceptiques. Reste dès lors pour le public l’impression que les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, que tout cela est confus et ne justifie pas qu’on se précipite dans l’action. Cette conclusion est précisément celle que veulent obtenir les climatosceptiques. </p>
<p>Troisième technique, la victimisation. Le « calvaire » des climatosceptiques doit être révélé au public : on leur refuse l’accès aux données, on n’admet pas leurs articles dans les revues scientifiques, présentées comme aux mains des « réchauffistes », on leur fait perdre leurs moyens budgétaires et leur emploi, on voudrait leur interdire de révéler que « le roi est nu »… Tout cela fonctionne médiatiquement, car les climatosceptiques offrent aux médias une actualité animée et qu’ils leur donnent le beau rôle : la dénonciation et la controverse font de l’audience et, de plus, placent les journalistes en arbitres des débats, position flatteuse et recherchée, confirmant symboliquement le statut de pouvoir suprême que le milieu politique a déjà concédé aux médias. </p>
<p>Il existe enfin une demande sociale importante pour un message expliquant qu’il n’y a pas lieu de changer de modes de vie ni de projet de société pour affronter le XXI<sup>e</sup> siècle. Sous prétexte de rompre avec la pensée unique dominante, le climatoscepticisme flatte le conservatisme le plus borné.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50414/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Godard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la récente victoire de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le climatoscepticisme refait parler de lui. Quels sont les arguments de ceux qui dénoncent le « complot réchauffiste » ?Olivier Godard, Directeur de recherche honoraire au CNRS, chercheur associé au département d’économie, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/504362015-11-12T05:44:34Z2015-11-12T05:44:34ZLe marché très discret de la compensation carbone volontaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101588/original/image-20151111-9393-1dug2jz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un foyer de cuisson amélioré dont la fabrication a été financée par le système de compensation carbone volontaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:BioLite_HomeStove.JPG">BioLite/wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Grand rendez-vous de la diplomatie internationale sur le changement climatique, la 21<sup>e</sup> Conférence des Parties (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">COP</a>) qui s’ouvre à la fin du mois à Paris peut sembler loin des préoccupations quotidiennes des citoyens. Mais les COP ont de véritables effets sur nos modes de vie. C’est ainsi le cas avec l’émergence du marché volontaire de la compensation du carbone qui a vu le jour à la suite des négociations de la COP de Kyoto (1997).</p>
<p>Le trajet d’une lettre, la fabrication de chocolat, d’oreillers ou de produits cosmétiques, un déplacement en avion, une coupe chez le coiffeur : tous ces produits et services, qui pour exister réclament la consommation d’énergies fossiles émettrice de gaz à effet de serre (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a>) dont la trop grande concentration dans l’atmosphère perturbe le climat, peuvent être « compensés carbone ». Il suffit à leurs fabricants ou prestataires d’acheter des « crédits carbone ». Ceux-ci correspondent à une réduction d’émissions de gaz à effet de serre rendue possible grâce au financement de projets d’aide au développement.</p>
<h2>Minimiser les coûts de la réduction des émissions</h2>
<p>C’est au cours des négociations de la troisième COP (1997) – qui déboucha sur le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto</a> – que le principe des réductions d’émissions de GES dans un pays en voie de développement permettant de compenser les émissions des pays industrialisés a été mis en place. Le Protocole avait fixé pour la période de 2008-2012, un objectif global de réduction de ces émissions d’au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990.</p>
<p>En amont de la négociation du traité, l’Union européenne et les États-Unis s’étaient opposés sur la manière d’atteindre ces objectifs. Washington, craignant que le coût des réductions d’émissions soit trop élevé pour ses entreprises, avait proposé d’ajouter des mécanismes de flexibilité au Protocole de Kyoto. Partant du postulat que les coûts de réduction d’émissions de carbone sont moins élevés dans les pays en voie de développement, le Mécanisme pour un développement propre (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3297.php">MDP</a>) a été instauré.</p>
<p>Ce mécanisme permet à un pays industrialisé de financer des réductions d’émissions carbone dans un pays en développement. Un <a href="https://cdm.unfccc.int/EB/index.html">comité exécutif de l’ONU</a> est chargé d’établir les règles visant la vérification des réductions d’émissions de carbone réalisées via la mise en œuvre de ces projets. Une fois certifiées par ce comité, les réductions d’émissions peuvent être échangées sous forme de crédits carbone par les pays intéressés ayant ratifié le Protocole. Cependant, seules les émissions de certains secteurs (industrie lourde, énergie) sont concernées.</p>
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<h2>Un outil pour la communication « verte »</h2>
<p>Dès 2005, des entreprises n’appartenant pas à ces secteurs – et donc non contraintes à réduire leurs émissions – ont commencé à acheter sur une base volontaire des crédits carbone issus de projets dans les pays en voie de développement. C’est notamment le cas de fabricants d’oreillers, de chocolat, de <a href="http://www.usinenouvelle.com/article/neutralite-carbone-pour-les-services-de-la-poste.N198945">livreurs de colis</a>. Petit à petit, les règles d’un nouveau marché où des acteurs achètent, sans y être contraints, des crédits carbone proposés par des <a href="http://www.novethic.fr/empreinte-terre/climat/isr-rse/compensation-carbone-quelle-transparence-121092.html">ONG ou des cabinets spécialisés</a> se sont instaurées. De nouveaux <a href="http://www.v-c-s.org/">organismes privés de certification</a> ont également vu le jour pour labelliser les crédits vendus sur le marché du carbone volontaire. Pour les firmes qui achètent ces crédits carbone, la démarche s’inscrit désormais dans une politique de Responsabilité sociale des entreprises (RSE).</p>
<p>Les produits ou services compensés carbone deviennent pour l’entreprise l’occasion de communiquer sur sa démarche environnementale : on pense, par exemple, au financement de la distribution de filtres à eau en zone rurale d’Afrique subsaharienne. Grâce à ces filtres, les ménages éviteraient des émissions de carbone en consommant moins de bois, car ils n’auraient plus besoin faire bouillir l’eau pour la rendre potable. Il peut aussi s’agir de subventionner la vente de <a href="http://www.info-compensation-carbone.com/cuiseurs-ameliores/">foyers de cuisson améliorés</a>. Ces derniers sont dits « améliorés », car ils permettent de consommer moins de combustible et émettent moins de fumées toxiques. L’Organisation mondiale pour la santé tient en effet les feux entre trois pierres, utilisés dans les logements pour la cuisine et le chauffage, responsables de <a href="http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs292/fr/">maladies respiratoires</a> entraînant la mort prématurée de 4,3 millions de personnes par an.</p>
<p>C’est en estimant la différence entre les émissions produites par les ménages sans équipement avec celles des ménages équipés, que les développeurs de projet peuvent obtenir des crédits carbone qu’ils proposent ensuite à la vente. Les transactions de crédits carbone issus de ces deux technologies – le filtre à eau et la vente de foyers de cuisson améliorés – se sont chiffrées à <a href="http://forest-trends.org/releases/uploads/SOVCM2015_FullReport.pdf">25 millions de dollars américains</a> en 2014.</p>
<p>Les montants associés au marché volontaire du carbone restent loin d’égaler ceux des marchés mis en place par des États : 400 millions de dollars contre <a href="http://www.ieta.org/assets/Reports/world%20bank%202014%20state%20and%20trends.pdf">30 milliards</a>. Les réductions d’émissions de carbone financées sur une base volontaire par les entreprises, soit <a href="http://forest-trends.org/releases/uploads/SOVCM2015_FullReport.pdf">1 %</a> du total des émissions mondiales en 2014, sont quant à elles loin des <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/rapport-giec-2c-emissions-ges-temperatures-hausse-21395.php4">recommandations</a> des experts pour limiter le réchauffement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Valiergue est financée par Sciences Po pour réaliser sa thèse.</span></em></p>Comment fonctionne ce système qui permet aux particuliers, aux administrations et aux entreprises de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en acquérant des « crédits carbones » ?Alice Valiergue, Doctorante au Centre de sociologie des organisations, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/502862015-11-10T05:42:18Z2015-11-10T05:42:18Z« Contributions nationales »<p>Depuis l’adoption du <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2007/cop13/fre/06a01f.pdf">plan d’action de Bali</a> en 2007, un vaste processus a été initié pour élaborer une « vision commune » de l’action internationale en matière de climat et permettre une application « intégrale, effective et continue » de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>). Cette vision partagée par l’ensemble des membres de la Conférence des Parties (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">COP</a>) doit permettre de parvenir à réduire sensiblement les émissions mondiales de gaz à effet de serre (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a>) d’ici à 2050, et à les plafonner.</p>
<p>Il s’avère cependant, qu’au fil des différentes COP qui se sont tenues depuis celle de Bali, la « vision commune » recherchée met beaucoup de temps à se concrétiser. Les Parties à la CCNUCC s’efforcent de la concevoir et de l’articuler autour de quatre blocs de négociation : des actions d’atténuation ; l’adaptation aux effets négatifs du changement climatique ; le développement et les transferts technologiques ; les financements nécessaires aux actions en matière d’atténuation et d’adaptation. Chronologiquement, elles ont d’abord opté pour une approche <em>« top-down »</em> (« descendante ») avec le Protocole de Kyoto de 1997, puis une approche <em>« bottom-up »</em> (« ascendante ») dans l’Accord de Copenhague, en 2009. Ayant en ligne de mire pour la <a href="http://www.cop21.gouv.fr/">COP21</a> de Paris, l’adoption d’un accord commençant à s’appliquer en 2020, la <a href="http://unfccc.int/meetings/lima_dec_2014/meeting/8141.php">Conférence de Lima</a> de la fin 2014 a alors invité les Parties à transmettre leurs « contributions prévues déterminées au niveau national » (CPDN ou INDCs pour <em>Intended nationnaly determined contributions</em>).</p>
<h2>Kyoto, l’échec des engagements contraignants</h2>
<p>Le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto</a> a innové à deux égards : sur le plan économique, il a introduit des instruments de flexibilité ; sur le plan juridique, il impose aux <a href="http://unfccc.int/parties_and_observers/parties/annex_i/items/2774.php">pays de l’Annexe I</a> de la CCNUCC – les pays industrialisés – des engagements juridiquement contraignants <em>(legally binding)</em> d’émissions de GES. Ces pays doivent réduire leurs émissions globales des six principaux GES d’une moyenne de 5,2 %, par rapport à l’année de référence 1990, pour la première période d’engagement qui s’étend de 2008 à 2012. Cet objectif global de réduction, qui concerne donc uniquement les pays industrialisés, se décline de manière différenciée : - 8 % pour l’UE 15, - 7 % pour les États-Unis, - 6 % pour le Japon ou le Canada, + 1 % pour la Norvège, ou encore + 8 % pour l’Australie. </p>
<p>Ce partage du fardeau mondial s’explique par une « filiation » avec le <a href="http://www.un.org/fr/events/ozoneday/montreal.shtml">Protocole de Montréal</a> relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, et à l’appréhension du changement climatique comme un problème de pollution. Les exigences prescriptives du Protocole de Kyoto, ses contraintes, sont à l’origine d’une désaffection à son égard et du « retrait » de certains États membres, comme le Canada. En dépit de l’accord trouvé par les Parties sur une deuxième période d’engagement courant jusqu’en 2020, le Protocole de Kyoto ne couvre qu’environ 13 % des émissions mondiales de GES, ce qui constitue un échec pour les partisans d’une gouvernance « contraignante ».</p>
<h2>Copenhague, un revirement salutaire ?</h2>
<p>La déclaration politique adoptée lors de la <a href="http://www.un.org/fr/climatechange/copenhagen2009/copenhagen.shtml">Conférence de Copenhague</a> en 2009 a posé les principes d’une gouvernance <em>bottom-up</em>, instaurant une nouvelle logique dans la lutte contre le changement climatique. Respectueuse de la souveraineté des États, elle ne leur impose pas d’objectifs déterminés, mais parie sur des engagements volontaires suffisamment ambitieux de leur part, pour assurer le respect de l’objectif mondial de 2° C maximum de réchauffement fixé par l’Accord de Copenhague.</p>
<p>Cet accord « libre-service » (voir <em><a href="http://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/climat-a-quel-prix-_9782738132994.php">Le climat, à quel prix ?</a></em>, de C. De Perthuis et R. Trotignon, p. 80) permet seulement d’agréger les efforts volontaires des États, cette approche étant forcément moins commune (et non contraignante) et davantage nationale, même si les pays émergents ont pour la première fois adopté des actions nationales de réduction à caractère volontaire (<em>Nationnaly Appropriate Mitigation Actions</em>, NAMA). On est cependant en droit de se demander si ces accords volontaires permettront de respecter le seuil de 2° C et les promesses faites par les États, car l’approche <em>bottom-up</em> se double d’une logique dite <em>« pledge and review »</em>, littéralement « promesses et vérifications », préconisée par les États-Unis et imposant peu de contraintes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101177/original/image-20151108-16255-f3h02i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Découvrez les promesses de réduction d’émissions de GES pays par pays grâce à l’application Carbon Risk mise au point par.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.carbon-risk.fr/#/states/?commitment=co2">novethic.fr</a></span>
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<h2>Lima, l’émergence des contributions nationales</h2>
<p>Dans le prolongement de cette approche, <a href="https://unfccc.int/files/meetings/lima_dec_2014/application/pdf/auv_cop20_lima_call_for_climate_action.pdf">l’Appel de Lima </a> en faveur de l’action climatique de fin 2014 a invité l’ensemble des Parties à faire part de leur CPDN dès le 1er trimestre 2015. Ces contributions nationales comportent des objectifs en matière d’atténuation et/ou d’adaptation, et doivent représenter une avancée allant au-delà de l’engagement actuel de l’État. Les pays les moins avancés (<a href="http://www.un.org/fr/globalissues/ldc/">PMA</a>) et les petits États insulaires en développement (<a href="http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/priority-areas/sids/">PEID</a>) ne sont pas tenus de présenter un objectif de réduction, mais peuvent simplement transmettre leur stratégie de prise en compte du changement climatique. Le secrétariat de la CCNUCC a élaboré pour le 1er novembre 2015 une synthèse des CPDN : <a href="http://www4.unfccc.int/submissions/indc/Submission%20Pages/submissions.aspx">146 Parties</a> ont remis avant la date butoir du 1er octobre leur contribution avec leur niveau d’effort, ce qui couvre au total 86 % des émissions mondiales de GES. Le nombre de Parties est actuellement de 155.</p>
<p>Ce processus des CPDN a restauré un peu de confiance entre les Parties et permet certainement une approche internationale plus inclusive et rassembleuse. Basé sur le volontarisme, il est beaucoup plus respectueux des souverainetés étatiques. L’accord attendu à la COP21 à Paris sera négocié sur la base de ces CPDN, le terme « engagement » ayant été considéré comme trop contraignant par certains États. Cette décentralisation du processus de négociation n’est-elle pas synonyme d’un amalgame de politiques nationales empêchant de déboucher sur un accord climatique ambitieux ? La CCNUCC ne s’est-elle pas transformée en une chambre d’enregistrement des <a href="http://www.fondation-nicolas-hulot.org/magazine/paris-climat-2015-le-thermometre-des-engagements">promesses d’efforts nationaux </a>? Ce qui est certain, c’est que cette accrétion de CPDN est l’une des clés d’adoption d’un accord à la COP21. Le mécanisme des CPDN ne garantit pourtant pas la justice climatique et, pour l’instant, il conduit à un réchauffement climatique de l’ordre de 2,7-3 °C selon les estimations !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>S’éloignant du système contraignant du Protocole de Kyoto, l’accord attendu à la COP21 sera négocié sur la base des contributions nationales, ces engagements volontaires des États en faveur du climat.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/500192015-11-02T05:41:10Z2015-11-02T05:41:10Z« COP »<p>La Conférence des Nations unies de Rio de Janeiro de juin 1992, premier grand « sommet de la Terre », a été le point de départ de la globalisation de la protection de l’environnement. Elle a notamment permis l’adoption d’une désormais célèbre <a href="http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm">Déclaration de principes</a>, mais également de deux conventions-cadres fondamentales : la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>).</p>
<p>Alors que la première Convention doit permettre de lutter contre l’érosion de la biodiversité, la CCNUCC reconnaît les effets néfastes des changements climatiques et a pour objectif de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Son organe suprême, la Conférence des parties (COP), composée de la totalité des parties (195 États plus l’Union européenne) se réunit annuellement. Certaines COP sont restées célèbres, comme celle de Copenhague en 2009, marquée par un échec retentissant.</p>
<p>La COP 21 (décembre 2015) de Paris, fut ainsi la 21ᵉ COP de la CCNUCC et en même temps la 11ᵉ réunion des parties au <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">protocole de Kyoto</a> sur les changements climatiques de 1997, dont le but est de renforcer l’assise de la CCNUCC en instaurant des objectifs chiffrés légalement contraignants de réduction des émissions.</p>
<h2>Une « organisation internationale » du climat ?</h2>
<p>Chaque COP s’apparente à une grande conférence mondiale multilatérale. Les COP sont caractéristiques des grands accords environnementaux multilatéraux (<a href="http://www.unep.org/newscentre/Default.aspx?DocumentID=653&ArticleID=6869&l=fr">AEM</a>). On en dénombre une douzaine au niveau mondial.</p>
<p>En ce qui concerne la CCNUCC, cet organe suprême est chargé de développer dans le temps un régime juridique international du climat. Il est l’organe décisionnel de la CCNUCC et assure une fonction « quasi-parlementaire », essentielle pour les conventions environnementales. Une COP est durable, voire même éternelle, ce qui en fait une « quasi-organisation internationale ». Chaque COP annuelle adopte un ensemble de décisions importantes. La décision 1/CP.20 de la Conférence de Lima (décembre 2014) contient, par exemple, l’<a href="http://www.cop21.gouv.fr/fr/espace-medias/salle-de-presse/de-lima-paris">appel de Lima</a> en faveur de l’action climatique.</p>
<p>Les COP se différencient du modèle traditionnel de la conférence diplomatique normative, qui élabore et adopte de manière classique un traité international. Elles prennent en effet des actes juridiques collectifs qui établissent des droits et obligations entre les parties, ainsi qu’un système organisé et durable de coopération entre ces mêmes parties.</p>
<p>Ce « droit dérivé », pris en application de la convention climat, n’est pas soumis à la ratification de chacune des parties et son application dépend de leur bonne volonté. L’effectivité d’AEM comme la CCNUCC est par conséquent tributaire de l’engagement volontaire des États. C’est la raison pour laquelle le corpus juridique global en matière de climat peut se heurter à des États souverainistes. Afin de préserver la compétitivité de leur économie, les États-Unis ont ainsi toujours refusé de ratifier le protocole de Kyoto.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OKapXW5w7rc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les États-Unis refusent de ratifier le protocole de Kyoto.</span></figcaption>
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<h2>La COP21, symbole du multilatéralisme onusien</h2>
<p>Depuis l’adoption de la CCNUCC, la communauté internationale a opté pour le multilatéralisme comme socle des négociations climatiques internationales, ce qui permet qu’elles puissent s’appuyer sur les valeurs universelles de la <a href="http://www.un.org/fr/documents/charter/index.shtml">Charte des Nations unies</a>.</p>
<p>La CCNUCC reprend ainsi le principe de la démocratie onusienne « un pays, une voix ». Faute d’un accord sur des modalités de vote précises, le principe du consensus s’applique pour l’ensemble des décisions adoptées par les COP, ce qui réintroduit unanimité et droit de veto, un seul pays – petit ou grand – étant alors en mesure de bloquer l’initiative de la communauté internationale toute entière.</p>
<p>Un inconvénient majeur apparaît alors au grand jour : le Centre Alexandre Koyré l’a baptisé <a href="http://koyre.ehess.fr/docannexe/file/370/rapport_durban__climate_series___no_4___2012.pdf">« fabrique de la lenteur »</a>. Ban Ki-Moon, le Secrétaire général de l’ONU, l’a lui-même <a href="http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/08/26/ban-ki-moon-nous-avancons-a-une-vitesse-d-escargot-sur-le-climat_4737073_4527432.html">reconnu en déclarant</a> que « les négociations climatiques avancent à une vitesse d’escargot ». De plus, les discussions ont tendance à porter avant tout sur les questions procédurales au détriment des sujets de fond, bien plus fondamentaux.</p>
<p>Malgré tout, la négociation climatique assure non seulement la participation des États les plus puissants, mais également des pays les plus pauvres et les plus vulnérables aux répercussions des changements climatiques. Le multilatéralisme et la participation de la totalité des États de la planète introduisent sans doute nombre de contraintes, mais la légitimité des décisions et accords adoptés par les COP n’en est que plus grande.</p>
<h2>Entre gouvernance et géopolitique</h2>
<p>L’adoption des décisions de la COP par consensus explique grandement la faiblesse de la gouvernance du climat, qui doit faire face à une géopolitique dure, matérialisée par des intérêts nationaux fortement divergents. Ce caractère très « stato-centré » de la gouvernance n’est pas le seul : la gouvernance est également multi-niveaux et multi-acteurs : les États doivent composer avec les acteurs non-étatiques (villes et gouvernements infranationaux), les ONG et, de manière plus générale, les <a href="http://www.novethic.fr/lexique/detail/parties-prenantes.html">parties prenantes</a> (<em>stakeholders</em>). Le off des COP, de même que ses <em>side events</em>, qui constituent autant de forums d’expertise et parallèles, permettent au consensus de se cristalliser.</p>
<p>La diplomatie climatique est encore marquée par l’activisme de certaines parties, comme l’Union européenne, les États-Unis et la Chine ou les pays en développement. Sur fond d’opposition Nord/Sud, le <a href="http://www.g77.org/doc/">G77</a> plus la Chine, qui regroupe 134 pays, est un acteur majeur de la négociation. De nombreux sous-groupes s’y affirment : les pays pétroliers, les États-îles, le groupe Afrique, les pays les moins avancés ou encore les grands émergents dans le cadre du BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine).</p>
<p>Cette logique de clubs favorise les dynamiques de négociation, mais impose la recherche de compromis donnant satisfaction à l’ensemble des parties.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La « Conférence des parties » est une grande réunion mondiale dont les décisions tirent leur légitimité du multilatéralisme et de la participation de la totalité des États de la planète.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/470652015-09-21T00:52:10Z2015-09-21T00:52:10ZCOP21 (1) : trois idées fausses sur les conférences climat<p>A deux mois de la plus importante réunion internationale sur le changement climatique depuis <a href="http://unfccc.int/meetings/copenhagen_dec_2009/meeting/6295.php">Copenhague</a> en 2009, quelles sont les chances de succès des pourparlers de la COP21 de Paris (30 novembre-11 décembre) ? Et qu’entend-on ici par succès ? Les erreurs et défis rencontrés lors des négociations précédentes peuvent-ils être surmontés ? Pour répondre à ces questions, il faut d’abord tordre le coup à trois idées fausses.</p>
<h2><strong>1. « Les négociations internationales ont échoué »</strong></h2>
<p>C’est une croyance largement répandue de considérer que les vingt années de négociations internationales sur le climat ont été du temps perdu. Or ce n’est pas le cas. On a en effet vu se développer des méthodes pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre (GES), on a octroyé des financements pour réaliser, collecter et vérifier ces mesures. En ce qui concerne le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/convention/items/3270.php">protocole de Kyoto</a>, il s’agit d’un des accords les plus ambitieux sur le plan du droit international. Rien de cela n’aurait été possible sans le processus de négociation instauré par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (<a href="http://unfccc.int/2860.php">CCNUCC</a>).</p>
<p>Bien que l’accord de Kyoto de 1997 <a href="https://theconversation.com/kyoto-protocol-fails-get-ready-for-a-hotter-world-10742">se soit avéré défaillant</a>, il a toutefois conduit à des réponses politiques engageant de nombreux Etats, à l’image du <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Systeme-d-echange-de-quotas-.html">système européen</a> d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre créé en 2003, ou du dispositif législatif <a href="http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2008/27/contents">Climate Change Act</a> mis en place au Royaume-Uni en 2008. </p>
<p>La frustration ne vient donc pas tant de l’échec du processus international que de son succès très relatif, en tout cas tout à fait insuffisant pour réduire efficacement les risques liés au changement climatique. Inutile de même de pointer du doigt les négociateurs : la défaillance s’explique aussi, et surtout, par la complexité du problème, les intérêts très puissants liés aux énergies fossiles et la nature de notre économie mondialisée toujours changeante. La déception devrait plutôt nous inciter à redoubler d’efforts, pas renoncer à l’espoir de parvenir à un accord multilatéral pour un problème qui nous concerne tous.</p>
<h2><strong>2. « On se contente de fixer des objectifs »</strong></h2>
<p>Si les médias et les groupes de défense de l’environnement présentent la question du réchauffement climatique comme un enjeu binaire (vous êtes pour ou contre l’action climatique), elle ne l’est pas. Le monde n’a jamais eu à résoudre un problème de cette ampleur – qui ne connaît pas de frontières et dont les causes sont étroitement liées à l’infrastructure post-industrielle qui a tant fait pour stimuler la croissance économique, contribuant ainsi à l’amélioration de nos vies. Il faut néanmoins être tout à fait lucide sur l’ampleur de la tâche : nous devons changer nos systèmes énergétiques, électriques et de transport à une échelle sans précédent et à rythme inédit.</p>
<p>Les adaptations à apporter au niveau de la production, la distribution et l’utilisation de l’électricité rappellent les transformations rencontrées dans le domaine des communications numériques ces vingt dernières années. A une différence (de taille) près. Contrairement aux innombrables possibilités offertes par la révolution numérique, l’équipement électrique que la plupart d’entre nous utilise restera très certainement inchangé. Pour l’utilisateur en bout de chaîne, l’électricité, qu’elle soit produite par des panneaux solaires ou des éoliennes ne sera pas de plus grande qualité, ne sentira pas meilleur et ne fonctionnera pas mieux que celle offerte par le charbon.</p>
<p>Pour poursuivre l’analogie, disons que la révolution des énergies ne ressemblera pas au remplacement de votre ancien téléphone par un smartphone au design impeccable et doté d’innombrables fonctionnalités. Ce sera toujours une bonne vieille ligne téléphonique, elle bénéficiera seulement d’une technologie différente. </p>
<p>Aborder le problème du climat et celui de la réduction mesurable des risques liés au réchauffement climatique est extrêmement compliqué, un <a href="http://www.garnautreview.org.au/CA25734E0016A131/WebObj/Transcript_KeynotespeechtoClimateChangeandSocialJusticeConference_RossGarnaut_3April08/$File/Keynote%20speech.pdf">épineux</a> problème. Nous aimerions qu’il soit simple, mais il faut malheureusement donner raison à l’économiste britannique Lord Stern de Brentford quand il présentait le <a href="http://www.oxonia.org/newsletter_publications/OXONIA%20Newsletter_16-3-2006.pdf">défi climatique</a> comme un problème international complexe soumis à une grande incertitude. S’il était simplement question de nous mettre d’accord sur des objectifs de plus en plus ambitieux et de remplacer les combustibles fossiles « néfastes » par d’autres « propres », le succès serait facile. Ce n’est pas le cas. </p>
<p>Pour des politiques efficaces contre le changement climatique, donner un prix au dioxyde de carbone ne suffit pas. Il faut changer la façon dont nos villes et nos agricultures se développent. Il faut valoriser et préserver les forêts ; il faut pouvoir produire et distribuer une électricité propre ; il faut aussi pouvoir se déplacer et consommer sans avoir recours aux énergies fossiles.</p>
<h2><strong>3. « Il faut juste que les Etats y voient plus clair »</strong></h2>
<p>De nombreux partisans d’une politique climatique ambitieuse espèrent qu’il viendra un moment où des éclats de vérité et de sagesse surgiront des grands rassemblements internationaux. On a nourri de tels espoirs au <a href="http://unfccc.int/cop3/">Sommet de Kyoto</a>, à celui de <a href="http://unfccc.int/meetings/montreal_nov_2005/meeting/6329.php">Montréal</a>, à <a href="http://unfccc.int/meetings/bali_dec_2007/meeting/6319.php">Bali</a>, au célèbre <a href="http://unfccc.int/meetings/copenhagen_dec_2009/meeting/6295.php">Sommet de Copenhague</a>, et bientôt à Paris.</p>
<p>Cette dernière idée fausse repose sur une conception terriblement naïve de la façon dont fonctionne le pouvoir politique et dont les accords internationaux s’élaborent. Compte tenu de la complexité du défi, il est clair que seuls des progrès accumulés petit à petit pourront être atteints. </p>
<p>J’ai eu la chance d’observer le président américain Barack Obama lors du Sommet de Copenhague. Son efficacité comme négociateur fut redoutable et il l’employa à obtenir à un accord minimum pour éviter un fiasco général. La partie fut dure, d’autant plus quand la victoire consiste à éviter l’échec total. Sa déclaration à l’issue du Sommet témoigne de l’acceptation de l’échec et de la nécessité de rédoubler les efforts : </p>
<blockquote>
<p>Rien ne sert de réagir aux situations difficiles par la paralysie, il faut aller de l’avant et tirer le meilleur de la situation présente, puis essayer sans relâche de réaliser des progrès à partir de là.</p>
</blockquote>
<p>Beaucoup de choses ont changé depuis Copenhague, mais je pense qu’il est aussi inutile d’espérer un triomphe que de craindre une catastrophe lors de la COP21. Il y a cependant de nombreuses raisons d’espérer que les résultats que nous obtiendrons cette année pourront être à la fois significatifs et positifs.</p>
<p><em>Retrouvez le <a href="https://theconversation.com/cop-21-pourquoi-paris-ne-sera-pas-un-autre-copenhague-47827">second</a> et le <a href="https://theconversation.com/cop21-un-bon-accord-climat-ce-serait-quoi-47948">troisième</a> volet de cette série sur la COP21.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/47065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nick Rowley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la COP21 de Paris approche, une série en trois articles pour identifier les enjeux de la prochaine grande conférence internationale sur le changement climatique.Nick Rowley, Adjunct professor, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.