tag:theconversation.com,2011:/global/topics/recyclage-21060/articlesrecyclage – The Conversation2024-03-24T17:52:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2211452024-03-24T17:52:32Z2024-03-24T17:52:32ZComment rendre l’électronique plus soutenable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583519/original/file-20240321-18-b6xkt4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=482%2C534%2C4604%2C2888&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que la part de l’électronique dans nos déchets et nos émissions de carbone continue d’augmenter, il est urgent de diminuer l’impact de cette industrie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-carte-de-circuit-imprime-cassee-posee-sur-le-sol-BRLT_FHxAEs">Hans Ripa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’électronique n’est aujourd’hui pas soutenable au sens du rapport de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Brundtland">Brundtland</a> : elle ne répond pas « aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. »</p>
<p>Pour pouvoir atteindre les engagements fixés par les <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">accords de Paris pour 2050</a>, l’impact de toute l’industrie, y compris celle de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electronique-24110">électronique</a>, doit être fortement réduit. Des solutions existent, mais nécessitent une transformation globale de l’industrie électronique dont les impacts environnementaux augmentent rapidement, <a href="https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-pour-un-numerique-soutenable_dec2020.pdf">notamment de par son rôle dans la transformation numérique</a>.</p>
<p>En effet, le numérique représente <a href="https://infos.ademe.fr/magazine-avril-2022/faits-et-chiffres/numerique-quel-impact-environnemental/">2,5 % de l’empreinte carbone de la France</a> et jusqu’à <a href="https://joinup.ec.europa.eu/collection/rolling-plan-ict-standardisation/ict-environmental-impact-rp2023">4 % de l’empreinte carbone mondiale</a>. Or, le GIEC recommande de <a href="https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2022">diviser par sept</a> les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour limiter le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">réchauffement climatique</a> à un niveau acceptable.</p>
<p>Dans un tel monde décarboné, mais où la contribution du numérique resterait inchangée, sa part dans les émissions mondiales passerait de 4 % à 23 %. Cette projection est même plutôt optimiste puisque le secteur de l’électronique croît régulièrement. Par exemple, la fabrication des composants électroniques à base de semi-conducteurs, du type processeur ou mémoire, émet une <a href="https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-04112708/">quantité croissante</a> de gaz à effet de serre du fait de l’augmentation de leur complexité. En effet, leur miniaturisation fait appel à des matériaux toujours plus purs et divers, et à des processus extrêmement énergivores.</p>
<p>Au-delà des gaz à effet de serre, l’industrie électronique génère mondialement <a href="https://ewastemonitor.info/gem-2020/">53 mégatonnes</a> de déchets solides par an dans le monde, dont seulement 17 % sont collectés et recyclés. Pour le reste, on estime que <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/la-decharge-de-dechets-electroniques-dagbogbloshie-veritable-defi-economique-et-environnemental-pour-le-ghana_3863287.html">80 % des déchets non recyclés</a> sont transportés illégalement dans des pays en développement.</p>
<h2>Évaluer l’impact pour mieux agir</h2>
<p>Une première étape pour converger vers une filière plus soutenable est d’être capable d’évaluer l’impact des produits électroniques. L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/cycle-de-vie-21061">analyse de cycle de vie</a> (ACV) est l’outil standard permettant de mesurer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service. Elle intègre les impacts tout au long de la fabrication, de l’usage et de la fin de vie du produit ; par exemple les matières premières utilisées, le transport, les processus de transformation, l’énergie consommée, l’usage, le traitement, et le recyclage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les composants de l'ordinateur représente la majorité des émissions totales. Parmi les composants, la carte mère est la plus coûteuse en carbone, en particulier à cause du processeur." src="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Émissions en CO2 équivalent d'un ordinateur Dell utilisé cinq ans. D'après Loubet et al.,</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-022-02131-z">Pierre Le Gargasson/INSA Rennes, d'après Loubet et al. 2023</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans une ACV, l’impact des produits ou d’un service est quantifié selon <a href="https://environment.ec.europa.eu/publications/recommendation-use-environmental-footprint-methods_en">16 catégories</a> incluant les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation d’eau, la toxicité ou encore l’utilisation de ressources non renouvelables. En électronique, la fabrication des circuits intégrés nécessite notamment beaucoup d’eau et émet des gaz fluorés qui ont un fort impact sur l’effet de serre.</p>
<p>Le résultat d’une ACV permet d’identifier quelles parties du produit contribuent majoritairement à son impact, ce qui permet de guider une transformation vers un produit plus soutenable. Une ACV d’un téléphone portable a, par exemple, permis d’établir que celui-ci émet <a href="http://arxiv.org/abs/2011.02839">plus de 80 % de son CO₂</a> au moment de sa production. Elle permet de déduire qu’une augmentation de la durée de vie du téléphone pourrait engendrer une réduction significative de son impact carbone.</p>
<h2>Augmenter la durée de vie des appareils</h2>
<p>L’obsolescence programmée est souvent considérée comme responsable de la fin de vie prématurée des appareils du fait de dysfonctionnements introduits par le fabricant. Cependant, la réalité semble être plus nuancée.</p>
<p>Par exemple, un téléphone portable a aujourd’hui une <a href="https://www.statista.com/statistics/619788/average-smartphone-life/">durée de vie moyenne de 2,8 ans</a>. Cette faible durée de vie s’explique davantage par un système économique qui pousse à un renouvellement régulier plutôt que par une panne de l’appareil, puisque la majorité des téléphones <a href="https://www.researchgate.net/profile/Tamar-Makov/publication/351912224_Submission_to_the_Journal_of_Cleaner_Production_SI_Investigating_Repair_Is_repairability_enough_big_data_insights_into_smartphone_obsolescence_and_consumer_interest_in_repair/links/60fd8b880c2bfa282afe209a/Submission-to-the-Journal-of-Cleaner-Production-SI-Investigating-Repair-Is-repairability-enough-big-data-insights-into-smartphone-obsolescence-and-consumer-interest-in-repair.pdf">restent fonctionnels bien au-delà de 3 ans</a>. Ainsi, l’obsolescence prématurée est un phénomène complexe qui, pour les produits destinés au grand public, s’explique principalement par des aspects sociaux (la pression à posséder un appareil récent) et psychologiques (la lenteur perçue de l’appareil).</p>
<p>Cela ne signifie pas pour autant que le produit n’est jamais en faute. Mais là encore, il s’agit probablement plus d’une <a href="https://ebooks.iospress.nl/volumearticle/47873">réduction des coûts de production engendrant une baisse de qualité</a> plutôt qu’une volonté délibérée des industriels de réduire la durée de vie.</p>
<p>Ainsi, une transformation des modes de consommation favorisant des produits de qualité avec une durée de vie plus longue est nécessaire. Celle-ci ne pourra cependant s’opérer que si des solutions alternatives existent sur le marché. Par exemple, les <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_1794">initiatives réglementaires</a> qui imposent la réparabilité vont dans ce sens en offrant la possibilité de prolonger la durée de vie d’un appareil au-delà de sa première panne. Finalement, la <a href="https://smaaart.fr/blog/barometre-smaaart-ifop-2023-sur-le-marche-du-reconditionne/">popularité grandissante du reconditionné</a> indique que des modes de consommations alternatifs peuvent exister s’ils s’accompagnent d’une garantie de qualité auprès du consommateur.</p>
<h2>Mieux recycler</h2>
<p>Lorsque la réparation et la réutilisation ne sont plus efficaces, le processus de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> doit permettre de <a href="https://theconversation.com/droit-a-la-reparation-leurope-sattaque-aux-millions-dappareils-electroniques-qui-dorment-dans-nos-tiroirs-225587">réutiliser les matières premières de l’électronique</a>. En 2021 en France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) estimait que <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6555-equipements-electriques-et-electroniques-donnees-2021.html">seulement 49,8 %</a> des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) avaient été traités. Ce faible taux de traitement s’explique par un coût de gestion élevé de ces déchets. De plus, sur près d’une mégatonne de DEEE traités chaque année, 75,4 % sont recyclés et 1,8 % réutilisés. Le reste est incinéré (11,8 %) ou enfoui (11 %).</p>
<p>Cette nouvelle manne financière attire des <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/espagne/une-mafia-du-dechet-electronique-tombe-aux-canaries-2310d4e6-8da8-11ed-9545-6a86069fe887">entreprises peu scrupuleuses</a> qui font disparaître les déchets à moindre coût en les envoyant illégalement dans d’autres pays ou bien en les <a href="https://www.sudouest.fr/france/pres-de-marseille-la-justice-frappe-la-mafia-des-dechets-10909274.php">incinérant dans la nature</a>.</p>
<p>Des solutions sont en développement pour valoriser ces déchets en extrayant leurs métaux pour les réinjecter dans la chaîne de production. Le <a href="https://www.apple.com/fr/newsroom/2019/04/apple-expands-global-recycling-programs/">robot Daisy d’Apple</a> permet déjà de désassembler des iPhones pour en récupérer les métaux.</p>
<p>Cependant, les métaux sont mélangés avec d’autres éléments moins valorisables (comme de la résine époxy et la fibre de verre des circuits imprimés) et les procédés actuellement utilisés pour les séparer nécessitent l’utilisation de composés polluants tels que l’acide sulfurique, allant à l’encontre de l’objectif initial de soutenabilité. De <a href="https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-mousses-pour-recuperer-proprement-les-metaux-des-e-dechets">nouveaux procédés</a> sont néanmoins à l’étude et pourraient permettre une extraction plus respectueuse de l’environnement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-nouvelles-technologies-pour-recycler-les-dechets-electroniques-132530">De nouvelles technologies pour recycler les déchets électroniques</a>
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<h2>Former dans une industrie en mutation</h2>
<p>Une solution à plus long terme pour réduire l’impact de l’électronique sera de modifier en profondeur les processus de production en réponse aux analyses de cycle de vie. Le problème est que, en électronique plus que dans d’autres industries, les techniques de fabrication sont maintenues secrètes. Ainsi, si une entreprise souhaite améliorer la soutenabilité de sa chaîne de production, elle s’appuiera sur des compétences internes. Or, les formations d’ingénieurs n’incluent que rarement les <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/06/Manifeste-Climatsup-INSA-version-Print.pdf">enjeux climatiques</a>.</p>
<p>Le défi de l’adaptation de l’électronique aux contraintes environnementales est considérable, car il doit prendre en compte les aspects sociaux et économiques de la soutenabilité. À l’horizon 2050, la moitié des ingénieurs actuellement en poste le <a href="https://numeum.fr/les-ingenieurs-dans-le-numerique-en-2022">seront encore</a>. Il faut donc non seulement former les futurs professionnels aux méthodes permettant d’atteindre une électronique soutenable, mais également les professionnels déjà en exercice. <a href="https://esos.insa-rennes.fr">Le projet ESOS</a> (électronique soutenable, ouverte et souveraine) financé par France2030 de 2023 à 2028 vise à créer des formations permettant d’engager l’électronique sur une trajectoire soutenable.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-23-CMAS-0007">ESOS</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221145/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Beuve a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine,
opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime Pelcat a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Weppe a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Le Gargasson a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thibaut Marty a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte et Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p>L’électronique pèse lourd dans nos émissions de carbone et nos déchets. Quelles sont les voies pour diminuer l’impact de cette industrie cruciale pour la transition écologique ?Nicolas Beuve, Enseignant-Chercheur en modelisation et optimisation mathématiques, INSA Rennes, INSA RennesMaxime Pelcat, Maître de conférences, INSA RennesOlivier Weppe, Enseignant-Chercheur en électronique soutenable, INSA RennesPierre Le Gargasson, Enseignant-Chercheur spécialisé en électronique, INSA RennesThibaut Marty, Enseignant-Chercheur en électronique numérique, INSA RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251052024-03-11T16:11:13Z2024-03-11T16:11:13ZLe zéro déchet : des « petits gestes » pas si inutiles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579839/original/file-20240305-30-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C38%2C1946%2C1449&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'achat en vrac, un exemple d'éco-geste.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/free-download.php?image=bonbons-en-vrac&id=298355">Publicdomainpictures.net/Charles Rondeau</a></span></figcaption></figure><p>Pour lutter contre le réchauffement climatique, est-il efficace de sensibiliser les citoyens aux <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/leducation-lenvironnement-et-au-developpement-durable">enjeux environnementaux</a> et de les inciter à adopter des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/ecologiecheznous-decouvrez-10-gestes-simples-ameliorer-votre-environnement">éco-gestes</a>, souvent qualifiés de « petits gestes » ?</p>
<p>Ces éco-gestes désignent des actions quotidiennes mises en œuvre individuellement par les citoyens afin de réduire leur impact environnemental. Ils peuvent concerner la mobilité quand il s’agit de privilégier le vélo sur des trajets courts ou de ne plus prendre l’avion, les comportements d’achat en valorisant les biens d’occasion ou les produits locaux. Cela peut aussi affecter le logement en réduisant la température du domicile, en préférant les douches plutôt que des bains, ou encore en collectant l’eau de pluie. Si les formes sont extrêmement variées, l’objectif est le même : réduire l’impact environnemental des citoyens.</p>
<p>Compte tenu de l’ampleur et de la rapidité des changements engendrés par la crise climatique, cette politique des petits gestes est régulièrement questionnée. Tout d’abord, ils se déploient à une échelle individuelle et risquent de n’avoir qu’un impact relatif sur la planète. Ainsi, un engagement volontariste de tous les citoyens ne permettrait de réduire que d’environ un quart les <a href="https://theconversation.com/comprendre-les-3-dimensions-de-la-sobriete-cette-notion-cle-de-notre-epoque-197660">impacts carbone de la France</a>.</p>
<p>De plus, ils s’inscrivent dans une logique de responsabilisation individuelle, faisant peser sur les épaules des seuls citoyens l’enjeu des changements qui concerne la société dans son ensemble.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-les-3-dimensions-de-la-sobriete-cette-notion-cle-de-notre-epoque-197660">Comprendre les 3 dimensions de la sobriété, cette notion-clé de notre époque</a>
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<p>Pourtant, dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/07439156231200803">travail de recherche récent</a> consacré à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Territoires_zero_dechet_zero_gaspillage.pdf">l’adoption de comportements zéro déchet</a>, nous avons observé que ces petits gestes ne sont pas si anodins. Il ressort de notre étude, portant sur 24 participants d’un programme de sensibilisation au zéro déchet, que ces éco-gestes permettent d’enclencher un cercle vertueux. En effet, chez l’ensemble des participants, une constellation de petits gestes émergent, se multiplient au fil du temps et s’articulent entre eux afin de réduire les déchets ménagers, et ce dans différentes sphères de la vie domestique.</p>
<h2>Une première action qui en appelle d’autres</h2>
<p>Ainsi, tous les participants interrogés adoptent un premier éco-geste en choisissant bien souvent celui qui leur semble le plus accessible ou celui qui aura le plus d’effet sur la quantité de déchets générés. Il peut s’agir d’acheter en vrac, de composter ou encore de s’engager dans des pratiques de récupération. Puis, ils indiquent – tous – spontanément comment cette première action les amène à mettre en œuvre rapidement d’autres actions destinées à limiter la production de déchets.</p>
<p>Pour certains, l’engagement dans une démarche zéro déchet s’est initialement traduit par la volonté de réduire l’achat de produits alimentaires suremballés. Ils décident alors de réaliser de plus en plus de repas faits à la maison. Cette nouvelle habitude les amène à privilégier l’achat de produits bruts pour cuisiner et favorise alors l’essor de l’achat en vrac.</p>
<p>Très vite, l’achat en vrac incite les individus à garder des contenants (pots, bocaux et bouteilles indispensables pour acheter et stocker les produits en vrac). Ils s’engagent donc dans des pratiques de récupération qu’ils envisagent alors souvent d’étendre à d’autres sphères de leur vie quotidienne, comme, par exemple, la récupération de l’eau usée ou de l’eau de pluie pour arroser le jardin.</p>
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<img alt="Illustration de geste responsable" src="https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un engagement volontariste de tous les citoyens ne permettrait de réduire que d’environ un quart les impacts carbone de la France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1334149">Pxhere</a></span>
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<p>Parallèlement, la multiplication des repas faits maison génère des biodéchets, ce qui conduit certains participants à développer une pratique du compost. D’autres participants, eux, relatent comment la pratique de l’achat de produits alimentaires en vrac les a conduits à acheter des copeaux de savon de Marseille et du bicarbonate de soude afin de fabriquer – dans un esprit <em>do-it-yourself</em> – leur lessive, ce qui les a également amenés à des pratiques de récupération (bidons, bocaux) afin de stocker la lessive, une fois celle-ci fabriquée.</p>
<p>L’achat du bicarbonate de soude conduit également de nombreux participants à l’utiliser pour la fabrication d’autres produits ménagers ou cosmétiques, comme le produit vaisselle ou le dentifrice. Cette multi-utilisation est d’autant plus aisée qu’ils ont acquis de l’expérience leur permettant de manipuler cet ingrédient.</p>
<p>Ainsi, des relations vertueuses entre ces petits gestes favorisent la diffusion de la démarche zéro déchet dans de nombreuses sphères de la vie quotidienne des citoyens. Si les trajectoires de déploiement sont différentes d’une personne à l’autre, au fil du temps, les citoyens qui s’impliquent dans le zéro déchet développent une véritable constellation de petits gestes. Peu à peu, ils modifient en profondeur leur façon de consommer.</p>
<h2>Un style de vie plus vertueux, une source d’économie importante</h2>
<p>Certes, la réduction des impacts environnementaux de la consommation et de la production ne saurait passer par la seule <a href="https://theconversation.com/the-myth-of-the-ethical-consumer-204">responsabilisation des individus</a>, exonérant par la même occasion les autres acteurs de leurs <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/politique/restaurants-recyclage-consignes-le-texte-de-l-ue-pour-verdir-les-emballages_177095">responsabilités</a>. Toutefois, nos résultats – dans le contexte du zéro déchet – permettent de nuancer les critiques récurrentes formulées à l’encontre des politiques des petits gestes.</p>
<p>Souvent présentés de manière isolée, ils apparaissent en réalité comme un système de comportements interreliés, qui se soutiennent entre eux. Loin d’être inutiles, ils sont à envisager dans une perspective dynamique : un premier comportement accessible, ne nécessitant que peu d’efforts, constitue pour nos répondants une porte d’entrée efficace pour envisager ensuite des changements comportementaux plus profonds.</p>
<p>Nos résultats montrent ainsi que le changement comportemental est possible et loin d’être anecdotique. Ces petits gestes offrent en réalité une voie concrète et accessible d’engagement dans un style de vie globalement plus vertueux.</p>
<p>L’exemple de l’adoption progressive et dynamique de la démarche zéro déchet constitue une inspiration pour enclencher concrètement d’autres modifications d’habitudes de consommation, telles que le passage à une alimentation moins <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/manger-deux-fois-moins-de-viande-permettrait-aux-francais-d-atteindre-leurs-objectifs-climatiques-4440052">carnée</a> ou l’adoption de pratiques de mobilité douce afin de « prendre sa part » pour atteindre les objectifs des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">accords de Paris</a>.</p>
<p>Enfin, l’adoption de modes de vie plus vertueux est souvent présentée comme l’apanage des <a href="https://www.socialter.fr/article/edito-ecologie-peuple-bourgeois-inegalite">classes sociales</a> favorisées. Or, l’entrée dans un mode de vie plus respectueux de l’environnement par le zéro déchet n’est pas nécessairement liée à des dépenses supplémentaires. Cela peut constituer – au contraire – une source d’économie importante pour les citoyens, comme le soulignent d’ailleurs certaines <a href="https://www.roubaixzerodechet.fr/">communes</a> très impliquées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les éco-gestes permettent d’enclencher un cercle vertueux qui conduit à une multiplication des comportements responsables.Rémi Mencarelli, Professeur des Universités en marketing, IAE Savoie Mont BlancDominique Kreziak, Maîtresse de conférences en sciences de gestion IREGE Université Savoie Mont Blanc, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228392024-02-26T15:50:11Z2024-02-26T15:50:11ZPeut-on se passer de plastique en agriculture ?<p>En novembre 2023, les Nations unies se sont réunies pour élaborer un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/291790-pollution-plastique-pas-daccord-au-kenya-pour-un-traite-international">traité international sur la pollution plastique</a>, avec un instrument qui se veut juridiquement contraignant. Un effort pour l’instant en forme de coup d’épée dans l’eau, puisque les discussions n’ont pas abouti.</p>
<p><a href="https://www.unep.org/inc-plastic-pollution/session-4">Les discussions se poursuivront</a> en avril 2024 sur un <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/44526/RevisedZeroDraftText.pdf">projet de texte révisé</a>. Sans surprise, les exportateurs de pétrole, qui sert de base à la fabrication des plastiques, ne <a href="https://www.voanews.com/a/un-plastic-treaty-talks-grapple-with-re-use-recycle-reduce-debate-/7361510.htm">sont pas favorables à une réduction de la production de plastique</a>. Au vu de la quantité de secteurs économiques qui dépendent du plastique, l’inertie est grande.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">Comment l’industrie fossile influence les négociations mondiales sur le plastique</a>
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<p>Le problème de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollution-plastique-81856">pollution</a> posé par le plastique est bien connu. Il s’agit du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">troisième matériau de synthèse le plus produit</a> après le ciment et l’acier. Entre 1950 et 2017, la production de plastique neuf a atteint <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">9 200 millions de tonnes</a> et pourrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780128178805000025">34 milliards de tonnes en 2050</a>.</p>
<p>Ce qui n’empêche guère l’insolent succès du plastique. Notamment en agriculture, où le matériau est notamment prisé pour le paillage des cultures. L’enjeu : contrôler la température du sol et le rayonnement solaire, limiter l’évaporation d’eau et empêcher le développement des mauvaises herbes (ou adventices). Des alternatives biodégradables existent, mais elles ne sont pas dénuées d’inconvénients…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">Vers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse</a>
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<h2>Bienvenue dans le « plasticocène »</h2>
<p>Pour qualifier l’omniprésence du plastique, certains parlent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969723034903">« plasticocène »</a>, sur le modèle de la construction du mot <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">anthropocène</a>. Sur tout le plastique produit depuis 1950, <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/36963/POLSOL.pdf">seuls 24 % sont encore en usage</a>, 8 % ont été recyclés, et plus de la moitié (58 %) a été jetée (décharges ou autres) dans l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Production globale de plastique depuis 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.grida.no/resources/15041">GRID-Arendal/UNEP (2021)</a></span>
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</figure>
<p>En bout de course, le plastique s’accumule l’environnement : dans les sols et dans les systèmes aquatiques. L’image du <a href="https://marinedebris.noaa.gov/info/patch.html">« continent de plastique »</a> illustre bien le phénomène. À l’échelle macroscopique ou microscopique, les plastiques créent des risques pour de nombreux organismes et écosystèmes terrestres et marins.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-sont-les-microplastiques-et-pourquoi-sont-ils-un-enorme-probleme-dans-les-oceans-144634">Que sont les microplastiques et pourquoi sont-ils un énorme problème dans les océans ?</a>
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<h2>Le plastique en agriculture, à la fois bénédiction et malédiction</h2>
<p>Le plastique possède de nombreux atouts : robuste, flexible, léger et bon marché. Une bénédiction pour l’industrie et les consommateurs, mais une malédiction pour l’environnement. Dans la production agricole, le paillage plastique permet de protéger les récoltes et <a href="https://doi.org/10.3390/polym14235062">d’augmenter les rendements de production</a>.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Grâce au « mulch » (paillis) de plastique, les agriculteurs peuvent prolonger la période de récolte et réduire les pertes. De quoi mieux contrôler l’humidité du sol, empêcher le développement des mauvaises herbes, limiter le recours aux pesticides, aux engrais, diminuer les besoins d’eau et même protéger le sol de l’érosion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paillage plastique pour protéger des champs de Maïs en Belgique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles San Martin/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>De ce point de vue, l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-011-0068-3">application de paillis plastique</a> contribue donc à la protection de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources… Mais ce dernier présente aussi des aspects négatifs.</p>
<p>D’abord parce que le plastique est produit à partir de pétrole, et que son usage en agriculture n’est pas très esthétique dans le paysage. La couverture du sol modifie aussi les écosystèmes de la flore et de la faune. Mais aussi parce que des fragments de plastique et de microplastique vont se retrouver dans les sols, pouvant être lessivés <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969716301528">jusque dans les écosystèmes aquatiques</a>.</p>
<p>Il est donc essentiel de trouver des alternatives moins problématiques. Mais toutes les options ne sont pas des compromis acceptables.</p>
<h2>Des alternatives biodégradables parfois pires</h2>
<p>L’industrie tente généralement de résoudre le problème de la pollution plastique agricole en utilisant des paillages plastiques biodégradables. Ces derniers ont toutefois plusieurs inconvénients : moins solides, ils <a href="https://doi.org/10.1016/j.apsoil.2022.104667">peuvent libérer davantage de matière plastique dans le sol</a>.</p>
<p>L’utilisation de paillage en plastiques biodégradables suggère une production agricole durable. Mais leur biodégradabilité et les émissions de plastique qu’ils entraînent dans l’environnement constituent des sujets de préoccupation.</p>
<p>Pour être qualifié de plastique biodégradable, un matériau doit pouvoir être transformé en CO<sub>2</sub>, eau et biomasse par des micro-organismes en <a href="https://natureplast.eu/en/biodegradable-plastics-definitions-and-standards/">moins de 24 mois</a>. Cette aptitude à la dégradation est généralement vérifiée en laboratoire dans des conditions contrôlées.</p>
<p>Le problème ? C’est qu’il n’y a <a href="https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2022.130055">pas assez de preuves</a> pour s’assurer que cela fonctionne aussi bien dans le vrai sol sans impacter négativement son écosystème… Si les plastiques biodégradables ne le sont pas suffisamment, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-023-02253-y">alors ils peuvent s’accumuler dans le sol</a>. Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0045653522023323">recherches supplémentaires sont donc requises</a> avant d’affirmer que les paillis plastiques biodégradables constituent une alternative intéressante aux paillis plastiques non biodégradables.</p>
<p>Dans certains cas, des alternatives comme le <a href="https://bnrc.springeropen.com/articles/10.1186/s42269-020-00290-3">paillage végétal</a>) peuvent être intéressantes, mais elles sont généralement moins efficaces contre la prolifération des mauvaises herbes et pour conserver la chaleur au sol. De nouvelles technologies (par exemple, le paillis de cellulose ou les films de paillis liquides) sont également en cours de développement. Mais pour l’instant, ces options <a href="https://doi.org/10.3390/agronomy10101618">restent moins intéressantes que les paillis en plastique</a>.</p>
<h2>Des pistes pour améliorer les paillages plastiques</h2>
<p>Les scientifiques travaillent au développement de matériaux nouveaux qui combineraient les avantages des plastiques les plus robustes, tout en pouvant se dégrader rapidement dans l’environnement. Or, il est difficile de combiner les deux caractéristiques. Pour l’heure, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-022-09826-5">cela nécessite des technologies sophistiquées et des coûts de production encore très élevés</a>.</p>
<p>L’augmentation de la stabilité et de la résistance à la traction du paillage plastique est une autre stratégie pour réduire ses émissions de plastique dans l’environnement. Pour cela, on peut soit améliorer la structure chimique du film plastique, soit tout simplement en augmenter l’épaisseur. C’est ce que montre une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-023-09944-8">étude récente</a> que j’ai menée, qui s’intéressait à la situation en Allemagne.</p>
<p>En effet, on observe que des films de paillage épais, de l’ordre de 50 micromètres d’épaisseur, libèrent <a href="https://doi.org/10.5194/soil-8-31-2022">moins de plastique dans l’environnement que des films plus fins</a>. Remplacer un film de paillage plastique de 20 micromètres d’épaisseur par un film de 30 ou 40 micromètres <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-022-09826-5">peut ainsi réduire les émissions de plastique</a>.</p>
<p>Cependant, l’augmentation de cette épaisseur entraîne des coûts plus élevés et une augmentation des quantités de plastique totales étendues dans les champs. Des systèmes efficaces de recyclage des films de paillage usagés peuvent permettre de lutter contre l’augmentation des déchets plastiques. <a href="https://www.erde-recycling.de/en/erde-news/ik-initiative-erde-starts-collecting-mulch-film-in-germany/">Une initiative existe déjà en Allemagne pour recycler les films de paillage usagés</a>.</p>
<p>En fin de compte, le statut de bénédiction ou de malédiction du plastique en agriculture va surtout dépendre de la façon dont il est utilisé, dont il est éliminé et dont il est recyclé. Un concept qui n’est pas très nouveau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-dechets-plastiques-de-lafrique-de-louest-pourraient-alimenter-leconomie-au-lieu-de-polluer-les-oceans-217849">Les déchets plastiques de l'Afrique de l'Ouest pourraient alimenter l'économie au lieu de polluer les océans</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Martin Henseler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plastique est très utilisé en agriculture pour le paillage des cultures, où il pose des problèmes de pollution. Des alternatives existent, mais elles ne sont pas toujours satisfaisantes.Martin Henseler, Research Engineer, Laboratoire d’Economie Rouen Normandie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200532024-01-30T16:09:36Z2024-01-30T16:09:36ZUn business model qui encouragerait à consommer moins de vêtements est-il possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566257/original/file-20231218-25-259us1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C14%2C3176%2C2112&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une étude portant sur l'économie circulaire dans le secteur du prêt-à-porter a mis en évidence quatre business model sobres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-porte-vetements-et-de-chaussures-dans-un-magasin-JGtPrdnMgQc">Hugo Clément / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dernière campagne publicitaire de l’Ademe qui mettait en <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">avant la figure du « dévendeur »</a> marque publiquement la promotion de la sobriété dans la consommation aux heures de grande écoute. Une nouvelle fois, le terme s’installe dans l’espace public et suscite le débat, comme l’a montré la <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">diversité des réactions</a> associées à cette campagne.</p>
<p>Faut-il s’émouvoir d’un appel à acheter moins de produits neufs, alors que la production sans limites dans un monde limité reste le modèle majoritaire ? Si la sobriété suscite des objections et donne lieu à de nombreux malentendus – comme son assimilation à la croissance négative ou au retour à la bougie – elle permet aussi de promouvoir un modèle différent dans lequel les flux d’énergie et de matière prendraient en compte les limites planétaires, et de cesser de penser <a href="https://arachnid.biosci.utexas.edu/courses/thoc/readings/boulding_spaceshipearth.pdf">« l’économie de l’infini dans un monde fini »</a>.</p>
<p>Elle offre une alternative aux tentatives de découplage entre croissance et ressources, qui tardent à se matérialiser, ainsi et qu’à la tentation du <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-s-comme-solutionnisme-170732">solutionnisme</a> technologique.</p>
<p>Nos récentes recherches menées dans le cadre d’une étude financée par l’Ademe sur les business models circulaires dans l’univers de la mode ont permis d’identifier et d’explorer les contours de modèles « sobres ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">Sobriété : Et si on s’inspirait de ceux et celles qui la pratiquent au quotidien ?</a>
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<h2>La sobriété, aussi une question d’offre</h2>
<p>Dans un <a href="https://hal.science/hal-04214053">article de 2015</a>, nous notions déjà que la sobriété s’entend comme une logique de tempérance, de suffisance voire de frugalité qui nécessite une négociation à la baisse de sa consommation – souvent difficile et peu linéaire – afin de tenir compte des capacités matérielles finies de la planète.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>De fait, les restrictions à s’imposer peuvent être très exigeantes. À titre d’exemple, une <a href="https://takethejump.org/">étude</a> explique que pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait se contenter de trois vêtements neufs par habitant et par an. Alors qu’en moyenne, chaque Français (enfants compris) en <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/consommateurs-acheteurs-et-distributeurs/2022-10-ans-de-fashion">a acheté 34 en 2019</a>, soit 11 fois plus !</p>
<p>Comment faire quand le consommateur est constamment sollicité et que le « dévendeur » n’existe qu’à la télévision ? Sujet arrimé à des <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">actions individuelles</a>, la sobriété a jusqu’ici été étudiée comme un problème de demande et non d’offre. Il est rarement évoqué dans le cadre de l’activité des entreprises où il demeure au mieux contre-intuitif, au pire tabou.</p>
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<img alt="Panneaux promotionnels dans un magasin de vêtements" src="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/panneau-de-reduction-de-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-faciliter-les-changements-de-comportements-une-methode-aux-effets-pervers-202227">Sobriété : « faciliter » les changements de comportements, une méthode aux effets pervers</a>
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<h2>Vers l’essor d’un entrepreneuriat sobre ?</h2>
<p>La notion de sobriété dans le monde de l’entrepreneuriat émerge pourtant timidement, incarnée par le plaidoyer pour une économie de la sobriété (<a href="https://www.impactfrance.eco/">Mouvement impact France</a>). Elle est revendiquée par des entrepreneurs innovants qui s’interrogent sur la finalité de leur entreprise lorsque les grands équilibres naturels sont menacés par les activités humaines.</p>
<p>Ils convergent vers le fait que face aux multiples défis environnementaux et sociaux engendrés par l’économie de l’abondance, la contribution des business models traditionnels au bien-être social et leur capacité à préserver les écosystèmes biologiques posent question. En alternative, ils proposent des business models soutenables.</p>
<p>Adossés à l’économie circulaire, ces modèles s’inscrivent dans un système de boucles de matériaux réparatrices ou fermées et s’appuient sur deux mots-clés : durabilité et circularité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-cette-notion-en-perpetuelle-evolution-178068">« L’économie circulaire », cette notion en perpétuelle évolution</a>
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<h2>Réutiliser et recycler… plus que limiter la consommation</h2>
<p>Faisant référence à la taxonomie des « R » (qui ne se limite pas seulement aux trois les plus classiques – réduire, réutiliser et <a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">recycler</a> – et qui dans certaines versions, monte jusqu’à dix, ces modèles circulaires ont la particularité de se centrer sur l’offre, optimisant souvent un niveau de vente et occultant les niveaux de consommation excessive qui y sont associés.</p>
<p>Il se trouve que le <a href="https://swissrecycle.ch/fr/actuel/detail/les-10-re-de-leconomie-circulaire-de-refuser-a-recuperer">premier des 10 RE</a>, qui correspond à « refuser » – dans le sens de limiter en volume la fabrication et la consommation – est quasiment absent des démarches d’économie circulaire. Il se distingue du R « réduire », centré sur l’écoefficacité de la production et une diminution des intrants matières et énergétiques.</p>
<p>Dans le cadre de notre étude sur la mode, nous avons mené à l’issue de la collecte de données une analyse descriptive croisée qui nous a permis d’identifier 4 catégories de business models sobres :</p>
<ul>
<li><p>le modèle activiste,</p></li>
<li><p>le modèle du produire moins,</p></li>
<li><p>le modèle écosystémique territorial</p></li>
<li><p>et le modèle DIY-DIT (<em>do it yourself, do it together</em>).</p></li>
</ul>
<p>Nos travaux révèlent qu’ils participent à éveiller, favoriser et soutenir une sobriété dans la consommation de vêtements.</p>
<h2>Le business model sobre activiste</h2>
<p>Ce premier modèle, le plus complet, intègre à la fois les notions de décroissance et d’encouragement à la sobriété en jouant sur la production et la consommation.</p>
<p>Trois critères clés le caractérisent : un discours constant sur une éducation au moins consommer auprès des consommateurs, une forte longévité des produits et un activisme social et environnemental intense de la marque et de ses fondateurs.</p>
<p>Leur proposition de valeur repose à la fois sur l’offre en se focalisant sur la durabilité de leurs produits mais également sur la demande en jouant le rôle de héraut, de messager de l’environnement, en informant continuellement sur l’impact des modes de production et de consommation sur l’état de la planète.</p>
<p>Il se démarque des autres business models soutenables en valorisant le renoncement à l’achat. La marque de vêtements Loom, qui enjoint <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/17/face-a-la-pollution-de-l-industrie-textile-il-faut-acheter-le-moins-de-vetements-possible_6150371_3232.html">aux citoyens de moins consommer</a>, incarne bien ce modèle.</p>
<h2>Le business model sobre du produire moins</h2>
<p>Le second modèle est davantage orienté vers la production agile : si la question de la surconsommation n’est pas appréhendée de front, le temps de mise en production ou la visibilité apportée à la fabrication relativisent la consommation impulsive et favorisent la réflexion.</p>
<p>Il fait référence à certains principes de l’industrie 4.0, notamment la production à la commande, à la demande ou une production réactive. L’objectif est d’encourager le zéro stock.</p>
<p>La sobriété consiste à remettre en question les codes et le modèle fast-fashion de l’industrie textile en inversant les flux afin de réduire drastiquement le gaspillage vestimentaire, tant en amont qu’en aval. La devise des trois tricoteurs situés à Roubaix illustre bien ce business model du produire moins : « ne pas surproduire, ne pas surstocker, valoriser la production locale et inciter à une consommation réfléchie ».</p>
<h2>Le business model écosystémique territorial</h2>
<p>Ce troisième business sobre s’inscrit dans une démarche écosystémique. La valeur générée ne résulte pas d’une seule organisation mais est créée <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2017-5-page-905.htm">par des acteurs en interaction</a>. Il est ancré dans un environnement local et s’hybride avec des projets territoriaux qui ont un sens similaire, en renforçant « le patrimoine immatériel territorial ».</p>
<p>Dans le textile, ces modèles s’inscrivent souvent dans une logique de reconstruction de filière comme celle du lin, du chanvre ou de la laine. La sobriété de ces modèles provient aussi de l’offre limitée de matières premières sur le territoire, de la collaboration tout au long de la chaîne de valeur et de la garantie d’une gouvernance démocratique.</p>
<p>Un autre aspect qui revient est l’idée du circuit court et de reconnecter le consommateur au produit, par exemple en explicitant les étapes de la fabrication (par exemple celle d’un pull).</p>
<p>Ce modèle prône une durabilité affective, d’usage et d’attachement territorial. C’est le cas de Laines paysannes, qui fait la promotion d’un patrimoine culturel local et d’une sobriété liée à l’offre limitée de matières premières sur leur territoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7wjlBC5wwg4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le dévendeur et le smartphone. Source : Ademe, novembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Le business model sobre « do it yourself »</h2>
<p>Le dernier modèle se centre sur le transfert de compétences et la possibilité donnée aux consommateurs de fabriquer ou de réparer eux-mêmes leurs vêtements. Cela fait écho aux pratiques de consommation créative et d’<em>upcycling</em> (ou <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-surcyclage-214741">surcyclage</a>) qui répondent à des logiques économiques mais aussi culturelles.</p>
<p>Elles contribuent à l’émergence d’un nouvel art fondé sur l’esthétisme et l’unicité d’un produit. L’ensemble de ces business models DIY-DIT a pour principal objectif de doter les consommateurs des compétences pour revaloriser leurs propres vêtements en allongeant leur durée de vie par de la réparation, de l’embellissement et/ou de la transformation.</p>
<p>Comme le business model écosystémique, il permet de tisser ou de retisser des liens entre l’individu et le vêtement et d’accroître son attachement émotionnel. Il contribue également à revisiter la figure du consommateur en lui offrant une fonction de créateur, réparateur et passeur de valeur sans le cantonner à son rôle d’acheteur en bout de chaîne, propre à l’économie linéaire.</p>
<h2>Moins de biens, de vitesse et de distance</h2>
<p>Cette tentative de catégorisation permet de mettre en lumière le premier R de l’économie circulaire, refuser :</p>
<ul>
<li><p>en consommant moins et en décryptant les pièges de la surconsommation (appel à la mesure)</p></li>
<li><p>en questionnant la relation du consommateur vis-à-vis du produit et donc son attachement émotionnel par un rapprochement production/consommation</p></li>
<li><p>en offrant de nouvelles compétences aux usagers afin de faire soi-même et de prendre de la distance par rapport au modèle imposé</p></li>
</ul>
<p>Ces modèles interrogent le moins de biens, le moins de vitesse et le moins de distance en opposition avec les attributs de la <em>fast fashion</em> incarnés par la vitesse d’acquisition de nouveaux vêtements, le principe du vêtement « kleenex », l’accumulation et la recherche du prix le plus bas.</p>
<p>Ces business models existent déjà, souvent portés par des marques engagées et des entrepreneurs qui le sont tout autant. La question suivante sera de comprendre comment ils peuvent aider à redessiner la consommation de vêtements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Robert est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT). La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille. Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT).
La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille.
Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p>La sobriété appliquée à l'industrie textile, c'est aussi refuser les achats inutiles. Dans le secteur du prêt-à-porter, des alternatives existent et s'appuient sur les principes de l'économie circulaire.Isabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion et co-fondatrice de la chaire Tex & Care, chaire universitaire de la mode circulaire, Université de LilleMaud Herbert, Professeur des Universités, co-fondatrice de la chaire Tex&Care, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210522024-01-25T09:54:59Z2024-01-25T09:54:59ZDéchets alimentaires : à quoi va servir le nouveau tri à la source ?<p>Le 1<sup>er</sup> janvier 2024 est entrée en vigueur l’obligation, pour toutes les collectivités, de <a href="https://infos.ademe.fr/economie-circulaire-dechets/2024/le-tri-a-la-source-des-biodechets-cest-maintenant/">proposer à leurs habitants une solution de tri à la source</a> et de valorisation de leurs biodéchets : autrement dit, de l’ensemble de leurs déchets alimentaires et déchets verts.</p>
<p>En France, les biodéchets représentaient en 2017 83kg par habitant et par an, correspondant à <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4351-modecom-2017-campagne-nationale-de-caracterisation-des-dechets-menagers-et-assimiles.html">1/3 de nos ordures ménagères</a>. Précisons que l’enjeu actuel pour les collectivités porte surtout sur les déchets alimentaires, produits par toute la population ; les déchets verts étant dans la majorité des cas traités sur place ou grâce à des solutions déjà existantes.</p>
<p>Si elle exige pour les consommateurs et les collectivités de s’y adapter, cette nouvelle étape dans le tri des déchets est <a href="https://theconversation.com/dechets-verts-et-alimentaires-des-detritus-sous-exploites-77112">indispensable</a> d’un point de vue énergétique et environnemental, puisqu’elle va d’une part éviter une incinération et un enfouissement qui n’avaient pas lieu d’être, et d’autre part générer des bénéfices environnementaux pour la production d’énergie et l’agriculture : ces biodéchets auront en effet deux destinations principales, les <a href="https://theconversation.com/lhistoire-peu-connue-du-compost-en-france-de-la-chasse-a-lengrais-a-la-chasse-au-dechet-220411">amendements organiques</a> et le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/methanisation-33105">biométhane</a>.</p>
<h2>Où en est-on ?</h2>
<p>La mise en place de cette réglementation est le fruit d’un long processus débuté il y a une dizaine d’années. En 2010, le Grenelle II de l’environnement initiait le processus, puis la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-relative-transition-energetique-croissance-verte-tepcv">loi de transition écologique pour la croissance verte</a> du 17 août 2015 fixait une échéance de tri des biodéchets pour tous les producteurs (et non seulement les gros producteurs non ménagers) au 1<sup>er</sup> janvier 2025.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p><a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1528981579179&uri=CELEX:32018L0851">L’Union européenne</a> a ensuite repris cette mesure pour l’appliquer à l’ensemble des États-membres et en a avancé l’échéance à 2024. Les collectivités connaissaient donc le changement à venir depuis 2015. Pourtant, en décembre 2023, seuls 30 % de la population française, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), est couverte par une solution de tri à la source de ses biodéchets. Ce chiffre devrait atteindre les 40 % courant 2024.</p>
<p>Parmi les freins qui expliquent ce retard, on peut citer l’extension parallèle des consignes de tri pour la poubelle jaune à emballages. Certaines collectivités ont priorisé cette question, repoussant à 2024 celle des biodéchets. En outre, la loi n’étant pas punitive pour les collectivités qui ne mettraient pas en place ce tri, la seule sanction qui s’appliquent à elles est indirecte : la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042910922">taxe générale sur les activités polluantes</a> (TGAP), qui s’applique aux poubelles noires, augmente depuis 2019 et jusqu’en 2025 passant de 17€/tonne à 65€/tonne pour les installations de stockage de déchets non dangereux.</p>
<p>Les collectivités ont donc intérêt, en principe, à en diminuer le volume en sortant les biodéchets. Pourtant, la mise en place de la gestion de ce nouveau flux représente, elle aussi, un coût important pour la collectivité. Les solutions de tri à la source et la valorisation impliquent en effet des investissements, qui sont accompagnés par l’État via des fonds dédiés aux biodéchets, comme le <a href="https://aides-territoires.beta.gouv.fr/aides/bab0-soutenir-le-tri-a-la-source-et-la-valorisatio/">Fonds vert en 2024</a>.</p>
<h2>Deux formes de tri à la source</h2>
<p>Pour la mise en place du tri des biodéchets, deux choix s’offrent aux collectivités : la gestion de proximité ou la collecte – au porte à porte ou via des bornes d’apport volontaire proches de leurs logements, dans lesquels les citoyens viennent déposer leurs déchets.</p>
<p>Dans le premier cas, il s’agit d’un compostage individuel ou partagé dans les résidences où c’est adapté : les déchets sont compostés sur place – un processus d’une durée de 9 mois – puis sont utilisés par les habitants eux-mêmes sur leurs espaces verts – potager, plates-bandes, pots de fleurs, pelouse…</p>
<p>Dans le second cas, les biodéchets sont collectés et envoyés vers une unité de traitement : soit une compostière industrielle, soit un méthaniseur.</p>
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<p>Restes de repas, épluchures, coquilles d’œufs… Les déchets alimentaires étant assez spéciaux à traiter, les plates-formes doivent pour y être autorisées obtenir des agréments sanitaires : ce sont des ensembles de protocoles et de règles à respecter pour s’assurer qu’il n’y a aucun risque pour la santé des humains et des animaux (hygiénisation, montée en température et surveillance des potentiels pathogènes). Ces installations requièrent donc des équipements spécifiques.</p>
<h2>Matière organique pour restaurer nos sols</h2>
<p>Commençons par l’usage le plus répandu, à savoir le compostage. En plein air ou plus rarement à l’intérieur, la matière se transforme en compost au cours d’un processus qui dure entre 4 et 6 mois : l’activité des micro-organismes fait monter en température les biodéchets jusqu’à 70 °C, ce qui vient dégrader la matière organique. S’ensuivent des phases de maturation qui aboutissent à l’obtention d’une matière stable et d’un compost mûr.</p>
<p>Ce compost est ensuite revendu au milieu agricole et va servir à enrichir le sol en matière organique, afin de lui conférer une meilleure rétention de l’eau et limiter l’érosion des sols. Un enjeu crucial de préservation des sols et des cultures, dans un contexte de fréquence accrue des épisodes de sécheresse. Il diminue en parallèle les besoins en engrais, dont l’usage augmente à mesure que les sols se dégradent.</p>
<h2>Méthanisation pour la souveraineté énergétique</h2>
<p>L’autre possibilité pour la valorisation des biodéchets est la méthanisation : sous l’action de micro-organismes naturellement présents dans les biodéchets, la matière organique est dégradée lors d’un processus appelé fermentation anaérobique. Cette dégradation est réalisée en conditions contrôlées et en enceinte fermée qui permet l’absence d’oxygène, contrairement au compostage qui est une réaction aérobie.</p>
<p>De cette réaction est obtenue du biogaz ainsi qu’une fraction solide – le digestat – qui est généralement recompostée ou épandue directement sur des sols agricoles. Contrairement au compostage, la méthanisation ne monte pas suffisamment en température pour hygiéniser les déchets alimentaires. Les installations doivent donc investir dans des équipements supplémentaires pour cette étape obligatoire de traitement.</p>
<p>Cette production de biogaz, réinjectée dans les réseaux, constitue un substitut du gaz naturel importé et répond donc à un enjeu de souveraineté énergétique – le gaz naturel représente <a href="https://www.grdf.fr/institutionnel/role-transition-ecologique/gaz-energie-avenir/gaz-mix-energetique">16 % du mix énergétique en France et 42 % de notre consommation en chauffage</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lobligation-de-tri-des-biodechets-va-t-elle-enfin-faire-decoller-la-methanisation-en-france-221272">L’obligation de tri des biodéchets va-t-elle enfin faire décoller la méthanisation en France ?</a>
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<h2>Choix territorial, enjeu foncier et acceptabilité</h2>
<p>Mais le choix va surtout répondre à des enjeux territoriaux. En effet, la répartition des unités de traitement déjà existantes s’inscrit dans une logique historique : dans les zones qui pratiquaient et pratiquent l’élevage, les méthaniseurs sont nombreux puisque le besoin en compost est faible tandis que la méthanisation permet de valoriser les effluents d’élevage ou les résidus de culture chez les céréaliers.</p>
<p>Dans le sud de la France, les plates-formes de compostage sont plus plébiscitées puisque les cultures sont plutôt maraîchères (vergers, viticulture, etc.). L’enjeu d’installation des plates-formes étant de bien s’assurer du besoin territorial de la matière produite, le but n’étant pas de produire du compost à Lille pour l’envoyer à Marseille.</p>
<p>Au fur et à mesure du développement de la filière émergent des enjeux importants sur le foncier avec une forte concurrence entre les secteurs : où installer les nouvelles plates-formes ? Comment adapter l’existant ? A cela se mêlent des enjeux d’acceptabilité, ces solutions pouvant générer des nuisances selon l’endroit où elles se trouvent. Généralement les installations de traitement de déchets sont éloignées des aires d’habitation.</p>
<p>À ce stade, aucune des deux n’est plus préconisée que l’autre. Des études menées par l’Ademe sont en cours sur l’analyse cycle de vie complète de chaque procédé afin d’évaluer les coûts environnementaux associés à chacun au regard des bénéfices qui en découlent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Muriel Bruschet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle obligation du tri à la source pour les collectivités, encore peu mise en œuvre, est pourtant indispensable.Muriel Bruschet, Référente Nationale Biodéchets, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204112024-01-01T15:47:59Z2024-01-01T15:47:59ZL’histoire peu connue du compost en France : de la chasse à l’engrais à la chasse au déchet<p>À compter du 1<sup>er</sup> janvier 2024, les collectivités territoriales sont dans l’obligation de fournir une solution de tri et de valorisation (par compostage ou méthanisation) à leurs populations. À en croire certains titres de presse, la mise en place du compostage relèverait de l’innovation. Pourtant, ce processus est tout sauf récent, comme le rappelle Émile Zola dans son roman <em>La Terre</em>, qui, dans une scène où Jean Macquart, ouvrier agricole, réalise son compost à partir des « ordures du pays entier », conclut que « tout ce qui vient de la terre est bon à renvoyer à la terre ». </p>
<p>Malgré la longue histoire du compostage, la <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16963">loi du 1<sup>er</sup> janvier 2024</a> est toutefois loin de signer un retour à des traditions agricoles ancestrales. En effet, depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, la pratique du compostage en France a connu un drôle de destin au gré de la gestion des déchets ménagers, des guerres, des chocs pétroliers et de la crise climatique.</p>
<h2>Composter les restes urbains pour nourrir les sols</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle en France, les pratiques de compostage répondent à une préoccupation centrale : comment nourrir des populations urbaines qui ne cessent de croître ? On doit à la chercheuse <a href="https://shs.hal.science/halshs-00124414">Sabine Barles</a> d’avoir mis en lumière les fortes relations qu’entretiennent la ville de Paris et sa campagne, que l’auteure désigne par l’expression de <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2017-5-page-819.htm">« métabolisme urbain »</a>.</p>
<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, la capitale est nourrie grâce aux excédents alimentaires produits dans les campagnes environnantes, tandis que les restes urbains sont acheminés vers les zones agricoles afin de servir de fertilisants dans un contexte de « chasse à l’engrais », le fumier étant jugé insuffisant pour fertiliser les sols. Ces restes, loin de se limiter aux déchets alimentaires visés par la loi du 1<sup>er</sup> janvier 2024, rassemblent de multiples matières organiques – boues de rue, excréments ou encore carcasses d’animaux provenant des abattoirs parisiens.</p>
<p>Les politiques d’aménagement haussmanniennes de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle conduisent à de profondes transformations de ce métabolisme urbain. L’arrêté d’Eugène Poubelle de 1883, par exemple, oblige les propriétaires à fournir à leurs locataires un récipient muni d’un couvercle. Cet arrêté, qui ne va pas sans résistance de la part de la population et des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/les-chiffonniers-de-paris-8416879">chiffonniers</a>, s’inscrit plus généralement dans un mouvement de transformation de la ville qui conduit à l’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/XIXeme-si%C3%8Bcle-l-invention-des-dechets-4770387">« invention des déchets urbains »</a> : les matières auparavant réutilisées sont de plus en plus dépréciées au profit de matériaux chimiques, les transformations morphologiques des villes éloignent les zones agricoles et rendent plus difficile le transport des matières organiques vers les campagnes.</p>
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<p>Malgré ces évolutions notables, le XX<sup>e</sup> siècle reste marqué par de profondes ambivalences en matière de compostage. D’un côté, certains épisodes historiques ravivent la demande rurale en engrais organiques : pendant la Seconde Guerre mondiale, une <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2023-1-page-32.htm">forte pénurie en engrais chimiques et en fumier</a> favorise l’utilisation des restes organiques en agriculture. D’un autre côté, les engrais chimiques deviennent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/chimie-a-la-ferme-naissance-d-une-pollution-intensive-9000311">prédominants dans l’agriculture à partir de 1945</a>, tandis que le recours à l’incinération des déchets ménagers s’impose progressivement au cours du XX<sup>e</sup> siècle, et de manière décisive après les années 1970 : les <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2023-1-page-32.htm">chocs pétroliers</a> érigent l’incinération – et sa production de chaleur – comme la solution technique à privilégier.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lagriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-lazote-et-compromet-lhabitabilite-de-la-terre-219276">Comment l’agriculture industrielle bouleverse le cycle de l’azote et compromet l’habitabilité de la terre</a>
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<h2>Composter, un acte militant</h2>
<p>À partir des années 1990, et encore plus des années 2000, le compostage revient au goût du jour sous une forme inédite, celle du compostage dit « de proximité ». Réalisé par des bénévoles à proximité de leur domicile, généralement dans des parcs et/ou jardins, le compostage de proximité est présenté comme un moyen de gérer écologiquement les restes alimentaires domestiques – seuls déchets concernés désormais – mais aussi de créer du lien social dans un quartier.</p>
<p>Loin de la chasse à l’engrais qui caractérise les époques précédentes, le compostage de proximité est investi par celles et ceux qui le pratiquent comme une modalité de lutte contre la surproduction de déchets, parfois qualifiée d’aberration – incinérer les déchets organiques reviendrait ainsi à <a href="https://www.smeeom-moyennegaronne.fr/jetons-moins/tous-au-compost/pourquoi-composter">« brûler de l’eau »</a>. Il faut dire que les préoccupations du début du XXI<sup>e</sup> siècle diffèrent nettement de celles du XIX<sup>e</sup> siècle. C’est dans un contexte de crise climatique que se déploie le compostage de proximité, généralement porté par une population urbaine diplômée issue des classes moyennes et supérieures, qui cherche à verdir son mode de vie.</p>
<p>Le compostage de proximité, loin d’être un phénomène d’ampleur, est donc une pratique située socialement. Pour autant, plusieurs sociologues mettent en avant le caractère subversif du compostage domestique ou de proximité par opposition au <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/07/27/baptiste-monsaingeon-le-caractere-recyclable-des-dechets-est-une-raison-pour-continuer-a-en-produire_1586636/">recyclage du plastique</a> qui favorise <em>in fine</em> la perpétuation d’un modèle productiviste et capitaliste. Gérer soi-même ses déchets, prendre conscience de leur volume, observer leur décomposition crée une rupture avec le système centralisé de gestion des déchets, et son incitation à se défaire de la responsabilité de leur gestion une fois les déchets déposés à la poubelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-mettre-des-matieres-plastiques-dans-son-composteur-est-une-mauvaise-idee-200246">Pourquoi mettre des matières plastiques dans son composteur est une mauvaise idée</a>
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<h2>Un nouveau visage du compost ?</h2>
<p>Au cours des années 2010, les pouvoirs publics se saisissent de la question des déchets organiques et rendent obligatoires pour les « gros producteurs » (à partir de 5 tonnes par an) le tri et la valorisation des déchets organiques. Ces obligations règlementaires croissantes favorisent l’émergence de petites entreprises spécialisées dans la collecte et le compostage des déchets alimentaires à l’échelle locale, telles que les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/demain-l-eco/les-detritivores-collecter-les-dechets-organiques-pour-produire-du-compost-9559751">Détritivores</a> à Bordeaux. Les services de ces entreprises, dans un premier temps dédiés aux commerces alimentaires, ont été étendus aux habitations dans certaines métropoles.</p>
<p>On assiste ainsi à une modification en profondeur du modèle économique du compostage. Auparavant bénévole, autogéré et (presque) gratuit, le compostage devient une activité professionnelle, marchande et industrielle. Déployés par des ex-cadres du secteur privé, les services de collecte et de compostage des déchets organiques réinstaurent un système où la gestion des déchets est déléguée à des industries spécialisées, dont l’ambition est de traiter une bonne partie des 40 millions de tonnes de déchets organiques produites par an en France.</p>
<p>Plus ou moins subversives, les pratiques contemporaines de compostages domestiques et professionnelles ont en commun d’être avant tout une réponse à la surproduction de déchets alimentaires, bien loin du retour à des relations complémentaires entre ville et campagnes que suggère le concept d’<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/leconomie-circulaire">« économie circulaire »</a>. Les nouvelles entreprises spécialisées mettent cependant en avant leur volonté de produire un compost à même de nourrir les sols agricoles. Pourtant, <a href="https://ehess.hal.science/hal-03697612v1">l’enquête</a> que j’ai menée auprès de plusieurs de ces entreprises permet de souligner la difficulté que ces dernières ont à développer une véritable filière pour ce fertilisant agricole. Dans l’entreprise nantaise de collecte et de compostage étudiée, la vente de compost représente un chiffre d’affaires de 900 euros en 2020, soit… 2 % du chiffre d’affaires, les 98 % restants provenant de la vente des services de collecte.</p>
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<img alt="Tas de bio compost" src="https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567479/original/file-20231229-29-o9okiy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valoriser les utilisations agricoles du compost reste encore difficile pour les nouveaux entrepreneurs du compost.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maud Hetzel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Alors qu’une salariée avait été recrutée pour développer la vente de compost en 2019, cette mission passe finalement au second plan au vu des faibles ressources économiques que cela apporte à l’entreprise. Les entreprises sont alors financées avant tout en tant pour leur activité de gestion des déchets, tout comme les politiques d’économie circulaire sont elles aussi pensées en premier lieu comme un moyen de prendre en charge des quantités considérables de déchets. Tous ces éléments mettent en lumière à quel point la chasse à l’engrais du XIX<sup>e</sup> siècle a laissé place à une chasse au déchet, dont la production démesurée est au cœur des préoccupations contemporaines.</p>
<h2>La nouvelle loi</h2>
<p>La loi du 1<sup>er</sup> janvier 2024 suscite un fort enthousiasme dans le monde du compostage, aussi bien du côté de celles et ceux qui pratiquent le compostage partagé que des entreprises de collecte. Le relatif flou de l’obligation règlementaire qui s’applique désormais aux collectivités laisse présager une grande diversité de mises en pratique. Tandis que dans les zones rurales, on peut s’attendre à ce que le compostage domestique soit privilégié, les collectivités urbaines insistent sur la nécessité de proposer un « panel de solutions » à leurs populations, cumulant ainsi compostage de proximité et systèmes de collecte, ces derniers pouvant être gérés directement par la collectivité ou délégués à des prestataires.</p>
<p>L’enthousiasme que suscite la généralisation du tri et de la valorisation des déchets organiques ne doit pas faire oublier que, si toutes ces solutions de compostage ne sont pas aussi subversives les unes que les autres, la question du retour au sol du compost est la grande oubliée de ces politiques publiques, tant c’est la surproduction de déchets qui est au cœur de nos préoccupations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maud Hetzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces deux derniers siècles, le compost en France a changé maintes fois de visages et d'ambitions. D'allié indispensable de l'agriculture à geste militant et sociétal.Maud Hetzel, ATER (Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche) en sociologie, Centre Georg Simmel, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188572023-12-07T17:34:46Z2023-12-07T17:34:46ZAutomobile : et s’il y avait un peu de chanvre dans l’habitacle et un peu de lin dans votre moteur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562436/original/file-20231129-23-3lq6j8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C17%2C3893%2C2782&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fibres végétales pourraient-elles entrer dans la composition de l'habitacle ou du moteur de nos véhicules?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-vache-dans-un-champ-de-fleurs-OpuuB_Io3tQ">Darla Hueske, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On commence à trouver des fibres végétales dans les voitures : elles sont à l’intérieur des plastiques de l’habitacle notamment, où elles permettent d’alléger le matériau, ce qui peut permettre de faire des économies d’énergie ou de déplacer un véhicule plus volumineux pour le même litre d’essence ou recharge électrique. On les retrouve aussi dans les <a href="https://www.challenges.fr/automobile/dossiers/porsche_729434">carénages de voitures sportives</a> et <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/voile/route-du-rhum/route-du-rhum-2022-pont-en-fibres-de-lin-energie-solaire-pieces-de-recuperation-des-skippers-prendront-le-depart-avec-un-bateau-plus-durable_5439127.html">dans certaines coques de bateaux à voile de compétition</a>.</p>
<p>Les plastiques composites, qu’ils contiennent des fibres végétales ou minérales, comme les fibres de verre ou de carbone, représentent aujourd’hui jusqu’à <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6095-vehicules-donnees-2020.html">20 % du poids total du véhicule</a>. Dans le cas des fibres de verre ou de carbone, ils entrent même dans la composition des pièces du moteur, par exemple des pompes à eau de refroidissement. Les fabricants ont aujourd’hui tendance à favoriser ces plastiques composites par rapport à des pièces en métal car, outre leur poids moindre, elles sont moins coûteuses à fabriquer, suffisamment résistantes, permettent d’obtenir des géométries plus optimisées et sont recyclables… du moins en partie.</p>
<p>Recycler les plastiques contenant des fibres de verre ou de carbone permet de récupérer ces fibres, mais pas le matériau polymère, car il faut brûler le plastique pour récupérer les fibres, qui sont coûteuses à fabriquer et donc intéressantes à revaloriser. Ainsi, aujourd’hui, seulement <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6095-vehicules-donnees-2020.html">entre 28 % et 78 % de pièces en plastique des véhicules sont recyclés</a> (alors qu’<a href="https://www.auto-infos.fr/article/le-recyclage-automobile-dans-tous-ses-etats.251247">environ 85 % de la masse totale des véhicules est recyclé</a>. Cette variabilité vient du fait que certains plastiques sont utilisés purs et donc plus facilement recyclables alors que d’autres sont renforcés, ce qui rend l’opération bien plus difficile.</p>
<p>C’est pour continuer à alléger les véhicules et améliorer leur recyclabilité que l’on se tourne aujourd’hui vers les fibres naturelles, y compris dans les moteurs. Elles sont plus vertueuses à produire que le verre ou le carbone (car moins énergivores à produire, biodégradables, valorisables pour de multiples applications et pouvant provenir de récupération de chutes, favorisant ainsi l’indépendance vis-à-vis du pétrole), mais aussi plus légères, et elles brulent à plus basse température : lors du recyclage, on pourrait ainsi en théorie récupérer le thermoplastique, comme le nylon ou le polypropylène et le recycler.</p>
<p>Les fibres végétales du lin ou du chanvre sont utilisées depuis <a href="https://www.jstor.org/stable/1595900">l’antiquité</a> pour fabriquer entre autres papyrus, cordages et voiles de bateau (du fait de leur bonne résistance mécanique) et vêtements. Mais il y a plusieurs défis techniques à relever pour pouvoir les intégrer dans des pièces mécaniques de composites plastiques.</p>
<h2>Du champ au renfort mécanique dans les moteurs de voiture</h2>
<p>Aujourd’hui, seulement 10 % du lin est utilisé pour des applications mécaniques, le <a href="https://www.culture.gouv.fr/Media/Les-savoir-faire-du-lin-textile">reste, c’est-à-dire l’immense majorité, étant utilisé pour les vêtements et l’ameublement</a>. Le lin est pourtant un matériau connu pour sa bonne résistance mécanique, qui a permis d’arrimer les bateaux et faire traverser les âges aux anciens papyrus. Il a cependant toujours été utilisé en grosses structures tissées ou tressées et non en petites fibres.</p>
<p>Le chanvre, de son côté, commence à réémerger, grâce à des applications thermiques. Ses excellentes propriétés isolantes font de lui un <a href="https://theconversation.com/faire-pousser-des-isolants-thermiques-un-panorama-des-materiaux-disponibles-en-france-185653">excellent isolant thermique pour le bâtiment</a> et pour les paillis agricoles. Ses propriétés mécaniques sont également très intéressantes pour les applications industrielles.</p>
<p>Comme chaque matériau possède ses propres points forts, le développement parallèle de plusieurs types de renfort est indispensable pour offrir un panel de solutions aux problématiques variées auxquelles font face les constructeurs. En équilibrant les avantages et les inconvénients de chaque matériau, nous pourrions ne plus nous retrouver dépendants d’une seule solution, comme ce fût le cas avec la dépendance au pétrole.</p>
<p>Si la culture du lin <a href="https://www.lelin-cotenature.fr/FR/les-zones-de-production-41.html">est présente et bien implantée en France</a>, la culture du chanvre, elle, est bien <a href="https://www.interchanvre.org/la_culture">plus anecdotique</a>. La démocratisation de la culture de chanvre peut donc prendre plus de temps, d’autant que les fibres doivent être issues de cultures pérennes et maitrisées sous réserve de voir leurs propriétés fluctuer d’une année à l’autre, en fonction de la qualité de la récolte. <a href="http://www.vanrobaeys.fr/fr/lin/culture-and-recolte-2">De l’acquisition du terrain à la première récolte de lin, par exemple, il peut en effet se passer 6 à 7 ans avant de pérenniser la culture et standardiser la qualité des fibres obtenues</a>. Un accroissement important de ces cultures, qu’elles soient de lin, de chanvre ou de tout autre renfort naturel potentiel, serait nécessaire pour permettre une diffusion plus massive des renforts naturels.</p>
<h2>Mieux comprendre les fibres végétales et leurs composites</h2>
<p>La présence de fibres rend le comportement mécanique de la pièce complexe à estimer, car il dépend de la manière dont les fibres sont positionnées et orientées dans la pièce en plastique. Par exemple, une meilleure résistance à la traction serait obtenue si les fibres étaient parfaitement alignées avec la direction de sollicitation, ce qui n’est jamais le cas, surtout dans une pièce à la géométrie complexe. Ainsi, le dimensionnement d’une pièce composite renforcée de fibres synthétiques n’est déjà pas chose aisée.</p>
<p>Heureusement, les fibres synthétiques ont des géométries simples et répétables (même longueur, même diamètre), ce qui a permis de développer des <a href="https://pubs.aip.org/sor/jor/article-abstract/31/8/751/235499/The-Use-of-Tensors-to-Describe-and-Predict-Fiber">méthodes</a> pour estimer l’orientation dans une pièce mécanique.</p>
<p>Avec les fibres végétales, c’est plus compliqué, car celles-ci sont moins bien calibrées, voire pas du tout, et on ne peut pas faire les mêmes hypothèses et approximations qu’avec les fibres synthétiques. Voilà pourquoi, la majorité des pièces renforcées de fibres naturelles sont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15440478.2022.2126424">moulées</a>, permettant de créer des renforts tressés et donc à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1359835X20301536">géométrie répétable</a>, à l’instar des cordages de bateaux. Pour les pièces à géométrie plus complexe, obtenues par injection, l’orientation des fibres devient une inconnue majeure.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Orientation de fibres synthétiques (à gauche) et naturelles (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bourgogne, Université de Bourgogne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De plus, contrairement aux fibres synthétiques, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s42452-020-2160-2">leur résistance mécanique s’avère être encore plus sensible à la température et à l’humidité que le polymère</a>.</p>
<p>Tout n’est cependant pas perdu car, même si on ne peut pas changer la nature et ces dépendances, on peut <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/tel-03176321">anticiper</a> ces dernières.</p>
<p>Nous étudions des composites de différentes natures, afin d’identifier les phénomènes physiques – dont dépend la résistance mécanique – qui vont se produire au niveau de la microstructure, afin de prédire leur apparition et quantifier leur influence sur la résistance du matériau.</p>
<h2>Des sensibilités diverses, pour des applications qui le sont tout autant</h2>
<p>Contrairement au verre, la fibre végétale est aussi un composite. Elle se compose d’un ensemble de plus petites fibres, appelées fibrilles, entrelacées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Composition d’une fibre de chanvre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bourgogne, Université de Lorraine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est cette structure qui rend la géométrie de la fibre complexe et variable. Pour prendre ce constat en compte dans le dimensionnement, nous avons mené des <a href="https://www.researchgate.net/profile/Quentin-Bourgogne-2">travaux</a> montrant que les fibres naturelles sont tellement courbées que l’orientation des fibres joue un rôle mineur dans l’effet renforçant. La courbure de la fibre est tel qu’elle vient compenser l’orientation des fibres.</p>
<p>Les aspects géométriques de la fibre ne sont pas les seuls défis à relever pour l’utilisation de ces matériaux. La résistance mécanique des fibres naturelles est elle aussi sujette aux variations de températures et d’humidité.</p>
<p>Nous avons été capables de montrer <a href="https://www.researchgate.net/profile/Quentin-Bourgogne-2">dans d’autres travaux</a> que dans le cas d’un composite constitué de polypropylène et de fibres courtes de chanvre que le polymère est plus sensible à la température que le chanvre, nous contraignant à comprendre le comportement du polymère en le dissociant du comportement de la fibre. Par contre, la fibre de chanvre est, elle, bien plus sensible à l’absorption d’eau. Cette absorption mène à un gonflement de celle-ci et dégrade de fait la cohésion entre la fibre et le polymère et peut même aller jusqu’à la dissolution de la fibre, supprimant de fait l’effet renforçant.</p>
<p>Chaque plante, et donc chaque fibre, est différente. Toutes ces spécificités doivent également être prises en compte dans le dimensionnement, créant ainsi une chaine d’incidences… remontant jusqu’à la récolte elle-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bourgogne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alléger, renforcer, recycler, économiser l’énergie… Les fibres végétales, qui peuvent sembler désuètes, peuvent-elles contribuer à rendre plus durable le secteur automobile ?Quentin Bourgogne, Enseignant - Chercheur en mécanique et matériaux, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188702023-12-04T16:56:10Z2023-12-04T16:56:10ZRecyclage textile : l’étroite voie de la réindustrialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562520/original/file-20231129-15-blhb53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C1126%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'enjeu du recyclage contraint les entreprises du secteur textile à manager la sobriété
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mpcaphotos/40889723483">Flickr/MPCA Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les images spectaculaires de décharges de friperie au Ghana posent la question de la pertinence de collecter dans les pays riches nos vêtements usagés pour les expédier en Afrique. Certains pays, comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20230928-l-ouganda-repart-en-guerre-contre-les-importations-de-fripes">l’Ouganda</a> et le <a href="https://www.rts.ch/play/tv/12h45/video/le-rwanda-a-interdit-en-2019-limportation-dobjets-en-plastique-a-usage-unique--le-pays-est-ainsi-devenu-lune-des-terres-les-plus-propres-dafrique-">Rwanda</a>, ont d’ailleurs interdit leur importation.</p>
<p>Dans le cas de l’interdiction d’un médicament, on tient compte de la différence entre coûts et bénéfices. Or, pour ce qui est de la friperie, l’exportation reste essentielle à l’économie circulaire du textile en Afrique. Les vêtements usagés font en effet vivre une partie de la population et fournissent de l’habillement pour les plus démunis.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8jVEFdX1zdc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Ghana, poubelle des textiles du monde (RTBF Info, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/04/l-economie-circulaire-doit-s-imposer-comme-le-modele-de-reference-du-secteur-de-l-habillement_6198175_3232.html">tribune</a> intitulée « L’économie circulaire doit s’imposer comme le modèle de référence du secteur de l’habillement » publiée dans Le Monde le 4 novembre dernier, Maud Hardy, responsable de l’éco-organisme français Refashion, plaide ainsi pour un encadrement réglementaire des exportations.</p>
<p>Avant d’en arriver là, il faudrait s’assurer que la <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/adam-smith">« main invisible du marché »</a> ne peut le réguler de façon satisfaisante et, dans la négative, comment une intervention attentive et bienveillante des pouvoirs publics pourrait contribuer à son meilleur fonctionnement. Auquel cas, l’autrice préconise une co-construction des outils de contrôle avec les différents acteurs, dans un cadre européen. Une méthode qui peut réussir.</p>
<h2>Une industrie française autrefois active</h2>
<p>Par ailleurs, l’autrice envisage deux autres voies possibles pour faire baisser les quantités de vêtements exportés :</p>
<ul>
<li><p>que l’industrie développe des procédés pour leur recyclage en France,</p></li>
<li><p>que les consommateurs français se montrent plus sobres dans leurs achats.</p></li>
</ul>
<p>Sans traiter spécifiquement du secteur textile, ces questions ont été abordées lors de <a href="https://culture.cnam.fr/avril/les-entreprises-a-l-epreuve-de-la-sobriete-enjeux-et-conditions-de-mise-en-uvre--1395268.kjsp">colloques</a> qui se sont tenus au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ont donné lieu à des dossiers parus dans la revue <em>Entreprise et société</em> intitulés « Pour une histoire managériale de la désindustrialisation » et « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété : enjeux et conditions de mise en œuvre ». Il en ressort notamment que ces pistes restent délicates à concrétiser.</p>
<p>Une voie pour faire baisser les quantités de textile exporté passe par le redévelopper une industrie du recyclage en France. <a href="https://www.castres-mazamet.fr/le-textile-castres-danne-veaute-nos-jours">Castres</a> et <a href="https://www.edimip.com/catalogue/ouvrages/essais/cinq-si%C3%A8cles-de-travail-de-la-laine/">Mazamet</a> (Tarn) accueillaient, encore dans les années 1980, une importante industrie d’effilochage, de cardage et de tissage des chiffons de laine qui rivalisait avec celle de l’Italie et de l’Inde. Ces activités ont pour ainsi dire disparu, en raison notamment des mesures prises par les autorités, qui n’acceptent aujourd’hui que les produits en laine vierge dans les commandes publiques.</p>
<p>On aimerait croire au succès des efforts du gouvernement actuel pour relocaliser, comme le souhaite par exemple le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/01/rapport_cnam_hcp_deride_2022-1.pdf">rapport</a> pour le Haut Commissariat au Plan de <a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-cappelletti-423838">Laurent Cappelletti</a>, professeur au CNAM. Cependant, la route paraît étroite…</p>
<h2>Un problème de rentabilité</h2>
<p>L’industrie de la récupération textile n’a cessé d’innover et de développer de nouveaux débouchés pour le chiffon, notamment comme matériau pour l’isolation. L’Institut Textile de France (fusionné aujourd’hui dans un Institut français du textile et de l’habillement) avait ainsi lancé des recherches afin de créer de nouveaux débouchés pour les textiles usagés. Faute de perspective rentable, aucune ne se concrétisa par des applications industrielles.</p>
<p>Cependant, dans le textile, plus qu’ailleurs, l’expression « vingt fois sur le métier se remettre à l’ouvrage » est à l’honneur. Les efforts de recherche doivent donc être poursuivis, d’autant qu’<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">il existe des pistes</a> prometteuses. Par exemple : l’automatisation du tri (qui reste aujourd’hui effectué manuellement) ou encore la mise au point de nouveaux produits, à l’instar de la Métisse, une gamme d’isolation thermique et acoustique pour le bâtiment fabriquée à partir de vêtements en coton par Le Relais (principale entreprise de collecte et de tri de vêtements en France).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">Recyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel</a>
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<p>Pour réduire la quantité des déchets textiles, dans le cadre de la récente <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi anti-gaspillage</a>, Refashion va en outre mettre un dispositif en place à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2024 pour inciter les Français à rapiécer, raccommoder leurs vêtements plutôt que de les jeter.</p>
<h2>Un pas vers la sobriété</h2>
<p>Il reste à vaincre les réticences des retoucheurs et autres artisans qui, pour faire bénéficier leurs clients d’une remise, auront à se charger d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/07/grace-a-l-inflation-les-cordonniers-et-les-retoucheurs-retrouvent-leurs-lettres-de-noblesse_6198753_3234.html">nouvelle tâche administrative</a>. Refashion lance d’ailleurs une campagne de communication à ce sujet. Si cette mesure peut paraître modeste, on aurait tort de ne pas la prendre au sérieux. Outre son intérêt écologique direct, elle participera à éduquer les consommateurs à moins jeter. Un pas vers la sobriété, dans l’esprit du <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-part-du-colibri/">« colibri »</a> cher au philosophe Pierre Rhabi qui insistait sur la nécessité de ces petites initiatives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721826238312960484"}"></div></p>
<p>Maud Hardy dans sa tribune préconise ainsi un allongement de la durée de vie des vêtements que les fabricants de textile produisent. Lors d’un colloque qui s’est tenu au CNAM en avril dernier, des dirigeants d’entreprise, des scientifiques, des hauts fonctionnaires et autres parties prenantes ont réfléchi sur « les entreprises à l’épreuve de la sobriété ». Celles du textile n’ont pas été spécialement visées (des invitations avaient été lancées mais ont été déclinées) mais ce secteur très polluant_ _est particulièrement concerné.</p>
<p>Antoine Frérot, le président-directeur général de Veolia, a rappelé que « le bon management est un management sobre en ressources humaines ou environnementales ». Pourquoi les dirigeants des entreprises textiles, dits les « metteurs sur le marché » dans le jargon du recyclage, qui financent Refashion, ne partageraient-ils pas cette philosophie ?</p>
<h2>Les contradictions du consommateur</h2>
<p>Une autre piste a été présentée par une équipe de chercheurs qui montrent que manager la sobriété à partir du système comptable classique invisibilise de nombreux éléments de l’organisation et proposent une méthode pour répondre à la question des coûts cachés.</p>
<p>La directrice de Refashion dans son article du <em>Monde</em> lance un appel à la responsabilité des citoyens afin qu’ils se convertissent à une consommation plus sobre. S’agit-il d’un vœu pieux ? <a href="https://theconversation.com/profiles/valerie-guillard-867672">Valérie Guillard</a>, professeur en marketing à l’université Paris-Dauphine, dans une des tables rondes qui se sont tenues lors du colloque sur « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété », a pointé la difficulté voire l’impossibilité de concilier le souhait des consommateurs, qui désirent des biens respectueux de l’environnement et de l’humain, à faire leurs achats de manière conforme à leur conscience, mais… pas cher.</p>
<p>Autant de questions qui renvoient à « La sobriété et ses contradictions », ce qui sera le thème du débat entre le philosophe, André Comte-Sponville, et l’ancien Commissaire au Plan, Jean-Baptiste de Foucauld, qu’organisent au CNAM, le 23 janvier prochain, le <em>think tank</em> <a href="https://pactecivique.fr/">« Pacte civique »</a> et le Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action (Lirsa).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218870/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Zimnovitch est membre du think tank Pacte civique</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme Méric ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux de réglementation ou encore de rentabilité freinent le développement de procédés industriels qui permettraient de relancer une filière française autrefois active.Jérôme Méric, Rédacteur en chef de la revue Entreprise et société, professeur spécialisé en contrôle de gestion et en gestion financière, IAE de PoitiersHenri Zimnovitch, professeur de sciences de gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147412023-12-03T16:29:42Z2023-12-03T16:29:42Z« L’envers des mots » : Surcyclage<p>Le recyclage classique vise simplement la retransformation d’un objet usagé vers son état d’origine, et qui gardera donc la même fonctionnalité et esthétique. C’est ce qui se passe avec les bouteilles en plastique. Le surcyclage, lui, permet de valoriser un objet en un nouveau de qualité supérieure – des déchets textiles seront ainsi convertis en pièces de mode. À l’inverse, le sous-cyclage tend vers l’élaboration d’un nouvel objet de valeur moindre, dans le cas par exemple de livres qui deviendront des cartons d’emballage.</p>
<p>D’après le dictionnaire Larousse, le terme <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/upcycling/188744"><em>surcyclage</em></a> est très peu employé dans la langue française, en faveur de sa traduction anglaise « upcycling » ou littéralement « recyclage par le haut », également appelé « suprarecyclage » du côté québécois. L’upcycling est un type de recyclage ayant pour objectif de donner une seconde vie à des matières ou objets destinés à être jetés en les transformant en produits à valeur ajoutée, esthétiques et/ou utiles, et souvent détournés de leur utilisation première.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/surcycler-des-dechets-textiles-une-piste-pour-mieux-isoler-les-batiments-207268">Surcycler des déchets textiles : une piste pour mieux isoler les bâtiments ?</a>
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<p>Ce concept de valorisation de la matière a toujours existé et les premiers exemples enregistrés datent du XVII<sup>e</sup> siècle, en particulier dans la mode. En effet, afin de suivre les tendances, les anciennes robes étaient réutilisées pour en créer de nouvelles ou confectionner des sacs et chaussures.</p>
<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, les artistes se servent d’objets usagés divers dans leurs créations, on peut citer les cas de <a href="https://www.moma.org/artists/1634">Marcel Duchamp</a> dès 1915 ou de <a href="https://www.museepicassoparis.fr/fr/tete-de-taureau">Pablo Picasso</a> dans les années 1940. Puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, due à la pénurie de textile causée par la fabrication massive d’uniformes de guerre en Grande-Bretagne, la campagne <a href="https://www.nationalarchives.gov.uk/education/families/the-big-draw/recycling/make-do-and-mend/">« Make Do and Mend »</a> fut lancée, encourageant la réparation et recyclage des vêtements.</p>
<p>Plus tard, dans les années 1950, Robert Rauschenberg s’inspire des travaux des années 1920 et crée la <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2016/nov/25/robert-rauschenberg-and-the-subversive-language-of-junk-tate">« junk art »</a> ou l’art des déchets, consistant en l’utilisation de matériaux de récupération pour créer des œuvres d’art, un bel exemple d’upcycling. Puis la récession du début des années 80 pousse la population, et en particulier les jeunes générations à porter et personnaliser leurs vêtements de seconde main.</p>
<p>Enfin, c’est en 1994 que les termes <em>upcycling</em> et <em>down-cycling</em> sont inventés par <a href="https://www.salvoweb.com/files/sn99sm24y94tk181119.pdf">Reiner Pilz</a>, un architecte d’intérieur allemand, ayant déclaré à propos la prochaine directive européenne sur les déchets et du recyclage :</p>
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<p>« Le recyclage, j’appelle ça du sous-cyclage, ils détruisent des briques, ils détruisent tout. Ce dont nous avons besoin est le surcyclage. Où de la valeur est ajoutée aux anciens produits, et non perdue. »</p>
</blockquote>
<p>Ensuite, Gunter Pauli publie le premier livre dédié à l’upcycling au titre éponyme en 1998, suivi en 2002 par le best-seller <a href="https://mcdonough.com/cradle-to-cradle/"><em>Cradle to Cradle : Créer et recycler à l’infini</em></a> de William McDonough et Michael Braungart, ce qui augmente fortement la popularité du terme <em>upcycling</em>. Ces ouvrages évitent le gaspillage des matières premières en promouvant leur réutilisation en créant de nouveaux produits.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">Industrie de la mode : les effets (très) limités du recyclage des textiles</a>
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<p>Ces dix dernières années, le surcyclage s’est fortement développé en parallèle de la mise en place d’actions et de lois visant à promouvoir l’économie circulaire. En plus de leur réemploi, le surcyclage des objets et matières limite grandement leur impact environnemental, et participe également à la création d’emplois dans de nombreux secteurs, de la récupération des objets, en passant par leur transformation ou réparation, jusqu’à leur réemploi.</p>
<p>L’industrie de la mode est l’un des pionniers de l’upcycling, et participe toujours activement au développement des procédés de valorisation des tissus, afin de retransformer les millions de tonnes de déchets textiles générés dans le monde chaque année, invendus compris et limiter leur impact environnemental et sociétal. Le surcyclage des vêtements est devenu nécessaire et de plus en plus de grandes marques se spécialisent dans ce domaine comme <a href="https://www.readymade-official.com/">Readymade</a> au Japon, mais encore <a href="https://www.maisonmargiela.com/fr-fr/">Maison Margiela</a> et <a href="https://www.marineserre.com/fr">Marine Serre</a> en France, ou encore de plus petites marques parisiennes comme <a href="https://parisremade.fr/">Paris RE Made</a> et <a href="https://mout-mout.fr/">Mout-Mout</a>.</p>
<p>Les secteurs de la décoration, de l’art et du design sont également très impliqués dans le surcyclage de leurs matériaux. Par exemple, l’artiste plasticien portugais <a href="https://www.bordaloii.com/">Bordalo II</a> sculpte des animaux géants à partir de déchets dans les rues de Lisbonne.</p>
<p>Le surcyclage ou upcycling se définit ainsi comme un moyen de valorisation de la matière ayant un grand intérêt économique, environnemental et culturel.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/214741/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Négrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On parle beaucoup de recyclage. Mais qu’en est-il du surcyclage ?Marion Négrier, Post-doctorante en chimie des matériaux au CEMEF (Mines Paris - PSL), en collaboration avec le centre RAPSODEE (IMT Mines Albi) et avec le le Centre Thermodynamique des Procédés, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136092023-11-23T16:24:55Z2023-11-23T16:24:55ZLes citoyens recyclent, mais l’industrie est défaillante et le modèle de consommation, jamais remis en question<p>Pourtant, il s’agit d’une des stratégies circulaires les plus basses dans la <a href="https://www.rncreq.org/images/UserFiles/files/3RV%20ICI%20juin%202009%20P1-6.pdf">hiérarchie 3RV</a> (réduction, réemploi, recyclage, valorisation). Elle n’implique en effet aucun changement structurel ou systémique majeur du modèle « linéaire », soit l’extraction, la production et la mise au rebut de biens, vers un modèle circulaire, où la création de produits intervient à partir de matières secondaires. </p>
<p><a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/durabilite/economie-circulaire.html">L’économie circulaire</a> s’articule autour de <a href="https://unpointcinq.ca/article-blogue/economie-circulaire-solution-durable/">deux idées clés</a> : </p>
<p>1) Repenser les modes de consommation et de production existants afin de minimiser la consommation de ressources vierges</p>
<p>2) Optimiser l’utilisation des ressources (énergie, matériaux, produits) existantes en prolongeant leur durée de vie ou en les réutilisant utilement afin de repenser les modes de consommation et de production existants. </p>
<p>L’étape du recyclage a pourtant été promue et médiatisée depuis plusieurs décennies dans de nombreuses municipalités canadiennes, avec l’appui d’une réglementation et de plans provinciaux. Malgré ces efforts, des <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">dysfonctionnements majeurs, persistent notamment dans la phase de tri des déchets plastiques</a>. En l’occurrence, <a href="https://www.cbc.ca/radio/thesundayedition/the-sunday-edition-for-april-21-2019-1.5099057/why-your-recycling-may-not-actually-get-recycled-1.5099103">87 % de ces déchets aboutissent dans des sites d’enfouissement ou dans l’environnement</a>.</p>
<p>Les médias font régulièrement état de cette <a href="https://www.theglobeandmail.com/canada/article-wish-cycling-canadas-recycling-industry-in-crisis-mode">« crise du recyclage »</a>. Parallèlement, on constate une crise de confiance des citoyens : en 2020, pas <a href="https://blog.legeropinion.com/fr/nouvelles/canadiens-confiance-a-leur-systeme-de-recyclage">moins de la moitié des Canadiens (48 %) avaient confiance dans le système de recyclage et ce chiffre était en baisse par rapport à 2018 (54 %)</a>.</p>
<p>Si les efforts ont été traditionnellement orientés vers la conscientisation et la responsabilité individuelle des consommateurs canadiens, cette approche culpabilise le maillon le moins responsable des problèmes liés au recyclage. </p>
<h2>Enquête des pratiques canadiennes en matière de recyclage</h2>
<p>Face à ces crises et afin de mieux comprendre comment améliorer le recyclage et promouvoir d’autres stratégies circulaires (par exemple, la réduction à la source), une vaste enquête pancanadienne auprès d’un millier de répondants a été conduite par notre équipe multi-universitaires, le <a href="https://recherche.uqac.ca/laboratoire-de-recherche-sur-les-nouvelles-formes-de-consommation-labonfc#:%7E:text=Le%20LaboNFC%20est%20un%20regroupement,depuis%20le%20d%C3%A9but%20de%20leur">Laboratoire de recherche sur les Nouvelles Formes de Consommation (LaboNFC)</a> de l’UQAC, en partenariat avec <a href="https://5redo.ca">5R Enabler Designs and Operations Inc</a> (5REDO) et son directeur, le Dr. Mahdi Takaffoli et l’analyste Ophela Zhang. Les résultats de l’étude seront publiés sous peu dans un article intitulé « Le recyclage des plastiques au Canada : Un système inadapté aux attentes de la population canadienne », dans la <em>Revue Organisations & Territoires</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-stagne-et-si-le-modele-cooperatif-servait-dinspiration-206641">L'économie circulaire stagne. Et si le modèle coopératif servait d'inspiration ?</a>
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<p>L’échantillon a été constitué à partir d’un panel en ligne. Les participants y ont été sélectionnés aléatoirement selon des quotas préétablis afin de favoriser la représentativité de l’échantillon avec la population canadienne.</p>
<p>Cette enquête met en lumière plusieurs éléments essentiels pour progresser vers une mise en œuvre plus complète des principes de l’économie circulaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Trois bacs de recyclage alignés sur le trottoir enneigé d’une rue résidentielle" src="https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des bacs de recyclage dans une rue montréalaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<ul>
<li><strong>Un engagement massif pour le recyclage</strong></li>
</ul>
<p>91 % des répondants au sondage sont bien engagés dans le recyclage des déchets. Ils recyclent et réutilisent la quasi-totalité de leurs déchets, que ce soit à la maison, au travail ou en vacances. </p>
<p>Cette proportion peut paraître élevée compte tenu du fait qu’environ les deux tiers des municipalités canadiennes recyclent. Toutefois, le recyclage comprend également les systèmes de consigne gérés par le privé, dont les chaînes de supermarché. De plus, les individus peuvent également recycler ailleurs qu’à leur domicile, comme au bureau ou à l’école. </p>
<p>Par ailleurs, les répondants au sondage indiquent nettoyer les plastiques avant de les mettre dans le bac de recyclage. De plus, ils gardent leurs déchets dans des piles séparées de verre, de plastique, de papier et de métal. On note également qu’ils jettent les piles usagées dans un conteneur de collecte approprié, plutôt que dans la poubelle. Concernant la perception, ils ajoutent que le recyclage à la maison ne prend ni beaucoup de temps ni beaucoup de travail.</p>
<ul>
<li><strong>Un système de recyclage inefficace</strong></li>
</ul>
<p>Pour 82 % des répondants, le système actuel n’est pas efficace. Selon eux, le plastique collecté n’est pas correctement recyclé pour être réutilisé comme matières premières dans la production de nouveaux produits. Ils sont conscientisés sur le fait que le tri en amont est une étape très importante du processus de recyclage. Même s’ils estiment qu’il est difficile de savoir exactement quels articles en plastique sont recyclables ou non dans le système actuel, ils font tout de même confiance à leur perception et à leurs connaissances pour trier à la maison.</p>
<ul>
<li><strong>Des achats de plus en plus écoresponsables</strong></li>
</ul>
<p>L’enquête révèle que les Canadiens sont prêts à utiliser des sacs réutilisables pour acheter des fruits et légumes, plutôt que d’utiliser les sacs en plastique dans les magasins. De plus, la majorité est disposée à participer à des programmes qui leur offrent les produits essentiels du quotidien dans des emballages réutilisables et recyclables.</p>
<p>Aussi, ils sont nombreux à acheter des produits et des services respectueux de l’environnement, soit des produits fabriqués à partir de plastiques recyclés (plutôt qu’à partir de nouveaux plastiques). De même, ils privilégient l’achat d’articles dans des emballages en papier.</p>
<ul>
<li><strong>L’enjeu du recyclage des emballages souples</strong></li>
</ul>
<p>Enfin, les répondants indiquent ne pas opter pour des contenants en bioplastique et ne participent pas aux programmes de collecte de certains types de plastique (par exemple, des emballages souples) qui ne sont pas couramment recueillis par le système de recyclage actuel.</p>
<p>Au vu de ces résultats, il apparaît que les consommateurs font preuve de bonne volonté et d’une diligence prudente. Toutefois, il faut se questionner sur la responsabilité des producteurs, distributeurs, transporteurs et recycleurs, dont les décisions ont structuré de facto le système — aujourd’hui perçu comme défaillant — et, par extension, les politiques publiques, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.</p>
<h2>Pistes d’amélioration souhaitées</h2>
<p>Les consommateurs estiment ainsi faire leur part et que l’amélioration du système de recyclage devrait donc s’effectuer à d’autres niveaux qu’au leur. Plusieurs changements ont été mentionnés en ce sens :</p>
<p>1) L’offre de produits, contenants et emballages réutilisables ou recyclables, car les consommateurs sont fortement enclins à les utiliser ;</p>
<p>2) 56 % des consommateurs souhaiteraient un système de consignation pour certains contenants en plastique ;</p>
<p>3) 52 % aimeraient des points de dépôt (par exemple dans les grands magasins) pour les emballages en plastique souple qui ne sont pas systématiquement collectés ;</p>
<p>4) 42 % souhaiteraient des contenants réutilisables lorsqu’ils se font livrer de la nourriture à domicile ;</p>
<p>5) 30 % souhaiteraient des magasins sans emballages.</p>
<p>Cette enquête révèle que les consommateurs canadiens sont relativement préoccupés par l’environnement, ce qui influe directement sur la modification de leurs comportements en matière de recyclage des déchets. </p>
<p>Cependant, la transformation de leurs pratiques de consommation n’est pas encore correctement associée à une politique ambitieuse et claire de tri, ni à d’autres options proposées, notamment en ce qui a trait aux contenants réutilisables. Ainsi, pour l’heure, le modèle de consommation n’est pas remis en question en raison d’un manque d’éléments facilitateurs vers l’économie circulaire. </p>
<p>Ce constat appelle ainsi des changements plus profonds avec toutes les parties prenantes afin que la transition vers l’économie circulaire aille au-delà du passage d’une poubelle noire à une poubelle bleue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213609/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Ertz a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), du Fonds de recherche du Québec - Société et culture (FRQSC), du Fonds de développement académique du réseau (FODAR), et de Chaires de recherche du Canada (CRC).
Cette recherche a été soutenue financièrement par le Réseau de recherche en économie circulaire du Québec (RRECQ) et par une Subvention d’Engagement Partenarial du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Raufflet a reçu des financements des fonds de recherche du Québec et des fonds de recherche du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>ADDAR WALID a reçu une bourse de recherche de l'UQAC</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anaïs Del Bono ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les citoyens sont conscients de l’importance du recyclage. Mais cette responsabilisation individuelle camoufle les graves problèmes de fonctionnement de l’industrie du recyclage.Myriam Ertz, Professeure adjointe en marketing, responsable du LaboNFC, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Anaïs Del Bono, PhD candidate in management and strategy, specialisation in socio-ecological transitions, HEC MontréalEmmanuel Raufflet, Professor in Management and Circular Economy, HEC MontréalWalid Addar, Formal analysis-Lead, Investigation-Supporting, Validation-Supporting, Writing – original draft-Lead, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172052023-11-16T17:13:57Z2023-11-16T17:13:57ZRecyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559607/original/file-20231115-17-ve3vu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=148%2C0%2C838%2C528&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La structure le Relais collecte aujourd'hui moins de vêtements : les consommateurs les revendent de plus en plus sur des plates-formes comme Vinted.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Conteneur_Relais_Avenue_Cond%C3%A9_St_Maur_Foss%C3%A9s_2.jpg">Wikimedia commons/Chabe01</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les années 1990, au Québec et en France, naissaient les entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS), <a href="https://www.mois-ess.org/">mises à l’honneur en ce mois de novembre</a>, spécialisées dans le recyclage. Les ressourceries québécoises, dans le cadre de l’Alliance recherche universités collectivités en Économie sociale (ARUC-ES), cherchaient déjà à détourner les déchets de l’enfouissement ou de l’incinération, en développant des circuits de collecte, de revalorisation et de réemploi.</p>
<p>Au même moment, en France, des associations de solidarités internationales, collectant des encombrants et des équipements courants à destination des populations précaires en Afrique de l’Ouest et en Europe de l’Est, prenaient la forme d’« entreprise sociale d’insertion par l’économique », comme nous l’avions observé dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-7-page-154.htm">travaux</a>. Via les régions de Picardie et des Hauts-de-France, la France a ensuite élargi son modèle de collecte-revalorisation-réemploi solidaire en 2000 avec ses premières ressourceries en milieu urbain et périurbain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723997097467265398"}"></div></p>
<p>Selon les chiffres publiés en 2023 par l’Observatoire national des ressourceries et recycleries (2023), on dénombrait en 2021 <a href="https://ressourceries.info/?ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&vue=consulter&action=voir_fiche&id_fiche=ObservatoireAnnuelDesRessourceriesEtRecycl&message=modif_ok">158 structures</a> exerçant ce type d’activité. Depuis plus de 20 ans, ces organisations de l’ESS collectent, réemploient et valorisent les déchets qui proviennent soit des dépôts des particuliers (textiles, livres, vaisselles, bibelots, jouets, équipements de puériculture, meubles, etc.) soit des déchetteries.</p>
<p>En d’autres termes, comme le soulignait le sociologue Baptiste Montsaingeon dans son ouvrage <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/homo-detritus-baptiste-monsaingeon/9782021352603"><em>Homo detritus</em></a> (Éditions du Seuil, 2017) :</p>
<blockquote>
<p>« Après avoir enfoui les déchets, la pratique est devenue celle de leur réduction mais surtout de leur recyclage et de leur réutilisation. Avec l’économie circulaire, l’idéal d’un monde sans déchets, sans rebut, a créé un certain marché de la vertu écologique ».</p>
</blockquote>
<p>Or, ce contexte a incité des sociétés commerciales, hors du champ de l’ESS, à se saisir de cette opportunité de marché générée par l’essor de « business écologique ».</p>
<h2>La concurrence de Vinted</h2>
<p>Vinted en constitue à ce jour sans doute le meilleur exemple. Cette entreprise a été créée en Lituanie en 2008, sur un projet de marché de l’occasion du textile. Depuis, la plate-forme d’achat-vente de vêtements a bâti son succès en permettant au consommateur de faire des économies ou de gagner quelques euros tout en réalisant un « geste écolo », en l’occurrence la <a href="https://theconversation.com/le-vide-dressing-en-ligne-un-travail-volontaire-131814">réutilisation d’une pièce destinée au rebut</a>. L’entreprise Nord Sud Export a développé, de son côté, un commerce international de vêtements d’occasion hommes-femmes-enfants en quittant l’Europe où elle a été créée en 1985, pour <a href="https://www.europages.fr/NORD-SUD-EXPORT-FZC/00000005359365-001.html">rejoindre en 2003 les Émirats arabes unis</a>. Eurotex Discount, basée à Nantes, s’est également spécialisée dans la collecte et le recyclage de textiles en se déclarant <a href="https://www.europages.fr/EUROTEX-DISCOUNT/00000005357770-001.html">« grossiste en friperie »</a>.</p>
<p>En conséquence, ce type de stratégies participe à l’appauvrissement des acteurs de l’ESS déjà présents sur ce marché. Un certain nombre de ressourceries n’ont ainsi pas survécu à cette dynamique, à l’image de la Ressourcerie de l’Île en agglomération nantaise <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/4026895-20230308-nantes-triste-fin-ressourcerie-ile-30-salaries-liquidation-judiciaire">placée en liquidation judiciaire en mars 2023</a> après 13 ans d’activité. Une entreprise comme Le Relais, dont les boîtes de collecte de vêtements, linge et chaussures sont présentes dans de nombreuses villes françaises, pâtit également d’une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">baisse du nombre de pièces recueillies</a>, que les consommateurs préfèrent désormais revendre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633429408538058752"}"></div></p>
<p>Or, ces entreprises sociales portent des postes d’insertion par l’activité économique au service des personnes et du territoire. Mais, la perte d’activités de collecte, de tri, de revalorisation par le nettoyage ou <a href="https://www.cci.fr/actualites/lupcycling-cest-quoi">upcycling</a>, ou encore de réemploi via la filière de production d’isolant, peut <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/face-a-la-baisse-des-dons-de-vetements-cette-entreprise-solidaire-lance-l-alerte-notre-modele-economique-et-social-est-en-danger-2783662.html">rapidement les mettre en difficulté</a> sociales et financières. Pourtant, ces entreprises de l’ESS ont été des innovatrices socioécologiques en défrichant une opportunité d’affaires devenue rentable que d’autres s’approprient sous objectif de profitabilité.</p>
<h2>Des entreprises pionnières de l’innovation</h2>
<p>Le Relais agit par exemple depuis 30 ans pour l’insertion de personnes en situation d’exclusion du marché du travail, en créant des emplois durables dans l’activité textile-linge de maison-chaussures : collecte, tri, réparation et valorisation. Pour ce faire, ce réseau a créé les premières entreprises à but socioéconomique (EBS). Le Relais, aujourd’hui membre d’Emmaüs France et de l’Inter réseaux de la fibre solidaire (IRFS), défend les valeurs de solidarité et de générosité défendues par l’abbé Pierre et l’ESS.</p>
<p>Ces entreprises d’ESS, qu’il convient de soutenir au service des personnes, des citoyens et des territoires dans le cadre du développement durable et de leur capacité d’innovation de rupture (projet, expérimentations, défrichage), doivent donc continuer à innover face à des sociétés commerciales qui interviennent désormais <em>via</em> l’économie circulaire sous processus d’innovations incrémentales.</p>
<p>C’est par exemple ce que nous montre le cas d’Envie autonomie, un réseau de magasins de matériel médical reconditionné. Lauréat du « French’Impact » en 2018, elle se transforme en Société commerciale d’intérêt collectif nationale (SCIC.N). Envie autonomie de manière à développer la collecte, la revalorisation des <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/alencon-61000/alencon-depuis-2020-envie-autonomie-remet-a-neuf-du-materiel-medical-et-le-revend-moitie-prix-dc33b008-0f6f-11ee-abf6-2faefa8435a8">matériels et équipements médicaux inutilisés</a> afin de les remettre à disposition à prix solidaire, et ce en respectant des conformités réglementaires. Une autre manière d’envisager un modèle d’économie écologique : l’ESS au service du développement durable !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Glémain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le secteur textile, les consommateurs préfèrent de plus en plus revendre leurs vêtements sur des plates-formes comme Vinted que de les donner à des organismes qui les collectent.Pascal Glémain, Maître de Conférences (hors classe)-HDR en Sciences de Gestion-Management, spécialiste de l'ESS et du Management de la Soutenabilité, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157732023-10-19T10:16:28Z2023-10-19T10:16:28ZLes panneaux solaires, fer de lance de la transition ou casse-tête pour le recyclage ? Le vrai du faux<p>Le panneau solaire, moins vertueux que le bidon d’essence pour l’environnement et la santé humaine ? Les panneaux photovoltaïques, souvent considérés comme une solution propre et durable pour la production d’énergie, sont entourés de <a href="https://npr.org/2023/02/18/1154867064/solar-power-misinformation-activists-rural-america">légendes urbaines</a>, selon lesquelles ils généreraient de larges quantités de déchets toxiques difficiles à recycler. Ces fausses informations ont la fâcheuse tendance à semer la confusion chez le public, en créant des doutes sur la <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-leolien-le-solaire-et-le-bois-sont-les-plus-competitifs-70226">viabilité des énergies renouvelables</a>.</p>
<p>Pour autant, les panneaux solaires ne sont pas entièrement exempts d’impacts environnementaux. Alors, sont-ils vraiment supérieurs à ceux des sources d’énergie fossile ? Pour le savoir, plusieurs chercheurs américains se sont penchés, dans un commentaire publié par la revue <a href="https://www.nature.com/articles/s41567-023-02230-0"><em>Nature Physics</em></a> sur quelques uns des mythes tenaces qui entourent les panneaux solaires. Par exemple, le coût environnemental de leur production, le déluge supposé de déchets électroniques ou encore la toxicité des matériaux pour la santé humaine et environnementale.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<h2>Les vrais chiffres des déchets du photovoltaïque</h2>
<p>Combien de déchets la filière du photovoltaïque génère-t-elle ? En 2016, l’IRENA, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (<em>International Renewable Energy Agency</em>), publiait un <a href="https://www.irena.org/publications/2016/Jun/End-of-life-management-Solar-Photovoltaic-Panels">rapport très commenté</a>, qui attirait l’attention sur le problème que peuvent poser les déchets photovoltaïques. Le rapport estime que le monde pourrait accumuler de 54 (scénario bas) à 160 millions de tonnes (scénario haut) de déchets provenant de panneaux solaires d’ici 2050.</p>
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<p>Est-ce beaucoup ? Pour le savoir, on peut comparer à quelques autres chiffres de l’industrie des déchets. A titre de comparaison, plus de <a href="https://www.oecd.org/environment/plastics/">12 000 millions de tonnes de déchets plastiques</a> auront été produits d'ici 2050, pour <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Environment/Documents/Toolbox/GEM_2020_def.pdf">plus de 1800 millions de tonnes de déchets électroniques</a>. L’industrie fossile, elle, aura produit d'ici 2050 <a href="https://info.ornl.gov/sites/publications/files/Pub60563.pdf">plus de 45 000 millions de tonnes de cendres de charbon et 249 millions de tonnes de boues huileuses</a> – sans même parler des émissions de gaz à effet de serre. Comprendre : même dans l’hypothèse la plus pessimiste, les déchets issus de panneaux solaires ne représentent qu'une fraction du poids de ceux issus de l’industrie fossile.</p>
<p><iframe id="jC1BX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jC1BX/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Des panneaux solaires plus efficaces… et plus verts</h2>
<p>La fabrication des panneaux solaires consomme des ressources, telles que le silicium, l’argent, l’aluminium, ou encore tellure de cadmium. Elle nécessite aussi de l’énergie, en particulier si les matériaux sont fabriqués à l’étranger et doivent être expédiés sur de longues distances. Certains fabricants de panneaux solaires <a href="https://www.leparisien.fr/economie/le-leader-du-photovoltaique-delocalise-en-pologne-07-02-2011-1303715.php">délocalisent leur production</a> à l’étranger. Or, certains pays producteurs appliquent des normes environnementales moins strictes. L’empreinte carbone de l’aluminium, du lithium ou du silicium produit en Europe est ainsi largement inférieure à la moyenne mondiale, selon une <a href="https://eurometaux.eu/media/jmxf2qm0/metals-for-clean-energy.pdf">étude menée en 2022 par KU Leuven</a>.</p>
<p>Des avancées technologiques significatives ont été réalisées pour augmenter l’efficacité des panneaux solaires au cours des dernières années. Celles-ci permettent de produire plus d’énergie avec moins de matériaux, ce qui réduit le coût par watt installé et le poids des panneaux solaires. Elles permettent aussi de limiter la dépendance à certains matériaux critiques, comme le silicium, le cuivre ou l’argent.</p>
<ul>
<li><p>Les panneaux solaires traditionnels, basés sur des cellules solaires en silicium monocristallin ou polycristallin, exigeaient une quantité substantielle de silicium pur. Cependant, de nouvelles technologies ont émergé, comme les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S136403211631070X">cellules solaires à couche mince</a> (amorphes, en couches minces de cuivre, d’indium, de gallium et de sélénium – CIGS), qui nécessitent beaucoup moins de matériaux rares.</p></li>
<li><p>Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S014098831500167X">procédés de fabrication plus efficaces</a> ont permis de réduire le besoin d’intrants tels que le cuivre, l’argent, le silicium, etc. En parallèle, la miniaturisation des composants électriques et électroniques des panneaux solaires contribue aussi à réduire la quantité de cuivre et d’autres métaux utilisés dans les câblages et les connexions.</p></li>
<li><p>De nouvelles technologies telles que les cellules solaires à <a href="https://theconversation.com/perovskite-new-type-of-solar-technology-paves-the-way-for-abundant-cheap-and-printable-cells-202579">pérovskite</a> promettent <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.chemrev.0c00107">d’augmenter considérablement les rendements</a>.</p></li>
<li><p>De nouveaux matériaux, comme des polymères conducteurs utilisés pour capter la lumière solaire dans les <a href="https://theconversation.com/us/topics/organic-solar-cells-13994">cellules solaires organiques</a>, limitent le besoin en métaux rares.</p></li>
<li><p>Les avancées en matière de conception de panneaux, de revêtements anti-reflets et de structures de cellules ont <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/236010391.pdf">contribué à cette amélioration</a>.</p></li>
<li><p>Enfin, les suiveurs photovoltaïques, ou « trackers solaires » ont également permis d’améliorer l’efficacité des appareils. Il s’agit de dispositifs mécaniques qui ajustent constamment l’angle et la direction des panneaux solaires pour suivre la trajectoire du soleil tout au long de la journée. De quoi capturer la lumière solaire de manière optimale tout au long de la journée, et générer jusqu'à <a href="https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acsenergylett.2c00442">55 % plus d’électricité qu’un panneau solaire fixe</a>.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3KhhfIGl-Jo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Exemple d’installation munie d’un tracker solaire.</span></figcaption>
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<h2>L’enjeu du recyclage</h2>
<p>Le recyclage en fin de vie joue bien entendu un rôle important pour limiter l’empreinte environnementale des panneaux solaires. Car les métaux qu’ils contiennent peuvent être récupérés grâce au recyclage, réduisant ainsi la nécessité d’extraire de nouvelles ressources. Les panneaux solaires photovoltaïques d’aujourd’hui sont conçus pour avoir une durée de vie moyenne d’environ 25 à 30 ans, cependant l’industrie se dirige à terme vers une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038092X12002642">espérance de vie allant jusqu’à 50 ans</a>. Allonger cette durée de vie permet ainsi de limiter la quantité de déchets produits chaque année.</p>
<p>En ce qui concerne la France seule, les besoins en recyclage sont estimés à <a href="https://www.pv-magazine.fr/2022/02/14/acteur-de-la-semaine-rosi-solar-lance-lindustrialisation-de-sa-technologie-de-recyclage">150 000 tonnes d’ici 2030 par Soren</a>, l’éco-organisme chargé du <a href="https://theconversation.com/comment-recycle-t-on-les-panneaux-solaires-174715">recyclage des panneaux solaires en France</a>. Contrairement à une idée reçue, on peut recycler un panneau à près de 99 %. On ne pousse cependant pas toujours le recyclage au maximum, parce que cela reviendrait trop cher. De ce fait, le « point mort » économique – ou seuil de rentabilité – se situe aujourd’hui aux environs de 95 % de matériaux recyclés.</p>
<h2>La toxicité en question</h2>
<p>Parmi les arguments invoqués contre le solaire, on retrouve l’idée selon laquelle certains matériaux utilisés dans les modules photovoltaïques s’accumuleraient dans l’environnement puis causeraient des dommages à la santé humaine. Le cadmium, en particulier, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214785320354699">utilisé pour certaines technologies solaires</a>, est considéré comme un <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/VSR2015SA0140Ra-1.pdf">cancérogène certain pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer</a> (CIRC). Les cancers associés sont ceux des voies respiratoires, notamment du poumon. Le cadmium est également suspecté d’être cancérogène pour le cancer de la prostate et le cancer du rein.</p>
<p>Cela dit, la toxicité des matériaux est une chose, le risque d’exposition en est une autre. Quels sont les risques d’exposition pour ces produits, par rapport aux appareils électroniques du quotidien ? Selon un article publié dans la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032114007734"><em>Renewable and Sustainable Energy Review</em></a>, les risques concrets pour la santé humaine suite à la pollution des panneaux solaires dans l’environnement – par exemple suite à des fuites en cas de pluie – restent négligeables. Selon une <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/1305373">autre étude</a>, il existe un risque pour la santé humaine lorsque l’arsenic et le béryllium sont aéroportés. Toutefois, les méthodes de production modernes <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/1305373">ont éliminé ce risque</a>.</p>
<p>Par ailleurs, la grande majorité des modules photovoltaïques sont fabriqués à base de silicium cristallin, qui ne pose aucun risque sanitaire pour l’utilisateur final. Par ailleurs, les risques liés au process de fabrication ont été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1876610213000830">largement réduits au cours des dernières années</a>. Ce type de technologie est de loin le plus fréquent, avec <a href="https://www.pv-magazine.fr/2023/08/31/les-grandes-orientations-de-linnovation-pour-les-technologies-photovoltaiques/">95 % de part de marché mondial en 2022</a>.</p>
<h2>Et s’il fallait rejouer le match solaire vs. fossile</h2>
<p>Revenons-en à notre comparaison entre les déchets du photovolaïque et ceux de l’industrie fossile. Sur le plan de la toxicité, les cendres de charbon sont bien plus problématiques. Elles sont considérées comme hautement toxiques et carcinogènes pour l’homme, car elles contiennent une variété de métaux lourds, tels que le plomb, le cadmium, l’arsenic, le chrome, le nickel, et d’autres. Ces métaux lourds sont toxiques pour les cellules humaines, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30228133/">dont ils perturbent le fonctionnement</a>.</p>
<p>Lorsqu’elles sont libérées dans l’atmosphère, elles se transforment aussi en <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-toutes-les-particules-fines-nont-pas-les-memes-effets-sur-la-sante-161261">particules fines</a> qui peuvent être inhalées profondément dans les poumons. Ces particules fines sont associées à des problèmes respiratoires graves et sont également liées à un risque accru de cancer du poumon.</p>
<p>Tout au long de leur cycle de vie, les modules photovoltaïques polluent donc beaucoup moins que le pétrole ou le charbon. Leur adoption à large échelle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le changement climatique <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/figures/summary-for-policymakers/figure-spm-7/">s’impose sur le plan économique</a>, comme sur le plan de la santé humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Besanger est co-fondateur et ex-président du CERES, puis PVCycleFrance devenu Soren.</span></em></p>Les panneaux solaires sont indispensables à la transition énergétique. Et pourtant, selon certains, leur recyclage relâcherait des polluants nocifs dans l’environnement… Qu’en est-il vraiment ?Serge Besanger, Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143982023-09-28T06:34:58Z2023-09-28T06:34:58ZLes « mines urbaines », ou les ressources minières insoupçonnées de nos déchets électroniques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550658/original/file-20230927-21-ul4bm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tas de téléphones et de smartphones usagés</span> <span class="attribution"><span class="source">Hellebardius</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Et si, plutôt que de développer de nouvelles infrastructures minières, on valorisait les gisements de métaux contenus dans les objets électroniques que nous n’utilisons plus (ordinateurs, smartphones, etc.) ? Il existe de très bonnes raisons de s’intéresser au potentiel de ces <a href="https://theconversation.com/recycler-100-des-metaux-un-objectif-atteignable-192573">« mines urbaines »</a>, ou mines secondaires, par opposition aux mines « primaires » où l’on exploite directement les ressources du sol.</p>
<p>Celles-ci permettraient même de faire d’une pierre trois coups, en réduisant la quantité de <a href="https://theconversation.com/le-volume-de-dechets-electroniques-explose-et-leur-taux-de-recyclage-reste-ridicule-143701">déchets électroniques</a>, en réduisant l’empreinte énergétique et les dégradations environnementales causées par l’industrie minière, et en préservant des ressources critiques stratégiques pour le continent européen. Mais aujourd’hui, ce potentiel reste encore largement sous-exploité.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Un enjeu stratégique pour l’Union européenne</h2>
<p>Valoriser les déchets électroniques est intéressant car cela permet de réduire, mécaniquement, leur quantité. Ils constituent aujourd’hui l’un des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652619325077">flux de déchets à la croissance la plus rapide</a>, dégradent les écosystèmes et représentent un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969720332654">enjeu majeur de santé publique</a>.</p>
<p>L’exploitation de ces ressources secondaires permet aussi de diminuer la pression sur les ressources primaires du fait de l’exploitation minière – et donc de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652619325077">réduire son impact environnemental élevé</a>. En effet, le recyclage de certains métaux est moins énergivore que leur extraction minière. C’est le cas de l’aluminium : sa production par recyclage nécessite <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11837-021-04802-y">dix à quinze fois moins d’énergie</a> que sa production primaire.</p>
<p>D’autant plus que plusieurs des métaux valorisés font partie de ressources critiques au niveau de l’Union européenne. Elles sont essentielles à l’industrie, en particulier dans un contexte de transition énergétique, et présentent un fort risque de tensions d’approvisionnement. À ce titre, l’Union européenne publie et met à jour régulièrement depuis 2011 la liste des métaux critiques qui devraient constituer des priorités de valorisation pour les mines urbaines.</p>
<p>La <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/sectors/raw-materials/areas-specific-interest/critical-raw-materials_en">cinquième liste, publiée en 2023</a>, identifiait 34 métaux critiques, dont les terres rares, le lithium, le cuivre ou le nickel. Malheureusement, on ne peut que constater le fossé entre les recommandations de l’Union européenne et les pratiques de valorisation des mines urbaines.</p>
<h2>Un cycle de vie truffé d’obstacles au recyclage</h2>
<p>En cause, des obstacles techniques, organisationnels, réglementaires et économiques à chaque étape du cycle de vie d’un objet, qui limitent son potentiel de valorisation. Dès la conception des objets, on peut identifier certaines pratiques qui limitent la recyclabilité des métaux, comme le recours aux alliages, ou encore l’hybridation des matières, notamment utilisée pour l’emballage de liquides alimentaires. La plupart des briques de ce type sont ainsi constituées de carton et de PolyAl, un mélange de polyéthylène (un type de plastique) et d’aluminium.</p>
<p>Or, pendant longtemps, on a récupéré et recyclé le carton des briques alimentaires, mais pas le PolyAl, produisant ainsi une situation de recyclage incomplet. Dans ce cas précis, les entreprises Tetra Pak et Recon Polymers ont fini par mettre au point un procédé de séparation, et ouvrir une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/un-nouveau-debouche-pour-le-polyal.N1217752">usine de recyclage spécifique pour le PolyAl en 2021</a>. Mais un grand nombre d’autres produits continuent à être difficiles à recycler, précisément parce que cet aspect n’a pas été pris en compte au moment de leur conception.</p>
<p>Les <a href="https://www.cairn-sciences.info/quel-futur-pour-les-metaux--9782759809011-page-287.htm">usages dispersifs</a>, qui consistent à utiliser de petites quantités de métaux dans des produits pour en modifier les propriétés, sont une autre pratique qui pose problème pour le recyclage : des nanoparticules d’argent sont par exemple intégrées dans les chaussettes pour empêcher les mauvaises odeurs. Ou encore, quelques grammes de dysprosium, une terre rare, sont parfois utilisés pour booster les capacités magnétiques des aimants. Autant d’usages des métaux qui confisquent à jamais leur circularité.</p>
<h2>Hibernation électronique dans les greniers</h2>
<p>Une fois l’objet conçu et utilisé, le deuxième frein vient du consommateur, qui a tendance à stocker ses objets électroniques, qu’ils fonctionnent ou non, plutôt qu’à les déposer dans une filière spécifique pour qu’ils soient recyclés. Le phénomène est tel qu’on parle d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0956053X16307607?via%3Dihub">hibernation électronique</a>. En 2009 déjà, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301479709001637">étude pionnière</a> estimait qu’en moyenne, les foyers américains abritaient 6,5 objets électroniques en hibernation dans leur grenier, et ce chiffre n’a fait qu’augmenter de façon exponentielle au fil des années.</p>
<p>En 2021, une <a href="https://www.gstatic.com/gumdrop/sustainability/electronics-hibernation.pdf">étude menée par Google</a> identifiait sept obstacles principaux au recyclage des appareils électroniques par les consommateurs : le manque de sensibilisation aux options de recyclage existantes, les attentes d’une compensation financière ou sociale, la nostalgie, la volonté d’avoir un terminal de rechange en réserve, la volonté de récupérer des données sur le terminal, ou encore de supprimer des données, et enfin le manque de praticité des filières de réemploi ou de recyclage.</p>
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<img alt="Principaux obstacles au recyclage des déchets électroniques pour les consommateurs" src="https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550692/original/file-20230927-19-dqt564.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Principaux obstacles au recyclage des déchets électroniques pour les consommateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une étude plus récente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800922003962">menée en Suisse</a> nuance cependant ces résultats : 40 % des répondants affirmaient être prêts à se séparer de leur vieux téléphone portable pour une compensation inférieure à cinq dollars. Il serait toutefois intéressant de mener la même enquête dans des pays moins riches que la Suisse…</p>
<p>Le troisième point de blocage, enfin, concerne les systèmes de collecte et les infrastructures de recyclage. En France, pour la plupart des filières de déchets spécifiques (déchets électroniques, emballages, pneus, etc.), tout est centralisé par des éco-organismes, des organismes privés qui peuvent avoir une responsabilité organisationnelle – ils organisent concrètement les opérations de recyclage – ou financière, auquel cas ils s’occupent uniquement de la gestion financière de la filière. Ces éco-organismes sont régulièrement au cœur de controverses : des analyses indiquent que la <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2016-3-page-82.htm">valorisation matière des flux de déchets gérés par les éco-organismes est souvent sous-optimale</a>, notamment à cause de leurs objectifs de rentabilité.</p>
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<img alt="Les principaux freins à l’exploitation des mines urbaines" src="https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550697/original/file-20230927-17-m51mz8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les principaux freins à l’exploitation des mines urbaines.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Impliquer ingénieurs, designers, politiques et consommateurs</h2>
<p>Pour accompagner les entreprises dans une démarche d’écoconception, il existe pourtant plusieurs initiatives, dont la <a href="https://upcyclea.com/en/cradle-to-cradle/">démarche Cradle to Cradle</a>, « du berceau au berceau », qui invite à considérer l’ensemble du cycle de vie des objets conçus, afin notamment de permettre leur recyclabilité.</p>
<p>Cependant, si on adopte une focale plus large, on ne peut ramener l’engagement des industriels en faveur du recyclage à une rationalité économique étroitement conçue. Cet engagement dépend de facteurs organisationnels, sociaux, voire anthropologiques qui, s’ils ne sont pas antinomiques avec la rationalité économique, <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2017-2-page-51.htm">appellent à penser le problème du non-recyclage de façon plus large</a>.</p>
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<p>Il existe des leviers pour développer l’exploitation des mines urbaines avec, à la clé, des avantages économiques, environnementaux et géopolitiques.</p>
<ul>
<li><p>Du côté des ingénieurs et des concepteurs de produits, cela passe par un design plus responsable, en prenant en compte l’entièreté du cycle de vie des produits au moment même de leur conception.</p></li>
<li><p>Du côté des consommateurs, cela implique une plus grande sensibilisation à la pratique du tri des flux de déchets spécifiques, notamment électroniques.</p></li>
<li><p>Les entreprises, pour leur part, doivent raisonner sur un temps plus long et pas seulement en fonction de la rentabilité à court terme, dans un contexte de volatilité du cours des métaux.</p></li>
<li><p>Les États, enfin, gagneraient à mettre en place des réglementations adaptées à la complexité du secteur, n’excluant pas des objectifs ambitieux de taux de recyclage spécifiques par type de métal, ainsi qu’une forme de planification territoriale pour mieux coordonner les flux.</p></li>
</ul>
<h2>La difficulté à tendre vers l’économie circulaire</h2>
<p>Rappelons enfin que même dans le cas idéal d’une exploitation optimale du gisement que constituent les mines urbaines, avec des taux de recyclage élevés pour tous les métaux, nous serions toujours loin d’une situation d’économie circulaire. En effet, chaque année, la demande en métaux continue d’augmenter de manière très significative.</p>
<p>La recyclabilité et le recyclage effectif des métaux sont donc des conditions nécessaires, mais non suffisantes à la mise en place d’une économie véritablement circulaire. En effet, seule une décroissance des flux de matière et d’énergie dans l’industrie permettrait aux mines urbaines de se substituer en partie, et non de s’ajouter, à l’exploitation des gisements primaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le contenu de cet article est issu en grande partie d'un travail de recherche post-doctorale effectué en 2013-2014 à l'ENS Lyon, et co-financé par le partenaire industriel Solvay.
Fanny Verrax est membre du parti politique Génération Ecologie. Elle ne reçoit aucun financement de ce parti.
</span></em></p>Et si, plutôt que de développer l’extraction minière, on valorisait davantage les métaux qu’abritent les objets électroniques que nous n’utilisons plus (ordinateurs, smartphones, etc.) ?Fanny Verrax, Professeur associé en transition écologique et entreprenariat social, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119622023-09-17T14:46:42Z2023-09-17T14:46:42ZVers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse<p>Les plastiques sont omniprésents dans notre vie de tous les jours. Leur production ne cesse de croître depuis 1950 et atteint aujourd’hui plus de 460 millions de tonnes par an. Malgré les préoccupations environnementales et sociétales liées aux déchets plastiques, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1143_1143484-co6fh5owq0&title=Perspectives-mondiales-des-plastiques-Scenarios-d-action-a-l-horizon-2060-L-Essentiel">leur consommation devrait plus que doubler d’ici à 2060 pour atteindre 1 231 millions de tonnes annuelles</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, il est difficile de se passer des plastiques, notamment pour des raisons d’hygiène et de sécurité alimentaire et médicale. Grâce à leurs propriétés ajustables, ce sont aussi les matériaux les plus produits au monde derrière le ciment et l’acier, avec des applications innombrables dans notre vie quotidienne : emballages, construction (adhésifs, revêtements, canalisations, fenêtres, isolation…), mobilité et transports (automobile, aviation, nautisme…), électronique et électrique (téléphone portable, appareils ménagers…), énergie, agriculture, santé et soins, textile entre autres. En Europe, la <a href="https://infos.ademe.fr/magazine-juillet-ao%C3%BBt-2022/faits-et-chiffres/plastique-peut-on-sen-passer/">France figure parmi les pays les plus gros consommateurs de plastiques, avec 70 kilogrammes utilisés annuellement par habitant</a>.</p>
<p>Mais, sur les environ <a href="https://www.unep.org/interactives/beat-plastic-pollution/?lang=FR">8,3 milliards de tonnes de plastiques produites dans le monde au cours des 70 dernières années, 50 % sont à usage unique, seulement 12 % sont incinérés et moins de 10 % sont recyclés</a>. De nombreux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dechets-plastiques-65998">déchets plastiques</a> se retrouvent disséminés sur la terre, dans les océans, les rivières et les lacs, et persistent durant des dizaines voire des centaines d’années, ce qui met en danger les écosystèmes, la santé publique et la sécurité sanitaire au niveau mondial.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-et-valorisation-des-dechets-plastiques-comment-ca-marche-149288">Recyclage et valorisation des déchets plastiques : comment ça marche ?</a>
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</p>
<hr>
<p>En avril dernier, les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/17/le-g7-promet-de-mettre-fin-a-sa-pollution-plastique-en-2040-un-horizon-lointain_6169816_3244.html">pays du G7 se sont engagés à réduire à zéro leur pollution plastique d’ici à 2040</a>. Au-delà des efforts législatifs et de ceux des citoyens, il s’agit d’aller vers une économie circulaire : supprimer les plastiques jetables et non recyclables et optimiser l’ensemble de leur cycle de vie (de la conception à la fin de vie).</p>
<p>Parmi les diverses solutions envisagées par les chercheurs, les polyhydroxyalcanoates, dits PHAs, constituent une famille de plastiques qui a le vent en poupe : les <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/biotechnologies/des-plastiques-extraits-des-plantes-4146.php">PHA naturels sont extraits des plantes</a>, mais ils peuvent être aussi produits par biosynthèse ou par synthèse chimique. Actuellement, les <a href="https://doi.org/10.1002/anie.202302101">chimistes</a> des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37024718/">polymères</a> <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.adg4520">optimisent</a> les PHAs en les rendant notamment moins friables, thermiquement plus stables et <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adh3072">surtout recyclables</a>. </p>
<h2>Qu’est-ce qu’un plastique « éco-conçu » ?</h2>
<p>Pour développer des plastiques respectueux des écosystèmes, de la biodiversité et de la santé humaine, il nous faut non seulement limiter leur usage au strict nécessaire, favoriser leur réemploi, leur recyclage, mais aussi repenser leur conception, dans un contexte de circularité et de durabilité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="cuillères et fourchettes plastique" src="https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des couverts en plastique biodégradable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/32782663@N00/3233133589/">drea, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les PHAs sont très variés. S’ils ne peuvent pas remplacer tous les plastiques traditionnels issus de ressources fossiles, ils présentent des propriétés intéressantes, qui permettent déjà leur utilisation, notamment comme plastiques à usage unique : emballages, sutures, pailles, cuillères, fourchettes et gobelets alimentaires. </p>
<p>Cette capacité à être modulés est importante, car c’est la variété de leurs propriétés intrinsèques qui a permis le déploiement extensif des plastiques traditionnels : légèreté, résistance, durabilité, malléabilité, et pour certains, bien connus du grand public et utilisés en très grand volume, de faibles coûts (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Poly%C3%A9thyl%C3%A8ne">polyéthylène</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polystyr%C3%A8ne">polystyrène</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polychlorure_de_vinyle">PVC</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polyt%C3%A9r%C3%A9phtalate_d%27%C3%A9thyl%C3%A8ne">PET</a>…)</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vieux-caoutchouc-cherche-nouvel-emploi-182873">Vieux caoutchouc cherche nouvel emploi</a>
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<p>Mais alors, quand ils sont à usage unique, pourquoi les PHAs sont-ils plus vertueux que des plastiques issus de ressources fossiles ? </p>
<p>Pour deux raisons : d’abord, certains sont dérivés de la biomasse, c’est-à-dire que l’on peut les fabriquer à partir de canne à sucre, maïs, huiles de cuisson usagées par exemple. Ensuite, ils sont biodégradables — notamment dans l’eau de mer ou douce — et compostables (<a href="https://theconversation.com/pourquoi-mettre-des-matieres-plastiques-dans-son-composteur-est-une-mauvaise-idee-200246">dans certaines conditions</a>) : ils se dégradent dans tous les milieux (compost, sols, eau) de façon comparable ou plus rapidement que la cellulose.</p>
<p>En fin de vie, on peut bien sûr les incinérer (comme environ <a href="https://www.nationalgeographic.fr/le-plastique-en-10-chiffres">12 % des déchets plastiques produits à l’échelle mondiale depuis 2015</a>) ou les biodégrader. </p>
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<p>Et on sait aussi les recycler : les dernières avancées en recherche montrent qu’il est possible de préparer à grande échelle en laboratoire (quelques centaines de grammes), à partir de ressources renouvelables, des PHAs plus flexibles que ceux commercialisés actuellement, stables thermiquement, tout en étant dégradables. Leur <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adg4520">dégradation permet de retrouver les monomères initiaux, à partir desquels les polymères peuvent être à nouveau produits, et ce sur plusieurs cycles</a>, dans des conditions industrialisables douces. Précisons toutefois que ces nouveaux PHAs ne sont pas encore produits industriellement.</p>
<p>De tels PHAs présentent un cycle de vie en boucle fermée, un avantage significatif par rapport aux polyoléfines actuels (plastiques issus de ressources fossiles, pas (voire peu) dégradables) dont ils présentent des performances voisines, et ouvrent ainsi potentiellement la voie à une solution durable et circulaire à la problématique des plastiques.</p>
<p>Ainsi, le marché des PHAs produits à l’échelle industrielle devrait augmenter au cours des cinq prochaines années de 32,14 kilotonnes en 2023 à 92,41 kilotonnes en 2028, ce qui représente un <a href="https://www.marketsandmarkets.com/Market-Reports/pha-market-395.html">marché potentiel de 195 millions de dollars</a>.</p>
<h2>Comment obtenir des PHAs aux propriétés suffisamment variées pour peu à peu remplacer les autres plastiques</h2>
<p>Au sens chimique, les PHAs appartiennent à la famille des polyesters : ils présentent une fonction ester (C=O-O) qui est hydrolysable et permet ainsi la dégradation et le recyclage.</p>
<p>On les trouve dans la nature, où ils sont produits par une variété d’organismes, notamment par fermentation bactérienne des glucides ou des lipides (sucres ou huiles végétales). Ils servent de nutriments et de source d’énergie et <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/biotechnologies/des-plastiques-extraits-des-plantes-4146.php">font partie du métabolisme des organismes vivants (plantes, animaux, humains)</a>. </p>
<p>Les PHAs peuvent aussi être obtenus par synthèse chimique, par des réactions de « polymérisation » : des réactifs appelés monomères (les briques constitutives, éventuellement biosourcées) s’enchaînent les uns aux autres par des liens chimiques pour former le polymère. La voie chimique permet d’élargir et de diversifier la plate-forme des PHAs actuels, notamment en introduisant des substituants et/ou des groupes fonctionnels sur chaque unité de répétition qui constitue le squelette du polymère, ou encore en associant différents types de monomères au sein d’un même polymère (on parle alors de copolymère). </p>
<p>Dans <a href="https://doi.org/10.1039/d3py00707c">nos dernières recherches</a> développées à l’<a href="https://iscr.univ-rennes.fr/">Institut des Sciences Chimiques de Rennes</a> (CNRS/Université de Rennes), nous avons par exemple montré que l’introduction de soufre dans les PHAs conduit à des polythioesters (présentant une fonction « thioester » (C=O-S) plus facilement dégradable que celle d’un polyester) avec une stabilité thermique distincte de celle de leurs analogues oxygénés — les PHAs.</p>
<p>Les réactions de polymérisation, conduisant à un polymère ou copolymère de microstructure chimique bien définie au sein duquel l’enchaînement de chacune des briques de monomères est contrôlé, peuvent être réalisées grâce à l’emploi de « catalyseurs » spécifiques (des composés organiques ou métalliques qui promeuvent la réaction chimique). Les propriétés thermiques (température de fusion, de dégradation) et mécaniques (dureté, souplesse, élongation…) de tels PHAs réguliers peuvent ainsi être modulées selon l’application envisagée.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/py/d2py01573k">nous avons récemment montré</a> le rôle essentiel du catalyseur de polymérisation, combiné à la présence de groupes sur le monomère initial, pour obtenir des PHAs avec ces substituants positionnés avec régularité le long de la chaîne principale du polymère, qui présentent alors des caractéristiques thermiques ajustables.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-08-CP2D-0001">BIOPOLYCAT</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Guillaume est membre (ancienne présidente) du Groupe Français des Polymères (GFP) et de la Société Chimique de France (SCF), et représentante nationale à la Division Polymères de l'Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC), sans en recevoir de financements.
Le groupe de recherche de S. Guillaume reçoit des financements du CNRS, de l'Université Rennes, de la région Bretagne, de Rennes Métropole, de l'ANR, de l'Europe et de certaines entreprises (de gré à gré) dans le contexte de ses activités de recherche, mais sans aucun financements directs.</span></em></p>Les polyhydroxyalcanoates peuvent être biosourcés, mais surtout, on découvre comment les recycler… plusieurs fois.Sophie Guillaume, Directrice de recherche CNRS en chimie des polymères, Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104222023-08-03T21:33:51Z2023-08-03T21:33:51ZCes pays qui recyclent les eaux usées en eau potable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539339/original/file-20230725-19-ye3sg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5780%2C3850&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://www.theguardian.com/environment/2014/aug/07/california-drought-orange-county-toilet-to-tap-water">anglophones</a> aiment appeler cette eau de la « toilet-to-tap water ». Mot à mot : de l’eau passant de la cuvette de vos toilettes à votre robinet. Une expression peu engageante, qui passe sous silence les nombreux procédés chimiques, physiques et biologiques permettant de recycler des eaux usées en eau potable d’excellente qualité.</p>
<p>Si cette idée peut encore faire grimacer beaucoup, elle devient pourtant une piste sérieuse de réflexion pour de plus en plus de pays ou de municipalités à travers le globe qui s’inquiètent, à raison, de l’<a href="https://theconversation.com/secheresse-2022-un-manque-de-pluies-presque-ordinaire-aux-effets-exceptionnels-191323">amenuisement des ressources en eau</a> douce. La mégapole de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/city/bengaluru/bangalore-water-supply-and-sewerage-boards-aim-treat-100-wastewater-by-2025-for-reuse/articleshow/94275309.cms">Bangalore</a>, en Inde, planche ainsi sur un tel recyclage des eaux usées, tout comme <a href="https://www.cnbc.com/2022/08/19/direct-potable-reuse-why-drinking-water-could-include-recycled-sewage.html">Los Angeles</a>. </p>
<p>Aux États-Unis, les villes texanes de <a href="https://ikehata.wp.txstate.edu/2019/10/31/crmwd-big-spring-raw-water-production-facility/">Big Springs</a> et <a href="https://www.newschannel6now.com/2023/01/24/city-wichita-falls-water-program-hits-milestone/">Wichita Falls</a> pratiquent déjà cette technique appelée la <em>direct potable reuse</em> (en français, réutilisation pour la potabilisation directe), tout comme la ville de <a href="https://www.news24.com/news24/sewage-keeps-taps-running-in-beaufort-west-20180820">Beaufort</a> en Afrique du Sud, depuis 2011.</p>
<h2>La Namibie potabilise les eaux usées depuis 1968</h2>
<p>Mais en la matière, et cela reste fort peu connu, c’est un autre pays encore qui reste le pionnier incontesté : la Namibie. À la 139<sup>e</sup> place du classement des pays par niveau de développement, on pourrait s’étonner que cet état d’Afrique Australe soit autant à l’avant-garde, mais lorsqu’on se penche sur la quasi-absence de ressource en eau de sa capitale, Windhoek, il devient tout de suite moins surprenant que cette municipalité ait cherché à innover.</p>
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<img alt="Vue aérienne de Windhoek, capitale née en plein désert" src="https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539354/original/file-20230725-29-blc3gb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne de Windhoek, capitale née en plein désert.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Windhoek_Luftaufnahme.jpg#/media/File:Windhoek_Luftaufnahme.jpg">H. Baumeler/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Au milieu d’une plaine aride, à plus de 200 km du littoral, Windhoek (près de 500 000 habitants) ne peut ni récolter la rare eau de pluie, à cause d’une évaporation quasi immédiate sous ses latitudes désertiques, ni piocher dans les rivières ou les nappes phréatiques de ses alentours, qui se rechargent très peu quand elles ne sont pas asséchées.</p>
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<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://podcast.ausha.co/afpaudio-surlefil/bientot-sur-la-terre">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://embed.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/64ca9a51fa1a87001150bfb3" width="100%"></iframe>
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<p>En 1968, la ville, alors sous domination sud-africaine, voyait de surcroît sa population grandir à un rythme impressionnant, quand elle a commencé à recycler ses eaux usées pour les transformer en eau potable. Cinquante-cinq ans plus tard, c’est <a href="https://www.afdb.org/en/news-and-events/press-releases/namibia-african-development-bank-approves-1217-million-loan-euro-3-million-grant-support-water-and-sanitation-sector-34727">30 % des eaux usées</a> qui sont ainsi recyclées en eau potable en moins de dix heures. Le reste de l’eau potable domestique provient de barrages et forages réalisés dans d’autres régions du pays.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/arCmp7jOjiw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Des eaux usées potabilisées en 10 étapes</h2>
<p>Afin de permettre le recyclage des eaux usées en eau potable, Windhoek a mis en place une séquence de procédés inédits qui compte aujourd’hui <a href="https://www.wingoc.com.na/water-reclamation-plant/10-steps-process-0">10 étapes</a>. Il comprend des processus physico-chimiques, comme la coagulation et la floculation (ajout d’un produit coagulant permettant de créer des flocs, c’est-à-dire des regroupements de matière en suspension qui vont ensuite chuter grâce à leur poids et être éliminés dans les boues.), mais aussi des processus chimiques comme l’ozonation.</p>
<p>Au contact de l’ozone, l’eau subit alors un processus d’oxydation qui permet de dégrader de nombreux micropolluants (pesticides, résidus de médicaments… ) et d’inactiver bactéries, virus et parasites.</p>
<p>Adviennent ensuite d’ultimes étapes de filtration biologique sur charbon actif en grain et de filtration physique (filtration sur charbon actif et ultrafiltration membranaire) permettant d’éliminer les restes de pollution soluble. Avant d’être envoyée dans le réseau, l’eau subit enfin des contrôles de qualité et une chloration, assurant un effet désinfectant qui dure dans le temps afin que la qualité de l’eau obtenue ne se détériore pas durant la distribution.</p>
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<p>Ces dernières années, l’usine de traitement des eaux usées de Windhoek a pu accueillir des <a href="https://www.awwa.org/AWWA-Articles/dpr-project-in-africa-cradle-of-water-reclamation">visiteurs</a> intrigués et intéressés venant d’<a href="https://twitter.com/stukhan/status/1184925300578107392?s=20">Australie</a>, d’Allemagne, des Émirats arabes unis… Et pour cause, les techniques développées en Namibie demeurent intéressantes à plus d’un titre.</p>
<h2>Une solution moins coûteuse que le dessalement</h2>
<p>Pour les pays en quête de nouvelles sources d’eau potable, le recyclage des eaux usées reste moins énergivore et plus respectueux de l’environnement que le <a href="https://theconversation.com/le-dessalement-des-eaux-quand-lutiliser-et-a-quel-prix-207232">dessalement</a> de l’eau de mer, technique pourtant plus répandue à travers le monde. Là où la potabilisation des eaux usées consomme entre 1 et 1,5 kWh par m<sup>3</sup>, le dessalement nécessite entre 3 et 4 kWh par m<sup>3</sup>. De plus, cette dernière technique produit d’encombrants déchets : des concentrats de sels et de polluants souvent rejetés directement dans les mers et océans où les écosystèmes s’en trouvent alors perturbés.</p>
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<img alt="Conférence organisée par la métropole de Barcelone sur le recyclage des eaux usées en eau potable en Namibie, avec comme intervenants Piet Du Pisani en charge de la gestion des eaux usées à Windhoek, et l’ASERA, une association espagnole cherchant à promou" src="https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540730/original/file-20230802-23-5rdrex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Conférence organisée par la métropole de Barcelone sur le recyclage des eaux usées en eau potable en Namibie, avec comme intervenants Piet Du Pisani en charge de la gestion des eaux usées à Windhoek, et l’ASERA, une association espagnole cherchant à promouvoir la réutilisation des eaux usées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=a-rm66HPZ7E">Capture d’écran/Chaine YouTube de l’Àrea Metropolitana de Barcelona</a></span>
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<p>Malgré tous ces avantages, et les résultats probants du cas namibien, la potabilisation des eaux usées est encore balbutiante à l’échelle du globe car son application implique de surmonter diverses barrières. D’abord celle du coût de son installation. Actuellement, seuls des pays développés ont pu financer de tels projets, soit sur leur sol (aux États-Unis, à Singapour…) ou bien à l’étranger, avec par exemple, derrière la modernisation de l’usine namibienne, un <a href="https://www.oecd.org/env/resources/42350657.pdf">partenariat public-privé</a> avec le français Véolia, de l’australo-indien Wabag et la ville de Berlin.</p>
<h2>Des freins financiers, législatifs et psychologiques</h2>
<p>Ensuite, car les législations des différents pays demeurent fort contraignantes. Ainsi, en Europe une telle usine ne serait actuellement pas autorisée, et le seul projet en cours de potabilisation d’eaux usées traitées, celui du <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/au-fil-de-l-eau/jourdain-un-projet-pilote-en-europe-pour-transformer-les-eaux-usees-en-eau-potable_5122858.html">Programme Jourdain</a>, en Vendée, rejettera l’eau dans une retenue utilisée comme réserve pour la production d’eau potable et non directement dans le circuit de distribution d’eau : c’est la potabilisation indirecte.</p>
<p>Et même quand les fonds et les lois sont là pour permettre l’utilisation directe d’eau potable issue d’eaux usées traitées, une ultime barrière demeure, et non des moindres : rendre acceptable auprès d’une population le fait de boire d’anciennes eaux usées traitées, et surmonter pour cela ce qui est appelé <a href="https://www.cairn.info/peurs-et-plaisirs-de-l-eau--9782705680503-page-353.htm">« l’effet beurk »</a>. En 2000, une usine de potabilisation des eaux usées d’un quartier de Los Angeles, dont la construction avait coûté 55 millions de dollars a ainsi <a href="https://www.latimes.com/opinion/la-op-haefele26aug26-story.html">dû fermer</a> quelques jours après son ouverture, car « ne jamais faire boire l’eau des chiottes » était devenue une <a href="https://www.cwea.org/news/from-the-archives-the-history-of-toilet-to-tap-in-los-angeles/">promesse électorale</a> du politicien briguant le siège de maire.</p>
<p>En Namibie, un tel problème ne s’est pas posé lors de l’introduction de la potabilisation des eaux usées car les habitants de Windhoek, alors sous régime d’Apartheid, ont été mis devant le fait accompli trois mois après la mise en fonctionnement de la première usine. Dans un article du <em>Sunday Tribune</em> de novembre 1968, le journaliste couvrant l’annonce de ce nouveau recyclage des eaux usées rapporte toutefois que le maire de Windhoek de l’époque, dans un test à l’aveugle, a préféré le goût de l’eau usée traitée, à celle de l’eau provenant de sources conventionnelles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Archive de l’édition du 24 novembre 1968 du journal sud-africain le _Sunday Tribune_, titrant « Windhoek boit l’eau des égoûts »" src="https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540751/original/file-20230802-29-l3kp67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Archive de l’édition du 24 novembre 1968 du journal sud-africain le <em>Sunday Tribune</em>, titrant « Windhoek boit l’eau des égoûts ».</span>
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<h2>L’exemple de Singapour</h2>
<p>Mais ne pas informer la population en amont reste une solution radicale peu recommandable, car le travail de sensibilisation de la population à la rareté des ressources en eau et à la nécessité d’alternatives plus durables reste la meilleure façon de lancer un tel projet. C’est ce qui a permis la réussite du projet de Singapour, qui a misé énormément sur la communication autour du projet de potabilisation des eaux usées traitées, en organisant par exemple des visites de l’usine de traitement, ou en montrant le premier ministre de l’époque boire sereinement un verre de cette nouvelle eau usée recyclée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1550148804455940099"}"></div></p>
<p>Ainsi l’effet beurk s’est transformé en fierté nationale. Fierté de maîtriser une technologie de pointe et fierté de gagner <a href="https://enpc.hal.science/hal-00841542/document">plus d’indépendance vis-à-vis de la Malaisie voisine</a> qui demeurait son principal fournisseur d’eau potable et avec qui les relations diplomatiques pouvaient être tendues.</p>
<h2>Attention à « l’effet rebond »</h2>
<p>Mais pour tâcher d’être autonome sur le plan de ses ressources en eau, Singapour n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, et a également parié sur le dessalement de l’eau de mer, la récolte des eaux de pluie et la réduction des consommations d’eau de ses habitants (passée de <a href="https://www.pub.gov.sg/watersupply/singaporewaterstory">165 L par jour</a> et par habitant en 2000 à 141 L en 2018).</p>
<p>Pour tous les partisans d’une meilleure utilisation des ressources en eau, cette sobriété est capitale, en amont comme en parallèle du développement de projets de potabilisation des eaux usées, afin de lutter contre ce qui est désormais connu comme <a href="https://ayhoekstra.nl/pubs/Ercin-Hoekstra-2012.pdf">« l’effet rebond »</a>. Cette expression décrit l’utilisation décomplexée et croissante des ressources en eau suite à la mise en place de techniques de dessalement ou de réutilisation des eaux usées traitées. Ces nouvelles ressources en eau ne doivent en effet être considérées que comme un moyen de subvenir à des besoins et usages déjà existants et primordiaux, souvent en substitution d’eau potable, et non comme un appel à en créer de nouveau.</p>
<p>Afin de maximiser les ressources à notre disposition, les usines de recyclage des eaux usées du futur devront également valoriser les déchets produits par les procédés de traitement des eaux usées, en transformant par exemple le phosphore et l’azote en nutriments utiles à l’agriculture, ou encore en produisant de l’énergie par méthanisation avec comme intrants les déchets collectés lors du traitement.</p>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210422/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Mendret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pays parmi les plus arides d’Afrique, la Namibie recycle ses eaux usées en eau potable depuis 1968. Pour pallier le manque d’eau, d’autres pays l’ont imité ou songent désormais à le faire.Julie Mendret, Maître de conférences, HDR, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072682023-07-06T17:18:08Z2023-07-06T17:18:08ZSurcycler des déchets textiles : une piste pour mieux isoler les bâtiments ?<p>Actuellement, l’<a href="https://theconversation.com/fr/search?q=industrie+textile&sort=relevancy&language=fr&date=all&date_from=&date_to=">industrie textile</a> est le cinquième secteur d’activité le plus polluant au monde. Ce secteur consomme beaucoup d’énergie et d’eau, mais aussi des quantités considérables d’engrais et pesticides pour faire pousser les fibres, et de métaux lourds, phtalates, et colorants pour les transformer. On estime qu’il faut <a href="https://doi.org/10.5194/hess-15-1577-2011">entre 7 000 et 11 000 litres d’eau pour la fabrication d’un seul jean à base de coton</a>.</p>
<p>Parmi les <a href="https://earth.org/statistics-about-fast-fashion-waste/">92 mégatonnes de déchets textiles produits par an</a>, une grande partie est brûlée ou envoyée dans les décharges. Seulement <a href="https://emf.thirdlight.com/file/24/uiwtaHvud8YIG_uiSTauTlJH74/A%20New%20Textiles%20Economy%3A%20Redesigning%20fashion%E2%80%99s%20future.pdf#page=20">14 % de ces déchets sont réutilisés</a> (seconde main) ou recyclés en matériaux à faible valeur ajoutée (sous-cyclage) : rembourrages de matelas, panneaux d’isolation notamment, tandis que 1 % est transformé en nouvelles fibres textiles (recyclage).</p>
<p>Entre 2000 et 2014, le nombre moyen d’habits achetés par individu a doublé et la quantité de déchets a augmenté de 40 % en 30 ans, <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/sustainability/our-insights/style-thats-sustainable-anew-fast-fashion-formula">un phénomène accéléré par la « fast fashion »</a>, le phénomène de renouvellement très rapide des collections de vêtements peu coûteux.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> des textiles est indispensable à une transition vers des modèles économiques circulaires et plus durables mais il est aujourd’hui coûteux. Fabriquer des matériaux à haute valeur ajoutée (surcyclage) permettrait de compenser ces coûts et de favoriser le développement de la filière.</p>
<h2>Comment recycler les textiles ?</h2>
<p>Le recyclage des déchets textiles implique l’utilisation de procédés chimique, mécanique, organique ou mixte. L’élaboration de nouvelles fibres filées à partir de déchets textiles est possible pour les tissus d’origine végétale de type coton ou viscose, car ces textiles sont composés d’une seule matière. À savoir que la viscose, aussi appelée « fausse soie », est une fibre artificielle faite à partir de bois et présente une structure chimique finale similaire au coton.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Du déchet textile au matériau valorisable : monolithes (cylindres) et billes d’aérogels faits à partir de deux tissus 100 % viscose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Au contraire, les textiles multicomposants sont très difficiles à recycler à cause des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0734242X18819277">propriétés physico-chimiques très variées des différentes fibres</a>. Par exemple, la plupart des fibres synthétiques telles que le polyester ou le polyamide peuvent être chauffées, fondues et mises en forme à haute température (autour de 200 °C), alors que cela est infaisable avec les polymères naturels tels que le coton ou la laine. On ne sait malheureusement pas séparer mécaniquement différents types de fibres actuellement à l’échelle industrielle.</p>
<p>Le développement de nouvelles approches de recyclage des déchets textiles est l’un des <a href="https://www.carnot-mines.eu/fr/carnot-mines-%C3%A0-la-recherche-de-solutions-op%C3%A9rationnelles-%C3%A0-la-question-du-recyclage-des-plastiques,https://www.theses.fr/s259058">principaux axes de recherche de différents projets scientifiques</a>, dont la création de nouveaux matériaux. En effet, aujourd’hui le peu de déchets textiles récupéré et voué à être retransformé suit soit une boucle de recyclage fermée – afin d’être de nouveau utilisé pour créer de nouveaux fils et tissus – soit une boucle ouverte, menant à la création de matériaux différents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">Industrie de la mode : les effets (très) limités du recyclage des textiles</a>
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<p>Actuellement, les matériaux créés en « boucle ouverte » à partir de déchets textiles, comme les rembourrages de matelas, ont une faible valeur ajoutée par rapport à leur matière d’origine, le textile. Ce type de recyclage est donc caractérisé de « sous-cyclage » ou « downcycling ».</p>
<h2>Créer de nouveaux matériaux de haute valeur à partir de déchets</h2>
<p>Les déchets textiles ne font pour l’instant pas l’objet de valorisation par des procédés industriels de surcyclage ou « upcycling » en matériaux à haute valeur ajoutée. Ceux-ci pourraient permettre de contrer les coûts élevés des procédés de recyclage.</p>
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<p>De plus, l’utilisation de l’important gisement de déchets textiles permettrait de valoriser une ressource qui pour le moment est inexploitée, et de répondre à la demande croissante des industriels de remplacement des matières pétrosourcées par des biomatériaux (ici, la cellulose contenue dans les textiles).</p>
<p>C’est pourquoi ma thèse consiste en la transformation de déchets textiles à base de coton ou viscose en matériaux poreux de nouvelle génération et à haute valeur ajoutée, appelés « aérogels ».</p>
<h2>Les aérogels pour l’isolation des bâtiments</h2>
<p>Depuis plusieurs années, des aérogels à base de silice et de polymères pétrosourcés (non biosourcés donc) sont développés et utilisés à petite échelle en tant que « super isolants » thermiques pour le bâtiment – sachant que l’isolation est un des enjeux majeurs de la transition énergétique. Mais le coût élevé des matières premières et des procédés de fabrication impliquant des <a href="https://doi.org/10.1039/C3TA13172F">substances toxiques</a>, ainsi que les mauvaises propriétés mécaniques des aérogels de silice, <a href="https://doi.org/10.1007/s10971-016-4012-5">freinent leur développement à l’échelle industrielle</a>.</p>
<p>Les « bio-aérogels » élaborés à partir de sources naturelles comme la pectine (pépins de pomme et écorce d’agrumes), l’amidon (pomme de terre, riz et maïs) et la cellulose (bois) possèdent des propriétés similaires aux aérogels classiques en termes de porosité et densité. Mais ont l’avantage d’être entièrement composés de matières premières renouvelables, c’est-à-dire inépuisables, sont 100 % biodégradables et non toxiques.</p>
<p>Les bioaérogels 100 % textiles sont dix fois plus légers que l’eau et hautement poreux – le diamètre des pores est compris entre 20 et 100 nanomètres, ce qui les rend invisibles à l’œil nu. Ils contiennent plus de 90 % d’air, et, si on déplie virtuellement un gramme de matériau aérogel, alors sa surface correspond à deux terrains de tennis (environ 400 mètres carrés). Ils présentent également des <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">propriétés similaires aux aérogels faits de cellulose pure standard</a> élaborée en laboratoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="microscopie du matériau poreux" src="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La structure interne, très poreuse, de notre aérogel de cellulose. La photo couvre environ 25 micromètres en largeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leur porosité particulièrement élevée devrait permettre leur utilisation en tant que matériaux d’<a href="https://doi.org/10.3390/coatings8100345">isolation thermique</a> et <a href="https://doi.org/10.1002/adem.202201137">acoustique</a> dans le bâtiment et le secteur du transport.</p>
<p>Prenons, par exemple, la <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">transformation en biomatériau d’une chemise 100 % viscose</a> provenant d’un gisement de post-consommation. Après effilochage du tissu, je dissous les fibres grâce à des solvants spécifiques, permettant l’obtention d’une solution de « viscose liquide ». Après avoir fait gélifier ce liquide sous la forme désirée (cylindres, billes, formes sur mesure par impression 3D), j’élimine le solvant et je sèche le gel dans des conditions spécifiques, me permettant d’obtenir un biomatériau sec poreux 100 % textile. Nos tests de conductivité thermique montrent que les aérogels obtenus isolent mieux que les panneaux d’isolation fabriqués en textile recyclés, mais il reste à faire des tests grandeur nature dans des bâtiments. On observe une conductivité thermique entre 0,030 et 0,036 W/mK pour les aérogels face à <a href="https://www.izi-by-edf-renov.fr/blog/isolation-textile-recycle">0.039–0,051 W/mK pour les isolants classiques en textile</a>, qui transmettent donc plus la chaleur.</p>
<p>Une variante de ce procédé permet également de <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/su/d2su00084a">recycler le textile multicomposé comme le polycoton (mélange polyester/coton)</a>, où le coton est sélectivement dissous et le polyester récupéré pour être recyclé séparément.</p>
<h2>Les autres applications des aérogels issus de déchets textiles</h2>
<p>La fine porosité des aérogels de cellulose permettrait aussi de fabriquer des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6403747/">filtres à air pouvant être utilisés dans les salles blanches</a> (industrie agroalimentaire, électronique) afin de piéger les particules et éviter les potentielles contaminations.</p>
<p>En plus de leur biocompatibilité, la taille des pores des aérogels de cellulose peut être modifiée et adaptée selon l’application (de quelques dizaines de nanomètres à quelques dizaines de microns), il est alors possible d’y inclure une substance active et de contrôler son relargage au cours du temps.</p>
<p>Ainsi, ces biomatériaux peuvent être utilisés en tant que <a href="https://doi.org/10.1007/s10570-021-03734-9">matrice contenant des médicaments</a> ou des engrais. Les aérogels de cellulose peuvent également servir à l’élaboration de dispositifs médicaux spécifiques en tant que <a href="http://bmrat.org/index.php/BMRAT/article/view/637">pansement antibactérien</a>, ou comme <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/bm5003976">support tridimensionnel pour la culture cellulaire</a>.</p>
<p>Grâce à leurs propriétés physico-chimiques particulières, les aérogels de textile pourraient ainsi faire l’objet de multiples applications dans des secteurs variés.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-EURE-0021">Biotechnology Building Bio-based Economy</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de thèse a été financé par l'Institut Carnot M.I.N.E.S. et a bénéficié d'une aide de l’État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme d’Investissements d’Avenir portant la référence ANR-18-EURE-0021.</span></em></p>Nous créons de nombreux déchets textiles, qui sont peu recyclés, et encore moins surcyclés. Une piste pour donner plus de valeur à ces fibres mises au rebut.Marion Négrier, Post-doctorante en chimie des matériaux au CEMEF (Mines Paris - PSL), en collaboration avec le centre RAPSODEE (IMT Mines Albi) et avec le le Centre Thermodynamique des Procédés, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2066412023-06-15T07:09:47Z2023-06-15T07:09:47ZL'économie circulaire stagne. Et si le modèle coopératif servait d'inspiration ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531964/original/file-20230614-23-xr3cbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C15%2C5148%2C3039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8%. Et la tendance est à la baisse. Et si le mouvement coopératif pouvait servir de déclencheur? </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il n’y aura pas de durabilité sans faire de changements dans l’économie. </p>
<p>Voilà pourquoi l’économie circulaire est devenue cruciale, traduisant les objectifs de durabilité pour les entreprises : repenser et réduire la production, réutiliser plus fréquemment les produits, les réparer, recycler, et transformer les déchets. Pourtant, malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8 %. <a href="https://www.circularity-gap.world/2023">Et la tendance est à la baisse</a>.</p>
<p>Alors que les stratégies circulaires sont souvent associées à l’innovation, à l’optimisation des processus et à l’efficacité, on peut se demander si on devrait procéder différemment. Et si l’élément manquant pour la transformation était une organisation plus démocratique de l’économie ?</p>
<p>En tant que chercheur à l’intersection de la durabilité et de la gestion, je m’intéresse particulièrement à la relation entre les questions environnementales et sociales. Non seulement l’économie circulaire, mais aussi la société circulaire. </p>
<h2>L’approche réformiste du mouvement coopératif</h2>
<p>Les coopératives sont des acteurs économiques qui se distinguent par le principe « une personne, une voix ». Ce n’est plus la propriété du capital qui est déterminante dans les décisions, mais bien les membres. </p>
<p>Le 1<sup>er</sup> juillet, le mouvement célèbre la Journée internationale des coopératives, avec pour thème leur rôle de <a href="https://www.coopsday.coop">« partenaires pour un développement durable accéléré »</a>. </p>
<p>Quel est donc le rôle du modèle coopératif pour la durabilité et la circularité ?</p>
<p>Le mouvement coopératif peut être placé dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344920302354">approche réformiste de l’économie circulaire</a>. Les coopératives ont tendance à opérer dans un marché basé sur l’échange, tout en exigeant que les acteurs du marché s’organisent démocratiquement. Dans une coopérative de travail, les travailleurs sont les propriétaires de l’entreprise, dans une coopérative de consommateurs, ce sont les consommateurs, etc. </p>
<p>Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que les coopératives poussent les processus de démocratisation également dans les économies durables et circulaires. Cela mérite d’être souligné, car les références à la démocratie sont généralement absentes des définitions de l’économie circulaire. Cette démocratie se décline en de nombreuses variantes, mais au cœur de celle-ci se trouve l’échange d’arguments dans le débat public. </p>
<p>Voici donc <a href="https://www.researchgate.net/publication/371303389_Embedding_Circularity_Theorizing_the_Social_Economy_its_Potential_and_its_Challenges">quatre arguments</a> — abrégés sous l’acronyme <strong>M-O-T-S</strong> coop — que le modèle coopératif offre pour une transition vers une économie circulaire démocratique et durable :</p>
<p><strong>1) Mutualisation des ressources</strong></p>
<p>Une motivation économique bien connue pour la création d’une coopérative est la mutualisation des ressources en réponse à un besoin partagé. </p>
<p>Historiquement, le mouvement coopératif est né lorsque des employés et des familles menacés par les dynamiques du capitalisme du XIX<sup>e</sup> siècle ont <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quitables_Pionniers">uni leurs forces pour acheter de la nourriture qu’ils n’auraient pas pu s’offrir individuellement</a>. Au XXI<sup>e</sup> siècle, on a vu émerger le phénomène des <a href="https://www.elgaronline.com/display/edcoll/9781788119955/9781788119955.00012.xml">« recuperados »</a>, des travailleurs et communautés qui convertissent des entreprises privées que les propriétaires ne jugent plus viables. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Contenant réutilisable de la coopérative Retournzy pour les commandes de nourriture pour apporter dans des restaurants à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Retournzy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette motivation socio-économique pour le partage des ressources place la coopérative pleinement, et « avant la lettre », dans celui exigé par l’économie circulaire. Il n’est donc pas surprenant que la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/3/2530">mutualisation s’avère être un modèle d’entreprise circulaire clé aux yeux des coopératives</a>. </p>
<p><a href="https://tiess.ca/economie-circulaire/">Un projet du TIESS</a> a établi huit modèles d’affaires des organisations de l’économie sociale dans l’économie circulaire. Par exemple, en réponse aux déchets plastiques produits par les commandes à emporter pendant la pandémie, la <a href="https://retournzy.ca">coopérative Retournzy</a>, fondée à Montréal, fournit un service qui permet aux restaurants et à leurs clients de commander des plats à emporter en utilisant des contenants réutilisables. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Stratégies d’économie circulaire et modèles d’affaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ziegler et al. 2023</span></span>
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<p><strong>2) Organisation démocratique</strong></p>
<p>Il est important que le partage des ressources se fasse entre personnes ayant un statut égal. </p>
<p>Ainsi, le modèle coop introduit un principe démocratique au sein de l’économie. Ce principe crée un véritable levier pour les consommateurs et les travailleurs puisque ces derniers ont le droit de décider des objectifs et des stratégies de gouvernance. Une enquête menée auprès des fédérations des coopératives du Québec montre qu’elles perçoivent la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/3/2530#B30-sustainability-15-02530">volonté de leurs membres comme le principal levier de la circularité et de la durabilité</a>.</p>
<p><strong>3) Technologie rééquilibrée par rapport à la demande</strong> </p>
<p>Le passage à une économie circulaire est aussi un défi technique. </p>
<p>Cependant, l’accent est généralement mis sur l’offre : l’investissement dans des stratégies « high-tech » dans l’espoir qu’elles créeront les solutions techniques qui favoriseront la demande. </p>
<p>Le modèle coop pousse à un choix et à une utilisation de la technologie qui donnent la priorité aux membres plutôt qu’au capital. Par exemple, la <a href="https://altecoop.ca">coopérative de travail ALTE</a> regroupe des ingénieurs qui, inspirés par le mouvement « low-tech », veulent relocaliser l’économie et favoriser l’autonomie alimentaire et énergétique. Cette perspective renforce la première stratégie circulaire, trop souvent oubliée, qui consiste à repenser la production et la consommation.</p>
<p><strong>4) Sociétés régionales et circulaires</strong></p>
<p>Les coopératives sont des petites et moyennes entreprises (<a href="https://www.monitor.coop/">bien qu’il existe également de grandes coopératives</a>, et même des institutions bancaires). Elles sont ancrées dans leur économie régionale et, comme le travail est beaucoup moins flexible que le capital, elles sont là pour rester, avec un sens du lieu et un attachement régional.</p>
<p>La vision des <a href="https://portailcoop.hec.ca/in/details.xhtml?id=h::9d159d0e-4056-4288-be50-8bf60d5976c8&bookmark=4b7f3605-3991-4ff3-8823-04b1cadde00c&queryid=738a6017-9522-48ba-a026-50f7acd5fda6&posInPage=0">Inuits et les membres des Premières Nations sur la coopération</a> va plus loin vers une réciprocité écologique. Elle considère les animaux, les écosystèmes et la Terre non pas comme des objets, mais plutôt comme des sujets qui partagent les ressources avec nous, et à qui nous devons aussi redonner. La Terre doit être traitée avec respect. </p>
<h2>Favoriser le potentiel des coopératives</h2>
<p>La contribution des coopératives pour la circularité peut paraître exagérée, car toutes ne sont certainement pas vertes ou circulaires. </p>
<p>Cependant, elles fournissent un potentiel structurel qui rend ce modèle très attrayant pour les économies et sociétés circulaires. Pour favoriser ce potentiel, les coopératives peuvent adopter des stratégies explicites de circularité et de durabilité. Elles doivent utiliser leur voix et leur poids pour le déploiement de politiques sociales et environnementales. Et elles devraient déployer leur principe d’intercoopération — la coopération entre les coopératives —, pour créer des économies circulaires justes et intégrées dans les régions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206641/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rafael Ziegler a reçu des financements du SSHRC (Social Sciences and Humanities Research Council), project number 890-2022-0023, partnership “Social Economy embedding circular economy.” </span></em></p>Le Canada est connu pour sa tradition de coopératives. Quels sont leur rôle et leur potentiel dans la transition vers une économie circulaire ?Rafael Ziegler, Professor, Department of Managment, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2068832023-06-05T15:45:57Z2023-06-05T15:45:57ZSe convertir à l’économie circulaire : les entreprises entre recyclabilité et quête de rentabilité<p>Savourer son café du matin, ce peut être pour son goût, ce peut être pour l’énergie qu’il apporte, ce peut être aussi car on sait que l’emballage et les grains moulus ne deviendront pas des <a href="https://theconversation.com/topics/dechets-23906">déchets</a>. La capsule en aluminium sera <a href="https://theconversation.com/topics/recyclage-21060">recyclée</a>, peut-être pour accueillir un prochain café, et le marc sera transformé en biocarburant. Accepter de payer un peu plus pour ce café et en faire de même pour d’autres produits s’ils s’inscrivent dans l’<a href="https://theconversation.com/topics/economie-circulaire-26694">économie circulaire</a>, beaucoup de <a href="https://theconversation.com/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> y semblent aujourd’hui prêts.</p>
<p>Les déchets sont à l’origine de la plupart des problèmes environnementaux, réchauffement climatique, pollution et perte de la biodiversité et de plus en plus de personnes en sont conscientes. Nombreux tentent alors de se passer des produits dont le modèle économique se base sur le schéma « extraire, fabriquer, consommer, jeter ».</p>
<p>Néanmoins selon le <a href="https://www.circularity-gap.world/2023">rapport Global Circularity Gap 2023</a>, seuls 7,2 % des matériaux sont réinjectés dans l’économie à la fin de leur cycle de vie. Cela signifie que plus de 90 % des matériaux finissent par devenir des déchets et ne peuvent plus être réutilisés. Nous sommes encore loin de la circularité.</p>
<p>Au sein d’un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4314781">travail de recherche</a> récent, mené avec Stefan Buehler, de l’université de Saint-Gall, et Rachel Chen de l’université de Californie à Davis, nous avons donc tenté de comprendre les rouages des modèles économiques circulaires afin d’élaborer des stratégies pour renforcer la circularité. Il s’agissait notamment d’identifier les conditions qui rendent la transition d’un modèle économique linéaire à un modèle circulaire à la fois rentable et socialement souhaitable.</p>
<h2>Boucler la boucle</h2>
<p>Comment les entreprises peuvent-elles tirer profit de l’économie circulaire ? Contrairement au modèle économique linéaire, qui s’arrête au point de vente, le modèle circulaire s’appuie sur 3 piliers : réduire, c’est-à-dire optimiser les produits en vue de leur recyclage en limitant les déchets ; réutiliser, c’est-à-dire récupérer les produits en fin de vie grâce à un processus de logistique inverse ; recycler, c’est-à-dire transformer les produits récupérés en matières premières.</p>
<p>Pour passer à l’économie circulaire, une entreprise doit donc revoir sa façon de concevoir ses produits et mettre en place une chaîne logistique inverse pour récupérer les produits en fin de vie. Pour que la boucle soit bouclée, il faut aussi que les consommateurs acceptent de restituer les produits pour qu’ils soient recyclés. La clé de l’économie circulaire réside en effet dans l’interaction entre les décisions des entreprises en matière de conception des produits, et celles des consommateurs pour leur mise au rebut en vue de leur recyclage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>L’approche circulaire offre aussi aux entreprises une nouvelle source de revenus potentielle. Récupérer et recycler les ressources contenues dans les produits en fin de vie réduit le coût unitaire, celui de l’aluminium de ma capsule de café par exemple. En outre, cette pratique peut justifier l’application d’un tarif supérieur, la fameuse « prime verte », pour les produits plus faciles à recycler.</p>
<p>Comment alors trouver un équilibre entre la recyclabilité et prix plus élevé ? Nous avons intégré cet aspect aux décisions d’achat des consommateurs. Notre modèle intègre des questions telles que la fin de vie d’un produit, la facilité et le coût de recyclage ainsi que le sentiment de culpabilité associé au non-recyclage. Nous avons également tenu compte de l’impact de la réutilisation des ressources contenues dans les produits sur leur conception, sur les bénéfices et sur l’empreinte écologique globale de l’entreprise.</p>
<h2>Convaincre les consommateurs</h2>
<p>Il est étonnant de constater que le passage à l’économie circulaire ne réduit pas toujours l’empreinte écologique globale de l’entreprise. Cela s’explique par un <a href="https://theconversation.com/quel-role-joue-le-marketing-dans-le-changement-climatique-144690">effet de rebond</a> : même si l’empreinte de chaque café est plus faible dans le modèle circulaire, la baisse des déchets est parfois plus que compensée par l’augmentation des ventes des produits plus écologiques, si bien que l’empreinte globale du producteur de café est supérieure.</p>
<p>Notre analyse montre de plus qu’il est difficile pour une entreprise de parvenir à une circularité totale. Je prépare mon café avec une capsule qui a été spécialement conçue pour être recyclée, et je compte faire en sorte qu’elle le soit. Mais pour que le produit soit véritablement circulaire, il faut que tous les consommateurs fassent de même.</p>
<p>Pour que la circularité soit intéressante, les consommateurs doivent être convaincus de l’importance du recyclage et de la réutilisation des ressources contenues dans les produits en fin de vie, et la logistique inverse ne doit pas être trop onéreuse. On constate que plus le recyclage est facile, plus les consommateurs se prêtent au jeu.</p>
<h2>Rester rentable</h2>
<p>Le système de consigne (l’entreprise rend une partie du prix d’achat quand le lecteur ramène le produit à recycler) semble ainsi augmenter la recyclabilité mais pas nécessairement les bénéfices : le nombre de consommateurs supplémentaires qui recyclent le produit n’est pas toujours suffisant pour compenser le coût de la consigne. Le constat est le même avec le rachat, c’est-à-dire lorsque l’entreprise rachète les produits en fin de vie à ses clients pour les réutiliser et les recycler.</p>
<p>Il semble, pour l’entreprise, qu’il vaille mieux, en général rester propriétaire, en louant le produit à court ou à long terme. Ainsi, tous les produits sont récupérés, et la rentabilité et la recyclabilité s’en trouvent accrues.</p>
<p>Il y a par ailleurs de fortes chances que le modèle économique circulaire s’avère plus rentable à l’avenir. Les politiques gouvernementales vont dans le sens de la réduction des déchets, ce qui rend les entreprises moins enclines à proposer des produits non recyclables. Qui plus est, avec l’augmentation du prix des matières premières, la récupération et le recyclage des ressources contenues dans les produits en fin de vie deviennent de plus en plus intéressants. Grâce au progrès technologique, enfin, le coût de la mise en place d’une logistique inverse devrait baisser, tout comme le coût de fabrication de produits recyclables.</p>
<p>Cette étude invite ainsi à mettre en œuvre des politiques qui pénalisent financièrement les entreprises linéaires, par exemple en taxant les déchets. D’autres mesures, comme une meilleure sensibilisation des consommateurs ou une diminution du coût de la logistique inverse, en facilitant l’accès pour les consommateurs ou en mettant en place un service de collecte, aideront à la fois les entreprises et les consommateurs à réduire leurs déchets et leur consommation de ressources.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Halbheer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour avoir un modèle circulaire, les entreprises doivent convaincre les consommateurs de rapporter leur produit après usage pour les recycler, ce qui ne s’avère pas toujours assez rentable.Daniel Halbheer, Professeur Associé, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048682023-05-23T13:43:42Z2023-05-23T13:43:42ZLes municipalités québécoises sont plus actives qu’on ne le pense en matière de développement durable<p>Les récentes inondations au Québec ont mis en évidence l’importance de soutenir les villes et les régions pour mieux protéger les populations contre les impacts socio-économiques des phénomènes météorologiques extrêmes, exacerbés par le réchauffement climatique. C’est là tout l’enjeu du développement durable aujourd’hui : protéger les communautés contre ces aléas tout en les préparant aux défis environnementaux futurs.</p>
<p>C’est dans cette optique, entre autres, que le ministère des Affaires municipales et de l’habitation (MAMH) du Québec a publié un <a href="https://www.mamh.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/ministere/developpement_durable/portrait_developpement_durable.pdf">nouveau portrait du développement durable dans 1 108 municipalités locales et 87 MRC du Québec</a>. Ce rapport aborde 19 enjeux répartis en trois dimensions : environnementale, sociale et économique. </p>
<p>En tant que géographe dont les recherches portent sur les indicateurs et les pratiques de développement durable au niveau des villes et des régions, j’ai contribué à la réalisation de ce rapport par la collecte d’informations et de données provenant des sites web des municipalités et des sources gouvernementales. </p>
<p>Ce rapport révèle que les municipalités québécoises, petites et grandes, sont en transition vers un développement plus durable – et sont même plus actives qu’on ne le pense. </p>
<p>Sur certains enjeux, la possibilité d’assujettir les municipalités à la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/D-8.1.1">Loi sur le développement durable</a> mérite d’être étudiée, car plusieurs d’entre elles ont déjà adopté des mesures en ce sens. Dans un tel scénario, elles seront tenues d’agir conformément aux principes énoncés dans la Loi et d’en rendre compte, à l’instar de l’ensemble des ministères et agences gouvernementales. Une telle initiative exigerait toutefois de bien distinguer les exigences en fonction de la taille et du niveau d’urbanisation des municipalités. Elle nécessiterait aussi une collaboration plus étroite avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux qui soutiennent diverses actions sociales, environnementales et économiques menées par les municipalités. Finalement, elle exigerait une gouvernance de données efficace.</p>
<p>Dans cet article, je propose un aperçu de sept enjeux tirés du rapport du MAMH sur lesquels une majorité de municipalités québécoises sont actives.</p>
<h2>1. La cohésion sociale</h2>
<p>La cohésion sociale vise à créer une société équitable et inclusive qui répond aux besoins de ses membres, tout en tenant compte de l’évolution démographique. 95 % des 1108 municipalités locales et 90 % des 87 MRC du Québec s’en préoccupent, ce qui est encourageant. En effet, l’accentuation du changement climatique affectera surtout les groupes les plus vulnérables tels que les personnes âgées et entraînera une hausse des migrations, notamment en provenance de zones touchées par des phénomènes météorologiques extrêmes, qu’elles soient locales ou internationales.</p>
<p>Les mesures les plus courantes au Québec comprennent le programme Municipalité amie des aînées et aînés (74,4 % des municipalités), les Municipalités alliées contre la violence conjugale (61,3 %) et la Politique familiale municipale (28,8 %). </p>
<p>Ces initiatives visent à favoriser la participation des aîné·e·s, lutter contre la violence conjugale et soutenir les familles, grâce à des programmes, infrastructures et services adaptés.</p>
<h2>2. La gestion des matières résiduelles</h2>
<p>La gestion des matières résiduelles est le deuxième enjeu le plus important pour les municipalités locales (85 %). </p>
<p>Plus précisément, on parle de 834 municipalités qui ont mis des initiatives en place pour réduire les déchets et encourager le recyclage. Les écocentres, présents dans 582 municipalités (52,5 %), sont des lieux de dépôt volontaire, souvent gratuits pour les citoyens, qui acceptent les matières résiduelles destinées au recyclage, à la valorisation et parfois au réemploi. </p>
<p>La collecte des matières organiques est une autre mesure répandue, mise en œuvre par 557 municipalités (50,3 %). De plus, 41 municipalités (3,7 %) ont choisi de bannir le plastique et les articles à usage unique pour réduire l’impact environnemental de leurs déchets et ce nombre inclut de petites municipalités de 10 000 habitants ou moins. </p>
<h2>3. Les changements climatiques</h2>
<p>En matière de changements climatiques, le <a href="https://www.environnement.gouv.qc.ca/programmes/climat-municipalites2/index.htm">Programme Climat municipalités</a> a été central au financement des actions municipales de réduction des émissions de GES et d’adaptation. </p>
<p>La phase 1, en 2009, a financé les inventaires d’émissions et plans d’action de 265 municipalités participantes, tandis que la phase 2 a soutenu des projets novateurs de 59 municipalités. </p>
<p>Depuis 2000, le <a href="https://www.mamh.gouv.qc.ca/developpement-territorial/fonds-et-programmes/fonds-municipal-vertmcfmv/">Fonds municipal vert</a> a financé 170 projets environnementaux dans 102 municipalités québécoises. On parle ici de projets variés en efficacité énergétique comme à <a href="https://info.gmf-fmv.ca/fr-FR/projectdetails/?id=b6f31b67-17dd-ec11-bb3c-0022486da190">Mercier</a> et <a href="https://info.gmf-fmv.ca/fr-FR/projectdetails/?id=fc4c8f58-17dd-ec11-bb3c-0022486da797">Plessiville</a>, ou encore en aménagement du territoire comme à <a href="https://info.gmf-fmv.ca/fr-FR/projectdetails/?id=3e861c61-17dd-ec11-bb3c-0022486da190">Bromont</a> et à <a href="https://info.gmf-fmv.ca/fr-FR/projectdetails/?id=683f9252-17dd-ec11-bb3c-0022486da797">Saint-Valérien</a>.</p>
<h2>4. La gestion de l’eau potable et des eaux usées</h2>
<p>La gestion de l’eau potable et des eaux usées concerne près de 60 % des municipalités. </p>
<p>Les mesures principales s’inscrivent dans la Stratégie municipale d’économie d’eau potable (56,1 % des municipalités), le Programme d’infrastructures municipales d’eau (PRIMEAU) pour 65 municipalités, majoritairement de moins de 10 000 habitants, et le Programme d’excellence Municipalité Écon’Eau, davantage adopté par les municipalités de 100 000 habitants et plus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un ingénieur contrôlant la qualité de l’eau, réservoir de boues activées aérées dans une usine de traitement des eaux usées" src="https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524208/original/file-20230503-15-a3c023.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La gestion de l’eau potable et des eaux usées concerne près de 60 % des municipalités.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>5. La participation citoyenne</h2>
<p>Plus de la moitié des 1108 municipalités (50,4 %) ont adopté des mesures pour encourager la participation citoyenne, par exemple dans l’élaboration d’un projet ou d’une politique publique.</p>
<p>Les initiatives les plus populaires incluent le vote par correspondance (30,7 %), l’urbanisme participatif (27,2 %) et le budget participatif (4,2 %). </p>
<p>Ces mesures permettent aux citoyens de s’impliquer activement dans la prise de décision et la gestion communautaire.</p>
<h2>6. La mobilité et le transport</h2>
<p>Parmi les mesures les plus courantes en matière de mobilité et transport, 405 municipalités (36,6 %) ont mis en place des services de transport collectif comme les autobus et les taxis collectifs. Ces services offrent une alternative à l’utilisation de la voiture individuelle et permettent une mobilité à un plus grand nombre de personnes.</p>
<p>De plus, 64 municipalités (5,8 %) participent au Programme d’aide financière au développement des transports actifs dans les périmètres urbains, favorisant la marche et le vélo comme modes de déplacement. </p>
<p>Par ailleurs, 58 municipalités (5,2 %) comme <a href="https://umq.qc.ca/publication/une-etape-franchie-pour-le-saint-eustache-de-demain-depot-du-plan-de-mobilite-urbaine/">Saint-Eustache</a> et <a href="https://www.drummondville.ca/projets-majeurs/mobilite-durable/">Drummondville</a>, ont adopté un plan de mobilité durable, intégrant la planification et la gestion des transports dans une vision à long terme du développement urbain. On parle ici d’un ensemble de mesures comme l’amélioration des infrastructures cyclables et piétonnières, l’augmentation de la desserte en transport en commun, la sécurisation et l’embellissement des rues, l’installation de feux piétons, la réduction de la vitesse, la création d’intersections plus sûres et l’expansion du réseau cyclable, ainsi que le verdissement des rues pour atténuer les îlots de chaleur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Bus circulant sur la route en ville tôt le matin. Vue sur le trafic avec les feux de circulation et le transport" src="https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524213/original/file-20230503-1344-zau23q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Parmi les mesures les plus courantes en matière de mobilité et transport, 405 municipalités (36,6 %) ont mis en place des services de transport collectif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>7. L’alimentation et l’agriculture</h2>
<p>Enfin, 421 des 1108 municipalités adoptent des mesures liées à l’alimentation et à l’agriculture, principalement celles de 2 000 à 10 000 habitants. </p>
<p>Les mesures incluent des initiatives d’agriculture et potagers communautaires (84 municipalités), la réglementation sur l’élevage, la pisciculture et l’apiculture (77 municipalités) et l’adhésion aux Fleurons du Québec (30 % des municipalités). Cette dernière est un <a href="https://www.fleuronsduquebec.com/municipalites/">programme de reconnaissance des efforts d’embellissement horticole des municipalités québécoises</a> (30 % des municipalités).</p>
<h2>Une approche unique ne convient pas à toutes les municipalités</h2>
<p>Ce portrait réalisé par le MAMH montre que plus de 85 % des municipalités québécoises mènent des actions couvrant les trois dimensions du développement durable, mais leurs priorités varient selon leur taille et leur niveau d’urbanisation. </p>
<p>Pour mieux soutenir les efforts des municipalités en développement durable, le gouvernement pourrait établir des objectifs et des programmes qui tiennent compte de leur situation géographique et des progrès déjà réalisés. Par exemple, il faudra envisager des approches distinctes pour les deux communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, les autres grandes villes de plus 100 000 habitants, les municipalités situées dans une zone métropolitaine et celles hors de ces zones.</p>
<p>Concevoir de tels programmes ciblés est aujourd’hui possible, car les données plus précises et fiables permettant au gouvernement d’ajuster ses interventions en fonction des réalités locales et régionales existent. Cependant, face aux disparités en termes de capacités, ressources et compétences numériques des municipalités québécoises, il faudra commencer par établir un système qui faciliterait l’accès, la production, la confidentialité, le partage et l’exploitation des données relatives au développement durable au service des municipalités. Ceci permettrait au gouvernement d’optimiser ses interventions tout en réduisant le fardeau lié à la reddition de compte pour les administrations municipales dont la vaste majorité dispose de ressources humaines limitées. </p>
<p>Cette réflexion autour d’un tel système est au cœur d’un nouveau <a href="https://www.linkedin.com/posts/justerajaonson_sustainabledevelopment-grant-machinelearning-activity-7051927879969865729-V2zM">projet soutenu par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada</a>, piloté au Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG-UQAM, en collaboration avec l’Institut EDS de l’Université Laval et le MAMH.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204868/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juste Rajaonson a reçu des financements des Fonds de recherche du Québec - Société et Culture pour les étapes initiales de ce projet et du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada pour les étapes subséquentes.</span></em></p>Un rapport du gouvernement provincial montre que les municipalités québécoises sont plus actives qu’on ne le pense en matière de développement durable.Juste Rajaonson, Professeur en études urbaines, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996422023-03-16T12:48:26Z2023-03-16T12:48:26ZLes marques veulent vous inciter à consommer moins et mieux… et ce n’est pas sans risque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512252/original/file-20230224-1668-tp0oxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C0%2C7000%2C4652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une boutique s'affichant éco-responsable. Plusieurs marques incitent leurs clients à consommer mieux - et moins. Leur démarche est-elle crédible avec leur objectif ultime, soit de vendre leurs produits? </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, les Canadiens jettent plus de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/reduire-dechets-plastique/besoin-agir.html">trois millions de tonnes de déchets</a> de plastique, dont seuls 9 % sont recyclés. Face à ce constat, tant les autorités publiques, les organismes environnementaux que les entreprises essaient de développer des modèles d’affaires plus circulaires et à modifier la façon dont nous produisons, consommons et éliminons nos déchets. </p>
<p>Pour lutter contre le gaspillage et favoriser une économie circulaire, le Québec souhaite l’adoption de la Stratégie pancanadienne visant l’atteinte de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">l’objectif zéro-déchet de plastique d’ici 2030</a>. Le mouvement est mondial : en France, le ministère de la Transition écologique et solidaire, ainsi que des organismes nationaux, ont mis en place des mesures de sensibilisation au gaspillage et à la surconsommation afin d’inciter à une démarche de « sobriété ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JNIKVDJzaak?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La campagne française de communication « Réduire, Réutiliser, Recycler : ensemble continuons à changer nos habitudes ! » dont le but est d’inciter à une démarche de sobriété.</span></figcaption>
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<p>Alors que ce <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2021-11-25/consommer-moins-consommer-mieux.php">mouvement gagne en popularité</a>, il est légitime de se demander en quoi consiste cette approche de sobriété chez des marques autrement omniprésentes, et comment elles peuvent se positionner ainsi dans une société de surconsommation.</p>
<p>À l’<a href="https://ocresponsable.com">Observatoire de la consommation responsable</a> (OCR), et dans son Laboratoire FCI, le <a href="https://greenuxlab.uqam.ca">GreenUXlab</a> de l’ESG UQAM, nous effectuons différentes recherches sur les tendances de consommation cohérentes avec ces mouvements de sobriété. Nous avons analysé les réactions des consommateurs face à la sobriété des marques. </p>
<h2>Moins, mais mieux</h2>
<p>La sobriété en tant que démarche individuelle consiste à <a href="https://www.theses.fr/s189052">passer d’une consommation instinctive à une consommation plus réfléchie privilégiant la satisfaction des besoins nécessaires et la limitation des achats superflus</a>. Généralement, la sobriété renvoie au « moins, mais mieux », en reliant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie. Elle nécessite une <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2020-1-page-153.htm">redéfinition de notre rapport à la consommation</a> et remet en cause la satisfaction systématique des désirs immédiats. </p>
<p>Les enquêtes menées par l’OCR au Québec (<a href="https://ocresponsable.com/wp-content/uploads/2022/11/BCR2022.pdf">Baromètre de la consommation responsable, depuis 2010</a>) révèlent un désir croissant pour une consommation plus responsable et une aspiration à repenser nos modèles économiques. Preuve en est, « consommer responsable » consiste avant tout pour les Québécois à optimiser leur consommation : 64,5 % souhaitent éviter le gaspillage, les déchets, les emballages et 63,1 % à optimiser la durée de vie des produits (réparation, réutilisation, seconde main).</p>
<p>Plus de la moitié (57,3 %) disent avoir réduit au cours du dernier mois leur consommation, soit une augmentation de 9,2 points par rapport à 2021. Et 59,4 % déclarent avoir réduit les quantités de produits qu’ils achètent, et plus de 79,8 % ont diminué leurs achats impulsifs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les pratiques de déconsommation en action. Baromètre de la consommation responsable (OCR, 2022).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des consommateurs parfois sceptiques</h2>
<p>La sobriété, dont les bases théoriques s’appuient sur le « démarketing », consiste pour les marques à <a href="https://www.researchgate.net/profile/Yohan-Bernard/publication/351870386_CAN_FOR-PROFIT_ORGANIZATIONS_PROMOTE_DECONSUMPTION_THE_ROLE_OF_CONGRUENCE_BETWEEN_CORPORATE_COMMUNICATION_AND_BRAND_ADVERTISING/links/60ae1b0e92851c168e40f6e5/CAN-FOR-PROFIT-ORGANIZATIONS-PROMOTE-DECONSUMPTION-THE-ROLE-OF-CONGRUENCE-BETWEEN-CORPORATE-COMMUNICATION-AND-BRAND-ADVERTISING.pdf">promouvoir une modération de la consommation des produits qu’elles-mêmes commercialisent</a>. De nombreuses marques tentent ainsi de réduire leur impact sur l’environnement. C’est le cas par exemple de la marque Attitude, avec OCEANLY, une <a href="https://ca-fr.attitudeliving.com/blogs/mode-de-vie/attitude-lance-soins-peau-solide-sans-plastique">ligne de soin de la peau qui propose des emballages innovants complètement recyclables et biodégradables</a>. Ces produits offrent aux consommateurs une alternative aux cosmétiques habituels, <a href="https://www.ellecanada.com/beauty/skincare/beauty-industry-plastic-pollution">responsables à chaque année de 120 milliards d’emballages</a>, en grande partie non recyclés. </p>
<p>Cependant, ce choix pourrait s’avérer risqué. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969698916303642">consommateurs sont sceptiques à l’égard des entreprises et remettent en question leurs motivations</a>. Pour réussir, une démarche de sobriété doit émerger d’une réflexion profonde d’une marque et doit être ancrée dans toutes les décisions de l’entreprise. </p>
<p>Certaines marques y arrivent. Patagonia incarne cette vision dans son ADN et met de l’avant un message de sensibilisation face à ses choix de consommation et leurs impacts sur la nature. En 2011, la marque devient une référence du démarketing en décourageant l’achat de ses produits à l’occasion du Vendredi noir. Ce faisant, elle promeut une consommation plus responsable et minimaliste.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campagne de démarketing de Patagonia en 2011.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(New York Times)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nombre de marques éprouvent toutefois des difficultés à faire accepter ce positionnement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296323000528?ref=pdf_download&fr=RR-2&rr=79a862d95faca20e">considérant la dualité entre ce message de réduction et l’essence mercantile inhérente aux entreprises</a>. En effet, la sobriété force le marketing à promouvoir des pratiques contre nature qui favorisent des consommations plus minimalistes <a href="https://www.scienceshumaines.com/vices-et-vertus-de-la-societe-de-consommation_fr_26918.html">dans un contexte où la surconsommation est inhérente à plusieurs modes de vie</a>.</p>
<p>La sobriété demeure une démarche prometteuse et se doit d’être étudiée davantage. Ainsi, nous avons examiné la cohérence, pour le consommateur, entre l’image de marque de différentes entreprises (responsables, non responsables) et le ton utilisé dans leur communication (optimiste, pessimiste).</p>
<h2>Un attachement et une intention d’achat plus forte</h2>
<p>Les consommateurs considèrent les marques ayant fait le choix de la sobriété comme <a href="https://prophet.com/2020/01/the-four-principles-of-brand-relevance/">pertinentes</a>. Elles réussissent non seulement à satisfaire les besoins utilitaires des consommateurs, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Cindy-Grappe/publication/347453181_Why_Does_This_Brand_Speak_to_Me_Conceptualization_Scale_Development_and_Validation_of_Brand_Relevance/links/60662b4f458515614d2b6ccb/Why-Does-This-Brand-Speak-to-Me-Conceptualization-Scale-Development-and-Validation-of-Brand-Relevance.pdf">mais aussi à répondre aux enjeux écologiques qui les touchent particulièrement</a>.</p>
<p>La stratégie de sobriété devient ainsi un outil de différentiation pour les marques, garantit leur pérennité sur le marché et les distingue de leurs concurrents.</p>
<p>Selon nos résultats, les marques responsables qui s’orientent vers la sobriété sont perçues comme plus cohérentes dans leur message d’écoresponsabilité et moins hypocrites. Leur positionnement favorise un attachement plus fort et une intention d’achat plus importante à leur marque. Considérant que <a href="https://myscp.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1207/s15327663jcp1501_10">l’attachement émotionnel est la base vers des relations durables</a>, cet impact n’est pas négligeable. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La campagne « Re-Uniqlo » en faveur du zéro déchet s’affiche dans une boutique australienne, en février 2023. Elle prône la récupération d’anciens produits des consommateurs pour le recyclage des fibres, la réparation et la réutilisation des vêtements usagés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Van Research Media)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ceci n’est pas le cas de toutes les marques, notamment celles qui ont opté pour une stratégie marketing moins responsable dans le passé et qui tentent aujourd’hui de se repositionner vers la sobriété.</p>
<p>Notre expérimentation menée auprès de 700 personnes met en lumière l’importance pour ces marques de communiquer efficacement leur nouveau positionnement pour ne pas être associées à de l’écoblanchiment. Une communication basée sur l’émotion pourrait faire la différence. </p>
<h2>Stimuler l’optimisme reste la stratégie clé pour attirer les clients</h2>
<p>Repositionner une marque dans un nouveau marché exige une réflexion en amont sur la manière de le communiquer efficacement. <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-05977-w.pdf">Le ton du message adopté joue ainsi un rôle déterminant</a>. </p>
<p>Selon les recherches, les <a href="https://www.scielo.br/j/rmj/a/FMKZns5sBcsjYS7Y7kSmgVL/?format=html&lang=en">émotions motivent les individus à changer leur perception et leur intention de consommer de manière plus responsable</a>. </p>
<p>Le ton optimiste renvoie à l’émotion positive et au sentiment de confiance face à l’issue d’une situation. Par exemple, une marque peut mettre de l’avant ses efforts pour protéger l’environnement de manière positive en utilisant des messages orientés vers la possibilité d’un futur plus favorable. L’entreprise <a href="https://www.instagram.com/mynicleaning/">myni</a>, qui offre des produits corporels et nettoyants sans plastique, adopte un ton optimiste en communiquant les aspects ludiques des produits et leur effet positif sur la planète, avec des messages engageants. </p>
<p>Nos recherches montrent ainsi que le ton optimiste motive l’individu à consommer davantage auprès des marques qui font le choix de la sobriété, et ce, peu importe leurs pratiques et actions marketing passées. </p>
<p>L’utilisation des émotions positives dans la communication peut donc motiver les individus à changer leur perception négative vis-à-vis de la marque et lui offrir une nouvelle chance pour agir en faveur de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199642/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Guèvremont a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabien Durif a reçu des financements du CRSH Savoir en lien avec cette thématique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kolli Inès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs marques prônent la consommation responsable auprès de leurs clients. Cette stratégie de sobriété, perçue positivement par les consommateurs, devient un outil de différentiation.Kolli Inès, Docteur en Marketing, chercheure à l'Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM), Université du Québec à Montréal (UQAM)Amélie Guèvremont, Professeur agrégée, Marketing, chercheure à l'Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM)Fabien Durif, Professeur titulaire, directeur de l'Observatoire de la consommation responsable (OCR) et du Laboratoire FCI GreenUXlab, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984282023-01-26T11:44:54Z2023-01-26T11:44:54ZSobriété : Et si on s’inspirait de ceux et celles qui la pratiquent au quotidien ?<p>« Je baisse, j’éteins, je décale » : c’est à partir de ce slogan que le gouvernement entend sensibiliser la population à la sobriété énergétique et promouvoir les éco-gestes. L’explosion des coûts de l’énergie – en partie imputable au conflit russo-ukrainien – apparaît depuis quelques mois comme l’opportunité de réduire ou optimiser nos consommations individuelles et collectives. </p>
<p>Un ensemble de « trucs et astuces » ont été mis en avant <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/maison/economies-denergie/20-solutions-reduire-consommation-delectricite">par les médias et les agences de l’État</a> pour réduire significativement notre consommation d’énergie, repenser les approvisionnements alimentaires ou bien encore optimiser nos déplacements. </p>
<p>Si personne ne semble opposer de résistance au contenu de ces incitations, leur réception n’est toutefois pas uniforme : quand les mieux dotés ont tendance à y voir un message de bon sens, voire les <a href="https://www.puf.com/content/La_conversion_%C3%A9cologique_des_Fran%C3%A7ais">prémices d’un tournant écologique attendu de longue date</a>, les plus précaires – on parle principalement ici des personnes qui se situent hors emploi – ont eux tendance à se sentir peu concernés par des appels à une sobriété qu’ils ne connaissent déjà que trop bien.</p>
<p>Une étude que nous avons menée en 2020-2021 dans le cadre du <a href="https://msh-dijon.u-bourgogne.fr/actualites/livinglabterritorial/">Living lab territorial</a> pour la transition sociale et écologique de la Maison des sciences de l’homme de Dijon révèle que les plus précaires possèdent déjà une véritable expertise de l’optimisation énergétique. </p>
<p>Cette étude a consisté en 20 entretiens semi-directifs ayant pour but de sonder les pratiques de débrouillardise développées au quotidien pour parvenir à boucler son budget mensuel. Ces entretiens taisaient volontairement la variable écologique afin de la laisser émerger le cas échéant. Ils ont été complétés par trois entretiens collectifs en lien avec des associations permettant de produire et confronter différents discours de justification de ces pratiques.</p>
<h2>Sept besoins fondamentaux à satisfaire</h2>
<p>C’est en effet en situation de sobriété contrainte que les individus bricolent les pratiques de débrouillardises à la fois les plus efficaces et les plus adaptées à leur quotidien. Ils déploient et affinent ainsi, au fur et à mesure du temps, de véritables compétences de gestion dédiées à la survie. </p>
<p>Pour parvenir à « boucler les fins de mois », les plus précaires n’ont en effet d’autres choix que d’opérer à des optimisations et arbitrages articulés autour de sept besoins principaux relevant d’une égale importance : se loger et aménager son logement, pour s’y sentir véritablement chez soi ; se nourrir d’une manière jugée convenable ; se déplacer de façon à ne pas se sentir assignée à un territoire restreint ; se vêtir de manière confortable et valorisante ; s’alimenter en énergie et en eau de manière suffisante, mais supportable ; développer des liens de solidarité pour s’entraider dans la difficulté ; prendre soin de soi et des autres, afin de conserver une estime de soi suffisante. </p>
<p>C’est une forme de débrouillardise populaire écologique qui se développe en situation de contrainte économique, prise dans une ambiguïté entre sobriétés subie et quête d’estime sociale d’une expertise citoyenne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506316/original/file-20230125-22-z5n9du.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cartographie des pratiques de la débrouillardise pour répondre aux 7 besoins fondamentaux du quotidien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourni par les auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>À n’en pas douter, la motivation première de l’investissement dans cette débrouillardise est économique et s’inscrit dans les conséquences des inégalités environnementales liées à l’accès aux ressources et aux services de première nécessité. </p>
<p>Les dépenses sont ainsi prises dans une sorte de matrice mentale qui suppose, avant toute chose, de pourvoir à ses besoins tout en se conformant aux contraintes budgétaires. Le registre de pratiques autour des économies d’énergie et de l’eau est représentatif de cette sobriété sous contrainte impliquant une charge mentale dont beaucoup préféreraient se défaire.</p>
<h2>Des îlots de débrouillardise</h2>
<p>Parce qu’elle suppose de vivre en sobriété et de s’appuyer sur des solutions durables dès que possible, la précarité incline à développer des pratiques par ailleurs qualifiées d’écologiques. </p>
<p>Le logement est bien souvent à taille restreinte et décoré à partir d’objets récupérés ou achetés en seconde main. La cuisine accueille généralement un congélateur permettant d’accueillir les denrées achetées en quantité lors des promotions. La « chasse aux bonnes affaires » permet en outre d’accéder occasionnellement à des produits de plaisir (fromage à raclette, pâte à tartiner…) pour faire plaisir aux enfants ou se donner le sentiment de consommer « comme tout le monde », comme l’évoque le sociologue <a href="https://journals.openedition.org/lectures/41256">Denis Colombi</a>. </p>
<p>Les quantités d’énergies consommées sont réduites au strict minimum. Là non plus, les plus précaires n’ont pas attendu les incitations aux baisses de consommation pour préférer enfiler un pull à des dispositifs de chauffage souvent vétustes et énergivores. </p>
<p>Par ailleurs, les vêtements de la penderie sont largement issus de trocs ou acquis en seconde main, et les pratiques de soin du corps, qui reposent largement sur la fabrication « maison » des cosmétiques (par ailleurs proche du mouvement « zéro déchets ») et des compétences développées par la pratique (coiffure, esthétisme…) relèvent d’un travail du quotidien. </p>
<p>À l’extérieur, les pratiques de mobilité reposent largement sur la mutualisation des moyens de transport ou le recours à des mobilités certes avantageuses économiquement, mais coûteuses en temps ou en compétences (transports en commun, mobilités dites « douces », mais qui se révèlent parfois dures lorsqu’il s’agit de transporter des affaires et/ou se déplacer sur une longue distance). </p>
<p>En outre, ces pratiques se développent, se peaufinent, se partagent et s’alimentent au travers d’un ensemble de sociabilités développées au sein d’îlots de débrouillardise : brocantes, ressourceries et associations de quartier représentent autant de lieux qui confèrent une précieuse sociabilité et permettent d’enrichir ses compétences.</p>
<h2>Une écologie à « nous »</h2>
<p>Toutes ces pratiques de sobriété appellent ainsi à une redéfinition par la pratique de ce dont peut relever la sobriété. En leur sein se loge, en effet, une <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2021-4-page-37.htm">conception populaire de l’écologie qui s’oppose aux discours dominants sur les enjeux environnementaux</a>. </p>
<p>Ainsi, les plus pauvres confrontent volontiers une écologie « à nous » – jugée réaliste, car fondée sur l’expérience pratique du quotidien, et qui se confronte à la faiblesse des ressources économiques ainsi qu’aux restrictions d’accès qu’impliquent la ruralité ou les périphéries urbaines – à une écologie « à eux », celle des élites politiques et médiatiques, vécue comme moralisante, voire punitive, et considérée comme déconnectée des réalités de vie des populations, notamment parce qu’elle se base largement sur un mode de vie davantage urbain et plus aisé. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette conception alternative de l’écologie se fonde sur quelques logiques culturelles – primat donné à la famille, importance de l’honneur personnel notamment – que l’on retrouve par ailleurs dans les travaux portant sur les milieux populaires ; on peut citer ceux de <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Culture_du_pauvre-2122-1-1-0-1.html">Richard Hoggart</a> ou encore ceux d’<a href="https://www.cairn.info/le-monde-prive-des-ouvriers--9782130608769.htm">Olivier Schwartz</a>. </p>
<p>Elle traduit ainsi un attachement aux liens sociaux de proximité, en premier lieu desquels on retrouve la famille. La sphère domestique correspond à un refuge, et les liens qu’elle contient sont à prioriser. Ainsi, les pratiques de frugalité pour soi relèvent ici d’un sacrifice pour ses enfants. La jeune génération représente un double espoir : celui de l’ascension sociale individuelle autant que de la salvation écologique collective. </p>
<h2>Des pratiques valorisantes</h2>
<p>Cette conception de l’écologie participe également à sauver son honneur et son estime personnelle, en ce qu’elle permet de revaloriser des pratiques développées en situation de pauvreté à l’aune des nouvelles préoccupations écologiques moralement valorisées. </p>
<p>Plus encore, elle permet d’affirmer un mode de vie qui serait « réellement écologique », non seulement sobre, mais qui demande un investissement en temps, en compétences et en travail quotidien, face à des pratiques qui ne remettent pas en cause la société de consommation (mobilité électrique, consommation de produits bios) et empreintes de « distinction verte » voire de <em>greenwashing</em>. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=258%2C77%2C5492%2C3492&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/387185/original/file-20210302-21-1dditw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Réparer pour retarder au maximum les achats.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/technician-repairing-smartphones-motherboard-lab-showing-1662975682">Shutterstock</a></span>
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<p>Cette écologie fondée sur la revendication du goût de l’effort permet alors de contrer l’étiquette d’inactif que peuvent subir les personnes sans emploi.</p>
<p>Sans ériger les plus pauvres en héros de la transition écologique, car une part de la débrouillardise est bien subie, il est possible de trouver dans l’expérience de la précarité des savoirs et des compétences à partir desquels redéfinir des objectifs qui soient à la hauteur des enjeux de réduction des consommations. </p>
<p>En d’autres termes, et alors que les mesures politiques d’incitation à la baisse des consommations énergétiques se multiplient, l’attention portée aux modes de vie des plus pauvres rappelle qu’une expertise ordinaire de la sobriété n’a pas attendu la crise pour se développer et se partager. En outre, les appels à la sobriété doivent prendre en considération les injustices environnementales que subissent les plus pauvres, ces derniers ne pouvant guère aller plus loin en la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198428/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Mangin est membre du Living lab territorial pour la transition écologique (LTTE) hébergé par la MSH de Dijon depuis 2020. Il y était salarié en tant qu'ingénieur d'étude au moment où cette recherche fut menée.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alex Roy est membre du Living lab territorial pour la transition écologique (LTTE) de la MSH de Dijon. </span></em></p>En situation de sobriété subie, les populations précaires deviennent expertes d’une économie de la débrouille dont les vertus écologiques sont nombreuses. Gaëtan Mangin, ATER en sociologie, Université d'ArtoisAlex Roy, Chercheur associé en sociologie urbaine, ENTPELicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1933282022-12-04T17:43:40Z2022-12-04T17:43:40ZManque d’eau : comment la réutilisation des eaux usées est devenue une priorité<p>L’été 2022, avec son contexte de sécheresse intense, a marqué un tournant pour la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) en France. Jusqu’ici, le sujet n’avait en effet jamais été aussi présent dans le débat public. Pour rappel, cette pratique consiste à réutiliser directement l’eau en sortie de station d’épuration sans passer par un retour dans le milieu naturel.</p>
<p>Cette réutilisation, envisagée comme piste pour économiser la ressource en eau, a de nouveau été évoquée au printemps 2023, lors de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/secheresse/direct-secheresse-emmanuel-macron-dans-les-hautes-alpes-pour-presenter-un-plan-sur-la-gestion-de-l-eau_5741273.html">présentation le 30 mars par Emmanuel Macron du « plan eau »</a> du gouvernement français. Elle y est présentée comme l’une des mesures phare (avec la tarification, le stockage, la sobriété) au sortir d’un hiver marqué par un <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/nappes-eau-souterraine-au-1er-mars-2023">déficit hydrique sur le territoire français</a>. </p>
<h2>Des avantages bien identifiés</h2>
<p>En France, la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) est réglementée depuis 2010 pour l’arrosage des espaces verts et l’irrigation agricole, qui devra respecter d’ici à 2023 les seuils fixés <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/reglement-ue-ndeg-2020741-250520-relatif-exigences-minimales-applicables-a">par l’Union européenne en 2020</a>. Le 3 août 2022, la Commission européenne a publié des <a href="https://www.europedirectpyrenees.eu/wp-content/uploads/C20225489-final-lignes-directrices-application-reglement-exigences-reutilisation-eauannexe.pdf">lignes directrices</a> afin d’aider les autorités nationales et les entreprises concernées à appliquer ces nouvelles règles.</p>
<p>Selon Virginijus Sinkevičius, commissaire à l’environnement, à la pêche et aux océans, <em>« il est de notre devoir de cesser de gaspiller l’eau et d’utiliser cette ressource plus efficacement pour nous adapter au changement climatique et garantir la sécurité et la durabilité de notre approvisionnement agricole. Les lignes directrices adoptées aujourd’hui peuvent nous aider à y parvenir et à assurer la circulation en toute sécurité, dans toute l’Union européenne, des produits alimentaires cultivés avec de l’eau recyclée ».</em></p>
<p>Les avantages de la REUT sont nombreux : réduction de la pression sur des ressources qui représentent le principal réservoir pour la production d’eau potable (nappes, cours d’eau…), amélioration de la qualité de l’eau auprès d’activités sensibles (baignade, conchyliculture) du fait de la suppression des rejets de station d’épuration, apport de nutriments pour l’irrigation agricole…</p>
<h2>Un cadre encore très restrictif</h2>
<p>En mars 2022, un nouveau décret relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045331735">est paru</a> en France : à l’irrigation agricole et des espaces verts viennent ainsi s’ajouter des usages urbains tels que le nettoyage de voirie, le nettoyage des réseaux (hydrocurage) ou la lutte contre les incendies…</p>
<p>Ce décret exclut en revanche d’y avoir recours pour des usages alimentaires, liés à l’hygiène corporelle et du linge, des usages d’agrément (piscines, fontaines, etc.), ainsi que les usages en intérieur dans les établissements accueillant du public (établissements de santé, d’hébergement de personnes âgées, crèches, écoles…) et les locaux d’habitation.</p>
<p>L’utilisation des eaux usées traitées nécessitera une autorisation préfectorale limitée à cinq ans au maximum en vue de leur utilisation dans le département où elles sont produites. Il est cependant à craindre que le champ d’application assez restreint et les lourdeurs administratives puissent décourager les porteurs de projets.</p>
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<h2>Un contexte local à prendre en compte</h2>
<p>Malgré ses indéniables atouts évoqués précédemment, la réutilisation des eaux usées n’est pas l’unique solution pour pallier le manque d’eau, c’est avant tout une solution dépendante du contexte local et qui implique par conséquent une prise en compte lors de la planification de la gestion de la ressource par les collectivités.</p>
<p>Elle est par exemple très pertinente sur les zones littorales où certaines stations d’épuration rejettent leurs effluents en mer ce qui constitue une perte d’eau douce. En pratiquant la REUT, s’opère alors l’économie circulaire de l’eau avec comme bénéfices secondaires la diminution des prélèvements dans les nappes – plus vulnérables lorsque leur niveau est bas et qu’elles sont alors soumises à la pénétration d’eau salée qui peut les rendre impropres à la consommation – et l’amélioration de la qualité de l’eau dans les lieux de baignade ou de conchyliculture.</p>
<p>Un exemple emblématique est dorénavant le <a href="https://www.vendee-eau.fr/programme-jourdain-vendee-reut-aep/">projet Jourdain</a>, aux Sables-d’Olonne, où les eaux usées traitées seront à terme directement diluées dans l’eau d’un point de captage pour la potabilisation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gmtnaJL8STM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">3 minutes pour tout comprendre sur Le programme Jourdain. Source : Communication Vendée Eau, 2 juillet 2021).</span></figcaption>
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<p>Dans les zones continentales, en revanche, les rejets de station d’épuration participent parfois de manière significative au soutien d’étiage – c’est-à-dire au maintien d’un débit minimum nécessaire pour le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques – et la REUT présente moins d’intérêt dans ce cas, voire pourrait avoir un impact environnemental négatif.</p>
<h2>Nouvelle impulsion après la sécheresse</h2>
<p>Si actuellement autour de 80 stations pratiquent la REUT en France, il se pourrait que la sécheresse connue au cours de l’été 2022 encourage le développement de cette méthode déjà largement répandue <a href="https://theconversation.com/reutilisation-des-eaux-usees-quels-sont-les-pays-les-plus-en-pointe-112984">dans certains pays</a>.</p>
<p>Veolia a notamment annoncé dans un <a href="https://www.veolia.com/sites/g/files/dvc4206/files/document/2022/07/CP-Veolia-developper-reutilisation-eaux-usees-France-25072022.pdf">communiqué de presse du 25 juillet 2022</a> son souhait de déployer la REUT sur une centaine de stations d’épuration dont les volumes de consommation le justifient (consommation de plus de 2000 m<sup>3</sup> d’eau potable et/ou 5000 m<sup>3</sup> prélevée directement dans la ressource), via des unités compactes de recyclages d’eau.</p>
<p>Cette opération devrait permettre une économie de 3 millions de m<sup>3</sup> d’eau potable soit la consommation moyenne annuelle d’une ville de 180 000 habitants. Dans un premier temps, l’eau recyclée sera utilisée pour l’entretien des stations avant d’expérimenter d’autres usages urbains ou agricoles sous réserve d’obtention des autorisations.</p>
<h2>Acceptabilité, modèle, pathogènes : des inquiétudes à lever</h2>
<p>Les obstacles à surmonter demeurent toutefois nombreux. L’acceptabilité sociale de cette pratique, souvent méconnue et sujette aux a priori de la part du grand public, en est un.</p>
<p>Autre frein important, la REUT va devoir trouver son modèle économique, nécessitant certainement des incitations financières afin de rivaliser avec l’eau de rivière que les agriculteurs prélèvent à un prix autour de 10 à 30 centimes d’euros le m<sup>3</sup>.</p>
<p>Après le traitement des eaux usées, la présence de certains sels, de polluants minéraux et organiques, ainsi que de micro-organismes pathogènes, est par ailleurs encore possible. L’importance des impacts négatifs associés sur les écosystèmes et sur la santé humaine dépend fortement des caractéristiques du sol, des plantes et de la qualité de l’eau usée traitée ainsi que des pratiques agricoles.</p>
<p>Il est donc important que la REUT reste bien encadrée afin d’en faire une pratique sûre et durable. Ceci passera par l’atteinte des seuils fixés mais aussi par la mise en place d’autres processus, par exemple un arrosage goutte à goutte plutôt que par aspersion.</p>
<h2>La nécessité de travailler sur les polluants</h2>
<p>Alors que le secteur connaît une évolution rapide, il apparaît nécessaire de mener des études scientifiques sur le devenir des polluants, des virus et parasites, au cours de l’irrigation agricole avec des eaux usées traitées.</p>
<p>En Israël, où la REUT est pratiquée depuis les années 80, aujourd’hui à hauteur d’environ 80 %, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389421011481">étude</a> a montré que les molécules pharmaceutiques se retrouvent principalement dans le sol, les feuilles et racines de végétaux irrigués avec des eaux usées traitées, les fruits et tubercules étant plus faiblement contaminés.</p>
<p>Cette étude conclut sur l’intérêt d’améliorer les filières de traitement dédiées à la REUT et d’y avoir recours sur des sols riches en matière organique favorisant la dégradation des polluants.</p>
<p>En France, l’exemple réussi de la Limagne noire où des cultures céréalières sont irriguées avec des eaux usées traitées de la ville de Clermont-Ferrand depuis plusieurs dizaines d’années, a révélé une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11464769/">absence de contamination liée aux pathogènes</a>.</p>
<h2>Des enjeux pour la santé humaine</h2>
<p>Récemment, à Murviel-les-Montpellier, une expérience sur deux années d’irrigation goutte à goutte de cultures de laitue et de poireaux avec des eaux usées municipales traitées sans et avec ajout de quatorze contaminants à un niveau de concentration de 10 μg/L a <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33097266/">été menée dans des conditions de culture en serre</a>.</p>
<p>L’objectif était d’étudier leur accumulation dans le sol et les feuilles afin d’évaluer les potentiels risques liés à la santé. Les résultats ont révélé une accumulation limitée des contaminants dans le sol et les feuilles des plantes, leurs niveaux de concentration étant respectivement dans la gamme de 1-30 ng/g et 1-660 ng/g.</p>
<p>Dans l’ensemble, cette étude a confirmé des rapports antérieurs sur le risque minime pour la santé humaine lié à la consommation de légumes verts à feuilles crus, irrigués par des eaux usées domestiques traitées contenant des résidus de contaminants organiques.</p>
<p>Ainsi, si la REUT devra vaincre les réticences et lever certaines craintes, elle apparaît néanmoins comme une solution d’avenir face aux enjeux actuels et voit son utilité exacerbée par les effets du changement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193328/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Mendret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Solution prometteuse dans bien des cas pour économiser l’eau, la réutilisation des eaux usées figure parmi les mesures phare du « plan eau » présenté par Emmanuel Macron le 30 mars 2023.Julie Mendret, Maître de conférences, HDR, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947492022-11-23T20:11:05Z2022-11-23T20:11:05ZMétaux stratégiques : et si les pays producteurs se regroupaient en cartel du type OPEP ?<p>Dans le contexte de transition énergétique et numérique mondial, la demande en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metaux-24903">métaux</a> est appelée à croître considérablement et rapidement dans les prochaines décennies. Tel est plus particulièrement le cas des métaux nécessaires aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/batteries-61300">batteries</a> des véhicules électriques (cobalt, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lithium-61289">lithium</a>, nickel) dont la demande pourrait, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), être multipliée respectivement <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">par 21, 42 et 19 à l’horizon 2040</a> dans un scénario climatique contraint – c’est-à-dire un scénario de développement durable (SDS).</p>
<p>Les matériaux stratégiques ou <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">critiques</a> constituent ainsi aujourd’hui un enjeu majeur des politiques de décarbonation mondiales qui impose de réfléchir à trois questions : (1) la disponibilité géologique des minerais, (2) la dépendance stratégique des pays consommateurs et (3) la cartellisation de certains marchés de métaux, à l’image de <a href="https://www.opec.org/opec_web/en/">l’Organisation des pays exportateurs de pétrole</a> (<a href="https://www.opec.org/opec_web/en/">OPEP</a>).</p>
<p>Ce dernier point revêt une acuité et une actualité toutes particulières depuis que l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/indonesie-23273">Indonésie</a>, premier producteur mondial de nickel, s’est interrogée fin octobre 2022 – par la voix de son ministre de l’Investissement Bahlil Lahadalia auprès du <a href="https://www.ft.com/content/0990f663-19ae-4744-828f-1bd659697468"><em>Financial Times</em></a> – sur la possibilité de créer un cartel des principaux pays producteurs de métaux des batteries.</p>
<h2>Des marchés particulièrement concentrés</h2>
<p>Cependant, maintenir dans le temps des organisations souhaitant influencer les prix sur les marchés se heurte à deux difficultés.</p>
<p>La première tient aux outils utilisés, comme les quotas de production ou d’exportations ou les taxes à l’exportation. Sans la mise en place d’une instance de contrôle, il est très difficile de s’assurer à court terme de la réalisation des objectifs assignés pour chacun des pays membres. Cela incite certains pays producteurs à profiter des réductions de production des autres partenaires sans s’y associer et à se positionner ainsi en passager clandestin.</p>
<p>La seconde difficulté tient à l’hétérogénéité des pays membres de l’organisation. L’incitation à entrer dans une organisation et à respecter les accords dépend de variables en rapport avec le marché (poids dans la production et dans les exportations, part dans les recettes d’exportations globales d’un pays), des réserves estimées, mais également d’autres facteurs économiques et sociaux (niveau de diversification et positionnement dans la chaîne de valeur, niveau du PIB, taille de la population). L’OPEP, aujourd’hui composée de 13 membres, apparaît comme la seule organisation à avoir survécu à la volatilité des prix du marché du pétrole depuis plus de 60 ans. Elle est même, dans certaines situations, considérée comme une force stabilisatrice du marché.</p>
<p>En ce qui concerne les métaux stratégiques, ces difficultés sont aggravées par le fait que les marchés sont beaucoup plus concentrés en matière de réserves ou de production que celui du pétrole (voir tableau ci-dessous).</p>
<p><strong>Niveau de concentration des marchés</strong></p>
<p><iframe id="AqNNT" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AqNNT/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un triangle du lithium déséquilibré</h2>
<p>Une cartellisation régionale sur le marché du lithium telle que celle actuellement envisagée par l’Argentine, la Bolivie et le Chili (près de 55 % des ressources potentielles en 2021), appelée <a href="https://www.ft.com/content/359d5287-d0ab-46ae-9c6b-09517ec9fb0c">triangle du lithium</a>, pourrait par exemple paraître attractive. Toutefois, elle semble peu probable aujourd’hui.</p>
<p>En effet, le Chili – deuxième producteur mondial – et l’Argentine – au quatrième rang – représentent plus de 30 % de la production mondiale et plus de 50 % des réserves, mais la Bolivie – premier pays détenteur de ressources localisées principalement dans le Salar d’Uyuni – produit très peu de lithium actuellement. Celle-ci ne figure même pas dans les producteurs mondiaux de l’Institut géologique américain (<a href="https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2022/mcs2022-lithium.pdf">USGS</a>, voir carte ci-dessous).</p>
<p><strong>Production et réserves mondiales de lithium en 2021 (en tonnes)</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">U.S. Geological Survey, Mineral Commodity Summaries, janvier 2022. Carte créée avec Mapchart.net @IFP Energies nouvelles</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le rapport qu’entretient la Bolivie avec le lithium constitue en outre un sujet politique depuis près de trois décennies. Nationalisme des ressources et fermeture du pays depuis 2005, résistance des populations de la région de Potosi, volonté d’un meilleur partage des retombées des exploitations minières sur les populations locales et droits miniers peu définis ont bridé le développement des activités sur ce métal stratégique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C3%2C1115%2C657&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue aérienne d’une mine de lithium dans le Salar de Uyuni, en Bolivie" src="https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C3%2C1115%2C657&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue aérienne d’une mine de lithium dans le Salar de Uyuni, en Bolivie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/observacao-da-terra/43000042851">Coordenação-Geral De Observação Da Terra/INPE/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le Chili et l’Argentine, la principale difficulté à se coaliser réside dans le rapport qu’entretiennent les différents gouvernements avec les investisseurs étrangers et aux compagnies minières internationales opérant sur leur territoire. S’il existe une société minière publique d’envergure au Chili (<a href="https://www.sqm.com/en/">SQM</a>) qui exploite le lithium (aux côtés d’une compagnie chinoise et d’une compagnie américaine), ce ne sont que des compagnies privées en Argentine.</p>
<p>Ainsi, sauf à envisager là encore une nationalisation des actifs miniers dont les conséquences sur les autres secteurs seraient potentiellement très dommageables, une cartellisation régionale reste peu envisageable. Il en est de même au niveau international avec, notamment, le premier producteur mondial australien (52 % de la production en 2021).</p>
<h2>Le poids des majors…</h2>
<p>En effet, le marché du lithium est, depuis plusieurs années, structuré par d’importantes <em>majors</em> intégrées verticalement qui se diversifient à la fois géographiquement et technologiquement (lithium de salar et lithium de roches). Ce facteur de stabilisation des chaînes de valeur internationales n’exclut toutefois pas un risque de développement d’un important pouvoir de marché de certaines entreprises.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">Pourquoi parle-t-on de « criticité » des matériaux ?</a>
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<p><a href="https://www.albemarle.com/">Albemarle</a> (compagnie américaine présente en Australie, au Chili, aux États-Unis), <a href="https://livent.com/">Livent</a> (présente en Argentine, Australie, États-Unis), les deux compagnies chinoises <a href="http://en.tianqilithium.com/">Tianqi Lithium</a> et <a href="http://www.ganfenglithium.com/about1_en.html">Jiangxi Ganfeng Lithium</a> (présentes sur l’ensemble des régions productrices) et la compagnie chilienne <a href="https://www.sqm.com/en/">SQM</a> (présente au Chili et en Australie) représentent plus de 80 % de la production mondiale en 2021, ce qui nécessite de dépasser la simple approche géographique de production nationale. En outre, ces compagnies ont de multiples participations croisées sur de nombreux territoires.</p>
<p>Au total, l’incertitude principale sur le marché du lithium ne porte pas tant sur la création d’un cartel de pays que sur le pouvoir de marché des <em>majors</em> qui pourraient brider l’entrée ou la montée en puissance de nouveaux acteurs sur le marché en influençant les processus de formation des prix.</p>
<h2>Des situations politiques extrêmement différentes</h2>
<p>En ce qui concerne le marché du nickel, comme s’agissant du marché du lithium, la question de l’exploitation des ressources minières nationales interroge le concept de cartellisation puisque, même en Indonésie, pays porteur de l’initiative, des entreprises chinoises ou brésiliennes réalisent une partie de la production.</p>
<p>Se pose en outre la question du type de gisements opérés. Au niveau mondial, les ressources sont composées à 60 % de dépôts de latérite (principalement en Asie du Sud-Est) et sont issues à 40 % de gisements de sulfures (Afrique du Sud, Canada, Russie). Or le nickel dit de classe 1 (teneur en nickel supérieure à 99,98 % contre moins de 99,98 % dans le cas du nickel de classe 2 utilisé principalement dans la fabrication d’acier inoxydable), pouvant servir à la production des sulfates de nickel employés dans la fabrication de batteries, est extrait des seconds et peu abondant en Asie.</p>
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<p>Il est possible de produire du nickel de classe 1 avec les dépôts de latérite présents en Indonésie, mais cela nécessite des investissements importants dans des technologies très intensives en énergie – investissements que l’Indonésie et les Philippines ont commencé à réaliser. Aujourd’hui, la majorité du nickel de classe 1 est issue des gisements opérés en Russie, en Australie et au Canada, des pays aux situations politiques et géopolitiques extrêmement différentes.</p>
<p>Si un cartel du nickel reste à ce jour peu probable, l’initiative de l’Indonésie n’est toutefois pas une surprise. Le pays a en effet entrepris en 2020 de mettre en place une politique interdisant l’exportation de minerais non transformés pour bénéficier de retombées économiques plus importantes en remontant la chaîne de valeur vers des produits à plus forte valeur ajoutée.</p>
<h2>Le rôle central de la Chine</h2>
<p>Au total, si la question d’une cartellisation des métaux des batteries reflète la volonté de certains pays d’affirmer leur rôle dans la transition énergétique mondiale, les caractéristiques spécifiques et les situations particulières de chacun des marchés de métaux nécessaires aux batteries empêchent de considérer le cartel comme l’option la plus probable.</p>
<p>Cela l’est d’autant plus eu égard au <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let428.pdf">rôle majeur joué par la Chine</a> dans le domaine. Comme près de 70 % des métaux des batteries sont aujourd’hui raffinés en Chine et que cette dernière produit plus de 65 % des batteries de véhicules électriques, un cartel questionnerait à coup sûr les alliances de l’empire du Milieu avec certains pays producteurs – ces derniers, faisant partie de l’initiative des routes de la soie, accueillant de nombreuses entreprises chinoises sur leur territoire et bénéficiant de financements ou prêts chinois.</p>
<p>Un autre obstacle à la formation d’un cartel des métaux des batteries mérite d’être signalé : le recyclage. Si ce secteur est encore peu développé, l’essor des p<a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-des-pays-exportateurs-de-petrole-opep-117798">link text</a> politiques de recyclage fait aujourd’hui partie des priorités affichées et pourrait alors contrecarrer les tentatives de création d’un cartel. En outre, un cartel sur le cobalt ou le nickel inciterait à l’utilisation des batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphate) pour le contourner.</p>
<p>Plus globalement, agiter le chiffon rouge de la cartellisation est une manière de montrer le rôle essentiel que les métaux sont appelés à jouer dans les relations internationales dans les années à venir. C’est aussi un moyen de mettre en avant que les métaux, à l’instar du gaz et du pétrole dans la géopolitique actuelle, pourraient devenir une arme économique et diplomatique dans la transition énergétique mondiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) entre 2018 et 2020. Il est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale de l'AFSE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pauline Bucciarelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La proposition formulée récemment par l’Indonésie pourrait notamment se heurter à l’hétérogénéité des politiques de production des pays producteurs et à la place des acteurs étrangers.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles Pauline Bucciarelli, Doctorante, laboratoire EconomiX, CNRS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresValérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925732022-11-21T19:26:25Z2022-11-21T19:26:25ZRecycler 100 % des métaux, un objectif atteignable ?<p>Popularisé par l’engouement autour de l’économie circulaire, le recyclage a le vent en poupe. Charriant la promesse d’un modèle fonctionnant en vase clos et marquant son indépendance par rapport à des ressources minières au bilan écologique souvent dénoncé, le recyclage multiplie les avantages théoriques sur le papier.</p>
<p>Cet apport de métaux recyclés dits secondaires se substitue en effet à une partie des besoins auparavant assurés par les mines (métaux dits primaires), et permet donc d’éviter les déchets et contaminations associés à la mine tout en diminuant notre dépendance à l’importation de métaux depuis des pays potentiellement sensibles géopolitiquement.</p>
<p>D’un point de vue énergétique, une tonne d’acier, d’aluminium ou de cuivre recyclée est en outre moins énergivore que son équivalent primaire – avec des économies d’énergie <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8607">allant de 60 à 90 %</a>. Les volumes de métaux recyclés réintroduits dans la boucle, enfin, sont autant de matières qui n’iront pas finir dans les décharges avec le lot de pollutions et de coûts qu’elles auraient pu générer.</p>
<p>Pourtant, et sans même viser la circularité parfaite, l’essor du « tout » recyclage pour l’ensemble des métaux est loin d’être aussi simple et relève davantage d’une route semée d’embûches.</p>
<h2>Comment on mesure le recyclage</h2>
<p>Commençons par préciser ce que l’on entend derrière ce vaste concept de recyclage. Quatre différentes façons de l’évaluer permettent de l’appréhender : le taux de collecte, le taux d’efficacité du recyclage, le taux de recyclage en fin de vie des éléments et le taux d’incorporation de <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8702">matière recyclée dans les produits</a>.</p>
<p>Le taux de collecte représente les quantités de métaux effectivement collectées chaque année sur le flux total qui parvient en fin de vie tandis que le taux d’efficacité du recyclage mesure la quantité recyclée sur la quantité qui est collectée. Le produit de ces deux derniers taux équivaut au taux de recyclage en fin de vie des éléments. Le taux d’incorporation, quant à lui, correspond à la part de matière recyclée dans le cycle de production.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Chacun de ces indicateurs a son utilité. Pour minimiser la quantité de déchets à gérer dans les décharges, le taux de recyclage des éléments en fin de vie est plus pertinent, alors que pour réduire les ressources extraites à partir des mines (et l’énergie consommée associée), agir sur le taux d’incorporation de matière recyclée dans les produits aura plus d’incidence.</p>
<p>Si l’on exclut la possibilité d’une baisse de la production de produits (ou d’un découplage absolu), se rapprocher d’un taux d’incorporation de recyclé de 100 % nécessite un taux de recyclage des éléments en fin de vie de 100 %.</p>
<h2>Des produits complexes</h2>
<p>Jusqu’ici, les faits semblent contredire ce but. Une grande partie des métaux <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8702">ne sont pas ou peu recyclés</a>, c’est le cas de la plupart des métaux mineurs (parfois dits métaux rares, comme le lithium, le gallium ou l’indium). Et les métaux bien recyclés (acier, métaux de base et précieux) ont de leur côté atteint un plateau et ne progressent plus.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des différents taux de recyclage selon les métaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données de Krausmann et coll. 2017</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Il semblerait donc que le scénario du tout recyclé se heurte à la réalité de produits qui sont souvent : complexes (nombre de composants et d’éléments), variés et dont les concentrations en métaux – jouant à la fois sur les coûts et les recettes des recycleurs – ne sont pas toujours favorables à ces derniers par rapport à la mine classique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rapport entre les concentrations dans les mines et dans les circuits imprimés d’ordinateurs (PCB) pour plusieurs métaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizaine 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La diversité des produits et des composants complexifie le montage de lignes de recyclage adaptées et leur massification, d’autant plus que les courtes durées de vie technologique de certains produits peuvent rendre complètement caduc le modèle de recyclage auparavant pertinent.</p>
<p>Ainsi, le remplacement très rapide des lampes fluo compactes par leur équivalent en LED en quelques années a mis un terme aux expérimentations de recyclage des terres rares issues des premières, les flux traitables de déchets étant amenés à se tarir vite.</p>
<h2>Des conditions économiques parfois défavorables</h2>
<p>Pour continuer, le prix des métaux mais surtout sa volatilité associée n’est pas non plus toujours un terrain très favorable à la mise en place de chaînes de recyclage car celle-ci accentue l’incertitude sur le niveau des recettes. Quand bien même les prix des métaux atteindraient des niveaux élevés, différentes études passées ont démontré la faible réaction de l’offre secondaire des métaux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921344917300605?via%3Dihub">au prix de ces derniers</a>.</p>
<p>Du côté des coûts, l’extraction à partir de la « mine urbaine » n’est pas forcément un eldorado économique notamment lorsque l’on s’intéresse à la concentration des métaux mineurs. Pour ces derniers, les concentrations de la mine urbaine sont bien souvent très en deçà de celle de la mine classique. Associés à des prix moyens, ils ne représentent qu’une fraction mineure des recettes extractibles, il n’est donc pas surprenant que les métaux mineurs ne soient pas ciblés par les recycleurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Proportion des différents métaux dans la valeur totale contenue dans les circuits imprimés d’ordinateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizaine 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Relation entre prix, dilution, valeur et métaux recyclés dans les circuits imprimés d’ordinateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizaine 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ensuite <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593330.2016.1237552">d’autres études</a>) ont montré que la réduction en amont des quantités de métaux notamment précieux dans les produits électroniques (en particulier par la miniaturisation) a rendu beaucoup moins attractif le modèle du recyclage. Il y aurait alors, un arbitrage entre d’une part des produits complexes avec des concentrations faibles de métaux (donc économes en métaux) mais peu recyclables, et des produits plus simples mais plus gourmands en métaux et donc mieux recyclables. Le premier R de l’économie circulaire (c’est-à-dire diminuer) aurait ainsi tendance à chasser son dernier R (recycler).</p>
<p>Des effets similaires ont été observés pour les panneaux photovoltaïques dont les épaisseurs en baisse (et concentration) auraient des effets défavorables au recyclage des métaux contenus.</p>
<h2>Des contraintes multiples</h2>
<p>Enfin, il existe aussi d’autres obstacles, trop longs à développer ici, d’ordre technologiques, culturels et juridiques qui contraignent <a href="http://www.editionstechnip.com/fr/catalogue-detail/2166/les-metaux-rares-opportunite-ou-menace.html">l’atteinte du tout recyclé</a>.</p>
<p>Une mauvaise réaction face à ces constats consisterait à disqualifier l’intérêt du recyclage. Au contraire, le recyclage devra faire partie intégrante d’un modèle économique plus durable à la fois du point de vue des ressources et de l’environnement.</p>
<p>Comme le rappellent sans cesse les spécialistes des sciences de l’environnement, le recyclage n’est toutefois qu’une petite partie de la solution et sa maximisation est complexe, difficile et parfois incompatible avec d’autres leviers de l’économie circulaire. La recherche a donc encore du travail pour mieux comprendre comment dénouer ces contraintes et proposer de nouveaux modèles plus soutenables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Fizaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La « mine urbaine » semble à première vue un eldorado afin de récupérer et réutiliser les métaux. Mais les obstacles à sa mise en œuvre demeurent nombreux.Florian Fizaine, Maître de conférences en sciences économiques, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1851842022-10-06T18:30:32Z2022-10-06T18:30:32ZAvec la low-tech, penser et agir par-delà la technique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486363/original/file-20220924-2090-5ttg67.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C52%2C1183%2C840&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Four solaire de Neoloco, projet d’artisanat low-tech en Normandie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://neoloco.fr/">Neoloco</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’Agence de la transition écologique (Ademe) a mené une <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5421-demarches-low-tech.html">étude publiée en mars 2021</a> pour dresser un état des lieux des <a href="https://theconversation.com/comment-les-low-tech-se-font-une-place-en-france-186963">démarches low-tech</a> et des perspectives associées. Car si le concept prend racine dans les années 1970 avec des auteurs comme Ivan Illich, Lewis Mumford, Ernst F. Schumacher, Jacques Ellul ou Cornélius Castoriadis, il n’existe pas de définition commune et partagée relative à ce terme. L’objectif était donc d’en proposer une autre, complémentaire.</p>
<p>En bref, alors que la masse de la « techno-sphère » (objets, machines, équipements, infrastructures, etc.) fabriquée par l’humain (évaluée à 1100 milliards de tonnes) aurait dépassé celle de la biomasse terrestre (évaluée à 1000 milliards de tonnes) <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-3010-5">selon une étude parue dans <em>Nature</em> en décembre 2020</a>, la démarche low-tech vise à réduire la taille, l’intensité et la complexité du système technique de l’économie pour que celle-ci se « ré-encastre », comme dirait l’économiste hongrois Karl Polanyi, dans les limites planétaires.</p>
<p>Tentons d’en dresser les contours.</p>
<h2>Le triptyque « utilité, durabilité, accessibilité »</h2>
<p>Et concrètement ? Le terme <em>low-tech</em> est associé dans les esprits à la diminution de l’empreinte environnementale d’un objet en particulier – par exemple, un <a href="https://theconversation.com/la-cuisine-solaire-quand-la-decarbonation-devient-un-plaisir-189608">cuiseur solaire</a> ou des toilettes sèches. Le Low Tech Lab, laboratoire d’exploration, de documentation et de démonstration low-tech, dresse une liste de trois critères caractérisant les <a href="https://theconversation.com/quand-linnovation-se-fait-frugale-127670">produits low-tech</a> : l’accessibilité, la durabilité et l’utilité.</p>
<p>L’accessibilité renvoie à la démocratisation de l’accès aux savoirs, savoir-faire (et même savoir-être) techniques, dans une perspective de circulation ouverte (open source) par la transmission et des parcours de formation adaptés.</p>
<p>La low-tech est durable en ce qu’elle s’inscrit dans des logiques d’économie circulaire, de réemploi, de réutilisation, de recyclage. Elle encourage par conséquent la réflexion sur la sobriété mais aussi sur l’écoconception et la simplicité de l’outil technique, en évitant par exemple les alliages de matériaux, qui rendent le recyclage beaucoup plus difficile.</p>
<p>Enfin, l’objet low-tech doit être utile : baisser l’empreinte écologique d’un objet qui répond à un besoin relevant d’une consommation ostentatoire et superfétatoire n’aurait pas de sens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486362/original/file-20220924-15747-s0t76n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques critères de démarches low-tech complémentaires à ceux de l’étude de l’Ademe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arthur Keller et Émilien Bournigal/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Discernement, remède à l’ambivalence technique</h2>
<p>Tous ces critères sont bien sûr au cœur de la définition qu’a tenté de construire l’Ademe, et celui de l’utilité en tête : elle renvoie aux notions de sobriété et de discernement, comme remède à l’ambivalence de la technique mise en avant par l’historien et sociologue Jacques Ellul, et la nécessité d’en déterminer collectivement la finalité avant de la développer.</p>
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<p>Un chauffe-eau solaire a beau être low-tech dans sa conception, il n’a pas de sens s’il est utilisé pour chauffer une piscine privée. De même que des outils agricoles low-tech ne sont pas pertinents s’ils sont au service d’organisations et pratiques agricoles économiquement inefficaces, insoutenables énergétiquement et destructrices des sols et du vivant. À l’inverse, certains secteurs stratégiques, comme le domaine militaire ou la santé, pourront difficilement se passer de certaines technologies de pointe.</p>
<p>Derrière, c’est tout un système de pensée et de valeurs que doit aider à transformer la démarche low-tech, avant même la dimension purement technologique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485990/original/file-20220921-7052-6qikdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand bricoler et partager devient un geste politique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">L’atelier Paysan/Flickr</a></span>
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</figure>
<h2>Un requestionnement central des besoins</h2>
<p>Parce qu’elle interroge notre rapport anthropologique à la technique, à l’aune notamment de certains renoncements de consommation, la démarche low-tech dépasse donc la simple échelle de l’objet ou du service rendu par la technologie, et c’est ce qu’a voulu montrer l’Ademe : il s’agit non seulement de concevoir des systèmes techniques durables, d’entretenir l’existant plutôt que de le remplacer, d’en démocratiser l’accès et également d’en maîtriser les usages, mais aussi et surtout de questionner nos besoins sous différents angles combinés (psychologique, sociologique, sanitaire, économique, culturel, historique, géographique, etc.).</p>
<p>Pour tenter de l’objectiver, une telle approche pourra conduire à passer du modèle de la totémisation du PIB, du réductionnisme à l’invididu-consommateur et du solutionnisme technologique à celui d’un « pouvoir de bien vivre et de faire-ensemble » caractérisé par des indicateurs quantitatifs et qualitatifs au regard des insécurités climatique, énergétique, alimentaire, écologique, sanitaire, technologique, économique, sociale, identitaire, culturelle et physique subies sous les effets conjugués de la globalisation et du dépassement des limites.</p>
<p>Niveau d’inégalités sociales, accès à l’emploi, espérance de vie en bonne santé, qualité de l’énergie, de l’alimentation, de l’eau, de l’air, des sols, de l’instruction, des soins, de l’information, accès à la mobilité, à la culture et à la nature, capacités de résilience aux chocs, indicateurs de santé (obésité, alcoolisme, tabagisme, etc.), niveaux de violence, progression des séparatismes et obscurantismes, etc : autant de variables à analyser dans leurs interactions pour créer les conditions d’une cohésion sociale solide indispensable à une nation plus sobre et résiliente et donc plus low-tech.</p>
<p>Comme toute démarche de sobriété, elle doit s’inscrire dans une gestion planifiée et équitable des limites planétaires par l’État, en privilégiant par exemple les outils de régulation structurelle par les quantités (réglementations, quotas démocratiquement définis) en parallèle d’investissements dans les alternatives. Car la régulation conjoncturelle par les prix (aides, fiscalités), en plus de creuser la dette publique, pénalise surtout les plus modestes d’entre nous ou ne les libère pas de leurs dépendances aux ressources finies, quand les plus aisés ont des marges de réduction de consommation importantes et les moyens de contourner ou de supporter la fiscalité.</p>
<h2>Une approche systémique intrinsèque</h2>
<p>Des ambitions qui ouvrent un <a href="https://librairie.ademe.fr/institutionnel/5345-strategie-recherche-developpement-2021-2027-de-l-ademe-9791029718823.html">large champ transdisciplinaire d’explorations et d’expérimentations scientifiques</a> impliquant une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=00634qQdTG0">démarche systémique</a> qui tient compte des différentes variables endogènes et exogènes, de leurs interactions complexes et des objectifs ou fonctions du système considéré.</p>
<p>Prenons l’exemple du système de mobilité. La démarche low-tech embarque alors une analyse globale en amont qui permet de déboucher sur un projet de transformation du système diminuant son intensité et sa complexité technologique, anticipant les effets rebonds et désaliénant l’humain.</p>
<p>On constate en effet aujourd’hui que les consommations d’énergie et émissions des voitures ne baissent pas malgré des moteurs plus efficaces et moins polluants. Et ce du fait non seulement de l’augmentation de la taille du parc mondial de véhicules mais aussi du poids unitaire croissant des véhicules, lié à l’ajout d’équipements de confort et de sécurité, eux-mêmes induits par une demande sociale façonnée par le marketing et le mimétisme social (publicités, influenceurs, etc.), et permise par les vitesses élevées de circulation du code de la route.</p>
<p>Ainsi, dans un système de mobilité dominé, dans ses multiples variables (équipements, véhicules, infrastructures, règles de circulation, services, aménagements, imaginaire collectif…), par la voiture individuelle, l’usage de véhicules considérés plus low-tech, comme le vélo et ses déclinaisons, ne pourra pas se déployer rapidement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1HqMdKsDVw8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Colloque ADEME mobilité low-tech du 29 septembre 2020 (France Innovation, 29 septembre 2020).</span></figcaption>
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<h2>Un passage à l’échelle à enclencher</h2>
<p>Par ailleurs, la question du déploiement à plus grande échelle de systèmes low-tech implique de penser des modèles socio-économiques et organisationnels qui faciliteront le passage à l’échelle, en particulier par le levier des communs, c’est-à-dire de ressources naturelles, techniques mais aussi socioculturelles et politiques définies et gérées par une assemblée de citoyens ou de leurs représentants selon des règles démocratiquement établies.</p>
<p>L’Ademe a par exemple lancé une initiative nationale baptisée <a href="https://xd.ademe.fr/">l’eXtrême Défi</a>, qui vise à faire émerger des écosystèmes de conception et de production de véhicules low-tech, intermédiaires entre le vélo et la voiture. Une gamme de véhicules standardisés, très légers, peu consommateurs, facilement réparables et dotés de moins de pièces détachées, qui entend devenir une alternative crédible à la voiture, notamment dans les territoires peu denses.</p>
<p>Ce défi a vocation à créer des écosystèmes territoriaux, avec des acteurs locaux et des processus de fabrication standardisés et ouverts, selon la logique de commun évoquée plus haut, afin de lever le frein de la propriété intellectuelle et d’accélérer le déploiement des savoirs et savoir-faire, dans une perspective collaborative. L’ambition de l’eXtrême Défi étant que ces écosystèmes soient opérationnels d’ici trois ans, avec une production de 30 à 40 véhicules par an, selon une cadence d’« artisanat de série ».</p>
<h2>Stratégie de relocalisation en Europe</h2>
<p>Enfin, cette dimension territoriale de la démarche low-tech a aussi l’ambition de réorganiser les flux physiques (biens et personnes) dans le temps et dans l’espace. Elle s’inscrit donc dans les stratégies nationales de relocalisation des activités productives et d’aménagement du territoire, avec la volonté de rééquilibrer les dynamiques entre les métropoles, très peu soutenables et résilientes aux chocs à venir par leurs tailles et leurs densités d’activités, et la ruralité, en déprise démographique, souvent sinistrée socioéconomiquement.</p>
<p>Elle peut apporter une puissante contribution dans cette stratégie de rééquilibrage territorial, en privilégiant <a href="https://www.post-urbain.org/">notamment les villes petites et moyennes et les villages</a> reliés par un maillage fin de systèmes de mobilités des personnes et des biens (vélo, véhicule intermédiaire, bus, car, covoiturage, train, bateau), et en développant des économies prospères, plus intensives en emplois manuels, serviciels et intellectuels hautement qualifiés et dignement valorisés (et parfois combinés en plusieurs métiers) qu’en technologies et machines, largement fondées sur une agriculture écologique et paysanne, et plus généralement sur la préservation des écosystèmes et le soin du vivant.</p>
<p>De fait, elle a vocation à être créatrice de sens, afin de réenchanter la valeur du travail comme voie d’émancipation et d’autonomie tant individuelles que collectives, à l’instar des combats des mouvements ouvriers européens concomitants aux révolutions industrielles des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185184/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut Faucon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La low-tech dépasse la seule question de l’intensité et de la complexité technologique. Elle doit aussi s’inscrire dans un discernement à l’échelle de la société vis-à-vis de nos besoins.Thibaut Faucon, Coordinateur scientifique et technique, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.