tag:theconversation.com,2011:/global/topics/regions-30878/articlesrégions – The Conversation2024-02-25T16:27:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2233872024-02-25T16:27:23Z2024-02-25T16:27:23ZComment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577081/original/file-20240221-20-u0u13t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C102%2C1537%2C960&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne. </span> </figcaption></figure><p>Les manifestations récentes par lesquelles le monde agricole français a fait entendre ses protestations et ses revendications ont, une fois de plus, fait apparaître des différences profondes, voire des fractures, <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">entre le monde rural et le monde urbain</a> et plus encore entre des images valorisantes de l’urbanité et <a href="https://www.cairn.info/manuel-indocile-de-sciences-sociales--9782348045691-page-864.htm">dévalorisantes de la ruralité</a>.</p>
<p>La France moderne a été construite depuis <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">Paris</a>, <a href="https://www.cairn.info/sociologie-historique-du-politique--9782707196477-page-19.htm">lieu de la puissance politique</a>, en développant un sentiment de supériorité de la capitale sur « la province » (le singulier est significatif) et des villes (supposées modernes) sur les campagnes (supposées arriérées). Au lieu d’être fédérale, vu sa diversité, « la France est un pays dont l’unité a été construite à coups de cravache […] par l’autorité de l’État central », <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/lantisemitisme-de-laffaire-dreyfus-a-miss-france-en-passant-par-laffaire-epstein">selon Jean Viard</a>.</p>
<p>Les normes sociales valorisées ont donc été celles, urbaines, de la <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">ville-capitale</a> érigée en phare de l’État hypercentralisé. On le voit, par exemple, dans le fait qu’en français le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?13;s=802211895;r=1;nat=;sol=2;">urbain</a> a le double sens « de la ville » et « poli, courtois » et que le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?71;s=802211895;r=2;nat=;sol=0;">paysan</a> a le double sens de « rural, agricole » et « rustre, grossier ». Ce mode de relation est clairement confirmé par une analyse sociolinguistique plus large, comme on va le voir ci-après. En effet, la sociolinguistique a pour but d’étudier principalement deux choses : les effets de l’organisation d’une société sur les langues qu’on y parle et ce que la place faite aux langues révèle de l’organisation de cette société.</p>
<h2>Paris, ses bourgeois et leur langue érigés en modèle</h2>
<p>C’est en effet la langue de la capitale qui a été imposée notamment <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm">à partir de la Révolution française</a> à l’ensemble des populations progressivement rattachées à la France. Elle est considérée comme la <a href="https://theconversation.com/le-conseil-constitutionnel-a-deja-pris-des-decisions-plus-politiques-que-juridiques-lexemple-des-langues-dites-regionales-203771">langue « normale » en France</a>. Et c’est le français des classes supérieures parisiennes qui a été prescrit comme modèle d’expression. Ainsi le <a href="https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2018/01/Claude-Favre-de-Vaugelas.pdf">grammairien Vaugelas définissait-il ce « bon français » en 1647</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La façon de parler de la plus saine partie de la Cour […] Quand je dis la cour, j’y comprends les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside. »</p>
</blockquote>
<p>La prétendue supériorité universelle du français, par opposition à toutes les autres langues et d’autant plus aux « patois régionaux », affirmée dès 1784 par le pamphlétaire <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81622t.image">Rivarol</a>, est régulièrement reprise dans les discours étatiques <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/10/30/inauguration-de-la-cite-internationale-de-la-langue-francaise-a-villers-cotterets">jusqu’à aujourd’hui</a>, par exemple par le président de la République lui-même lorsqu’il inaugure une <a href="https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/141020/cite-de-la-langue-francaise-villers-cotterets-le-contresens-d-un-mythe-national">cité qui cultive les mythes</a> sur la langue française.</p>
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<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, la construction de la nation française passe par cette vision de la langue française, que l’école de la III<sup>e</sup> République (1870-1940) est chargée de mettre en œuvre de façon particulièrement offensive.</p>
<p>En 1951, le phonéticien Pierre Fouché poursuit cette vision suprémaciste de la langue de Paris et de ses classes dominantes en établissant pour l’enseignement une <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2015-1-page-7.htm">norme de prononciation du français</a> sur le modèle d’une « conversation soignée chez des Parisiens cultivés ».</p>
<h2>Les « patois pauvres et corrompus » des campagnes « provinciales »</h2>
<p>Quant aux autres <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/langues_de_France.htm">langues de France</a>, comme on les appelle depuis 1999, elles ont, à l’inverse, été disqualifiées par le nom de « patois » au départ méprisant, par l’association au seul monde rural et à une arriération prétendue. L’origine du mot « patois » est discutée, mais il est très probable qu’il vienne du verbe « patoiller » qui veut dire soit « marcher dans la boue, barboter, patauger », soit « gesticuler, parler en faisant des signes avec les mains ». Dans les deux cas, c’est un terme péjoratif à l’origine.</p>
<p>Or, tout ceci est doublement faux : ces langues étaient aussi celles des villes (à Marseille par exemple le provençal était la langue générale jusque dans les années 1920) et d’intellectuels (Frédéric Mistral, licencié en droit, a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre toute en provençal).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Frédéric Mistral.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais les préjugés sont fondés sur un aveuglement pour ne voir que ce que l’on veut voir. Ainsi, on lit dans <a href="http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/page/v12-p184/">l’Encyclopédie</a> (1765) :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale. »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3413126b">Dictionnaire de Furetière</a> (1690) précisait :</p>
<blockquote>
<p>« Langage corrompu et grossier tel que celui du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne savent pas encore bien prononcer. »</p>
</blockquote>
<p>À la création de la 1<sup>ere</sup> République française, ses responsables considéraient ainsi que dans les provinces on parlait « ces jargons barbares et ces idiomes grossiers » à « éradiquer » (<a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/barere-rapport.htm">Rapport Barrère</a>, publié en 1794). Pourquoi ? Parce que « nous n’avons plus de provinces et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms » dont « deux idiomes très dégénérés » et parce que « l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits » à cause de cette « inévitable pauvreté de langage, qui resserre l’esprit » disait le <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/gregoire-rapport.htm">Rapport Grégoire</a> (publié en 1794). Il ajoutait « les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre », ne mesurant pas le racisme linguistique de son propos. </p>
<p>Le mépris des provinciaux, des ruraux et de leurs langues, alimentés par ces préjugés conjugués, a été sans borne. Il a culminé au XIX<sup>e</sup> siècle sous la forme d’un véritable racisme, dont celui contre les <a href="https://hal.science/hal-00879629/document">Bretons</a> ou les <a href="https://www.codhis-sdgd.ch/wp-content/uploads/2020/11/Didactica-6_2020_Piot.pdf">Méridionaux</a>, bien attesté.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le rapport de l’Abbé Grégoire.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’époque <a href="http://www.sociolinguistique.fr/">l’étude scientifique des langues</a> n’existait pas encore. La sociolinguistique, qui se développe à partir des années 1950-1970, a montré par la suite que toutes les langues sont égales (y compris celles dites « patois ») : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.</p>
<p>Hélas, comme on l’observe trop souvent et encore plus à l’époque des « fake news », les connaissances scientifiques ont du mal à remplacer les croyances répandues dans l’opinion publique. C’est d’autant plus le cas quand il s’agit de langues en France, pays où a été instaurée une véritable <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/11/25/le-francais-religion-d-etat-par-bernard-cerquiglini_343309_1819218.html">religion nationale de la langue française</a> accompagnée d’une sorte d’excommunication des autres langues.</p>
<p>En conséquence, cette conception est encore présente de nos jours. Le <a href="http://atilf.atilf.fr/">Trésor de la Langue française</a> (CNRS) la décrit ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable […]. Langage obscur et inintelligible. Synonymes : baragouin, charabia, jargon. »</p>
</blockquote>
<h2>Le « plouc » et son parler aussi méprisés l’un que l’autre</h2>
<p>Aujourd’hui encore, le stéréotype du « plouc » est fortement voire principalement constitué de caractéristiques linguistiques (“phrase, accent, prononciation, langue”), comme le montre <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2018-1-page-55.htm?contenu=article">l’étude de Corentin Roquebert</a>, qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« On peut relever l’association forte entre des catégories et des objets plus ou moins valorisés socialement, ce qui favorise l’expression d’un jugement social positif ou négatif sur une population : le beauf comme personnage raciste et sexiste, le hipster branché et cool qui n’aime pas le mainstream, la prononciation et l’accent du plouc. »</p>
</blockquote>
<p>Les préjugés <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-glottophobie-219038">glottophobes</a> contre des « patois » supposés employés (uniquement) par des « paysans » <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/10/les-deux-bouts-de-la-langue-par-michel-onfray_1386278_3232.html">sont toujours là</a>. Et même quand les « paysans » et autres « provinciaux » ont finalement adopté le français, bon gré mal gré, on continue à stigmatiser les <a href="https://francaisdenosregions.com">traces de leurs “patois” dans leurs façons de parler français</a> : mots locaux, expressions, tournures, et <a href="https://www.lexpress.fr/societe/discrimination-a-l-embauche-moqueries-cette-france-allergique-aux-accents-regionaux_2126439.html">surtout accent</a>…</p>
<p>Le pseudo raisonnement, fondé sur des préjugés, est circulaire : les « patois » ne sont pas de vraies langues puisqu’ils sont parlés par des « paysans »/les « paysans » sont des rustres puisqu’ils parlent « patois ». Les deux stéréotypes négatifs projetés simultanément sur les « paysans » et sur les « patois » (ou les « accents » qu’il en reste), associés les uns aux autres, se renforcent réciproquement et produisent un mépris de classe renforcé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Blanchet est membre de la Ligue des Droits de l'Homme.</span></em></p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?Philippe Blanchet, Chair professor, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171142023-11-28T17:12:08Z2023-11-28T17:12:08ZLa France « moche » ne l’est pas pour tout le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562182/original/file-20231128-17-a9hl16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C39%2C3200%2C2404&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La galerie marchande du centre commercial de Noyelle-Godault.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au premier jour d’une <a href="https://ittecop.fr/fr/tous-les-projets/recherches-2012/item/34-plateformes">recherche sociologique</a> menée pour le ministère de l’Écologie, programme ITTECOP (Infrastructure de transport, territoires, écosystèmes et paysages), entre 2012 et 2017 sur la zone commerciale de Noyelle-Godault tout près d’Hénin-Beaumont, je prends la sortie 26 de l’autoroute à A1 en direction de Lille. <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">La France des zones commerciales soi-disant « moches »</a> est là, devant moi.</p>
<p>Autant le dire tout de suite, ces formes urbaines <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/faut-il-embellir-la-france-moche-2696299">souvent décriées</a> sont non seulement appréciées par la majorité de ceux qui les fréquentent, mais elles sont même plébiscitées, surtout par les familles, par les jeunes aussi. Elles sont support de leur quotidien, de leurs loisirs et de leurs pratiques culturelles. Elles font repère pour leur identité.</p>
<p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Dans bon nombre de villes moyennes, ils ont remplacé les centres anciens moribonds aux commerces abandonnés. Même si on note une baisse de leur fréquentation, ils représentent encore plus de 60 % de l’approvisionnement alimentaire. Surtout, ils structurent un mode de vie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-la-france-moche-peut-on-changer-notre-perception-des-zones-commerciales-214334">En finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?</a>
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<p>Cette France contemporaine s’étale donc devant moi plus qu’elle ne se dresse puisque les bâtiments ne dépassent pas la hauteur d’un immeuble de trois étages. Autour des mastodontes de la consommation (Auchan, Ikea, Décathlon) s’alignent des dizaines d’enseignes plus petites, mais tout aussi tape-à-l’œil.</p>
<p>Des lieux de loisirs sont là également : restaurants, hôtels, cinémas, espaces de paintball et même un circuit de karting. Une architecture commerciale qui se présente comme une accumulation de cubes métalliques et de rectilinéaires colorés. Une architecture dictée dans un langage mathématique, celui des mètres carrés commerciaux, tout en perpendiculaires : la carte devenue territoire pour paraphraser Houellebecq. Au milieu de ces hangars maquillés, « des milliers d’automobiles en stationnement étincèlent sur un vaste étang de goudron », <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/abattoir-5-de-kurt-vonnegut-cinquantieme-anniversaire-2468283">pour reprendre les mots de Kurt Vonnegut</a>.</p>
<h2>La vie en habitacle ou l’appauvrissement des sens</h2>
<p>Durant les 5 années de cette enquête menée au laboratoire Habiter le Monde, nous avons pu appréhender les caractéristiques de ce mode de vie et des valeurs périurbaines, notamment ici, esthétiques, qui le structurent.</p>
<p>Ces zones commerciales sont nées au XX<sup>e</sup> siècle du mouvement de spécialisation des espaces de la ville, le « zonage » disent les urbanistes. Alors que la ville industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.mediatheques.strasbourg.eu/Conservatoire/doc/IGUANA_2/126867/la-ville-phenomene-economique-jean-remy">concentre sur un même espace</a> l’habitat, l’approvisionnement, le travail, la pensée fonctionnaliste en urbanisme fait éclater ces fonctions, les sépare et les localise <a href="https://www.cairn.info/les-methodes-de-l-urbanisme--9782130813446-page-7.htm">chacune dans des zones distantes</a>. La voiture individuelle fera le lien entre ces espaces séparés désormais par des distances que l’on ne peut plus faire à pied.</p>
<p>Autour d’Hénin-Beaumont, <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1360/gallery/">dans l’ancien Bassin-Minier</a>, la vie est donc une vie automobile, indispensable pour aller faire ses courses, chercher ses enfants à l’école, promener son chien dans le parc aménagé d’un ancien terril, assister à un concert au 9/9bis, se rendre au cinéma dans la zone commerciale.</p>
<p>La vie périurbaine est une vie en habitacle à air conditionné, coupée des éléments climatiques. <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1998_num_78_1_2164">Christophe Gibout</a> note d’ailleurs que la voiture acquiert également dans ce contexte, « le caractère d’un référent symbolique de la modernité urbaine et de l’achèvement d’une liberté individuelle de circulation ». Une vie en habitacle à propos de laquelle Richard Sennett problématise <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’appauvrissement des sens</a>. Dans ces espaces dispersés parcourus en automobile, l’expérience du corps s’affaiblirait, réduisant les sensations du mouvement, du toucher. Lorsqu’on passe de l’air conditionné de la voiture à celui de la galerie marchande, le contact est furtif avec l’environnement « réel ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Esthétique hollywoodienne</h2>
<p>Comme on me le déclarait de nombreuses fois en substance, on aime venir au centre commercial pour accéder à une modernité clinquante, féérique, multicolore et proprement aseptisée. Un décor entièrement factice, une anthropisation maximale de l’espace, rehaussé de lumière. Des millions de leds resplendissent sur fond de tôle ondulée. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette modernité occidentale, se construit sur un référent diffusé dans les séries et les cinémas produites principalement « outre-Atlantique ».</p>
<p>Au-delà des magasins en effet, la zone dans son ensemble a de faux airs américains, et se présente comme un décor de cinéma : « diners » et fast-foods, restaurants à la mise en scène spectaculaire constitués de véritables wagons suspendus à trois mètres du sol, « shopping promenade », comme autant d’échos réels aux flux culturels diffusés dans les productions audiovisuelles américaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’imaginaire américain est omniprésent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Alors ; aller au centre commercial c’est vivre la fiction, vivre dans le décor hollywoodien devenu réalité locale, selon une continuité médiatico-spatiale pourrait-on dire. L’espace est facile d’accès, on y entre gratuitement ; pour autant, les loisirs y sont payants et formatés.</p>
<p>Autour des espaces de la grande distribution, l’attractivité joue des représentations d’une modernité consumériste séduisante où les grandes enseignes de l’agroalimentaire vantent souvent leur caractère « authentique », « traditionnel », « naturel », comme un pied de nez au centre-ville patrimonialisé, perçu par les personnes que j’interviewe, selon leurs termes, comme « désuet » et « mort », duquel les habitants se détournent.</p>
<h2>Animation constante</h2>
<p>Le centre commercial au contraire est une zone urbaine où il se passe toujours quelque chose. L’événement caractéristique des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-4-page-17.htm*">mondes urbains</a> se joue désormais pour beaucoup sur les parkings du centre commercial, dans les galeries marchandes, au rythme des animations des fêtes devenues commerciales qui animent le décor : Noël, Halloween en tête, Pâques, le Carnaval dans le Nord, la Saint-Valentin, etc.</p>
<p>Chaque fois des décors différents, des animations différentes. Des événements superficiels ? Peut-être, mais les enfants comme les parents que je rencontre, apprécient ces décors toujours féériques, l’ambiance tranquille. Ici, tout semble sécurisé, dans la galerie marchande, « on peut laisser courir les enfants » me dit-on. Chaque chose est à sa place, ça sent même « le propre », le néo-hygiénisme règne. Les relations sociales sont apaisées, une armée de vigiles et de caméras sont là pour y veiller. Dans un monde social souvent perçu à travers le prisme médiatique de l’insécurité, le centre commercial représente <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’espace pacifié des rapports sociaux</a> dans un cadre structuré par la consommation de masse et l’imaginaire de l’abondance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Du politique et de la consommation</h2>
<p>Il reste une différence notable entre ces centralités commerciales et le centre-ville : c’est l’absence du « politique » et de ses symboles. La galerie marchande n’est pas l’espace de la dispute démocratique et la mairie est restée dans le centre ancien. Les terrasses des cafés standardisés, protégées des intempéries dans la galerie marchande, ont <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm">peu à voir avec l’espace de mise en publicité cher à Habermas</a>, espace de la dispute démocratique. L’être urbain y est surtout identifié en consommateur.</p>
<p>Dès lors, l’appartenance urbaine et les enjeux démocratiques semblent lointains, comme restés dans le centre-ville. Le politique mis à l’écart, le commun, la « communauté locale », se joueraient-ils exclusivement dans l’accès à la consommation ? Quoi qu’il en soit, l’espace commercial, le plus souvent, n’est pas perçu comme « moche » par celles et ceux qui l’occupent, le fréquentent, et ce faisant, le consomment et le produisent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXIᵉ siècle.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171392023-11-09T16:41:26Z2023-11-09T16:41:26ZPeut-on avoir un accent en politique sans être moqué ?<p>Le 20 octobre 2023, <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/deputes/PA795184">Tematai Le Gayic</a>, député Nupes de Polynésie française, prend la parole dans le cadre de la motion de censure déposée après un 49.3 entérinant l’adoption du projet de loi de finances 2024. Rapidement, dans les médias comme sur les réseaux sociaux, la juxtaposition de sa variante de prononciation (son « accent ») et des rires hilares des membres du gouvernement ont fait penser à de la <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2021-HS1-page-155.htm">glottophobie</a> – une discrimination sur l’accent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1715479332649377841"}"></div></p>
<p>Les faits permettent-ils d’affirmer qu’il y a ici un acte manifeste de discrimination sur l’accent ? Plus généralement, peut-on avoir un accent en politique et être crédible ?</p>
<h2>Une histoire des accents en politique</h2>
<p>Avoir un « accent » – ou plutôt ne pas avoir l’accent « parisien » « standard » – en politique est un prétexte récurrent qui amène discussions et moqueries. Et, les exemples sont nombreux. On soulignera, en particulier, que c’est toute la sphère politique qui est touchée. Jean-Michel Apathie dans <a href="http://www.michel-lafon.fr/livre/2422-J_AI_UN_ACCENT_ET_ALORS.html">son livre</a> et dans des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5KrLT5w47_M">nombreuses interviews</a> explique en quoi l’« accent du sud » a été un problème dans sa légitimité de journaliste politique. L’accent de Jean Castex, alors premier ministre, a aussi fait <a href="https://www.tf1info.fr/politique/video-jean-castex-permier-ministre-la-politique-a-t-elle-un-probleme-avec-les-accents-2158441.html">l’objet d’une analyse</a>.</p>
<p>À l’inverse, certains politiques sont eux-mêmes amenés à dénigrer l’accent des journalistes, comme a pu l’imiter <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fpoaodwmkJc">Jean-Luc Mélenchon face à Véronique Gaurel</a>, une journaliste de France 3 originaire de Toulouse :</p>
<blockquote>
<p>« Vous dites n’importe quoi. Est-ce que quelqu’un peut me poser une question en français et à peu près compréhensible ? Parce que votre niveau me dépasse ».</p>
</blockquote>
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<p>L’accent (ou son locuteur) peut être assigné comme « régional » ou « étranger ». Lors des élections présidentielles de 2012, Eva Joly a fait les frais de ce climat en commençant par la <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/patrick-besson/eva-joly-presidente-de-la-republique-01-12-2011-1402786_71.php">chronique de Patrick Besson</a> intitulée « Zalut la Vranze ! » Elle laissera des traces indélébiles sur sa campagne malgré son clip humoristique et autodérisoire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/idk0jZhQTxY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Eva Joly (EELV) en campagne en 2012 « La France résonne de tous les accents du monde ».</span></figcaption>
</figure>
<p>Elle sera régulièrement amenée à répondre de son accent comme handicap, par exemple face à Laurent Ruquier dans « On n’est pas couché » <a href="https://doi-org.bases-doc.univ-lorraine.fr/10.4000/glottopol.3906">qui a fait l’objet d’une étude en sociophonétique</a>. Sa ligne de défense sera toujours de rappeler sa légitimité de part sa double nationalité et son métier de magistrate. De plus, son cas montre de quelle manière ces représentations évoluent. En 2010, son accent appelait au <a href="https://www.lesechos.fr/2010/10/eva-joly-femme-d-affaires-443328">« charme de sa voix douce à l’accent voilé »</a> dans <em>Les Echos</em>. Puis, <a href="https://www.leparisien.fr/archives/l-accent-d-eva-joly-18-11-2011-1726108.php">Boula de Mareüil, spécialiste des accents</a>, souligne deux autres représentations : une origine « scandinave » pour son engagement écologiste et une origine « allemande » pour sa supposée froideur.</p>
<h2>Un éventail de variantes de prononciation</h2>
<p>Il s’agit de reconnaitre que tout locuteur peut disposer d’un éventail de variantes de prononciation qu’il mobilise en fonction de ses interlocuteurs, des situations – une <a href="https://theconversation.com/et-si-on-eliminait-les-accents-de-nos-facons-de-penser-199849">pluriphonie</a> ; les individus n’ont donc pas un « accent » mais plusieurs.</p>
<p>Marie-Arlette Carlotti, ministre et députée, est un cas d’école en sciences du langage sur cette question. En 2013, elle avait été « épinglée » pour avoir produit deux « accents » différents, passant d’un « accent parisien » pour une interview sur LCI dans ses fonctions de ministre à un « accent du sud » sur Canal+, pour vanter les mérites de Marseille, où elle briguait un mandat. Médéric Gasquet-Cyrus, professeur en sciences du langage à l’Université d’Aix-Marseille, avait pu revenir dans <a href="https://www.slate.fr/story/109511/discrimination-accent">Slate sur ce phénomène</a> considéré comme normal. Plus ponctuellement, Emmanuel Macron en déplacement à Marseille fait entendre un « accent marseillais » lorsqu’il s’adresse au « ministre de l’intérieur » dont on ne peut évacuer l’hypothèse d’une forme de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-21534-016">convergence communicative</a>- phénomène qui nous fait parfois <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-63534136">produire en miroir l’accent</a> de nos interlocuteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673258403861262338"}"></div></p>
<h2>Le contexte au service de l’analyse en linguistique appliquée</h2>
<p>Dans le cas du député de Polynésie française (Nupes), les raisons des ricanements traduisent aussi le contexte politique.</p>
<p>Tematai Le Gayic est reconnu pour être le plus jeune élu de l’Assemblée nationale, membre de l’opposition. Son intervention le 20 octobre 2023 est <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/deputes/PA795184/seance-publique">sa 29ᵉ intervention en séance publique</a>. <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023-2024/deuxieme-seance-du-vendredi-20-octobre-2023#3260900">La séance est ouverte à 21h30</a>. Les débuts sont houleux car la première ministre est en retard. Tematai Le Gayic prend la parole en 8<sup>e</sup> sur la liste des responsables de groupe qui se succèdent. Une colère plus ou moins froide gronde dans l’hémicycle – type de colère constitutif de ces échanges politiques comme a pu l’analyser, dans sa thèse, <a href="https://www.theses.fr/2019USPCA013/document">Charlotte Kouklia</a>.</p>
<p>Dans cette ambiance, les rires réguliers des membres du gouvernement sont soulignés comme une forme de mépris par les différents intervenants tout au long de la séance : M. Bouloux « cela vous fait sourire » ou encore E. Taché de la Pagerie « Mais, ça fait rire la Première ministre ! » ou « Visiblement, ce qui se passe à l’Assemblée est très drôle ! (L’orateur s’agace de rires récurrents sur les bancs du Gouvernement.) ». Tematai Le Gayic intervient, en premier lieu, pour rendre hommage au dernier combattant du bataillon pacifique disparu la veille. L’ambiance semble respectueuse comme le transcrit le compte-rendu de séance :</p>
<blockquote>
<p>« (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-Nupes, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo-Nupes, GDR-Nupes, LIOT et quelques bancs du groupe RN.) »</p>
</blockquote>
<p>Revenant au sujet du 49.3, le député – <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/qui-est-tematai-le-gayic-independantiste-polynesien-et-plus-jeune-depute-de-france-1296220.html">dont les talents d’orateur sont reconnus</a>- propose un style en rupture à ces prédécesseurs : traits d’humour, élocution respirée, renvoi à ces collègues de l’hémicycle, non-utilisation de ses notes au bout de quelques minutes. Si l’enregistrement de la séance ne permet pas de voir les membres du gouvernement sur toute l’intervention, les rires sont visibles au moment où il renvoie la responsabilité de l’échec de la motion aux groupes qui ont peur d’une dissolution.</p>
<blockquote>
<p>« … ceux qui peuvent faire basculer la situation ne veulent pas retourner aux urnes, car ils ont peur de ne pas être réélus, d’être confrontés au peuple – c’est le vrai problème. »</p>
</blockquote>
<p>On entend à la fin les remerciements amusés de Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale. Ainsi, peu de faits disponibles (retranscription, captation) permettent d’étayer directement l’hypothèse d’une glottophobie manifeste. En effet, les membres du gouvernement donnent à voir des rire liés, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/le-depute-polynesien-tematai-le-gayic-face-a-des-rires-de-ministres-a-l-assemblee-la-macronie-se-defend-de-toute-moquerie_224754.html">selon eux</a>, au fait que le député souligne la responsabilité des autres groupes parlementaires.</p>
<h2>Du cas particulier à une transition indispensable dans le discours politique</h2>
<p>Cependant, il ne s’agit pas de penser cet épisode comme un cas particulier et unique mais au sein d’un système de situations, de commentaires ou de « remarques insidieuses » comme Elatiana Razafimandimbimanana et Fabrice Wacalie l’étudient dans le cadre des <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2019-1-page-156.htm">micro-agressions linguistiques</a>. Ces chercheurs rappellent que :</p>
<blockquote>
<p>« En apparence ordinaires, voire bien intentionnées, ces petites réflexions, une fois intériorisées, finissent par provoquer des inhibitions linguistiques et nourrissent en parallèle le sentiment de ne plus être un locuteur légitime. »</p>
</blockquote>
<p>Sur le cas de Jean Castex, les <a href="https://journals-openedition-org.bases-doc.univ-lorraine.fr/glottopol/3972">chercheurs Philippe Chassé et Alizée Pillod</a> soulignent que <a href="https://theconversation.com/et-si-on-eliminait-les-accents-de-nos-facons-de-penser-199849">son accent a largement été mentionné</a> (202 articles parus entre le 3 et le 31 juillet 2020) et qu’il est rarement présenté de manière neutre (surtout négative). Par ailleurs, les médias utilisent souvent cette dimension « atypique » pour créer un récit qui n’appartient plus à l’individu lui-même (accent = proche des enjeux « en région » voire « ruraux »).</p>
<p>Pour Tematai Le Gayic, son âge (<a href="https://www.ouest-france.fr/elections/legislatives/portrait-qui-est-tematai-le-gayic-21-ans-elu-plus-jeune-depute-de-l-histoire-en-polynesie-0a5b338a-f058-11ec-a1f9-96fad4cda185">largement repris dans les médias</a>) tout autant que son accent ont très certainement participé à subir une verticalité discursive. Les rires ont notamment masqué le contenu de son propos portant sur un exemple polynésien de la gestion de l’instabilité politique mais aussi des conséquences d’un 49.3 (essais nucléaires) dans la conscience polynésienne.</p>
<p>Vijay Ramjattan rappelle que les discriminations sur l’accent convoquent d’autres discriminations raciales ancrées <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/annual-review-of-applied-linguistics/article/accenting-racism-in-labour-migration/53463BF1612840A58FDD6A1354BBF093">dans la colonialité et le capitalisme</a> – des formes de domination.</p>
<h2>Une diffusion des clichés au cœur du monocentrisme français</h2>
<p>Dans son discours à l’occasion de l’inauguration de la cité internationale de la langue française, le président Emmanuel Macron, loin de déconstruire ces rapports, reprend ces récits, enfonce les clichés :</p>
<blockquote>
<p>« À travers les voyelles ouvertes des Parisiens, les infections chantantes des outre-mer, les A du Nord qui s’arrondissent en O, les R rocailleux de l’est, les E muets du Sud qui se font sonores et solaires. »</p>
</blockquote>
<p>Si les politiques continuent à rendre visible une hiérarchisation des variantes de prononciation et de stéréotypes folklorisants, des chercheurs reconnaissent de leur côté qu’il existe un <a href="http://glottopol.univ-rouen.fr/numero_31.html">« un prestige latent, mais aussi un prestige manifeste des variétés régionales »</a> comme celles étudiées dans les cas du Québec, des Antilles et du sud de la France.</p>
<p>Peut-être est-il temps de reconnaitre la diversité en dehors d’une monophonie et d’un monocentrisme comme le précise <a href="https://theconversation.com/et-si-on-eliminait-les-accents-de-nos-facons-de-penser-199849">l’historien Philippe Martel</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ce musée installé dans un château exprime à sa façon l’idée que c’est le lien avec le pouvoir, et non avec un peuple, qui est privilégié ».</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/217139/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Miras ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on avoir un accent en politique et être crédible ?Grégory Miras, Professeur des Universités en didactique des langues, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143342023-09-26T19:10:53Z2023-09-26T19:10:53ZEn finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550201/original/file-20230926-25-1l1pk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5176%2C3872&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Héritage des trente glorieuses, les zones commerciales en périphérie des villes souffrent d'une mauvaise image. </span> <span class="attribution"><span class="source">Elodie Bitsindou</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 11 septembre 2023, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, ont annoncé un <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/07/2dc90efc2c1a0e97572bf027240fac63e4dc9d75.pdf">programme national de transformation des zones commerciales</a>.</p>
<p>Souvent situées en entrée de ville, ces zones demeurent des pôles de consommation majeurs. 72 % des dépenses des Français sont effectuées dans ces zones, a annoncé Bercy, un chiffre, semble-t-il, tiré d’une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283665">étude de l’Insee publiée en 2014</a>.</p>
<p>Face à la crise écologique, l’arrêt de la construction de nouvelles zones et l’adaptation de l’existant (<a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/lancement-du-programme-de-transformation-des-zones-commerciales">1 500 zones commerciales couvrant cinq fois la taille de Paris</a> sont nécessaires. Mais si ces zones sont associées à un mode de vie jugé obsolète par les professionnels de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, celui du règne de l’automobile et de la surconsommation, elles sont un héritage des Trente Glorieuses et abritent à ce titre une mémoire collective.</p>
<p>Un questionnement sur l’identité de ces lieux permettrait d’avancer sur certaines des difficultés auxquelles les projets devront faire face : création de valeur hors du secteur commercial, et nécessité de faire évoluer l’image de ces zones pour convaincre de se loger sur ce foncier hautement rentable, mais souffrant d’un mépris culturel.</p>
<h2>« La France moche » : un point de vue subjectif</h2>
<p>Depuis l’annonce du gouvernement, l’expression « France moche » a <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/a-quoi-bon-embellir-la-france-moche-20230920_RUJYQZAV6JANXNY7ZPXOIFXNWA/">refait son apparition dans le débat public</a>. Vue pour la première fois <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">dans les pages de Télérama en 2010</a>, la formule pointe les formes de l’étalement urbain : infrastructures routières, zones commerciales, lotissements.</p>
<p>Ses détracteurs y perçoivent laideur, banalité, ennui et mal-être. Leurs habitants sont perçus comme des exilés. Or, un tiers de la population réside aujourd’hui dans ces territoires, selon une mosaïque socio-économique et des mobilités résidentielles diverses. En outre, la <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/la-ville-franchisee-9782903539757/">« ville franchisée » décrite par le sociologue David Mangin</a> en 2003 est une réalité qui concerne aujourd’hui aussi bien les périphéries que les villes historiques. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-economiques/histoires-economiques-du-lundi-24-janvier-2022-8956659">L’abondance de la publicité</a> sous toutes ses formes dans les quartiers centraux de la capitale en constitue un parfait exemple.</p>
<p>À rebours de ce rejet, nombre d’auteurs nous invitent à considérer ces espaces sous un angle nouveau. En 2011, Éric Chauvier s’opposait à ces critiques en publiant l’essai <a href="https://www.editions-allia.com/fr/livre/489/contre-telerama"><em>Contre Télérama</em></a>. L’écrivaine Annie Ernaux, de son côté, a rendu compte de son expérience sensible des hypermarchés dans l’opus <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie-ernaux/9782370210371"><em>Regarde les lumières mon amour</em></a>. Elle a depuis obtenu le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zGdHgAvc-OA">prix Nobel de littérature</a>.</p>
<p>C’est par la médiation de l’art, nous apprend le <a href="https://editions.flammarion.com/nus-et-paysages/9782700734133">philosophe Alain Roger</a>, que nous pouvons apprécier un paysage. Les artistes, en particulier les photographes, nous ont offert quantité de matière pour apprendre à percevoir cette dimension des zones commerciales. Comme <a href="https://archive.org/details/RobertVenturiStevenIzenourDeniseScottBrownLearningFromLasVegasTheForgottenSymbol">Robert Venturi et Denise Scott Brown</a> prirent conscience des qualités visuelles et culturelles des boulevards commerciaux de Las Vegas, pouvons-nous aussi changer de regard sur les zones commerciales en périphérie des villes françaises ?</p>
<h2>Quand la production artistique rencontre l’aménagement du territoire</h2>
<p>L’intérêt des photographes français pour les espaces périurbains se manifeste pour la première fois à l’occasion de la <a href="https://missionphotodatar.anct.gouv.fr/accueil">Mission photographique de la DATAR</a> (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Créée en 1963, la DATAR avait pour objectif de superviser la politique nationale d’aménagement du territoire. En 1984, Bernard Latarjet et François Hers lancent la Mission avec l’objectif de « représenter le paysage français des années 80 » et de recréer « une culture du paysage ».</p>
<p>Parmi les participants, des tendances se dégagent. Ils capturent la transformation des bords de mer, des zones rurales et provinciales ; témoignent des effets de l’urbanisation diffuse ; saisissent une ruralité perdue, ou du moins, irrémédiablement transformée ; explorent les infrastructures et les paysages en mouvement ; et montrent les hommes et les femmes qui investissent ces espaces.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série Espaces commerciaux, Midi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Albert Giordan, Mission photographique de la Datar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dévoilées au public pour la première fois à la fin de l’année 1985, les photographies de la DATAR furent <a href="https://www.ina.fr/recherche?q=Territoires+photographiques&espace=1&sort=pertinence&order=desc">largement diffusées dans les médias</a>. Cependant, l’opinion du philosophe Michel Guerrin selon laquelle <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/01/13/miracle-on-a-retrouve-des-paysages-en-france_2938819_1819218.html">« Miracle ! On a retrouvé des paysages en France ! »</a>, reste une exception. Le public de l’époque ne perçut pas tant une volonté de renouvellement des paysages que le témoignage de leur altération.</p>
<p>Ces images forment le récit d’une France subissant de profondes transformations : celui d’un territoire conquis par les flux de circulation et d’énergies ; où nature (jamais sauvage) habitat et industrie se superposent et s’entremêlent ; où le fonctionnalisme de l’État aménageur des Trente Glorieuses coexiste avec la prolifération de l’habitat individuel ; où l’espace public est peuplé d’images et de signes.</p>
<h2>Nouveaux récits</h2>
<p>Sur le modèle de la DATAR, des commandes photographiques et missions indépendantes – <a href="https://www.archive-arn.fr/">tels l’ARN, Atlas des régions naturelles</a> – montrent des portraits de paysages où la dimension sensible n’occulte jamais les réalités urbaines.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Montchanin. Atlas des Région Naturelles (ARN).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nelly Monnier et Éric Tabuchi</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Initiée par le Forum vies mobiles (un institut de recherche sur la mobilité), <a href="https://www.citedesartsparis.net/fr/exposition-les-vies-quon-mene-cite-x-tendance-floue-x-forum-vies-mobiles">« Les vies qu’on mène »</a> cherche à capturer la diversité des modes de vie contemporains en France. Les séries photographiques sont des récits, suivant des individus de tous horizons, dans des territoires variés. Elles examinent notamment le rôle essentiel de l’automobile dans la vie quotidienne, principal moyen de déplacement, outil de travail ou objet de fierté, et exposent <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782367441627-les-vies-qu-on-mene-tendance-floue-nicolas-mathieu/">« notre dépendance aux énergies carbonées »</a>. Exposées à la Cité internationale des arts en 2022, ces images dialoguent avec les statistiques, soulignant qu’actuellement, 70 % des déplacements en France se font en voiture, et que 85 % des foyers étaient motorisés en 2018.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série « Sur la piste des derniers hommes sauvages « , 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Séguin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une autre initiative indépendante, lancée en 2020, <a href="http://www.francesterritoireliquide.fr/">« France(s) territoire liquide »</a> se distingue par son ambition de reprendre le flambeau de la DATAR, tout en se libérant des contraintes de commande. Il s’agit d’explorer un territoire en mutation, dans ses différentes dimensions, matérielles comme émotionnelles. Loin d’être documentaire, cette mission privilégie la narration, en mettant en scène les habitants des zones périurbaines avec une puissance évocatrice saisissante.</p>
<h2>Une esthétique du contraste</h2>
<p>Il est difficile d’établir une liste exhaustive des photographes qui ont pris les périurbains comme sujets.</p>
<p>À l’image de Raymond Depardon, qui participa à la Mission DATAR en <a href="https://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/203">capturant les effets de l’étalement urbain sur le monde rural</a>, puis publia son recueil <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-de-raymond-depardon-raymond-depardon/9782021009941"><em>La France de Raymond Depardon</em></a> près de vingt ans plus tard, les photographes se sont engagés dans une réflexion sur la <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">« France périphérique »</a>.</p>
<p>Leurs choix de sujets et de cadrage influencent notre perception de ces espaces. Leur regard n’est jamais neutre : ils sont animés par la nostalgie, le second degré, ou influencés par les représentations cinématographiques. Les zones commerciales y sont mises en narration et leurs qualités visuelles, riches de contrastes, sont sublimées par leur travail.</p>
<p><a href="https://www.galignani.fr/livre/9782916774008-hexagone-t-1-le-paysage-fabrique-jurgen-nefzger/">« Hexagone : le paysage fabriqué »</a> de Jurgen Nefzger montre des paysages périurbains dotés de points de repères et de monumentalité. Les chefs-d’œuvre de l’architecture post-moderne, structurent l’espace au même titre que les fameux pastiches d’architecture vernaculaire délivrés partout à l’identique par les chaînes de restauration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Autoroute du soleil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Bourelly</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://www.julienrochephotography.com/gallery/paradise-lost/">« Paradise Lost »</a> de Julien Roche joue sur la répétition, tandis qu’avec <a href="https://antoineseguin.com/Sur-la-piste-des-derniers-hommes-sauvages">« Sur la piste des derniers hommes sauvages »</a>, Antoine Séguin s’appuie sur les différences d’échelles entre <em>l’Homo périurbanus</em> et son environnement.</p>
<p><a href="https://xavierlours.bigcartel.com/product/rodeo">« Rodéo 3 »</a> de Xavier Lours s’attarde sur la vie nocturne de <a href="https://www.revue-urbanites.fr/vu-rodeo/">Plan-de-Campagne</a>, créée en 1960 dans la périphérie de Marseille, la plus grande zone commerciale de France, dans le viseur des photographes depuis la mission DATAR.</p>
<p>Quant à la série <a href="http://www.raphaelbourelly.com/autoroute.html">« Autoroute du soleil »</a> de Raphaël Bourelly, elle met à l’honneur néons et jeux de lumière.</p>
<p>Signe de l’intérêt institutionnel pour les zones commerciales en tant que paysages, ces quatre projets photographiques ont été récompensés dans le cadre du concours <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/puca-27042021allegecorrige.pdf">« Regards sur les zones d’activité économique »</a> sponsorisé <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/">par le PUCA</a> (Plan Urbanisme Construction Architecture) – un service interministériel créé en 1998 afin de faire progresser les connaissances sur les territoires et les villes et éclairer l’action publique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Hyperlife, 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Lacombe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La photographe Stéphanie Lacombe, de son côté, opère un changement d’échelle et de focale, en montrant moins les paysages des zones commerciales que l’appropriation dont elles font l’objet par les individus. Sa série <a href="https://lacombestephanie91e7.myportfolio.com/hyper-life">« Hyperlife »</a>, au nom évocateur – ces lieux que l’on qualifie de « France moche » sont aussi et surtout des lieux « hypervivants » – donne à voir les liens de sociabilité qui se jouent sur le parking de l’Intermarché de Saint-Erme (Hauts-de-France). Dans une intéressante subversion des fonctions, qui valorise différemment l’espace et le valide comme lieu de vie à part entière, le travail de la photographe a été exposé sur le parking en question.</p>
<p>À travers ce corpus, les zones commerciales ne sont plus simplement perçues comme des espaces fonctionnels ou des centres de consommation, mais se révèlent comme des lieux où se superposent des échelles, des lisières et des interstices. À partir de ces représentations, il est crucial de reconnaître et de préserver les pratiques préexistantes qui ne s’inscrivent pas dans une grille de lecture consumériste, plutôt que de les effacer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Bitsindou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment faire évoluer l’image des zones commerciales, qui souffrent d’une forme de mépris culturel ?Elodie Bitsindou, Doctorante en histoire de l'architecture contemporaine, Centre Chastel, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924192023-09-25T16:48:57Z2023-09-25T16:48:57ZRéparation, partage des machines… Et si l’avenir de l’industrie était dans le low-tech ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549972/original/file-20230925-17-w2m6yj.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C11%2C1939%2C1310&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Haute-Loire, Fontanille scop est une manufacture de proximité qui conçoit et fabrique de la dentelle et des rubans élastiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fontanille.fr/en/presse">Fontanille Scop</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où la sobriété est devenue le mot d’ordre de l’urgence écologique, la démarche low-tech apparaît comme <a href="https://theconversation.com/comment-les-low-tech-se-font-une-place-en-france-186963">incontournable</a> pour guider l’innovation. Elle ne concerne pas seulement les consommateurs partisans du « do it yourself », <a href="https://theconversation.com/avec-la-low-tech-penser-et-agir-par-dela-la-technique-185184">mais la société tout entière</a>. Les industries aussi ont tout avantage à se l’approprier.</p>
<p>Appliquée aux écosystèmes industriels, cette approche implique de s’appuyer sur les modèles économiques permettant d’accompagner le nécessaire recul des niveaux de production (plus de qualité, moins de quantité). Mais elle requiert aussi d’analyser les politiques d’aménagement du territoire. Celles-ci doivent favoriser les initiatives de mutualisation des infrastructures et des machines industrielles. Il s’agit de s’interroger sur les besoins de consommation essentiels dans une logique de sobriété, avant de répondre dans un second temps à la question : comment produit-on ?</p>
<p>C’est d’ailleurs l’une des grandes problématiques débattues dans les scénarios de l’ADEME <a href="https://transitions2050.ademe.fr/">Transition(s) 2050</a> : vers quel modèle industriel souhaitons-nous tendre ? Comment transformer l’industrie ? Bien qu’il soit aujourd’hui communément admis que la relocalisation de l’industrie en France est vitale pour notre économie, la question se pose de savoir si la <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">sobriété</a> est dommageable pour l’industrie française.</p>
<p>À partir des enseignements tirés d’un <a href="https://drive.google.com/file/d/1tXwQ-DQl4mbuvCRhjBa5J8Iaj4-CpDcd/view">forum</a> organisé qui s’est déroulé en novembre 2021, la direction régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) de l’ADEME déploie une initiative concrète, avec les acteurs locaux, portant sur la transformation de l’appareil productif industriel (machines, outils, équipements industriels). Avec la volonté, à terme, de faire émerger un écosystème de PME industrielles s’inscrivant dans la démarche low-tech.</p>
<h2>Un enjeu de souveraineté industrielle</h2>
<p>À cet effet, l’ADEME en PACA a publié le 21 septembre les <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6482-etude-sur-l-opportunite-du-deploiement-d-un-ecosysteme-industriel-low-tech-en-provence-alpes-cote-d-azur.html">résultats de l’étude d’opportunité</a> qu’elle a menée sur le potentiel de déploiement d’un écosystème industriel low-tech en région. Elle a été réalisée depuis fin 2022 par Amerma, une association qui œuvre au développement d’un projet territorial au croisement de réflexions socio-économiques complémentaires : circularité, mutualisation et proximité.</p>
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<p>L’enjeu est de questionner les besoins en matière de renouvellement de l’appareil productif. Il est proposé de s’appuyer sur trois grands piliers de l’économie circulaire : la mutualisation entre les entreprises industrielles, la modernisation des équipements vieillissants par le réemploi ou par le rétrofit, et la promotion d’une maîtrise locale de la conception et de la fabrication.</p>
<h2>« Rétrofit » et maintenance en interne</h2>
<p>L’un des enjeux phares porte sur l’entretien des machines industrielles.</p>
<p>Il s’agit ici de faire vivre le parc de machines existant le plus longtemps possible en développant largement les services de réparation, plutôt que de remplacer systématiquement la machine par du neuf. Si cela paraît tomber sous le sens, l’opération n’est pas forcément évidente : la remise en état d’une machine nécessite un temps d’arrêt, opération qui peut s’avérer délicate pour une PME dont la production dépend d’une seule ou de quelques machines.</p>
<p>Il peut également être envisagé, au cours de la réparation, de remplacer certaines pièces défectueuses par de nouveaux composants éventuellement plus modernes, de manière à donner une seconde vie à la machine : le rétrofit ou la <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6249-etude-sur-la-remanufacture.html">remanufacture</a> permet ainsi d’obtenir un état supérieur ou égal au neuf. Les niveaux de performance atteints sont suffisants pour répondre aux besoins de la PME, dans une logique de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Technologie_interm%C3%A9diaire">« technologie appropriée »</a>.</p>
<p>En plus de baisser les coûts, cela permet à l’usager de se réapproprier la technologie et de devenir acteur en cas de maintenance. C’est l’un des enjeux forts de la démarche low-tech.</p>
<p>Cette nouvelle approche a vocation à créer du lien social dans les territoires concernés, des échanges entre les entreprises, et forcément aussi de l’emploi en intensifiant les besoins de main-d’œuvre et d’artisanat.</p>
<h2>Mettre en commun les moyens de production</h2>
<p>Une autre dimension centrale du concept est celle de la mutualisation des machines : cela ne correspondra pas au besoin de toutes les PME, certaines utilisant leurs machines à temps plein, mais d’autres ne les utilisent que quelques heures par jour ou par mois.</p>
<p>Plutôt que de sous-utiliser des moyens de production coûteux, il s’agit pour les PME de mettre en commun leurs machines au sein de lieux de partage d’usage commun.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-sobriete-au-dela-du-progres-technique-et-des-changements-de-comportement-individuels-185019">Pour que cette mutualisation soit efficace et désirable</a>, des règles partagées doivent dans tous les cas être mises en place, si possible avec l’aide de politiques publiques permettant le développement de telles innovations.</p>
<p>L’entreprise Lemon Tri, qui est l’un des quatre cas d’étude, a déjà déployé des initiatives de mutualisation et de rétrofit de ses machines industrielles. Elle a également initié des coopérations à l’échelle du territoire avec des entreprises voisines.</p>
<h2>Quel projet de territoire ?</h2>
<p>Les projets portés par des entreprises mobilisant certains champs d’action du concept ont été analysées et les acteurs locaux questionnés. De plus, quatre études de cas ont été réalisées, auprès de PME industrielles de la Métropole Aix-Marseille portant des démarches inspirantes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541330/original/file-20230805-94345-syzil2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Initiatives déjà existantes sur le territoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ademe</span></span>
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<p>Afin de fédérer les entreprises, associations, collectivités, structures académiques et centres techniques, un pôle territorial de coopération économique pourrait être créé. Celui-ci permettrait de fédérer l’écosystème déjà existant au sein d’une même structure, à qui l’on pourrait confier la gestion des questions juridiques de propriété intellectuelle qui émergent dès lors qu’il s’agit de mutualiser du matériel en coopération.</p>
<p>Au regard de la tâche ardue qu’un tel projet représente et pour répondre aux besoins de R&D, les chercheurs académiques et les laboratoires locaux <a href="https://librairie.ademe.fr/institutionnel/5345-strategie-recherche-developpement-2021-2027-de-l-ademe-9791029718823.html">pourraient être associés à la démarche</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541331/original/file-20230805-20589-61f3cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Statuts de structures associées au Pôle territorial de coopération économique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ademe</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Non seulement en mobilisant la recherche en sciences « dures » mais également en sciences sociales. Car le déploiement de ces potentiels nouveaux pôles industriels bousculera profondément les pratiques, les imaginaires et l’organisation de l’industrie, et impliquera par conséquent une réflexion qui dépasse largement les seuls aspects techniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192419/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi Durieux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En région Paca, des industriels envisagent de développer un écosystème de production « low-tech » qui favoriserait la réparation et la mutualisation des infrastructures et des machines industrielles.Rémi Durieux, Coordinateur de la recherche dans les territoires, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139102023-09-20T16:13:19Z2023-09-20T16:13:19ZLes obstacles à « la reconquête du vote populaire rural » : discussion sur l’ouvrage de Cagé et Piketty<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549342/original/file-20230920-27-1h1ztb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4608%2C3055&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thizy, Rhône, 2021. Des commerces vides le long de la rue principale, signe de la désertification rurale et industrielle de ce bourg qui était autrefois un petit centre de production textile dans la campagne.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/51203465224/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/une-histoire-du-conflit-politique-julia-cage/9782021454543"><em>Une histoire du conflit politique. Élections et inégalités sociales en France, 1789-2022</em></a> de Julia Cagé et Thomas Piketty, « la reconquête du vote populaire rural » est identifiée comme la « priorité absolue pour le bloc social-écologique » (p.741).</p>
<p>À l’issue de cet ouvrage qui déploie une analyse prolifique des inégalités sociospatiales en regard des comportements électoraux, Cagé et Piketty émettent un ensemble de propositions pour attirer à gauche les classes populaires rurales. Les deux économistes se risquent ainsi à un certain volontarisme politique sur la base d’un travail scientifique à la fois original, rigoureux et discutable par endroits. Ils invitent notamment à renforcer les services publics dans les espaces ruraux où dominerait, selon l’expression consacrée et maintes fois utilisée dans le livre, un fort « sentiment d’abandon » chez les classes populaires. Une autre de leurs idées est de faciliter, à l’instar du RN, l’accès à la propriété pour ces ménages sensibles aux inégalités de patrimoine et très attachés au fait de posséder leur chez-soi.</p>
<p>Mais par-delà l’adéquation a priori des mesures proposées, l’hypothèse de la « reconquête » des classes populaires rurales par la gauche n’a rien d’évident dans certains villages et bourgs où les idées d’extrême droite sont devenues hégémoniques face à l’absence d’opposition.</p>
<p>Il y a la difficulté pour un ouvrier ou une employée à se déclarer publiquement de gauche, tandis que se dire « de droite » ou « pour Le Pen », c’est déjà s’assurer un minimum de respectabilité en se désolidarisant des plus précaires taxés <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ceux_qui_restent-9782348044472">« d’assistés »</a> par ces <a href="https://www.puf.com/content/Simples_militants">discours politiques dominants</a>.</p>
<p><em>Une histoire du conflit politique</em> peut intégrer par endroits ces éléments, mais l’équation générale laisse peu de place aux rapports sociaux concrets qui déterminent l’espace des possibles politiques.</p>
<p>Dans ce livre de 850 pages, les enquêtes de terrain qui permettent de mettre au jour de tels processus sont surtout mobilisées comme des recueils d’entretiens qui viennent illustrer la démonstration des chiffres. Alors certes, la notion de « classe géo-sociale » établie à partir d’un assemblage inédit d’indicateurs quantitatifs ouvre des perspectives de compréhension, <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2014-4-page-423.htm">dans le sillage des travaux</a> sur les <a href="https://www.ehess.fr/fr/ouvrage/mondes-ruraux-et-classes-sociales">dimensions locales de l’espace social</a>. Mais on peut s’interroger sur la capacité des catégories statistiques à saisir, à elles seules, <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">« les effets de lieu »</a> qui tiennent à la spécificité locale des rapports de classes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-ressentiment-nourrit-le-vote-rn-dans-les-zones-rurales-213110">Comment le ressentiment nourrit le vote RN dans les zones rurales</a>
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<h2>Des configurations défavorables à la gauche</h2>
<p>Cagé et Piketty font malgré tout plusieurs incursions vers une prise en compte de ces configurations, comme lorsqu’ils mentionnent que « le vote pour le FN-RN est devenu au fil du temps plus étroitement associé aux communes comptant la plus forte proportion d’ouvriers (principalement dans les bourgs et les villages). » Et ensuite que : « Ce vote a également toujours été une fonction croissante de la proportion d’indépendants. » (p.733)</p>
<p>Seulement, lorsque les deux économistes s’étonnent positivement de corrélations entre la structure de la population et les comportements politiques, ils ne vont jamais jusqu’à les appréhender frontalement, c’est-à-dire de manière relationnelle, en envisageant la construction réciproque des classes sociales par les rapports qu’elles entretiennent entre elles. À défaut, comment comprendre que dans certaines configurations du tissu économique local, les <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2020-2-page-4.htm?ref=">affinités sociales</a> et politiques des classes populaires jouent contre la politisation à gauche.</p>
<p>Il est fréquent qu’un ouvrier rural soit ami avec un artisan (ou un autre indépendant) et influencé politiquement (à droite) par lui. À l’inverse, les groupes sociaux qui portent typiquement le vote à gauche sont soit absents de ces villages et bourgs populaires, du fait notamment du départ des jeunes diplômés ne trouvant pas de débouchés sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2021-2-page-135.htm">marché de l’emploi local</a>, soit dans un entre-soi ignoré des classes populaires locales.</p>
<p>Cette configuration a des implications sur les modèles de réussite considérés localement comme légitimes, sur la façon dont les gens se définissent et s’identifient à <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2016-2-page-21.htm;">« un nous »</a>, et donc sur les comportements électoraux.</p>
<p>Par conséquent, si l’approche de Cagé et Piketty permet mieux que jamais de répondre à la première partie de la question présente en 1<sup>ere</sup> ligne de leur livre, « Qui vote pour qui ? », le débat reste ouvert sur la seconde partie, « et pourquoi ? »</p>
<h2>Des affinités transclasses</h2>
<p>Les membres des classes populaires rurales ont tendance à dénigrer d’autres classes populaires associées dans leurs représentations à la ville, à l’immigration et à l’assistanat.</p>
<p>Tandis qu’ils cherchent à minimiser le sentiment anti-immigré des classes populaires rurales ailleurs dans l’ouvrage, Cagé et Piketty donnent une profondeur historique à ce rejet, en montrant qu’à chaque époque une somme de stéréotypes étaient mobilisés par les ruraux à l’encontre de leurs homologues des villes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549345/original/file-20230920-27-i1fd8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Zone industrielle et commerciale, Chavelot-Golbey, Vosges, 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jfgornet/16945119899/">Jean-François Gornet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Or cette sorte de « fausse conscience rurale » tient aussi au fait que dans certaines campagnes, ouvrier·e·s et employé·e·s aspirent largement au style de vie incarné dans leur monde proche par des artisans, des petits patrons, des propriétaires comme eux. Certes ces derniers sont davantage dotés en capital économique, mais ils les côtoient au quotidien, faisant parfois partie de leurs amis proches, de leurs familles, etc.</p>
<p>Ces affinités transclasses se comprennent logiquement si l’on a en tête le schéma de l’espace social proposé par <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">Pierre Bourdieu</a>. Les ouvriers et ouvrières de petites PME, propriétaires de leur logement et évoluant dans des sociabilités relativement homogènes ont des aspirations caractéristiques <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2018-2-page-9.htm">du bas à droite » de l’espace social</a>, dans lequel se situent des individus au niveau de revenus et patrimoine différents, mais qui se rejoignent sur les valeurs, les goûts, la distance vis-à-vis du monde scolaire et du pôle culturel largement associé aux grandes villes.</p>
<p>Cette petite bourgeoisie économique qui influence les classes populaires rurales est fièrement de droite et d’extrême droite, se faisant le relais informel de partis politiques pourtant assez <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2020-2-page-70.htm?ref=doi">absents des sociabilités locales</a>.</p>
<h2>Réputation et conformisme politique</h2>
<p>Cette forme de bourgeoisie impose l’idée d’une méritocratie par le travail qui justifie à la fois le respect d’une hiérarchie sociale par le capital économique et la stigmatisation des plus précaires. Plus encore, ces groupes dominent les classes populaires au quotidien en distribuant les « bons points » des réputations des un·e·s et des autres sur le marché du travail et de là, dans toutes les scènes de la vie sociale, puisqu’en milieu rural, « tout se sait » et tout est lié.</p>
<p>Ces logiques réputationnelles sont omniprésentes dans mes enquêtes de terrain et forment la clé de voûte d’une analyse liant les conditions sociales et spatiales aux positionnements politiques.</p>
<p>C’est par exemple toute l’histoire d’Eric, cet ouvrier trentenaire qui a claqué la porte d’une petite PME. Son patron, qui était également un « pote », membre de son équipe de foot et partenaire occasionnel de chasse, l’a ensuite discrédité auprès des autres employeurs et plus largement de tout son entourage en le présentant comme un mauvais travailleur, surtout trop revendicatif. Plus tard, au cours d’une discussion avec plusieurs entrepreneurs locaux lors de laquelle des critiques lui sont adressées, Éric affirmera : « Moi, je suis bien de droite ».</p>
<p>La « sale réputation » dont il a souffert ne l’a pas mené à se politiser contre le patronat, mais bien à se revendiquer du « bon côté » de la frontière sociale avec « les bosseurs », contre lesdits « assistés », « cas sociaux » ou encore les « Mélenchons », comme on dit dans son entourage familial et amical pour désigner les personnes qui remettent en cause les inégalités.</p>
<h2>Des obstacles démographiques</h2>
<p>C’est pourquoi, pour jouer les pessimistes face à la démarche de Cagé et Piketty, on pourrait considérer que la « reconquête » des classes populaires rurales devrait avant tout passer par un bouleversement des dynamiques démographiques.</p>
<p>Ce dernier verrait les classes sociales plus marquées à gauche « s’établir » dans les campagnes industrielles et les bourgs en déclin. Une telle dynamique ne saurait cependant reposer sur le simple désir de verdure des citadins ou sur la volonté politique de quelques militants.</p>
<p>On pourrait à minima penser à la relocalisation d’emplois qualifiés dans les campagnes populaires qui permettrait aussi d’enrayer le départ des jeunes diplômés ruraux, notamment des <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100751100">jeunes femmes</a> issues des <a href="https://ladispute.fr/catalogue/des-femmes-qui-tiennent-la-campagne/">classes populaires locales</a> dont les <a href="https://www.cairn.info/revue-formation-emploi-2022-3-page-97.htm">qualifications scolaires</a> ne sont pas adaptées au marché de l’emploi local.</p>
<p>De ce point de vue, la proposition de renforcement des services publics que l’on retrouve chez Cagé et Piketty pourrait se coordonner avec une politique de recrutement des diplômé·e·s issu·e·s de ces territoires.</p>
<p>Mais à l’heure actuelle, la tendance générale reste la suivante : les campagnes qui attirent les potentiels électeurs de gauche ne sont pas celles où l’on retrouve les plus fortes proportions de classes populaires. Comme les autres groupes sociaux, les représentants du pôle culturel de l’espace social ont une attirance pour les lieux, urbains et ruraux, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/rester_bourgeois-9782707175656">où se concentrent déjà des personnes qui leur ressemblent</a>.</p>
<p>Plus les différences d’opportunités d’emplois locaux, de styles de vie, de comportements politiques se polarisent géographiquement (et donc socialement), moins les espaces ruraux marqués par une domination du vote RN ont de probabilité d’attirer des individus et des groupes sociaux marqués à gauche.</p>
<p>La droitisation se construit en partie ainsi et les réponses à y apporter diviseront probablement la gauche, à l’image de la ligne envisagée par François Ruffin, qui s’adresse à la fois aux classes populaires et à leurs proches artisans, auto-entrepreneurs, petits-patrons qui font office dans les sociabilités de <a href="http://cup.columbia.edu/book/the-peoples-choice/9780231197953">leader d’opinion</a>.</p>
<h2>Un « nous » à reconstruire</h2>
<p>Cagé et Piketty, tout au long de leur livre, font du « sentiment d’abandon » une clé d’explication du vote RN. Sans écarter ce cas de figure, mes enquêtes m’ont surtout amené à observer une attitude différente à partir du moment où les classes populaires rurales ne se voient pas imposer ce registre de réponse. Loin de se vivre en permanence comme <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2016-3-page-39.htm">« abandonnés » par Paris</a>, ces hommes et femmes ont accès à une reconnaissance locale et rejettent fortement le mode de vie urbain.</p>
<p>Alors qu’ils seraient plus anonymes en ville, les ouvrier·e·s et employé·e·s des villages sont pris dans des rapports de réciprocité intenses, où ce qui se passe ailleurs importe finalement moins. Les réduire, par une bienveillance située socialement, à cette image d’abandonnés ne ferait probablement que susciter chez eux le sentiment d’être incompris.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549387/original/file-20230920-27-mbibmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">gilets jaunes au rond-point de l’autoroute, sortie Meximieux-Pérouges (A42). 26 septembre 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.m.wikimedia.org/wiki/File:Gilets_jaunes_au_rond-point_de_l%27autoroute,_sortie_Meximieux-P%C3%A9rouges_%28A42%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>C’est justement tout le succès du RN que d’avoir imposé ce registre de l’abandon dans le champ politique, tout en proposant à leur électorat un tableau cynique du lien social. Le RN vend aux classes populaires rurales une réification passéiste d’une prétendue tradition dans laquelle leur style de vie serait la norme universelle. Et plus encore, il promet une re-hiérarchisation des groupes sociaux de telle sorte que ces petits propriétaires s’assurent d’être toujours mieux traités que d’autres en dessous d’eux, ces autres issus de l’immigration avec qui la concurrence est présentée, de facto, comme inévitable.</p>
<p>Les ouvriers et employées des zones rurales désindustrialisées, qui font l’expérience de la concurrence pour l’emploi et s’accommodent assez largement des discours anti-immigrés, reconnaissent ainsi au RN d’être le porteur d’une vision intrinsèquement conflictuelle et donc honnête du monde social.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/zones-commerciales-peripheriques-de-leldorado-economique-au-peril-territorial-212478">Zones commerciales périphériques : de l’eldorado économique au péril territorial</a>
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<h2>Les classes populaires n’ont pas le luxe de l’individualisme</h2>
<p>Là où la gauche pourrait prendre appui, c’est sur le fait que cette conflictualité vécue va de pair avec un besoin de solidarité. Les classes populaires n’ont pas le luxe de l’individualisme. Parce ce que rien n’est complètement acquis pour éviter de « tomber plus bas », il faut compter sur la reconnaissance et le soutien des autres. Ce que dit le RN, c’est que cette solidarité ne saurait exister autrement qu’au prix de l’exclusion d’une partie du reste du monde, sur des critères non pas sociaux mais ethnoraciaux.</p>
<p>Ce positionnement a trouvé un écho facile chez les classes populaires rurales qui ont tendance à se revendiquer d’un « nous » sélectif, conflictuel, sous forme d’un « déjà nous » ou « nous d’abord » qui résonne avec les <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2018-2-page-57.htm">préférences</a> proposées par l’extrême droite.</p>
<p>C’est par cette solidarité à petit rayon que l’on pense s’en sortir dans un contexte où il n’y a pas suffisamment de travail et de ressources pour que tout le monde s’assure une respectabilité. En l’état actuel des rapports de force sociaux et politiques, il est difficilement envisageable de voir ce « déjà nous » être transformé, par le simple fait d’un nouveau discours de gauche, en un <a href="https://www.penguin.co.uk/books/175505/the-uses-of-literacy-by-hoggart-richard/9780141191584">« nous les classes populaires »</a>.</p>
<p>Néanmoins, par optimisme, on peut se rappeler que malgré l’imprégnation des idées d’extrême droite, ce n’est pas contre les immigrés que les classes populaires rurales ont enfilé un gilet jaune. Il s’agissait bien de la nécessaire question de répartition des richesses face aux difficultés économiques vécues. Malgré son côté perfectible, c’est là tout l’intérêt du livre de Cagé et Piketty, que de vouloir recentrer le débat politique autour de ces questions, en apportant de l’empirique et du factuel à disposition de celles et ceux qui voudraient savoir de quoi il en retourne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Coquard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La proposition dans ‘Une histoire du conflit politique’ de Cagé et Piketty de reconquérir les classes populaires rurales votant à droite et RN omet la complexité des liens sociaux sur ces territoires.Benoit Coquard, Sociologue, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087972023-09-10T14:55:21Z2023-09-10T14:55:21ZEn matière de goûts cinématographiques, Paris et la province ne jouent pas dans la même salle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547273/original/file-20230908-27-fr2p37.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1987%2C1133&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Que Paris existe, et qu'on puisse choisir de vivre ailleurs sera toujours un mystère pour moi. »
(Woody Allen, _Midnight in Paris_, 2011).</span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><p>On ne regarde pas les mêmes films à Paris que dans le reste de la France.</p>
<p>Il y a quelques mois, des journalistes de France Inter s’étonnaient des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite/en-toute-subjectivite-du-jeudi-06-avril-2023-4610037">« films qui cartonnent hors de Paris mais dont les médias ne parlent pas »</a>, rebondissant sur le constat de leurs confrères et consœurs du <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/bac-nord-dun-cote-les-bodins-de-lautre-a-paris-ou-en-province-on-naime-pas-les-memes-films-19-03-2022-ZL3T7JDQRNCGRJHMCBW7UT4DWY.php"><em>Parisien</em></a> ou du <a href="https://www.lepoint.fr/cinema/cinema-les-bodin-s-un-carton-qui-ne-passe-pas-par-la-capitale-01-12-2021-2454613_35.php#11"><em>Point</em></a>, questionnant ces films à succès « qui ne passent pas à la capitale ».</p>
<p>Parmi les stéréotypes habituels gravitant autour de la vie à Paris, on évoque souvent l’argument économique : les salaires plus élevés à Paris qu’en Province (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4479260">à Paris, le revenu des ménages les plus aisés est le plus élevé de France métropolitaine</a>) ; l’argument démographique : Paris ville la plus peuplée de France (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4171583">l’agglomération parisienne représentant 1/6 de la population française</a>) ou encore l’argument (souvent désuet-fantasmé) des intellectuels à Paris (<a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/12/21/heureux-comme-un-intellectuel-americain-a-paris_6064048_4500055.html">« le prestige intellectuel parisien »</a>). Les données chiffrées sont parfois interprétées dans le sens que l’on veut bien leur donner, à tort ou à raison, et il s’est installé dans l’imaginaire collectif cette fracture entre Paris et le reste de la France, ou encore comme certains aiment l’appeler, « la Province ».</p>
<h2>Paris et la Province face à leurs différences culturelles</h2>
<p>Dans les faits, il existe bel et bien une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-qui-vient-laurent-davezies/9782021086454">fracture territoriale entre régions, départements et villes, qui tend à se creuser</a>. La concentration de l’emploi dans les aires métropolitaines depuis des décennies, la succession de crises financières, de crises du logement et des politiques publiques valorisant les grands centres urbains au détriment des milieux ruraux <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">sont bien souvent tenus comme responsables de cette fracture</a>. Le sentiment « d’être les oubliés », voir un sentiment de <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/04/20/richard-ferrand-il-ny-a-pas-de-territoires-oublies-10246859.php">« mépris pour la « France d’en bas »</a>, <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-france-des-territoires-defis-et-promesses/">s’est développé dans les territoires</a>, et cette scission est encore plus marquée quand il est question de mener des comparaisons entre Paris et Province.</p>
<p>Cette fracture s’appuie sur des faits : par exemple, depuis la fin des années 90, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283880">part des emplois « qualifiés » (c’est-à-dire cadres et professions intellectuelles supérieures) a doublé à Paris</a>, et en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3196776">2014, 34,7 % des postes étaient des emplois qualifiés, contre 14,2 % en province</a>. L’exode des cerveaux vers la capitale se poursuit rapidement et sûrement ; et on constate d’ailleurs que dans bien des études menées sur le territoire métropolitain (Elabe, Insee), on segmente les réponses : Paris/région parisienne vs reste de la France.</p>
<p>Les modes de consommation alimentaire n’y échappent pas (<a href="https://investir.lesechos.fr/budget/vie-pratique/ou-consomme-t-on-le-plus-de-produits-bio-en-france-1927360#:%7E:text=Paris%20en%20t%C3%AAte%20du%20classement,Maritimes%20(5%2C6%25)">c’est à Paris que les produits bio ont la plus grande part de marché</a>, mais plus surprenantes encore sont les préférences en matière cinématographique. A quoi sont-elles dues ?</p>
<h2>Qu’est ce qu’on a fait aux Parisiens ?</h2>
<p>À y regarder de plus près, à Paris, les comédies françaises sont communément boudées au profit d’autres genres cinématographiques : les films d’auteur, les polars, les thrillers, ou au profit de productions étrangères : les productions type blockbuster, ou les œuvres étrangères diffusées en version originale (VO).</p>
<p>À titre d’exemples extrêmement parlants, la comédie en trois volets <em>Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu</em> (2014) de Philippe de Chauveron a réalisé plus de 80 % de ces entrées en « régions » (le nom subtil donné à la Province) et la tétralogie de <em>Les Tuche</em> d’Olivier Baroux plus de 90 % pour le second opus.</p>
<p>Et les chiffres sont encore plus vertigineux quand on parle de la saga « Les Bodins » de Frédéric Forestier (<em>Les Bodin’s en Thaïlande</em>, 2021), diffusés dans <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/les-bodins-ne-passe-meme-pas-sur-les-champs-elysees-paris-snobe-t-il-le-film-qui-cartonne-en-province-27-11-2021-FDMNZSCERBEIFK7SNUDPCYOFDY.php">seulement deux salles parisienne</a>, ou encore <a href="https://jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19635&view=2"><em>Les Municipaux</em></a>, des comédies grand public qui enregistrent moins de 2 % des entrées à Paris.</p>
<p>En guise de contre-exemple, le thriller <em>Boîte Noire</em> (2021) de Yann Gozlan avec Pierre Niney a réalisé près d’un <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20696">tiers de ses entrées à Paris</a>. Les deux œuvres oscarisées danoise et coréenne, <em>Drunk</em> (2020) de Thomas Vinterberg et <em>Parasite</em> (2019) de Bong Joon Ho, initialement diffusées dans les salles en VO à leur sortie, ont respectivement enregistré <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20748">35 %</a> et <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19435">42 %</a> de leurs entrées en France dans des salles parisiennes.</p>
<h2>Comprendre la fracture cinématographique, une mission impossible ?</h2>
<p>Difficile de trouver une explication qui éluciderait ces différences de goûts cinématographiques entre la capitale et le reste de la France. Néanmoins, plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender ces disparités.</p>
<p>Un premier facteur serait lié aux modes de consommation de l’activité cinéma. <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1389917/Le+public+du+cin%C3%A9ma+en+2020.pdf/a6ca1f24-d2f0-8340-4b62-322be9f14347?t=1633512274915">Le cinéma est une pratique collective</a>, souvent familiale. Par ailleurs, les comédies grand public/comédies familiales françaises sont le type d’œuvre « cible » des entrées en salle en régions. Si nous corrélons cela avec des données démographiques, nous notons que Paris représente le taux le plus faible de ménages comprenant un couple avec enfant(s), <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-75056#chiffre-cle-2">16,6 % en 2020</a> contre <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039855?sommaire=5040030#tableau-figure3_radio2">34 % pour les chiffres nationaux</a>, donc très peu de familles.</p>
<p>Une autre clé de lecture de cet écart en termes de goûts cinématographiques peut être celle de la <a href="https://www.cairn.info/la-methodologie-de-pierre-bourdieu-en-action--9782100703845-page-79.htm">perspective sociologique de la distinction</a> de <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">Bourdieu (1979)</a>, une référence en sociologie appliquée à la culture. Ce <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-cinema--9782707144454.htm">point de vue montre</a> « une homologie entre caractéristiques des films (esthétiques, économiques, symboliques) et les caractéristiques sociales des publics (en termes notamment de capital culturel et de genre) », soit une stratification sociale des goûts en matière cinématographique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Source : Insee, 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2023, le <a href="https://www.bfmtv.com/people/cinema/on-a-fait-un-peu-le-deuil-de-paris-pourquoi-les-comedies-francaises-font-plus-rire-en-regions_AV-202304290120.html">réalisateur Philippe Guillard</a> (<em>Pour l’honneur</em> (2023), <em>Papi Sitter</em> (2020)) expliquait qu’il était compréhensible que les films type « comédies grand public » ne fonctionnent pas à Paris « puisqu’ils utilisent des codes que seuls les gens de province comprennent ». Paris converge de plus en plus vers un modèle commercial et culturel qui trahit les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/jerome-fourquet-et-jean-laurent-cassely-laureats-du-prix-du-livre-deconomie-2021-1372880">goûts et les préférences de ces classes</a> : les <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">goûts dépendent de la classe sociale</a> et des <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-4-page-369.htm">pratiques associées</a>. Une large portion des emplois qualifiés et des professions intellectuelles supérieures vivent à Paris, et les CSP+ vont deux fois plus au cinéma que les autres CSP : le syllogisme est rapide.</p>
<h2>Lost in Frenchlation</h2>
<p>Concernant la part de visionnage des œuvres étrangères diffusées en version originale – plus importante dans la capitale qu’en Province – plusieurs explications se côtoient. Dans un article de [<em>Télérama</em>](https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889#:~:text=Parmi%20ses%20plusieurs%20dizaines%20de,le%20Path%C3%A9%20Wepler%20(18%C3%A8me), le délégué général de l’AFCAE (Association française des cinémas d’art et d’essai) et responsable programmation des plus gros cinémas indépendants de la ville de Paris expliquait l’importance de tenir des « standards parisiens » comme le fait de proposer les films en VO – en 2016, <a href="https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889">61 % des multiplexes VO se situaient à Paris et périphérie parisienne</a> – qui permet selon lui de maintenir une « forme d’élitisme et de noblesse vis-à-vis des spectateurs locaux ».</p>
<p>Par ailleurs les goûts cinématographiques se forgent par l’éducation à l’image, notamment des jeunes publics. Malgré le <a href="https://www.cnc.fr/cinema/education-a-l-image">dispositif national du CNC</a>, des disparités se maintiennent au niveau social et géographique, et l’offre cinématographique est fortement territorialisée : la région parisienne se caractérise par une forte concentration des écrans induisant une diffusion plus large que dans le reste du pays (<a href="https://www.cairn.info/revue-culture-etudes-2022-3-page-1.htm">1 200 écrans pour la région Île-de-France sur les 6 300 écrans en métropole</a>), et le nombre moyen d’entrées en salles des spectateurs de l’agglomération parisienne est <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1617915/Le+public+du+cin %C3 %A9ma+en+2021.pdf/2ea9dbee-4d5b-0a53-08a4-d761db46d860?t=1663767518046">deux fois plus élevé que dans les zones rurales</a>.</p>
<p>Cela facilite par ailleurs grandement l’accessibilité physique – au sens géographique – des Parisiens aux salles de cinéma quand il est question pour d’autres de prendre la voiture, les <a href="https://books.openedition.org/pufr/644?lang=fr">cinémas ayant été progressivement poussés hors des centres-villes depuis près d’un siècle</a>.</p>
<p>Cette éducation au cinéma se présente comme une approche compréhensive des diverses œuvres audiovisuelles ; on « apprend » à apprécier les différents genres cinématographiques, et pas seulement le cinéma populaire, plus accessible, comme on apprend à apprécier la musique classique ou les sorties du dimanche dans les musées parallèlement à d’autres loisirs.</p>
<p>Cette scission en matière de goûts cinématographiques entre Paris et la Province, plus qu’une fracture territoriale, représente bien une fracture sociale ; et bien souvent, les représentations présentes dans les œuvres coïncident aux codes de lecture dont seuls les publics correspondants disposent. Néanmoins, les explications de cette scission sont multiples et additionnelles et il est nécessaire de s’éloigner des questions de distinction de classes et de l’opinion publique (« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ») car cette fracture est le fruit de données croisées entre capitaux économiques et capitaux culturels qui la façonnent.</p>
<p>Il ne s’agit pas ici de postuler que la seule <a href="https://www.cairn.info/La-culture-des-individus%20--%209782707149282-page-94.htm">culture légitime serait celle que les catégories de population les plus aisées cautionnent et consomment</a>, par opposition à une culture dite populaire qui aurait moins de valeur ou moins de sens – on sait depuis l’émergence des <em>cultural studies</em> (1964) que la réalité est bien <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/le-cinema-est-le-dernier-endroit-ou-la-pop-culture-rencontre-la-culture-legitime-2823244">plus poreuse et plus nuancée</a>. D’ailleurs, cette différence d’appréciation ne peut être généralisée à tous les films diffusés en salles. Par exemple, les films Star Wars (<em>Star Wars : Les derniers Jedi</em>, 2017 ; <em>Star Wars : Le Réveil de la Force</em>, 2015) semblent faire l’unanimité, ils arrivent en tête du nombre d’entrées à Paris et partout ailleurs en France.</p>
<p>Les goûts en matière cinématographique divisent autant qu’ils rassemblent. Dans une France où les tensions sociales sont omniprésentes, la quête de rationalité en la matière n’est pas forcément souhaitable, et le tableau des pratiques culturelles, s’il offre un baromètre politique intéressant, doit s’apprécier au-delà de la fréquentation des salles obscures ; il s’agirait plutôt d’accepter qu’autrui puisse être touché par une œuvre que nous ne trouvons pas à notre goût, sans jugement qui aggraverait cette fracture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Chatel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender des succès à géométrie variable en fonction du territoire où les films sont projetés.Manon Chatel, Doctorante contractuelle en Sciences de Gestion (Marketing territorial), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091512023-07-19T19:20:27Z2023-07-19T19:20:27ZDes TER plus performants ? La mise en concurrence ne pourra pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535823/original/file-20230705-7761-ajdex1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C30%2C1211%2C820&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le réseau TER de la Bretagne, la SNCF semble se montrer plutôt efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:R%C3%A9gio2N_n%C2%B0080C_%C3%A0_Laval_%282%29_par_Cramos.JPG">Cramos/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les <a href="https://theconversation.com/topics/transport-ferroviaire-51912">services TER</a>, à compter de décembre 2023, à l’exception de l’Île-de-France qui a un calendrier spécifique, les <a href="https://theconversation.com/topics/regions-30878">régions</a> auront l’obligation de <a href="https://www.sncf.com/fr/groupe/notre-strategie/ouverture-concurrence#:%7E:text=%C3%80%20partir%20de%202020%2C%20les,ans%20(bloc%20horizontal%20bleu)">lancer des appels d’offres</a> à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF Voyageurs</a>, et ce pour un délai maximum de dix ans. Cette possibilité de s’ouvrir à la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> est offerte depuis décembre 2019.</p>
<p>Certains territoires ont déjà renouvelé leur confiance au transporteur historique, comme les Pays de la Loire au début du mois de juin ou les Hauts de France en mars de cette année. Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la nouveauté : à partir de juillet 2025 et pour dix ans, c’est <a href="https://www.lepoint.fr/societe/la-sncf-perd-officiellement-l-exploitation-d-une-ligne-ter-en-paca-une-premiere-en-france-28-10-2021-2449721_23.php">Transdev</a> qui s’occupera de 10 % des TER sur la ligne Marseille-Toulon-Nice.</p>
<p>Faut-il néanmoins tout attendre de cette ouverture ? Certes, l’idée est d’être plus efficace et de mieux maîtriser des coûts qui suivent une trajectoire inquiétante. Néanmoins, la mauvaise qualité de service sur un réseau TER peut être due à bien d’autres facteurs face auxquels un nouveau transporteur s’avèrerait tout aussi impuissant que SNCF Voyageur. Un réseau de mauvaise qualité ou saturé par exemple.</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">travaux</a> ont ainsi tenté de faire la part des choses. Où et dans quelle mesure le transporteur ne propose-t-il pas un service optimal étant donné l’environnement dans lequel il évolue ?</p>
<h2>L’enjeu, maîtriser les coûts</h2>
<p>Revenons en premier lieu sur l’évolution du paysage de ces dernières années.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/subventions-24952">contributions publiques</a> totales allouées à la SNCF, au titre de l’activité TER, ont augmenté de manière soutenue et quasi constante. En 2002, ces transferts publics étaient de l’ordre de 1,986 milliard d’euros ; en 2017, ils s’élevaient à 3,379 Md€. Cela correspond à une augmentation de 70 % en quinze ans, ce qui représente une hausse moyenne annuelle de 3,6 %.</p>
<p>Cette croissance n’aurait rien d’inquiétant si elle s’expliquait par des efforts d’investissement dans le matériel roulant, la modernisation des gares ou le réseau ferroviaire. Or, cela est loin d’être le cas : leur part s’est sensiblement réduite après la crise économique de 2008. D’une moyenne de 26,7 % des contributions sur la période 2002-2009, elle est descendue à 14,8 % sur les années 2010-2017.</p>
<p><iframe id="pzJfu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pzJfu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La hausse des subventions publiques s’explique ainsi surtout par la progression du financement du déséquilibre d’exploitation de ce service assuré par la SNCF. Ce service est largement subventionné, de l’ordre de 80 % de son coût en moyenne.</p>
<p>La dynamique est impressionnante : les sommes allouées à cette fin ont plus que doublé entre 2002 et 2017 (5,2 % d’augmentation annuelle moyenne). Il n’y aurait, une nouvelle fois, pas de quoi s’alerter si cela avait pour corollaire une augmentation du volume des prestations de services commandées par les régions à la SNCF. Ce n’est, ici non plus, pas vraiment le cas. Le nombre de kilomètres commandés n’a augmenté que de 18 % entre fin 2002 et fin 2017. Le volume de service s’est même réduit depuis son maximum en 2011.</p>
<p><iframe id="s7GRt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s7GRt/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La subvention publique pour faire circuler un TER sur un kilomètre est ainsi passée de 9,45 euros en 2002 à 17,16 euros en 2017 en moyenne. Une part significative de cette hausse relève, d’après la Cour des comptes, de la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">progression des coûts de production de l’opérateur ferroviaire</a>. C’est dans ce contexte que questionner sa performance productive semble primordial.</p>
<h2>Qui est responsable de quoi ?</h2>
<p>L’exercice n’est cependant pas aisé : dans cette progression des coûts de production ferroviaire, <a href="https://trimis.ec.europa.eu/sites/default/files/project/documents/20060811_113046_02524_ATLET_Final_Report.pdf">tout n’incombe pas au transporteur</a> qu’est SNCF Voyageurs. La performance productive dépend aussi de la qualité des infrastructures sur lesquelles les trains circulent et dont la responsabilité incombe à SNCF Réseau, une entité bien distincte. Elle dépend aussi des orientations données par les autorités organisatrices des transports (les régions en l’occurrence), des contrats passés avec celles-ci et qui varient <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">fortement d’un territoire à un autre</a>. Elles peuvent elles-mêmes faire le choix d’investir dans les gares, dans les rénovations des voies. Elles influent sur les choix de matériel roulant.</p>
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<p>Outre les interactions entre ces trois acteurs, l’environnement sociétal importe également : la densité démographique ou le <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">taux d’incivilité</a> ont des impacts conséquents sur les performances des TER. Des paramètres économiques interviennent de même, comme les taux de motorisation, l’importance d’une clientèle captive ou occasionnelle du train, la possibilité de réaliser des économies d’échelle… Il faut aussi composer avec les autres services présents sur le réseau (Inouï, Ouigo, fret, Intercités) qui peuvent amener une congestion et dégrader la performance des TER.</p>
<p>En définitive, il est bien difficile de déterminer ce qui, dans la performance du service délivré, incombe au comportement de chaque acteur, et notamment de l’opérateur ferroviaire. Les ratios utilisés par la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">Cour des Comptes</a> ou l’ART (Autorité de régulation des transports) dans son <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/publication-du-bilan-du-marche-du-transport-ferroviaire-en-2019/">bilan annuel</a> s’avèrent insuffisants. C’est à y remédier que notre <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">étude</a> s’est attelée.</p>
<h2>La SNCF, à 82 % de ses capacités</h2>
<p>Notre étude met à profit, sur la période 2012-2016, deux bases de données jamais exploitées jusqu’alors. Elles nourrissent une méthodologie d’estimation d’une « frontière de production », développée notamment par Philippe Aghion, professeur au collège de France. Il s’agit de mesurer le volume de production théoriquement atteignable étant donné les technologies et ressources matérielles et humaines à disposition, puis de comparer la performance d’un opérateur avec cet optimum. Dit autrement, on se demande si avec les ressources à disposition, il ne serait pas possible de produire plus de train-kilomètre, ou si l’on pourrait parcourir les mêmes distances en sollicitant moins de ressources.</p>
<p>Le modèle dissocie ainsi les coûts de personnel à bord et en gare par exemple, mais n’inclut pas ceux des péages à verser à SNCF Réseau pour engager un train sur un sillon, car l’opérateur n’en a pas la maîtrise. Tout un ensemble de variables supposées contribuer à la performance productive est inclus.</p>
<p>Trois résultats majeurs en ressortent. En moyenne, les opérateurs ferroviaires régionaux de la SNCF obtiennent un score d’efficience de 82,2 %. Ils auraient pu ainsi, sur la période étudiée, baisser d’environ 18 % leur coût de production si l’on prend comme base les meilleures performances obtenues par la SNCF en région. Cela suggère que, même si la SNCF n’est pas la seule responsable de cette dérive des coûts, elle l’est en partie tout de même. Le score de 100 % représente la frontière de production, c’est-à-dire la production maximale avec le système productif de notre échantillon. Soulignons que cette estimation ne dit rien du gain de coût qui pourrait être obtenu avec un autre opérateur ferroviaire que la SNCF.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avant la réforme territoriale, la région Haute-Normandie était celle avec la plus importante marge de progression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Skililipappa/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second résultat concerne la disparité des scores d’efficacité productive selon les régions. L’éventail est très ouvert. Les scores varient de 97,8 % à 59,3 %. Aucune région n’est à 100 %, car toutes sous-optimisent l’utilisation d’au moins un des facteurs de production. Deux régions TER peuvent ainsi recevoir une mention « Excellent » : Rhône-Alpes et la Bretagne. Quatre autres régions « Bien » l’Alsace et la Lorraine par exemple. À l’opposé, cinq régions TER sont peu performantes, dont la Picardie ou le Languedoc-Roussillon. La Haute-Normandie finit au fond du classement. Nombre de régions pourraient ainsi progresser sans changer d’opérateur, si elles bénéficiaient des conditions qui font la performance dans les meilleurs d’entre elles.</p>
<p>Plusieurs régions ont depuis cette étude recontractualisé avec la SNCF. Dans le cas de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux premiers appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF et l’autre par Transdev, « Intermétropoles », ont permis de presque doubler l’offre dans ces lots, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.</p>
<p>Le troisième résultat est davantage méthodologique. Les méthodes d’évaluation habituelles donnent des résultats peu convergents avec les nôtres. Cela renforce l’idée que les méthodes économétriques ont aussi un rôle à jouer en complémentarité des méthodologies usuelles.</p>
<h2>Quels leviers ?</h2>
<p>L’analyse nous conduit à formuler plusieurs indications à destination des décideurs publics comme des opérateurs.</p>
<p>La première est que la SNCF a beaucoup à faire pour optimiser ses coûts de production. D’après la Cour des comptes, il semblerait que la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-des-ressources-humaines-de-la-sncf">gestion du facteur travail</a> puisse être davantage optimisée, par réduction de l’absentéisme notamment, ou en modifiant certaines dispositions de l’organisation du travail, pour davantage de polyvalence.</p>
<p>Il s’agit aussi de travailler sur l’environnement dans lequel le service est exécuté. Une étude montre par exemple que le degré de <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">respect de l’ordre social</a>, approximé par le taux de délinquance régionale, s’avère fortement corrélée avec une faible efficience ferroviaire.</p>
<p>L’efficience productive résulte aussi de certains paramètres physiques du système de production ferroviaire. La qualité du réseau (vitesse maximale, voie unique ou double, électrification…), mais aussi le nombre de gares, semble avoir un impact positif considérable sur l’efficience productive, de même que la longueur du réseau qui permet d’obtenir des économies d’échelle. Ces paramètres s’imposent à tous les opérateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673954925363986432"}"></div></p>
<p>On observe également que la contractualisation et les modes de gouvernance reliant l’opérateur à la collectivité régionale ont un impact important. Plus l’efficience est basse, plus le contrat est long et volumineux. Cela suggère que là où la performance productive est la plus faible, les régions seraient enclines à resserrer les contraintes imposées à l’opérateur, en spécifiant chaque détail de la contractualisation. Ce résultat se trouve illustré par la forte corrélation entre le coût par train-kilomètre et la longueur du contrat.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">modes de gouvernance</a> faisant appel à des logiques « incitatives », plus qu’à des logiques « hiérarchiques » (injonctives) ou « de confiance » (coopératives), semblent les plus à même à s’accompagner de hauts niveaux d’efficience. Ces points qui, en l’état, constituent des hypothèses de travail fortes, mériteraient d’être approfondis.</p>
<h2>Et aujourd’hui ?</h2>
<p>La contractualisation s’avère au final un des leviers d’amélioration de la performance des TER qui, en cette période d’ouverture à la concurrence, mérite la plus grande attention des régions, mais aussi du régulateur, qui aurait avantage à mettre à disposition des parties prenantes davantage de données.</p>
<p>Au niveau de l’ensemble des régions, la situation s’est améliorée. L’offre de service réaugmente et la subvention par train-kilomètre de 2021 s’est stabilisée au niveau de 2019. En outre, les régions boostent l’investissement en nouveaux matériels et dans les voies.</p>
<p>L’avenir semble ainsi prometteur. Plusieurs régions ont, depuis cette étude, recontractualisé avec la SNCF et il semblerait que l’enjeu de maîtrise des coûts ait été intégré, pour le moins dans certains cas. Fin 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF, « Azur », l’autre par Transdev, « Intermétropoles », promettent de presque doubler l’offre dans ces lots, à l’horizon 2025, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses. A médite</p>
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<p><em>Une clause de confidentialité nous amène à ne pas pouvoir citer nommément les performances exactes pour chaque région.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a notamment bénéficié d'une mise à disposition de données de la part de Régions de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.</span></em></p>État des infrastructures, exigences des régions… La qualité de service d’un réseau TER ne dépend pas seulement du transporteur qui fait rouler les trains. Une étude tente de faire la part des choses.Christian Desmaris, Maître de Conférences en Économie, Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2073352023-07-05T17:32:12Z2023-07-05T17:32:12ZBordeaux : l’exode urbain dans la région n’est-il qu’un mythe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531620/original/file-20230613-27-u9zbno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3606%2C2213&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La rue Condillac dans le centre ville de Bordeaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’arrivée de la Covid-19, les interrogations sur les conséquences de l’exode urbain ont été nombreuses. Il est désormais clair que l’exode urbain post-Covid n’a pas eu lieu. De façon plus explicite, à l’échelle de la France, la <a href="https://popsu.archi.fr/sites/default/files/2022-02/PopsuTerritoires-exodeurbain_v12.pdf">crise sanitaire n’a pas entraîné de flux massifs de population</a> des grandes villes vers les territoires ruraux.</p>
<p>Loin de ce bouleversement territorial, la pandémie a plutôt confirmé et accéléré des <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/dp_exodeurbain_bd.pdf">tendances préexistantes à la crise</a> (telles que la métropolisation, la périurbanisation ou encore « la renaissance rurale »).</p>
<p>Dans ce cadre, les <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/dp_exodeurbain_bd.pdf">recherches</a> sur cette question soulignent « la nécessité de regarder chaque territoire dans son contexte pour l’accompagner au mieux ». <a href="https://www.aurba.org/">L’Agence d’Urbanisme Bordeaux Aquitaine</a> a ainsi mené des travaux à l’échelle du territoire girondin pour s’interroger sur les dynamiques au sortir de la crise du Covid-19.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avez-vous-change-votre-maniere-de-vous-deplacer-depuis-la-pandemie-205662">Avez-vous changé votre manière de vous déplacer depuis la pandémie ?</a>
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<p>Département fort de 1 625 000 habitants et au solde migratoire (solde entre les entrants et les sortants) le plus élevé de France métropolitaine avec 22 300 nouveaux habitants <a href="https://www.aurba.org/productions/lattractivite-de-la-gironde/">au recensement 2019</a>, la Gironde présente des enjeux particuliers. L’attractivité des territoires voisins de la métropole est en question, puisque, en 2019, les deux tiers des arrivants s’installaient dans Bordeaux Métropole.</p>
<p>Dans ce contexte, y a-t-il un profil type d’individus qui déménagent en raison de la crise sanitaire en Gironde ? La crise sanitaire a-t-elle pu jouer en faveur d’un rééquilibrage des flux entre la métropole et le reste du territoire girondin ?</p>
<h2>9 000 « nouveaux voisins » interrogés</h2>
<p>L’enjeu principal pour répondre à ces questions est de réussir à faire de la</p>
<p><a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/dp_exodeurbain_bd.pdf">« prévision immédiate »</a>, c’est-à-dire de décrire un phénomène en train de se produire ou qui s’est produit tout récemment, car les bases de données du recensement imposent aux chercheurs et aux techniciens des collectivités territoriales un décalage des millésimes. Il faut donc d’autres sources.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532191/original/file-20230615-29-kx510b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue sur la place de la Comédie et le célèbre bâtiment du Grand Théâtre de la ville de Bordeaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une enquête postale a été réalisée entre juin et septembre 2022 en Gironde, à partir de la base « Nouveaux voisins » de La Poste. Environ 9 000 questionnaires ont été envoyés à des personnes ayant déménagé et fait réacheminer leur courrier pour s’installer dans le département, quel que soit leur lieu d’origine.</p>
<p>723 personnes de plus de 30 ans ont répondu au questionnaire dont 141 qui affirment que la crise sanitaire est la raison principale ou une des raisons principales de leur déménagement. Pour des enjeux de représentativité, les résultats sont pondérés en distinguant Bordeaux Métropole du reste de la Gironde par tranche d’âge.</p>
<h2>Une diversité de profils d’individus qui déménagent</h2>
<p>En première analyse, les résultats convergent avec ceux à l’échelle nationale. Ils montrent la grande diversité des profils des individus qui déménagent en raison de la crise.</p>
<p>Après le confinement, les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/25/pendant-le-confinement-on-s-est-sentis-etouffes-le-mouvement-de-nombreux-citadins-vers-la-campagne_6057284_3244.html">publications grand public</a> ont rapidement échafaudé un profil type des individus qui bougeraient en réaction à la crise sanitaire et aux confinements. Ce portrait-robot correspondrait à des individus-cadres et diplômés d’un bac +5 qui quittent la ville pour changer de cadre de vie, dans une forme de rejet de la métropole.</p>
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<p>En Gironde, les analyses statistiques dessinent un profil qui est celui d’individus de moins de 45 ans (70,7 % des individus qui déménagent en raison de la crise sanitaire contre 63,3 % dans la population totale) et en emploi (87,1 % des individus qui déménagent en raison de la crise sanitaire contre 80,7 % dans l’ensemble de la population).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique présentant l’influence de la crise sanitaire sur les déménagements, selon les âges" src="https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532632/original/file-20230619-29-ig170g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique présentant l’influence de la crise sanitaire sur les déménagements, selon les âges.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces résultats s’inscrivent dans la continuité des <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/inscriptions-scolaires-ces-jeunes-couples-qui-quittent-les-metropoles">travaux</a> menés par l’économiste Olivier Bouba-Olga, à partir des données d’inscriptions scolaires, qui suggèrent que ce sont surtout des ménages jeunes qui réalisent ce type de mobilités résidentielles.</p>
<p>En ce qui concerne la catégorie socioprofessionnelle (CSP) et le niveau d’études, le profil type de « l’exodeur » en Gironde est plus nuancé que celui présenté dans la presse. Les analyses statistiques mettent en évidence que le niveau de diplôme ou encore la CSP ne joue pas sur le fait de déménager pour ce motif. Aussi bien les cadres que les ouvriers déménagent en raison de la crise sanitaire (voir le graphique ci-dessous basé sur un modèle de régression logistique). De plus, les bacs +5 ont une probabilité de déménager proche de celle des individus peu ou pas diplômés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Facteurs associés aux déménagements en raison de la crise sanitaire" src="https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532174/original/file-20230615-29-45iygu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Facteurs associés aux déménagements en raison de la crise sanitaire. Pour chaque caractéristique des individus (signifiée par des couleurs différentes), plus le point est à droite, plus la probabilité de déménager par rapport à la référence (le point de la même couleur le plus haut) est élevée ; plus le point est à gauche, plus la probabilité de déménager par rapport à la référence est faible. Les barres horizontales représentent les marges d’erreur pour chaque résultat (IC 95 %). BM = Bordeaux Métropole ; HorsBM = Gironde hors Bordeaux Métropole ; Hors Gironde = extérieur du département.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette diversité des profils en termes de CSP converge avec les travaux de sociologie de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/17/les-nouveaux-ruraux-une-diversite-de-profils-loin-de-se-resumer-aux-cadres-parisiens-en-teletravail-autour-de-moi-tout-le-monde-veut-un-camion_6162180_3224.html">l’équipe POPSU Territoires</a>. Les chercheurs décrivent un kaléidoscope de ménages (des profils précaires, des préretraités ou encore des dynamiques nouvelles « d’investissement en milieu rural »), à partir d’une série d’entretiens.</p>
<h2>La métropole après la crise : des arrivées et des départs</h2>
<p>En Gironde, la crise du Covid-19 semble confirmer et accentuer les arrivées dans la métropole bordelaise. 11,7 % des déménagements en lien avec la crise sanitaire quittent la métropole pour rejoindre le reste de la Gironde contre 9,2 % parmi l’ensemble des déménagements.</p>
<p>Néanmoins, les déménagements à l’intérieur de la métropole (37 % des déménagements) et de l’extérieur de la Gironde vers la métropole (27,4 % des déménagements) en lien avec la crise sanitaire confirment plutôt un maintien des flux à destination de la métropole.</p>
<p>Autrement dit, les flux à destination de la métropole ne semblent pas être réorientés vers le reste de la Gironde à la faveur de la crise sanitaire. Les résultats des analyses suggèrent même plutôt un renforcement des flux depuis l’extérieur de la Gironde vers la métropole.</p>
<p>Ainsi, ces déménagements s’inscrivent probablement plus dans un fonctionnement territorial classique, que dans des effets propres à la crise sanitaire. Il reste, en effet, difficile de différencier des trajectoires classiques d’éventuelles spécificités des mobilités résidentielles liées au Covid-19.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise Thouron est doctorante Cifre à l'Agence d'Urbanisme Bordeaux Aquitaine. Dans le cadre de ses travaux de thèse, elle reçu des financements de l'ANRT.
</span></em></p>Les déménagements dans la région bordelaise semblent davantage s’inscrire dans un fonctionnement territorial classique, que dans des effets propres à la crise sanitaire.Elise Thouron, Doctorante en urbanisme, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2029702023-05-11T18:13:53Z2023-05-11T18:13:53ZRetraites, climat, immigration : et si les citoyens s’emparaient des « saisines territoriales » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525707/original/file-20230511-22-gh3xnt.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C642%2C377&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la ville de Mulhouse, les conseils citoyens existent depuis 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://mulhousecestvous.fr/pages/conseil-citoyen-2">Ville de Mulhouse</a></span></figcaption></figure><p>La crise politique et sociale autour de la proposition de réforme des retraites mais aussi des enjeux climatiques, incarne ce que nous appelons aussi la <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/quest-ce-que-la-nouvelle-gouvernance-publique/">« crise contemporaine de la décision publique »</a>. Or, comment y remédier ?</p>
<p>Plusieurs propositions impliquant plus directement les citoyens ont émergé, comme récemment, celle d’un <a href="https://www.lexpress.fr/politique/reforme-des-retraites-en-quoi-consiste-le-rip-le-referendum-dinitiative-partagee-WZY5DFHXL5GFNDKZTCQHVQZIGQ/">référendum d’initiative partagé</a> sur les retraites en examen au 3 mai.</p>
<p>Nous pouvons, dans la même démarche, poser la question d’autres types de consultations fondant plus étroitement la participation citoyenne et la méthodologie scientifique dans <a href="https://theconversation.com/quand-les-citoyens-evaluent-les-decisions-publiques-141749">l’évaluation économique des politiques publiques</a>. Cela semble nécessaire afin que soient exprimées correctement les préférences individuelles des citoyens et faire en sorte que les décisions prises par les politiques soient réellement en adéquation avec les attentes citoyennes. Mais cela nécessite qu’existe un réel volontarisme politique pour aller chercher la parole citoyenne. L’objectif est de jeter des ponts entre les parlementaires et les citoyens.</p>
<h2>Des exemples de démocratie directe</h2>
<p>L’exemple de la démocratie <a href="https://revue-democratie.org/systeme-politique-suisse-democratie-directe-ric">semi-directe en Suisse</a> alliant démocratie directe et représentativité, place les citoyens dans un rôle actif où ils peuvent approuver ou refuser des lois grâce aux référendums et aux <a href="https://theconversation.com/instaurer-un-mecanisme-de-veto-populaire-une-solution-pour-prevenir-les-crises-politiques-203805">initiatives populaires</a> dont cette dernière est aussi appliquée en Italie. Certes, faire évaluer une proposition de politique publique par les citoyens peut effrayer certains décideurs, soucieux de perdre leur <a href="https://theconversation.com/les-consultations-citoyennes-peuvent-elles-redefinir-la-legitimite-politique-176593">légitimité politique</a>, voire d’être sanctionnés dans la prise de décision.</p>
<p>C’est pourquoi le modèle de « saisine citoyenne » à l’échelle territoriale, fondée sur un ensemble de conseils citoyens, nous paraît intéressant comme approche démocratique dans un contexte où 54 % des Français estiment qu’il n’y a pas assez de démarches de participation citoyenne donc ont le sentiment d’être <a href="https://harris-interactive.fr/opinion_polls/barometre-de-lopinion-des-francais-sur-la-concertation-locale-et-la-prise-de-decision-publique-4e-vague">dépossédées de toute décision politique</a>.</p>
<p>En effet, si on prend l’exemple de la consultation citoyenne sur le système universel des retraites, il y a eu une <a href="https://participez.reforme-retraite.gouv.fr/">consultation mais pas de réelle communication sur la restitution citoyenne ainsi que la prise en compte de certaines propositions</a>. En 2021 la Convention citoyenne sur le Climat a elle aussi généré une <a href="https://reporterre.net/Macron-et-le-climat-3-3-sur-10-selon-la-Convention-citoyenne">forte déception citoyenne</a> car le gouvernement n’a retenu qu’une minorité des propositions. Dans ces conditions, les décideurs politiques cherchent-ils tout simplement à faire le « buzz » d’une <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/la-consultation-citoyenne-un-outil-democratique-ou-de-communication%e2%80%af/">véritable démocratie participative ?</a>.</p>
<h2>La saisine citoyenne territoriale</h2>
<p>Le concept de saisine citoyenne territoriale n’existe que dans très peu de territoires à l’exemple de la ville Malakoff où avec 1 400 signatures, les cyclistes de Malakoff s’invitent au conseil municipal pour appuyer un <a href="https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/avec-1-400-signatures-les-cyclistes-de-malakoff-s-invitent-au-conseil-municipal-26-06-2019-8103801.php">plan vélo</a> et de <a href="https://www.m2a.fr/agglo/gouvernance/fonctionnement/conseil-developpement/saisine-citoyenne/">l’agglomération de Mulhouse Alsace</a>. Actuellement, un sujet de saisine citoyenne sur l’intérêt d’une monnaie locale sur le territoire de Mulhouse Alsace est déposé par un citoyen du <a href="https://mag.mulhouse-alsace.fr/saisine-citoyenne-m2a/">réseau La Cigogne</a> auprès du Conseil de Développement de l’Agglomération.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Projet de monnaie locale à Mulhouse" src="https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525593/original/file-20230511-12732-r2hri4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Projet de monnaie locale à Mulhouse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://mag.mulhouse-alsace.fr/saisine-citoyenne-m2a/">Mag Mulhouse</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce type de saisine est conçue comme une possibilité à tout citoyen.ne ou groupe de citoyen.ne.s d’interpeller les collectivités territoriales sur des sujets d’importance, propositions et projets qui participeraient au mieux vivre ensemble au sein de leur territoire. Dans cette perspective, l’outil le plus pertinent selon nous serait le modèle des conseils citoyens (La Loi Lamy du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028636804">21 février 2014</a> dont l’expertise dans les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028636804">travaux des politiques publiques et le processus de décision publique</a> a été évalué positivement.</p>
<p>Ces conseils y sont composés d’habitants dits « citoyens ordinaires » tirés au sort ou volontaires et des représentants d’associations ou d’autres acteurs locaux. Par exemple, dans le cadre d’une enquête concernant la place en France de Conseils de Citoyens avec la crise sanitaire de 2020, 4 répondants sur 5 pensent que ces conseils offriraient plus d’écoute, de connaissance du terrain et de dialogue permettant aux décideurs de considérer les attentes de la population pour mieux prévenir et gérer la <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/crise-sanitaire-et-conseils-de-citoyens">crise sanitaire</a></p>
<p>Cette saisine repose sur la possibilité aux Conseils de Citoyens d’exiger et de participer directement ou indirectement au suivi et au contrôle des dépenses publiques, de déclencher et d’orienter les investigations, et d’attirer l’attention sur une politique publique territoriale en lien avec les régions, les départements et les communes mais également nationale avec le gouvernement et le parlement. Les citoyens sont ainsi « en alerte » sur la mise en œuvre des politiques publiques, sur le besoin des mutations et nouvelles régulations économiques de l’action publique.</p>
<h2>Quelle place pour les décideurs</h2>
<p>Les Conseils Citoyens fonctionneraient comme une instance démocratique locale et permettraient donc ensuite de « saisir » les organes de contrôle c’est-à-dire les collectivités territoriales, le parlement et le gouvernement voire le Conseil constitutionnel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Conseil citoyen, à Mulhouse" src="https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525597/original/file-20230511-21-pwmmnk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Conseil citoyen, à Mulhouse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://mag.mulhouse-alsace.fr/saisine-citoyenne-m2a/">Mag Mulhouse</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette saisine ferait donc office de contrôle citoyen sur des <a href="https://www.sciencespo.fr/opalc/sites/sciencespo.fr.opalc/files/Questionnementetude.pdf">termes de contrôle</a> à l’instar de la consultation proposée par la Cour des comptes dans le cadre du projet de juridictions financières « JF 2025 ». <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/actualites/plateforme-de-participation-citoyenne-decouvrez-les-sujets-de-controles-retenus">Six demandes de contrôle</a> ont été exprimées par les citoyens : le recours par l’état à des cabinets de conseil privé, l’évaluation de l’efficacité et la détection de la fraude fiscale des particuliers, les soutiens publics aux fédérations de chasseurs, l’école inclusive, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’intérim médical et la permanence des soins.</p>
<p>Cette démarche va plus loin qu’une simple consultation citoyenne et peut être critiquable en marginalisant la représentation par le vote, voire en délégitimant le rôle essentiel des élus. Il s’agit ainsi de considérer dans le management participatif l’importance des saisines des Conseils de Citoyens en tant qu’un outil de co-construction de la décision publique.</p>
<h2>Qu’en pensent les décideurs politiques ?</h2>
<p>J’ai complété des entretiens menés avec des <a href="https://www.village-justice.com/articles/consultation-citoyenne-vers-principe-redevabilite,42967.html">élus locaux</a> par une série d’entretiens dans le <a href="https://cepn.univ-paris13.fr/">cadre de mon habilitation à diriger des recherches</a> avec différents décideurs politiques au niveau national afin d’évaluer la façon dont ils perçoivent la pertinence de cette nouvelle échelle de participation citoyenne.</p>
<p>L’enquête compte le président de la Cour des comptes, un sénateur, deux députés afin de leur présenter la nature et la portée du contrôle citoyen dans l’évaluation économique des politiques publiques. Les conclusions sont que le contrôle citoyen n’est pas majoritairement souhaité par les élus nationaux. Le propos général est que si on se place du point de vue de l’évaluation économique « il y a trois logiques, la première est que la participation des citoyens n’est pas une expertise mais une plus-value, le savoir c’est l’expertise scientifique et la décision appartient aux experts politiques » (Président de la Cour des Comptes), « les élus ont la capacité de le faire » (sénateur), pour autant, la place des citoyens dans l’évaluation économique est essentielle pour les « responsabiliser » et donner plus de « clarté » à la décision publique à l’exemple de la réforme des retraites » (député).</p>
<p>Leurs conclusions montrent que les procédures d’évaluation économique sont très éloignées des citoyens en termes de contrôle. Pour autant, les citoyens se sentent capables de modifier, de rejeter ou d’accepter une <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/23855-quels-roles-un-citoyen-peut-il-jouer-dans-la-societe">politique publique</a>.</p>
<p>Dans ces conditions, malgré des réticences au niveau national, l’ensemble des politiques auditionnés considèrent que le territoire est le meilleur niveau pour associer les citoyens. Cette démarche pourrait venir conforter l’idée de mobiliser les Conseils de Citoyens dans la rédaction d’une « loi programme avec des objectifs communs » avec l’ensemble des parties prenantes de l’action publique en créant du lien entre le territoire et le national.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202970/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angélique Chassy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les saisines citoyennes à l’échelle territoriale pourraient jouer un rôle clef dans la prise de décision publique.Angélique Chassy, Docteure en Sciences Economiques - EM-Normandie - Business School - Enseignante-Chercheure, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032552023-04-11T17:00:47Z2023-04-11T17:00:47ZImmobilier : la propriété devient de moins en moins abordable, même dans les zones les plus pauvres<p>Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, publié en février dernier, on compterait en France 330 000 sans-abris, <a href="https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-publications/etat-du-mal-logement">au moins 4 millions de personnes mal logées</a> et 15 millions de personnes touchées par la crise du logement. Face à cette situation dramatique, l’un des enjeux porte sur les leviers de l’action sur les marchés du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/logement-28772">logement</a>. Ces dernières années, la production neuve a ralenti (430 000 logements en 2012 à 370 000 en 2022) et la production de logements sociaux continue de se résidualiser (126 000 logements sociaux financés en 2016, 95 000 en 2021, 96 000 en 2022).</p>
<p>Au-delà de ces chiffres, la situation s’explique aussi par le blocage de la chaîne du logement du fait du <a href="https://www.puf.com/content/Les_crises_du_logement">ralentissement de l’accession à la propriété</a> dans un contexte de hausse des prix. La <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676698?sommaire=3696937">part des primo-accédants tend à diminuer</a> au profit de celle des propriétaires ayant fini de rembourser leur emprunt.</p>
<p>Dans ce contexte, nous avons mené une enquête financée par le programme <a href="https://wisdhom.hypotheses.org">ANR WIsDHoM</a> (<em>Wealth Inequalities and the Dynamics of Housing Markets</em>) portant sur les aires urbaines de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paris-21728">Paris</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lyon-52163">Lyon</a> et Avignon. Nous relevons que dans ces trois zones, l’accès à la propriété est devenu la norme, tout en étant moins abordable, <a href="https://doi.org/10.1111/tesg.12460">creusant ainsi les inégalités</a>.</p>
<h2>Une diminution générale de l’abordabilité</h2>
<p>Dans chacune des trois agglomérations, nous avons sélectionné quatre communes aux tendances de marché contrastées et nous y avons mené une enquête par voie postale auprès des propriétaires résidents (1 427 réponses). Les résultats tirés de cette enquête ne concernent donc pas l’ensemble des trois agglomérations mais des secteurs de marché spécifiques.</p>
<p>Le sens général de l’évolution ressort sans équivoque : <a href="https://doi.org/10.4000/cybergeo.36478">l’abordabilité</a>, entendue comme le rapport entre les prix et les revenus, a diminué partout.</p>
<p>Dans les trois agglomérations, les communes où un mois de revenu suffit pour acquérir un mètre carré sont de plus en plus reléguées dans les périphéries alors que le périmètre de celles où il faut plus de deux mois de revenu pour un mètre carré ne cesse de s’étendre.</p>
<p>Le processus est le plus marqué pour l’agglomération parisienne, dont la ville centre et la première ceinture étaient déjà peu abordables en 2002. Les niveaux d’abordabilité sont un peu meilleurs dans les deux autres agglomérations (plus pour Lyon que pour Avignon toutefois), mais la situation se détériore significativement.</p>
<p><strong>Abordabilité des maisons : ratios prix – revenus localisés de 2002 à 2018</strong></p>
<iframe src="https://giphy.com/embed/UnrwMKDoJsv2LPbcGP" width="100%" height="416" frameborder="0" class="giphy-embed" allowfullscreen=""></iframe>
<p><a href="https://giphy.com/gifs/UnrwMKDoJsv2LPbcGP"></a></p>
<p>Cette diminution de l’abordabilité a eu pour conséquence une triple évolution : une plus grande sélectivité sociale des marchés, une mobilisation plus importante des propriétaires pour leur parcours d’accession, et une recomposition de la géographie des parcours patrimoniaux.</p>
<p>La sélectivité sociale peut être mesurée par la hausse de la part des ménages à dominante cadre parmi les acquéreurs, part qui passe de 27 % avant l’inflation immobilière à 43 % après 2008. Cette hausse est surtout importante dans la première période de hausse des prix de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobilier</a> à Paris et à Lyon, alors qu’elle est plus continue à Avignon.</p>
<p><iframe id="UpTci" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UpTci/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On observe également une certaine convergence : les écarts entre les terrains de l’enquête dans les trois agglomérations sont moins élevés après 2008. Même si les niveaux de prix sont très différents d’une agglomération à l’autre, l’évolution de l’abordabilité produit des résultats assez similaires en termes de filtrage social par le marché du logement.</p>
<h2>Le poids des transmissions intergénérationnelles</h2>
<p>La deuxième conséquence porte sur les ressources mobilisées par les ménages pour devenir propriétaires, <a href="https://doi.org/10.1080/02673037.2022.2141205">dans des logiques d’accumulation patrimoniale</a>. Les catégories sociales qui parviennent encore à devenir propriétaires doivent s’engager dans des parcours d’accession à la fois plus longs et plus contraignants que par le passé.</p>
<p>La durée moyenne des emprunts ne cesse de s’allonger dans les trois agglomérations : 15,7 ans pour les acquéreurs d’avant 2000, 20 ans après 2015. Dans le même temps, la part de ceux dont l’apport est inférieur à 25 % du prix d’achat passe de 30 % avant 2000 à 25 % après 2008. Ce rôle déterminant de l’apport initial renvoie à la proportion croissante d’acquéreurs bénéficiant de la revente d’un autre bien immobilier.</p>
<p><iframe id="mvqHq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mvqHq/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un tiers des acquéreurs des années 1980 et 1990 étaient déjà propriétaires avant d’acheter. Ils sont près de 60 % après 2008. <a href="https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/tunnel-de-friggit-et-courbe-de-friggit-qu-est-ce-a3578.html">Le découplage des prix et des revenus</a> n’est ainsi tenable que par cette réinjection du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/patrimoine-20390">patrimoine</a> issu de la revente de biens immobiliers pour financer les acquisitions suivantes, au détriment des primo-accédants. Dans cette dynamique, l’agglomération d’Avignon comble progressivement l’écart avec les métropoles parisienne et lyonnaise, et les dépasse même après 2008.</p>
<p>Dans ce contexte, le maintien des primo-accédants sur le marché passe par deux canaux distincts : les prêts aidés comme le prêt à taux zéro ou le prêt à l’accession sociale d’une part, les transmissions intergénérationnelles d’autre part. Les premiers connaissent surtout un essor entre 2000 et 2007 où 41 % (contre 19 % auparavant) des primo-accédants enquêtés en bénéficient. Ils refluent ensuite à 31 %, reflet de l’évolution des terrains étudiés (certains sortant du zonage de ces dispositifs) et de du niveau social des acquéreurs (ces prêts aidés étant versés sous condition de revenus).</p>
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<p>Le poids des transmissions intergénérationnelles pour les primo-accédants augmente quant à lui surtout après 2008. Alors que 18 % en bénéficiaient pour constituer un apport avant 2000 et 14 % entre 2000 et 2007, ce sont 33 % des primo-accédants qui mobilisent cette source après 2008. Sur des secteurs spécifiques de marché, les retournements des modes d’acquisition peuvent être rapides et la substitution des transferts intergénérationnels aux politiques d’aides à l’accession est un facteur renforçant les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a>.</p>
<h2>Les inégalités sociospatiales se redessinent</h2>
<p>L’évolution de l’abordabilité affecte aussi, et c’est la troisième conséquence, la géographie des mobilités résidentielles. 39 % des acquéreurs d’avant 2000 ont acheté dans la commune où ils résidaient, 29 % après 2008.</p>
<p><iframe id="UgS1d" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UgS1d/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce mouvement est continu dans les agglomérations de Lyon et d’Avignon, alors qu’il semble se retourner après 2008 à Paris. Un élément d’explication tient au fait que les ménages déjà propriétaires de l’agglomération parisienne réinvestissent plus souvent dans la même commune que ceux des deux autres agglomérations. 67 % des acquéreurs issus de la même commune étaient déjà propriétaires dans les communes autour de Paris, contre 46 % à Lyon et 30 % à Avignon.</p>
<p>Une partie des propriétaires franciliens semblent parvenir à mieux tirer parti des hausses de prix pour se maintenir dans leur commune alors qu’à Lyon et Avignon ils changent de localisation pour poursuivre leur parcours résidentiel. Les différentiels d’abordabilité enclenchent donc des mobilités géographiques et redessinent les inégalités sociospatiales. Ces effets ne peuvent être saisis qu’en étant attentifs aux interactions avec les autres déterminants des trajectoires patrimoniales.</p>
<p>En combinant une approche systématique des marchés dans trois agglomérations différentes, mais aux dynamiques convergentes, à une enquête plus ciblée sur des secteurs de marché contrasté, on peut voir comment la réduction générale de l’abordabilité, passant par la médiation de facteurs patrimoniaux (durée d’emprunt, apport initial, transmissions intergénérationnelles, revente d’un logement précédent), affecte les profils et les parcours des propriétaires. Ce faisant, on peut mieux caractériser le blocage de l’accession à la propriété en y distinguant trois dimensions : un filtre social de plus en plus puissant, un surcroit de mobilisation de ressources et une contrainte de localisation grandissante.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE41-0004">Inégalités patrimoniales et dynamiques du marché du logement : Comprendre le Régime d’Inégalités Spatiales liées au marché IMMObilier (CRISIMMO) – WIsDHoM</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203255/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Renaud Le Goix a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France (IUF). Le programme WIsDHoM a été financé par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR-18-CE41-0004) entre 2019 et 2022.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Loïc Bonneval ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La part de la population en mesure d’acquérir un logement se réduit partout, comme le montre une étude récente qui observe des dynamiques similaires à Paris, Lyon et Avignon.Renaud Le Goix, Professeur en géographie urbaine et économique, Université Paris CitéLoïc Bonneval, Maître de conférences en sociologie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998492023-03-13T19:55:47Z2023-03-13T19:55:47ZEt si on éliminait les accents… de nos façons de penser ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514907/original/file-20230313-18-xa9z39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C538%2C359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'accent, ressort comique dans _Bienvenue chez les Ch'tis_.</span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><p>On parle beaucoup des accents ces derniers temps, que ce soit pour envisager leur place dans les médias, pour dénoncer les discriminations dont certaines personnes peuvent faire l’objet, ou encore de manière ingénue, pour s’étonner de l’« accent » de <a href="https://www.lexpress.fr/culture/jean-castex-a-un-accent-et-alors_2130076.html">l’ancien premier ministre français</a>, Jean Castex.</p>
<p>Pour autant, on ne définit jamais l’accent, et on fait souvent comme si la notion s’imposait d’elle-même.</p>
<p>Or, elle pose tellement de problèmes aux chercheurs et chercheuses qu’il est désormais possible de se demander si nous n’avons pas intérêt à nous en passer, pour parvenir à communiquer avec plus de précision sur la variabilité des prononciations dont on souhaite parler. Cela fait plusieurs années que les <a href="http://glottopol.univ-rouen.fr/numero_31.html">approches critiques des accents se multiplient</a>, jusqu’au récent <a href="https://lidilem.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/lavoir-garder-perdre-prendre-accent-perspectives-sociolinguistiques-aps22">colloque de Grenoble</a> où nous avons plus clairement proposé de réserver ce terme aux discours spontanés et aux idéologies linguistiques, mais d’y renoncer dans les descriptions scientifiques en phonétique et le remplacer par une notion plus précise.</p>
<p>Cette question concerne aussi bien ce qu’on appelle couramment les accents régionaux des natifs que les accents étrangers des personnes parvenues à une excellente maîtrise de la langue, et dont on ne devine l’apprentissage non natif qu’à l’oral.</p>
<h2>Que peut-on reprocher au concept d’« accent » ?</h2>
<p>Tout d’abord de faire reposer sa définition essentiellement sur la perception d’autrui et non sur la production de variantes précises. Autrement dit, une personne qui a un accent est d’abord une personne qui prononce différemment de celle qui juge qu’elle a un accent. Ainsi, lorsqu’une Française discute avec une Québécoise, elles peuvent trouver réciproquement que l’autre a un accent. C’est pour cela que les linguistes expliquent souvent que tout le monde a un accent, pour mettre en avant cette relativité qui empêche de transformer la notion vague d’accent en concept opérationnel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-glottophobie-ou-la-langue-comme-outil-de-discrimination-53345">La glottophobie ou la langue comme outil de discrimination</a>
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<p>Si on approfondit un peu l’analyse des discours sur les accents, on s’aperçoit que la plupart du temps, en français, on considère que les manières de prononcer définies par le groupe qui détient le pouvoir symbolique à un moment donné (la cour du roi, la bourgeoisie de la capitale, les médias nationaux…) sont perçues comme « sans accent » alors que toutes les autres manières de prononcer sont décrétées comme « avec accent » (l’Américaine Rosina Lippi-Green parle du <a href="http://glottopol.univ-rouen.fr/telecharger/numero_31/gpl31_LippiGreen.pdf">« mythe du non-accent »</a>).</p>
<p>Le documentaire <a href="https://youtu.be/qO1QNSOm07c"><em>Avec ou sans accent</em></a> de Vincent Desombre illustre parfaitement cela à partir de différentes expériences en France. </p>
<div style="position:relative;padding-bottom:60%;height:0;overflow:hidden;">
<iframe style="width:100%;height:100%;position:absolute;left:0px;top:0px;overflow:hidden" frameborder="0" type="text/html" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x4sd7ry" width="100%" height="100%" allowfullscreen="" title="Dailymotion Video Player"></iframe>
</div>
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Cela nous amène au deuxième reproche qui a été fait à la notion d’accent : celui de servir uniquement à hiérarchiser les prononciations des gens, et donc servir une idéologie (qu’on a appelée une idéologie <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/discriminations-combattre-la-glottophobie%5D">« glottophobe »</a>, prônant en l’absence de tout problème d’intercompréhension le déni de certains droits, le déni d’accès à certains métiers, simplement en raison des manières de prononcer les consonnes, les voyelles et l’intonation de la langue.</p>
<p>Ce déni de droits apparaît de plus en plus comme injuste sur le fond, d’autant plus qu’il s’avère arbitraire dans son application et assez imprévisible. Il est à peu près impossible de définir de manière rigoureuse les traits de prononciation d’un accent particulier et prédire leur effet, la catégorisation qu’ils vont provoquer. </p>
<p>Prenons la manière de prononcer de Jean Castex, qui a suscité des dizaines d’articles dans la presse : certains journalistes ont considéré qu’il avait un accent « du Midi », d’autres un accent du sud-ouest, ou même un accent gersois, tandis que dans les villages du Gers on s’en étonnait et on considérait plutôt qu’il avait un accent bien parisien.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-les-accents-etrangers-a-la-television-francaise-178802">Quelle place pour les accents étrangers à la télévision française ?</a>
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<p>Cet exemple illustre parfaitement un autre grand reproche que nous faisons, en tant que sociolinguistes et sociophonéticiens, à la notion d’accent : elle introduit une illusion d’homogénéité, comme si toutes les personnes d’une ville ou d’une région prononçaient de la même manière. Cela est inexact : on peut trouver des traits de prononciations communs entre la Wallonie et la Provence, et des traits bien différents entre la prononciation d’une pharmacienne de Sète et celle de son cousin pêcheur dans la même ville. On trouve des différences de prononciation très importantes dans une région, dans un village et même dans une famille.</p>
<h2>Une personne, un accent : vraiment ?</h2>
<p>Et nous pouvons pousser la critique encore plus loin : on dit parfois, pour simplifier, qu’on peut « perdre » un accent – notamment un accent peu valorisé lorsqu’on déménage ou lorsqu’on vise à accéder à un statut social plus prestigieux. Mais en réalité il existe des millions de gens qui ne « perdent » pas un accent mais qui en apprennent un autre et qui modifient plus ou moins fortement leur prononciation en fonction de la région ou de l’interlocuteur (typiquement, une prononciation au travail à Paris et une autre avec sa grand-mère à Marseille).</p>
<p>Un sondage lancé sur Twitter, sur plus de 5 000 personnes, montre que ce phénomène est bien connu :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1520090209794371588"}"></div></p>
<p>Or, nous n’avons pas de mots consacrés pour désigner les personnes qui disent adapter leur accent en fonction des contextes : plurilingues de l’accent ? On a tendance à les soupçonner de duplicité, de trahir leur identité, de masquer leur « vrai accent » pour un accent d’emprunt, de façade, comme s’il existait un accent « authentique ».</p>
<p>Ainsi, lorsque la sénatrice socialiste Marie-Arlette Carlotti, à l’époque ministre déléguée du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, pratique comme tant d’autres des prononciations adaptées selon le contexte et donc différentes selon qu’elle s’exprime comme ministre sur une chaîne nationale ou comme élue marseillaise, cette capacité fait l’objet de moqueries et certains l’accusent d’adopter un accent marseillais artificiel et d’autres de masquer <a href="https://www.dailymotion.com/video/x15grjb">son « vrai » accent quand elle est à Paris</a>.</p>
<p>Mais l’accent authentique relève plus du fantasme ou de la construction sociale que d’une réalité stable et homogène. Puisque les langues changent en permanence, les accents changent aussi. Quel serait l’accent marseillais « authentique » aujourd’hui ? L’accent dit « de Pagnol » ou de Raimu qui nous renvoie presque un siècle en arrière, l’accent du comédien Patrick Bosso, l’accent du footballeur Zinedine Zidane ou l’accent du rappeur Jul ? Bien que considérés comme des Marseillais « authentiques », chacun d’eux parle avec des traits différents : observons ne serait-ce que leurs prononciations des « r », ou des « ti » et « tu ». </p>
<p>De même, nous n’avons pas de mots pour nommer les prononciations des personnes, la majorité finalement, qui ont acquis des façons de prononcer la langue marquée par leur mobilité géographique et sociale : l’accent picardo-algéro-alsacien n’existe pas dans nos façons de catégoriser, il existe mais dans la réalité des pratiques. Non seulement nous avons tous des façons de prononcer légèrement différentes en raison de nos mobilités, mais les recherches montrent en outre que nous adaptons nos consonnes et nos voyelles en fonction de celles de la personne à qui on s’adresse. Non seulement tout le monde a un accent, mais en fait tout le monde a plusieurs accents !</p>
<h2>Par quoi remplacer cette notion bien commode ?</h2>
<p>Nous proposons de parler plutôt de la pluriphonie de la langue (le fait qu’on peut prononcer de différentes manières la même langue), de la pluriphonie d’une région, d’un village ou d’une personne (définie comme la coexistence de différents traits de prononciation dans une région donnée ou chez une personne donnée), plutôt que d’accent.</p>
<p>Et lorsque certaines variantes de prononciation sont attribuables aux habitudes d’une région ou d’un groupe, on peut parler de traits régionalement ou socialement marqués, plutôt que d’accent (forcément stéréotypé). On pourrait dire d’une même personne qu’elle a des « ang » perçus comme marseillais, des « p » perçus comme anglais et des « s » perçus comme espagnols. Ou bien qu’elle se met à diphtonguer son « parléy » <a href="http://glottopol.univ-rouen.fr/telecharger/numero_31/gpl31_01prikhodkine.pdf">quand elle parle à sa voisine suisse</a>.</p>
<p>Les manières de prononcer le français dans la francophonie, y compris en France donc, changent sans cesse. L’enjeu de décrire cette dynamique n’est pas uniquement scientifique, mais aussi politique. Éliminer les accents de nos façons de penser, cesser d’en faire des catégories opérationnelles pour classer les gens, cela pourrait être une manière de favoriser la vivacité des différentes manières de prononcer une langue comme le français mais aussi une manière de prendre conscience de la richesse de sa propre palette stylistique dans le domaine de la prononciation. Cela éviterait deux écueils redoutables : l’homogénéisation à marche forcée de l’ensemble de la francophonie et le repli identitaire autour d’introuvables « accents authentiques purs ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199849/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La notion d’accent, trop associée à des stéréotypes, fait l’objet de critiques de taille en sociolinguistique.Maria Candea, Professeure en linguistique et sociolinguistique française, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 Médéric Gasquet-Cyrus, Maître de conférences en sociolinguistique, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995452023-02-20T17:16:46Z2023-02-20T17:16:46ZDans les pays développés, des inégalités moindres mais plus localisées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508953/original/file-20230208-25-332kit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1107%2C0%2C2874%2C1634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les mouvements contestataires, comme ici les « gilets jaunes » à Belfort, avaient plus à voir avec une logique de polarisation que d'inégalités entre régions ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Thomas Bresson/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La construction et l’exploration d’ensembles de <a href="https://data.europa.eu/elearning/fr/module1/#/id/co-01">données de plus en plus vastes</a> qui couvrent désormais presque tous les pays du monde ont permis d’améliorer de manière significative la compréhension des inégalités. Des institutions telles que le <a href="https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2022/03/Global-inequalities-Stanley">Fonds monétaire international</a> ou encore l’<a href="https://www.oecd.org/social/inequality-and-poverty.htm">OCDE</a> produisent des rapports toujours plus complets sur la répartition des richesses dans le monde.</p>
<p>Ces études abordent très souvent les disparités <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">entre individus</a> ou entre États. Elles restent peut-être moins fréquentes à s’intéresser à l’<a href="https://theconversation.com/les-inegalites-de-developpement-economique-dans-lunion-europeenne-76637">échelon régional</a>. Or, c’est à ce niveau de focale que transparaît souvent la montée des populismes et de mouvements contestataires tels que les <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-quest-ce-que-cest-108213">« gilets jaunes »</a> en France, le trumpisme aux États-Unis ou <a href="https://theconversation.com/en-espagne-podemos-se-prepare-a-lapres-pablo-iglesias-163598">Podemos</a> en Espagne, en particulier dans les <a href="https://theconversation.com/les-territoires-oublies-de-lelection-presidentielle-174817">« territoires oubliés »</a>. Dans ces derniers, on observe un déclin de l’offre de services publics, des difficultés à se développer économiquement, et un sentiment général d’avoir été abandonné par les politiques publiques.</p>
<p>Plus encore que les inégalités interpersonnelles, les inégalités régionales sont présumées avoir un ascendant sur les <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">résultats des élections</a>. Elles reposent sur des dotations inégales en termes de ressources matérielles (infrastructures, services publics) comme immatérielles (connaissances et innovation).</p>
<p>Elles restent pourtant souvent ignorées par les politiques publiques. La réforme de l’assurance chômage mise en place récemment par le gouvernement a ainsi pu être <a href="https://theconversation.com/la-reforme-de-lassurance-chomage-pourrait-creuser-les-inegalites-et-accelerer-la-polarisation-de-lemploi-195713">critiquée</a> dans la mesure où elle ne considérait pas les différences entre régions, ne faisant varier les paramètres des allocations que selon une moyenne nationale.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0143622822000091">étude</a> montre pourtant l’importance des dynamiques territoriales en amenant des éléments de compréhension nouveaux. Notre panel met notamment en évidence que, dans les pays développés, les inégalités régionales demeurent relativement faibles mais que la polarisation spatiale reste très marquée, tout l’inverse des pays en développement.</p>
<h2>Divergence/convergence ou centres/périphéries ?</h2>
<p>Dans la sphère académique, deux oppositions semblent schématiquement se distinguer : entre logiques de convergence ou de divergence ; entre polarisation territoriale et développement autonome des régions.</p>
<p>Un premier courant propose une approche en termes de <a href="https://hal.science/hal-02424898/document">convergence</a> dans la lignée du « Nobel » Simon Kuznets : les premiers stades de développement d’une économie vont être caractérisés par de fortes inégalités régionales mais ces dernières finissent par diminuer lorsque la nation atteint un certain seuil de développement. Le capital se déplace rationnellement, selon l’approche néoclassique, vers des régions moins développées, où les salaires sont plus bas et le foncier moins cher. La mobilité et la diffusion des facteurs tendent à égaliser les différences régionales sur le long terme.</p>
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<p>L’autre courant, héritier, lui, d’une perspective néomarxiste, suppose que le mouvement s’oriente plus spontanément vers des <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2017-1-page-17.htm">divergences</a>, condition préalable à l’accumulation de capital dans les régions riches.</p>
<p>Perpendiculairement, on recense également des approches que l’on peut qualifier de « structuralistes » qui articulent leur raisonnement sur des inégalités nées de systèmes de type <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/centres-et-peripheries-en-europe-de-leurope">centre-périphérie</a>. Le niveau de développement d’une région y dépend des relations qu’elle développe avec le reste des régions. Viennent à l’opposé des approches « régionalistes » considérant que les régions disposent par elles-mêmes des <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/15572?lang=fr">ressources nécessaires</a> pour projeter et suivre la voie de développement qu’elles ont choisie.</p>
<p>Au milieu de ce panorama académique, notre étude articule différentes perspectives.</p>
<h2>Polarisation et trappes de développement</h2>
<p>Nos travaux sur les pays de l’OCDE entre 2000 et 2018 confirment bien que les inégalités régionales restent en moyenne plus faibles dans les pays développés que dans les pays en développement. Nous montrons néanmoins que, lorsque l’on analyse la concentration géographique de la richesse, une polarisation reste plus marquée dans les pays très industrialisés.</p>
<p>Pour appréhender les inégalités, nous avons considéré le coefficient de Gini, un indicateur qui compare la répartition des revenus à une répartition parfaitement équitable. Il s’approche de 1 dans la situation la plus inéquitable (un individu a tout et les autres n’ont rien), et de 0 quand chacun dispose des mêmes ressources.</p>
<p>La mesure de la polarisation géographique repose sur des indicateurs moins connus par le grand public mais très utilisés chez les économistes et géographes. Il s’agit de mesurer la concentration spatiale d’un indicateur donné, de voir si les données sont dispersées dans l’espace ou au contraire concentrées dans un ou quelques lieux. La méthode, développée par le statisticien australien Patrick Moran, conduit à calculer un score que varie entre -1 pour une dispersion parfaite, à 1 pour une polarisation totale.</p>
<p><iframe id="HI7vj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HI7vj/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Lorsque l’on se place dans une perspective dynamique, on observe par ailleurs que la polarisation spatiale de la richesse régionale n’obéit pas nécessairement aux mêmes trajectoires que les inégalités régionales. La Belgique et le Mexique ont par exemple suivi des trajectoires perpendiculaires ces dernières années. Le niveau des inégalités est resté au même niveau en Belgique mais la polarisation s’est accrue. Quant au Mexique, le niveau de polarisation n’a pas évolué quand les inégalités se sont quelque peu résorbées. Autres cas, la Russie a vu ces deux paramètres s’accroître, les Pays-Bas diminuer.</p>
<p><iframe id="rwskl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwskl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le constat nous conduit à émettre l’hypothèse que c’est la polarisation géographique, et pas seulement la différence entre les régions les plus pauvres et les plus riches, qui cause du tort aux trajectoires de développement régional. Le regroupement géographique peut conduire à quelque chose de similaire au manque de mobilité sociale des familles pauvres qui sont regroupées spatialement dans les mêmes quartiers pauvres. C’est s’enfermer dans des trappes de développement, auxquelles seules des politiques véritablement territorialisées peuvent répondre pour accroître la cohésion territoriale et construire un monde plus équitable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les inégalités entre les régions tendent à diminuer, les inégalités au sein même d'une même zone semblent se creuser.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995422023-02-15T23:11:10Z2023-02-15T23:11:10ZComment les acteurs du commerce se « réancrent » sur le territoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508935/original/file-20230208-22-knv1ns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C79%2C910%2C599&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le saint-nectaire, un produit local valorisé dans les supermarchés auvergnats.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Saint_nectaire_fermier.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis la crise sanitaire, les consommateurs sont plus nombreux à s’orienter vers les commerces de proximité en privilégiant les <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2014-4-page-455.htm">circuits courts</a> et les produits locaux et de terroir. Ces derniers représentent d’ailleurs la première attente des clients pour les produits de grande consommation et pourraient permettre aux grandes surfaces d’engendrer un chiffre d’affaires supplémentaire estimé à <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-produits-locaux-cette-belle-endormie-qui-peut-sortir-les-commercants-du-marasme-1901116">500 millions euros</a>.</p>
<p>Par ailleurs, l’expérience de consommation n’a jamais impliqué <a href="https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-03793081.html">autant de points de contact</a> avec les clients que ces dernières années. De nombreuses enseignes déploient aussi des stratégies omnicanales, alliant expériences physiques en magasin, et digitales, en ligne, du consommateur. Elles s’appuient dès lors sur la donnée client, issue, par exemple, des réseaux sociaux, pour mieux comprendre les attentes et répondre au mieux aux besoins.</p>
<p>Ce triptyque constitué par les produits locaux et de terroir, l’omnicanal et la connaissance client est aujourd’hui au cœur de la <a href="https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-03793081.html">nouvelle forme de proximité</a> qui se met en place. <a href="https://clerma.uca.fr/version-francaise/evenements/agenda-des-seminaires/journee-de-recherche-en-marketing-%C2%AB-distribution-4-0-marques-et-territoires">La journée de recherche en marketing</a> « Distribution, Marques & Territoire(s) » organisée fin 2022 par le CleRMa (Clermont Recherche Management) a permis aux acteurs et aux chercheurs de détailler davantage chacun de ses leviers.</p>
<h2>Des marques qui ont du sens</h2>
<p>Les produits locaux et régionaux s’invitent de manière croissante dans les rayons des supermarchés et hypermarchés. Les distributeurs ont en effet bien saisi l’intérêt croissant pour une offre terroir et se doivent d’avoir un assortiment en phase avec les attentes du marché. En effet, les marques régionales de terroir sont <a href="https://afmmarketingblog.wordpress.com/2018/05/03/mdd-de-terroir-image-prix-enseignes/">porteuses de sens</a> et mettent en valeur la culture et la solidarité régionale.</p>
<p>Les enseignes référencent à la fois des marques de fabricants et leurs propres <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0767370118759369">marques de distributeurs</a> (des « MDD » comme Reflets de France, nos Régions ont du Talent, etc.) qui regroupent plusieurs spécialités régionales répondant à un <a href="https://hal.science/hal-02056970">cahier des charges relativement strict</a>. Ces MDD de terroir doivent communiquer sur le triptyque suivant : un lien fort avec l’origine ou le lieu témoignant d’un ancrage physique, une forte relation avec l’histoire du produit, des connexions avec les acteurs locaux en termes de savoir-faire collectifs spécifiques partagés (proximités identitaire et cognitive).</p>
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<p>Au-delà des conditions nécessaires à la bonne perception de ces produits de terroir, leur implantation encore trop modérée (3 %) doit également passer par un accroissement de la <a href="https://leconnecteur.org/quelle-place-pour-les-produits-locaux-de-qualite-dans-la-grande-distribution/">décentralisation du référencement des biens</a> produits en région. C’est notamment ce qu’a fait Auchan, comme nous l’a indiqué Franck Barbry, responsable des produits locaux de l’enseigne, qui ouvre par ailleurs son espace de vente à des producteurs locaux dans un certain nombre de catégories de produits, par exemple le <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/innovation-recherche/0604066645615-fromages-paul-dischamp-investit-dans-le-cantal-et-le-puy-de-dome-340426.php">saint-nectaire</a> en Auvergne.</p>
<h2>Une proximité en ligne et en magasin</h2>
<p>Si les blogs, les sites Internet, les réseaux sociaux ou les applications appartiennent au domaine du virtuel, ils permettent néanmoins de renforcer aussi le sentiment de proximité. Le numérique est en effet riche de « lieux » d’ancrage territorial pour faire connaître les acteurs locaux, mettre en avant leurs savoir-faire et les valoriser. La richesse de l’information et les territoires d’expression de ces points de contact permettent à l’enseigne de s’enraciner.</p>
<p>Par exemple, la marque Auvergne, qui fédère plus de 500 adhérents œuvrant à l’attractivité de ce <a href="https://theconversation.com/fr/topics/territoires-33611">territoire</a>, a lancé une marketplace <a href="https://www.achetezenauvergne.fr/">« Achetez en Auvergne »</a> qui propose déjà 4 500 produits de <a href="https://leconnecteur.org/la-place-de-marche-auvergnate-une-opportunite-pour-les-productions-locales/">170 producteurs, artisans et commerçants</a>.</p>
<p>Ce volet numérique ne constitue qu’une partie d’une stratégie dite <a href="https://youtu.be/uQfTVR6XeV0">« omnicanale »</a> qui consiste à multiplier les points d’interaction, y compris physique, avec le client. Loin d’une virtualisation désincarnée, le fait de posséder un ou plusieurs espaces physiques sous forme de magasin, par exemple, permet en effet de matérialiser, d’incarner, de faciliter la rencontre physique. L’échange avec l’acteur local, le producteur local prend alors une tout autre dimension.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/suffit-il-detre-attache-a-une-region-pour-acheter-local-159064">Suffit-il d’être attaché à une région pour acheter local ?</a>
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<p>La dimension physique d’une stratégie omnicanale permet donc de rendre vrai, de rematérialiser… En cette période post-pandémie où les individus recherchent cette matérialité, la possibilité <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2022-3-page-113.htm">d’offrir de belles rencontres</a> entre personnes appartenant à un même territoire constitue une forme d’ancrage territorial. C’est ce que s’attache à faire la fromagerie Dischamps en ouvrant une <a href="https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/coren_15055/cantal-les-fromageries-paul-dischamp-ouvrent-une-boutique-pres-de-saint-flour_52579214.html">boutique spécifique</a> à Saint-Flour (Cantal) avec un atelier entièrement neuf pour fabriquer et affiner du Cantal AOP en parallèle de la distribution de ses produits référencés dans certaines enseignes.</p>
<p>Des évènements dans l’espace physique pourront ensuite se poursuivre sur les réseaux sociaux. Des conversations entre habitants d’un même quartier sur des questions de leur quotidien peuvent par exemple constituer un autre moyen pour la marque d’être au cœur du territoire.</p>
<h2>L’apport de la data</h2>
<p>La multitude de points de contact permet donc aux consommateurs de prolonger l’expérience de la marque au-delà de l’acte d’achat. Ceci a été notamment facilité par les médias sociaux, points de rencontre et d’expression des clients en ligne aussi bien sur les aspects positifs que négatifs.</p>
<p>En utilisant les technologies de traitement automatique du langage naturel (NLP) et d’analyse de données, les distributeurs peuvent obtenir une vision plus complète de leur marché et de leurs clients. Traditionnellement, les enseignes utilisaient des données structurées, comme celles recueillies par les programmes de fidélité, pour prendre des décisions. Ces données sont utiles, mais elles ne suffisent plus. Les distributeurs doivent désormais également intégrer les nombreuses données non structurées produites par leurs clients, telles que des textes, des images et des vidéos.</p>
<p>Les consommateurs en produisent en abondance sur les réseaux sociaux, comme Twitter, ou sur les stores d’applications, tels que Google et Apple. Les distributeurs doivent être en mesure de traiter ces données pour en extraire des informations utiles.</p>
<p>L’application développée par Carrefour constitue un bon exemple de cette stratégie. Il s’agit d’un point de contact important pour les clients. Ils peuvent y intégrer leur carte de fidélité, faire leur liste de courses, commander en ligne avec livraison à domicile ou récupération en drive. Les avis laissés par les utilisateurs de l’application sur les stores d’applications sont une source importante de données non structurées.</p>
<p>En utilisant la technologie NLP, les distributeurs peuvent traiter ces avis et en extraire des informations sur les préoccupations des clients. Ces informations peuvent être synthétisées en quelques thématiques, pour ensuite être quantifiées et intégrées dans des tableaux de bord avec les données habituelles. Cela permet aux enseignes d’avoir une vision plus juste de leur marché et de prendre des décisions managériales plus éclairées.</p>
<p>Forcé à se réinventer, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commerce-20442">commerce</a> joue donc aujourd’hui de plusieurs « cordes à son arc », entre le développement de produits locaux et de terroir, la création de nouvelles formes de proximité en « phygitalisant » les parcours client et en améliorant leur connaissance client grâce à cette nouvelle data.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les distributeurs cherchent à répondre aux nouvelles habitudes de consommation en s’appuyant sur les marques régionales de terroir, une stratégie « omnicanale » et la donnée client.Emna Cherif, Maître de conférences en Sciences de gestion et marketing, Université Clermont Auvergne (UCA)Cédrine Zumbo-Lebrument, Enseignante-chercheuse en marketing, ESC Clermont Business SchoolChristine Lambey-Checchin, Maître de Conférences, Axe Stratégie, Territoire et Réseaux d'acteurs (STeRA), IAE Clermont Auvergne - School of Management, Université Clermont Auvergne (UCA)Jérôme Lacœuilhe, Professeur des Universités en marketing, directeur de l'IUT Sénart-Fontainebleau, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Julien Cloarec, Assistant Professor of Data Science, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Régine Vanheems, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1997032023-02-14T20:36:18Z2023-02-14T20:36:18ZDéserts médicaux : l’accès réel des patients aux soins est aussi important que le nombre de médecins<p>En France, l’accessibilité aux soins et les difficultés qu’elle présente pour les citoyens sont tous les jours un peu plus au centre du débat public.</p>
<p>Les initiatives locales ou nationales destinées à l’améliorer sont nombreuses. Encore très récemment, une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0741_proposition-loi">proposition de loi contre les déserts médicaux déposée à l’Assemblée nationale</a> suggérait par exemple de contraindre l’installation des médecins dans des territoires sous dotés : cette dernière serait soumise, pour les médecins et les chirurgiens-dentistes, à une autorisation délivrée par les <a href="https://www.ars.sante.fr/">Agences régionales de santé (ARS)</a>.</p>
<p>L’accessibilité aux soins est, de manière générale, évaluée par l’<a href="https://www.irdes.fr/Publications/2012/Qes174.pdf">adéquation spatiale entre l’offre et la demande de soins</a>. Mais si, pour mesurer cette adéquation, l’offre de soins dans les territoires est relativement bien connue (notamment grâce à une bonne connaissance de la densité de médecins généralistes ou spécialistes et des temps d’accès des patients à ces praticiens), la demande de soins est souvent simplement estimée d’après le nombre potentiel de patients d’un territoire et leur âge.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reguler-linstallation-des-medecins-la-comparaison-avec-le-cas-allemand-197763">Réguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand</a>
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<p>Or ces deux données préjugent assez peu de leurs besoins effectifs de soins ou de leurs contraintes de déplacement (logistiques, familiales, professionnelles…). Dès lors, dans des territoires qualifiés de « sous dotés », l’accès aux soins est très variable : il n’est pas systématiquement difficile… tout comme dans des territoires suffisamment dotés, il n’est pas automatiquement plus aisé.</p>
<p>Il convient donc de dépasser une lecture simplificatrice liant uniquement densité des ressources médicales et accessibilité.</p>
<p>Pour rendre compte des difficultés réelles d’accès aux soins, une lecture véritablement centrée sur le patient est préférable. C’est ce que permet l’étude du <a href="https://theconversation.com/hopital-financement-au-parcours-de-soins-lhumain-avant-loutil-101076">parcours de soins</a>, qui renvoie aux soins (soins hospitaliers et de ville) et aux services de santé connexes (pharmacie, radiologie, laboratoire) nécessaires à la prise en charge d’une pathologie. Il a l’avantage de fournir une description détaillée des besoins en soins, de questionner leur articulation et d’inclure la dimension spatiale indissociable de la notion de parcours.</p>
<h2>L’Accessibilité potentielle localisée (APL), un indicateur incontournable</h2>
<p>Les principales mesures des difficultés d’accès aux soins utilisées en France reposent essentiellement sur des indicateurs de densité médicale et de temps d’accès au professionnel de santé le plus proche.</p>
<p>Ces mesures ont l’avantage de fournir une information synthétique et claire. Cependant, elle présente des limites importantes : les données de densité fournissent un chiffre global, pour le territoire dans son ensemble, mais elles ne restituent pas la variabilité de l’accès aux soins sur ce territoire. En effet, le fait qu’un patient se trouve à moins de 10 minutes d’un médecin généraliste ne préjuge pas de sa capacité et possibilité réelle à accéder à cette ressource médicale.</p>
<p>Pour dépasser ces limites, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) ont développé l’indicateur d’accessibilité aux soins : l’<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/lindicateur-daccessibilite-potentielle-localisee-apl"><strong>accessibilité potentielle localisée</strong></a> (APL).</p>
<p>Cet indicateur prend en considération la disponibilité des médecins généralistes libéraux sur un <a href="https://www.insee.fr/fr/information/6676988">« bassin de vie »</a>, défini par l’Insee comme le plus petit territoire au sein duquel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. La France métropolitaine est ainsi constituée de 2 739 bassins de vie comprenant chacun en moyenne 23 300 habitants.</p>
<figure><a href="https://drees.shinyapps.io/carto-apl/" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/509578/original/file-20230211-20-pkqd2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=489&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Cartede la densité d’installation des médecins en France, territoire vie-santé (carte cliquable).</figcaption></a></figure>
<p>L’APL intègre une estimation de l’activité des médecins ainsi que des besoins en matière de santé définis notamment en fonction de l’âge de la population locale. Il est donc plus précis que les indicateurs de densité médicale ou de temps d’accès au médecin le plus proche. <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/lindicateur-daccessibilite-potentielle-localisee-apl">L’APL est exprimée en nombre d’ETP (équivalents temps plein)</a> de médecins présents sur un bassin de vie, et peut être convertie en un temps moyen d’accès à ces médecins (exprimé en minutes).</p>
<p>L’APL a été au départ principalement calculée pour les médecins généralistes libéraux, elle est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0398762018314834">maintenant également déterminée pour chacun des autres professionnels de santé de premier recours</a> : infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, gynécologues, ophtalmologues, pédiatres, psychiatres et sages-femmes.</p>
<h2>Déserts médicaux : les chiffres « statiques »</h2>
<p>Les <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/dd17.pdf">« déserts médicaux »</a> constituent sans doute l’expression la plus visible, dans le débat public, des différents modes de calcul de l’APL. L’APL permet en effet de calculer, pour chaque bassin de vie, un nombre moyen de consultations annuelles accessibles (potentielles) pour chaque habitant en tenant compte notamment du nombre d’ETP de médecins présents sur le bassin de vie, du temps moyen d’accès et du recours moyen au service de ces médecins par les patients.</p>
<p>Pour qu’un bassin de vie soit qualifié de désert médical (ou « territoire sous dense » en offre de santé), la DREES retient un <strong>seuil minimum de 2,5 consultations accessibles par an et par habitant.</strong></p>
<p>Selon une estimation récente de la DREES, <strong>9 % de la population française réside dans des territoires « sous denses »</strong>, soit environ 6 millions de personnes. Mais il existe des disparités importantes selon les régions : 29 % de la population de la Guyane ou 25 % de celle de la Martinique vivent dans un désert médical, 16 % des habitants du Val-de-Loire, 15 % de la population corse contre seulement 4 % des habitants de Hauts-de-France et 3 % de ceux de la Provence-Alpes-Côte d’Azur.</p>
<p>Mesurer l’accessibilité aux soins à partir des ETP de professionnels de santé ou du temps d’accès à ces professionnels renseigne de manière assez exhaustive sur l’offre de soins présente sur un bassin de vie. En revanche, cela nous informe assez peu sur la demande de soins qui, elle, dépend des besoins réels des patients.</p>
<p>Dans deux articles récents, nous démontrons qu’aux côtés du calcul de l’APL, l’analyse fine des parcours de soins des patients contribue à mieux appréhender la demande réelle de soins. Nos travaux nuancent alors le découpage assez binaire de la carte de France en territoires « sous denses » d’un côté et « suffisamment denses » de l’autre.</p>
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<h2>L’analyse des parcours de soins : la clef pour accéder aux difficultés réelles des patients</h2>
<p>Dans un premier article de recherche, nous avons <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2021-3-page-397.htm">identifié le rôle du parcours de soins</a> en montrant en quoi il peut être révélateur de l’accentuation ou de la réduction des difficultés d’accès aux soins en proposant une lecture territorialisée de ce parcours et une première catégorisation des situations.</p>
<p>Les principales caractéristiques de ce parcours (types de soins, localisation des professionnels de santé, nombre de déplacements à effectuer, modes de déplacements accessibles) nous renseignent sur des contraintes complémentaires d’accessibilité aux soins auxquelles sont confrontés les patients.</p>
<p>Dans un deuxième article de recherche, à partir d’une méthodologie de cartographie géographique, nous avons croisé les données mobilisées pour le calcul de l’APL (densité médicale, activité des médecins et temps d’accès à ces professionnels) avec les données relatives aux parcours de soins d’une cohorte de 1800 patientes prises en charge pour un cancer du sein dans un établissement spécialisé de l’ex-région Auvergne.</p>
<p>Cette approche dynamise et enrichit l’analyse de l’accessibilité aux soins en démontrant notamment que les difficultés d’accès ne sont pas systématiquement concentrées dans des déserts médicaux plutôt situés en zones excentrées ou rurales.</p>
<p>Elle permet d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953620308777">identifier quatre principales catégories de parcours de soins</a>, pouvant apparaître dans des territoires « sous denses » en offre de santé comme dans des bassins de vie suffisamment « denses » :</p>
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<li><p><strong>Les parcours de soins aisés :</strong> dans les aires urbaines des grandes agglomérations et des petites villes proches, marquées par un accès aisé à l’ensemble des services de soins (classe 2).</p></li>
<li><p><strong>L’accessibilité aux hôpitaux :</strong> dans les aires urbaines des villes moyennes qui abritent un centre hospitalier pouvant prendre ponctuellement le relais de l’établissement spécialisé de la région (classe 1).</p></li>
<li><p><strong>L’accessibilité aux professionnels de santé :</strong> dans les territoires ruraux où la distance et/ou la fréquence des déplacements rendent malaisée l’accessibilité aux services hospitaliers, mais où l’accès aux services de proximité est bon (classe 3).</p></li>
<li><p><strong>Les parcours éloignés :</strong> dans les territoires ruraux ou périurbains où, selon les cas, la distance, la fréquence des déplacements ou la faiblesse des moyens de déplacement peuvent rendre malaisée l’accessibilité à l’ensemble des services de soins (classe 4).</p></li>
</ul>
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<img alt="Carte montrant le côté mosaïque de l'accès aux soins" src="https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=652&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=652&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=652&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509576/original/file-20230211-18-tgpzf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte des parcours de soins en cancérologie du sein (ex région Auvergne et départements limitrophes). Les distances sont à vol d'oiseau, du domicile des patientes aux services médicaux (pharmacie, médecin généraliste, centre hospitalier disposant d'un service de cancérologie, CLCC Jean-Perrin).</span>
<span class="attribution"><span class="source">MC, UMR Territoires (2019)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Quelles perspectives pour l’amélioration de la prise en charge ?</h2>
<p>En intégrant les difficultés vécues par les patients, le croisement de données spatiales sur l’offre de soins avec celles provenant du parcours de soins permet une lecture plus dynamique de leur accès effectif aux soins.</p>
<p>Il en résulte une modification de la réalité de terrain au sein des territoires. Ainsi, dans l’exemple auvergnat étudié, l’accessibilité aux services de soins dans les Combrailles ou le Livradois peut être malaisée malgré la relative proximité de Clermont-Ferrand.</p>
<p>Cela pousse à nuancer l’efficacité de certaines solutions mises en œuvre pour réduire ces difficultés : aides financières ou contraintes à l’installation de médecins, exercice en maisons de santé, contrats de praticien territorial de médecine générale, télémédecine, téléconsultation… Ces solutions devraient intégrer une lecture du parcours du patient.</p>
<p>En effet, d’une part, les quatre catégories de parcours de soins identifiés dans notre étude montrent combien l’accessibilité peut être diffuse dans les territoires qu’ils soient « denses » ou « sous denses », et combien celle-ci est dépendante de caractéristiques médicales et socio-économiques des patients.</p>
<p>Cette constatation renforce l’idée que les territoires de santé ne peuvent pas être appréhendés d’une manière principalement comptable, trop abstraite. Il est nécessaire de les aborder comme des espaces vécus où besoins et offre de soins s’agencent à partir des caractéristiques du territoire et de sa patientèle.</p>
<p>D’autre part, ces résultats suggèrent d’associer aux nombreuses mesures politiques ou managériales appliquées la gestion des parcours de soins. Ce qui est déjà réalisé, de manière très étendue, dans de nombreux pays développés. Ce sont par exemple le cas avec les <a href="http://canadianoncologynursingjournal.com/index.php/conj/article/view/145/153">infirmières pivots</a> au Canada ou les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-2702.2009.02900.x">case managers</a> – gestionnaires de cas – aux États-Unis, en Suisse ou encore au Royaume-Uni.</p>
<p>Pour cela, en France, il y a probablement à penser la place que peuvent occuper certains professionnels de santé, situés au plus près de ces parcours, tels que les <a href="https://theconversation.com/reforme-de-lacces-aux-soins-comment-le-projet-pourrait-generer-une-crise-de-confiance-et-comment-leviter-199213">infirmier·e·s en pratiques avancées</a> exerçant en maisons de santé, hôpitaux ou établissements médico-sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Mériade a reçu des financements de l'Université Clermont Auvergne (UCA) et du Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Rochette a reçu des financements de l'université Clermont Auvergne et du cancéropôle Lyon Auvergne Rhône Alpes</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Milhan Chaze et Éric Langlois ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La notion de « désert médical » est désormais bien connue du grand public en France. Mais elle est encore trop souvent définie de façon statique… Comment avoir un rendu plus dynamique, et plus juste ?Laurent Mériade, Professeur des Universités en sciences de gestion - Titulaire de la chaire de recherche "santé et territoires" - IAE, Université Clermont Auvergne (UCA)Corinne Rochette, Professeure des universités en management public et de la santé HDR, Titulaire de la chaire de recherche Santé et territoires, IAE- Université Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Éric Langlois, Ingénieur d'études en géomatique, docteur en géographie, UMR Territoires, Université Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Milhan Chaze, Ingénieur de recherche en géographieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985352023-02-08T19:50:30Z2023-02-08T19:50:30ZPrendre en compte la « géodiversité » pour mieux gérer nos territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506481/original/file-20230125-20-fwa05m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grand Prismatic Spring vu du ciel, dans le parc national de Yellowstone (USA) : une source d’eau chaude à l’origine d’une géodiversité extraordinaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">https://fullsuitcase.com/grand-prismatic-spring-yellowstone/</span></span></figcaption></figure><p>Le 6 octobre 2022 a été commémorée, sous l’égide de l’Unesco, la <a href="https://www.geodiversityday.org/">Journée internationale de la géodiversité</a>. Un événement resté peu médiatisé malgré sa portée mondiale, et relayé en France par de rares initiatives locales. Que cache ce terme encore méconnu du grand public ?</p>
<p>Apparu pour la première fois en 1993, ce concept est directement inspiré du mot « biodiversité », popularisé un an plus tôt lors du Sommet de la Terre de Rio.</p>
<p>La géodiversité représente en quelque sorte le <a href="http://francois.betard.free.fr/Volume_1_HDR_Betard.pdf">pendant abiotique ou non vivant de la biodiversité</a>. La <a href="https://doi.org/10.1016/j.pgeola.2013.01.003">définition la plus répandue de ce concept</a> fait référence à la variabilité naturelle du monde non vivant dans ses composantes géologiques (roches, minéraux, fossiles), géomorphologiques (relief, processus physiques), pédologiques (sols et milieux d’interface) et hydrologiques (eaux de surface et souterraines), ainsi que leurs structures, assemblages et contributions à la formation des paysages dans une zone donnée.</p>
<p>La géodiversité se décline ainsi en plusieurs composantes qui vont du sous-sol au sol, milieu d’interface entre le vivant et le non-vivant. À l’instar de la <a href="https://theconversation.com/quelle-est-la-pire-des-menaces-qui-pese-sur-la-biodiversite-184887">biodiversité</a>, la géodiversité est soumise à <a href="https://doi.org/10.1007/s00267-019-01168-5">différentes pressions et menaces</a> tout en étant le support de nombreuses activités et aménagements humains.</p>
<h2>Un impensé de la protection de la nature</h2>
<p>Les actions de protection de la nature et d’aménagement durable des territoires négligent pourtant les composantes non vivantes qui, elles aussi, font partie intégrante des écosystèmes. Or, ces roches, reliefs, sols ou eaux sont le support essentiel de la <a href="https://theconversation.com/comment-avoir-envie-de-preserver-une-nature-dont-on-seloigne-de-plus-en-plus-198007">biodiversité</a> et contribuent à répondre aux besoins des sociétés humaines.</p>
<p>Malgré son importance, la géodiversité occupe une faible place dans les préoccupations environnementales et les agendas politiques de nombreux pays, y compris en France. Les termes d’« environnement », de « biodiversité », d’« écologie » sont les seuls qui reviennent constamment dans les discours et les esprits des élus, des aménageurs, du grand public et de tous les acteurs impliqués dans les processus de planification territoriale.</p>
<p>Les changements globaux que nous vivons ont des répercussions à différentes échelles, qui se traduisent par de nouvelles réflexions sur une meilleure allocation et une meilleure gestion des espaces. Mais pouvons-nous aménager durablement nos territoires sans avoir une vision globale de ce qu’est un écosystème, dans sa dimension vivante… et non vivante ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>Le non-vivant aussi nous rend service</h2>
<p>Si la géodiversité possède en soi une valeur intrinsèque pouvant justifier sa conservation au même titre que la biodiversité, on a plus récemment commencé à s’intéresser aux services que la géodiversité peut rendre à la société. Ainsi, de <a href="https://www.raincoast.org/library/wp-content/uploads/2012/07/Daily_1997_Natures-services-chapter-1.pdf">nombreux scientifiques</a> ont proposé de décliner à la géodiversité le concept de <a href="https://theconversation.com/champs-cultives-et-prairies-artificielles-quand-la-nature-ordinaire-nous-rend-service-172330">« services écosystémiques »</a>, définis comme les services que la nature rend aux sociétés humaines <a href="https://www.nature.com/articles/387253a0">pour répondre à leurs besoins et bien-être</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le volcan Gunung Bisma vu du ciel, sur l’île de Java (Indonésie) : les sols fertiles qui entourent le volcan sont occupés par un dense parcellaire agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps, 2022</span></span>
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</figure>
<p>Ce sont les <a href="https://doi.org/10.1016/j.pgeola.2013.01.003">« services écosystémiques abiotiques »</a> ou <a href="https://doi.org/10.1017/S0376892911000117">« services géosystémiques »</a>, en soulignant l’importance que la géodiversité peut avoir non seulement d’un point de vue culturel, mais également comme fonction de support (développement des sols, support d’habitats naturels), d’approvisionnement (d’eau, de nourriture, de matières premières) et de régulation des cycles naturels (régulation du climat, des cycles des éléments nutritifs, contrôle de l’érosion, de la qualité des eaux).</p>
<p>Prenons l’exemple des montagnes andines et leur rôle dans l’approvisionnement de matières premières ou dans la régulation du climat sud-américain en faisant barrage aux flux provenant du Pacifique. Citons également la contribution des volcans à la formation de sols très fertiles propices à l’agriculture.</p>
<p>Ou encore les roches calcaires faisant office d’aquifères utilisés pour l’approvisionnement d’eau potable et non potable. La ville de Rome, alimentée par l’eau phréatique de la chaîne calcaire des Apennins, en est l’exemple parfait. Enfin, certains reliefs ou formations rocheuses sont imprégnés de valeurs culturelles ou spirituelles. C’est le cas du mont Uluru en Australie, un lieu sacré lié au peuple aborigène Pitjantjatjaras.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Mont Uluru vu du ciel (Australie) : un objet de géodiversité à forte valeur culturelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth, 2019</span></span>
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</figure>
<h2>Un regard partiel toujours trompeur</h2>
<p>La géodiversité est cruciale dans le fonctionnement d’un système écologique et sa contribution à satisfaire les besoins physiologiques, sociaux, économiques et culturels de nos sociétés. Il apparaît ainsi essentiel que la géodiversité soit prise en considération au même titre que la biodiversité dans les démarches de gestion environnementale et d’aménagement territorial.</p>
<p>Le concept de géodiversité doit surtout aujourd’hui être étendu à des perspectives qui ne se limitent pas à la conservation, mais qui regardent une réalité qui, avec des changements démographiques et les besoins (alimentaires, industriels, infrastructurels) qui en découlent, peut également impliquer la transformation voire l’exploitation ou la destruction de ces ressources.</p>
<p>Aménager ne signifie pas toujours conserver mais cela requiert une concertation constante entre différents acteurs quant à l’usage, l’allocation et la destination des espaces et des ressources par rapport à une pluralité d’intérêts, souvent contrastants.</p>
<p>Il ne suffit pas de quantifier et d’exprimer en termes d’abondance ou de richesse la géodiversité. Sa dimension fonctionnelle, <a href="https://doi.org/10.1007/s12371-022-00716-6">que nous appelons ici « géofonctionnalité »</a>, doit être prise en compte dans une perspective de gestion environnementale et territorialisée des ressources.</p>
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<img alt="Vue aérienne" src="https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">D’après les connaissances actuelles, les zones à plus forte geodiversité en Guyane, semblent correspondre aux zones riches en or, exploitées légalement et illégalement. Néanmoins, l’exploitation illégale d’or, représente à la fois une menace socioéconomique et environnementale majeure en Guyane mais aussi un phénomène social qui parfois se développe parmi des petites communautés locales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Environmental justice atlas</span></span>
</figcaption>
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<p>Le constat est valable en France métropolitaine mais également dans ses territoires d’outre-mer, qui présentent des contextes socio-économiques et écologiques très variés, avec des dynamiques de développement, d’urbanisation et de gestion des espaces qui demandent impérativement la mise en place de démarches d’aménagement durable adaptées aux réalités locales.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte légendée de la guyane" src="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Première évaluation quantitative et cartographiée de la géodiversité guyanaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1007/s12371-022-00716-6">Scammacca et coll., 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À titre d’exemple, la Guyane est la deuxième région de France par taux de croissance démographique tout en ayant plus de 90 % de son territoire couvert par la forêt amazonienne. Une biodiversité et une géodiversité sous-jacente incroyables habitent ce territoire et une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12371-022-00716-6">étude vient d’être réalisée</a> portant sur la première évaluation de la géodiversité guyanaise.</p>
<p>Des espaces, que ce soit de façon réglementée ou informelle et spontanée, seront inévitablement occupés et utilisés pour répondre à des besoins variés (habitations, industrie, agriculture, extraction minière). Le meilleur choix du décideur pourrait être d’agir sur le « comment »… pour éviter les erreurs du passé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Méconnue, la géodiversité concerne les composantes non-vivantes des écosystèmes, souvent négligées par les politiques d’aménagement et de préservation de la nature.Ottone Scammacca, Docteur en Géosciences, Institut de recherche pour le développement (IRD)François Bétard, Maître de conférences HDR en géographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977632023-01-17T17:50:31Z2023-01-17T17:50:31ZRéguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504325/original/file-20230112-60724-6kpasw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C3002%2C2038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, la sous-densité en médecins est le problème principal. L'Allemagne, elle, a longtemps cherché à éviter la sur-densité.</span> <span class="attribution"><span class="source">Babsy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le débat actuel sur la liberté d’installation des médecins en France et les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-33.htm">« déserts médicaux »</a>, les expériences à l’étranger sont utilisées de manière très variable par les défenseurs comme les détracteurs d’une régulation plus stricte que celle qui existe aujourd’hui.</p>
<p>Concrètement, à l’heure actuelle, un médecin libéral en France peut s’installer où le veut. Néanmoins, l’« Accessibilité potentielle localisée » ou APL (établie selon le nombre de médecins généralistes jusqu’à 65 ans, le temps d’accès pour les patients, etc.) commence à être prise en compte au sein des « Territoires vie-santé » qui maillent le pays (voir la carte ci-dessous).</p>
<p>Il y a ainsi des incitations financières pour promouvoir une installation dans une <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/zonage-medecin">zone « sous-dense » en personnel médical</a>. En parallèle, l’idée de restreindre l’installation en zone « sur-dense » se développe et alimente des propositions parfois très discutées. Les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/20/la-regulation-a-l-installation-des-jeunes-medecins-n-est-pas-une-solution_6146641_3232.html">polémiques les plus récentes</a> concernent l’<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/ajout-d-une-quatrieme-annee-au-diplome-d-etudes-specialisees-de-medecine">ajout d’une quatrième année à l’internat de médecine générale</a>, assortie de l’obligation de l’effectuer en cabinet de ville. Dans un Territoire de vie-santé sous-dense, un habitant a accès à <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1144.pdf">moins de 2,5 consultations par an</a> ; 3,8 millions de personnes étaient concernées en 2018, contre 2,5 millions en 2015.</p>
<figure><a href="https://drees.shinyapps.io/carto-apl/" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/504324/original/file-20230112-24-q16kzu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=489&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Carte de la densité d’installation des médecins en France, territoire vie-santé (carte clicable).</figcaption></a></figure>
<p>L’Allemagne, voisin le plus proche géographiquement, est doté d’un système de régulation de l’installation parmi les plus stricts au monde. Pourtant, il est très peu évoqué dans le débat français. Au-delà de la barrière linguistique, la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/remedier-aux-penuries-de-medecins-dans-certaines-zones">faible diffusion de l’évaluation des politiques en place outre-Rhin</a> ne facilite pas les échanges d’expériences.</p>
<p>Cet article décrypte le système allemand actuel, et son historique, et donne un aperçu des effets. En outre, il discute la transférabilité de ces enseignements vers la France.</p>
<h2>Une politique ancienne qui s’est complexifiée</h2>
<p>Les bases de la « planification des besoins » (<em>Bedarfsplanung</em>) sont jetées en 1976 avec l’introduction de statistiques sur la répartition des praticiens sur le territoire. Une évolution majeure a lieu en 1993 avec le découpage du pays en 395 zones de planification et la fixation de « densités cibles » pour 14 catégories de médecins (généralistes, neurologues et psychiatres, etc.).</p>
<p>L’objectif est d’éviter les zones sur-denses en médecins. L’installation n’est possible que si ce seuil de densité n’est pas dépassé de plus de 10 %.</p>
<p>Depuis 2013, le calcul du seuil est plus fin et tient compte de la structure démographique (âge et sexe) de la population. L’objectif est désormais, aussi, d’éviter les zones sous-denses.</p>
<p>En 2021, est lancée une <a href="https://www.g-ba.de/themen/bedarfsplanung/bedarfsplanungsrichtlinie/">dernière évolution du mode de calcul</a>. Sont intégrés progressivement l’état de santé dans le territoire (basé sur les données administratives fournies par les médecins), les distances (en voiture) entre population et cabinets, puis la multiplication des zones de planification, notamment pour les généralistes (actuellement environ 883 zones).</p>
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<h2>Une large acceptation parmi les professionnels et des effets positifs</h2>
<p>Un point important est à souligner : cette politique contraignante est largement acceptée par les organisations de médecins. Il faut noter que, au sein des comités de pilotage régionaux (associations de médecins conventionnés et caisses d’Assurance maladie) et au niveau du cadrage fédéral (un comité regroupant essentiellement les médecins, les caisses et les hôpitaux sous supervision légale du ministère de la Santé), ces organisations contribuent à l’évolution du dispositif.</p>
<p>Depuis 1999, la régulation de l’installation est par ailleurs étendue aux psychologues exerçant en tant que psychothérapeutes dans le cadre de leur conventionnement avec l’Assurance maladie. À l’instar des médecins, en échange du bénéfice du remboursement de leur prise en charge, les psychothérapeutes acceptent certaines contraintes, y compris la limitation de l’installation.</p>
<p>Concrètement, en <a href="https://www.kbv.de/html/bundesarztregister.php">2021, 31 300 psychologues-psychothérapeutes et 152 000 médecins conventionnés étaient concernés</a> en Allemagne par ce système de maîtrise de l’installation.</p>
<p>Ce système a jusqu’ici donné de bons résultats qui, s’ils ne bénéficient pas d’évaluations scientifiques, sont basés sur des données assez robustes quant à ses effets. La discussion autour de cette politique est en effet essentiellement basée sur des rapports rédigés par des instituts privés et financés par les différentes parties prenantes.</p>
<p>Une <a href="https://www.hsm.bwl.uni-muenchen.de/forschung/gutachten/index.html">expertise approfondie et indépendante publiée en 2018</a> a conclu que l’accès est très bon pour la plupart des habitants en Allemagne : 99,8 % de la population est à moins de dix minutes de voiture d’un généraliste, et 99,0 % à moins de 30 minutes pour la plupart des spécialistes. Il s’agit, bien entendu, d’un indicateur d’accès purement géographique, en supposant qu’une voiture est à disposition. En ce qui concerne la disponibilité des médecins, la majorité des personnes interrogées ont répondu qu’elles obtiennent des rendez-vous en quelques jours seulement.</p>
<p>En France, une <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/deserts-medicaux-comment-les-definir-comment-les-mesurer">étude de 2017</a> a trouvé des chiffres relativement proches pour les généralistes : 98 % de la population est à moins de dix minutes en voiture. Faute de méthode identique, les autres données de ces deux études ne sont pas comparables. Il ne faut non plus occulter les différences systémiques entre les deux pays, qui empêchent de conclure que les résultats parfois divergents ne seraient dus qu’à la régulation de l’installation.</p>
<h2>Des différences systémiques avec la France</h2>
<ul>
<li><strong>Densité médicale et ruralité</strong></li>
</ul>
<p>Le débat sur le « manque » de médecins (<em>Ärztemangel</em>) est moins intense en Allemagne qu’en France. Et pour cause : s’il existe aussi des différences régionales, <a href="https://www.oecd.org/health/health-data.htm">l’Allemagne recensait, en 2020, 40 % de médecins de plus que l’Hexagone</a> – par rapport à la population et tous secteurs confondus (hôpital, ambulatoire, etc.) (voir tableau).</p>
<p>La question de la ruralité ne se pose pas non plus de la même manière dans les deux pays. Dans la « campagne profonde », en Allemagne, on n’est jamais très loin d’un centre urbain. Cela se traduit, schématiquement, par une densité de la population presque deux fois plus élevée qu’en France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’Allemagne compte 4,5 médecins en exercice par 1000 habitants contre 3,2 pour la France dont la population est deux fois moins dense" src="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Données clefs comparant la densité médicale et populationnelle, en 2020, en Allemagne et en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OECD/Wikipedia</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par conséquent, un médecin s’installant dans la campagne allemande ne se sent pas (automatiquement) éloigné d’un certain nombre de services publics, culturels, etc. Cela renvoie à l’idée, dans le débat en France, que les « déserts médicaux » sont aussi, en partie, des <a href="https://www.europe1.fr/sante/un-desert-medical-cest-aussi-un-desert-de-services-publics-et-prives-3877247">« déserts de service public et privé »</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Organisation interne et intégration institutionnelle</strong></li>
</ul>
<p>Il convient également de souligner que, si la limitation de l’installation n’est pas contestée, ce sont les médecins allemands eux-mêmes qui la mettent en œuvre.</p>
<p>Ils disposent en effet de larges compétences pour gérer l’organisation de leur exercice : de la formation (définition des cursus pour les études de médecine, etc.) à la permanence de soins, en passant par la distribution du budget ambulatoire. Ils sont en négociation quasi permanente avec l’Assurance maladie et sont bien représentés au niveau politique. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-215.htm">L’intégration institutionnelle des médecins, par les organes les représentant, est donc forte</a>.</p>
<p>Cette intégration entraîne toutefois une grande complexité afin que le périmètre et les compétences de chaque partenaire (associations de médecins conventionnés, caisses d’Assurance maladie, Comité fédéral commun…) soit <a href="https://www.kvb.de/praxis/niederlassung/bedarfsplanung/bedarfsplan/">clairement défini</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Un système de rémunération différent</strong></li>
</ul>
<p>En Allemagne, la rémunération repose essentiellement sur un système de capitation : une somme fixe pour chaque patient pris en charge par un médecin, par trimestre. S’y ajoute, en sus, une rémunération à l’acte, dont le montant baisse en fonction du nombre d’actes prodigués. On parle de « dégression » : plus il y a des actes, moins élevé est le prix par acte. Comme mentionné plus haut, ce sont les médecins eux-mêmes qui gèrent cette enveloppe dite « à moitié fermée ».</p>
<p>A contrario, en France, domine toujours la rémunération à l’acte qui est non dégressive, et donc à prix fixe.</p>
<h2>Des différences empêchant toute transférabilité ?</h2>
<p>A priori non, car il existe tout de même de nombreuses similitudes rendant les deux systèmes comparables dans une certaine mesure.</p>
<p>À la différence d’autres systèmes tels que celui en vigueur en Angleterre, France et Allemagne offrent un accès assez peu restreint à de nombreux spécialistes en dehors de l’hôpital. En France, cependant, le « parcours de soins » incite financièrement les patients à passer d’abord par un généraliste – hors gynécologues, ophtalmologues, psychiatres et stomatologues, qui sont accessibles directement sans pénalité financière.</p>
<p>Les deux pays introduisent aussi de plus en plus de dispositifs semblables, qui redessinent l’organisation du système de soins : des maisons ou centres de santé regroupant plusieurs professionnels, des soins plus coordonnés pour les patients atteints de maladies chroniques, l’usage de référentiels pour améliorer la qualité, etc.</p>
<p>Dans l’organisation du système de soins, on note également, en Allemagne comme en France, que l’État est de plus en plus pilote de ces politiques. Ce qui est lié à la notion de contrôle budgétaire, devenue une préoccupation primordiale et un moyen de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-215.htm">cadrer les changements du système de santé</a>.</p>
<h2>Limiter l’installation des médecins : une politique efficace mais complexe</h2>
<p>L’exemple allemand montre que la limitation de l’installation est une politique efficace… mais qui ne peut être mise en place qu’au prix d’un mille-feuille administratif assez épais. Chaque nouvelle modification, comme en 2021, venant ajouter (encore) des variables dans un modèle de planification déjà très complexe. Il faut donc multiplier la collecte, la remontée et l’analyse de données, les concertations, etc.</p>
<p>Mais il faut surtout retenir que cet outil a été mis en place (et a longtemps servi) pour « corriger » les zones sur-denses dans un pays plutôt bien doté en médecins et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/09514848221080691">lits d’hôpitaux</a>. Cette planification a été conçue afin de maîtriser les coûts et éviter une compétition trop élevée entre médecins qui opèrent avec le système d’enveloppe à moitié fermée. Cette trajectoire structure encore les débats et les actions en Allemagne.</p>
<p>Or, ce sont les zones sous-denses qui sont au cœur des débats en France. À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes est de 46 % plus élevée dans la région la plus dotée (PACA), par rapport à la moins dotée (Centre), en 2021. Afin de pallier aux « déserts médicaux », il conviendrait plus de se pencher sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-33.htm">outils incitatifs</a>. Ceux qui existent sont par ailleurs assez similaires dans les deux pays : aide financière à l’installation, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0142159X.2022.2151885">ouverture de sites de formation</a> ou d’antennes d’universités dans les territoires ruraux, incitation au recrutement d’internes, etc.</p>
<p>L’approche outre-Rhin apporte donc des pistes de réflexion qui méritent d’être analysées. Toutefois, afin de mener un débat éclairé, il est essentiel de distinguer les notions de zone sous- versus sur-dense, et de tenir compte des spécificités du système de notre voisin – proche… mais pas tout à fait similaire.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur remercie Lucie Kraepiel, doctorante au CSO (Centre de sociologie des organisations) et assistante de recherche à l’axe santé du LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques) de Sciences Po, pour sa relecture de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthias Brunn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les déserts médicaux sont un problème croissant en France. Les exemples de nos voisins européens peuvent-ils apporter des solutions ? Le système allemand est particulièrement intéressant. Décryptage.Matthias Brunn, Chercheur affilié en sciences politiques au LIEPP - Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922042022-11-17T17:24:50Z2022-11-17T17:24:50ZLe Mobiliscope : un outil libre sur les rythmes quotidiens des territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489778/original/file-20221014-21-k8flsa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C23%2C5306%2C3502&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Mobiliscope permet de savoir si la mobilité quotidienne a tendance à mélanger les groupes sociaux durant la journée ou si, au contraire, elle a tendance à les ségréger encore plus qu'ils ne le sont dans l'espace résidentiel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr">Mobiliscope</a> est un outil de géovisualisation librement et gratuitement accessible en ligne qui permet d’explorer les rythmes quotidiens des territoires et leur mixité sociale. Quels sont les quartiers les plus attractifs d’une ville ? Qui fréquente tel quartier ? Quels modes de transports sont utilisés pour s’y rendre ? Quelle est l’ampleur de la ségrégation spatiale des cadres ? Des ouvriers ? À toutes ces questions, le Mobiliscope apporte des réponses qui peuvent varier selon les heures de la journée au gré des déplacements quotidiens des populations.</p>
<p>La ségrégation sociale (c’est-à-dire la séparation des groupes sociaux dans l’espace géographique) est bien documentée pour ce qui concerne <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/evolution-de-segregation-residentielle-france">l’espace résidentiel</a> mais largement moins connue pour les espaces fréquentés la journée dans le cadre du travail, des études, des loisirs, etc. Le Mobiliscope permet ainsi de savoir si la mobilité quotidienne des individus conduit les groupes sociaux à se mélanger durant la journée ou si, au contraire, la ségrégation sociale augmente le jour par rapport à la nuit.</p>
<p>L’interface du Mobiliscope propose tout un ensemble de cartes et de graphiques interactifs pour suivre l’évolution de la population présente dans les territoires au cours des 24 heures de la journée selon le profil des individus, la nature de leurs activités et le mode de transport utilisé. Il permet ainsi d’étudier, au fil des heures, les changements de composition des quartiers et l’évolution de la ségrégation sociale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">Marche, vélo : les gains sanitaires et économiques du développement des transports actifs en France</a>
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<h2>La ségrégation sociale varie en journée</h2>
<p>Conçu et développé depuis 2017 au sein du <a href="https://geographie-cites.cnrs.fr/">laboratoire Géographie-cités</a> avec le soutien de différents partenaires (principalement le <a href="https://www.cnrs.fr/fr/page-daccueil">CNRS</a>, l’<a href="https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/">ANCT</a>, l’<a href="https://www.ined.fr/">Ined</a> et le <a href="https://www.cerema.fr/fr">Cerema</a>), cet outil d’abord centré sur l’Île-de-France, s’est progressivement enrichi de nouvelles villes.</p>
<p>La dernière version mise en ligne en avril 2022 regroupe 49 villes-régions françaises (10 000 communes), six canadiennes et trois latino-américaines. Les données sont issues de grandes enquêtes publiques sur les déplacements quotidiens produites entre 2009 pour les plus anciennes et 2019 pour les plus récentes. Ces <a href="https://www.cerema.fr/fr/activites/mobilites/connaissance-modelisation-evaluation-mobilite/observation-analyse-mobilite/enquetes-mobilite-emc2">enquêtes</a>, représentatives de la population d’une ville et de sa périphérie (dont le périmètre est défini par les collectivités locales en charge de l’enquête), collectent des informations spatiales et temporelles précises sur tous les déplacements réalisés par les personnes enquêtées sur 24 heures un jour de semaine, sur les motifs et les modes de transport de chaque déplacement, ainsi que le lieu de résidence des personnes enquêtées et leurs caractéristiques individuelles telles que le sexe, l’âge, la profession et le niveau d’éducation.</p>
<p>Ces données sont transformées par l’équipe du Mobiliscope pour dénombrer et qualifier les populations présentes (âgées de 16 ans et plus) dans les différents territoires à chaque heure de la journée.</p>
<p>À l’origine du Mobiliscope, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0966692316305105">travail de recherche</a> sur l’Île-de-France montre que la ségrégation spatiale des classes sociales est moins forte au cours de la journée que pendant la nuit en raison des déplacements quotidiens et que la concentration spatiale des classes supérieures est – quelle que soit l’heure de la journée – plus élévée que celles des classes populaires.</p>
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<p><a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/info/about/publications">D’autres publications</a> ont suivi, incluant dans l’analyse davantage de villes et de caractéristiques, telles que le sexe et l’âge. Il a ainsi été montré que les proportions d’hommes et de femmes dans les territoires sont bien moins équilibrées le jour que la nuit, avec des zones qui deviennent en journée majoritairement féminines et d’autres majoritairement masculines.</p>
<h2>Un outil libre destiné au plus grand nombre</h2>
<p>Le Mobiliscope s’inscrit dans une démarche de science ouverte en s’attachant à respecter les principes FAIR (« Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables »). Les données des populations présentes dans les différents territoires par heure et par catégorie (sexe, groupes d’âge, groupes socioprofessionnels, etc.) sont ainsi proposées au téléchargement sous des formats et licences libres.</p>
<p>Face aux solutions commerciales proposées notamment par les opérateurs de téléphonie, le Mobiliscope constitue ainsi une alternative libre et gratuite permettant d’accéder aux données et aux protocoles d’analyses sur l’attractivité quotidienne des territoires.</p>
<p>Le Mobiliscope s’adresse à un public plus large que la seule communauté des chercheurs. Il peut être un support ludique pour les enseignants afin d’aborder les thèmes de la mobilité, de la ségrégation, des modes de transports ou encore des inégalités. Les acteurs de la ville, de l’aménagement et des mobilités peuvent également utiliser l’outil pour affiner leurs diagnostics territoriaux et pour accompagner la mise en place de politiques publiques adaptées aux temporalités quotidiennes des populations et des territoires.</p>
<h2>Zoom sur trois villes</h2>
<p>Pour donner une idée plus concrète de ce que le Mobiliscope apporte à la compréhension des territoires, arrêtons-nous dans un premier temps à <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/santiago?m1=3&m2=1&m3=1&m4=nb&t=12&s=497">Santiago du Chili</a>, une ville connue pour avoir une ségrégation sociale très élevée lorsqu’on analyse les lieux de résidence des différents groupes sociaux. Grâce au Mobiliscope, on observe que la concentration de riches dans le cône nord-est de la ville (une zone favorisée bien connue par les <a href="https://www.scielo.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0250-71612016000300007&lng=en&nrm=iso&tlng=en">travaux sur la ségrégation résidentielle</a>) est plus faible en journée que la nuit. Cette diminution résulte essentiellement de l’arrivée d’autres catégories de population dans le cône nord-est de la ville.</p>
<p>Le secteur de Leones (sélectionné sur la carte ci-dessous) est un bon exemple de ces quartiers aisés où existent de nombreux magasins et établissements scolaires et qui accueillent en journée des populations avec un profil social diversifié. Le graphique en haut à droite montre en effet que ce secteur, occupé quasi exclusivement la nuit par des populations à hauts niveaux de revenus, voit sa population tripler en journée avec l’arrivée de populations avec des niveaux de revenus bien plus diversifiés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la carte centrale du Mobiliscope" src="https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489760/original/file-20221014-26-pk3e7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Mobiliscope permet d’observer que la concentration de riches dans le cône nord-est de la ville (une zone favorisée bien connue par les travaux sur la ségrégation résidentielle) est plus faible en journée que la nuit.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Arrêtons-nous à présent sur la ville de <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/montreal?m1=1&m2=1&m3=1&m4=flow&t=14&s=101">Montréal</a> au Canada. Sans surprise, le centre-ville s’avère être un secteur très attractif à l’échelle de la région : à 14h plus de 230 000 personnes y sont présentes alors qu’elles n’y résident pas. Au survol de la souris sur ce secteur, apparaît son aire d’attractivité jusque dans les périphéries lointaines, symbolisé par des liens, plus ou moins épais selon les effectifs concernés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la carte des principaux lieux de résidence des personnes présentes à 14h dans le centre-ville de Montréal" src="https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489761/original/file-20221014-21-syf98c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cartographie de principaux lieux de résidence des personnes présentes à 14h dans le centre-ville de Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’observation des activités réalisées par les populations présentes dans le centre-ville de Montréal montre que l’activité « travail » est largement majoritaire en journée (et ne s’arrête d’ailleurs pas la nuit) et se trouve dépassée en soirée par l’activité « loisirs ». Ainsi, à 22h, tandis que près d’une personne sur trois présente dans le centre-ville pratique des activités récréatives, près d’une personne sur quatre travaille.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran d’un graphique du Mobiliscope permettant d’observer le volume de la population présente dans le centre-ville de Montréal selon l’activité réalisée" src="https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489763/original/file-20221014-19-97h3sd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Mobiliscope permet d’observer le volume de la population présente dans le centre-ville de Montréal selon l’activité réalisée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Terminons ce survol du Mobiliscope avec la ville de <a href="https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/toulouse?m1=1&m2=2&m3=2&m4=part&t=16&s=027">Toulouse</a> pour discuter de l’attractivité quotidienne du secteur de La Reynerie situé au sud-ouest de la ville et qui est majoritairement classé comme Quartier prioritaire en politique de la ville (QPV). Alors que le volume de la population présente dans ce secteur demeure un peu près stable tout au long de la journée (entre 10 000 et 12 0000 personnes), on observe un changement dans la composition de la population présente au fil des heures : entre 4h du matin et 16h, la part des personnes présentes avec un niveau de diplôme supérieur au baccalauréat passe de 10 % à 20 % et la part des personnes présentes âgées de 35 à 64 ans augmente de 51 % à 66 %. Ces variations s’expliquent par l’importance des flux quotidiens (40 % de la population présente dans ce secteur à 16h n’y réside pas) et par les différences de profil sociodémographique des populations « entrantes » et « sortantes ».</p>
<p>Ces analyses rendues possibles par le Mobiliscope viennent ainsi mettre en lumière la diversité des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03801117">rythmes quotidiens des quartiers prioritaires</a> et nuancer l’idée selon laquelle les QPV seraient systématiquement des territoires non attractifs dont les populations résidentes seraient captives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran du Mobiliscope permettant d’observer la composition sociale et démographique de la population présente au fil des heures dans le quartier de La Reynerie à Toulouse" src="https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489766/original/file-20221014-23-q2v0zv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=379&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Mobiliscope permet d’observer la composition sociale et démographique de la population présente au fil des heures dans le quartier de La Reynerie à Toulouse.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Perspectives</h2>
<p>Concluons cette présentation du Mobiliscope par des perspectives. Cet outil libre est ouvert aux propositions et contributions extérieures qui permettraient de continuer à l’enrichir. De nouveaux développements sont ainsi à l’étude avec l’idée d’intégrer des données de déplacements plus récentes et « post-Covid », de donner une plus grande autonomie à l’utilisateur « expert », et enfin de déployer de nouveaux champs de recherche, notamment celui de la transition écologique.</p>
<p>Si cet outil continue à se développer et à éveiller l’intérêt d’utilisateurs de plus en plus nombreux, sa pérennité n’est néanmoins pas garantie : celle-ci est largement dépendante des opportunités de financement (le projet n’a pas de source de financement pérenne) et repose en grande partie sur des personnes en contrat précaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Vallée a reçu des financements de divers organismes publics pour ses travaux de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Le Roux a reçu des financements de divers organismes publics pour ses travaux de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélie Douet et Hadrien Commenges ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Quels sont les quartiers les plus attractifs d’une ville ? Comment évolue leur mixité sociale au cours de la journée ? Un outil en ligne permet de répondre à ces questions.Julie Vallée, Géographe - Directrice de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Aurélie Douet, Ingénieure d'étude CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Guillaume Le Roux, Chercheur en géographie et démographie, Institut National d'Études Démographiques (INED)Hadrien Commenges, Maitre de conférences en géographie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942742022-11-15T16:51:15Z2022-11-15T16:51:15ZQuelles politiques pour limiter l’absentéisme dans le secteur public local ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494419/original/file-20221109-15-job7mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=143%2C67%2C1065%2C708&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ville d’Alès dans le Gard (mairie en photo) a mis en œuvre la démarche participative «&nbsp;DEFI&nbsp;» (définir, engager, former, initier).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Town_hall_of_Ales.jpg">Krzysztof Golik/Wikimedia commons</a></span></figcaption></figure><p>Les chiffres de <a href="https://www.cnracl.retraites.fr/sites/default/files/SERVICES/FNP/Rubrique%20statistiques/2021%20Panorama_sofaxis_QVT.pdf">l’absentéisme dans la fonction publique territoriale</a>, en hausse, traduisent un niveau croissant de mal-être au travail des agents territoriaux. Les recherches académiques expliquent en effet l’absentéisme par <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/02683940710733115/full/html?journalCode=jmp">deux processus</a>. D’une part, un processus d’affaiblissement et de détérioration de la santé, affectant la capacité à être présent. D’autre part, un processus de démotivation au travail lié, par exemple, à une faible satisfaction dans son emploi ou son travail en général, ou un faible degré d’implication organisationnelle.</p>
<p>Au cours d’une de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2021-2-page-79.htm">recherches</a>, nous nous sommes concentrés plus précisément sur deux déterminants de l’absentéisme : l’un lié au contexte social, à savoir le soutien organisationnel perçu (SOP), l’autre lié à une attitude de travail, à savoir l’implication organisationnelle (IO). Le SOP traduit l’évaluation faite par un salarié du <a href="http://classweb.uh.edu/eisenberger/wp-content/uploads/sites/21/2015/04/22_Perceived_Organizational_Support.pdf">degré d’implication de l’organisation</a> à son égard. À l’inverse, l’implication organisationnelle traduit le degré d’investissement du salarié à l’égard de son organisation.</p>
<p>Selon nos résultats, les agents territoriaux auraient une perception plutôt faible du soutien organisationnel et manifesteraient une implication plutôt négative de type calculée, liée notamment à l’obligation de rester dans leur organisation en raison des faibles opportunités d’emplois, à l’intérieur comme à l’extérieur de leur organisation.</p>
<h2>Démarche participative</h2>
<p>Face à ces problèmes, plusieurs collectivités ont d’ores et déjà mis en œuvre des innovations managériales et organisationnelles. Ces innovations ont toutes en commun la mobilisation des richesses humaines des collectivités afin d’encourager la valorisation, le bien-être et le partage entre collaborateurs.</p>
<p>À ce titre, la ville d’Alès (Gard) a mis en œuvre la « Démarche DEFI » (définir, engager, former, initier). Reposant sur une démarche participative, associant élus, directeurs de pôle et direction, et participation du personnel autour de groupe de travail thématique, elle a pour objet le renforcement du dialogue social afin de co-construire les projets et changements territoriaux. Ce qui lui a permet simultanément de mettre en œuvre des actions d’amélioration de l’environnement de travail, de réduction des accidents de travail et de réflexion sur de nouvelles pratiques managériales.</p>
<p>Ce dernier axe a nécessité notamment le déploiement d’une campagne de formation, de sensibilisation, et d’accompagnement des cadres territoriaux à la conduite du changement, afin qu’ils puissent au mieux soutenir leurs équipes (réunir, réfléchir et con-construire) et leur donner les ressources nécessaires pour livrer une meilleure qualité de service rendu aux usagers.</p>
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<p>Les retombées de cette innovation ont été, d’une part, une baisse de l’absentéisme, du turn-over, du coût des assurances, du présentéisme, des griefs et conflits sociaux et, d’autre part, une nette amélioration du climat social, de la motivation et de l’implication des agents, de la créativité et de la qualité des décisions prises. Cette démarche a redonné du sens aux projets et changements entrepris et a redynamisé la confiance organisationnelle. Sa réussite tient, notamment, à une véritable impulsion et à un soutien de la direction.</p>
<h2>Transversalité</h2>
<p>Dans le même ordre d’idée, la mairie d’Orléans (Loiret) a créé un réseau interne de cadres – le réseau IX innovation et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/management-20496">management</a>. Issue de la volonté des cadres de mieux travailler ensemble afin de ne plus subir le changement mais en être les acteurs, ce réseau a fait de la communication un levier d’action et de la dynamique collective son outil.</p>
<p>Dans cette perspective, une organisation en mode participatif a été élaborée. En a découlé une pratique managériale centrée sur une démarche ascendante et un travail en transversalité où la coopération a permis de faire naître une créativité en berne et enrichir le métier de manager.</p>
<p>Cette innovation a permis d’impulser des dynamiques de formation des cadres territoriaux, un meilleur déploiement des formations des agents, le maintien d’un management de proximité, d’un travail de lien avec les agents, dans un contexte managérial lui aussi contraint. Elle a été source de motivation, d’amélioration continue du fonctionnement des collectivités de l’agglomération d’Orléans, d’accroissement de leur efficacité/efficience par le biais d’un accroissement du sentiment d’appartenance, du sens des actions menées, du développement d’une nouvelle capacité de partage de l’information et des compétences de chacun, d’une intelligence collective au-delà des liens hiérarchiques.</p>
<p>Il en a découlé, comme dans l’exemple précédent, une baisse de l’absentéisme des agents territoriaux, une meilleure image de la collectivité et une attractivité plus forte des talents en termes de recrutement. De même, l’impulsion et le soutien de la direction générale ont constitué des facteurs clés de succès de cette innovation.</p>
<h2>Des compétences managériales clés</h2>
<p>Enfin, la ville d’Antibes (Alpes-Maritimes), prix Territoria or 2015 pour sa démarche d’innovation organisationnelle, a notamment mis en place, pour un management plus collaboratif et soutenant, un outil appelé « Time out » fondé sur une démarche de réflexion et de recul sur les pratiques au sein des services. Impulsé par l’encadrement, ce temps d’échange a pour objectif de vérifier avec les équipes l’adéquation entre l’activité déployée et ses finalités initiales afin de mettre en exergue les conditions de réussite de l’activité et la dynamique d’équipe, et identifier les freins et blocages pour une amélioration continue du fonctionnement de l’activité du service.</p>
<p>Source de remobilisation des équipes, par leur participation, l’appropriation de leur activité de travail, l’assimilation des processus et décisions, la création du sens, le sentiment d’appartenance, et le développement de solutions appropriées, cet outil met en évidence le fait que les résistances, les mal-être professionnels et les conflits ne sont pas de barrières à l’innovation mais des mécanismes légitimes qu’il convient de gérer au plus près des situations de travail pour motiver et rendre plus performante les équipes.</p>
<p>C’est dans ce sens que la ville de Romans-sur-Isère (Drôme) déploie 4 compétences managériales clés pour affronter les nouveaux défis des collectivités : fédérer, réguler, faciliter et innover. Dans cette veine, afin de définir des processus organisationnels et managériaux optimaux (fédérer = impulsion et vison politique, efficacité des choix politiques et efficience des choix de gestion), source de comportements performants des agents au travail (assiduité, implication, satisfaction, fidélité à l’organisation et dans le travail), ces processus doivent être ajustés (réguler = flexibilité, adaptabilité, réflexivité) en agissant sur les freins et blocages (faciliter = coopération, dialogue social, transversalité, écoute) afin de produire de la performance (innover = anticiper, prévoir, écouter, expérimenter, structurer).</p>
<p>Cette démarche permet des apprentissages organisationnels, des améliorations opérationnelles ainsi que l’appropriation et l’assimilation de nouvelles pratiques. Il s’agit là d’autant d’occasions données aux agents et à l’encadrement de repenser et de réinventer leur activité de travail et de légitimer la vision politique, les choix politiques et de gestion (fédérer = confiance et soutien organisationnel, motivation).</p>
<p>Que retenir de ces expériences ? On décèle quelques facteurs clés de succès, comme un portage politique fort, une implication de la direction, un accompagnement, soutien et une formation des cadres en amont sont nécessaires pour mener des innovations managériales permettant de lutter contre l’absentéisme et soutenant en environnement de travail dans lequel les agents peuvent s’identifier.</p>
<p>En termes de pratiques, ces expériences soulignent en outre l’importance d’un dialogue social nourri, d’une communication maîtrisée, du déploiement d’une intelligence collective nécessitant d’aller au-delà de l’organisation en silo des organisations publiques, d’une reconnaissance non monétaire basée sur la confiance et l’échange, un travail de lien à redéployer dans le management tout au long de la ligne hiérarchique, donnant aux agents, tous statuts confondus, un sentiment d’utilité et de sens dans et des actions déployées ainsi qu’un sentiment d’appartenance à l’organisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194274/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Carassus a reçu des financements de collectivités locales et de leurs partenaires dans le cadre de la chaire OPTIMA (Observatoire du PiloTage et de l'Innovation Managériale locAle) de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amar Fall et Fatéma Safy-Godineau ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Certaines initiatives à Alès, Orléans, Antibes ou encore Romans-sur-Isère soulignent notamment l’importance de l’implication de la hiérarchie ou encore du dialogue social.Fatéma Safy-Godineau, Maître de conférences en sciences de gestion, IAE Pau-BayonneAmar Fall, Maître de conférences - HDR, IAE Pau-BayonneDavid Carassus, Professeur en sciences de gestion, IAE Pau-BayonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898882022-11-08T19:01:37Z2022-11-08T19:01:37ZŒnotourisme durable, quels défis pour la France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494151/original/file-20221108-20-1r65f8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C1011%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vin et paysages</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>En recevant plus de 90 millions de touristes étrangers en 2019, la France conservait sa place de première destination touristique mondiale. Selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6204889">Insee</a>, cette même année, la somme des dépenses touristiques en France atteignait les 170 milliards d’euros, soit presque 7 % du PIB français.</p>
<p>Parmi les 43 sites classés <a href="https://whc.unesco.org/fr/syndication">patrimoine mondial de l’Unesco</a> sur le territoire français, quatre sont directement liés à la viticulture : la <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/932">juridiction de Saint-Émilion</a> (depuis 1999), le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/933">Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes</a> (depuis 2000), les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1465">coteaux, maisons et caves de champagne</a> (depuis 2015) et les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1425">climats du vignoble de Bourgogne</a> (depuis 2015).</p>
<p>Selon <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">Atout France</a>, l’agence de développement touristique de la France, un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d’un séjour. Les derniers chiffres disponibles font état de 10 millions d’œnotouristes en 2016, pour une dépense globale de 5,2 milliards d’euros sur le territoire français. Ces chiffres n’ayant pas été actualisés depuis six ans, il est difficile de mesurer l’essor ou la contraction du phénomène œnotouristique en France.</p>
<p>La création du <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">pôle œnotourisme Atout France</a> en 2020 n’a pour le moment pas remédié au manque de données nationales sur la consommation touristique dans les destinations ou sur les achats de vin à la propriété. Nombre d’investissements sont faits sur la base de chiffres pour le mieux anciens voire inexistants. La comparaison avec les pays voisins est rendue tout aussi difficile par l’absence de chiffres actualisés à l’échelle globale, comme le souligne l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a> dans un récent <a href="https://webunwto.s3.eu-west-1.amazonaws.com/s3fs-public/2022-09/Wine%20Tourism%20Measurment_Presentation.pdf">rapport</a>.</p>
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<img alt="Dégustation de vin" src="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dégustation de vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
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<p>S’il est difficile de distinguer et de dénombrer précisément les œnotouristes, il est plus simple d’obtenir des informations sur l’offre. L’offre œnotouristique n’est pas un phénomène récent. Les premières initiatives collectives remontent à la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle : la première route des vins (<a href="https://www.dijonbeaunemag.fr/route-grand-crus-histoire-dune-naissance-miraculeuse/">route des Grands Crus</a>) entre Dijon et Santenay a vu le jour en 1937. Mais il s’agit le plus souvent d’initiatives isolées, en général limitées à l’ouverture du chai au public pour une visite-dégustation.</p>
<h2>L’œnotourisme peut-il être durable ?</h2>
<p>La 6<sup>e</sup> conférence de l’<a href="https://www.unwto.org/fr">organisation mondiale du tourisme</a> sur l’œnotourisme a eu lieu en septembre dernier à Alba (Italie) autour de la question suivante : comment l’œnotourisme peut-il devenir durable ?</p>
<p>Afin de mieux comprendre les enjeux de l’œnotourisme durable pour la France, une définition des termes est nécessaire. L’œnotourisme durable combine tourisme durable et œnotourisme. Selon l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a>, le tourisme durable est un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, actuels et futurs, répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels de l’environnement et des communautés d’accueil.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité" src="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Atout France</span></span>
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<h2>Du bilan carbone à la construction d’un plan d’action</h2>
<p>La région viticole de <a href="https://sonomawinegrape.org/scw/sustainability/">Sonoma</a> en Californie constitue un modèle à l’international. Elle est devenue en l’espace de seulement 5 ans la région viticole la plus labellisée durable au monde : entre 2014 et 2019, 99 % des 500 domaines de la région ont reçu une certification durable. Cette particularité stimule les ventes de vin (8 milliards de dollars par an) et constitue un facteur différenciant d’attractivité territoriale : pas moins de 1,2 milliard de dollars sont dépensés chaque année dans le comté de Sonoma par les œnotouristes.</p>
<p>En 2022 le <a href="https://www.vins-bourgogne.fr/">Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne</a> (BIVB) a développé, conjointement avec <a href="https://www.adelphe.fr/">Adelphe</a> entreprise spécialisée dans le recyclage des emballages des entreprises françaises « Objectif Climat » : une méthodologie complète de réduction et de neutralisation carbone à l’échelle d’une filière et d’un territoire viticole. L’objectif ? Dans un premier temps, mesurer puis établir une trajectoire de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à un seuil incompressible, et enfin compenser les émissions incompressibles.</p>
<p>La transformation de la trajectoire en plan d’action est co-construite avec les acteurs de la filière au fil de huit ateliers : le premier, portant sur l’œnotourisme durable a eu lieu récemment. Les suivants abordent des thèmes complémentaires : emballage, fret, réduction au chai, réduction à la vigne, compensation à la vigne, compensation par les forêts et enfin mobilité et déplacements.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-bilans-carbone-sont-incertains-et-comment-les-ameliorer-188930">bilan carbone</a> est un outil qui prend en compte un seul paramètre : les émissions carbone. Lorsqu’on parle de durabilité, de multiples autres indicateurs sont pris en compte pour aborder les trois piliers de la durabilité : social, économique et environnemental.</p>
<p>Le bilan carbone est un indicateur imparfait, qui ne prend pas en compte des aspects comme l’impact sur la biodiversité ou la qualité de l’air mais qui a l’avantage d’être mesurable.</p>
<p>Dans un contexte de tension sur les approvisionnements, et compte tenu du poids très important de l’emballage dans le bilan carbone de la filière, le lavage et le réemploi des bouteilles ouvertes et consommées lors des dégustations ou des séjours des œnotouristes au domaine commencent à apparaître comme une nécessité.</p>
<h2>L’épineuse question de la mobilité</h2>
<p>D’après les calculs du BIVB, le bilan carbone des 3 600 domaines, 270 maisons de négoce et 16 caves coopératives de Bourgogne atteint les 380 000 tonnes équivalent CO<sub>2</sub>. Beaucoup plus à l’hectare que le vignoble bordelais (13 tonnes équivalent CO<sub>2</sub> par hectare contre 4 à Bordeaux), si l’on se réfère à un article paru récemment dans la <a href="https://www.larvf.com/quand-le-vin-passe-au-regime-sans-carbone,4804605.asp">Revue du Vin de France</a>.</p>
<p>La décision stratégique de prendre en compte ou non les déplacements des œnotouristes peut comptablement avoir un impact déterminant sur le bilan carbone d’une région viticole. À titre d’exemple : selon le BIVB les déplacements représentent 26 % du bilan carbone du vignoble bourguignon, et 79 % de ces émissions générées par les déplacements le sont par des œnotouristes. Ne pas comptabiliser les déplacements des œnotouristes réduirait sur le papier le bilan carbone de la région viticole de 20 %.</p>
<p>Dans cette logique de prise de conscience de l’impact des mobilités touristiques et des liens que le monde vigneron doit tisser avec son territoire, l’Interprofession des Vignerons du Sud-Ouest a entamé en 2022 un dialogue scientifique et œnotouristique avec l’Agence française des biens de Compostelle. Ils s’associent pour étudier puis valoriser les liens existants entre l’implantation des vignobles du sud-ouest, leur richesse ampélographique (relative à l’étude des cépages), leur diffusion et la préservation des paysages de vignes sur le parcours des pèlerins. Il s’agit de faire des pèlerins des ambassadeurs de la qualité paysagère et des vins du Sud-Ouest.</p>
<h2>Le rôle clef des pouvoirs publics</h2>
<p>En 2022, près de 9 Français sur 10 ont choisi la France pour destination. L’<a href="https://www.inegalites.fr/depart-vacances">Observatoire des Inégalités</a> constate que seuls 54 % des Français partent en vacances au moins une fois par an, et ce taux chute à 37 % pour les Français les plus modestes. Le développement de l’œnotourisme permet de répartir l’activité touristique tout au long de l’année et pas seulement pendant les mois de juillet et août. Le temps du vigneron n’est pas le temps du touriste. C’est à la fin de l’été que les travaux des vignes et les vendanges nécessitent le plus de main-d’œuvre. Il est donc nécessaire pour les domaines de disposer d’une équipe dédiée à l’œnotourisme.</p>
<p>Le manque de communication entre privé et public est souvent mentionné comme un frein au développement d’activités œnotouristiques expérientielles par les domaines. En encourageant les formations spécifiques mettant en avant une approche de la durabilité, les pouvoirs publics contribueraient à créer des emplois tertiaires et à fixer des populations dans des zones rurales, parfois même des zones rurales à revitaliser (ZRR). Pour les domaines, dans un contexte de manque de main-d’œuvre, la communication (faire-savoir) sur les trois piliers de la durabilité constitue un atout de séduction et de fidélisation autant pour les équipes que pour les clients en quête de sens.</p>
<p>Les vignerons comme les appellations irriguent culturellement leur territoire. En faisant rentrer dans les chais expositions, concerts ou théâtre, en rénovant le bâti vernaculaire ancien ou encore en faisant appel à des architectes pour créer un bâti contemporain, ils participent de l’offre culturelle et patrimoniale du territoire. Ils sont donc partie prenante dans l’attractivité touristique, économique et culturelle de leur village, de leur intercommunalité ou de leur département.</p>
<p>Tous les plans de développement touristique régionaux récents en France s’axent autour de la durabilité. Les pouvoirs publics mesurent la nécessité de fédérer tous les professionnels qui participent à l’accueil des visiteurs, d’aménager les sites visités sur un plus grand périmètre, de s’intéresser aux modalités selon lesquelles les touristes arrivent, circulent et repartent pour l’ensemble des moyens de transport, de mobiliser les habitants, d’informer les visiteurs, de mesurer les progrès et les échecs et d’assurer une information transparente.</p>
<p>Reste à savoir si les efforts des pouvoirs publics seront suffisant pour répondre aux besoins des professionnels de la filière et fédérer les initiatives individuelles. L’amélioration de la lisibilité et de l’approche durable de l’offre œnotouristique sera déterminante pour impulser le développement de l’attractivité touristique des territoires viticoles.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé grâce à l’aide précieuse de Jeremiás Balogh (Associate Professor – Corvinus University of Budapest), de Jeanne Fabre (Chef de projet œnotourisme chez Famille Fabre), Nicolas Ravel (Responsable Services Techniques Vignoble de la Cave de Tain), Anne Reutin (Consultante freelance pour la décarbonation du secteur vitivinicole), Charlotte Waeber (Chargée de mission tourisme durable Région Bourgogne Franche Comté), Bérangère Amestoy (Consultante en œnotourisme) et Lucie Guillotin (Responsable Développement Durable – Bureau interprofessionnel des Vins de Bourgogne).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>France GERBAL-MEDALLE est membre du Parti radical de gauche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Rigaux et Magalie Dubois ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d'un séjour sur le territoire français. Mais à quelles conditions cet oenotourisme peut-il être responsable ?Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business Charles Rigaux, Professeur assistant en sociologie à l'Université de Bourgogne, Chercheur associé à la chaire UNESCO Cultures et Traditions du vin, Université de Bourgogne – UBFCFrance Gerbal-Medalle, Chercheur associée au LISST-Dynamiques Rurales, Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926522022-10-25T16:19:16Z2022-10-25T16:19:16ZDécentralisation : la gouvernance des collectivités locales est-elle assez fiable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490039/original/file-20221017-25-w5v4ok.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=233%2C328%2C1520%2C1048&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juillet dernier, le Sénat a présenté un rapport préconisant d’élargir les compétences des régions, départements et communes (Ici, mairie de Serres-Castet, dans les Pyrénées-Atlantiques).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mairie_de_Serres-Castet.png">Marcel Roblin/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La cause semble entendue : il faut décentraliser la République ! C’est ainsi que Gérard Larcher, le président du Sénat, a déclaré <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/regions/le-senat-esquisse-une-nouvelle-etape-de-decentralisation-1220729">« Le temps de l’hypercentralisation est révolu »</a> le 2 juillet 2022 lors de la présentation d’un rapport regroupant 50 propositions « pour le plein exercice des libertés locales » élaboré par tous les groupes politiques du Sénat. C’est dire si la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decentralisation-23118">décentralisation</a> est appelée des vœux de tous les élus représentant les collectivités locales.</p>
<p>Pour le président du Sénat, la forte <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/06/29/au-second-tour-des-municipales-abstention-record-et-percee-ecologiste_6044563_823448.html">abstention des dernières élections municipales</a> relève d’un « mal plus profond et plus ancien » :</p>
<blockquote>
<p>« Nos compatriotes réclament moins de discours, moins de bureaucratie, plus de proximité […] Seul un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales me semble permettre de restaurer la confiance et de donner un nouvel élan à notre pays […]. Nous voulons donner aux collectivités la pleine et entière responsabilité de compétences qu’elles nous paraissent pouvoir mieux exercer que l’État, parce qu’elles sont en proximité, parce que leur exercice pourra être plus souple et plus réactif. »</p>
</blockquote>
<p>L’idée est donc de donner aux collectivités de nouvelles compétences concernant l’emploi, la santé et l’écologie. Pourquoi pas ? Mais avant de valider un tel constat (qui reste à démontrer) et de telles demandes, il convient de s’interroger sur la gouvernance des collectivités locales. Dans quelle mesure cette gouvernance est-elle exemplaire ? Dans quelle mesure est-elle mieux à même que l’État d’assurer ces nouvelles missions et surtout dans quelle mesure est-elle est plus démocratique ?</p>
<h2>Une gouvernance bien différente des entreprises</h2>
<p>Bien sûr, les collectivités locales, et au premier chef les communes, sont en proximité avec la population. Mais si cela est vrai des communes, est-ce le cas des départements et de régions ? On peut en douter. Pour la plupart de nos concitoyens, les compétences des départements et des régions <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/departementales/elections-departementales-flou-dans-les-competences-des-departements-3203587">restent floues</a>. C’est d’ailleurs <a href="https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/vie-politique-et-associative/participationvote/">pourquoi les électeurs votent davantage pour les municipales</a> que pour les élections régionales ou législatives.</p>
<p>Si les rapports en faveur de plus de décentralisation sont nombreux, rares sont ceux qui s’interrogent sur la gouvernance effective des collectivités locales. Alors que l’exécutif de l’État doit composer avec l’Assemblée nationale et le Sénat pour valider ses propositions de loi, rien de tel avec un exécutif régional, départemental ou municipal. Il leur suffit de faire approuver par leur majorité au sein de leurs conseils les délibérations qu’ils veulent faire appliquer.</p>
<p>Le cas des communes est particulièrement exemplaire. Le système électoral pour les communes a été construit afin de donner à la liste gagnante sortie des urnes une solide majorité de façon à assurer la stabilité de l’exécutif local. C’est ainsi que, dans les communes de plus de 1000 habitants, la liste gagnante obtient <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20204-municipales-quel-mode-de-scrutin-dans-les-communes-de-1000-hab-et-plus">50 % des sièges des conseillers municipaux</a> et que le reste des sièges est réparti au prorata des voix obtenues par toutes les listes. Concrètement, si au second tour de l’élection il ne reste que deux listes, la liste gagnante qui a obtenu, par exemple 60 % des voix, rafle 50 % des sièges plus 60 % des sièges restants, soit au total 80 % (50 % + 30 %). La minorité s’en sort avec 20 % alors qu’elle avait obtenu 40 % des suffrages. C’est donc une forte distorsion dans la représentativité des élus municipaux qui va s’instaurer.</p>
<p>Ainsi, tant que le maire a la confiance de sa majorité il va pouvoir faire voter toutes les délibérations qu’il souhaite, même un budget non sincère. L’opposition aura beau demander des débats contradictoires, faire des amendements et manifester rien ne changera : le maire aura gain de cause, et cela pendant six ans. Hormis ses électeurs en vue du prochain scrutin, il ne devra en outre de comptes à personne, sauf à la trésorerie et à la préfecture pour des aspects purement administratifs. Le seul risque réel pour le maire est donc de voir sa majorité se fracturer, aussi il est important pour lui de soigner sa cohésion.</p>
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<p>Au total, le maire va pouvoir diriger sa commune sans contre-pouvoir réel. On est ici bien loin de la gouvernance des entreprises privées avec leurs conseils d’administration, voire de surveillance, avec des représentants des actionnaires. En effet, ces derniers sont relativement indépendants car ils n’ont pas été élus sur la liste conduite par le PDG (comme pour le maire) et qu’ils ont également des comptes à rendre à leurs mandants.</p>
<h2>Le précédent des « emprunts toxiques »</h2>
<p>Ces dernières années, la gestion des 36 000 communes de France a connu quelques ratés spectaculaires. Le cas des « emprunts toxiques » est à cet égard exemplaire. Dans les années 2004-2008, plus de 850 collectivités locales ont souscrit à des emprunts qui se sont avérés être des emprunts toxiques. Or, non seulement les élus savaient ce qu’ils faisaient – contrairement à ce qu’ils ont affirmé régulièrement – mais <a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-certains-elus-locaux-savaient-ce-quils-faisaient-55924">plus les élus savaient, plus ils signaient</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-entre-ignorance-et-petits-calculs-57709">article</a> publié en 2016, nous montrions à partir de l’expérience de la métropole grenobloise comment les élus responsables avaient fourvoyé leurs collectivités avec de tels montages financiers. Comme de très nombreuses collectivités locales, la métropole grenobloise a pu sortir de la nasse des emprunts toxiques grâce à l’appui de l’État, via le Fonds de soutien (SFIL). Mais outre que cette sortie a été <a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-la-douloureuse-sortie-de-la-metropole-grenobloise-62053">très coûteuse financièrement</a>, elle a eu également un coût politique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-entre-ignorance-et-petits-calculs-57709">Emprunts toxiques : entre ignorance et petits calculs</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emprunts-toxiques-la-douloureuse-sortie-de-la-metropole-grenobloise-62053">Emprunts toxiques : la douloureuse sortie de la Métropole grenobloise</a>
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<p>Autre exemple emblématique : la région Poitou-Charentes qui sous la présidence de Ségolène Royal a souscrit pour près de <a href="https://www.lepoint.fr/economie/emprunts-toxiques-5-5-milliards-aux-frais-des-contribuables-21-02-2017-2106276_28.php">200 millions d’euros d’emprunts devenus toxiques</a>, dont 47 millions à très haut risque, selon le cabinet EY. On pourrait malheureusement citer bien d’autres exemples de la mauvaise gestion financière de ces collectivités.</p>
<p>Si on peut comprendre les élus des collectivités demandant davantage de compétences et de responsabilités afin d’élargir leurs pouvoirs, on peut néanmoins s’interroger si « un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales permettra de restaurer la confiance et de donner un nouvel élan à notre pays », pour reprendre les mots du président du Sénat. À tout le moins, si cela devait se faire il conviendrait de revoir sérieusement la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gouvernance-23847">gouvernance</a> des collectivités locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192652/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cas des « emprunts toxiques » souscrits dans les années 2000 a révélé des modes de décision qui interrogent au moment où le Sénat veut lancer une nouvelle étape dans la décentralisation.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916952022-10-06T18:32:08Z2022-10-06T18:32:08ZLa coopétition dans les vins d’Auvergne : pour le meilleur et pour le pire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487505/original/file-20220930-22-5p5ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C12%2C1180%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vignes de l'AOC Côtes d'Auvergne à Boudes dans le Puy-de-Dôme.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vignes_côtes-d%27auvergne_Boudes_2016-07-16_n2.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coopetition-62125">coopétition</a>, qui désigne une situation de coopération entre concurrents, est un <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">phénomène ancien</a> qui n’a bénéficié que récemment d’un intérêt de la part des entreprises et des chercheurs en gestion. Sans doute parce que l’association de ces deux notions, concurrence et coopération, paraissait trop antinomique pour trouver sa place dans le corpus théorique des sciences économiques et de gestion, à l’exception de quelques apports de la théorie des jeux.</p>
<p>Depuis une vingtaine d’années, les recherches s’amplifient cependant, portées par l’évidence de l’intérêt stratégique de cette modalité de développement interorganisationnel. Elle peut paraître contre-intuitive, mais se nourrit de nombreux exemples de succès : s’allier avec un concurrent peut permettre de faire grossir un « gâteau » à se partager ensuite (la coopération permettant d’être plus efficace à plusieurs que seul), et s’avère préférable à la lutte à mort concurrentielle qui permet au mieux, souvent, une modeste part supplémentaire d’un gâteau bien amaigri.</p>
<p>L’idée part donc d’une hypothèse forte : la coopération entre concurrents permettrait, à certaines conditions, de créer davantage de valeur en favorisant l’innovation, le partage de savoirs, de compétences, de techniques ou de matériel, en permettant des économies d’échelle par des investissements ou des achats communs, etc.</p>
<h2>Le cas des vins d’Auvergne</h2>
<p>C’est le cas, par exemple, de Salomon, Millet et Babolat qui, bien que concurrents directs sur un certain nombre de produits, s’associent au sein de l’Advanced Shoe Factory 4.0 pour <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/sport-chamatex-fait-le-pari-du-made-in-france-avec-salomon-millet-et-babolat-1252326">relocaliser en France la production de chaussures de sport</a> (voir à ce sujet l’étude de <a href="https://www.chairecooinnov.com/cas">cas proposée par la Chaire Coo’Innov</a>).</p>
<p>Autre exemple dans le monde audiovisuel, Canal+, qui connaît une sévère perte d’abonnés ces dernières années, s’est finalement allié à ses anciens rivaux, Netflix, Disney et OCS, pour proposer aux spectateurs les offres de ses concurrents, en plus des programmes originaux. Cette <a href="https://theconversation.com/fr/topics/strategie-21680">stratégie</a>, combinée à d’autres actions, semble à ce jour porter ses fruits.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0019850122001183">recherche</a> porte quant à elle plus spécifiquement sur les vins d’Auvergne, <a href="https://www.inao.gouv.fr/produit/14878">regroupés depuis 2010 au sein de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) « Côtes d’Auvergne »</a>. Elle met clairement en évidence les bénéfices issus de la coopétition pour ce vignoble, longtemps peu prestigieux et peu renommé, qui connaît un net sursaut et une amélioration significative de sa qualité depuis quelques années. Dans un petit vignoble comme celui de l’AOC Côtes d’Auvergne, véritable <a href="http://www.vin-vigne.com/images/vin_vigne/carte_vin_france.jpg">« nain » parmi les 16 appellations génériques des vins de France</a> au côté des prestigieux vins de Bourgogne, de Bordeaux ou de Champagne, le partage des ressources est essentiel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/strategie-volcanique-pour-le-cotes-dauvergne-un-petit-vin-devenu-grand-133937">Stratégie volcanique pour le côtes d’Auvergne, un « petit » vin devenu grand</a>
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<p>Les vignerons et viticulteurs ont mis en commun certains matériels (par exemple pour les vendanges), des ressources financières, mais s’apportent aussi une entraide très significative, alors qu’ils sont pourtant, en même temps, concurrents. La stratégie de coopétition mise en place a rapidement permis aux acteurs de la filière de créer de la valeur, d’abord sur la qualité du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a> avec des <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/cinq-raisons-pour-lesquelles-les-vins-d-auvergne-ont-la-cote_14062593/">résultats plutôt probants</a>, induisant un cercle vertueux et des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-vin-de-dominique-hutin/le-souffle-nouveau-de-l-auvergne-authentique-eldorado-du-vin-7453425">conséquences remarquables sur la notoriété</a>.</p>
<h2>Les nouveaux arrivants plus que bienvenus</h2>
<p>Créer de la valeur est une première étape évidemment essentielle, mais pas la seule. Le deuxième étage de la « fusée coopétition » est celui de l’appropriation de la valeur, c’est-à-dire le fait, pour les acteurs engagés dans une telle stratégie, de retirer les fruits, collectivement ou individuellement, des gains ainsi créés. De façon individuelle, la notoriété accrue par la production semble <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/pierre-desprat-il-est-plus-facile-de-valoriser-nos-cotes-d-auvergne-a-new-york-qu-a-clermont-ferrand_12824584/">aider certains à mieux exporter</a>, tandis que d’autres acteurs ont pu accroître leur volume de production et/ou leurs prix de vente. Mais il y a plus surprenant, et intéressant : nos interlocuteurs nous le disent nettement, les nouveaux arrivants sur le terroir sont non seulement les bienvenus, mais même souhaités, encouragés par les vignerons et viticulteurs déjà installés. Au point, par exemple, de leur réserver des terres : une caractéristique surprenante et peu intuitive de ces relations de coopétition, entre concurrents qui coopèrent.</p>
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<p>Pourtant, le tableau n’est pas complètement idyllique, et fait ressortir une face cachée de la coopétition qui peut aussi engendrer des formes de « destruction de valeur ». Ce qui prouve si besoin était que la coopération entre concurrents ne va pas de soi : elle conduit parfois, de façon non intentionnelle, à des résultats qui vont à l’encontre des effets initialement recherchés.</p>
<p>Prenant ici la forme d’une AOC, par définition dotée d’un cahier des charges précis et contraignant – gage de qualité, justement – elle semble avoir de possibles effets pervers. Par exemple, les <a href="https://vin-champagne.ouest-france.fr/quest-ce-que-le-rendement/">rendements d’une vigne en AOC sont bien inférieurs</a> à ceux d’une « simple » indication géographique protégée, et a fortiori, d’une parcelle commercialisée en « vins de France ».</p>
<h2>« L’union fait la force »</h2>
<p>Pour l’AOC Côtes d’Auvergne, le rendement maximum autorisé est de 55 hectolitres par hectare, quand il s’élève à 70 en Indication géographique protégée (IGP). De quoi inciter certains à privilégier cette IGP et à sortir de la logique d’AOC et donc de la stratégie collective adoptée d’une montée en qualité et en notoriété. Si l’AOC implique souvent une augmentation du prix de vente des vins, supposée surpasser la baisse des rendements, il n’est pas certain que la marge de manœuvre soit significative pour les vins d’Auvergne de ce côté-là, tout de même concurrencés par d’encombrants (et réputés) voisins.</p>
<p>Ainsi, notre recherche conforte, pour le secteur des vins d’Auvergne, tout l’intérêt de mécanismes de coopétition, notamment pour des petites structures, relativement homogènes, sur des territoires peu renommés. Comme le dit le dicton, « l’union fait la force ». Si, donc, les raisons pour lesquelles la coopétition constitue aujourd’hui une stratégie très utilisée par les entreprises semblent clairement ressortir, et sont adaptées aux petites entreprises, notre étude montre aussi certaines limites de l’exercice, qui justifient probablement une approche sur-mesure selon les situations rencontrées.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les viticulteurs auvergnats expérimentent la coopération entre concurrents avec succès, mais pas sans pointer quelques limites de l'exercice.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891872022-09-11T16:27:01Z2022-09-11T16:27:01ZViolences sous silence : une enquête en Nouvelle-Aquitaine révèle l’ampleur des féminicides en milieu rural<p>Montargis, Saint-Brévin-les-Pins, Villeneuve-sur-Lot… Le huis clos estival a déjà donné lieu à <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/un-effet-huit-clos-cet-ete-encore-les-feminicides-s-enchainent-partout-en-france-7803545">18 cas de féminicides comme le rapportent les associations</a>. Ces chiffres sont aussi à mettre en perspective avec une dimension moins connue de la lutte contre les violences faites aux femmes : l’importance du milieu rural. <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/presque-la-moitie-des-feminicides-se-passent-en-zone-rurale-rappelle-cecile-gallien-de-lamf">En France, 50 % des féminicides ont lieu dans ces territoires</a> où, selon les <a href="https://www.observationsociete.fr/territoires/linsee-change-de-methode-et-la-population-rurale-passe-de-25-a-33/">nouvelles définitions de l’Insee</a>, réside un tiers de la population, soit environ 22 millions de personnes, dont près de 13 millions de femmes.</p>
<p>Or, comme l’a montré le précédent état des lieux de l’Observatoire régional des violences en <a href="https://cri-adb.org/base/cri-adb/757">2020</a>, à l’instar des <a href="https://theconversation.com/handicap-une-enquete-en-nouvelle-aquitaine-revele-quune-femme-sur-deux-a-subi-des-violences-sexuelles-170677">femmes en situation de handicap</a>, les habitantes en milieu rural cumulent les facteurs de risque d’agression.</p>
<p>C’est dans ce cadre que j’ai mené cette recherche en Nouvelle-Aquitaine de septembre 2021 à août 2022 pour l’Observatoire régional. J’ai travaillé à l’aide de questionnaires (mars à août 2022) et en m’appuyant sur plus de 50 entretiens individuels et collectifs auprès de professionnels et de femmes victimes ou anciennement victimes de violences dans dix départements différents de la Nouvelle-Aquitaine. Les résultats montrent que le principal facteur aggravant les violences est l’isolement de ces femmes. Un isolement géographique, mais surtout moral, accentué par des stéréotypes de sexe ancrés et un <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1960_num_1_2_1814">fort contrôle social</a> qui domine ces espaces.</p>
<h2>Premiers résultats</h2>
<p>D’après nos résultats, 70 % des répondantes sont des victimes de violences et la moitié des témoins sont aussi victimes. En 2021, 122 féminicides ont été recensés dans le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/08/26/les-feminicides-en-hausse-de-20-en-2021-par-rapport-a-2020_6139137_3224.html">silence assourdissant des témoins</a>. Ces données sont conformes aux enquêtes inhérentes au sentiment de discrimination où près de 85 % des témoins de violences <a href="https://livre.fnac.com/a15235412/Arnaud-Alessandrin-Le-role-de-la-ville-dans-la-lutte-contre-les-discriminations">n’interviennent pas</a>.</p>
<p>Le sexe de l’auteur est à 93 % un homme : les femmes autrices relèvent majoritairement de violences intrafamiliales (coups, maltraitances envers leur enfant).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/handicap-une-enquete-en-nouvelle-aquitaine-revele-quune-femme-sur-deux-a-subi-des-violences-sexuelles-170677">Handicap : une enquête en Nouvelle-Aquitaine révèle qu’une femme sur deux a subi des violences sexuelles</a>
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<p>Cette enquête relève que 40 % des victimes interrogées ont déposé plainte auprès de la gendarmerie, alors qu’on en recense seulement un tiers au numéro national dédié : le 3919. C’est aussi deux fois plus que lors des précédentes enquêtes, ce qui indique que le recours aux forces de sécurité est plus important que la moyenne nationale tous territoires confondus. Les victimes de violences parlent davantage des violences à leur famille et aux forces de sécurité. Seules 18 % n’en ont jamais parlé contre 25 % lors des deux recherches que j’ai récemment conduites.</p>
<p>Les résultats du questionnaire montrent une plus grande exposition aux violences physiques et des enfants directement victimes de violences physiques (presque deux fois plus que lors des deux précédentes enquêtes menées lors des deux recherches pré-citées).</p>
<p>L’hypothèse d’un plus grand isolement coïncide avec la stratégie des auteurs de violence conjugale. Cela renforce ainsi leur sentiment d’impunité et la vulnérabilité des victimes potentielles. Cet isolement est d’autant plus efficace que que le <a href="https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/kiosque/2021-egalite-05-le-risque-detre-touchees-par-le-chomage-et-la-precarite-est-plus-fort-pour">risque de chômage et de précarité est plus important pour les femmes en milieu rural</a> :</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Comment les hommes isolent les femmes</h2>
<p>Au travers des entretiens, un élément clef témoigne de l’emprise des maris sur leur femme : le <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-de-la-sante-et-de-l-assurance-maladie-2021-3-page-49.htm">contrôle des kilométrages</a>. Étant donné que les victimes <a href="https://www.publicsenat.fr/emission/senat-en-action/violences-conjugales-en-ruralite-la-double-peine-189185">sont éloignées des structures</a>, le compagnon peut plus facilement voir le nombre de kilomètres effectués.</p>
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<p>« J’ai une petite voiture, mais je ne l’utilise jamais car mon compagnon garde les clés de la voiture ».</p>
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<p>En milieu rural, les habitations les plus proches peuvent parfois se retrouver à 500 mètres, donnant un sentiment d’isolement encore plus fort car le fait de sentir une présence proche rassure (même si pour leur grande majorité, les voisins <a href="http://www.slate.fr/france/86391/non-intervention-agression">n’interviennent pas</a>).</p>
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<p>« Alors séparée en attente du divorce, j’ai déménagé temporairement plus loin, mais dans un lieu isolé hélas ! Je recevais un couple d’amis, il surveillait du coin de la rue. Il a attendu que je me retrouve seule. Il a tout détruit chez moi, et ensuite m’a tapée jusqu’à me laisser inconsciente sur le sol et est reparti par la fenêtre. Personne ne l’a vu ni entendu les cris ! Mes enfants (1 et 2 ans) dormaient dans la pièce d’à côté. Je les ai réveillés en pleine nuit et suis partie avec eux… ».</p>
</blockquote>
<p>À ce risque d’isolement s’ajoutent les difficultés qu’ont les femmes à réunir des témoignages, avec parfois des alliances entre voisins et familles pour décrédibiliser la parole de la femme, quand ce n’est pas la peur des représailles qui empêche de prendre parti et de témoigner. À l’instar du <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-060-1-notice.html">rapport du Sénat</a>, la présence d’armes, omniprésente, intensifie la peur des victimes et de l’entourage (proches comme voisins).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-de-la-dependance-automobile-en-zones-peu-denses-168902">Le casse-tête de la dépendance automobile en zones peu denses</a>
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<h2>Des néo-rurales ostracisées</h2>
<p>On observe ici deux types de femmes en milieu rural : celles qui sont natives et connaissent tout le monde, et celles qui ont quitté leurs proches pour suivre leur compagnon, qui lui, connaît tout le monde. De manière différente, le piège se referme sur les deux catégories.</p>
<p>La moitié des femmes interrogées ont tout quitté pour vivre avec leur compagnon en milieu rural : amis, entourage, famille, spécialistes, parfois même leur emploi, avec l’espoir d’en retrouver. Aucune des femmes interrogées n’a pu retrouver un emploi et toutes se sont très vite retrouvées isolées et extrêmement dépendantes de leur conjoint. La situation après le départ peut perdurer lorsque la personne retourne auprès de ses proches éloignés car les moyens de pression peuvent persister, comme en témoigne cette dame de 42 ans :</p>
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<p>« J’ai vécu 13 ans avec mon ex-conjoint que j’ai rejoint à la campagne, loin de ma famille. Ça a commencé par l’isolement de ma famille, mes amis, qui étaient très loin puis une gifle, puis les brimades verbales, le chantage affectif, j’ai connu les rapports non consentis, les pratiques sexuelles non désirées, si je ne me donnais pas à lui, c’est les enfants qui prenaient des coups. Un jour, je me suis interposée entre lui et mon aîné, et j’ai pris le coup. Ça m’a décidée à partir. Depuis, après un divorce catastrophique où il a tout fait pour récupérer les enfants, j’en bave toujours. Mes enfants sont à 600 kilomètres de moi, et je suis toujours à sa merci pour les trajets, il valide les dates au dernier moment, fait du chantage pour les conduire à l’aéroport, m’obligeant à acheter les billets les plus chers… Sept ans de divorce et toujours pas en paix… »</p>
</blockquote>
<p>Ces témoignages montrent l’extrême violence et l’isolement que subissent ces femmes. Arrivant « d’ailleurs » pour reprendre un vocable récurrent, elles sont très vite isolées par leur conjoint, mais aussi souvent ostracisées par les riverains, car « tout le monde se connaît » et « tout le monde » prend le parti du conjoint « que tout le monde connaît » ainsi que sa famille.</p>
<p>Certaines femmes ayant un habitus urbain sont parfois même insultées et si elles ont le malheur d’en parler à un entourage/voisinage, le conjoint est aussitôt prévenu. C’est ce qui explique que ces dernières préfèrent se rendre directement à la gendarmerie pour déposer plainte lorsqu’elles ont des enfants, ou fuir lorsqu’elles n’en ont pas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-un-tournant-rural-en-france-151490">Vers un tournant rural en France ?</a>
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<h2>Des rurales qui connaissent tout le monde et que tout le monde connaît</h2>
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<p>« Tout le monde le connaissait et tout le monde le trouvait merveilleux ! J’ai déménagé ailleurs avec ma mère car tout le monde le défendait ! »</p>
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<p>Pour les femmes originaires de la même commune que leur compagnon, elles subissent aussi des pressions familiales avec parfois une connivence de certains représentants des institutions qui côtoient l’auteur :</p>
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<p>« Ma sœur avait déposé plainte mais l’auteur des faits n’a rien pris. Les gendarmes le connaissaient bien et le défendaient. Je déplore toutes ces incitations aux victimes à déposer plaintes quand on voit comment c’est traité derrière ! »</p>
</blockquote>
<p>Ces femmes consultent <a href="https://journals.openedition.org/sds/1686">aussi peu ou pas de spécialistes</a> en raison d’une part d’un manque criant de médecins dans les zones rurales, mais aussi de <a href="https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2021/2021_10_parcours_soin_psychiatrie.pdf">la stigmatisation du suivi psychologique</a> (« je ne suis pas folle »), un point récurrent en <a href="http://theses.unistra.fr/ori-oai-search/notice/view/uds-ori-101236?height=500&width=900">milieu rural</a>. Ainsi, beaucoup de femmes restent seules avec leur traumatisme, même après une séparation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/contraindre-ou-inciter-lepineuse-gestion-des-deserts-medicaux-167955">Contraindre ou inciter, l’épineuse gestion des déserts médicaux</a>
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<h2>Stéréotypes sexistes très ancrés</h2>
<p>Les entretiens menés ainsi que les réponses au questionnaire montrent par ailleurs un profond ancrage des rôles sexués entre les femmes et les hommes. Si ces derniers concernent <a href="https://journals.openedition.org/osp/8510">tous les territoires</a>, en milieu rural, il apparaît plus accentué.</p>
<p>Certains hommes considèrent ainsi que la place de la femme est dans son foyer, très peu autorisée <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2021-1-page-178.htm">à investir l’espace public</a>, en dehors des courses et des enfants.</p>
<p>Tout écart de comportement est noté : comme l’indique la chercheuse <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2021-1-page-57.htm">Clémentine Comer</a> « les formes d’interconnaissances existantes dans le monde rural peuvent contribuer à enfermer la femme dans la cellule conjugale », permettant un <a href="http://www.jstor.org/stable/40619">contrôle des femmes</a> plus important qu’ailleurs.</p>
<p>Enfin, cette difficulté à préserver l’anonymat en milieu rural pèse aussi sur la libération de la parole. Lorsque certaines femmes victimes de violences sont obligées de rester dans la même commune après la séparation, elles peuvent basculer de l’isolement à la solitude et à l’ostracisme.</p>
<h2>Une relégation étatique ?</h2>
<p>Les préconisations issues de cette recherche prennent majoritairement en compte le contrôle social. Comme on l’a vu, il ne suffit pas d’avoir un permis de conduire et un véhicule pour penser la sortie de l’isolement, car le contrôle du conjoint renforcé par le contrôle collectif peuvent être la cause de ces empêchements. La <a href="http://eso.cnrs.fr/fr/manifestations/pour-memoire/faire-campagne-pratiques-et-projets-des-espaces-ruraux-aujourd-hui/les-solidarites-en-milieu-rural.html">solidarité observée dans ces territoires</a> peut parfois se retourner contre les victimes.</p>
<p>Par ailleurs, la politique d’attribution de logement social priorise les personnes qui ont un emploi près des <a href="https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_2003_num_17_4_1473">centres urbains</a>, éloignant encore plus celles éloignées de l’emploi en prenant en compte les revenus d’activité et <a href="https://onpes.gouv.fr/IMG/pdf/Travaux2003-2004-2-1-3-logement_menagespauvres-Driant.pdf">« la solvabilité des ménages »</a>. Il serait souhaitable d’effectuer des régimes d’exception afin de faciliter le parcours de sortie des violences, car certaines femmes interrogées finissent par se résigner, sans autre aide extérieure.</p>
<p>À l’issue de cette recherche, une analogie peut être établie entre l’isolement géographique, et l’isolement étatique, qui peut être comparable avec la relégation opérée dans les quartiers prioritaires de la ville. Néanmoins, on relève un élément supplémentaire pour les femmes victimes de violence en milieu rural : l’isolement moral. En effet là où l’on observe une forme de solidarité <a href="https://www.academia.edu/42832679/Femmes_des_quartiers_populaires_%C3%A0_l%C3%A9preuve_du_racisme_du_sexisme_et_des_discriminations">entre femmes dans les quartiers prioritaires de la ville</a>, la solidarité en milieu rural isole et renforce une <a href="https://metropolitiques.eu/Celles-qui-restent-jeunes-filles-en-milieu-rural.html">certaine culture du silence</a>.</p>
<p>Les recherches demeurent embryonnaires sur ce sujet en France, contrairement par exemple <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ref/2016-v22-n2-ref02947/1038975ar">au Canada</a> ou <a href="https://www.nationalruralcrimenetwork.net/news/captivecontrolled">au Royaume-Uni</a>. L’état, dans une logique d’équité territoriale, devrait être davantage présent sur <a href="https://www.lafranceagricole.fr/actualites/egalite-41-projets-contre-les-violences-faites-aux-femmes-en-milieu-rural-1,3,1563819947.html">ces territoires</a> surtout au regard du fait que la précarité financière vient par ailleurs fragiliser la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-la-lcd-lutte-contre-les-discriminations-2020-3-page-87.htm">situation de femmes en milieu rural</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189187/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche a été effectuée en tant que directrice de recherche pour l'Observatoire Régional des violences sexistes et sexuelles de Nouvelle-Aquitaine, soutenu par l'état et la Région Nouvelle-Aquitaine. </span></em></p>Les habitantes en milieu rural cumulent les facteurs de risque d’agression. Résultats d’une enquête inédite en Nouvelle-Aquitaine.Johanna Dagorn, Sociologue, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891562022-09-02T10:31:59Z2022-09-02T10:31:59ZLe tourisme a-t-il tourné la page du Covid ? L'exemple de l'hébergement en région PACA<p>La saison touristique estivale 2022 fut <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/tourisme-vers-un-ete-2022-exceptionnel-en-france-1784302">« remarquable »</a> pour les professionnels français, a souligné, le 29 août dernier, la ministre déléguée chargée du Tourisme, Olivia Grégoire, en commentant les premiers bilans de l’Insee, d’Atout France et d’ADN Tourisme. Selon François de Canson, président d’ADN Tourisme et maire (ex-LR) de La Londe-les-Maures (Var), on se dirige même vers « année historique », ce qui confirmerait que le secteur est bel et bien en train de tourner la page de crise du Covid.</p>
<p>Les deux années précédentes, la crise sanitaire avait en effet profondément impacté l’activité touristique sur tous les continents, et particulièrement dans les pays les plus visités d’Europe, dont la France. Paris, la première destination mondiale, n’avait pas été épargnée, et les régions littorales à forte attractivité avaient à peine mieux résisté.</p>
<p>La région <a href="https://theconversation.com/fr/topics/provence-alpes-cote-dazur-paca-106288">Provence-Alpes-Côte d’Azur</a>, qui rassemble les départements du Sud-Est (Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse) constitue un bon baromètre de ces répercussions. Dans l’hôtellerie par exemple, la recette moyenne par chambre (RevPar) a bondi de 30 % par rapport à 2019, notamment sous l’effet du retour des touristes étrangers américains et du Golfe.</p>
<p>La région PACA associe en effet aux zones littorales de renommée mondiale de la Côte d’Azur d’autres zones attractives comme les stations des Alpes du Sud, les sites du Luberon ou la région d’Aix-en-Provence. La métropole de Marseille y tient une place particulière avec des visiteurs professionnels plus nombreux que les <a href="https://theconversation.com/global/topics/tourisme-21268">touristes</a> pendant une grande partie de l’année. Depuis 2015, la part des locations saisonnières s’est accrue dans toute la région, compte tenu essentiellement du développement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> de réservation en ligne et notamment de leur leader mondial <a href="https://theconversation.com/global/topics/airbnb-42384">Airbnb</a>.</p>
<h2>Airbnb s’en sort mieux que l’hôtellerie</h2>
<p>Nous avons mené une <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03402631/">étude</a> en partenariat avec la région qui nous a permis d’utiliser des données individuelles exhaustives relatives à la plate-forme Airbnb, renseignant à la fois les localisations des hébergements touristiques, leur nombre, leur durée, leurs prix, les caractéristiques des propriétaires, et bien d’autres choses, à défaut de connaître l’identité des occupants. Nous disposions aussi, grâce à une étude antérieure portant sur la même région, des données similaires depuis 2015.</p>
<p>De ce travail sont ressorties quatre constatations principales.</p>
<p>D’abord, les locations saisonnières transitant par la plate-forme ont souffert de la crise sanitaire dans la région. Leur fréquentation a été, en moyenne, bien plus faible que lors des deux années 2018 et 2019, mais cette baisse reste moins forte que celle qu’a subie l’hôtellerie dans la région. Le nombre de jours réservés a en effet baissé de 37 % entre 2019 et 2020, et les revenus locatifs ont décru de 33 % quand les hôtels de la région affichaient 45 % de nuitées en moins et des revenus chutant de 59 %.</p>
<p>Cette baisse s’est accompagnée – ce qui était impossible sur le plan hôtelier – d’une contraction de l’offre, de presque 10 % en moyenne, certains propriétaires ayant préféré donner un autre usage à leurs biens, voire à les occuper eux-mêmes.</p>
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<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-interdire-airbnb-177108">« Le pour et le contre » : Faut-il interdire Airbnb ?</a>
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<p>Côté demande, les visiteurs de 2020, moins nombreux et français en grande majorité, ont en moyenne préféré l’hébergement individuel à l’hôtel, pour différents motifs à propos desquels on ne peut que formuler des hypothèses (clientèle plus familiale qu’habituellement, bonne perception des avantages de la location saisonnière en termes de distanciation, meilleure expérience en termes de contact avec la population locale). Côté offre, le marché a montré comme on pouvait s’y attendre plus de réactivité que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/hotellerie-53536">l’hôtellerie</a>, en adaptant ses disponibilités à une demande plus restreinte.</p>
<h2>L’arrière-pays résiste plus que les villes</h2>
<p>Deuxième constatation : la baisse de fréquentation s’est très inéquitablement répartie sur le territoire de la région. Elle a été très importante dans les grandes agglomérations, impressionnante dans les zones de forte attractivité traditionnelle, beaucoup plus faible ailleurs, certains territoires ruraux de l’arrière-pays connaissant même une embellie toute particulière. Les Hautes-Alpes et surtout les Alpes de Haute-Provence amortissent notamment la crise, voire en profitent, alors que les autres départements s’affaissent.</p>
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<p>Les <a href="https://theconversation.com/global/topics/villes-23233">villes</a> les plus attractives de la Côte d’Azur restent les plus touchées (les Alpes-Maritimes connaissent une chute de 46 % du nombre de jours réservés et de 37 % des revenus engendrés, Nice perd 50 % de ses jours réservés, Cannes 49 %, etc.). Alors que la baisse de fréquentation hôtelière est estimée à 82 % en station de sport d’hiver entre les saisons 2019-2020 et 2020-2021, dans les deux départements alpins, les locations saisonnières en stations de sport d’hiver et transitant par la plate-forme amortissent la crise. Les chutes de fréquentation vont de 17 % à 33 % en 2020, Allos parvenant même à accroître le nombre de ses jours réservés.</p>
<p>Les hébergements situés en arrière-pays, en vallée ou en moyenne montagne s’en sortent mieux encore : dans les Alpes de Haute-Provence, ce sont 33 communes de taille modeste comme Les Mées, Castellane ou Banon, qui affichent une fréquentation en hausse. Le même phénomène s’observe à un degré moindre dans les Hautes-Alpes. Ces observations peuvent donner le sentiment que les vacanciers ont plus qu’habituellement recherché l’entre-soi, la nature et l’authenticité au sortir des confinements.</p>
<h2>Tarifs en hausse</h2>
<p>Troisième constatation, les séjours se sont allongés, ce qui semble être à nouveau la conséquence d’une modification de la clientèle, plus familiale qu’à l’accoutumée. À nouveau, cet allongement est plus fort dans les départements alpins et dans les zones de densité urbaine la plus faible.</p>
<p>Enfin, la hausse des tarifs est l’observation qui nous a le plus surpris. En bons économistes, nous imaginions que la baisse de la demande aurait poussé les propriétaires et la plate-forme à proposer des rabais, à « casser les prix ». Ce n’est pas ce qu’indiquent les données. Dans les six départements de la région, les tarifs journaliers montent, à la fois en moyenne et par personne.</p>
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<a href="https://theconversation.com/la-tourismophobie-une-tendance-qui-vient-de-loin-185812">La « tourismophobie », une tendance qui vient de loin</a>
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<p>Cette hausse n’est pas due à un effet de structure (ils augmenteraient parce que les hébergements sont plus grands) mais bien parce que ladite « loi de l’offre et de la demande » n’a pas joué. Les propriétaires ont-ils cherché à gagner sur le prix ce qu’ils perdaient en volume, ou la plate-forme les a-t-elle dissuadés à baisser leurs prix pour ne pas avoir à les remonter une fois la crise passée ? En tous cas, on observe que ce sont les multipropriétaires, moins enclins à suivre les recommandations de la plate-forme, qui s’adaptent le mieux en baissant parfois leurs prix, alors que ceux qui louent un ou deux logements ont tendance à ne pas changer leurs prix ou à les accroître.</p>
<p>Il sera à présent intéressant de voir si les phénomènes observés au plus fort de la crise amorceront de nouvelles tendances en termes d’attractivité touristique ou si le retour à la « normale » sur le plan sanitaire nous fera retourner aux distributions historiques des flux touristiques en région PACA.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Torre a reçu des financements de .
Région SUD-PACA.
Il ne s'agit pas de rémunérations, mais seulement de financement de frais de recherche (dont essentiellement l'acquisition des données AIRDNA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Charles Briquet-Laugier a reçu des financements de frais de recherche (pour, essentiellement, l'acquisition des données AIRDNA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sylvie Rochhia a reçu des financements de la Région Sud-PACA dans le cadre des "Fabriques de la connaissance" (2020 et 2021). Il ne s'agit pas de rémunérations, mais seulement de financement de frais de recherche (acquisition des données AIRDNA).</span></em></p>Les départements du Sud-Est français renouent avec les fréquentations de 2019 après deux ans de crise qui ne les auront pas tous impactés de la même manière.Dominique Torre, Professeur de Sciences Economiques, Université Côte d’AzurJean-Charles Briquet-Laugier, Secrétaire général, Maison des Sciences de l'Homme et de la Société Sud-Est, Université Côte d’AzurSylvie Rochhia, Maître de conférences en Sciences économiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896092022-09-01T17:48:05Z2022-09-01T17:48:05ZZones rurales contre zones urbaines : deux France s’opposent-elles vraiment dans les urnes ?<p>À la suite des élections présidentielle et législatives de 2022, de nombreux commentateurs ont mis en avant le clivage entre les ruraux et les urbains pour rendre compte des résultats du vote. Ce discours médiatique est produit principalement par des commentateurs qui pointent depuis des années, cartes à l’appui, le fossé – croissant – entre le vote des grandes villes et le vote d’une <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">« France périphérique »</a>. Il y aurait une <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/jerome-fourquet-l-etat-de-la-france-d-apres-05-05-2022-2474389_32.php">opposition politique</a> entre une France des métropoles, multiculturaliste, gagnante de la mondialisation et une France éloignée des grands pôles urbains, perdante de la mondialisation, subissant un déclin industriel et économique.</p>
<p>Mais existe-t-il véritablement deux France opposées sur le plan électoral ? Si tel est le cas, l’origine de cette fragmentation est-elle essentiellement liée au contexte économique local ou à la composition de ces territoires ?</p>
<h2>Dispersion des populations selon les territoires</h2>
<p>Il est vrai que les cartes et les données sur les gradients d’urbanité semblent <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/04/13/50-cartes-pour-lire-le-premier-tour-de-la-presidentielle-de-2022/">corroborer cette hypothèse</a>. Cependant, d’autres géographes minimisent au contraire <a href="https://metropolitiques.eu/Apres-les-elections-geographies-plurielles-d-une-France-en-desequilibre.html">l’effet prédictif de cette opposition géographique</a>. Pour eux, derrière les espaces de vie, se cacherait une réalité sociale plus complexe de nature à impacter le vote.</p>
<p>En effet, certains politistes et géographes mettent en avant depuis des années le rôle de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1041.htm">composition sociodémographique à un niveau très local</a> pour rendre compte du vote.</p>
<p>La variation du vote en fonction du lieu de vie lors des derniers scrutins serait d’abord le résultat d’une dispersion de <a href="https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/tag/gradient-durbanite/">populations dotées de certaines caractéristiques</a> comme l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle, l’âge, le niveau de diplôme ou le revenu. Le lieu de vie ne serait alors que l’arbre qui cache la forêt.</p>
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<h2>Une nouvelle classification des communes</h2>
<p>Pour contribuer à cette discussion, nous utilisons une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039991?sommaire=5040030">nouvelle typologie de l’Insee</a> (2020) qui répartit les communes en six territoires.</p>
<p>Elle distingue les communes rurales – soit 33 % de la population – en quatre catégories suivant leur densité et leur dépendance à un pôle d’emploi correspondant à une aire de plus de 50 000 habitants. Celle-ci est mesurée par les trajets domicile-emploi. Deux catégories du rural correspondent à la péri-urbanité (dépendant d’un pôle d’emploi) et deux à la ruralité <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039991?sommaire=5040030">(autonome)</a>.</p>
<p>Par exemple, en région parisienne, dans le département des Yvelines, Versailles est classée comme de l’« urbain dense », Rambouillet comme de « l’urbain intermédiaire », Montfort l’Amaury comme du « rural sous forte influence d’un pôle » (donc du péri-urbain), et il faut aller plus à l’Ouest, dans l’Eure-et-Loir pour trouver des communes rurales sous faible influence d’un pôle ou autonomes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-r-comme-ruralite-159848">« Les mots de la science » : R comme ruralité</a>
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<h2>Deux espaces de compétition électorale</h2>
<p>En croisant cette typologie avec le score des principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle obtenu au niveau des communes, nous constatons qu’il existe deux espaces de compétition électorale distincts en France : celui des communes à dominante urbaine et les autres – rurales et péri-urbaines (cf. figure 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Score des principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle par zone de résidence (moyenne de l’ensemble des communes par catégorie)" src="https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 – Score des principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle par zone de résidence (moyenne de l’ensemble des communes par catégorie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de l’Intérieur, Élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022 -- Résultats définitifs du 1ᵉʳ tour ; ANCT, Observatoire des territoires, Catégories du rural et de l’urbain(https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/categories-du-rural-</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans les grandes villes et leur proche couronne, la compétition s’est jouée entre Emmanuel Macron – qui y a fait ses meilleurs scores – et Jean-Luc Mélenchon. On retrouve Marine Le Pen loin derrière les deux premiers candidats dans ces territoires. La compétition prend une autre forme dans la péri-urbanité et la ruralité puisque le premier tour s’est joué, quant à lui, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.</p>
<p>Le Président sortant a récolté moins de suffrages à l’extérieur des communes denses, tout en se maintenant à un niveau relativement élevé, mais plus faible que celui de sa rivale. La candidate du RN a obtenu ses meilleurs scores dans les communes rurales sous faible influence d’un pôle urbain. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a vu son score baisser drastiquement de 10 points de pourcentage hors des communes urbaines denses.</p>
<p>Ce fossé électoral entre l’urbain dense – dans lequel résident 37,9 % des Français – et le reste des espaces est souvent expliqué par des variables socio-économiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-vote-metropolitain-et-ses-fractures-lexemple-de-montpellier-181188">Le vote métropolitain et ses fractures : l’exemple de Montpellier</a>
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<h2>Un déclassement social et économique ?</h2>
<p>Selon plusieurs hypothèses, certains territoires auraient été <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">délaissés</a> par les pouvoirs publics et les investisseurs privés qui leur préféreraient les « villes-monde ». Derrière ce que l’on présente parfois comme le <a href="https://www.revuepouvoirslocaux.fr/fr/article/periurbain-le-choix-n-est-pas-neutre-617">choix individuel</a> d’habiter dans la péri-urbanité, se cacherait en réalité un double déclassement social et culturel : ces habitants résideraient dans les espaces péri-urbains en raison de la contrainte économique imposée par l’augmentation du coût des loyers dans les métropoles et par une <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">stratégie d’évitement</a> de certaines populations issues de l’immigration. Tout ceci générerait un mécontentement social qui se traduirait dans les urnes avec une plus grande propension à voter pour des partis protestataires.</p>
<p>La limite de ces explications a été cependant mise en évidence par l’économiste <a href="https://livre.fnac.com/a15606204/Laurent-Davezies-L-%C3%89tat-a-toujours-soutenu-ses-territoires">Laurent Davezies en 2021</a>. Selon lui, la France, un état centralisé, investit massivement dans ses territoires et assure une solidarité fonctionnelle. Les métropoles contribuent plus au budget de l’état qu’elles ne reçoivent et inversement les territoires ruraux sont des nets bénéficiaires de l’argent public.</p>
<p>Bien que la mondialisation, puis la crise économique de 2008, aient <a href="https://journals.openedition.org/lectures/14875">affecté de manière disproportionnée</a> les territoires loin des grandes agglomérations, il nous semble ainsi exagéré de parler d’« abandon » ou de prendre quelques cas de délocalisations d’entreprises pour généraliser une opposition binaire entre une France heureuse et une France malheureuse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/france-peripherique-abstention-et-vote-rn-une-analyse-geographique-pour-depasser-les-idees-recues-175768">« France périphérique », abstention et vote RN : une analyse géographique pour dépasser les idées reçues</a>
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<h2>Pas de gouffre territorial sur le plan économique</h2>
<p>La lecture de données économiques et sociales par catégories d’habitation nous invite aussi à être dubitatifs face à la thèse opposant deux France (cf. tableau 1 ci-dessous).</p>
<p>En effet, on constate que c’est dans les grandes villes (urbain dense) que le niveau du revenu médian est le plus élevé, mais qu’il ne diffère pas de manière importante des communes des espaces péri-urbains. Néanmoins, il existe un écart relativement important entre les espaces ruraux éloignés des grands pôles urbains et celui de l’urbain dense – 3000 euros par an.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Indicateurs socio-économiques par catégorie d’habitation (moyenne par commune)" src="https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 1 – Indicateurs socio-économiques par catégorie d’urbanisation (moyenne par commune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee, Statistiques locales -- Indicateurs : cartes, données et graphiques et ANCT, L’Observatoire des Territoires (observatoire-des-territoires.gouv.fr). Données téléchargées le 10/08/2022</span></span>
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<p>De même, le taux de chômage est plus élevé dans les espaces urbains que péri-urbains ou ruraux. Le taux d’emploi précaire est le plus faible dans la péri-urbanité, le plus élevé dans les zones rurales autonomes, mais l’écart avec les villes n’est pas immense (deux à trois points de pourcentage). Il y a un certain écart dans le niveau de création d’entreprises, mais là encore, pas de gouffre territorial. La part des familles monoparentales, indicateur parfois utilisé pour <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-puzzle-francais-un-nouveau-partage-politique/">mesurer l’exclusion sociale</a>, est plus importante dans les grandes villes par rapport aux communes rurales. Enfin, le nombre d’allocataires du RSA est plus élevé dans les grandes villes que dans les communes péri-urbaines ou rurales, sauf dans les communes peu denses et éloignées des pôles d’emploi.</p>
<p>La fracture territoriale qu’on observait dans les urnes ne semble pas se retrouver sur le plan économique et social, à la lecture des données ci-dessus. De manière générale, ce ne sont pas les espaces où le RN a fait son meilleur score (péri-urbanité) que la situation économique et sociale est la plus dégradée (cf. tableau 1 ci-dessus).</p>
<p>Par exemple, dans le département du Nord, Marine Le Pen obtient de bien meilleurs scores dans les zones péri-urbaines (37 % dans le rural sous faible influence d’un pôle) où le revenu médian est plus élevé et le chômage plus faible que dans les grandes villes du département (22 100 euros vs 20 800). En effet, son score est plus faible dans les grandes villes du département comme Lille (12 %), Dunkerque (30 %), Douai (28 %) ou Valenciennes (25 %).</p>
<h2>Rester prudent face aux discours ambiants</h2>
<p>La présentation de ce faisceau d’indicateurs nous invite donc à considérer avec prudence les discours opposant une France bien lotie des villes d’un côté, et une France abandonnée des campagnes et de la péri-urbanité de l’autre. Un sondage pilote réalisé dans le cadre du projet dont nous faisons partie, <a href="https://www.norface.net/project/rude/">« Rural Urban Divide in Europe »</a> (RUDE), indique également que les ruraux et les péri-urbains sont plus satisfaits de leur lieu de vie que les urbains (87 % des ruraux sont d’accord avec l’affirmation « mon lieu de vie me rend heureux » contre 72 % des urbains).</p>
<p>Alors, si l’écart dans l’attitude électorale des citoyens issus d’espaces géographiques divers ne se fonde pas principalement sur le contexte économique et social, d’où pourrait-il provenir ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coq-maurice-et-autres-bruits-de-la-campagne-une-vision-fantasmee-de-la-ruralite-127241">Coq Maurice et autres « bruits de la campagne », une vision fantasmée de la ruralité</a>
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<h2>Une politique du ressentiment</h2>
<p>Il nous semble que la <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03393105">crise des « gilets jaunes »</a> dont les premières manifestations étaient concentrées dans la France du péri-urbain et des villes moyennes, a mis en lumière au sein de cette population le sentiment d’être laissée pour compte et loin des prises de décision.</p>
<p>Un sondage pilote sur un échantillon restreint mené dans le cadre du projet « RUDE » nous invite à développer cette hypothèse (<em>cf. Figure 2</em>).</p>
<p>Même s’il n’y a pas d’écarts socio-démographiques flagrants entre les villes d’un côté, et les communes péri-urbaines et rurales de l’autre, en termes de niveau de vie, il y a un écart de perception au niveau du ressentiment de ces populations vis-à-vis des urbains. Dans la lignée des <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo22879533.html">travaux pionniers de Katherine Cramer</a> sur la polarisation entre les électeurs ruraux et urbains du Wisconsin, on pourrait parler dans le cas français ce qu’elle décrit comme une « politique du ressentiment ».</p>
<p>Celle-ci prend quatre formes : la conscience d’appartenir à un lieu de vie spécifique et distinct des autres, le sentiment d’être moins bien doté en ressources publiques que les autres, d’avoir moins d’attention de la part des décideurs politiques, et de ressentir que son mode de vie n’est pas respecté par les élites urbaines. Le second graphique présente l’opinion des répondants à un sondage pilote en fonction de leur auto-identification à un lieu de vie.</p>
<p>Les réponses font apparaître, chez les personnes issues des zones rurales, un plus grand sentiment d’appartenance à leur zone géographique : sept ruraux sur dix déclarent avoir des valeurs similaires aux autres ruraux, seulement cinq sur dix pour les urbains. Les trois quarts des ruraux considèrent que les enjeux qui touchent leur lieu d’habitation sont ignorés par les responsables politiques, soit moitié plus que les urbains. L’écart est encore plus prononcé sur la question des ressources publiques : 84 % des ruraux considèrent qu’ils sont les derniers à profiter des dépenses publiques contre 31 % des urbains. Enfin, il existe un fort sentiment chez les ruraux que leur mode de vie n’est pas respecté par les urbains. La réciproque n’est pas vraie, seul un quart des urbains ont le sentiment que les ruraux ne respectent pas les spécificités liées à leur mode de vie.</p>
<h2>Prendre en compte la perception des individus</h2>
<p>Cette brève analyse de données descriptives ne clôt aucunement le débat sur le lien entre les lieux de vie et le vote et ne fournit pas une « preuve » que la composition socio-économique des territoires n’influe aucunement le comportement politique des électeurs à un niveau plus localisé. Elle invite à prendre en considération d’autres pistes d’explication. Elle montre l’utilité, en complément des cartes, de recourir aux données mises à disposition par l’Insee au niveau des communes, mais également à des enquêtes d’opinion prenant en compte l’appartenance objective et subjective à un lieu, pour comprendre les dynamiques électorales.</p>
<p>Surtout, elle nous invite également à prendre au sérieux le clivage entre l’urbanité d’un côté et la ruralité et la péri-urbanité de l’autre en y intégrant une dimension éminemment subjective : la perception que les individus ont de leurs intérêts et de leur situation locale par rapport à celle des autres.</p>
<p>La mise en évidence de ce clivage dans les représentations peut non seulement constituer une variable explicative du comportement électoral, mais potentiellement une source d’explication de la crise de la confiance dans la démocratie libérale que l’on observe depuis maintenant des années.</p>
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<p><em>Marion Mattos, Étudiante en Master « Progis », Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes, a contribué de manière significative à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189609/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Brookes a reçu des financements de l'ANR "The rural-urban divide in Europe – RUDE" coordonnée par l'agence européenne NORFACE. </span></em></p>L’origine de la fragmentation du vote est-elle essentiellement liée au contexte économique local ou à la composition de ces territoires ?Kevin Brookes, Post-doctorant à Sciences Po Grenoble - Laboratoire PACTE, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.