tag:theconversation.com,2011:/global/topics/speculation-27900/articlesspéculation – The Conversation2023-11-23T17:52:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2183772023-11-23T17:52:05Z2023-11-23T17:52:05ZNFT : êtes-vous prêt à acheter un vêtement virtuel ?<p>En août 2020, le magazine américain <em>Vogue</em> titrait en couverture <a href="https://www.vogue.com/article/tribute-virtual-clothes-digital-fashion">« Seriez-vous prêt à dépenser de l’argent pour des vêtements virtuels ? »</a> en référence à une robe numérique vendue 699 dollars, portable uniquement en ligne. Trois ans plus tard, le constat est brutal : <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/plus-de-95-des-nft-ne-valent-plus-rien-de-l-effet-de-mode-a-la-decadence-6207660">95 % des NFT, les « jetons numériques » qui certifie l’authenticité d’un actif virtuel, ne valent plus rien</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1709060218078876045"}"></div></p>
<p>La mode serait-elle en train de passer ? Le marché des NFT a été multiplié par 130 entre début 2020 et début 2021. Au-delà des vêtements virtuels, des « tokens » d’authentification ont été ajoutés à des morceaux de musique exclusifs, <a href="https://opensea.io/assets/ethereum/0x495f947276749ce646f68ac8c248420045cb7b5e/73915159672205439806165659676294116767432804025715086206809379148247781605377">aux tatouages d’une joueuse de tennis</a>, à des <a href="https://www.numerama.com/tech/1011532-le-nft-du-premier-tweet-va-de-pire-en-pire-lenchere-la-plus-haute-est-de-23.html">tweets</a> ou même à la vidéo YouTube d’un enfant qui mord le doigt de son frère (vendue sous forme de NFT aux enchères en 2021 pour la somme de… 760 000 dollars).</p>
<p>Or, sur ce marché, de nombreuses <a href="https://theconversation.com/fr/topics/arnaque-en-ligne-139482">arnaques</a> attendent également les acheteurs : des <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Usa-un-artiste-condamne-pour-des-nft-de-sacs-hermes-crees-sans-autorisation,1484579.html">NFT de sacs Hermès sont créés sans autorisation</a> et des <a href="https://www.lepoint.fr/societe/finance-par-des-nft-le-film-plush-promu-par-kev-adams-vire-au-fiasco-25-04-2023-2517623_23.php">projets sont</a> abandonnés une fois les fonds levés. En outre, des pratiques frauduleuses s’observent, telles que le <a href="https://www.capital.fr/crypto/squiggles-une-arnaque-aux-nft-a-7-millions-de-dollars-decryptee-par-la-societe-bubblemaps-1485122">« wash trading »</a>, qui désigne le comportement d’un investisseur qui vend et achète un NFT entre différents portefeuilles qu’il détient pour gonfler le prix et attirer des acheteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1396890212547055617"}"></div></p>
<p>Il faut dire que, sur ce marché, la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/nft-dart-82-des-acheteurs-sont-motives-par-largent-pas-par-loeuvre-1403012">spéculation bat son plein</a>, les ventes s’envolent et retombent aussi rapidement. Le premier tweet de l’histoire, vendu en NFT pour près de 3 millions de dollars en 2021, n’en valait… <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1196030/article/2022-06-21/le-nft-du-premier-tweet-de-l-histoire-achete-2-9-millions-de-dollars-ne-vaut">plus que 23</a> quelques mois après.</p>
<p>Dans ce contexte, les marques, <a href="https://theconversation.com/industrie-du-luxe-des-premiers-pas-reussis-dans-le-monde-des-nfts-216224">surtout de luxe</a>, persistent néanmoins dans les projets NFT. Au-delà de l’intérêt financier, les vêtements virtuels mêlant art, mode et technologie redéfinissent en particulier la possession. À défaut de valeur monétaire <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculative</a>, ces types de NFT continuent à séduire pour leurs valeurs hédoniques et sociales, comme le montrent nos récentes <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cb.2270?af=R">recherches</a>.</p>
<h2>Une robe vendue 9500 dollars</h2>
<p>Boostés par la période pandémique, lorsqu’il était impossible d’arborer des tenues, les vêtements virtuels en NFT font fureur depuis. Ils s’affichent sur les profils Instagram, X et Facebook. <a href="https://www.thefabricant.com/">The Fabricant</a> par exemple est une maison de mode virtuelle qui crée des vêtements plutôt haut de gamme, à l’image de la robe Iridescence <a href="https://www.numero.com/fr/mode/mode-virtuelle-cyber-fashion-vetement-virtuel-the-fabicant-iridescence-dress-encheres-9500-dollars-puma">vendue 9 500 dollars</a>. Mais des marques plus traditionnelles s’y sont mises, à l’image de l’équipementier sportif Nike, qui aurait déjà engendré plus de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Nft-nike-en-pointe-grace-a-sa-filiale-rtfkt,1432661.html">185 millions de dollars de revenus</a> grâce aux NFT.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1562150953591062529"}"></div></p>
<p>Les marques de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a> se lancent également, attirées par l’unicité, la rareté, l’authentification et la personnalisation qu’apportent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jetons-non-fongibles-nft-116655">NFT</a>. La marque Gucci a même lancé une paire de baskets virtuelles pour un dollar ou encore un sac numérique qui se vendait en 2021 beaucoup plus cher que la <a href="https://www.journalduluxe.fr/fr/mode/ce-sac-gucci-se-vend-plus-cher-dans-sa-version-virtuelle-que-dans-sa-version-physique">version physique</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-du-luxe-des-premiers-pas-reussis-dans-le-monde-des-nfts-216224">Industrie du luxe : des premiers pas réussis dans le monde des NFTs ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Notre dernier travail de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cb.2270?af=R">recherche</a> identifie le plaisir, la curiosité et l’interaction sociale parmi les <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/9739372">trois motivations</a> d’achat des consommateurs de vêtements virtuels. L’achat de vêtement virtuel se montre aux autres sur les réseaux sociaux : c’est bien un achat qui est pensé en vue d’interagir avec les pairs.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’engouement des vêtements virtuels s’inscrit donc dans une vision expérientielle où le consommateur souhaite profiter du bien, en le portant et en interagissant avec d’autres consommateurs qui ont également franchi le pas de l’achat. La temporalité est l’immédiateté : le consommateur veut vivre l’expérience et n’entre pas dans une logique de stockage pour revendre dès que les cours auront grimpé.</p>
<h2>Des NFT Zara</h2>
<p>Toutefois, si l’achat de vêtements de luxe dans la réalité apporte un statut social, il est intéressant de noter que ce n’est pas le cas pour les vêtements virtuels de marques de luxe. Que la marque soit de luxe ou non, la curiosité, le plaisir et l’interaction sociale priment. Le vêtement virtuel apparait d’abord comme un <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/15/2/139/1841428">soi étendu dans le monde virtuel</a> pour affirmer son appartenance à une communauté.</p>
<p>C’est pourquoi le succès des vêtements NFT s’étend désormais à des marques moins prestigieuses. Une enseigne comme Zara a lancé une collection dans le métavers fin 2021. Quel que soit le niveau de gamme, la clé du succès dans le vêtement virtuel réside dans un usage non spéculatif, axé sur le divertissement, le social ainsi que sur le côté communautaire et artistique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468233609387593730"}"></div></p>
<p>Les NFT artistiques peuvent ainsi être liés à un univers virtuel ou accompagner des produits physiques, comme les magnums Dom Pérignon désignés en collaboration avec la chanteuse Lady Gaga ou la voiture de course aux couleurs du whisky Kinahan dessinée par l’artiste Morisseta. L’avenir des NFT repose en effet sans doute sur ces territoires qui mêlent réel et virtuel, jeu et communauté, art et exclusivité, avec des acheteurs cherchant à les consommer plutôt que de les considérer comme des investissements spéculatifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte de moindre engouement pour les NFT, les marques de luxe continuent de proposer des biens numériques qui séduisent les consommateurs pour d’autres raisons que la spéculation.Insaf Khelladi, Professeur Associé en Marketing, Pôle Léonard de VinciCatherine Lejealle, Sociologue, spécialiste du digital. Enseignante-chercheuse, ISC Paris Business SchoolSaeedeh Rezaee Vessal, Associate Professor In Marketing, Pôle Léonard de VinciSylvaine Castellano, Directrice de la recherche, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075482023-06-18T15:32:55Z2023-06-18T15:32:55ZDécryptage : comment les spéculateurs tirent profit des turbulences bancaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531700/original/file-20230613-17-cpd6cu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C13%2C1270%2C837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les turbulences boursières créent des opportunités pour certains investisseurs.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/bourse-économie-mondiale-boom-4785086/">Gerd Altmann/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’une société cotée en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bourse-25542">bourse</a> est en difficulté, les spéculateurs peuvent parier agressivement sur la baisse de la valeur de ses actions et engranger du profit sur le malheur des autres. Les turbulences dans le secteur bancaire américain, survenues mi-mars après les <a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">déboires de la Silicon Valley Bank</a> (SVB), en sont un bon exemple.</p>
<p>Au cours de la dernière semaine d’avril et de la première semaine de mai, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/actions-26034">actions</a> des banques régionales PacWest Bankcorp et Western Alliance Bancorporation avaient ainsi <a href="https://www.nytimes.com/2023/05/04/business/pacwest-stock.html">chuté fortement</a>, jusqu’à entraîner la suspension de leur cotation à Wall Street. En cause : une vulnérabilité des dépôts identifiée par les investisseurs qui ont multiplié ce type de pari à la baisse malgré une communication rassurante des banques ciblées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1653434819211325447"}"></div></p>
<p>Plus largement, les fonds d’investissement qui détenaient une partie importante d’actions de banques régionales américaines ont également connu des turbulences au cours de la même période. Depuis mi-mars, le cours du fonds SPDR (S&P Regional Banking) a par exemple perdu <a href="https://finance.yahoo.com/quote/KRE/">près de 25 % de sa valeur</a>. Cette forte baisse de la valeur, <a href="https://www.nasdaq.com/articles/unusual-put-option-trade-in-spdrr-sp-regional-bankingsm-etf-kre-worth-$11376.00k">liée à des mouvements financiers inhabituels</a>, illustre la pression importante exercée par les spéculateurs.</p>
<h2>Fonction corrective</h2>
<p>D’une manière générale, les spéculateurs peuvent profiter de ces tendances négatives de deux manières.</p>
<p>La première est la vente à découvert : un spéculateur emprunte une action à une autre institution et est obligé de la rendre à son propriétaire initial après une période donnée. Par exemple, supposons que le prix actuel d’une action est de 100 euros, mais qu’un spéculateur pense qu’il est susceptible de baisser. Il peut emprunter l’action (moyennant une commission de quelques centimes) et promet de la rendre dans un mois.</p>
<p>Au moment de l’emprunt, le spéculateur vend l’action sur le marché libre et l’achète à nouveau plus tard, afin de la restituer. Si le prix baisse pendant cette période, le spéculateur profite de cette baisse. Ainsi, si le prix a baissé à 90 euros, le spéculateur gagne 10 euros.</p>
<p>La deuxième façon dont les spéculateurs peuvent profiter de la baisse de la valeur des actifs et des entreprises consiste à négocier des produits dérivés, c’est-à-dire des titres indexés sur le cours d’un autre actif (sous-jacent), le plus souvent d’une autre action. Il existe également des produits dérivés qui permettent de vendre titre à une donnée et à un prix fixé à l’avance.</p>
<p>Dans ce cas, le spéculateur peut bénéficier de manière significative d’une baisse des prix. Par exemple, un il peut prévoir de vendre 100 euros un titre dans trois mois. Si le prix a effectivement baissé au bout de 90 jours, le spéculateur réalise un bénéfice de 10 euros (moins le coût de la conclusion du contrat de vente).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’activité de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculation</a> est souvent perçue de manière négative. Cependant, elle remplit un rôle correctif sur les marchés financiers. Supposons qu’un actif soit surévalué. Les investisseurs qui comprennent la juste évaluation de l’actif peuvent négocier sur cette « information négative » afin de rapprocher le prix des fondamentaux.</p>
<h2>Spirale négative</h2>
<p>Le problème survient lorsque les spéculateurs parient que leurs opérations excessives rendront l’opération encore plus rentable. Dans l’exemple des banques régionales présenté précédemment, les spéculateurs peuvent se livrer à des ventes à découvert excessives qui entraînent une baisse des prix en dessous de la valeur fondamentale, ou « vraie », de l’entreprise.</p>
<p>Or, si la valeur de marché des banques concernées devient « trop basse », elles auront plus de mal à satisfaire les déposants et les investisseurs restants. Une spirale négative peut alors s’enclencher : l’activité spéculative entraîne une baisse des prix, ce qui incite les déposants à se retirer davantage, ce qui, à son tour, entraîne d’autres mouvements à la baisse de la valeur des actions. La probabilité d’une faillite bancaire augmente alors.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/garantir-les-depots-bancaires-de-facon-illimitee-une-nouvelle-arme-contre-les-crises-202278">Garantir les dépôts bancaires de façon illimitée : une nouvelle arme contre les crises ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En outre, les banques sont des institutions financières importantes et fortement interconnectées. Autrement dit, les problèmes d’une banque peuvent facilement s’étendre à d’autres. La raison en est que les banques se prêtent beaucoup les unes aux autres et sont exposées aux mêmes types de risques. Ainsi, un excès d’activité spéculative peut amplifier le prix de la baisse des capitaux propres des banques et propager les problèmes à d’autres institutions bancaires.</p>
<p>Depuis début 2022, la banque centrale américaine (la Réserve fédérale, ou Fed) <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">relève progressivement ses taux directeurs</a> (taux auxquels elle prête de l’argent aux banques commerciales) afin de lutter contre les niveaux record d’inflation. Cette politique monétaire constitue une nouvelle contrainte pour les banques régionales en difficulté : les emprunts auprès de la Fed deviennent plus coûteux. Les enseignes, qui payent davantage pour les fonds dont elles ont besoin, pourraient donc répercuter cette hausse sur le taux des leurs prêts commerciaux et restreindre ainsi la demande de crédit de leur client et leur activité. Les banques régionales pourraient donc rester dans le giron des spéculateurs dans les prochains mois.</p>
<p>Pour ce qui est de l’Europe, il existe un risque supplémentaire d’entraîner les coûts du crédit à la hausse. Les banques se sont en effet progressivement détournées de la banque centrale européenne (BCE) à mesure que les taux remontaient à partir de mi-2022. Les établissements ont par ailleurs remboursé des <a href="https://www.reuters.com/markets/europe/euro-zone-banks-repay-another-366-bln-euros-ecb-loans-2023-02-10/">centaines de milliards de prêts quasi gratuits</a> obtenus ces dernières années dans un contexte de taux très bas. Cette moindre offre de liquidité de la part de la BCE pourrait donc alimenter à son tour une augmentation des coûts et restreindre la performance économique des banques.</p>
<p>Autant de perspectives qui pourraient favoriser les paris des investisseurs à la baisse, et donc les opérations spéculatives comme aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Teodor Dyakov ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis mi-mars, les marchés financiers américains connaissent des mouvements inhabituels. En cause : les investisseurs qui parient sur une aggravation des difficultés du secteur bancaire.Teodor Dyakov, Associate Professor in Finance, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1953312022-11-28T19:03:20Z2022-11-28T19:03:20ZFTX : une liquidation entre spéculation effrénée, gouvernance défaillante et pratiques délictuelles<blockquote>
<p>« Vous étiez ma famille, j’aurais aimé être plus prudent ».</p>
</blockquote>
<p>Dans la lettre adressée à ses employés, Sam Bankman-Fried, 30 ans, jette un œil amer dans le rétroviseur pour regarder FTX (pour Future Exchange), deuxième plate-forme mondiale d’échange de cryptomonnaies, qu’il avait fondée en 2019. Au gré de l’évolution des marchés, elle aurait vu les collatéraux sur lesquels s’appuyaient ses emprunts chuter de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/sam-bankman-fried-tente-de-calmer-un-scandale-qui-prend-chaque-jour-de-lampleur-1882002">60 à 9 milliards de dollars</a> entre le début de l’année et le 11 novembre, jour où le groupe s’est déclaré en faillite avec ses 130 filiales et ses 520 collaborateurs.</p>
<p>La semaine précédente, la fortune du golden-boy était encore estimée par l’agence Bloomberg à <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-11/sam-bankman-fried-s-assets-go-from-16-billion-to-zero-after-ftx-collapse">16 milliards de dollars</a> : elle est depuis tombée à zéro, avec en prime un passif potentiellement gargantuesque au vu de l’avalanche de procès qui l’attend.</p>
<p>D’après les documents consultés par le <a href="https://www.ft.com/content/0c2a55b6-d34c-4685-8a8d-3c9628f1f185"><em>Financial Times</em></a>, plus de 100 000 clients ayant déposé capitaux et jetons électroniques chez FTX ont été lésés et il manquerait au moins 3 milliards de dollars pour les rembourser. John Ray, en charge de la liquidation du groupe, confesse n’avoir <a href="https://korii.slate.fr/biz/cryptos-ftx-liquidateur-enron-john-ray-jamais-vu-tel-bordel-sam-bankman-fried-comptabilite-emojis-fraudes">« jamais vu pareil échec »</a>. Et celui qui avait géré en 2001 la faillite <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/ftx-le-liquidateur-denron-aux-manettes-1880619">d’Enron</a>, une des plus retentissantes de l’histoire contemporaine, sait de quoi il parle.</p>
<h2>5 milliards en jetons créés par FTX</h2>
<p>Sam Bankman-Fried, citoyen américain vivant dans un penthouse en collectivité à Nassau aux Bahamas avait connu une fulgurante réussite en surfant sur la <a href="https://theconversation.com/le-bitcoin-bulle-speculative-ou-valeur-davenir-88292">folie du bitcoin</a>. Avec un remarquable sens du marketing, il s’était entouré de prestigieux ambassadeurs comme la joueuse de tennis Naomi Osaka, l’ancien basketteur Shaquille O’Neal et la gloire du football américain Tom Brady qui associé à son ex-<em>girl friend</em> la top-modèle Gisèle Bündchen avait même tourné en 2021 un clip publicitaire à 20 millions de dollars appâtant le chaland pour FTX par un :</p>
<blockquote>
<p>« Tu en es ? »</p>
</blockquote>
<p>« Sam » avait d’ailleurs l’habitude de ridiculiser les sceptiques qui passaient à côté de l’affaire du siècle en les gratifiant d’un « Have fun staying poor » (« Restez pauvres et amusez-vous bien »). Gros donateur du parti démocrate lors de l’élection présidentielle de 2020 et de la campagne des mid-terms (<a href="https://fr.cointelegraph.com/news/sbf-has-been-a-significant-donor-in-us-midterm-elections">avec 40 millions de dollars</a>), défenseur d’une régulation raisonnée des cryptodevises, il passait presque pour un sage à Washington. Le magazine <em>Fortune</em> le présentait même comme le futur Warren Buffet, l’homme d’affaires aux <a href="https://www.forbes.com/profile/warren-buffett/?sh=5d3ec2d94639">110 milliards de dollars</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1593262926705487872"}"></div></p>
<p>Une fois de plus le célèbre économiste <a href="https://www.lesechos.fr/1992/03/breve-histoire-de-leuphorie-financiere-de-john-kenneth-galbraith-922620">John K. Galbraith</a> avait raison :</p>
<blockquote>
<p>« le génie précède souvent la chute ».</p>
</blockquote>
<p>La panique autour de FTX a, certes, été déclenchée par le retrait très médiatisé le dimanche 6 novembre de 500 millions de dollars de la plate-forme par son principal concurrent, l’entrepreneur sino-canadien Changpeng Zhao. Reste que les ennuis de Bankman-Fried trouvent d’abord leur source dans le plongeon du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bitcoin-29386">bitcoin</a>. Son cours est passé, en un an, d’un record historique de près de 70 000 dollars à moins de 20 000 dollars, fragilisant un échafaudage particulièrement intrépide et fragile.</p>
<p><iframe id="EFhh1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/EFhh1/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Juste avant sa faillite, FTX ne disposait pour faire face aux 9 milliards de dépôts à vue de ses clients que d’un milliard de dollars d’actifs liquides, dont des stablecoins en théorie liés aux devises traditionnelles pour limiter la volatilité de leurs cours, et d’environ 3,5 milliards de placements plus ou moins liquides.</p>
<p>Tout le reste, soit près de 5 milliards de dollars, était constitué de FTT, des jetons (tokens) créés par FTX. Leur valeur intrinsèque s’avère nulle mais elle avait connu une très forte hausse depuis l’émission. Au plus haut, le cours du FTT culminait à 80 dollars, ce qui <a href="https://www.economist.com/briefing/2022/11/17/the-failure-of-ftx-and-sam-bankman-fried-will-leave-deep-scars">valorisait FTX à 32 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>Une filiale aux Bahamas</h2>
<p>Ce n’est pas tout. Selon le site d’information <em>Coindesk</em>, « Sam » avait créé une filiale dénommée Alameda basée aux Bahamas qui investissait massivement les milliards de ses propres clients sur les cryptomonnaies avec l’effet de levier d’une dette de quelque <a href="https://www.coindesk.com/business/2022/11/06/binance-sells-holdings-of-ftx-token-as-alameda-ceo-defends-firms-financial-condition/">8 milliards de dollars</a>, à la manière d’un hedge fund (fonds spéculatif).</p>
<p>Au cours de l’été 2022, l’implosion des crypto-companies dans lesquelles Alameda avait investi, comme le fonds Arrows Capital, ou Voyager, une plate-forme de prêts, aurait poussé Bankman-Fried à renflouer Alameda en lui transférant plus de la moitié des 16 milliards de dollars de capitaux déposés par les clients de FTX.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La déconfiture de l’empire FTX est ainsi la conjonction d’une volonté de croître à tout prix, du recours à un fort endettement pour investir dans des actifs extrêmement spéculatifs (et en forte baisse depuis un an), d’une gouvernance défaillante, d’un contrôle interne inexistant (<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/14/cryptomonnaies-ftx-confirme-avoir-ete-victime-d-un-piratage-apres-avoir-fait-faillite_6149793_4408996.html">600 millions de dollars</a> auraient été siphonnés par un pirate au milieu du naufrage) et surtout de pratiques délictuelles puisqu’un dépositaire ne peut en aucun cas utiliser l’argent de ses clients à sa guise. Globalement, le groupe pourrait présenter un <a href="https://www.economist.com/briefing/2022/11/17/the-failure-of-ftx-and-sam-bankman-fried-will-leave-deep-scars">passif net de l’ordre de 10 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>« Séquence stressante »</h2>
<p>Que les traders en herbe de l’économie numérique se soient laissé aveugler par l’appât du gain n’est pas surprenant. Que la holding japonaise SoftBank, qui avait déjà défrayé la chronique en 2021 pour ses investissements hasardeux (<a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/softbank-dans-le-rouge-son-vision-fund-a-fondu-de-10-mds-1847328">10 milliards de dollars de pertes</a> entre juin et septembre 2022), soit exposée à un risque de <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/softbank-renoue-avec-les-profits-grace-a-la-vente-partielle-de-ses-titres-alibaba-1878178">perte d’environ 100 millions de dollars</a>, ne l’est pas beaucoup plus…</p>
<p>Mais que Sequoia Capital, l’un des gérants les plus aguerris de la Silicon Valley, Temasek, le fonds souverain de Singapour ou encore la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario se soient fourvoyés chez FTX posent de sérieuses questions sur le processus d’investissement des professionnels.</p>
<p>Il est désormais certain que les investisseurs institutionnels tentés par la cryptoéconomie vont y réfléchir à deux fois, ce qui va priver de carburant un bitcoin qui est déjà clairement sur une trajectoire descendante. D’autant que, comme on pouvait s’y attendre, la chute de FTX a déclenché un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/11/12/ftx-la-faillite-qui-ebranle-les-cryptomonnaies_6149585_3234.html">effet domino</a> dans le monde des cryptomonnaies. Ainsi Gemini, plate-forme des frères <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/les-freres-winklevoss-la-revanche-des-inventeurs-de-facebook-20210423">Winklevoss</a> (ceux qui accusent Mark Zuckerberg de leur avoir subtilisé le concept de Facebook), a immédiatement <a href="https://cryptonaute.fr/programme-recompenses-gemini-inaccessible/">gelé son programme de prêts Gemini Earn</a> qui permettait de financer des emprunteurs institutionnels en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cryptomonnaie-44057">cryptomonnaie</a>.</p>
<p>« La semaine qui vient de s’écouler a été incroyablement difficile et stressante pour notre secteur », <a href="https://twitter.com/Gemini/status/1592873283124617217?">a déploré l’entreprise</a> sur Twitter, le 16 novembre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1592873283124617217"}"></div></p>
<p>BlockFi a également bloqué l’ensemble de sa plate-forme soit 3,9 milliards de dollars à fin juin répartis sur plus de 650 000 comptes. « Nous avons une exposition significative sur FTX », a reconnu son dirigeant, plusieurs médias américains indiquant qu’il envisageait de <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-16/blockfi-said-to-plan-imminent-bankruptcy-filing-amid-ftx-fallout">déposer le bilan</a>.</p>
<h2>Des répercussions en France</h2>
<p>La France n’est pas épargnée par l’onde de choc puisque la plate-forme d’échange tricolore <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/18/ftx-la-faillite-de-la-plate-forme-de-cryptomonnaies-contamine-toute-l-industrie_6150481_4408996.html"><em>Coinhouse</em></a> a confirmé à l’Agence France-Presse (AFP) avoir bloqué les retraits de ses clients en invoquant « des tensions globales sur le marché crypto et une pression sur les liquidités » du fait de difficultés chez certains de ses sites partenaires.</p>
<p>Si le monde des cryptomonnaies vit désormais dans l’angoisse d’un « bank run » général (une ruée pour retirer les fonds des dépositaires), la faillite de FTX semble, <em>a contrario</em>, prouver l’immunité des marchés financiers traditionnels et du système bancaire et l’effondrement de la cryptosphère ne constitue sans doute pas une menace pour la stabilité financière globale.</p>
<p>La morale de cette faillite : que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculateurs</a> perdent leur chemise en misant inconsidérément sur le bitcoin et consorts est dans l’ordre des choses. En revanche, que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> contournent le principe fondateur qui interdit à un dépositaire d’utiliser les fonds ou les actifs de ses clients n’est pas acceptable : ses détournements doivent être punis et leurs acteurs enfin régulés par une autorité de marché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les répercussions de la chute de la plate-forme d'échanges de cryptomonnaies américaine, qui s’est déclaré en cessation de paiement le 11 novembre dernier, s’observent jusqu’en France.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801932022-03-31T17:54:53Z2022-03-31T17:54:53ZGuerre en Ukraine : pourquoi le bitcoin n’est pas devenu une valeur refuge<p>Dans les jours de menace croissante d’une invasion de l’Ukraine par les troupes russes ainsi que dans les jours ayant suivi celle-ci, beaucoup de chroniques ont <a href="https://fr.cryptonews.com/news/freezing-russian-reserve-assets-marks-end-of-monetary-regime-gold-bitcoin-rise-arthur-hayes-fr.htm">annoncé l’envol du cours du bitcoin</a>. On attend depuis un mois maintenant <a href="https://coinmarketcap.com/currencies/bitcoin/?period=7d%22%22">l’ébauche de la réalisation</a> de cette prophétie. Cette guerre n’a en effet pas massivement consacré le bitcoin, non seulement comme monnaie de paiement mais comme réserve par rapport à l’or, considéré comme la valeur refuge par excellence.</p>
<p>Jugeons-en par quelques <a href="https://fr.finance.yahoo.com/quote/BTC-EUR/history">chiffres</a> : le bitcoin cotait 47 000 dollars le 28 mars 2022, alors qu’il était à 34 782 le 26 février 2022. Mais ces données sont surtout à comparer à son cours de 67 566 dollars le 8 novembre 2021, un maximum qu’il n’a jamais retrouvé depuis.</p>
<p><iframe id="pfvcD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pfvcD/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour ce qui est de l’once d’or, elle est passée de 1912,15 dollars le 25 février 2022 à 1945,90 dollars le 24 mars (mais avec une envolée jusqu’au 8 mars et une retombée ensuite). Certains ont même remarqué le jour du début de l’invasion russe <a href="https://institut-rousseau.fr/les-cryptomonnaies-dans-la-guerre-dukraine/">un pic pour l’or et un trou pour le bitcoin</a> (leurs évolutions apparaissant alors inversées).</p>
<p><iframe id="ruaca" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ruaca/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le 26 février, les puissances occidentales ont décidé d’interdire l’accès à la Russie à ses réserves, estimées à l’équivalent de 630 milliards de dollars et détenues dans une variété de devises du G10. Simultanément, plusieurs grandes banques commerciales russes ont été exclues du réseau Swift assurant les transactions internationales.</p>
<p>De nombreux aficionados du bitcoin ont alors affirmé que cela ne pouvait que provoquer une <a href="https://fr.cryptonews.com/news/freezing-russian-reserve-assets-marks-end-of-monetary-regime-gold-bitcoin-rise-arthur-hayes-fr.htm">fuite devant les monnaies officielles</a> servant de réserve dans les banques centrales. Or, on n’a pas constaté jusqu’ici l’effondrement annoncé dans la confiance au dollar, à la livre ou à l’euro.</p>
<p>Ainsi, entre le 26 février et le 26 mars, le taux de change de l’hryvnia, la monnaie ukrainienne, contre le dollar ou l’euro est <a href="https://www.google.com/search?q=hryvnia+bitcoin&client=firefox-b-e&ei=KD1AYu7wOomVlwTGyLyYDQ&ved=0ahUKEwjupOmpi-b2AhWJyoUKHUYkD9MQ4dUDCA0&uact=5&oq=hryvnia+bitcoin&gs_lcp=Cgdnd3Mtd2l6EAM6BwgAEEcQsAM6BwgAELADEEM6BwgAELEDEEM6BAgAEEM6BQgAEIAEOgYIABAWEB46BAgAEBM6CAgAEBYQHhATOgUIIRCgAToHCCEQChCgAUoECEEYAEoECEYYAFCKCVjMH2DQJmgBcAF4AIABU4gB2wSSAQE5mAEAoAECoAEByAEKwAEB&sclient=gws-wiz">resté relativement stable</a> alors que, contre le bitcoin, il s’est déprécié de 14,81 %.</p>
<p><iframe id="WO7wl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WO7wl/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les mouvements comparés des devises, des cours boursiers, de l’or et du bitcoin manifestent donc que ce dernier fait d’abord partie des placements largement corrélés à la spéculation. Ils montrent aussi que, dans les périodes de crise telle qu’une guerre, le « cash numérique » offre des performances financières moindres que les actions, les obligations publiques et privées, l’or ou encore d’autres matières premières (sous la forme de titres eux aussi dématérialisés).</p>
<h2>Le cash mieux adapté en temps de guerre</h2>
<p>Quelles raisons peuvent expliquer l’échec du bitcoin à devenir pleinement valeur refuge et moyen de paiement en cas d’effondrement économique et financier d’un pays en lien avec un conflit armé ? Les explications pour lesquelles l’usage d’une monnaie digitale ne peut qu’être limité, voire très limité, dans une situation de guerre sont de trois ordres.</p>
<p>La première raison tient ce qu’une faible fraction de la population est familière de ce type d’instrument (tant du côté des consommateurs que des prestataires de biens et services). Si le dixième seulement d’une population détient des bitcoins au début du conflit (<a href="https://www.bfmtv.com/economie/patrimoine/comment-le-bitcoin-pourrait-aider-les-oligarques-russes-a-echapper-aux-sanctions_AV-202202250425.html">c’est le cas de l’Ukraine</a> ; un peu moins qu’en Russie où ils seraient 12 %), une telle situation n’est pas propice à ce type d’initiation.</p>
<p>La deuxième raison est qu’il est difficile d’imaginer son usage quand une population subit des ruptures d’approvisionnement en électricité et dans son accès aux réseaux téléphoniques et Internet, tout comme elle peut ne pas avoir accès à de l’eau potable ou au gaz pour préparer ses repas ou pour se chauffer. On doit aussi imaginer une attaque par sous-marins contre les câbles par lesquels transitent des informations, y compris financières et qui rendraient inopérants des transferts électroniques, notamment du fait d’une saturation ou du brouillage des transferts par satellites.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/si-la-russie-coupe-les-cables-sous-marins-leurope-peut-perdre-son-acces-a-internet-169858">Si la Russie coupe les câbles sous-marins, l’Europe peut perdre son accès à Internet</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans ces situations, au quotidien, le cash reste le moyen de paiement mieux adapté, comme éventuellement certains biens de base qui deviennent des substituts communs de la monnaie (ce peut être le litre d’essence ou le kilo de céréales, comme en donne l’exemple de nombreux pays en guerre).</p>
<p>Ajoutons que s’il y a pénurie de biens vitaux par exemple de certains médicaments, de pain, d’eau potable, de carburant, etc. ce n’est pas une monnaie dite « virtuelle » qui, par miracle, permettra leur approvisionnement. Dans les situations que l’on peut qualifier de sièges, la solution passe généralement par l’émission, notamment par des autorités locales, de tickets de rationnement permettant une répartition la plus équitable possible (hors marché noir…). Ce que les pays européens ont connu pendant et après la Seconde Guerre mondiale. On doit penser que ce type de solution apparaît quand le conflit est pensé comme pouvant durer ; ce qui n’est pas (encore) le cas de la situation en Ukraine.</p>
<p>La troisième raison concerne les dépenses publiques et les interventions publiques. Pour financer une guerre, un gouvernement peut mobiliser des ressources que l’État a accumulées en collectant des impôts nouveaux sur certaines activités (pour autant que la situation le rende possible notamment à l’arrière des zones de conflit), en <a href="https://classiques-garnier.com/comment-financer-la-guerre-un-plan-pour-le-chancelier-de-l-echiquier.html">s’endettant auprès de sa population</a> souscrivant à l’effort de guerre, auprès d’institutions financières et de gouvernements étrangers.</p>
<p>On doit remarquer ici que les dons faits à l’Ukraine en cryptos à l’appel de son gouvernement qui ne représentent qu’une <a href="https://donate.thedigital.gov.ua/">infime partie de l’aide globale</a> publique et privée sont immédiatement convertis en devises pour acheter des biens soutenant l’effort de guerre et les populations.</p>
<p>Une guerre est presque toujours largement financée par déficit budgétaire (tout comme on a pu l’observer aussi avec la pandémie de la Covid-19). D’où généralement l’inflation qui l’accompagne et les illusions sur les recettes budgétaires à venir ou le versement de réparations par le pays vaincu.</p>
<p>Or, le bitcoin est par nature un objet financier dont le mode d’émission s’oppose à l’endettement. Il est donc inadéquat en la matière. On doit ajouter que l’idéologie qui préside au développement du bitcoin est largement anarcho-néolibérale. Or, une guerre est menée avec une logique d’administration largement étatique des ressources disponibles et non par un libre jeu de la concurrence et des intérêts privés dont les bitcoiners font la promotion.</p>
<p>Les trois raisons invoquées se situent essentiellement du côté du pays envahi. La quatrième raison que l’on va aborder se situe du côté russe où la hausse des prix à la consommation, donc la dépréciation intérieure du rouble, s’élevait à 9 % avant la guerre et serait, un mois plus tard, montée à 20 %.</p>
<h2>Immobilier à Dubaï</h2>
<p>Un argument souvent entendu en faveur du bitcoin est l’anonymat des transactions qu’il permettrait. Les pays occidentaux, en prenant des sanctions à l’égard de la Russie et en particulier contre certains de ses oligarques, ont d’ailleurs mis en garde contre les risques de leur contournement par l’usage des cryptos, notamment après le débranchement de sept banques russes du système de messagerie interbancaire international Swift.</p>
<p>En réalité, les <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/l-utopie-bitcoin-s-est-elle-fracassee-sur-la-guerre-en-ukraine.N1797977">pressions exercées sur les plates-formes d’échange</a> de cryptos ont rendu de plus en plus difficile cette utilisation du bitcoin à des fins d’anonymat. La plate-forme Coinbase a ainsi gelé près de <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/guerre-en-ukraine-la-plateforme-de-cryptomonnaie-coinbase-bloque-25-000-comptes-russes-20220308">25 000 comptes russes</a> début mars. Ajoutons que le gouvernement russe lui-même n’a aucun intérêt à ce que le rouble soit converti en cryptos, car cela pourrait accentuer la baisse de son cours : un dollar s’échangeait avant la guerre contre 80 roubles, il en vaut un mois plus tard 130 alors que la banque centrale russe a porté son taux d’intérêt directeur à 20 % et a renforcé son contrôle des capitaux.</p>
<p>À noter que nombre de ceux qui réussissent à changer des roubles contre des cryptos les convertissent ensuite en devises, car leur cours est plus stable que celui du bitcoin. Ce qui explique aussi pourquoi le cours du bitcoin n’a pas connu l’envolée anticipée au début du conflit.</p>
<p>Il est annoncé que la Russie s’apprête à <a href="https://patrouilleursmedias.com/la-russie-passe-au-paiement-en-bitcoins-pour-le-gaz-et-le-petrole/">accepter le bitcoin parmi les moyens de paiement de ses exportations</a> notamment de gaz et de pétrole (alors que sept mois plus tôt, il avait été annoncé que la Russie allait <a href="https://journalducoin.com/defi/bitcoins-russie-traquer-detenteurs-cryptomonnaies/">traquer les détenteurs de cryptos</a>). On peut se demander en quoi l’autorisation de payer notamment en bitcoins changerait la situation pour des importations qui seraient interdites par les puissances de l’Ouest, quel que soit leur moyen de règlement… Ajoutons qu’il est en droit commercial impossible de changer, sans l’accord des deux parties, le mode de règlement d’un contrat dont la devise a été fixée à sa signature.</p>
<p>Le bitcoin n’a donc pas fait la preuve dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par les armées russes qu’il constituait une valeur refuge efficace. Ni pour les Ukrainiens, ni pour les Russes. À moins que ceux et celles qui en détiennent, n’en ayant pas un usage immédiat, pensent que, si son cours n’augmente pas actuellement, il ne pourra que s’apprécier demain et après-demain ; et par conséquent, ils ont ou auraient tout intérêt à le conserver, voire d’en acquérir tant qu’ils peuvent le faire avec le maximum de discrétion. En effet, une minorité seulement le transforme actuellement en d’autres instruments de placement, comme les <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/03/15/cryptomonnaies-et-appartements-a-dubai-les-nouveaux-investissements-des-milliardaires-russes_6117625_4408996.html">oligarques russes achetant à Dubaï des biens immobiliers en bitcoin</a>, diversifiant ainsi leur patrimoine en… diminuant l’incertitude produite par sa volatilité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1503766599387717633"}"></div></p>
<p>On peut donc affirmer un mois après l’invasion de l’Ukraine que le Bitcoin n’y est pas devenu une monnaie refuge. Toutefois, le temps limité de l’observation et la multiplicité des facteurs et des tendances et des contre-tendances ne permettent pas de conclure définitivement tant ce type d’analyse doit s’inscrire à court, à moyen et à long terme. Si l’on sort de la zone du conflit, on peut en revanche faire le pari que celui-ci ne pourra qu’inciter les autorités publiques, <a href="https://www.reuters.com/world/us-democrats-introduce-bill-curb-russian-crypto-use-amid-ukraine-crisis-2022-03-17">à l’instar des États-Unis</a>, à réglementer de façon beaucoup plus forte les cryptos, et ce <a href="https://www.allnews.ch/content/points-de-vue/la-nouvelle-g%C3%A9opolitique-des-cryptos">à l’inverse même du projet initial</a> du bitcoin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180193/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les pressions sur les plates-formes spécialisées ou encore le caractère peu pratique des cryptomonnaies dans les échanges ont freiné l’envol de leurs cours que certains anticipaient début février.Jean-Michel Servet, Honorary professor, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Jean-Paul Delahaye, Chercheur en informatique, Professeur émérite, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1770022022-02-21T21:06:26Z2022-02-21T21:06:26ZL’éthique a-t-elle sa place chez les traders ?<p>Depuis une trentaine d’années, les scandales financiers n’en finissent de faire la Une des journaux. Parmi les plus retentissants, on retrouve les fraudes commises au sein de la <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2015-4-page-89.htm">Barings en 1995</a>, la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1996/06/15/sumitomo-corp-est-victime-d-un-operateur-indelicat-sur-le-marche-du-cuivre_3729989_1819218.html">Sumitomo Bank en 1996</a>, <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20110919.OBS0651/ubs-kweku-adoboli-le-jerome-kerviel-de-l-annee-2011.html">UBS en 2011</a> ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/08/a-londres-bruno-michel-iksil-echappe-aux-poursuites_4681260_3234.html">JPMorgan en 2012</a>. En France, la plus célèbre affaire reste celle de la Société Générale, qui, le 24 janvier 2008, a rendu publique une perte de 4,9 milliards d’euros due à des transactions non autorisées réalisées par un jeune trader, Jérôme Kerviel. Cette perte est l’une des plus importantes subies par un seul trader dans l’histoire financière.</p>
<p>Cependant, depuis ce qui est devenu <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jerome-kerviel-22012">« l’affaire Kerviel »</a>, il semblerait que les comportements des traders au sein des salles de marché (salles se situant au cœur du système financier) n’aient guère changé, et ce malgré une régulation accrue des marchés et des institutions financières.</p>
<p>Ces comportements ont attiré beaucoup d’attention de la part des médias, des régulateurs, des marchés financiers, des universitaires, des managers et d’un public plus large peu familier avec le monde du trading. Certains auteurs caractérisent les comportements des traders dans la banque d’investissement comme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/321755058_Can_a_Good_Person_be_a_Good_Trader_An_Ethical_Defense_of_Financial_Trading">comportements contraires à l’éthique</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/353194509_Organized_Decoupling_of_Management_Control_Systems_An_Exploratory_Study_of_Traders%27_Unethical_Behavior">article</a> académique récent, nous montrons l’importance du contexte organisationnel et du secteur dans ces comportements éthiques.</p>
<h2>La non éthique, une « qualité »</h2>
<p>La plupart des recherches en éthique financière adoptent une perspective relativement étroite sur les comportements contraires à l’éthique en se concentrant sur la conformité et le respect des normes juridiques et morales. Cette perspective se concentre sur les actions individuelles et ne parvient pas à appréhender le contexte institutionnel plus large de la banque d’investissement.</p>
<p>Par ailleurs, certains chercheurs avancent que les traders seraient par nature, des personnes non éthiques qui seraient attirées par une industrie elle-même dépourvue de toute sorte d’éthique. Selon d’autres, les vertus morales seraient même <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315548067-5/irrelevance-ethics-alasdair-macintyre">contraires à ce qui est exigé des traders</a> dans le secteur financier.</p>
<p>Il nous semble pourtant important de dépasser ces deux perspectives, pour d’une part considérer le contexte plus large de la banque d’investissement, et d’autre part pour s’intéresser aux conditions qui favoriseraient le comportement non éthique des traders. En effet, la banque d’investissement serait selon certains travaux un secteur plutôt <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0018726718799404">propice aux comportements non éthiques</a>. Ce qui est considéré comme non-éthique en dehors du secteur de la banque d’investissement serait en fait une « qualité » au sein de celles-ci.</p>
<p>Adoptant cette perspective, nous suggérons que si les systèmes de contrôles, sans cesse renforcés, ne semblent pas fonctionner, c’est qu’ils ne sont peut-être pas censés limiter l’action des traders. En effet, dans notre recherche, nous montrons que les systèmes de contrôle des activités des traders ne sont pas conçus pour contrôler les comportements éthiques des traders.</p>
<p>Selon nous, la conception des systèmes de contrôles comporte trois écueils ne leur permettant pas de contrôler leurs comportements de traders. Nous caractérisons ces écueils sous le terme de distance physique, technique et sociale.</p>
<p>La <strong>distance physique</strong> est le fait que les contrôleurs sont physiquement distants des traders, et ce pour respecter le principe de séparation des taches et d’indépendance. Il y a également une <strong>distance technique</strong> entre traders et contrôleurs, puisque les seconds maîtrisent rarement les aspects techniques de l’activité des premiers. Enfin, la <strong>distance sociale</strong> entre contrôleurs et traders tient au fait que le statut social (prestige, rémunération et légitimité) des contrôleurs est perçu, au sein des banques d’investissement, comme inférieur à celui des traders.</p>
<p>Notre recherche met en évidence que la manière dont les systèmes de contrôles sont conçus ne leur permettent pas de contrôler efficacement les comportements de traders mais qu’ils permettent en revanche, de donner l’illusion d’un contrôle interne et externe. Nos conclusions soulèvent des doutes quant au rôle des systèmes de contrôles dans la surveillance des activités de trading.</p>
<h2>Contrôles inopérants</h2>
<p>Alors que cet état de fait se poursuit malgré le renforcement des réglementations et les affirmations des banques que de telles dérives appartiennent au passé, quelques pistes d’amélioration peuvent être envisagées.</p>
<p>La première est de mieux distinguer les différents types de contrôles. Nous proposons de distinguer les formes de contrôles que l’on peut qualifier de « primaires », des formes dites « secondaires ».</p>
<p>Les formes primaires cumulent les trois facteurs cités ci-dessus, la distance physique, technique et sociale. Les formes de contrôles secondaires présentent une ou plusieurs de ces trois distances. Dans la banque d’investissement, elles regroupent notamment la gestion du risque et de la compliance. Ces formes secondaires n’ont que peu d’impact sur la conduite des opérations et donc sur le comportement des traders. Or, les évolutions de la réglementation sont principalement destinées à ces formes de contrôles secondaires.</p>
<p>Il existe d’autres formes de contrôle, qui revêtent des formes moins formelles et juridiques et plus sociales. Ces contrôles primaires prennent place au cœur des activités de marché, dans la salle de marché elle-même. Ils impliquent les responsables des desks ainsi que les autres traders et la manière dont ils se comportent les uns vis-à-vis des autres.</p>
<p>Pourtant, toutes les études ethnographiques menées en salle de marché soulignent que le contrôle social qui s’exerce alors repose principalement sur la <a href="https://www.dukeupress.edu/liquidated">compétition, la course à la performance financière</a>, avec assez peu de considération pour les risques encourus.</p>
<p>L’affaire Kerviel fournit un parfait exemple de l’importance de ce type de contrôle. Dans cette affaire, un premier supérieur direct avait détecté des comportements frauduleux et l’avait rappelé à l’ordre, ce qui pointe l’importance, dans ce contexte, d’un rôle accru des responsables de desk, qui peuvent contrôler les opérations et détecter les anomalies. Ces responsables agissent en tant qu’experts, en tant que pairs, mais aussi comme managers ayant la proximité physique, la connaissance technique, et l’autorité pour effectuer un contrôle effectif.</p>
<p>Néanmoins, cette supervision technique reste insuffisante lorsque le responsable manque d’expertise, expertise indispensable à la compréhension et la supervision directe du trading. Ce fut le cas avec le responsable suivant en charge du desk sur lequel opérait Kerviel, qui ne réalisa pas la nature et l’amplitude des anomalies.</p>
<h2>Un contrôle par les pairs ?</h2>
<p>Un autre élément important est la culture des salles de marchés, qui est permissive, et valorise la rentabilité, et la prise de risque, plus que le respect scrupuleux de la réglementation ou de l’éthique. Renforcer les contrôles primaires implique donc une évolution à la fois de la formation et de la socialisation des traders, en d’autres termes de la culture des salles de marché.</p>
<p>Cette évolution permettrait de développer une forme supplémentaire de contrôle primaire, un contrôle exercé non pas par les supérieurs immédiats mais pas les pairs. En l’état des pratiques, un tel contrôle existe, au sens où un contrôle social s’exerce entre des traders qui s’observent les uns les autres.</p>
<p>Toutefois, ce contrôle mutuel porte principalement, voire essentiellement, sur la performance financière et la capacité de chacun·e à faire mieux que les autres en termes de profit. De fait, ce contrôle mutuel s’avère permissif, voire « pousse au crime ». Au lieu d’inciter à la modération, il incite les traders à se mettre en avant et à prendre plus de risques, pour eux-mêmes et pour autrui. Il s’agit de pouvoir se vanter d’être meilleur, c’est-à-dire souvent d’avoir moins de scrupules, que d’autres comme dans le cas de l’autoproclamé « Fabulous Fab ».</p>
<p>Celui-ci proposait des titres structurés vendus à des clients en leur dissimulant que l’architecte des titres, le fonds Paulson & Co Inc, avait pris des positions <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681319300254">contre ce portefeuille de valeurs</a>. C’est aussi ce besoin de briller qui peut expliquer pour partie le comportement de Jérôme Kerviel, opérant sur des produits dérivés à la rentabilité assez faible, et méprisé par les traders opérant sur des produits plus rentables.</p>
<p>Un changement dans ces attitudes, vers moins de recherche effrénée de la rentabilité aurait un effet décisif sur les risques que les traders font encourir à leurs employeurs, leurs clients et plus généralement l’économie lorsque les sommes en jeu constituent un risque systémique comme dans le cas des subprimes. Ce qui est en cause ici n’est pas seulement la culture interne d’une banque ou d’un fonds en particulier, mais plus probablement une <a href="https://www.edhec.edu/fr/edhecvox/economie-finance/apres-milken-keating-madoff-kerviel-revisiter-l-ethique-dans-l-industrie-financiere">culture professionnelle</a> partagée par les acteurs de l’industrie qui place la recherche du profit nonobstant le risque au-dessus de toute autre considération. Dès lors, le changement souhaitable impliquerait qu’au-delà des individus, qui servent parfois de boucs émissaires, les banques elles-mêmes soient incitées à changer. On en est encore loin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177002/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche récent souligne l’importance d’un contexte organisationnel qui encourage les transgressions dans la finance, rendant les dispositifs de contrôle actuels inopérants.Aziza Laguecir, Professeur, EDHEC Business SchoolBernard Leca, Professeur en sciences de gestion, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1558852021-02-24T19:15:13Z2021-02-24T19:15:13ZBourses : un scénario de bulles localisées se dessine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/385828/original/file-20210223-18-kesevl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C4665%2C3103&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains marchés dans le monde sont entrés dans une phase d’exubérance, caractéristique des bulles spéculatives.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/090HzQiGPXI">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis leur chute impressionnante de février-mars 2020, provoquée par l’irruption de la pandémie, tous les marchés boursiers ont réagi de manière positive mais avec des dynamiques de rebond diverses.</p>
<p>Si les places <a href="https://www.reuters.com/quote/.FCHI">européennes</a> ont tout juste regagné le terrain perdu, certaines bourses asiatiques (<a href="https://www.reuters.com/quote/.N225">Japon</a>, Taiwan, <a href="https://www.reuters.com/quote/.BSESN">Inde</a>) et les marchés américains sont entrés dans une phase que l’on peut qualifier d’euphorique ou exubérante, au point que la question de la formation de <a href="https://www.lecho.be/les-marches/actu-actions/Le-mot-bulle-se-fait-de-plus-en-plus-insistant-a-Wall-Street/10279154">bulles</a> peut légitimement se poser.</p>
<p>D’autant plus légitimement que le <a href="https://www.reuters.com/quote/.DJI">NYSE</a> et le <a href="https://www.reuters.com/quote/.IXIC">Nasdaq</a>, qui viennent de terminer en fanfare leur douzième année de hausse depuis le trou consécutif à la crise des subprimes et qui ne semblent pas vouloir en rester là, demeurent les marchés directeurs de la planète.</p>
<p>Bien qu’il n’existe aucune définition d’une bulle financière – et que la théorie financière moderne se refuse à en dresser le constat avant son éclatement – on peut se risquer à en dessiner quelques aspects caractéristiques.</p>
<h2>Des attributs propres aux bulles</h2>
<p>Une bulle d’actif apparaît le plus souvent comme la phase terminale d’une longue séquence haussière, phase pendant laquelle les cours de bourse s’affranchissent nettement de leurs relations habituelles avec les données économiques (micro et macro), selon une métrique bien connue (ratios de capitalisation boursière sur profits, chiffre d’affaires ou actif net d’une part, et <a href="https://siblisresearch.com/data/market-cap-to-gdp-ratios/">capitalisation boursière/PIB</a> d’autre part).</p>
<p>C’est aussi une période pendant laquelle les rendements attendus des actifs sont de plus en plus déterminés par la plus-value escomptée à la revente et de moins en moins par les revenus courants (loyers, dividendes et coupons), dont le taux de rendement diminue à mesure que les prix s’élèvent. En conséquence, les multiples de capitalisation (<em>PE ratio</em>) se haussent très au-dessus de leurs moyennes historiques.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385788/original/file-20210223-18-1vldttn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Valorisation des cours boursiers actuels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs (D.R.)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le tableau ci-contre dresse le constat peu discutable de forte valorisation des cours boursiers actuels. Les achats à crédit restent en ligne avec la progression des cours, loin de leur record de 2008. Ils n’en ont pas moins explosé en 2020 (+42 %, soit 235 milliards de dollars).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385789/original/file-20210223-13-6km4f5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Capitalisation boursière de l’indice Wilshire 5 000 rapportée au PIB américain.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.longtermtrends.net/market-cap-to-gdp-the-buffett-indicator/">Longtermtrends</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, on peut observer l’accroissement significatif, et sans commune mesure avec les épisodes de 2000-2001 et 2007-2008, de la capitalisation boursière de l’indice <a href="https://www.longtermtrends.net/market-cap-to-gdp-the-buffett-indicator/">Wilshire 5 000</a>, rapportée au PIB américain (+ de 3 écarts-types au-dessus de sa moyenne de long terme).</p>
<p>Enfin, les traditionnels indicateurs de valorisation à base de Price Earning Ratio <a href="https://www.multpl.com/s-p-500-pe-ratio">(PER)</a>, de <a href="https://www.multpl.com/s-p-500-earnings-yield">rendement</a> ou de <a href="https://www.multpl.com/s-p-500-dividend-yield">dividendes</a>, indiquent également des niveaux de valorisation se rapprochant dangereusement des niveaux atteints à la veille de l’éclatement de la bulle Internet en 2001. De même, le <a href="https://www.multpl.com/shiller-pe">Shiller PE Ratio</a> se situe à environ 36, bien au-delà de sa moyenne historique de 16,8 et de son niveau de 32,6 observé en septembre 1929, juste avant l’éclatement de la bulle spéculative ayant conduit au krach de 1929.</p>
<h2>Des caractéristiques communes aux krachs</h2>
<p>Il est généralement objecté à cette analyse que les conditions monétaires qui prévalent (taux zéro ; <em>quantitative easing</em>), rendent les comparaisons avec les moyennes/médianes historiques non significatives.</p>
<p>Et, surtout, que les montants gigantesques apportés par la puissance publique à l’ensemble des agents non financiers – à travers les plans de relance successifs – expliquent à la fois la résilience surprenante de l’économie américaine (par effet retour de la richesse créée par la hausse du prix des actifs) et l’engouement des (nouveaux) épargnants pour les placements à risque dans une optique de <em>recovery</em> (récupération) générale.</p>
<p>Face à ces arguments, avancés à chaque fois que l’on prétend que <a href="http://pc.blogspot.com/2017/12/this-time-its-different-episode-ix-rise.html">« this time is different »</a>, une brève revue des conditions de notre époque s’impose pour vérifier leur adéquation aux six caractéristiques communes à tous les cycles bulles/krachs de l’histoire, tels qu’identifiés par Minsky et décrits par Kindelberger (1978), tous deux économistes américains ayant étudiés les crises financières.</p>
<ul>
<li><p>Le <strong>changement d’état</strong> : l’achèvement de la mondialisation et de la numérisation de l’économie, le monopole des GAFAM.</p></li>
<li><p>Le <strong>progrès technique à portée universelle</strong> : l’IA, les biotechnologies, la voiture propre.</p></li>
<li><p>La <strong>propagation de l’euphorie</strong> : les « licornes », les nouveaux « boursicoteurs », la bulle « internautes » ; comme le montre l’affaire <a href="https://theconversation.com/gamestop-quand-les-gamers-activistes-mettent-a-genoux-les-goliaths-de-la-finance-154854">GameStop</a>, dont la valeur a subi une spéculation effrénée, facilitée par les plates-formes de trading sans frais et les chats boursiers du type <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/01/28/affaire-gamestop-tout-comprendre-a-la-campagne-speculative-qui-secoue-la-bourse-et-internet_6067981_4408996.html">WallStreetBets</a> (fin 2020, aux États-Unis, les investisseurs particuliers représentaient 25 % du volume traité sur les marchés, soit une croissance de 150 % en un an).</p></li>
<li><p>Le <strong>crédit et l’expansion monétaire</strong> : les politiques monétaires non conventionnelles, le traitement des conséquences de la pandémie par l’hyperliquidité et les plans de relance.</p></li>
<li><p>La <strong>complaisance générale</strong> : elle aurait été plutôt remplacée par une dichotomie entre exubérance et scepticisme (le niveau de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/VIX_%28finance%29">volatilité implicite des options</a> restant plus élevé que dans les phases de hausse habituelles).</p></li>
<li><p>Le <strong>prêteur en dernier ressort</strong> : l’omniprésence des banques centrales et leur soumission aux humeurs des marchés, à l’image de la volte-face de la Réserve fédérale américaine fin 2018 sur la baisse des taux.</p></li>
</ul>
<h2>Croyances collectives</h2>
<p>Si un certain nombre de caractéristiques communes à toutes les bulles financières semblent bien présentes aujourd’hui, quel cadre théorique faut-il pour autant mobiliser si l’on veut tenter d’appréhender les dynamiques à venir ?</p>
<p>La théorie financière dominante pense l’évaluation des actifs dans un cadre conceptuel, où le futur est probabilisable (on parle alors d’un monde risqué). Dans ce cadre conceptuel, les bulles d’actifs (divergence entre prix et valeur intrinsèque) sont possibles mais irrationnelles, et leur éclatement, qui marque le retour aux fondamentaux, est imprévisible.</p>
<p>Il en va tout autrement en situation <a href="https://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1987_num_13_1_1047">d’incertitude radicale sur l’avenir</a>. Ici, en l’absence d’une connaissance objective du futur, les <a href="https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Andre-Orlean-La-vraie-valeur-n-existe-pas_2302.html">valeurs fondamentales</a> des actifs sont indéterminées. Elles ne peuvent préexister à l’échange. Les dynamiques boursières sont alors régies par des <a href="https://www.researchgate.net/publication/254454075_Croyances_representations_collectives_et_conventions_en_finance">croyances collectives</a>, produits d’investissements affectifs collectifs.</p>
<p>Dans ces conditions, une crise financière ne peut plus être analysée comme le retour des prix de marché à leur hypothétique « vraie » valeur, mais comme une bifurcation brutale du régime collectif des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=P9vUFcKvVTg">affects de la finance</a>.</p>
<p>Considérant ce cadre théorique, il est possible, lors d’un épisode de bulle, d’identifier une succession de régimes d’affects collectifs. En effet, ceux-ci se traduisent par des <a href="https://www.researchgate.net/publication/349379379_COLLECTIVE_AFFECTS_ANS_SPECULATIVE_BUBBLES_IN_FINANCIAL_MARKETS_A_SPINOZIST_PERSPECTIVE">séquences émotionnelles</a> distinctes qui déterminent les comportements des investisseurs.</p>
<p>L’émergence d’une bulle et l’atteinte de son paroxysme, puis, son éclatement sont alors associés respectivement :</p>
<ul>
<li><p>à la naissance et au développement d’une croyance partagée en l’existence d’une catégorie d’actifs (<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1745-8315.2008.00040.x">« phantastic object »</a>) dont l’attractivité est telle qu’une proportion grandissante d’investisseurs veulent progressivement en faire l’acquisition (par exemple, les bulbes de tulipe, les valeurs Internet, les actifs titrisés, les biens immobiliers, les dérivés de crédits, les biotechs, les technos…) ;</p></li>
<li><p>au renversement soudain et inattendu de cette croyance collective, et ce, en l’absence même d’information nouvelle significative, susceptible d’affecter objectivement les valorisations de marché.</p></li>
</ul>
<p>À la suite des travaux de <a href="https://www.researchgate.net/publication/269488544_A_Minsky-Kindleberger_Perspective_on_the_Financial_Crisis">Kindelberger</a>, le chercheur canadien <a href="https://transportgeography.org/contents/chapter3/transportation-and-economic-development/bubble-stages/">Rodrigue</a> propose un scénario standard de cycle bull/krach, distinguant les trois phases ascendantes par leurs acteurs dominants et les thématiques fédératrices mobilisées pour justifier la croissance vigoureuse des cours (par exemple, le discours sur l’état de l’Union de Bill Clinton en janvier 2000 <a href="https://www.liberation.fr/planete/2000/01/29/une-union-en-si-bon-etat-pour-son-dernier-discours-annuel-clinton-s-est-felicite-de-la-croissance-ec_313101/">« nous avons créé une nouvelle économie »</a>).</p>
<p>Le graphique suivant permet de visualiser ces phases ou régimes caractéristiques d’une bulle financière. Trois éléments semblent particulièrement importants :</p>
<ul>
<li><p>la nature des investisseurs actifs lors des différentes phases (on passe d’investisseurs initiés aux institutionnels puis au « grand public ») ;</p></li>
<li><p>l’accompagnement de ces phases par une succession de « sentiments de marché », <a href="https://www.qmul.ac.uk/busman/media/sbm/research/researchcentres/behavioural-finance-working-group/Taffler-et-al.pdf">« d’états émotionnels »</a> de « régimes d’affects » (enthousiasme, cupidité, illusion, déni, peur…) ;</p></li>
<li><p>et le rôle clé joué par les médias dans l’émergence d’un « nouveau paradigme » susceptible de rationnaliser ex-post une croissance parfois vertigineuse des cours boursiers dopée par des leviers d’endettement considérables.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385790/original/file-20210223-18-1quowxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 4 : Les quatre phases d’une bulle financière et de son éclatement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://transportgeography.org/contents/chapter3/transportation-and-economic-development/bubble-stages/">The Geography of Transport Systems</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que les partisans de l’efficience des marchés déclarent ces travaux vains, l’examen de la dynamique des marchés permet, certes non pas de prédire l’avenir, mais de formuler un diagnostic en identifiant des schémas répétitifs.</p>
<p>On voit nettement apparaître sur ce schéma théorique la convexité de la partie ascendante de la courbe des cours de bourse et le déséquilibre entre la longue durée de la hausse et la brièveté de l’effondrement.</p>
<p>Or, l’étude approfondie des grands cycles bulle/krach de l’histoire boursière vérifie visuellement et économétriquement cette double caractéristique. Les marchés s’effondrent après avoir accéléré jusqu’à connaître une hausse quasi verticale que l’on peur décrire mathématiquement (chandelle).</p>
<p>Pratiquée aujourd’hui, cette analyse montre clairement que des indices comme le <a href="https://www.boursedirect.fr/fr/marche/nasdaq-all-markets/nasdaq-100-NDX-USD-XNAS/seance">Nasdaq</a> (à un degré moindre le <a href="https://www.boursedirect.fr/fr/marche/new-york-stock-exchange-inc/dow-jones-industrial-average-DJI-USD-XNYS/seance">Dow Jones</a> et le <a href="https://www.boursedirect.fr/fr/marche/chicago-mercantile-exchange/s-p-500-SP500-USD-XCME/seance">S&P 500</a>) et des valeurs comme celle du constructeur de véhicules électriques <a href="https://www.boursorama.com/cours/analyses/TSLA/">TESLA</a> sont bien dans cette phase.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=249&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=249&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385837/original/file-20210223-14-18q0ue0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=249&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 5 : évolution des cours boursiers du Nasdaq et de Tesla (données issues de Reuters)</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’histoire récente a en outre fourni des trajectoires emblématiques de bulles spéculatives pures avec les entreprises américaines <a href="https://www.boursorama.com/cours/GME/">GameStop</a>, <a href="https://finance.yahoo.com/quote/AMC/">AMC Entertainment Holdings</a>, ou encore <a href="https://ca.finance.yahoo.com/quote/KOSS/">Koss Corporation</a>, dont les configurations graphiques sont parfaitement en phase avec le modèle de <a href="https://link.springer.com/book/10.1057/9780230536753">Kindelberger</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385794/original/file-20210223-20-1jl91vp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 6 : Évolution du cours du bitcoin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Reuters</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les cryptomonnaies, quant à elles, ne sont pas en reste. Même s’il constitue un cas très à part (la quantité en circulation est limitée par un mécanisme d’émission strict et son prix est régi par un principe de rareté, comme pour une œuvre d’art), le <a href="https://www.coindesk.com/price/bitcoin">bitcoin</a>, qui avait déjà surclassé, fin 2017, les euphories les plus marquantes de l’histoire (les tulipes, la compagnie du Mississippi, etc.) a pour ainsi dire doublé la mise fin 2020.</p>
<h2>Des bulles localisées</h2>
<p>Pour autant, si les conditions semblent réunies pour l’éclatement prochain de bulles localisées (Tesla, bitcoin), il n’en va pas tout à fait de même pour les grands indices américains pour lesquels, malgré les niveaux de valorisation atteints, les actions demeurent, semble-t-il, encore suffisamment attractives par rapport aux placements obligataires.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385795/original/file-20210223-14-aki6bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 7 : L’évolution du S&P 500 Vs Shiller ECY.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://seekingalpha.com/article/4394742-shiller-ecy-and-justification-for-sky-high-stock-prices">Seeking Alpha</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, sur les valeurs du S&P 500, <a href="https://www.lecho.be/dossiers/chroniques-financieres/la-bulle-des-uns-n-est-pas-la-bulle-des-autres/10280885.html">l’Excess Cape Yield (ECY)</a>, un indicateur assimilable à une mesure de la prime de risque actions développé par l’économiste américain Robert Shiller, avoisine les 4 % fin 2020 (cf. Figure 7).</p>
<p>À ce stade, et au regard de l’historique de cet indicateur, le niveau actuel de <a href="https://en.macromicro.me/charts/27100/us-shiller-ecy">l’ECY</a> paraît davantage compatible avec une trajectoire de <a href="https://awealthofcommonsense.com/2020/12/could-we-see-record-stock-market-valuations-this-cycle/">maintien de rentabilités réelles positives</a> à court terme sur le compartiment actions, qu’avec l’hypothèse de l’éclatement imminent d’une bulle spéculative généralisée… du moins tant que les rendements obligataires restent très bas !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385796/original/file-20210223-17-y5a1a5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 8 : Shiller ECY et performance réelle sur 10 ans des actions par rapport aux rendements réels des obligations.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://awealthofcommonsense.com/2020/12/could-we-see-record-stock-market-valuations-this-cycle/">A Wealth of Common Sense</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il résulte de cette analyse que les bulles financières qui sont en train de gonfler depuis quelques mois, voire, quelques années, sont donc soit sur le point de crever (Tesla, bitcoin, Nasdaq, marchés boursiers indien ou taiwanais…), soit en phase de maturation avec pour conséquence inévitable – les mêmes causes provoquant les mêmes effets – leur explosion à venir.</p>
<p>Le scénario qui se dessine serait donc celui de l’éclatement probable, dans un premier temps, de bulles localisées et parvenues à maturité. Toutefois, en raison de la disparition de la croyance partagée en une croissance infinie des cours boursiers qui en résulterait et du processus de <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1992_num_43_4_409384">contagion mimétique</a> qui s’ensuivrait, c’est probablement un plongeon généralisé de l’ensemble des places boursières américaines, européennes et asiatiques qu’il faudra redouter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le risque d’éclatement concerne aujourd’hui davantage les valeurs technologiques américaines que les grands indices des marchés financiers.David Bourghelle, Maître de conférences, Université de LilleJacques Ninet, Professeur associé, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1555822021-02-24T19:14:54Z2021-02-24T19:14:54ZUne bulle « rationnelle » est-elle en train de se former sur les marchés financiers ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/385012/original/file-20210218-12-xy1p73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1278%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les principaux indices boursiers ont connu un rebond nettement plus important que leur effondrement consécutif à l’éclatement de la crise au printemps dernier.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/bulle-de-savon-bokeh-bourse-de-4319060/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sommes-nous en train de vivre l’une des plus importantes bulles spéculatives sur les marchés financiers ? Même si un simple regard sur les valorisations des marchés actions tend à souligner une envolée des cours, et même si cette envolée ne semble guère sous-tendue par une réelle reprise économique, la réponse à cette question reste délicate pour une raison simple : nous ne connaissons pas la valeur fondamentale future de l’économie réelle, et donc des actifs financiers.</p>
<p>Partant de ce constat d’ignorance, la recherche en finance a tenté de fournir des perspectives permettant de déceler la présence de bulles financières.</p>
<h2>Une composante récurrente des échanges</h2>
<p>Répondre à la question d’une bulle sur les marchés financiers, nécessite avant tout de définir ce que serait une bulle, et peut-être surtout ce qu’elle n’est pas. Une bulle, ce n’est pas nécessairement une hausse soudaine de la valorisation des marchés financiers. Cette hausse peut être parfaitement normale si elle reflète un accroissement de la richesse réelle, présente ou future.</p>
<p>Une bulle, ce n’est pas non plus une simple erreur, comme celle ayant mené à la <a href="https://nypost.com/2020/03/26/zoom-confusion-leads-sec-to-halt-trading-for-chinese-company/#:%7E:text=The%20Feds%20on%20Thursday%20clamped,surged%20amid%20the%20coronavirus%20crisis.">flambée d’un homonyme chinois de la compagnie américaine Zoom</a> en mars 2020. En fait, la définition la plus simple d’une bulle est une augmentation substantielle des prix, suivie par une correction soudaine, qui n’est pas due à une modification de la valeur fondamentale des actifs. Valeur de marché et valeur réelle deviennent décorrélées.</p>
<p><a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304393215000987">Depuis leur commencement</a>, les marchés financiers, et dans une moindre mesure certains marchés réels, sont sujets à des bulles. Un exemple classique est celui de la tulipomanie (<em>Tulip mania</em>) avec l’envolée des prix des bulbes de tulipes aux Pays-Bas, où en 1637, un seul bulbe s’est vendu pour le <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780195391176.001.0001/oxfordhb-9780195391176">prix d’un petit château</a>. Un autre exemple est la bulle sur la Compagnie des mers du Sud, qui a vu en 1720 le prix de ses actions multiplié par huit en quelques mois, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-0289.2005.00304.x">sans raison apparente</a>.</p>
<p>Plus récemment, les <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304393215000987">cours des actions</a>, mais aussi le <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.102.2.1029">crédit</a>, <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20150501">l’immobilier</a>, les <a href="https://academic.oup.com/ajae/article/97/1/65/2737511">matières premières</a>, les <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304405X13001979">marchés obligataires</a>, et de façon célèbre, le <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165176515000890">bitcoin</a>, sont autant d’actifs ayant connu des épisodes de bulles. Concernant les cryptomonnaies, de nombreux économistes défendent d’ailleurs une <a href="https://www.ft.com/content/9be5ad05-b17a-4449-807b-5dbcb5ef8170">bulle permanente</a>, leur valeur fondamentale étant théoriquement inexistante.</p>
<p>En fait, la présence de bulles sur les marchés (financiers et réels) semble découler d’un comportement persistant des agents économiques. <a href="https://www.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ecoj.12341">Des études expérimentales</a>, contrôlant exactement la valeur réelle, ont montré que les participants avaient tendance à mettre en place un fonctionnement de bulle, avec des envolées et effondrements des cours <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-financial-and-quantitative-analysis/article/heterogeneity-of-beliefs-and-trade-in-experimental-asset-markets/167A170A9A7665C073F5245A464F7A93">très similaires aux situations en économie réelle</a>, et en rien liés à un changement de la valeur réelle des biens échangés.</p>
<p>Quant à la récente bulle observée sur <a href="https://www.ft.com/content/7aa60aa1-484f-4747-9136-cd0a560dd2d8">GameStop</a> et organisée via le réseau social Reddit, la recherche a effectivement montré que la <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165188919300880">coordination entre agents ne fait qu’amplifier</a> les phénomènes de bulles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1359080336827830273"}"></div></p>
<p>Ainsi, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joes.12104">malgré quelques rares visions alternatives</a>, la recherche s’accorde sur le fait que les bulles constituent une composante récurrente de l’échange économique, sur les marchés réels, et a fortiori, sur les marchés financiers.</p>
<h2>Des bulles souvent rationnelles</h2>
<p>Alors, sommes-nous aujourd’hui dans une bulle financière ? Répondre à cette question nécessite de distinguer deux types de bulles : les bulles rationnelles et les bulles irrationnelles.</p>
<p>Les bulles irrationnelles sont celles auxquelles nous pensons le plus souvent, provenant de l’irrationalité des agents – définie généralement comme l’incapacité à agir avec une parfaite intelligence – et provoquant des phénomènes explosifs sur les marchés financiers. La recherche <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214635016300491">a effectivement documenté la présence de telles bulles irrationnelles</a>, qui peuvent être attribuées par exemple <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1468-0289.2005.00304.x">à des déficits calculatoires</a>, ou à des biais comportementaux, comme la <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/378531">surconfiance</a>.</p>
<p>Cependant, étrangement, les bulles irrationnelles ne sont pas les bulles les plus fréquentes. Ce sont en fait les bulles rationnelles qui ponctuent le plus la vie des marchés. Mais comment une bulle peut-elle être rationnelle ?</p>
<p>Une bulle est rationnelle si les acteurs sont bien conscients que la valeur des biens est sans commune mesure avec leur valeur fondamentale, mais entendent profiter de cette situation pour dégager un profit. Les investisseurs font un pari rationnel que la bulle poursuivra un temps son expansion, et qu’ils parviendront à en sortir avant son explosion.</p>
<p>De fait, ils savent bien que les marchés finiront par s’effondrer, mais parient sur la probabilité de ne pas être le « dernier imbécile » (<em><a href="https://academic.oup.com/ej/article/125/582/141/5077949">greater fool</a></em>). En fait, les investisseurs investissent sur l’accélération de l’augmentation des prix – pensez à la dernière fois <a href="https://www.ft.com/content/3e196e5c-afb7-4450-a5cc-3e4f7d17a40c">où vous avez vu le prix du bitcoin flamber</a>.</p>
<p>Ce sont donc des prophéties autoréalisatrices, et contre lesquelles les régulateurs et banques centrales se trouvent démunis. La majorité des bulles récentes (<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1540-6261.00560">comme celle de 2001 sur les valeurs Internet</a>), peuvent notamment être attribuées à ce mécanisme.</p>
<h2>Les marchés technologiques, un terreau favorable</h2>
<p>Des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/iere.12132">travaux récents</a> ont permis d’identifier des périodes de bulles sur les marchés actions, à partir de l’accélération incontrôlée des prix. Alors, que penser des marchés aujourd’hui, en gardant en mémoire les principes développés jusqu’ici ?</p>
<p>Si l’on regarde l’évolution des prix de quatre indices principaux (le Nasdaq, le S&P 500, le CAC 40 et le DAX), on peut aisément identifier l’effondrement des cours lié à la Covid-19 (cf. figure 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386389/original/file-20210225-21-1ey343s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : évolution des cours boursiers du CAC 40, du Nasdaq, du DAX et du S&P 500 entre 2016 et 2020. Base 100 au 1er février 2019, données issues de Yahoo! Finance.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, sur les marchés américains, et particulièrement sur le marché technologique du Nasdaq, on observe une remontée très rapide des prix, dépassant largement leur niveau initial et présentant une accélération de leur pente (les prix montent de plus en plus vite). Cette accélération de la hausse des prix sur un court intervalle de temps est symptomatique des bulles rationnelles.</p>
<p>Des tests plus rigoureux seraient nécessaires pour conclure, mais le fait que ce phénomène d’accélération soit particulièrement présent sur le Nasdaq apparaît inquiétant : les marchés de nouvelles technologies en général, et le Nasdaq en particulier, sont en effet connus pour <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304405X08000743">favoriser</a> et pour avoir <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2354.2010.00625.x">abrité</a> de fréquentes périodes d’exubérance.</p>
<p>Des auteurs ont suggéré des explications rationnelles à cette reprise et embellie très rapide : une politique des banques centrales extrêmement accommodante, une explosion de l’épargne disponible, le développement de l’investissement individuel ou encore une anticipation de la reprise.</p>
<p>Tous ces arguments sont valables et fournissent des explications rationnelles à la hausse des prix. Cependant, nous l’avons vu, les bulles peuvent, elles aussi, être parfaitement rationnelles. Surtout, ces arguments n’expliquent pas l’accélération continue (et autocorrélée) de la hausse.</p>
<p>La rationalité des investisseurs ne présume donc pas d’un marché sans bulle, bien au contraire. L’accélération de plus en plus rapide de la hausse des prix sur les marchés financiers que l’on observe aujourd’hui reste donc inquiétante : elle pourrait bel et bien être le signe du développement d’une bulle financière majeure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul-Olivier Klein ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les investisseurs parieraient aujourd’hui sur de futures hausses des cours, tout en étant conscients que l’envolée actuelle ne reflète pas l’activité économique réelle.Paul-Olivier Klein, Maitre de Conférences en Finance, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1548542021-02-08T20:14:48Z2021-02-08T20:14:48ZGameStop : quand les gamers activistes mettent à genoux les Goliaths de la finance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382982/original/file-20210208-13-i2rr3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C134%2C908%2C531&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’action coordonnée des amateurs de jeux vidéo a poussé le cours de l’action à 347,51&nbsp;dollars le 27&nbsp;janvier dernier alors qu’il s’échangeait à 4,15&nbsp;dollars début 2020.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Rafapress / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Si vous êtes un cinéphile averti ou tout simplement amateur, peut-être avez-vous vu <em><a href="https://www.imdb.com/title/tt1596363/">The Big Short : le casse du siècle</a> ?</em>. Ce film de 2015 réalisé par Adam McKay et fort d’un casting 5 étoiles relate les aventures de quelques <em>insiders</em> (initiés) de la finance qui, au milieu des années 2000, découvrent qu’une bulle financière sans précédent est sur le point d’éclater en raison d’une accumulation colossale d’actifs de très mauvaise qualité dans le bilan des banques.</p>
<p>À la base de ces actifs de mauvaise qualité, nous trouvons des crédits immobiliers non garantis (les fameux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qFHIFDJRHSM">subprimes</a>), mais aussi des actifs synthétiques (les titres structurés et tranchés de créances, ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VT0o6bcWjH8">CDO</a>) mêlant des prêts de qualité avec des prêts médiocres, créant ainsi des produits aux fondements instables et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3hG4X5iTK8M">ne demandant qu’à s’écrouler</a>. La suite de l’histoire, nous la connaissons. L’effondrement du marché résidentiel américain a été l’étincelle qui a mis le feu à la finance mondiale.</p>
<p>Pour autant, cette crise ne fit pas que des perdants. C’est justement le cas de nos insiders. Ces derniers ont fait partie des très rares à miser sur l’effondrement du marché immobilier, contre la quasi-totalité des investisseurs institutionnels. Concrètement, ils ont <em>shorté</em> le marché, c’est-à-dire qu’ils ont contracté auprès des investisseurs institutionnels des couvertures de défaillances (aussi appelés Swaps ou CDS) avec des titrisations hypothécaires comme sous-jacents.</p>
<p>Autrement dit, ils ont emprunté aux banques des CDS pour les vendre au prix de marché constaté à l’instant « t », pour les racheter à l’instant « t+1 » avec obligation de les rendre à leurs propriétaires d’origine. Évidemment, l’investisseur engagé dans une telle stratégie espère que le prix de l’actif aura baissé entre « t » et « t+1 » de façon à pouvoir empocher la différence.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lKOC_kmBsJU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film « The Big short : le casse du siècle » (Paramount Pictures France, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>De leur côté, les banques ne pouvaient qu’accepter ces deals car, franchement, quel individu sensé pourrait miser sur l’effondrement d’un marché résidentiel <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Q89eZka94NU">réputé particulièrement solide</a>, et <em>too big to fail</em> car soutenu par l’ensemble des grandes places financières du fait de leurs engagements se comptant en centaines de milliards de dollars ?</p>
<p>Alors, me direz-vous, que diable vient faire <em>The Big Short</em> en introduction d’un papier consacré au décryptage du cas GameStop ? Tout simplement, car nous y retrouvons des mécanismes en partie similaires, mais aussi un protagoniste que le film d’Adam McKay a élevé au rang d’icône de la pop culture : le docteur <a href="https://www.businessinsider.com/michael-burry-life-story-2017-5?IR=T">Michael J. Burry</a> (interprété par Christian Bale à l’écran), manager du hedge fund Scion Capital, présenté comme celui qui, le premier, découvrit les faiblesses inhérentes aux subprimes.</p>
<h2>Une victime idéale et des <em>usual suspects</em></h2>
<p>GameStop est un groupe américain bien connu des <em>gamers</em> du monde entier. Spécialiste de la distribution physique de jeux vidéo, il détient plus de 5 000 magasins aux États-Unis,ou encore l’enseigne Micromania en France. Un spécialiste de la distribution physique <a href="https://theconversation.com/podcast-avec-stadia-google-va-t-il-revolutionner-le-jeu-video-114122">sur un marché où souffle fort le vent de la dématérialisation</a> ? Le tout dans un monde où les mesures de confinement découlant de la crise sanitaire ont favorisé la distribution numérique au détriment des acteurs traditionnels ? Il n’en fallait pas plus pour aiguiser l’appétit des requins de la finance de tous bords qui ont misé comme d’un seul homme sur la chute du titre.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382976/original/file-20210208-15-b57gd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution du cours de l’action GameSoft.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yahoo ! Finance</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, que devrait-il se passer quand de grands noms de la finance font tous le même calcul au même moment ? Réponse : ils créent les conditions d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2008-7-page-68.htm">prophétie autoréalisatrice</a> où l’événement prédit finit par se réaliser du simple fait du poids (direct ou indirect) que lesdits acteurs exercent sur le marché.</p>
<p>Alors dans ces conditions, comment expliquer que, bien loin de s’effondrer face à l’action conjointe de ces <em>usual suspects</em>, le titre GameStop se soit au contraire envolé ces dernières semaines, jusqu’à coter 347,51 dollars le 27 janvier, là où il s’échangeait à quelque 4,15 dollars un an auparavant ?</p>
<h2>Reddit et les néo-actionnaires activistes</h2>
<p>Pour comprendre les origines de ce résultat contre-intuitif, il faut nous intéresser à la communauté des gamers. Outre de partager des caractéristiques communes, comme un intérêt marqué pour la pop culture et une fascination partagée pour ses icônes, les membres de cette dernière restent très actifs sur les forums et les réseaux sociaux.</p>
<p>Si en France, les espaces de discussions du site spécialisé jeuxvideo.com <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/jeuxvideo-com-ou-en-est-la-moderation-du-meilleur-pire-forum-du-net-francais_2060915.html">défraient souvent la chronique</a>, aux États-Unis, c’est sur Reddit que ça se passe. Et plus spécifiquement, sur le sous-forum r/WallStreetBets (qui compte à lui seul plus de 8,6 millions d’abonnés) où un gamer a <a href="https://www.reddit.com/r/investing/comments/cthume/dr_michael_burry_and_the_big_gamestop_short/">relayé</a> début 2020 une lettre d’un investisseur renommé qui annonce être monté au capital de GameStop à hauteur de 3 %, et se lancer dans une <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20190819005633/en/">opération de <em>short squeeze</em> déterminée</a>, c’est-à-dire une opération visant à forcer les short-sellers à liquider leurs positions selon une mécanique que nous décrirons plus loin. Cet investisseur… c’est Michael J. Burry !</p>
<p>Mais un gamer n’est pas nécessairement un as de l’investissement me direz-vous ? Effectivement. Et c’est bien pourquoi, toujours sur Reddit, un autre membre de la communauté va poster un plan d’attaque coordonnée, expliquant par le détail la procédure à suivre pour <a href="https://www.reddit.com/r/wallstreetbets/comments/ivs6dw/bankrupting_institutional_investors_for_dummies/">« pousser les investisseurs institutionnels à la faillite »</a> dans le but de soutenir la société GameStop, mais aussi de livrer une bataille idéologique contre une <a href="http://www.ft.com/content/f8937ac7-da4a-41a6-bbbf-7b573e8ed72b">certaine conception de la finance</a> déconnectée de la réalité (et, soyons honnête, d’empocher un petit pactole au passage, histoire de joindre l’utile à l’agréable). L’idée consiste à appliquer une stratégie visant à contrer la mécanique décrite dans <em>The Big Short</em>, autrement dit à suivre la stratégie de <em>short squeeze</em> de Michael J. Burry pour lui donner encore plus d’ampleur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382986/original/file-20210208-19-18lfmu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le sous-forum r/WallStreetBets de la plate-forme Reddit compte quelque 8,6 millions d’abonnés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tada Images/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concrètement, cette stratégie de <em>short suqeeze</em> a amené nos néo-investisseurs activistes ont mené deux actions simultanées. D’une part, ils ont acheté en masse des actions GameStop, ce qui a eu pour effet de doper le cours du titre. Cette appréciation du titre a poussé les investisseurs institutionnels engagés dans une stratégie baissière à racheter des titres de façon à compenser en partie leurs pertes… ce qui a en retour contribué à renforcer la valorisation de GameStop.</p>
<p>D’autre part, les gamers ont également pris des « options », c’est-à-dire des titres dont la valeur est indexée à celle d’une action donnée, en l’espèce l’action GameStop. Ces options ont joué un rôle catalyseur, étant interprétés par les investisseurs tiers – humains comme algorithmes – comme de signaux de confiance dans la valeur GameStop.</p>
<h2>Épiphénomène ou changement de paradigme ?</h2>
<p>Cette affaire GameStop est encore loin d’avoir livré son verdict. Car si les investisseurs activistes sont effectivement parvenus à contrer la stratégie baissière des investisseurs institutionnels – leur occasionnant des <a href="http://www.wsj.com/articles/short-bets-pummel-hot-hedge-fund-melvin-capital-11611349217?mod=article_inline">pertes importantes</a> quand, dans le même temps, le fond de Michael J. Burry affichait un bénéfice insolent de <a href="https://www.businessinsider.fr/us/big-short-michael-burry-1500-percent-gain-gamestop-stake-2021-1">1 500 %</a> – on observe sur les derniers jours un reflux de la valeur de GameStop, probablement consécutif à la prise de profits des néo-boursicoteurs. Mais, l’important n’est pas là.</p>
<p>De mémoire d’économiste, jamais dans l’histoire nous n’avions encore assisté à pareille rébellion sur le front de la finance, voyant des millions d’investisseurs amateurs retourner les stratégies de marché contre leurs instigateurs. Au-delà de la perte financière, pour ces acteurs habitués à être <em>price makers</em> (faiseurs de prix), le camouflet est terrible. Et les enseignements nombreux :</p>
<ul>
<li><p>contrairement à <em>The Big Short</em>, la stratégie n’est pas à mettre au crédit d’insiders rompus aux mécanismes de la finance, mais à des investisseurs amateurs… certes guidés par quelques relais d’influence et initiés ;</p></li>
<li><p>l’espérance de gain semble être une motivation de second rang dans cette affaire, relativement à la bataille idéologique sous-jacente et la volonté farouche de soutenir l’enseigne GameStop à laquelle les gamers sont très attachés ;</p></li>
<li><p>Cette attaque coordonnée a été rendue possible par la mobilisation d’une communauté particulièrement importante quant à son ampleur, et agissante. Elle s’inscrit en cela dans la droite ligne des grands mouvements tels #MeToo et autres #GiletsJaunes et #BlackLivesMatter qui ont pris naissance et <a href="https://www.istc.fr/reseaux-sociaux-nouvel-outil-de-revendications-politique-societale/">se sont organisés sur les réseaux sociaux</a>.</p></li>
</ul>
<p>En d’autres circonstances, nous avons <a href="https://theconversation.com/ces-terribles-batailles-pour-capter-le-pouvoir-de-prescrire-sur-le-net-88751">déjà eu l’occasion</a> de souligner le changement de paradigme qu’entraîne la massification des audiences introduite par les réseaux sociaux couplée à la constitution de communautés se définissant aussi à travers les relais d’influence <a href="https://www.cnews.fr/france/2020-03-25/le-professeur-didier-raoult-cree-un-compte-twitter-pour-communiquer-en-direct">qu’elles contribuent à ériger comme tels</a>. Mais si ce constat est plutôt partagé pour des marchés jugés « accessibles », la technicité de la finance semblait mettre ses acteurs à l’abri de l’agissement des foules.</p>
<p>Pourtant, le cas GameStop pourrait bien amener les investisseurs institutionnels à se discipliner ou, à tout le moins, à réviser certaines de leurs pratiques jugées non éthiques par les communautés activistes. Car, dans l’ombre de l’affaire GameStop, il se murmure sur les forums que des opérations similaires seraient en cours pour sauver d’anciennes gloires de l’industrie au fort pouvoir émotionnel, tels que Nokia et Blackberry, des griffes des shorts-sellers…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154854/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une poignée d’amateurs a réussi à contrarier les plans de spécialistes de la finance qui misaient sur une chute de l’enseigne de jeux vidéo. Épiphénomène ou changement de paradigme ?Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1410842020-06-23T20:49:59Z2020-06-23T20:49:59ZLes émotions, une aide précieuse à la décision sur les marchés financiers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342769/original/file-20200618-41204-1bkj375.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C0%2C4500%2C2970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Face aux événements extrêmes comme les krachs boursiers, les réactions émotionnelles influencent la prise de décision financière.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/crisis-concept-businessman-clutching-his-600w-1477129202.jpg">Who is Danny / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les évènements extrêmes sur les marchés financiers sont rares, mais leur impact s’avère parfois massif, comme l’a récemment montré l’<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/12/coronavirus-les-bourses-s-effondrent-la-bce-maintient-ses-taux-directeurs_6032799_3234.html">effondrement des marchés boursiers</a> mondiaux en mars 2020 dans le contexte de pandémie de Covid-19. Inattendus, les évènements extrêmes de type krach boursier provoquent un effet de surprise, et sont susceptibles de déclencher une forte réaction émotionnelle.</p>
<p>Pourtant, la finance traditionnelle est conçue pour s’appliquer en « temps normal », c’est-à-dire lorsque les rendements des actifs se situent dans une fourchette de valeurs standard.</p>
<p>Les évènements extrêmes font peu l’objet d’étude en économie. Récemment, de nombreux travaux ont cependant montré que la demande d’un fort retour sur investissement par les actionnaires par rapport aux rendements des obligations pouvait s’expliquer par une prime de risque associée aux phénomènes extrêmes comme les krachs boursiers.</p>
<p>Toutefois, ces travaux laissent largement de côté l’étude des réactions émotionnelles des investisseurs face à ces évènements extrêmes. Or, nos travaux expérimentaux nous ont permis de conclure que les émotions négatives jouent un rôle prépondérant et complexe sur la prise de décision des investisseurs.</p>
<h2>Comment analyser l’impact des émotions ?</h2>
<p>Selon les théories traditionnelles de la prise de décision telles que la <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691130613/theory-of-games-and-economic-behavior">théorie de l’utilité espérée</a> ou la <a href="https://www.uzh.ch/cmsssl/suz/dam/jcr:00000000-64a0-5b1c-0000-00003b7ec704/10.05-kahneman-tversky-79.pdf">théorie des perspectives</a> (<em>Prospect Theory</em>), les émotions n’ont pas de conséquence sur la prise de décisions. Elles sont uniquement considérées comme des effets secondaires. L’investisseur est supposé être guidé par une évaluation objective et purement statistique de la rentabilité des actifs.</p>
<p>A contrario, selon les partisans de l’hypothèse du « <a href="https://www.cmu.edu/dietrich/sds/docs/loewenstein/RiskAsFeelings.pdf">risque comme sentiment</a> » (<em>risk as feeling</em>) ou de « <a href="http://bear.warrington.ufl.edu/brenner/mar7588/Papers/slovic-affect-heuristic-2002.pdf">l’heuristique de l’affect</a> » (<em>affect heuristic</em>), les émotions ressenties au moment de prendre une décision affectent bien la manière d’évaluer un actif.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle il demeure essentiel pour les chercheurs de prendre en compte les émotions dans leurs études économiques et financières des choix risqués.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342750/original/file-20200618-41234-9penbk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma représentant la perspective traditionnelle (bleu) et l’hypothèse du « risque comme sentiment » (bleu + rouge).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cmu.edu/dietrich/sds/docs/loewenstein/RiskAsFeelings.pdf">adapté de l’étude de Loewenstein et al. (2001)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Outre le rôle des émotions, un autre défi dans l’étude des évènements extrêmes réside dans la rareté des données les concernant et leur caractère idiosyncrasique (chaque évènement advient de manière originale, selon des phénomènes qui lui sont propres). En effet, dans le domaine de la finance, les évènements extrêmes de type <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9781137525758">krachs boursiers</a> possèdent tous des caractéristiques spécifiques.</p>
<p>Pour répondre à ces défis, nous avons mis au point un <a href="ftp://ftp.gate.cnrs.fr/RePEc/2020/2016.pdf">nouveau protocole expérimental</a> pour étudier les réactions physiologiques des investisseurs à ces évènements extrêmes. La mise en place d’un environnement de laboratoire contrôlé a permis de produire de manière crédible et cohérente des évènements improbables et d’étudier le rôle des émotions.</p>
<p>Celles-ci ont été captées au moyen de la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1094428116681073">réactance électrodermale</a> (activité électrique biologique enregistrée à la surface de la peau), fortement liée à la sudation, en situation d’évaluation des perspectives d’investissement.</p>
<p>86 participants à cette expérience ont ainsi eu pour tâche de placer 300 enchères successives pour acquérir un actif financier qui offrait une petite récompense positive (soit 10, 20, 30, 40 ou 50 centimes) dans plus de 99 % des cas et une large perte relative (1000 centimes) autrement. La perte était à la fois très improbable (0,67 %) et suffisamment importante pour réduire à néant les gains accumulés par les participants et leur faire faire faillite.</p>
<h2>Le rôle complexe des émotions négatives</h2>
<p>L’étude a mis en évidence que les investisseurs qui observent un évènement extrême sans subir de perte ont tendance à diminuer leurs enchères. Cet effet est particulièrement prononcé lorsque les participants présentent :</p>
<ul>
<li><p>un « <a href="https://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/recencybias.html">biais de récence</a> », c’est-à-dire qu’ils s’appuient sur de petits échantillons pour actualiser la probabilité d’évènements rares ;</p></li>
<li><p>ou un « <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0010028573900339">biais de disponibilité</a> », c’est-à-dire qu’ils estiment la probabilité d’occurrence d’un événement en fonction de la facilité avec laquelle des cas pertinents leur reviennent en mémoire.</p></li>
</ul>
<p>En revanche, les investisseurs qui subissent des pertes extrêmes ont tendance à augmenter leurs enchères. Cette réaction est particulièrement prononcée chez les investisseurs qui réagissent de façon émotionnelle aux pertes et expriment de la colère.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/neurofinance-une-nouvelle-maniere-dapprehender-les-derives-des-traders-75182">Neurofinance : une nouvelle manière d’appréhender les dérives des traders</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Toutefois, la peur conduit les investisseurs averses aux pertes à diminuer leurs offres après avoir observé les événements extrêmes sans subir de perte. Pour eux, le sentiment de peur prend finalement le pas sur celui de la colère.</p>
<p>Ainsi, un événement négatif peut avoir des effets complètement différents sur le comportement des investisseurs selon l’émotion (peur ou colère) qu’il génère. Ce phénomène a d’ailleurs aussi été étudié dans un <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-psych-010213-115043">contexte non financier</a> donnant naissance à la théorie de l’appréciation des émotions (<em>Appraisal Theory of Emotions</em>).</p>
<p>Enfin, les investisseurs qualifiés d’émotionnels – pour lesquels les émotions mesurées par l’activité électrodermale en début d’expérience étaient fortes – ont proposé des enchères plus basses et étaient moins susceptibles de subir des pertes extrêmes et de faire faillite que les investisseurs moins émotionnels. Ces investisseurs ont également réalisé des bénéfices plus élevés lorsque les évènements extrêmes étaient fréquents.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"987109992909213701"}"></div></p>
<p>Ce résultat contraste avec l’<a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691191362/adaptive-markets">opinion commune</a> selon laquelle les investisseurs doivent contrôler leurs émotions à tout moment. Un certain niveau d’anxiété pourrait donc nous protéger d’évènements extrêmes qui autrement amèneraient notre ruine.</p>
<p>D’après la <a href="https://www.cep.ucsb.edu/papers/emotionIRVLewisCh8.pdf">théorie de l’évolution des émotions</a>, celles-ci ont une fonction ancestrale qui consiste à augmenter nos chances de survie. Pour l’investisseur, elles pourraient être une protection efficace contre le krach boursier et la faillite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141084/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux idées reçues, un trop grand contrôle de l’anxiété s’avère peu profitable aux investisseurs.Camille Cornand, Directrice de recherche en économie, CNRS, chercheuse au sein du GATE, Université Lumière Lyon 2 Brice Corgnet, Professor, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1387302020-05-18T19:50:58Z2020-05-18T19:50:58ZCours du pétrole : des réactions contrastées sur les marchés boursiers, de change et immobiliers<p>La crise du Covid-19 a donc provoqué un choc économique <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/region/mena/brief/coping-with-a-dual-shock-coronavirus-covid-19-and-oil-prices?cid=mena_tt_mena_en_ext">simultané</a> d’offre et de demande, générant ainsi une montée d’<a href="https://www.institutmontaigne.org/en/blog/market-crash-coronavirus-oil-price-collapse-where-do-we-go">anxiété</a> sur les marchés d’actifs financiers, alimentée par des signaux ambivalents, voire <a href="https://theconversation.com/petrole-coronavirus-opep-et-russie-la-valse-a-quatre-temps-133534">contradictoires</a>, envoyés par les grands pays producteurs de pétrole.</p>
<p>Les investisseurs ont de plus adopté des comportements spéculatifs et mimétiques, encouragés par l’incertitude croissante et la dynamique erratique des prix des titres que cette dernière a engendrée. Une des manifestations de ces paris spéculatifs a été la multiplication de <em>short selling</em> (ventes de titres dont on anticipe la baisse) sur les contrats à terme (pour lesquels la livraison est prévue à une échéance fixée à l’avance), accélérant encore la chute des prix sur le marché spot.</p>
<p>L’importance du marché « papier » du pétrole (par rapport au marché physique), tout comme la possibilité, pour les investisseurs, de prendre des positions sur des <a href="https://www.investopedia.com/terms/e/exchangetraded-commodity-etc.asp"><em>Exchange Trading Commodity</em></a> (véhicules d’investissement basés sur les matières premières), a sans doute accentué la volatilité et contribué à la baisse du WTI, (le <em>West Texas Intermediate</em>, indice de référence dans la fixation du prix du brut aux États-Unis) en territoire <a href="https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/les-etfs-aussi-pointes-du-doigt-comme-responsables-des-prix-negatifs-sur-le-petrole-1905484.php">négatif</a>, le 20 avril dernier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1254853742295347200"}"></div></p>
<p>Face à des capacités de stockage de pétrole <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/26/business/energy-environment/oil-storage.html">saturées</a>, les opérateurs ont même préféré brader leurs barils afin de s’en débarrasser le plus rapidement possible, comportements chimériques et opportunistes davantage dictés par l’instinct de survie et les affects collectifs que par un raisonnement économique rationnel.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335304/original/file-20200515-138615-1lwt7cx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolutions comparées Dow Jones et du WTI (illustrées par les logarithmes LDJO et LWTI).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces comportements ont entraîné des dynamiques différentes selon les marchés boursiers, de change et immobilier.</p>
<h2>Ascenseur émotionnel en bourse</h2>
<p>Depuis le mois de mars, les marchés financiers mondiaux ont connu des vagues de dépréciations synchrones et spectaculaires. Beaucoup d’investisseurs anticipent désormais une récession historique qui, dans un contexte d’endettement massif, notamment des entreprises des pays émergents, va sans doute exacerber les risques d’insolvabilité.</p>
<p>Néanmoins, la <a href="https://theconversation.com/effondrement-des-marches-financiers-le-coronavirus-nexplique-pas-tout-134677">crise du Covid-19</a> n’explique pas tout. Dès la fin de l’année 2019, les marchés financiers avaient atteint des niveaux de valorisation que d’aucuns jugeaient très au-delà de ce que pouvaient justifier l’état anticipé des fondamentaux économiques (le <a href="https://www.boursorama.com/bourse/indices/cours/%24INDU/">Dow Jones</a> avait gagné près de 175 % en 10 ans, le <a href="https://www.boursorama.com/bourse/indices/cours/%24COMPX/">Nasdaq</a> plus de 300 %). Une correction était attendue.</p>
<p>Pour autant, la forte volatilité observée sur les marchés ces dernières semaines s’explique également par l’instabilité des <a href="https://www.wbs.ac.uk/about/person/richard-taffler">états émotionnels</a> auxquels les spéculateurs sont bien souvent exposées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335298/original/file-20200515-138629-dakb5b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Variations des indices boursiers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La dégradation des indicateurs de sentiment de marché censés exprimer ces états émotionnels (<a href="https://screener.blogbourse.net/sentiment-put-call-ratio.html"><em>put/call ratio</em></a>, <a href="http://www.cboe.com/vix/">VIX</a>, indice <a href="https://fred.stlouisfed.org/series/WLEMUINDXD">EMREPU</a> de la Fed, indice de <a href="https://www.financialresearch.gov/financial-stress-index/">stress</a> de l’<em>Office of Financial Research</em>) a révélé une anticipation collective – et concordante – d’un ajustement des prix des actifs.</p>
<p>Au gré de la dynamique des émotions collectives des acteurs de la finance, des vagues de pessimisme, d’inquiétude ou de panique puis d’optimisme, d’engouement et <a href="https://blog.nalo.fr/robert-shiller-ou-lexuberance-irrationnelle/#references">d’exubérance</a>, se sont alors succédé. Alimentées par les changements de tonalité des commentaires médiatiques, elles perturbent les dynamiques de prix et ce, souvent indépendamment de l’évolution des <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Narrative-Economics-and-Investor-Emotions-%3A-An-Taffler-Agarwal/0ed40c6140e03c52bbc1801ed0903bf8858a5a3f">fondamentaux économiques</a>.</p>
<h2>Change : la dynamique s’inverse</h2>
<p>L’évolution des prix du pétrole et celle du dollar américain affiche généralement une corrélation négative. En effet, lorsque le prix du baril diminue, la demande du pétrole – toutes choses étant égales par ailleurs – augmente, générant une augmentation de la demande de la monnaie américaine (sachant que le WTI et le brent, l’équivalent en Europe, sont libellés en dollars).</p>
<p>Cependant, les dynamiques du prix du pétrole et du taux de change dollar-euro interagissent de manière complexe.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335305/original/file-20200515-138615-1oum11y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolutions comparées du cours du WTI et du taux de change dollar-euro.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, les évolutions opposées entre le prix du pétrole et le taux de change du dollar ne sont pas totalement synchrones. En 2014 et durant la période 2016-2017, l’ajustement du dollar a précédé celui du WTI, ce qui suggère une relation de causalité du dollar vers le prix du pétrole.</p>
<p>Cependant, durant la crise de la Covid-19 et jusqu’à aujourd’hui, la causalité s’inverse et c’est désormais le cours du pétrole qui précède l’ajustement du dollar. Si le sens de cette relation est amené à persister, il pourrait être a priori possible de prévoir la dynamique du dollar et d’anticiper ses changements de tendances à partir de l’évolution du prix de pétrole.</p>
<p>On le voit ici, les fondamentaux macroéconomiques sont sans doute beaucoup plus importants pour comprendre les dynamiques de change. Les émotions collectives semblent, quant à elles, jouer un rôle plus secondaire.</p>
<h2>Le point d’interrogation du marché immobilier</h2>
<p>L’investissement dans la pierre est souvent considéré comme une forme de refuge face à un accroissement du risque ; dans l’esprit de beaucoup, il s’impose comme un investissement sur le long terme.</p>
<p>De ce fait, les comportements spéculatifs induits par la crise sanitaire et financière et la volatilité du prix du baril ne devraient pas, de prime abord, avoir un effet significatif sur les prix immobiliers. Ainsi illustré par une tendance haussière continue du <em>housing index</em> américain depuis 2012, malgré les corrections du prix du baril, en 2014 et en <a href="https://www.lesechos.fr/patrimoine/immobilier/immobilier-le-choc-du-covid-19-peut-il-casser-la-hausse-des-prix-1195856">2020</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335307/original/file-20200515-138624-i37p6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolutions comparées du cours du WTI et du taux de housing index américain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France, le volume de transactions dans l’ancien a augmenté de +11 % en 2019. Même si le confinement a pratiquement mis <a href="https://www.mysweetimmo.com/2020/04/20/covid-19-et-immobilier-les-prix-pourraient-baisser-significativement-si-le-confinement-etait-prolonge-et-renouvele/">l’activité immobilière</a> à l’arrêt, le redémarrage lié au déconfinement qui s’amorce pourrait permettre de régulariser l’ensemble des transactions suspendues.</p>
<p>Pour autant, les perspectives sur le long terme restent pour le moins incertaines et dépendront de la perception des investisseurs quant à l’évolution de la situation sanitaire et une éventuelle deuxième vague épidémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138730/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si la crise a précipité la correction attendue en bourse, elle a aussi contribué à inverser le lien de causalité habituel entre or noir et dollar. Dans l’immobilier, les interrogations subsistent.Fredj Jawadi, Professeur des Universités, Université de LilleDavid Bourghelle, Maître de conférences, Université de LillePhilippe Rozin, Maître de conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1285602019-12-11T19:54:33Z2019-12-11T19:54:33Z« Sneakers » : la grande envolée des prix à la revente<p>Le « sneaker » (qui peut correspondre au terme « basket » en français) est un objet banal. Pourtant, se porter acquéreur de ce type de chaussure permet à certains d’y voir l’occasion de spéculer. Paris connaît ainsi les mêmes « raffles » endiablées qui ont pu avoir lieu à Tokyo, Los Angeles, et New York. Le principe de ces ventes exceptionnelles consiste à attirer les foules en leur proposant de participer à un tirage au sort ouvrant la possibilité d’acheter des sneakers, vendues en nombre limité.</p>
<p>Traditionnellement, les acheteurs procédaient pour leur besoin personnel, mais avec le succès des sneakers, ils ont changé de comportement. Par exemple, certains acheteurs conservent désormais les sneakers dans leur boîte d’origine pour les revendre.</p>
<p>Les marques des chaussures de sport développaient <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-4-page-63.htm">encore en 2013</a> une stratégie qui surfait sur l’utilisation de représentations sociales afin d’améliorer la mesure de la légitimité et de la différenciation d’une marque. Cet enjeu a donc largement été dépassé ces dernières années, puisque certains consommateurs se sont emparés de ces produits pour les revendre sur des sites d’enchères en ligne. Pour autant, les marques profitent là aussi de ce phénomène qui participe à leur notoriété. Les principales marques du marché Nike et Adidas organisent en effet la rareté, et donc la valeur perçue, d’une partie de leur offre.</p>
<h2>Un demi-million pour des chaussures</h2>
<p>Notre première observation consiste à appréhender simplement que certains sneakers atteignent des cotes importantes, la Nike Mag a été fabriquée en 2016 et lancée sur le marché par loterie. Le prix de vente sur les sites spécialisés de revente atteint plus de <a href="https://stockx.com/nike-air-mag-back-to-the-future-bttf-2016?">28 000 dollars</a>, sachant qu’il n’y a que 89 exemplaires en circulation. Cela pourrait être une exception, or la Air Jordan 11 Retro-Jeter, dont le modèle d’origine a été lancée dans les années 1990 se négociait à 66 000 dollars récemment, tandis que la Nike Air Yeezy 2SP Red October est cotée à hauteur de 26 000 dollars.</p>
<p>Mais, il y a mieux encore en juin 2017, une paire de baskets portées par Michael Jordan en 1984 a atteint le prix de <a href="https://www.rds.ca/basketball/nba/une-paire-de-chaussures-portees-par-michael-jordan-adjugee-a-190-372-1.4541853">190 372 dollars</a> et, en juillet 2019, un acheteur canadien a dépensé <a href="https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/une-des-premieres-paires-de-nike-vendue-437-500-dollars-un-record-fd957a80110768303f27666a2e1ca837">437 500 dollars</a> pour acquérir la Moon Shoe, une paire de chaussures de la marque Nike fabriquée en 1972. Ces ventes mythiques donnent un élan aux transactions de sneakers et provoquent pour certains individus des achats compulsifs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1153968202403254272"}"></div></p>
<p>Il ne s’agit pas d’un épiphénomène dans la mesure où le marché mondial de transaction des sneakers est estimé par certains spécialistes à hauteur de 1 milliard de dollars, tandis que pour la chaussure de sport de type « classique » le marché global est évalué à près de <a href="https://www.bilan.ch/economie/les-baskets-bousculent-le-monde-du-luxe">100 milliards de dollars</a>. De plus, les consommateurs qui spéculent grâce aux plates-formes spécialisées et qui revendent leurs sneakers participent au développement d’un marché d’échange, que l’on peut qualifier de marché secondaire.</p>
<p>Mais quelle est la typologie de ce marché d’échange ? Un marché secondaire correspond au marché sur lequel les produits sont échangés en deuxième lieu. Il peut s’agir d’un marché d’occasion et, comme dans notre cas, d’un marché où un type de produit est échangé pour la deuxième fois selon une côte liée à la catégorie des acheteurs qui peuvent attacher une valeur particulière à ces produits.</p>
<h2>Effondrement « micro-communautaire » ?</h2>
<p>La vraie question est de comprendre si ce marché est efficient ou inefficient. L’hypothèse validée empiriquement par <a href="https://archive.org/details/calculdeschances00regn">l’économiste français Jules Régnault</a> en 1863, à savoir que les variations boursières sont aléatoires, théorie développée et complétée par l’Américain <a href="https://www.jstor.org/stable/2325486">Eugène Fama</a> en 1970 grâce à l’application des mathématiques probabilistes, factualise un marché efficient. Or les spéculateurs qui consciemment contribuent à la hausse des prix des sneakers, ne participent en rien au développement économique et conduisent des acheteurs que l’on peut qualifier de « joueurs » à subir un effet financier futur négatif.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305823/original/file-20191209-90557-167vm5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les prix atteignent des sommets sur les plates-formes spécialisées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.stadiumgoods.com/trophy-case">Stadiumgoods.com/Capture d’écran</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Indéniablement ces spéculateurs seront soumis à des risques de crises localisées sur le marché d’échanges sur lequel ils agissent. L’inefficience de ce marché secondaire, qui se matérialise au travers de plates-formes de revente, laisse entrevoir des risques financiers inéluctables et ce type d’anachronisme crée un risque que je qualifie de « micro-crise communautaire ».</p>
<p>Nous comprenons que l’attrait financier des sneakers conduit les individus qui veulent spéculer à participer activement au développement de ce marché secondaire qui utilise les plates-formes internationales comme vecteur de transaction. Ainsi, l’inflation du prix de ces sneakers est conduite par un mouvement spéculatif.</p>
<p>Or, la spéculation liée aux sneakers est aujourd’hui révélatrice d’un effet de mode qui, s’il venait à s’estomper, pourrait avoir une influence négative pour les participants actifs sur ce marché d’échanges. Ainsi le risque de « micro-crise communautaire » serait latent et localisé aux intervenants agissant sur ce marché secondaire. De plus, son effet serait dépendant du nombre de participants et du niveau de spéculation atteint sur le marché concerné.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves-Alain Ach ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les acheteurs adoptent parfois des comportements spéculatifs sur ce marché particulier – que les économistes qualifient d’inefficient.Yves-Alain Ach, Docteur en Sciences de Gestion - Ph.D in management sciences - Professeur de Finance, EMLV, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261362019-10-30T19:03:33Z2019-10-30T19:03:33ZFenêtres ouvertes sur la gestion : extension du domaine de la spéculation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299457/original/file-20191030-17924-1hga460.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C566%2C576&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« IQSOG Fenêtres Ouvertes sur la Gestion » : les émissions de la lettre du 26 octobre 2019.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%40ISv5%2Fe7tpqZR1vaZa2sJGtF6CD3OgEsBnlReFmtpHL0%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=FG191019">Capture d'écran.</a></span></figcaption></figure><p>À l’affiche de cette <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%40IVm9WUDukL7hnpVext6CRMusfYh%2F3zS120eKQ9uSevA%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=">lettre datée du 26 octobre 2019</a>, sept nouvelles conversations à retrouver, comme chaque semaine, avec les invités de Jean‑Philippe Denis, professeur de sciences de gestion à la faculté Jean‑Monnet de l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue française de gestion</a>.</p>
<p>Cette semaine, à la une : Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon, Directeur de l’<a href="https://www.ifge-online.org">Institut Français de Gouvernement des Entreprises</a> (IFGE) et ancien président de la <a href="https://sfmwebsite.jimdo.com/actualit%C3%A9s/">Société Française du Management</a> (SFM), décrypte l’esprit malin du capitalisme.</p>
<p>Bon visionnage de ces sept nouvelles conversations, en partenariat avec « IQSOG/Fenêtres ouvertes sur la gestion » !</p>
<hr>
<h2>À la une</h2>
<p><strong>L’esprit malin du capitalisme : extension du domaine de la spéculation, conversation avec Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon et président de l’Institut Français de Gouvernement des Entreprise</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/368215882" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Et aussi…</h2>
<p><strong>L’entreprise et le droit : où en est-on ? Conversation avec Stéphane Vernac, anciennement maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université d’Amiens et aujourd’hui Professeur des universités, agérgé des universités en Droit Privé, à l’Université de Saint-Etienne</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/324187755" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><strong>L’entreprise, un lieu de création collective : les enjeux d’une réforme, conversation avec Blanche Segrestin, professeur à Mines ParisTech</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/298544098" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><strong>Le capitalisme total… 15 ans après, conversation avec Jean Peyrelevade, ancien Président du Crédit Lyonnais</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/299623546" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><strong>La vraie valeur n’existe pas, conversation avec André Orléan, économiste et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/124042495" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><strong>Le discret pouvoir d’influence de la finance, conversation avec Isabelle Huault, présidente de l’Université Paris-Dauphine</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/120201339" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><strong>L’entreprise et la gestion face à l’impérialisme économique, conversation avec Olivier Favereau, co-directeur du département Économie, Homme, Société au Collège des Bernardins</strong></p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/123467412" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<hr>
<p><em>Toutes les émissions <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">« IQSOG Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a> peuvent être consultées sur Xerfi canal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mines ParisTech (CGS) est membre du cercle des partenaires de l'émission Fenêtres Ouvertes sur la Gestion.</span></em></p>Retrouvez les invités de Jean‑Philippe Denis, professeur à l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la RFG. À la une cette semaine : l’esprit malin du capitalisme.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1194742019-06-26T14:59:10Z2019-06-26T14:59:10ZNatixis : quatre grandes leçons de l’affaire H20 pour les investisseurs<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/06/21/natixis-chute-en-bourse-bouscule-par-l-inquietude-sur-un-de-ses-fonds_5479494_3234.html">chute brutale</a> de 11,76 % de l’action de la banque Natixis le jeudi 20 juin s’explique par les déboires de son hedge fund londonien H2O détenu à 49,99 % via sa filiale Ostrum Asset Management. H2O a été fondée en 2010 par Bruno Crastes, un trader spécialiste des obligations à haut rendement (et à hauts risques), au <em>track record</em> (bilan) impressionnant dans l’univers des fonds obligataires <a href="https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/hebdo/20160211/il-est-venu-temps-fonds-obligataires-diversifies-154515"><em>absolute return</em></a> (« performance absolue »).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=619&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=619&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281353/original/file-20190626-76734-1s9f8h8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=619&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bruno Crastes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=dVjgP8re_RI">Capture d’écran YouTube.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il a ainsi été nommé « meilleur gérant d’obligations global des cinq dernières années » en juin 2013 avec une performance de <a href="https://citywireselector.com/news/the-five-best-global-bond-managers-of-the-past-five-years-revealed/a688175#i=5">+89,71 % contre 33,65 % pour son groupe de référence</a>. Sa société a également été primée, par exemple par le <a href="https://video-streaming.orange.fr/actu-politique/prix-special-h2o-am-dnca-finance-bruno-crastes-joseph-chatel-et-jean-charles-meriaux-09-02-CNT0000019l3Np.html">prix spécial BFM TV en février 2015</a>. Encore en 2018, les performances des fonds gérés sont restés excellentes à l’image d’Allegro qui a gagné 15,53 % sur an, selon le rapport de gestion publié en mars 2019. Logiquement les encours sous gestion ont connu une croissance fulgurante, passant d’un montant initial de 3 milliards euros à 30 milliards en 2019.</p>
<p>Comme pour Casino, l’affaire H2O débute par une note d’analyse, publiée en l’occurrence sur le blog <a href="https://ftalphaville.ft.com/2019/06/18/1560830403000/H2O-Asset-Management--illiquid-love/">Alphaville du Financial Times</a>, le mardi 18 juin. Les auteurs identifiaient trois anomalies : une forte proportion d’obligations privées illiquides dans les fonds gérés par H2O, une forte concentration de ces obligations sur un émetteur, le holding d’un homme d’affaires controversé, Lars Windhorst, et la nomination récente de M. Crastes à l’<em>advisory board</em> (conseil consultatif) de Tennor, la holding dudit homme d’affaires. Dès le lendemain, l’agence d’évaluation des fonds Morningstar <a href="http://www.morningstar.fr/fr/news/193458/la-note-du-fonds-h2o-allegro-suspendue.aspx">décidait de suspendre</a> la notation du fonds Allegro (2 milliards d’encours fin février 2019, dont 7,35 % dans des obligations à haut rendement illiquides), soulignant des interrogations « sur la liquidité de certaines obligations détenues par le fonds ».</p>
<p>La vague de retrait massif qui a suivi permet de tirer, un mois à peine après l’affaire Casino, quatre nouvelles leçons pour les investisseurs sur les risques liés aux marchés financiers : la première sur les <a href="https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-economique-et-financier/1199285-due-diligence-definition/"><em>due diligences</em></a> que devraient mener les investisseurs institutionnels, la seconde sur les relations entre investisseurs pour compte de tiers et les émetteurs, la troisième sur la distinction entre la liquidité et la valorisation d’un fonds, et la dernière sur la chaîne de contrôle d’une société de gestion depuis le gérant jusqu’au régulateur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1133758846537797633"}"></div></p>
<h2>1. Étendre les due diligences</h2>
<p>Le 24 juin, Alphaville rappelait que les fonds H2O détenaient, selon leurs derniers comptes semestriels, <a href="https://ftalphaville.ft.com/2019/06/24/1561376308000/H2O-Asset-Management--Lars--liquidity-and-lingerie/">1,4 milliard d’obligations</a> (soit pour le fonds Allegro 4,2 % des actifs) directement <a href="http://www.morningstar.fr/fr/news/193458/la-note-du-fonds-h2o-allegro-suspendue.aspx">liées au holding</a> de Lars Windhorst. Or, ce financier controversé a déjà été <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/gestion-actifs/affaire-h2o-lars-windhorst-sphinx-controverse-de-la-finance-allemande-1031318">condamné pour tromperie</a> dans 23 affaires par le tribunal régional de Berlin en 2003, a connu une faillite frauduleuse qui lui a valu un an de prison avec sursis en 2007, s’entoure de personnages <a href="https://www.ft.com/content/cf7f48b4-9f41-11e5-8613-08e211ea5317">plutôt douteux</a> et défraie régulièrement la chronique judiciaire avec de <a href="https://www.ft.com/content/e622c3e8-9945-11e7-b83c-9588e51488a0">nombreuses procédures</a> devant la Haute Cour de justice de Londres.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281357/original/file-20190626-76743-17ozsya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lars Windhorst.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/hubertburdamedia/43432360140">Hubert Burda Media/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est donc utile de rappeler que les procédures de due diligence ne sauraient se cantonner à une analyse actuarielle des obligations et que la note de crédit doit prendre en compte non seulement la capacité financière d’un émetteur à assurer le remboursement de sa dette mais également sa bonne volonté à le faire, en particulier lorsque l’émetteur est un holding contrôlant des sociétés opaques.</p>
<h2>2. Interdire les conflits d’intérêts</h2>
<p>La nomination en mai 2019 de M. Crastes à l’advisory board de la société Tennor Holding, le fonds d’investissement de <a href="http://www.morningstar.fr/fr/news/193458/la-note-du-fonds-h2o-allegro-suspendue.aspx">Lars Windhorst</a> soulève la question de la définition du conflit d’intérêts entre investisseurs pour compte de tiers et émetteurs. Le gérant justifie son implication auprès de l’émetteur de sa plus grosse ligne obligataire comme un moyen de le contrôler et de s’informer en précisant « que ces relations avec Windhorst ne sont pas des relations privilégiées, mais des relations d’affaires qui s’entretiennent d’ailleurs dans un cadre confidentiel » (sic). Être proche d’un fonds d’investissement qui participe à de nombreuses opérations de <a href="http://financedemarche.fr/finance/quest-ce-que-le-private-equity-definition-raisons-de-base-du-capital-investissement">private equity</a> donne un point d’entrée sur le marché de la dette privée.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=617&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=617&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=617&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=775&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=775&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281359/original/file-20190626-76726-15r2j2k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=775&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jean Raby.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=1PQK5HaC7xg">Capture d’écran YouTube.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, Natixis, par la voix de Jean Raby, le directeur général de Natixis Investment Managers, ne trouve <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/06/21/natixis-chute-en-bourse-bouscule-par-l-inquietude-sur-un-de-ses-fonds_5479494_3234.html">rien à redire</a> à la situation : « il n’y a pas de conflit d’intérêts car Bruno Crastes n’est pas membre d’un conseil qui aurait des pouvoirs juridiques ou décisionnaires au sein du fonds d’investissement de Lars Windhorst. Son rôle, au sein du conseil consultatif de cette société, se limite à exprimer des opinions sur les investissements et il n’est pas rémunéré pour cela ».</p>
<p>Mais cette nomination n’est-elle pas plutôt un indice d’une connivence, parmi la panoplie de technique douteuses permettant de <a href="https://www.ft.com/content/cf7f48b4-9f41-11e5-8613-08e211ea5317">s’attacher la gratitude d’un investisseur</a> ?</p>
<h2>3. Valoriser avec le risque de liquidité</h2>
<p>Depuis le début de la crise, Natixis comme H2O souligne que les investissements dans des obligations illiquides ne remettent pas en cause la liquidité et la <a href="https://www.cbanque.com/banque/actualites/74624/affaire-h2o-natixis-tente-eteindre-incendie">performance globale du fonds</a>. La liquidité quotidienne a toujours été assurée, en partie grâce au respect du « trash ratio » qui oblige les UCITS (organisme de placement en valeurs mobilières) à limiter leurs investissements dans des titres illiquides à <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=2ahUKEwjrrOfr0objAhUBuRoKHQ25DSIQFjAAegQIAxAC&url=https%3A%2F%2Fwww.esma.europa.eu%2Fsystem%2Ffiles_force%2Flibrary%2F2015%2F11%2F2013-1582_esma_priorities_and_issues_efama_steven_maijoor_esma_chair_5_november_2013.pdf%3Fdownload%3D1&usg=AOvVaw2AwJLqzAwealqNtGhZnX43">10 % de leurs actifs</a>.</p>
<p>Par beau temps, cette règle assure parfaitement la fluidité des souscriptions et des sorties, d’autant plus que, selon Natixis, les « titres de dette privée de sociétés de nature très différentes et dont aucun n’est en situation de défaut ». En revanche, en cas de panique des investisseurs, les titres les plus liquides sont vendus immédiatement pour répondre aux rachats de parts. Restent alors en portefeuille les titres illiquides qui risquent d’être bradés dans l’urgence à un prix très inférieur à la dernière valeur liquidative si la panique s’étend.</p>
<p>Or, pour ces titres l’évaluation peut être très subjective en l’absence de cours coté ou de marché actif. Elle se fonde soit sur un modèle (<a href="https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/mark-to-model"><em>mark-to-model</em></a>), soit sur l’estimation d’une contrepartie qui peut avoir intérêt à afficher un cours élevé. Pour ces situations de crise, les régulateurs ont prévu des procédures exceptionnelles d’urgence pour ne pas léser les investisseurs restant dans le fonds : le <em>swing pricing</em>, qui permet l’évaluation de créances non pas à leur valeur de marché en situation normale, mais à une valeur de cession complète et immédiate plus faible.</p>
<p>Ainsi, pour parer à la fuite des capitaux, H2O a fait subir une décote de l’ordre de 3 % à la valeur liquidative d’Adagio et de 7 % pour MultiBonds et Allegro. Ce type d’initiative, couplée avec la décision commerciale de faire cadeau des frais d’entrée, avaient pour objet de rassurer pour, comme l’explique Natixis, « permettre aux clients qui restent investis et aux nouveaux entrants de <a href="https://www.cbanque.com/banque/actualites/74624/affaire-h2o-natixis-tente-eteindre-incendie#xWXHYyKCjvYvpkRx.99">récupérer la valeur de long terme</a> de ces titres ». Mais, comme l’histoire financière nous l’enseigne, ce type d’initiative accentue aussi généralement la fuite des capitaux…</p>
<h2>4. Revoir le modèle et les acteurs du contrôle</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=804&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=804&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=804&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1011&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1011&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281361/original/file-20190626-76743-13la87c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1011&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">John Kenneth Galbraith.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:John_Kenneth_Galbraith_1982.jpg">Hans van Dijk, Anefo/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En matière de contrôle des établissements financiers, on peut probablement déjà tirer de l’affaire H2O des enseignements similaires à ceux de l’<a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1692060">affaire Kerviel</a>. Le premier est de ne jamais laisser le gérant d’une société de gestion sans contrôle, mais s’il est le maître dans sa boutique. Le second est de renforcer la compréhension des mécanismes complexes de la finance de marché à tous les niveaux de contrôle des banques, que ce soit l’audit interne, le conseil d’administration et le comité d’audit dont les nouveaux pouvoirs imposent non seulement une indépendance à l’égard de la direction générale, mais également une expertise des métiers à risque.</p>
<p>Pour les investisseurs, l’affaire H2O ne sera certes pas l’ultime avatar des défaillances des hedge funds et de leurs gérants stars mais elle nous rappelle, une fois encore, la grande pertinence de l’économiste <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2006-1-page-9.htm">John Kenneth Galbraith</a> qui affirmait :</p>
<blockquote>
<p>« Sur les marchés financiers, le génie précède la chute ».</p>
</blockquote>
<p>Pour Natixis, le risque en termes d’image est immédiat. La sanction boursière, avec une baisse de plus de 10 % et une capitalisation boursière qui perd 2 milliards, peut de prime abord sembler excessive dans la mesure où H2O ne générait que 6 % des bénéfices de la banque en 2017 et 11 % en 2018 après à un millésime exceptionnel. Toutefois, faisant suite à la perte asiatique de 2018, ce nouvel épisode accentue le doute sur la gouvernance de Natixis. Cela ne nécessite pas nécessairement une remise en cause de son modèle de gestion d’actifs qui s’appuie sur 25 sociétés de gestion indépendantes les unes des autres, autonomes dans leur politique d’investissement, mais assurément un meilleur contrôle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La chute en bourse de l’action de la banque Natixis, en raison d’anomalies relevées dans son hedge fund londonien H2O, révèle, entre autres, une défaillance des mécanismes de contrôle.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1092782019-01-09T21:00:50Z2019-01-09T21:00:50ZLes cryptomonnaies sociales, ou la convergence des contestations monétaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252650/original/file-20190107-32145-1s7q8fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=222%2C57%2C5269%2C3029&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Argentine, l'utilisation de la blockchain permet à la monedaPAR de se construire sans centre émettant les moyens de paiements et garantissant les transactions.</span> <span class="attribution"><span class="source">LuckyStep / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les cours introductifs d’économie monétaire présentent souvent la monnaie comme un simple instrument. Elle ne serait au fond qu’une technologie venue prendre le relais du troc devenue inadaptée aux besoins de sociétés de plus en plus complexes. Cette <a href="http://blog.lavoiedubitcoin.info/public/une_histoire/article_Servet_dans_la_revue_Numismatique.pdf">conception instrumentale</a> de la monnaie la ravale au rang de <a href="http://lhomme.revues.org/155">simple « voile »</a> posé sur les échanges. Par cette formule, Jean‑Baptiste Say, et à sa suite toute une tradition de pensée économique, entendent signifier que rien d’essentiel ne se joue autour de la monnaie. La monnaie est ainsi dite « neutre ». Selon cette doctrine, les banques centrales doivent être indépendantes. Des experts irresponsables devant le peuple et ses représentants les géreront. L’instrumentalisme monétaire mène donc au <a href="http://www.atterres.org/livre/la-monnaie-un-enjeu-politique">pouvoir des technocrates</a> en matière de de la politique monétaire.</p>
<p>Pourtant, parce qu’elle est liée à la souveraineté et aux valeurs sociales, la monnaie reste un enjeu de luttes permanentes. L’Histoire ne manque d’ailleurs pas de <a href="https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1996_num_36_1_2238">théories ou d’expériences</a> contestant l’orthodoxie monétaire de leur temps. Aux monnaies locales et sociales, qui sont presque 4 000 dans le monde entier, viennent aujourd’hui s’ajouter le bitcoin et les quelque 270 autres <a href="https://coin360.com">cryptomonnaies</a> actuellement référencées.</p>
<p>A priori pourtant, tout oppose ces deux formes de contestation monétaire. Le « solidarisme » des monnaies sociales apparaît aux antipodes des accents libertariens des cryptos. Un <a href="https://www.forbes.com/sites/bethsimonenoveck/2018/03/27/more-than-a-coin-the-rise-of-civic-cryptocurrency/#63fb9cd36b68">mouvement</a> de convergence a néanmoins commencé via des <a href="http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/3771">cryptomonnaies sociales</a>, qui naissent de l’<a href="https://www.huffingtonpost.com/entry/five-monetary-rebellions-change-money-system_us_5b9a819ae4b0b64a336ca248">alliance du Crédit Mutuel et de la blockchain</a>.</p>
<h2>Se passer des banques</h2>
<p>Cryptomonnaies et monnaies sociales se confrontent à un problème similaire, celui du passage à l’échelle – mais selon des modalités spécifiques. Les « altcoins » (toutes les cryptomonnaies hors bitcoin) n’ont fait, pour beaucoup, que permettre la continuation de la maximisation du profit individuel par d’autres moyens, au détriment de toute autre forme de considération. Inversement, les tenants des monnaies sociales parviennent difficilement à atteindre la masse critique suffisante pour donner la pleine mesure de leurs idées.</p>
<p>Le crypto-crédit pourrait contribuer à prémunir les cryptomonnaies des dérives spéculatives, soit du pire du système monétaire et financier actuel en mettant la technologie qui fonde leur spécificité, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/blockchain-28780">blockchain</a>, au service des projets portés par les monnaies sociales. C’est une opportunité pour ces dernières de sortir de leur marginalité historique, afin que la modestie des réalisations ne tranche plus avec la radicalité des intentions.</p>
<p>C’est que le financement de l’économie se structure aujourd’hui essentiellement autour du secteur bancaire, chapeauté par la banque centrale, qui remplit notamment une fonction de validation des transactions ayant lieu, afin de maintenir la confiance en la monnaie. Au même titre que la justice ou l’éducation, la monnaie est un bien public, nécessaire au bon fonctionnement des sociétés.</p>
<p>Mais le secteur bancaire est d’abord responsable devant ses actionnaires, dont il doit maximiser le revenu, secondairement devant l’État, dont il doit respecter les lois encadrant son activité, et pas du tout devant les utilisateurs. Il n’y a pas de contrôle populaire sur la création monétaire. Or, celle-ci peut se révéler tout à fait contradictoire avec le maintien d’une économie dynamique bénéficiant à tous, ce qu’a montré la crise financière de 2008 et l’entrée dans la grande récession.</p>
<p>Le potentiel du crypto-crédit est celui d’une refonte radicale des modalités de financement de l’économie. En effet, la blockchain supprime la nécessité d’institution d’un centre garantissant l’intégrité des comptes individuels : grâce à cette technologie, c’est désormais le réseau lui-même qui, par son algorithme de fonctionnement autrement appelé <em>mécanisme de consensus</em>, valide les transactions. La nécessité d’un intermédiaire, le banquier, disparaît.</p>
<p>L’objectif est d’en terminer avec le mal-octroi du crédit, conséquence de la production privée de la monnaie, bien public. La concentration du crédit dans les secteurs et les régions les plus dotées de l’économie, alimentant ainsi les bulles spéculatives, a pour pendant raréfier là où sa nécessité se fait le plus sentir.</p>
<p>Autogérer le(s) système(s) de paiement et de financement de l’économie, voilà la perspective du crypto-crédit, fruit de l’alliance entre cryptomonnaies et monnaies sociales. Et ce sont ainsi de nouvelles façons d’envisager la nécessaire démocratisation de la vie économique qui deviennent pensables.</p>
<h2>Les promesses du crypto-crédit</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252809/original/file-20190108-32139-h8tyqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Enric Dunran.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le <a href="https://fair-coin.org/faircoin2.html">faircoin</a>, apparu en 2014, est un premier exemple de cette convergence entre cryptomonnaies et monnaies sociales. L’échec d’une <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/11/28/le-faircoin-une-monnaie-en-ligne-equitable-au-service-des-cooperatives_4530892_4408996.html">première version de cette monnaie</a>, pour cause de malversations spéculatives de la part de son fondateur, a mené à la reprise en main par <a href="https://reporterre.net/Voleur-de-banques-en-cavale-Enric-Duran-prepare-un-nouveau-monde">Enric Duran</a>, militant anticapitaliste catalan au parcours atypique et promoteur de la plate-forme coopérative mondiale <a href="https://fair.coop/fr">Fair Coop</a>.</p>
<p>L’idée est de mettre à profit le caractère virtuel et décentralisé de l’architecture blockchain pour fournir aux unités productives autogérées de la plate-forme coopérative mondiale un système de financement et de paiement réservé. Les échanges entre les coopératives membres du réseau pourraient ainsi se renforcer : l’autogestion du système de financement et de paiements viendrait ainsi compléter et soutenir les formes d’autogestions « locales », au niveau de l’unité de production.</p>
<p>En Argentine, le réseau <a href="https://waba.network">Waba</a>, en collaboration avec l’<a href="http://observatorio-riqueza.org">Observatoire de la richesse <em>Padre Arrupe</em></a> et le <a href="https://www.facebook.com/MovimientoNacionalDeEmpresasRecuperadasMner">Mouvement national des entreprises récupérées (MNER)</a> ont mis en place en mai 2017 une autre de ces cryptomonnaies sociales, la <a href="http://www.monedapar.com">monedaPAR</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=759&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=759&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=759&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=954&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=954&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252651/original/file-20190107-32124-15kppdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=954&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’économiste allemand Silvio Gesell, en 1895.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Rien d’étonnant à ce qu’un nouveau chapitre de notre histoire monétaire s’écrive dans la région du Río de la Plata. La pluralité des théories et des systèmes monétaires est ancienne en terre argentine. Une ville côtière, Villa Gesell, y porte d’ailleurs le nom du réformateur social allemand <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2010/09/27/silvio-gesell-inventeur-de-la-monnaie-fondante_1416404_3232.html">Silvio Gesell</a>. Celui-ci fut l’auteur d’une théorie monétaire hétérodoxe aux accents proudhoniens préconisant l’édification de monnaies « fondantes ». Celles-ci perdent de la valeur au cours du temps, ce qui les rend « périssables » comme les autres biens. L’effet escompté est de décourager la thésaurisation et l’accumulation des richesses dans les mains de quelques-uns.</p>
<p>En 2001, année de crise brutale pour l’économie argentine, les gouvernements provinciaux suivirent l’<a href="https://journals.openedition.org/ei/295">exemple de la province de Tucumán</a>, qui frappait depuis déjà plusieurs années sa propre <a href="http://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_2005_num_81_4_4023.">monnaie provinciale parallèle</a>, le bocade, afin de palier à la rareté du peso, la monnaie fédérale. Au même moment, les <a href="http://www.worldcat.org/title/reinventer-le-marche-les-clubs-de-troc-face-a-la-crise-en-argentine/oclc/470298076"><em>clubes</em></a> <em>de</em> <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2013-2-page-69.htm"><em>trueque</em></a> (clubs de troc) argentins connaissaient leur extension maximale, rassemblant jusqu’à <a href="http://www.nuevamayoria.com/invest/sociedad/cso080502.htm">2,5 millions de personnes</a> échangeant en crédits, car de toute façon largement exclus de l’économie en peso. C’est à ce jour l’expérience de monnaie sociale la plus massive connue à ce jour.</p>
<h2>Expériences d’autogestion</h2>
<p>La monedaPAR se veut l’héritière de ces expériences. Le recours à la blockchain permettrait de faire face aux conflits politiques en interne (lutte de pouvoir autour des modalités de l’émission monétaire et aux attaques venues de l’extérieur (État fédéral, autorités monétaires fédérales) qui ont fini par mettre fin aux <em>clubes</em>. Les modalités de l’émission monétaire résultent de la délibération du collectif. L’algorithme vient offrir une résilience plus grande des choix démocratiques pris au sein de ces <em>clubes de trueque</em> 2.0. Enfin, la décentralisation du réseau rend son contrôle, voire sa répression, par des entités externes plus difficile à réaliser.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=762&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=762&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=762&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252433/original/file-20190103-32127-ttogcc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le symbole de la monedaPAR Symbol.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autre spécificité de cette expérience argentine : les promoteurs de la monnaie ont pour objectif de mettre sur un pied un système de paiements et de financement dédié aux <a href="https://autogestion.asso.fr/neoliberalisme-et-autogestion-lexperience-argentine-%E2%80%93-maxime-quijoux/">entreprises autogérées du MNER</a> (Mouvement national des entreprises récupérées), dont <a href="http://www.recuperadasdoc.com.ar/propias.html">plus de 50 % se concentrent dans l’industrie</a>. Également nées durant la crise de 2001, ces <a href="https://autogestion.asso.fr/occuper-resister-produire-la-preface/">expériences originales d’autogestion</a> émergent suite à la faillite financière et morale d’une partie du patronat. Il y a là la possibilité de faire fonctionner une monnaie locale sur la base d’une production industrielle de biens et services. Le modèle revendiqué est celui des PME suisses utilisant la monnaie complémentaire <a href="https://www.wir.ch">wir</a>, dont les fondateurs en 1934, Zimmermann et Enz, <a href="http://regulation.revues.org/11463">s’inspiraient déjà des conceptions de Silvio Gesell</a>.</p>
<p>L’originalité par rapport à l’expérience suisse est double. D’une part, les entreprises visées sont <a href="https://www.lavaca.org/tag/sin-patron/"><em>sin patrón</em></a> (sans patron). D’autre part, l’utilisation de la blockchain permet à la monedaPAR de se construire sans centre émettant les moyens de paiements et garantissant les transactions, à la différence du réseau suisse, qui reste structuré autour de la banque Wir. La monedaPAR pourrait ainsi être l’émergence d’un wir autogéré et non centralisé.</p>
<h2>Puissance de la confiance collective</h2>
<p>Cas de convergence entre les monnaies sociales et les cryptomonnaies, la monedaPAR se propose donc de réaliser une synthèse des formes d’autogestion s’inscrivant dans la sphère de la production avec d’autres centrées sur la sphère de l’échange. Dans un pays où les taux d’intérêts réels sont maintenus à des niveaux astronomiques au nom de la lutte contre les fuites de capitaux sur lesquels le gouvernement néolibéral de Mauricio Macri se refuse à imposer tout contrôle, la rente financière cumulée peut représenter jusqu’à 50 % des prix des biens de consommation finaux. Malgré la disparition du rapport d’exploitation salarial au sein des entreprises autogérées, celles-ci restent prises dans un rapport de subordination au système de financement officiel en pesos, menace permanente sur leur pérennité.</p>
<p>Si la viabilité d’une monnaie dépend in fine de la force des liens tenant ensemble une communauté de paiements dont elle dépend, alors tout l’enjeu du crypto-crédit est de mettre au service d’une autre économie cette puissance issue de la confiance collective. La capture qu’en effectue le système bancaire et financier traditionnel à des fins de spéculation nocive pourrait être ainsi esquivée, tandis que l’architecture virtuelle et décentralisée permise par la blockchain viendrait en accroître la résilience et permettre un véritable passage à l’échelle.</p>
<p>Au fond, l’alliance du crypto-crédit n’a rien de surprenant : un profond désir de changement systématique rassemblait monnaies sociales et cryptomonnaies. Reste à voir jusqu’où leur hybridation peut mener. En attendant, et tandis que l’indépendance des banques centrales et les pratiques bancaires et financières se retrouvent toujours plus dans la ligne de mire des critiques, les expérimentations se poursuivent, et la grammaire de la contestation monétaire s’enrichit, en vue de la construction d’une économie davantage tournée vers les travailleurs et des travailleuses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphae Porcherot a reçu des financements de l'école doctorale de l'ENS Paris-Saclay et de la maison des Sciences de l'Homme Paris-Saclay.</span></em></p>L’alliance des cryptomonnaies et des monnaies locales et sociales ouvrent de nouvelles perspectives, comme le montre, entre autres, l’exemple argentin de la monedaPAR.Raphael Porcherot, Doctorant en économie et sociologie sur les théories et les pratiques de la pluralité monétaire, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1082842018-12-05T22:22:49Z2018-12-05T22:22:49ZTaxe sur les transactions financières : des concessions pour relancer le projet européen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249005/original/file-20181205-186082-1g43p5j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C66%2C4028%2C2589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le trading haute-fréquence échapperait notamment à la TTF dans la nouvelle mouture du projet. </span> <span class="attribution"><span class="source">g0d4atherf/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Comme à peu près chaque année, voilà la taxe sur les transactions financières (TTF) qui s’inscrit à nouveau à l’agenda des gouvernements européens. <a href="https://www.amf-france.org/Publications/Lettres-et-cahiers/Revue-du-Conseil-scientifique/Annee-en-cours/Article-sur-la-taxe-des-transactions-financieres">L’idée générale</a> de cette TTF est de prélever quelques dixièmes de points de pourcentage (0,1 % à 0,5 %) sur les transactions boursières.</p>
<p>Le principe n’est pas nouveau : une taxe similaire existe au Royaume-Uni depuis plus de trois siècles sous la forme d’un droit de timbre (<a href="https://www.gov.uk/guidance/stamp-duty-reserve-tax-the-basics"><em>stamp duty reserve tax</em></a>). Plus récemment, la TTF a été promue, entre autres, par le fameux économiste John Maynard Keynes, à la suite de la grande crise de 1929, pour limiter la spéculation à Wall Street, puis par James Tobin (Nobel d’économie) dans les années 1970 pour limiter la volatilité du marché des changes, qui a donné son nom à la <a href="https://www.petite-entreprise.net/P-2267-136-G1-definition-de-la-taxe-tobin.html">taxe Tobin</a>.</p>
<h2>Immobilisme total</h2>
<p>Depuis 2011, en réaction à la crise financière, la Commission européenne soutient un projet ambitieux de TTF à l’échelle européenne. Le problème ? En matière fiscale, tout projet doit être avalisé à l’<a href="https://taj-strategie.fr/regle-de-lunanimite-ladoption-de-legislation-fiscale-europeenne-incontournable/">unanimité par les pays membres</a>. Autant dire que c’est pratiquement mission impossible. Certains pays sont clairement contre, comme le Luxembourg ou le Royaume-Uni (ceux qui sont plus généralement contre l’idée d’une harmonisation fiscale européenne), les autres font surtout mine d’y être favorables.</p>
<p>Fin 2012, la Commission trouve une parade pour remédier à la paralysie : poursuivre les négociations dans le cadre d’une « coopération renforcée », en obtenant le soutien d’au moins neuf États, le minimum requis par les textes européens. En 2013, onze pays acceptent de relever le défi : la <a href="https://www.lenouveleconomiste.fr/taxe-sur-les-transactions-financieres-la-fin-de-larlesienne-25909/">TTF européenne devait voir le jour dès 2016</a> (juré-craché). En 2015, ils se retrouvent à dix avec le retrait de l’Estonie. Les discussions s’enlisent, sans qu’aucun gouvernement ne veuille endosser la responsabilité d’un échec en se retirant. L’immobilisme est alors total, le projet sans cesse repoussé.</p>
<h2>Le Brexit relance le projet</h2>
<p>Redonner souffle au projet ? C’est ce qu’a tenté le couple franco-allemand lundi 3 décembre, à l’occasion d’une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/0600265294414-la-taxe-sur-les-transactions-financieres-au-secours-du-budget-de-la-zone-euro-2226732.php">réunion à Bruxelles</a> des ministres des Finances des dix pays de la coopération renforcée. Comment ? Avec un argument imparable : finie l’idée de <a href="https://www.louisbachelier.org/pop-finance-a-quoi-servent-milliards-de-transactions-financieres/">ralentir l’activité boursière</a>, oubliée l’ambition de contraindre les opérations les plus court-termistes, l’objectif est désormais d’augmenter les contributions des pays membres pour compenser la perte fiscale que représente le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/brexit-24703">Brexit</a> (La contribution annuelle du Royaume-Uni au budget de l’UE s’élève à <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/budget-de-l-ue-la-commission-se-prepare-au-brexit-777321.html">15 milliards d’euros</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249008/original/file-20181205-186079-lewfqf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Gunther Capelle-Blancard</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme l’explique le quotidien <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/0600265294414-la-taxe-sur-les-transactions-financieres-au-secours-du-budget-de-la-zone-euro-2226732.php"><em>Les Echos</em></a> : « les pays membres de l’Union européenne auraient d’autant plus intérêt à adopter la TTF qu’ils auraient le droit de déduire de leur contribution globale au budget européen le produit de la TTF reversé. Ce donnant-donnant risque de limiter la portée du gain potentiel pour le budget, mais il fait mouche alors que chacun va devoir augmenter sa contribution pour compenser le départ du Royaume-Uni ».</p>
<h2>Extension du dispositif existant en France</h2>
<p>La taxe serait donc beaucoup moins ambitieuse que prévu. Ce n’est toutefois pas une surprise. Au départ, le projet de la Commission se voulait le plus large possible, incluant notamment les produits dérivés ; il est aujourd’hui question d’une taxe limitée aux transactions boursières sur les plus grosses capitalisations (supérieures à un milliard). L’idée est en fait simplement d’élargir aux autres pays le dispositif qui existe déjà en France depuis 2012. Cette taxe a remplacé l’Impôt sur les opérations de bourse qui existait depuis 1893 et qui avait été supprimé en 2007 (pour soi-disant <a href="https://doi.org/10.1016/j.frl.2016.03.024">favoriser l’essor de la place financière de Paris</a>). De manière assez ironique, ce nouveau dispositif s’inspire directement du <em>stamp duty</em> britannique, quoiqu’avec un taux moins élevé : 0,3 % (et encore, le taux a été augmenté à deux reprises) contre 0,5 % outre-Manche.</p>
<p>Contrairement à ce que ses <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/international/taxer-les-transactions-financieres-les-arguments-du-lobby-financier-tiennent-ils-la-route-201512101522-00002707.html">opposants</a> redoutaient, l’introduction de la TTF en France n’a <a href="https://doi.org/10.1016/j.irfa.2016.07.002">pas eu d’incidence négative</a> sur les marchés financiers. C’est d’ailleurs ce qui a poussé l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.intfin.2017.02.004">Italie</a> a adopté une taxe similaire dès 2013. La TTF rapporte aujourd’hui à l’État français environ <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/24/une-taxe-sur-les-transactions-financieres-plus-ambitieuse_5019479_3232.html">1 milliard d’euros par an</a>.</p>
<h2>Renoncement ou pas en avant ?</h2>
<p>Toutes ces taxes ont en commun de ne porter que sur les transferts de propriété observables d’une journée sur l’autre ce qui, de fait, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2015/10/12/la-difficile-taxation-des-transactions-financieres-intrajournalieres_4788011_3232.html">exclut toutes les opérations d’achat-vente réalisées dans une même séance de bourse</a>. Le projet européen visait, lui, les transactions intrajournalières (<em>intraday</em>), voire les transactions dites à haute-fréquence (c’est-à-dire réalisée en l’espace de quelques millisecondes), dont l’utilité sociale est la plus douteuse. Difficile en effet d’imaginer que l’achat et la vente d’actions sur des périodes de temps si courtes contribuent à faciliter le financement des entreprises ou à améliorer les perspectives de rentabilité des investisseurs… Ces transactions représentent pourtant environ 80 % des transactions.</p>
<p>Le choix a donc été fait d’élargir. Non pas élargir aux produits dérivés et aux transactions haute-fréquence, mais élargir un dispositif existant – et qui a fait ses preuves – à d’autres pays, en particulier à l’Allemagne, l’Autriche et l’Espagne (la Belgique et la Grèce appliquent déjà une TTF – quoiqu’avec des modalités différentes – alors que les autres pays de la coopération renforcée ont des marchés boursiers de taille modeste). Avec l’idée, à moyen terme, de convaincre les autres pays européens aujourd’hui réticents. Faut-il y voir un renoncement ? Un pas en avant ? Un peu les deux certainement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108284/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gunther Capelle-Blancard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le couple franco-allemand met de côté l’objectif de contraindre les opérations les plus court-termistes pour tenter d’emporter l’adhésion des pays membres les plus réticents.Gunther Capelle-Blancard, Professeur d'économie (Centre d'Economie de la Sorbonne et Paris School of Business), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063812018-11-06T21:05:27Z2018-11-06T21:05:27ZFintech : « Tout va très bien, Madame la Marquise »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243886/original/file-20181105-83629-qc5syl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=106%2C83%2C830%2C552&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fonds de « private equity » n'ont jamais disposé d'autant de liquidités pour investir, ce qui pousse les valorisations à la hausse.</span> <span class="attribution"><span class="source">Andrii Vodolazhskyi/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les fintech (contraction de finance et technologie) n’en finissent plus de faire l’actualité économique et de réinventer la finance. Même Warren Buffet et sa société Berkshire Hathaway s’y mettent, avec <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/warren-buffett-investit-dans-la-fintech-a-coups-de-centaines-de-millions-795817.html">deux investissements récents</a> pour 600 millions de dollars dans deux entreprises phares du paiement dans les pays émergents (Brésil et Inde). Le célèbre investisseur américain était pourtant réputé pour son aversion à la technologie qu’il disait ne pas comprendre.</p>
<h2>La France marginalisée</h2>
<p>Une étude récente de KMPG – H2 Ventures, intitulée <a href="https://h2.vc/wp-content/uploads/2018/10/Fintech100-2018-Report-1.pdf">« 2018 Fintech 100 »</a>, présente le Top 50 de ces startups de la finance, ainsi que le Top 50 des entreprises émergentes (les plus innovantes et les plus susceptibles de provoquer des disruptions) du secteur. Plusieurs éléments de cette étude peuvent être mis en exergue.</p>
<p>D’abord, géographiquement, on constate une domination sino-américaine. Trois des cinq premières entreprises sont chinoises (11 au total) et 18 sont américaines. La France est plutôt marginalisée avec seulement trois entreprises (Lendix, +Simple, Shift Technology), même comparée à des pays de tailles similaires (12 britanniques, 7 australiennes et 6 singapouriennes). En termes d’activité, ce sont les systèmes de paiement (34), le prêt (22) qui sont les domaines les plus prisés suivis de la gestion de patrimoine (14), de l’assurance (12) et des néobanques (10).</p>
<h2>Des critères de classement symptômes d’une dérive inquiétante</h2>
<p>Ce qui surprend surtout dans cette étude, ce sont les critères retenus pour le classement. En effet, ceux-ci ne concernent ni la rentabilité, ni la croissance ou la taille de ces entreprises, mais le montant annuel de capital levé auprès des investisseurs (les fintech ont levé 26 milliards de dollars pendant l’année écoulée et Ant Financial, N.1 du classement et filiale du géant chinois de la distribution en ligne Alibaba, a recueilli à elle seule 14 milliards de dollars pour une valorisation estimée à 150 milliards), le taux de croissance de ces mêmes capitaux levés, la diversité géographique, la diversité sectorielle et, pour les émergentes, le degré d’innovation.</p>
<p>Cette focalisation sur la capacité à attirer des investisseurs ne peut qu’être mise en perspective avec les mésaventures récentes de <a href="https://theconversation.com/theranos-les-inavouables-secrets-dune-start-up-frauduleuse-103860">Theranos</a>, non pas en raison de la divulgation de fausses informations, mais du fait des critères qui président aux investissements des fonds. Le succès d’une entreprise ne semble plus être fondé sur sa réussite financière actuelle ou anticipée, mais sur sa capacité à offrir des perspectives de sorties avec une forte plus-value dans le cadre d’un processus de levées de fonds perpétuelles. « L’intérêt d’un chasseur de licorne, c’est qu’un autre investisseur décide après lui d’investir dans la start-up. La capacité réelle de l’entreprise à générer des profits, ou même du chiffre d’affaires à court ou moyen terme passe au second plan », soulignaient d’ailleurs avec justesse Romain Buquet et Louis Vuarin, d’ESCP Europe, dans leur article sur les startups frauduleuses publié récemment dans ces colonnes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/startups-frauduleuses-laveuglement-complice-des-investisseurs-105325">Startups frauduleuses : l’aveuglement complice des investisseurs</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Des performances financières peu flatteuses, mais intelligibles</h2>
<p>Aussi, avons-nous choisi de nous pencher sur les fondamentaux de ces entreprises, bien que leurs comptes soient généralement difficiles d’accès pour le grand public. Nous avons en conséquence retenu les seules entreprises cotées en bourse dans le Top 50 de KPMG : 51 Credit Card (Chine), Adyen (Pays-Bas), Aftertouchpay (Australie), ZhongAn (Chine), et Pushpay (Nouvelle-Zélande).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243873/original/file-20181105-83651-5ncfgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Yahoo Finance et Zone Bourse, derniers comptes publiés.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutes ces sociétés sont naturellement de création récente. Pour l’essentiel, elles perdent de l’argent (à l’exception de la plus ancienne Adyen) et ont peu de dettes (à l’exception de 51 Credit Card et Aftertouchpay). Ces constats ne sont pas nécessairement négatifs dans la mesure où la valeur d’une entreprise dépend du cash-flow (Trad. : flux de trésorerie) qu’elle dégagera dans le futur et non de son passé, aussi glorieux fut-il et dans le cas présent fort restreint.</p>
<h2>Des valorisations très élevées symptômes d’une bulle ?</h2>
<p>On observe des multiples de valorisation très élevés, voire hors norme (jusqu’à plus de 40 fois les capitaux propres et 25 fois le chiffre d’affaires). Cela peut se comprendre compte tenu des très belles perspectives pour ces entreprises, mais on peut à juste titre se demander si une bulle ne s’est pas formée dans le domaine des fintech.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243877/original/file-20181105-83644-unv3co.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Yahoo Finance et Zone Bourse, derniers comptes publiés.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certes, notre échantillon comporte un biais, puisque seules les entreprises cotées, plus susceptibles d’assurer une rentabilité à moyen terme pour satisfaire les actionnaires, ont été retenues. On peut toutefois légitimement se demander ce qu’il adviendra de ces entreprises. Assurément, un nombre réduit connaîtra le succès attendu et certaines seront rachetées par des acteurs financiers établis. D’autres, beaucoup plus nombreuses, auront-elles des performances bien en deçà des attentes, voire disparaîtront. Pour autant, compte tenu des multiples extravagants, il est douteux que quelques réussites permettent de compenser les sommes très importantes déjà investies dans l’ensemble du secteur.</p>
<h2>Le « private equity » amplifie le phénomène de bulle</h2>
<p>Ce diagnostic est renforcé par le constat des <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/les-fonds-d-investissement-n-ont-jamais-eu-autant-d-argent-a-depenser-792439.html">liquidités massives</a> dont disposent les fonds de « private equity » (capital-investissement) pour investir (plus de 1 000 milliards de dollars), ce qui pousse les valorisations à la hausse. Par ailleurs, les comportements mimétiques au sein de cette industrie contribuent à alimenter une bulle spéculative qui explosera lorsque la pyramide propre à la chaîne de Ponzi évoquée par Romain Buquet et Louis Vuarin dans leur article s’effondrera.</p>
<p>C’est d’autant plus dramatique que les fintech sont sans aucun doute utiles à la modernisation de l’industrie financière et aux consommateurs. Mais celles qui n’ont pas participé à ce mouvement, soit parce qu’elles n’ont pas su être assez glamours, soit parce qu’elles concernent une activité ou une zone géographique trop restreinte pour devenir des licornes, en subiront les conséquences négatives. Mais tout le monde regarde ailleurs. La chanson de Ray Ventura résume donc avec pertinence la situation actuelle : « tout va très bien, Madame la Marquise ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/T5WdpSPeQUE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/106381/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réputation des startups de la finance repose davantage sur les perspectives de plus-value à la revente que sur la réussite financière actuelle ou anticipée. De quoi alimenter les risques de bulle.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1044202018-10-04T17:03:24Z2018-10-04T17:03:24ZCasino : quand les fonds spéculatifs se muent en lanceurs d’alerte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239294/original/file-20181004-52666-x9ieiq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C989%2C639&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La cession d’actifs non stratégiques entreprise par Casino va-t-elle porter ses fruits ? Les fonds spéculatifs estiment que non...
</span> <span class="attribution"><span class="source">Defotoberg / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Aucune cession, même partielle, de Casino à Amazon, ni aucune fusion avec Carrefour ne sont en préparation », a assuré le patron du groupe, Jean‑Charles Naouri, dans un <a href="https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN1MD0FQ-OFRBS">entretien</a> publié le 3 octobre dans le <em>Financial Times</em>.</p>
<p>Le PDG a également déploré que les actions de Casino fassent aujourd’hui l’objet de ventes à découvert considérables de la part de fonds spéculatifs (hedge funds en anglais). Selon les données de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0302305618852-casino-les-vendeurs-a-decouvert-persistent-et-signent-2208229.php">IHS Markit</a>, au 25 septembre 2018, 40,11 % du flottant était concerné. Ces fonds spéculatifs se fonderaient sur la perspective de difficultés commerciales (ce que réfute Jean‑Charles Naouri), une concurrence exacerbée, ainsi qu’un niveau d’endettement excessif associé à la cascade de holdings assurant le contrôle de Casino.</p>
<p>Rappelons que Casino est l’un des premiers groupes de grande distribution français. Il exerce ses activités principalement en France et en Amérique latine où il opère au travers de différents réseaux (Monoprix, Franprix, Naturalia, Leader Price, ou encore Casino). Ses activités en ligne sont-elles portées par Cdiscount.</p>
<h2>Un programme de cession d’actifs non stratégiques au service du désendettement</h2>
<p>Après s’être séparé de ses actifs asiatiques, Casino a annoncé en juin 2018 un <a href="http://premium.lefigaro.fr/flash-eco/2018/06/11/97002-20180611FILWWW00260-casino-lance-la-cession-de-15-milliard-d-euros-d-actifs-non-strategiques.php">plan de cession d’actifs non stratégiques</a> en 2018 et 2019 pour 1,5 milliard d’euros afin de contribuer à son désendettement. De fait, le 1<sup>er</sup> octobre 2018, le groupe a annoncé la <a href="https://www.lsa-conso.fr/casino-vend-les-murs-de-55-monoprix-pour-poursuivre-son-desendettement,298766">vente des murs des Monoprix</a> pour 565 millions d’euros. Une vente qui vient s’ajouter à la <a href="https://www.agefi.fr/corporate/actualites/hebdo/20180823/casino-cede-15-mercialys-254039">cession de 15 % de Mercialys</a> (qui gère des actifs immobiliers du groupe) portant les ventes en-cours à 778 millions d’euros, soit la moitié du plan de cession d’actifs, annoncée il y a quelques semaines. Le groupe a par ailleurs confirmé que les ventes à venir ne porteront pas sur des actifs stratégiques.</p>
<p>Cette stratégie d’allégement des actifs est un volet classique de la financiarisation des stratégies des entreprises (voir également le <a href="https://theconversation.com/rachat-de-movenpick-par-accor-la-poursuite-dune-financiarisation-reussie-de-la-strategie-96356">cas Accor</a>). Elle consiste à se séparer d’actifs immobiliers pour, d’une part, les louer et réduire les investissements nécessaires au développement et, d’autre part, se consacrer à son cœur de métier (en l’occurrence la distribution pour Casino). Mais ici, c’est moins une vision stratégique que la nécessité du désendettement qui semble l’emporter.</p>
<p>Ainsi, les analystes de <a href="https://www.raymondjames.com">Raymond James</a> estiment que, « dans un marché français très concurrentiel, la possession des murs des magasins constitue un avantage compétitif […]. La vente d’actifs qui comptent parmi les mieux valorisés ne constitue <a href="https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN1MB1JO-OFRBS">pas une solution durable</a> au problème de génération de trésorerie et de désendettement ». Ils ajoutent que Casino doit surtout mieux faire en termes de performance opérationnelle. Autrement dit, même si son activité reste dans les normes du secteur, elle ne dégage que peu de marges.</p>
<p>Pour apprécier la qualité du management opérationnel du groupe Casino, nous l’avons comparée à celle de plusieurs concurrents européens : Carrefour, N.1 européen et N.2 mondial de la distribution, Tesco, premier groupe de distribution britannique, Metro, distributeur allemand spécialisé dans la vente en gros, et Colruyt, chaîne de supermarchés belge.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/239290/original/file-20181004-52681-1x4ul0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sources : Zone Bourse et Boursorama, données 2017 (pour Tesco, arrêté des comptes en février 2018), nd : non disponible.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il apparaît que l’activité de Casino se développe à un rythme modéré, même s’il est légèrement supérieur à celui de ses concurrents. Ses marges sont faibles (il s’agit d’une activité de volume), et plutôt comparables à celles de ses concurrents – si l’on exclut Colruyt qui surpasse tous les autres.</p>
<p>Sa rentabilité financière est en revanche très faible. Aussi, même si des marges de progression restent envisageables, l’intensité de la concurrence ne permettra vraisemblablement pas de modifier la physionomie opérationnelle d’ensemble de façon notable. Surtout que des charges de loyer supplémentaires à la suite des ventes de murs devront dans le même temps être absorbées (27 millions d’euros par an dans le cas des Monoprix).</p>
<h2>Un endettement excessif</h2>
<p>L’analyse comparée montre qu’effectivement Casino est beaucoup plus endetté que ses concurrents, même si les chiffres ne sont pas en eux-mêmes vraiment alarmants puisqu’ils restent dans les normes usuelles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=126&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=126&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=126&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=159&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=159&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/239291/original/file-20181004-52663-vyg3e2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=159&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Zone Bourse et Boursorama, données 2017 (pour Tesco, arrêté des comptes en février 2018), nd : non disponible.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ce n’est malheureusement que la partie immergée de l’iceberg. Dans le <a href="http://www.rallye.fr/front/fr/storagefile/download/315918d4c276a1333ae6a1e9f806543b">rapport annuel 2017 de Rallye</a>, la holding de contrôle de Casino (51,7 % du capital et elle-même détenue par la Foncière Euris à hauteur de 56,21 %), on lit : « L’endettement financier net du groupe Rallye, qui s’établit à 7 168 millions d’euros au 31 décembre 2017 contre 6 428 millions d’euros au 31 décembre 2016, est réparti entre les entités suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Le groupe Casino, dont l’endettement financier net est de 4 126 millions d’euros contre 3 367 millions d’euros à fin 2016 ;</p></li>
<li><p>Le périmètre de la holding Rallye, avec un endettement financier net de 2 877 millions d’euros contre 2 899 millions d’euros à fin 2016 ;</p></li>
<li><p>L’endettement relatif aux autres actifs de Rallye, qui s’affiche à 165 millions d’euros contre 161 millions d’euros en 2016). »</p></li>
</ul>
<p>Sachant que le principal actif de Rallye est le Groupe Casino, qui représente 98 % de son chiffre d’affaires, on comprend que le problème de l’endettement de Casino ne se limite pas à sa dette propre : il doit également prendre en considération celle de sa holding. Comme l’indique les <a href="https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN1MB1JO-OFRBS">analystes de Bernstein</a> : « cette opération ne résout en rien le problème de la dette de Rallye, dont la valeur des actifs – principalement ses actions Casino – est inférieure au montant de sa dette ». Tout ceci sans compter que les taux d’intérêt sont aujourd’hui particulièrement faibles…</p>
<h2>Un surendettement qui affaiblit la valorisation de Casino</h2>
<p>Si l’ensemble du secteur présente des multiples de valorisation faibles et des parcours boursiers peu flatteurs, ceux de Casino sont encore plus déprimés en raison vraisemblablement de son endettement excessif.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=141&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=141&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=141&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=177&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=177&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/239293/original/file-20181004-52672-cstbv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=177&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Zone Bourse et Boursorama, nd : non disponible.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les fonds spéculatifs comme lanceurs d’alerte</h2>
<p>In fine, il semble que ce secteur ne permette pas d’utiliser l’effet de levier de la dette en raison de performances opérationnelles faibles et récurrentes. La situation du groupe Casino, très endetté avec des montages juridiques complexes, ne paraît plus adaptée à la réalité économique contemporaine de la grande distribution. Les cessions d’actifs immobiliers non stratégiques ne sont sans doute qu’une réponse partielle et permettront difficilement au groupe de faire face seul à moyen terme. Les prises de position des fonds spéculatifs, aussi regrettables puissent-elles être du fait de leur motivation fondée sur la cupidité à court terme, ne sont que le symptôme d’un mal plus profond et bien réel (voir aussi le <a href="https://theconversation.com/carillion-une-faillite-pas-si-imprevisible-91596">cas britannique de Carillion</a>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le géant de la distribution fait l’objet d’attaques de hedge funds qui ne croient pas à sa stratégie d’allégement des actifs. Ils estiment que l’endettement massif va plomber le groupe à moyen terme.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1040162018-10-02T15:48:12Z2018-10-02T15:48:12ZCes innovations citoyennes qui montrent la voie d’une société écologique et solidaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238632/original/file-20181001-195263-1pnu9zn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C43%2C7165%2C4733&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les systèmes d’échange local (SEL) permettent notamment d'échapper à la logique spéculative.</span> <span class="attribution"><span class="source">Andriy Blokhin/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cette contribution résume la démarche de la conclusion du manuel universitaire <a href="https://www.dailymotion.com/video/xphojf">« Principes d’économie solidaire »</a> (Ellipses, 2018).</em></p>
<hr>
<p>La récente <a href="https://theconversation.com/debat-la-demission-de-nicolas-hulot-rien-de-nouveau-sous-le-soleil-102280">démission de Nicolas Hulot</a>, illustre bien la difficulté actuelle de concilier écologie et économie. Pour sortir de cette impasse, il convient donc de proposer de nouveaux principes économiques permettant de mieux gérer la maison commune (économie et écologie ont la même racine grecque, <em>oikos</em>, le foyer). Pour ce faire, les initiatives citoyennes à dimension écologique et solidaire, ce que nous appelons des innovations sociales solidaires (ISS), peuvent servir de source d’inspiration.</p>
<h2>Des alternatives tangibles au système actuel</h2>
<p>Ces ISS présentent en effet plusieurs caractéristiques intéressantes. Elles sont issues de la société civile ; elles s’appuient sur une communication délibérative (horizontale et contradictoire) ; elles visent l’émancipation démocratique et marquent la volonté de rompre avec certains maux engendrés par le capitalisme : creusement des inégalités, croissance infinie sur une planète finie, etc. Les ISS ont donc le mérite de montrer qu’il existe, ici et maintenant, des logiques économiques alternatives au système actuel. Elles offrent ainsi aux chercheurs une base empirique permettant de penser de nouveaux principes économiques. Voyons un exemple concret : le Système d’échange local, le SEL.</p>
<p>Les SEL ne sont pas de simples structures de troc, mais des organisations qui permettent aux adhérents d’échanger des biens ou des services par l’intermédiaire d’une unité de compte définie collectivement. En effet, le SEL comptabilise les échanges en utilisant une monnaie qui n’est ni régie par l’intérêt privé d’une banque ni mise en œuvre par l’État.</p>
<p>La monnaie d’un SEL entend donc se déjouer des rapports de domination qui sont à l’origine d’inégalités dans l’échange : la transaction se fait directement entre les membres (on échappe ainsi aux contraintes du marché) ; la création monétaire est décentralisée et non pas dévolue à une banque centrale ; la monnaie est gérée démocratiquement, par des règles définies collectivement (par exemple remettre à zéro tous les comptes chaque trimestre). Ainsi, comme l’illustre le tableau 1, le SEL est une ISS qui répond concrètement à l’un des maux du capitalisme : la financiarisation du monde, puisqu’il échappe à la logique spéculative. Cette initiative fait naître une modalité d’action économique alternative au capitalisme : l’autogestion monétaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=238&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=238&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238328/original/file-20180927-48656-1mrbgo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=238&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 1 : Les innovations sociales solidaires qui s’opposent à la financiarisation du monde.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Systématiser la démarche</h2>
<p>Les ISS portent en elles des principes économiques alternatifs qui s’opposent, à la fois, à la logique lucrative du capitaliste et à la logique centralisatrice de l’État. Ces principes visent une solidarité démocratique, volontaire et choisie. C’est pourquoi nous les avons nommés « principes d’économie solidaire ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=667&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=667&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=667&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238330/original/file-20180927-48653-qbfb90.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 2 : Des maux du capitalisme aux principes d’économie solidaire.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette identification de nouveaux principes économiques, tirés de l’expérimentation, offre un cadre réflexif aux ISS. En effet, ces dernières ne répondent souvent que de façon partielle aux maux du capitalisme. Par exemple, les circuits courts s’attaquent frontalement à la marchandisation de la terre, mais répondent moins aux problématiques des inégalités de revenus. C’est pourquoi un ensemble cohérent de principes solidaires peut favoriser le développement de ces ISS et donc l’exploration de voies alternatives plus radicales. Des voies qui mènent toutes à l’objectif d’une transition vers une société écologique et solidaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des initiatives tangibles comme les monnaies locales prouvent que les maux actuels du système capitaliste ne sont pas une fatalité.Éric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Daniel Goujon, Maître de conférences en sciences économiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/969272018-05-28T20:45:33Z2018-05-28T20:45:33ZLa transmission de l’information, talon d’Achille de l’économie libérale<p><em>Cet article est publié dans le cadre du <a href="http://www.transmission.unistra.fr/">colloque « Transmission »</a> organisé par l’Université de Strasbourg et l’IUF, qui se tiendra les 28, 29 et 30 mai prochains, et dont nous sommes partenaires. Alan Kirman est Fellow à l’Institut des études avancées de l’Université de Strasbourg</em></p>
<hr>
<p>Le libéralisme économique repose sur une conception simple : lorsque chaque individu œuvre dans son propre intérêt, le résultat de ses actions concourt à l’intérêt général. Sous-entendu, le système socio-économique « s’auto-organise » d’une telle manière que l’ordre naturel de l’économie résulte des interactions entre des individus égoïstes.</p>
<p>Le libéralisme économique s’est donc attaché à offrir d’importantes libertés aux individus, afin de faciliter l’émergence de cet ordre économique. De ce point de vue, l’économie peut donc être considérée comme un grand ordinateur qui reçoit, coordonne et agrège toutes les informations transmises par les individus. Mais cette transmission n’est pas toujours optimale…</p>
<h2>Le théorème de la « main invisible »</h2>
<p>Pour donner corps à cette idée, depuis l’époque des Lumières, les économistes ont essayé de démontrer qu’une économie où les individus agissent dans leurs propres intérêts tend nécessairement vers un état socialement satisfaisant. L’explication de base est que « les marchés » assurent cette tâche.</p>
<p>Selon Adam Smith, c’est à travers les échanges et la transmission de l’information que lesdits marchés révèlent que l’économie générale fonctionne : la célèbre <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2009-4-page-28.htm">« main invisible »</a> assure de manière abstraite la stabilisation de l’économie. Ce qui a été démontré plus tard est encore plus important : une fois cet équilibre établi, personne ne peut voir son sort amélioré sans que le sort de quelqu’un d’autre ne soit dégradé. Ce résultat, souvent appelé « Le théorème de la main invisible », est cependant très limité. Ainsi, le cas où un individu possède toute la richesse satisferait en particulier ce critère… Surtout, le problème reste que l’on n’a toujours pas spécifié le processus par lequel le marché transmet et agrège l’information.</p>
<p>Le marché, symbole du libéralisme, reste en effet une notion floue en économie. Comme l’a dit <a href="https://theconversation.com/in-memoriam-douglass-cecil-north-un-prix-nobel-a-linsatiable-curiosite-52736">North, prix Nobel d’Économie</a>,</p>
<blockquote>
<p>« c’est un fait curieux que la littérature en économie contient si peu de discussion de l’institution centrale de l’économie néo-classique, le marché. »</p>
</blockquote>
<p>Pour <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2001/01/15/leon-walras-fondateur-de-l-economie-neoclassique_136706_3234.html">Léon Walras</a>, le marché est une entité centralisée où les prix sont connus par tout le monde et sont ajustés par une autorité centrale. Ce qui est en contradiction directe avec l’idée que les prix émergent des interactions décentralisées entre les agents, grâce à la main invisible… <a href="https://www.lesechos.fr/20/08/2013/LesEchos/21503-034-ECH_friedrich-hayek-ou-le-combat-du-siecle.htm">Friedrich Hayek</a>, en revanche, était convaincu que l’ordre émergeait des transactions entre individus, chacun avec des informations limitées et locales. Mais il n’a pas pu expliquer comment ce processus fonctionnait. La vision actuelle de l’économie libérale résulte donc d’une croyance en un mécanisme que nous ne pouvons pas définir…</p>
<h2>L’information, le nerf du marché</h2>
<p>Après la thèse de <a href="http://pufc.univ-fcomte.fr/media/catalog/product/documentpdf/sommaire/sommaire838.pdf">Louis Bachelier</a> publiée en 1900, ce problème a semblé être résolu, au moins pour les marchés financiers. L’idée était simple : quand quelqu’un obtient de l’information sur un actif, il utilise cette information pour acheter ou vendre cet actif. Ce faisant, il révèle l’information aux autres participants sur le marché. Si chaque agent agit d’une façon indépendante et reçoit des informations privées, toute l’information devient alors disponible pour tout le monde. Bachelier a montré que dans ce cas les prix des actifs suivent une « marche aléatoire ».</p>
<p>Selon l’hypothèse de Bachelier, toute l’information sur un actif est contenu dans son prix. Les prix ne peuvent donc pas dévier de la « vraie valeur » et, par conséquent, les bulles ne peuvent pas exister. Ce résultat est à l’origine de la <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1996_num_51_4_410892">théorie moderne des « marchés efficaces »</a>, qui postule que le prix coté reflète la réalité économique.</p>
<p>Malheureusement pour Bachelier, son rapporteur de thèse, Henri Poincaré, trouvait irréaliste l’hypothèse que les agents, sur les marchés financiers, agissent indépendamment les uns des autres. Selon lui ces agents sont plutôt caractérisés par des « habitudes de moutons de Panurge ». Si on suit Poincaré et qu’on abandonne l’hypothèse de base de la théorie des marchés efficaces (l’indépendance des individus), on peut facilement expliquer des phénomènes récurrents comme les bulles et les krachs, dont les conséquences sont importantes pour l’économie réelle.</p>
<p>Pourtant, malgré leur relégation, les idées de Bachelier ont persisté dans la théorie financière. Et d’ailleurs, en 2013 le Prix Nobel d’économie a été <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/10/14/pourquoi-donner-un-nobel-a-trois-economistes-aux-theories-opposees_3495565_3234.html">paradoxalement co-attribué</a> à <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/robert-shiller-les-economistes-cherchent-trop-a-se-presenter-comme-des-s/00012202">Robert Shiller</a>, qui a systématiquement nié l’efficacité des marchés, et à Eugene Fama qui est en revanche responsable de la résurrection des idées de Bachelier.</p>
<iframe src="https://www.cbc.ca/i/caffeine/syndicate/?mediaId=2411963564" height="360" frameborder="0" allowfullscreen="" width="100%"></iframe>
<h2>Les algorithmes reflètent les préjugés de leurs concepteurs</h2>
<p>À l’époque actuelle, avec l’expansion de nos capacités à stocker et à traiter des quantités d’information considérables, on pourrait penser que la transmission d’information devient plus complète et que les individus y ont un accès de plus en plus facilité. Malheureusement, ceci est loin d’être le cas.</p>
<p>En principe, tout le monde a en effet accès à un nombre de sources d’information beaucoup plus important que par le passé. Mais nos capacités personnelles de calcul et de compréhension n’ont pas évolué à la même vitesse que la capacité computationnelle… Alors, pour être sûr que les individus reçoivent l’information dont ils ont besoin, nous avons recours à des algorithmes qui la filtrent. Toutefois, ces algorithmes ne viennent pas de nulle part : quelqu’un les a développés et programmés. Or, rien ne garantit que son objectif coïncidait avec l’intérêt social.</p>
<p>L’information, filtrée puis transmise aux individus, peut ainsi contenir des <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/04/15/quand-l-intelligence-artificielle-reproduit-le-sexisme-et-le-racisme-des-humains_5111646_4408996.html">biais sur la base du genre ou de la race</a>. L’algorithme de recherche de Google, qui a comme objectif de maximiser le temps pendant lequel les utilisateurs restent en ligne, a par exemple tendance à guider les individus <a href="http://uk.businessinsider.com/mps-tear-into-google-facebook-and-twitter-2017-12?IR=T">vers les sites qui transmettent des messages et des informations de plus en plus extrémistes</a>.</p>
<h2>Fausses informations, réelles conséquences</h2>
<p>La crise de 2008 constitue un bon exemple de l’importance de la transmission de l’information pour l’économie. Celle-ci s’est produite car le marché des produits dérivés (le plus important de tous les marchés) cache les informations sur les actifs financiers sous-jacents.</p>
<p>Alors qu’en 2005-2006 le marché immobilier ralentissait aux États-Unis, et que le nombre de prêts immobiliers qui étaient en retard du paiement ou qui n’étaient pas remboursés du tout augmentait rapidement, les prix des <em>mortgage-backed securities</em> ne diminuaient pas. La raison est simple : le travail nécessaire pour déterminer si les prêts immobiliers qui composaient ces instruments compliqués étaient toxiques était trop coûteux. Les acteurs sur les marchés continuaient donc à les acheter et à les vendre. Ce n’est que quand quelques agents ont commencé a vérifier l’état des prêts immobiliers que l’information a fait surface, et que le marché s’est effondré… Notons en passant qu’en 2014, Christian Noyer a plaidé en faveur d’une <a href="https://www.lafinancepourtous.com/IMG/pdf/noyer-211008.pdf">réintroduction de la titrisation</a> !</p>
<p>La manipulation des marchés par la transmission de fausses informations peut aussi être intentionnelle. Un exemple classique est le « spoofing » : un agent place plusieurs ordres sur un marché pour en persuader d’autres que ce marché est devenu tres actif. Mais au dernier moment, l’individu retire ses ordres et profite de la volatilité qui s’en suit.</p>
<h2>L’État doit guider la main invisible</h2>
<p>Ce type de dysfonctionnement de la main invisible appelle une intervention de l’État pour les éliminer. En 2015, un <a href="https://www.lesechos.fr/04/11/2015/lesechos.fr/021454317874_un-trader-haute-frequence-reconnu-coupable-aux-etats-unis-lors-d-un-proces-historique.htm">trader a été condamné à New York</a> pour avoir pratiqué le « spoofing ». Mais la législation censée interdire les manipulations des marchés financiers évolue lentement. Les grandes banques paient régulièrement de <a href="https://www.lesechos.fr/29/01/2018/lesechos.fr/0301223974935_ubs--deutsche-bank-et-hsbc-ecopent-d-une-amende-aux-etats-unis.htm">fortes amendes suite à leur infraction des règles</a>. Toutefois, sans poursuite des individus responsables, rien ne changera.</p>
<p>Par ailleurs, le contrôle de la transmission de l’information en général est difficile. Il n’est pas évident de mettre en place des règles simples pour empêcher la transmission des « fake news », ou les messages envoyés par des robots afin d’influencer les décisions économiques et politiques des vraies personnes. Un contrôle accru des plates-formes est nécessaire, mais sans doute faudrait-il aussi recueillir plus d’informations sur ce type de manipulations. Célèbre exemple d’aberration récente : la transmission « inappropriée » des données privées de 2,7 millions d’utilisateurs européens et de 87 millions d’utilisateurs dans le monde <a href="https://theconversation.com/il-est-impossible-de-proteger-les-utilisateurs-de-facebook-contre-lexploitation-de-leurs-donnees-93669">par Facebook à la firme Cambridge Analytica</a>…</p>
<iframe src="https://www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01637594/src/vzv3fr/zone/1/showtitle/1/" frameborder="0" scrolling="no" marginwidth="0" marginheight="0" hspace="0" vspace="0" webkitallowfullscreen="true" mozallowfullscreen="true" allowfullscreen="true" width="100%" height="302" allow="autoplay; fullscreen"></iframe>
<p>Il existe en définitive une tension constante entre les demandes pour plus de régulation de l’État, afin de supprimer les aberrations, et l’idée qu’il faut éliminer les contraintes sur les individus, les entreprises et les banques pour améliorer l’efficacité de notre système. En réaction au détournement des données personnelles, l’Union européenne a réagi assez rapidement et a mis en place de nouvelles règles, via le <a href="https://theconversation.com/larsenal-jurigeek-des-citoyens-europeens-saffirme-face-aux-big-tech-96392">Réglement général sur la protection des données personnelles (RGPD)</a>. Les États-Unis n’ont pas fait la même chose, mais les compagnies américaines sont néanmoins obligées de se conformer au RGPD.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jeRN3le2ipY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Le libéralisme s’appliquerait donc aux actions des individus, mais dans un espace délimité par l’État. C’est cette conception qui transparaissait déjà dans les écrits d’Adam Smith. Tandis que ses prédécesseurs <a href="http://www.editions-harmattan.fr/auteurs/article_pop.asp?no=14390&no_artiste=3743">John Locke</a> et <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/david-hume-de-nature-humaine-a-letalon-or/00040182">David Hume</a> n’envisageaient aucune intervention de l’État dans les affaires économiques, Smith la <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2009-4-page-28.htm#pa22">préconisait</a> afin de garantir le bon fonctionnement de la main invisible. Paradoxalement, la doctrine libérale prône donc l’existence d’un État minimal, mais dans un espace où les libertés sont néanmoins préalablement définies par l’État.</p>
<h2>Comprendre la complexité du système économique pour l’améliorer</h2>
<p>Le fonctionnement de notre système socio-économique est complexe, et dépend en grande partie de la façon dont l’information est communiquée et se propage. Effets de retour, conséquences inattendues des actions individuelles, rôle de l’information et mécanismes par lesquels celle-ci est diffusée… Tant que l’impact de l’ensemble de ces paramètres ne sera pas mieux compris, nous ne pourrons affirmer que nous savons comment diriger notre système économique vers un avenir meilleur.</p>
<p>Actuellement, notre confiance dans le libéralisme repose sur une foi quasi religieuse dans la capacité des marchés à diffuser de plus en plus d’information et à générer des résultats socialement positifs. Seule une compréhension analytique de leur fonctionnement permettra de quitter l’ère de la croyance pour entrer dans l’âge de raison.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alan Kirman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’information est au cœur du système économique libéral. Que celle-ci soit de mauvaise qualité ou manipulée, et c’est la porte ouverte à tous les abus, voire à un risque de crise économique mondiale.Alan Kirman, Directeur d'études, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/934712018-03-26T22:33:30Z2018-03-26T22:33:30ZLe bitcoin face à son destin : menaces et perspectives<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212018/original/file-20180326-159057-157yyrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C393%2C5324%2C2637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quel avenir pour le bitcoin ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?src=lWbb5B44yIFXe9ZsQM5icg-1-84">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pour l’instant, le couplage blockchain/bitcoin fonctionne encore correctement, du moins tant que l’échec ultime – le <a href="https://www.contrepoints.org/2017/12/20/305819-bitcoin-cryptomonnaies-dangereux-mythe-regulateur">crash</a> – n’est pas au rendez vous. Mais l’avenir semble s’assombrir. Depuis quelques mois, le bitcoin et son écosyseme sont entrés dans la <a href="http://finance.blog.lemonde.fr/2017/10/07/le-bitcoin-dans-la-tourmente-la-fraude-est-de-plus-en-plus-evidente/">tourmente</a> malgré – ou justement à cause – des records de cotations <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/marches-financiers/2017-ou-l-annee-de-l-incroyable-explosion-du-bitcoin_556040">battus à Noël dernier</a> et l’arrivée massive de nouveaux et voraces spéculateurs. Dans ce contexte, l’écosystème bitcoin doit réagir. Quelles sont les contraintes qui pèsent sur l’avenir de cette cryptomonnaie ?</p>
<h2>La blockchain peut se passer du bitcoin</h2>
<p>Créé en 2008, le <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_bitcoin.html">bitcoin</a> est une cryptomonnaie déjà ancienne qui s’inscrit dans une <a href="https://www.contrepoints.org/2018/03/21/312052-cryptomonnaie-la-monnaie-sans-letat">logique de dématérialisation et de dénationalisation de la monnaie</a>. Il repose sur une technologie informatique originale et unique, la blockchain ou chaîne de blocs – est désormais <a href="https://theconversation.com/la-technologie-blockchain-face-a-son-destin-88753">à la fois sa force et sa faiblesse</a>. Il s’agit d’une technologie inventive, décentralisée et distribuée permettant a priori de garantir la sécurité, la traçabilité et l’intégrité des données identifiant les transactions sans passer par un tiers de confiance comme une banque centrale par exemple (laquelle concrètement, centraliserait lesdites données). Cette quasi monnaie repose sur des procédés cryptographiques qui font d’elle une cryptomonnaie soumise aux régulations du marché (mais <a href="http://journals.openedition.org/regulation/11489">ce n’est pas une monnaie</a>. En bref, le bitcoin n’est rien sans la blockchain qui en garantit l’inviolabilité mais la blockchain, elle, peut continuer sa vie dans de nombreux domaines d’application (santé, militaire, sécurité, droit…) sans être couplée au bitcoin.</p>
<p>En tant que cryptomonnaie, le bitcoin est soumis à deux sortes de menaces : celles qui sont liées à sa dimension cryptographique et celles qui sont liées à sa dimension monétaire. Tous les acteurs de <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/marches-financiers/2017-ou-l-annee-de-l-incroyable-explosion-du-bitcoin_556040">cet écosystème ouvert et complexe</a> (<a href="https://www.blogdumoderateur.com/lexique-blockchain-crypto-monnaies/">miners, wallets, storage, blockchain</a>, services financiers…) sont à la fois opportunité et menace.</p>
<h2>Énergie et technologie, les deux menaces de type « crypto »</h2>
<p>Les menaces les plus simples à aborder sont les menaces énergétiques. La blockchain sur laquelle repose les garanties de sécurité et d’intégrité de la monnaie est très énergivore. Elle repose sur une multitude de traces informatiques fragmentées et dispersées dont la mise en cohérence assure l’unicité de la transaction et donc la sécurité de la monnaie. Toutefois cette dépense énergétique – notamment l’électronique des datacenter de plus en plus <a href="https://blog.instor.com/blockchain-data-centers">impactés par la chaîne de blocs</a> – est en forte croissance non pas en raison de la croissance de l’utilisation ou de la valeur du bitcoin lui-même mais en raison de la mécanique informatique même liée à la chaîne de bloc. A titre d’illustration fin 2017, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/la-crypto-monnaie-bitcoin-consomme-plus-d-electricite-que-159-etats-dans-le-monde_118729">159 pays consommaient moins d’électricité</a> que celle nécessaire à l’écosystème bitcoin.</p>
<p>Les secondes menaces que nous aborderons sont de type technologique, informatique et mathématique. Elles renvoient à l’impérieuse obligation de garantir la sécurité, l’intégrité et la traçabilité du « produit » qu’est le bitcoin contre les fraudes, piratages et autres détournements. Ainsi, il est recommandé de respecter les fameuses <a href="https://bitcoin.fr/temps-de-confirmation/">10 minutes</a> pour obtenir une confirmation après paiement. La confirmation reçue apparaît comme un consensus vous garantissant la propriété du (ou des) bitcoin et son intégration dans un block donné. Cette contrainte temporelle et mathématique est tout simplement de <a href="https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/la-face-cachee-des-blockchains-201352">plus en plus complexe à tenir</a> face à la masse de données à traiter et à actualiser qui explose au fur et à mesure de l’enfouissement des transactions dans la chaîne de blocs.</p>
<p>Ces menaces opérationnelles ne sont certes pas les plus médiatisées mais, à nos yeux, ce sont peut-être les plus sérieuses</p>
<h2>Trois menaces de type « monnaie »</h2>
<p>La dimension « monnaie » du bitcoin l’expose à trois catégories supplémentaires de menaces. La première de ces catégories est de type systémique et repose sur un double phénomène. La monnaie est à la fois victime de bugs inhérents à son succès, comme les <a href="https://www.finance-investissement.com/nouvelles/actualites/des-ateliers-de-contrefacon-de-bitcoins-ca-se-peut/">contrefaçons</a> ou les tentatives de bitcoin alternatifs, ainsi que de bugs informatiques intrasystème, qui fragilisent l’usage et la diffusion de la monnaie.</p>
<p>La seconde catégorie de menaces en lien avec la dimension « monnaie » est économique. Ces menaces commencent à être médiatisées sous le terme générique de « bulle financière ». La bulle liée au bitcoin est <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/le-bitcoin-est-il-la-plus-grosse-bulle-financiere-de-toute-l-histoire_516950">gigantesque.</a>. Comme toute les monnaies, le bitcoin est confronté à un marché qui régule son offre et sa demande. Ce marché a largement dépassé un <a href="https://theconversation.com/le-dark-web-quest-ce-que-cest-47956">dark web largement fantasmé</a> ! Il porte parfois <a href="http://www.leparisien.fr/economie/le-bitcoin-a-plus-de-10-000-dollars-les-raisons-d-une-folle-envolee-29-11-2017-7423023.php">aux nues le bitcoin</a> puis se reprend et inverse la tendance. Comme tous les marchés, il est victime de tentative de spéculation à la hausse ou à la baisse. La bulle financière qui exploserait si le bitcoin dégringolait brutalement est une réelle menace.</p>
<p>Les menaces appartenant à la troisième catégorie liée aux caractéristiques « monétaires » du bitcoin sont plus insidieuses, et vont se développer. Il s’agit des menaces géopolitiques. En effet, les États dont les systèmes bancaires sont relativement opérationnels et fiables n’ont aucun intérêt au développement de cette monnaie alternative qu’ils ne « battent » pas et donc qu’ils ne contrôlent pas via leurs politiques monétaires, fiscales, etc. Les <a href="http://parisinnovationreview.com/article/les-banques-centrales-face-a-bitcoin-vers-une-revolution-monetaire">banques centrales ne « centralisent » pas les bitcoin</a>, dont le pouvoir alternatif (financement, investissement, consommation…) apparaît comme une menace géopolitique manifeste. De plus, ces mêmes États sont confrontés à des transactions qu’ils ne maîtrisent pas et qu’ils ne tracent pas. Il s’agit là de « non-rentrées » fiscales évidentes, qui ne seront tolérées que ponctuellement.</p>
<p>Les Nations vont en effet commencer à légiférer et à réglementer, même si l’obstacle technique est important. Le Maroc vient de tirer le premier en tentant <a href="http://www.jeuneafrique.com/495126/economie/bitcoin-le-maroc-interdit-les-monnaies-virtuelles/">d’interdire le bitcoin</a> pour les transactions entrantes/sortantes effectuées par des résidents du royaume. D’autres États (Népal, Équateur, Bolivie, etc.) suivent cette voie, ou vont la suivre. La Chine, quant à elle, voudrait se désaccoutumer du bitcoin en commençant par la réduction de l’<a href="http://www.zdnet.fr/actualites/la-chine-veut-une-sortie-ordonnee-du-mining-de-bitcoin-39862358.htm">activité de minage</a>, très énergivore. D’autres Nations font des paris plus exotiques sur les cryptomonnaies (le sovereign aux îles Marshall dont la <a href="https://theconversation.com/la-derniere-chose-dont-les-iles-marshall-ont-besoin-cest-dune-cryptomonnaie-93537">rationalité nous échape</a>.</p>
<p>Ces menaces systémiques sont largement médiatisées mais restent, à nos yeux, plutôt circonscrites.</p>
<h2>Un peu, et même beaucoup, d’espoir</h2>
<p>Pour ouvrir le débat de façon plus positive, nous nous appuierons sur un exemple personnel. Il y a peu, un éditeur de livre nous a adressé une demande d’évaluation et de relecture d’un ouvrage en projet sur la blockchain. Acceptant volontiers cette tâche, l’éditeur nous a aussi spécifié qu’il dédommageait d’une somme de 50 livres sterling le travail effectué. Un mois plus tard, notre retour a été envoyé. Afin de nous dédommager, l’éditeur avait besoin d’un RIB. Nous lui en avons donc adressé un émis par une grande banque française (classée dans le top trois). Malheureusement, le compte étant en euros, impossible pour lui de procéder au virement. En conséquence, cet éditeur nous a proposé de nous adresser un chèque bancaire. Ainsi, le « précieux » bout de papier était-il déposé dans notre boîte aux lettres cinq jours plus tard. Deux mois après réception, ce chèque est toujours sur notre bureau. Pourquoi ? Les frais retenus pour encaisser un chèque de 50 livres sont de plus de 60 euros… En définitive, cela coûte donc moins cher de le garder que de l’encaisser !</p>
<p>Pourtant, il s’agit de deux monnaies reconnues appartenant à deux pays limitrophes et ayant de nombreux accords commerciaux. Que se serait-il passé s’il s’était agi du Kip laotien ? Plus sérieusement, cet exemple met en lumière le fait que la monnaie traditionnelle n’a finalement pas pris en compte la <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2014-3-page-155.htm">transformation digitale</a> à laquelle citoyens, organisations et entreprises sont confrontés au quotidien. Pour aborder cette transformation digitale et décrypter ses outils, il paraît essentiel de revenir sur l’une de ses technologies support c’est-à-dire la chaîne de blocs déjà évoquée plus haut. Celle-ci concerne les monnaies, mais pas uniquement.</p>
<h2>Perspectives et applications</h2>
<p>Les applications de la blockchain sont multiples comme le décrit le dernier <a href="https://www.miscmag.com/misc-n96-references-de-larticle-blockchain-nouveau-paradigme-de-la-securite/">MISC</a>, depuis la sécurisation des machines (dans le cadre de l’Internet des objets notamment) avec <a href="http://www.beachain.com/">beAchain</a> à la sécurisation des clouds comme le propose <a href="http://www.zdnet.com/article/storj-introduces-a-distributed-blockchain-protected-cloud-storage-service/">Storj</a> ou même des messageries (<a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/le-slack-des-banques-la-messagerie-symphony-installe-sa-r-d-en-france-764346.html">Symphony</a>), jusqu’à l’authentification des diplômes et grades universitaires comme l’<a href="http://www.univ-lyon3.fr/">Université Lyon 3</a> l’envisage ou comme le <a href="https://www.blogdumoderateur.com/blockchain-certification-diplomes/">fait déjà le MIT</a>. En cela, la BlockChain peut être considérée comme une innovation de rupture qui évoluera, s’adaptera, et s’installera, même si c’est de façon plus frugale.</p>
<p>Quant aux monnaies, dans un monde globalisé et dématérialisé, certaines se transformeront en cryptomonnaie, quelques-unes survivront, beaucoup <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/ainsi-meurent-les-monnaies_1401673.html">mourront</a> ou simplement disparaîtront de la circulation comme a disparu le <a href="https://www.nbbmuseum.be/fr/2007/01/cowry-shells.htm">Cauri</a>, ce coquillage utilisé dans le Pacifique pendant 2 000 ans. Ou comme vont disparaître ces petits ronds de métal scintillants au fond de vos poches, les espèces…</p>
<h2>Quid du crypto-entrepreunariat ?</h2>
<p>En définitive, nous voudrions insister sur le fait que ces nouveaux outils financiers (crypto_monnaies, quasi-monnaies) et leurs vecteurs de diffusion liés à l’Internet et à la <a href="https://benavent.fr/tag/plateforme/">plateformisation</a> permettent de dépasser certaines des limites structurelles des monnaies en combinant monnaie et droits de propriété. Le développement des ICO (<a href="https://www.letemps.ch/economie/startup-blockchain-preferent-lico-lipo"><em>initial coin offering</em></a>) en est un bel exemple. Les opportunités liées à cette nouvelle approche de levées de fonds – via trois types de tokens (jetons) pendant la phase de démarrage – sont nombreuses.</p>
<p>Pour finir sur une note prospective, notons une <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/ico-la-france-veut-attirer-les-crypto-entrepreneurs-du-monde-entier-1277886">opportune prise en compte institutionnelle</a> par la France. L’idée est de proposer un cadre réglementaire compétitif apte à accompagner un nouveau marché, celui des crypto-entrepreneurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Fabrice Lebraty participe à des projets de recherche liés à la blockchain</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan is affiliated with Conseil National des Universités (CNU) </span></em></p>Technologiques, énergétiques, systémiques, géopolitiques… De nombreuses menaces pèsent sur le bitcoin. Pourtant l’avenir n’est pas si sombre pour les cryptomonnaies, de réelles perspectives naissent.Jean-Fabrice Lebraty, Professeur en Sciences de Gestion. Spécialisé en Systèmes d'Information, Université Jean-Moulin Lyon 3Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/882922017-11-28T19:19:25Z2017-11-28T19:19:25ZLe bitcoin, bulle spéculative ou valeur d’avenir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196779/original/file-20171128-28852-1nejo2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C600%2C2044%2C1192&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Distributeur automatique de bitcoin dans un centre commercial de Portland, Oregon.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tydence/19289314201/in/photolist-ekD7CS-q1nXtL-qEVF1Z-ekxrdg-iH8J6m-iGPKVR-vowM5M-YLb4gy-pQ4mkx-trXnaN-pvwMVK-pe2VZj-pe3veo-pvwNm4-iHvGj2-dXfUsC-pe3uyf-ioPzjY-kipcif-zKVbTi-tJygNB-ioQ94V-tGf8xh-hsUrLL-p698j3-ovWcAw-acMgCU-r5C6oM-YVzTdd-ou7pzA-nXqqBh-meyqiH-iHwsdH-p5vBh3-naBKvf-nsv13J-q5GUHt-pPk3A5-qLQpCk-pz8ni4-YVzW7E-ts6RyM-pe3wmy-pvv5Yd-Dw6PFE-sMyQ8f-wnSkeL-J9rx1W-tJFXmM-xMFvJY">Tydence Davis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Alors que le <a href="https://theconversation.com/que-vaut-vraiment-le-bitcoin-72057">bitcoin (ou BTC), créé en 2009</a>, bat toutes les semaines de nouveaux records et tutoie désormais les 10 000 dollars (contre 1 000 dollars début 2017 et… 1 dollar en 2011), les économistes sont partagés : s’agit-il vraiment d’une nouvelle monnaie décentralisée et libre de toute banque centrale ou d’un <a href="https://theconversation.com/bitcoin-des-montants-record-et-apres-71046">instrument purement spéculatif</a> ?</p>
<h2>Les causes du succès inédit d’une cryptomonnaie</h2>
<p>L’utilisation du bitcoin comme moyen de paiement ne cesse de s’étendre depuis l’annonce de WordPress (le 16 novembre 2012) de l’accepter pour ses services payants. L’intérêt est d’autant plus grand que le paiement s’effectue sans intermédiation bancaire et sans le moindre frais et avec l’accord tacite des autorités : ainsi des pays qui avaient dans un premier temps proscrit son usage comme la Thaïlande (en 2013) ou la Russie (en 2014) sont revenus sur cette interdiction (en 2016).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196781/original/file-20171128-28899-14jp7lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Distributeur de bitcoin à Hong Kong.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bertconcepts/15243696840/in/photolist-ekD7CS-q1nXtL-qEVF1Z-ekxrdg-iH8J6m-iGPKVR-vowM5M-YLb4gy-pQ4mkx-trXnaN-pvwMVK-pe2VZj-pe3veo-pvwNm4-iHvGj2-dXfUsC-pe3uyf-ioPzjY-kipcif-zKVbTi-tJygNB-ioQ94V-tGf8xh-hsUrLL-p698j3-ovWcAw-acMgCU-r5C6oM-YVzTdd-ou7pzA-nXqqBh-meyqiH-iHwsdH-p5vBh3-naBKvf-nsv13J-q5GUHt-pPk3A5-qLQpCk-pz8ni4-YVzW7E-ts6RyM-pe3wmy-pvv5Yd-Dw6PFE-sMyQ8f-wnSkeL-J9rx1W-tJFXmM-xMFvJY">bertconcepts/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dernier indice du succès, on recense en novembre 2017 près de 1 700 distributeurs- échangeurs automatiques de bitcoins dans le monde. On doit à son créateur, le mythique et fantomatique <a href="https://bitcoin.fr/satoshi-nakamoto/">Satoshi Nakamoto</a> l’idée de génie d’un système d’émission fondé sur les nouvelles technologies, totalement décentralisé et, pour le moment, parfaitement sécurisé par les utilisateurs de la blockchain.</p>
<p>L’algorithme informatique limitant le nombre de bitcoins à 21 millions à terme (18 millions en circulation à ce jour, les bitcoins perdus n’étant jamais remplacés), la rareté relative du produit virtuel explique en grande partie sa hausse puisque seulement 0,01 % de la population mondiale en détient. On peut donc imaginer l’effet sur les cours si la principale cause des bulles spéculatives à savoir l’effet FOMO (<a href="http://bit.ly/2BvmW28"><em>fear of missing out</em></a> ou la peur de rater une opportunité) se généralisait à ne serait-ce qu’1 % de la population mondiale soit 100 fois plus de détenteurs…</p>
<h2>La vraie nature du bitcoin</h2>
<p>Le bitcoin est une monnaie digitale ou cryptomonnaie qui possède certains attributs d’une véritable monnaie acéphale. Immatérielle et stockée sur un support électronique, elle bénéficie d’un mécanisme d’échange propre permettant le transfert des bitcoins d’un compte à un autre sans intermédiaire via la technologie dite du registre distribué (la <a href="http://bit.ly/1OwJthh">blockchain</a>), la cryptographie assurant une grande fiabilité à ce système ouvert. Les transactions s’effectuant sous pseudonyme elles sont donc moins coûteuses et plus discrètes que les virements bancaires.</p>
<p>Le bitcoin créé ainsi un nouvel espace de transactions financières entre les transactions officielles et le cash totalement anonyme et sans frais mais non sécurisé.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196785/original/file-20171128-28846-1fekbmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Bitcoin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kodisto/34434897422/in/photolist-UsTRiY-W1gzFA-GUSJJK-VPUWL9-YQm5Q6-ZGaPYh-YLb4gy-GvAiQr-21nhwA3-DjroVo-UgTZsC-XLhyNR-XLhyKz-Wxs1fH-21s87bK-VTnnug-VPUXbN-TyQTzN-VQvMPG-W8gUQR-W4NVgo-RLjCSt-WGR49Q-Xoik8q-WK3XXk-XLhyHa-RY9AEE-WGR46J-bfen7P-21nhufb-XpkTx4-QXLts6-GvAqw2-WK3XCx-WK3XHn-STzeMD-21Cj1sJ-ZrutJm-XLhyRB-21JJLR4-QVdAg3-QXLRUk-WGDRUg-WGDTG4-W8QREW-YcFDhz-WGR4dC-WK3Y2i-G8yZKn-Tz7sfw">Vitalij Fleganov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme toutes les cryptomonnaies, le bitcoin n’a aucune valeur intrinsèque (pas même comme objet de collection car il est immatériel) et à la différence des monnaies officielles il n’est le passif d’aucune banque centrale ou institution monétaire. Ce n’est pas non plus un actif financier comme une action ou une obligation puisqu’il ne rapporte rien. Sa seule valeur de placement réside dans les perspectives de plus-values que lui accordent ses détenteurs : c’est donc un actif sans le moindre sous-jacent, les investisseurs ne pouvant récupérer leurs fonds en devises que si d’autres utilisateurs désirent acquérir des bitcoins.</p>
<p>Comme le souligne à juste titre la <a href="http://bit.ly/2iYY770">Banque de France</a>, le bitcoin, comme les autres monnaies virtuelles, ne constitue pas un instrument de paiement au sens de la législation européenne, et n’offre donc à ce titre aucune protection à ses utilisateurs, pas de garantie de remboursement et aucun recours en cas de transaction frauduleuse. En France, l’activité de conversion de monnaie virtuelle en euros ou en devises étrangères est assimilée à la fourniture de services de paiements, et soumise à agrément de l’<a href="https://acpr.banque-france.fr/">Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution</a>.</p>
<h2>Une bulle archétypale</h2>
<p>On a pu lire que le cours du <a href="https://bitcoin.fr/hausse-du-cours-du-bitcoin-12/">bitcoin avait dépassé celui de l’or</a> en comparant les 10 000 dollars au cours de l’once d’or de 31 grammes qui se situe autour de 1 300 dollars mais cette comparaison n’a guère de sens car la valorisation totale de l’ensemble des bitcoins émis, de 180 milliards de dollars, reste sans commune mesure avec la capitalisation totale du stock d’or mondial d’environ 8 000 milliards de dollars pour ne rien dire des 150 000 milliards dollars de l’ensemble des actifs financiers et des 240 000 milliards dollars de l’immobilier mondial.</p>
<p><a href="http://bit.ly/2AeQPFw">Reste qu’à 10 000 dollars l’unité</a> on pourrait considérer que la bulle du bitcoin n’est qu’un nouvel avatar de la longue série de folies spéculatives qui secouent régulièrement la monde de la finance depuis la <a href="http://bit.ly/2jsM6Gm">« Tulipomanie » de 1637</a> en passant par le système de Law en 1720 ou la bulle Internet de 2000.</p>
<p>Cette bulle a toutefois des singularités qui en font un phénomène unique dans les annales (ce qui bien entendu donne des arguments supplémentaires au camp de ceux qui estiment le phénomène pérenne sur le thème mainte fois repris dans l’histoire « cette fois, c’est différent »).</p>
<p>C’est même probablement, plus encore que la bulle Internet de 2000, la première bulle de l’hypermodernité car à la différence de la précédente l’instrument spéculatif est ici totalement immatériel. Le réseau étant mondialisé, les acheteurs sont potentiellement 7 milliards (d’autant que le bitcoin est divisible 8 chiffres après la virgule…) ce qui explique largement le phénomène d’entonnoir auquel on assiste.</p>
<h2>Qui tuera le bitcoin ?</h2>
<p>Dans ces conditions quel type d’aiguilles pourrait faire éclater la bulle ? Le premier serait la casse du siècle (le vol par subtilisation de mot de passe ayant toujours existé) ou une effraction dans le système de blockchain qui entraînerait une inondation de faux bitcoins et donc un effondrement des cours.</p>
<p>Paradoxalement, ce risque longtemps considéré comme marginal, devient de plus en plus plausible car la hausse des cours en augmente d’autant le profit potentiel et donc l’incitation.</p>
<p>Le second serait une prise de position commune de l’ensemble des États et des banques centrales qui décideraient d’interdire ce moyen de paiement au nom de la lutte contre la fraude (rappelons qu’en 2013 les autorités américaines ont fermé la société Silk Road qui utilisait le bitcoin comme moyen d’échange de drogues). Quand on constate la volonté toujours croissante des grands pays à coordonner la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme on ne peut écarter une initiative commune contre le bitcoin.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Malheureusement pour les esprits lucides, à supposer même qu’il existe un moyen de vendre à découvert le bitcoin, cette stratégie est à proscrire et pourrait s’avérer désastreuse. En effet nul ne peut prédire ni la durée ni le sommet de la vague spéculative et comme nous l’a enseigné Keynes, « le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable ».</p>
<p>Il ne reste donc qu’une seule chose à faire : s’asseoir au bord de la rivière pour voir passer, un jour futur, le cadavre du bitcoin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le bitcoin, lancé en 2009, bat sans cesse de nouveaux records. les économistes sont partagés : s’agit-il vraiment d’une nouvelle monnaie décentralisée et libre ou d’un instrument purement spéculatif ?Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/675232016-10-23T21:04:48Z2016-10-23T21:04:48Z« Pertes Kerviel » ou « pertes Société Générale » ? Contribuables, vous êtes concernés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/142797/original/image-20161023-15969-1un1y3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=912%2C16%2C1761%2C1324&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Derrière le miroir ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ennaimi/8209810240/in/photolist-dvtqyq-oYDgvM-5MhK5o-cyNqUm-ddZREs-dkGgW4-5KHqxH-cvFPY1-hKihig-cvFNKs-qV8XRy-cvFMxL-cvFQCJ-cvFNbd-cvFQtS-cvFR2f-cvFQUw-7W9BqX-cvFQLf-cvFPQ7-cvFPrQ-cvFPAf-6vfCkR-5KMEwG-6vfCk6-6vfCo4-cAswZb-6vfCmK-6vfCpa-7WcVN9-9Rbe6s-6vfCpT-6vfCqD-cvFMg3-cvFPHC-cvFPfU-cvFM2N-cvFQ6G-cvFQmf-dkGk9r-dkGjmE-cvFMnj-cvFNuj-5MhK79-cvFP41-cvFLQo-5yeKUE-ddZU5i-5a81fV-ddZVQx">Mustapha Ennaimi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’affaire dite « Kerviel » est depuis l’origine une affaire qui questionne fortement les systèmes de contrôle interne et de management de l’entreprise Société Générale.</p>
<h2>Une négociation fiscale lourde de sens</h2>
<p>Le « problème » de déductibilité fiscale fait suite au dernier jugement au civil rendu par la Cour d’appel de Versailles. Celui-ci a en effet fait passer de 4 915 610 154 euros à 1 000 000 d’euros le montant de la dette de Jérôme Kerviel à l’égard de la Société Générale. Motif de cette décision : un management et une stratégie ayant de façon systématique privilégié la prise de risques sans, à l’évidence, avoir conçu une architecture des systèmes de contrôle et des modalités de supervision hiérarchique cohérentes avec ce management et cette stratégie. C’est ce dont le « top-management » de l’entreprise devrait être tenu de répondre au premier chef.</p>
<p>L’issue de la « discussion » entre l’administration fiscale et la Société Générale reste semble-t-il, à ce stade, incertaine.</p>
<p>Il est ainsi rapporté par des articles de presse parus dans <a href="http://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/0211404933300-lexecutif-redouble-de-prudence-devant-lepineux-dossier-fiscal-de-la-societe-generale-2036106.php"><em>les Echos</em></a>, <em>l’<a href="http://www.lopinion.fr/edition/economie/affaire-kerviel-pourquoi-societe-generale-ne-remboursera-pas-22-111339">Opinon</a>,</em> <a href="http://www.challenges.fr/france/affaire-kerviel-societe-generale-le-gouvernement-va-bientot-prendre-une-decision_433406"><em>Challenges</em></a> que la jurisprudence en matière de déductibilité fiscale des pertes est plutôt en faveur de la Société Générale puisque des fautes délibérées d’un (ou plusieurs) dirigeant(s) qui auraient « su » n’a pu été identifiée jusqu’à présent par la justice.</p>
<p>La Société Générale serait donc fondée à continuer de considérer ces pertes comme conséquentes de stricts incidents d’exploitation. C’est d’ailleurs probablement cette analyse qui explique la <a href="https://www.societegenerale.com/fr/societe-generale-reaction-cour-appel-jerome-kerviel">position de la banque</a>, connue dès le rendu du jugement du 23 septembre 2016 selon laquelle sa situation fiscale reste inchangée suite à la nouvelle décision de justice.</p>
<h2>« Incidents d’exploitation » ou stratégie risquée ?</h2>
<p>Il est vrai que dans des cas antérieurs, les traitements fiscaux de « cas » d’incidents d’exploitation ont donné lieu à de vifs débats au sein même de l’administration fiscale.</p>
<p>Si la jurisprudence va dans le sens de la protection des intérêts des entreprises plutôt que de la défense directe des contribuables), c’est aussi en raison des avis exprimés par le Conseil d’État : pour ce dernier, sans faute de gestion avérée (par exemple une mise en cause pénale d’un ou plusieurs dirigeants), les pertes devraient être considérées comme la conséquence d’un risque d’exploitation et donc être déductibles.</p>
<p>En ce sens, pour le Conseil d’État, une stratégie et un management ayant conduit à une prise de risques trop élevées ne sauraient a priori être considérés comme des « fautes » susceptibles de conduire à une remise en cause d’une déduction fiscale accordée.</p>
<p>Pour les experts du <a href="https://wikisgk.com/">WIKISG(K)</a>, cette analyse position ne peut valoir ipso facto dans le cas de l’affaire dite « Société Générale » : le montant des pertes (près de 7 milliards avant déduction des gains à fin 2007)), la qualité singulière de la personne morale en cause en raison de son intérêt explicite et de sa connaissance intime des sujets de gouvernance et de contrôle interne –ses présidents successifs ayant signé les rapports Viénot 1 puis Viénot 2 à la fin des années 1990, « Bouton » en 2002), comme des carences de gestion difficilement compréhensibles convergent pour considérer comme exorbitant l’« incident d’exploitation » que représentent les pertes dites « Kerviel ».</p>
<h2>Les failles d’une instruction</h2>
<p>Pour des raisons maintes fois exposées dans leurs travaux de recherche, les experts du WikiSG(K) considèrent que l’instruction judiciaire n’a pas été menée de façon satisfaisante. Faute de prise en compte des concepts et des connaissances issus des sciences du management, la justice n’a jamais éclairé un point décisif : qui, dans la hiérarchie, pour quelles raisons et jusqu’à quelle date, pouvait ignorer les engagements extraordinaires de J. Kerviel entre mars 2007 et janvier 2008 ?</p>
<p>Il convient en effet de rappeler que,</p>
<ul>
<li><p>la démission de Daniel Bouton, président directeur général de l’entreprise n’a été effective qu’en 2009, sur fond de controverses liées à un énième plan de <em>stock-options</em> que s’apprêtait à décider l’entreprise ;</p></li>
<li><p>la démission Jean-Pierre Mustier, plus haut responsable hiérarchique de Jérôme Kerviel à l’époque des faits, n’a eu lieu qu’en 2009, ceci dans le contexte d’une enquête pour manquement d’initié dilligentée par l’AMF au motif de la cession par celui-ci de la moitié de son portefeuille de titres Société Générale le 21 août 2007 ; que cette enquête a conduit la commission des sanctions à infliger une amende sévère à M. Mustier, reconnu effectivement coupable de manquement d’initié ;</p></li>
<li><p>Frédéric Oudéa, pourtant à l’époque directeur financier (et donc ayant autorité sur le contrôle de gestion) de la Société Générale a été promu au poste de président directeur général dès 2009 puis de directeur général (suite à l’adoption d’une structure de gouvernance sous forme de directoire et conseil de surveillance) ;</p></li>
<li><p>Christophe Mianné, ancien responsable des activités liées aux produits dérivés est toujours aujourd’hui directeur délégué, Banque de financement et d’investissement et de Banque privée, Gestion d’actifs et Métier titres.</p></li>
</ul>
<p>Ces éléments, comme tout le dossier, posent question sur la réalité et la rapidité de la prise de conscience des dirigeants des fautes de management qu’ils auraient pu commettre ou laisser commettre, comme sur la robustesse des systèmes de management et de contrôle qu’ils avaient mis en place.</p>
<p>En ce sens, ne pas discuter de façon approfondie et spécifique le caractère fiscalement déductible des pertes de la banque au motif d’une jurisprudence établie sur des cas beaucoup plus banals pourrait être considéré comme un encouragement donné par l’administration fiscale à prendre des décisions dont des dirigeants éventuellement incompétents et/ou irresponsables n’auront jamais à assumer les conséquences.</p>
<h2>Les sciences du management devaient être mobilisées</h2>
<p>Cinquante années au moins de recherche en sciences du management conduisent à considérer comme extrêmement fragile l’hypothèse selon laquelle nul n’aurait rien « vu » ou « su » à la Société Générale des engagements pris par l’un de salariés de l’entreprise entre mars 2007 et janvier 2008.</p>
<p>C’est pourquoi les experts du WikiSG(K) voient précisément dans le caractère « exceptionnel » du « cas » Société Générale le motif par lequel l’administration fiscale se doit d’être d’une exigence particulièrement rigoureuse pour faire valoir les droits du contribuable quant à la déductibilité des pertes accordée, en d’autres temps de crise et au vu d’éléments de l’époque, à l’entreprise Société Générale.</p>
<p>L’absence de sollicitation des enseignements de la recherche internationale en management mobilisés notamment par les experts du WIKISG(K) laisse toutefois planer un doute aujourd’hui quant à la volonté ou la capacité réelle de l’administration d’aller jusqu’au bout de cette possibilité : au risque, une fois encore, de laisser à jamais non instruite la question des complicités actives et/ou passives qui ont rendu les « pertes d’exploitation » dites « Kerviel » possibles.</p>
<p>Au risque de la répétition, c’est bien dès août 2007 en effet que la crise financière dite des <em>subprime</em> était connue des meilleurs chercheurs et à n’en pas douter des acteurs compétents de l’industrie financière. C’est à la lumière et dans le contexte de cette connaissance, dont ne pouvaient pas ne disposer les principaux dirigeants d’établissements bancaires du niveau de la Société Générale, que la gestion de l’incident d’exploitation dit « Kerviel » doit être analysée.</p>
<p>C’est ce qu’a rappelé, avec des attendus particulièrement sévères, la Cour d’appel de Versailles le 23 septembre 2016. C’est ce qu’éclaire avec force la recherche internationale en sciences du management, dont on s’étonne une fois encore que les autorités administratives, judiciaires et médiatiques françaises n’aient jamais cru nécessaire et indispensable de solliciter sur ces divers « scandales de mé-connaissance » dans une entreprise moderne d’une telle dimension.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Trois chercheurs en management, animateurs du projet collaboratif WikiSG(K), étudient les conséquences fiscales de la requalification des pertes dites « Kerviel » en pertes « Société Générale »Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayAlain-Charles Martinet, Professeur émérite en Sciences de Gestion, Management stratégique, Université Jean-Moulin Lyon 3Michel Kalika, Professeur des universités en Sciences de Gestion, IAE Lyon, Université Jean-Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/619382016-07-06T04:35:07Z2016-07-06T04:35:07ZAffaire Kerviel : la pomme pourrie et le tonneau<p>Largement documentée et pleine de rebondissements depuis maintenant huit ans, l’affaire Kerviel est loin d’être close : les surprises à venir ne manqueront pas !</p>
<p>La chronologie des faits est parfaitement établie : des jugements ont été prononcés, confirmés au pénal et en délibéré au civil, le tribunal des prud’hommes s’est lui aussi prononcé et le jugement est interjeté en appel… Bref, cette affaire restera certainement dans les annales pour les apprentis juristes.</p>
<h2>Pas une simple affaire de fraudeur</h2>
<p>Je voudrais revenir sur cette affaire en adoptant un tout autre point de vue, le point de vue du sociologue face à ce phénomène de réduction de complexité qui consiste à réduire l’affaire Kerviel à une simple affaire de fraudeur isolé mais astucieux, une <em>« rotten apple »</em> comme disent les Anglo-Saxons. Cette approche « pomme pourrie » peut paraître étrange pour un sociologue, mais elle se justifie à plusieurs titres.</p>
<p>D’abord, le droit a besoin du concept de responsabilité individuelle pour fonctionner, c’est-à-dire que les juges ont besoin d’avoir en face d’eux quelqu’un qui est responsable de ses actes et qui ne se défausse pas en invoquant le système ou _la hiérarchie-qui-était-au courant _ ; bref, une personne qui agit en parfaite connaissance de cause et qui doit en subir toutes les conséquences. Qui vole un œuf vole un bœuf. En l’occurrence, un bœuf qui se chiffre en milliards, des milliards qu’il faudra restituer à l’euro près à une autre fiction juridique, c’est à dire une personne morale.</p>
<p>Les juges pourront, bien sûr, avec l’aide de psychologues, évaluer une « <em>personnalité plus ou moins forte</em> » pour éventuellement proposer des circonstances atténuantes ; mais ils ne se poseront pas la seule question qui intéresse le sociologue, celle du pourquoi du pourrissement de cette pomme dans le tonneau.</p>
<p>Une question que ne se posent pas non plus les victimes supposées de l’escroquerie, car les dirigeants ne souhaitent pas aborder le fait qu’un homme seul, somme toute sans nom ni qualité, puisse dissimuler une position à hauteur de quelques cinquante milliards d’euros et cela, au nez et à la barbe de sa hiérarchie et des experts les plus réputés de la place.</p>
<h2>La partition de Daniel Bouton</h2>
<p>Pour les dirigeants de la banque, le maniement du raisonnement est le suivant : certes cette pomme est pourrie et nous nous en remettons à la justice pour punir le fraudeur à la hauteur de ses méfaits ; mais comme chacun sait que le risque zéro n’existe pas, il y aura, quels que soient les meilleurs dispositifs de contrôle, toujours une pomme pourrie, sachant que cette pomme pourrie est un fruit du hasard statistique.</p>
<p>La fraude existe depuis que les banques existent, fera remarquer Daniel Bouton <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/cr-cfiab/07-08/c0708071.pdf">devant la commission des finances</a> de l’Assemblée nationale. Autrement dit, une fois la pomme pourrie extraite du tonneau, tout revient en ordre. Cela montre bien que ce n’est pas une affaire de structure, mais bien une affaire de personnes. À l’avenir, il s’agira seulement d’affiner la sélection, voire même d’anticiper le vers dans le fruit.</p>
<p>Lors de son audition publique, Daniel Bouton indique, avec le plus grand sérieux, une piste possible : celle de demander au médecin du travail de détecter les comportements individuels potentiellement délictueux.</p>
<h2>L’individu et l’organisation</h2>
<p>Le sociologue a une tout autre approche : il ne cherche pas le coupable, ni à savoir si Kerviel est un escroc, un simulateur, un manipulateur ou un manipulé, une victime consentante, un naïf, un brave soldat de la finance. Il va plutôt se focaliser, non pas sur la pomme, mais sur les conditions de son pourrissement sans pour autant juger de la nature de la pomme elle-même. Au départ, cette pomme devait être croquante, présentable. C’est le rapport entre la pomme et le bois du tonneau qu’il faut comprendre. Autrement dit, le sociologue observe qu’un comportement individuel s’inscrit dans une structure et répond à des normes incorporées au sein de l’organisation.</p>
<p>La structure renvoie à une division du travail entre le <em>front office</em> et le <em>back office</em>, c’est-à-dire entre les châtelains du domaine financier – ceux qui font gagner de l’argent – et les régisseurs du domaine – ceux qui comptent, qui pointent les écritures, qui s’assurent que les chasses financières se sont déroulées selon les règles en vigueur.</p>
<p>Kerviel est un ancien garde-chasse qui connaît par le menu les dispositifs de contrôle, ainsi que les pratiques des braconniers ; un garde-chasse qui a enlevé sa casquette pour se faire admettre dans le monde fermé des chasseurs de primes. Là, les normes changent, il découvre que ce qui est jugé important <em><strong>là-bas</strong></em> ne l’est pas <em><strong>ici</strong></em>. Les normes varient selon les mondes professionnels. Le comportement des individus ne peut pas ne pas tenir compte de ces normes, sauf à prendre le risque de l’isolement, c’est-à-dire du rejet.</p>
<h2>Les milliards de l’estime de soi</h2>
<p>Or le trader Kerviel va se révéler, pour ses chefs et ses collègues de la salle de marché, comme « une bonne gagneuse », compliment qui révèle le cynisme ambiant, mais aussi qui renvoie au rôle joué par l’or/argent mis en mots par Shakespeare : <a href="http://www.webphilo.com/textes/voir.php?numero=453061358">« cette putain commune à toute l’humanité »</a>. Voilà dévoilé le mécanisme de pourrissement de la pomme.</p>
<p>Pour gagner l’estime de soi et l’estime de ses collègues, il faut gagner de plus en plus d’argent, et surtout ne pas en perdre. Ne pas perdre <strong>publiquement</strong> l’estime de soi en affichant des pertes, voilà l’enjeu pour ce nouveau venu. Plusieurs fois, des alertes de ses anciens collègues régisseurs lui sont parvenues pour lui signaler les franchissements de ligne jaune, mais ces alertes – <a href="http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/jerome-kerviel-contre-la-societe-generale-aux-prud-hommes-un-verdict-decisif_1799684.html">pas moins de 74</a> – sont jugées peu importantes lorsque la norme <strong>ici</strong> est de passer outre les injonctions de <strong>là-bas</strong>. Ce qui est important pour une salle de marché, ce sont les hausses et les baisses des cours, car l’information est de la différence qui crée en permanence de la différence, logique de flux et non logique de stock.</p>
<p>Le comportement individuel s’inscrit dans ce contexte organisationnel, et c’est ce dernier qu’il s’agit de mettre à jour, c’est-à-dire de comprendre. Dire que le comportement individuel s’inscrit dans ce contexte ne conduit pas à une excuse sociologique. Mais en réduisant la complexité de l’affaire à une affaire de pomme pourrie, les juges se mettent eux-mêmes dans une position difficile et exigent des dommages et intérêts dont le montant est certes cohérent par rapport au modèle de la responsabilité individuelle, mais tout à fait surréaliste par rapport au fonctionnement réel des organisations.</p>
<p>Il faudrait profiter de cette affaire pour faire rentrer le raisonnement sociologique dans les salles d’audience pour des affaires où s’enchevêtrent le collectif et l’individuel. La qualité du jugement serait assurée et le citoyen ainsi rassuré.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61938/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Saussois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les juges pourront évaluer la personnalité de l'ancien trader, mais ne se poseront pas la question qui intéresse le sociologue : celle du pourquoi du pourrissement de cette pomme dans le tonneau.Jean-Michel Saussois, Professeur émérite HDR en sociologie, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/580752016-05-30T04:38:50Z2016-05-30T04:38:50ZPriver les banques du pouvoir de création monétaire, un remède suisse et islandais contre les excès bancaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/124403/original/image-20160529-869-29izju.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faut-il limiter aux banques centrales le pouvoir de création monétaire ? (ici, Bank of England).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/desheboard/6275843251/in/photolist-ayzkxZ-5Ybgtj-ncrAko-93UX2R-9DaNBD-cbBta-KLbwz-pXVavc-dGQvBc-6oAywa-ry1W9X-cYPbUL-ofjNaX-qMre86-mXsK3B-oCyVxc-4misbu-oMh1Qb-oii1iz-oV2cFm-ouQx6V-7wyH5-noEWuV-G27weT-6htt5U-oCyrpb-nsN6Wt-ouPpyy-dZzYyv-5ghTyZ-oM3JuR-qjtUVc-bLxVx6-4pG7AX-aCiYYa-aJzw2F-5furyj-6wh1YY-2Ndtcm-6wCNXN-848nR5-93XPas-74H2vZ-47AR9f-eKFTfg-e7Suh1-6oEJ1Q-aJzweM-nwWteB-ctvuuJ">Ofer Deshe / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Tel le retour du refoulé, la crise des subprimes et ses nombreux soubresauts ont rappelé aux gouvernements la nécessité de réguler le monde de la finance et plus particulièrement le système bancaire. Oscillant entre le simple appel à la déontologie et une réelle volonté de réforme des banques, les propositions sont nombreuses (<a href="http://www.andlil.com/definition-de-bale-iii-126361.html">Bâle III</a>, <a href="http://ec.europa.eu/finance/general-policy/banking-union/index_fr.htm">union bancaire en Europe</a>, etc.).</p>
<h2>La perte de confiance dans les banques</h2>
<p>Pourtant, la « modeste » Islande et la « très financière » Suisse ont surpris par la radicalité de leur proposition : ces pays ont entamé une réflexion nationale depuis quelques mois sur le <a href="http://www.latribune.fr/economie/international/les-suisses-voteront-pour-oter-aux-banques-leur-pouvoir-de-creation-monetaire-539180.html">retrait du pouvoir de création monétaire des banques commerciales</a>. Le virage à 180° est total. Il ne s’agit plus de s’appuyer sur la discipline de marché et l’autorégulation des banques, pilier de l’approche réglementaire des banques depuis <a href="http://www.iotafinance.com/Definition-Bale-1.html">Bâle I en 1988</a>. Cela signifie au contraire combien les banques inspirent une totale absence de confiance. Elles ne sont plus les leviers des solutions à mettre en œuvre, elles sont identifiées comme les causes des problèmes à résoudre.</p>
<p>Le 31 mars 2015, le premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson (démissionnaire depuis l’affaire des « Panama papers » !) se saisit d’un rapport parlementaire intitulé <a href="http://positivemoney.org/2015/04/iceland-fundamental-reform-monetary-system-must-considered/">« A Better Monetary System for Iceland »</a>. En Suisse, le 1<sup>e</sup> décembre 2015 est déposée l’initiative populaire « Pour une monnaie à l’abri des crises : émission monétaire uniquement par la Banque nationale ! » (<a href="http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/">Initiative Monnaie pleine</a>). De quoi s’agit-il ? Pour l’essentiel, l’idée consiste à donner le monopole de tous les moyens de paiement à la Banque centrale (la Sedlabanki pour l’Islande, la Banque Nationale Suisse pour la Confédération).</p>
<h2>Le déséquilibre monnaie fiduciaire – monnaie scripturale</h2>
<p>Or, les systèmes bancaires contemporains fonctionnement de la façon suivante. D’une part, la Banque Centrale a le monopole de la monnaie dite légale (billets, pièces soit la monnaie fiduciaire) ; elle les crée, les gère, etc. D’autre part, les banques ont à leur charge les dépôts bancaires (soit la monnaie scripturale) dont les supports sont multiples (cartes bleues, chèques, virements, etc.) ; il leur appartient de créer, proposer et gérer ces instruments monétaires. Ce qui surprend souvent c’est l’apparent déséquilibre entre la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale.</p>
<p>Dans la plupart des économies avancées, seules les transactions de faibles montants se font encore en billets ou pièces et l’essentiel de nos paiements quotidiens se fait depuis longtemps sous forme de monnaie scripturale. Qui paie encore son loyer ou sa voiture en espèces ? En France, il circule plus de 900 milliards d’euros de billets… pour plus de 4 000 milliards sous forme de dépôts de court terme ! Si l’on ajoute les dépôts de long terme, le ratio s’effondre et tombe à 10 % de billets pour l’ensemble de la masse monétaire française.</p>
<h2>Réformer la création monétaire</h2>
<p>Ce que dénoncent alors les Islandais et les Suisses – et d’autres encore dans beaucoup de pays – c’est donc le pouvoir des banques sur la forme de monnaie la plus répandue. Ce pouvoir est un pouvoir de gestion et… de création. Retirer ce droit aux banques permettrait de se prémunir des crises monétaires et financières.</p>
<p>Trois types d’arguments sont avancés. Cela éviterait d’exposer la population à un désordre monétaire en cas de faillites bancaires ; rappelons que l’Islande a connu une période noire en 2008-2009 pendant lesquels ses banques ont été impliquées dans la récession du pays et ont frôlé la faillite totale du système. La création monétaire des banques générerait une taxation supplémentaire ; il est fait référence ici aux plans de sauvetage des banques par les pouvoirs publics. Enfin, si seule la Banque Centrale crée la monnaie, cette dernière redevient un outil d’expression populaire.</p>
<p>Finalement, cela rejoint un mouvement plus global. Les initiatives citoyennes en matière monétaire et financière se multiplient depuis quelques années entre monnaies locales, produits d’épargne éthiques, plateformes de <em>crowdfunding</em>. Le rejet du monde de la finance traditionnelle semble partager aussi bien par le grand public que par des autorités politiques !</p>
<h2>Séparer activités monétaires et activités de marché</h2>
<p>Malheureusement, cette réforme de la création monétaire comporte des faiblesses de raisonnement. Inutile d’aller jusque-là pour éviter les faillites bancaires et les plans de sauvetage coûteux. Les activités bancaires traditionnelles comme la création monétaire ne génèrent pas de crises en tant que telles. En revanche, c’est justement l’abandon de ces activités pour des activités de marché qui déstabilisent le système financier.</p>
<p>Séparer les activités monétaires des activités spéculatives suffirait à se préserver des risques de faillites, et donc de disparition de la monnaie scripturale, alors que les banques se mettent régulièrement en danger en spéculant sur les marchés financiers. C’est moins ambitieux et déjà difficile à mettre en place. Par ailleurs, la plupart des Banques Centrales sont indépendantes du pouvoir politique ; elles ne sont pas issues d’un processus démocratique, loin s’en faut, et par définition ne peuvent pas incarner une volonté populaire !</p>
<p>Enfin et surtout, la principale faiblesse de ces propositions concerne la réalité du pouvoir des banques et de la supposée dangerosité de la création monétaire. Elles ne créent pas de la monnaie par le simple fait de leur volonté, elles le font quand leurs clients leur demandent un crédit. Une fois l’octroi du prêt accordé, elles peuvent effectivement créditer le compte du client avec de la monnaie scripturale… Pas avant ! Cette création monétaire dépend donc des demandes de crédits et de la situation économique et non l’inverse.</p>
<p>Ceci dit, les propositions islandaise et suisse rappellent l’importance d’avoir un système de paiement stable et surtout, comme pour les autres initiatives financières alternatives, d’avoir une monnaie au service de l’économie. Le problème n’est pas tant la création monétaire. C’est avant tout le fait que les banques sont autorisées à intervenir massivement sur les marchés financiers. Peut-être que c’est ce dernier point qui devrait être interrogé : Remettre la finance à sa place, comme support de l’économie, consisterait déjà à prendre la mesure des activités spéculatives. Les activités de crédit, elles, sont à l’inverse des outils fondamentaux à tout projet économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Monvoisin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis la crise de 2008, les banques souffrent d’une perte de confiance et les initiatives se multiplient pour les encadrer mieux. Et si on leur ôtait le pouvoir de créer de la monnaie ?Virginie Monvoisin, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.