tag:theconversation.com,2011:/global/topics/taxes-21032/articlestaxes – The Conversation2023-10-12T17:22:43Ztag:theconversation.com,2011:article/2087072023-10-12T17:22:43Z2023-10-12T17:22:43ZMoi, M. Martin, je vous raconte ma vie de super riche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552070/original/file-20231004-19-5ee4u9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C2038%2C1324&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bernard Arnault, plus grosse fortune française prononce un discours devant les élèves de Polytechnique en 2017. Pour beaucoup, il incarne l'idéal-type du très très riche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bernard_Arnault_%285%29_-_2017.jpg">Jérémy Barande / Ecole polytechnique Université Paris-Saclay/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Si je me permets de prendre la plume dans The Conversation aujourd’hui, c’est que je trouve qu’on ne nous donne pas assez la parole. Nous ? Les riches. Bien sûr, on montre la richesse, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Mais si l’on réfléchit bien, on nous entend peu. Il faut dire que beaucoup de mes congénères préfèrent se cacher. Ce n’est pas mon cas. Laissez-moi vous raconter ce que c’est que d’être riche et, passez-moi l’expression, ce que l’on nous offre…</p>
<p>Commençons par le commencement. Vous savez ce que c’est qu’un riche, vous ? Bien entendu, vous en avez une idée, tout le monde en a une. Généralement, ce n’est pas soi-même. Tout le monde ? Pas tout à fait, si l’on réfléchit bien. L’État, par exemple, se garde bien trop de définir explicitement ce qu’est un riche. Il existe un seuil officiel de pauvreté mais pas de <a href="https://www.inegalites.fr/Comment-mesure-t-on-la-pauvrete-en-France">seuil de richesse</a>.</p>
<p>Ce n’est pourtant pas que l’on manque de manières de la définir ! La plus évidente consiste à regarder du côté de ce que l’on possède. Un riche possède un patrimoine élevé, financier et/ou immobilier. Pour vous permettre de vous situer, en France, en 2017, 10 % seulement des ménages ont un patrimoine net supérieur à 549 600 euros, 5 % à 794 800 euros et 1 % à 1 745 800 euros. J’ai la chance – même si je n’aime pas trop ce terme – de compter parmi ces derniers.</p>
<p>On peut aussi regarder du côté des revenus. Un riche touche beaucoup d’argent régulièrement. Pour être parmi les 10 % les mieux payés, il faut gagner plus de 3 261 euros net, 4 090 euros pour être parmi les 5 % et 6 651 pour compter parmi les 1 % (dont je fais partie, mais vous l’aviez sans doute deviné à ce stade).</p>
<p>Il existe des définitions plus subtiles. Par exemple, on peut penser qu’être riche, c’est ne pas avoir besoin de travailler pour vivre, parce que l’on peut vivre de ses rentes. Il faudrait pour cela posséder un <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24995">patrimoine financier de 1,4 million d’euros</a>. C’est aussi mon cas au passage.</p>
<h2>Les définitions implicites de la richesse</h2>
<p>On pourrait convoquer d’autres définitions de la richesse, qui ne manquent pas. Mais je voudrais évoquer celles que j’aime qualifier de « définitions implicites » de la richesse. De quoi s’agit-il ? De celles de l’administration, fiscale en l’occurrence, qui établit, sans trop le crier sur les toits, des seuils de richesse.</p>
<p>Prenons l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), que je connais bien. L’État estime qu’à partir d’un certain niveau de patrimoine immobilier (en l’occurrence, 1,3 million d’euros, après abattements), on doit être assujetti à un impôt spécifique. C’est bien qu’on est jugé (trop ?) riche à partir de ce seuil ! Mais on peut également citer le plafonnement des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-est-il-si-difficile-de-reformer-les-niches-fiscales-191801">niches fiscales</a>, c’est bien qu’au-delà d’un certain niveau de revenu, on est trop riches pour en bénéficier davantage.</p>
<p>Certes, ce plafonnement n’est contraignant en théorie que pour les célibataires touchant plus de 4 470 euros par mois (ou pour les couples avec deux enfants ayant plus de 13 400 euros de revenus). Mais là encore, l’État reconnaît qu’au-delà d’une certaine limite, on est trop riches pour bénéficier de ristournes fiscales.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-la-bourgeoisie--9782707146823-page-8.htm">Les définitions de la richesse</a> ne manquent donc pas mais sans définition officielle, les riches sont statistiquement et institutionnellement invisibilisés. On compte les pauvres – mais pas les riches. Je ne suis pas naïf et je sais bien que cette invisibilisation a des effets sociaux : en ne nous comptons pas, on complique nécessairement la mise en place de politiques publiques spécifiques à l’égard des riches. Grand bien m’en fasse.</p>
<h2>Sécurité fiscale vs Sécurité sociale</h2>
<p>Accumuler, c’est bien. Gagner de plus en plus, chaque année, c’est très satisfaisant, je ne vous le cache pas. Mais sécuriser sa richesse, c’est encore mieux. Car si j’espère évidemment accroître ma fortune, ce que je souhaite par-dessus tout, c’est la maintenir. Et l’État, c’est formidable, nous y aide. Je vais vous parler franchement : le « fisc », comme on dit, est un fidèle allié. J’ai d’ailleurs trouvé un nom pour ça : la « Sécurité fiscale ». C’est un peu comme la Sécurité sociale, mais pour les riches.</p>
<p>Laissez-moi vous donner quelques exemples pour montrer que les règles fiscales en vigueur dans notre pays, loin de nous faire fuir, nous permettent d’y passer des jours paisibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation du 10 décembre contre le projet de « réforme » des retraites.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49199944323">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Commençons par l’<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N20074">impôt sur la fortune immobilière</a> (IFI), dont je vous ai déjà parlé. Ma modeste fortune s’élève à 4,3 millions d’euros, dont 2,3 millions en immobilier. Je vous passe les calculs, mais mon IFI s’élève à environ 450 euros mensuels, soit 3 % de mes revenus. Très honnêtement, ce n’est pas la mer à boire.</p>
<h2>Le fisc cet allié</h2>
<p>Mais laissez-moi vous raconter le plus drôle… Savez-vous qui détermine le montant de mon patrimoine immobilier ? Le fisc à l’aide des statistiques très précises qu’il possède sur les ventes ? Une intelligence artificielle qui s’appuierait sur le prix des annonces immobilières ? Des inspecteurs des impôts qui se déplaceraient sur place ? Que nenni : c’est moi ! Oui, c’est moi qui détermine le montant de la fortune sur laquelle je vais être taxé : il s’agit d’un <a href="https://www.impots.gouv.fr/particulier/questions/comment-declarer-limpot-sur-la-fortune-immobiliere-ifi">impôt déclaratif</a>…</p>
<p>Pour tout vous dire, il n’est pas impossible que je l’estime à la baisse. Nos gouvernants ont moins de pudeur avec les bénéficiaires du RSA, comme le montrent les discussions actuelles sur l’éventuelle réforme de cette prestation pour aller vers plus de contrôle.</p>
<p>Il faut également compter sur le <a href="https://www.economie.gouv.fr/particuliers/prelevement-forfaitaire-unique-pfu">Prélèvement forfaitaire unique</a> (PFU), mis en place en 2018 pour éviter que les revenus du capital ne soient trop taxés (à un taux qui peut être inférieur, pour une raison qui m’échappe moi-même, à ceux appliqués aux revenus du travail). Je peux également évoquer la faiblesse relative des taux supérieurs de l’impôt sur le revenu. Le taux supérieur est en effet actuellement de 45 % (au-delà de 168 994 euros de revenus sur une année). Je ne vais pas me plaindre : il était systématiquement entre 60 % et 70 % pendant les Trente Glorieuses.</p>
<p>Vraiment, croyez-moi, la fiscalité française n’a vraiment rien de confiscatoire pour les riches. J’ai l’impression qu’on fait tout pour qu’elle nous soit douce. Vive la Sécurité fiscale !</p>
<h2>Sécuriser le consentement à l’impôt</h2>
<p>Mais l’État va plus loin dans sa louable ambition de sécuriser la richesse. Non seulement je peux difficilement dire que je suis étranglé par les impôts, mais je peux en partie présider leur destinée, grâce aux fameuses niches fiscales. C’est la manière qu’a l’État, sans doute, de sécuriser mon consentement à l’impôt.</p>
<p>Le cas le plus emblématique est sans doute celui des salariés à domicile, dont l’État prend en charge le coût, dans une certaine limite. Comme j’emploie une femme de ménage, mes impôts sont réduits d’un peu plus de 5 000 euros (soit à peu près le montant de mon IFI !). Une partie des impôts que je suis censé payer me profite directement. Et les dons aux partis politiques, vous connaissez ? Chaque don à un parti politique ouvre droit à une réduction d’impôt de 66 % de son montant, dans une certaine limite. Mais cette réduction d’impôt ne s’applique que si… on est imposable à l’impôt sur le revenu. Cela signifie que quand je fais un don à mon parti politique préféré (peut-être aurez-vous deviné lequel), on m’en rembourse les deux tiers – alors que mon concierge, pas assez payé pour être imposable comme <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/impots-fiscalite/impots/cinq-chiffres-etonnants-sur-les-impots-des-francais-21d85be6-1f6b-11ec-a4db-d0e3da9e796f">près de la moitié des ménages en France</a>, y est entièrement de sa poche quand il effectue un versement à son parti (qui n’est pas le même que le mien, comme vous pouvez l’imaginer).</p>
<p>Non content de m’épauler ainsi dans le maintien de ma richesse, l’État m’aide à la transmettre. Je ne sais pourquoi les Français détestent à ce point les droits de succession. Franchement, je suis bien placé pour savoir que même quand on est riches, ce n’est pas grand-chose. Non seulement les <a href="https://www.impots.gouv.fr/particulier/questions/comment-dois-je-calculer-les-droits-de-succession">taux d’imposition</a> en ligne directe sont faibles, mais il existe des abattements. Pour vous donner un ordre de grandeur, sur les 4,3 millions de patrimoine que nous possédons avec mon épouse, nos deux enfants ne devraient s’acquitter, à notre mort, que de 15 % de la somme. Il leur restera de quoi voir venir.</p>
<h2>Les riches, des assistés ?</h2>
<p>Voila ce que c’est que d’être riche. Il me reste qu’à remercier tous les acteurs qui m’assistent dans la gestion de ma richesse : les gestionnaires de fortune, les notaires et les avocats fiscalistes, capables de trésor d’ingéniosité pour m’aider à payer le moins d’impôts possibles. Comme me l’a dit un jour dans un grand éclat de rire l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Vous savez M. Martin, certains sont plus égaux que d’autres face au droit fiscal ! »</p>
</blockquote>
<p>Et bien entendu, l’État lui-même, qui me semble tout faire pour m’aider à maintenir mon rang. Si vous saviez comment l’administration fiscale me reçoit… Alexis Spire, dans son ouvrage <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/faibles-et-puissants-face-a-limpot/"><em>Faibles et puissants face à l’impôt</em></a>, publié en 2012, le raconte très bien. L’administration fiscale sait me faire sentir que je ne suis pas un contribuable comme les autres et, bien souvent, on trouve le moyen de s’arranger.</p>
<p>De vous à moi, en mon for intérieur, je me surprends à penser que les vrais assistés ne sont pas les récipiendaires du RSA comme le gouvernement aime à les pointer, mais bien nous, les (très) riches ! Et si, le coût de la richesse – car elle a un coût, vous l’avez compris maintenant – était supérieur au coût de la pauvreté pour le bien commun ?</p>
<p>Alors, de quoi M. Martin est-il le nom ?</p>
<p><em>Monsieur Martin n’existe pas. Mais il a une fonction : donner à voir, sous la forme d’un récit, le (très) riche d’aujourd’hui. M. Martin est un riche imaginaire, à la fois une construction et une réalité. M. Martin n’est pas une personne, mais il n’est pas rien. Il est le nom d’une réalité statistique : l’idéal-type financier et fiscal d’un très riche (1 % des plus riches en France).</em></p>
<hr>
<p><em>Cet article a été publié en partenariat avec la <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24995">revue Terrain</a> et son numéro 78 <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24889">« Capitalisme sauvage »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Monsieur Martin n’existe pas. Mais il a une fonction : donner à voir, sous la forme d’un récit, le (très) riche d’aujourd’hui.Arthur Jatteau, Maître de conférences en économie et en sociologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2133002023-09-13T19:52:34Z2023-09-13T19:52:34ZHausse de la taxe foncière : vers l’infini et au-delà ?<p>La seule véritable incertitude avec un « marronnier », ce n’est naturellement pas sa survenance, mais bien la taille des marrons. Et cette année, en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB pour les intimes), ils sont d’un fort beau gabarit. La presse économique n’hésite pas à parler d’une <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/la-taxe-fonciere-explose-51-25-dans-certaines-villes-pour-les-proprietaires-974414.html">« explosion »</a> de cet impôt, avec dans certaines grandes villes des augmentations à deux chiffres dépassant très largement le niveau de l’inflation (+51,9 % à Paris, +31,5 % à Grenoble, +21,2 % à Troyes, +20,5 % à Metz, +19,6 % à Issy-les-Moulineaux, etc.).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1696923699419529427"}"></div></p>
<p>Même si la <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/9_statistiques/data_colloc/analyse_fdl/2023/taux_votes_2023_communes_epci_synthese.pdf">communication</a> de la Direction générale des finances publiques publiée en août dernier nous rappelle bien que des augmentations spectaculaires et médiatisées ne font pas statistiquement une tendance, il se passe incontestablement quelque chose du côté de cet impôt. Retour sur les ressorts d’une hausse qui pourrait bien être tendancielle.</p>
<h2>Une assiette prise en étau</h2>
<p>Attention, nous ne parlerons ici que de votre seule taxe foncière sur les propriétés bâties, qui ne représente, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, qu’une partie de la somme à payer figurant sur la première page de votre avis d’imposition. En effet, d’autres prélèvements sont effectués avec la TFPB : la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (à l’objet éponyme), la <a href="https://investir.lesechos.fr/placements/impots/quest-ce-que-la-taxe-gemapi-qui-fait-gonfler-les-prelevements-fonciers-1925514">taxe dite Gemapi</a> (visant à financer la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations), certaines taxes spéciales d’équipement… Ces impôts annexes ont leur propre dynamique, et contribuent de leur côté à la hausse de la facture globale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Gemapi, c’est quoi ? (Communauté de Communes du Briançonnais, 2020).</span></figcaption>
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<p>Concernant votre taxe foncière sur les propriétés bâties, son mode de calcul est assez simple : elle est le résultat du produit d’une assiette, en l’espèce l’estimation de la valeur de votre bien <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobilier</a>, par un taux d’imposition. La responsabilité de l’évolution annuelle de ces deux composantes est, cela ne vous surprendra pas, partagée :</p>
<p>La valeur locative cadastrale (l’estimation évoquée plus haut, dans son appellation administrative) fluctue chaque année en fonction d’un indice de révision qui, jusqu’à récemment, était voté par les parlementaires dans le cadre de la loi de finances.</p>
<p>Le taux lui relève, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000886764">depuis le début des années 1980</a>, des collectivités locales récipiendaires de l’impôt (aujourd’hui, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/communes-78900">communes</a> et les intercommunalités), qui le votent chaque année en parallèle de l’adoption de leur budget primitif.</p>
<p>En 2023, l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties a augmenté de <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/les-bases-des-impositions-locales-devraient-etre-revalorisees-de-71-en-2023">7,1 %</a>. Une hausse record, après une augmentation déjà inédite de 3,4 % en 2022. Pour mémoire, la hausse annuelle était en moyenne de 1,6 % entre 2005 et 2015. C’est là le premier ressort de la hausse de votre taxe foncière.</p>
<h2>Tant qu’il y aura de l’inflation…</h2>
<p>Comment expliquer une telle augmentation, alors que l’on pourrait pourtant imaginer les parlementaires soucieux de préserver le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">pouvoir d’achat</a> de leurs concitoyens ? Depuis le début des années 1980, comme on l’a dit, les parlementaires déterminaient l’indexation annuelle de cette assiette : officiellement <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038686806">« en tenant compte de la variation des loyers »</a>, en réalité en étant toujours attentif au contexte économique et social.</p>
<p>Dans le cadre de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033734169">loi de finances pour 2017</a>, les parlementaires, dans une démarche positiviste qui collait bien à l’esprit (initial) de la législature, ont fait le choix d’automatiser et donc de dépolitiser cette hausse : elle se fera désormais sur la base de l’indice des prix à la consommation. S’il était impossible à l’époque d’anticiper le retour de l’inflation que nous connaissons aujourd’hui, on peut reconnaître que les parlementaires ont été bien malheureux de renoncer à l’époque à cette prérogative (discutable certes) qui était historiquement la leur.</p>
<p>Tant qu’il y aura de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a>, dans le cadre réglementaire actuel, l’assiette de votre taxe foncière continuera donc d’augmenter.</p>
<h2>Une hausse plus ou moins justifiée</h2>
<p>On pourrait légitimement se dire que, si l’assiette augmente au niveau de l’inflation comme nous venons de le voir, le taux de la taxe foncière pourrait lui rester stable. Il n’en est rien, pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’une part, parce que les autres recettes de fonctionnement des communes et de leurs intercommunalités augmentent elles bien moins vite que l’inflation. Les dotations versées par l’État, qui, rappelons-le, augmentaient il y a encore une quinzaine d’années <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/218454-lionel-jospin-09071998-contrat-de-croissance-et-de-solidarite">du niveau de l’inflation et d’une partie de la croissance</a>, se stabilisent après avoir connu quelques années de baisse (contribution du secteur local à la maîtrise des finances publiques).</p>
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<p>D’autre part, parce que nous sommes encore dans la première partie du bien connu <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi7-sL-pqCBAxV1T6QEHdfaAIIQFnoECB8QAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.cairn.info%2Fload_pdf.php%3Fdownload%3D1%26ID_ARTICLE%3DECOP_174_0113&usg=AOvVaw0flGQzyzp4HHWudmXm9F2y&opi=89978449">cycle électoral</a> pour les communes. Les maires élus en 2020, rééligibles en 2026, ont naturellement augmenté les taux des impôts locaux en 2022 ou en 2023 pour financer la mise en œuvre de leurs programmes… et ne pas avoir à le faire à une ou deux années de leur retour devant les électeurs.</p>
<p>Enfin, parce que la taxe d’habitation a disparu, comme une décennie avant elle la taxe professionnelle. Bien qu’elle ait été <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/285505-suppression-de-la-taxe-dhabitation-quel-effet-sur-les-finances-locales">compensée à l’euro près</a> dans les budgets locaux, <a href="https://theconversation.com/suppression-de-la-taxe-dhabitation-sur-les-residences-principales-les-impenses-de-la-reforme-168770">aucun nouveau levier fiscal n’est venu combler le vide qu’elle laissait</a>. Résultat, quand il s’agit d’augmenter les ressources budgétaires, les exécutifs locaux ne peuvent plus mettre en œuvre de réelle stratégie fiscale (quelle catégorie de contribuables solliciter davantage cette année ?) et n’ont presque plus qu’une seule option : augmenter la taxe foncière. En football, c’est un peu comme de passer de Pep Guardiola à Igor Tudor…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1446014066321813511"}"></div></p>
<p>Et ce ne sont là que les principales explications. Nécessité mettre les investissements publics au niveau des attentes des citoyens, restaurer les équilibres budgétaires après quelques années de <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/Finances%20locales/OFGL_cap_sur_17_effet_crise_Covid_sur_fin_locales_22-06-2022.pdf">« quoi qu’il en coûte » à la sauce locale</a>, absorber les augmentations budgétaires imposées par l’État comme la <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/818721/point-dindice-comment-compenser-la-hausse/?abo=1">hausse de la rémunération des fonctionnaires</a>… Autant de raisons, plus ou moins légitimes, que les <a href="https://www.ledauphine.com/economie/2023/08/31/isere-grenoble-votre-taxe-fonciere-vient-de-tomber-eric-piolle-explique-la-hausse">élus locaux</a> mobilisent pour justifier la hausse des taux qu’ils ont décidée.</p>
<h2>Et demain ?</h2>
<p>Alors, 2023 sera-t-il une année record ou bien une étape de plus dans la hausse tendancielle de votre taxe foncière ? Soyons prudents en matière de prévision, même les meilleurs s’y cassent les dents (on rappellera que, lorsqu’on lui a annoncé la fin de la guerre froide pendant son sommeil hypothermique, <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=10367.html">Austin Powers</a> s’exclama « Enfiiin ! Ces porcs capitalistes vont payer pour leurs crimes ! N’est-ce pas <em>tovarisch</em> ? »…).</p>
<p>Dans le cadre réglementaire actuel, c’est-à-dire sans révision des modalités de calcul et d’évolution des valeurs locatives cadastrales (aux dernières nouvelles, ce ne sera pas avant 2028) et <a href="https://tnova.fr/economie-social/territoires-metropoles/quel-avenir-pour-limpot-local-quel-financement-des-services-publics-locaux/">sans changement dans les leviers à la disposition des élus locaux pour moduler leurs ressources</a>, il est peu probable que la facture ne s’alourdisse pas dans les prochaines années. Notamment parce que les mairies et leurs intercommunalités, plus encore que les autres strates de collectivités, sont face à un mur d’investissement pour adapter à moyen terme nos villes aux conséquences du changement climatique. À suivre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Eisinger est administrateur de l'AFIGESE (réseau de professionnels des collectivités territoriales en finances publiques locales, gestion publique locale et évaluation des politiques publiques)</span></em></p>Privées du levier fiscal de la taxe d’habitation, les communes et les intercommunalités se tournent notamment vers les propriétaires pour trouver des recettes de fonctionnement.Thomas Eisinger, Professeur associé en droit, gestion financière et management des collectivités, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2113672023-08-20T20:00:41Z2023-08-20T20:00:41ZTaxer plus fortement les alcools en France : une affaire de symbole plus que de recettes<p>Mi-juillet, le gouvernement français laissait entrevoir un projet d’<a href="https://www.lefigaro.fr/conso/le-gouvernement-envisage-d-augmenter-les-taxes-sur-l-alcool-a-la-rentree-20230718">augmentation des taxes sur les alcools</a>, une évolution qui serait discutée à la rentrée dans le cadre de l’examen du budget de la Sécurité sociale. La colère dans la filière <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vin</a> et spiritueux a été immédiate. Les 44 députés du <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/taxes-sur-lalcool-le-gouvernement-temporise-face-a-la-fronde-des-deputes-1967928">groupe d’étude « Vignes et Vins »</a>, notamment, dont certains sont membres de la majorité, ont interpellé le ministre de l’Agriculture pour l’exhorter à faire machine arrière.</p>
<p>La réforme envisagée par le gouvernement n’est pas encore précisément connue. Le projet devrait cependant s’inspirer de celle qui a touché le <a href="https://theconversation.com/topics/tabac-21029">tabac</a> au 1<sup>er</sup> janvier 2023 en ne touchant pas à la <a href="https://theconversation.com/topics/taxe-sur-la-valeur-ajoutee-tva-112419">TVA</a> mais à des taxes particulières que l’on appelle les droits d’accise. Ils concernent les biens générant des externalités sociales négatives (tabac, produits pétroliers, alcools) et dont on souhaite limiter la consommation. En économie, on parle aussi de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ae/2009-v85-n4-ae3958/045070ar/">« biens tutélaires »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1687092128575373312"}"></div></p>
<p>Quatre arguments peuvent justifier un alourdissement de la <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> sur les <a href="https://theconversation.com/topics/alcool-26411">alcools</a> : générer des recettes fiscales supplémentaires, améliorer la <a href="https://theconversation.com/topics/sante-publique-23257">santé publique</a>, harmoniser la fiscalité au sein de l’Union européenne ou harmoniser la fiscalité des alcools avec celle du tabac. À y regarder de près, il semble que c’est bien le dernier argument qui paraît le plus saillant. L’enjeu derrière cette réforme semble bien symbolique et interroge la façon dont notre société perçoit en particulier les vins et alcools. Faut-il y voir un produit similaire au tabac ou bien un élément de notre <a href="https://theconversation.com/topics/patrimoine-20390">patrimoine</a> qui justifierait des exceptions ?</p>
<h2>Des augmentations de recettes limitées</h2>
<p>Les droits d’accise sur les alcools sont donnés chaque année par les <a href="https://www.douane.gouv.fr/fiche/droits-des-alcools-et-boissons-alcooliques">douanes</a>. Pour les vins tranquilles, ces droits sont aujourd’hui fixés à 3,98 euros par hectolitre, soit environ 3 centimes par bouteille de 75cl. Ils s’élèvent à 9,85€/hl pour les vins mousseux. Pour la bière, ils sont plus élevés : 7,82€/hl/degré d’alcool soit environ 40 centimes pour un litre à 5° d’alcool. Ce sont pour les spiritueux qu’ils sont les plus importants avec 1884,4€/hl d’alcool pur, soit plus de 8,25€ pour un litre à 45° d’alcool. Une exception s’applique aux rhums des territoires d’outre-mer qui sont moitié moins taxés.</p>
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<p>Jusqu’ici, le droit d’accise augmente tous les 1<sup>er</sup> janvier en fonction de l’inflation constatée à l’année N-2. L’augmentation en 2023 s’est ainsi faite proportionnellement à l’inflation observée en 2021. Le plafond d’augmentation reste toutefois fixé à 1,75 %. Pour le tabac, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000046791778">nouvelle formule de calcul</a> a fondé le calcul sur l’année N-1 (quand l’inflation commençait à se faire sentir) et le plafond a été porté à 3 %.</p>
<p>Si l’année de référence était modifiée et le plafond supprimé pour les alcools, la hausse des droits d’accise au 1<sup>er</sup> janvier 2024 s’établirait, selon les <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-juin-2023">projections d’inflation en 2023 de la Banque de France</a>, à 5,6 % contre 1,75 % sans réforme fiscale.</p>
<p>Il est alors possible de chiffrer l’impact de la réforme sur le prix des alcools et sur le surplus de recettes fiscales. Celui-ci paraît somme toute assez marginal. Si le gain sur les spiritueux n’est pas négligeable, tout en restant très limité au regard des enjeux budgétaires, il apparaît dérisoire sur le vin.</p>
<p>En fonction des <a href="https://fr.statista.com/themes/3787/l-alcool-en-france/#editorsPick">dernières données</a> de consommation d’alcool, les gains pour l’État se répartiraient ainsi : pour le vin, les droits d’accise augmenteraient d’environ 5 millions d’euros. Pour la bière le gain de la réforme se situerait autour de 35 millions d’euros. L’essentiel du gain proviendrait des spiritueux avec un surcroît de recettes attendu de près de 100 millions d’euros.</p>
<p>Ce calcul demande à être affiné en fonction des degrés d’alcool et complété car ne sont concernées que les trois grandes catégories d’alcool dans notre calcul. Il y manque par exemple les cidres et les produits dérivés. Cela donne néanmoins des ordres de grandeur réalistes. Bercy parle d’environ 300 millions d’euros, il sera intéressant de connaître le calcul qui mène à ce montant. Sans doute une hausse de la cotisation de sécurité sociale sur les alcools à plus de 18° doit également être envisagée pour parvenir à ce résultat.</p>
<h2>Santé publique, harmonisation européenne : des arguments peu crédibles</h2>
<p>L’argument de santé publique s’analyse, lui, à partir de l’élasticité-prix de la consommation d’alcool. Cet indicateur mesure de combien diminue la consommation lorsque le prix augmente de 10 %. Elle serait de l’ordre de <a href="https://fiscalite-comportementale.org/leffet-prix-sur-la-consommation-dalcool-est-il-reel/">4 %</a>, un chiffre qui n’est toutefois pas uniforme. C’est une moyenne. Dans le cas de cette réforme, une hausse du prix du vin inférieure à 1 centime peut n’avoir aucun impact sur la consommation.</p>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/09/26/prix-du-tabac-une-hausse-limitee-quand-on-la-compare-avec-l-inflation_6143295_4355770.html">études sur le tabac</a>, notamment, montrent que les hausses doivent être marquées pour créer un effet psychologique chez le consommateur. Même pour les spiritueux, malgré une hausse nettement plus forte, l’effet risque d’être dilué par une absorption de la fiscalité dans les marges des producteurs et distributeurs. Dire que cet alourdissement de la fiscalité est dicté par un enjeu sanitaire n’est donc pas crédible. En particulier pour le vin, dont la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/consommation/face-a-la-chute-continue-de-la-consommation-de-vin-les-vignerons-sonnent-l-alarme_AN-202306290047.html">consommation baisse</a> déjà en tendance séculaire en France.</p>
<p>Un autre argument qui ne peut être invoqué est celui de l’harmonisation européenne. Néanmoins, la législation des 27 ne fixe que des <a href="https://europa.eu/youreurope/business/taxation/excise-duties-eu/paying-excise-duties/index_fr.htm">minimas</a> laissant à chaque pays la liberté de taxer davantage, ce dont la France ne se prive pas. En <a href="https://administracion.gob.es/pag_Home/Tu-espacio-europeo/derechos-obligaciones/empresas/impuestos/especiales/alcohol.html">Espagne</a>, par exemple, les droits sont nuls sur le vin, et près de deux fois moins élevés sur les spiritueux.</p>
<h2>Le vin, patrimoine ou équivalent du tabac ?</h2>
<p>En définitive, l’enjeu de la réforme pourrait surtout être symbolique. Appliquer la même formule d’augmentation des droits d’accise au tabac et au vin, ce serait mettre sur un même plan ces deux produits.</p>
<p>Au regard d’externalités négatives comparables, ce choix semble cohérent. Toutefois, il paraît contradictoire avec la <a href="https://www.larvf.com/,vins-hommes-de-annee-laurent-fabius-oenotourisme,4428234.asp">position</a> énoncée par Laurent Fabius en 2015, alors ministre des Affaires étrangères, qui présentait le vin comme un art de vivre à la française. Le président Macron, élu <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/designe-personnalite-de-lannee-2022-par-la-revue-du-vin-de-france-macron-a-le-rose-aux-joues-20220104_YG3FFOILBJB3BJPQFV3TU3IBRY/">personnalité de l’année 2022 par la Revue du Vin de France</a>, semblait s’inscrire dans cette lignée en s’affichant toujours comme un défenseur du vin comme élément de la culture française.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1687117884479152128"}"></div></p>
<p>La doctrine serait-elle en train de changer ? Difficile à dire, mais ce projet donne un sentiment de confusion là où la doctrine Fabiusienne était claire et suivie par les gouvernements postérieurs. Thomas Cazenave personnalise cet été le malaise suscité par ce projet de réforme. En tant qu’élu, il connait tous les déboires liés au climat traversés par les viticulteurs chaque année. Cet été c’est le mildiou qui est en train de détruire la vigne et qui rend la filière extrêmement nerveuse. Défenseur de la filière vin en tant que député de Gironde, signataire d’un courrier mettant en garde contre l’alourdissement de la fiscalité sur le vin, il pourrait paradoxalement porter ce projet en tant que ministre délégué aux Comptes publics.</p>
<p>Tout le débat semble ainsi de savoir s’il faut aller au bout de la doctrine du vin et des alcools à base de vins (Cognac et Armagnac notamment) en tant que patrimoine culturel français en leur octroyant un statut fiscal spécial, les soustrayant aux droits d’accise comme dans les autres grands pays producteurs européens.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat est Président de la European Association of Wine Economists. </span></em></p>Recettes limitées, raisons de santé publique peu crédibles… le projet de hausse de la fiscalité des vins semble surtout interroger notre rapport à ce produit comme élément de notre patrimoine.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2063072023-05-31T16:21:52Z2023-05-31T16:21:52ZUne taxe mondiale sur les transactions financières pourrait rapporter jusqu’à 400 milliards d’euros par an<p>Aux dires d'Emmanuel Macron, le <a href="https://nouveaupactefinancier.org/">Sommet pour un nouveau pacte financier mondial</a> s'est achevé vendredi 23 juin sur « <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/direct-nouveau-pacte-financier-mondial-les-dirigeants-et-chefs-d-etat-presentent-leurs-conclusions-suivez-la-cloture-du-sommet_5904248.html">consensus complet</a> » pour « réformer en profondeur » le système financier mondial, trouver des moyens pour mieux accompagner les pays en développement dans la gestion de leur dette et intégrer davantage les enjeux climatiques. Parmi les <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l-entretien/20230623-exclusif-suivez-en-direct-l-interview-d-emmanuel-macron-sur-france-24">outils évoqués</a> par le président de la République pour financer lutte contre la pauvreté et transition verte, on retrouve l'idée d'une taxe sur les billets d'avion, sur le transport maritime ou encore sur les transactions financières (TTF) </p>
<p>Cette dernière présente les atouts qui font un bon impôt : la TTF a peu d’impact sur la croissance (peu distorsive), les recettes fiscales sont potentiellement élevées et les frais de recouvrement minimes ; elle a en outre un effet redistributif. La généralisation des taxes française ou britannique existantes aurait ainsi des effets limités sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-20382">finance</a> mondiale. Intégrer dans l’assiette le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/trading-haute-frequence-34668">trading haute fréquence</a> (qui consiste à passer une multitude d’ordres en un temps record à partir d’algorithmes et d’ordinateurs surpuissants), aujourd’hui exclu, pourrait également considérablement augmenter les recettes, tout en améliorant la transparence des marchés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1672139423864225793"}"></div></p>
<p>« Taxe Tobin », « Taxe Robin des bois » ou « TTF », quel que soit le nom qu’on lui donne, l’idée de taxer les transactions financières est très populaire, et son principe est simple : étant donné l’ampleur considérable des transactions réalisées sur les marchés financiers, il suffirait d’appliquer une microtaxe, à taux extrêmement faible, pour lever des recettes fiscales importantes, sans qu’il n’y ait d’incidences fâcheuses sur le fonctionnement des marchés ni sur l’économie. Une assiette large et un taux faible, deux ingrédients généralement attrayants. En outre, les partisans de la TTF y voient un moyen de freiner la spéculation à court terme.</p>
<p>Au Royaume-Uni, les transactions boursières sont taxées depuis le XVII<sup>e</sup> siècle. Plus de trois siècles après sa création, le <em>stamp duty</em> (droit de timbre) fait figure de modèle. En pratique, le Trésor britannique prélève une taxe de 0,5 % sur les achats d’actions émises par les sociétés britanniques, ce qui rapporte environ 4 milliards d’euros chaque année – sans que le développement de La City n’ait été entravé. Pratiquement tous les pays développés y ont eu recours, et encore aujourd’hui plus d’une trentaine de pays dans le monde taxent les transactions financières, parmi lesquels la Suisse, Hongkong ou Taïwan, ainsi que la France.</p>
<p>En France, la TTF a été (ré)introduite en août 2012. Cette taxe vise principalement les échanges d’actions, ou assimilés, des entreprises dont le siège social est situé en France et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000025509658">dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d’euros</a>. Son taux est de 0,3 % ; le taux était initialement de 0,1 %, mais a été doublé avant sa mise en application en 2012, avant d’être augmenté de nouveau en 2017. Une centaine de sociétés sont assujetties.</p>
<h2>Jusqu'à 405 milliards d'euros par an</h2>
<p>Combien pourrait rapporter une TTF au niveau de la zone euro, de l’Europe, voire du monde ? Dans une récente note, <a href="https://centredeconomiesorbonne.cnrs.fr/gunther-capelle-blancard-la-taxation-des-transactions-financieres-une-estimation-des-recettes-fiscales-mondiales/">nous examinons deux scénarios</a>, selon que la TTF ne porte que sur les transferts de propriété (comme le <em>stamp duty</em> britannique ou la TTF française) ou inclut toutes les transactions (dont le trading haute fréquence), et pour chacun de ces scénarios, nous examinons deux taux : 0,3 % (comme en France) et 0,5 % (comme au Royaume-Uni). On fait par ailleurs l’hypothèse que les deux tiers des transactions sont intrajournalières, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. On suppose également que si la TTF est étendue à ces transactions intrajournalières, alors le volume de transactions sera réduit de moitié. Nous limitons également au cas des actions (les obligations, les dérivés, les changes sont donc exclus).</p>
<p><strong>Scénario 1</strong>. Si la TTF française était généralisée (avec un taux de 0,3 %), les recettes fiscales annuelles seraient de 17 milliards d’euros pour l’UE27, 26 milliards pour l’Europe, 86 milliards pour l’Amérique du Nord, 48 milliards pour l’Asie-Pacifique. Au niveau mondial, les recettes totales pourraient s’élever à 162 milliards d’euros par an, dont 65 % pour le G7, 22 % pour les BRICS et 96 % pour le G20. Si le <em>stamp duty</em> britannique était généralisé (avec un taux de 0,5 %), les recettes fiscales annuelles seraient de 29 milliards d’euros pour l’UE-27, 44 milliards pour l’Europe, 143 milliards pour l’Amérique du Nord, 80 milliards pour l’Asie-Pacifique, pour un total au niveau mondial de 270 milliards d’euros. Les estimations sont ici très prudentes et ne posent guère de problème, puisqu’il s’agit juste de connaître le montant des transactions, les autres paramètres étant bien connus.</p>
<p><strong>Scénario 2.</strong> Si on étendait la TTF aux transactions intrajournalières, en supposant une baisse des volumes de 50 %, les recettes fiscales pourraient s’élever entre 243 et 405 milliards d’euros par an (pour un taux de 0,3 % et de 0,5 %, respectivement). L’estimation est ici beaucoup plus délicate puisqu’on ignore quel serait l’effet d’une taxe sur le volume du trading haute-fréquence.</p>
<p><iframe id="SC5XI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SC5XI/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Des réticences, malgré une très forte hausse des transactions</h2>
<p>Depuis 2012, chaque année ou presque, l’élargissement de la TTF fait l’objet de débats au parlement. Pour rappel, elle ne s’applique qu’au transfert de propriété et les opérations intrajournalières, qui recouvrent notamment les activités de trading haute fréquence, sont exclues de l’assiette. L’entrée en vigueur de cette extension aux transactions intrajournalières avait été adoptée puis reportée, du 1<sup>er</sup> janvier 2017 au 1<sup>er</sup> janvier 2018. Entre-temps, le gouvernement issu des élections présidentielles de 2017 a préféré <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/exclusif-emmanuel-macron-l-europe-et-la-france-indispensables-l-un-l-autre-5130477">revenir sur cet élargissement</a> autant, semble-t-il, pour favoriser la compétitivité de la place financière de Paris post-Brexit, que pour éviter tout risque juridique.</p>
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<p>La TTF a également du mal à s’imposer dans d’autres pays. La Commission européenne avait présenté un ambitieux projet en 2011. Celui-ci avait suscité pas mal d’enthousiasme, mais, après des années d’âpres débats <a href="https://theconversation.com/taxe-sur-les-transactions-financieres-des-concessions-pour-relancer-le-projet-europeen-108284">il n’a toujours pas abouti</a>. Ce projet a été conçu pour s’adapter efficacement à la mondialisation financière et limiter les délocalisations, mais il se heurte au manque de coopération des États en matière fiscale.</p>
<p>Dans leur ensemble, les économistes se sont <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/the-wrong-tax-for-europe-2011-10">plutôt réticents</a> à l’idée d’imposer une taxe sur les transactions, que ce soit sur les changes ou les actions, la jugeant bien souvent contre-productive. L’argument le plus souvent avancé est qu’en augmentant les coûts de transaction, la TTF pourrait nuire à la liquidité des marchés, et ainsi provoquer une augmentation de la volatilité. Or, les études d’impact menées dans les pays où une TTF existe (ou a existé) révèlent que la taxe est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1057521916301120">sans conséquence sur la liquidité des actions ou la volatilité</a> ; au mieux, les effets ne sont pas robustes. En France, l’augmentation du taux d’imposition en 2017 (de 0,2 % à 0,3 %) n’a pas eu, non plus, d’impact significatif.</p>
<h2>Un nouveau souffle pour la fiscalité</h2>
<p>Surtout, la taxe doit être mise en perspective avec l’essor considérable des transactions que l’on observe avec la libéralisation financière depuis la fin des années 1970. Au niveau mondial, tandis que le PIB a été multiplié par 15 et la capitalisation boursière par 50, le montant des transactions boursières a été multiplié par plus de 500 ! En cinquante ans, le rapport du montant total des transactions boursières sur le PIB est passé de 5 % à 200 %. Ces ratios sont des ordres de grandeur car il est devenu très difficile aujourd’hui, avec le développement des multiples plates-formes de trading de mesurer le montant total des transactions.</p>
<p><iframe id="NaP0f" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NaP0f/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’heure où les gouvernements cherchent à financer la lutte contre le changement climatique ou à l’aide au développement, la TTF apparaît donc comme un levier fiscal de choix. La TTF est aujourd'hui une source de revenus non négligeable pour de nombreux pays : 1,5 milliard d’euros en Suisse, près de 5 milliards d’euros au Royaume-Uni, et plus de 7 milliards d’euros en Corée du Sud, à Hongkong, ou à Taïwan ! En France, les recettes fiscales sont de près de 2 milliards d’euros.</p>
<p>En Europe, les débats sur le projet de TTF portent justement aujourd’hui sur la prise en compte des transactions intrajournalières, qui représentent la très grande majorité des volumes aujourd’hui, mais qui sont exemptées par les taxes en vigueur. Et non sans raison, quand on considère la manne fiscale qu’elles représentent. Toutefois, au-delà de la somme, il s’agit aussi, avec les avancées de la TTF, de réaffirmer la volonté de réformer le système financier, d’abandonner le dogme de l’efficience des marchés, et de <a href="http://www.amf-france.org/Publications/Lettres-et-cahiers/Revue-du-Conseil-scientifique/">donner un nouveau souffle</a> à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> dans un monde globalisé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gunther Capelle-Blancard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La généralisation des modèles fiscaux français et britannique ainsi que la taxation des activités de trading haute fréquence génèreraient d’importantes ressources financières pour les États.Gunther Capelle-Blancard, Professeur d'économie (Centre d'Economie de la Sorbonne et Paris School of Business), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2045172023-04-27T14:06:36Z2023-04-27T14:06:36ZInondations : les contribuables supportent le coût élevé des dommages<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/info/en-direct/1009915/inondations-quebec-municipalites-etat-urgence">Les inondations ont forcé l'évacuation de milliers de résidents</a> et trois municipalités, dans Lanaudière et Charlevoix, ont décrété l'état d'urgence, en avril. Le bilan de ces crues printanières, violentes par endroit, n'est pas encore établi mais il sera vraisemblablement coûteux, et pas seulement du côté matériel : <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1975827/inondations-baie-saint-paul-charlevoix-crues-rivieres-pompiers-disparus-recherches">deux pompiers volontaires manquent à l'appel dans la région de Baie-St-Paul</a>. </p>
<p>Sans trop le savoir, les contribuables canadiens sont grandement exposés aux conséquences financières de ces inondations. Leur fréquence et leur ampleur ne donnent aucun répit aux payeurs de taxes. La croissance du coût des dommages est fulgurante : lors des inondations de 2017 et 2019 au Québec, qui ont affecté respectivement 293 et 240 municipalités, <a href="https://www.quebec.ca/gouv/politiques-orientations/plan-de-protection-du-territoire-face-aux-inondations/bilan-annuel-du-plan-de-protection-du-territoire-face-aux-inondations">le gouvernement provincial a déboursé près d’un milliard de dollars</a> et les assureurs privés, 500 millions en indemnités. Cette croissance est largement attribuable à l’augmentation de la population dans les zones inondables. </p>
<p>Le cocktail devient explosif lorsqu’il est combiné aux phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les tornades et les pluies diluviennes. Un nouveau mode de partage plus équitable du coût de ces dommages pour les contribuables est nécessaire.</p>
<p>Candidat au doctorat en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal, mes travaux portent sur le rôle des municipalités du Québec dans le partage du risque d’inondations. J’ai notamment piloté la création du Fonds d’assurance des municipalités du Québec, un assureur spécialisé dans la gestion et le transfert des risques municipaux. </p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-au-quebec-qui-paie-pour-quoi-et-comment-157756">Inondations au Québec : qui paie pour quoi et comment</a>
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<h2>Une cartographie vétuste et déficiente</h2>
<p>Environ 80 % des municipalités canadiennes <a href="https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/vltn-ntnl-dsstr-mtgtn-prgrm-2019/index-en.aspx">se sont établies au départ dans des zones inondables</a>. Cette statistique peut s’expliquer par le développement historique des communautés le long des cours d’eau. En raison de la croissance démographique, le Bureau d’assurance du Canada estime qu’aujourd’hui, 20 % des résidences sont situées <a href="https://doi-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.1111/risa.13978">dans une zone inondable répertoriée</a>. Le phénomène <a href="http://www.ibc.ca/on/disaster/water/flooding-in-canada">ne fait que s’amplifier</a>. </p>
<p>Cependant, ce chiffre de 20 % demeure largement sous-estimé puisqu’il repose sur une <a href="https://www.cehq.gouv.qc.ca/zones-inond/index.htm">cartographie des zones inondables désuète</a>. En 2019, plus de la moitié des lots inondés au Québec étaient situés <a href="https://www.quebec.ca/gouv/politiques-orientations/plan-de-protection-du-territoire-face-aux-inondations/gestion-rives-littoral-zones-inondables/projet-regime-transitoire-gestion-zones-inondables-rives-littoral">à l’extérieur des zones inondables répertoriées</a>. Les cartes actuelles ne tiennent pas compte non plus des obstructions possibles par la glace, de la rupture de digues ou de barrages ou encore des phénomènes météorologiques extrêmes. </p>
<p>Le fait de concevoir de nouvelles cartes de zones inondables conduit inévitablement à un élargissement des zones à risque. Cela peut ainsi limiter le potentiel de développement d’un territoire et réduire considérablement la valeur des terrains. Dans ce contexte, certaines municipalités <a href="https://www.cairn.info/revue-philosophique-2018-3-page-391.htm">font preuve d’aveuglement volontaire</a>. </p>
<p>L’opposition du monde municipal à l’ajout de nouvelles zones inondables par le gouvernement du Québec démontre à quel point la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1209642/consultations-zones-inondables-carte-zone-intervention-speciale-outaouais">cartographie du risque d’inondations est un enjeu politique</a>.</p>
<h2>L’aménagement du territoire : source de conflits d’intérêts</h2>
<p>Toutefois, les déficiences en matière de cartographie n’expliquent pas à elles seules l’augmentation de la population dans les zones inondables. </p>
<p>Les municipalités jouissent d’une grande discrétion en matière d’aménagement du territoire. Elles deviennent les arbitres de la réduction du risque d’inondations, des avantages économiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1462901121000319">et du bien-être individuel</a> d’une minorité de la population. </p>
<p>Ainsi, un <a href="https://policyoptions.irpp.org/magazines/may-2019/les-municipalites-du-quebec-face-aux-inondations/">conflit d’intérêts</a> survient lorsqu’une municipalité priorise le développement immobilier sur son territoire au détriment du risque d’inondations. Toutefois, cette responsabilité d’occupation des zones inondables est partagée avec les individus. En effet, ce même conflit d’intérêts existe lorsqu’un citoyen ou une citoyenne occupe une zone inondable sachant que les programmes d’aide gouvernementaux viendront l’indemniser en cas d’inondations.</p>
<h2>Les solutions proposées</h2>
<p>L’ampleur des dommages lors des <a href="https://www.donneesquebec.ca/recherche/dataset/cartographie-des-inondations-majeures-avril-mai-2017">inondations de 2017</a> et de <a href="https://www.donneesquebec.ca/recherche/dataset/cartographie-des-inondations-printemps-2019">2019</a> au Québec a ravivé le débat quant à qui incombe la responsabilité de payer pour ces catastrophes successives, et de la mise en œuvre des mesures de réduction du risque d’inondations. </p>
<p>La situation est telle que la pérennité des divers programmes gouvernementaux d’aide post-catastrophe est remise en question. Dans le régime actuel, le gouvernement fédéral assume plus de 70 % de la facture lors de catastrophes majeures par le biais des <a href="https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/mrgnc-mngmnt/rcvr-dsstrs/dsstr-fnncl-ssstnc-rrngmnts/index-en.aspx">Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC)</a>. Le tiers restant est déboursé par la province et, dans une moindre mesure, par les assureurs privés. Ainsi, l’ensemble des contribuables participe au financement des indemnités à répétition qui sont versées à une minorité grandissante de sinistrés.</p>
<p>En réaction, le ministère de la Sécurité publique du Canada a annoncé la création <a href="https://portail-assurance.ca/article/assurance-contre-les-inondations-des-pistes-pour-le-programme-national/">d’un programme national d’assurance pour les résidences situées dans les zones à haut risque</a>. L’objectif de ce programme est de réduire le coût des AAFCC et de faire contribuer directement les résidents et résidentes des zones inondables. </p>
<p>Pour sa part, le gouvernement du Québec a récemment réduit les indemnités prévues à son Programme général d’indemnisation et d’aide financière lors de sinistres réels ou imminents. Cette nouvelle version <a href="http://id.erudit.org/iderudit/1070750ar">impose une limite à vie aux victimes d’inondations</a> et vise à les décourager à reconstruire dans les zones inondables. Quant aux assureurs privés, ils n’offrent que des protections partielles pour les résidences dans les zones à faible risque et demeurent absents des zones à haut risque.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/limite-a-vie-sur-les-inondations-vers-un-nouveau-pacte-social-132304">Limite à vie sur les inondations : vers un nouveau pacte social ?</a>
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<h2>De nouvelles perspectives</h2>
<p>Ainsi, les individus qui occupent des zones inondables assumeront une plus grande partie du risque financier. </p>
<p>Même si ces initiatives sont un pas dans la bonne direction, freiner la croissance de la population dans ces zones ne peut reposer que sur une contribution financière additionnelle de quelques individus qui occupent des zones à haut risque. </p>
<p>Les municipalités offrent peu d’incitatifs à réduire le risque d’inondations puisqu’elles ne participent pas aux indemnités lors de catastrophes. Ainsi, les faire participer dans le financement du coût des dommages aux résidences situées sur leurs territoires pourrait constituer un incitatif à freiner la croissance de la population dans les zones inondables. Cela aurait pour effet de réduire l’exposition financière des contribuables, et ainsi rendre plus équitable le partage du risque financier lié aux inondations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204517/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Deschamps ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De plus en plus de gens prennent le risque de vivre dans des zones inondables. Et tous les contribuables payent les coûts lors de dommage. Un nouveau mode de partage plus équitable est nécessaire.Bernard Deschamps, PhD Student in Environmental Sciences, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966252023-01-23T15:48:02Z2023-01-23T15:48:02ZDix ans après leur implémentation dans les restaurants, l'enregistrement des transactions a mis à mal l'économie au noir<p>Le gouvernement du Québec a rendu obligatoire, il y a dix ans, dans tous les restaurants de la province, <a href="https://strpdv.com/produit/mev/">l’utilisation des modules électroniques des ventes (MEV)</a>. Cette mesure était rendue nécessaire en raison d’une particularité de cette industrie : 60 % des transactions sont en espèces, rendant les contrôles fiscaux plus ardus.</p>
<p>Connectés en permanence aux serveurs de Revenu Québec, les MEV enregistrent les transactions dès qu’elles se produisent et conservent leur historique pour des raisons de vérification. Comme chaque module est équipé d’un sceau de sécurité, cela rend la manipulation difficile. Les autorités fiscales savent immédiatement lorsque quelqu’un a trafiqué une machine. Les MEV réduisent ainsi la capacité d’un établissement à cacher les ventes, même lorsque les achats sont payés en espèces.</p>
<p>Quels impacts l’implantation de ces modules électroniques ont-ils eu dans le milieu de la restauration ? Tous deux professeurs en finance à HEC Montréal, nous en avons fait une analyse détaillée.</p>
<h2>Des technologies de suppression des ventes</h2>
<p>Les entreprises sont confrontées à de nombreuses sortes de taxes, redevances et impôts qui touchent différents aspects de leurs opérations, incluant leur politique d’investissement et de financement, leur forme organisationnelle, les prix de transfert et les décisions de rémunération.</p>
<p>En plus de payer des impôts fonciers et sur le revenu, et des taxes sur la masse salariale, les entreprises sont invitées à devenir des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.3982/ECTA9113">agents des autorités fiscales</a> en retenant une partie de l’impôt sur le revenu de leurs employés. On leur demande également de percevoir et de verser aux autorités fiscales les taxes de vente. Au total, les sociétés canadiennes (et américaines) payent, perçoivent ou versent environ <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.17310/ntj.2001.3.05">80 % de tous les impôts</a>.</p>
<p>Des entreprises peuvent être tentées de cacher les montants perçus en omettant de déclarer certaines ventes, réduisant du coup leur revenu imposable. La décision de ne pas verser aux autorités fiscales les taxes de vente est particulièrement attrayante dans le cas de <a href="https://law.stanford.edu/wp-content/uploads/sites/default/files/publication/259083/doc/slspublic/Morse%20Bankman%20Karlinsky%2020StanLPolyRev37.pdf">transactions en espèces</a>, puisque contrairement aux paiements par carte, elles n’apparaissent a priori <a href="https://bristoluniversitypressdigital.com/view/journals/jpfpc/34/1/article-p61.xml">nulle part</a>.</p>
<p>La surveillance des transactions en espèces nécessite d’avoir accès aux caisses enregistreuses des entreprises. Or, la capacité des autorités fiscales d’accéder aux caisses des restaurants est limitée par ce qu’on appelle des « technologies de suppression des ventes. » <a href="https://books.google.ca/books/about/Zappers_Phantom_ware.html?id=MCzejwEACAAJ&redir_esc=y">Ces technologies</a>, tels les « Phantomwares, » qui fonctionnent comme un menu caché dans la caisse enregistreuse, et les « Zappers, » qui fonctionnent à l’extérieur de la caisse enregistreuse, permettent de falsifier les registres des caisses. Ces technologies sont utilisées au Québec, au Canada, ainsi que dans plusieurs autres pays développés et en développement. Or la suppression des ventes est difficile à détecter, même lors d’exercices de vérification.</p>
<h2>L’Internet des objets au bénéfice du fisc</h2>
<p>L’industrie de la restauration est idéale pour étudier l’impact de la lutte contre l’utilisation des technologies de suppression des ventes.</p>
<p>Les gouvernements du monde entier ont reconnu que l’utilisation de ces <a href="https://www.oecd.org/tax/crime/technology-tools-to-tackle-tax-evasion-and-tax-fraud.htm">technologies de suppression des ventes était problématique</a>. Bien que de nombreux États ont légiféré contre leur utilisation, peu ont pris des mesures sérieuses contre ces dispositifs.</p>
<p>En utilisant des données fiscales anonymisées, nous avons comparé les ventes, les dépenses et l’emploi dans les restaurants du Québec à la suite de l’introduction des MEV, avec ceux des restaurants de l’Ontario et des provinces atlantiques. Les groupes « traitement » et « contrôle » sont relativement homogènes dans leurs opérations (ce ne sont que des restaurants), et l’affectation aux échantillons de contrôle ou de traitement ne dépend que de la province de domicile, et non des caractéristiques ou du choix du restaurant.</p>
<h2>Un montant annuel additionnel de 244 millions de dollars</h2>
<p>Les résultats de notre analyse sont triples.</p>
<p>Nous documentons d’abord une augmentation moyenne des ventes déclarées des restaurants du Québec de 5,8 % à 9,8 %. Cette augmentation est relativement plus importante pour les petits restaurants (pour lesquels elle peut représenter plus de 10 % des ventes) et les établissements indépendants.</p>
<p>Ces résultats confirment la présomption selon laquelle il est plus difficile de cacher les transactions dans les grands restaurants où plus d’employés doivent être mis au parfum d’un complot pour frauder le fisc.</p>
<p>Deuxièmement, nous constatons que même si les MEV ne visent que les ventes, leur introduction a entraîné une augmentation importante des débours des restaurants, incluant une augmentation de 4,9 % à 10,3 % des salaires versés par le biais d’une augmentation de 7,0 % à 10,9 % du nombre moyen d’employés déclarés.</p>
<p>Ces résultats fournissent des indications qu’avant les MEV, les ventes au comptant non déclarées étaient utilisées pour payer le travail non déclaré, ce qui permettait aux restaurants d’économiser sur les taxes sur la masse salariale et aux travailleurs, de recevoir un revenu qui n’était pas imposable.</p>
<p>Troisièmement, nous constatons que l’augmentation des dépenses déclarées est équivalente à l’augmentation des ventes déclarées, de telle sorte que le revenu imposable des restaurants n’a pas bougé. Cela fournit la preuve que même les systèmes fiscaux développés peuvent être sujets à de tels stratagèmes.</p>
<p>L’introduction des MEV dans les restaurants du Québec a permis de récolter en taxes et impôts un montant annuel additionnel de 244 millions de dollars, soit 105 millions en taxes de vente, 52 millions en charges sociales de l’employeur (taxes sur la masse salariale) et 87 millions en impôt et cotisations sociales des employés. Nous n’avons trouvé aucun impact sur les impôts des sociétés. Le coût de mise en œuvre a été d’environ 37 millions de dollars.</p>
<p>Sur une période de 5 ans, le fisc québécois a ainsi réussi à aller chercher près d’un milliard de dollars en contributions fiscales de toutes sortes auprès de l’industrie de la restauration québécoise ; c’est assurément une bonne affaire étant donné le coût initial de 37 millions de dollars de cette politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196625/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Boyer a régulièrement reçu du financement d'organismes subventionnaires du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe d'Astous a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines et de HEC Montréal.</span></em></p>L’implantation obligatoire des modules électroniques des ventes dans les restaurants du Québec, il y a dix ans, a eu d’importants impacts, dont plus d’argent dans les poches de l’État.Martin Boyer, Professeur de finance, HEC MontréalPhilippe d'Astous, Professeur agrégé au département de Finance, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865022022-09-12T22:46:27Z2022-09-12T22:46:27ZLa taxe mondiale sur les multinationales est-elle vraiment une opportunité pour l’Afrique ?<p>Avec l’essor mondial de géant comme Amazon, Facebook ou encore Netflix, les importations de services numériques ont considérablement augmenté en Afrique ces dernières années. Dans les États membres de l’Union africaine (UA), celles-ci sont ainsi passées d’un montant d’environ 19 milliards de dollars en 2007 à 37 milliards de dollars en 2017.</p>
<p><iframe id="rXnfz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rXnfz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, les recettes fiscales prélevées sur leurs activités <a href="https://www.cfr.org/blog/when-services-trade-data-tells-you-more-about-tax-avoidance-about-actual-trade">restent faibles</a>. En effet, les entreprises numériques bénéficient de l’absence d’obligation directe de payer des impôts dans les pays où elles ne sont pas résidentes. Face à ce problème de déperdition fiscale, certains États mettent en œuvre des taxes directes sur les bénéfices de ces sociétés (dite taxe GAFA). En Afrique, le <a href="https://businessday.ng/bd-weekender/article/digital-taxation-an-infant-in-nigeria-a-giant-abroad-mobolaji-oriola/">Nigeria</a>, le <a href="https://theconversation.com/kenya-is-moving-aggressively-to-tax-digital-business-what-next-163901">Kenya</a> et le <a href="https://itweb.africa/content/kYbe97XDjgZ7AWpG">Zimbabwe</a> disposent désormais d’une législation qui impose directement les opérations numériques des multinationales non résidentes (entre 3 % et 6 %).</p>
<h2>1,3 milliard à récupérer</h2>
<p>Afin de proposer un cadre international harmonisé, le projet relatif à l’érosion de la base d’imposition et au transfert des bénéfices (BEPS), réalisé sous l’égide de Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, a permis d’approuver, en octobre 2021, un <a href="https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/declaration-sur-une-solution-reposant-sur-deux-piliers-pour-resoudre-les-defis-fiscaux-souleves-par-la-numerisation-de-l-economie-octobre-2021.htm">cadre inclusif</a> reposant sur deux piliers pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie :</p>
<ul>
<li><p>Le premier pilier se concentre sur l’assiette d’imposition et a pour objectif la réaffectation des droits d’imposition vers la juridiction du marché concerné, indépendamment de la présence physique, et concerne de nombreuses entreprises du numérique (les industries extractives et services financiers réglementés sont exclus).</p></li>
<li><p>Le deuxième pilier se concentre quant à lui sur le taux d’imposition et la création de règles coordonnées répondant aux risques actuels provenant de montages financiers qui permettent aux multinationales de transférer des bénéfices vers des juridictions à faible imposition. Il propose ainsi l’adoption d’un taux d’imposition minimum de 15 % et aura peu d’impact sur les économies du continent qui ont déjà des <a href="https://data.worldbank.org/indicator/IC.TAX.PRFT.CP.ZS?locations=ZG">taux supérieurs</a> et peu de siège d’entreprises multinationales. Cependant, le <a href="https://worldinvestmentreport.unctad.org/world-investment-report-2022/chapter-3-the-impact-of-a-global-minimum-tax-on-f">rapport mondial sur l’investissement</a> note qu’en relavant le taux minimum à 15 % cela rendra relativement toutes les juridictions avec un taux supérieurs plus attractives.</p></li>
</ul>
<p>Sur les 25 pays africains membres du Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS, 23 sont signataires de la déclaration d’octobre 2021 approuvant cette solution à deux piliers (Kenya et Nigeria ne l’ont pas encore <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/la-communaute-internationale-conclut-un-accord-fiscal-sans-precedent-adapte-a-l-ere-du-numerique.htm">signée</a>, ils devront abandonner leur taxe unilatérale s’ils participent).</p>
<p><iframe id="oNn8K" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oNn8K/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En s’appuyant sur la proposition du BEPS et en utilisant les données entreprises Orbis, il est possible de modéliser les scénarios du pilier 1 pour les services numériques. <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/taxe-sur-le-commerce-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">Selon les estimations</a>, les recettes fiscales potentielles pour les 55 États membres de l’Union africaine (EMUA) sont de 1,3 milliard dollars américains par an, soit 0,05 % du PIB.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Comparativement, il s’agit d’un montant supérieur aux recettes qui seraient tirées d’une éventuelle taxe directe sur les services numériques fixée à 3 % des recettes brutes (800 millions de dollars). Il faudrait que celle-ci soit relevée à environ 5 % pour obtenir un montant proche.</p>
<p><iframe id="YNv3X" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YNv3X/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il convient de noter qu’actuellement, certaines importations de services numériques peuvent déjà être taxées de manière indirecte dans le cadre de <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264271401-en/index.html?itemId=/content/publication/9789264271401-en">taxes à la consommation</a>. Dix-huit des EMUA ont ainsi proposé (ou mettent déjà en œuvre) une taxe indirecte sur les opérations numériques des multinationales (de 12 à 20 %).</p>
<p><iframe id="sWtuM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sWtuM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un pilier très large</h2>
<p>Cependant, si on appliquait les taux TVA et autres <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/revenue-statistics-in-africa-2021_c511aa1e-en-fr#page1">taxes à la consommation existantes dans les 55 pays</a> au commerce de service numérique, en moyenne les recettes potentielles pour les EMUA auraient été de 0,22 % du PIB (en 2017) si les recettes étaient <a href="https://www.brookings.edu/research/mobilization-of-tax-revenues-in-africa/">effectivement collectées</a>. Les estimations indiquent que les revenus seraient donc nettement supérieurs ceux générés par une taxe directe proposée par le pilier 1 de la déclaration.</p>
<p><iframe id="N9MSI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/N9MSI/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la mise en œuvre <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264271401-en/index.html?itemId=/content/publication/9789264271401-en">complète et effective</a> de la collecte transfrontalière des taxes à la consommation existante sur les importations de service numérique pourrait théoriquement générer des recettes fiscales plus élevées que celles du pilier 1 du programme BEPS, il convient de noter que les propositions du premier pilier du BEPS vont au-delà des seules sociétés de services numériques et généreront probablement des revenus substantiels. En effet, ce piler 1 intègre en plus de ses sociétés numériques toutes les EMN dès lors qu’elles utilisent des canaux numériques de distribution. </p>
<p>Comment expliquer cet écart ? Le pilier 1 stipule qu’afin d’être éligibles à ce droit de taxation, les pays doivent recevoir au moins 1 million d’euros de recettes par multinationale concernée, ce qui exclut <em>de facto</em> les économies africaines de ce modèle d’allocation des recettes fiscales, à l’exception des 12 plus grandes économies du continent en termes de PIB (Soudan, Côte d’Ivoire, Tanzanie, Ghana, Kenya, Éthiopie, Maroc, Angola, Algérie, Égypte, Afrique du Sud et Nigeria).</p>
<p>Ceci dit, le cadre inclusif prévoit une exception pour les économies dont le PIB est inférieur à 40 milliards d’euros, en leur attribuant un droit d’imposition à partir d’un seuil de 250 000 euros. </p>
<h2>Une centaine des 500 plus grandes entreprises concernées</h2>
<p>En dépit de cet élargissement du périmètre, l’OCDE estime que la réattribution des bénéfices au titre du pilier 1 s’appliquera à seulement une <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/ecdb6a47-en/index.html?itemId=/content/component/ecdb6a47-e">centaine de multinationales enviro</a>. Il s’agit certes des plus importantes mais la disposition prévoit d’étendre le champ d’application à d’autres EMN qu'au bout de sept ans. Cependant, cela représente la tout de même la <a href="https://worldinvestmentreport.unctad.org/world-investment-report-2022/chapter-3-the-impact-of-a-global-minimum-tax-on-fdi/">majorité des IDE</a> dans le monde. </p>
<p>Toutes les grandes sociétés de services numériques ont des marges bénéficiaires avant impôt comprises entre 13 % (Netflix) et 39 % (Facebook), et allant jusqu’à 70 % pour Amazon, ce qui impliquerait donc des bénéfices réaffectés au niveau mondial (25 % du bénéfice résiduel). Les montants imposables diffèrent toutefois considérablement, Netflix, Adobe et PayPal se situant au bas de l’échelle ; et Meta, Alphabet (anciennement Google), Amazon, Microsoft et Apple se positionnant en haut de cette échelle.</p>
<p><iframe id="5RxVy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5RxVy/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La part qui est allouée aux économies africaines dans le cadre des nouvelles règles du pilier 1 semble <em>a priori</em> minime et il faudra attendre encore 7 ans avant une éventuelle extension du champ d’application de cette règle pour y inclure davantage de multinationales.</p>
<p>Il est donc primordial qu’un nombre plus important de pays du continent participe au cadre inclusif du BEPS, auquel 23 États ont jusqu’alors adhéré, les actions multilatérales étant plus propices à des résultats probants dans une économie mondialisée. D’autant que, les difficultés éprouvées par les pays du G20 lors de ces négociations montrent par analogie à quel point la capacité de négociation des EMUA seuls face aux géants du secteur serait réduite. En parallèle, les pays doivent travailler a mieux <a href="https://events.ataftax.org/index.php?page=documents&func=view&document_id=98&_ga=2.223340763.1748778267.1657606484-1483344514.1657606484">collecter</a> les <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/e0e2dd2d-en/index.html?itemId=/content/publication/e0e2dd2d-en">taxes indirectes sur les services numériques</a> afin de maximiser l’ensemble de revenus (directs et indirects) <a href="https://events.ataftax.org/index.php?page=documents&func=view&document_id=155&token=b60310bc53dbc2bda82aaebdceef3d85&thankyou">potentiels</a>.</p>
<hr>
<p><em>Nicolas Köhler-Suzuki, directeur d’International Trade Intelligence, et Rutendo Tavengerwei, conseillère en politique commerciale spécialisée dans l’Afrique ont participé à la rédaction de cet article, qui s’appuie sur l’<a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/taxe-sur-le-commerce-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">étude</a> publiée le 9 septembre par <a href="https://theconversation.com/institutions/agence-francaise-de-developpement-afd-2711">l’Agence française de développement</a> (AFD) dans la collection « Questions de développement »</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cadre inclusif international proposé fin 2021 par l'OCDE et le G20 prévoit une récupération de recettes fiscales sur les services numériques moindres qu'une taxation indirecte locale.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Jean-Baptiste Pétigny, Coordinateur, Facilité française d'Assistance Technique auprès de l'Union africaine, Expertise France, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837512022-05-29T15:39:08Z2022-05-29T15:39:08ZÉlectricité : pourquoi les tarifs augmentent (et devraient encore augmenter)<p>Entre 2007, date symbolique en France puisqu’elle marque l’éligibilité de l’ensemble des consommateurs aux tarifs de marché, et 2022, le prix moyen du mégawatt-heure (MWh) de l’électricité pour les ménages est passé de 114 euros à 207 euros, soit 93 euros par MWh d’augmentation. Ce sera encore 20 euros de plus à partir du 1er février. </p>
<p>Malgré une stabilisation des marchés de gros, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé une augmentation à partir de cette date-là entre 8,6% et 9,8% selon les contrats, sur TF1 le dimanche 21 janvier. Cette nouvelle hausse porte l'augmentation totale du tarif de base sur les deux dernières années à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/21/les-tarifs-de-l-electricite-augmenteront-de-8-6-a-9-8-au-1er-fevrier-annonce-bruno-le-maire_6212134_823448.html">44 %</a> après les révisions de février 2022 (+4%), février 2023 (+15%) et août 2023 (+10%). </p>
<p>La taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) qui avait été limitée à 1 euro par Mwh dans le cadre du bouclier tarifaire <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/22/electricite-le-gouvernement-met-fin-progressivement-au-bouclier-tarifaire-les-tarifs-en-hausse-en-fevrier_6212147_3234.html">passera en effet à 21 euros</a>. Celle-ci retrouvera le niveau qu'elle avait avant la mise en place de ce bouclier au 1er février 2025 (<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/22/electricite-le-gouvernement-met-fin-progressivement-au-bouclier-tarifaire-les-tarifs-en-hausse-en-fevrier_6212147_3234.html">32,44 euros du MWh</a>). Autrement dit, hors retournement politique, on peut s'attendre à une nouvelle annonce d'augmentation de 11 euros/MWh l'année prochaine.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KjvSVGNTLL4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Hausse du prix de l'électricité : Bruno Le Maire invité du 20H (TF1 Info, le 21 janvier 2024)</span></figcaption>
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<p>À première vue, le constat est donc sans appel : l’ouverture à la concurrence ne semble pas avoir rempli son objectif de baisse des tarifs pour le consommateur.</p>
<p>Les deux finalistes de la dernière élection présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, en avaient d’ailleurs ouvertement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PVfAv5dbaUk">débattu durant l’entre-deux-tours</a> et, si les remèdes proposés différaient, tous deux s’accordaient sur le fait que le marché européen de l’énergie était inefficient et concourrait, sous sa forme actuelle, à l’augmentation des prix. C’est également la conclusion du comité social et économique central d’Électricité de France (EDF) qui avait lancé une <a href="https://energie-publique.fr/">pétition</a> pour la sortie du marché européen de l’électricité et le retour à un service public de l’énergie. Celle-ci a recueilli plus de 250 000 signatures.</p>
<p><iframe id="CnC2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CnC2C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais cette envolée des prix est-elle réellement liée à la libéralisation du secteur, qui était justement supposée stimuler la concurrence et donc l’innovation, notamment dans le déploiement des énergies renouvelables (EnR), et la baisse des prix ? En réalité, le constat apparaît plus nuancé.</p>
<p>Tout d’abord, une partie de cette augmentation s’explique <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/commercialisation-lelectricite">par les taxes</a> qui pesaient pour 25 % sur la facture du consommateur en 2007 (soit 31 euros/MWh, en euros 2020), et pour 34 % en 2020 (soit 61,5 euros/MWh). Autrement dit, sur le relèvement des taxes explique à lui seul 31,5 euros/MWh sur les 57 euros/MWh d’augmentation des prix moyens constatée (soit 55,3 % du total).</p>
<h2>Les tarifs s’envoleraient si la France s’isolait</h2>
<p>Une autre partie de l’augmentation repose sur les coûts inhérents aux réseaux de transport qu’il a fallu à plusieurs reprises réévaluer pour tenir compte des nécessaires investissements dans la maintenance, mais aussi la modernisation de ces infrastructures essentielles. Cette modernisation apparaît d’autant plus nécessaire que la production d’électricité se décentralise (notamment avec le déploiement des EnR), et que les nouveaux usages se développent. Ces tarifs d’acheminement de l’électricité (Turpe) sont ainsi passés de <a href="https://www.enedis.fr/sites/default/files/documents/pdf/enedis-brochure-tarifaire-turpe6.pdf">41 euros/MWh en 2007 à 53,5 euros/MWh en 2020</a>, soit 21,9 % de l’augmentation totale constatée.</p>
<p>Un rapide calcul nous permet donc de déduire que les coûts de fourniture, ou dit autrement, les facteurs de marché, n’expliquent en moyenne que 22,8 % (100 %-55,3 %-21,9 %) de l’augmentation des prix constatée sur la période, soit environ 13 euros/MWh. Pour les opposants au marché européen de l’énergie, ces 22,8 % résiduels résonneraient donc comme un constat d’échec et justifieraient un retour à des marchés de nationaux.</p>
<p><iframe id="bZ9Sl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bZ9Sl/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, selon les <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-02/BP50_Principaux%20re%CC%81sultats_fev2022_Chap11_analyse%20economique.pdf">projections de RTE</a> (gestionnaire du réseau national de transport d’électricité haute tension), une France isolée à horizon 2050-2060 coûterait plusieurs milliards supplémentaires par an aux contribuables. En effet, pour réduire nos émissions de CO<sub>2</sub> et notre dépendance aux fossiles, nous avons déjà fermé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-na-99-approvisionnement-electricite-janvier.pdf">et planifié la fermeture</a> de l’équivalent de près de 10 gigawatts (GW) de centrales thermiques. De plus, nos centrales nucléaires vieillissantes connaissent des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/21/edf-de-plus-en-plus-inquiet-pour-son-parc-nucleaire-en-raison-de-problemes-de-corrosion_6123074_3234.html">périodes d’arrêts et de surveillance prolongées</a> qui ne permettent pas leur pleine exploitation.</p>
<p>Tout cela fait de la France un importateur d’électricité, notamment pour couvrir ses pics de consommation. En <a href="https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2022">2022</a>, RTE nous rappelle d'ailleurs que la France aura « a été importatrice nette (plus d'importations que d'exportations) d’électricité pour la première fois depuis 1980 (bilan net de 16,5 TWh en import) » !</p>
<p>Cela ne peut signifier que deux choses : la France a de plus en plus de difficultés à couvrir ses besoins énergétiques intérieurs et/ou il lui est parfois profitable d’importer de l’énergie, notamment quand les prix de marché sont bas.</p>
<h2>Le paradoxe EDF</h2>
<p>Au milieu de cette dynamique de marché, EDF est l’objet d’un curieux paradoxe. Il faut comprendre que le principal acteur du marché de la production d’électricité en France reste tenu de céder à ses concurrents un plafond de 100 TWh/an d’énergie nucléaire à un tarif « Arenh » (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) fixé depuis 2012 à 42 euros/MWh. Cette disposition, qui engage à peu près le quart de la capacité de production nucléaire d’EDF, a permis l’instauration d’une concurrence sur le marché de la fourniture, l’électricité d’origine nucléaire étant fortement compétitive, notamment pour couvrir les besoins « de base ». Elle est d’ailleurs <a href="https://alliancedesenergies.fr/arenh-2022/">très fortement demandée actuellement</a> du fait de l’envolée des prix de marché.</p>
<p>L’Arenh, qui n’a pas été révisé depuis 2012 malgré des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/edf-le-regulateur-revise-a-la-hausse-le-cout-du-nucleaire_AD-202309190846.html">velléités de réformer ce cadre</a>, est supposé couvrir les coûts de production en électricité d’origine nucléaire d’EDF. Or, ce n’est plus le cas si l’on en croit la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et l’opérateur historique, qui estiment respectivement ces coûts de production à <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/la-cre-evalue-le-cout-du-mwh-d-electricite-nucleaire-pour-edf-a-48-36-euros-1926120.php">48,36 euros/MWh et 53 euros/MWh</a>. Autrement dit, EDF cède une partie de sa production nucléaire à perte… ce qui, du point de vue du contribuable français qui a participé à la constitution du parc d’EDF et figure à son actionnariat, s’apparente à une double peine puisque, dans le même temps, il est également percuté par l’augmentation des prix.</p>
<p><iframe id="aOikv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/aOikv/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, il ne faut pas occulter qu’EDF est à la fois un leader de la fourniture d’électricité, mais aussi un très important <a href="https://bilan-electrique-2021.rte-france.com/synthese-les-faits-marquants-de-2021/">exportateur</a>. Et s’il perd de l’argent sur les 100 TWh concédés au tarif Arenh, il en gagne sur le reste de sa production, à plus forte raison quand les prix de marché s’envolent ! Par ailleurs, son coût de revient reste très compétitif, du fait notamment de sa rente de nucléaire et hydraulique.</p>
<p>Au bilan, malgré le paradoxe de l’Arenh, cette situation lui permet de générer des gains importants qui bénéficient à l’État actionnaire… et, d’une manière ou d’une autre, au contribuable. Les mesures de type « bouclier énergétique », par exemple, n'étaient-elles pas indirectement <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/crible/energie-edf-le-bouclier-les-fleches-et-le-boomerang-1371350">prélevés sur les bénéfices d’EDF</a> ?</p>
<h2>Le lourd financement du renouvelable</h2>
<p>Enfin, il faut garder à l’esprit que l’ouverture à la concurrence répondait à d’autres objectifs que la seule baisse des prix. Il s’agissait aussi de réagir face à une série de problématiques identifiées <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/45/marche-interieur-de-l-energie">dès le milieu des années 1990</a>. À cette époque, déjà, l’Union européenne avait anticipé une forte augmentation de la demande mondiale en énergie, et les tensions subséquentes sur l’accès aux ressources fossiles dont l’Europe reste fortement dépendante. La souveraineté énergétique européenne ne peut, dans ce contexte, faire l’économie d’une réelle politique de l’énergie unifiée qui permette à la fois de peser sur les marchés, mais aussi de planifier la sortie progressive des énergies fossiles. Le mode de financement des énergies renouvelables (EnR) et de leurs coûts associés à leur intégration au réseau explique ainsi en partie les hausses de prix.</p>
<p>En effet, les financements privés se réalisent à un taux de marché généralement compris entre 4 % et 7 % quand l’État pourrait bénéficier de conditions de financement nettement plus avantageuses. Dit autrement, la transition énergétique revient plus cher – toutes choses égales par ailleurs – quand elle fait l’objet d’investissements privés plutôt que publics. Certes, mais ce serait oublier un peu vite que les États européens, déjà lestés de dettes souveraines très importantes pour certains, ont de multiples arbitrages budgétaires à effectuer (sous contraintes de se conformer, en temps normaux, au Pacte de stabilité et de croissance). Or, ils subventionnent directement et indirectement déjà beaucoup les EnR, par le biais d’obligations d’achat à un tarif régulé ou de complément de rémunération au bénéfice exclusif des producteurs d’EnR. Ces <a href="https://www.cre.fr/Transition-energetique-et-innovation-technologique/soutien-a-la-production/dispositifs-de-soutien-aux-enr">dispositifs de soutien aux EnR</a> auraient permis de subventionner, pour la France et sur seule année 2020, la production de 79 TWh d’énergies renouvelables, à hauteur de 6,2 milliards d’euros (<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/bilan-energetique-2020/pdf/bilan-energetique-de-la-france-pour-2020.pdf">selon le ministère de la Transition écologique</a>).</p>
<p>Les EnR ont de surcroît le désavantage d’être intermittentes, mais surtout décentralisées et générées par de multiples producteurs hétérogènes. Cette dispersion rend le réseau plus délicat à piloter et équilibrer et nécessite des investissements massifs pour adapter les lignes à cette nouvelle donne. Par exemple, Réseau de transport d’électricité (RTE), qui assure le transport de l’électricité en France, prévoit quelque 33 milliards d’euros d’investissements à horizon 2035 (<a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/comment-les-reseaux-electriques-font-face-au-defi-de-l-integration-des-energies-renouvelables.N1787337">dont 13 milliards pour la seule absorption des EnR</a>), et une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-construire-des-epr-couterait-moins-cher-que-le-tout-renouvelables-selon-rte.N1153292">progression exponentielle au-delà</a> en fonction de la part des renouvelables dans le mix énergétique français.</p>
<p>En contrepartie, ces investissements ouvrent la voie à un pilotage plus intelligent de l’énergie, et le développement des usages qui vont de pair, qu’il s’agisse de l’électrification massive des flottes de véhicules, les réseaux électriques « intelligents » (<em>smart grids</em>) permettant une production/injection d’énergie ajustable en temps réel, le pilotage distant de la demande… En bref, une optimisation qui permettra, à terme, une meilleure efficience énergétique. Et de continuer à réduire, par la densification de notre parc EnR, nos émissions de CO<sub>2</sub>. L’évolution des tarifs à l’avenir reflétera donc en partie nos choix politiques concernant l’environnement.</p>
<p>On comprend à la lecture de ce bref panorama que, certes, on reste loin des promesses d’une concurrence modératrice en prix, mais que l’ensemble des hausses de prix ne découlent pas des imperfections du marché libéralisé, et que les nombreux bénéfices liés à la construction du marché européen de l’énergie ne peuvent être totalement occultés. Reste que les marges de manœuvre pour protéger le portefeuille des consommateurs et assurer la transition énergétique demeurent limitées.</p>
<p>Sauf à miser sur la sobriété énergétique, voir émerger des innovations radicales dans la génération d’énergie, ou à espérer des conditions macro plus favorables, la hausse des prix ne semble pas pouvoir être endiguée sur le court terme. Et ce, même s’il était décidé de <a href="https://www.lefigaro.fr/conso/2015/10/20/05007-20151020ARTFIG00008-les-fournisseurs-d-energie-de-plus-en-plus-agressifs-aupres-des-consommateurs.php">plafonner les dépenses marketing des fournisseurs</a>, EDF et ses rivaux apparus depuis 2007…</p>
<p>En outre, avec l'électrification à marché forcée de l'économie, et notamment la mobilité électrique, il est illusoire de penser que la facture d'électricité baissera dans les prochaines années. Les raisons sont multiples, entre des besoins en énergies qui <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/electricite-les-besoins-massifs-de-la-france-inquietent-les-experts-1949926">augmentent plus vite que nos capacités de production</a> et le <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/nucleaire-les-quatre-plus-gros-reacteurs-francais-a-l-arret-09dde3be-5e7f-11ec-b2cb-afc8b04d8652">vieillissement du parc nucléaire</a>. Sur un plan fiscal, il s'agira également pour l'État de compenser le manque à gagner des taxes sur les énergies fossiles à mesure que le thermique cèdera du terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les taxes et les coûts de transport mais aussi le financement de la transition énergétique expliquent notamment pourquoi la libéralisation n’a pas, comme attendu, conduit à une baisse des prix.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752762022-01-24T21:14:10Z2022-01-24T21:14:10ZVols à vide : un révélateur du bras fer entre compagnies aériennes et aéroports<p>L’<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/LSU/?uri=CELEX%3A31993R0095">encadrement européen</a> de l’attribution et de la gestion des créneaux horaires d’atterrissage et de décollage des avions repose sur un constat, celui d’une ressource rare qui est à la base de toute l’activité aérienne. Depuis 1993, la règle valide un « droit acquis » attribué aux compagnies aériennes repose sur les relations passées entre compagnies aériennes et gestionnaires d’infrastructures aéroportuaires. Ainsi, Air France reste indétrônable dans les aéroports parisiens, tout comme Lufthansa à Francfort ou Munich.</p>
<p>En contrepartie de ce « droit acquis », le droit de l’Union européenne oblige les compagnies aériennes à utiliser au moins 80 % des créneaux horaires attribués, considérant qu’en deçà de ce seuil, elles n’en avaient pas besoin. Si c’est le cas, d’autres compagnies aériennes peuvent en disposer.</p>
<h2>« Coup de bluff »</h2>
<p>Ce seuil a maintes fois été suspendu, lorsque chaque circonstance l’exigeait, tenant compte par exemple des perturbations causées par l’éruption d’un volcan jusqu’à la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32021R0250">crise du Covid-19</a>. Depuis la reprise du trafic aérien lors de l’été 2021, le seuil minimal d’utilisation est remonté à 50 %. C’est ce rétablissement que conteste Lufthansa en annonçant, en décembre dernier, qu’elle devra organiser <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/aeronautique/polemique-sur-les-vols-a-vide-vers-une-evolution-de-la-regle-europeenne-des-creneaux_4908527.html">environ 18 000 vols à vide</a>. La compagnie aérienne allemande a ainsi <a href="https://theconversation.com/des-avions-qui-volent-a-vide-pour-conserver-les-creneaux-aeroportuaires-retour-sur-la-polemique-133943">relancé une polémique</a> qui révèle les rapports de force entre les différentes parties prenantes comme autant de lignes de fractures dans un secteur économique en plein doute quant à son avenir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241845835673067520"}"></div></p>
<p>D’ailleurs, ACI Europe, le syndicat professionnel des gestionnaires aéroportuaires, a estimé dans un <a href="https://www.aci-europe.org/downloads/mediaroom/22-01-06%20EU%20rules%20on%20airport%20slot%20thresholds%20offer%20protection%20for%20airlines%20during%20the%20pandemic%20with%20no%20viable%20reason%20for%20so-called%20ghost%20flights%20says%20airport%20body%20PRESS%20RELEASE.pdf">communiqué</a> qu’il n’y avait « absolument aucune raison » de faire voler les avions à vide et la presse a qualifié l’annonce de Lufthansa de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/vols-a-vide-le-coup-de-bluff-de-lufthansa-1378347">« coup de bluff »</a>, soulignant que la réglementation européenne n’oblige en rien ces vols.</p>
<p>En effet, les textes européens indiquent que les règles concernant les créneaux ne s’appliquent pas en cas d’une « fermeture partielle ou totale de la frontière », d’une « réduction de la capacité de l’aéroport, pendant une partie substantielle de la période de planification horaire concernée » ou encore « des restrictions de voyage [comme] des interdictions de vols au départ ou à destination de certains pays ou zones géographiques ». Aucune règle n’impose donc à aucune compagnie d’assurer de tels vols.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1480937459957567490"}"></div></p>
<p>Cependant, en arrière-plan de cette polémique se joue une bataille pour influencer les évolutions réglementaires. Depuis 2015, les institutions européennes débattent en effet afin d’établir une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52015DC0598">stratégie pour l’aviation civile</a>, tenant compte de la nécessaire transition écologique, des bouleversements concurrentiels dus aux compagnies à bas coûts, et enfin de la compétition internationale incarnée par les compagnies du golfe Persique.</p>
<p>La pandémie actuelle a intensifié ce débat, donnant à cette polémique sur ces vols de la compagnie Lufthansa un intérêt particulier. Elle témoigne en effet que, dans ce contexte sanitaire et économique déprimé, les compagnies aériennes tentent d’imposer leurs vues aux aéroports et aux institutions européennes dans deux dossiers conflictuels.</p>
<h2>Rapport de force</h2>
<p>Le premier porte sur une double réforme en cours, comprenant la refonte de l’attribution des créneaux aéroportuaires ainsi qu’une meilleure protection du consommateur, dont le texte actuel date de 2004. Les propositions de la Commission européenne, formulées il y a 10 ans, restent bloquées dans le processus législatif ordinaire, impliquant à poids égal le parlement européen et le Conseil des ministres. Ces deux institutions ne trouvent pas d’accord politique, malgré l’inscription de ces deux réformes comme priorité d’action en 2021.</p>
<p>Les deux législateurs s’opposent au projet d’augmentation du seuil d’utilisation des créneaux aéroportuaires à 85 %, et souhaitent temporiser quant aux renforcements des droits des passagers, alors que les compagnies aériennes n’ont pas fini de dédommager leurs passagers des annulations faites au printemps 2020. La décision de Lufthansa semble vouloir réactiver les volontés de part et d’autre d’avancer sur ce dossier législatif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1478369572545826824"}"></div></p>
<p>Le second dossier oppose, dans un contexte de lente et incertaine reprise du trafic aérien, les compagnies aériennes et les aéroports sur le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32009L0012">calcul des redevances aéroportuaires</a> dues par les premières aux seconds. Les redevances aéroportuaires sont actuellement payées par les compagnies aériennes pour l’utilisation des installations et des services des aéroports. Elles font partie du prix total payé par les passagers et les clients du fret aérien. Les redevances aéroportuaires représentent donc une part importante des revenus des aéroports et une part non négligeable des coûts d’exploitation des compagnies aériennes.</p>
<p>Ce fut le sens de l’une des mesures de soutien au secteur à la suite de la pandémie, qui a amené au report, annoncé le 29 mars 2020, du paiement de certaines taxes et redevances exigibles entre mars et décembre 2020, sur les années 2021 et 2022. La mesure concerna la taxe de l’aviation civile et les taxations annexes comme les redevances sur les services terminaux de la circulation aérienne que recouvre Eurocontrol ou encore la taxe de solidarité sur les billets d’avion.</p>
<p>Cette mesure d’aide d’État, <a href="https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=237882&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2105560">déclarée compatible avec le droit de l’Union</a>, outre les réactions des compagnies aériennes, tantôt pour dire l’insuffisance de l’aide, tantôt pour en contester le bien-fondé, ramène fondamentalement à une double critique. Celle-ci porte d’une part sur le fait que l’on taxe un accès au territoire, jouant alors contre sa compétitivité dans la concurrence mondiale, et d’autre part, sur une « surtaxation » des compagnies aériennes nationales dont le marché est principalement à destination et au décollage du territoire concerné.</p>
<p>Dès lors, elles sont l’objet d’un véritable rapport de force entre les opérateurs privés, sur fond de pénurie de la ressource et de crise systémique du secteur. C’est ce que vient rappeler en ce début d’année la polémique autour des vols à vide.</p>
<hr>
<p><em>Frédérique Berrod, professeure à Sciences Po Strasbourg, a supervisé la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Simon-Doutreluingne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En arrière-plan de la polémique autour de la compagnie allemande Lufthansa se joue une bataille d’influence pour tenter de faire évoluer la réglementation européenne du secteur aérien.Pascal Simon-Doutreluingne, Professeur agrégé d'économie-gestion, Doctorant en Droit public (droit de la concurrence), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1724172021-11-28T23:07:10Z2021-11-28T23:07:10ZPour vraiment taxer les entreprises multinationales, une réforme suffit-elle ?<p><em>C’est une avancée qualifiée d’« excellente nouvelle » par le ministre de l’Économie et des Finances français Bruno Le Maire (voir vidéo ci-dessous). Le 8 octobre dernier, 136 pays ont conclu un accord pour appliquer un taux d’imposition minimum de 15 % aux multinationales. La communauté internationale modifie ainsi des règles vieilles d’un siècle dans le but de limiter les pratiques d’évitement fiscal des grandes entreprises. Pour quelle efficacité dans les faits ? Pour y voir plus clair, Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), répond aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du CEPII.</em></p>
<hr>
<p><strong>Début octobre, plus de 130 pays ont conclu un accord sur une réforme du système international de taxation des entreprises multinationales. Que faut-il en retenir ?</strong></p>
<p>Cet accord s’attaque à la racine de l’évitement fiscal dans les paradis fiscaux. Il repose sur deux piliers. Le premier permettra aux pays de marché, ceux où sont situés les consommateurs, de taxer une partie des profits des plus grandes multinationales même si celles-ci ne sont pas implantées sur leur territoire. Cela concerne au premier chef les entreprises du numérique, mais pas seulement. Une <a href="https://www.oecd.org/fr/ctp/beps/la-communaute-internationale-conclut-un-accord-fiscal-sans-precedent-adapte-a-l-ere-du-numerique.htm">centaine d’entreprises multinationales</a> sont susceptibles de rentrer dans le champ d’application, celles dont le chiffre d’affaires mondial dépasse les 20 milliards d’euros et dont la rentabilité est supérieure à 10 %.</p>
<p>Le second pilier, celui dont on a le plus parlé, consiste à mettre en place une taxation effective minimum des multinationales à 15 %. Concrètement, les administrations fiscales pourront taxer les profits des filiales étrangères de leurs multinationales nationales si celles-ci sont taxées moins de 15 % dans leur pays d’opération. Par exemple, si une filiale d’une entreprise française paie 5 % d’impôt sur les sociétés là où elle est enregistrée, le fisc français pourra prélever la différence avec le taux minimal de 15 %, soit taxer les bénéfices de cette filiale à 10 %.</p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://embedftv-a.akamaihd.net/975cd7cea3add0c14f325cef4e2ba54f" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Ce taux de 15 % peut paraître faible au regard des taux d’impôt sur les sociétés (IS) de la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais il faut souligner qu’il s’agit d’un taux effectif, qui exclut donc les différentes exonérations dont peuvent bénéficier les entreprises ; et dans certains paradis fiscaux, les taux effectifs payés par les multinationales sont bien inférieurs à 5 %.</p>
<iframe title="Taux d'impôt sur les sociétés dans les pays de l'OCDE" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-2yv6I" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2yv6I/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="588" width="100%"></iframe>
<p>C’est ce second pilier qui aura l’impact le plus important en matière de recettes fiscales : l’OCDE estime ainsi à 125 milliards le surcroit de recettes fiscales au niveau mondial, dont une large part devrait revenir aux pays d’origine des multinationales, les pays riches.</p>
<p><strong>Donc exit la question de la taxation des entreprises multinationales ?</strong></p>
<p>Pas vraiment. Cette réforme, lorsqu’elle sera mise en place à partir de 2023, constituera sans aucun doute une étape majeure dans la lutte contre <a href="https://theconversation.com/evitement-fiscal-un-enfer-parfois-pave-de-bonnes-intentions-170154">l’évitement fiscal des multinationales</a> et les paradis fiscaux. Il faut bien avoir en tête qu’il y a seulement quelques années personne n’imaginait parvenir à réformer en profondeur les règles de taxation des multinationales à cet horizon, règles dont les grands principes datent de la fin des années 1920 !</p>
<p>Mais cette réforme n’épuise pas le sujet pour autant, et ce pour au moins trois raisons.</p>
<p>Tout d’abord, si elle assujettit les multinationales à un taux de taxation minimum de 15 %, elle n’aligne pas pour autant leur taux d’imposition avec le taux en vigueur dans leur pays d’origine, de 25 % en France par exemple. Non seulement cela implique moins de recettes fiscales – <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=12251">seule la moitié des montants estimés d’impôts éludés par les multinationales seraient recouvrés avec la réforme adoptée</a> – mais, en plus, cela maintient et valide une concurrence faussée entre entreprises multinationales et petites et moyennes entreprises nationales qui n’ont pas la possibilité de transférer des profits à l’étranger.</p>
<p>Ensuite, cette réforme n’a que peu d’impact sur la concurrence fiscale entre États, qui sape la capacité des pays à taxer les entreprises de manière générale. La question n’est, en effet, pas seulement de savoir si les entreprises sont assujetties à l’impôt dans les pays où elles conduisent leurs activités réelles, mais aussi à quel taux leurs bénéfices seront taxés. Or, de ce point de vue, la concurrence fiscale entre États pour attirer les multinationales conduit à une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/economie_mondiale.asp?annee=2021">baisse ininterrompue des taux d’IS au niveau mondial</a>.</p>
<p>En 40 ans, le taux d’IS mondial moyen est ainsi passé de 40 % en 1980 à 23 % en 2020 (Graphique). Et cette tendance ne s’est pas ralentie ces dernières années, comme en témoigne la baisse de 35 % à 21 % aux États-Unis en 2018, ou encore celle de 33 % à 25 % prévue pour 2022 en France. De ce point de vue, le taux minimum met un plancher à cette concurrence fiscale (à 15 %), mais ne remet pas en cause les incitations des pays à la concurrence fiscale.</p>
<iframe title="Une baisse ininterrompue des taux d'impôt sur les sociétés au niveau mondial" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-R4BbL" src="https://datawrapper.dwcdn.net/R4BbL/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="469" width="100%"></iframe>
<p>Or, la capacité des États à faire contribuer les entreprises aux recettes fiscales dans un monde globalisé reste d’autant plus importante dans une période de sortie de crise, au cours de laquelle le financement des dépenses publiques constituera un enjeu majeur.</p>
<p>Enfin, se pose la question de la répartition des droits à taxer entre pays, la réforme se faisant largement au bénéfice des pays riches d’origine des multinationales et produisant moins de recettes fiscales au bénéfice des pays les plus pauvres.</p>
<p><strong>Faut-il alors aller plus loin ? Et comment ?</strong></p>
<p>Cet accord est, comme tout accord international, le fruit de compromis. Ses imperfections traduisent les difficultés à aboutir à un accord satisfaisant l’ensemble des parties au niveau mondial. Mais ces contraintes, que les négociations internationales imposent, ne doivent pas empêcher un groupe restreint de pays d’aller au-delà de ce qui est prévu dans l’accord, notamment au sein de l’Union européenne (UE).</p>
<p>La directive permettant la transposition de l’accord mondial au sein de l’UE pourrait ainsi aller plus loin dans quatre dimensions : en s’assurant que les profits dans le pays d’origine des multinationales soient soumis au taux minimum de 15 % (et pas seulement les profits de ses filiales étrangères), en réduisant le seuil d’application pour élargir son champ d’application (seules les multinationales réalisant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros sont aujourd’hui concernées par le taux minimum), en relevant le taux minimum au-delà de 15 % et/ou en réduisant les exonérations prévues dans l’accord, qui en limitent de fait la portée.</p>
<p>Si les deux derniers objectifs apparaissent difficilement atteignables à court terme, étant donné l’opposition de pays comme l’Irlande ou la Hongrie, la France, qui va prendre la présidence de l’UE au premier semestre 2022, pourrait porter les deux premières ambitions.</p>
<p>Surtout, la réforme actuelle ne règle pas la question de la concurrence fiscale entre États. Pour cela, il faudrait aller plus loin en généralisant la logique du premier pilier au sein de l’UE, c’est-à-dire en taxant l’ensemble des bénéfices européens des multinationales là où elles réalisent leurs ventes ou ont leurs employés, critères que les entreprises peuvent moins facilement manipuler que la localisation de leurs bénéfices.</p>
<p>La Commission européenne a déjà fait des propositions en ce sens, avec l’initiative <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_2430">BEFIT lancée en mai 2021 (« Entreprises en Europe : cadre pour l’imposition des revenus »)</a>, seules à même de réellement mettre fin à la course au moins-disant fiscal entre pays membres. Cela rapprocherait l’Union européenne des systèmes de taxation des entreprises au sein des pays fédéraux comme les États-Unis, ce qui apparaît pertinent pour une région aujourd’hui <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2021/let420.pdf">aussi intégrée sur le plan économique que notre partenaire états-unien dans de nombreuses dimensions</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne » un partenariat CEPII – The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172417/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’accord signé en octobre par 136 pays constitue un précédent historique dans la lutte contre l’évitement fiscal et les paradis fiscaux, mais cette initiative n’épuise pas le sujet pour autant.Vincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPIIIsabelle Bensidoun, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1687702021-10-04T18:46:07Z2021-10-04T18:46:07ZSuppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales : les impensés de la réforme<p>Cet automne débute l’<a href="https://www.capital.fr/votre-argent/taxe-dhabitation-les-abattements-pour-les-plus-riches-en-2021-et-2022-1415003">allègement progressif de la taxe d’habitation</a> pour les derniers ménages qui s’en acquittaient. La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036339197">loi de finances initiale pour 2018</a> avait initié la démarche, promesse du candidat Macron, avec pour première cible les 80 % des foyers les plus modestes. La loi de finances initiale pour 2021 l’a conclue, avec une disparition effective de la taxe d’habitation pour les résidences principales à l’horizon 2023. Mais toutes les répercussions de cette réforme ont-elles bien été anticipées par le législateur ?</p>
<p>Avec la taxe d’habitation disparaît en effet ce qui fut longtemps l’un des piliers des finances locales : certes, <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/21918-quelles-sont-les-ressources-fiscales-des-collectivites-territoriales">pas le premier impôt direct en volume</a>, puisque la taxe professionnelle puis la taxe foncière ont successivement occupé ce rang, mais à coup sûr le plus symbolique.</p>
<p>Malgré les critiques légitimes dont elle était l’objet, notamment concernant sa <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/604577/pour-un-impot-local-progressif/">faible progressivité</a>, la taxe d’habitation participait bien à un subtil équilibre sociétal qui se trouve, par sa disparition, perturbé.</p>
<p>Trois dimensions ont, nous semble-t-il, été sous-estimées par ses contempteurs.</p>
<h2>Clientélisme tarifaire ?</h2>
<p>La Cour de justice de l’Union européenne ne badine pas avec la discrimination, et elle en a une appréciation extensive : traitement différent de situations similaires, tout naturellement, mais aussi <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A61963CJ0013">traitement identique de situations différentes</a>. Autant vous dire que, dès qu’il y a préférence tarifaire en faveur des résidents pour les services publics mis en œuvre par la commune, ça coince.</p>
<p>Selon sa jurisprudence, seules des raisons impérieuses d’intérêt général peuvent le justifier, comme la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62001CJ0388">« nécessité de préserver la cohérence du système fiscal »</a> ou l’existence d’un « lien direct » entre l’imposition et le tarif préférentiel.</p>
<p>La taxe d’habitation sur les résidences principales jouait jusqu’ici ce rôle discret de clé de voûte entre ce droit communautaire exigeant et le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007643192/">droit public français</a>, beaucoup moins regardant sur la préférence tarifaire fondée sur la domiciliation.</p>
<p>En effet, sans cet impôt local à vocation universelle, la gratuité ou le tarif préférentiel offerts aux résidents, dans les cantines ou les écoles de musique, ne s’apparenteraient plus qu’à une forme primaire de discrimination ou de clientélisme : le résident de la commune B, qui passe pourtant l’essentiel de son temps dans la commune A, paierait plus cher les services publics qu’un résident de ladite commune, non pas parce qu’il serait un passager clandestin du budget communal, mais bien parce qu’il n’en est pas électeur.</p>
<p>Si la préservation de la cohérence et de l’équilibre de systèmes fiscaux locaux ne peut plus justifier la différenciation tarifaire, qu’en dira demain le juge de l’Union européenne ? Les paris sont ouverts.</p>
<h2>Le rôle sociétal de l’impôt</h2>
<p>La disparition programmée de la taxe d’habitation, c’est aussi un argument de moins en faveur de l’obtention du droit de vote aux élections locales pour les étrangers hors Union européenne. Le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000025241373/">durcissement des conditions d’accès à la nationalité française</a>, constaté depuis quelques années, avait pourtant redonné une certaine légitimité à cette vieille revendication. En effet, s’il était désormais plus difficile de devenir français, comment s’opposer plus longtemps à la participation à l’élection du conseil municipal pour des étrangers vivant sur le territoire de la commune et s’acquittant régulièrement de l’impôt local ?</p>
<p>Avec la fin de cet impôt local à vocation universaliste, c’est bien tout un pan de l’argumentaire bâti jusqu’ici qui disparaît.</p>
<p>Dans un étrange mouvement de posture – contre-posture, c’est un débat diamétralement opposé qui a connu ses premiers atermoiements cet été. L’existence de la taxe d’habitation aurait pu justifier le vote des étrangers locataires résidents, sa fin ne pourrait-elle pas justifier un vote des étrangers propriétaires non résidents ?</p>
<p>C’est l’idée défendue par Éric Woerth, président Les Républicains de la Commission des Finances à l’Assemblée nationale, au micro d’Europe 1, le 30 août dernier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1432337580654215171"}"></div></p>
<p>Selon l’ancien ministre du Budget, puisque les propriétaires non-résidents sont désormais amenés à payer plus d’impôts locaux que les locataires résidents, il devient problématique de les maintenir totalement à l’écart des choix quant à l’usage fait desdits impôts :</p>
<blockquote>
<p>« Participer financièrement à l’accomplissement de service public, c’est quand même […] avoir le droit de choisir à un moment donné qui les met en œuvre. »</p>
</blockquote>
<p>Au-delà de l’agitation qui a suivi cette proposition, entre dénonciation d’un nouveau suffrage censitaire et analyse à la va-vite de la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/03/28/20002-20180328ARTFIG00012-la-suppression-de-la-taxe-d-habitation-n-a-aucun-interet-pour-l-economie-francaise.php">sociologie électorale des propriétaires</a>, ces déclarations ont le mérite d’illustrer pour nous l’absence de prise en compte, dans la décision de supprimer la taxe d’habitation sur les résidences principales, du rôle sociétal de l’impôt.</p>
<h2>La collectivité réinterrogée</h2>
<p>Avec la disparition de la taxe d’habitation sur les résidences principales, ce sont aussi un peu les communes qui s’effacent. Les conseils régionaux peuvent en témoigner, eux qui ont progressivement perdu tous les impôts directs qui leur avaient été alloués par la décentralisation des années 1980 (taxe d’habitation supprimée à la fin des années 1990, taxe professionnelle supprimée en 2010, taxe foncière sur les propriétés bâties transférées aux conseils départementaux, taxe foncière sur les propriétés non bâties transférées au bloc communal). Or, ne plus figurer sur aucun avis d’imposition ne peut que contribuer à fragiliser la relation au citoyen.</p>
<p>À cela s’ajoute un risque de renforcement de la préférence française pour la dépense publique. Un président de conseil départemental le soulignait il y a tout juste 10 ans, à l’occasion de la <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/59469/lavis-de-philippe-adnot-senateur-ni-et-president-du-conseil-general-de-laube/">grande réforme de la fiscalité locale</a> introduite par la loi de finances pour 2010 :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsqu’une entreprise demandait une route hors gel, par exemple, je leur répondais par l’affirmative, en leur indiquant néanmoins que cela justifierait une hausse de l’impôt économique local […]. Cela rendait la demande des entreprises raisonnables. […] Cela se révèle également valable pour les citoyens. Lorsque nous bénéficiions d’une part de taxe d’habitation, le citoyen, en formulant une demande de service public supplémentaire, prenait le risque de provoquer une augmentation des impôts. »</p>
</blockquote>
<p>Pas certain donc, au regard du double risque ici énoncé d’effacement ou de sursollicitation, que la disparition de la taxe d’habitation soit dans l’immédiat une bonne affaire pour les administrations locales qui la percevaient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168770/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Eisinger est membre du Bureau de l'AFIGESE. </span></em></p>Il ne faut toucher aux vieux impôts que d’une main tremblante, leur rôle dans les équilibres sociaux étant souvent complexes à appréhender. Exemple avec l'une des mesures phares de quinquennat.Thomas Eisinger, Professeur associé en droit, gestion financière et management des collectivités, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1688962021-09-30T18:17:23Z2021-09-30T18:17:23ZL’étoffe des contestataires : quand le vêtement habille la politique<p>Moulée dans une robe immaculée, exhibant au verso un impérieux « Tax the rich », Alexandria Ocasio-Cortez a réussi à focaliser l’attention des <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/14/tax-the-rich-alexandria-ocasio-cortez-fait-sensation-dans-sa-robe-a-message-au-gala-du-met_6094639_4500055.html">médias</a> lors de son apparition au gala du Met (Metropolitan Museum of Art). Rivalisant (pour le glamour) avec Sharon Stone ou Emily Ratajkowski, et (pour la provocation) avec Kim Kardashian ou Rihanna, elle a su transformer une soirée mondaine en arène médiatique et en tribune politique.</p>
<p>La performance n’est pas mineure. Elle questionne le rôle du vêtement comme vecteur de revendications politiques et l’aptitude de la jeune élue démocrate à capter une visibilité par la médiation d’une posture qui ne saurait être réductible au (seul) slogan exposé de façon transgressive.</p>
<h2>Horizon d’attentes et provocations institutionnalisées</h2>
<p><a href="https://www.liberation.fr/lifestyle/tax-the-rich-la-robe-daoc-en-impose-au-met-gala-20210914_DWAMUL4R5FG7VMXBZNCDVRDUHQ/">Le coup politique et médiatique orchestré par AOC</a> (les initiales témoignant de son accès à une forme de célébrité) repose sur une accumulation de signes contradictoires qui, par un jeu de dissonances, finit par faire sens : au milieu du gotha, une jeune élue progressiste exhibait un message qui, faisant écho aux promesses de campagne de Joe Biden et aux débats en cours à la chambre des représentants sur la taxation des hauts revenus (plus de 400 000 dollars), visait explicitement celles et ceux qui avaient acquitté un ticket d’entrée de 35 000 dollars.</p>
<p>Sa présence pouvait sembler doublement déplacée au sein de cet aréopage de rares privilégiés célébrant la consommation ostentatoire et la superfluité théorisées par <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Theorie-de-la-classe-de-loisir">Thorstein Veblen</a> : elle n’avait pas acquitté de droit d’entrée et son mandat politique ne la qualifiait pas pour parader sur le tapis rouge.</p>
<p>Sans doute pourrait-on arguer qu’aux États-Unis les liens entre <em>people</em> et politique ne sont pas neufs et que la culture de la célébrité n’a pas épargné le <a href="https://www.pur-editions.fr/product/ean/9782753578135/selfies-et-stars">champ politique et ses acteurs (actrices)</a>.</p>
<p>Cette soirée, organisée tous les ans au Met afin de recueillir des fonds pour le Costume Institute, fut jugée <a href="https://www.voici.fr/news-people/actu-people/photos-met-gala-2021-ben-affleck-et-jennifer-lopez-sembrassent-masques-rihanna-et-asap-rocky-saffichent-enfin-ensemble-ce-quil-ne-fallait-pas-rater-712405">« la plus folle de l’année »</a>. Le vestiaire était conforme à cet horizon d’attente, entre élégances et extravagances. Parades et parures (les aisselles non épilées de Lourdes Leon, la fille de Madonna) témoignaient des provocations soigneusement calculées et institutionnalisées.</p>
<h2>Politisation du corps</h2>
<p>Cette double performance, scénique et politique, était aussi indissociable d’une politisation du corps. Par l’impact visuel du slogan d’abord. Forme brève ayant vocation à circuler, concentration du sens à l’expressivité assumée, il se détachait d’un rouge sang, épousant d’une élégante graphie hypertrophiée les courbes de l’élue, cette silhouette effilée aux épaules hâlées et dénudées servant de support/surface au discours asséné. Elle n’a pas été la seule à mobiliser ce répertoire contestataire, celui du vestiaire-écrit ou de l’acte graphique : la « It girl » Cara Delevingne a arboré un gilet pare-balle – signé Dior – orné d’un « Peg the Patriarchy » lui aussi en lettres rouges incendiaires.</p>
<p>Politisation aussi, par le choix de la robe, <a href="https://www.ellequebec.com/mode/designers/portrait-aurora-james">signée Aurora James</a>, jeune afro-canadienne immigrée à New York, passée du marché aux puces de Brooklyn au rang de styliste primée, et dont le but est de concilier mode et développement durable.</p>
<p>Politisation enfin dans cette aptitude à subvertir les lieux et les rôles, l’élue endossant les atours du glamour et jouant sur les attributs, largement refoulés en politique, de <a href="https://www.puf.com/content/Pouvoir_et_beaut%C3%A9">la beauté et de la séduction</a>.</p>
<h2>Se singulariser pour exister (politiquement)</h2>
<p>Si sa démarche témoigne d’une forme de libre arbitre vestimentaire, les choix opérés par les gouvernants comme par les opposants en la matière ne sont jamais neutres. Ils disent, dans la conformité aux normes, la conformation aux rôles et aux ordres (esthétiques et politiques) comme, à l’inverse, dans la provocation, la contestation des phénomènes de domination.</p>
<p>Exhibant un tee-shirt en lieu et place du traditionnel costume-cravate lors du débat télévisé du premier tour de l’élection présidentielle (le 5 avril 2017), Philippe Poutou, candidat du Nouveau parti anticapitaliste, signait par le refus ostensible des conventions mondaines, la contestation de l’establishment politique et de ses codes. Le vêtement était le message : il signifiait le rejet de la frivolité bourgeoise dans le monde des luttes communistes ou révolutionnaires.</p>
<p>La question du port de la cravate reste à cet égard emblématique. Fétiche d’une normalité (la cravate construit les identités de genre et notamment la masculinité tout en s’imposant comme norme vestimentaire), elle est aussi un enjeu politique. On ne compte plus les <a href="https://www.lepoint.fr/politique/finies-les-polemiques-l-assemblee-nationale-impose-un-code-vestimentaire-18-01-2018-2187841_20.php">rappels à l’ordre</a>, à l’Assemblée nationale d’abord, visant les parlementaires peu respectueux des conventions.</p>
<p>Il s’agit davantage d’une coutume stabilisée au point d’être devenue une norme dont les huissiers étaient les gardiens vigilants. Les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/divers/texte_reference/02_reglement_assemblee_nationale">textes réglementaires</a> n’imposaient pas explicitement le port de la cravate mais recommandaient une tenue correcte, celle-ci étant indissociable de cette pièce du vestiaire, élément incontournable de la parure masculine jusqu’à la <a href="https://www.la-croix.com/France/Politique/cravate-nest-obligatoire-lAssemblee-2017-07-21-1200864653">levée de cette contrainte</a> par le bureau de l’Assemblée à partir de 2017.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jack Lang en col mao siglé (INA, 1985).</span></figcaption>
</figure>
<p>Quelques exemples célèbres illustrent cette histoire des microtransgressions vestimentaires : de l’apparition de Jack Lang en veste à « col mao » siglée Mugler le 17 avril 1985 à celle, plus récente, des <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/video-des-insoumis-sans-cravate-a-l-assemblee-nous-rejetons-ce-code-vestimentaire-qui-nous-est-impose_2257777.html">députés de la France insoumise</a> sans cravate en juin 2017. Symbolique, son absence fut conçue comme un geste politique que commenta d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a eu dans cette Assemblée, autrefois, des sans-culottes, il y a dorénavant des sans-cravates. »</p>
</blockquote>
<p>Par cette omission volontaire, les députés rebelles investissaient le vêtement d’une signification qui jouait sur la ressemblance entre les élus et leurs mandants. La démarche n’était pas neuve. Déjà sous la III<sup>e</sup> République, en novembre 1894, le député de l’Allier Christophe Thivrier, dit Christou, issu du Parti ouvrier, faisait sa rentrée parlementaire en « biaude » (blouse), afin d’emblématiser son attachement aux classes populaires.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un dessin montrant Christophe Thivrier, premier maire socialiste au monde, se faisant expulser de la Chambre des députés" src="https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=701&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=701&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=701&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423611/original/file-20210928-24-1d768kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Christophe Thivrier, premier maire socialiste au monde, expulsé de la Chambre des députés. Extrait de la couverture du supplément illustré du <em>Petit Journal</em> du lundi 18 février 1894.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Thivrier#/media/Fichier:Christophe_Thivrier_1894.jpg">José Belon/Wiki Commons</a></span>
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<p>Avant lui, le <a href="https://histoire-image.org/fr/etudes/portrait-pere-gerard">« père Gérard »</a> en costume de cultivateur breton sous la Constituante, le député de Marseille <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Marius_Astouin">Louis Marius Astouin</a> et son habit de portefaix en 1848 ou encore <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2018/01/24/26010-20180124ARTFIG00173-quand-un-depute-du-doubs-siegeait-en-burnous-a-l-assemblee-en-1896.php">Philippe Grenier</a>, premier élu musulman siégeant en gandoura et en burnous en 1896, illustrent ces actions délibérées souvent usitées par les nouveaux entrants.</p>
<p>Un siècle plus tard, en 1997, l’arrivée de Patrice Carvalho dans l’hémicycle, cravaté mais en bleu de chauffe, creuset d’une mémoire et d’une histoire usinières, constitue un nouveau scandale qui médiatise sa condition : être le seul député issu du monde ouvrier.</p>
<h2>Symbolique politique et usages contestataires</h2>
<p>Au-delà de cette contestation de la police des apparences par les professionnels politiques (entre provocations et scandales), le vêtement irrigue l’univers des luttes. De la révolte bretonne des bonnets rouges à celle de « gilets jaunes », chromatisme et vestiaire se conjuguent pour marquer la défiance, exprimer les mécontentements ou la colère et donner corps aux revendications. Les répertoires d’action <a href="https://www.persee.frdoc/socco_1150-1944_1998_num_31_1_1770">se nourrissent</a> de tous ces signes et insignes distinctifs. Ils invitent à une lecture politique et anatomique du détail.</p>
<p>Comme tout symbole, le vêtement recèle une <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1957_num_12_3_2656">dimension identitaire</a> qui œuvre à l’intégration de l’individu dans le groupe, ravive la fidélité contestataire tout en autorisant, à l’image des messages apposés sur les gilets jaunes, des formes d’expressions plus personnalisées.</p>
<p>Il se prête alors à de <a href="https://calenda.org/789338?lang=de">multiples stratégies d’annexions</a> (le pantalon des garçonnes) comme de rejet (les soutiens-gorge par les féministes américaines), de détournement des vêtements de travail ou des marques (les polo <a href="https://theoutline.com/post/1760/fred-perry-polo-skinheads">Fred Perry par les suprémacistes américains</a>) comme leur refus (à l’image du « no logo » de Naomi Klein et des altermondialistes) en passant par la récupération et la réparation tels que le « upcycling » et le <a href="https://www.thegoodgoods.fr/mode/visible-mending-la-reparation-acte-de-resistance-contre-lobsolescence-programmee/">« visible mending »</a> des fashion activistes s’opposant au système-mode porté par l’idéologie néo-libérale.</p>
<p>Que dire enfin des Femen (puis des Homen) ou des étudiants du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1016231/cinq-ans-printemps-erable-droits-scolarite-greves-etudiants">Printemps érable québécois</a> qui firent de leur nudité le ressort de leur protestation et de leur corps (dévêtu) une arme ?</p>
<h2>Une signification politique fluctuante</h2>
<p>Mais la symbolique politique du vêtement impose une contextualisation tant il existe une labilité du signe qui fluctue selon les conditions d’appropriation et d’exhibition. Banals dans la sphère domestique, les <a href="https://www.ohmymag.com/roselyne-bachelot/roselyne-bachelot-en-crocs-roses-au-conseil-des-ministres-pari-tenu-photos-et-video_art6939.html">crocs roses de Roselyne Bachelot</a> se parent d’une dimension transgressive sur le perron de l’Élysée.</p>
<p>La signification (politique) d’un vêtement n’est donc jamais totalement figée. Elle évolue dans le temps et selon les lieux comme l’atteste la trajectoire du <em>blue jean</em> <a href="https://www.livrenpoche.com/products/une-histoire-du-blue-jean?variant=39414451994786">étudiée par Daniel Friedman</a>, longtemps chargé de multiples connotations de révolte et de contestation, celle du hippie comme celle du biker, avant de connaître une acclimatation planétaire, même si le <a href="https://www.marieclaire.fr/,cecile-duflot-jean-conseil-des-ministres,20123,530718.asp">jean de Cécile Duflot</a> lors du premier conseil des ministres suscita une polémique.</p>
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<img alt="Une image de mode représentant deux hommes et deux femmes portant des vêtements en jean" src="https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423617/original/file-20210928-23-1qy05pt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Longtemps symbole de la marginalité sociale, le vêtement en jean est maintenant présent dans le vestiaire de tous les milieux sociaux, aux quatre coins du monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jeans_Jeans_Jeans.jpg">Jcjeansandclothes/Wiki Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La géométrie solennelle du pouvoir d’État autorise peu les écarts qui seront en revanche largement tolérés voire plébiscités dans les mobilisations collectives, à l’image du sit-in, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Die-in">die_in</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kiss-in">kiss-in</a>.</p>
<p>Langage des résistances, porteur d’une mémoire sociale ou politique, adapté, détourné ou réinventé, le vestiaire est riche de possibles esthétiques et de plus-values politiques. Il forge les identités et construit les antagonismes, dessine les clivages et popularise les messages ; il médiatise les combats et frappe l’opinion ; il fédère et mobilise. À ce titre, par le gouvernement des corps qu’il met en jeu, il reste un formidable catalyseur et analyseur des contestations.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur publie le 6 octobre <a href="https://www.puf.com/content/Pouvoir_et_beaut%C3%A9">« Pouvoir et beauté »</a> aux éditions PUF.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168896/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Hourmant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme le vêtement peut-il être vecteur de revendications politiques ?François Hourmant, Professeur de science politique, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633042021-06-30T20:06:39Z2021-06-30T20:06:39ZQuelles pistes pour freiner la déforestation importée ?<p>La France <a href="http://www.senat.fr/rap/r18-528/r18-5281.pdf">importe 20 % de son alimentation</a> et cette part est croissante. Parmi ces produits agricoles figurent des denrées – huile de palme, bœuf, cacao, café, soja… – responsables de déforestation dans les pays qui les produisent ; c’est ce que l’on appelle la <a href="https://theconversation.com/deforestation-au-bresil-que-fait-vraiment-la-france-123031">déforestation importée</a>.</p>
<p>Si les surfaces forestières sont en hausse en France, principalement du fait de la contraction de l’espace agricole, il faut relativiser cette bonne nouvelle par les pertes de surfaces forestières que nos importations agricoles croissantes induisent dans les pays tiers. Ces pertes délocalisées de forêts représentent <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab0d41">environ un tiers du gain</a> de surfaces forestières sur le territoire métropolitain.</p>
<p>Le cas français est <a href="https://ec.europa.eu/environment/forests/pdf/1.%20Report%20analysis%20of%20impact.pdf">loin d’être unique</a>. Au niveau mondial, on peut schématiquement distinguer les zones tropicales qui perdent massivement leurs forêts (-10 millions d’hectares par an selon le dernier <a href="http://www.fao.org/forest-resources-assessment/fr/">rapport sur les ressources forestières de la FAO</a>) et les zones tempérées qui gagnent des surfaces forestières (+5 millions d’hectares par an).</p>
<h2>1/3 de surfaces déforestées par le commerce international</h2>
<p>Sur les 10 millions d’hectares de forêts perdus chaque année, un <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab0d41">peu moins des deux tiers peuvent être attribués à l’expansion agricole</a> de manière univoque, le gros tiers restant correspondant à la conjonction de causes multiples (feux de forêt, exploitation forestière…).</p>
<p>Environ la moitié de cette déforestation univoquement liée à l’expansion agricole (soit environ un tiers des surfaces forestières perdues) <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2019.03.002">est liée au commerce international</a>. En luttant contre la déforestation importée, il est donc possible de lutter significativement contre la déforestation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1172030396441210880"}"></div></p>
<p>La France s’est dotée dans ce but en 2018 d’une <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.11.14_dp_sndi_mtes.pdf">stratégie nationale</a> (SNDI). Avec huit autres pays européens, elle est membre du <a href="https://ad-partnership.org/">Partenariat des déclarations d’Amsterdam</a>.</p>
<p>La <a href="https://eur-lex.europa.eu/resource.html">communication de la Commission européenne sur la protection et la restauration des forêts de la planète</a> évoque clairement le problème, tandis que le Parlement européen s’est penché sur le <a href="https://doi.org/10.2861/30417">cadre légal</a>.</p>
<h2>Il y a forêt et forêt</h2>
<p>Lutter contre la déforestation importée implique de savoir quantifier le phénomène et le suivre.</p>
<p>Les bois tropicaux d’Afrique peuvent ainsi <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2018-11/20181107_Rapport_Synthe%CC%80se_De%CC%81forestation_Importe%CC%81e_France_WWF-min.pdf">passer par la Chine</a> où ils sont transformés avant d’être importés en Europe. Ce sont donc des chaînes de traçabilité complexes qu’il s’agit mettre en place, avec l’appui des douanes et des intermédiaires privés des filières.</p>
<p>À cela s’ajoutent des questions de temporalité. À partir de quel moment un déboisement peut-il être considéré comme « prescrit » et les produits issus de cet espace déconnectés de la déforestation ? Le cacao de Côte d’Ivoire issu des cacaoyères qui ont remplacé des forêts détruites dans les années 2000 doit-il encore être compté au passif de la déforestation importée ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/a5A17Sepj-E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Déforestation importée : quel est l’impact de nos choix alimentaires ? (Consomag/Youtube, le 24 décembre 2019).</span></figcaption>
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<p>Une autre question, plus fondamentale car elle conditionne le concept même de déforestation, se pose : qu’est-ce qu’une forêt ?</p>
<p>La définition technique d’une forêt (distincte de sa définition juridique) repose <em>grosso modo</em> sur deux notions : l’usage du sol et le couvert arboré. Un terrain peut avoir un usage forestier en ayant un couvert arboré nul (juste après un incendie de forêt) et, inversement, un terrain peut avoir un couvert fermé sans avoir d’usage forestier (une plantation de palmier à huile).</p>
<h2>Dégradation des forêts</h2>
<p>Il est nécessaire également d’introduire le concept de dégradation des forêts. Celle-ci se définit comme la réduction de la capacité de la forêt de fournir des biens et des services, ce qui se traduit par une réduction de la densité de la biomasse des arbres. Les pays définissent la forêt en fixant leur propre seuil de couvert arboré. Il en résulte <a href="https://doi.org/10.1016/S1462-9011(98)00046-X">plusieurs centaines de définitions</a>.</p>
<p>Pour la déforestation importée, le choix de ce seuil est critique. S’il est bas, une forte dégradation forestière peut se produire sans que cette transformation soit qualifiée de déforestation. S’il est élevé, la conversion en terres agricoles qui ont toutes les caractéristiques écologiques de forêts pourrait ne pas être considérée comme de la déforestation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407991/original/file-20210623-19-1b0eq0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Effets du choix d’un seuil sur les perceptions de la déforestation et de la dégradation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.highcarbonstock.org">Adapté de High Carbon Stock Approach</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Beaucoup d’activités productives durables, comme l’exploitation sélective du bois, entraînent une dégradation de la forêt. Mais, dans le cadre d’une bonne gestion forestière, cette dégradation reste limitée et réversible. Il en va de même pour certaines formes d’agroforesterie (comme le cacao sous ombrage forestier) ou la collecte de bois de feu dans les forêts sèches.</p>
<p>L’enjeu, alors, n’est pas de vouloir éviter toute dégradation, mais de maîtriser les facteurs qui la provoquent afin de la contenir dans des limites viables. Les cadres réglementaires (et les certifications indépendantes) doivent être mobilisés à cet effet.</p>
<p>Ces différentes questions, qui semblent techniques au premier abord, renvoient à des choix normatifs qui sont du ressort des politiques et de la légalité.</p>
<h2>Déforestation légale et illégale</h2>
<p>Il nous semble ainsi nécessaire de devoir distinguer déforestation illégale et légale, en nous appuyant sur le <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-reglement-sur-le-bois-de-lunion-europeenne">règlement bois de l’Union européenne</a> (RBUE) qui a interdit l’importation de bois récolté illicitement.</p>
<p>Différencier légal et illégal est politiquement plus faisable qu’un boycott de productions agricoles associées à une déforestation légale dans le pays producteur, mais jugée écologiquement problématique. Le risque serait, pour l’UE, de s’exposer à des représailles commerciales s’il y a interdiction d’entrée de productions agricoles légales, sans compter les plaintes à <a href="https://www.wto.org/indexfr.htm">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC) pour discrimination commerciale.</p>
<p>L’idéal serait que les pays producteurs et les pays importateurs s’entendent sur des définitions communes de la forêt (adaptées à chaque biome) et sur des dates de référence après lesquelles le déboisement ne peut être prescrit. Mais ceci constituera un processus long et difficile.</p>
<h2>Tarifs douaniers modulés</h2>
<p>Il semble plus réaliste d’interdire l’entrée de produits agricoles issus de la déforestation illégale et de moduler les tarifs douaniers en fonction de l’information et des garanties que les acteurs des filières apportent pour prouver que leur production est « zéro déforestation ».</p>
<p>On peut s’inspirer du principe du RBUE qui impose une <a href="https://www.ofme.org/documents/Loisreglements/Circulaires/Note_information_regionale_RBUE_juin2014.pdf">diligence raisonnée</a> aux importateurs pour s’assurer que le bois mis en marché ne provient pas de sources illégales.</p>
<p>Puis de compléter cette obligation par l’utilisation de droits de douane différenciés, basés sur des certifications indépendantes intégrant des critères zéro déforestation. Ces certifications seraient agréées par les pouvoirs publics et feraient l’objet d’un processus d’évaluation continue.</p>
<p>La Suisse vient d’ouvrir la voie <em>via</em> un <a href="https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Aussenwirtschaftspolitik_Wirtschaftliche_Zusammenarbeit/Wirtschaftsbeziehungen/Freihandelsabkommen/partner_fha/partner_weltweit/indonesien.html">accord avec l’Indonésie</a> qui abaisse les tarifs douaniers de 20 % puis 40 % pour l’huile de palme certifiée (on compte trois standards agréés).</p>
<h2>Certifications zéro déforestation</h2>
<p>L’insuffisance actuelle d’offre de certification zéro déforestation pour quelques filières peut être une difficulté. Mais cette situation évolue.</p>
<p>Depuis 2018, des certifications comme <a href="https://www.rspo.org/certification">RSPO</a> (huile de palme) ou <a href="https://www.rainforest-alliance.org/lang/fr">Rainforest Alliance</a> (cacao et d’autres commodités) ont intégré de tels critères.</p>
<p>On peut gager que d’autres certifications vont leur emboîter le pas. Et la demande des entreprises sera nettement plus pressante si la perspective d’une mise en place d’une fiscalité différenciée aux frontières de l’UE se précise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"864584772768722944"}"></div></p>
<p>Pour les pouvoirs publics, ce serait une manière de contribuer à l’évolution des certifications privées, dans la mesure où ils pourraient labelliser celles qui intègrent une approche zéro déforestation correspondant aux critères européens et dont les dispositifs de vérification sont jugés crédibles.</p>
<h2>Diligence raisonnée</h2>
<p>Dans tous les cas, il sera nécessaire que les importateurs se soumettent à l’exigence légale de diligence raisonnée pour s’assurer que le produit n’est pas issu d’une déforestation illicite.</p>
<p>Des dispositifs d’information permettant la gestion du risque seront utiles : un importateur pourra décider de ne pas s’approvisionner dans une zone à risque. Si l’information est insuffisante et que l’importation a lieu, il faudra que l’importateur, non seulement s’acquitte de son obligation de diligence raisonnée, mais qu’il puisse également démontrer que son produit n’intègre aucune déforestation afin de bénéficier d’un tarif douanier favorable.</p>
<p>L’enchaînement logique serait le suivant :</p>
<ul>
<li><p>Si la diligence raisonnée suggère un risque élevé d’illégalité, alors l’importateur responsable renonce à mettre en marché la cargaison concernée.</p></li>
<li><p>Si la diligence raisonnée est concluante (risque nul ou négligeable d’illégalité), mais que le produit n’est pas certifié zéro déforestation, alors il se voit appliquer un tarif douanier plus élevé.</p></li>
<li><p>Si la diligence raisonnée est concluante et que le produit est certifié zéro déforestation, alors il se voit appliquer un tarif douanier favorable. Une certification zéro déforestation doit intégrer également la garantie de légalité, donc faciliter la diligence raisonnée.</p></li>
</ul>
<h2>Soutenir des pratiques durables chez les petits producteurs</h2>
<p>Actuellement, beaucoup de tarifs douaniers bénéficient de taux à 0 %, comme le soja, le caoutchouc naturel ou le cacao. Introduire un différentiel fiscal entre les productions zéro déforestation et les autres passera par une hausse de certains tarifs.</p>
<p>Les recettes fiscales supplémentaires pourraient être affectées au financement de programmes destinés à aider les petits producteurs des pays exportateurs à évoluer vers des pratiques durables et parvenir à être certifiés. Cette affectation permettrait de réfuter des accusations de protectionnisme et constituerait un gage de « bonne foi » pour défendre cette mesure à l’OMC.</p>
<p>Et, comme pour toute fiscalité écologique, l’objectif serait que le rendement de cette taxation à l’importation soit décroissant, c’est-à-dire que l’Europe n’importe plus, à terme, que des produits certifiés zéro déforestation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Karsenty est membre du Comité scientifique de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Picard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux lutter contre la déforestation importée, il s’agit de suivre et quantifier finement le phénomène, et d’agir à l’aide de certifications et de tarifs douaniers notamment.Alain Karsenty, Économiste de l’environnement, directeur de recherches, enseignant à AgroParisTech et consultant international, CiradNicolas Picard, Directeur du GIP ECOFOR, chercheur en sciences forestières, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451102020-10-01T18:53:04Z2020-10-01T18:53:04ZFortnite contre la « taxe Apple » : un combat épique dans un écosystème pas si vertueux<p>Depuis le lancement en 2017 de son jeu vidéo Fortnite, l’éditeur Epic Games n’a eu de cesse de bousculer l’industrie du jeu vidéo. Sa <a href="https://www.wired.com/story/epic-games-sues-apple-fortnite-app-store/">passe d’armes actuelle avec Apple</a>, et dans une moindre mesure Google, autour du bannissement de Fortnite de l’Apple Store et du Google Play Store constitue une nouvelle étape dans cette sorte de <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=28615.html">« battle royale »</a> entre géants du numérique.</p>
<p>Une bataille qui se joue aujourd’hui devant les tribunaux : les auditions des deux parties ont débuté le 28 septembre dernier pour un verdict très attendu, tant il pourrait <a href="https://www.economist.com/business/2020/09/29/the-epic-apple-courtroom-battle-commences">redéfinir les règles</a> sur les plates-formes de téléchargement d’applications.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1311070383618043904"}"></div></p>
<p>Mais comme dans les jeux vidéo du même type, un seul acteur sortira-t-il vainqueur de cet affrontement, ou celui-ci aboutira-t-il au contraire à un compromis dont chacun bénéficiera ?</p>
<h2>La fabuleuse croissance de Fortnite</h2>
<p>Fortnite propose plusieurs modes de jeu et fonctionne sur un rythme de saisons de 10 à 12 semaines chacune. Le mode le plus populaire « Fornite Battle Royale » réunit jusqu’à 100 joueurs par partie et permet de s’affronter individuellement ou en équipes, en combinant des techniques offensives (tir) et défensives (construction), et dont le vainqueur est le seul survivant (principe dit de la battle royale).</p>
<p>S’il n’a pas inventé ce style, Fortnite en est devenu en peu de temps l’incarnation la plus connue, auquel des jeux aussi traditionnels que Tetris (<a href="https://www.jeuxvideo.com/jeux/switch/jeu-1001771/">Tetris 99</a>) ou Mario (<a href="https://www.pesesurstart.com/2020/09/03/super-mario-bros-35-est-le-battle-royale-de-mario-auquel-on-ne-sattendait-pas">Super Mario Bros. 35</a>) ont succombé de manière inattendue.</p>
<p>Bien que rentrant dans la catégorie des jeux <em>free-to-play</em> (jouables gratuitement), Fortnite propose aux joueurs des achats (microtransactions aussi appelées achats <em>in-app</em>) portant essentiellement sur des équipements permettant aux joueurs de personnaliser leur avatar.</p>
<p>La qualité du jeu et ce modèle économique ont permis à Fortnite d’atteindre les 125 millions de joueurs et 1,2 milliard de dollars de revenus <a href="https://www.investopedia.com/tech/how-does-fortnite-make-money/">dans les 10 mois</a> qui ont suivi sa mise sur le marché. Ces revenus ont ensuite explosé lorsque le jeu apparut sur iOS en avril 2018, les <a href="https://sensortower.com/blog/fortnite-mobile-first-month">joueurs y dépensant quotidiennement environ 1 million de dollars</a> durant les premiers mois de sa disponibilité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cours-bambi-comment-le-phenomene-fortnite-bouscule-lindustrie-du-jeu-video-103630">« Cours, Bambi » : comment le phénomène Fortnite bouscule l’industrie du jeu vidéo</a>
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<p>Cette croissance est restée très soutenue ensuite, Fortnite comptant maintenant aux alentours de <a href="https://www.statista.com/statistics/746230/fortnite-players/">350 millions de joueurs</a> qui s’affrontent à travers toutes les plates-formes sur lesquelles le jeu est disponible (PC, mobiles, consoles). Son chiffre d’affaires, en revanche, <a href="https://variety.com/2020/digital/news/fortnite-top-earning-game-2019-1203455069/">n’a pas suivi la même croissance</a>, passant de 2,4 milliards de dollars en 2018 à 1,8 en 2019 (- 25 %). L’année 2020 devrait toutefois permettre de renouer avec la croissance, les confinements de dizaines de pays dus à la pandémie de la Covid-19 ayant largement <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/epic-games-devrait-etre-valorise-a-17-milliards-de-dollars-grace-a-une-nouvelle-levee-de-fonds.N976301">profité aux jeux vidéo</a>.</p>
<h2>Fortnite, du jeu vidéo au Métavers</h2>
<p>Face à cette baisse de revenus, Epic a tout d’abord entrepris de renouveler l’attrait de sa plate-forme en y organisant des événements virtuels exceptionnels. Ainsi, alors que les concerts et festivals de musique étaient annulés à travers le monde du fait de la pandémie, Fortnite accueillit, entre le 23 et le 25 avril, cinq concerts virtuels du rappeur Travis Scott qui réunirent au total <a href="http://generations.fr/news/culture-et-societe/53764/travis-scott-les-chiffres-fous-de-son-passage-sur-fortnite">plus de 27,7 millions de personnes</a> (le premier concert ayant à lui seul attiré près de 12,3 millions de personnes). Conséquence : Epic a annoncé début septembre 2020 une <a href="https://www.theverge.com/2020/9/8/21423004/fortnite-party-royale-concert-series-dominic-fike">série de concerts</a>, avec l’espoir de faire de Fortnite un « tour stop » pour les artistes.</p>
<p>Outre la musique, Fortnite ouvre aussi la porte au cinéma. La bande annonce de <em>Tenet</em>, dernier film de Christopher Nolan présenté comme le <a href="https://www.marianne.net/culture/tenet-christopher-nolan-est-il-vraiment-le-sauveur-des-salles-de-cinema">sauveur des salles de cinéma</a>, y a également été diffusée en pleine pandémie. Et le 26 juin 2020, les joueurs de Fortnite ont pu <a href="https://www.presse-citron.net/fortnite-un-evenement-cinema-avec-trois-films-de-christopher-nolan-diffuses-en-integralite/">voir en intégralité des films de Christopher Nolan</a> (Batman Begins, Le Prestige ou Inception selon les zones géographiques).</p>
<p>À travers ses évolutions, Fortnite s’éloigne progressivement du statut de simple jeu vidéo pour s’approcher de celui de <a href="https://owdin.live/2020/05/04/la-silicon-valley-se-demene-pour-construire-la-prochaine-version-de-linternet-fortnite-pourrait-etre-le-premier-a-y-parvenir/">métavers</a>, un univers virtuel partagé et « persistant » puisqu’actif et évolutif même en dehors des moments de connexion individuels (sur le modèle de l’Oasis dépeinte par Spielberg dans son film <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=229831.html"><em>Ready Player One</em></a>).</p>
<p>Mais au-delà de cette transformation qui vise à diversifier et accroître ses revenus, Epic tente aussi en parallèle de maximiser la valeur générée par son jeu phare. Et cela passe, notamment, par une lutte contre ce qu’il appelle la « taxe Apple ».</p>
<h2>La « taxe Apple », pomme de la discorde</h2>
<p>Avec une capitalisation estimée à un <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/epic-games-devrait-etre-valorise-a-17-milliards-de-dollars-grace-a-une-nouvelle-levee-de-fonds.N976301">peu plus de 17 milliards de dollars</a>, Epic (détenu à 40 % par le chinois Tencent) fait office de David face au Goliath Apple qui en <a href="https://www.zonebourse.com/cours/action/APPLE-INC-4849/">pèse près de 2 000</a>. Ce rapport déséquilibré ne l’a pourtant pas empêché de se lancer dans une confrontation directe avec la firme de Cupertino.</p>
<p>Être présent sur l’Apple Store du géant américain implique en effet de se soumettre à des règles drastiques, dont la plus critiquée est certainement ce que d’aucuns qualifient de « taxe Apple ». Il s’agit en réalité d’une commission de 30 % (potentiellement réduite à 15 % dès la deuxième année) qu’Apple prélève sur le chiffre d’affaires de toute application présente sur son store, qu’il soit issu d’abonnements ou de microtransactions.</p>
<p>Apple justifie ce prélèvement par la visibilité offerte par son store et un <a href="https://www.igen.fr/ios/2020/09/ios-14-les-developpeurs-ont-un-nouveau-moyen-pour-lutter-contre-les-apps-piratees-117197">ensemble de services contre le piratage</a> protégeant les développeurs. Ce modèle vaut d’ailleurs pour la majorité des plates-formes de ce type (Google prélève également 30 % via le Google Play Store), même si les pourcentages sont parfois moindres.</p>
<p>Ces 30 % n’en sont pas moins considérés comme abusifs, comme <a href="https://www.igen.fr/app-store/2020/06/apple-menace-de-supprimer-hey-de-lapp-store-pour-une-histoire-dachats-integres">l’explique Heinemeier Hansson</a>, cofondateur de Basecamp et HEY, une application de service de mails :</p>
<blockquote>
<p>« Même dans un million d’années, il n’y a aucune chance que je verse à Apple un tiers de mes revenus, c’est obscène, c’est criminel. »</p>
</blockquote>
<p>Partageant ce constat, Epic s’est érigé en porte-drapeau de la lutte contre cette « taxe Apple » en mettant en ligne en août 2020 une version de Fortnite permettant aux joueurs de réaliser des achats <em>in-app</em> sans verser ces fameux 30 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Epic direct less expensive than AppStore" src="https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Epic propose à ses clients de payer moins cher via un paiement direct.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Epic Website</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La réaction d’Apple fut quasi immédiate, Fortnite se voyant exclu de l’Apple Store pour avoir contrevenu à ses règles (interdiction d’inclure dans l’application un système de paiement ou d’expliquer clairement à ses utilisateurs comment régler différemment leurs achats qu’en passant par l’Apple Store). Cette séquence s’est répétée le lendemain avec le Google Play Store de Google.</p>
<p>En réaction, Epic a immédiatement <a href="https://www.wired.com/story/epic-games-sues-apple-fortnite-app-store/">attaqué les deux géants</a> devant les tribunaux pour violation des lois antitrust – sachant que la position d’Apple avait déjà été <a href="https://www.theverge.com/2019/5/13/18617727/apple-v-pepper-antitrust-illinois-brick-supreme-court-case-loss">qualifiée de monopole</a> par la Cour suprême américaine en mai 2019.</p>
<h2>Des « écosystèmes de service » déséquilibrés</h2>
<p>Ces événements reflètent bien les dérives inhérentes au fonctionnement des écosystèmes de service (réseaux d’acteurs interdépendants qui sont en relation directe et/ou indirecte), mis en évidence dans une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JSM-02-2019-0084/full/html">récente recherche</a>.</p>
<p>Ceux-ci sont généralement caractérisés par des relations de pouvoir déséquilibrées, qui permettent à un acteur dominant d’imposer ses règles aux autres. Ils sont donc loin d’être aussi vertueux et créateurs de valeur qu’on le <a href="https://www.hypeinnovation.com/hubfs/content/reports/building-ecosystem-shared-value.pdf">laisse souvent penser</a>, un acteur s’arrangeant pour capter une large partie de la valeur qu’ils génèrent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1306714795090030596"}"></div></p>
<p>Ces déséquilibres poussent les entreprises qui en sont victimes à tenter de s’extraire de ces écosystèmes – voire de ne pas y rentrer. Par exemple, au lancement de Fortnite sur Android, en 2018, Epic a lui-même assuré la distribution de son jeu sans passer par le Google Play Store – <a href="https://techcrunch.com/2020/04/21/epic-games-launches-fortnite-on-the-google-play-store-and-theyre-not-happy-about-it/">avant de finalement s’y faire référencer</a> pour des raisons de sécurité. Mais ceci n’est pas chose aisée.</p>
<p>On peut par exemple s’appuyer sur la puissance de sa marque – ce que fait Epic avec Fortnite. Il est aussi possible d’essayer de générer des alliances avec d’autres entreprises pour avoir plus de poids contre le propriétaire de la plate-forme.</p>
<p>Epic a ainsi rassemblé dans la <a href="https://appfairness.org/our-vision/">Coalition for App Fairness</a> de nombreuses entreprises dont des poids lourds comme <a href="https://www.presse-citron.net/spotify-tinder-et-epic-games-sunissent-contre-les-pratiques-de-lapp-store/">Spotify, Tinder</a> ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/15/facebook-rejoint-le-mouvement-de-contestation-contre-apple-et-sa-taxe_6049012_4408996.html">Facebook</a>.</p>
<p>On peut enfin mobiliser sa base de clients pour qu’ils fassent pression – comme le fait là encore Epic. Au retrait de Fortnite, la firme a en effet diffusé une parodie de la vidéo de lancement du Macintosh 128K, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VtvjbmoDx-I"><em>1984</em></a>, avec ce message :</p>
<blockquote>
<p>« Epic Games a défié le monopole de l’Apple store. En représailles, Apple bloque Fortnite sur plus d’un million d’appareils. Rejoignez le combat pour empêcher que 2020 devienne comme “1984”. »</p>
</blockquote>
<p>Le tout accompagné du hashtag <a href="https://twitter.com/hashtag/freefortnite?lang=fr">#Freefortnite</a> sur les réseaux sociaux et d’une communication à destination de ses clients <a href="https://www.epicgames.com/fortnite/fr/news/freefortnite">sur son site</a>.</p>
<p>La battle royale entre ces géants du numérique semble en tout cas ne faire que commencer, et son issue juridique pourrait ne voir le jour que courant 2021. D’ores et déjà, l’évolution et le résultat de cette passe d’armes sont <a href="https://www.reuters.com/article/us-apple-epic-games-germany-idUSKBN25T1QS ?taid=5f4f92cff67cb60001bf925f">scrutés attentivement</a> car ils modifieront très certainement l’industrie du jeu vidéo et plus largement les dynamiques des écosystèmes de services.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le retrait du jeu vidéo aux 350 millions de joueurs des plates-formes d’applications illustre les dérives inhérentes à un réseau d’acteurs interdépendants dont les relations sont déséquilibrées.Loïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Associate Professor, IÉSEG School of ManagementDidier Calcei, Professeur associé en Innovation & Entrepreneuriat, South Champagne Business School (Y Schools) – UGEILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1447442020-08-26T17:39:37Z2020-08-26T17:39:37ZPollution dans l’espace : et si on taxait ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353593/original/file-20200819-42861-1mo8cab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1372%2C7%2C3405%2C2687&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y aurait actuellement en orbite plus de 130&nbsp;millions de débris plus gros que 1&nbsp;mm, à peu près 900&nbsp;000&nbsp;débris ayant une taille comprise entre 1 et 10 cm, et approximativement 34&nbsp;000&nbsp;débris plus grands que 10 cm.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-illustration/space-debris-earth-orbit-dangerous-600w-1075031798.jpg">Dotted Yeti / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’aventure spatiale est à l’évidence l’une des grandes avancées du XX<sup>e</sup> siècle. Au-delà de l’incroyable performance scientifique et technologique, il s’agit également de l’avènement d’une ressource qui permet d’améliorer la vie des êtres humains sur la planète. En effet, nous utilisons tous quotidiennement aujourd’hui, directement ou indirectement, les services de nombreux satellites.</p>
<p>À titre d’illustrations, chaque utilisateur de téléphone portable utilise quotidiennement les services d’<a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/15/les-delegations-comite-et-office-parlementaire/office-parlementaire-d-evaluation-des-choix-scientifiques-et-technologiques/secretariat/notes-scientifiques-de-l-office/les-satellites-et-leurs-applications-n-19-octobre-2019">environ 40 satellites</a>, et nous sommes aujourd’hui très nombreux à avoir abandonné les cartes papiers pour utiliser un assistant de navigation (GPS ou Galileo) dans nos déplacements.</p>
<p>En outre, notre dépendance aux satellites est d’autant plus forte que sans eux nous ne serions pas en mesure de prendre certaines de nos décisions collectives les plus cruciales car, par exemple, comme le souligne le chercheur du CNES (Centre national d’études spatiales) Christophe Bonnal, sur les 50 paramètres qui permettent de mesurer le réchauffement climatique, 26 ne sont accessibles <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/19387-changement-climatique-les-fondements-scientifiques">que depuis l’espace</a>.</p>
<h2>Prolifération de satellites</h2>
<p>L’importance des satellites est ainsi devenue l’un des traits majeurs de nos économies modernes et celle-ci ne cesse de croître du fait à la fois de la prolifération d’applications nécessitant des satellites et de la diminution des coûts d’accès à l’espace.</p>
<p>Comme le soulignait notamment le <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/180323/1805797/version/4/file/Note+Satellites+Applications_.pdf">rapport</a> effectué par le <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/15/les-delegations-comite-et-office-parlementaire/office-parlementaire-d-evaluation-des-choix-scientifiques-et-technologiques/secretariat/notes-scientifiques-de-l-office/les-satellites-et-leurs-applications-n-19-octobre-2019">député Jean‑Luc Fugit</a> pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) :</p>
<blockquote>
<p>« La conjonction du « New Space » (ruptures technologiques, baisse du coût d’accès à l’espace, multiplication des acteurs publics et privés) et de la numérisation de l’économie (« big data », intelligence artificielle…) entraîne une série d’innovations technologiques majeures. »</p>
</blockquote>
<p>Ces éléments expliquent pourquoi aujourd’hui, au-delà de l’évolution du nombre de satellites envoyés telle que l’on a pu la voir depuis le début de l’aventure spatiale, on assiste depuis quelques années à un fort accroissement du nombre de lancements de satellites.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1259622988258967555"}"></div></p>
<p>De plus, alors qu’il y a actuellement sur les différentes <a href="http://www.cnes-csg.fr/automne_modules_files/standard/public/p10688_2fd578009e14ecf8e083c10a877b6060CNESMAG-Poster-GEO-MEO-LEO-v2.pdf">orbites spatiales</a> 2218 satellites, les projets de méga-constellations en orbite basse de SpaceX, Amazon, et OneWeb prévoient d’envoyer, à eux seuls, respectivement 12 000 satellites, 3000 satellites et 1000 satellites. Et cela, sans compter, l’envoi d’environ 500 <a href="https://www.cubesat.org/">cubSats</a> (format de nanosatellites) par an et des autres satellites.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=205&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=205&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=205&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=258&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=258&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353577/original/file-20200819-42876-1c7nxh6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=258&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/a339de43-en.pdf?expires=1596917666&id=id&accname=guest&checksum=1451A63EAE3F5D93A3B582718C8B7F98">OCDE</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malheureusement, les activités spatiales, comme de nombreuses autres activités humaines, ont entraîné de la pollution : ce sont les débris spatiaux. Or, il n’est plus possible de se passer de l’espace d’une part, et d’autre part ces débris sont une difficulté qui risque rapidement de devenir un grave problème, au moins pour certaines orbites. En tant qu’économistes, nous pensons donc qu’il faut aider la communauté internationale à trouver une solution pour obtenir un développement durable de l’espace.</p>
<h2>Blinder les satellites ne suffit plus</h2>
<p>Les débris spatiaux se définissent comme des objets artificiels en orbite qui ne sont pas fonctionnels. Cela peut correspondre à toute une série d’objets (gants, boulons, composants, satellite non opérationnel, étages supérieurs de fusées, etc.), plus ou moins gros, qui circulent dans l’espace à grande vitesse.</p>
<p><a href="https://cnes.fr/fr/dossier-debris-spatiaux-ou-en-est">Selon le CNES</a>, un objet de 1 cm de diamètre aura la même énergie qu’une berline lancée à 130 km/h. Autrement dit, même une petite bille peut faire de gros dégâts sur un satellite (les vitesses relatives des objets en orbite sont de l’ordre de 14 km/s). Le dommage peut même être total comme en atteste la <a href="https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2011/06/03/10001-20110603ARTFIG00329-collision-spatiale-entre-deux-satellites-russe-et-americain.php">destruction involontaire</a> le 10 février 2009 du satellite commercial Iridium 33 à la suite de sa « rencontre » avec le satellite militaire russe hors service Kosmos-2251.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bsOjryyK5fI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Collision entre Iridium 33 et Kosmos-2251 et production de nouveaux débris spatiaux.</span></figcaption>
</figure>
<p>Selon les <a href="https://www.ucsusa.org/resources/satellite-database">données</a> les plus récentes, il y a plus de 130 millions de débris plus gros que 1 mm, à peu près 900 000 débris ayant une taille comprise entre 1 et 10 cm, et approximativement 34 000 débris plus grands que 10 cm. Pour les plus petits débris (inférieurs à 1 cm), la solution consiste à « blinder » les satellites de façon à ce qu’ils ne soient pas endommagés ou détruits.</p>
<p>Les plus gros débris (supérieurs à 10 cm) sont catalogués et voient leurs trajectoires individuellement suivies car la solution du blindage n’est pas possible. Dès lors, la solution consiste à procéder à des manœuvres pour les éviter. <a href="https://exploration.destination-orbite.net/direct/live.php">La station spatiale internationale</a> (ISS), même si elle est « blindée », procède ainsi relativement souvent à des changements de trajectoire pour éviter de gros débris qui pourraient la détruire (en moyenne quatre fois par an).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353580/original/file-20200819-42861-6szlnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.unoosa.org/documents/pdf/copuos/stsc/2020/tech-24E.pdf">J.-C. Liou, National Aeronautics and Space Administration United States</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le problème réside donc principalement dans la gestion des débris « moyens » (entre 1 et 10 cm) qui sont trop gros pour ne pas percer les blindages et trop petits pour être suivis individuellement.</p>
<h2>Le syndrome de Kessler</h2>
<p>En outre, la question des débris spatiaux est d’autant plus importante que, comme vous pouvez le voir dans le film Gravity avec, notamment, Sandra Bullock et Georges Clonney, lorsqu’un débris rencontre un satellite il va se créer de très nombreux nouveaux débris. Dès lors, comme l’a imaginé l’astrophysicien Donald Kessler en 1978, il pourrait arriver un jour où, ayant dépassé un certain seuil, par réaction en chaîne, le nombre de débris présents rende l’exploitation d’une orbite spatiale physiquement impossible : c’est le syndrome de Kessler.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vKW-Gd_S_xc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Scène d’ouverture du film Gravity d’Alfonso Cuarón.</span></figcaption>
</figure>
<p>Face à ce problème de pollution spatiale, la communauté spatiale internationale travaille selon trois voies complémentaires :</p>
<ul>
<li><p>la première consiste à ne plus créer de débris. À ce niveau, la France est une pionnière puisqu’elle est la seule à ce jour à disposer explicitement d’une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018931380">loi</a> traitant des débris spatiaux, même s’il existe en la matière des <a href="https://www.iadc-home.org/references">principes internationaux non contraignants</a> ;</p></li>
<li><p>la deuxième voie consiste à essayer de trouver des technologies permettant aux satellites dans l’espace, c’est-à-dire « sur place », de détruire ou de capturer les débris qui risquent d’entraîner leur destruction ;</p></li>
<li><p>enfin, la troisième voie est celle de la dépollution, l’élimination active de débris (<em>active debris removal</em>), c’est-à-dire celle du retrait de débris spatiaux de certaines orbites.</p></li>
</ul>
<p>Bien que pour l’heure il n’y ait pas de consensus sur la (ou les) méthode(s) qui sera (seront) utilisées pour réaliser cette dépollution (harpon, filet, laser, robots, etc.), comme en atteste actuellement le projet <a href="https://www.airbus.com/space/space-infrastructures/removedebris.html">RemoveDEBRIS</a>, celle(s)-ci aura (auront) nécessairement un coût qu’il faudra financer. Et c’est là au moins qu’en tant qu’économistes nous pouvons aider.</p>
<h2>Éviter la « tragédie des communs »</h2>
<p>Tout d’abord, il faut remarquer que la question de l’impossibilité d’utiliser de façon économiquement rentable des satellites sur une orbite pourrait se poser avant celle de l’impossibilité physique de le faire comme l’ont démontré dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165176518300818">article</a> récent nos collègues Nodir Adilov, Peter Alexander et Brendan Cunningham.</p>
<p>Nous concernant, nous venons de publier un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S009457652030463X">article</a> dans lequel nous nous interrogeons sur la manière de taxer les envois de satellites de façon à concilier les contraintes.</p>
<p>Il s’agit en effet de financer l’atteinte d’un niveau « acceptable » de débris spatiaux (lequel serait évidemment donné par les scientifiques spécialistes de la question), tout en n’entravant pas le développement des activités spatiales. Il ne paraît malheureusement pas aujourd’hui possible d’envisager un nettoyage intégral de l’espace puisque, au-delà des difficultés techniques, les estimations actuelles sont de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros pour le nettoyage de 5 débris.</p>
<p>Pour des économistes, cette situation n’est pas inhabituelle et s’apparente au problème du financement d’un bien commun, c’est-à-dire d’un bien pour lequel il n’est pas possible d’exclure quiconque de la consommation, mais où cette consommation est rivale (au sens où si une personne utilise une unité de ce bien, cette unité ne peut être utilisée par personne d’autre).</p>
<p>Or, depuis l’article de 1968 de l’écologiste américain Garrett Hardin, il est clair qu’il existe un risque : c’est la <a href="https://www.puf.com/content/La_trag%C3%A9die_des_communs">tragédie des communs</a>. En effet, selon Garrett Hardin, face à ce type de bien, chacun va choisir ce qui est le mieux pour lui sans prendre en compte l’impact de sa consommation sur la ressource, ce qui va par effet de composition conduire à une surexploitation de la ressource commune.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265761202220797955"}"></div></p>
<p>Cet auteur en vient alors à conclure que pour éviter cette surexploitation, il faut soit privatiser cette ressource, soit la faire gérer par l’État. Contestant cette solution duale, la politologue Elinor Ostrom, prix en la mémoire d’Alfred Nobel en sciences économiques en 2009, a développé tout au long de sa carrière une approche théorique et empirique pour démontrer que les communs pouvaient également être gérés par des communautés : c’est la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/120/r120-2.pdf">gouvernance polycentrique des systèmes économiques complexes</a>.</p>
<h2>Trois issues possibles</h2>
<p>Dans notre contribution à cette question, nous essayons de comprendre comment grâce à une taxe il serait possible de rendre chacun responsable des effets qu’il engendre sur le bien commun qu’est l’espace.</p>
<p>À cette fin et en l’absence d’un modèle consensuel de collisions spatiales, nous modélisons les collisions dans l’espace grâce au <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/mathematiques/trivial-mais-puissant-le-principe-des-tiroirs-9996.php">principe des tiroirs de Dirichlet</a> (ce que la littérature nomme également le <em>pigeonhole principle</em> : si n chaussettes occupent m tiroirs, et si n > m, alors au moins un tiroir doit contenir strictement plus d’une chaussette) ou, de façon équivalente grâce au mathématicien français <a href="http://www-sop.inria.fr/members/Pierre.Bernhard/">Pierre Bernhard</a> (INRIA) à un modèle de collision entre « tubes » à quatre dimensions.</p>
<p>À partir de là nous sommes en mesure de définir les fonctions de profit de ceux qui lancent des satellites dans l’espace (États, entreprises, ou particuliers).</p>
<p>Nous comparons alors trois configurations :</p>
<ul>
<li><p>la situation où il n’y a pas de régulation et où chacun envoie dans l’espace autant de satellites qu’il le souhaite ;</p></li>
<li><p>la situation où chaque envoi de satellite est taxé afin de payer les frais liés à la dépollution ;</p></li>
<li><p>la situation où une agence internationale régule de façon centralisée les envois de satellite dans l’espace afin de préserver l’espace commun.</p></li>
</ul>
<p>Nous aboutissons à deux conclusions principales.</p>
<p>Premièrement, en l’absence de régulation, il va évidemment y avoir une hausse du nombre de débris. Deuxièmement, dans notre modèle, une taxe forfaitaire permet d’atteindre plus efficacement l’objectif de réduction des débris spatiaux qu’une taxe progressive.</p>
<p>Il s’agit là évidemment d’un premier travail, mais nous espérons qu’il conduira nos collègues de sciences sociales à s’intéresser à ce problème et à y travailler avec nos collègues mathématiciens et physiciens. En matière d’espace, comme dans d’autres domaines, nous croyons que la tragédie n’est pas inévitable !</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions vivement Pierre Bernhard (INRIA Sophia-Antipolis Méditerranée) et Christophe Bonnal (CNES) pour leurs commentaires et suggestions.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144744/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Deschamps remercie l'Université de Franche-Comté pour son financement Chrysalide soutien aux nouveaux arrivants. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Moulin et Sylvain Béal ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Une régulation et un impôt forfaitaire sur les lancements de satellites permettraient de financer une politique efficace de dépollution de l’espace.Marc Deschamps, Chercheur, membre associé du Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), Université de LorraineHervé Moulin, Mathématicien et économiste, titulaire de la chaire d'économie "Donald J. Robertson", à la Adam Smith Business School, University of GlasgowSylvain Béal, Professeur et Directeur du CRESE, thème de recherche : théorie des jeux , Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1427342020-07-17T12:39:44Z2020-07-17T12:39:44ZLa preuve par trois : les propositions de la convention citoyenne, si loin du compte…<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Julien Pillot, enseignant-chercheur à l’INSEEC School of Business & Economics, revient sur trois propositions formulées par la convention citoyenne pour le climat : la controversée limitation de la vitesse maximale autorisée sur autoroutes, les mécanismes d’incitations pour les véhicules propres et le projet de taxe aux frontières.</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-110kmh-reduire-notre-empreinte-carbone-a-un-prix-142591">110km/h, réduire notre empreinte carbone a un prix</a></h2>
<p>La limitation de vitesse autorisée sur autoroute coûterait plus de 500 millions d’euros par an à l’économie française.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/110kmh-reduire-notre-empreinte-carbone-a-un-prix?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2nciF2RGTdedmj6Niy5jjG?si=qDAFPGWDRbOL9ZXWjPx1fA"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/110km-h-r%C3%A9duire-notre-empreinte-carbone-a-un-prix/id1516230224?i=1000485282791"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-voiture-electrique-des-politiques-incitatives-a-la-portee-limitee-142602">Voiture électrique, des politiques incitatives à la portée limitée</a></h2>
<p>Les marges de manœuvre budgétaires limitées de l’État compliquent la remise à plat d’un système de bonus/malus qui n’a pas encore fait décoller le marché.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/voiture-electrique-des-politiques-incitatives-a-la-portee-li?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2wjpZMzwnF4cy1TTHIGA7m?si=7pZC846tTZmn9b0HvamVTw"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/voiture-%C3%A9lectrique-des-politiques-incitatives-%C3%A0-la/id1516230224?i=1000485282790"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-taxe-aux-frontieres-une-reponse-necessairement-europeenne-142606">Taxe aux frontières, une réponse nécessairement européenne</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347573/original/file-20200715-19-186tump.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une politique de taxation, prise isolément, pourrait notamment engendrer des représailles commerciales sur les biens exportés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/miniature-business-people-on-map-600w-369100844.jpg">kirill_makarov/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme l’a montré l’économiste William Nordhaus, fixer un prix du carbone unique, dissuasif, et croissant serait une solution nettement plus efficace. L’UE apparaît comme le seul niveau d’action envisageable pour porter ce « dividende carbone ».</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5rCU8Zg5uSiqiFThF42Oi0?si=5h8MXJuXR_in3HHKukBp1Q"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/taxe-aux-fronti%C3%A8res-une-r%C3%A9ponse-n%C3%A9cessairement-europ%C3%A9enne/id1516230224?i=1000485282789"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’analyse détaillée de la limitation de vitesse à 110km/h sur autoroute, des incitations à l’adoption du véhicule électrique ou encore de la taxe aux frontières, révèle leur portée limitée.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1426022020-07-17T12:39:07Z2020-07-17T12:39:07ZPodcast : Voiture électrique, des politiques incitatives à la portée limitée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347131/original/file-20200713-18-b9ut94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C5751%2C3811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour le consommateur, le coût d’acquisition élevé, l’autonomie limitée ou encore le temps de recharge freinent l’achat d’un véhicule propre.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/person-transportation-by-eco-car-600w-666353731.jpg">Friends Stock / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le marché des véhicules électriques est qualifié par les économistes de « défaillant » : il subsiste essentiellement au moyen de subventions et mécanismes incitatifs mis en place par l’État pour aiguiller le comportement des constructeurs et des clients. La convention citoyenne pour le climat plaide d’ailleurs en faveur d’une révision du système.</p>
<p>Mais comment mettre en place, en parallèle de ces incitations, une politique de taxation souvent très mal perçue par la société civile ?</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/voiture-electrique-des-politiques-incitatives-a-la-portee-li?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com
/episode/2wjpZMzwnF4cy1TTHIGA7m?si=7pZC846tTZmn9b0HvamVTw"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/voiture-%C3%A9lectrique-des-politiques-incitatives-%C3%A0-la/id1516230224?i=1000485282790"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Julien Pillot, enseignant-chercheur à l’INSEEC School of Business & Economics, revient sur trois propositions formulées par la convention citoyenne pour le climat : la controversée limitation de la vitesse maximale autorisée sur autoroutes, les mécanismes d’incitations pour les véhicules propres et le projet de taxe aux frontières</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les marges de manœuvre budgétaires limitées de l'État compliquent la remise à plat d'un système de bonus / malus qui n'a pas encore fait décoller le marché.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1288232020-06-04T17:54:31Z2020-06-04T17:54:31ZLa taxe cinéma en outre-mer, un outil très politique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339219/original/file-20200602-133851-4rsavk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C39%2C1194%2C727&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_Rue Cases-Nègres_ : image du film sorti en 1983.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-289/photos/detail/?cmediafile=19221555">Euzhan Palcy/Carlotta Films</a></span></figcaption></figure><p>À chaque fois que vous vous rendez au cinéma, le billet acheté finance l’ensemble d’un circuit complexe allant de la création à la distribution finale du film.</p>
<p>Sur le prix du billet est en effet ponctionnée la Taxe spéciale additionnelle (TSA). Son taux, de <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ180505104.html">10,72 %</a> permet de réunir une somme qui alimente le compte de soutien du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée).</p>
<p>Ce soutien se décline en diverses aides – à la réécriture, au développement, à la production, à la distribution, etc.- aux productions et coproductions françaises afin de dynamiser l’industrie cinématographique française.</p>
<p>Or, bien qu’applicable dès 1948 dans toute la France (y compris les outre-mer), cette taxe n’est plus prélevée aux Antilles-Guyane depuis 1963. Malgré plusieurs relances de professionnels du cinéma antillo-guyanais et d’élus ultra-marins, il faudra attendre le 1<sup>er</sup> janvier 2016 pour que cette taxe <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ181107602.html">devienne effective</a> et que ses recettes viennent alimenter les caisses du CNC. Selon notre hypothèse, cette « non application » pose question et pourrait bien relever d’une forme d’invisibilisation du travail cinématographique des intellectuels ultra-marins.</p>
<p>La chronologie qui suit – partielle et néanmoins parlante – est formulée sur la base de travaux récents ayant fait l’objet de mémoires. Citons en particulier celui de Canelle Kieffer, <em>Le Cinéma dans les Antilles Françaises : Émergence d’un Cinéma méconnu</em>, sous la direction de Mme Catherine Bertho-Lavenir (Université Sorbonne Nouvelle, 2012) et celui de Patricia Monpierre, <em>L’Évolution du Parc Cinématographique en Guadeloupe</em> (Fémis, 2014).</p>
<p>Ces recherches rendent compte des difficultés à faire appliquer la TSA aux Antilles-Guyane et à la Réunion pendant plusieurs décennies.</p>
<h2>De nombreuses tentatives infructueuses</h2>
<p>Comme le précise le <a href="https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Missions/Mission-interministerielle-d-expertise-sur-l-extension-aux-departements-d-outre-mer-des-dispositifs-de-soutien-au-cinema-du-Centre-national-du-cine">rapport</a> de la Mission interministérielle d’expertise sur l’extension aux départements d’outre-mer des dispositifs de soutien au cinéma du Centre national du cinéma et de l’image animée datant de 2013,</p>
<blockquote>
<p>« La TSA [taxe spéciale additionnelle au prix des billets de cinéma] instituée par la loi du 23 septembre 1948 – donc postérieure à la Constitution – a bien été applicable, dès l’origine, dans les DOM. Elle a été par la suite prorogée par l’article 5 de la loi du 6 août 1953 portant création du fonds de développement de l’industrie cinématographique. Ce n’est qu’en 1963 que la loi de finances (art. 5) supprime la perception de la TSA dans les DOM, à la demande des collectivités territoriales. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, et malgré plusieurs tentatives d’extension de la TSA en outre-mer, cette dernière n’est pas appliquée pendant plusieurs décennies.</p>
<p>Par exemple, en janvier 1966, le législateur veut étendre le régime de l’industrie cinématographique aux DOM. Il fait cependant face à un refus radical des exploitants prédominants qui avancent comme raison (sans doute pertinente au regard de la réalité économique des DOM à l’époque) que la mise en place du régime de l’industrie cinématographique fragiliserait complètement l’économie du cinéma dans les DOM. En effet, dans les années 60, les départements d’outre-mer ont un retard phénoménal à rattraper en termes d’infrastructures économiques et logistiques dans d’autres domaines que le cinéma.</p>
<p>En 1990, c’est le député guadeloupéen Frédéric Jalton qui présente une proposition de loi pour l’extension du code cinématographique. L’extension est votée, mais en excluant deux articles, celui sur la TSA et celui sur l’agrément et le visa d’exploitation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UkD2Tls_jp8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Le gang des Antillais</em>, Jean‑Claude Barny, 2016.</span></figcaption>
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<p>La question est ensuite de nouveau posée dans les années 1990, lorsque l’exploitation traverse une de ses plus graves crises, se traduisant par de nombreuses fermetures de salles, en France comme dans les outre-mer.</p>
<p>Un rapport sur la <a href="https://www.culture.gouv.fr/content/download/112802/file/201311_RapportInspection2013_32_TAS_MissionIntermin_ExtensionauxUltramarinsDispositifsAidesCNC.pdf+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-b-d">diffusion cinématographique</a> dans les départements d’outre-mer est alors demandé en 1991 par le ministre de la Culture Jack Lang à Christian Phéline, directeur général-adjoint du CNC.</p>
<p>À la suite de ce rapport, la loi du 4 janvier 1993 étend (partiellement) aux DOM le code de l’industrie cinématographique, mais en raison d’un avis défavorable des collectivités territoriales, la TSA n’est pas rétablie.</p>
<p>En 2000, une nouvelle tentative d’extension de la taxe échoue : la loi d’orientation pour l’outre-mer prévoit donc seulement la création d’une Aide sélective aux tournages en outre-mer, financée sur les crédits centraux du Ministère de la Culture (décret du 29 octobre 2001).</p>
<h2>Un houleux débat depuis les années 2000</h2>
<p>Le débat est enfin relancé quelques années après avec la décision, intervenue en 2009, du Conseil Interministériel pour l’outre-mer (CIOM) d’étendre la TSA aux DOM.</p>
<p>Le texte, préparé à cette fin par le gouvernement et inscrit à l’article 35 du projet de loi de finances rectificative pour 2010, est soumis au Parlement, adopté à l’Assemblée nationale, mais rejeté au Sénat.</p>
<p>En 2009, l’article sur l’agrément et sur le visa est étendu après une campagne auprès du CNC.</p>
<p>Mais l’objet TSA reste toujours un sujet brûlant en discussion jusqu’en 2013, année où l’article 62 nonies (nouveau) (Art. L 115-1 du code du cinéma et de l’image animée) confirme l’extension aux départements d’outre-mer du dispositif de soutien à l’industrie cinématographique et de son financement par la taxe sur le prix des entrées aux spectacles cinématographiques. Une mesure largement soutenue par les artistes des départements et régions d’outre-mer (DROM).</p>
<p>Pour beaucoup d’entre eux, il s’agissait ainsi de défendre la richesse du cinéma antillais, dont les voix restent mal connues, en dépit de militants de longue date comme la journaliste Osange Silou-Kieffer, la toute première historienne du cinéma antillais et <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/deces-osange-silou-kieffer-encyclopedie-du-cinema-antillais-africain-818540.html">ardente défenseuse</a> des cinémas caribéens et africains, décédée le 1<sup>er</sup> avril 2020.</p>
<h2>Les enjeux de la lutte pour le cinéma antillais</h2>
<p>La non-application de cette taxe si précieuse au financement de la production cinématographique française souligne la question du rapport que le CNC a longtemps entretenu avec la production cinématographique antillaise, à savoir la plus <a href="https://univ-paris1.academia.edu/GuillaumeRobillard">prolifique des outre-mer</a>.</p>
<p>Il apparaît que la TSA n’a pendant longtemps pas été appliquée en outre-mer pour le simple maintien d’un monopole dans l’exploitation aux Antilles-Guyane comme à la Réunion.</p>
<p>De son côté, le CNC n’ayant pas l’obligation de contrôler les billetteries de l’outre-mer (la TSA n’y étant pas perçue), il fut longtemps possible à cet organisme comme à d’autres organismes publics et à des structures de production de faire valoir l’absence de données chiffrées sur le potentiel économique du cinéma antillais, le nombre d’entrées en France hexagonale étant, pour la plupart des films, assez faible.</p>
<p>Seuls quelques films comme <em>Rue cases-Nègres</em> (Euzhan Palcy, 1983), <em>Nèg maron</em> (Jean‑Claude Barny, 2005) ou certains films du réalisateur Lucien Jean‑Baptiste ont connu une distribution d’envergure et un certain succès en France hexagonale.</p>
<p>Du côté des Antilles, à titre d’exemple, le film <em>Biguine</em> (Guy Deslauriers, 2004) aurait, selon certaines estimations, fait près de 100 000 entrées aux Antilles-Guyane (sur une population de près d’un million habitants) mais aucun chiffrage officiel ne permet d’en attester… Une situation similaire concerne le film suivant du même réalisateur,<em>Aliker</em>(2008).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le film <em>Aliker</em>, basé sur l’histoire d’un célèbre journaliste et militant communiste martiniquais, sorti en 2009 a peut-être été un « succès » au box-office en Martinique.</span></figcaption>
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<p>L’absence de prélèvement de la TSA associée au défaut de preuves du potentiel économique de ce cinéma « régional » autorisait pleinement une certaine « réticence » de soutien à ce cinéma à travers différentes aides, de l’aide automatique à la production de longs métrages à l’aide automatique à la production et à la diffusion du court-métrage en passant par la bourse des festivals et les aides sélectives.</p>
<p>À titre indicatif, selon Canelle Kieffer, jusqu’en 2012, il n’y a eu que cinq longs-métrages sur près de quarante-cinq films antillais produits qui aient obtenu une aide sélective, ce qui est peu pour un cinéma qui existe depuis 1968, date du premier court-métrage réalisé par un Antillais, à savoir <em>Lorsque l’herbe</em> du <a href="http://africultures.com/personnes/?no=3407">guadeloupéen Christian Lara</a>, qui réalisera par la suite le premier long-métrage antillais ayant connu une exploitation commerciale en salles, l’incontournable <em>Coco Lafleur, candidat</em> (1979).</p>
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<figcaption><span class="caption">Coco Lafleur, candidat.</span></figcaption>
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<h2>Acteurs noirs et créolité</h2>
<p>Comment expliquer cette faible présence ? Est-ce parce qu’il s’agit d’un cinéma fondamentalement « de minorité » ?</p>
<p>Un cinéma où la majorité des personnages sont noirs, minorité dite visible mais dont la représentation en nombre et en qualité est encore une épineuse question dans le cinéma français. Rappelons-nous à ce sujet les mots de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ws-MiPosH_s">Régis Dubois</a> dans <em>Les Noirs dans le cinéma français</em>. Mais aussi plus récemment <a href="https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/05/04/noire-n-est-pas-mon-metier-des-actrices-denoncent-un-racisme-latent-du-cinema-francais_5294572_3476.html">Aïssa Maïga</a> dans <em>Noire n’est pas mon métier</em> ou encore le documentaire diffusé début 2020, <em>Le monde racisé du cinéma français</em> de <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/documentaire-monde-racise-du-cinema-francais-796287.html">Blaise Mendjiwa</a>, deux productions ayant eu un certain impact en France.</p>
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<figcaption><span class="caption">Aïssa Maïga.</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption">Blaise Mendjiwa.</span></figcaption>
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<p>Une autre hypothèse concernant ce manque de visibilité concerne l’usage de la langue créole.</p>
<p>Pendant près de 15 ans la langue créole fut très présente dans les films antillais, dans un cinéma français où les langues régionales ne sont que très rarement mises en avant. On pense, entre autres, aux films de Jean Epstein tournés en breton, de <em>Finis Terrae</em> à <em>Les feux de la mer</em> mais aussi aux accents du sud des films de Marcel Pagnol et de Robert Guédiguian, ou encore au film <em>Au bistro du coin</em> de Charles Némès et produit par Sébastien Fechner, <a href="http://www.domactu.com/actualite/161920510666875/guadeloupe-evenement-cinema-adan-on-bivet-bokaz/">traduit en six langues régionales</a>, dont le créole.</p>
<p>Ces expériences cinématographiques demeurent toutes rares afin d’éviter de « briser » l’unité linguistique de la République française.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Finis Terrae</em>.</span></figcaption>
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<h2>Un passé et des revendications identitaires qui dérangent</h2>
<p>Peut-être que l’autre raison est aussi due au contenu de ces films qui n’hésitent pas à évoquer le passé esclavagiste et colonial de la France, touchant là un point longtemps peu traité dans les <a href="https://www.liberation.fr/france/2017/05/10/comment-l-histoire-de-l-esclavage-est-elle-enseignee-en-france_1568330">manuels scolaires d’histoire</a>.</p>
<p>À ce jour, cette question n’est toujours pas traitée frontalement dans un film du cinéma français pouvant se revendiquer d’une grosse production, à l’exception de la série <em>Tropiques Amers</em> du réalisateur antillais Jean‑Claude Barny, diffusée pour la première fois sur France 3 en 2007.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Tropiques amers</em>, de Jean‑Claude Barny 2007.</span></figcaption>
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<p>Bien entendu, à une échelle de production et de distribution bien plus modeste, certains longs-métrages du cinéma antillais, tels que <em>Le sang du flamboyant</em> (François Migeat, 1981) et le célèbre <em>Rue cases nègres</em> (Euzhan Palcy, 1983) abordent la question du passé esclavagiste par « détour », puisqu’ils traitent tous deux de l’exploitation racialisée dans les champs de cannes de la colonie post-esclavagiste de Martinique de la période 1930-1940.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sabhEdv9uOs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption"><em>Le sang du flamboyant</em>.</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption"><em>Rue Cases-Nègres</em>.</span></figcaption>
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<p>Le film <em>West Indies ou les Nègres Marron de la Liberté</em> (1979), adaptation de la pièce de théâtre <em>Les négriers</em> de l’auteur martiniquais Daniel Boukman par le réalisateur mauritanien Med Hondo, <a href="https://www.europe1.fr/culture/med-hondo-la-voix-francaise-deddie-murphy-est-mort-3866921">récemment disparu</a>, considéré comme étant les prémisses du cinéma antillais, contient quelques séquences traitant de l’esclavage et de la traite négrière à travers une mise en scène théâtralisée assumée dans un décor pouvant faire écho à la cale d’un bateau négrier.</p>
<p>L’incontournable film de Guy Deslauriers, <em>Passage du milieu</em> (2000) représente, quant à lui, sur près des trois-quarts de sa durée, la traversée de l’Atlantique par les esclaves dans la cale du bateau négrier : le fameux « passage du milieu ».</p>
<p>Enfin, plus récemment, la traite et l’exploitation sexuelle en période d’esclavage ont été frontalement abordées, sous un angle féministe, dans <em>Joséphine (2011)</em> et <em>Esclave et courtisane</em> (2016) de Christian Lara.</p>
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<figcaption><span class="caption">West Indies ou les Nègres Marron de la Liberté.</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption">Passage du milieu.</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption">Esclave et courtisane.</span></figcaption>
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<h2>Des revendications politiques en filigrane</h2>
<p>La mise en scène de données socioculturelles spécifiques laisse planer l’ombre de l’identité (revendiquée) et, derrière elle, la possible résurgence d’un désir de séparatisme, d’autant plus à craindre que le cinéma antillais des années 1970 et 1980 fut, en partie, très ouvertement <a href="https://www.academia.edu/42269665/_VIVRE_LIBRE_OU_MOURIR_1980_ET_SUCRE_AMER_1998_-_DEUX_FILMS_DU_CIN%C3%89MA_ANTILLAIS_OU_LES_ENJEUX_AU_PR%C3%89SENT_DE_LA_R%C3%89F%C3%89RENCE_%C3%80_LA_GUERRE_DE_GUADELOUPE_1802">autonomiste ou indépendantiste</a>.</p>
<p>L’instabilité sociale des Antilles-Guyane n’est par ailleurs plus à démontrer, les événements de 2009 rappelant la possibilité (encore présente) d’une « ébullition » collective difficile à contenir sur ces territoires éloignés.</p>
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<figcaption><span class="caption">Manifestations et émeutes en 2009.</span></figcaption>
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<p>Le long maintien de la non-application de la TSA aurait ainsi pu servir d’outil politique visant à réduire la puissance d’impact du cinéma, art des masses, aux Antilles françaises.</p>
<p>L’enjeu est en effet de taille : rien qu’en 2017, tous films confondus, plus de <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/frequentation-cinemas-hausse-44-2017-outre-mer-data-631602.html">4 millions d’entrées</a> ont été comptabilisées entre la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion, pour une population totale de près de 2 millions d’habitants.</p>
<p>La question de la TSA étant désormais réglée, une nouvelle relation (administrative et économique) entre le CNC, le système de production français et le cinéma antillais est ouverte.</p>
<p>Reste à savoir si les aides du CNC découlant de cette taxe désormais active et la prise en compte (chiffrée) du public des outre-mer permettront de voir émerger un cinéma ultra-marin reconnu pour ses spécificités et diffusé à sa juste valeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Robillard a reçu des financements :
Bourse de Contrat Doctoral de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2012-2015)
Bourse de Mobilité Alliance Program (2015) pour un échange universitaire (Visiting Scholar for Research) à Columbia University (2017) </span></em></p>Durant de nombreuses années, la taxe sur les billets de cinéma n’a pas été appliquée aux Antilles. Une forme d’invisibilisation du travail cinématographique des intellectuels ultra-marins.Guillaume Robillard, Chercheur associé - Docteur en Études Cinématographiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1361262020-04-19T18:04:03Z2020-04-19T18:04:03ZAéronautique : le Covid-19 signe-t-il la fin des privilèges ?<p>Jusqu’au 12 mars 2020, à l’échelle du globe, FlightRadar24 comptabilisait plus de 100 000 vols commerciaux quotidiens. Puis le trafic <a href="https://www.flightradar24.com/data/statistics">s’est effondré</a> avec un creux de 26 774 vols le 7 avril. La violence de ce choc est <a href="https://www.aci-europe.org/european-airports-passenger-traffic-in-march-2020">sans égal</a> dans l’histoire des compagnies aériennes.</p>
<p>Fin 2019, Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui représente les intérêts des compagnies aériennes, avait prévu des bénéfices de plus de 29 milliards de dollars pour 2020. C’était un autre monde, et anéanti quelques mois plus tard avec des menaces sur 25 millions d’emplois et un plongeon attendu de 252 milliards de dollars, soit une <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/pr/2020-04-07-02/">baisse de 44 %</a> par rapport au chiffre d’affaires de 2019 !</p>
<h2>L’aérien, facteur aggravant de la pandémie</h2>
<p>Au-delà de ces chiffres, les compagnies aériennes se sont en effet retrouvées en première ligne en raison de leur capacité involontaire et foudroyante à diffuser le virus. Le boom du transport aérien, en Asie notamment, est venu aggraver la situation. Rappelons qu’en 1992, la Chine n’avait connu que 500 000 mouvements d’avions, mais 10 249 millions en 2017, dont 869 000 à l’international.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Baisse du trafic aérien en Europe corrélée à la propagation du coronavirus (en nombre de cas confirmés).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.aci-europe.org/european-airports-passenger-traffic-in-march-2020">Airports Council International Europe</a></span>
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<p>Dans les années qui viennent, reviendra-t-on à la « normale », c’est-à-dire à une croissance du marché aérien selon les critères du seul libéralisme économique ? Si c’est le cas, ce retour au rythme de croisière d’avant-crise porterait le risque de nouvelles crises pandémiques mondiales. De nombreuses souches de coronavirus ne demandent en effet qu’à s’activer. De manière structurelle, la pression anthropique sur les milieux naturels et ruraux rapproche les hommes et les animaux, et favorise ainsi le franchissement de la barrière des espèces par les virus.</p>
<p>En prendre conscience pourrait donc amener à une rupture, exactement comme les attentats du 11-Septembre l’ont été dans la <a href="http://www.rfi.fr/fr/ameriques/20110909-securite-aerienne-change-depuis-le-11-septembre-attentats-lutte-anti-terroriste">réorganisation</a> de la sécurité aérienne. Au minimum, un confinement radical et brutal du ciel mondial devrait être envisageable en cas de crise sanitaire. Au mieux, cela pourrait passer par la fin du statut particulier de l’aviation commerciale dans le droit international.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247554584375148544"}"></div></p>
<p>La remise en cause de ce statut permettrait d’endiguer le risque de nouvelles pandémies, mais aussi d’engager la lutte contre la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/09/20/ce-qu-il-faut-savoir-sur-la-pollution-generee-par-le-trafic-aerien_6012443_3244.html">pollution grandissante</a> générée par le transport aérien, qu’il s’agisse du dérèglement climatique comme des aéroports destructeurs des milieux « naturels » et problématiques en matière de santé publique.</p>
<h2>Une liberté subventionnée</h2>
<p>Ce statut particulier a été mis en place au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. En 1948-49, le <a href="http://www.alliiertenmuseum.de/fr/themes/le-pont-aerien-de-berlin.html">pont aérien</a> de Berlin avait en outre frappé les esprits par la capacité du fret avionné à défendre la liberté.</p>
<p>Les États-Unis avaient alors déjà mis en avant la liberté de voler avec un ciel régulé par l’Organisation des Nations unies (ONU). Dès 1944, les conventions de Chicago et de Montréal avaient posé les bases juridiques de ce principe. Ainsi, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) garantit le fonctionnement concret d’une circulation <a href="https://www.icao.int/about-icao/Pages/FR/default_FR.aspx">aussi libre</a> que possible. Sur le terrain, l’IATA veille à l’application concrète des deux conventions.</p>
<p>C’est ainsi que l’aviation civile a réussi, plusieurs décennies plus tard, à s’affranchir de la lutte contre la pollution. En 1997 à <a href="https://www.ina.fr/video/2092055001012">Kyoto</a>, le lobbying de l’IATA avait été efficace puisque les « soutes internationales » avaient été exclues des calculs des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>L’argument avait été de dire qu’on ne saurait attribuer des quotas nationaux d’émission aux compagnies puisque celles-ci ont des activités principalement internationales : faudrait-il taxer le pays siège de la compagnie, celui de l’aéroport de départ ou d’arrivée, ou encore l’espace aérien du pays survolé ?</p>
<p>Depuis 1997, au gré des COP successives, les « soutes internationales » ont ainsi continué à se défendre <a href="http://circo70.ac-besancon.fr/wp-content/uploads/2015/10/circo70.ac-besancon.fr_fiche-historique-cop.pdf">avec succès</a>. Mais cette exception apparaît de moins en moins tenable alors que la prise de conscience du risque climatique s’accroît.</p>
<p>L’analyse des comptes des compagnies aériennes nous permet de dire que le prix du carburant représente entre le cinquième et le tiers des charges, en fonction de l’évolution du cours du baril de pétrole. Elles sont par conséquent opposées à la taxation du kérosène – un peu comme si les automobilistes payaient le litre entre 30 et 50 centimes.</p>
<p>En outre, les <a href="https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/publications/2019_07_Report_analysis_state_aid_Ryanair_airports.pdf">aides publiques</a> sont une pratique courante. Les compagnies low-cost demandent des subventions et des aides diverses au prétexte qu’elles peuvent sauver de petits aéroports déficitaires, ce qui est vrai, et que la puissance publique récupérera la mise grâce aux activités ainsi induites (ce qui n’a jamais été prouvé).</p>
<p>En France, les élus locaux poussent eux aussi dans ce sens, au nom de l’<a href="http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2019/2019_Infographies/20191003_Rapport-TAAT.pdf">aménagement du territoire</a> et de la défense de la ruralité. Dans certains pays émergents, l’argent public ruisselle sur la compagnie nationale et sur les chantiers aéroportuaires.</p>
<p>Ailleurs, la collusion entre les milieux d’affaires et les élus conduit à <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/19/des-folies-en-espagne_1606380_3214.html">surdimensionner les infrastructures</a>, voire à en construire inutilement.</p>
<p>C’est ainsi que la concurrence est faussée et que le prix d’un billet ne correspond pas nécessairement à ce qu’il coûte réellement. Supprimer les subventions, produire un prix du carburant « loyal », égaliser la fiscalité, voilà encore une utopie pour un monde post-libéral.</p>
<h2>Taxer, compenser ou plafonner ?</h2>
<p>Ce n’est que très récemment, pendant l’été 2019, que la pression a commencé à monter avec par exemple la <a href="https://www.air-journal.fr/2019-07-10-ecotaxe-sur-les-billets-davions-colere-generale-5213671.html">taxe Borne</a>, de 1,5 à 18 euros par billet d’avion, dont la mise en place est prévue l’année prochaine sur les vols au départ de la France. En parallèle, le gouvernement néerlandais a appelé la Commission européenne à imposer une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/les-pays-bas-veulent-amener-leurope-a-taxer-le-transport-aerien-1031574">taxe sur l’aviation</a> dans toute l’Union européenne.</p>
<p>Certes, l’avion propre et silencieux existera un jour, probablement dans <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/airbus-travaille-sur-un-premier-avion-decarbone-pour-les-annees-2030-1157570">quelques décennies</a>, et d’abord pour les liaisons court-courrier. D’ici là, si l’aviation civile veut porter sa part du fardeau de la lutte contre le dérèglement climatique, seul un plafonnement de l’activité apparaît comme une solution crédible, tout en poursuivant les progrès techniques permettant de limiter la consommation par passager transporté/kilomètre parcouru ; ainsi l’étau pourrait-il être progressivement desserré.</p>
<p>Dès à présent, les <a href="https://calculcarbone.org/">compensations carbone</a> sont revendiquées par certaines compagnies aériennes. Mais ces compensations ne peuvent constituer qu’un pis-aller, car l’ampleur qu’il faut leur donner et les effets que l’on en attend sont difficiles à mesurer en toute objectivité puisqu’on ne connaît pas encore la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AUgmJnGgv1Q">quantité de biomasse</a> globalement existante.</p>
<p>Ainsi le choc entre le libéralisme défiscalisé mais subventionné et le monde de la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg ne peut aboutir à ce jour à un consensus entre les deux parties. En 2020, lors du 40<sup>e</sup> Forum économique mondial de Davos, le président des États-Unis Donald Trump avait déclaré que « nous devons <a href="https://www.lepoint.fr/monde/entre-trump-et-greta-thunberg-davos-a-l-epreuve-du-defi-climatique-21-01-2020-2358756_24.php">rejeter les éternels prophètes de malheur</a> et leurs prédictions d’apocalypse ». Il avait souligné qu’il ne laisserait pas « des socialistes radicaux » s’attaquer aux énergies fossiles. En réponse, Greta Thunberg avait affirmé qu’il fallait « paniquer » et « cesser immédiatement tous les investissements dans l’exploration et l’extraction d’énergies fossiles » et cela « pas en 2050, pas en 2030 ou même en 2021, mais maintenant ». Bloc contre bloc.</p>
<hr>
<p><em>Raymond Woessner est l’auteur de lu livre <a href="https://www.furet.com/livres/geographie-du-transport-aerien-raymond-woessner-9782350306582.html">« Géographie du transport aérien. Quelle croissance pour quelle planète ? »</a> à paraître aux éditions Atlande.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rôle du trafic aérien dans l’essor de la pandémie actuelle pourrait remettre en cause son statut particulier dans un contexte plus large de lutte contre le dérèglement climatique.Raymond Woessner, Professeur honoraire de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1354542020-04-05T16:51:00Z2020-04-05T16:51:00ZCombattre la saturation de nos économies, enjeu de l’après Covid-19<p>Il va falloir s’attaquer sérieusement à l’économie de l’encombrement. La comprendre et la réduire. Viennent bien sûr à l’esprit les mesures à prendre pour limiter à l’avenir la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/30/coronavirus-les-transferts-de-malades-se-multiplient_6034878_3244.html">saturation hospitalière</a> en cas d’épidémies nouvelles. Mais les services encombrés s’étendent bien au-delà. L’encombrement est partout ou presque. Le confinement a effacé des embouteillages en tout genre, mais il faut prévoir à leur retour de mieux les limiter et maîtriser.</p>
<p>J’ai été médusé, comme vous sans doute, par une photo d’avant le virus montrant des silhouettes colorées à la queue leu leu parcourant une ligne de crête enneigée un jour de ciel bleu : l’embouteillage sur les derniers cent mètres pour atteindre le sommet du mont Everest. Mais finalement, puisque c’est le Toit du monde, il n’y a pas de raison qu’il échappe à son encombrement.</p>
<h2>Coûts de l’encombrement contre bénéfices du rassemblement</h2>
<p>Tout un pan de l’économie est en effet frappé d’encombrement : le tourisme de masse bien sûr, à Venise, au Machu Picchu, ou tout simplement sur les plages de la Côte d’Azur en été. À moins encore de flotter dans un de ces bateaux de croisière géants, à l’instar du <a href="https://theconversation.com/la-croisiere-maritime-economie-dune-cage-doree-53486">Harmony of the Sea</a> et ses 235 000 tonneaux.</p>
<p>Les événements sportifs sont également touchés. Plus de dix mille athlètes étaient attendus aux Jeux olympiques de Tokyo et mille fois plus de spectateurs pour assister aux épreuves. Beaucoup de monde aussi pour les rencontres professionnelles dans les foires et les congrès ainsi que dans les amphithéâtres universitaires et les colloques scientifiques. Sans oublier le roi de l’encombrement, l’embouteillage lié aux déplacements, des voitures, des métros, des avions, et même depuis peu des trottinettes et des vélos sur les trottoirs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324948/original/file-20200402-74854-1lmm73t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Harmony of the sea, le plus gros bateau de croisière au monde, dans le port de Marseille en septembre 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.afpforum.com/AFPForum/Search/Results.aspx?pn=1&smd=8&mui=3&q=16909646410667387351_0&fst=harmony+of+the+sea+boat&fto=3&t=2#pn=1&smd=8&mui=3&q=16909646410667387351_0&fst=harmony+of+the+sea+boat&fto=3&t=2">Boris Horvat/AFP</a></span>
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</figure>
<p>Mais attention, il y a un pendant positif à l’encombrement : les bénéfices du rassemblement. Les villes et les métropoles en témoignent. Et pas seulement à travers les terrasses de café et la vie de la rue. La concentration spatiale des habitants et des entreprises assure une meilleure rencontre des besoins réciproques, par exemple entre employeurs et employés ou entre producteurs et fournisseurs, ainsi qu’une meilleure production et diffusion des connaissances et des innovations. Modéliser et évaluer ces économies d’agglomération bénéfiques sont le pain quotidien des économistes urbains et il en va de même pour les vertus de la mobilité étudiées par les économistes du transport.</p>
<h2>L’encombrement optimal est calculable</h2>
<p>Il s’agit donc de mettre en regard les coûts de l’encombrement et ses bénéfices concomitants. Le niveau d’encombrement optimal n’est pas égal à zéro. Sur le papier, et avec les bonnes équations, et les hypothèses ultra-simplificatrices qui vont avec, la taille économiquement idéale d’une ville ou le nombre de voitures économiquement optimal sur une autoroute sont calculables. <a href="http://www.jurareview.ro/resources/pdf/volume_18_economic_measurement_of_optimal_city_size:_the_case_of_west_sumatra_indonesia_abstract.pdf">Et l’ont été</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324940/original/file-20200402-74878-1ig2lka.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’économiste Serge-Christophe Kolm.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://sergekolm.org/">Site personnel</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On dispose également d’une théorie économique générale de l’encombrement, titre éponyme du petit <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.html?id=Temis-0006023">livret</a> d’un ingénieur-économiste, Serge-Christophe Kolm, paru en 1968.</p>
<p>La question scientifique à l’époque est de déterminer le prix optimal que devrait appliquer une autorité publique pour limiter l’accès de ressources et d’infrastructures partagées comme les communaux surpâturés ou les routes congestionnées ?</p>
<p>L’autorité est ici omnisciente – elle dispose en particulier de toutes les données sur les coûts et les bénéfices – et bénévolente, un terme consacré qui signifie que l’intervention publique n’est mue que par la recherche de l’intérêt général – ni prébende, ni corruption ou tout simplement souci électoral. Elle agit pour réaliser le plus grand gain collectif, soit pour l’ensemble de la société.</p>
<h2>Le bonheur des uns gâche le bonheur des autres</h2>
<p>L’encombrement quitte alors le domaine de l’intuition pour devenir conceptuellement la manifestation d’effets externes entre individus consommant le même service. Un service à comprendre au sens large – la simple localisation en est un – et que le marché n’est pas capable d’équilibrer, car chaque individu décide unilatéralement de consommer sans tenir compte de la dégradation de la qualité du service qu’il entraîne pour les autres.</p>
<p>Chaque grimpeur de l’Everest retire un peu de satisfaction aux autres de le gravir, mais il ne s’en soucie pas. Il ne s’en soucie pas, car il n’intègre pas dans sa décision le surcroît de ralentissement et d’allongement de la queue que les autres subissent pour parvenir au sommet. Sans compter la perte de gloire qu’il inflige aux autres : chaque année, quelques <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/05/24/embouteillage-au-sommet-de-l-everest-dix-morts-en-une-semaine_1729219">centaines de nouveaux venus</a> rejoignent la liste des vainqueurs du Toit du monde, ce qui en fait baisser la perception du mérite.</p>
<p>Plus dramatique, chaque grimpeur ne se soucie pas qu’en contribuant à augmenter l’embouteillage il contribue aussi à mettre la vie des autres en danger. En 2009, <a href="http://www.alanarnette.com/blog/2019/06/07/everest-2019-season-summary-the-year-everest-broke/">quatre accidents mortels</a> sont imputés à l’encombrement.</p>
<p>Chaque grimpeur paye son déplacement, son matériel et son autorisation d’accès ainsi que sa quote-part pour rémunérer les guides et les porteurs. Mais, dans ces dépenses en dollars et en roupies népalaises, rien pour les nuisances qu’il inflige aux autres grimpeurs. Bref, les externalités d’encombrement ne sont pas internalisées.</p>
<h2>Taxer l’encombrement ?</h2>
<p>Pour prendre en compte les externalités, la solution canonique consiste à ajouter aux dépenses des usagers une taxe à la hauteur du coût d’encombrement qu’ils entraînent pour les autres, par exemple un péage de congestion pour les automobilistes.</p>
<p>De façon générale, lorsque le coût de l’encombrement l’emporte marginalement sur le bénéfice du rassemblement, il convient de limiter l’usage du service encombré en imposant un tarif d’accès.</p>
<p>Et à l’inverse, situation plus rare, il convient de favoriser le rassemblement par une subvention comme, par exemple, celui des médecins dans des centres de santé en milieu rural.</p>
<p>Depuis une quarantaine d’années et dans de très nombreux cas, les coûts à partager le même service encombré semblent avoir augmenté plus vite que les bénéfices. Mais limiter l’encombrement en réduisant l’accès et l’usage, surtout si c’est par l’instauration d’un prix ou son augmentation, n’est pas chose aisée. Cette restriction est vite perçue comme une revendication élitiste. Plus de 22 millions de touristes visitent Venise chaque année. Depuis le premier janvier, les 40 000 excursionnistes quotidiens, les deux tiers du flot, doivent débourser quelques euros <a href="https://web.wpi.edu/Pubs/E-project/Available/E-project-121914-094957/unrestricted/VE14-TOUR_FinalReport.pdf">pour y entrer</a>, à peine plus que le coût de collecte des ordures qu’ils y déposeront. Nul doute qu’il devait être plus agréable d’y flâner comme Stendhal au début du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’encombrement est dès lors vite vu comme une critique bourgeoise de la modernité et une <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1976_num_2_1_3385">lutte des classes</a> pour l’appropriation de l’espace. En ces temps de résurgence du populisme, il faut y prêter attention.</p>
<p>Le fait d’utiliser l’instrument prix pour rationner l’accès crée une difficulté supplémentaire. De la même façon qu’il existe des marchés inacceptables (l’offre de reins ou d’autres organes aux enchères, par exemple), l’imposition d’un prix administré, laissant l’accès au service encombré aux uns et refoulant les autres, rebute le plus souvent une large partie de la population.</p>
<h2>Vers de nouveaux modes de vie et d’organisation de l’industrie</h2>
<p>L’analyse économique de l’encombrement va donc devoir se renouveler, être plus inventive dans l’approfondissement, la mise au point et l’expérimentation des solutions, en particulier autres que le prix.</p>
<p>Ma modeste contribution en la matière : pourquoi ne pas réserver le périphérique intérieur parisien aux véhicules propres qui circuleraient alors dans un seul sens ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/circulation-vitesse-acces-comment-sauver-le-periph-123794">Circulation, vitesse, accès : comment sauver le périph ?</a>
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<p>L’analyse économique devrait prêter également plus d’attention aux effets distributifs des remèdes qu’elle préconise et à la justice sociale qui exclut de faire porter le poids de la limitation des services encombrés quand elle se révèle nécessaire aux plus pauvres ou aux moins diplômés.</p>
<p>Du côté de l’offre de services encombrés, cette limitation va aussi toucher un ensemble d’entreprises et d’emplois, en particulier, dans les secteurs liés au tourisme et aux événements : hôtellerie, restauration, parcs d’attractions, bateaux de croisière, agences de voyages, organisateurs d’exposition et de congrès, clubs de sport professionnel, sans compter les activités de transports qui vont avec.</p>
<p>Les futures solutions contre l’encombrement auront pour obligation de s’appuyer sur des innovations et créer d’autres modèles d’affaires permettant de substituer en partie la présence physique par une présence électronique. Les technologies et applications numériques ont déjà créé ces nouveaux rassemblements (les jeux vidéo collectifs en ligne, par exemple). Elles devraient globalement faciliter la transition vers un monde moins encombré (globalement, car certaines plates-formes à l’instar d’Airbnb ou Booking accentuent le sur-tourisme, par exemple dans le quartier du Marais à Paris).</p>
<p>La pandémie de Covid-19 nous force ainsi à nous interroger sur l’économie de l’encombrement, à la fois dans sa dimension intellectuelle et dans sa dimension matérielle. Il serait préjudiciable à l’ensemble de la société que l’embouteillage généralisé revienne comme avant lorsqu’elle sera jugulée. D’autant qu’une transition vers moins d’encombrement devrait aussi réduire une autre concentration qui lui est liée conceptuellement et physiquement, celle des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.</p>
<hr>
<p><em>François Lévêque est l’auteur des <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/auteurs/francois-leveque/">Habits neufs de la concurrence</a> paru chez Odile Jacob</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tourisme de masse, concentration des villes, engorgement des services publics… il devient urgent de repenser nos modes de vie à l’aune de la théorie de l’encombrement.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305532020-02-03T20:27:38Z2020-02-03T20:27:38ZPourquoi la France suspend la taxe GAFA<p>La taxe GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) a du plomb dans l’aile… Fin janvier, en marge du sommet économique de Davos (Suisse), la France, a proposé de suspendre pour 2020 le paiement des acomptes dus au titre de la <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-taxe-gafa.html">« taxe sur les revenus numériques »</a> adoptée le 11 juillet 2019 dernier par le parlement.</p>
<p>À en croire le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, cette taxe n’est pas définitivement enterrée : son application n’est que différée à décembre 2020. C’est en effet à cette échéance-là que les <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/taxe-gafa-137-etats-trouvent-accord-adapter-fiscalite-internationale-210363">137 pays</a> qui négocient actuellement sous l’égide de l’OCDE en matière de fiscalité internationale espèrent trouver un « terrain d’entente ».</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x7r56fe" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Comment analyser ce qui s’apparente à une reculade de la France ? Cette mesure aurait en effet permis de récupérer environ <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/03/20002-20190303ARTFIG00037-pour-le-maire-la-taxation-des-gafa-peut-rapporter-500-millions-d-euros-par-an.php">500 millions d’euros</a> de recettes pour le fisc français tous les ans ? D’autant plus que les services de Bercy en avaient déjà collecté environ 280 à la fin novembre 2019 !</p>
<p>La première explication réside sans doute dans les pressions américaines. La taxe GAFA a encore dernièrement fait l’objet de nombreuses <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/davos-menacee-d-une-guerre-commerciale-la-france-recule-sur-la-taxe-gafa-7799947285">attaques frontales</a>, notamment du président des États-Unis Donald Trump, lors du dernier Forum économique mondial de Davos.</p>
<h2>Pouvoir de nuisance</h2>
<p>Ce dernier, très remonté contre cette taxe, a formulé des <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/quels-produits-francais-sont-menaces-de-retorsion-par-les-etats-unis-a-cause-de-la-taxe-gafa.N909594">menaces explicites de représailles commerciales</a> sur les vins français, mais aussi sur les voitures en Allemagne ou le parmesan en Italie, deux pays qui envisageaient d’adopter une taxe similaire.</p>
<p>Face à ces intimidations, les alliés européens de la France ne montrent <a href="https://www.marianne.net/debattons/editos/l-impossible-taxe-gafa-triple-suicide-europeen">pas beaucoup d’enthousiasme</a> pour affronter le président Trump… Ses partenaires ne montrent pas non plus une grande motivation pour affronter les entreprises concernées qui menacent de délocaliser leurs activités, de répercuter le montant de la taxe sur leur prix (<a href="https://www.franceinter.fr/taxe-gafa-amazon-met-ses-menaces-a-execution-et-augmente-les-tarifs-pour-les-commercants">comme Amazon</a>), voire de contre-attaquer avec leur propre cryptomonnaie (à l’image <a href="https://www.letemps.ch/economie/libra-une-monnaie-virtuelle-quete-confiance">du projet libra</a> de Facebook, Booking et Uber réunis au sein de la Libra Association).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président des États-Unis Donald Trump s’est une nouvelle fois montré très remonté contre la taxe GAFA lors de sa venue à Davos, fin janvier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jim Watson/AFP</span></span>
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<p>En conséquence, la France se retrouve dans une position de plus en plus isolée. En outre, des voix s’élèvent également dans le pays contre le non-sens ou contre <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/05/20002-20190305ARTFIG00293-l-impossible-imposition-des-geants-du-numerique.php">l’imperfection</a> de cette taxe. La Cour des comptes regrette ainsi que la France avance « à l aveugle », et certains économistes pensent qu’elle coûtera beaucoup d’argent en <a href="https://www.numerama.com/business/543419-taxe-gafa-tout-ce-qui-a-ete-paye-au-titre-de-cette-taxe-sera-deduit-de-la-future-taxe-mondiale.html">futures déductions fiscales</a> ! De plus, d’après certains fiscalistes, il peut être compliqué à la fois de la calculer et de la recouvrer. Autrement dit, il devient urgent d’attendre !</p>
<p>L’isolement de la France face aux GAFA montre également qu’il ne s’agit pas là de cibler des entreprises lambda, mais plutôt des géants dont les alliés, la force de frappe et le pouvoir de nuisance ne sont surtout pas à sous-estimer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>L’idée de la mesure française, qui part du constat que les géants du numérique sont, en Europe et en moyenne, deux fois moins imposés que les entreprises de type traditionnel, est de taxer à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires les prestations de services numériques (mise en relation, ciblage publicitaire, etc.) qui seraient effectuées depuis la France. Elle devait concerner les entreprises dont l’activité consiste soit à vendre de la publicité ciblée en ligne, soit à vendre des données personnelles à des fins publicitaires, soit à proposer des plates-formes d’intermédiation.</p>
<h2>Un rapport de force défavorable aux États</h2>
<p>Ces trois activités sont justement <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comprendre-le-modele-des-geants-du-numerique.N301905">au cœur des modèles d’affaire</a> des Google, Amazon, Facebook et autre Apple qui en devenaient donc la cible principale. C’est pourquoi cette taxe fut d’ailleurs joliment nommée taxe GAFA. Nous soulignons que le « M » de Microsoft aurait également pu être concerné par cette taxe qui serait ainsi devenue <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/">GAFAM</a>, même si l’ex-entreprise de Bill Gates est encore trop connectée aux pratiques de l’« ancien monde » pour être assimilée aux quatre autres !</p>
<p>Au regard des menaces formulées par ces entreprises concernées, comme la répercussion de la taxe sur les prix, on comprend donc que ces entreprises ne craignent pas le rapport de force avec l’État français seul.</p>
<p>Nous attendrons donc la fin de l’année 2020 pour voir si les négociations menées au niveau mondial via <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/taxe-gafa-bruno-le-maire-pret-a-mettre-de-l-eau-dans-son-vin-face-a-trump-837457.html">l’OCDE</a>, avec les Européens et les Américains – auront pu prendre le relais d’une France bien trop isolée. Bruno Le Maire a déjà salué la tenue de ces discussions. « Tous les efforts doivent être faits pour parvenir à un accord ambitieux sur la fiscalité numérique et la fiscalité minimale d’ici la fin de l’année 2020 », a-t-il déclaré dans un communiqué le 31 janvier dernier.</p>
<p>La France peut certes se targuer d’avoir été à l’initiative de ces négociations globalisées en déployant – et en votant – sa taxe GAFA. Néanmoins, la France doit reconnaître à présent à la fois son isolement et sa vulnérabilité.</p>
<p>Face à la <a href="https://www.lenouveleconomiste.fr/les-gafa-predateurs-des-etats-70718/">prédation</a> des GAFA, Paris semble donc aujourd’hui se résoudre à une réponse internationale, comme un symbole de la toute-puissance acquise par ces acteurs face aux États.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan is affiliated with Conseil National des Universités </span></em></p>Face aux menaces américaines, mais aussi face aux atermoiements européens ou aux stratégies de prédation des géants du numérique, la France se retrouve de plus en plus isolée.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1302572020-01-26T18:26:42Z2020-01-26T18:26:42Z« La finance a besoin de plus de superviseurs », conversation avec Joseph Stiglitz<p><em>Joseph Stiglitz, lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2001, était l’invité d’une conférence exceptionnelle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur le thème « finance et société ». Interrogé par Gunther Capelle-Blancard, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Anne-Laure Delatte, conseiller scientifique au CEPII, et les étudiants de l’École d’économie de la Sorbonne, il a notamment été question du rôle et de la place de la finance, de la taxation des transactions financières et de la finance durable. Voici un bref résumé des échanges.</em></p>
<hr>
<p><strong>Dans votre nouvel <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Peuple,_pouvoir_&_profits-576-1-1-0-1.html">ouvrage</a>, vous vous livrez à une analyse profonde des problèmes économiques et sociaux actuels, et de ses causes. Il y est notamment question de la finance, qui « a éminemment contribué à créer le malaise économique, social et politique actuel »…</strong></p>
<p>Ces dernières décennies, la part du secteur financier dans le PIB est passé de 2,5 % à 8 % aux États-Unis. Il est certes impossible d’avoir une économie qui fonctionne bien sans un système financier efficace. Mais l’essor du secteur bancaire et financier ne s’est pas traduit par une économie plus performante. Nous avons dû subir en 2008 une grave crise financière, et ces dernières années ont été marquées par une croissance faible et une forte hausse des inégalités. Pendant ce temps, les salaires dans la finance ont <a href="http://pages.stern.nyu.edu/%7Etphilipp/papers/pr_rev15.pdf">considérablement augmenté</a>, et les banques se sont rendues coupables de pratiques abusives, en particulier auprès des populations les plus pauvres.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310964/original/file-20200120-69559-1sjinsh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Depuis 2008, les salaires dans la finance ont considérablement augmenté ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=bkef0pY_-zY&t=2152s">Capture d'écran Youtube.</a></span>
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<p>L’essentiel du débat porte sur la régulation et vise à limiter les préjudices causés par le secteur financier. Mais presque personne ne parle d’un point pourtant fondamental : quelle est l’utilité du secteur financier ? Il faut revenir aux fonctions essentielles, à savoir collecter l’épargne des ménages et fournir des financements aux entreprises pour qu’elles puissent croître et créer plus d’emplois.</p>
<p>Le secteur bancaire et financier n’a pas rempli correctement ses fonctions. Les autorités de régulation ont également failli. En Europe, avant la crise, le président de la Banque centrale européenne d’alors, Jean‑Claude Trichet, s’inquiétait de salaires trop élevés, et son successeur Mario Draghi un poids excessif de l’État providence. Mais la crise n’est pas due à de salaires trop élevés ou à un État trop fort !</p>
<p><strong>On parle beaucoup depuis la crise du poids excessif de la finance. Dans une société idéale, faudrait-il davantage de banquiers ou d’ingénieurs ? Avez-vous un message particulier à adresser aux étudiants qui se destinent à travailler dans la finance ?</strong></p>
<p>Une société a besoin des deux, des banquiers et d’ingénieurs. Mais surtout, il faudrait davantage de superviseurs.</p>
<p>Si j’ai un message à faire passer, c’est au sujet de la turpitude dans le milieu bancaire. Une <a href="https://www.researchgate.net/publication/268787112_Business_culture_and_dishonesty_in_the_banking_industry">étude en économie expérimentale</a> montre que les individus, lorsqu’ils revêtent leurs habits de banquiers, deviennent malhonnêtes.</p>
<p>L’expérience est la suivante : vous lancez un dé et devez annoncer le résultat obtenu que vous êtes le seul à observer ; vous recevez alors le montant indiqué par le dé. Si vous annoncez que le dé tombe sur 1 vous gagnez 1 dollar, sur 2, vous gagnez 2 dollars et ainsi de suite sauf pour 6 où vous ne gagnez rien. Cette expérience a été réalisé à de nombreuses reprises et les individus ont en général tendance à mentir sur le résultat. Mais surtout l’étude montre que c’est encore plus vrai pour les individus qui se présentent comme banquiers.</p>
<p><strong>Il y a 30 ans déjà, vous avez publié un <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-94-009-2193-1_2">article de référence</a> sur la taxation sur les transactions financières. Quelle est votre opinion sur ce sujet aujourd’hui ?</strong></p>
<p>Un des principes de base de la fiscalité est qu’il vaut mieux taxer les mauvaises choses que les bonnes ; c’est pourquoi il vaut mieux avoir des taxes sur la pollution que taxer le travail, par exemple. Il faut créer des effets incitatifs tout en décourageant les mauvais comportements. Et puis, l’un des effets positifs est bien sûr de collecter des recettes pour financer les dépenses publiques.</p>
<p>Par ailleurs, une grande partie de l’activité sur les marchés financiers est improductive, voire néfaste. C’est le cas notamment du trading à haute fréquence, qui peut totalement désorganiser les marchés boursiers, comme en 2010 où des milliers de milliards de dollars ont été <a href="https://www.lesechos.fr/2016/01/flash-crash-du-6-mai-2010-le-jour-ou-le-temps-sest-arrete-a-wall-street-191771">effacés de la bourse américaine en quelques minutes</a>, sans que cela ne repose sur quoi que ce soit de concret…</p>
<p>J’ai fait partie d’une commission constituée après ce <em>flash crash</em>, où j’ai proposé de mettre en place une règle simple pour enrayer ce phénomène en fixant la durée minimale des ordres de bourse à dix millisecondes. On m’a alors répondu : « tu veux retourner à l’âge de pierre ? »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310957/original/file-20200120-69535-1a5pas4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« On m'a accusé de vouloir retourner à l'âge de pierre lorsque j'ai proposé de fixer la durée minimale des ordres de bourse à dix millisecondes ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=bkef0pY_-zY&t=2152s">Capture d'écran Youtube.</a></span>
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<p>Il n’y aucune utilité sociale dans le fait d’avoir des marchés qui vont si vite. Aucune décision rationnelle ne se prend en une milliseconde, ou même en dix. Une taxe sur les transactions financières bien conçue pourrait corriger cette situation. Je pense qu’il y a des chances que cette mesure soit mise en place si un président démocrate arrivait au pouvoir. Ne serait-ce qu’en raison des recettes possibles. L’estimation est que cette taxe générerait environ 800 milliards de dollars de recettes aux États-Unis entre 2019 et 2028… Ce n’est pas immense, mais c’est mieux que rien. Vous pouvez déjà faire beaucoup avec cet argent.</p>
<p><strong>Pour conclure, pouvons-nous faire confiance aux banques dans la lutte contre le changement climatique ?</strong></p>
<p>L’un des rares avantages du changement climatique est que si Manhattan devait finir sous les eaux, ce serait la fin de Wall Street ! C’est une boutade évidemment…</p>
<p>Plus sérieusement, de nombreuses initiatives sont à saluer. Les banques commencent à orienter leurs activités pour répondre au défi du changement climatique, même si cela risque de prendre du temps ; les obligations « vertes » (green bonds) vont également dans la bonne direction ; les banques centrales commencent à s’intéresser au risque systémique engendré par l’exploitation des énergies fossiles ; plusieurs pays exigent désormais que les entreprises et les fonds de placement communiquent sur le risque carbone ; enfin, il faudrait des banques publiques « vertes », car il est probable que le secteur privé n’agisse pas assez vite. L’État de New York en a d’ailleurs créé <a href="https://greenbank.ny.gov/">une</a>, et celle-ci fonctionne très bien.</p>
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<figcaption><span class="caption">Version intégrale de la conférence de Joseph Stiglitz à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le 23 octobre 2019.</span></figcaption>
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<p><em>Cet article a été co-écrit avec la participation des étudiants du Master CIEF (Communication et information économique et financière) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130257/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour le prix « Nobel » d’économie 2001, une « grande partie de l’activité sur les marchés financiers est improductive, voire néfaste ».Gunther Capelle-Blancard, Professeur d'économie (Centre d'Economie de la Sorbonne et Paris School of Business), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneAnne-Laure Delatte, Directrice Adjointe au CEPII, responsable du programme de recherche Macroéconomie et finance internationales, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281352019-12-04T19:13:37Z2019-12-04T19:13:37ZUsager partout, citoyen nulle part : ce qu’il reste du consentement à l’impôt<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304656/original/file-20191202-67034-c5oz2t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C61%2C913%2C553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le morcellement du financement du service public n'est pas sans conséquence sur le vivre ensemble...</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixavril / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ». Cette contribution visée par l’article 13 de la <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789">Déclaration des droits de l’homme et du citoyen</a> a longtemps été incarnée par l’impôt dans son avatar le plus orthodoxe et le plus exigeant : un impôt directement acquitté par les citoyens, un impôt sans affectation ni destination, un impôt se voulant un minimum progressif (même si un taux proportionnel adossé à un abattement à la base n’offrent in fine qu’une très modeste progressivité).</p>
<p>Puis vint le temps de la contestation de l’impôt. Il serait trop élevé, mal conçu et encore plus mal employé. Les décideurs publics des dernières décennies auraient pu faire le choix d’actionner les leviers les plus structurants du consentement à l’impôt : la pédagogie, la transparence, l’amélioration de la gestion. Ils ont choisi un chemin plus rapide, plus facile, plus séduisant. Ils ont tout simplement déserté cet <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/les-batailles-de-l-impot-nicolas-delalande/9782021174786">historique champ de bataille</a>, sans se rendre compte des possibles répercussions au long cours. Peut-être auraient-ils dû se remémorer la vieille comptine anglaise <a href="https://nationalpoetryday.co.uk/poem/for-want-of-a-nail/">« For want of a nail »</a> avant d’amorcer une telle retraite : perdre la bataille du consentement à l’impôt en ne surmontant pas les quelques clous et autres difficultés rencontrés sur le chemin peut aboutir à perdre le royaume de l’État comme espace de solidarité.</p>
<p>Résumé d’une tragédie en deux actes.</p>
<h2>De l’impôt à la taxe</h2>
<p>Puisque les citoyens n’apprécient pas l’impôt, que l’on le cache ! C’est ainsi qu’a augmenté la fiscalité indirecte, moins durement ressentie par le contribuable que son homologue direct. Combien de Français savent que la taxe sur la valeur ajoutée représente à elle seule un <a href="https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/ressources_documentaires/documentation_budgetaire/chiffres_cles/LFI2019-budget-chiffres-cles.pdf">produit supérieur de 30 %</a> à la somme de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304652/original/file-20191202-66986-rn685p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évaluation des recettes fiscales perçues par l’État en 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/ressources_documentaires/documentation_budgetaire/chiffres_cles/LFI2019-budget-chiffres-cles.pdf">Budget.gouv.fr</a></span>
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<p>Puisque les citoyens veulent avoir des garanties sur l’emploi des deniers publics, qu’on leur en donne ! C’est ainsi que se sont développées depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle de nouvelles formes d’impositions <a href="https://web.lexisnexis.fr/unerevues/pdf/une/sja1921.pdf">présentant une certaine synergie</a>. D’une part, une fiscalité comportementale sensée détourner les citoyens de pratiques jugées nocives pour eux-mêmes ou pour la société dans son ensemble : tabagisme et alcoolisme, recours à des modes de transports polluants… D’autre part, une fiscalité affectée qui va à l’encontre du vieux principe d’universalité budgétaire puisque la destination de la contribution est, au moins sémantiquement, identifiée : transports en commun, infrastructures touristiques…
Pénombre et diversion : on retrouve bien ici les deux piliers de la magie tels que définis par Harry Houdini. Mais le plus illustre de escapologistes nous aurait prévenu qu’une fuite en avant n’a jamais constitué une réelle évasion.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304647/original/file-20191202-66998-1bfj8ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pénombre et diversion sont les deux piliers de la magie… et de la fiscalité alternative ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.loc.gov/">Library of Congress</a></span>
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<p>Cette solution n’a en effet duré qu’un temps et le remède s’avère finalement pire que le mal. La crise sociale qui a débuté à l’automne 2018 a montré que la fiscalité indirecte <a href="https://theconversation.com/grand-debat-national-pas-de-solution-miracle-a-la-nouvelle-question-fiscale-112590">n’inhibait plus les contribuables qui s’ignoraient</a>. La fiscalité comportementale est elle aussi <a href="https://www.labase-lextenso.fr/revue-francaise-de-finances-publiques/RFFP2017-138-016">chahutée dans sa pertinence et sa légitimité</a> : « impôt sur les pauvres », accusée d’être parfois pensée par et pour des lobbies, ne servant que d’habillage à la simple recherche de ressources supplémentaires… Mais c’est bien la fiscalité affectée qui a, par son essor, eu les répercussions les plus problématiques pour notre vivre ensemble.</p>
<h2>De la taxe à la redevance</h2>
<p>Nous avons donc créé des impôts pour financer l’enlèvement de nos ordures ménagères et notre service public audiovisuel. Plutôt que de financer LE service public dans son ensemble, nous avons décidé de financer au cas par cas un service public. Comment s’étonner alors que tout un chacun en arrive à souhaiter financer son service public, celui qui lui est très concrètement rendu ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1106488495286165504"}"></div></p>
<p>Les redevances sont aujourd’hui les ressources les plus dynamiques du secteur public local : pour les communes, les <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/ofgl2019_publication_globale_0.pdf">« ventes de biens et services »</a> ont progressé de 20 % entre 2014 et 2018 quand l’ensemble des recettes de fonctionnement n’augmentait même pas de 1 %. Pas très compliqué direz-vous, entre impôts supprimés et dotations étatiques en baisse. Mais cet essor, qui a débuté au milieu des années 2000, ne cesse de s’affirmer pour s’étendre à d’autres champs traditionnels d’intervention de la personne publique, comme <a href="https://theconversation.com/augmenter-les-droits-dinscription-a-luniversite-une-autre-conception-du-service-public-127301">l’enseignement supérieur</a>.</p>
<p>La mise à contribution des usagers a de nombreuses répercussions sur nos comportements. La plus fondamentale est peut-être la disparition attendue des tarifs forfaitaires. En effet, au plus on demande aux usagers, au moins ils sont enclins à accepter de payer le même montant pour un usage distinct du service rendu. L’individualisation du financement du service public (au sens d’une mobilisation accrue de l’ensemble des usagers) s’accompagne donc d’une individualisation du financement des sous-services rendus (au sens d’une mobilisation de chaque usager en fonction de nouveaux critères de distinction).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=773&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=773&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=773&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304653/original/file-20191202-66998-2w1zux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=971&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le prix du timbre reste le même quelque soit la distance parcourue par la lettre en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.laposte.fr/timbres/timbres-marianne/unite/timbre-marianne-l-engagee-rouge/p/1118800?xtor=SEC-400000189-GOO-[timbre+marianne]-[353195989825]-S-[]&compte=PdtsPhy&&gclid=EAIaIQobChMI6fWs7NKW5gIVw4XVCh3WUweWEAQYAyABEgIIyfD_BwE">Laposte.fr</a></span>
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<p>Cet individualisme demandé par tous, pour des motifs purement financières, a de multiples répercussions sociétales que nous commençons à peine à appréhender : un égoïsme accru, une moindre curiosité et ouverture d’esprit, une sphère de responsabilité et de solidarité qui se restreint…
Dans ce monde qui se dessine, pourquoi donc devrais-je payer le même timbre pour envoyer un courrier d’une page dans mon département et un courrier de deux pages à l’autre bout de la France ? Cette exigence de singularité des usagers, qui se considèrent désormais (même si ce n’est pas encore vrai) comme les principaux financeurs des prestations publiques qui leur sont rendues, est par ailleurs accentuée par l’exigence de singularité propre à <a href="https://www.lextenso.fr/revue-francaise-de-finances-publiques/RFFP2018-143-016">l’ère du numérique</a>.</p>
<p>La plus grande sollicitation des bénéficiaires de premier rang des services publics, loin d’avoir renforcé la responsabilité ou le civisme des usagers, tend donc à effacer la figure du citoyen au profit de la posture du consommateur. C’est l’un des enseignements de la mandature qui s’achève pour beaucoup d’élus municipaux, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/congres-des-maires-de-france-qui-veut-encore-etre-maire">qui s’apprêtent à rendre leurs écharpes</a> sans même tenter de se représenter devant des électeurs.</p>
<h2>Du citoyen au consommateur</h2>
<p>Pour paraphraser le personnage de mathématicien – épistémologue incarné Jeff Goldblum dans le film <em>Jurassic Park</em>, nous étions tellement préoccupés de savoir si nous pouvions trouver des alternatives à l’impôt que nous ne nous sommes pas demandé si nous devions le faire. Le résultat est loin d’être satisfaisant, et il contribue à expliquer la permanence de certaines positions et postures catégorielles lorsque des efforts sont demandés à tous (ou présentés comme tels). Mais comment peut-on dénoncer l’égoïsme de certains quand l’essor de l’individualisme est une conséquence prévisible de l’individualisation mise en œuvre depuis des années dans le financement de nos services publics ?</p>
<p>Il n’est peut-être pas trop tard pour reprendre la bataille du consentement à l’impôt et du vivre ensemble. Mais, pour la gagner, il faudra tout d’abord adapter notre arsenal et notre stratégie à la réalité du terrain. La folie, pour paraphraser Albert Einstein, serait de continuer à faire la même chose que depuis des décennies en espérant un résultat différent. Nous aurons au moins retenu une leçon : la façon dont on finance un service public est aussi importante que la façon dont on le met en œuvre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Eisinger est membre du Bureau de l'AFIGESE.</span></em></p>La balkanisation des modalités de financement de nos services publics dégrade la relation de l’État au citoyen et, incidemment, la relation des citoyens entre eux. Jusqu’où et jusqu’à quand ?Thomas Eisinger, Professeur associé en droit, gestion financière et management des collectivités, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1266162019-11-11T20:49:38Z2019-11-11T20:49:38Z700 millions de pneus chinois, Obama, Michelin et moi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300618/original/file-20191107-10910-sskd8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C62%2C937%2C526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près d’un pneu sur trois dans le monde est fabriqué en Chine.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Zhao jiankang / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les pneus chinois ont envahi les États-Unis et l’Europe. Une concurrence déloyale qui a abouti à des sanctions commerciales de Washington et de Bruxelles. Le président Barack Obama a tiré le premier. <a href="https://www.lequotidien.lu/economie/face-aux-pneus-chinois-michelin-se-degonfle-en-europe/">Michelin est touché</a>. Et moi, je ne sais plus quoi acheter pour changer mes gommes usées. Des boudins du Vietnam premier prix ou des pneumatiques longue durée « Made in EU » ? Roulons ensemble pour comprendre le dumping chinois et l’effet des surtaxes à l’importation. Bon à savoir en ces temps de guerre commerciale ; la chaussée est glissante.</p>
<h2>Des pneus chinois par centaines de millions</h2>
<p>La Chine est le premier producteur mondial de pneus. Près d’un sur trois sort de ses usines. Aucune entreprise pourtant parmi les cinq plus grands manufacturiers du pneumatique. Le premier est d’origine japonaise, ce que ne laisse pas deviner son nom, Bridgestone ; le second, un français de Clermont-Ferrand qui éditait aussi un guide des meilleurs restaurants, Michelin bien sûr ; le troisième, un américain qui porte le nom de l’inventeur de la vulcanisation (ce qui rend le caoutchouc moins plastique, mais plus élastique), Goodyear ; le quatrième vient d’Hanovre et a conçu le premier pneu pour bicyclette, Continental ; le cinquième, un autre japonais qui porte un prénom comme tel, Sumitomo. En 2017, il fallait arriver à la sixième place pour trouver un fabricant chinois : Pirelli. Eh oui ! La firme milanaise plus que centenaire a été <a href="https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKBN0MJ0G220150323">rachetée en 2015 par ChemChina</a>, un conglomérat d’État alors à la tête du principal producteur domestique de pneus radiaux et tout-terrain.</p>
<p>La place de la Chine dans le pneumatique est bien sûr liée à la montée en puissance spectaculaire de son industrie automobile. Pas de vente de voiture neuve avec des roues sans pneus ! Ce marché de la première monte est crucial. Les clients ont en effet tendance à reprendre les mêmes pneumatiques lorsqu’ils devront être changés. Dans les pays vieux routiers de l’automobile la première monte représente entre un quart et un tiers des ventes ; le remplacement le reste.</p>
<p>Mais comme la flotte chinoise de véhicules est récente (5 ans d’âge en moyenne contre près du double en France), le marché du remplacement garde ses plus belles promesses pour demain.</p>
<h2>Petits et grands pneumaticiens chinois</h2>
<p>Si vous passez par Dawang, au sud de Pékin, vous y trouverez des <a href="https://www.globaltimes.cn/content/1119026.shtml">centaines de manufacturiers du pneu</a>. Ils ont fait la prospérité de la ville. Ils y contribuent moins aujourd’hui car le pneumatique chinois est en crise. De nombreux petits faiseurs ont fait faillite et fermé leur porte. Pour la première fois depuis 20 ans la production automobile chinoise a décru en 2018, une année seulement après la <a href="https://www.lesechos.fr/2017/03/flambee-des-prix-sur-le-marche-des-pneumatiques-151708">flambée du prix du caoutchouc</a> naturel. À ces deux années noires s’est ajoutée une plus grande vigilance des autorités de contrôle de l’environnement ; elles ont fait le ménage parmi les entreprises ne respectant pas les normes. Le tout, suite à une longue série de restrictions commerciales contre l’importation de pneus chinois (voir plus bas).</p>
<p>Face à ces adversités, les petits et moyens manufacturiers ont les reins moins solides que les quelques grandes entreprises du secteur : pas de diversification sur des produits moins exposés, pas d’implantation à l’étranger, pas de capacité d’investissement pour se moderniser, pas d’influence sur le gouvernement central. À l’instar de leurs consœurs américaines <a href="https://www.jstor.org/stable/2138664">qui n’ont pas survécu aux années 1920</a>, la plupart vont disparaître face à la surcapacité de production. La consolidation du pneu chinois est donc en <a href="https://www.tirereview.com/china-rise-tire-companies-making-waves-around-globe/">route</a>. Dans une poignée d’années, quelques firmes seulement domineront le marché domestique. Mais, contrairement aux grandes entreprises américaines qui, à l’exception de Goodyear, <a href="https://www.nber.org/chapters/c8649">ont perdu pied sur le marché mondial</a>, il est peu probable qu’elles sortent du jeu planétaire.</p>
<h2>Barack Obama a tiré le premier</h2>
<p>Ce n’est pas Donald Trump mais son prédécesseur à la Maison Blanche qui a commencé à surtaxer les pneus venus de Chine. Une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/protectionnisme-trump-ne-fait-pas-dans-la-nouveaute-131221">taxe <em>ad valorem</em> de plus de 35 %</a> a été introduite aux frontières pour trois ans. Prise en 2009, cette décision s’appuie sur une clause spéciale liée à l’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/world-trade-review/article/ustyres-upholding-a-wto-accession-contract-imposing-pain-for-little-gain/EE43CFD76D1FB29C084581D447E8DE43">entrée de la République populaire dans l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC). Elle vise à sauvegarder les entreprises dès lors que leur marché domestique est bouleversé par les importations du nouveau membre. Or celles des pneumatiques chinois a triplé entre 2004 et 2008, passant de 6,7 % à 29 % de la production étatsunienne. Sur la même période, le secteur a perdu plusieurs milliers d’emplois.</p>
<p>Oui, mais est-ce bien à cause des pneus chinois ? Rien, n’est moins clair. Il suffit de lire <em>International Debates</em> qui a <a href="https://congressionaldigest.com/issue/chinese-tire-tariffs/american-coalition-for-free-trade-in-tires/">ouvert ses colonnes</a> aux partisans et adversaires de cette protection des frontières. Pour le syndicat américain des métallos (qui coiffe aussi les ouvriers du caoutchouc) il est temps d’agir face aux pneus à prix bradés venus de Chine. D’autres usines vont sinon fermer. Point de vue partagé par les élus démocrates et républicains des États où elles sont menacées.</p>
<p>En revanche, il s’agit d’une mesure infondée pour l’Association des industriels chinois du pneu ainsi que pour les entreprises américaines qui les importent et les distribuent. À leurs yeux, les usines ont fermé parce que les entreprises ont décidé de leur propre chef d’abandonner la production de pneus bas de gamme du fait de leur manque de rentabilité sur le sol américain. Les Michelin, Goodyear et autres Bridgestone qui dominent la fabrication aux États-Unis ont des usines en Chine et bien ailleurs dans le monde. L’invasion pneumatique chinoise serait la conséquence de leur décision stratégique. Les opposants de la décision d’Obama observent d’ailleurs que ces pneumaticiens n’ont ni demandé, ni appuyé la mesure de taxation aux frontières.</p>
<p>Conclusion : faute d’études indépendantes, il est difficile de trancher cette controverse sur l’origine des emplois perdus.</p>
<h2>Quels sont les effets de la surtaxe ?</h2>
<p>En revanche, avec un peu d’années de recul, des données et des travaux académiques, les conséquences de surtaxe sont plus nettes. Sans surprise, les importations de pneus chinois ont drastiquement diminué en quantité (moins 67 % sur les 12 mois qui ont suivi son introduction). Quant aux emplois trois ans après la mesure, ils n’ont augmenté que d’un millier seulement, une croissance qui est <a href="https://www.piie.com/system/files/documents/pb12-9.pdf">loin de permettre</a> de revenir au niveau d’emploi des années antérieures à la mesure. De plus, ces nouveaux emplois auraient peut-être été créés sans elle, poussés par exemple par la reprise économique de l’après-crise financière. Ou, inversement, sans la décision de Barack Obama, le nombre d’emplois aurait décliné et ces pertes évitées sont alors à porter à son crédit.</p>
<p>Il convient donc de comparer les effets de la mesure à ce qui se serait passé si… elle n’avait pas eu lieu. C’est le fameux scénario contrefactuel cher aux économistes : comparer ce qui s’est passé dans le pneu à partir de 2009 à quelque chose qui n’est pas observable puisque non advenu. Vous voyez la difficulté. Pour la contourner, on peut penser par exemple à chercher des différences avec des industries qui n’ont pas connu de restrictions aux importations ou avec d’autres secteurs de transformation du caoutchouc. Pas sûr cependant que ces industries aient été soumises aux mêmes tendances que celle du pneumatique. Quand le choix du groupe de contrôle comparable n’est pas évident, il est possible de recourir à des méthodes économétriques sophistiquées. C’est ce que fait un <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/eecrev/v85y2016icp22-38.html">trio de chercheurs</a>. Le résultat qu’ils avancent est sans appel :</p>
<blockquote>
<p>« L’emploi total et le salaire moyen des entreprises du pneu aux États-Unis n’ont pas été affectés par la mesure de sauvegarde. »</p>
</blockquote>
<p>L’hypothèse explicative est simple : les importations en moins des États-Unis venant de Chine auraient été compensées par des importations en plus d’autres pays. Avec la mesure, la Chine exporte moins de pneus, mais la Thaïlande, l’Indonésie ou encore la Corée du sud voient les leurs gonfler. Le vide chinois est comblé par une réallocation des capacités et une modification des circuits. Par exemple, les pneus d’une usine chinoise qui devaient aller aux États-Unis sont exportés dans les pays qui recevaient des pneus d’une usine indonésienne et ces derniers sont alors exportés aux États-Unis.</p>
<p>Conclusion : pas évident d’obtenir des effets significatifs lorsque les restrictions d’importations concernent un seul pays et que le bien considéré est produit par des multinationales implantées un peu partout.</p>
<h2>Dumping et subventions</h2>
<p>L’administration américaine a imposé de <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/FR-2015-08-10/pdf/2015-19615.pdf">nouveaux droits de douane</a> aux pneus chinois en 2015. Il ne s’agit plus cette fois d’une mesure de sauvegarde, mais d’une action en bonne et due forme pour concurrence déloyale selon les règles de l’OMC. Il ne suffit plus de montrer que l’industrie a été bouleversée par une augmentation foudroyante des importations ; il faut apporter la preuve que le prix du bien importé est anormalement bas (mesure antidumping) ou que l’entreprise a bénéficié d’aides publiques (mesure antisubventions). Dans les deux cas, il est en plus nécessaire de démontrer que la concurrence déloyale qui s’est exercée a été dommageable à l’industrie domestique. Bref, le standard de preuve est élevé et les chiffres âprement discutés pour établir le prix normal, le niveau des subventions reçues et l’ampleur du préjudice.</p>
<p>L’administration américaine a estimé que la marge de dumping des fabricants de pneus en Chine s’élevait entre 15 et 30 % selon les sociétés et que les subventions représentaient l’équivalent de 21 à 100 % du prix facturé. Elle a donc taxé aux frontières les pneus chinois de chaque entreprise à hauteur de ces montants. Après s’être redressées quand la mesure de sauvegarde triennale de 2009 a expiré, les importations de pneumatiques chinois aux États-Unis <a href="https://www.tirebusiness.com/wholesale/impact-import-duties-chinese-truck-tires-flux">ont de nouveau dégringolé</a>.</p>
<p>Heureusement pour Donald Trump, les mesures qui viennent d’être décrites ont seulement porté sur les pneus équipant les véhicules de tourisme et les utilitaires légers. Restaient les pneumatiques chinois pour camions et autobus à chasser pour cause de dumping et subventions. Ils le seront à <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/FR-2017-01-27/pdf/2017-01862.pdf">mi-mandat</a>. Ceci dit, les gros pneus chinois surtaxés représentent un marché affecté minuscule en comparaison des centaines de milliards de dollars d’importations de la République populaire taxées par le président américain dans sa bataille commerciale contre <a href="https://abcnews.go.com/Politics/10-times-trump-attacked-china-trade-relations-us/story?id=46572567">« le plus grand voleur dans l’histoire du monde »</a>. Mais il s’agit là d’une vision très personnelle de la concurrence déloyale. Elle ne s’embarrasse ni des règles et obligations de démonstration qu’impose l’OMC, ni des principes internationaux en matière de défense commerciale licite.</p>
<p>Conclusion : ne pas confondre défense commerciale et protectionnisme.</p>
<h2>Et l’Europe ?</h2>
<p>De son côté, l’Union européenne est à la traîne. Pas de mesures contre les pneus pour véhicules légers, seulement <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0683">contre les pneus pour poids lourds et autobus</a> ; de plus, elle a diligenté son enquête postérieurement à celle de l’Administration américaine. Les droits de douane tenant compte du dumping et des subventions chinoises sont entrés en vigueur il y a tout juste un an. Il faut dire que l’Union européenne n’est pas très encline à se défendre. Fin 2018, un peu plus d’une centaine de mesures antidumping et antisubventions étaient en vigueur contre <a href="https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2019/2018-M-105-03-UE.pdf">près d’un demi-millier pour les États-Unis</a>.</p>
<p>Selon leur tissu industriel, les États membres sont plus ou moins affectés par les importations chinoises. La crainte de représailles est également différemment ressentie selon l’importance de leurs exportations. L’Allemagne et la France n’ont pas, par exemple, les mêmes intérêts en cas de mesure commerciale contre la Chine. Les États membres sont donc plus ou moins allants pour se défendre en cas de concurrence déloyale. Le consensus est difficile.</p>
<p>L’Union européenne n’a pas non plus été très soucieuse de défense commerciale en autorisant en 2015 la vente de Pirelli à Chemchina. À travers cette entreprise d’État, la Chine acquiert des technologies et des savoir-faire dans la conception et fabrication de pneumatiques haut de gamme ainsi qu’une marque reconnue (pour les non-initiés aux sports mécaniques, Pirelli équipe les pneus des bolides de Formule 1). L’achat de l’entreprise milanaise a d’ailleurs été largement aidé par l’État de la République populaire, notamment par un prêt préférentiel et une <a href="https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2019/2018-M-105-03-UE.pdf">prise de participation du Fonds de la Route de la soie</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300620/original/file-20191107-10952-1dk79jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour la Chine, le rachat de Pirelli signifie l’acquisition d’un savoir-faire dans la conception et fabrication de pneumatiques haut de gamme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S_Z/Shutterstock</span></span>
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<p>N’éreintons pas cependant l’Europe. L’Union, contrairement aux États-Unis, a été avisée d’inclure les pneus rechapés dans son investigation et sa décision. Le changement de la bande de roulement des pneus de camion est en effet un moyen de leur donner une nouvelle vie pour 300 000 km supplémentaires d’autoroute. Des kilomètres qui permettent d’économiser du caoutchouc et d’autres matières premières. Cette possibilité ne vaut toutefois que pour des pneus neufs plus chers à l’achat car de carcasse plus durable. Ce n’est pas le cas des pneus chinois bas de gamme, mais dont le prix subventionné les rendait encore moins cher que le simple coût du rechapage ; une opération par ailleurs réalisée par des <a href="https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/les-pneus-chinois-menacent-la-filiere-francaise-du-caoutchouc_416002">milliers d’employés en Europe</a> !</p>
<p>Conclusion : l’action antidumping de l’Europe est économiquement et écologiquement vertueuse.</p>
<h2>Des mesures moyennement efficaces</h2>
<p>Il convient toutefois de ne pas s’emballer à propos de l’efficacité de cette mesure de l’Union ; idem pour celles prises par les États-Unis en 2015 et 2019. Au cours des cinq dernières années passées, plusieurs grands pneumaticiens chinois ont construit des usines à l’étranger, en particulier en Thaïlande et au Vietnam. De plus, à l’instar de Pirelli, le numéro deux du pneu coréen – à la tête d’usines chez lui, mais aussi aux États-Unis et au Vietnam – est passé sous contrôle chinois. Par ces investissements étrangers, les entreprises chinoises disposent dorénavant de marges de manœuvre face aux restrictions à l’importation.</p>
<p>À l’inverse, il ne faudrait pas penser non plus que ces mesures n’ont aucune efficacité. Ce serait le cas si les pneus fabriqués en Chine étaient remplacés un pour un par des pneus produits ailleurs et exportés au même prix. Or les possibilités de réallocation des capacités et de modification des circuits des multinationales du pneu, y compris chinoises, ne sont ni instantanées ni complètement faisables à moyen terme. De plus, à long terme les grands fabricants chinois n’ont pas intérêt à perdre de l’argent en bradant leurs produits à l’export.</p>
<p>De façon générale, le bilan économique des mesures de défense commerciale relève du cas par cas. Des possibilités de manœuvre des multinationales, mais également des effets sur les importateurs et distributeurs qui perdent du chiffre d’affaires, des consommateurs lésés par une augmentation des prix, sans compter les effets de mesures de rétorsion et leur propre cortège d’effets. À la suite de la première mesure américaine contre les pneus chinois, l’industrie avicole américaine a perdu un <a href="https://www.piie.com/publications/pb/pb12-9.pdf">milliard de dollars de recettes d’exportation</a>, la Chine ayant décidé de surtaxer les morceaux découpés de poulet « made in USA ».</p>
<p>Conclusion : difficile de globaliser les effets</p>
<h2>Michelin touché</h2>
<p>Le cas Michelin est un bon exemple de l’effet en demi-teinte des mesures de défense commerciale. Malgré la mesure antidumping européenne, la firme globale auvergnate a décidé de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/10/l-usine-michelin-de-la-roche-sur-yon-fermera-d-ici-a-la-fin-de-2020-plus-de-600-salaries-concernes_6014943_3234.html">fermer fin 2020 son site de production</a> de pneus pour poids lourds de La Roche-sur-Yon. Il souffre d’une taille insuffisante. Elle ne lui assure plus d’être compétitif face à une concurrence même à la loyale, c’est-à-dire basée sur la productivité du capital, du travail ou des intrants. Un esprit caustique remarquera aussi que Michelin est elle-même sanctionnée par la mesure européenne car elle surtaxe aussi ses pneumatiques pour poids lourds et autobus fabriqués en Chine. Ces exportations de Michelin vers l’Europe sont toutefois très marginales.</p>
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<figcaption><span class="caption">Michelin : l’annonce de la fermeture du site de La Roche-sur-Yon (France 3 Pays de la Loire, 10 octobre 2019)</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, une mesure européenne antidumping sur les pneus bas de gamme pour véhicules légers n’aurait pas non plus empêché la fermeture de son usine allemande à Bamberg, un site vieux de près d’un demi-siècle spécialisé dans la production de pneus de moyenne gamme. Il souffre avant tout d’une demande décroissante : il produit des 16 pouces et non les larges pneus chaussant les véhicules de grand gabarit, SUV et autres Crossovers qui plaisent tant aujourd’hui même s’ils polluent plus, rendent la vie si difficile aux cyclistes et sont beaucoup plus dangereux pour les piétons.</p>
<h2>Et moi et moi et moi…</h2>
<p>Propriétaire d’une Peugeot 3008, attentif à mon empreinte carbone et roulant à vélo par des rues et routes étroites, je suis une preuve vivante de cette contradiction. De tels comportements qui frisent l’irrationalité ne cessent d’intriguer les économistes, en particulier les spécialistes de l’environnement. Pourquoi n’investissons-nous pas dans des équipements rentables grâce à la réduction de la facture d’énergie qu’ils nous apportent ?</p>
<p>Sur le papier, il n’y a en effet pas photo : le consommateur gagne à acheter des pneus chers plutôt que bon marché, c’est-à-dire des pneus haut de gamme plutôt que bas de gamme, ou encore des pneus des grandes marques historiques plutôt que des pneus anonymes venus d’Asie.</p>
<p>D’abord, ils permettent de parcourir un plus grand nombre de kilomètres sans les changer. Cette économie dans la durée est à souligner car un contre-exemple de la si courante obsolescence programmée. Les grands pneumaticiens cherchent à offrir des pneus qui durent le plus longtemps possible.</p>
<p>Ensuite, il suffit de rouler une quinzaine de milliers de kilomètres par an pour que le supplément de prix soit plus que compensé par la moindre consommation de carburant. Peut-être ne le savez-vous pas, mais environ un plein sur quatre de votre voiture sert uniquement à faire rouler les pneumatiques. La faute à la résistance au roulement. Le pneu s’écrase sous le poids du véhicule et cette déformation d’environ une largeur de main s’oppose à la traction. Diminuer la résistance au roulement permet donc de réduire la consommation de carburant, mais il faut y parvenir sans que le pneu perde de son adhérence – c’est mieux pour démarrer et conserver sa vitesse et éviter d’aller dans le décor sur chaussée mouillée… Bref, sans avoir à mentionner d’autres critères de performance des pneus, comme le confort de la conduite ou le bruit, le pneumatique est un produit hypertechnique. Ce qui explique pourquoi Michelin, inventeur hier du pneu radial et concepteur aujourd’hui de <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/michelin-presente-vision-son-pneu-du-futur-a-montreal_12441736/">nombreux prototypes</a> (pneus sans air, biodégradable, connecté…) fait partie des 50 premiers déposants de brevets au monde. Cherté et qualité des pneumatiques sont donc étroitement corrélées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300860/original/file-20191108-194650-1r5wooa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le pneu increvable de Michelin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newatlas.com/michelin-gm-uptis-airless-tire/60004/">Michelin</a></span>
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<p>Malgré ce double gain, les pneus bas de gamme qui finalement reviennent plus cher se vendent bien. Les raisons avancées par les économistes qui s’intéressent à l’efficacité énergétique sont <a href="https://www.nber.org/papers/w15031.pdf">multiples</a>. Citons-en quelques-unes. Le consommateur peut être atteint d’une sorte de myopie qui écrase les gains futurs. Par exemple exprimer une nette préférence pour le présent et une aversion au risque et à l’incertitude (le prix des carburants fluctue et il n’est pas connu à l’avance sur la durée de l’amortissement de l’équipement). Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Le consommateur peut aussi reconnaître qu’il en sait moins que le vendeur et que le vendeur le sachant va lui faire miroiter des performances auxquelles il ne croira pas. Méfiance, méfiance…</p>
<p>Enfin, le consommateur peut prendre des décisions selon des mécanismes bien éloignés de la rationalité et des calculs qu’elles exigent. Il privilégiera alors des solutions simples et routinières comme acheter la même chose qu’avant. Comme le dit le refrain de la chanson de Jacques Dutronc qui a inspiré le titre de cette chronique « J’y pense et puis j’oublie, c’est la vie, c’est la vie ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Jacques Dutronc, « Et moi, et moi, et moi » (Archive INA, 1966).</span></figcaption>
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<hr>
<p><em>François Lévêque vient de publier <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/management-entreprise/habits-neufs-de-la-concurrence_9782738139177.php">« Les habits neufs de la concurrence. Ces entreprises qui innovent et raflent tout »</a> aux éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126616/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Quelles sont les conséquences des sanctions commerciales visant à limiter la conquête chinoise du marché mondial du pneumatique ?François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1194202019-07-15T21:39:03Z2019-07-15T21:39:03ZLe kérosène ne sera pas taxé, mais pensez à bien fermer votre robinet<p>À l’annonce du gouvernement de ne finalement <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/institutions/assemblee-nationale/transition-ecologique-l-assemblee-rejette-un-amendement-sur-la-taxation-des-vols-aeriens-nationaux-6398521">pas taxer le kérosène sur les vols intérieurs</a>, et de se contenter d’une <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/07/11/ecotaxe-sur-l-avion-une-goutte-d-eau-dans-le-prix-des-billets_5488274_4355770.html">(légère) écotaxe</a>, un tweet répondait :</p>
<blockquote>
<p>« Mais n’oubliez pas de bien fermer le robinet en vous brossant les dents. »</p>
</blockquote>
<p>Cette boutade résume parfaitement le sentiment d’injustice fiscale dénoncée depuis plusieurs mois : face à l’urgence environnementale, ce serait toujours à nous, consommateurs, de faire le gros de l’effort, et jamais assez aux grandes entreprises. Pourtant, il suffirait de répartir l’effort au prorata des émissions de gaz à effet de serre dont chacun se rend responsable. Ce serait à la fois juste et efficace… Vraiment ?</p>
<p>Si l’on regarde les chiffres, près de <a href="https://www.ademe.fr/expertises/mobilite-transports/chiffres-cles-observations/chiffres-cles">17 % des émissions de CO₂</a> de la France sont dues aux seules voitures particulières, lorsque nous faisons nos courses, allons au travail ou partons en vacances – contre à peine plus de <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Emissions_gazeusesVF.pdf">1 % pour le trafic aérien intérieur</a>. Le logement résidentiel est quant à lui responsable d’environ <a href="https://www.citepa.org/fr/air-et-climat/polluants/effet-de-serre/dioxyde-de-carbone">15 % des émissions totales</a>, avec plus de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015759">45 millions de tonnes de CO₂</a>, à cause principalement de nos appareils de chauffage.</p>
<h2>Taxer affecte toujours les consommateurs finaux</h2>
<p>Les ménages seraient donc approximativement responsables d’un tiers des émissions de CO<sub>2</sub> (17 % + 15 %), tandis que les deux tiers restants reviendraient aux industries, à l’agriculture, au tertiaire ou encore à la production même de l’énergie. Avons-nous là notre clé de répartition de l’effort, à savoir un tiers pour les ménages et deux tiers pour les entreprises ?</p>
<p>Non, et cela pour deux raisons. La première tient à la pertinence du calcul, très contestable en réalité. L’industrie, l’exploitation agricole, la clinique et la centrale à charbon pourraient rappeler, à raison, qu’elles consomment de l’énergie, non pas pour leur propre confort, mais bien pour produire des tables, des pommes, des soins et de l’électricité que nous, les ménages, consommons. En tant que consommateurs dits « finaux », nous sommes en quelque sorte directement et indirectement responsables de 100 % de la consommation énergétique (et de son gaspillage).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1128498693190103040"}"></div></p>
<p>La seconde raison est d’ordre pratique. Même si les décideurs politiques s’en remettaient directement aux grands consommateurs d’énergie que sont les producteurs de biens et de services, les ménages en seraient finalement affectés, via une répercussion <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Incidence_fiscale">plus ou moins forte</a> des coûts de production sur les prix. Taxez le kérosène et c’est le prix du billet d’avion qui augmente. Imposez des règles de construction plus strictes, et c’est le prix de l’immobilier qui augmente. Limitez la circulation des poids lourds et c’est le prix des aliments qui grimpe.</p>
<p>Pourquoi alors ne pas instaurer de prix plafond, pourrait-on rétorquer. Après tout, il existe déjà des tarifs réglementés pour le gaz et l’électricité. Mais imagine-t-on que l’État se mette à fixer un prix plafond pour les tables, les pommes et l’ensemble de nos biens de consommation ? Non, évidemment.</p>
<h2>Encourager à mieux consommer sans pénaliser</h2>
<p>En bout de chaîne, le consommateur final aurait donc à se résigner et à supporter l’essentiel du coût de la transition écologique ; tout au plus pourrions-nous répartir plus équitablement – via des politiques redistributives – l’effort entre consommateurs finaux.</p>
<p>Ou alors, pourquoi ne pas s’inspirer d’un <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma--Del%E2%80%99innovationinstrumentale--Lescertificatsd%E2%80%99%C3%A9conomiesd%E2%80%99%C3%A9nergie.pdf">dispositif de maîtrise énergétique</a>, innovant mais encore peu connu, qui existe en France depuis 2006 : le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE). Ce dispositif <a href="https://www.ademe.fr/expertises/changement-climatique-energie/passer-a-laction/comment-valoriser-economies-denergie-cee/principes-fonctionnement-dispositif-cee">oblige les principaux vendeurs d’énergie</a> – Engie, Total, etc. – à inciter leurs clients à changer leurs chaudières, à isoler leurs murs, en bref, à consommer moins d’énergie.</p>
<p>Au moyen de bons d’achat, de primes et de conseils, il revient aux vendeurs d’énergie d’encourager leurs clients à moins en consommer. Et si ce dispositif monte en puissance en France et se décline dans une quinzaine de <a href="http://enspol.eu/results">pays européens</a>, c’est parce qu’il concilie de façon inédite une logique d’obligation et une logique de flexibilité. Comment ?</p>
<p>Au prorata de leurs parts de marché, les principaux vendeurs d’énergie ont l’obligation de faire économiser un certain volume d’énergie, correspondant à un nombre équivalent de CEE. Pour atteindre le nombre de CEE qui leur est assigné, et ne pas avoir à payer une pénalité à l’État, les « obligés » peuvent réaliser ou faire réaliser les opérations d’économie d’énergie (par exemple isoler la toiture) auprès de leurs clients.</p>
<p>Ils peuvent également acheter – sur un marché – des CEE auprès des obligés qui en auraient en surplus, ou auprès d’acteurs non obligés – comme les collectivités – qui peuvent générer des CEE sans y être contraints. En résumé, c’est comme si les principaux vendeurs d’énergie prenaient à leur charge une partie du coût des opérations d’économie d’énergie, ou payaient ceux qui s’en chargeaient à leur place.</p>
<h2>Généraliser les certificats</h2>
<p>Alors qu’un dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (<a href="https://agriculture.gouv.fr/ecophyto-2-le-certificat-deconomie-de-produits-phytopharmaceutiques-cepp">CEPP</a>) est en cours d’expérimentation, l’on pourrait envisager des dispositifs équivalents pour rationaliser notre consommation de voitures, d’eau, d’avions et de tout autre bien et service.</p>
<p>Prenons l’exemple des véhicules – 2 millions en sont vendus chaque année en France – et admettons que l’on veuille passer progressivement au tout électrique. L’on réunirait par exemple les 20 principaux vendeurs en France (qui représentent plus de 90 % des parts de marché) : l’État imposerait à chaque vendeur, au prorata de son importance, d’encourager l’achat d’un certain nombre (ou pourcentage) de voitures électriques, en échange de certificats. Chaque vendeur aurait alors le choix entre réduire le prix de vente de ses voitures électriques – en rognant sur ses marges ou en boostant son innovation – ou acheter des certificats à d’autres vendeurs qui y seraient parvenus. En résumé, c’est comme si le vendeur faisait l’effort de développer des voitures électriques à un prix abordable, ou récompensait les vendeurs qui y parvenaient à sa place.</p>
<p>Pour l’eau, l’on pourrait obliger les distributeurs à en promouvoir une consommation plus efficiente, par exemple à travers des primes à l’installation de réducteurs de débit ou de mitigeurs thermostatiques. Pour le plastique, l’on pourrait contraindre les grossistes à encourager l’achat de matériaux durables ou biodégradables. Pour l’avion, l’on pourrait astreindre les compagnies à promouvoir le train sur les plus petites distances, etc.</p>
<p>Obliger les principaux vendeurs à encourager les consommateurs à mieux (et moins) consommer, voilà le pari original de ce dispositif de certificats qui <a href="https://hal-enpc.archives-ouvertes.fr/hal-00799694/document">hybride</a> des logiques d’obligation, de sensibilisation, de taxe et de marché. Et si l’État est appelé à une grande vigilance pour limiter les risques de fraudes, de baisse de qualité ou de concurrence déloyale, il n’aurait pas à verser le <a href="http://atee.fr/sites/default/files/C2E/Fichiers/1_rapport_cour_des_commptes_certificats_economies_energie.pdf">moindre denier</a> pour mettre en œuvre ce dispositif… et donc n’aurait pas à prélever le moindre impôt supplémentaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adam Baïz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plutôt que de taxer les secteurs polluants, on pourrait s’inspirer des certificats d’économie d’énergie, qui obligent les principaux vendeurs d’énergie à inciter leurs clients à moins consommer.Adam Baïz, Economiste, enseignant et chercheur, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.