tag:theconversation.com,2011:/global/topics/train-26726/articlestrain – The Conversation2024-03-03T16:00:27Ztag:theconversation.com,2011:article/2244602024-03-03T16:00:27Z2024-03-03T16:00:27ZQuel avenir pour les projets de « RER métropolitains » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578043/original/file-20240226-24-nunr5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=540%2C132%2C2954%2C1983&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des rames Regiolis circulent déjà sur le REME, le RER strasbourgeois en cours de déploiement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nelsosilva/52456589533/in/photolist-2mZ63ZD-2nVpJvt-2mLqPQx-2mLrTzv">Nelso Silva / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>« Doubler la part du <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">mode ferroviaire</a> dans les déplacements du quotidien autour des grands pôles urbains », telle est l’ambition que se donnait la France au moment de voter la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039666763">Loi d’Orientation des Mobilités</a> (LOM), promulguée le 26 juin 2019. Idée y avait notamment été lancée de « favoriser la réalisation de projets de RER métropolitains », un type de réseau qui, dans l’Hexagone, n’existe aujourd’hui qu’en Île-de-France alors que l’on en retrouve dans nombreuses grandes villes européennes. Le 27 novembre 2022, le président de la République Emmanuel Macron répétait l’ambition de « <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_FmtLxUk5C4">développer un réseau de RER</a> dans les dix principales villes françaises ».</p>
<p>Plus récemment, la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/290687-loi-serm-rer-services-express-regionaux-metropolitains">loi relative aux Services express régionaux métropolitains</a> (SERM) a été promulguée en décembre 2023 afin d’établir un cadre législatif. La proposition de loi SERM déposée au Parlement en avril 2023 a concordé avec le lancement du <a href="https://objectifrerm.fr/">réseau Objectif RER métropolitain</a>, qui vise à fédérer autour de la mise en œuvre des projets dans les territoires candidats. Frédéric Aguilera, vice-président en charge des Transports de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a, par exemple, annoncé il y a quelques jours sur X (anciennement Twitter) le dépôt imminent d’une candidature pour un « RER Clermont-Auvergne » et pour quatre autres métropoles de la région.</p>
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<p>Il n’empêche que la mise en œuvre des futurs projets candidats demeure tributaire de multiples incertitudes. Elles font l’objet de <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2021-2.htm">plusieurs contributions</a>, dont les <a href="https://cv.hal.science/m-learousseau">nôtres</a>.</p>
<h2>Strasbourg, un lancement en demi-teinte</h2>
<p>La première agglomération à avoir engagé un projet de ce type est celle de <a href="https://theconversation.com/topics/strasbourg-70845">Strasbourg</a>. L’idée était portée depuis 2017 par l’<a href="https://astus67.fr/">ASTUS</a>, une association alsacienne d’usagers des transports, et les autorités ont officiellement lancé le 11 décembre 2022 le <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/tout-comprendre-au-reme-a-strasbourg-le-premier-rer-de-province-lance-en-alsace-6824882">REME</a>, le réseau express métropolitain européen. Le premier <a href="https://www.20minutes.fr/strasbourg/4067262-20231218-disparites-cadence-penalites-bilan-apres-an-rer-alsace">bilan</a> un an plus tard s’avère mitigé : des trains supplémentaires oui (700 de plus par semaine), mais moins que prévu (1072 promis initialement) et au prix d’un taux de régularité dégradé (86,3 % des trains) au cours du premier semestre 2023 (objectif : 95 %), notamment car les infrastructures n’était pas prêtes à fonctionner à une telle cadence.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La gare de Strasbourg n’était sans doute pas prête à accueillir des trains à une telle cadence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Léa Rousseau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les raisons de ces difficultés sont multiples, au premier rang desquelles une exploitation mise à mal par une montée en charge trop rapide au regard des moyens disponibles, en personnel comme en matériel roulant. Ces <a href="https://www.youtube.com/watch?v=H0aC-kU-oIc">préoccupations</a> avaient d’ailleurs été exprimées par les représentants de la Fédération nationale des usagers de transport et de la CGT à la veille du lancement du REME. On pourrait imputer à la communication autour du projet de ne pas avoir annoncé un calendrier de montée en charge plus progressif, quitte à prendre de l’avance si cela avait été possible : aurait-on pu d’emblée annoncer un objectif de 1000 rames supplémentaires mais à un horizon plus lointain ? 2025 ? 2027 ? 2030 ? Depuis, le lancement on observe ainsi une inflexion du discours politique, qui privilégie désormais la stabilisation du système. L’augmentation de l’offre ainsi que son extension au-delà de la frontière franco-allemande n’est plus envisagée avant 2026.</p>
<p>Au niveau des infrastructures, l’aménagement de la gare de Strasbourg paraît également inadapté pour le fonctionnement d’un volume aussi important de trains qui impose un mouvement technique toutes les 30 secondes. Cela génère des situations d’encombrement à la moindre avarie matériel ou autre aléa. Aussi, Thibaud Philipps, vice-président en charge des transports dans la région Grand Est, reconnaissait en décembre dernier un <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/les-invites-de-la-redaction-de-france-bleu-alsace/une-deuxieme-gare-a-strasbourg-la-region-veut-regler-la-saturation-actuelle-4724375">défaut d’anticipation</a> des aléas dans les modélisations envisagées avant le lancement du REME.</p>
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<p>Certes, le taux de régularité s’est stabilisé autour de 94 % à la fin de l’année 2023, avec une moyenne de 830 rames supplémentaires circulant par semaine sur les quatre lignes concernées. Une restructuration de la gare de Strasbourg semble néanmoins nécessaire, l’Eurométropole de Strasbourg plaidant pour son agrandissement (projet de gare à 360 degrés) tandis que la région Grand Est privilégierait la création d’une gare supplémentaire. Le projet devra en outre favoriser la création d’un réseau de lignes traversantes afin de limiter les correspondances pour les voyageurs qu’impose un schéma en étoile.</p>
<h2>Pas qu’une affaire de trains plus fréquents</h2>
<p>Il ne faudrait cependant pas apprécier ces futurs réseaux à partir du seul nombre de trains et de leur ponctualité : les SERM ne se limitent en effet pas à un projet d’infrastructure visant à renforcer la fréquence des trains pour atteindre un cadencement élevé (15 minutes en heure de pointe).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« RER métropolitains : une loi, et maintenant ? », thème des Journées des mobilités du quotidien, organisées à Strasbourg les 8 et 9 février 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Léa Rousseau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les Journées des mobilités du quotidien, organisées à Strasbourg les 8 et 9 février derniers ont été l’occasion de rappeler que le déploiement des SERM ne constitue pas une fin en soi. Il s’inscrit dans l’objectif de décarboner les mobilités, de relier les métropoles et leurs périphéries et enfin de pallier les difficultés croissantes d’accès à la voiture individuelle. Les SERM ne sauraient d’ailleurs, selon Nicolas Bordillat, directeur des programmes de SERM du Grand Est pour SNCF Réseau, être des répliques provinciales du RER parisien. L’appellation « RER métropolitain » a même été abandonnée dans la loi du 27 décembre 2023.</p>
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<p>L’enjeu, selon un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/EF%26SEM-SD%20VF%2006%2004%202020.pdf">rapport</a> de SNCF Réseau est de constituer un service intégré d’une part et un service attractif d’autre part. Pour être intégrée, l’offre ferroviaire doit être coordonnée avec une offre de cars express, de trams, de covoiturages ou de réseaux cyclables selon les besoins locaux pour accéder au réseau. Cela vaut en termes d’horaires, d’infrastructures multimodales mais aussi de tarifs avec par exemple des abonnements uniques, quel que soit le mode utilisé. L’attractivité passera elle par des horaires réguliers, sur une amplitude horaire importante (jusque minuit en week-end), une fréquence renforcée en heures de pointe et en zone dense.</p>
<p>Le REME est encore loin de répondre aux critères d’un service à la fois intégré et attractif. En premier lieu, il n’est pas clairement identifiable pour les voyageurs, ne serait-ce qu’en raison de l’absence d’un logo comme pour les <a href="https://www.theses.fr/s166863">S-Bahn allemand</a> ou encore d’un <a href="https://www.theses.fr/s269740">plan de transport dédié</a>. Il n’existe en outre pas encore de pass multimodal valable sur les quatre lignes du REME, enjeu clé en termes de tarification et de billettique.</p>
<h2>Quelle gouvernance ? Quel financement ?</h2>
<p>Ces critères seront-ils repris par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires au moment de sélectionner les projets qui seront labellisés ? Des incertitudes demeurent quant aux motifs de sélection des projets, qui devraient être précisés par décret au cours des prochains mois. Selon le député Jean-Marc Zulesi, rapporteur de la loi SERM, la sélection devrait reposer davantage la capacité des collectivités territoriales à créer un consensus autour d’un projet fédérateur plutôt que sur le rang dans la hiérarchie territoriale.</p>
<p>Ainsi, le statut de métropole ne saurait garantir la labellisation, ouvrant la voie aux villes moyennes, <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-rochelle-joue-la-carte-du-rer-metropolitain.2260841">La Rochelle</a> par exemple, voire de territoires d’outre-mer ayant manifesté leur intérêt pour le déploiement d’un SERM sur leur territoire. Malgré les dispositions de la loi, la mise en œuvre des projets s’inscrit ainsi dans une gouvernance complexe, dont le cadre demeure nébuleux. À cet égard, l’échange de bonnes pratiques entre les territoires apparait nécessaire, dans un contexte où les porteurs de projet seront pourtant immanquablement en compétition.</p>
<p>Se posent également des questions d’ordre financier. Le Conseil d’Orientation des Infrastructures a présenté en février 2023 un <a href="https://www.gouvernement.fr/discours/discours-de-la-premiere-ministre-elisabeth-borne-remise-du-rapport-du-conseil-dorientation-des-infrastructures-coi-et-presentation-dun-plan-davenir-pour-les-transports">Plan d’avenir pour les transports</a> prévoyant des investissements à hauteur de 100 milliards d’euros d’ici 2040 pour la régénération puis le développement du réseau ferroviaire français. Le montant des projets SERM est estimé à hauteur de 15 à 20 milliards d’euros. Mais quelles seraient les modalités de financement ? Utiliser les capacités contributives de l’État ? Des collectivités territoriales ? Faire évoluer les versements-mobilité ? Mettre en place de nouveaux moyens de financement comme des taxes locales ? L’organisation, à l’initiative du Sénat et d’ici juin 2024, d’une conférence nationale sur le sujet est particulièrement attendue. La loi SERM prévoit, elle, que la Société du Grand Paris, rebaptisée Société des grands projets, pourra contracter des emprunts pour financer les projets dont elle aurait la maîtrise d’ouvrage.</p>
<p>Tous ces questionnements rendent d’autant plus nécessaires la circulation des connaissances et l’échange de bonnes pratiques entre les territoires pour améliorer la mise en œuvre des futurs projets SERM. Au-delà de l’expérience du REME en tant que projet pilote, il serait bon aussi de s’inspirer de nos voisins européens où les réseaux de type SERM sont en service depuis plusieurs décennies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224460/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Léa Rousseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses métropoles ont fait part de leur intérêt pour développer leur offre ferroviaire. Malgré les textes récemment votés, les incertitudes demeurent néanmoins nombreuses autour de ces projets.Marie-Léa Rousseau, Docteure en aménagement-urbanisme, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221782024-02-01T15:01:53Z2024-02-01T15:01:53Z« Amtrak Joe » : la politique historique de l’administration Biden en faveur du train<p>1 000 milliards de dollars. Tel est le montant astronomique prévu dans le cadre de la <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/08/02/updated-fact-sheet-bipartisan-infrastructure-investment-and-jobs-act/">loi sur les infrastructures</a> (Infrastructure Investment and Jobs Act, IIJA) portée par l’administration de Joe Biden depuis qu’elle a été <a href="https://www.cnbc.com/2021/11/15/biden-signing-1-trillion-bipartisan-infrastructure-bill-into-law.html">ratifiée</a> par le président en novembre 2021.</p>
<p>Depuis lors, <a href="https://www.reuters.com/world/us/bidens-infrastructure-law-has-begun-40000-projects-will-it-help-him-2024-2023-11-10/">près de 400 milliards de dollars</a> ont été effectivement engagés – une somme historique, pour un réengagement fédéral historique en faveur des infrastructures de la première puissance mondiale. Pour le ferroviaire, ce sont près de 66 milliards de dollars qui ont été mis sur la table, soit la somme la plus importante depuis la création en 1970 de <a href="https://www.amtrak.com/about-amtrak.html">l’opérateur ferroviaire national Amtrak</a>, qui gère et exploite l’ensemble des services ferroviaires nationaux.</p>
<p>Il convient de rappeler à cet égard que le train ne représente que <a href="https://theses.hal.science/tel-02197401">0,2 % des déplacements interurbains</a> aux États-Unis – chiffre en progression régulière mais qui pèse peu par rapport à la voiture et à l’avion. Depuis des décennies, le pays a tourné le dos au train et délaissé les investissements dans ce mode de transport.</p>
<p>Le réseau d’Amtrak s’étend sur près de 34 000 kilomètres. Mais l’essentiel du réseau ferroviaire étatsunien (220 000 km au total) est privé, et appartient aux entreprises de fret ferroviaire. Ces acteurs historiques (Union Pacific, BNSF, etc.) sont les véritables maîtres du réseau ferroviaire du pays, dont <a href="https://www.aar.org/facts-figures">70 %</a> sont entre les mains des six plus grandes entreprises de fret (dites de classe 1). Pour faire circuler ses trains, Amtrak dépend donc de ces géants ; ceux-ci sont légalement tenus d’accorder à Amtrak la priorité de circulation, mais ils ne respectent que rarement cette disposition. Pour les entreprises privées de fret, les trains de passagers sont plutôt des nuisances.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chicago, le principal nœud ferroviaire des États-Unis. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un réseau conventionnel déséquilibré</h2>
<p>Amtrak, qui exploite des services ferroviaires desservant plus de 500 agglomérations, des plus grandes métropoles à des petites villes rurales, a transporté en 2023 <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2023/11/Copy-of-FY23-Year-End-Ridership.pdf">28,5 millions de passagers</a>. Cette fréquentation est en forte hausse par rapport à 2022 (22,9 millions) mais encore loin du record pré-Covid (32,5 millions de passagers en <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2019/11/FY19-Year-End-Ridership.pdf">2019</a>). À titre de comparaison, en France, la SCNF a transporté 24 millions de voyageurs… pour la seule période estivale en 2023.</p>
<p>La <a href="https://theses.hal.science/tel-02197401">géographie d’Amtrak</a> se structure à partir de trois composantes.</p>
<p>D’abord les services de longue distance, qui constituent la colonne vertébrale du réseau, héritée des heures glorieuses du train à la fin du XIX<sup>e</sup> et au début du XX<sup>e</sup> siècle. Les noms de ces quinze services font référence à un imaginaire révolu du train (California Zephyr, Coast Starlight, Empire Builder, etc.). Ce sont les services qui assurent des liaisons continentales et qui conservent une fonction de desserte rurale et d’accès équitable au train.</p>
<p>Ils ont le plus souffert de la concurrence de l’avion : le Coast Starlight relie Seattle à Los Angeles en 35h contre 2h45 en avion. Ces services de longue distance, rarement parcourus de bout en bout, sont financés par le gouvernement fédéral et sont les plus déficitaires : en cumulé, ils n’ont transporté que <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2023/11/Copy-of-FY23-Year-End-Ridership.pdf">3,9 millions de passagers en 2023</a>.</p>
<p>Ensuite, les services régionaux, dits <em>state-supported</em> (parce qu’ils sont depuis 2008 à la charge des États fédérés), qui constituent le fer de lance de la renaissance ferroviaire étatsunienne. La trentaine de services régionaux a transporté en 2023 quelque 12,5 millions de passagers.</p>
<p>Ces services desservent pour l’essentiel des territoires très urbanisés et les principales agglomérations du pays. Cinq d’entre eux dépassent le million de voyageurs annuels dont les trois californiens (Pacific Surfliner, San Joaquin, Capitol Corridor) qui illustrent bien la position de la Californie comme <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2017-1-page-17.htm">« laboratoire du renouveau ferroviaire »</a>. Six de ces services régionaux dépassent les 500 000 voyageurs par an, par exemple le corridor des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2020-3-page-67.htm">Cascades</a> entre Seattle et Portland (669 000 voyageurs en 2023).</p>
<p>Enfin, le réseau Amtrak comprend un service géré à part, qui représente la plus belle réussite commerciale du pays, le corridor Nord-Est (<a href="https://nec-commission.com/corridor/">NorthEast Corridor</a>, NEC) qui s’étend de Boston à Washington D.C. Ce NEC, comprenant entre autres une ligne à « grande vitesse » (Acela Express), concentre à lui seul pas loin de 30 % de la fréquentation nationale totale d’Amtrak (12,1 millions de passagers en 2023).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Discours de Joe Biden sur la loi bipartisane sur l’infrastructure dans le bâtiment de maintenance de l’Amtrak à Baltimore, 30 janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Executive Office of the President of the United States</span></span>
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<p>Le NEC est une singularité dans le paysage ferroviaire étatsunien puisqu’Amtrak est propriétaire de l’essentiel de ses infrastructures. L’existence et le succès du NEC démontrent que le train est une solution viable puisqu’il a réussi à capter près de 75 % des déplacements interurbains entre Washington DC et New York <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2014-11-26/why-more-northeast-u-s-travelers-take-the-train-instead-of-a-plane-in-2-charts">au détriment de l’avion</a> !</p>
<h2>Des mégaprojets qui émergent</h2>
<p>À l’heure actuelle, les États-Unis ne disposent pas de lignes à grande vitesse <em>stricto sensu</em> (au sens de l’<a href="https://www.uic.org/com/enews/nr/596-high-speed/article/the-definition-of-high-speed-rail?page=thickbox_enews">Union internationale des chemins de fer</a> (UIC)) mais d’un seul corridor à vitesse élevée (le NEC). En effet, l’Acela Express ne dépasse pas la vitesse maximale de 240 km/h et sa vitesse moyenne sur l’essentiel du corridor oscille entre 150 et 170 km/h.</p>
<p>On assiste toutefois à une multiplication de grands projets qui visent à développer des services de grande vitesse ferroviaire. Le chantier de la ligne à (vraie) grande vitesse en <a href="https://www.latimes.com/california/story/2023-12-25/california-high-speed-rail-federal-funding-newsom-biden">Californie</a> (entre San Francisco et Los Angeles) se poursuit malgré une forte inflation des coûts et de multiples retards et <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/6120">conflits politiques locaux</a> (la section dans la vallée centrale devrait ouvrir en 2028 tandis que la connexion vers San Francisco devrait s’achever en 2033, plus de 25 ans après le lancement du projet).</p>
<p>Le NEC d’Amtrak est engagé depuis près d’une décennie dans un vaste chantier de modernisation. En novembre 2023, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/11/09/fact-sheet-biden-harris-administration-celebrates-historic-progress-in-rebuilding-america-ahead-of-two-year-anniversary-of-bipartisan-infrastructure-law/">Joe Biden a annoncé une enveloppe de 16,4 milliards de dollars</a> pour le corridor Nord-Est, dont plus de 11 rien que pour remplacer deux tunnels hors d’âge (le Hudson River Tunnel à New York et le Frederick Douglass Tunnel à Baltimore – ce dernier date d’il y a plus de 150 ans et n’a jamais fait l’objet de travaux majeurs de modernisation).</p>
<p>Les projets privés constituent une particularité étatsunienne en matière de grande vitesse ferroviaire. Le <a href="https://journals.openedition.org/tourisme/4505">projet Brightline</a> de corridor à vitesse élevée en Floride (Miami-Orlando) est achevé et en exploitation depuis 2023, amenant à nouveau le train dans un État habitué à l’avion et à la voiture individuelle. Cette même entreprise a repris le projet d’une liaison entre Los Angeles et Las Vegas, projet (dit Brightline West) estimé à 20 milliards de dollars, tandis que des réflexions sont toujours en cours pour un projet au Texas.</p>
<p>Enfin, une multitude de projets concernent les gares : chantiers de modernisation et d’extension (<a href="https://www.fox32chicago.com/news/union-station-receives-federal-funding-for-major-upgrades">Chicago Union Station</a>, <a href="https://www.washingtonpost.com/transportation/2023/05/13/dc-union-station-redevelopment/">Washington Union Station</a>), projets de développement et de densification des quartiers de gare (gare <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/pp.149-156-Lieu-du-transport-Autour-de-la-gare-30th-Street-de-Philadelphie-Le-projet-urbain-instrument-de-revitalisation-M.Schorung-P.Marcher.pdf">30th Street de Philadelphie</a>), construction de nouvelles gares centrales (<a href="https://fonciers-en-debat.com/la-nouvelle-gare-centrale-de-san-francisco-la-captation-de-valeur-comme-instrument-de-legitimation-du-projet/">San Francisco Salesforce Terminal</a>, Miami Central).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Entrée principale de la nouvelle gare centrale de San Francisco (Salesforce Transit Center).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>« Amtrak Joe » vs. « business as usual »</h2>
<p>Le président Biden a fondé une partie de sa campagne présidentielle de 2020 sur la promesse de « reconstruire » le pays et de remettre au niveau des infrastructures vieillissantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
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<p>La loi <a href="https://www.ey.com/en_us/infrastructure-investment-and-jobs-act">IIJA</a> porte, nous l’avons dit, sur un total de 1 000 milliards de dollars d’investissements (111 milliards pour les routes et les autoroutes, 79 milliards pour les réseaux d’électricité, 65 milliards pour les réseaux Internet et mobile ou encore 39 milliards pour les transports publics).</p>
<p>Concernant le mode ferroviaire, les <a href="https://www.amtrak.com/about-amtrak/new-era.html">investissements</a> sont historiques : 22 milliards de dollars de crédits pour Amtrak (16 milliards sur le réseau national et 6 milliards pour le seul NEC) et 44 milliards de dollars de subventions dites « discrétionnaires » par le biais de la Federal Railroad Administration. Ces subventions sont destinées à co-financer des projets d’infrastructure majeurs (ponts, tunnels, gares) et des projets de sécurisation et d’implantation de nouveaux systèmes d’exploitation.</p>
<p>Ces investissements massifs permettraient, si les budgets votés par le Congrès suivent, de moderniser comme jamais les infrastructures mais surtout d’étendre les services d’Amtrak. 25 lignes seraient modernisées au total et 39 nouveaux services pourraient être lancés permettant, <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-07-14/inside-amtrak-s-75-billion-plan-to-revive-us-train-travel">d’après les projections d’Amtrak</a>, de capter 20 millions de passagers supplémentaires d’ici quinze ans.</p>
<p>En parallèle, cette politique pro-ferroviaire a pour objectif de soutenir les projets de grande vitesse ferroviaire actuellement en chantier comme le <a href="https://www.reuters.com/world/us/california-high-speed-rail-faces-challenges-after-us-award-2023-12-08/">chantier californien</a>, ou futurs comme le projet privé <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/nation/2023/12/05/la-las-vegas-high-speed-rail-project-scores-3-billion-funding/71819342007/">Brightline West</a>. Ces deux projets vont bénéficier d’une enveloppe de 6 milliards de dollars octroyée par Joe Biden <a href="https://www.reuters.com/world/us/us-award-3-billion-las-vegas-high-speed-rail-project-2023-12-05/">fin 2023</a>.</p>
<p>Néanmoins, l’argent ne fait pas tout et les menaces politiques qui pèsent sur cette politique ferroviaire ambitieuse sont nombreuses. <em>A contrario</em> des grands opérateurs ferroviaires historiques en Europe, Amtrak est un acteur relativement faible, qui ne reçoit qu’une enveloppe budgétaire annuelle maigre du gouvernement fédéral (entre 1,5 et 3 milliards de dollars par an).</p>
<p>Malgré les sommes historiques contenues dans la dernière loi de l’administration Biden, le déblocage effectif des budgets doit passer par le Congrès. Le financement d’Amtrak fait l’objet d’une intense bataille politique entre les Démocrates et les Républicains, ces derniers cherchant régulièrement à réduire le budget d’Amtrak à la portion congrue – pour <a href="https://www.trains.com/trn/news-reviews/news-wire/house-republicans-propose-64-cut-to-amtrak-budget-for-fiscal-2024/">2024</a>, les Républicains de la Chambre des Représentants ont proposé une coupe drastique de 64 % en <a href="https://www.railpassengers.org/happening-now/news/releases/statement-on-houses-proposed-cuts-to-amtrak-in-fy24-budget/">contradiction</a> avec la proposition budgétaire de la Maison Blanche et les engagements financiers pris dans le cadre de la loi IIJA.</p>
<p>L’administration Biden et le Parti démocrate ont été contraints à un compromis avec la majorité républicaine à la Chambre. Au-delà de la question budgétaire, aucune réforme systémique de la politique fédérale des transports n’a été engagée. Les financements et les politiques de transport et d’aménagement à tous les échelons de gouvernement continuent de favoriser ces modes carbonés.</p>
<p>Ces <a href="https://journals.openedition.org/tem/4249">soubresauts politiques</a>, qui reflètent en réalité le scepticisme voire l’opposition résolue d’une partie de la population étatsunienne face à un réinvestissement public massif en faveur du train, compliquent non seulement le réseau conventionnel d’Amtrak mais également les projets de corridors à grande vitesse. Une réélection de Donald Trump et une majorité républicaine dans les deux chambres du Congrès lors les élections de 2024 menaceraient très probablement les ambitions de ce renouveau ferroviaire aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Schorung ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’administration Biden consacre des sommes importantes au développement du transport ferroviaire, insuffisamment développé aux États-Unis.Matthieu Schorung, Docteur. Enseignant-chercheur, Cergy Paris Université, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096162023-08-23T20:44:44Z2023-08-23T20:44:44ZLe retour des trains de nuit se fait-il sur de bons rails ?<p>Début 2016, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, annonçait la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/comment-les-trains-de-nuit-ont-ete-effaces-de-la-carte-de-france-avant-un-nouveau-depart_4051851.html">suppression progressive de la plupart des liaisons ferroviaires de nuit</a>. La principale raison invoquée était l’absence de <a href="https://theconversation.com/topics/rentabilite-53035">rentabilité</a>. Sur fond de <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">préoccupations environnementales</a>, une dynamique inverse a depuis été enclenchée par les pouvoirs publics : le Paris-Nice revenait sur les rails le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">21 mai 2021, le Paris-Tarbes-Lourdes le 12 décembre</a> et c'est le tour du Paris-Aurillac ce 10 décembre 2023. </p>
<p>Ils ont rejoint les Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol/Cerbère qui subsistaient encore tant bien que mal. Une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20TET%20v18052021.pdf">dizaine d’ouvertures de lignes</a> est promise d’ici 2030. Il s’agit essentiellement de lignes radiales depuis Paris, le schéma différant finalement assez peu de celui qui avait cessé d’exister en 2016.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lignes intérieures de nuit envisagées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">ecologie.gouv.fr/train-nuit</a></span>
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<p>Après un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/interception/interception-du-dimanche-11-juin-2023-6230911">retour très médiatisé</a>, les premiers bilans de la relance semblent positifs malgré des <a href="https://www.lindependant.fr/2023/05/31/pyrenees-orientales-le-train-de-nuit-paris-latour-de-carol-menace-un-collectif-alerte-11232346.php">dysfonctionnements réguliers</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">train</a> de <a href="https://theconversation.com/topics/nuit-35575">nuit</a> reste cependant encore menacé par des contraintes économiques et organisationnelles, tandis que l’État et la <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> peinent à concevoir un véritable réseau aux échelles nationale et européenne. C’est ce que nous avons exploré dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2023-3-page-5.htm">recherches</a>, nourries d’entretiens avec divers acteurs et de consultations d’archives.</p>
<h2>Un saut de nuit</h2>
<p>Il faut tout d’abord insister sur la particularité du train de nuit : il s’agit de trajets longs, sans desserte pendant toute une plage horaire que l’on nomme le « saut de nuit », puis avec de nombreux arrêts en fin de parcours. Le Paris-Briançon, par exemple, ne marque aucun arrêt entre son départ de Paris Austerlitz à 20h51 et Crest dans la Drôme à 4h45. Huit gares sont ensuite desservies avant d’atteindre le terminus à 8h26. À vol d’oiseau, Crest et Briançon sont distantes de 130 kilomètres.</p>
<p>Cela place d’emblée le train de nuit dans une forme d’ambiguïté. Est-ce un service dont la gestion doit se faire à l’échelle nationale du fait de la grande distance parcourue ou bien doit-elle revenir aux régions en raison du maillage de desserte dans un territoire en particulier ? Avant l’arrêt du service, la SNCF semble ainsi, à plusieurs reprises, avoir suggéré des suppressions de lignes avec dans l’idée que les annonces pousseraient pour un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">transfert de compétences</a> aux régions ou à l’État.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1586312136929656833"}"></div></p>
<p>Entre 1951 et 1980, les trains de nuit empruntaient près de 15 000 kilomètres de lignes, s’arrêtant dans 256 gares. Avec cet effet « saut de nuit », la réduction du service entre 1981 et 2007 tient davantage de la réduction des dessertes que du kilométrage de voies parcourues (400 km de moins seulement). C’est après 2007 que la rupture semble prononcée à leur sujet.</p>
<h2>Victime d’un manque d’investissement</h2>
<p>La quasi-disparition annoncée en 2016 tenait ainsi à un faisceau de facteurs aux origines bien différentes.</p>
<p>En premier lieu intervient le fait que le train de nuit comporte des coûts d’exploitation plus importants que ceux du TER ou du TGV. Compte tenu des horaires du voyage, ce service requiert en effet plusieurs équipes d’agents et de conducteurs et parfois plusieurs locomotives pour un même trajet, des diesels relayant des électriques selon la nature du réseau ou bien quand le parcours se divise en plusieurs branches. Les voitures ne servent de plus qu'une seule fois par jour quand le matériel TER, TGV et Intercités peut effectuer plusieurs trajets quotidiennement. </p>
<p>Un rapport public de 2015 intitulé <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/34859-tet-agir-pour-lavenir">« Trains d’équilibre du territoire : agir pour l’avenir »</a> jugeant le modèle « à bout de souffle », recommande ainsi à l’État de maintenir seulement deux lignes (Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour de Carol) au nom de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Le train de nuit a également été la première victime du manque d’investissement pendant plusieurs décennies dans l’entretien du réseau ferré national. Rattraper le retard implique des travaux qui s’effectuent essentiellement la nuit. Le matériel roulant ne semble d’ailleurs pas avoir reçu davantage d’attention : la plupart des wagons avait plus de 40 ans au moment où le service prenait fin. Le rôle de l’État reste loin d’être neutre. Un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">manque de stratégies et de moyens</a> sur ce segment de service explique en grande partie son déclin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1546757463394979841"}"></div></p>
<p>Il faut aussi souligner l’importance de la concurrence : la grande vitesse ferroviaire matérialisée par le TGV et le nécessaire raccourcissement des distances-temps ont pris des parts de marché au service de nuit, de même que, dans une certaine mesure, les dessertes aériennes métropolitaines, les cars dits « Macron » ou le covoiturage. La SNCF a ainsi manifesté à maintes reprises son désintérêt pour ce service jugé peu rentable. Préférant se concentrer sur la desserte de territoire à haut potentiel, elle a laissé quelque peu sur la touche un service desservant principalement des territoires composés de villes petites et moyennes.</p>
<h2>Une relance contrariée</h2>
<p>Pourtant quasi enterré, ce service va renaître grâce à la concordance de trois catégories de facteurs, qui ont trait à l’environnement, à l’affection pour le train de nuit et à l’aménagement du territoire, utilisés à tour de rôle par l’État et l’exploitant.</p>
<p>L’un des socles de la relance tient sans nul doute à la promotion du train de nuit comme solution pour décarboner les transports de moyenne et longue distance. Pour mémoire, en France, le secteur des transports est responsable de près de <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/19-emissions-de-gaz-a-effet">29 % des émissions de gaz à effet de serre</a>. Les préoccupations environnementales se déploient dans les discours et actions d’association, dont le leitmotiv est le développement du train de nuit, associations qui mettent en avant un rapport original à la vitesse. Au moment où beaucoup de wagons rejoignaient les voies de garage en 2016, le collectif « Oui au train de nuit » défend ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Le train de nuit, c’est Paris à une heure de Perpignan : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ! »</p>
</blockquote>
<p>Ces inquiétudes accrues s’incarnent dans certains segments de la politique environnementale française. La loi Climat-résilience de 2021, elle-même issue de propositions de la convention citoyenne, instaure par exemple la réduction des vols intérieurs inférieurs à 2h30, même si les effets en sont limités.</p>
<p>Le caractère affectif du produit train de nuit se vérifie, lui, dans sa présence dans la culture populaire. Cadre de l’action du <em>Crime de l’Orient-Express</em> d’Agatha Christie, du roman plus récent <em>Paris-Briançon</em> publié en 2022 par Philippe Besson ou encore de la publicité Chanel avec Audrey Tautou sur le même trajet, c’est aussi sur cette dimension sentimentale que joue la <a href="https://www.sncf-connect.com/article/5-destinations-desservies-par-le-train-de-nuit">communication de la SNCF</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Au petit matin (8h35), le contraste est assuré à Briançon : on passe de la grande ville à l’air pur de la montagne, niché entre cinq vallées des Hautes-Alpes. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506511417893179396"}"></div></p>
<p>Enfin, en réponse à un <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/04-trains-intercites-Tome-2.pdf">rapport de la Cour des comptes</a> en défaveur du train de nuit, l’État semble désormais assumer l’argumentaire faisant du train de nuit un outil d’aménagement du territoire. Dans son revirement de politique, il puise son inspiration dans l’expérience autrichienne <a href="https://www.nightjet.com/fr/reiseziele">Nightjet</a>, portée par l’exploitant ÖBB dont le réseau s’est développé bien au-delà des frontières de l’Autriche. Il lance d'ailleurs ce 11 décembre ses trains entre Paris et Berlin via Strasbourg, s'ajoutant, en ce qui concerne la France, aux trois aller-retours hebdomadaires pour Vienne, capitale de l'Autriche. </p>
<p>Les régions, pourtant incontournables étant donné les spécificités du modèle, sont néanmoins restées le plus souvent attentistes dans la relance du service, à l’exception de la région Occitanie qui s’est positionnée tôt en fer de lance.</p>
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<p>Le succès à long terme de la relance du train de nuit tient encore à trois facteurs. Vient tout d’abord la constitution d’un réseau européen qui se heurte à la concurrence de nouveaux services de longues distances <em>low cost</em>. La qualité du réseau intervient ensuite : l’État et SNCF Réseau se sont certes engagés dans des <a href="https://www.sncf.com/fr/reseau-expertises/reseau-ferroviaire/sncf-reseau/modernisation-reseau">travaux de grande ampleur</a>, mais ils restent souvent insuffisants et trop lents. Enfin, la qualité de service sera décisive : dans un contexte de pénurie de wagons, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/02/le-train-de-nuit-attend-encore-son-grand-soir_6180246_3234.html">rénovation du matériel existant ne suffit pas</a> pour pallier les délais de livraison de voitures neuves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209616/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Carrouet a reçu des financements d'organismes publics.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Mimeur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle de desserte atypique des trains de nuit, à mi-chemin entre train grande ligne et TER, implique un mode de gestion assez ambigu.Guillaume Carrouet, Maître de conférences en Géographie, Université de PerpignanChristophe Mimeur, Maître de conférences en Géographie, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100752023-08-21T15:47:27Z2023-08-21T15:47:27ZUne petite histoire de la « Suge » ou comment le service de sécurité de la SNCF s’est tourné vers le marché<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538309/original/file-20230719-21-4i9jfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C51%2C1312%2C873&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jusque dans les années 1990, les agents de la Suge étaient, du fait de la nature de leurs missions, bien plus discrets qu'aujourd'hui.</span> <span class="attribution"><span class="source">cqfd2/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous les avez peut-être croisés au moment de partir en vacances : 2 800 agents patrouillent dans les gares et les <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">trains</a>, prêtent assistance lors d’opérations de contrôle des billets, enquêtent sur les vols de métaux, les tags qui ont lieu dans les emprises ferroviaires, ou les pratiques organisées de fraude de titres de transport. La <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> est une des seules entités publiques, avec la RATP, à posséder son <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032285804#:%7E:text=Les%20services%20internes%20de%20s%C3%A9curit%C3%A9,au%20bon%20fonctionnement%20du%20service.">propre service de sécurité</a>. On le nomme « Service de Surveillance générale de la SNCF » ou plus communément la « Suge ».</p>
<p>C’est à son histoire que nous nous sommes intéressés dans nos <a href="https://www.cairn.info/la-sncf-a-l-epreuve-du-xxi-e-si%C3%A8cle--9782365123136-page-127.htm">travaux</a>. La Suge d’aujourd’hui ne ressemble plus aux agents en civil que l’on peut voir dans la bande dessinée <a href="https://www.furet.com/livres/la-brigade-du-rail-tome-1-le-tueur-du-lyon-geneve-frederic-marniquet-9782361181369.html"><em>La brigade du rail</em></a> de Frédéric Marniquet, Olivier Jolivet et Sylvaine Scomazzon. Dès les années 1970, un mouvement de transformations du service s’enclenche pour se concrétiser pleinement au tournant des années 1990, les dernières réformes ferroviaires parachevant un « agencement marchand » du service de sûreté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En effet, à l’instar d’autres services de la SNCF, la Suge s’est lentement éloignée d’une régulation de nature « civique » pour adopter une <a href="https://journals.openedition.org/nrt/909">régulation de nature « marchande »</a>. La sûreté va être progressivement conceptualisée et gérée comme un bien échangeable sur un marché, au point même que la Direction de la Sûreté de la SNCF peut aujourd’hui vendre ses services à une société concurrente telle que Trenitalia, Renfe ou Transdev.</p>
<p>Cette évolution, nous avons pu la retracer grâce à l’exploration de fonds d’archives inédits conservés au Centre national des archives historiques de la SNCF situé au Mans. Ils ont été éclairés par des entretiens menés auprès de chefs d’équipes et d’agents.</p>
<h2>À l’origine, la protection des marchandises</h2>
<p>La Suge puise ses origines dans les « polices spéciales » mises en place au lendemain de la Première Guerre mondiale par les premières compagnies privées de chemin de fer, insatisfaites de l’action policière des forces publiques. Elle voit officiellement le jour en 1937 lors de la naissance de la SNCF. Ses agents ont longtemps exercé en civil, avec pour mission principale de lutter contre les vols de marchandises remises à la SNCF, commis en partie par des cheminots. Est alors explicitement exclue de leur mission la prévention des « actes de malveillance ou tentatives criminelles ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une du magazine Stop Police du 5 décembre 1945.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Progressivement, leur mission s’élargit aux vols de biens appartenant à la SNCF et aux voyageurs, ainsi qu’aux délits spécifiquement cheminots (vols de caisse et trafic de titres de transport notamment). Pendant près d’un demi-siècle, les tâches des agents de la Suge consistent ainsi essentiellement en des filatures, planques, enquêtes et fouilles de placards des employés de la SNCF. Ils étaient alors naturellement peu appréciés de leurs collègues. La Surveillance générale va jusqu’à tenir un « fichier des indésirables » où sont inscrits les employés renvoyés pour vols répétés et autres fautes, afin d’éviter leur éventuelle réembauche.</p>
<p>Ces missions historiques vont néanmoins se trouver érodées par deux évolutions majeures des années 1970 et 1980 : la baisse tendancielle du transport de marchandises et la montée des préoccupations sécuritaires à l’échelle nationale.</p>
<p>À partir de 1984, en effet, le transport de voyageurs devance le fret en matière de recettes. Les services de la SNCF se tournent alors rationnellement vers leur nouveau client principal. D’autant que, en parallèle, les <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1954">gares se transforment</a> : d’un lieu dont l’entrée et la sortie étaient strictement contrôlées, avec des gères-files et des salles d’attente qui pouvaient être fermées à clef avant accès au train, elles deviennent de <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1950">véritables lieux de vie</a>, avec restaurants, marchands de journaux et autres services de la vie quotidienne.</p>
<p>Si la Suge n’est pas dissoute avec le déclin des convois de marchandises mais réorientée vers les voyageurs, c’est également parce que, dans le même temps, la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_france_a_peur-9782707165039">délinquance</a> en général et celle dans les transports publics en particulier acquièrent une place de plus en plus importante dans l’agenda des autorités publiques. Au cours des années 1990, la SNCF procède ainsi à une grande reconfiguration du service, préfigurant une conception marchande de la sûreté ferroviaire.</p>
<h2>Donner de la visibilité à la sûreté</h2>
<p>En 1981, déjà, la Surveillance générale n’est plus sous la tutelle de la Direction du Transport mais de la Direction juridique, témoignant d’une attention plus grande aux questions de droit et de légalité. L’année suivante, des « dispositifs d’alerte automatique » font leur apparition dans certaines gares. Ils visent à la fois à obtenir l’intervention de la Police ou de la Gendarmerie et à « dissuader les malfaiteurs par le déclenchement d’une alarme sonore et puissante ».</p>
<p>Les choses s’accélèrent au tournant des années 1990, quand les ministères de l’Intérieur et de la Défense ont cherché à faire émerger les questions de sûreté comme « un objectif stratégique fondamental » des entreprises publiques. Le commissaire divisionnaire Guy Pochon est, dans ce cadre, détaché à la SNCF en 1989. Sa mission est d’étudier et de proposer des pistes à la Suge afin d’améliorer son action de protection des usagers et des agents. Il y importe ses savoir-faire policiers.</p>
<p>Pour l’entreprise, il s’agit désormais de mettre en visibilité son action en matière de sûreté auprès de ses clients voyageurs, de « montrer du bleu ». La sûreté n’est ainsi plus définie comme un enjeu de propriété privée (lutter contre le vol de marchandise), mais de <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2016-1-page-44.htm?ref=doi">maintien de l’ordre</a> (s’assurer du bon écoulement des flux et du bon déroulement des activités commerciales extra-ferroviaires).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agents de la Suge se rendent aujourd’hui bien visibles, comme ici en gare de Houilles – Carrières-sur-Seine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire#/media/Fichier:SUGE_-_S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire_Houilles_-_Carri%C3%A8res-sur-Seine_(2020).jpg">Kevin B/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Il apparaît clairement que la sûreté est aujourd’hui pour la SNCF un argument de vente : garantir la sûreté est un préalable, une condition de possibilité du développement de l’activité de transport et des activités commerciales extraferroviaires. Cette fonction de support, les responsables de la Suge l’ont pleinement intégrée, comme nous l’indique un directeur :</p>
<blockquote>
<p>« Au-delà de protéger les agents de la SNCF, c’est aussi un gage pour nous, pour faire venir la clientèle dans les trains. »</p>
</blockquote>
<p>L’utilisation récurrente du terme « client » pour désigner le voyageur est assez révélatrice de l’intégration par les agents Suge, de la portée commerciale de leur mission.</p>
<h2>Des uniformes et des contrats</h2>
<p>Deux éléments en particulier matérialisent ces évolutions. Le plus visible, sans doute, est le passage à l’uniforme dans les années 1990, changement qui a pu être <a href="https://www.theses.fr/2017PESC1052">mal vécu par certains agents</a>. Exit l’investigation policière en civil, les filatures et les enquêtes et l’impression valorisante de passer pour un inspecteur de police et d’inspirer la méfiance ; désormais, c’est la polyvalence qui est mise en avant. Aider un parent avec sa poussette, demander aux personnes d’enlever leurs pieds des sièges, intimer aux voyageurs d’arrêter de fumer, disperser un groupe de jeunes jugé trop bruyant, renseigner et orienter des usagers sur les quais, établir une <a href="https://www.theses.fr/2022UPSLD055">contravention pour outrage sexiste</a>, intervenir en cas de violence, contacter les forces de l’ordre si besoin, voilà ce qu’attend un directeur de zone sûreté :</p>
<blockquote>
<p>« La posture du métier a complètement changé. On est beaucoup plus sur une posture de prévention et de visibilité, de service aux clients. Quand on est en civil et armé, on se fiche bien de donner un horaire à quelqu’un qui vous le demande dans une gare : il ne sait pas que vous êtes de l’entreprise. Quand on a “SNCF” dans le dos, l’attitude n’est pas la même : elle se rapproche des autres métiers de l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>L’autre grande évolution concerne le fonctionnement interne dans la mesure où la direction de la sûreté se met à entretenir des relations contractuelles avec les autres entités de la SNCF. Chaque année, des contrats sont établis au niveau national puis déclinés dans les entités territoriales du groupe, à partir d’un catalogue de prestations : enquête, contrôle, diagnostic, sécurisation des trains et des gares, lutte antifraude, expertise. La sûreté devient ainsi un service consommable qui s’échange sur un marché interne à l’entreprise ferroviaire en fonction du prix des prestations et des ressources humaines et matérielles dont dispose la Suge.</p>
<p>Des évaluations différentielles des priorités en matière de sûreté peuvent alors avoir lieu entre ces différents acteurs. Au moment de notre enquête à la gare du Nord, par exemple, les responsables de l’activité « Voyages » demandaient systématiquement que des agents soient présents au départ voire à l’intérieur du dernier TGV de la journée. Le personnel de la Suge avait, lui, l’impression que cette mission n’était plus prioritaire, comme l’a souligné un agent interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde sait que le dernier train est sécurisé, il ne se passe donc jamais rien : on préférerait être du côté Transilien où les enjeux sont plus importants. »</p>
</blockquote>
<p>Ces relations contractuelles obligent également la direction de la sûreté à soigner sa légitimité : la base de données Cézar répertoriant les faits de sûreté a été mise en place, de même que des procédures de <em>reporting</em>. Ensemble, ils permettent d’avoir une représentation des évènements ayant lieu dans les emprises ferroviaires et un suivi serré de l’activité des agents Suge. Ce fonctionnement est porteur <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1157?lang=en">d’une représentation comptable du travail de la Suge</a> : le bon chef d’équipe est celui qui remplit le nombre d’heures prévues.</p>
<h2>Une marchandisation en question</h2>
<p>On est là en plein dans ce que le sociologue Michel Callon nomme <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/sociologie-des-agencements-marchands/">« agencement marchand »</a>. Ce processus se caractérise entre autres par la « passivation d’un bien », c’est-à-dire, un cadrage qui fait de ce bien un objet d’échange, et par l’« activation d’agences qualculatrices », c’est-à-dire, la formalisation de prestations et leur valuation. C’est bien ce qu’il advient à la sûreté ferroviaire, d’autant plus que les réformes de 2015 et de 2018 autorisent la SNCF à vendre ses prestations de sûreté aux entreprises ferroviaires concurrentes, ainsi qu’aux gestionnaires d’infrastructures et aux autorités organisatrices de transport.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cet agencement marchand de la sûreté pose alors aux moins deux questions. La première est celle de la légitimité des priorisations, avec un risque de surfocalisation sur les usagers et comportements qui « gênent » l’activité commerciale (notamment <a href="https://journals.openedition.org/sdt/19923">vers les SDF</a> et les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520304413/adventure-capital">groupes de jeunes racisés</a>) sans représenter un véritable risque du point de vue de la sûreté. La seconde est celle de l’arbitrage entre les différents commanditaires : les contrats d’une autorité organisatrice de transport seront-ils, par exemple, prioritaires sur les demandes des entreprises ferroviaires ? Comment garantir une équité entre les différents territoires ?</p>
<p>Ces questions paraissent d’autant plus importantes alors qu’il est régulièrement question d’élargir les pouvoirs des agents de la Suge (et du service homologue de la RATP). Ils peuvent désormais, par endroit, <a href="https://actu.fr/societe/contre-le-terrorisme-et-les-violences-la-sncf-peut-desormais-vous-fouiller-en-seine-maritime_39103722.html">fouiller les bagages de n’importe quel voyageur ou procéder à une palpation de sécurité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Castagnino a reçu des financements d'Université Paris-Est, de l'association Rail&Histoire, et de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p>Les transformations du service de sécurité de la SNCF reflètent largement l’histoire de l’entreprise ferroviaire, du déclin du fret jusqu’à l’ouverture à la concurrence.Florent Castagnino, Enseignant chercheur en sociologie, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091512023-07-19T19:20:27Z2023-07-19T19:20:27ZDes TER plus performants ? La mise en concurrence ne pourra pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535823/original/file-20230705-7761-ajdex1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C30%2C1211%2C820&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le réseau TER de la Bretagne, la SNCF semble se montrer plutôt efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:R%C3%A9gio2N_n%C2%B0080C_%C3%A0_Laval_%282%29_par_Cramos.JPG">Cramos/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les <a href="https://theconversation.com/topics/transport-ferroviaire-51912">services TER</a>, à compter de décembre 2023, à l’exception de l’Île-de-France qui a un calendrier spécifique, les <a href="https://theconversation.com/topics/regions-30878">régions</a> auront l’obligation de <a href="https://www.sncf.com/fr/groupe/notre-strategie/ouverture-concurrence#:%7E:text=%C3%80%20partir%20de%202020%2C%20les,ans%20(bloc%20horizontal%20bleu)">lancer des appels d’offres</a> à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF Voyageurs</a>, et ce pour un délai maximum de dix ans. Cette possibilité de s’ouvrir à la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> est offerte depuis décembre 2019.</p>
<p>Certains territoires ont déjà renouvelé leur confiance au transporteur historique, comme les Pays de la Loire au début du mois de juin ou les Hauts de France en mars de cette année. Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la nouveauté : à partir de juillet 2025 et pour dix ans, c’est <a href="https://www.lepoint.fr/societe/la-sncf-perd-officiellement-l-exploitation-d-une-ligne-ter-en-paca-une-premiere-en-france-28-10-2021-2449721_23.php">Transdev</a> qui s’occupera de 10 % des TER sur la ligne Marseille-Toulon-Nice.</p>
<p>Faut-il néanmoins tout attendre de cette ouverture ? Certes, l’idée est d’être plus efficace et de mieux maîtriser des coûts qui suivent une trajectoire inquiétante. Néanmoins, la mauvaise qualité de service sur un réseau TER peut être due à bien d’autres facteurs face auxquels un nouveau transporteur s’avèrerait tout aussi impuissant que SNCF Voyageur. Un réseau de mauvaise qualité ou saturé par exemple.</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">travaux</a> ont ainsi tenté de faire la part des choses. Où et dans quelle mesure le transporteur ne propose-t-il pas un service optimal étant donné l’environnement dans lequel il évolue ?</p>
<h2>L’enjeu, maîtriser les coûts</h2>
<p>Revenons en premier lieu sur l’évolution du paysage de ces dernières années.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/subventions-24952">contributions publiques</a> totales allouées à la SNCF, au titre de l’activité TER, ont augmenté de manière soutenue et quasi constante. En 2002, ces transferts publics étaient de l’ordre de 1,986 milliard d’euros ; en 2017, ils s’élevaient à 3,379 Md€. Cela correspond à une augmentation de 70 % en quinze ans, ce qui représente une hausse moyenne annuelle de 3,6 %.</p>
<p>Cette croissance n’aurait rien d’inquiétant si elle s’expliquait par des efforts d’investissement dans le matériel roulant, la modernisation des gares ou le réseau ferroviaire. Or, cela est loin d’être le cas : leur part s’est sensiblement réduite après la crise économique de 2008. D’une moyenne de 26,7 % des contributions sur la période 2002-2009, elle est descendue à 14,8 % sur les années 2010-2017.</p>
<p><iframe id="pzJfu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pzJfu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La hausse des subventions publiques s’explique ainsi surtout par la progression du financement du déséquilibre d’exploitation de ce service assuré par la SNCF. Ce service est largement subventionné, de l’ordre de 80 % de son coût en moyenne.</p>
<p>La dynamique est impressionnante : les sommes allouées à cette fin ont plus que doublé entre 2002 et 2017 (5,2 % d’augmentation annuelle moyenne). Il n’y aurait, une nouvelle fois, pas de quoi s’alerter si cela avait pour corollaire une augmentation du volume des prestations de services commandées par les régions à la SNCF. Ce n’est, ici non plus, pas vraiment le cas. Le nombre de kilomètres commandés n’a augmenté que de 18 % entre fin 2002 et fin 2017. Le volume de service s’est même réduit depuis son maximum en 2011.</p>
<p><iframe id="s7GRt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s7GRt/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La subvention publique pour faire circuler un TER sur un kilomètre est ainsi passée de 9,45 euros en 2002 à 17,16 euros en 2017 en moyenne. Une part significative de cette hausse relève, d’après la Cour des comptes, de la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">progression des coûts de production de l’opérateur ferroviaire</a>. C’est dans ce contexte que questionner sa performance productive semble primordial.</p>
<h2>Qui est responsable de quoi ?</h2>
<p>L’exercice n’est cependant pas aisé : dans cette progression des coûts de production ferroviaire, <a href="https://trimis.ec.europa.eu/sites/default/files/project/documents/20060811_113046_02524_ATLET_Final_Report.pdf">tout n’incombe pas au transporteur</a> qu’est SNCF Voyageurs. La performance productive dépend aussi de la qualité des infrastructures sur lesquelles les trains circulent et dont la responsabilité incombe à SNCF Réseau, une entité bien distincte. Elle dépend aussi des orientations données par les autorités organisatrices des transports (les régions en l’occurrence), des contrats passés avec celles-ci et qui varient <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">fortement d’un territoire à un autre</a>. Elles peuvent elles-mêmes faire le choix d’investir dans les gares, dans les rénovations des voies. Elles influent sur les choix de matériel roulant.</p>
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<p>Outre les interactions entre ces trois acteurs, l’environnement sociétal importe également : la densité démographique ou le <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">taux d’incivilité</a> ont des impacts conséquents sur les performances des TER. Des paramètres économiques interviennent de même, comme les taux de motorisation, l’importance d’une clientèle captive ou occasionnelle du train, la possibilité de réaliser des économies d’échelle… Il faut aussi composer avec les autres services présents sur le réseau (Inouï, Ouigo, fret, Intercités) qui peuvent amener une congestion et dégrader la performance des TER.</p>
<p>En définitive, il est bien difficile de déterminer ce qui, dans la performance du service délivré, incombe au comportement de chaque acteur, et notamment de l’opérateur ferroviaire. Les ratios utilisés par la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">Cour des Comptes</a> ou l’ART (Autorité de régulation des transports) dans son <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/publication-du-bilan-du-marche-du-transport-ferroviaire-en-2019/">bilan annuel</a> s’avèrent insuffisants. C’est à y remédier que notre <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">étude</a> s’est attelée.</p>
<h2>La SNCF, à 82 % de ses capacités</h2>
<p>Notre étude met à profit, sur la période 2012-2016, deux bases de données jamais exploitées jusqu’alors. Elles nourrissent une méthodologie d’estimation d’une « frontière de production », développée notamment par Philippe Aghion, professeur au collège de France. Il s’agit de mesurer le volume de production théoriquement atteignable étant donné les technologies et ressources matérielles et humaines à disposition, puis de comparer la performance d’un opérateur avec cet optimum. Dit autrement, on se demande si avec les ressources à disposition, il ne serait pas possible de produire plus de train-kilomètre, ou si l’on pourrait parcourir les mêmes distances en sollicitant moins de ressources.</p>
<p>Le modèle dissocie ainsi les coûts de personnel à bord et en gare par exemple, mais n’inclut pas ceux des péages à verser à SNCF Réseau pour engager un train sur un sillon, car l’opérateur n’en a pas la maîtrise. Tout un ensemble de variables supposées contribuer à la performance productive est inclus.</p>
<p>Trois résultats majeurs en ressortent. En moyenne, les opérateurs ferroviaires régionaux de la SNCF obtiennent un score d’efficience de 82,2 %. Ils auraient pu ainsi, sur la période étudiée, baisser d’environ 18 % leur coût de production si l’on prend comme base les meilleures performances obtenues par la SNCF en région. Cela suggère que, même si la SNCF n’est pas la seule responsable de cette dérive des coûts, elle l’est en partie tout de même. Le score de 100 % représente la frontière de production, c’est-à-dire la production maximale avec le système productif de notre échantillon. Soulignons que cette estimation ne dit rien du gain de coût qui pourrait être obtenu avec un autre opérateur ferroviaire que la SNCF.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avant la réforme territoriale, la région Haute-Normandie était celle avec la plus importante marge de progression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Skililipappa/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Le second résultat concerne la disparité des scores d’efficacité productive selon les régions. L’éventail est très ouvert. Les scores varient de 97,8 % à 59,3 %. Aucune région n’est à 100 %, car toutes sous-optimisent l’utilisation d’au moins un des facteurs de production. Deux régions TER peuvent ainsi recevoir une mention « Excellent » : Rhône-Alpes et la Bretagne. Quatre autres régions « Bien » l’Alsace et la Lorraine par exemple. À l’opposé, cinq régions TER sont peu performantes, dont la Picardie ou le Languedoc-Roussillon. La Haute-Normandie finit au fond du classement. Nombre de régions pourraient ainsi progresser sans changer d’opérateur, si elles bénéficiaient des conditions qui font la performance dans les meilleurs d’entre elles.</p>
<p>Plusieurs régions ont depuis cette étude recontractualisé avec la SNCF. Dans le cas de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux premiers appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF et l’autre par Transdev, « Intermétropoles », ont permis de presque doubler l’offre dans ces lots, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.</p>
<p>Le troisième résultat est davantage méthodologique. Les méthodes d’évaluation habituelles donnent des résultats peu convergents avec les nôtres. Cela renforce l’idée que les méthodes économétriques ont aussi un rôle à jouer en complémentarité des méthodologies usuelles.</p>
<h2>Quels leviers ?</h2>
<p>L’analyse nous conduit à formuler plusieurs indications à destination des décideurs publics comme des opérateurs.</p>
<p>La première est que la SNCF a beaucoup à faire pour optimiser ses coûts de production. D’après la Cour des comptes, il semblerait que la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-des-ressources-humaines-de-la-sncf">gestion du facteur travail</a> puisse être davantage optimisée, par réduction de l’absentéisme notamment, ou en modifiant certaines dispositions de l’organisation du travail, pour davantage de polyvalence.</p>
<p>Il s’agit aussi de travailler sur l’environnement dans lequel le service est exécuté. Une étude montre par exemple que le degré de <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">respect de l’ordre social</a>, approximé par le taux de délinquance régionale, s’avère fortement corrélée avec une faible efficience ferroviaire.</p>
<p>L’efficience productive résulte aussi de certains paramètres physiques du système de production ferroviaire. La qualité du réseau (vitesse maximale, voie unique ou double, électrification…), mais aussi le nombre de gares, semble avoir un impact positif considérable sur l’efficience productive, de même que la longueur du réseau qui permet d’obtenir des économies d’échelle. Ces paramètres s’imposent à tous les opérateurs.</p>
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<p>On observe également que la contractualisation et les modes de gouvernance reliant l’opérateur à la collectivité régionale ont un impact important. Plus l’efficience est basse, plus le contrat est long et volumineux. Cela suggère que là où la performance productive est la plus faible, les régions seraient enclines à resserrer les contraintes imposées à l’opérateur, en spécifiant chaque détail de la contractualisation. Ce résultat se trouve illustré par la forte corrélation entre le coût par train-kilomètre et la longueur du contrat.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">modes de gouvernance</a> faisant appel à des logiques « incitatives », plus qu’à des logiques « hiérarchiques » (injonctives) ou « de confiance » (coopératives), semblent les plus à même à s’accompagner de hauts niveaux d’efficience. Ces points qui, en l’état, constituent des hypothèses de travail fortes, mériteraient d’être approfondis.</p>
<h2>Et aujourd’hui ?</h2>
<p>La contractualisation s’avère au final un des leviers d’amélioration de la performance des TER qui, en cette période d’ouverture à la concurrence, mérite la plus grande attention des régions, mais aussi du régulateur, qui aurait avantage à mettre à disposition des parties prenantes davantage de données.</p>
<p>Au niveau de l’ensemble des régions, la situation s’est améliorée. L’offre de service réaugmente et la subvention par train-kilomètre de 2021 s’est stabilisée au niveau de 2019. En outre, les régions boostent l’investissement en nouveaux matériels et dans les voies.</p>
<p>L’avenir semble ainsi prometteur. Plusieurs régions ont, depuis cette étude, recontractualisé avec la SNCF et il semblerait que l’enjeu de maîtrise des coûts ait été intégré, pour le moins dans certains cas. Fin 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF, « Azur », l’autre par Transdev, « Intermétropoles », promettent de presque doubler l’offre dans ces lots, à l’horizon 2025, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses. A médite</p>
<hr>
<p><em>Une clause de confidentialité nous amène à ne pas pouvoir citer nommément les performances exactes pour chaque région.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a notamment bénéficié d'une mise à disposition de données de la part de Régions de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.</span></em></p>État des infrastructures, exigences des régions… La qualité de service d’un réseau TER ne dépend pas seulement du transporteur qui fait rouler les trains. Une étude tente de faire la part des choses.Christian Desmaris, Maître de Conférences en Économie, Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091502023-07-11T19:20:56Z2023-07-11T19:20:56ZDix ans après le drame de Brétigny-sur-Orge, la maintenance ferroviaire reste en crise<p>Il y a 10 ans, le 12 juillet 2013, le train reliant Paris à Limoges déraillait en gare de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne. L’accident a causé 7 morts et 70 blessés. En octobre 2022, le tribunal d’Évry a condamné la SNCF à 300 000 euros dans cette affaire. Après plusieurs semaines de débats techniques, la présidente du tribunal a notamment souligné une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/26/catastrophe-de-bretigny-la-sncf-reconnue-coupable-d-homicides-et-blessures-involontaires_6147388_3224.html">« négligence »</a> dans le suivi d’une avarie détectée cinq ans plus tôt.</p>
<p>Trois articles (consultables <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-03.pdf">ici</a>, <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-04.pdf">ici</a> ou <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-05.pdf">là</a>) publiés simultanément dans la série <em>Gérer et comprendre des annales des Mines</em> par Léna Masson, Anne Dietrich, Pierre Messulam, Michel Villette et Christophe Deshayes, proposent un diagnostic plus complet et plus global des problèmes de maintenance rencontrés actuellement en France par de grandes organisations industrielles publiques et, en particulier, celles qui sont en charge du transport ferroviaire et de la fourniture d’électricité.</p>
<p>La maintenance est une activité plus complexe qu’il n’y parait. Elle vise à maintenir dans le temps ou à remettre en état des matériels variés afin « qu’ils continuent à fonctionner comme avant ». Elle comporte des opérations préventives (entretien, réglage, remplacement des pièces usées) et des opérations curatives d’analyse et de résolution des pannes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un technicien devant le train qui a déraillé à Brétigny-sur-Orge (Essonne), en juillet 2013" src="https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 12 juillet 2013, le déraillement d’un train en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne) faisait 7 morts et 70 blessés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gare-de-Br%C3%A9tigny-sur-Orge_-_2013-07-13_A_-_IMG_9920.jpg">Poudou99/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Dans les organisations à risque comme le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energie-nucleaire-115966">nucléaire</a>, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/aeronautique-30518">aéronautique</a> ou le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-ferroviaire-51912">transport ferroviaire</a>, le maintien de la fiabilité des installations reste crucial. La littérature internationale en sociologie du travail, en gestion et en ergonomie souligne le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2003-2-page-161.htm">rôle bénéfique du collectif de travail</a>, ainsi que le <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2003-2-page-129.htm">rôle primordial de l’expérience pratique</a> des agents de maintenance, en particulier pour le repérage et le signalement des anomalies.</p>
<p>La transmission de connaissances tacites aux nouveaux embauchés et l’entraide entre les plus expérimentés et les débutants constituent un facteur clef d’une bonne maintenance, de même qu’un équilibre entre les contrôles et prescriptions imposées par la hiérarchie et la part d’initiative laissée aux gens de métier qui sont au contact direct des installations.</p>
<h2>Les sept facteurs de la crise</h2>
<p>Les trois articles publiés dans les <em>Annales des Mines</em> convergent vers un diagnostic inquiétant : en 2023, en France, la maintenance des installations industrielles à risque traverse une crise que l’on espère temporaire, ce qui suppose un important effort d’autocritique des organisations concernées, un changement de conception de la maintenance, et des investissements dans le matériel, l’organisation du travail et la formation du personnel.</p>
<p>Cette crise s’est développée depuis plus de 20 ans sous l’effet combiné de sept facteurs :</p>
<ul>
<li>La lutte contre les déficits publics ainsi que des processus plus ou moins avortés de privatisation ont entrainé des coupes budgétaires en vue d’attirer de nouveaux actionnaires.</li>
</ul>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Âge des caténaires 1500V (réseaux Sud-Est et Sud-Ouest de la SNCF). LGV : ligne à grande vitesse ; UIC 2 à 4 : grandes lignes nationales ; 5 et 6 : lignes intercités régionales ; 7 à 9 : petites lignes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-04.pdf">Auteur</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Les entreprises en voie de privatisation ont cessé d’investir et les équipements sont devenus peu à peu vétustes. Les installations sont maintenant utilisées bien au-delà de la date initialement prévue pour leur remplacement. C’est le cas des centrales nucléaires, mais aussi des installations du chemin de fer. Par exemple, une majorité des caténaires 1500V sur les réseaux Sud-Ouest et Sud-Est ont plus de 80 ans !</p></li>
<li><p>Des tentatives répétées pour réduire les coûts de maintenance ont entrainé une réduction des effectifs et le recours massif à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sous-traitance-70429">sous-traitance</a>. On a souvent réduit la fréquence des inspections, alors même que la vétusté des installations demanderait au contraire une surveillance renforcée.</p></li>
<li><p>Les anciennes générations de techniciens et de contremaitres familiers des installations et capables de détecter les moindres anomalies sont parties à la retraite prématurément, sans pouvoir transmettre leur savoir aux jeunes générations.</p></li>
<li><p>Les nouveaux embauchés sont plus habiles devant un écran d’ordinateur que dans la confrontation directe avec les installations industrielles. Leur formation scolaire ne les a pas toujours bien préparés à comprendre le comportement des systèmes techniques, à observer et à se poser les questions pertinentes.</p></li>
<li><p>On accorde une confiance immodérée aux dispositifs de contrôle digitalisés et à distance, qui malheureusement n’enregistrent et ne mesurent que les pannes et les usures que l’on sait modéliser. Les détériorations insidieuses de systèmes techniques vieillissants passent inaperçues, car seuls des professionnels expérimentés et présents sur le terrain, au contact direct des installations, auraient pu les déceler.</p></li>
<li><p>Ce sont les services achats qui établissent les cahiers de charges que devront respecter les sous-traitants chargés de la maintenance. Or, ces services n’ont souvent plus une connaissance technique suffisante des installations à maintenir. Le cahier des charges qu’ils rédigent peu donc être incomplet, ou inadapté. Pourtant, le sous-traitant doit le respecter à la lettre sous peine de pénalités financières et autres sanctions. Dans la peur de perdre son client, le sous-traitant fait ce qu’on lui a demandé et rien que ce qu’on lui a demandé, même si ce n’est pas la maintenance qu’il faudrait ! Faute d’interlocuteurs techniquement compétents et disponibles du côté du donneur d’ordre, il ne parvient plus à établir le nécessaire dialogue et la nécessaire coopération autour d’objets techniques fragiles, qu’il s’agit de bien connaitre, d’entretenir, de préserver et même « d’aimer » comme le disaient les cheminots d’autrefois, parlant de leurs locomotives.</p></li>
</ul>
<p>La combinaison de ces sept facteurs se traduit par une multiplication des incidents, des pannes, et des arrêts de production. En France, le nombre d’accidents recensés par Eurostat est ainsi reparti à la hausse en 2021 dans le secteur ferroviaire, tranchant avec la décrue observée chez certains de nos voisins.</p>
<p><iframe id="nipP7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nipP7/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>« Toujours moins d’interventions humaines »</h2>
<p>Comme le souligne Pierre Messulam, ancien directeur délégué pour la gestion des risques et la sécurité à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a>, il est a craindre que les directions des entreprises concernées placent une confiance excessive dans le recours aux experts en système d’information et dans la digitalisation, comme solution à tous les problèmes de la maintenance.</p>
<p>Interrogé dans le cadre de nos recherches, il affirme :</p>
<blockquote>
<p>« Les solutions actuellement préconisées sont largement l’expression du point de vue des financiers et des experts en systèmes d’information. Toujours plus de capteurs pour mesurer l’état des installations, toujours plus de données quantifiées, toujours moins d’interventions humaines. Le traitement statistique des big data est supposé fournir une solution à la fois plus précise, plus efficace, et moins coûteuse que la maintenance classique à base de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/savoir-faire-79473">savoir-faire</a> humain. Non seulement on met des capteurs partout, mais l’on croit n’avoir plus besoin de faire autant d’observations directes ni de s’interroger sur ce qu’il convient de mesurer. Le big data et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle</a> seraient la solution. Les corrélations calculées sont censées fournir automatiquement la liste des mesures à prendre, en enjambant l’étape de l’observation et de la modélisation. »</p>
</blockquote>
<p>Or, les outils de métrologie et de modélisation saisissent imparfaitement le réel. Les écrans d’ordinateur ne montrent que des corrélations entre des données. Et un cahier des charges, même très précis, ne peut pas dire tout ce qu’il faut faire pour que ça marche. Seule l’intelligence collective d’équipes de professionnels stables et bien formés est, et restera le secret d’une maintenance réussie.</p>
<p>Au bilan, la conjonction de transitions économiques, démographiques et techniques mal anticipées et mal gérées, aussi bien par le système éducatif que par les services publics de transport et d’énergie, ont conduit à une perte de savoir-faire. En même temps, un nouveau type d’éducation des jeunes générations apparaît, qui ne les prédisposerait guère à comprendre des réalités industrielles qui supposent un engagement sur le terrain et un contact direct avec la matière.</p>
<p>Les vieux agents de maitrise et techniciens partis à la retraite, il existerait une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2016-4-page-74.htm">rupture entre générations aux lourdes conséquences</a> sur l’efficacité du travail comme a pu le constaté la chercheuse Nathalie Jeannerod-Dumouchel en 2016 dans sa thèse sur les changements de générations à ERDF, structure en charge du réseau électrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Villette ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le recours de plus en plus important à la sous-traitance, l’automatisation, les coupes budgétaires ou encore le vieillissement du matériel multiplie aujourd’hui le risque d’accident ferroviaire.Michel Villette, Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS , professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091172023-07-05T16:29:32Z2023-07-05T16:29:32ZDix ans après la catastrophe de Lac-Mégantic, qu’est-ce qui a changé ?<p>Dans la nuit du 6 juillet 2013, <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/rapports-reports/rail/2013/r13d0054/r13d0054-r-es.html">un train fou transportant 72 wagons-citernes remplis d’un pétrole très volatile déraille à Lac-Mégantic</a>, une petite ville du sud-est du Québec. L’explosion, qui incinère le centre-ville, tue 47 personnes et fait 26 orphelins, en plus de déverser sur la ville six millions de litres de pétrole.</p>
<p>« <a href="https://echodefrontenac.com/2013-07-08/2419-la-ville-des-ames-en-peine">Les explosions en chaîne et un bruit sifflant de gaz qui s’échappent de partout donnent à la scène des allures de fin du monde. Au centre-ville, l’enfer recrache toutes ses entrailles </a>», écrivait le rédacteur en chef de L’Écho de Frontenac au surlendemain de la pire catastrophe ferroviaire depuis plus d’un siècle.</p>
<p>Comme je l’explique dans mon livre, <a href="https://editionsfides.com/products/enquete-sur-la-catastrophe-de-lac-megantic"><em>Enquête sur la catastrophe de Lac-Mégantic : quand les pouvoirs publics déraillent</em></a>, cette tragédie découle de quatre décennies de déréglementation, de privatisation, de réductions d’impôts et de mesures d’austérité qui ont érodé la sécurité des transports. Par un processus dit de « captation réglementaire », les compagnies ferroviaires ont renforcé leur pouvoir.</p>
<p>Par euphémisme, on parlait de ce transfert de responsabilité vers les compagnies comme d’un processus de « corégulation » ou de « partenariat », mais il s’agissait en fait d’autorégulation.</p>
<h2>Le pétrole par rail</h2>
<p><a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/rail/2014/rail_2.html">Entre 2009 et 2013, le transport de pétrole par rail au Canada est passé de 500 wagons-citernes par an à 160 000.</a> Mais malgré ce danger croissant, les capacités de contrôle du <a href="https://tc.canada.ca/fr/marchandises-dangereuses/transport-marchandises-dangereuses-canada">Programme de transport des marchandises dangereuses</a> du gouvernement fédéral n’ont pas suivi. Ainsi, sur la même période, le nombre de wagons-citernes par inspecteur a augmenté de 14 à 4 500.</p>
<p>Le lobby ferroviaire et ses alliés du secteur pétrolier ont convaincu le législateur que des règles de sécurité supplémentaires étaient superflues. Malgré une forte opposition, notamment chez Transports Canada, ils ont même obtenu que les trains des marchandises dangereuses puissent circuler avec <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2014/04/04/lacmgantic_disaster_railways_oneman_crew_documents_kept_secret.html">un seul membre d’équipage</a>.</p>
<p>La <a href="https://montrealgazette.com/news/local-news/mma-workers-feared-a-catastrophe-document-shows">Montreal, Maine & Atlantic (MMA)</a> a été la première compagnie ferroviaire à s’en prévaloir. Cette entreprise, dont le bilan de sécurité était médiocre, pouvait traverser Lac-Mégantic avec d’énormes volumes de pétrole de schiste. Et l’équipage minimaliste conduisait des locomotives en mauvais état roulant sur des voies mal entretenues.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un gilet de sécurité orange regarde la locomotive d'un train rouge, blanc et bleu portant l'inscription MMA sur son flanc." src="https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534150/original/file-20230626-17-ikb269.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un conducteur de la Montreal, Maine & Atlantic inspectant sa locomotive à Farnham, au Québec quelques jours après la catastrophe.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> THE CANADIAN PRESS/Graham Hughes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qui plus est, la MMA utilisait des wagons-citernes DOT-111 <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/danger-tracks-unsafe-rail-cars-carry-oil-through-us-towns-flna8c11082948">conçus à l’origine pour transporter de l’huile de maïs</a>. Or, depuis des années, les agences canadienne et américaine de sécurité des transports levaient le drapeau rouge contre l’utilisation ce type de wagon-citerne pour le transport pétrolier.</p>
<p>Devant cette combinaison de manquements réglementaires et de négligence corporative, tout était en place pour une tempête parfaite.</p>
<h2>Qui sont les responsables ?</h2>
<p>Suite à la catastrophe de Lac-Mégantic, trois cheminots ont <a href="https://www.ledevoir.com/societe/518053/lac-megantic-non-coupables-tranche-le-jury">été inculpés criminellement puis acquittés</a>, mais aucun haut fonctionnaire, ni politicien, ni dirigeant d’entreprise, ni administrateur, ni propriétaire n’a été inquiété par la justice. Et malgré les demandes de la communauté, aucun gouvernement n’a tenu une <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rgd/2018-v48-rgd03744/1047375ar/">commission d’enquête indépendante</a>.</p>
<p>Les poursuites civiles, y compris une action collective intentée au nom des habitants de la ville, ont abouti en 2015 à un règlement hors cour. Les 24 défendeurs, y compris le gouvernement fédéral, ont constitué <a href="https://www.journaldequebec.com/2015/12/22/lac-megantic-460-millions--dans-le-fonds-de-reglement-1">un fonds d’indemnisation de 460 millions de dollars</a>. Cette entente les protège désormais contre tout autre recours.</p>
<p>Un seul défendeur, le Canadien Pacifique – qui avait organisé le transport de la cargaison fatale entre le Dakota du Nord et le Nouveau-Brunswick – a refusé de participer à ce règlement.</p>
<p>Finalement, en décembre 2022, la Cour supérieure du Québec a statué que cette compagnie ferroviaire <a href="https://theconversation.com/accidents-ferroviaires-la-securite-du-public-victime-de-la-dereglementation-200808">ne pouvait être tenue responsable</a> – une décision actuellement en appel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Trois hommes menottés marchent en file indienne" src="https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534158/original/file-20230626-5418-1g6k4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trois employés de la MMA avant leur comparution au tribunal de Lac-Mégantic en mai 2014. Le jury les a blanchis en janvier 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les contrecoups de la catastrophe</h2>
<p>La crainte d’un nouveau déraillement continue d’inquiéter les habitants de cette communauté. Ils vivent avec les répercussions économiques, sanitaires et environnementales de la catastrophe, alors que rien n’a changé.</p>
<p>De jour comme de nuit, les trains de marchandises dangereuses grondent encore à travers la ville. Toujours plus longs et plus lourds, ils continuent d’emprunter le virage serré au pied de la pente abrupte, là où le train fatidique avait déraillé. Et ils emploient toujours les mêmes vieux wagons-citernes DOT-111, ou des versions légèrement améliorées.</p>
<p>Seule concession : les trains traversant la ville ne peuvent plus transporter uniquement du pétrole.</p>
<p>Mais malgré la <a href="https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/782417/la-population-de-frontenac-aurait-rejete-le-projet-de-voie-de-contournement-de-lac-megantic">promesse d’une voie de contournement</a> propriété du Canadien Pacifique et financée par le gouvernement fédéral, la construction n’a toujours pas commencé en raison <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2023-01-07/le-projet-de-voie-de-contournement-de-lac-megantic-divise.php">des divisions quant au tracé</a>.</p>
<p>Il s’en faudra certainement de plusieurs années encore, car les futurs expropriés du nouveau tracé se considèrent comme les dernières victimes du désastre.</p>
<p>Entre-temps, une catastrophe similaire demeure possible, car les organismes de réglementation et de surveillance manquent toujours cruellement de moyens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Les pompiers regardent les nuages de fumée noire et l'arrière d'un wagon au milieu de la route." src="https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3058%2C2227&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534149/original/file-20230626-15-uvd4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une fumée opaque s’élève des wagons qui transportaient du pétrole brut.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des problèmes de sécurité persistants</h2>
<p>C’est ainsi que les <a href="https://unioncte.ca/transportation-safety-management-systems-still-not-right/">systèmes de gestion de la sécurité (SGS)</a> de Transports Canada continuent de figurer sur la Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports (BST). Cette Liste signale « les principaux enjeux de sécurité posant les plus grands risques pour le système de transport canadien ».</p>
<p>La dernière <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/multi-modal/2018/multimodal-01.html">Liste de surveillance, en 2022,</a> notait que les SGS des compagnies ferroviaires « ne permettent pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques ».</p>
<p>De plus, le gouvernement fédéral peine à percer le « secret commercial » qui voile les activités des entreprises. Sur ce plan, les lois canadiennes sur l’accès à l’information et la protection des dénonciateurs <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2018/09/28/canada-places-55th-in-global-freedom-of-information-law-rankings.html">sont particulièrement inefficaces à l’échelle internationale</a>.</p>
<p>La Liste de surveillance 2022 du BST conclut que les <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/rail/2022/rail-02.html">mouvements non planifiés ou non contrôlés de matériel ferroviaire</a>, y compris les trains hors de contrôle, continuent d’« engendrer des situations très risquées aux conséquences potentiellement catastrophiques ».</p>
<p>Ainsi, Transports Canada n’a toujours pas rendu obligatoire l’installation de <a href="https://www.desmog.com/2023/03/08/railroad-industry-ecp-brakes-safety-derailment-ntsb-fra-east-palestine-ohio/">systèmes de freinage modernes</a> susceptibles de prévenir les trains fous – une dépense que les compagnies ferroviaires refusent d’engager.</p>
<p>Et alors que la <a href="https://www.bst-tsb.gc.ca/fra/surveillance-watchlist/index.html">fatigue au travail figure clairement sur la Liste de surveillance du BST</a>, les employeurs résistent toujours à la mise en place d’horaires de travail et de périodes de repos conformes aux données probantes.</p>
<h2>L’occasion d’un changement</h2>
<p>Lac-Mégantic hante toujours le transport ferroviaire sur le continent.</p>
<p>Un rapport sur le transport des marchandises dangereuses publié en 2020 par le <a href="https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_cesd_202010_01_f_43641.html">commissaire à l’environnement du Bureau du vérificateur général</a> faisait cette mise en garde : « La possibilité qu’une catastrophe semblable à celle de Lac-Mégantic se reproduise existe toujours. »</p>
<p>Seule une <a href="https://lorimer.ca/adults/product/corporate-rules-the-real-world-of-business-regulation-in-canada/">réglementation plus stricte et mieux appliquée</a> peut réduire ce risque.</p>
<p>Pour paraphraser le philosophe italien Antonio Gramsci, devant l’immense pouvoir d’inertie du statu quo, la seule chose à faire est de ne pas renoncer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209117/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruce Campbell est affilié à plusieurs organisations non gouvernementales : le Centre canadien pour les politiques alternatives, l'Institut Rideau pour les affaires internationales, le Groupe des 78</span></em></p>Peu de choses ont changé en matière de sécurité ferroviaire depuis la catastrophe de Lac-Mégantic, dans la campagne québécoise, il y a dix ans.Bruce Campbell, Adjunct Professor, Faculty of Environmental and Urban Change, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075012023-06-14T16:40:48Z2023-06-14T16:40:48ZLyon-Turin : retour sur l’opposition française au projet de nouvelle ligne ferroviaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531747/original/file-20230613-25-juejmq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C11%2C3843%2C2573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 9 juin 2012, une centaine de personnes défilaient, à l'initiative du collectif No TAV Savoie, dans les rues du centre-ville de Chambéry contre le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. En ce début juin 2023, plus d’un millier de militants écologistes sont attendus en Maurienne.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Leila Shahshahani / Labex ITTEM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En Savoie, des militants écologistes des Soulèvements de la Terre se sont introduits le 29 mai 2023 sur l’un des chantiers de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/lyon-turin-des-militants-ecologistes-s-infiltrent-sur-un-chantier-securise-une-operation-coup-de-poing-contre-la-ligne-ferroviaire-2784558.html">la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin</a>. Une banderole « La montagne se soulève » a été déployée pour appeler au week-end de mobilisation franco-italienne contre ce projet, organisé les 17 et 18 juin 2023 en Maurienne.</p>
<p>Imaginé dans les années 1980, le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin a connu depuis de nombreux atermoiements, notamment en ce qui concerne le tracé entre l’agglomération lyonnaise et Saint-Jean-de-Maurienne. Dix ans après la déclaration d’utilité publique (DUP) de 2013, les décisions concernant les 140 km de nouvelles voies d’accès français au tunnel transfrontalier de 57,5 km n’ont toujours pas été prises : <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/tunnel-lyon-turin-les-travaux-avancent-mais-les-voies-d-acces-se-font-toujours-attendre-cote-francais-2695886.html">ni programmation, ni financement, ni acquisition foncière</a>. </p>
<p>Les premiers travaux préparatoires du tunnel ont pourtant débuté dès 2002 et sa mise en service est prévue pour 2032. Ce dernier est pris en charge par un consortium d’entreprises franco-italiennes nommé Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), un promoteur public appartenant à 50 % à l’État français et à 50 % aux chemins de fer italiens. D’une longueur totale de 271 km, le coût de cette nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin est désormais estimé à <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/lyon-turin-le-tunnel-qui-valait-26-milliards-6908313">26 milliards d’euros au lieu des 8,6 initialement prévus</a>.</p>
<h2>Projet clivant et avenir incertain</h2>
<p>Pour ses promoteurs, elle est présentée comme une infrastructure de transport utile à la transition écologique. Selon eux, elle permettrait à terme de désengorger les vallées alpines du trafic des poids lourds en favorisant le report modal de la route vers le rail. À l’inverse, ce projet est exposé par ses opposants comme pharaonique, inutile et destructeur de l’environnement. Ils argumentent que la ligne ferroviaire existante entre Lyon et Turin et actuellement sous-utilisée permettrait, une fois rénovée, de réduire le transport de fret par camion. </p>
<p>Ils défendent la nécessité de privilégier l’existant et ne pas attendre des années pour le report modal des marchandises vers le rail. Les défenseurs du nouveau projet jugent quant à eux la ligne existante comme obsolète et inadaptée. En toile de fond de ce débat, les prévisions de trafic autour des flux de marchandises transitant par la Savoie : <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-nouvelle-liaison-lyon-turin-faut-il-effacer-les-alpes">sous-estimés pour les uns, sur-estimés pour les autres</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Saint-Julien-Montdenis, sur l’un des chantiers du tunnel transfrontalier, un responsable de la communication de TELT – Davide Fuschi – explique à des étudiants de l’Université Grenoble Alpes les enjeux du projet pour la Maurienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Le 24 février dernier, le rapport du Comité d’orientation des infrastructures (COI) a rebattu les cartes. Il propose en effet de repousser la construction de nouvelles voies d’accès au tunnel transfrontalier à 2045 et <a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-turin-elisabeth-borne-rebat-les-cartes-sur-les-voies-dacces-au-tunnel">donner la première place à la modernisation de la ligne existante</a>. </p>
<p>Le scénario choisi par la Première ministre prévoit alors le calendrier suivant : études pour de nouveaux accès au tunnel au quinquennat 2028-2032, début de réalisation à partir de 2038, et une livraison au plus tôt vers 2045… soit, en cas de respect du calendrier annoncé par TELT, 13 ans après la mise en service du tunnel. Se profile donc la perspective d’un nouveau tunnel sans nouvelles voies d’accès : un scénario qui ne satisfait ni les défenseurs ni les opposants au projet.</p>
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<p>Le 12 juin, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/tunnel-lyon-turin-la-france-ajoute-3-milliards-deuros-sur-la-table-1951411">nouveau rebondissement</a>. Le ministre des Transports annonce 3 milliards d’euros de crédits pour les voies d’accès du tunnel transfrontalier dès les projets de loi de finances 2023 et 2024. Le gouvernement valide également le financement de l’avant-projet détaillé qui doit fixer le tracé, soit environ 150 millions d’euros. </p>
<h2>L’affirmation d’une opposition française</h2>
<p>C’est dans ce contexte que va se dérouler la mobilisation des Soulèvements de la Terre, les 17 et 18 juin 2023. Elle a pour objectif de donner un écho national aux revendications portées par les opposants : l’arrêt immédiat du chantier du tunnel transfrontalier et l’abandon du projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. </p>
<p>Outre les collectifs d’habitants, cette opposition coalise désormais des syndicats agricoles (Confédération paysanne) et ferroviaires (Sud Rail), des associations locales (Vivre et agir en Maurienne, Grésivaudan nord environnement) et écologistes (Attac, Extinction Rébellion, Les Amis de la Terre, Alternatiba, Cipra), des organisations politiques (La France Insoumise – LFI, Europe Ecologie Les Verts – EELV, Nouveau parti anticaptialiste – NPA) et le collectif No TAV Savoie. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Barberaz, dans l’agglomération de Chambéry, plus de 200 personnes ont participé le 24 septembre 2022 à une réunion publique organisée par les opposants au projet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Cela n’a pas toujours été le cas : le projet est longtemps apparu consensuel en France, malgré une forte opposition en Italie depuis le début des années 1990 via le <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/16469">mouvement No TAV</a>. </p>
<p>2012 marque une étape importante dans l’opposition française <a href="https://journals.openedition.org/rga/3213">alors disparate et peu médiatisée</a>. Une enquête publique organisée cette année-là dans le cadre de la procédure de DUP permet une résurgence des oppositions, leurs affirmations et leur coalition au sein d’un nouvel agencement organisationnel. Ce dernier gagne rapidement en efficacité, occupe le champ médiatique et se connecte avec d’autres contestations en France en rejoignant le réseau des <a href="https://theconversation.com/les-grands-projets-inutiles-et-imposes-nouveaux-champs-de-laction-politique-96142">Grands projets inutiles et imposés</a> (GP2I), <a href="https://theconversation.com/les-zad-et-leurs-mondes-89992">dans le sillage de Notre-Dame-des-Lande</a>s. </p>
<h2>Basculement des ex-promoteurs du projet</h2>
<p>Cette publicisation nouvelle participe à une reproblématisation et politisation autour de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Des défenseurs du projet basculent alors dans le camp des opposants, provoquant un élargissement de la mobilisation. </p>
<p>EELV, pendant 20 ans favorable au projet, est un exemple saillant de cette évolution. Alors qu’il le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/les-verts-francais-sont-attaches-au-projet-lyon-turin.721204">jugeait incontournable et sans alternative</a>, quand bien même la contestation gagnait en intensité en Italie, la « Convention des écologistes sur les traversées alpines » en 2012 signe son changement de positionnement. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Villarodin-Bourget, où le chantier du chantier du Lyon-Turin a commencé depuis 2002, le maire – Gilles Margueron – dénonce les nuisances d’un projet sans fin. C’est aujourd’hui la seule commune en Maurienne à afficher explicitement son opposition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Ce nouveau positionnement peut se résumer ainsi : la réduction du transport routier ne dépend pas de la création de nouvelles infrastructures ferroviaires mais de la transition vers un modèle de développement moins générateur de flux de marchandises, la rénovation et l’amélioration des infrastructures ferroviaires existantes étant prioritaires pour gérer les flux restants. </p>
<p>Une position aujourd’hui défendue par les <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon-turin-nouveaux-maires-verts-grenoble-lyon-donnent-ailes-aux-opposants-italiens-ligne-tgv-1849322.html">maires de Grenoble et de Lyon</a>, mais aussi par des <a href="https://reporterre.net/Des-dizaines-d-elus-exigent-l-arret-du-projet-Lyon-Turin">députés européens et nationaux EEV et LFI</a>. Pour autant, la mobilisation française reste jusqu’à aujourd’hui éloignée des répertoires d’action <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/no-tav-la-zad-a-l-italienne-8209930">employés dans la vallée de Suse</a>.</p>
<h2>Effacement de la montagne</h2>
<p>Ce projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin révèle aussi et avant tout <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">une lecture ancienne du territoire européen à travers les enjeux de mobilité</a>. Au même titre que les percements des tunnels ferroviaires, routiers puis autoroutiers depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle à travers les Alpes, il contribue à une forme d’aplanissement de la montagne pour en rendre les passages plus aisés et ainsi permettre des flux massifs et rapides. </p>
<p>Cette norme de circulation des humains et des marchandises est révélatrice d’une vision du monde particulière. L’historienne <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">Anne-Marie Granet-Abisset</a> la résume ainsi : </p>
<blockquote>
<p>« Elle correspond aux modèles édictés par les aménageurs (politiques et techniques) qui travaillent dans les capitales européennes, désirant imposer leur vision aux territoires qu’ils gèrent, en dépit des sommes considérables mobilisées pour ce faire. Toute opposition ne peut être entendue, présentée alors comme de la désinformation ou de la mauvaise foi .»</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quarante-huit heures avant la mobilisation des Soulèvements de la Terre, une manifestation des promoteurs du projet aura eu lieu devant la gare de Saint-Jean-de-Maurienne pour indiquer aux militants écologistes qu’ils ne sont pas les bienvenus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Ces enjeux informationnels et communicationnels demeurent omniprésents dans le débat public entre promoteurs et opposants au projet. Ils donnent lieu à de nombreuses passes d’armes, chacun s’accusant mutuellement de désinformation ; sans oublier les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=BV0Zt-Ip-0k">journalistes et leur travail d’enquête</a>.</p>
<h2>Ressource en eau</h2>
<p>Depuis l’été 2022, c’est la question de la ressource en eau et des impacts du chantier du tunnel transfrontalier sur celle-ci <a href="https://reporterre.net/Les-tunnels-du-Lyon-Turin-une-catastrophe-pour-les-sources-d-eau">qui cristallise les tensions</a>. Elle sera d’ailleurs au cœur de la mobilisation des 17 et 18 juin 2023 en Maurienne, permettant ainsi une articulation avec les autres mobilisations impulsées ces derniers mois par les Soulèvements de la Terre. Une controverse sur le tarissement des sources qui existe depuis vingt ans en Maurienne.</p>
<p>Plus largement, le débat sur l’utilité et la pertinence de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin révèle le paradoxe auquel sont soumises les hautes vallées alpines. Dans un contexte d’injonction à la transition écologique, ce paradoxe fait figure d’une contrainte double et opposée <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">comme le résume l’historienne Anne-Marie Granet-Abisset</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Des territoires qui doivent être traversés aisément et rapidement en fonction des critères de l’économie des transports, un lobby puissant à l’échelle européenne ; des territoires qui puissent apparaître comme préservés, inscrits dans une autre conception du temps, celle de la lenteur des cols et des refuges, en même temps qu’ils doivent être facilement accessibles à partir des métropoles .»</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/207501/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est co-coordinateur scientifique du Laboratoire d’excellence Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM).
</span></em></p>Une vaste mobilisation franco-italienne est prévue en Maurienne ce weekend du 17 et 18 juin 2023 contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2008082023-03-02T21:24:48Z2023-03-02T21:24:48ZAccidents ferroviaires : la sécurité du public victime de la déréglementation<p>En Ohio, la tragédie environnementale engendrée par le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1959109/etats-unis-east-palestine-biden">déraillement d’un train de Norfolk Southern</a> transportant des matières dangereuses et qui a rejeté des produits chimiques toxiques dans l’air et dans les cours d’eau locaux nécessitera une longue décontamination. Et si l’on se fie à une tragédie ferroviaire semblable survenue au Canada, il faudra encore plus de temps pour connaître les causes de l’accident et l’étendue des dégâts.</p>
<p>Près de dix ans se sont écoulés depuis qu’un train fou transportant 72 wagons-citernes pleins de pétrole de schiste hautement volatile du gisement Bakken <a href="https://www.ledevoir.com/motcle/tragedie-de-lac-megantic">a déraillé et explosé à Lac-Mégantic</a>. La tragédie a entraîné la mort de 47 personnes, rendu 26 enfants orphelins, déversé six millions de litres de produits toxiques et détruit le centre-ville.</p>
<p>L’accident du 6 juillet 2013 a été la pire catastrophe industrielle sur le sol canadien depuis plus d’un siècle. Dix ans plus tard, la collectivité en subit encore les séquelles sur les plans économique, sanitaire et environnemental.</p>
<h2>Un traumatisme qui n’en finit pas</h2>
<p><a href="https://tc.canada.ca/fr/transport-ferroviaire/voie-contournement-ferroviaire-lac-megantic">Un projet de voie de contournement</a>, conçu à l’origine comme une mesure réparatrice, perpétue le traumatisme dont souffre la communauté de Lac-Mégantic depuis cette terrible nuit.</p>
<p>La construction de la voie de contournement n’a toujours pas commencé. Le tracé privilégié par le Chemin de fer Canadien Pacifique ltée, qui sera propriétaire de la voie de contournement une fois celle-ci terminée, et soutenu par le gouvernement fédéral, a engendré de profondes divisions dans les municipalités voisines.</p>
<p>Les citoyens de la ville de Frontenac <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/regional/2023-02-19/referendum-a-frontenac/les-citoyens-rejettent-la-proposition-d-une-voie-de-contournement-ferroviaire.php">ont voté massivement contre le tracé</a>. La population a exprimé ses inquiétudes quant aux éventuels dommages environnementaux et matériels dont Transports Canada n’aurait pas tenu compte.</p>
<p>Le différend au sujet de la voie de contournement n’est qu’un des problèmes auxquels sont confrontés les citoyens de Lac-Mégantic. Leur récente démarche pour obtenir justice auprès des tribunaux a connu une issue décevante le 14 décembre 2022.</p>
<p>Le juge Martin Bureau de la Cour supérieure du Québec a statué que le Chemin de fer Canadien Pacifique <a href="https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2022/2022qccs4643/2022qccs4643.html">ne pouvait être tenu responsable des dommages subis par les victimes de la catastrophe de Lac-Mégantic</a>. Les plaignants ont fait appel de cette décision.</p>
<h2>Des enjeux de responsabilité</h2>
<p>Cette affaire soulève de sérieuses questions quant à savoir qui doit être considéré comme responsable dans le cas d’événements complexes qui entraînent de graves dommages. Elle nous démontre également que les litiges privés ne permettent pas de comprendre les catastrophes et les actions nécessaires pour mieux protéger l’intérêt des citoyens. Une enquête publique est la seule réponse possible.</p>
<p>Un recours collectif a été intenté contre la Montreal Maine & Atlantic Canada Co et 25 autres parties défenderesses. MM&A a ensuite fait faillite.</p>
<p>En 2016, 24 des défendeurs ont mis fin aux poursuites engagées contre eux en versant 460 millions de dollars à un fonds d’indemnisation. Parmi ceux-ci, on trouve Transports Canada, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/779141/ottawa-fonds-d-indemnisation-lac-megantic">pour 75 millions de dollars</a>, Irving Oil (75 millions de dollars) et World Fuel Services Corp, le propriétaire américain du pétrole transporté par le train (135 millions de dollars). Il ne s’agissait pas d’un geste altruiste, mais plutôt d’un moyen de s’affranchir des risques de poursuite, puisque le <a href="https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2016/2016qccs6977/2016qccs6977.html">règlement les exclut du recours collectif</a>.</p>
<h2>Le CP affirme n’avoir rien à se reprocher</h2>
<p>Le Canadien Pacifique ne s’est pas joint au règlement. Le CP a toujours soutenu n’avoir commis aucun acte répréhensible. L’entreprise a refusé de reconnaître quelque responsabilité que ce soit dans la tragédie de Lac-Mégantic, car le déraillement s’est produit après que le train a été remis à la Montreal Maine & Atlantic à Montréal pour la dernière étape du voyage.</p>
<p>Après avoir examiné les nombreuses preuves présentées au procès, le tribunal a déterminé que le CP n’était pas responsable des événements de Lac-Mégantic.</p>
<p>Le juge a statué que le CP n’avait pas le devoir d’intervenir et qu’il n’avait pas été négligent puisqu’il avait respecté les pratiques de l’industrie. De plus, même s’il y avait eu négligence de la part du CP, le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1948287/train-appel-cp-tragedie-megantic-civil">juge a conclu que rien n’indiquait</a> que la société était « la cause directe, immédiate et logique des préjudices subis par l’ensemble des victimes » des suites du déraillement.</p>
<p>En statuant que le CP n’était pas fautif, le juge s’est appuyé sur les pratiques de l’industrie pour évaluer si le CP avait rempli son devoir d’agir de manière raisonnablement prudente, selon <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/version/lc/CCQ-1991?code=se:1457&historique=20230220#20230220">l’article 1457 du code civil du Québec</a>.</p>
<p>Le tribunal a été fortement influencé par l’absence, dans les règlements ferroviaires applicables, d’obligations contraignantes qui auraient fait en sorte que le CP soit tenu de prendre les mesures que les plaignants jugeaient nécessaires.</p>
<h2>Aucun suivi des risques</h2>
<p>Le juge a convenu avec le CP qu’il n’était tenu de procéder à une évaluation des risques sur ses voies. Le tribunal a statué que puisque le gouvernement avait le devoir de s’assurer que la cargaison était correctement classée et que la Montreal Maine & Atlantic respectait les normes de sécurité requises sur sa portion de la route, le CP n’avait aucune obligation de contrôler les risques que présentent pour le public les compagnies avec lesquelles il collabore.</p>
<p>Le tribunal a estimé que le CP n’avait pas le devoir de vérifier si le pétrole de schiste dans les wagons-citernes avait été bien classé ou s’il était plus volatil que le pétrole brut classique. Le CP n’a pas non plus été négligent en choisissant la Montreal Maine & Atlantic pour transporter la cargaison funeste en passant par Lac-Mégantic, malgré le fait que le CP connaissait les <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2013/07/10/lac_megantic_disaster_mma_railway_had_poor_safety_record_in_us.html">pratiques de la MM&A</a> et les risques que celles-ci entraînaient pour le transport du pétrole.</p>
<p>Les conclusions du tribunal reposent sur une vision du cadre réglementaire qui ne tient pas compte de la réalité du rapport de force entre l’industrie et les autorités réglementaires.</p>
<p>Deux compagnies ferroviaires, le Canadien National et le Canadien Pacifique, déterminent les lois, les règles et les règlements – avec la complicité de bureaucrates et de législateurs – de manière à servir leurs propres intérêts et à se protéger contre toute responsabilité pénale en cas de catastrophe.</p>
<p>La réduction de la capacité de surveillance indépendante de Transports Canada est le fruit d’un processus de déréglementation et de compression des ressources qui dure depuis des décennies. L’organisme de réglementation supervise les plans de sécurité élaborés par les sociétés de chemins de fer au lieu d’effectuer des inspections réelles sur le terrain.</p>
<p>En d’autres termes, les sociétés ferroviaires définissent elles-mêmes les « pratiques de l’industrie » qui servent de références pour évaluer le caractère raisonnable de leur conduite.</p>
<h2>Une vision étroite de la causalité</h2>
<p>En plus de conclure à l’absence de négligence de la part du CP, le tribunal québécois n’a attribué de responsabilité légale qu’au dernier maillon de la chaîne de causalité : Tom Harding, le conducteur du train.</p>
<p>Ce verdict est préoccupant, car on incrimine ainsi Harding pour son rôle dans un événement complexe alors qu’il avait peu de contrôle sur ses conditions de travail et la politique de l’entreprise. En ne retenant que la décision de Harding quant au nombre de freins à main à serrer, le tribunal ne tient pas compte de toutes les autres conditions qui ont contribué au déraillement, notamment le fait que le train soit stationné sur la voie principale en amont d’une ville avec une cargaison de pétrole brut hautement explosif et volatil mal étiquetée.</p>
<p>Harding a été <a href="https://www.latribune.ca/2018/01/22/harding-sort-de-son-mutisme-49f3b267681b0d54381047dce2ea7bbf">acquitté de toute accusation criminelle</a> en 2018.</p>
<p>Cette affaire montre à quel point il est difficile pour des plaignants, en tenant compte des règles juridiques actuelles, de prouver la faute et la causalité pour des événements complexes, en particulier lorsque plusieurs parties sont impliquées, chacune d’entre elles cherchant à minimiser son exposition à la responsabilité juridique.</p>
<p>Non seulement les parties privées n’ont pas le pouvoir d’exiger des preuves, mais même si elles l’avaient, les coûts liés à la collecte des preuves relatives aux éléments qui ont contribué à un événement de l’ampleur du déraillement de Lac-Mégantic seraient prohibitifs.</p>
<p>Compte tenu de l’incapacité d’un système juridique défaillant à rendre justice aux citoyens de Lac-Mégantic, une <a href="https://www.canada.ca/fr/conseil-prive/services/commissions-enquete.html">commission d’enquête indépendante</a> constitue le seul moyen de faire toute la lumière sur cet événement, ses causes, les personnes qui devraient être tenues responsables et les politiques qu’on devrait mettre en œuvre pour prévenir des catastrophes futures. Or, les gouvernements successifs ont rejeté une telle enquête.</p>
<p>Dix ans après Lac-Mégantic, la négligence des entreprises et l’absence de réglementation demeurent des caractéristiques systémiques prédominantes du transport de marchandises dangereuses par chemin de fer en Amérique du Nord, comme en témoignent le déraillement et le déversement de produits chimiques toxiques survenus récemment à East Palestine, en Ohio. Le statu quo ne peut être toléré. La sécurité publique doit primer sur la valeur actionnariale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200808/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruce Campbell est affilié à plusieurs organisations à but non lucratif : Le Centre canadien de politiques alternatives, le Groupe des 78, l'Institut Rideau pour les affaires internationales.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jennifer Quaid est membre (Senior Fellow) du Centre pour l'innovation en gouvernance internationale (CIGI). Elle est également présidente du comité juridique de Transparency International Canada. La prof. Quaid est détentrice de subventions de recherche du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH). </span></em></p>Deux compagnies ferroviaires, le CN et le CP, déterminent les lois, les règles et les règlements – avec la complicité de bureaucrates et de législateurs – de manière à servir leurs propres intérêts.Bruce Campbell, Adjunct Professor, Faculty of Environmental and Urban Change, York University, CanadaJennifer Quaid, Associate Professor & Vice-Dean Research, Civil Law Section, Faculty of Law, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970002022-12-22T19:18:40Z2022-12-22T19:18:40ZGrève à la SNCF pendant les fêtes : une erreur stratégique ?<p>La SNCF se voit contrainte d’annuler plus d’un tiers de ses trains les <a href="https://www.lefigaro.fr/social/greve-a-la-sncf-seulement-deux-trains-sur-trois-rouleront-le-week-end-de-noel-20221220">23, 24 et 25 décembre</a> à la suite d’un nouveau débrayage d’une partie des contrôleurs, qui réclament <a href="https://www.tf1info.fr/societe/trafic-tgv-previsions-sncf-pourquoi-les-controleurs-sont-ils-en-greve-pendant-le-week-end-de-noel-2242579.html">« une meilleure reconnaissance des spécificités de leur métier »</a>. Soit des augmentations de salaire et des mesures liées à la gestion de leur carrière. Environ 200 000 personnes ont vu leur train annulé et certaines <a href="https://www.lefigaro.fr/social/on-est-degoutes-les-francais-desempares-face-a-une-enieme-greve-a-la-sncf-pour-noel-20221220">n’ont pas de solution de repli</a>, les trains restant étant complets, tout comme les cars et les loueurs de voitures.</p>
<p>En dialogue social, peut-être plus que dans toute autre forme de négociation, plane sur les échanges le spectre d’un conflit ouvert. Les syndicats à l’attitude compétitive (parfois taxés de « révolutionnaires » telle la CGT, en contraste avec les syndicats dits « réformistes » comme la CFDT) n’hésitent pas à utiliser leur capacité d’organiser l’arrêt du travail pour tenter d’obtenir ce qu’ils exigent de leur hiérarchie.</p>
<p>Les experts <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay/alma991004309279705596/33UDL_INST:UDL">Hubert Landier et Daniel Labbé</a> démontrent bien que, dans certains secteurs vitaux de l’économie (tels que les transports, l’éducation, l’énergie et l’agriculture), les syndicats bénéficient de la plus grande capacité de « nuire », car, en perturbant l’organisation qui les emploie, ils impactent le pays tout entier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/76GhOaOOXf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Grève SNCF des 23, 24 et 25 décembre 2022, TFI.</span></figcaption>
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<p>C’est ce dont nous sommes témoins, en France, ces derniers mois : après les raffineries (l’approvisionnement en essence), les hôpitaux (l’accès aux soins), c’est une nouvelle fois, en cette fin d’année, que fleurissent dans les transports les préavis de grève. Selon l’IFRAP, il s’agit d’une tradition récurrente, puisqu’il y a eu des grèves en décembre à la SNCF <a href="https://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/en-20-ans-deja-la-14e-greve-de-decembre-la-sncf">sur 14 des 20 dernières années</a> (quoiqu’il est rare qu’elles se prolongent jusqu’aux fêtes). Même si nous nous intéressons ici aux <a href="https://theconversation.com/les-syndicats-peuvent-ils-encore-peser-dans-les-mouvements-sociaux-190802">stratégies syndicales</a>, il faut rappeler que le conflit social relève de la responsabilité de toutes les <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">parties à la négociation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-syndicats-sauront-ils-peser-dans-le-second-quinquennat-demmanuel-macron-175667">Les syndicats sauront-ils peser dans le second quinquennat d’Emmanuel Macron ?</a>
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<h2>À la table des négociations</h2>
<p>En négociation, on n’est pas obligé de menacer l’autre partie de conséquences néfastes pour obtenir ce que l’on souhaite. Négocier, ce n’est pas exercer un chantage. Si le chantage fait partie de l’arsenal du négociateur, il n’est pas obligé d’y recourir. Une majorité des organisations publiques et privées ont un dialogue social serein, dans lequel les échanges se font de manière apaisée.</p>
<p>Si nous résumons la <a href="https://www.amazon.fr/N%C3%A9gociation-Jacques-Rojot/dp/2711743977/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1KXOL7NM2NCZT&keywords=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuibert&qid=1671705658&s=books&sprefix=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuiber%2Cstripbooks%2C212&sr=1-1">pensée du professeur en sciences de gestion Jacques Rojot</a>, l’influence qu’occupe une partie en négociation dépend de sa capacité de construire comme de sa capacité de nuire. On entend par capacité de construire la capacité de proposer des solutions et/ou d’apporter des ressources permettant de répondre aux intérêts de l’autre partie. Par capacité de nuire, il faut comprendre le pouvoir de porter atteinte aux intérêts de l’autre partie en cas d’absence d’accord et ainsi lui mettre la pression pour qu’il se montre conciliant à la table.</p>
<p>La simple évocation de notre capacité de nuire servira de <a href="https://www.amazon.fr/G%C3%A9rer-ing%C3%A9rables-n%C3%A9gociation-relations-durables/dp/2710132559/ref=sr_1_3?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1SEEXCUWQZ0GS&keywords=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables&qid=1671706104&s=books&sprefix=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables%2Cstripbooks%2C177&sr=1-3">menace</a> visant à se rapprocher d’un accord qui nous serait particulièrement profitable.</p>
<p>Le problème avec la menace en négociation, c’est qu’elle ne peut servir de bluff : il faut être prêt à l’activer. Si on menace de faire grève au plus mauvais moment de l’année, alors si nos revendications ne sont pas entendues, il faudra la déclencher.</p>
<h2>Les syndicats en campagne permanente</h2>
<p>Pour un syndicat, la <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">capacité de nuire</a> dépend de sa capacité à mobiliser, qui elle-même dépend des revendications avancées, du nombre d’adhérents et de sympathisants et du contexte.</p>
<p>Rappelons qu’en France il n’est pas nécessaire d’être syndiqué pour suivre les consignes syndicales. On note d’ailleurs que la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-syndicalisation">baisse continue du taux de syndicalisation</a> ne s’est pas accompagnée d’un appauvrissement de la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-greves-en-2020">capacité de nuire des syndicats</a>, beaucoup d’agents et salariés suivant les consignes syndicales sans adhérer formellement aux syndicats eux-mêmes.</p>
<p>Le chercheur Christian Thuderoz <a href="https://pmb.cereq.fr/index.php?lvl=notice_display&id=66821">compte trois acteurs</a> dans tout dialogue social : les syndicats, la direction et les salariés. Les syndicats sont en campagne permanente pour gagner en influence et en adhérents parmi les salariés.</p>
<p>Ils doivent donc, et de manière constante, montrer qu’ils ont un impact sur les conditions de travail. Si les contrôleurs SNCF se disent insatisfaits de leur rémunération – via un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/menaces-de-greve-a-noel-qui-est-ce-collectif-de-controleurs-sncf-qui-inquiete-la-direction_AV-202212070056.html">collectif Facebook</a> -, alors ils doivent porter leurs revendications auprès de la direction. En face, la direction doit tout mettre en œuvre pour avoir un dialogue social de qualité, ce qui s’avère aujourd’hui particulièrement complexe, les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-cinq-ans-les-ordonnances-macron-instauraient-un-droit-du-travail-moins-favorable-aux-salaries-181287">ordonnances de 2017 ayant conduit à considérablement limiter les moyens syndicaux</a>.</p>
<h2>Un quatrième acteur : l’opinion publique</h2>
<p>Dans certains secteurs, le nombre de personnes potentiellement impactées par une grève est si important qu’il se confond avec l’opinion publique. C’est le cas des secteurs-clés de l’économie, à savoir le transport routier et l’agriculture (du fait de leur capacité à bloquer les routes), les écoles (du fait qu’une école fermée, ce sont souvent des parents qui ne peuvent travailler), le transport ferroviaire et le raffinage des carburants.</p>
<p>Dès lors, l’opinion publique devient une « partie prenante non-invitée », c’est-à-dire une partie qui impacte la négociation sans y prendre part. Cet impact se fait par deux mécanismes : le degré d’acceptabilité du mouvement (dans quelle mesure les citoyens soutiennent les grévistes) et l’impact du mouvement sur les personnes (dans quelle mesure le mouvement porte-t-il atteinte aux citoyens dans leur vie quotidienne).</p>
<p>Tels les deux plateaux de la balance, l’opinion publique est ballottée entre soutien et opposition, draguée par les propos publics tenus par le patronat, voire les <a href="https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/une-greve-injustifiable-christian-estrosi-reclame-la-requisition-des-personnels-de-la-sncf-pour-les-fetes_AN-202212210456.html">hommes politiques</a> d’une part, par les syndicats d’autre part. Ainsi, les grèves dans les raffineries à l’automne ont d’abord été massivement soutenues par l’opinion publique, avant que celle-ci ne se retourne, lorsque les pénuries de carburant ont été telles que des secteurs entiers d’emploi se sont trouvés menacés.</p>
<p>Aujourd’hui, même si les Français sont <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/12/Tableau-de-bord-politique-Decembre-2022.pdf">plutôt en désaccord avec la politique sociale du gouvernement</a> (ce qui pourrait les amener à soutenir les revendications des grévistes), les « années Covid » amènent la plupart à placer une grande importance à passer les fêtes 2022 en famille. La grève est donc pour eux un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/sncf-un-remboursement-de-200-accorde-aux-voyageurs-dont-les-trains-sont-annules_AN-202212210123.html">coût bien trop important</a> pour être contrebalancé par les dédommagements et les excuses de l’entreprise.</p>
<p>La menace ultime d’une grève pendant les fêtes a été activée. À court terme, les agents pourraient y gagner (sur leur fiche de paie) et la grève aura coûté des millions d’euros. À plus long terme, les coûts seront potentiellement catastrophiques : désintérêt croissant pour les syndicats (en l’espèce dépassés par un collectif informel né sur Facebook), défiance face à l’action des corps intermédiaires, mauvaise publicité pour la SNCF.</p>
<p>En face, le gain pourrait être récolté par les concurrents de la SNCF (tels que <a href="https://theconversation.com/tgv-paris-lyon-un-an-apres-larrivee-de-trenitalia-rime-t-elle-effectivement-avec-prix-plus-bas-192876">Trenitalia entre Paris et Lyon</a>) qui ne devraient pas manquer d’en profiter pour grignoter les parts de marché de l’opérateur historique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement de grève des contrôleurs de la SNCF au moment des fêtes de fin d’année montre aussi une forme d’échec du dialogue social.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1928762022-12-16T12:59:31Z2022-12-16T12:59:31ZTGV Paris-Lyon : un an après, l’arrivée de Trenitalia rime-t-elle effectivement avec prix plus bas ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490614/original/file-20221019-12-velxup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C84%2C1274%2C812&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis un an, les TGV de la SNCF partagent leurs quais à Paris-Gare de Lyon avec les rames Frecciarossa de la compagnie italienne Trenitalia.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ETR1000_(15)_Front.jpg">Stig124 / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La crise liée au coronavirus en avait retardé l’échéance. Pour la première fois, le 18 décembre 2021, un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/train-26726">train</a> d’une compagnie étrangère reliait deux villes françaises après plus de 80 ans de monopole par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a>. Une rame Frecciarossa du transporteur <a href="https://www.trenitalia.com/content/dam/tcom/tfrance/attachments/presse/Trenitalia%20-%20Communiqu%C3%A9%20de%20Presse%20-%2012.12.2021.pdf">Trenitalia</a> quittait Paris pour Milan, desservant au passage Lyon-Part Dieu, Chambéry et Modane du côté français des Alpes. Deux allers-retours quotidiens pour commencer, puis <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/la-compagnie-ferroviaire-trenitalia-renforce-son-offre-paris-lyon-2518732.html">trois</a> à partir du mois d’avril et <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-nouvelle-eco-trenitalia-developpe-son-offre-sur-la-ligne-lyon-paris-1654013839">cinq</a> deux mois plus tard, les trois derniers seulement entre Paris et Lyon.</p>
<p>L’ouverture à la concurrence, promettait <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/la-concurrence-dans-l-union-europeenne/">l’Union européenne</a>, devait offrir au consommateur une qualité de service renforcée à des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/prix-33726">prix</a> plus attractifs en obligeant un opérateur en situation de monopole à comprimer ses marges. Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">travaux</a> de recherche synthétisant plusieurs observations faites sur le Vieux Continent tendaient à montrer que l’hypothèse semblait vérifiée avec des écarts plus ou moins importants selon les pays.</p>
<p>Un an après, qu’en est-il sur la ligne à grande vitesse Paris-<a href="https://theconversation.com/fr/topics/lyon-52163">Lyon</a>, la <a href="https://www.sncf-reseau.com/fr/entreprise/newsroom/sujet/reseau-ligne-paris-lyon-projet-pilote-haute-performance">plus ancienne et la plus empruntée d’Europe</a> (44 millions de passagers en 2019) ?</p>
<h2>Plus de trains pour des prix maîtrisés</h2>
<p>Pour distinguer les effets de l’arrivée d’un nouvel opérateur de ceux du Covid, dont nous avions montré qu’il avait donné en moyenne lieu à une <a href="https://rsaiconnect.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/rsp3.12534">baisse des prix</a>, nous avons, dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X23002573?dgcid=author">travaux</a> récents, isolé quatre périodes d’un mois : pandémie ou non, monopole ou non, les quatre cas de figure étaient représentés et nous ont offert des éléments de comparaison.</p>
<p><iframe id="aQfBu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/aQfBu/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Avec pareil objectif, un autre élément de comparaison a également été utilisé, la liaison Paris-<a href="https://theconversation.com/fr/topics/bordeaux-35660">Bordeaux</a> sur laquelle la SNCF est toujours seule à faire rouler ses trains. Les temps de trajets y sont similaires à l’axe Paris-Lyon et on retrouve dans les deux cas un vaste arrière-pays desservi par les trains (Marseille, Nice ou Grenoble, côté lyonnais ; Toulouse, Tarbes ou Hendaye, côté girondin).</p>
<p><iframe id="6AqZm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6AqZm/9/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="cP90M" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/cP90M/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les résultats montrent que le nouvel arrivant a rempli son rôle, en proposant des prix 30 à 60 % inférieurs face à l’opérateur historique et en augmentant son offre de deux à cinq allers-retours quotidiens. Du côté de la SNCF, le nombre de TGV inOui a retrouvé son niveau de 2019 tandis que les prix ont baissé de 20 % entre octobre 2019 et octobre 2022. L’offre Ouigo est quant à elle également restée stable avec une baisse des prix plus modérée de 13 %.</p>
<p>Au total, cela donne entre Lyon et Paris 15 % de trains en plus et 23 % de réduction sur les billets, ce qui semble positif et s’inscrit au profit des usagers. Sur le Paris-Bordeaux, ces chiffres sont respectivement de + 18 % pour la fréquence et + 4 % pour les prix témoignant d’un engouement pour cette destination mais aussi, très vraisemblablement, d’un rattrapage sur les prix en situation post-Covid, ce à quoi l’axe Paris-Lyon semble avoir échappé.</p>
<p>Est-ce à mettre au crédit de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> ? Qu’il s’agisse des prix ou de la fréquence, ces résultats globaux appellent un peu de nuance.</p>
<h2>Tout en contraste</h2>
<p>Pour ce qui est de la fréquence, l’accroissement des trafics sur Paris-Lyon résulte exclusivement des cinq nouvelles rames Trenitalia. Cela peut être vu comme un succès mais aussi comme une stratégie de retenue de la part de la SNCF, qui pendant ce temps augmentait son offre sur l’axe Paris-Bordeaux. Sans concurrence, rien ne laisse à penser que les résultats auraient été moins bons pour Paris-Lyon dans une année 2022 cumulant les records de fréquentation.</p>
<p>L’effet sur les prix, lui, est plus prononcé encore si l’on compare les trajets en inOui et en Trenitalia, qui jouent dans la même catégorie en matière de confort : respectivement 71,20 € en moyenne contre 37,40 € en octobre 2022, soit un delta de 47 %. Reste que cette différence peut s’expliquer à partir de deux éléments dont dépend sans doute l’avenir de l’écart observé : les avantages à l’installation dont bénéficie Trenitalia et ses difficultés de positionnement vis-à-vis de la clientèle professionnelle par un volume et une grille horaire encore trop peu attractifs.</p>
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<p>Concernant les avantages, Trenitalia a obtenu une <a href="https://www.autorite-transports.fr/communiques/lart-valide-la-proposition-de-reduction-des-peages-ferroviaires-negociee-entre-sncf-reseau-et-trenitalia-france-pour-2022-et-2023/">réduction des péages</a> à verser pour ses trois premières années d’exploitation à savoir, 37 % en 2022, 16 % en 2023 et 8 % 2024. Pour faire circuler ses trains sur un sillon, un opérateur (comme le sont SNCF Voyageurs ou Trenitalia) doit en effet s’acquitter d’un péage auprès du gestionnaire de l’infrastructure (SNCF Réseau en France). Il contribue à couvrir l’ensemble des coûts liés à l’investissement et au fonctionnement de la ligne à grande vitesse sur le principe de l’usager-payeur plutôt que le contribuable-payeur. Il représente entre 35 % et 40 % du prix d’un billet de train.</p>
<p>Cette réduction accordée à Trenitalia vise à compenser son coût d’investissement pour entrer sur le marché français (estimé à plus de 100 millions d’euros) et à lui donner le temps de gagner en renommée et visibilité aux côtés d’un opérateur historique très établi. Trenitalia pourra-t-elle maintenir ses prix bas lorsqu’elle devra s’acquitter de 100 % des péages ?</p>
<h2>Trenitalia face à un choix</h2>
<p>Concernant le positionnement de Trenitalia sur la clientèle professionnelle, l’opérateur italien semble pris entre deux feux. Un fait marquant illustre bien cet enjeu : on observe en heure de pointe, malgré des créneaux horaires proches, que les prix affichés par la SNCF ont peu évolué par rapport à l’offre de Trenitalia bon marché. Les prix de la SNCF étant indexés sur le taux de remplissage, ils nous enseignent que la clientèle surtout professionnelle à ces moments de la journée reste captée par l’opérateur historique malgré des prix plus élevés.</p>
<p>L’explication réside dans les deux facteurs déterminants pour cette clientèle : pas tant le prix que l’horaire et la fréquence. Sans accroissement de son offre, il sera difficile pour Trenitalia de convaincre pleinement cette population. Cependant, accroître les fréquences et positionner des trains sur des créneaux stratégiques pourrait accroître les coûts d’exploitation de l’opérateur et rendre plus difficile le maintien de prix bas. Tel est le dilemme.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490618/original/file-20221019-20-j11qos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ouverture à la concurrence du rail entre Paris et Lyon pourrait bien participer de la hausse des tarifs sur la liaison Paris – Bordeaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gare_Bordeaux_Saint_Jean_-_Bordeaux_(FR33)_-_2022-09-12_-_2.jpg">Chabe01/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’équation semble difficile à tenir mais pourrait être résolue par des trains à plus grande capacité, ce à quoi l’entreprise se prépare avec, dans les mois à venir, le passage à des unités doubles et l’ajout de deux allers-retours supplémentaires. Il devrait néanmoins en résulter un accroissement des prix pour couvrir les investissements et coûts d’exploitation supplémentaires, en plus de l’inflation dans le secteur de l’énergie.</p>
<h2>Une péréquation territoriale remise en cause ?</h2>
<p>Du point de vue de l’usager de la ligne, l’effet reste donc positif : une offre plus diversifiée pour des prix maîtrisés sur l’axe Paris-Lyon. Cependant, il s’agit aussi d’élargir le spectre d’analyse à l’ensemble de la collectivité. De fait, les prix plus élevés sur l’axe Paris-Lyon avaient pour vertu de compenser pour partie les pertes enregistrées sur le reste des services à grande vitesse souvent déficitaires.</p>
<p>Ce système de péréquation pourrait se trouver un peu plus fragilisé et conduire la SNCF à se tourner vers les collectivités locales pour subventionner le fonctionnement de certaines dessertes TGV au risque de les voir disparaître. À moins qu’elle ne renforce la contribution de ses autres lignes rentables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ouverture à la concurrence devait offrir au consommateur une qualité de service renforcée à des prix plus attractifs. L’analyse appelle à la nuance.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1893362022-08-31T19:16:13Z2022-08-31T19:16:13ZHyperloop : les rêves de vitesse à l’épreuve<p>Au début de son premier mandat en 2009, le président des États-Unis Barack Obama soutient le projet d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Los Angeles et San Francisco. Face à des coûts de réalisation jugés exorbitants (estimés de l’ordre de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01670632/document">50 à 60 milliards de dollars</a> à l’époque), le célèbre homme d’affaires Elon Musk se montre sceptique. En 2013, il propose de substituer au projet un nouveau système qu’il nomme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qox_m6jyfmA">« Hyperloop alpha »</a>. Des petites capsules de 2,20 mètres de diamètre qui circuleraient dans deux tubes aériens, sous vide, à plus de 1 200 km/h pour un investissement initial estimé à 10 milliards de dollars.</p>
<p>Séduites par ce scénario futuriste, de nombreuses start-up ont tenté de concrétiser l’idée. Près d’une décennie plus tard, les avancées <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20220708-hyperloop-dix-ans-apr%C3%A8s-toujours-rien-de-bien-concret">restent cependant limitées</a>. Virgin Hyperloop, alimentée par les deniers de l’entrepreneur britannique Richard Branson, a, certes, fait des <a href="https://open.spotify.com/episode/4RfKnpmgnKJBIOxEbBanBs">essais</a> dans le désert du Nevada, atteignant 387 km/h. En novembre 2020, elle a même transporté des passagers pour la première fois, à 172 km/h, mais c’était avant d’annoncer sa reconversion dans le fret (et de <a href="https://www.begeek.fr/virgin-retire-son-nom-du-projet-hyperloop-one-375183">retirer l'étiquette « Virgin »</a> du nom du projet). Le tronçon qui devait voir le jour en 2020 pour l’exposition universelle de Dubaï n’est, lui, toujours pas sorti de terre.</p>
<p>Les contrats, cependant, se multiplient. Hyperloop Transportation Technologies (HyperloopTT) a signé le 21 mars 2022 un <a href="https://www.hyperlooptt.com/2022/hyperloop-advances-in-italy/">accord</a> visant à ouvrir une ligne entre Venise et Padoue, en Italie, pour les Jeux olympiques d’hiver de 2026. Au Canada, TransPod a réussi à lever <a href="https://www.transpod.com/fr/communique-de-presse/presentation-fluxjet/">550 millions de dollars</a> pour tenter de relier Calgary à Edmonton. En France, le projet de piste d’essai d’HyperloopTT à Toulouse a <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/hyperloop-a-toulouse-recit-d-un-fiasco-qui-touche-a-sa-fin_AN-202307010189.html">viré au fiasco</a> mais celui de TransPod en Haute-Vienne est en <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/hyperloop-le-train-le-plus-rapide-du-monde-va-passer-par-le-limousin-20230420">cours de réalisation</a> malgré un <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/hyperloop-le-pdg-de-transpod-affirme-qu-il-souhaite-rembourser-les-aides-publiques-pour-avoir-la-paix-2617192.html">certain scepticisme des pouvoirs publics</a>.</p>
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<p>Nous sommes donc encore très loin du but, comme nous l’avons expliqué avec Hervé de Tréglodé dans un <a href="https://journals.openedition.org/sabix/3019">article</a> de recherche récent. Les effets d’annonce l’emportent sur les résultats concrets car les défis techniques restent nombreux : celui de la rigidité des tubes installés entre des pylônes à l’air libre ; faire que l’air dans les tubes ne franchisse jamais le mur du son ; comprimer et refroidir l’air aspiré… Au point que François Lacôte, ancien directeur technique d’Alstom n’hésite pas à parler d’Hyperloop comme d’une <a href="https://www.clubpangloss.org/pub/lettre/art/lettre_83_1804_1.pdf">« formidable escroquerie technico-industrielle »</a>.</p>
<p>Au regard critique de l’ingénieur, nous pouvons ajouter quelques considérations économiques en interrogeant la pertinence de ces « pods » que l’on présente parfois comme un « cinquième moyen de transport ». Prendre en compte la vitesse physique ne suffit pas : il est aussi nécessaire de considérer la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01685277/document">vitesse économique</a>.</p>
<h2>L’argent, c’est du temps</h2>
<p>Les économistes ont montré depuis longtemps l’intérêt des gains de vitesse. En effet, le temps, c’est de l’argent. Les utilisateurs du TGV sont prêts à payer plus cher pour aller plus vite. Mais jusqu’où le surcoût est-il acceptable ? Car l’argent, c’est aussi du temps. Combien de temps de travail sera-t-il nécessaire pour acheter de la vitesse ?</p>
<p>Il s’agit en fait de diviser un trajet en deux temps. Il y a celui effectivement passé à se déplacer, et, auparavant, le temps passé à travailler pour pouvoir se payer le prix du billet de train ou d’avion. Dans cette première période, c’est comme si l’usager se déplaçait à une vitesse économique.</p>
<p>Prenons un exemple. Pour un voyage en Concorde il y a 20 ans (le dernier vol a eu lieu en 2003), le coût était proche d’un euro le kilomètre. Le smic net était à l’époque de 6 euros de l’heure, ce qui donne donc une vitesse économique de 6 km par heure de travail et près de 2 000 heures de travail pour l’aller-retour Paris-New-York. Bref, rien de « supersonique ».</p>
<p>Le constat valait aussi pour un salaire élevé, par exemple 10 fois le smic. La vitesse économique du Concorde n’était alors que de 60 kilomètres par heure alors qu’un vol subsonique coûtant 10 fois moins cher (10 centimes au kilomètre) correspondait à une vitesse économique de 600 km/h (et 60 km/h pour le smicard).</p>
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<p>L’échec commercial des vols supersoniques trouve là son origine : le Concorde n’a pas passé le mur de la vitesse économique. Symétriquement, les succès du transport aérien classique et plus encore des compagnies <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a>, dont les billets coûtent en moyenne 5 centimes par kilomètre, sont fondés sur la progression tendancielle de leur vitesse économique.</p>
<p>La grande vitesse physique n’a, en fait, pas d’intérêt lorsque la vitesse économique est faible. Car, lorsque l’on combine deux vitesses (pour calculer ici une « <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01685277/document">vitesse généralisée</a> »), c’est toujours la plus lente qui pèse le plus lourd dans le calcul.</p>
<p>Prenons l’exemple d’un cycliste qui gravit un col des Alpes à 10 km/h et redescend à 60 km/h pour rejoindre son point de départ. Sa vitesse moyenne n’est pas de 35 km/h (la somme des deux vitesses divisée par deux) mais de 17,1 km/h. Pour les plus mathématiciens, il s’agit d’une moyenne harmonique et non d’une moyenne arithmétique. Le lecteur curieux pourra calculer que même en redescendant le col à la vitesse de la lumière, le cycliste atteint à peine les 20 km/h.</p>
<p>C’est un peu pareil lorsque l’on combine vitesse économique et vitesse physique. La première correspond alors à la montée, la seconde à la descente.</p>
<h2>Quels gains de temps et pour qui ?</h2>
<p>En nous projetant dans l’imaginaire de Jules Verne, la recherche de vitesse fait rêver. Elle est implicitement considérée comme un signe de progrès, mais parfois au risque d’aller contre le sens commun si la vitesse économique demeure faible pour le plus grand nombre.</p>
<p>La large diffusion des transports ferroviaires puis routiers et aériens a été possible car ils ont permis d’accroître la vitesse de déplacement. Mais le plus grand succès de ces modes de transport, c’est leur démocratisation, laquelle n’a été possible que par une hausse généralisée de la vitesse économique.</p>
<p>Même avec un litre d’essence à 2 euros, une heure de salaire minimum permet aujourd’hui de parcourir environ 100 km avec une petite voiture contre à peine 30 km au début des années 1970. En 1980, un billet d’avion aller-retour vers Tunis nécessitait 123 heures de travail au smic contre 15 en 2020.</p>
<p>Les gains de vitesse physique n’ont pas d’intérêt s’ils ne peuvent être démocratisés. Or les projets de type Hyperloop auront beaucoup de mal à offrir des coûts de déplacement accessibles au plus grand nombre du fait de leur faible débit potentiel.</p>
<p>Par débit, on entend la quantité de voyageurs que l’on peut transporter sur un axe en une heure. Aujourd’hui, dans une rame <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tgv-52763">TGV</a> à deux éléments et deux étages, on peut mettre de 1 000 à 1 200 voyageurs. Avec les systèmes de signalisation modernes, il est possible de faire passer 15 trains par heure et donc 15 000 à 18 000 voyageurs par heure.</p>
<p>Dans des capsules de type Hyperloop, emportant 20 personnes, il faudrait, pour arriver au même résultat, un départ toutes les quatre secondes. Le problème semble insoluble techniquement mais surtout en termes de sécurité. En cas de problème pour une capsule, comment empêcher qu’un certain nombre des suivantes ne viennent s’encastrer dans celle-ci ?</p>
<p>Se polariser sur la vitesse physique ne sert à rien si le débit est faible, alors même que les investissements nécessaires sont gigantesques. Comment justifier des infrastructures coûtant des dizaines de milliards d’euros si elles ne profitent qu’à une minorité de privilégiés ?</p>
<p>On pourrait objecter que la construction du réseau ferroviaire a, elle aussi, demandé des investissements très importants. Au XIX<sup>e</sup> siècle, un km de voie ferrée coûtait quinze fois plus qu’un km de route. Mais le chemin de fer a permis d’augmenter le trafic de façon telle qu’on a pu amortir les coûts de construction des infrastructures. Dans les années 1970, l’ingénieur Michel Walrave a démontré qu’il en allait de même pour les premiers projets de lignes à grande vitesse.</p>
<iframe style="border-radius:12px" src="https://open.spotify.com/embed/episode/4RfKnpmgnKJBIOxEbBanBs?utm_source=generator" width="100%" height="352" frameborder="0" allowfullscreen="" allow="autoplay; clipboard-write; encrypted-media; fullscreen; picture-in-picture" loading="lazy"></iframe>
<p>La question du débit est donc cruciale car elle détermine les coûts privé et public. On touche alors à des questions de nature profondément démocratique. Si l’État finance la construction des infrastructures, comment justifier la mobilisation des impôts de tous pour servir une minorité de privilégiés ? C’est un peu comme si l’on décidait de subventionner les voyages dans l’espace des milliardaires (pour lesquels la vitesse économique est, soit dit en passant, de 100 mètres/h pour un smicard).</p>
<p>Pour Hyperloop, quand bien même une démocratisation serait un jour possible, n’oublions pas que la recherche de vitesse est structurellement confrontée à des rendements décroissants. En doublant la vitesse des trains entre Paris et Lyon, le temps de parcours a été divisé par deux, de 4 à 2 heures. Mais en doublant à nouveau la vitesse (de 250 à 500 km/h), on ne gagnerait qu’une heure et seulement une demi-heure en la multipliant encore par deux (1000 km/h). Le gain en temps serait de plus en plus minime au point que la question se poserait : le jeu en vaut-il la chandelle ? C’est aussi la question à laquelle sont confrontés les projets de type Hyperloop.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189336/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Crozet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les transports les plus rapides physiquement ne sont pas nécessairement ceux qui ont la vitesse « économique » la plus élevée. Ni les plus démocratiques.Yves Crozet, Économiste des transports, professeur émérite à Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873172022-07-20T16:43:38Z2022-07-20T16:43:38ZVoyages d’affaires, low cost… Le Covid a bousculé le secteur du transport longue distance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474958/original/file-20220719-10005-r8dwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C91%2C2452%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis début 2020, le nombre de TGV Inouï a baissé de 15&nbsp;% quand celui des Ouigo (photo) a augmenté de 30&nbsp;%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:SNCF_OUIGO_TGV_Dasye_761_Marseille_-_Paris.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a> s’attend à un été de tous les <a href="https://www.sncf.com/sites/default/files/press_release/CP_NR_SNCF_VOYAGEURS_ETE_2022.pdf">records</a>. Dans un communiqué publié le 30 juin dernier, elle avançait le chiffre de 9,5 millions de billets longue distance déjà réservés, soit 10 % de plus qu’en 2019. Les mois de mai et juin avaient eux aussi déjà affiché des scores supérieurs à l’avant-crise.</p>
<p>Certes, les craintes liées à la pandémie, si elles n’ont pas disparu, se sont estompées et la promiscuité dans les transports effraie moins. Mais ce chiffre estival traduit-il un simple retour à la normale ou bien nous dit-il autre chose ?</p>
<p>Hormis les <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/cars-macron-2022/">rapports</a> de l’Autorité de régulation des transports, peu de travaux scientifiques encore se sont intéressés aux effets du coronavirus sur les transports longue distance. Certains experts prédisaient, après un arrêt quasi-complet par endroit (souvenons-nous par exemple des images de l’aéroport d’Orly désert au printemps 2020), l’émergence d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/referencework/9780081026724/international-encyclopedia-of-transportation">« nouvelle normalité »</a>, avec le développement rapide du télétravail et des visioconférences.</p>
<p>Nos récents <a href="https://doi.org/10.1111/rsp3.12534">travaux</a> interrogent le phénomène. Ils reposent sur un suivi hebdomadaire de quatre grandes lignes françaises depuis des métropoles de province (Bordeaux, Toulouse, Nice et Lyon) vers Paris. Les observations disponibles s’étendent de la période pré-Covid (septembre 2019) jusqu’au moment où l’épidémie paraissait jugulée sous l’effet des progrès de la vaccination en novembre 2021. Elles permettent de comparer l’évolution en prix et fréquence des différentes offres de transport dont le ferroviaire, le bus, le covoiturage et l’aérien.</p>
<p>À l’origine, la collecte des données avait pour but de poursuivre des recherches sur les conséquences de la libéralisation du chemin de fer, qui avait déjà donné lieu à une <a href="https://theconversation.com/la-liberalisation-du-secteur-ferroviaire-ne-devrait-pas-faire-baisser-significativement-les-prix-de-nos-voyages-175588">publication</a> sur le site The Conversation. Les liaisons retenues devaient en effet potentiellement accueillir des opérateurs concurrents pour la SNCF avant que les plans ne soient chamboulés à la suite de la pandémie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberalisation-du-secteur-ferroviaire-ne-devrait-pas-faire-baisser-significativement-les-prix-de-nos-voyages-175588">La libéralisation du secteur ferroviaire ne devrait pas faire baisser significativement les prix de nos voyages</a>
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<p>Comme tous, nous avons dû nous adapter et le suivi hebdomadaire des offres de transport permet aujourd’hui de documenter progressivement des effets du choc inédit, collectivement vécu, sur nos modes de vie et de production. Il reste cependant nécessaire de considérer les résultats avec un minimum de prudence étant donné la grande variabilité de l’épidémie et la difficulté de fixer un point d’observation dans la période Covid.</p>
<h2>Étonnamment, les prix ont diminué</h2>
<p>Qu’observe-t-on ? À gros traits, on note tout d’abord un fort impact du premier confinement sur l’offre en termes de fréquence qui s’est trouvée réduite quasiment à néant (-90 %). L’impact des confinements suivants s’est avéré plus faible avec une offre réduite d’environ de moitié. Sur la fin de la période, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/train-26726">train</a> et le covoiturage étaient en passe de retrouver leur niveau d’offre d’avant crise avec respectivement -4 % et -6 %, ce qui n’était toujours pas le cas pour les bus (-50 %) et l’aérien (-30 %).</p>
<p><iframe id="Ja0kB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Ja0kB/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De fait, c’est le mode initialement dominant, le train qui s’est avéré être le plus robuste et résilient à la crise là où l’aérien et le bus se sont effondrés. En octobre 2021, le mode ferroviaire maintenait cette avance avec une part de marché sur l’échantillon observé stabilisée autour de 85 % contre 80 % en 2019. L’aérien a chuté de 17 à 13 % pendant ce temps.</p>
<p><iframe id="dgqWP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dgqWP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’autre effet qui a retenu notre attention est celui sur les prix, bien plus délicat cependant à analyser du fait de leur volatilité. Considérant les prix à 7 jours avant le départ pour de la seconde classe sans réduction, on constate une baisse globale d’environ 14 % sur la période. Cela concerne tous les moyens de transport à l’exception des cars : covoiturer coûtait 26 % de moins qu’au début de la pandémie, prendre le train 16 % et l’avion 12 %.</p>
<p><iframe id="Kt95P" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Kt95P/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On peut aisément comprendre la chute des prix durant l’année 2020, sous l’effet conjugué d’un effondrement de la demande et d’une baisse des prix de l’énergie. De même, on explique une fluctuation à la hausse durant les deuxième et troisième confinements par la disparition des offres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a> quand persistaient uniquement des offres classiques.</p>
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<p>Mais pourquoi une réduction globale sur la tendance de long terme ? Cela semble d’autant plus étonnant que le reste de l’économie connaissait déjà une certaine inflation fin 2021. En octobre 2021, les <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/american-inflation-global-phenomenon-or-homegrown-headache/21806433">prix étaient 4 % supérieurs</a> à octobre 2019.</p>
<h2>Le low cost, gagnant en deux temps</h2>
<p>Comment l’expliquer ? L’hypothèse d’une demande réduite ne paraît pas totalement satisfaisante. Nous avons donc regardé de plus près l’évolution du ratio entre service low cost et service classique. Cela correspond pour le ferroviaire au binôme Ouigo – Inouï.</p>
<p>Comme précédemment mentionné, en période de confinement, la part de marché du low cost a chuté plus fortement que le reste au point de disparaître au plus fort des mesures sanitaires. Le secteur s’est avéré beaucoup plus sensible aux restrictions. Ce qu’on observe cependant à plus long terme est un changement profond qui concerne les voyages d’affaires. Le phénomène est difficilement mesurable encore, mais l’hypothèse paraît particulièrement crédible avec le développement des visioconférences qui engendrent moins de rencontres physiques.</p>
<p><iframe id="e4ZPh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e4ZPh/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur les lignes étudiées, on observe que c’est bien le secteur des services classiques qui a perdu en part de marché face au low cost. Dans le ferroviaire, entre le début et la fin de la période, le nombre de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tgv-52763">TGV</a> Inouï a baissé de 15 % quand celui des Ouigo a augmenté de 30 %. La part du marché du low cost est ainsi passée de 22 à 30 % conduisant mécaniquement les prix vers le bas. Quoique moins marquée, la tendance a été similaire dans l’aérien avec un retour plus rapide de l’offre low cost d’Easyjet (-14 %) en comparaison d’Air France (-38 %) qui continuait de pâtir du manque de la classe affaire.</p>
<p>Dans tous les cas, ces constats mettent en évidence un défi à relever pour la SNCF ou pour Air France. Car au-delà des records annoncés dans le ferroviaire cet été, les modèles économiques sur l’ensemble de l’année reposaient pour beaucoup sur les voyages d’affaires. Avec la dégradation du contexte économique actuelle, c'est même un avis de tempête qui pourrait être émis pour ces acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le ferroviaire, les mesures de restrictions ont d’abord frappé le segment de l'offre à bas prix, qui a ensuite progressé jusqu’à obtenir plus de parts de marché qu’avant la crise sanitaire.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1812842022-04-13T18:36:35Z2022-04-13T18:36:35ZComment explique-t-on le mal des transports ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/457941/original/file-20220413-22-ew9dwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=221%2C271%2C6388%2C4034&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tout le monde n'est pas égal devant le mal des transports…</span> <span class="attribution"><span class="source">metamorworks / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Si vous souffrez du mal des transports (ou cinétose), ce n’est souvent pas que dans un unique type de véhicules… Alors que certains peuvent lire magazines ou cartes routières et jouer sur leur téléphone, d’autres passent le voyage à essayer désespérément de surmonter vertiges, étourdissements, nausées et vomissements.</p>
<p>Autant de symptômes qui transforment les longs trajets en cauchemar, sans qu’on sache vraiment pourquoi quelques privilégiés s’en tirent sans encombre – ou pourquoi l’on peut parfois être malade en voiture, mais pas en avion, en train, mais pas en bateau, etc.</p>
<p>Il existe deux théories qui tentent d’expliquer ce qui se passe.</p>
<p>La <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/y90-044">théorie du conflit sensoriel</a> avance que le système d’équilibre joue un rôle clé dans le mal des transports. Elle s’appuie sur le fait que l’équilibre n’est pas maintenu par un seul organe sensoriel : il combine en fait ce que nous voyons et ressentons avec les informations fournies par l’organe de l’équilibre situé dans notre oreille interne – un ensemble de données variées qui nous permet de déterminer exactement où nous nous trouvons.</p>
<p>Si les informations provenant de nos yeux, de nos <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-du-nez,-de-la-gorge-et-de-l%E2%80%99oreille/troubles-de-l-oreille-interne/pr%C3%A9sentation-de-l-oreille-interne">oreilles internes (structure profonde de l’oreille, réunissant organes de l’audition, la cochlée, et de l’équilibre, le système vestibulaire)</a> et de nos sens du toucher ou de la pression ne concordent pas, nous pouvons nous sentir déséquilibrés ou instables.</p>
<p>Concernant le mal des transports, on pense qu’il peut être causé par un décalage entre les différentes informations fournies par nos sens : nos yeux et notre oreille interne indiquant à notre corps que nous sommes en mouvement, alors que nous sommes en réalité assis à l’arrêt.</p>
<p>C’est également la raison pour laquelle <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/y90-044">moins nous subissons de décalage sensoriel</a> dans un véhicule, moins nous risquons d’être affectés. Par exemple, voyager en voiture sur une route lisse et droite provoquera moins de décalage sensoriel qu’un trajet sur une route sinueuse parsemée de nids de poule.</p>
<p>Cette explication est actuellement considérée comme la plus solide, même si nous essayons toujours de comprendre les mécanismes cérébraux à l’origine du <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cns.12468">mal des transports</a>.</p>
<p>Mais il existe une autre théorie apparentée qui suggère un rôle du <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/s15326969eco0303_2">contrôle de la posture</a>. En l’occurrence, elle propose que le mal des transports ne se produirait pas tant du décalage dans nos informations sensorielles, mais plus de notre incapacité à ajuster notre posture pour le réduire. D’où la nausée résultante. Bien que cette théorie soit logique (nous ne pouvons en effet pas toujours compenser les aléas d’un voyage), elle n’est <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/s15326969eco0703_1">pas encore étayée par beaucoup de travaux</a>.</p>
<h2>Raisons multiples à un mal (pas si) universel…</h2>
<p>Le mal des transports affectant les gens différemment, il n’y a pas de raison unique à sa survenue – qui plus est plus ou moins prononcée et fréquente. Mais les différences dans le fonctionnement des systèmes de vision et d’équilibre d’une personne influent sur ce qu’elle peut ressentir dans l’un ou l’autre type de véhicules.</p>
<p>Certains troubles (les migraines, les maladies de l’oreille interne comme la maladie de Ménière) <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1566070206002128">augmentent la probabilité</a> de souffrir du mal des transports. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1566070206002128">L’âge et le sexe</a> peuvent également jouer : certaines recherches suggèrent que le phénomène est à son apogée vers neuf ou dix ans et qu’il est plus fréquent chez les femmes. Cependant, on ne sait pas encore vraiment pourquoi…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme est malade dans un avion et tient devant lui un sac en papier" src="https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451004/original/file-20220309-22-14dpaxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus le voyage est long et les mouvements mal perçus nombreux, plus les symptômes seront rudes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/nausea-during-flight-young-guy-gets-2087207206">diy13/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1566070206002128">type de véhicule</a> a également une certaine influence sur le degré de nausée qu’une personne peut éprouver. De manière générale, tout facteur qui augmente le décalage entre les informations fournies par ceux de nos sens participant à notre équilibre augmentera également le risque de mal des transports. Plus l’expérience dure et plus le décalage est important, plus les symptômes sont graves.</p>
<p>Par exemple, voyager sur un petit bateau dans une tempête pendant huit heures provoquera des symptômes lourds alors qu’un voyage d’une heure en train aura probablement peu d’effet, même si la voie n’est pas parfaitement lisse.</p>
<p>De nombreuses personnes déclarent également avoir le mal des transports lorsqu’elles sont passagères, mais pas lorsqu’elles conduisent. Cela s’explique sans doute en partie par le fait que les conducteurs sont (sans surprise) bien plus à même d’anticiper les mouvements du véhicule et de réagir en conséquence, d’adapter leur propre posture.</p>
<p>Par exemple, si une voiture prend un virage serré, le conducteur regardera devant lui et anticipera la déportation ressentie au moment du virage, tandis que le passager réagira probablement dans un second temps en se penchant dans la direction opposée.</p>
<p>Le mal des transports ne se limite pas non plus au « monde réel ». Le <a href="https://dl.acm.org/doi/pdf/10.1145/2677758.2677780">cybersickness (ou cybercinétose)</a> est un autre type de mal des transports que les gens ressentent dans les environnements virtuels, par exemple lorsqu’ils jouent à des jeux vidéo ou explorent un monde 3D.</p>
<p>Ce phénomène est probablement dû là encore au conflit sensoriel que représente le fait de voir l’environnement bouger sur l’écran ou dans un casque alors que le corps reste immobile. <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0056160">Regarder des films en 3D</a> au cinéma peut provoquer le mal des transports pour la même raison.</p>
<h2>Quelques conseils pour limiter les dégâts</h2>
<p>Si vous souffrez du mal des transports, la meilleure chose à faire la prochaine fois que vous risquez la nausée est d’essayer de réduire ce fameux décalage des informations sensorielles. Évitez de lire par exemple, car cela provoque un décalage entre ce que vous voyez et ce que vous ressentez : regardez plutôt par la fenêtre. Cela peut contribuer à réduire les nausées, car les informations visuelles correspondront alors mieux aux informations relatives à l’équilibre dans votre oreille interne.</p>
<p>Il en va de même pour les bateaux et les trains : se concentrer sur le paysage qui défile peut réduire les symptômes.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7048153">Autres conseils</a> : éviter de prendre un repas copieux avant un voyage, mais aussi aérer le véhicule ou l’habitacle, faites des arrêts réguliers (si possible).</p>
<p>Si cela ne suffit pas à combattre les symptômes, l’utilisation d’un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/014556130608500110">médicament contre le mal des transports</a> peut être utile. Ces <a href="https://theconversation.com/pourquoi-a-t-on-le-mal-des-transports-et-comment-sen-debarrasser-117116">traitements réduisent l’activité du système d’équilibre du cerveau</a> ou réduisent le nombre de signaux que le cerveau envoie à l’intestin, ce qui peut contribuer à stopper les nausées et les vomissements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181284/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Saima Rajasingam est affiliée à l'Académie britannique d'audiologie.</span></em></p>Deux théories tentent d’expliquer le mal des transports, qu’il nous touche en train, en voiture ou en avion. Ces hypothèses permettent de proposer quelques conseils pour minimiser les risques…Saima Rajasingam, Lecturer, Audiology, Anglia Ruskin UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775192022-02-28T19:32:57Z2022-02-28T19:32:57ZLes nouvelles « routes de la Soie », une viabilité en question<p><a href="https://www.transporeon.com/en/reports/one-belt-one-road">Un million</a>. C’est la barre symbolique franchie en 2021 par le nombre de conteneurs transportés par voie ferroviaire entre la Chine et l’Union européenne. N’en déplaise aux tenants de la relocalisation, la crise sanitaire du Covid-19 a dopé les échanges eurasiatiques et confirmé l’essor des « nouvelles routes de la soie » à l’heure où la guerre éclate en Europe.</p>
<p>Ces conteneurs ont été transportés par 14 000 trains, soit en moyenne 38 convois par jour. Et ce, 10 ans seulement après que le lancement des premiers wagons sur les rails. On compte même depuis 2018 <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/routier/le-trajet-en-camion-vers-la-chine-toujours-plus-populaire-553654.php">quelques dizaines de camions</a> par semaine qui réalisent le trajet via la Biélorussie, la Russie, le Kazakhstan et la Chine.</p>
<p>Dans le monde, la Chine, c’est chaque année depuis 2007 en moyenne <a href="http://french.news.cn/2022-01/03/c_1310406817.htm#:%7E:text=BEIJING%2C%203%20janvier%20(Xinhua),mise%20en%20service%20en%20Chine">2 600 km d’infrastructures</a> ferroviaires nouvelles (contre 200 km en Europe) sur lesquelles les convois peuvent rouler à plus de 200km/h. Ce développement s’inscrit depuis 2013 et l’accession au pouvoir de Xi Jinping dans le plan « One Belt, One Road » (« Une ceinture, Une Route »), qui concerne autant l’Asie centrale que l’Afrique. Son coût restant en 2021 est estimé à 13 000 milliards d’euros par le G20.</p>
<p>Face à ces ambitions, l’Europe a récemment présenté son projet alternatif « <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/01/l-europe-presente-son-projet-a-300-milliards-d-euros-pour-contrer-les-routes-de-la-soie-chinoises_6104361_3234.html">Global Gateway</a> ». Mais pourra-t-on parler de succès pour ce que Pékin se plaît à nommer « projet du Siècle » ? Sans même se risquer à essayer d’anticiper les conséquences du conflit ukrainien, la <a href="https://cordis.europa.eu/project/id/234076">viabilité économique et écologique</a> de l’axe eurasiatique interroge déjà fortement.</p>
<h2>Nouveau développement, nouvelles routes</h2>
<p>Pour comprendre l’intérêt porté à cet axe, il faut d’abord regarder du côté du commerce mondial et son considérable essor depuis les années 90. Entre 1990 et 2020, les échanges maritimes ont été <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02196047">multipliés par 4</a>, tandis que la capacité des plus gros porte-conteneurs a été multipliée par 5. L’Asie du Sud-Est et notamment la façade maritime de la Chine se trouve au cœur de ce nouveau système.</p>
<p><a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/rotterdam-10e-port-mondial-en-2019">L’évolution du top 10</a> des principaux ports dans le monde est, à cet égard, révélatrice. En 1990, la moitié des ports était asiatique mais aucun n’était chinois, l’autre moitié comprenait les ports européens et américains. En 2020, le grand port européen de Rotterdam s’est vu rétrograder à la 11<sup>e</sup> place laissant définitivement le monopole du top 10 à la nouvelle puissance asiatique. On estime désormais que la Chine et ses ports traitent environ un <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/coronavirus-la-chine-traite-un-quart-du-transport-maritime-mondial-de-conteneurs-1169020">quart des conteneurs dans le monde</a>, témoignant de sa puissance industrielle et commerciale.</p>
<p><iframe id="jyC80" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jyC80/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’essor économique chinois des années 2000 constitue la clef de voûte de cette dynamique. Alors que les PIB des États-Unis ou de la France ont doublé entre 2000 et 2020, le PIB chinois a lui été <a href="https://datacommons.org/place/country/CHN?hl=fr">multiplié par 12</a>. En parallèle, la part de la Chine dans les échanges extérieurs de l’Union européenne a triplé pour atteindre <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/trade/trade_2020/">15 % en 2018</a>. Elle vient d’ailleurs de devenir en 2021 le <a href="https://www.challenges.fr/monde/la-chine-a-detrone-les-etats-unis-en-2020-comme-premier-partenaire-commercial-de-l-ue_751147">premier partenaire commercial de l’UE</a> reléguant en deuxième position les États-Unis.</p>
<p>Au-delà, c’est toute l’Asie du Sud-Est qui a connu un développement économique exceptionnel sur la période. Il y a là un vaste ensemble qui pèse pour 30 % du PIB mondial, réuni à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2022 dans la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/31/en-asie-naissance-de-la-plus-vaste-zone-de-libre-echange-du-monde_6107811_3234.html">nouvelle zone de libre-échange asiatique (la <em>Regional Comprehensive Economic Partnership</em> ou RCEP)</a>.</p>
<p>Nouveau développement implique aussi recherche de nouvelles routes. Et ce sont les Européens, plus particulièrement les Allemands, qui ont affrété le <a href="https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/69863">premier train par-delà le continent</a> en 2008, sous la houlette de la Deutsche Bahn, pour l’acheminement de matériel informatique. Suite à la crise de 2009, le projet de pérenniser ce service régulier a été abandonné. Il a finalement été repris en 2011 et a ouvert la voie à de nouvelles routes terrestres soutenues par les acteurs du Benelux et du Nord de l’Europe comme l’ont mis en avant <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01474042/document">nos travaux</a>.</p>
<h2>Cruciales alternatives</h2>
<p>Ce sont ainsi, avant les gouvernements, le marché et les acteurs économiques qui ont poussé en faveur d’une alternative aux modes maritime et aérien. La politique mise en place par le président chinois Xi Jinping à partir de 2013 n’est venue qu’appuyer et amplifier une dynamique déjà en cours.</p>
<p>L’alternative terrestre permet d’économiser sur le temps d’acheminement nécessaire pour rejoindre les ports d’export. Elle s’inscrit dans le plan de rééquilibrage de l’économie chinoise engagée par le gouvernement dans les années 2000 au profit de villes intérieures comme Chongqing, Chengdu (spécialisée dans l’électronique) ou Lanzhou respectivement situées à 1 400, 1 600 et 1 700 km de Shanghai. Ces trois villes qui forment le <a href="https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/l-emergence-du-triangle-de-la-croissance_771640">« triangle de croissance »</a> ont tout intérêt à voir se développer l’axe terrestre qu’il soit ferroviaire ou routier dans un pays où les besoins en transport ont été <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/transport/itf-transport-outlook-2021_16826a30-en">multipliés par 6</a> entre 1995 et 2018.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483816542173208581"}"></div></p>
<p>On comprend alors que la recherche d’alternatives au transport maritime devienne cruciale pour le gouvernement chinois et les acteurs économiques. Ce dernier exerce jusqu’à présent un quasi-monopole sur les échanges eurasiatiques avec <a href="https://fr.sino-shipping.com/commerce-europe-chine/#:%7E:text=Nous%20avons%20consid%C3%A9r%C3%A9%20les%20m%C3%AAmes,elle%20importe%20de%20l%E2%80%99UE28">près de 98 % des marchandises transportée</a>. La solution portuaire se trouve par ailleurs de plus en plus inadaptée face au e-commerce, la logistique en flux tendus et la montée en gamme de la Chine (incarnée par la stratégie <a href="https://www.isemar.fr/wp-content/uploads/2018/05/note-de-synth%C3%A8se-isemar-200-chine-europe.pdf">« made in China 2025 »</a>).</p>
<p>Si l’aérien offre de la vitesse (quelques jours de trajet contre plus de 30 pour la voie maritime), il se trouve fortement pénalisé par son prix élevé en raison de la capacité limitée des avions. Un conteneur se négociait avant la pandémie autour de 3 000 euros par la mer contre plus de 60 000 euros pour l’aérien.</p>
<p>Dans ce contexte, l’offre ferroviaire se distingue à la fois par le prix et le temps : moins d’un mois de transport et un coût d’environ 7 000 euros par conteneur.</p>
<h2>Cinq fois plus d’émissions de CO₂</h2>
<p>Pour autant, le débat persiste sur la viabilité économique du train. Ce prix s’avère en effet moitié moins important que le coût réel en raison des subventions importantes à l’export distribuées par les autorités locales chinoises aux chargeurs. On estime qu’elles étaient de l’ordre de <a href="https://portsetcorridors.com/2021/sitl-routes-de-la-soie/#:%7E:text=De%20gare%20%C3%A0%20gare%2C%20un,actuellement%20%C2%BB%2C%20pr%C3%A9cise%20Xavier%20Wanderpepen">800 millions d’euros en 2021</a>. Leur réduction à venir pourrait tempérer la croissance de l’axe sans l’inverser, avec un <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/ferroviaire/le-trafic-ferroviaire-sur-la-nouvelle-route-de-la-soie-triplerait-dici-2030-668958.php">triplement des flux attendu d’ici à 2030</a>.</p>
<p>Plus étonnant, le transport routier semble également trouver sa place. Il est le plus rapide après l’aérien, la vitesse moyenne pour un camion étant de 60 km/h contre 30 km/h pour le train. Cela représente un gain d’une semaine sur l’ensemble du voyage. Il est aussi le plus agile pour passer les frontières là où le ferroviaire marque des ruptures de parfois plusieurs jours pour transborder les conteneurs, changer de locomotive, etc. Cependant, il ne bénéficie pas des avantages du train en matière de massification et se négocie donc à un prix plus élevé (<a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">environ 15 000 euros par conteneur</a>).</p>
<p>Enfin, l’argument environnemental ne plaide pas nécessairement en faveur du ferroviaire. Le mode maritime se distingue par sa capacité à massifier le transport de conteneurs : <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/21168-des-porte-conteneurs-geants-de-20-000-evp-pour-le-japonais-mol">22 000 sur les plus gros navires</a> contre environ <a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">90 pour un train</a>. Chaque conteneur pouvant contenir 4 000 boites de chaussures, ce sont 88 millions de paires de chaussures qui peuvent être transportées par un navire contre moins de 400 000 pour un train. Cette différence conduit un train à émettre <a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">5 fois plus de CO₂ par tonne transportée</a> qu’un porte-conteneur.</p>
<p>Pour comprendre, il faut savoir que les trains fonctionnent à l’essence sur de larges portions non électrifiées de l’axe eurasiatique. Et lorsqu’ils roulent à l’électricité, c’est le <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/data-products">mix énergétique</a> pour produire l’électricité qui leur est défavorable. 90 % de la production électrique vient des énergies fossiles au Kazakhstan, 60 % en Russie et 68 % en Chine. Et il s’agit là des trois pays principaux traversés.</p>
<p>Dans un souci écologique, il pourrait donc être préférable de limiter le développement de ces nouvelles voies et conserver l’option maritime qui reste finalement la plus frugale en énergie et émissions de CO<sub>2</sub> par tonne transportée. Économie, écologie, géopolitique… le jour où la suprématie du transport maritime se trouvera contestée par le ferroviaire ou la route reste ainsi encore lointain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La saturation des routes maritimes encourage la recherche des voies nouvelles entre l’Europe et l’Asie. Dépendance aux subventions, environnement… Tout ne plaide cependant pas en faveur du train.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755882022-01-26T19:27:37Z2022-01-26T19:27:37ZLa libéralisation du secteur ferroviaire ne devrait pas faire baisser significativement les prix de nos voyages<p>Le 18 décembre dernier, lorsque des passagers ont pu embarquer à Paris dans un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/paris-lyon-trenitalia-nouveau-concurrent-a-grande-vitesse-sur-le-reseau-ferroviaire-francais_4886161.html">train Trenitalia à destination de Lyon</a>, une étape symbolique dans l’ouverture à la concurrence et la fin du monopole historique de la SNCF a été franchie. Et cette actualité n’est pas seule en la matière. À l’automne, sur le réseau TER, <a href="https://www.20minutes.fr/nice/3118527-20210907-paca-ligne-ter-nice-marseille-region-choisit-autre-operateur-sncf">Transdev a devancé la SNCF</a> lors de l’appel d’offres pour l’exploitation de la liaison Nice-Marseille.</p>
<p>Plus discrètement, Railcoop prépare, elle, <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/transports/transports-ces-nouvelles-lignes-de-train-prevues-par-railcoop-dans-l-ouest-27c04db4-6c9d-11ec-9358-fadecc207d8a">l’ouverture de lignes transversales</a>. Après un Lyon-Bordeaux (via, notamment, Montluçon, Guéret et Limoges) prévu pour la fin de l’année, la coopérative a tout récemment obtenu l’autorisation d’engager, à terme, ses rames sur des Nantes-Lille avec 17 arrêts dont Caen et Rouen, des Clermont-Ferrand-Strasbourg ou même des Le Croisic-Bâle.</p>
<p>Ouvrir le rail à la concurrence reste un point de débat assez sensible, chargé de nombreuses peurs et appréhensions quant à leur effet sur les prix et la qualité du service rendu. La Commission européenne y voit, elle, un moyen de réduire les coûts et de <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0144:FIN:fr:PDF">gagner en compétitivité</a>.</p>
<p>Si la littérature académique s’est déjà penchée sur la question, certaines limites doivent encore être dépassées par les chercheurs. Lorsqu’il s’agit d’une étude d’un cas national, peut-on transférer les résultats ailleurs ? Intègre-t-on bien l’évolution de la concurrence issue des autres moyens de transport, avec notamment le fort développement du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01466110">co-voiturage</a> mais aussi de l’aérien low cost ?</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">travaux</a> se sont focalisés sur les trains grandes lignes (de type LGV ou Intercités). Ils ont ainsi tenté d’identifier les effets d’une concurrence intramodale (entre compagnies ferroviaires) et intermodale (entre le rail, et les autres moyens de transport) sur les prix et la fréquence des trains. En nous concentrant sur 90 routes entre métropoles européennes issues de sept pays, nous montrons que l’ouverture à la concurrence, si elle a un impact sur la fréquence des trains, n’engendre qu’un effet faible, voire non significatif, sur les prix, paradoxe que nous tentons de résoudre.</p>
<h2>Pas ou peu d’impact sur les prix</h2>
<p>Parmi les pays retenus pour alimenter notre base de données, on retrouve tant des pays qui font plus que la moyenne européenne en termes d’ouverture à la concurrence du train (l’Italie, la Suède, le Royaume-Uni et l’Allemagne) que d’autres qui se situent en dessous (la France, la Suisse, les Pays-Bas). En raison de son modèle particulier, nous avons réalisé des calculs avec et sans le Royaume-Uni pour vérifier que les résultats ne s’en trouvaient pas biaisés.</p>
<p>Les données utilisées ont été collectées le mardi 12 décembre 2017, une journée relativement standard. Différentes variables sont mobilisées pour expliquer les fréquences ce jour-ci et les prix (exprimés en parité de pouvoir d’achat pour les rendre comparables d’un pays à l’autre). Certaines concernent le trajet (la distance entre les villes, la vitesse du train), d’autres saisissent des caractéristiques macroéconomiques (le PIB et la population des villes). On intègre également des variables qui valent 1 ou zéro selon si le trajet peut ou non être effectué en avion, en car ou en co-voiturage. Enfin, une dernière variable (fondée sur l’indice d’Herfindahl-Hirschman) capte, elle, le degré de concurrence interne au marché ferroviaire sur le sillon concerné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483341784633778178"}"></div></p>
<p>Pour ce qui est des prix, nos résultats montrent qu’ils s’avèrent surtout sensibles au PIB et à la distance. Toutes choses égales par ailleurs, une hausse de 1 % du PIB conduit à une hausse des prix de 0,8 %. Elle est de 0,55 % quand la distance augmente de 1 %. Il apparaît surtout que la concurrence intramodale, entre compagnies ferroviaires, n’a pas d’impact significatif.</p>
<p>Celle-ci en a toutefois un sur la fréquence : plus les acteurs sont nombreux, plus il y a de trains proposés. La concurrence de la route ou de l’aérien semble, elle, influencer davantage les prix des trains (à la baisse) que leur fréquence, avec des résultats moins robustes néanmoins.</p>
<h2>Un paradoxe ?</h2>
<p>La hausse de la fréquence des trains avec une ouverture du marché ferroviaire à la concurrence semble <a href="https://www.jstor.org/stable/20053792">théoriquement</a> logique puisque plusieurs acteurs se mettent à assurer un service auparavant proposé par un seul. On pourrait en revanche attendre des prix qu’ils diminuent significativement, l’arrivée de nouveaux concurrents poussant l’opérateur historique à réduire ses marges pour conserver la clientèle.</p>
<p>Comment expliquer que nos résultats ne confirment pas empiriquement cette prédiction sur les prix ? Lorsque plusieurs opérateurs se partagent un sillon ferroviaire, ils ne sont généralement pas plus de deux. Le régulateur européen (IRG-Rail) ne relève d’ailleurs <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">pas plus de 25 %</a> de part de marché pour de nouveaux opérateurs sur les trajets longue distance là où le marché est le plus ouvert (Suède, Italie, Allemagne). C’est ici un modèle économique particulier de duopole qui entre en jeu.</p>
<p>Dans la majorité des cas, avec la mise en concurrence, on retrouve un opérateur historique et un nouvel arrivant. Le premier conserve, au moins dans un premier temps, un avantage sur le second. Il bénéficie de la rente issue de son monopole passé quand son rival doit encore trouver une forme de rentabilité. Le concurrent n’a donc pas vraiment intérêt à mener immédiatement une guerre par les prix et à s’attaquer à la rente de l’acteur historique. Il peut en effet lui-même en bénéficier au moment de se lancer.</p>
<p>Il faut aussi tenir compte de facteurs externes comme le prix des péages à verser au gestionnaire de l’infrastructure et le niveau de saturation de ces dernières. Il est ainsi difficile pour un nouvel arrivant de remettre en cause les anciens modèles économiques en ce qui concerne la gestion des coûts. C’est donc davantage sur la qualité de service qu’il peut faire la différence.</p>
<p>Un « big bang » sur les prix est donc peu probable au moment de libéraliser les marchés ferroviaires. La hausse du nombre de trains quotidiens que l’opération pourrait induire questionne en revanche la gestion de l’infrastructure, plus sollicitée, suggérant des besoins d’investissements nouveaux.</p>
<p>Quelques éléments nous invitent cependant à rester prudents à ce stade et motivent des recherches en cours, notamment pour mieux appréhender l’effet prix. Ceux-ci restent en effet d’une grande variabilité en raison de ce que l’on appelle le <em>yield management</em> : faire varier les prix en fonction du comportement de la demande. Autrement dit, optimiser le chiffre d’affaires en fonction du niveau de remplissage des trains. Des incertitudes persistent donc sur la capacité des modèles à le traiter correctement. Une modélisation plus poussée reposant sur des bases de données plus riches est actuellement en cours de développement. Les résultats préliminaires ne semblent pas remettre en cause nos précédents travaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arrivée de nouveaux concurrents sur les grandes lignes devrait en théorie pousser l’opérateur historique à réduire ses marges pour conserver la clientèle. La réalité semble cependant plus nuancée.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696632021-10-21T21:11:35Z2021-10-21T21:11:35ZComment l’Orient-Express traverse le cinéma et la littérature<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426243/original/file-20211013-15-5a6dm0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">orient express</span> </figcaption></figure><p>Cent vingt-six ans. Tel est l’âge de l’Orient-Express lorsqu’il s’éteint sur son ultime parcours de Strasbourg à Vienne le 12 décembre 2009, après être né, le 4 octobre 1883, d’un premier voyage de Paris gare de l’est à Giurgiu (en Roumanie). Près d’une décennie après sa disparition, le train mythique fascine toujours, comme en atteste le franc succès au box-office du film de Kenneth Branagh, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=i6cwPGPh61g"><em>Le Crime de l’Orient-Express</em></a> (2017) ou encore les expositions et reconstitutions européennes. L’évolution constante de l’Orient-Express entre 1883 et 2009 en fait un espace collectif variable, voire insaisissable : songer à l’Orient-Express ne consiste pas uniquement à découvrir des lieux, des paysages et des nations inconnus, mais également à se plonger dans des époques révolues (la fin de siècle, les guerres mondiales, l’entre-deux-guerres, etc.).</p>
<p>Ce ne sont pas seulement ses sièges, ses couchettes, sa vitesse, ses itinéraires ou encore ses odeurs que l’on soumit à moult altérations, mais également sa fonction et son symbolisme, national comme international. Le tout premier mythe ne consiste-t-il pas à croire que l’Orient-Express désigne un seul et même train plutôt qu’un trajet entre une partie l’Europe occidentale, voire septentrionale (avec l’Angleterre) et une partie de l’Europe orientale et méridionale (Istanbul) ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427747/original/file-20211021-25-xutwgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le train de légende a cessé de circuler en 2009.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://timesofindia.indiatimes.com/travel/destinations/murder-on-the-orient-express-and-the-tale-of-amazing-destinations-therein/as61691099.cms">Orient-Express</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les multiples métamorphoses de l’Orient-Express en font un mythe abstrait : associé au voyage, il incarne les diverses mentalités d’une Europe culturellement hétérogène, voire en proie à des conflits internationaux où vainqueurs et vaincus entretiennent une relation de domination sociopolitique. Témoin des guerres mondiales et emblème de triomphe ou de défaite, de richesse ou d’indigence (étant régi par un système de classes), objet de fantasme littéraire puis cinématographique, l’Orient-Express ne désigne pas un seul espace de voyage collectif cohérent, mais un ensemble de visions qui se croisent. Les artistes de l’Orient-Express, quant à eux, oscillent entre un portrait tantôt réaliste, tantôt chimérique du train surnommé plus tard <a href="https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2017-1-page-133.htm">« monstre bienfaisant »</a> (Alexandre Hepp).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427752/original/file-20211021-15-7o50je.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Orient-Express désigne plusieurs trains et plusieurs lignes.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Luxe, raffinement et célébration artistique de l’Orient-Express</h2>
<p>Inspiré des <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-de-leco/les-nouvelles-de-leco-du-lundi-05-mars-2018">trains américains Pullman</a>, alors dotés de couchettes, l’Orient-Express offre d’emblée à ses passagers aisés la possibilité de se déplacer sur de longues distances tout en se délectant d’un confort et d’un luxe sans parangon. En guise de commodités, l’eau chaude, le chauffage (« excessif » selon les personnages d’Agatha Christie) et l’éclairage procurent une sensation d’abondance appréciable, étayée de surcroît par de fastueux matériaux décoratifs : on y bénéficie de soie pour les draps, de marbre pour les lieux d’aisances et de cristal ou d’argent pour le service de tables. </p>
<p>C’est précisément cette opulence qu’inspire le train à Ian Fleming pour son roman <a href="https://gutenberg.ca/ebooks/flemingi-fromrussiawithlove/flemingi-fromrussiawithlove-00-h.html"><em>Bons baisers de Russie</em></a> (1957), où les évocations orientalistes et le choix d’y placer deux scènes d’amour entrecoupées d’une seule scène d’action trouvent un écho dans l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=JELm6NkF7yY">adaptation cinématographique de Terrence Young</a> (1963), deuxième opus de la saga James Bond. Dans les deux œuvres, sur un trajet Istanbul-Paris, ce sont les couchettes de l’Orient-Express, espace privé, qui se transforment en salon de beauté et où se tiennent deux scènes de badinage entre l’agent 007 et Tatiana Romanova, ancien agent du KGB interprété par l’actrice <a href="https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=72873.html">Daniela Bianchi</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427749/original/file-20211021-13-1xrtcyy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un personnage à part entière dans <em>Bons baisers de Russie</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fenetresurecran.wordpress.com/2014/06/25/critique-et-analyse-bons-baisers-de-russie/">Fenêtre sur écran</a></span>
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</figure>
<p>Concernant l’aspect extérieur du train, <a href="https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=5192.html">Terrence Young</a> opte tantôt pour de gros plans, tantôt pour des perspectives plus panoramiques, deux procédés opposés à l’issue desquels le grand James Bond, alias <a href="https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=1541.html">Sean Connery</a>, occupe à l’écran une place dérisoire, comme éclipsé par la taille démesurée du train. C’est précisément ce confort et la sélectivité des passagers qui font de l’Orient-Express bien plus qu’un simple train, d’où son surnom : « le roi des trains, le train des rois ».</p>
<h2>L’Orient-Express dans la littérature : d’objet à sujet</h2>
<p>D’abord célébré par les décadents comme le triomphe de l’artifice sur la nature, comme la victoire de la mécanique sur l’organique, le train est, peu à peu, traité comme un sujet à part entière, lequel est animé de diverses ambiances, d’affects, d’ingestions et d’excrétions (combustible, fumée, sanitaires, etc.). Dans son roman <a href="https://www.gutenberg.org/cache/epub/56149/pg56149-images.html"><em>A rebours</em></a> (1884), paru un an après l’inauguration de l’Orient-Express, l’écrivain et critique d’art Joris-Karl Huysmans <a href="https://www.gutenberg.org/files/56149/56149-h/56149-h.htm">compare l’homme à Dieu</a> en précisant que la création d’une locomotive transcende ou égale la création de la femme :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’est certainement pas, parmi les frêles beautés blondes et les majestueuses beautés brunes, de pareils types de sveltesse délicate et de terrifiante force ; à coup sûr, on peut le dire : l’homme a fait, dans son genre, aussi bien que le Dieu auquel il croit. »</p>
</blockquote>
<p>Bien des auteurs se plaisent à dresser le portrait d’un train vivant sous les traits organiques d’un sujet, animé par des pulsions de vie et de mort. Dans son roman de 1957, Ian Fleming décrit l’Orient-Express comme « l’unique train doté de vie » en gare d’Istanbul, les autres étant qualifiés de divers suffixes privatifs, et précise que son arrêt correspond à « la mort d’un dragon souffrant d’asthme ».</p>
<p>Espace animé par la mobilité autant que par une mutabilité constante où se succèdent entrées et sorties, le train est susceptible de manifester divers symptômes : pannes, crimes, interruptions du fait d’une Nature indomptable, etc. Quant à son inlassable mouvement binaire (marche/arrêt), il reflète le cycle de l’existence, des saisons et des batailles européennes. C’est pourquoi bien des passagers aisés, voire illustres, rêvent de monter à bord de ce microcosme socioculturel.</p>
<h2>L’Orient-Express : le train des célébrités</h2>
<p>En 2020, <a href="https://madame.lefigaro.fr/personnalite/kate-moss-1">Kate Moss</a> et <a href="https://www.voici.fr/bios-people/emma-bunton">Baby Spice</a> partagent sur Instagram leur expérience à bord de l’Orient-Express (ou plutôt sa version VSOE, le Venise-Simplon-Orient-Express), prolongeant une coutume datant des premiers voyages du train, qui devient, dès 1883, prisé par les célébrités les plus appréciées.</p>
<p>Dès ses débuts, la renommée de l’Orient-Express est immédiate, <a href="https://www.histoire-des-belges.be/quelques-celebrites-belges/georges-nagelmackers">Georges Nagelmackers</a> ne s’étant pas uniquement limité à la seule conception du train, mais également à son rayonnement, par le truchement d’une presse dithyrambique, notamment sous la plume de Georges Boyer, envoyé spécial pour <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/12/12/26010-20171212ARTFIG00235-en-1883-l-emerveillement-du-journaliste-du-figaro-a-bord-de-l-orient-express.php"><em>Le Figaro</em></a>, de son symbolisme déjà mythique, ou plutôt mythifié par la présence de ses passagers aux fonctions illustres (la plupart originaire de l’ouest de l’Europe : journalistes, hommes d’affaires, ingénieurs, diplomates, militaires, ecclésiastiques, journalistes, artistes, hommes de lettres ou de sciences, etc.) et surtout de personnalités influentes et célèbres : Lawrence d’Arabie et Mata Hari, associés à la découverte et au mystère ; le roi Ferdinand de Bulgarie ; l’actrice américaine Marlene Dietrich ; ou encore les écrivains Léon Tolstoï, Joseph Kessel, Ernest Hemingway et Agatha Christie, qui y rencontre son futur époux et trouve l’inspiration pour son roman non moins mythique, nommément, <a href="https://archive.org/details/MurderOnTheOrientExpress_201803"><em>Le Crime de l’Orient-Express</em></a> (1934).</p>
<p>Inspiré d’un crime et d’une interruption en Turquie, du fait d’un blizzard, des services du Simplon-Orient-Express, ce train de la victoire conçu par les Alliés victorieux de 1919, qui est en réalité une imitation de l’Orient-Express original. C’est précisément ce beau monde que rassemble Kenneth Branagh dans son adaptation de 2017, film dont le casting époustouflant (Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Penélope Cruz, Judi Dench, Willem Dafoe, etc.) reflète, somme toute, les personnalités influentes à bord de l’Orient-Express à l’époque d’Agatha Christie.</p>
<h2>Multilinguisme et transnationalisme</h2>
<p>Le multilinguisme des personnages dans les œuvres littéraires et cinématographiques se déroulant à bord de l’Orient-Express étaye la vision d’un train aussi mobile que l’identité de ses passagers européens de l’Est et de l’Ouest, qui franchissent les frontières spatiales, linguistiques et socioculturelles du continent d’Istanbul jusqu’à Calais – d’où, peut-être, les prémices d’un transnationalisme (échanges socio-économiques entre les Européens) aussi bien à bord du train mythique qu’au sein des romans de l’Orient-Express, dont la graphie reflète la diversité de l’Europe de l’entre-deux-guerres. </p>
<p>Dans le roman d’Agatha Christie, il s’agit des sonorités arabophones évoquées à Alep ou encore des idiosyncrasies de l’intonation italienne (« That whatta I say alla de time »). Hercule Poirot n’est-il pas lui-même, dans l’excipit (les dernières lignes du roman), transformé par ces échanges au même titre que les personnages de <em>Bons baisers de Russie</em> ? Relativement fidèle au roman dont elle s’inspire, l’adaptation cinématographique de Branagh se conclut avec une décision inattendue du célèbre détective sherlockien, dont la morale et l’humanité ont été profondément ébranlées à bord de l’Orient-Express.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VtXpcwWdqlo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le roman de Ian Fleming insiste tout autant sur la « fusion » opérée entre deux personnages pourtant « antagonistes », l’un (l’agent britannique James Bond) appartenant au bloc de l’Ouest ; et l’autre (l’agent russe Tatiana), au bloc de l’Est. Le sentiment d’amour (« l’extraordinaire fusion de leurs yeux et de leur corps ») unissant les deux agents initialement ennemis reflète ainsi la porosité des frontières internationales à bord du train, où chaque passager peut être influencé par plusieurs cultures étrangères.</p>
<p>Après l’avoir fantasmé à travers les films et la littérature, les amateurs du train de luxe peuvent aussi le découvrir en montant à bord, ou par le truchement d’expositions.</p>
<h2>Orient-Express et actualité</h2>
<p>Une visite à bord de l’un des mythes de l’Orient-Express, nommément, le <a href="https://www.traindeluxe.com/trains/28-venice-simplon-orient-express?gclid=Cj0KCQjwwNWKBhDAARIsAJ8HkhcvbFHQKxtm2e3zm7Hmu6Jn6y8vEgDytQ7I_2D-Lq5nLf19P9zU1acaAtMeEALw_wcB">Venice Simplon-Orient-Express</a> (VSOE), est encore possible aujourd’hui : environ une fois par semaine entre mars et novembre, il est envisageable pour les amateurs du train de devenir passagers, moyennant la modique somme de 2765 euros entre Paris et Venise, repas compris. Ils sauront alors apprécier le travail de reconstitution des fourgons, des sièges et en particulier des toilettes.</p>
<p>La SNCF, quant à elle, disposant d’un train composé de sept voitures restaurées et arborant un style Art déco, propose des voyages privatisés, à titre exceptionnel, et partage son goût du patrimoine ferroviaire dans ses <a href="http://openarchives.sncf.com/">archives</a>.</p>
<p>Pour celles et ceux qui n’auraient pas fait partie de ses 300 000 visiteurs, l’exposition parisienne proposée à l’Institut du Monde Arabe en 2014 (<a href="https://www.imarabe.org/fr/expositions/il-etait-une-fois-l-orient-express">« Il était une fois l’Orient-Express »</a>) a, depuis décembre 2020 et jusqu’en janvier 2022, changé de destination : c’est à <a href="https://www.gardensbythebay.com.sg/en/things-to-do/calendar-of-events/orientexpress.html">Singapour</a> que les amateurs de l’Orient-Express pourront apprécier son luxe, et ce, en dépit de la crise sanitaire. </p>
<p>Après Paris et Singapour, qui marquent ainsi le début d’une série d’expositions sur l’Orient-Express (coorganisées par Visionairs in Art, Orient-Express et l’Institut du Monde Arabe), il reviendra à la Chine puis à Venise d’accueillir le « roi » de plus de 200 tonnes. Pour qui le voyage intérieur est préférable, bien des lectures sont disponibles, en particulier <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb453675360"><em>L’Orient-Express. Du voyage extraordinaire aux illusions perdues</em></a> (avril 2021, 650 pages), riche anthologie de Blanche El Gammal mêlant récits littéraires, archives et essais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Sitayeb ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les multiples métamorphoses de l’Orient-Express en font un mythe abstrait : associé au voyage, il incarne les diverses mentalités d’une Europe culturellement hétérogène.Stéphane Sitayeb, Professeur agrégé et Docteur en littérature anglaise, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594982021-05-06T18:23:39Z2021-05-06T18:23:39Z« Retour sur… » : Fret ferroviaire, la France va-t-elle manquer le train ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396486/original/file-20210422-15-3t88ph.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4956%2C2917&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, 90&nbsp;% des marchandises transportées par train le sont via des lignes alimentées par de l’énergie décarbonée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/container-freight-train-cloudy-sky-1077721433">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em><strong>« Retour sur… »</strong>, un podcast pour décrypter l’actualité avec les expert·e·s.</em></p>
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<p>En septembre dernier, le gouvernement français présentait un plan de relance dans lequel étaient prévus 4,7 milliards d’euros pour la relance des échanges de marchandises par voie ferrée : le fret ferroviaire. L’impact environnemental réduit de ce moyen de transport par rapport à d’autres pourrait permettre de contribuer à une relance verte.</p>
<p>Mais ce montant suffit-il pour développer ce mode de transport plus écologique ? Comment cela va-t-il impacter le réseau ferroviaire français ? Éléments de réponse avec Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine.</p>
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<p><em>Retrouvez l’article de Patrice Geoffron « Sortir de la crise sanitaire par une relance verte : une bonne affaire économique ! » dans le <a href="https://dauphine.psl.eu/fileadmin/mediatheque/recherche_et_valo/publications/Covid-19__Regards_croise__s_sur_la_crise.pdf">livre blanc</a> de l’Université Paris-Dauphine « Covid-19 : regards croisés sur la crise ».</em></p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af1d942a1b65a0f451f54/60924c8fcbde607346c0cf7e?cover=true" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-568" class="tc-infographic" height="100/" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/568/ac06534b333315ddae980998d5cd8263464b2501/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<p><em>Conception, Thibault Lieurade. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le gouvernement a alloué une part du plan de la relance au développement des échanges de marchandises par voie ferrée. Mais l’effort est-il à la hauteur des enjeux ?Patrice Geoffron, Professeur d'Economie, Université Paris Dauphine – PSLThibault Lieurade, Chef de rubrique Économie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1567082021-03-17T16:17:39Z2021-03-17T16:17:39ZREM de l’Est : les experts mis de côté et les bonnes pratiques évacuées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389892/original/file-20210316-24-xawnee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1200%2C838&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les voitures du Réseau express métropolitain (REM) sont sorties pour la première fois sur les rails de la Rive-Sud, à proximité de la station Brossard, le 18 décembre 2020, au moment même où la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) annonçait le projet du REM de l'Est.</span> <span class="attribution"><span class="source">CDPQ Infra (domaine public)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’annonce du projet de <a href="https://rem.info/fr">Réseau express métropolitain (REM)</a> dans l’est de Montréal en décembre dernier, de <a href="https://plus.lapresse.ca/screens/13351c28-7b82-420a-96ac-ea45d7d34a5f__7C___0.html">nombreuses voix se font entendre</a>. Processus bâclé pour les uns, moindre mal pour les autres, le projet du REM de l’Est ne laisse pas indifférent.</p>
<p>Certaines voix se sont élevées pour <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1775614/analyse-transport-commun-michel-c-auger-midi-info">dénoncer un processus mené à l’envers et, ensuite, pour encourager le gouvernement à remettre le projet sur les rails dans le bon sens</a>. D’autres, plus enthousiastes, ont encouragé sa réalisation rapide, malgré ses faiblesses, arguant qu’au moins le gouvernement et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) investissaient massivement dans les transports collectifs.</p>
<p>Face au besoin d’équiper mieux ce territoire en transport durable, ces partisans du REM préfèrent donc tenir que courir, répétant parfois que <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2021-02-24/enfouissement-du-rem-au-centre-ville/montreal-pret-a-prendre-un-bon-niveau-de-risque.php">« le mieux est l’ennemi du bien »</a>.</p>
<h2>Où sont les experts ?</h2>
<p>Cependant, ce projet évite tout débat, qui convierait des experts des transports et acteurs responsables de la gestion du territoire montréalais. <a href="https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-02-24/rem-de-l-est/gouvernance-et-planification-defaillantes.php">La planification et la gouvernance défaillantes du projet</a> font l’impasse sur la production d’un diagnostic partagé pour déterminer précisément les besoins de mobilité locale des populations ou encore les enjeux d’insertion du projet dans les milieux de vie.</p>
<p>Aucune autre solution alternative au train léger n’est considérée pour répondre efficacement aux enjeux de l’est de Montréal. Un diagnostic devrait être la première étape pour choisir le mode de transport optimal pour un territoire et la population qui y vit. Et, dans un contexte de crise climatique, le bât blesse.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a permis d’affirmer <a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-relations-entre-politiciens-et-scientifiques-127387">l’importance cruciale des connaissances scientifiques dans la gestion de la crise et la prise de décision publique afin de sauver des vies</a>. Face à la crise écologique que nous affrontons, et dont les impacts sur la santé des populations seront majeurs, la science devrait guider la prise de décision publique dans le domaine des transports. Or avec le REM, le gouvernement semble pour le moment faire la sourde oreille aux savoirs des scientifiques dans ce domaine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-relations-entre-politiciens-et-scientifiques-127387">De l'importance des relations entre politiciens et scientifiques</a>
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<p>Depuis 17 ans, nos travaux de recherche examinent les politiques susceptibles de contribuer à instaurer des conditions efficaces de mobilité urbaine plus durable dans les métropoles canadiennes. Dans cette perspective, nos recherches au sein de la <a href="https://chaireinsitu.esg.uqam.ca/">Chaire In.SITU</a> portent sur les défis à surmonter et les solutions à développer pour une action collective efficace dans le domaine des transports durables, notamment à Montréal. Elles analysent entre autres les processus décisionnels à mobiliser pour y parvenir.</p>
<h2>Un train léger « hors sol »</h2>
<p>Le projet de <a href="https://rem.info/fr">REM</a> <a href="https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/transport/la-phase-2-du-rem-devoilee/621933"></a> pour desservir l’est de Montréal est élaboré actuellement en dehors des institutions responsables des transports pour la région de Montréal. Le gouvernement du Québec a donné de nouveau carte blanche à la CDPQ Infra, filiale de la CDPQ responsable des infrastructures, pour implanter un corridor aérien dédié à la circulation d’un train léger automatique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389898/original/file-20210316-15-oqkq4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les sept connexions du REM de l’Est avec les réseaux de transport de Montréal. Le REM de l’Est est présenté par la ligne bleue qui se termine par des pointillés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CDPQ Infra (domaine public)</span></span>
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<p>Les caractéristiques de ce « REM 2 » pour l’est sont identiques à celles du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/777439/caisse-depot-systeme-leger-rails-montreal">REM 1</a> en cours de construction pour desservir une partie de la rive sud, l’ouest de l’Île et l’aéroport, et remplacer la ligne de train de banlieue de Deux-Montagnes, au nord. Et comme pour ce premier réseau, le promoteur ne propose aucune alternative pour convaincre que cette solution est la plus optimale pour améliorer la mobilité des populations, l’accessibilité aux activités implantées au sein de ce vaste territoire, et pour répondre aux défis de la transition climatique.</p>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1993_num_22_3_3209">Or tous les projets de transport collectif (TC) ne se valent pas et ne sont pas non plus vertueux par nature</a>. La seule réalisation d’une infrastructure de transport n’améliore pas automatiquement la qualité de vie d’un territoire. Bien que des effets dits « structurants » soient fortement souhaités lors des projets de TC (développement immobilier, amélioration de l’accès de tous aux activités, réduction de l’usage de la voiture), ceux-ci ne sont pas automatiques ou spontanés.</p>
<p>Au contraire, ils supposent de l’anticipation, des connaissances fines du territoire, des arbitrages et une planification collaborative. Imposer ainsi un mode de transport, sans transparence ni débat, soulève des doutes légitimes sur la pertinence même de l’offre, comme si les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1012060/rapport-bape-critiques-reseau-electrique-metropolitain-rem">leçons du REM 1</a> n’avaient pas été tirées à cet égard.</p>
<h2>La rentabilité prime</h2>
<p>Dans la métropole montréalaise, l’<a href="https://www.artm.quebec/">Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM)</a> et la <a href="https://cmm.qc.ca/">Communauté métropolitaine de Montréal (CMM)</a>, mais aussi les <a href="https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/entreprises-partenaires/municipalites/Pages/municipalites.aspx">municipalités</a>, sont responsables de la planification et de la mise en œuvre des transports. Or le gouvernement leur nie ces compétences et cette expertise en mandatant la CDPQ infra pour concevoir et réaliser le REM de l’Est.</p>
<p>En jouant en dehors des cadres institutionnels et de l’expertise des acteurs clés, le risque est grand de réaliser un projet « hors sol » et d’affaiblir dans la foulée les stratégies que ces acteurs mettent en œuvre actuellement pour le futur de leur territoire et de leur population.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vaut-mieux-commencer-par-electrifier-les-camions-et-les-autobus-que-les-voitures-143733">Vaut mieux commencer par électrifier les camions et les autobus que les voitures</a>
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<p>Par ailleurs, la CDPQ Infra impose un SLR (système léger sur rail) automatique, sans discuter des options alternatives, qui pourraient satisfaire tout aussi bien, voire mieux, les besoins de mobilité des populations. Elle ne démontre pas non plus en quoi ce mode est plus avantageux que d’autres, pour justifier davantage l’option offerte.</p>
<p>À ce titre, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec rappelle pourtant <a href="https://www.environnement.gouv.qc.ca/evaluations/directive-etude-impact/transport-collectif.pdf">explicitement</a> l’importance d’une <a href="https://www.environnement.gouv.qc.ca/evaluations/publicat.htm">évaluation multicritères</a> et a priori des projets de transport en commun (TC).</p>
<p>Les processus d’évaluation a priori des projets de TC relèvent d’ailleurs de méthodes normées dans la plupart des provinces au Canada. Et la production, en amont, de scénarios faisant varier les tracés et les modes de transport possibles en fonction des prévisions de la demande actuelle et future, mais aussi des opportunités de développement urbain, est une méthode éprouvée pour prendre une décision éclairée dans ce domaine.</p>
<p>Mais le choix du REM 2 est essentiellement fondé sur un modèle de rentabilité économique des investissements du promoteur, et non sur un diagnostic des besoins de déplacement ou encore d’une modélisation d’options potentielles.</p>
<h2>L’importance des données probantes</h2>
<p>Même s’il est largement admis aujourd’hui que la voiture ne doit plus être priorisée dans le marché des transports urbains, n’importe quel mode de transport collectif ne fait pas pour autant l’affaire pour la remplacer avantageusement. En fait, aucun mode de transport n’est bon ou mauvais a priori, car tout est une question de contexte d’accueil et de méthode pour en évaluer la performance. Et cette performance n’est pas seulement liée au nombre de personnes que le mode de transport peut déplacer ou au temps de parcours.</p>
<p>La performance du transport collectif est également liée à ses conditions d’accès, donc à l’aménagement du territoire et des milieux de vie environnants, au coût de son utilisation ou aux lieux que les utilisateurs doivent rejoindre. La performance est aussi à évaluer du point de vue des coûts de réalisation et d’exploitation à long terme pour la collectivité. Enfin, un mode pourra être jugé performant au regard des priorités que se sont fixées les acteurs locaux.</p>
<p>De ces différents points de vue complémentaires, il ressort que les exercices de <a href="https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/ministere/Planification-transports/modeles-transport/Pages/modeles-transport-urbain-personnes.aspx">modélisation</a>, les analyses de type coûts-bénéfices et les études d’impacts a priori appliquées à différents scénarios sont des <a href="https://www.ifsttar.fr/fileadmin/user_upload/editions/inrets/Recherches/Rapport_INRETS_R193.pdf">méthodes utiles et nécessaires</a>.</p>
<p>Fondées sur des données probantes, elles établissent des cadres de références pour arbitrer des décisions qui intégreront de multiples variables (sociales, économiques, politiques). De tels choix de société seront alors clairement justifiés, de manière transparente et responsable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156708/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Paulhiac Scherrer est titulaire de la Chaire de recherche Internationale sur les usages et pratiques de la Ville intelligente (ESG UQAM), financée par la Ville de Montréal et l'arrondissement Rosemont-Petite-Patrie</span></em></p>Face à la crise écologique que nous affrontons, et dont les impacts sur la santé des populations seront majeurs, la science devrait guider la prise de décision publique dans le domaine des transports.Florence Paulhiac Scherrer, Professeure Titulaire en études urbaines, et directrice de la Chaire internationale sur les usages et pratiques de la Ville Intelligente (ESG UQAM), Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1531662021-03-15T18:01:53Z2021-03-15T18:01:53ZComment le chemin de fer a conquis la France<p>La demande de billets de train a été telle cet été que la SNCF et ses concurrents ont dû <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/04/la-sncf-augmente-son-offre-pour-l-ete-2023-devant-l-afflux-de-voyageurs_6180508_3234.html">augmenter leur offre</a>. Début juillet, les transporteurs avaient déjà enregistré plus de 10% de réservation en plus par rapport à l'été 2022 et 15% en comparaison avec 2019. Très attachés au train, les Français semblent privilégier ce mode de transport, en dépit de la crise sanitaire et économique.</p>
<p>Présent depuis bientôt deux siècles (voir chronologie), le train a joué un rôle majeur dans la construction de la France contemporaine. Comme le train transcontinental américain a soutenu la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02098127">conquête de l’Ouest</a>, le chemin de fer a contribué à l’intégration territoriale de la France – citons notamment le plan Freycinet.</p>
<p>Moteur dans la deuxième révolution industrielle, le chemin de fer a accru la mobilité des capitaux, des marchandises et des hommes. Le train reconfigure profondément les relations de l’homme à l’espace et au temps. Contribuant à <a href="https://www.jstor.org/stable/2779401?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’essor des fuseaux horaires modernes</a>, le chemin de fer démocratise le transport de longue distance. Innovation technique, le train est également une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=scSNMr7KDnk">innovation</a> sociale ; ainsi, pour Thomas Cook (notre traduction), cité par son <a href="https://www.abebooks.fr/9780436199936/Thomas-Cook-150-Years-Popular-0436199939/plp">biographe</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Voyager en train, c’est voyager pour les masses ; les humbles peuvent voyager, les riches peuvent voyager… Voyager en train, c’est jouir de la liberté républicaine et de la sécurité monarchique. »</p>
</blockquote>
<p>Un siècle plus tard, quelle est, en France, la place du train, dans le contexte de l’essor des voyages ?</p>
<h2>L’essor du trafic ferroviaire depuis le XIXᵉ siècle</h2>
<p>Le chemin de fer ne cesse de renforcer sa place dans les habitudes de déplacement des Français ; de 1841 à 2018, on passe de 6,33 millions à 1,2 milliard de voyageurs. Ici, un voyageur transporté correspond à une personne physique transportée sur tout ou partie d’un trajet.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de voyageurs (en millions) et de voyageurs-kilomètres (en milliards) de 1841 à 2018. Légende : échelle de gauche, voyageurs ; échelle de droite, voyageurs-kilomètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données de la SNCF</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette croissance est interrompue seulement par quelques événements exceptionnels, de plus ou moins grande ampleur : krach de la bourse de Paris (1882), guerres mondiales et <a href="https://data.sncf.com/explore/dataset/mouvements-sociaux-depuis-1947/table/?sort=journees_perdues&dataChart=eyJ0aW1lc2NhbGUiOiJ5ZWFyIiwicXVlcmllcyI6W3sieEF4aXMiOiJkYXRlIiwic29ydCI6IiIsIm1heHBvaW50cyI6IiIsImNoYXJ0cyI6W3sieUF4aXMiOiJqb3VybmVlc19wZXJkdWVzIiwiZnVuYyI6IkNPVU5UIiwiY29sb3IiOiIjQTEwMDZCIiwidHlwZSI6ImFyZWFyYW5nZSIsInNjaWVudGlmaWNEaXNwbGF5Ijp0cnVlLCJwb3NpdGlvbiI6ImNlbnRlciIsImNoYXJ0cyI6W3siZnVuYyI6Ik1JTiIsInlBeGlzIjoiam91cm5lZXNfcGVyZHVlcyJ9LHsiZnVuYyI6Ik1BWCIsInlBeGlzIjoiam91cm5lZXNfcGVyZHVlcyJ9XX1dLCJ0aW1lc2NhbGUiOiJ5ZWFyIiwiY29uZmlnIjp7ImRhdGFzZXQiOiJtb3V2ZW1lbnRzLXNvY2lhdXgtZGVwdWlzLTE5NDciLCJvcHRpb25zIjp7InNvcnQiOiJkYXRlIn19LCJzZXJpZXNCcmVha2Rvd24iOiIiLCJzZXJpZXNCcmVha2Rvd25UaW1lc2NhbGUiOiIifV0sImRpc3BsYXlMZWdlbmQiOnRydWUsImFsaWduTW9udGgiOnRydWV9">grèves</a> (1947, 1968, 1995 et 2018).</p>
<p>Plus précisément, trois sous-périodes se distinguent : de 1841 à 1910, la croissance est très soutenue, de 1915 à 1950, les évolutions sont erratiques et depuis 1950, le développement du trafic est stable, freiné uniquement à quelques périodes.</p>
<figure><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/Railway_map_of_France_-_animated_-_fr_-_medium.gif"><figcaption>Le développement du chemin de fer en France.</figcaption></figure>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zBl0BpUnOHM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment la France est devenue un pays de train.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette croissance est plus forte encore, lorsque l’on compare les voyageurs-kilomètres. Précisons que le voyageur-kilomètre est une unité de mesure qui équivaut au transport d’un voyageur sur une distance d’un kilomètre.</p>
<p>De 1841 à 2018, le trafic passe de 111 millions à 91,5 milliards de voyageurs-kilomètres, soit une multiplication par 800, témoignant d’un allongement du réseau ainsi que des distances parcourues.</p>
<p>Cette augmentation n’est pas simplement due à la croissance démographique. En 1841, 36 millions de Français effectuaient 6,3 millions de voyages, soit une moyenne de 0,18 voyage par habitant. En 2018, cette statistique passe à 19 voyages par habitant.</p>
<h2>La reconfiguration du réseau</h2>
<p>Cette multiplication des voyages s’explique par les évolutions du réseau ferroviaire. Si le réseau de chemin de fer s’étend jusque dans les années 1930, soutenu par les dessertes locales, on observe une contraction du réseau ferroviaire dès lors, diminution non compensée par le développement des lignes à grande vitesse depuis les années 1980 (voir figure 2).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Evolution de la distance du réseau ferroviaire en France de 1860 à 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Françoise Bahoken, Martin Koning, Christophe Mimeur, Carlos Olarte-Bacares, Thomas Thévenin, 2016, « Les temps de parcours interurbains en France : Une analyse géo-historique », Transports : Economie, politique, société, pp.17-25</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le réseau ferré a connu des évolutions historiques majeures. De la naissance du trafic voyageur avec la ligne Paris Saint-Germain-en-Laye en 1837 (voir chronologie), le réseau a d’abord été octroyé à six grandes compagnies (1859), épaulées par des compagnies secondaires de desserte locale, dans une politique volontariste de maillage du territoire.</p>
<p>Cette décentralisation marque le pas en 1938, par la nationalisation menant à la Société nationale des chemins de fer. L’Après-guerre et les Trente Glorieuses poursuivent le programme de coordination (1941-1968), avant la contraction du réseau local et le désengagement de l’État <a href="https://ferinter.hypotheses.org/files/2015/03/auphan-etienne-atelier-f.pdf">au profit des régions</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chronologie du chemin de fer en France depuis 1827.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces réorganisations successives s’accompagnent de restructurations des pratiques tarifaires.</p>
<p>Historiquement, la réglementation des prix par l’État était fondée sur un double système de péréquation : une péréquation spatiale (il existe un tarif kilométrique uniforme pour l’ensemble du réseau) et une péréquation temporelle (il existe un tarif kilométrique uniforme quels que soient l’horaire et la période de l’année). Un aller simple au tarif normal entre Paris et Lille, selon l’<a href="http://openarchives.sncf.com/archive/29l106">indicateur Chaix</a>, vaut ainsi 1280 francs (soit 28 euros en euros constants de 2020) pour 204 kilomètres parcourus en 2h32 ; en 2021, le même trajet vaut entre 25 et 63 euros, selon l’horaire de départ, parcourus le plus rapidement en 1h et 6 minutes. Face à l’unicité d’un tarif qui paraissait relativement modique, la multiplication des prix en 2021 rend la comparaison difficile – des trajets pouvant être moins chers, d’autres largement plus onéreux.</p>
<p>Ce système n’a eu de cesse d’être remis en cause depuis <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm">l’après-guerre</a>, pour arriver aujourd’hui à un dispositif de tarification de type yield management, dans lequel le train ressemble de plus en plus à l’avion dans ses modalités de tarification et de réservation – ce qui renouvelle en partie le profil des usagers.</p>
<h2>Voyager en train depuis les années 1970</h2>
<p>Décrivons maintenant plus précisément les usagers du chemin de fer, qui ont pris le train pour parcourir plus de 100 kilomètres. Contrairement aux données de la SNCF, nous avons retenu uniquement les déplacements de plus de 100 kilomètres afin d’écarter la mobilité quotidienne.</p>
<p>Clairement, les passagers sont de plus en plus diplômés : en 1974, 12,3 % d’entre eux étaient diplômés du supérieur – en 2007, ils constituent 36,6 % des voyageurs en train. Symétriquement, les non-diplômés, majoritaires en 1974, deviennent la population la moins représentée dans les wagons en 2007 – avec environ 17 % selon l’exploitation de l’<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-nationale-transports-et-deplacements-entd-2008">enquête nationale transports et déplacements</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UgysLJVfqbM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1978 : la France découvre Patrick, le premier TGV | Franceinfo INA.</span></figcaption>
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<p>En tenant compte de l’allongement de la durée des études depuis 1970, le constat de la sur- (ou sous-) représentation des plus (ou des moins) diplômés est confirmé. Pourquoi tant de diplômés parmi les passagers ? On peut penser qu’il s’agit des effets du mode de vie estudiantin, nécessairement lié aux grandes villes. La période des études est par ailleurs un moment du cycle de vie où la mobilité de longue distance est assurée sans voiture, souvent acquise avec le premier emploi stable : prendre le train deviendrait une habitude qui se garde. Enfin, les individus les plus diplômés sont aussi ceux qui ont la mobilité résidentielle la plus forte : ainsi sur 100 Français ayant toujours habité le même département, 17,7 ont pris le train pour un déplacement d’au moins 100 kilomètres en 2007, contre 42,3 pour ceux qui ont changé de département au moins trois fois.</p>
<p>Bref, prendre le train s’explique aussi par le parcours biographique des individus.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 3 : Composition par niveau de diplôme (3a) et niveau de revenus des voyageurs en train (3b).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête nationale Transports 1973-1974, 1981-1982, 1993-1994 et 2007-2008</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Plus diplômés que la population française dans son ensemble, les passagers du chemin de fer sont aussi relativement plus dotés en capital économique. En 1974, les 20 % des Français les moins riches constituent 12,9 % des passagers, contre 33,6 % pour les 20 % les plus riches. En 2007, les écarts sont tout à fait semblables : un capital économique va de pair avec le recours au chemin de fer, une tendance également marquée pour <a href="https://journals.openedition.org/sociologie/5295">l’usage du transport aérien</a>.</p>
<p>Sur le temps long, le rôle du chemin de fer dans la mobilité de longue distance des Français est et reste essentiel. En 2008, par exemple, 27,4 % des Français ont eu recours au train, pour faire un trajet de plus de 100 kilomètres ; sur les 332 milliards de kilomètres parcourus dans leurs voyages, <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-11/La_mobilite_des_Francais_ENTD_2008_revue_cle7b7471.pdf">45 l’ont été en train</a>.</p>
<p>Malgré des bouleversements quantitatifs et qualitatifs de l’offre ferroviaire, le taux de recours reste relativement stable dans le temps, de même que la morphologie sociale des usagers. Face à l’avion, emprunté par des individus plus dotés économiquement, le train apparaît comme un mode de transport privilégié par les plus dotés en capital culturel – opposant aussi des styles et modes de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le train a profondément reconfiguré les relations de l’Homme à l’espace et au temps. Deux siècles après son avènement, comment a-t-il démocratisé le voyage?Yoann Demoli, Maître de conférences en sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Alexia Ricard, Ingénieure d'études, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1331972020-06-21T20:23:24Z2020-06-21T20:23:24ZTransports publics gratuits, une mesure inefficace contre la pollution en ville<p>Tout le monde semble considérer la gratuité des transports publics comme une solution favorable à l’environnement, puisqu’elle permet de réduire le trafic automobile et que les bus polluent moins que les voitures. Même si quelques spécialistes en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02191358">doutent</a>, le sujet ne suscite aucun débat. Il est pourtant possible de montrer qu’il n’en est rien.</p>
<p>Prenons le cas de Dunkerque. Dans cette ville, la gratuité totale des bus a fait bondir la fréquentation de 77 % entre 2017 et 2019 et la part des transports publics dans l’ensemble des déplacements (la « part modale ») <a href="https://www.wizodo.fr/photos_contenu/doc-28d84e88b62278b031fb2c7f3a818caa.pdf">est passée de 5 à 9 %</a>, ce qui entraîne, imagine-t-on, une baisse de 4 points du trafic auto et de la pollution. La réalité est plus complexe.</p>
<h2>Des bus peu vertueux</h2>
<p>Intéressons-nous d’abord à ces transports en commun. Un bus thermique n’est, en fait, pas très écologique. C’est un véhicule assez lourd (12 tonnes à vide pour un bus standard), qui n’est rempli qu’aux heures de pointe et près des lieux générateurs de trafic. Si bien que son taux d’occupation moyen est assez faible (<a href="https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?routier2.htm">10 voyageurs par bus en moyenne</a> dans les villes de 150 000 à 250 000 habitants).</p>
<p>Résultat, <a href="https://www.ademe.fr/expertises/mobilite-transports/chiffres-cles-observations/chiffres-cles">selon l’Ademe</a>, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un bus en province ne sont inférieures que de 36 % par personne transportée à celles des voitures particulières en milieu urbain.</p>
<p>Si l’on considère que les bus affichent un bon taux de remplissage grâce à la gratuité, on peut toutefois estimer qu’une personne circulant dans un bus gratuit est à peu près deux fois plus vertueuse qu’un automobiliste (c’est le cas à Dunkerque).</p>
<p>Des bus hybrides ou électriques, des tramways ou métros font certes mieux mais sont bien plus coûteux, et justement l’argent manque dans les réseaux gratuits faute de recettes pour investir. Il faudrait de plus comparer ces solutions à des voitures hybrides ou électriques.</p>
<h2>Un faible report modal</h2>
<p>Il est possible d’évaluer avec une précision suffisante l’impact de la gratuité des transports publics <a href="https://actuvelo.fr/2019/10/30/gratuite-des-transports-publics-et-incoherence-de-la-politique-de-deplacements-urbains-les-enseignements-du-cas-de-dunkerque/">sur l’évolution des parts modales</a>.</p>
<p>Ainsi, à Dunkerque, la part de l’automobile a baissé d’environ 3 %, mais celle des modes actifs également : – 3 % pour la marche et – 12 % pour le vélo. Des résultats qui concordent avec des calculs réalisés dans quatre autres villes européennes : Châteauroux, Hasselt, Avesta et Templin. Comment les expliquer ?</p>
<p>Les cyclistes sont les premiers attirés car leur profil est proche de celui des usagers des transports publics (lycéens, étudiants, femmes ou personnes âgées non motorisés) et les distances qu’ils parcourent aussi. Les piétons le sont déjà moins car si leur profil est aussi assez proche, leurs déplacements sont en revanche beaucoup plus courts. Les automobilistes quant à eux, considèrent que leur véhicule reste en général une solution bien plus souple, plus confortable et en moyenne deux fois plus rapide qu’un déplacement en transport en commun.</p>
<p>Autrement dit, quand à Dunkerque la part du bus augmente de 4 points passant de 5 à 9 %, celle de la voiture baisse en fait de seulement 2 points (et non de 4), chutant de 67 à 65 %. Quant à celle des modes actifs, elle perd 1,5 point, glissant de 27 à 25,5 %. Le reste correspond à du « trafic induit », c’est-à-dire des déplacements qui n’existaient pas auparavant mais sont encouragés par la gratuité des trajets.</p>
<h2>La refonte du réseau à prendre en compte</h2>
<p>Tous les effets observés ne sont pas attribuables à la gratuité. De nombreuses villes en profitent en effet pour réorganiser et améliorer leur réseau au même moment.</p>
<p>C’est le cas de Dunkerque ou d’Aubagne, mais pas de Niort. Cette dernière ville a même réduit l’offre de transport pour éviter d’augmenter les impôts. Or elle n’a enregistré <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/02/07/a-niort-les-bus-gratuits-n-ont-pas-fait-bondir-la-frequentation_6028831_3224.html">qu’une hausse de la fréquentation de 25 % environ</a>.</p>
<p>À Dunkerque, la gratuité n’expliquerait que <a href="https://www.gart.org/wp-content/uploads/2019/10/Recueil-de-positions_%C3%89tude-GART-sur-la-gratuit%C3%A9-des-transports-publics_02102019.pdf">42 % de l’essor de la fréquentation</a>.</p>
<h2>Confusion entre conducteurs et passagers</h2>
<p>Les automobilistes ne sont pas forcément des conducteurs. Une partie d’entre eux sont des passagers qui, s’ils prennent le transport public, ne vont pas réduire pour autant le trafic en ville. Dans l’agglomération de Dunkerque, 27 % des automobilistes sont des passagers, <a href="http://www.agur-dunkerque.org/publications/publication62">et parmi ces passagers près de la moitié sont des enfants</a>.</p>
<p>Malheureusement, les données concernant l’origine des usagers du bus ne permettent pas de distinguer les conducteurs des passagers, parmi les anciens automobilistes.</p>
<p>Il est pourtant probable que ces derniers soient plutôt des passagers que des conducteurs. À Dunkerque, 7 usagers des bus gratuits sur 10, qu’ils soient mineurs ou majeurs, <a href="https://www.wizodo.fr/photos_contenu/doc-28d84e88b62278b031fb2c7f3a818caa.pdf">n’ont pas de voiture</a>.</p>
<p>En empruntant les bus, les anciens piétons et cyclistes qui étaient auparavant très vertueux contribuent en outre désormais à la pollution urbaine et à la détérioration du climat. Certes, les déplacements à pied et à vélo représentent de petites distances, mais ce sont sans doute les déplacements les plus longs et les plus fatigants qui sont avant tout concernés. Et ce ne sont pas non plus les déplacements en voiture les plus longs (qui débordent le périmètre des transports urbains) qui sont supprimés.</p>
<h2>Du mésusage qui encombre les bus</h2>
<p>Le trafic induit, qui représente 10 à 15 % de l’ensemble des usagers, est souvent considéré sous un angle uniquement positif : des personnes peu mobiles en profitent pour sortir de chez elles et se socialiser.</p>
<p>Mais il comporte aussi une part de mésusage. Les usagers prennent désormais le bus pour de petits déplacements faisables à pied, pour se rencontrer entre copains ou se distraire, pour se promener sans motif particulier, pour se reposer un moment, pour éviter d’être mouillé quand il pleut, pour se réchauffer l’hiver ou être au frais l’été… Tous ces usages n’ont rien de condamnable en soi, mais contribuent à saturer les transports publics. Il faut alors augmenter l’offre à grands frais, ce qui encourage encore le mésusage.</p>
<p>Autrement dit, les budgets publics seraient mieux alloués à subventionner des lieux de convivialité qui ne roulent pas, n’ont pas de moteur polluant et n’ont pas besoin de chauffeur (cinémas, médiathèques, centres culturels, cafés alternatifs…), ainsi qu’à aménager des espaces publics de qualité (bancs, abris, plantations…).</p>
<h2>Un bilan environnemental nul</h2>
<p>Qu’en est-il alors de la baisse de pollution tant attendue ? Reprenons le cas de Dunkerque : d’un côté, la part des déplacements en voiture diminue de 2 points seulement, et le trafic automobile un peu moins, puisqu’il est probable que les bus gratuits attirent plutôt des passagers de voiture.</p>
<p>De l’autre, les déplacements en bus progressent de 4 points (en émettant deux fois moins de pollution par personne transportée que les automobilistes), parce qu’ils attirent aussi des usagers non motorisés et qu’ils génèrent du trafic induit (dont une part de mésusage).</p>
<p>Résultat, la politique de relance des transports publics n’a en rien réduit la pollution à Dunkerque. Qu’on ne puisse qu’en partie attribuer ces effets à la gratuité ne modifie pas le bilan.</p>
<h2>D’autres mesures beaucoup plus efficaces</h2>
<p>Existe-t-il alors des solutions plus efficaces pour réduire la pollution ? Bien entendu. Mais il faut avoir le courage de s’engager dans une politique de déplacements urbains cohérente et dynamique, d’inciter et de contraindre, d’associer au développement des modes alternatifs à l’automobile des mesures de modération de la circulation.</p>
<p>Dans une ville moyenne, il faudrait tout à la fois généraliser les zones 30 et réduire le nombre et la largeur des files de circulation sur les artères, <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/zones-circulation-apaisee-13-fiches-telecharger">comme à Lorient</a>, encadrer et tarifer le stationnement, y compris des deux-roues motorisés, comme à Vincennes, et en même temps améliorer la <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/la-rochelle-des-affiches-pour-que-pietons-et-cyclistes-respectent-mieux-les-regles-de-circulation-1577364064">qualité des espaces publics pour les piétons</a>, aménager un réseau cyclable sur les artères, réaliser des lignes de bus à haut niveau de service, <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-nazaire-44600/les-bus-helyce-ont-commence-circuler-1320281">avec des voies réservées</a> qui prennent de la place à la voiture.</p>
<p>On traite ainsi le problème à la source, avec moins d’effets pervers et à moindre coût, tout en offrant diverses alternatives, au lieu de vouloir à tout prix ménager la chèvre et le chou.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rendre gratuits les transports publics n’a pas l’efficacité escomptée et induit divers effets pervers.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378932020-05-12T19:18:57Z2020-05-12T19:18:57ZQuels défis pour Air France après la crise du Covid-19 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333456/original/file-20200507-49550-1xqy95r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C64%2C7200%2C4796&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Air France se prépare à faire redécoller progressivement ses avions.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/paris-france-circa-2017-flight-view-604234745">NextNewMedia / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le début du confinement et la fermeture des frontières en France et en Europe, Air France a réduit ses vols de 95 %. Les pertes d’exploitation colossales pourraient se poursuivre pendant des mois, si ce n’est des années. Ces pertes sont en <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/covid-19-air-france-klm-quasiment-a-l-arret-pendant-deux-mois-842245.html">parties compensées</a> par la diminution importante des coûts variables, la réduction des investissements, l’exonération de cotisations, le report et l’étalement de charges, ainsi que le recours à l’activité partielle qui permet de maintenir l’emploi en octroyant aux salariés une indemnité qui correspond à 84 % de leur rémunération.</p>
<p>Alors que l’État s’engage sur un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/23/coronavirus-paris-et-la-haye-se-portent-au-secours-d-air-france-klm_6037520_3234.html">plan de soutien</a> à Air France de 7 milliards d’euros, autorisé ce lundi 4 mai par l’Union européenne, le ministère de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire exige des contreparties en termes de rentabilité, mais aussi de performance écologique.</p>
<h2>Des cabines plus sûres qu’un appartement ?</h2>
<p>Pour pouvoir reprendre progressivement ses vols, Air France doit rassurer ses clients et fournir des garanties aux autorités concernant les mesures sanitaires mises en œuvre. Le groupe communique sur le dispositif destiné à <a href="https://corporate.airfrance.com/fr/actualite/le-port-du-masque-sera-obligatoire-sur-lensemble-des-vols-operes-par-air-france-compter-du">garantir la sécurité</a> des passagers et du personnel : le port du masque pour tous, l’aménagement du parcours client au sol, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-air-france-controlera-des-lundi-la-temperature-de-ses-passagers_3956193.html">contrôle de la température</a> des passagers à l’embarquement, la distanciation physique et la désinfection des avions avec un produit virucide efficace 10 jours.</p>
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<figcaption><span class="caption">Air France pulvérise du virucide dans ses avions avant la reprise des vols.</span></figcaption>
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<p>Les systèmes de recyclage qui renouvellent l’air des cabines toutes les trois minutes sont équipés de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780081019382000088">filtres HEPA</a> (<em>high efficiency particulate air</em>) qui sont les mêmes que ceux qui sont utilisés dans les centrales nucléaires ou les blocs opératoires. « L’air qui circule dans un avion équipé de ce filtre est donc plus sain que celui de votre bureau ou de votre appartement », assure la compagnie. « Ces filtres arrivent à capturer près de 99,999 % des virus, y compris les plus petits jusqu’à 0,01 µm. Pour comparaison, le coronavirus fait entre 0,8 et 0,16 µm ».</p>
<p>L’engagement de respecter au maximum les gestes barrière est de nature à rassurer les voyageurs. Mais la distanciation physique risque de conduire à une <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2773823-20200506-coronavirus-compagnies-aeriennes-previennent-distanciation-bord-ferait-grimper-prix-billets">augmentation des tarifs de 50 %</a> avec un siège vide entre deux passagers et un taux de remplissage de 62 %, en dessous des 77 % de rentabilité.</p>
<h2>30 % des vols prévus en juillet ?</h2>
<p>Air France a tenu à maintenir une activité minimale pendant le confinement avec environ 5 % seulement de ses capacités habituelles. Beaucoup d’aéroports ont cependant été fermés dont celui de Paris-Orly, qui pourrait <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/vacances-nous-devrions-etre-en-mesure-de-rouvrir-orly-le-26-juin-dit-djebbari-sur-rtl-7800498609">rouvrir le 26 juin</a>.</p>
<p>Alors que le groupe Air France-KLM perd <a href="https://www.businesstraveller.com/business-travel/2020/04/11/air-france-klm-losing-e25-million-per-day/">25 millions d’euros par jour</a>, la question de la reprise des vols se pose de manière urgente. Cela ne pourra se faire que très progressivement compte tenu du processus de déconfinement en France, de la situation critique dans de nombreux pays du monde, de la fermeture des frontières, des contraintes opérationnelles et de la chute de la demande. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eZfNtDp9ePE">Entre deux et huit ans</a> seraient nécessaires avant un retour du secteur à la situation de 2019.</p>
<p>Après un premier trimestre qui avait commencé avec des taux de remplissage très bons mais qui s’achève avec 1,8 milliard d’euros de perte nette, le deuxième trimestre devrait être catastrophique, l’activité étant quasiment nulle. Dans ces conditions, <a href="https://www.linternaute.com/voyage/pratique/1373763-air-france-reprise-partielle-des-vols-le-11-mai-suppression-de-lignes-interieures-les-dernieres-infos/">l’annonce d’un objectif de 30 % des vols</a> assurés d’ici le mois de juillet, et de 60 % en août, peut paraître un peu trop ambitieux. Remonter la pente face à la plus grande crise de l’histoire de l’aéronautique risque de s’avérer à la fois très complexe et très lent.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un scénario de reprise très progressive, mais ambitieux, des activités d’Air France.</span></figcaption>
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<p>La reprise va d’abord se concentrer sur les <a href="https://www.easyvoyage.com/actualite/air-france-reprend-ses-vols-domestiques-a-partir-du-11-mai-91610">lignes intérieures</a> entre Roissy-CDG et les aéroports de Bordeaux, Brest, Marseille, Montpellier, Nice et Toulouse. Cependant, dès le 2 juin, des vols vers les grandes villes européennes pourraient déjà être planifiés, sachant que des pays comme l’Allemagne, la Belgique ou le Danemark auront rouvert leurs frontières.</p>
<p>Mi-juin, l’activité devrait reprendre vers plusieurs destinations africaines comme Abidjan, Alger ou Brazzaville, avant que des long-courriers recommencent à circuler début juillet. <a href="https://theconversation.com/a380-de-la-prouesse-technologique-au-fiasco-commercial-111917">Les neuf super jumbo jets Airbus A380</a>, qui devaient être vendus d’ici 2022, pourraient bien ne jamais reprendre les airs si le marché du transport aérien reste sinistré trop longtemps.</p>
<h2>Quel avenir pour Hop ! et Transavia ?</h2>
<p>Depuis l’arrivée de Ben Smith, le PDG canadien d’Air France-KLM, le 18 septembre 2018, une stratégie de simplification et de clarification du portefeuille de marques a été lancée. Après avoir réduit sa propre rémunération de 25 %, il a affirmé que la crise du Covid-19 pourrait être une opportunité d’accélérer cette <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-france-hop-transavia-ben-smith-prepare-un-plan-choc-de-reconstruction-845846.html">reconfiguration</a> d’Air France, et de l’accomplir en 2 ans au lieu de 5. La première étape avait été la fermeture de Joon le 27 juin 2019 et la réintégration des avions et des 600 PNC (personnel navigant commercial) à la marque Air France.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les marques du groupe Air France-KLM.</span>
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<p>La deuxième étape pourrait concerner la marque Hop ! qui joue un rôle stratégique en acheminant les voyageurs internationaux vers les hubs parisiens. Les difficultés financières de la compagnie régionale pourraient la conduire au même destin que Joon. Certaines liaisons sont déficitaires, principalement à cause du <a href="https://www.lepoint.fr/economie/les-pilotes-d-air-france-peuvent-ils-mener-hop-au-crash-14-11-2018-2271428_28.php">plafond de 100 sièges</a> imposé à Hop ! par les accords professionnels. Si après la crise du Covid-19, les <a href="https://www.lepoint.fr/economie/les-pilotes-d-air-france-peuvent-ils-mener-hop-au-crash-14-11-2018-2271428_28.php">contraintes anciennes</a> et nouvelles limitent les flux et le développement de la filiale, il semble inéluctable qu’elle disparaisse.</p>
<p>Transavia, la compagnie <em>low cost</em> d’Air France, ne devrait pas reprendre ses vols avant le 3 juin. Son succès commercial et sa rentabilité pourraient en faire une pièce maîtresse dans la nouvelle configuration d’Air France-KLM. La volonté de développer cette marque devrait aboutir à l’ouverture de nouvelles lignes et de nouvelles bases comme celle de <a href="https://www.air-journal.fr/2020-05-06-montpellier-la-base-de-transavia-pas-menacee-5220009.html">Montpellier</a> qui a été confirmée par Ben Smith et qui devrait permettre de relier une vingtaine de destinations. Transavia pourrait même être amenée à absorber les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/coronavirus-transavia-compagnie-low-cost-d-air-france-prete-a-decoller-pour-assurer-les-vols-1588165372">activités de Hop !</a> en cas de disparition de celle-ci.</p>
<h2>La compagnie la plus écologique du monde ?</h2>
<p>Afin de bénéficier des aides de l’État, en plus des exigences de performance économique de rentabilité et de compétitivité, Air France va devoir intégrer des contreparties écologiques ambitieuses dans son plan de redressement et de restructuration. En effet, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, a déclaré <a href="https://twitter.com/BrunoLeMaire/status/1255506914273828867">conditionner sa signature du plan de soutien</a> à des exigences drastiques destinées à faire d’Air France la compagnie aérienne la plus respectueuse de l’environnement au monde.</p>
<p>Parmi ces contreparties, on trouve :</p>
<ul>
<li><p>la réduction du nombre de vols entre les destinations où une alternative ferroviaire de moins de deux heures trente existe ;</p></li>
<li><p>la réduction de 50 % des émissions de CO<sub>2</sub> d’ici fin 2024 ;</p></li>
<li><p>l’intégration de 2 % de carburants alternatif durable d’ici 2025 ;</p></li>
<li><p>le renouvellement de la flotte pour des avions qui consomment <a href="https://www.airfranceklm.com/fr/actualites/air-france-klm-accelere-le-renouvellement-de-sa-flotte-et-commande-10-airbus-a350-900">moins de carburant</a>.</p></li>
</ul>
<p>Seulement <a href="https://www.deplacementspros.com/transport/air-france-lavenir-en-pointille-de-la-ligne-bordeaux-orly">trois lignes principales</a> seraient pour l’instant concernées : Orly-Bordeaux, Orly-Nantes et Orly-Lyon. Cependant, l’aéroport d’Orly est aussi un hub vers les Antilles, la Guyane et La Réunion, ce qui impose à la compagnie nationale de maintenir un service. La réduction – ou la suppression – des vols entre Paris-Orly et les métropoles les plus proches pourrait répondre à la double exigence économique et écologique, la compagnie étant déficitaire sur plusieurs lignes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1255506914273828867"}"></div></p>
<p>La question de la concurrence se pose avec Easyjet et Ryanair, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-transport-aerien-en-europe-apres-le-covid-19-lheure-des-choix-1192683">puissantes financièrement</a>, qui dénoncent les aides reçues par Air France, et qui pourraient en profiter pour développer leurs offres sur ces mêmes lignes car il paraît difficile de les en empêcher pour le moment. Le résultat à craindre pourrait être le suivant : toujours autant de vols, mais gérés par des compagnies différentes, avec une empreinte carbone identique ou même plus importante, des tarifs plus élevés et une qualité de service nettement inférieure.</p>
<p>Cette démarche d’aides financières conditionnées à des objectifs climatiques n’est pas spécifique à la France. D’autres pays européens procèdent de la même façon, comme l’Allemagne qui devrait accorder un soutien financier de <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8289839/Lufthansa-losing-1million-HOUR-negotiating-10billion-handout.html">9 milliards d’euros à Lufthansa</a>, et en profiter pour acquérir plus de 25 % du capital, entrer au conseil d’administration, et imposer un certain nombre d’objectifs.</p>
<h2>La nationalisation n’est plus au programme ?</h2>
<p>Air France est une entreprise particulièrement stratégique pour la France compte tenu de son rôle en termes d’image, de connectivité et des emplois associés : 350 000 directs et indirects. L’État possède d’ailleurs 14,3 % du capital du groupe Air France-KLM. Le 27 février 2019, les Pays-Bas ont eux aussi investi dans le groupe pour en détenir <a href="https://theconversation.com/air-france-klm-when-cooperation-becomes-confrontation-113310">14 % du capital</a>, ce qui démontre un attachement similaire pour la marque KLM.</p>
<p>C’est afin d’éviter un « préjudice grave pour l’économie française » que l’Union européenne a accepté le plan de sauvetage proposé. <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_796">L’aide de la France</a> se décompose en un prêt direct de 3 milliards par l’État qui garantit également à 90 % 4 milliards de prêts bancaires. <a href="https://news.klm.com/klm-grateful-for-2-4-billion-in-state-aid-pledged-by-dutch-government/">L’aide des Pays-Bas</a> pour KLM devrait être comprise entre 2 et 4 milliards d’euros, afin de soutenir la compagnie qui emploie 30 000 personnes et qui réalise des performances commerciales remarquables.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’État français est autorisé à venir en aide à Air France à hauteur de sept milliards d’euros.</span></figcaption>
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<p>Par son soutien financier, l’objectif de la France est aussi de préserver l’emploi et de soutenir les 45 000 salariés, avec les mesures de chômage partiel qui ont permis d’économiser 1,1 milliard d’euros en <a href="https://www.businesstraveller.com/business-travel/2020/04/11/air-france-klm-losing-e25-million-per-day/">salaires</a>. Cela contraste avec de nombreuses compagnies telle British Airways qui a annoncé le licenciement de <a href="https://www.bbc.com/news/business-52462660">12 000 employés</a>, <a href="https://chicago.suntimes.com/business/2020/5/4/21247540/united-airlines-plans-to-cut-3400-managers">United Airlines de 3 400</a> ou <a href="https://edition.cnn.com/2020/05/01/business/ryanair-job-cuts/index.html">Ryanair de 3 000</a>. Air France va par ailleurs engager un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/air-france-va-engager-un-plan-de-depart-volontaire-20200425">plan de départ volontaire</a>, l’objectif étant de réduire au maximum l’impact social de la crise du Covid-19, avec des mobilités et des départs en retraite anticipés.</p>
<p>Alors que le gouvernement italien a confirmé qu’il prendra en juin le <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/l-italie-va-nationaliser-la-compagnie-aerienne-alitalia-en-juin-20200423">contrôle de la compagnie Alitalia</a>, la nationalisation d’Air France, même temporaire, semble pour le moment avoir été écartée. Cette hypothèse très sérieusement <a href="https://www.bfmtv.com/economie/coronavirus-air-france-klm-peut-tirer-profit-de-la-crise-selon-djebbari-1892376.html">évoquée par le ministre des Transports</a> Jean‑Baptiste Djebbari lors de son audition devant le Sénat, serait trop délicate compte tenu de la présence au capital de Delta Airlines et de China Eastern Airlines à hauteur de 8,8 % chacun.</p>
<p>Ben Smith veut aller vite et profiter du chaos actuel pour positionner Air France-KLM comme une référence et un leader mondial. Le groupe pourrait rapidement adopter une stratégie offensive et entrer au capital d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/23/coronavirus-paris-et-la-haye-se-portent-au-secours-d-air-france-klm_6037520_3234.html">compagnie <em>low cost</em></a> comme Easyjet ou Norwegian.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La plus grande crise de l’histoire de l’aéronautique est aussi une opportunité pour Air France qui doit accélérer sa reconfiguration et devenir la compagnie aérienne la plus écologique du monde.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1322832020-03-09T18:16:39Z2020-03-09T18:16:39ZÉcologie « positive » ou « punitive », les Français ont dépassé le clivage<p>Pour la première fois en 2019, l’environnement devient la <a href="https://www.ademe.fr/representations-sociales-changement-climatique-20-eme-vague">question de société la plus importante aux yeux des Français</a>, au même niveau que l’emploi et avant l’immigration, les impôts et taxes, les déficits publics et la dette de l’État. Ce souci grandissant se traduit par une meilleure acceptation de mesures environnementales volontaristes, autrefois jugées contraignantes.</p>
<p>Cette évolution invite aujourd’hui à dépasser la dichotomie entre mesures punitives et mesures incitatives, et ouvre un espace aux pouvoirs publics pour lutter contre le changement climatique. C’est ce que révèle la <a href="https://www.ademe.fr/barometre-francais-lenvironnement-vague-6">dernière vague des baromètres annuels publiés par l’Ademe</a> publiée le 11 février 2020.</p>
<h2>Les Français prêts à limiter l’usage de la voiture</h2>
<p>L’un des éléments les plus marquants de l’enquête est l’ouverture progressive des sondés à des dispositions visant à limiter l’usage de la voiture en cas de pic de pollution.</p>
<p>Une évolution notable sur ce sujet sensible, puisque l’adhésion concernait jusqu’alors les mesures incitatives traditionnelles, comme la gratuité des transports, le développement des réseaux de transport en commun, ou l’incitation aux déplacements à pied et à vélo. Les sondés se montraient en revanche plus réticents vis-à-vis des mesures représentant des entraves à leur liberté de circulation.</p>
<p>Les mesures incitatives sont toujours les plus plébiscitées, mais d’autres connaissent aujourd’hui une forte progression. 58 % des opinions recueillies sont favorables à la mise en place de la circulation différenciée, qui interdit à certains véhicules de rouler en cas de pic de pollution, en fonction du niveau de leur vignette Crit’Air : une hausse de 9 points par rapport à 2017.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>Plus de 5 personnes sur 10 (55 %) se montrent également en faveur de l’interdiction – toute l’année cette fois-ci – de la circulation des véhicules les plus polluants en fonction de leur vignette Crit’Air, soit 7 points de plus que deux ans plus tôt.</p>
<p>Cette tendance – croissante dans le temps – est cohérente, puisque la circulation routière constitue pour près de 7 Français sur 10 la première source de pollution de l’air préoccupante au niveau local (contre 57 % pour l’activité industrielle et 29 % pour l’agriculture).</p>
<p>D’autres dispositions volontaristes demeurent très majoritairement acceptées comme la limitation de la vitesse maximale autorisée dans les centres-villes (69 % des personnes interrogées y sont favorables) et l’obligation de livraison des marchandises en ville par des véhicules propres, même si cela pourrait se traduire par une légère augmentation des prix (67 % de réponses favorables à une telle mesure).</p>
<h2>Prêts à payer plus cher</h2>
<p>Ce volontarisme ne se limite pas à la question des transports. Désormais, les Français adhèrent de plus en plus à l’idée selon laquelle la lutte pour le climat aura un coût, et qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique.</p>
<p>En matière de production d’énergie, près des deux tiers (64 %) d’entre eux se disent prêts à augmenter leur budget énergie pour passer d’une énergie classique à une énergie renouvelable (ENR) – en moyenne, ils sont disposés à voir progresser leur facture énergétique de presque 12 %.</p>
<p>À l’heure de la transition énergétique, le souhait d’une production locale d’énergie renouvelable, même si elle coûte un peu plus cher, bénéficie d’un soutien massif de la population (86 % des enquêtés la jugent souhaitable), et 57 % seraient prêts à participer personnellement au financement de projets locaux d’ENR en y plaçant une partie de leur argent… mais seuls 8 % d’entre eux savent si de tels projets existent dans leur région.</p>
<p>Près de 7 de nos compatriotes sur 10 seraient intéressés par l’autoproduction à domicile d’électricité photovoltaïque, même si cela devait coûter plus cher.</p>
<p>Parmi les mesures que les pouvoirs publics pourraient prendre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, « augmenter le prix des produits de consommation qui sont acheminés par des modes de transport polluants » atteint 71 % de « très » ou « assez souhaitable » (+ 8 points depuis 2018). « Taxer davantage le transport aérien pour favoriser le transport par le train » est plébiscité par 66 % (+ 11 points) de nos concitoyens et « taxer davantage les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre » par 61 % d’entre eux.</p>
<p>La proposition « augmenter la taxe carbone » ne perd que 2 points pour s’établir à 46 % d’avis positifs contre 51 % d’avis négatifs, signe que la mesure est loin d’être rejetée par l’ensemble de la population mais qu’il reste à convaincre un peu plus de la moitié des Français.</p>
<p>Les outils de politique publique ne se limitant pas à la fiscalité, la demande d’une réglementation plus volontariste est également présente, non seulement en matière de transport, mais également en matière de rénovation des logements : plus des deux tiers (67 %) encouragent l’obligation pour les propriétaires de rénover et d’isoler les logements lors d’une vente ou d’une location.</p>
<h2>Encore inégaux face à la transition</h2>
<p>Les enquêtes de l’Ademe révèlent une adhésion croissante d’une majorité de la population à des mesures fortes, volontaristes, permettant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de lutter contre la pollution de l’air et d’accompagner la transition écologique et solidaire.</p>
<p>Alors qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique – 52 % des Français le pensent, contre 17 % qui estiment qu’il est inévitable et 11 % seulement qui fondent leur espoir sur le progrès technique – que plus de 9 Français sur 10 (93 %) se déclarent prêts à consommer moins, la première condition qu’ils posent pour accepter des changements importants dans leurs modes de vie est que ces changements soient partagés de façon juste entre les membres de la société : l’enjeu de justice sociale dans la transition est primordial.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1070451812719837184"}"></div></p>
<p>L’adhésion majoritaire à des mesures ambitieuses ne doit en effet pas masquer la proportion non négligeable de la population s’y refusant encore. À titre d’exemple, 32 % des Français refusent de payer plus cher pour passer d’une énergie classique à une énergie renouvelable, et 51 % des habitants de communes rurales sont défavorables à l’interdiction de circulation des véhicules les plus polluants en cas de pics de pollution.</p>
<p>Les situations de dépendance, à la voiture ou au système de chauffage existant, impliquent donc de mettre en place des mesures d’accompagnement pour les individus ne disposant pas des ressources pour s’en passer ou les faire évoluer : ils ne doivent pas porter seuls la charge de la transition énergétique.</p>
<h2>Au-delà de l’écologie positive et punitive</h2>
<p>Il semble donc que l’opposition entre une « écologie positive », reposant sur l’incitation et la valorisation des bonnes pratiques, et une « écologie punitive » s’appuyant sur des mesures fiscales et réglementaires, n’a tout simplement plus lieu d’être pour nos concitoyens.</p>
<p>Face à l’urgence climatique, des politiques publiques ambitieuses sont attendues, qui relèvent de choix collectifs de société, et non pas du seul libre arbitre individuel, et ce même s’il faut pour cela en payer le prix et renoncer à des pratiques bien ancrées… pour autant que les mesures mises en œuvre le soient de façon équitable, condition <em>sine qua non</em> d’une adhésion massive à la transition écologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132283/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Jolivet travaille pour l'ADEME. Il est administrateur de l'institut pour l'économie du climat (I4CE).</span></em></p>Les derniers baromètres de l’Ademe sur les Français et l’environnement révèlent une adhésion croissante à des mesures fortes en faveur d’une transition écologique et solidaire.Patrick Jolivet, Adjoint à la directrice exécutive de la prospective et de la recherche, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278582019-12-10T21:07:17Z2019-12-10T21:07:17ZQuelle confiance accorder aux assistants virtuels intelligents ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/305938/original/file-20191209-90574-x3j48w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C998%2C543&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Homme d'affaires sur fond flou bavardant avec rendu 3D de l'application de chatbot</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/businessman-on-blurred-background-chatting-chatbot-1067702951?studio=1">sdecoret/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>On les appelle agents virtuels, assistants virtuels intelligents ou encore <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chatbot">chatbots</a>. Mais globalement, ces agents conversationnels ont une seule et même fonction : ils vous accompagnent, vous guident, vous conseillent lorsque, sur un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Site_web">site web</a>, vous recherchez un train, un hôtel, un conseil financier ou toute autre sorte de produit.</p>
<h2>Les avatars de nos anciens conseillers et agents</h2>
<p>Ils ne sont généralement que les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Avatar">avatars</a> électroniques des conseillers que nous avions dans nos banques, nos agences de voyages, nos magasins de bricolage ou nos administrations. Ils prennent l’apparence d’agents incarnés, avec des caractéristiques humanoïdes plus ou moins marquées, allant du petit robot stylisé à des personnes aux forts caractères anthropomorphiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Automated online assistant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Automated_online_assistant.png">Wikipedia merchandise</a></span>
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<p>Il est difficile de savoir qui se trouve derrière ces avatars. Existe-t-il encore une analyse humaine de nos demandes, ou bien ces outils sont-ils totalement pilotés par des systèmes informatiques ? Cette précision est souvent omise, et même si l’on pose la question en début de conversation, les réponses sont, volontairement ou non, extrêmement ambiguës. C’est le fameux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Turing">test de Turing</a> : suis-je en train de m’entretenir avec une machine, ou avec un humain ?</p>
<p>Cette incertitude est somme toute acceptable, lorsque nos demandes n’attendent pas de réponse à caractère vital, ou quand elles n’ont pas de fortes conséquences économiques. Accepterait-on de converser avec un robot si l’on est dans une situation d’urgence médicale, avec un infarctus, un accident vasculaire cérébral, ou lors d’un incendie ? Et qu’en serait-il si la réponse pouvait énormément impacter notre vie, que ce soit à l’occasion d’un achat immobilier, d’un placement financier, d’un diagnostic médical ?</p>
<h2>Jusqu’à quel point leur faire confiance ?</h2>
<p>L’agent virtuel peut avoir l’apparence d’un humain, être souriant, patient et poli, lui confier notre vie ou notre avenir demande de dépasser une barrière psychologique, un pas que beaucoup ne semblent pas encore prêts à franchir aujourd’hui. Mais alors, où se situe le curseur ? Que sommes-nous en mesure d’accepter ? Suivre les conseils d’agents virtuels quand la décision n’est pas engageante ne pose pas de problème, c’est même souvent un « facilitateur » de tâche. Qu’en est-il quand votre existence risque d’être impactée à long terme ? Acheter une paire de chaussures sur Internet et signer un prêt sur 25 ans n’ont pas les mêmes conséquences, surtout en cas de problème.</p>
<p>Nous avons mené, au laboratoire <a href="http://perseus.univ-lorraine.fr">Perseus</a> de l’université de Lorraine Metz et spécialisé en psychologie ergonomique et sociale, une étude dont l’objectif était de cerner l’apport des assistants virtuels sur les sites Internet, d’évaluer la confiance que nous sommes prêts à leur accorder et la limite d’acceptabilité de ces technologies.</p>
<h2>Questions/réponses en vue d’un voyage</h2>
<p>« Bonjour ! Je suis Ouibot. Dites-moi où et quand vous souhaitez partir, je m’occupe du reste ! ». Tel est le message d’accueil de l’assistant virtuel mis en ligne depuis 2017 par la SNCF. Ce système n’a pas vocation à être un simple indicateur d’horaires. Il est en mesure de gérer toute la chaîne de réservation d’un billet de train. Notre équipe l’a donc testé en l’interrogeant.</p>
<p>« Je souhaite faire un trajet Metz-Vendôme demain ». Au passage, remarquons que le tutoiement prévalant au lancement de l’application a laissé place à un vouvoiement, plus en accord avec ce que nous étions en droit d’attendre, en tant que clients. L’assistant se montre plutôt réactif. Instantanément, une proposition regroupant plusieurs trajets est affichée. Seul problème : une dizaine de trajets sont proposés, pour Vendôme et Vendôme Villiers sur Loir, deux gares différentes. La demande était explicite, alors pourquoi de telles réponses ?</p>
<h2>Facilité et rapidité, les premiers critères ?</h2>
<p>Si l’usager souhaite faire ce trajet pour la première fois, il peut se contenter de ces réponses et ne s’occuper que de celles qui correspondent à sa demande, ou bien faire des recherches complémentaires sur l’autre gare. Mais un utilisateur faisant appel à ce service ne cherche-t-il pas précisément, si l’on en croit la phrase d’accroche de Ouibot, la facilité et la rapidité ?</p>
<p>La présentation du système indique qu’il s’occupe de « tout ». Pourtant ici, le client se trouve confronté au besoin de recherches complémentaires sur son trajet. De plus, si l’usager est un habitué du trajet, il lui est alors demandé de faire le tri parmi des propositions, ce qui va à l’encontre d’une solution rapide et efficace. Nous arrivons donc aux limites du système, si la destination demandée est plurielle. Essayons avec un autre trajet : Metz–Sainte-Marie (40 communes en France intègrent ce nom).</p>
<p>Ouibot semble choisir une destination, Ville-Oloron–Sainte-Marie, mais sur quels critères ? Qui plus est, Ville-Oloron–Sainte-Marie ne semble pas pouvoir être desservie par un train. Quelle confiance accorder aux résultats donnés par ces systèmes ? Un agent humain aurait sans doute demandé d’autres informations sur la destination. Peut-être n’existe-t-il pas en France de ville portant le nom de Sainte-Marie que l’on puisse rejoindre en train ? Peut-être un train n’est-il disponible que le jour suivant ? Comment savoir, à la vue des informations qui nous sont livrées ?</p>
<p>Même si les agents virtuels sont réactifs et disponibles 24h/24. Même s’ils ne sont jamais malades, et que leur humeur est constante, force est de constater que ces critères d’utilisation ne sont pas plébiscités par les utilisateurs – voire jamais. Dans l’étude menée à Perseus, sur un panel de 31 personnes interrogées, la curiosité et l’amusement arrivent loin devant les autres motivations de recours à l’agent virtuel. La qualité de la réponse et sa rapidité semblent n’être importantes que pour un utilisateur sur cinq. Et ces attitudes se confirment si l’on évalue les sentiments ressentis lors de la manipulation. En effet, l’amusement arrive loin devant (74 % des réponses), alors que la frustration et la satisfaction d’utilisation ne sont retenues qu’environ une fois sur trois.</p>
<h2>Un futur certain mais sous quelles conditions ?</h2>
<p>Les assistants virtuels intelligents, malgré l’hostilité et la réticence qu’ils peuvent provoquer dans l’imaginaire collectif, ne semblent pas être complètement à bannir de notre quotidien. Même s’il est difficile de se projeter dans un futur proche quant à leurs performances, les internautes ne désapprouvent pas totalement leur aide, tant qu’ils ne restent que de simples outils pour l’Homme.</p>
<p>Malgré le sentiment initial de méfiance que semblent ressentir les utilisateurs, il s’avère qu’après une période d’appropriation, leurs propos sont plus nuancés quant à ces outils, mais aussi dans la confiance qu’ils leur accordent. S’appuyer sur ces assistants virtuels pour faire une recherche de produits courants est semble-t-il acceptable. En revanche, les laisser choisir pour soi l’est beaucoup moins. Dès qu’il s’agit de santé, de famille, de vie ou de mort, on devient naturellement extrêmement méfiant. Et l’on préfère alors sans conteste l’expertise humaine à celle des systèmes informatiques, même s’ils sont qualifiés, à tort ou à tout le moins de manière abusive, de systèmes « intelligents ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Agents virtuels, assistants virtuels, chatbots… si leurs noms varient leur usage se répand sur les sites web. Quelle confiance sommes-nous prêts à leur accorder ?Robin Vivian, Maitre de conférences, Université de LorraineMathilde Vosgiens, Etudiante en Ergonomie , Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1254422019-10-21T20:10:56Z2019-10-21T20:10:56ZQuand la gare du Nord déchaîne les passions : décryptage d’une polémique<p>Depuis quelques semaines, un débat passionné se développe sur le futur des gares en France. Des voix de citoyens et d’élus s’élèvent contre le plan de transformation de la gare du Nord qui doit aboutir à une rénovation achevée à temps pour les Jeux olympiques de 2024. Ces opposants dénoncent un projet donnant trop de place aux commerces, et pas assez au transport. Tantôt défendue comme un « pôle d’échanges » ou bien comme un « lieu de vie », la gare oscille en fait entre deux conceptions : un « espace ferroviaire », ou, au contraire, un « espace urbain ».</p>
<p>Au-delà de simples prises de position, ces discours expriment en fait des visions politiques différentes sur la gare. Que deviendront les gares à horizon 2030 ? Ou plutôt : que voulons-nous qu’elles deviennent ?</p>
<h2>Vives oppositions</h2>
<p>Revenons d’abord sur les termes du débat. « Le projet de transformation de la gare du Nord est inacceptable », écrivent dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/03/le-projet-de-transformation-de-la-gare-du-nord-est-inacceptable_5505639_3232.html">tribune</a> publiée dans le « Monde », le 03 septembre dernier, un collectif d’architectes, d’urbanistes et d’historiens de l’art, dont Jean Nouvel et Roland Castro. Depuis, deux élus parisiens, l’adjoint à la maire de Paris chargé d’urbanisme, et la maire du 10<sup>e</sup> arrondissement, appellent « à revoir le projet de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/03/le-projet-de-transformation-de-la-gare-du-nord-est-inacceptable_5505639_3232.html">fond en comble</a> ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1169155087954075649"}"></div></p>
<p>En réponse, une tribune d’élus UDI et du groupe <a href="https://parisconstructif.fr/">Parisiens progressistes</a>, soulignent au contraire les vertus de « cette nouvelle politique qui a permis de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/09/arretons-la-mauvaise-polemique-de-la-gare-du-nord_6014868_3232.html">rénover en un temps record »</a> de nombreuses grandes gares situées à Paris ou dans les territoires.</p>
<p>Depuis, le jeudi 10 octobre, la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) a tranché : le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/11/avis-favorable-pour-le-projet-de-renovation-de-la-gare-du-nord_6015070_3234.html">projet verra bien le jour</a>.La Ville de Paris, la région Ile-de-France, la SNCF, Ceetrus (ex-Immochan), ingénieurs, urbanistes, et collectifs de citoyens : chacun y met de sa graine, dans des débats relayés dans les grands médias nationaux comme le Monde, Le Point et Libération, pour ne citer qu’eux. Mais pourquoi les gares déchaînent-elles autant les passions ?</p>
<h2>Le financement, une question sous-jacente</h2>
<p>200 % : c’est le pourcentage d’augmentation de la surface de la gare du Nord à l’horizon 2025, dans une capitale déjà des plus denses d’Europe. Et ce n’est pas tout ! 500 % : c’est le pourcentage d’augmentation des surfaces commerciales et de services prévue dans cette même gare. Enfin, 600 millions d’euros : c’est le prix annoncé de ce chantier pharaonique. Et le tout, pour passer de 700 000 voyageurs par jour aujourd’hui à 900 000 à horizon 2030.</p>
<p>Dans les termes de la polémique citée, peu s’épanchent sur le modèle de financement de ces grands projets urbains. Pourtant, il est bien évidemment sous-jacent du débat, et il explique beaucoup des prises de position des uns et des autres. Dans le cas de la gare du Nord, ces 600 millions d’euros ne sont pas supportés par la collectivité mais au deux tiers par le promoteur immobilier Ceetrus (ex-Immochan), complété par la SNCF (branche Gares & Connexions).</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le projet de rénovation de la gare du Nord sur les rails » (Reportage France 3 Paris Ile-de-France, juillet 2018).</span></figcaption>
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<p>Ceetrus, en supportant les coûts de rénovation, en tire l’exploitation des commerces qui va avec. Un commerce juteux, mais qui répond donc à la volonté chez SNCF de rénover de grandes gares en France, tout en ne répercutant pas le prix sur l’impôt, ou le prix du billet de train. Les gares se transforment donc déjà, et les surfaces commerciales semblent en être le prix. Et c’est là où se déploie la bataille entre la gare historiquement conçue comme un « espace ferroviaire », devenant peu à peu un « espace urbain ».</p>
<h2>Ouverture à la concurrence</h2>
<p>Un « espace ferroviaire », un pléonasme pour parler d’une gare ? Plus vraiment ! Cette expression renvoie à l’organisation de l’espace dans l’objectif d’optimiser la circulation des trains. Dans ce paradigme, plus les couloirs sont larges, les halls sont grands, plus les flux des voyageurs sont rapides de l’entrée au quai, mieux c’est.</p>
<p>Dans ce monde rêvé du transporteur, les espaces dédiés aux voyageurs sont vastes et nombreux pour acheter des billets, échanger, s’informer. Les voyageurs sont traités dans leur particularités : chacun a sa place, du passager senior aux familles, jusqu’au client business avec un « salon grand voyageur » le plus confortable possible. Même les jeunes enfants y sont présents, avec une grande aire de jeu gratuite disposée pour eux.</p>
<p>Même si TGV, avec sa <a href="https://www.laprovence.com/article/papier/5544174/la-sncf-deploie-son-tgv-inoui-pour-preparer-larrivee-de-la-concurrence.html">nouvelle politique Inoui</a> qui vise à proposer des offres haut de gamme pour se préparer à l’ouverture de la concurrence prévue en décembre 2020, aimerait bien que ce rêve devienne réalité, cela reste en grande partie des vœux pieux. La raison ? La nécessité, pour supporter la rénovation des grandes gares, de valoriser les mètres carrés de ses espaces, en cédant les concessions à des commerces bien plus juteux que les services SNCF, aussi diversifiés soient-ils… Et les redevances perçues par SNCF par ces concessions en gare sont aussi plus que les bienvenues ! Bref, une mise en concurrence des espaces en gare, déjà bien orchestrée au niveau européen.</p>
<p>La gare se dote ainsi de surfaces commerciales de plus en plus importantes et devient un « espace urbain », qu’on entend souvent déclinée par l’expression « lieu de vie ». Comprenez : ce qui n’est pas lié au train, mais aux loisirs. Et ce mouvement est quasi mécanique : plus la rénovation est importante, plus les surfaces commerciales vont se développer pour soutenir son financement.</p>
<h2>En gare : chacun sa route, chacun son chemin !</h2>
<p>Les discours politiques cherchent à y mettre un sens : la gare comme <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2017/12/29/les-gares-veulent-devenir-des-espaces-a-vivre_5235748_4497319.html">« city booster »</a>, n’est-ce pas le titre du livre écrit par Patrick Ropert (alors directeur général de la branche SNCF Gares & Connexions), préfacé par le président de la SNCF Guillaume Pépy et… Anne Hidalgo, la maire de Paris ? On y lit que la gare y devient un « hub urbain ». Autrement dit, la rénovation serait une aubaine pour transformer le rôle de la gare dans la ville. C’est donc loin de concerner la seule Gare du Nord !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1100103132644818946"}"></div></p>
<p>C’est précisément là que le bât blesse : malgré son design alléchant, le nouveau lieu de vie se heurte à l’espace ferroviaire. En effet, dans ce paradigme de l’espace urbain, les flux sont organisés, non plus (seulement) par une logique d’optimisation des flux, mais par les potentiels achats que pourront bien effectuer les voyageurs, ou simples badauds.</p>
<p>On remarque alors des grandes diversités d’aménagements dans les gares, selon le profil du voyageur. Par exemple, les boutiques devant lesquelles passe un voyageur Eurostar, ne sont clairement pas les mêmes qu’un usager du Transilien ou de RER B, et ce, au sein des murs de la même gare… À chacun son train, ses boutiques, et… ses trajectoires en gare. Chacun sa route, chacun son chemin ! Ce n’est plus l’optimisation des flux, ou le confort des voyageurs qui prime d’abord et avant tout, mais bien la politique de valorisation de ces espaces. Le drapeau rouge de la privatisation ne semble plus si loin.</p>
<p>Dans ce monde rêvé, un nouvel acteur a toute sa place : le « gestionnaire de site ». On le retrouve dans les espaces de transit comme une gare (Gares & Connexions), mais aussi un aéroport (Aéroports de Paris), ou une galerie commerciale (Unibail-Rodamco-Westfield). Les usagers de la gare ne sont plus forcément des voyageurs. Et tous ne se croisent pas forcément. Une image simple montre cette tension : un voyageur marche d’un pas alerte pour optimiser son trajet, alors qu’un client flâne devant les vitrines de la galerie commerciale.</p>
<h2>Le futur des gares : une question politique</h2>
<p>Deux acteurs, deux logiques, deux conceptions du futur des gares en France. Le modèle de rénovation des gares induit aujourd’hui nécessairement le développement des commerces. Que l’on soutienne cette évolution ou non, dans le paradigme actuel, la gare doit devenir un espace urbain pour rester un espace ferroviaire. Les pouvoirs publics peuvent difficilement imposer moins de commerces, quand ils ne sont pas les investisseurs du projet. Et la SNCF n’a pas la primauté non plus : la société commune pour porter le projet d’agrandissement et son exploitation commerciale est détenue <a href="https://www.garesetconnexions.sncf/fr/journaliste/sncf-ceetrus-presentent-structure-qui-va-transformer-gare-paris-nord">à 66 % par Ceetrus</a> et 34 % par SNCF Gares & Connexions.</p>
<p>Espace ferroviaire ou commercial ? Encore faudrait-il être plus clair sur qui décide. Reste alors à s’interroger plus franchement sur ce « besoin » de rénover les gares, et le modèle de financement de ces grands travaux… Comme l’affirme une (nouvelle !) tribune du même collectif d’opposition publiée le 17 octobre, « la vraie modernité, la vraie rupture n’est pas dans le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/17/la-gare-du-nord-merite-le-meilleur-mais-ou-est-le-meilleur_6015833_3232.html">bourrage bétonné de mètres carrés rentables</a> ». Ce qui ressort de cette polémique est bien que le futur des gares est une question politique, et qui n’a pas fini de mobiliser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albane Grandazzi a reçu des financements de SNCF Voyages pour réaliser sa thèse de doctorat (2015-2018). </span></em></p>Espace ferroviaire ou commercial ? L’opposition entre ces deux visions explique le vif débat autour du projet pour la gare parisienne, qui doit faire peau neuve d’ici 2024.Albane Grandazzi, Chargée de recherche & d'enseignement, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.