tag:theconversation.com,2011:/global/topics/transition-energetique-23303/articlestransition énergétique – The Conversation2024-03-21T09:06:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2261592024-03-21T09:06:32Z2024-03-21T09:06:32ZBientôt, de l’énergie géothermique illimitée ? En Islande, le projet fou d’un tunnel creusé dans un volcan<p>Le projet <a href="https://kmt.is/">Krafla Magma Testbed</a> (KMT) a débuté en 2017, mais c’est l’annonce de la première mission de forage à venir en 2026 qui l’a rendu célèbre. Ce n’est pas surprenant, car le tunnel dont la construction est prévue pour accéder à la chambre magmatique du <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Krafla">volcan Krafla</a> est un aspect marquant du projet.</p>
<p>L’intérêt du tunnel est d’obtenir un accès sûr et fiable à la <a href="https://www.ign.es/web/vlc-teoria-general">chambre souterraine où est stocké le magma du volcan</a>. Il sera ainsi possible de prélever des échantillons du magma et de mener des recherches expérimentales. Et cela, avec deux objectifs principaux :</p>
<ul>
<li><p>prévoir les catastrophes volcaniques,</p></li>
<li><p>et explorer de nouveaux moyens plus efficaces d’exploiter l’énergie géothermique.</p></li>
</ul>
<p>Ce premier forage sera suivi d’un autre, prévu en 2028. Les installations de mesure et d’analyse devraient être opérationnelles d’ici 2030.</p>
<h2>L’énergie de la Terre</h2>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/geothermie-22950">géothermie</a> est l’énergie naturelle stockée à l’intérieur de la Terre. En effet, la température de la croûte terrestre augmente avec la profondeur et l’énergie stockée se manifeste souvent directement par des éruptions volcaniques à la surface. C’est pourquoi des <a href="https://billiken.lat/interesante/cuales-son-los-paises-con-mayor-cantidad-de-volcanes-activos/">pays comme l’Islande et le Japon, où l’activité volcanique est élevée</a>, ont un plus grand potentiel pour exploiter ce type d’énergie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il s’agit d’une source d’énergie très polyvalente, car la chaleur peut être utilisée de façon directe (dans les piscines et les spas, dans les systèmes de chauffage urbain, etc.), ou encore être utilisée pour produire de l’électricité.</p>
<p>Les conditions requises pour l’utilisation directe de l’énergie géothermique sont assez simples à remplir, et elle peut être exploitée presque partout sur la planète.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">Il existe plusieurs types de géothermie – comment marchent-ils, et quels sont les risques ?</a>
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<h2>Gisements géothermiques</h2>
<p>Pour produire de l’électricité avec une source d’énergie géothermique, il est nécessaire d’avoir accès à un <a href="https://www.geosoc.fr/liens-docman/reunions-scientifiques-et-techniques/geothermie-de-nouveaux-developpements/879-nouveaux-developpements-en-geothermie-profonde/file.html">gisement géothermique</a>.</p>
<p>Il est difficile d’en trouver de satisfaisants. Il ne suffit pas qu’ils soient intéressants au plan géologique, il faut aussi qu’il y ait suffisamment de ressources dans la région pour pouvoir les exploiter.</p>
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<p>Les gisements géothermiques peuvent être classés en fonction de leur niveau d’énergie (ou <a href="https://uved.univ-nantes.fr/GRCPB/sequence2/html/chap3_part9_1.html">enthalpie</a>). Ceux qui ont une <a href="https://involcan.org/2925-2/">enthalpie élevée</a> peuvent être utilisés pour produire de l’électricité, comme dans le cas du volcan islandais que l’on veut forer.</p>
<p>Ce type de réservoir atteint des températures de plus de 150 °C, suffisantes pour générer de la vapeur d’eau et enclencher un cycle thermodynamique similaire à celui qui survient dans une centrale thermique ou nucléaire pour actionner une turbine.</p>
<p>Le rendement de ce processus est lié à la température de la source. De sorte que plus la température est élevée, plus la production d’électricité est importante. C’est ce qui intéresse le plus le projet KMT, car la chambre magmatique du volcan Krafla atteint des températures de plus de 900 °C.</p>
<p>Mais il y a une limite : pour exploiter cette source d’énergie, il faut développer de nouveaux matériaux et capteurs capables de résister à des températures aussi extrêmes.</p>
<h2>L’Islande, pays du feu et de la glace</h2>
<p>L’Islande bénéficie d’une situation privilégiée pour le développement de la géothermie. <a href="https://www.visiticeland.com/es/article/energias-renevovables">Plus de 70 % de l’énergie consommée dans le pays est d’origine géothermique</a>.</p>
<p>Les Islandais ont même atteint l’autosuffisance en matière de production d’électricité en combinant plusieurs sources, dont principalement la géothermie et l’hydroélectricité. Leur capitale, Reykjavík, dispose d’un système de chauffage fonctionnant avec de l’eau chauffée par l’énergie géothermique. Une fois utilisée pour chauffer les maisons, elle circule dans les rues pour faire fondre la neige.</p>
<p>Toutefois, la politique adoptée par le gouvernement islandais pour encourager l’utilisation de la géothermie est relativement récente.</p>
<h2>Sortir des énergies fossiles</h2>
<p>Jusqu’au début des années 1970, l’Islande basait sa politique énergétique sur les énergies fossiles. Mais en <a href="https://www.bloomberglinea.com/2023/03/05/islandia-muestra-al-mundo-como-funcionar-con-energia-limpia-y-fiable/">1973, le gouvernement a commencé à élaborer un plan stratégique pour l’utilisation de l’énergie géothermique</a>, à la suite d’une grave crise provoquée par la hausse des prix du pétrole. Depuis lors, l’Islande s’est engagée simultanément sur la voie de l’indépendance énergétique et de la décarbonisation.</p>
<p>Le plan du gouvernement a été articulé en deux phases :</p>
<ul>
<li><p>la première entre 1999 et 2003 pour collecter des données,</p></li>
<li><p>et la seconde entre 2004 et 2009, consacrée à l’étude et à l’évaluation des ressources géothermiques.</p></li>
</ul>
<p>L’année 2009 a marqué un tournant pour la recherche en géothermie, lorsque la chambre magmatique du volcan Krafla a été forée pour la première fois.</p>
<p>Le forage faisait partie d’un projet précurseur du KMT, le <a href="https://www.piensageotermia.com/iceland-deep-drilling-project-un-proyecto-de-ciencia-ficcion/">Iceland Deep Drilling Project</a> (IDDP), bien que le forage de la chambre magmatique du volcan n’avait pas été prévu au départ.</p>
<p>L’IDDP et le KMT témoignent de l’engagement du gouvernement islandais, qui a valu à l’Islande le titre bien mérité de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-leruption-volcanique-en-islande-na-rien-dune-surprise-les-explications-dun-geologue-220292">« terre de feu et de glace »</a>.</p>
<h2>La géothermie ailleurs dans le monde</h2>
<p>Le Japon est un autre pays qui bénéficie d’une situation avantageuse pour le développement de la géothermie. Le gouvernement japonais a lancé des projets visant à combiner l’énergie géothermique et l’énergie marémotrice.</p>
<p>L’idée de base est d’utiliser une turbine flottante ou immergée pour capter l’énergie des marées, tout en captant l’énergie géothermique des fonds marins.</p>
<p>Le gouvernement chilien, en plus d’être plongé dans l’exploitation de ses <a href="https://theconversation.com/vehicules-electriques-la-geothermie-future-source-dapprovisionnement-en-lithium-205072">réserves de lithium</a>, utilise la fracturation hydraulique (<em>fracking</em>) pour <a href="https://www.scientificamerican.com/article/fracking-for-renewable-power-geothermal/">réutiliser les anciens puits de pétrole</a> et exploiter les sources d’énergie géothermique.</p>
<p><a href="https://www.igme.es/geotermia/presentacion2.htm">En Espagne</a>, les gisements de haute enthalpie ne sont pas très courants et il y a peu de précédents en termes de projets géothermiques. Cependant, une région d’Espagne pourrait être notre Islande. Il s’agit des <a href="https://www3.gobiernodecanarias.org/ceic/energia/oecan/images/Documentos/Estudios/D5_Estrategia_Geotermia_Canarias.pdf">îles Canaries</a>, qui présentent une activité volcanique récente – rappelez-vous <a href="https://theconversation.com/la-palma-2021-el-ano-del-volcan-174238">l’éruption du volcan La Palma</a> en 2021 – et des ressources géothermiques susceptibles d’être exploitées.</p>
<p>L’<a href="https://www.idae.es/">Institut pour la diversification et les économies d’énergie (en espagnol, Instituto para la Diversificación y Ahorro de la Energía, ou IDAE)</a> a récemment publié une proposition d’aide pour ces projets, avec un budget de 49 millions d’euros.</p>
<p>Creuser un tunnel dans un volcan est un moyen scientifique et rentable d’extraire du sol de l’énergie propre et bon marché dont nous avons besoin. Cette fois, la réalité dépasse la fiction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Javier Sánchez Prieto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Islande va creuser un tunnel jusqu’à la chambre souterraine où est stocké le magma d’un volcan. De quoi mieux prévoir les éruptions, et peut-être exploiter l’énergie géothermique du lieu.Javier Sánchez Prieto, Director Académico Máster Universitario en Energías Renovables UNIR, UNIR - Universidad Internacional de La Rioja Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2255882024-03-18T15:34:13Z2024-03-18T15:34:13ZRelance du nucléaire et urgence climatique : les liaisons dangereuses<blockquote>
<p>« J’assume d’être à la tête d’un gouvernement proénergie nucléaire. » </p>
</blockquote>
<p>Dans son discours de politique générale, en janvier, le premier ministre Gabriel Attal réaffirmait le revirement majeur opéré en faveur de l’atome depuis <a href="https://theconversation.com/nucleaire-en-france-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-175000">la fermeture de la centrale de Fessenheim</a> sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.</p>
<p>L’urgence climatique est régulièrement avancée pour justifier ce virage stratégique opéré <a href="https://www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-01/230118-CP-PJL-CNDP.pdf">sans réel débat citoyen</a>. Il convient de l’examiner avec rigueur en dépassant les stéréotypes dans lesquels nous enferment les débats polarisés entre « pros » et « antis ».</p>
<p>Posons en premier lieu les termes du débat : comme ses partenaires européens, la France s’est engagée à atteindre la neutralité climat en 2050, avec deux objectifs intermédiaires : réduire de 55 % d’ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et de 90 % d’ici 2040, si les propositions de la Commission européenne sont retenues.</p>
<p>Un tel défi implique d’opérer deux mutations majeures en matière énergétique :</p>
<ul>
<li><p>rompre avec la croissance passée de la demande en visant une diminution de moitié de l’utilisation finale d’énergie d’ici à 2050,</p></li>
<li><p>accélérer l’électrification des usages pour favoriser la décarbonation.</p></li>
</ul>
<p>En dépit de la baisse nécessaire de la demande totale d’énergie, l’utilisation d’électricité décarbonée va devoir augmenter. Pour la produire et chasser les sources fossiles du système, on peut utiliser des sources renouvelables et/ou recourir à l’énergie nucléaire résultant de la fission des atomes.</p>
<h2>Singularité française</h2>
<p>Dans la majorité des pays, l’atome joue un rôle secondaire ou nul dans la fourniture d’électricité. En 2022, il n’a fourni que <a href="https://www.worldnuclearreport.org/-World-Nuclear-Industry-Status-Report-2023-.html">9,2 % de l’électricité mondiale</a>.</p>
<p>Dans le scénario de décarbonation le plus ambitieux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production d’électricité d’origine nucléaire augmente en valeur absolue, mais elle ne fournit que <a href="https://iea.blob.core.windows.net/assets/86ede39e-4436-42d7-ba2a-edf61467e070/WorldEnergyOutlook2023.pdf">8 % de l’électricité mondiale en 2050</a>, le déploiement des renouvelables primant.</p>
<p>Le cas de la France est tout à fait singulier. Avec la Slovaquie (et l’Ukraine avant la guerre), c’est le seul pays au monde où le nucléaire fournit plus de la moitié de l’électricité (65 % en 2023, 78 % en 2005). Avec 56 réacteurs en service, notre pays dispose de plus de la moitié de la puissance nucléaire installée au sein de l’Union européenne. L’électricité y est, avec celle des pays nordiques, la plus décarbonée du continent.</p>
<p>La grande majorité des réacteurs en activité (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9rations_de_r%C3%A9acteurs_nucl%C3%A9aires">dits de seconde génération</a> par opposition aux EPR de 3<sup>e</sup> génération) ont été construits en un temps record après le choc pétrolier de 1973. Depuis 1999, la capacité installée reste sur un plateau et les moyens de production vieillissent : déclasser toutes les centrales ayant effectué 40 années de service – hypothèse <a href="https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/la-poursuite-de-fonctionnement-des-reacteurs-de-900-mwe-au-dela-de-40-ans">retenue lors de leur conception</a> – provoquerait un affaissement brutal de la production d’électricité décarbonée d’ici à 2040 : c’est « l’effet falaise ».</p>
<h2>Au bord de la falaise</h2>
<p>En 2022, le pays a expérimenté les conséquences de la mise à l’arrêt d’une partie du parc. En l’absence de réserve de capacité d’offre de renouvelable, le recours à des centrales thermiques pour compenser la <a href="https://analysesetdonnees.rte-france.com/bilan-electrique-2023/synthese">baisse du nucléaire a généré</a> une hausse de 5 Mt des rejets de CO<sub>2</sub> sur le territoire et de 3,1 Mt via l’importation d’électricité. Pour ne pas tomber de la falaise et respecter nos objectifs climatiques, on aura besoin d’ici à 2040 à la fois d’un accroissement rapide des sources renouvelables et de l’utilisation du parc nucléaire existant.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581961/original/file-20240314-26-rorauy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">The World Nuclear Industry Status Report 2023</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cela nécessite des investissements de mise à niveau des centrales pour prolonger leur exploitation sur des périodes décennales après les visites de contrôles opérées par l’autorité de sûreté (ASN). Le coût de ces investissements, dit du « grand carénage », a été estimé en 2020 à <a href="https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/espaces-dedies/espace-medias/cp/2020/2020-10-29-cp-certifie_edf-reajuste-le-cout-du-programme-grand-carenage.pdf">50 milliards d’euros</a> par EDF. En ajoutant l’inflation apparue depuis, on peut tabler sur une somme de l’ordre de 55 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros par réacteur.</p>
<p>Ramené à la tonne de CO<sub>2</sub> évitée, ce coût peut être estimé dans une fourchette allant de 150 à 200 euros par tonne, en extrapolant dans le futur l'impact qu'a eu en 2022 la mise à l'arrêt d'une partie du parc. En prenant des hypothèses plus contraignantes sur la disponibilité des moyens de production faiblement carbonés substituables au nucléaire, on obtient malgré tout une fourchette de 75 à 100 euros par tonne.</p>
<p>Le coût du mégawatt-heure (MWh) du nucléaire historique en sera renchéri, souvent au-delà de celui des nouvelles sources renouvelables. C’est le prix à payer pour les imprévoyances du passé et notre retard en matière d’énergie renouvelable. Cela ne préjuge en aucune façon des décisions à prendre sur le nouveau nucléaire.</p>
<h2>Une technologie encore en développement</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/un-nouveau-plan-nucleaire-pour-la-france-quand-lhistoire-eclaire-lactualite-181513">schéma gouvernemental de relance du nucléaire </a>porte sur des <a href="https://www.asn.fr/l-asn-controle/epr-2">réacteurs EPR2</a>, d’une capacité voisine de celle de l’EPR de Flamanville, avec un design simplifié pour réduire les coûts de construction. Dans un premier temps, trois paires d’EPR2 sont programmées : l’idée est ensuite de passer à la vitesse supérieure en multipliant les EPR2 pour bénéficier d’économies d’échelle.</p>
<p>Par rapport à Flamanville, dont le chantier aura duré 17 ans pour un démarrage en 2024, on peut espérer un raccourcissement des délais de construction. Mais l’EPR2 est un nouveau réacteur dont il faut finaliser le design. Son chantier fera face aux imprévus propres aux « têtes de série ».</p>
<p>Le programme des EPR2 n’aura pas d’impact significatif sur l’offre électrique avant 2040. Sous l’angle climatique, il ne se justifie que s’il permet de fournir les électrons décarbonés après 2040 à des conditions plus avantageuses que les énergies de flux.</p>
<p>Cela se juge en projetant dans le futur les coûts du nucléaire et du renouvelable à partir de ce qu’on connaît de leurs dynamiques. En la matière, les informations sont bien plus nombreuses et vérifiables pour le renouvelable que pour le nucléaire, très opaque.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-recit-derriere-le-retour-en-grace-du-nucleaire-223943">Quel récit derrière le retour en grâce du nucléaire ?</a>
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<h2>Les trajectoires divergentes des coûts directs</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-les-retards-de-la-france-en-matiere-denergies-renouvelables-202815">solaire et l’éolien</a> ont connu un effondrement de leurs coûts directs de production avec l’allongement des séries de production et l’augmentation des puissances installées. Cette dynamique se poursuivra, même si elle est infléchie par deux effets contraires : le renchérissement des métaux utilisés et celui du foncier.</p>
<p>Côté nucléaire, on observe plutôt un accroissement des coûts des chantiers dont la durée ne baisse pas, surtout dans les pays démocratiques où le coût de la sécurité est mieux pris en compte que dans les régimes autoritaires. Il revient aux promoteurs de l’EPR2 d’expliciter les méthodes permettant de contrecarrer la tendance à l’accroissement des coûts.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582325/original/file-20240316-26-u9p8j6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Aide à la lecture : en 2022, une centrale sur deux nouvellement raccordée au réseau dans le monde a connu un délai de réalisation supérieur à 89 mois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">World Nuclear Association, World Nuclear Performance Report 2023, P.11</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Les coûts indirects du renouvelable et du nucléaire</h2>
<p>À ces coûts directs s’ajoutent des coûts indirects. Pour le renouvelable, les coûts indirects concernent, à titre principal, ceux liés à l’adaptation du réseau – peu compressibles – et ceux de l’intermittence – qui ont déjà fortement fléchi grâce aux progrès du stockage par batterie. Une tendance amenée à s’amplifier avec le recours au numérique et à l’intelligence artificielle pour une gestion optimisée de la demande, et avec la baisse du coût de l’hydrogène décarboné pour le stockage intersaisonnier.</p>
<p>Pour le nucléaire, les coûts indirects sont ceux du démantèlement des réacteurs en fin de vie et de la gestion du combustible.</p>
<p>Les premiers sont théoriquement intégrés dans l’estimation du coût du programme EPR2 par EDF : <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/exclusif-nucleaire-la-facture-previsionnelle-des-futurs-epr-grimpe-de-30-2080380">67,4 milliards d’euros</a>, soit 11 milliards par réacteur hors frais financiers. Il est cependant difficile de savoir comment ils sont anticipés. L’opérateur dispose d’une courbe d’expérience limitée puisqu’aucun des travaux de démantèlement engagés sur <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/produire-une-energie-respectueuse-du-climat/lenergie-nucleaire/edf-une-expertise-nucleaire-unique/deconstruction-des-centrales-nucleaires">six des réacteurs mis à l’arrêt</a> depuis 1985 n’a pas encore été achevé.</p>
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<p>Le coût additionnel de traitement des combustibles n’est pas intégré dans les 67,5 milliards. Il devrait se chiffrer en dizaines de milliards. Il sera alourdi par l’option française en faveur du retraitement du combustible qui exigera des investissements lourds dans les usines de retraitement de La Hague et de Marcoule.</p>
<p>De plus, les EPR2 vont augmenter la production annuelle des déchets d’uranium, aujourd’hui en partie retraités en Russie par l’opérateur d’État Rosatom jusqu’à présent épargné des sanctions occidentales.</p>
<h2>Les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable</h2>
<p>Un troisième paramètre doit être pris en compte. Le programme EPR2, parallèlement à celui du grand carénage, va exercer une pression massive sur les ressources. Et bien sûr, les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable.</p>
<p>Derrière les milliards, il y a des équipements qui ne sont pas interchangeables, mais aussi beaucoup de travail qualifié dont le manque pèse déjà sur le déploiement du renouvelable. Non seulement le programme EPR2 ne semble pas la voie la plus économe pour atteindre les objectifs climatiques post 2040, mais sa mise en œuvre menace l’atteinte de ceux visés en 2030 et en 2040 grâce au renouvelable.</p>
<p>Le même regard d’économiste du climat qui portait un diagnostic favorable au programme de réinvestissement dans le nucléaire historique conduit donc à un jugement opposé pour le programme EPR2.</p>
<p>Les innovations technologiques sont-elles susceptibles de déplacer le balancier en faveur du nouveau nucléaire ?</p>
<h2>Petits réacteurs modulaires, promesses et risques</h2>
<p>Si le nucléaire a capté une part des dépenses de R&D bien plus élevée que le renouvelable au cours des <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/data-tools/energy-technology-rdd-budgets-data-explore">50 dernières années</a>, les innovations changeant la donne économique ont jusqu’à présent été le fait des énergies renouvelables. Des sommes importantes continuent d’être investies sur la fusion nucléaire ou les réacteurs de 4<sup>e</sup> génération à neutrons rapides.</p>
<p>L’innovation des <a href="https://theconversation.com/reacteurs-nucleaires-smr-de-quoi-sagit-il-sont-ils-moins-risques-172089">petits réacteurs modulaires (SMR)</a> est d’une autre nature. Elle consiste à cesser la course à la taille, pour fabriquer des unités de puissance unitaire beaucoup plus petite, susceptibles d’être alignées de façon modulaire, pour adapter l’offre aux besoins énergétiques.</p>
<p>Le second objectif visé est une baisse drastique des coûts, grâce à l’usinage en série des équipements, le chantier ne consistant plus qu’à <a href="https://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/energies/nuward-smr.aspx">assembler les pièces préfabriquées</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nucleaire-en-france-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-175000">Nucléaire en France : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ?</a>
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<p>Plus de <a href="https://www.iaea.org/fr/themes/petits-reacteurs-modulaires">80 projets de SMR</a> ont été recensés par l’AIEA. Les constructeurs historiques ajoutent à leur catalogue des versions modulables et rétrécies de leurs réacteurs et de nouveaux entrants s’engouffrent dans le créneau. Pour l’heure, aucun n’a montré comment la promesse de baisse des coûts pourrait être tenue.</p>
<p>Imaginons que la promesse de baisse de coûts se concrétise. Le déploiement des SMR poserait de nouvelles questions de sécurité : multiplier les sites nucléaires civils accroîtrait les risques de détournement à des fins terroristes ou militaires. Un risque à ne pas sous-estimer dans le contexte de tensions géopolitiques croissantes.</p>
<p>En l’état actuel des informations, la prise en compte des projets SMR ne permet donc pas d’infléchir le balancier : sous l’angle économique, l’urgence climatique n’est pas un argument pertinent pour justifier la relance du nouveau nucléaire.</p>
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<p><em>L’auteur remercie Michel Badré pour sa relecture perspicace d’une première version de cet article</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’urgence climatique justifie-t-elle la relance du nucléaire en France ? Les réponses ne sont pas les mêmes pour le nucléaire historique et pour les nouveaux réacteurs.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251352024-03-13T15:57:16Z2024-03-13T15:57:16ZRéindustrialisation, décarbonation… Il ne faudrait pas oublier les entreprises de taille intermédiaire<p>En 2022, la France a émis <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/emissions-de-gaz-effet-de-serre-et-empreinte-carbone-en-2022-syntheses-des-connaissances-en-2023">404 millions de tonnes de CO₂ équivalent</a>, soit 25 % de moins qu’en 1990, année de référence pour le protocole de Kyoto. Bien qu’orientée dans la bonne direction, cette trajectoire de réduction doit encore s’accélérer pour atteindre les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/">objectifs fixés</a> : une baisse de 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050.</p>
<p><iframe id="k4EqC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/k4EqC/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment la France a-t-elle réussi à <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">décarboner</a> jusqu’à présent ? Sur les 136 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent gagnées entre 1990 et 2022, 66 millions, soit près de la moitié, proviennent d’une réduction des émissions de l’industrie manufacturière.</p>
<p><iframe id="G2kqF" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/G2kqF/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce recul contraste très largement avec l’évolution des émissions industrielles mondiales qui, entre 2000 et 2022, ont bondi de 64 %. Plusieurs facteurs expliquent cette divergence de trajectoires et tous ne sont pas forcément positifs pour l’environnement. Tenter de les identifier, comme nous le faisons dans notre rapport « <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/12/etilab-decarboner-les-ETI-04dec23.pdf">Décarbonation, réindustrialisation & Entreprises de Taille Intermédiaire</a> » donne quelques clés pour penser la suite de ce mouvement global de réduction de la pollution atmosphérique.</p>
<h2>Une décarbonation « facile » jusqu’alors ?</h2>
<p>Si réduire les émissions de production est une nécessité, la question plus fondamentale est celle de l’<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">empreinte carbone réelle de notre mode de vie</a>. Quand <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294">décarboner signifie importer plus</a>, l’empreinte française se voit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7702892">gonflée</a> du contenu carbone de la production dans des économies moins vertueuses sur le plan environnemental. Or, la mesure des seules émissions locales ne tient pas compte du contenu importé. Dans ce cas, la décarbonation apparente peut s’accompagner en réalité d’une aggravation du problème environnemental.</p>
<p>A contrario, exporter davantage de produits plus vertueux grâce à une énergie plus décarbonée en Europe serait un gage de réduction globale des émissions, peut-être au prix d’émissions moins limitées pour ce qui concerne le Vieux continent. Réduire le déficit de notre balance commerciale tout en diminuant les émissions globale, tel est l’enjeu de la réindustrialisation verte. On est en cependant très loin aujourd’hui.</p>
<p>Si l’industrie française a réduit ses émissions depuis la signature du protocole de Kyoto, c’est en effet en partie car elle a connu une <a href="https://www.franceindustrie.org/wp-franceindustrie/wp-content/uploads/2023/02/TABLEAU-DE-BORD-DE-FRANCE-INDUSTRIE-fevrier-2023.pdf">réduction de sa production manufacturière</a> sur la période (-11 % entre 2006 et 2022) contrairement à d’autres économies, notamment en Asie (+ 124 % entre 2006 et 2022), qui se sont fortement développées.</p>
<p><iframe id="7csFk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7csFk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="0vX51" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0vX51/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’industrie française a aussi su décarboner sa production en s’appuyant sur un meilleur mix énergétique utilisant de moins en moins de pétrole et de charbon, signal plus positif. Elle a également bénéficié d’innovations de rupture, en particulier dans la chimie qui a radicalement réduit ses émissions de protoxyde d’azote dans la fabrication d’acide adipique, d’acide nitrique et d’acide glyoxylique. De telles bonnes surprises sont cependant rares, et les prochaines innovations de rupture qui pourront engendrer de telles réductions ne sont pas encore connues.</p>
<h2>Priorités aux grands sites ? Oui, mais…</h2>
<p>Pour accompagner l’effort de décarbonation, l’Union européenne a lancé le paquet <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/"><em>fit for 55</em></a>. La politique publique française se concentre, elle, principalement sur les 50 sites les plus émetteurs, le fameux <a href="https://www.economie.gouv.fr/actualites/transition-ecologique-strategie-accelereration-decarbonation-sites-industriels">top 50</a>. Objectif fixé par le président de la République le 8 novembre 2022 : diviser par deux les émissions industrielles françaises des cinquante sites les plus polluants au cours de la prochaine décennie avec 54 milliards d’euros mis sur la table pour accompagner le mouvement. Fin janvier, le premier ministre Gabriel Attal a annoncé une <a href="https://www.bfmtv.com/economie/pollution-le-gouvernement-veut-cibler-les-50-sites-industriels-qui-mettent-le-plus-de-plastique-sur-le-marche_AV-202401300697.html">démarche similaire</a> en direction des 50 sites mettant le plus d’emballages plastiques sur le marché.</p>
<p>Certes, ces sites représentent à eux seuls près de 60 % des émissions industrielles et constituent incontestablement une cible de choix pour la décarbonation. Ils sont en outre surtout actifs dans les secteurs de la métallurgie, des matériaux de construction et de la chimie. Ces sites produisent les biens « simples » nécessaires à la fabrication des biens industriels plus complexes. La décarbonation de ces sites aura donc un impact direct sur leurs émissions, mais aussi un impact indirect pour les autres secteurs. Accompagner l’effort de ces sites favorise de plus leur maintien sur le territoire, ce qui est une question de souveraineté qui légitime elle aussi une telle intervention.</p>
<p>L’intérêt porté aux 50 sites les plus émetteurs ne doit pas pour autant faire passer sous le radar le reste de l’industrie, qui représente tout de même 40 % des émissions industrielles, l’essentiel de l’emploi du secteur et la clé de voûte d’une potentielle réindustrialisation verte du pays. Contrairement aux 50 sites les plus émetteurs, cette industrie diffuse s’étend sur un grand nombre de secteurs et sur l’ensemble du territoire. Compte tenu du nombre d’entreprises, il est difficilement concevable d’engager un dialogue particulier avec chacune d’entre elles : le pouvoir public ne paraît pas pouvoir utiliser la recette appliquée aux 50 sites.</p>
<p>Alors comment faire ?</p>
<h2>Que faut-il décarboner ?</h2>
<p>Pour saisir le problème de la décarbonation de l’industrie diffuse, il est important de rappeler qu’il existe deux types d’émissions : les émissions de « procédés » et les émissions de « combustion ». Les émissions de « procédés » sont inhérentes à la réaction chimique nécessaire à la production. Par exemple, la production de ciment implique le chauffage à très haute température d’un mélange de calcaire, d’argile et de sable dégageant des gaz à effet de serre. Les émissions de « combustion » proviennent, quant à elles, des énergies utilisées pour permettre la combustion. Par exemple, les hauts fourneaux sidérurgiques utilisent du charbon qui, en brûlant, dégage, des gaz à effet de serre.</p>
<p>La décarbonation des « procédés » est avant tout un problème d’innovation. Pour réduire ces émissions, il faut inventer une nouvelle manière de produire, utiliser une autre réaction chimique qui dégage moins de gaz à effet de serre. Des solutions ont été découvertes, comme le <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/ciment-sans-clinker-la-solution-davenir-129691/">ciment sans clinker</a> qui est produit à froid et consomme moins d’énergie, d’autres sont en cours de développement.</p>
<p><iframe id="v0K4I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v0K4I/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour réduire les émissions de « combustions », il faut remplacer une énergie par une autre moins émettrice, c’est par exemple remplacer un four à gaz par un four électrique, ou substituer un moteur électrique à un moteur à fuel. Ce sont ces économies de « combustions » qui semblent les plus accessibles dans l’économie diffuse. L’industrie manufacturière a déjà abandonné les sources fossiles les plus émissives pour passer au gaz, énergie majoritaire dans tous les secteurs à l’exception de la métallurgie des métaux ferreux qui repose structurellement sur l’usage de la houille. La réduction des émissions de l’industrie diffuse devra s’appuyer sur un grand effort d’électrification.</p>
<h2>Décentraliser et coopérer</h2>
<p>Les clés du succès semblent détenues par la puissance publique et par les entreprises elles-mêmes. Le rôle de la puissance publique est d’informer et de soutenir en prenant au maximum en compte les particularités sectorielles et locales. La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-portant-sur-nouvelle-organisation-territoriale-republique-notre">loi NOTRe</a> du 7 août 2015 qui donne à la région la responsabilité du développement économique et durable peut être un vecteur important de réussite, tout comme le développement de politiques industrielles territorialisées, si suffisamment de moyens lui sont donnés. La <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/1_metier/2_professionnel/2024-02-2142--fiche-cvae-reforme-2024-com-impots.gouv.pdf">suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée</a> (CVAE), en diminuant l’indépendance des collectivités territoriales, ne va pas dans ce sens.</p>
<p>De leur côté, les entreprises peuvent faciliter la décarbonation en coopérant et en partageant leurs expériences. La création d’un réseau est le moyen le plus sûr et le plus rapide de favoriser la propagation des bonnes pratiques et la reproduction des solutions qui fonctionnent.</p>
<p>Gageons que l’industrie française pourrait être exemplaire en la matière, grâce à une électrification de l’industrie, qui constitue la prochaine poche de réduction des émissions à exploiter. Grâce aussi à une main-d’œuvre de grande qualité, et grâce à un maillage de politique publique, national et régional, qui pourrait massivement utiliser la coopération locale et l’expérimentation dans un tissu industriel diffus constitué d’entreprises plus petites et moins connues que les grandes, majoritaires dans le top 50, et néanmoins <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/06/Lettre-5.pdf">prédominantes dans l’emploi industriel</a>. D’une pierre, trois coups…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Fleckinger est titulaire de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Prevet est directeur exécutif de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.
</span></em></p>La politique industrielle et environnementale française cible les plus grands sites de production. Il ne faudrait pas pour autant négliger les ETI qui appellent des politiques différentes.Pierre Fleckinger, Professur d'économie, chercheur associé à Paris School of Economics, titulaire de la chaire etilab, Mines Paris - PSLAntoine Prevet, Directeur exécutif Chaire etilab, Chercheur en économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247972024-03-06T16:08:59Z2024-03-06T16:08:59ZS’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière, pour gérer la transition verte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578918/original/file-20240229-16-p8z0hc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3924%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école du Bauhaus à Dessau associait à une école d'architecture et de design des ateliers depuis lequels cette photo est prise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2timent_du_Bauhaus_%28Dessau%29#/media/Fichier:Bauhaus_Dessau_2018.jpg">Aufbacksalami / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs années, les recherches et les formations conduites en partenariat avec les acteurs socio-économiques témoignent de leur mobilisation pour œuvrer aux transitions qu’appellent notre temps, au premier rang desquelles la transition verte. Ici un fournisseur de l’aéronautique développe une <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/#:%7E:text=L%27option%20Ing%C3%A9nierie%20de%20la,innovation%20et%20aux%20projets%20industriels">nouvelle filière pour le recyclage de ses composants</a> ; là une entreprise soutient la <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/">mobilisation collective pour réinventer les stations de ski</a> face au changement climatique ; ailleurs le <a href="https://e-shape.eu/index.php/co-design">co-design</a> permet aux acteurs de mobiliser la donnée satellitaire pour de nouveaux services à fort impact pour le développement durable. Certains travaillent à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comme-un-air-de-revolution-chez-verallia.N2206927">alléger radicalement la bouteille en verre pour diminuer l’impact environnemental</a>, quand d’autres reconçoivent des socio-agro-écosystèmes avec de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete">meilleurs couplages alimentation-agriculture-environnement</a>.</p>
<p>À peine entamées, les nombreuses transitions semblent pourtant <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/23/la-transition-ecologique-est-mal-partie_6218115_3234.html">déjà à la peine</a>. Les sciences de gestion nous indiquent que ces difficultés tiennent notamment au fait que manquent aujourd’hui les capacités à gérer collectivement l’inconnu. En effet il ne s’agit pas de suivre une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">trajectoire prédéfinie</a> vers un état final bien connu, comme le laisserait penser l’origine de la notion de transition. Les transitions contemporaines sont des transitions vers l’inconnu : il s’agit d’inventer un futur soutenable face aux crises et aux limites des modes de développement passés. De la notion, on peut cependant conserver le caractère systémique : toutes les dimensions de l’action sont à réinventer.</p>
<p>Les transitions contemporaines appellent ainsi un renouvellement des sciences, des usages et modes de vie, des compétences, des régimes de collaboration et de solidarité, des responsabilités, des façons d’apprendre et de transmettre… Loin d’un <a href="https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481">techno-solutionisme naïf</a>, le besoin de conception se révèle immense et sous-estimé, tant il porte sur des aspects qui dépassent les catégories usuelles de la R&D et de la technologie. Et les sciences de gestion nous alertent : gérer les efforts de conception collective pour les transitions dans l’inconnu suppose un changement de paradigme majeur pour le management.</p>
<h2>De la destruction créatrice à la préservation créatrice ?</h2>
<p>Longtemps le manager a été assimilé au décideur, un décideur qui ne verrait dans les transitions contemporaines que des dilemmes sacrificiels où chaque décision ne fait que des perdants, conduisant inexorablement à un durcissement des positions et des discours : l’emploi contre la biodiversité, la paix sociale contre l’environnement, la mobilité pour tous contre les motorisations décarbonées… Le manager-décideur sera ainsi tenté de trancher et d’assurer une acceptabilité sociale minimale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689581528014028800"}"></div></p>
<p>Cependant face à l’inconnu, il ne s’agit pas de décider mais de concevoir. Le manager-concepteur organise l’exploration collective pour imaginer de nouvelles alternatives plus durables, plus soutenables, plus résilientes. Ceci se fait en mobilisant l’ensemble des ressources inventives sciences-arts-industries-sociétés pour dessiner les prospérités et les puissances futures.</p>
<p>La gestion de l’inconnu a pu se développer fortement dans les départements d’innovation apparus dans les entreprises et les organisations ces dernières années. Mais la gestion des inconnus des transitions présente deux caractéristiques singulières.</p>
<p>D’une part, les transitions contemporaines posent la question de la préservation tant des ressources que du vivre-ensemble, des valeurs ou des modes de vie. Le régime d’innovation ne saurait ici être une création destructrice schumpétérienne mais bien plutôt une <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-03418896/document">création préservatrice</a>.</p>
<p>D’autre part, les transitions impactent de très nombreux acteurs : citoyens, associations, politiques, universitaires, et, dans l’entreprise, les fonctions les plus variées. Il s’agit aujourd’hui de rendre tous ces acteurs concepteurs, bien au-delà du strict cadre des « experts de l’innovation ». En résumé, gérer les inconnus des transitions suppose une action collective qui soit une création préservatrice dans laquelle tous les acteurs peuvent être concepteurs.</p>
<h2>S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière</h2>
<p>Ce management reste largement à inventer. Il a certes été <a href="https://www.johnljerz.com/superduper/tlxdownloadsiteMAIN/id592.html">régulièrement évoqué</a> dans les sciences de gestion mais il manquait alors les sous-bassements théoriques rendant compte de cette rationalité dans l’inconnu à la fois génératrice et préservatrice. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00163-017-0275-2">progrès</a> de la <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/">théorie de la conception</a> et les <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/la-mission-de-lentreprise-responsable/">avancées</a> en <a href="https://www.te.minesparis.psl.eu/">gouvernance de l’entreprise</a>, ont contribué à élaborer des fondements plus solides, et ont ouvert la voie à l’exploration des formes, des méthodes, des responsabilités de ce management des inconnus des transitions.</p>
<p>Ces travaux ont éclairé la façon dont des collectifs pouvaient être créatifs car préservateurs en s’appuyant sur leur patrimoine de création. On entend par là un ensemble de savoirs et de règles d’action collective caractérisant ce qui est préservé pour renforcer les logiques créatives associées. Il s’agit aujourd’hui de permettre le déploiement de ces travaux, d’en assurer l’impact socio-économique et l’approfondissement scientifique.</p>
<p>Et si l’inspiration pour cela était puisée dans le monde des formations à la création ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Logo du Bauhaus, créé en 1922 par Oskar Schlemmer.</span>
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</figure>
<p>Face aux transformations socio-économiques du XX<sup>e</sup> siècle, l’école allemande du Bauhaus réunissait les théoriciens, maîtres de la forme, et les praticiens de la conception, maîtres de la matière, pour développer les forces créatives en combinant les logiques de formation, de recherche et d’impact. Avant qu’elle ne soit dissoute par les nazis, voyant dans ses réalisations un « art dégénéré », et que ses membres partent en exil, elle a construit un apport décisif pour le design, l’industrie et les arts.</p>
<p>Inspirée par ce Bauhaus, et avec le soutien de partenaires partageant l’esprit de ce projet, Mines Paris – PSL inaugure un <a href="https://bauhausdestransitions.minesparis.psl.eu/">nouveau « Bauhaus des transitions »</a>. Chercheurs, praticiens, dirigeants des collectifs inventifs pourront y développer les nouveaux langages (les « formes ») et les nouvelles pratiques (la « matière ») pour gérer les inconnus des transitions contemporaines, en écologie, santé, mobilité, matériaux, énergie, souveraineté industrielle ou encore espaces informationnels.</p>
<p>Ce Bauhaus des transitions du XXI<sup>e</sup> siècle se donne pour objectif de renouveler la culture gestionnaire en approfondissement les modèles de la générativité préservatrice et en expérimentant concrètement des projets à impact. Il se veut un espace pour des recherches-utopies sur de nouvelles formes d’action collective pour gérer l’inconnu en lien avec les autres disciplines scientifiques explorant les logiques génératives (data science, biologie, histoire, mathématiques, sciences de l’ingénieur…). Il s’inscrit dans les réseaux français, <a href="https://community.eelisa.eu/communities/bauhaus-new-ways-in-education-and-management/">européens</a> et mondiaux d’universités, d’entreprises et d’institutions publiques qui ont vocation à répondre aux défis posés par la gestion des inconnus des transitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les dynamiques créatives qui existaient au sein de l’école du Bauhaus pourraient-elles nous inspirer pour mieux gérer les inconnus des transitions ?Pascal Le Masson, Professeur Mines Paris - PSL, Mines Paris - PSLBenoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSLBlanche Segrestin, Professeur en Sciences de Gestion, Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSLSophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2226562024-03-05T16:00:55Z2024-03-05T16:00:55ZExploitation minière en Afrique : enjeux fiscaux, sociaux et environnementaux<p>« La course est lancée » pour dominer la technologie des énergies propres, a déclaré Ursula von der Leyen, en mars 2023, lorsqu’elle a annoncé la mise en place du <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/">Règlement européen sur les matières premières critiques</a>, qui vise à réduire la dépendance actuelle de l’UE en matière d’approvisionnement en minerais critiques. Ce texte a été présenté en réponse à la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/linflation-reduction-act-americain-une-loi-mal-nommee/">loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis</a>, qui comprend notamment un engagement à accroître l’approvisionnement national en ces minerais essentiels.</p>
<p>Dans ce contexte de compétition entre grandes puissances, on peut craindre que certains impacts socio-économiques et environnementaux négatifs propres à l’industrie minière soient volontairement ignorés, dans un objectif de sécurisation rapide des ressources. Or, négliger ces questions pourrait compromettre les efforts déployés pour atténuer le changement climatique et protéger la biodiversité, et répéterait les erreurs du passé, avec une exploitation systématique des pays en développement réduits à la production de matières premières de base, comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres dans son <a href="https://news.un.org/en/story/2023/12/1144267">adresse aux dirigeants mondiaux</a> lors de la COP28.</p>
<h2>Un moment charnière</h2>
<p>La transition énergétique, qui vise à réduire, voire à remplacer un système utilisant les énergies fossiles par un nouveau mode de consommation centré sur les énergies renouvelables, implique un besoin accru de ressources minières, aussi appelées minerais critiques. La demande de ces minerais – lithium, cobalt, graphite, nickel et cuivre – <a href="https://www.iea.org/news/iea-critical-minerals-and-clean-energy-summit-delivers-six-key-actions-for-secure-sustainable-and-responsible-supply-chains">va exploser dans les années à venir</a>.</p>
<p>Le continent africain abrite de vastes ressources naturelles, <a href="https://theconversation.com/les-nouveaux-enjeux-de-lexpansion-miniere-en-afrique-220605">notamment minières</a>. Cependant, le nombre de pays pouvant prétendre produire une quantité significative de minerais critiques pour la transition énergétique est, au regard de l’état des réserves connues, <a href="https://theconversation.com/les-minerais-critiques-des-ambitions-pour-lafrique-220735">très restreint</a>. Contrairement au boom minier des minerais précieux qui se situait principalement en Afrique de l’Ouest, ce nouveau boom trouve son centre de gravité en Afrique centrale et australe : République démocratique du Congo (RDC) et Zambie pour le cuivre et le cobalt, Afrique du Sud et Zimbabwe pour le platine et le manganèse, ou encore Madagascar et Mozambique pour le graphite, le titane et les <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/289457-terres-rares-quels-enjeux-pour-la-france-et-leurope">terres rares</a>.</p>
<p><iframe id="gkknX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gkknX/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>C’est donc l’occasion pour ces pays de réexaminer les régimes fiscaux afin de favoriser une mobilisation plus efficace des recettes qui seront nécessaires pour assurer leur propre transition énergétique.</p>
<p>Contrairement au secteur pétrolier, où les pays et compagnies ont adopté principalement des accords de partage de la production (ou des revenus), dans le secteur minier c’est le régime de concession qui est prédominant. Dès lors, les États doivent développer la fiscalité pour récupérer une partie des revenus générés par l’exploitation minière. Le débat sur la politique fiscale optimale qui permettrait aux gouvernements africains de capter une « juste » part de la rente ressurgit donc suite à l’augmentation des cours de certains des minerais clés pour la transition énergétique.</p>
<p>Il est crucial de ne pas reproduire le cycle des années 2000. À cette époque, la vague de privatisations des années 1990 combinée à la hausse des prix des métaux en 2000 s’est traduite par une vague d’investissements, mais les administrations des États africains n’étaient pas préparées pour négocier avec les multinationales minières, et leurs codes miniers pas suffisamment bien conçus pour les aider à tirer un revenu décent de l’exploitation. En outre, ces pays ont offert des incitations fiscales de façon trop systématique dans le cadre des premières conventions minières négociées, qui n’ont que rarement permis aux gouvernements de percevoir les recettes attendues. Exemple révélateur de cette asymétrie : <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2011/02/COLOMA/20108">« les contrats chinois »</a> conclus entre Pékin et Kinshasa entre 2007 et 2008 pour plusieurs milliards de dollars.</p>
<h2>Depuis 2010, un processus de rééquilibrage des intérêts</h2>
<p>Les pays producteurs de minerais, critiques ou pas, ont entrepris depuis 2010 des processus d’élaboration de <a href="https://www.ictd.ac/fr/publication/la-fiscalite-miniere-en-afrique-quelle-evolution-recente-en-2018/">nouveaux codes miniers</a> afin de rééquilibrer les intérêts de l’ensemble des parties concernées.</p>
<p>Les redevances minières sont en hausse (elles sont généralement versées aux collectivités locales plutôt qu’à l’État central). Par ailleurs, les taux sont de plus en plus variables ou progressifs en fonction du cours des matières premières. En moyenne, les taux de l’impôt sur les sociétés pour le secteur minier restent généralement inférieurs aux taux du régime général, mais on observe une moindre pratique des exonérations dans le cadre des conventions minières (il est préférable d’avoir un <a href="https://ferdi.fr/publications/analyse-comparee-des-cadres-legislatifs-et-conventionnels-de-la-fiscalite-aurifere-en-afrique-de-l-ouest">taux moindre mais effectivement appliqué)</a>.</p>
<p>La gratuité des participations pour les États est plus fréquente, ce qui permet à ces États de recevoir des dividendes, mais aussi des informations sur l’exploitation de la mine qui peuvent être utiles pour déterminer la rentabilité réelle du projet et donc la taxation appropriée.</p>
<p>On constate enfin une résurgence de l’impôt sur la rente, qui permet de compenser les pertes liées aux sous-estimations (intentionnelles ou non) du potentiel des prix des minerais par les compagnies.</p>
<p>Dans l’ensemble, les <a href="https://ferdi.fr/publications/analyse-la-fiscalite-miniere-augmente-en-afrique">impôts ont augmenté</a> ; cependant, toute augmentation du taux d’imposition ne garantit pas que les recettes seront effectivement perçues.</p>
<h2>Etat des lieux au cours de la dernière décennie</h2>
<p>Les recettes du secteur minier en Afrique demeurent pourtant inférieures à leur potentiel. Le <a href="https://jaga.afrique-gouvernance.net/_docs/app_ar2013_fr_summary_hi_res_final.pdf">rapport du Africa Progress Panel (2013)</a> avait déjà attiré l’attention de la communauté internationale sur ce paradoxe coûteux pour la mobilisation des ressources intérieures en Afrique. <a href="https://www.ictd.ac/fr/publication/quavons-nous-appris-au-sujet-de-la-taxation-des-activites-minieres-en-afrique/">Lundstøl & Moore, en 2016</a>, soulignent que le chiffre d’affaires du secteur a été multiplié par 4,6 pendant le dernier boom 2000-2010 tandis que les recettes fiscales, elles, n’ont été augmentées que d’un facteur de 1,15.</p>
<p>Force est de constater que sur la période 2010-2020 les choses ne se sont guère améliorées. En effet, on observe que les recettes fiscales sont toujours significativement plus faibles que les rentes minières issues de l’extraction : elles sont de deux à cinq fois moins importantes sur 2010-2019.</p>
<p><iframe id="Q5yRz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Q5yRz/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="HF5Gw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HF5Gw/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="Kq2WD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Kq2WD/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Les défis de la fiscalité minière</h2>
<p>Ainsi, réviser les codes miniers ne suffit pas et peut même se révéler contreproductif car les fréquents changements de niveaux de taxation peuvent représenter une difficulté pour les investisseurs et les faire fuir.</p>
<p>Car si la baisse des recettes minières s’explique en partie par la baisse des cours des minerais jusqu’à 2019, elle résulte également des défis récurrents de la fiscalité minière :</p>
<ul>
<li><p>la faible capacité des administrations fiscales et minières dans les pays ;</p></li>
<li><p>la course au moins-disant fiscal que se livrent toujours les économies du continent ;</p></li>
<li><p>la non-imposition du secteur artisanal, qui joue un rôle important dans minerais de la transition ;</p></li>
<li><p>les clauses de stabilisation dans les conventions passées figeant les dispositions fiscales sur des périodes de 10 à 30 ans et rendant inopérantes les nouvelles dispositions fiscales.</p></li>
</ul>
<h2>Le problème de l’évasion fiscale</h2>
<p>L’optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales, qui leur permet de réduire les profits déclarés dans les pays à taux d’imposition élevés pour les transférer dans des pays à taux d’imposition privilégiés, reste le défi principal.</p>
<p>Plusieurs études ont montré la relation qui existe entre les taux d’imposition et le niveau de profits des entreprises minières. En particulier, <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/01/15/Is-There-Money-on-the-Table-Evidence-on-the-Magnitude-of-Profit-Shifting-in-the-Extractive-49983">Beer and Devlin (2021)</a> montrent qu’une augmentation du taux d’impôt sur les bénéfices de 1 % entraîne une réduction de l’assiette de ce même impôt de 3,5 %. En 2021, le <a href="https://www.letemps.ch/economie/compagnies-minieres-ne-paient-assez-dimpots-afrique">FMI indiquait</a> que 15 pays d’Afrique perdaient entre 450 et 730 millions de dollars par an en recettes fiscales sur le revenu des sociétés, en raison du transfert de bénéfices par les entreprises multinationales.</p>
<p>Parmi les techniques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, la plus fréquemment utilisée dans le secteur minier est l’abus des règles sur les prix de transfert. Les entreprises vendant le minerai à leur filiale à l’étranger pour le transformer peuvent effectuer cette opération à un prix inférieur au cours réel afin de diminuer le profit, et donc le prélèvement, dans le pays d’origine. Il existe aussi d’autres techniques aux résultats similaires comme la surévaluation des coûts d’investissement, le surendettement auprès de sociétés affiliées, le chalandage fiscal (<a href="https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/433-5">Kinda and Tagem,2023</a>) et les transferts indirects de titres miniers (<a href="https://www.elibrary.imf.org/view/journals/087/2021/022/087.2021.issue-022-en.xml">Albertin et coll., 2021</a>).</p>
<h2>Mise en place de standards sur les prix de transfert et de prix plancher</h2>
<p>Des avancées ont été réalisées par la communauté internationale, notamment à travers les actions de lutte contre l’érosion de la base d’imposition via le <a href="https://www.igfmining.org/resource/determining-price-minerals/">transfert de bénéfices (BEPS-OCDE) et les standards sur les prix de transfert</a>.</p>
<p>Par exemple, pour déterminer le prix de vente du cuivre entre parties liées, la Zambie a adopté ce que l’on appelle la « sixième méthode », qui utilise des prix cotés publics, ajustés en fonction des conditions précises de la vente, pour calculer le produit de la vente aux fins de l’impôt sur les bénéfices. L’autorité fiscale zambienne (ZRA) <a href="https://oecd-development-matters.org/2020/11/12/victoire-historique-devant-la-cour-supreme-en-zambie--des-milliards-de-dollars-us-en-recettes-fiscales-supplementaires-et-un-message-par-dela-les-frontieres/">a remporté une bataille judiciaire</a> contre une filiale de Glencore, Mopani Mining Copper plc, qui pratiquait abusivement la manipulation des prix de transfert sur le cuivre pour éviter l’imposition.</p>
<h2>Renégociation des contrats miniers</h2>
<p>En mai 2023, les autorités congolaises ont lancé la <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230526-quel-avenir-pour-le-contrat-du-si%C3%A8cle-entre-la-rdc-et-la-chine">renégociation du fameux contrat du siècle</a> (dit Mines contre infrastructures) signé en 2007, qui prévoyait plus de 6 milliards de dollars d’investissements chinois en échange d’accès aux mines de cobalt et de cuivre.</p>
<p>Or, quinze ans après, les résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous. <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240130-la-rdc-obtient-5-8-millliards-suppl%C3%A9mentaires-dans-le-contrat-du-si%C3%A8cle-avec-les-entreprises-chinoises">Ces négociations ont abouti en février 2024</a> et les autorités congolaises ont obtenu 5,8 milliards USD de surplus dans les négociations avec le groupement d’entreprises chinoises signataires de l’accord, cependant ce groupement voit les quelque 100 millions USD d’exonération maintenus.</p>
<h2>L’exemple de la Copperbelt – révélateur des tensions entre le développement économique…</h2>
<p>La <a href="https://www.britannica.com/place/Copperbelt-region-Africa">Copperbelt</a> désigne une zone géologique riche en gisements de cobalt et de cuivre, située à cheval entre le sud de la République démocratique du Congo (RDC) et le nord de la Zambie. Grâce à l’extraction qui y est conduite, la RDC est de loin le premier producteur de cobalt, avec près de 70 % de la production mondiale. Le pays est aussi (re)devenu un très important producteur de cuivre.</p>
<p>En dépit de son importance pour la production mondiale de minerais critiques, cette zone comporte de grandes fragilités. Le secteur ne crée pas suffisamment de valeur économique pour réduire durablement la pauvreté. Depuis les années 2000, on assiste dans la région à une forte croissante démographique en raison de la forte attractivité économique des mines et donc de la main-d’œuvre disponible, que l’économie de la zone peine à intégrer.</p>
<p>En effet, bien que les mines de la région nécessitent annuellement plus de <a href="https://rue.bmz.de/resource/blob/75700/f832381629ad21dc7f2d16f2a06b227a/lion-in-the-copperbelt-data.pdf">2 milliards de dollars</a> de biens et services pour leur fonctionnement : électricité, carburant, pièces de rechange ou produits chimiques. Mais le partage de la valeur économique avec les populations locales reste limité.</p>
<p>Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. On citera en particulier le manque d’intégration des fournisseurs locaux au sein de cet écosystème minier, en particulier pour les produits et services à forte valeur ajoutée. On pourra aussi noter les difficultés économiques et technologiques rencontrées par ces pays qui rendent compliquée la production locale de produits à plus forte valeur ajoutée par exemple, des batteries. Enfin, la zone est notoirement enclavée et éloignée de certains des principaux poumons économiques des deux pays, ce qui constitue un frein supplémentaire au développement industriel.</p>
<h2>… et la protection de l’environnement</h2>
<p>La Copperbelt est intégralement localisée au sein de l’écorégion du Miombo zambézien central, un environnement hébergeant une importante biodiversité florale et animale. Les pressions exercées par l’extraction du cuivre et du cobalt peuvent être classées en deux catégories d’impacts :</p>
<ul>
<li><p>Les impacts directs renvoient à la surface nécessaire à l’extraction des minerais et aux infrastructures associées, impliquant l’inévitable défrichement de la zone ainsi que la production de déchets miniers ;</p></li>
<li><p>L’impact indirect, généré par l’attractivité des villes minières, qui implique le développement d’activités économiques de subsistance comme l’agriculture ou la production de charbon de bois, qui ont un impact direct sur l’état des forêts.</p></li>
</ul>
<p>Le grand nombre de mines industrielles et artisanales dans cette région rend inévitables les dommages environnementaux directs comme la déforestation des sites d’extraction, et la production de déchets miniers ou indirects via le développement de l’agriculture pour répondre aux besoins d’une population croissante et au développement des mines artisanales (la zone hébergerait aussi plus de <a href="https://www.bgr.bund.de/EN/Themen/Min_rohstoffe/Downloads/studie_BGR_kupfer_kobalt_kongo_2019_en.pdf?__blob=publicationFile&v=3">100 000 mineurs artisanaux</a>).</p>
<p>Bien que cette zone comporte de nombreuses aires protégées, la combinaison des dynamiques démographiques et minières semble compromettre les efforts de conservation de l’environnement mis en place par les gouvernements. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19475705.2021.2017021">De récents travaux</a> suggèrent que les aires protégées à proximité des sites miniers sont largement dégradées par les activités humaines.</p>
<h2>Initiatives internationales</h2>
<p>Les pays ont tout intérêt à retirer des bénéfices et à se mêler de l’exploitation minière pour prendre soin et protéger des zones comme celle de la Copperbelt.</p>
<p>Il existe de nombreuses initiatives internationales pour les accompagner : <a href="https://www.icmm.com/fr/societe-et-economie/gouvernance-et-transparence/l-initiative-relative-a-la-transparence-des-industries-extractives">l’Initiative sur la transparence des industries extractives</a> et <a href="https://www.igfmining.org/">l’Intergovernmental Forum on Mining, Minerals, Metals and Sustainable Development</a> (IGF) pour les aspects gouvernance et fiscalité, l’<a href="https://responsiblemining.net/">Initiative for Responsible Mining Assurance</a> (IRMA) et la <a href="https://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise/mne/mining.htm">Due Diligence Guidance for Responsible Supply Chains of Minerals from Conflict-Affected and High-Risk Areas</a> de l’OCDE pour les aspects environnementaux et sociaux.</p>
<p>Ainsi c’est forte des conseils et de l’assistance technique du Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), de l’OCDE et du Groupe de la banque mondiale que l’administration fiscale de la Zambie a <a href="https://oecd-development-matters.org/2020/11/12/victoire-historique-devant-la-cour-supreme-en-zambie--des-milliards-de-dollars-us-en-recettes-fiscales-supplementaires-et-un-message-par-dela-les-frontieres/">bâti son argumentaire</a> de manière à faire valoir que Mopani Mining Copper plc avait vendu son cuivre à Glencore International AG à bas prix, minorant de cette façon son bénéfice imposable et, donc, l’impôt dont elle était redevable.</p>
<p>De même, en mai 2022, le gouvernement guinéen a travaillé avec l’IGF et l’OCDE pour <a href="https://www.igfmining.org/impactstory/guinea-bauxite-reference-price/">établir un prix minimum de la bauxite</a> que les sociétés minières devraient appliquer dans leurs ventes aux sociétés affiliées dans des conditions économiques normales. Ce « prix de référence » est entré en vigueur en septembre 2022.</p>
<p>Afin d’éviter les « injustices et l’extractivisme » du passé de l’exploitation des ressources naturelles, les dirigeants africains appellent à un meilleur contrôle de l’extraction des minéraux et des métaux nécessaires à la transition vers une énergie propre. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2024/feb/28/african-leaders-call-for-equity-over-minerals-used-for-clean-energy">Une résolution</a> en faveur d’un changement structurel favorisant un partage équitable des bénéfices de l’extraction, soutenu par un groupe de pays principalement africains, dont le Sénégal, le Burkina Faso, le Cameroun et le Tchad, a été présentée mercredi 28 février 2024 à l’assemblée environnementale des Nations unies à Nairobi et appelle à l’utilisation durable des minerais de transition.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire le chapitre qui y est consacré dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harouna Kinda et Julien Gourdon ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>En Afrique, le secteur minier est en plein boom, en bonne partie du fait de son rôle central dans la transition énergétique. Mais la hausse de l’extraction s’accompagne de nombreux défis.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Harouna Kinda, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche, Université Clermont Auvergne (UCA)Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235052024-02-26T15:53:39Z2024-02-26T15:53:39ZNorthvolt : les citoyens peuvent-ils encore s’opposer à un projet fait au nom de la transition énergétique ?<p>Le 8 février, lors d’un point de presse, le premier ministre François Legault invitait la population québécoise <a href="https://www.journaldequebec.com/2024/02/08/les-quebecois-doivent-changer-dattitude-a-legard-des-grands-projets-dit-legault">à « changer d’attitude » par rapport aux grands projets</a> liés à la transition vers une économie axée sur des technologies à faible émission de GES. </p>
<p>Bien que cette exhortation fasse référence à la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2015219/northvolt-usine-projet-seance-information">mobilisation citoyenne contre le projet d’usine de batteries Northvolt</a>, elle reflète une tendance plus large du gouvernement caquiste voulant que le territoire québécois soit mis au service du développement d’une <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/economie/publications/developpement-filiere-batterie/a-propos#:%7E:text=Le%20Qu%C3%A9bec%20a%20tout%20ce,approvisionnement%20de%20la%20fili%C3%A8re%20batterie.">« filière batterie »</a>. </p>
<p>Le premier ministre a-t-il raison de rappeler ainsi à l’ordre la société québécoise ? Est-il moralement et politiquement problématique de s’opposer aux projets qui visent à contribuer à la transition énergétique mondiale ?</p>
<p>Dans une récente étude, « Par-delà l’obligation d’exploiter le territoire. Autodétermination des communautés locales et transition énergétique au Québec », à paraître sous peu dans la Revue canadienne de science politique, nous avons étudié et comparé les arguments en faveur et contre des projets d’exploitation du territoire québécois aux fins de la transition énergétique. Notre objectif était d’évaluer dans quelle mesure une opposition citoyenne pouvait être considérée comme légitime dans ce contexte.</p>
<h2>Le Québec, riche en ressources nécessaires à la transition énergétique mondiale</h2>
<p>Si la filière batterie occupe une aussi grande place dans le <a href="https://coalitionavenirquebec.org/fr/blog/2023/09/05/developpement-de-la-filiere-batterie-quebecoise/">plan de développement économique de la Coalition Avenir Québec</a>, c’est notamment parce que le Québec dispose de toutes les ressources pour jouer un rôle de premier plan dans la transition énergétique mondiale. Non seulement est-il possible d’y développer tout l’écosystème économique nécessaire à la production de véhicules électriques, mais son sous-sol minier regorge des <a href="https://www.canada.ca/fr/campagne/mineraux-critiques-au-canada/les-mineraux-critiques-une-occasion-pour-le-canada.html">minéraux critiques</a> pour cette transition, telle que le nickel, le cobalt, le cuivre, le lithium, le graphite et le zinc.</p>
<p>Le <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/799142/filiere-batteries-nationalisme-vert-legault">« nationalisme vert »</a> du gouvernement Legault s’inscrit en outre dans une logique de réappropriation collective du territoire dont les bénéfices seraient redirigés vers des programmes sociaux, en faisant une forme de <a href="https://iris-recherche.qc.ca/blogue/environnement-ressources-et-energie/quest-ce-que-lextractivisme/#:%7E:text=Le%20n%C3%A9o%2Dextractivisme%20est%20fonctionnel,enclaves%20d%E2%80%99exploitation%2Fexportation.">« néoextractivisme »</a> à teneur environnementale. Le « néoextractivisme », tout comme l’extractivisme classique, est un modèle de développement économique fondé sur l’extraction de ressources sur un territoire, mais avec la particularité d’inscrire cette exploitation dans un discours politique aux prétentions progressistes.</p>
<h2>La frilosité québécoise à l’égard de la filière batterie</h2>
<p>Bien avant l’arrivée de Northvolt, la question de l’adhésion de la population québécoise se posait déjà en lien avec la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1906119/claims-mines-laurentides-lanaudiere-graphite-lithium">prolifération des titres miniers au Québec</a>. </p>
<p>Plusieurs groupes décrient depuis plusieurs années l’importante perte d’habitats (et <a href="https://snapquebec.org/quand-le-regime-minier-devient-un-champ-de-mines/">ses effets sur la biodiversité</a>) occasionnée par ce néoextractivisme québécois. On s’inquiète aussi du fait que les <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-04-20/demandes-d-exclusion-d-activites-minieres/les-villes-se-heurtent-a-quebec.php">communautés locales n’aient pas leur mot à dire</a> dans l’approbation des projets. </p>
<p>Le Québec a récemment connu une <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-10-06/sud-du-quebec/la-hausse-de-claims-miniers-preoccupe-les-citoyens.php">prolifération des titres miniers</a> détenus sur son territoire, hausse qui a suscité une vague de résistance. Et certains projets miniers – comme le projet de <a href="https://lomiko.com/fr/projets/projet-la-loutre/#:%7E:text=Le%20plan%20minier%20pr%C3%A9voit%2021,aux%20exigences%20locales%20du%20site.">mine de graphite La Loutre</a> – ont du même coup provoqué d’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2001689/manifestation-projet-minier-la-loutre-outaouais">importantes mobilisations citoyennes</a>.</p>
<p>Manifestement, que ce soit pour des projets comme Northvolt ou des projets miniers, les développements en lien avec la filière batterie font systématiquement face à de la résistance de la part des communautés locales.</p>
<h2>Le Québec aurait un devoir moral de contribuer à la transition</h2>
<p>À une époque où l’électrification de l’économie est vue <a href="https://www.economist.com/leaders/2023/04/05/the-case-for-an-environmentalism-that-builds">comme une panacée</a>, toute opposition citoyenne aux projets en lien avec la transition énergétique risque d’être dépeinte comme un phénomène de <a href="https://www.iedm.org/sites/default/files/pub_files/note0308_fr.pdf">« pas dans ma cour »</a>. Cette accusation morale attribue aux mouvements d’opposition des motivations égocentriques s’opposant au bien commun. </p>
<p>C’est à cet argumentaire que recourt François Legault : l’opposition aux mines ou aux usines de batteries priverait l’humanité des ressources nécessaires à la transition énergétique. Or, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/portfolio/2024-02-12/energies-renouvelables/le-quebec-ne-peut-pas-se-reposer-sur-ses-lauriers.php?sharing=true">cet argument n’est pas sans fondement</a> : de telles oppositions risquent d’encourager l’<a href="https://multinationales.org/fr/enquetes/cac40-et-climat-au-dela-des-effets-d-annonces/comment-l-europe-et-ses-entreprises-delocalisent-leurs-emissions-de-gaz-a-effet">externalisation de ces industries</a>, exposant davantage des communautés déjà vulnérables aux effets de la crise environnementale.</p>
<p>Selon cette vision, l’exploitation du territoire québécois serait une chose doublement noble, répondant autant aux besoins québécois en matière de financement des services publics qu’aux impératifs planétaires de la lutte contre les changements climatiques. </p>
<p>Doit-on pour autant conclure que les communautés locales n’ont pas la légitimité de s’opposer aux projets liés à la transition énergétique ? </p>
<h2>Les collectivités locales doivent jouir d’une certaine autonomie territoriale</h2>
<p>Les <a href="https://plato.stanford.edu/entries/territorial-rights/">droits sur le territoire</a> sont centraux à l’autonomie des communautés. Les devoirs qu’entretiennent les collectivités locales à l’égard de la crise climatique n’invalident pas complètement leurs revendications légitimes en lien avec les lieux qu’elles habitent. De tels pouvoirs permettent de promouvoir certains besoins et certaines valeurs sociales et de penser leur rapport au territoire d’une manière qui les reflète.</p>
<p>Ces droits ne sont certainement pas absolus, en particulier face à la crise environnementale actuelle. L’imposition de certains projets au nom de la justice sociale et environnementale est parfois tout à fait légitime. Il n’empêche que le fardeau de la justification revient à ceux voulant priver les communautés locales de leur droit de s’opposer aux projets qui dénaturent leur milieu de vie. </p>
<h2>L’« attitude » de la population québécoise en lien avec la filière batterie demeure légitime</h2>
<p>Le paradigme de la transition énergétique présuppose que, par le développement de technologies dites « vertes », l’humanité puisse sortir de la crise climatique sans remettre en question le principe de développement économique. </p>
<p>Mais cette hypothèse est loin de faire consensus. </p>
<p>Parmi les <a href="https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique">nombreuses raisons</a> mettant en doute ce postulat, il y a notamment le fait que l’accroissement de la demande finit toujours par rattraper les gains en (éco)efficience (l’ <a href="https://www.pourleco.com/le-dico-de-l-eco/leffet-rebond-paradoxe-de-jevons">« effet rebond »</a>). À ceci s’ajoute la <a href="https://www.systext.org/node/1785">quantité astronomique de déchets</a> générée par l’exploitation des minéraux critiques, venant plomber l’empreinte environnementale de la ruée vers les technologies « vertes ».</p>
<p>Mais surtout, le modèle de la transition énergétique ne remet aucunement en question certaines causes profondes de la crise environnementale. Pensons seulement ici à l’importance de l’automobile dans nos habitudes de vie et nos aménagements urbains. La supériorité du modèle de la transition énergétique – par rapport à d’autres solutions passant par une refonte plus substantielle du modèle de développement économique et territorial québécois – reste donc à démontrer.</p>
<p>La filière batterie se présente certes comme une solution aux inégalités environnementales et à la crise climatique. Mais pour justifier une limite au droit d’une communauté de dire non à un mégaprojet venant perturber son milieu de vie, il faut faire la démonstration que cette stratégie est pleinement crédible, ce à quoi les tenants de la transition énergétique ne sont pas encore parvenus.</p>
<p>La société québécoise peut ainsi conserver en toute légitimité son « attitude » réfractaire – n’en déplaise au premier ministre. L’horizon moral et politique dans lequel s’inscrit la filière batterie devra tôt ou tard faire l’objet d’une véritable délibération publique au Québec.</p>
<p>Le gouvernement Legault a manqué à cette obligation en modifiant les critères d’assujettissement pour éviter un BAPE dans le dossier Northvolt. Il est aussi impératif que la Loi sur les mines soit révisée, comme <a href="https://www.ledroit.com/actualites/politique/2023/05/07/claims-miniers-maite-blanchette-vezina-envisage-de-modifier-la-loi-sur-les-mines-3B2ZLBZ6TFAKZHRHNB65VCCCLU/">semblait l’envisager la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina</a>, en mai 2023.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223505/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Gosselin-Tapp a reçu des financements des organismes subventionnaires et centres de recherche suivants : le CRSH, le CRSNG, le FRQSC, le CSBQ et le Fonds François-et-Rachel-Routhier.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédérique Jean a reçu des financements des organismes subventionnaires suivants : le CRSH et le FRQSC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léonard Bédard a reçu des financements des organismes subventionnaires et centres de recherche suivants : le CRSH, le FRQSC, le Groupe de recherche interuniversitaire sur normativité (GRIN) et l'Institut d'éthique appliquée de l'Université Laval (IDÉA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sacha-Emmanuel Mossu a reçu des financements du Fonds François-et-Rachel-Routhier, de Mitacs, du Groupe interuniversitaire sur la normativité (GRIN) et de l'Institut d'éthique appliquée de l'Université Laval (IDÉA). </span></em></p>Les communautés locales n’ont guère leur mot à dire dans le développement de projets comme les usines de batteries pour voitures électriques, qui visent à favoriser la transition énergétique mondiale.Jérôme Gosselin-Tapp, Professeur adjoint, Université LavalFrédérique Jean, Candidate à la maîtrise en philosophie, Université LavalLéonard Bédard, Candidat à la maîtrise en philosophie, Université LavalSacha-Emmanuel Mossu, Doctorant en philosophie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207352024-02-04T15:37:06Z2024-02-04T15:37:06ZLes minerais critiques, des ambitions pour l’Afrique<p>Avec l’accélération de la transition énergétique et numérique, les besoins mondiaux en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">minerais critiques</a> connaissent une croissance exponentielle ces dernières années, avec de 2017 à 2022 une hausse de 200 % de la demande de lithium, un bond de 70 % pour le cobalt et de 40 % pour le nickel. La demande de minéraux essentiels critiques devrait être <a href="https://www.iea.org/reports/critical-minerals-market-review-2023">multipliée par 3,5 d’ici à 2030</a>.</p>
<p>L’Afrique, qui dispose de larges ressources et gisements en la matière, espère en profiter pour soutenir une trajectoire d’industrialisation fondée sur une transformation locale accrue de ses minerais et renforcer son rôle dans les <a href="https://au.int/sites/default/files/documents/30995-doc-africaminingvisionfrench.pd">chaînes de valeur internationales</a>.</p>
<p>Ces ambitions doivent cependant être analysées au prisme des réalités géologiques, des politiques et de l’environnement de chaque pays et du contexte international. C’est en particulier la montée du « protectionnisme vert » au sein des grandes puissances économiques et la multiplication des offres de partenariats aux pays du continent <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-minerais-de-la-transition-energetique-et-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">qu’il faudra juger au fil du temps</a>.</p>
<h2>Position dominante de l’Afrique</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">« minerais critiques »</a> englobent une série de ressources essentielles à la construction des infrastructures de la <a href="https://theconversation.com/les-pressions-sur-leau-face-ignoree-de-la-transition-energetique-154969">transition énergétique et numérique</a> (panneaux solaires, éoliennes véhicules électriques, écrans tactiles, stockages de données, connexion des systèmes entre eux).</p>
<p><a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">Différentes listes</a> de ces minerais ont été établies par les pays consommateurs de minerais, chacune étant basée sur des hypothèses concernant la demande à venir, les utilisations futures et leur disponibilité. Elles reflètent ainsi le caractère stratégique du minerai pour le pays.</p>
<p>L’Afrique dispose d’une position dominante sur quatre minerais considérés comme critiques par plusieurs listes : le cobalt, le manganèse, le chrome et le platine. Elle est également très présente sur cinq autres – le bauxite, le graphite, le cuivre, le nickel et le zinc.</p>
<h2>Opportunité pour le continent ?</h2>
<p>Cette place centrale du continent africain incite les gouvernements à proposer aux investisseurs de transformer les minerais sur place, afin de créer davantage de valeur ajoutée et susciter des retombées économiques locales et régionales.</p>
<p>Ils entendent utiliser les avantages de la nouvelle dynamique en matière de liberté d’échange et d’intégrité régionale (mise en place de la Zone de libre échange continentale africaine Zlecaf) en développant des chaînes de valeur régionales compétitives. Cette politique nouvelle est au centre de l’agenda du <a href="https://au.int/en/amdc">Centre pour le développement des ressources minérales en Afrique</a> parrainé par l’Union Africaine.</p>
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<p>Avec le temps et l’appui de bonnes politiques incitatives, la plupart de ces projets pourraient devenir réels et pérennes. Pour certains pays moins dotés, des objectifs plus modestes pourront sans doute inclure d’abord le développement de réseaux de fournisseurs de produits et de services aux sociétés minières, des camionnettes et des fabricants de pièces de rechange jusqu’aux services de restauration, géomètres et services de ressources humaines, soutenus par des exigences de contenu local afin d’abaisser les barrières à l’entrée pour les entreprises locales.</p>
<p>Ces services n’ont pas le statut ou le potentiel économique du raffinage mais contribueront à renforcer les chaînes d’approvisionnement locales amont et à ajouter une valeur utile à l’exploitation des minerais en Afrique.</p>
<h2>Transformation des minerais</h2>
<p>Afin de tirer le meilleur parti de leurs ressources minières, les pays africains pourraient ainsi développer une industrie de transformation locale des minerais.</p>
<p>Sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur, l’extraction minière rapporte en effet peu par rapport aux étapes en aval de production de biens issus des minerais. Cela contribuerait en outre à une industrialisation du continent attendue de longue date.</p>
<p>L’exemple du cuivre illustre bien les défis à relever : en <a href="https://documents.banquemondiale.org/fr/publication/documents-reports/documentdetail/305141468189249424/zambia-economic-brief-making-mining-work-for-zambia">Zambie</a> et en RDC, la production minière a augmenté dans les années 2010 alors que la part des exportations de produits semi-finis a diminué.</p>
<h2>Production de batteries ?</h2>
<p>L’ambition de certains pays africains s’étend jusqu’à la <a href="https://www.state.gov/translations/french/les-etats-unis-publient-un-protocole-daccord-signe-avec-la-republique-democratique-du-congo-et-la-zambie-pour-renforcer-la-chaine-de-valeur-des-batteries-de-vehicules-electriques/">production de batteries</a> à destination des véhicules électriques, ce qui dépendra aussi de l’existence d’un marché pour les véhicules alimentés par des batteries à proximité.</p>
<p>Du fait du manque d’accessibilité financière et d’infrastructures de recharge à l’échelle du réseau, le marché africain de l’électrique à quatre roues risque de rester longtemps limité. La chaîne de valeur des batteries fabriquées à partir de nickel, lithium et manganèse pourrait s’arrêter à la production de matériaux précurseurs de batteries.</p>
<p>Avec un potentiel plus important sur le marché africain des véhicules électriques à 2 ou 3 roues – qui utilisent des batteries au lithium, au fer et au phosphate et sont aussi précieuses pour le stockage stationnaire de l’énergie – les industries fondées sur la chimie des batteries ont plus de chances d’être viables.</p>
<p>Cela requerra des investissements dans les usines de fabrication de cellules : ils seraient facilités par un soutien aux fabricants nationaux de véhicules électriques à 2 et 3 roues, par davantage de découvertes de lithium et par une coordination régionale sur le raffinage du lithium.</p>
<h2>Contrôler les exportations ?</h2>
<p>La stratégie adoptée par certains pays africains est d’essayer de forcer la main aux compagnies minières : contraindre les exportations de matières premières non transformées en imposant des <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/trade/raw-materials-critical-for-the-green-transition_c6bb598b-en;jsessionid=t10e5NtYkZgGGN68CYsRV6fi9TsVUl-Iwykelcg_.ip-10-240-5-29">restrictions</a>, dans le but que cela favorise les industries locales en aval.</p>
<p>On en compte presque 2500 restrictions aux exportations sur le continent en 2021 (contre 1000 en 2009) lorsque l’on croise les différents types de mesures (interdiction, quotas d’exportation, licences ou taxes sur les exportations) et les 70 minerais et métaux.</p>
<p>Ces restrictions à l’exportation en Afrique comme outils de stimulation de la transformation locale des minéraux <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/trade/export-controls-and-competitiveness-in-african-mining-and-minerals-processing-industries_1fddd828-en">ne semblent pourtant pas efficaces</a>. Il n’y a pas eu d’amélioration de l’avantage comparatif révélé des produits transformés et ces décisions ont même pu saper la performance globale des industries dans certains cas.</p>
<h2>Favoriser les zones économiques spéciales</h2>
<p>Un problème majeur de la transformation locale est celui du financement. Pour les États, le défi sera de réussir à attirer des investisseurs prêts à dépenser les fonds nécessaires pour construire et installer des usines.</p>
<p>Les recettes directes seraient toutefois maximisées si plusieurs pays s’associaient pour développer ensemble des complexes de transformation et des filières de référence. C’est dans ce contexte qu’émergent des projets de zones économiques spéciales (ZES) autour de la transformation des minerais.</p>
<p>Dans la dernière décennie, des dizaines de nouvelles ZES ont ainsi surgi pour répondre aux besoins de l’industrie minière : la « Platinum Valley » cherche à révolutionner la production africaine de piles à hydrogène.</p>
<p>La <a href="https://www.uneca.org/fr">Commission économique des Nations unies pour l’Afrique</a> (CEA) et la banque d’affaires <a href="https://www.afreximbank.com/fr/">Afreximbank</a> se sont récemment associées à travers un accord-cadre pour l’établissement d’une ZES pour la production de batteries et de véhicules électriques en RDC et en Zambie.</p>
<h2>Accroître la taille du marché local</h2>
<p>Un autre défi à l’émergence d’une industrie de transformation est l’absence d’un marché local suffisant pouvant justifier la création d’unités de transformation locale et permettre le développement des chaînes de valeurs régionales.</p>
<p>Aucun pays africain ne possédant à lui seul tous les minéraux nécessaires à la production de batteries, les États devront donc mettre en commun leurs approvisionnements en minéraux pour atteindre les échelles requises.</p>
<p>De nombreuses barrières au commerce sur le continent demeurent : plus le produit est haut dans la chaîne de valeurs des produits miniers, plus les tarifs entre les pays du continent sont élevés. Cela crée un obstacle majeur au développement de la chaîne de valeur. Les standards sont en moyenne de 2 à 4 sur chaque produit, or en moyenne, les coûts commerciaux liés à ces mesures non tarifaires <a href="https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/09f9bbdd-3bf0-5196-879b-b1a9f328b825">diminuent de 4,9 points de pourcentage le commerce des produits miniers</a> (contre 2,6 % en moyenne pour les biens). L’agenda de la Zlecaf, qui entend réduire ces barrières tarifaires et non-tarifaires, peut proposer un cadre intéressant pour ces transformations.</p>
<h2>Défis majeurs des infrastructures</h2>
<p>Outre l’émergence d’un marché local, aller au-delà d’un simple traitement des minerais et créer des chaînes de valeur intégrées à l’échelle de l’Afrique est très complexe au regard des défis énergétiques et des systèmes de transport actuels.</p>
<p>Cela implique des besoins énergétiques importants pour les usines de transformation, alors que l’accès à l’électricité demeure un problème pour de nombreux pays africains. Si l’extraction industrielle peut consommer assez peu d’énergie, la transformation en produits raffinés est le plus souvent très <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301679X17302359">énergivore</a>. Les grandes raffineries de minerais du monde sont souvent là où l’énergie est disponible et <a href="https://www.piie.com/publications/policy-briefs/building-downstream-capacity-critical-minerals-africa-challenges-and">peu coûteuse</a>.</p>
<p>L’autre obstacle est l’insuffisance des transports terrestres. Les réseaux de transport en Afrique demandent à être réhabilités ou développés pour supporter les trafics courants et absorber ces flux minéraliers massifs.</p>
<p>En résumé, le continent africain dispose de perspectives de création de valeur mais devra pour les concrétiser renforcer sa position sur le marché des matières premières minérales, exploiter ses avantages comparatifs et améliorer ses infrastructures, systèmes énergétiques et conditions générales d’investissements. Des <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_5303">alliances</a> sont donc à bâtir au niveau africain et international. Cependant l’analyse des potentiels de transformation ne doit pas se borner aux seuls minerais de la transition. Il est en effet crucial pour le continent de développer ses capacités de transformation sur les minerais qu’il produit d’ores et déjà en grandes quantités, platines et or et également pour les matériaux de construction : le fer et l’acier. D’autant que les besoins en minerais stratégiques sont tellement importants que cela pourrait conduire les industries de la transition énergétique à utiliser d’autres composants et à se passer de lithium pour les batteries par exemple.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association nationale de la recherche et de la technologie. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon, Philippe Bosse et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le continent espère profiter des besoins croissants en minerais critiques pour renforcer son rôle dans les chaînes de valeur internationales, au-delà de la seule extraction.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePhilippe Bosse, Ingénieur géologue au département Afrique de l’AFD, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212342024-01-24T17:16:59Z2024-01-24T17:16:59ZLes politiques climatiques : entre techno-optimisme et déni de réalité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569497/original/file-20240116-23-p0wej7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C17%2C1721%2C1098&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre planète est actuellement placée sur une trajectoire de réchauffement de +2,7 °C d'ici 2100.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/a-city-covered-in-smog-15629829/">Vladyslav Puzyrov/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En 2015, 195 pays adoptaient <a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">l’accord de Paris</a> et s’engageaient à limiter, avant la fin du siècle, le réchauffement climatique <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/contributions-determinees-au-niveau-national-ndcs">entre +1,5 °C et +2 °C</a> par rapport à l’ère préindustrielle. La COP21 marquait donc une avancée historique dans la lutte contre les effets catastrophiques induits par le changement climatique.</p>
<p>Or, une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/rechauffement-climatique-l-objectif-de-1-5-c-de-l-accord-de-paris-est-desormais-inatteignable-selon-une-etude_6223338.html">majorité de scientifiques</a> juge déjà ces objectifs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02990-w">inatteignables</a>. En effet, le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que le respect du seuil de +1,5 °C exige une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 43 % d’ici 2030 et de 60 % d’ici 2035 avant d’atteindre des émissions nettes nulles pour 2050. Pourtant, les Contributions déterminées au niveau national (CDN) prévues dans l’accord de Paris ne prévoient qu’une baisse de 2 % des émissions d’ici 2030. Ce qui place notre planète sur une trajectoire de réchauffement de +2,7 °C au cours de ce siècle.</p>
<p>Notre incapacité à imposer une régulation contraignante sur l’extraction des combustibles fossiles, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/29/valerie-masson-delmotte-et-sonia-seneviratne-la-faiblesse-des-engagements-de-la-cop28-implique-la-poursuite-du-rechauffement-au-dela-de-1-5-c_6208240_3232.html">responsables de 90 % des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> et d’un tiers de celles de méthane</a>, illustre à elle seule notre échec de gouvernance. En 2023, un total de 425 projets d’extraction de combustibles fossiles capables chacun d’émettre > 1 Gt de CO<sub>2</sub> ont été recensés. Si l’on additionne les émissions de ces projets, celles-ci <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421522001756">dépassent déjà d’un facteur deux</a> le budget carbone permettant de rester sous les +1,5 °C.</p>
<h2>Une stratégie techno-optimiste…</h2>
<p>Lors de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> qui s’est tenue fin 2023 à Dubaï, la sortie des énergies carbonées aurait donc dû constituer la priorité absolue. C’est pourtant une tout autre stratégie qui a été défendue par le président, le Sultan Ahmed Al-Jaber, et qui s’est imposée au terme de débats houleux.</p>
<p>Dans sa <a href="https://www.cop28.com/en/letter-to-parties">Lettre aux parties</a> ainsi que dans ses <a href="https://edition.cnn.com/2023/12/03/climate/cop28-al-jaber-fossil-fuel-phase-out/index.html">interventions publiques</a>, Al-Jaber a clairement exposé des ambitions très éloignées des objectifs de sobriété énergétique :</p>
<blockquote>
<p>« Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique, sans renvoyer le monde à l’âge des cavernes. »</p>
</blockquote>
<p>Il évoque d’ailleurs explicitement une <a href="https://www.cop28.com/en/letter-to-parties">« économie de guerre »</a>, c’est-à-dire un engagement total des États à financer massivement le développement des infrastructures industrielles nécessaires à la production et à l’usage d’énergies renouvelables ainsi que de projets de captation et de stockage du carbone.</p>
<p>Aux yeux des entreprises et des décideurs politiques, cette stratégie est particulièrement attractive car elle :</p>
<ul>
<li><p>n’exige aucune sobriété des populations ;</p></li>
<li><p>assure une forte croissance économique associée à des promesses d’emplois ;</p></li>
<li><p>ne pose aucune contrainte sur l’exploitation des énergies fossiles au plus grand bonheur des pays producteurs de pétrole qui en avaient fait une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/09/a-la-cop28-le-chef-de-l-opep-demande-aux-membres-de-refuser-tout-accord-ciblant-les-energies-fossiles_6204825_3244.html">ligne infranchissable</a> ;</p></li>
<li><p>évite tout dirigisme étatique en déléguant la gouvernance au marché.</p></li>
</ul>
<h2>… à l’épreuve du principe de réalité</h2>
<p>Or, d’aucuns pourraient légitimement douter du réalisme de ce scénario techno-optimiste. La possibilité d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-energetique-23303">« transition énergétique »</a> reste, en effet, à démontrer puisque nous n’avons qu’ajouté de nouvelles sources énergétiques à celles que nous exploitons <a href="https://ourworldindata.org/energy-production-consumption">depuis les débuts de l’ère industrielle</a>. Après 70 ans de développement, le nucléaire ne couvre actuellement que 3,7 % de la consommation mondiale d’énergie. Le charbon, le pétrole et le gaz en représentent toujours respectivement 25,1 %, 29,6 % et 22 %.</p>
<p><iframe id="F7GI1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/F7GI1/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La transition par l’électrification de la société pose aussi de nombreuses questions, que le véhicule électrique illustre parfaitement. Une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">voiture électrique</a> nécessite près de <a href="https://doi.org/10.3989/revmetalm.197">4 fois plus de métaux</a> qu’une voiture conventionnelle, dont une grande quantité de métaux <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52023PC0160">définis par l’Union européenne (UE) comme « critiques »</a> du fait de leur rareté ou de leur importance stratégique. Des métaux dont l’extraction pose de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/11/forte-de-ses-reserves-en-nickel-l-indonesie-parie-sur-l-industrie-de-la-voiture-electrique_6137756_3234.html">graves problèmes sociaux et écologiques</a> dans les pays du Sud.</p>
<p><iframe id="HLZmp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HLZmp/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le « dopage métallique » nécessaire à la fabrication de ces véhicules nous amène à une première impasse, dans la mesure où, à technologie constante, les réserves connues de plusieurs métaux, <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions/executive-summary">comme le cuivre</a>, seront quasi épuisées dès 2050. Sans même parler des conflits d’usage, et de l’inflation qui en découlera fatalement, puisque les mêmes métaux sont nécessaires à la fabrication d’autres biens électroniques ainsi qu’à <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions/executive-summary">l’éolien et au solaire</a>. Il y aura donc inévitablement une intense compétition pour l’acquisition de ces métaux, ce qui devrait favoriser les <a href="https://www.latribune.fr/supplement/la-tribune-now/vehicules-electriques-et-batteries-il-n-y-aura-pas-de-metaux-pour-tout-le-monde-948409.html">pays les plus riches</a>. En pratique, la stratégie d’une transition massive au véhicule électrique conduira vraisemblablement à émettre du CO<sub>2</sub> et à polluer les eaux et les sols des pays extracteurs avec pour seul bénéfice de réduire la pollution locale des métropoles occidentales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-est-il-devenu-moins-couteux-dopter-pour-une-voiture-electrique-211958">Automobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?</a>
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<p>Ajoutons à ce tableau les problèmes liés à notre dépendance aux pays producteurs de métaux et à leurs raffinages (notamment la Chine qui maitriserait <a href="https://www.strategyand.pwc.com/fr/fr/publications/la-souverainete-sur-les-metaux-de-la-transition-energetique.html">40 % de la chaine de valeur</a> des métaux utilisés dans les batteries électriques), à la production et au stockage à grande échelle d’énergie décarbonée pour alimenter les véhicules électriques ou encore les incertitudes quant à la recyclabilité de certains composants polluants issus des batteries, et d’aucuns pourraient légitimement interroger le bien-fondé des multiples subventions sur l’offre et la demande décidées par nos dirigeants pour forcer la transition du thermique à l’électrique.</p>
<h2>La chimère de la captation carbone</h2>
<p>L’autre problème posé par le scénario de la COP28 réside dans la place centrale accordée à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/captation-du-carbone-118939">captation et la séquestration du CO<sub>2</sub></a> (CSC). Si ces techniques sont bien présentées par le GIEC comme des <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">options d’atténuation essentielles</a>, elles ne peuvent constituer le cœur des politiques climatiques. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) fixe ainsi le niveau de captage du carbone par les CSC à seulement <a href="https://www.iea.org/reports/ccus-in-clean-energy-transitions/ccus-in-the-transition-to-net-zero-emissions">15 % des efforts de réduction des émissions</a> si on souhaite atteindre la neutralité du secteur de l’énergie en 2070.</p>
<p>Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, actuellement les CSC auraient plutôt tendance à augmenter les émissions de CO<sub>2</sub>. Historiquement, <a href="https://www.netl.doe.gov/sites/default/files/netl-file/co2_eor_primer.pdf">ces technologies ont été développées par les pétroliers</a> dans les années 1970 à la suite du constat que l’injection de CO<sub>2</sub> à haute pression dans des puits de pétrole vieillissants forçait le brut résiduel à remonter à la surface. Ainsi, la plupart des installations de CSC en activité dans le monde utilisent le CO<sub>2</sub> qu’elles captent (le plus souvent depuis des gisements souterrains) pour extraire… <a href="https://status22.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2023/03/GCCSI_Global-Report-2022_PDF_FINAL-01-03-23.pdf">davantage de pétrole</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">La capture et le stockage du carbone, comment ça marche ?</a>
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<p>Faire subventionner ces projets de CSC par les États revient donc à leur faire financer indirectement l’extraction de pétrole. Et s’il existe bien des usines de captation de CO<sub>2</sub> atmosphérique, la technologie du Direct Air Capture reste <a href="https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/explore/climat-developpement-durable/le-captage-et-le-stockage-du-carbone.html">loin de la maturité</a>. La plus grande usine au monde de ce type stocke <a href="https://www.reuters.com/sustainability/climate-energy/how-icelands-carbfix-is-harnessing-power-turning-co2-into-stone-2023-10-30/">4 000 tonnes de CO<sub>2</sub> par an</a>, soit <a href="https://electrek.co/2022/06/28/worlds-largest-direct-air-carbon-capture-facility-will-reduce-co2-by-0001/">environ 0,001 % des émissions annuelles mondiales</a>. Une goutte d’eau dans l’océan.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1541861049200267273"}"></div></p>
<p>L’Agence internationale de l’énergie prévoit que, d’ici 2030, la capacité annuelle mondiale de capture du carbone pourrait s’élever à <a href="https://www.iea.org/energy-system/carbon-capture-utilisation-and-storage">125 millions de tonnes</a>, soit < 0,5 % des émissions mondiales actuelles. Très loin de l’objectif d’une réduction de 43 % d’ici 2030. Ainsi, les projets de CSC actuels, bien que très coûteux, ne constituent qu’une infime fraction de ce qui serait nécessaire pour ralentir le changement climatique.</p>
<h2>La légitimité des gouvernements en question</h2>
<p>Comme indiqué en amont, le scénario « business as usual » établi par le GIEC nous mène vers un monde à <a href="https://www.carbone4.com/publication-scenarios-ssp-adaptation">+2,7 °C en 2100</a>. Mais où nous mènera l’« économie de guerre » prônée par la COP28 si elle augmente la consommation d’énergie, tout en échouant à réduire significativement les émissions de CO<sub>2</sub> via la transition énergétique et les projets de CSC ? Les scénarios avec des émissions élevées et très élevées nous mènent à dépasser les +2 °C dès 2050 et à +4-5 °C en 2100.</p>
<p>Il faut comprendre que le changement climatique n’est ni linéaire ni réversible. Le dépassement de certains <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abn7950">points de basculement</a> peut induire des mécanismes d’emballement du système climatique vers une trajectoire dite de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1810141115">« terre chaude »</a> qui persisterait plusieurs millénaires. Celle-ci pourrait entrainer, dans plusieurs régions des sécheresses extrêmes et des pics de température dépassant les <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate3322">capacités de thermorégulation humaine</a>.</p>
<p>Ainsi, dans les 50 prochaines années, un tiers de la population mondiale pourrait connaître une température annuelle moyenne > 29 °C, ce qui entrainerait la <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1910114117">migration forcée de plus de 3 milliards d’individus</a>. Des modèles mettent aussi en garde contre un possible effondrement de la circulation océanique profonde suite au réchauffement des océans avec pour effet un <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-39810-w">refroidissement de l’Europe</a> pouvant réduire drastiquement sa <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-019-0011-3">production agricole</a>.</p>
<p>Ces scénarios catastrophes risquent d’induire une augmentation des conflits entre pays, mais également au sein même des sociétés, ce qui rendra peu probable la coopération internationale ou le déploiement d’innovations techniques complexes.</p>
<p>Il est tentant d’attribuer à Al-Jaber la responsabilité de cette stratégie techno-optimiste déconnectée de la réalité et risquant de nous mener à la catastrophe. Sa qualité de dirigeant de l’Abu Dhabi National Oil Company alimente déjà les <a href="https://www.bbc.com/news/science-environment-67508331">soupçons de conflit d’intérêts</a>. Toutefois, on ne peut attribuer ce nouvel échec collectif d’une COP à une simple erreur de casting. Tout comme on ne peut attribuer l’inadéquation des Contributions déterminées au niveau national de l’accord de Paris aux seuls décideurs politiques actuellement en fonction.</p>
<p>Nous devons reconnaitre que l’incapacité à lutter efficacement contre le changement climatique prend sa source dans les principes mêmes de la gouvernance actuelle, qui s’avère <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2022.902724/full">incapable de privilégier le bien commun et d’intégrer le consensus scientifique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-magnat-du-petrole-qui-preside-la-cop28-compte-porter-les-ambitions-des-pays-du-sud-216655">Comment le magnat du pétrole qui préside la COP28 compte porter les ambitions des pays du Sud</a>
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<h2>La piste d’une agence internationale indépendante</h2>
<p>Il y a urgence. La légitimité des gouvernements repose sur le respect des procédures légales mais aussi, et surtout, sur leur capacité à <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/political-legitimacy-authoritarianism-and-climate-change/E7391723A7E02FA6D536AC168377D2DE">protéger les citoyens</a>. Quand cette condition ne sera plus remplie, les gouvernements perdront leur légitimité ce qui rendra impossible toute action collective d’envergure.</p>
<p>Nous préconisons une stratégie mêlant sobriété, solutions technologiques, et une gouvernance volontariste et profondément repensée. Une <strong>agence climatique internationale indépendante</strong>, aux pouvoirs contraignants sur les États, serait mieux à même d’intégrer les consensus scientifiques, de planifier la transition écologique et énergétique et de gérer les biens communs de l’Humanité, en évitant soigneusement les conflits d’intérêts et tentatives de capture économique ou idéologique, qu’elles proviennent d’États, d’entreprises ou d’organisations non gouvernementales (ONG).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), Belgique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot et Philippe Naccache ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les stratégies d’électrification des sociétés et de développement des technologies de capture du carbone restent largement insuffisantes pour atteindre les objectifs internationaux.Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Directeur de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcolePhilippe Naccache, Professeur Associé, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181582024-01-17T16:46:16Z2024-01-17T16:46:16ZComment électrifier l’Afrique à bas coûts et bas carbone ?<p>600 millions de personnes <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">n’ont pas accès à l’électricité</a> en Afrique Sub-Saharienne, soit 43 % de la population. Les Nations unies ont placé cette problématique au cœur de l’un de leurs objectifs du développement durable : assurer un <a href="https://sdgs.un.org/goals/goal7">accès universel à une énergie propre, durable et abordable d’ici 2030</a>. Pour atteindre cet objectif, le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) <a href="https://www.undp.org/energy/our-flagship-initiatives/africa-minigrids-program">promeut le développement de mini-réseaux isolés</a> pour électrifier des communautés souvent éloignées des réseaux électriques nationaux. Ce serait, développe l’Agence Internationale de l’Énergie, <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">l’option la moins coûteuse</a> pour plus d’un tiers des futures connexions en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-subsaharienne-33937">Afrique Subsaharienne</a> d’ici à 2030.</p>
<p>Ces mini-réseaux isolés sont des systèmes électriques constitués d’un ou plusieurs moyens de production (panneaux photovoltaïques, groupe électrogène utilisant du diesel) avec ou sans stockage (batteries) et d’un réseau de distribution qui fonctionne indépendamment du réseau national. Ils permettent ainsi de fournir un accès à l’électricité, sans recourir à l’extension souvent lente et coûteuse des réseaux nationaux.</p>
<p>Si la majorité des mini-réseaux installés au cours des dernières décennies s’appuyaient sur des groupes électrogènes, de plus en plus de mini-réseaux <a href="https://www.seforall.org/system/files/2020-06/MGP-2020-SEforALL.pdf">intègrent aujourd’hui des panneaux photovoltaïques et des batteries</a> pour réduire leur consommation de diesel et minimiser leurs coûts, on parle alors de mini-réseaux hybrides solaire/diesel. Ainsi, ces mini-réseaux s’appuyant de plus en plus sur l’énergie solaire semblent une solution prometteuse pour accélérer l’électrification rurale tout en conciliant un faible coût de l’énergie et de faibles émissions de gaz à effet de serre. Mais de la théorie à la pratique, qu’en est-il vraiment ?</p>
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<img alt="Exemples de mini-réseaux isolés au Kenya : à gauche, les groupes électrogènes du mini-réseau de Mfangano, à droite l’installation solaire du mini-réseau de Talek" src="https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemples de mini-réseaux isolés au Kenya : à gauche, les groupes électrogènes du mini-réseau de Mfangano, à droite l’installation solaire du mini-réseau de Talek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emilie Etienne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Les avantages de l’énergie solaire pour les mini-réseaux</h2>
<p>Le choix entre les différentes solutions d’électrification est généralement dicté par des contingences économiques. Les coûts de production du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/panneaux-solaires-46527">solaire photovoltaïque</a> ont été divisés par 5 en 10 ans, passant ainsi sous les coûts moyens de production des groupes électrogènes dans de nombreux pays, à quelques exceptions près, comme le Nigeria où les combustibles fossiles sont subventionnés. Le remplacement d’une partie de la production d’un groupe électrogène par de l’énergie solaire permet ainsi de réduire les coûts de l’électricité, d’où l’essor actuel des mini-réseaux hybrides solaire/diesel.</p>
<p>En plus de réduire les coûts des mini-réseaux, intégrer de l’énergie solaire permet aussi de réduire la dépendance des populations à une ressource fossile dont le prix varie fortement et dont l’approvisionnement n’est pas toujours garanti dans les zones reculées où ces systèmes sont installés, avec, par exemple, de grandes incertitudes sur l’arrivée de diesel lorsque de fortes pluies rendent certaines routes inutilisables.</p>
<p>Cette réduction de la consommation de diesel s’accompagne aussi d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien que les pays d’Afrique Sub-Saharienne aient des niveaux d’émissions très inférieurs à ceux des pays industrialisés, ceux-ci se sont aussi engagés dans le développement des énergies renouvelables et dans des <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">trajectoires de neutralité carbone</a>.</p>
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<h2>Les mini-réseaux 100 % solaires : une solution sans émission ?</h2>
<p>Mais lorsque l’on s’intéresse aux émissions de gaz à effet de serre d’un système énergétique, il est important de prendre en compte les émissions sur l’ensemble du cycle de vie de ce système, c’est-à-dire son empreinte carbone. En effet, si les émissions liées à un groupe électrogène se font principalement lors de son utilisation, les émissions associées aux panneaux photovoltaïques ou aux batteries <a href="https://pastel.hal.science/tel-02732972">proviennent au contraire de leur fabrication</a> (extraction des matières premières, transformation des matériaux, assemblage). Dans le cas des mini-réseaux 100 % solaires, <a href="https://meetingorganizer.copernicus.org/EGU23/EGU23-3367.html">ces émissions indirectes sont loin d’être négligeables</a> : elles représentent environ un quart de l’empreinte carbone d’un mini-réseau fonctionnant exclusivement avec des groupes électrogènes.</p>
<p>Ces émissions relativement élevées malgré l’absence de ressources fossiles viennent du besoin pour ces mini-réseaux de gérer la co-variabilité entre la ressource solaire locale intermittente et la demande électrique. Pour fournir de l’électricité la nuit ou par des temps nuageux, sans accès à une source d’énergie pilotable et bas carbone (hydroélectricité par exemple), il est nécessaire de stocker l’énergie solaire dans des batteries.</p>
<p>Il est aussi possible <a href="https://hal.science/hal-03740059v1">d’installer plus de panneaux photovoltaïques</a> pour produire davantage d’énergie et réduire ce besoin en stockage, notamment pour de longues périodes de faible ressource solaire. Les émissions indirectes liées à ce stockage et à ces panneaux supplémentaires augmentent l’empreinte carbone des mini-réseaux 100 % solaire qui est alors équivalente, <a href="https://ourworldindata.org/grapher/carbon-intensity-electricity">voire même supérieure</a>, pour de nombreux pays d’Afrique, à l’empreinte carbone de leur mix électrique sur le réseau national.</p>
<p>Ce besoin en stockage ou en panneaux supplémentaires est d’autant plus grand que la demande électrique est forte pendant ces périodes de faible ressource solaire. D’où l’importance pour les développeurs de mini-réseaux de bien connaître la variabilité de la ressource solaire locale, mais aussi de la demande électrique pour correctement dimensionner le système, c’est-à-dire le nombre de panneaux et de batteries à installer. Actuellement, on peut avoir une assez bonne estimation de la ressource solaire grâce à des mesures in situ ou <a href="https://globalsolaratlas.info/map">à des données satellites</a>, mais il n’en est pas de même pour l’estimation de la demande électrique.</p>
<h2>L’adaptation à la demande : l’un des enjeux majeurs des mini-réseaux</h2>
<p>C’est de fait un problème de taille :comment estimer la demande électrique d’une communauté qui n’a pas accès à l’électricité ? On peut d’abord en avoir une idée en observant les caractéristiques de la communauté : nombre d’habitants, activités déjà présentes (pêche, agriculture, artisans, etc.), types d’habitations, etc. Pour une vision plus complète, on questionne les habitants sur leur volonté de se connecter, sur les équipements électriques qu’ils souhaiteraient avoir, sur leurs revenus, sur leurs usages actuels d’énergie – lampes à kérosène ou solaire, groupe électrogène individuel, bois/charbon pour la cuisson, solar home systems (constitué d’un panneau et d’une batterie pouvant alimenter des éclairages, chargeurs de téléphone, radio, etc.).</p>
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<img alt="À gauche, une lampe à kérosène utilisé par les pêcheurs de Mfangano (Kenya). A droite, des panneaux solaires sur une toiture à Kisii (Kenya)" src="https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, une lampe à kérosène utilisé par les pêcheurs de Mfangano (Kenya). À droite, des panneaux solaires sur une toiture à Kisii (Kenya).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos : Emilie Etienne, Avril-Mai 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais ces méthodes restent très peu précises. Face à de nouveaux usages, certains habitants peuvent <a href="https://strathprints.strath.ac.uk/61818/1/Blodgett_etal_ESD2017_Accuracy_of_energy_use_surveys_in_predicting_rural_mini_grid.pdf">surestimer leur capacité</a> à se procurer certains équipements ou à payer pour leur utilisation. Le remplacement de certaines sources d’énergie existantes par l’électricité du mini-réseau dépend de plusieurs facteurs qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X00000760">ne sont pas toujours correctement identifiés</a> par les développeurs de mini-réseaux. Les sondages sont le plus souvent réalisés sur une courte période et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960148120310739">ne prennent pas en compte les variations de revenus et d’habitudes de la population sur l’année</a> (périodes de récolte, dépenses scolaires, etc.). De plus, ces études ne permettent pas d’estimer quelle sera l’évolution de cette demande dans les années à venir.</p>
<p>Dans le cas d’un mini-réseau diesel, ces difficultés à prédire la demande ne sont pas critiques : l’opérateur du mini-réseau peut s’adapter relativement facilement à une demande mal estimée. Les coûts d’investissements dans les groupes électrogènes sont faibles, on peut en installer plus que nécessaire au départ ou en rajouter a posteriori au cas où la demande serait plus grande que prévu. Et si celle-ci est plus faible que prévu, la consommation de diesel sera plus faible, réduisant les coûts de production pour l’opérateur.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-03896359v1">En revanche, il n’en est pas de même pour les mini-réseaux solaires</a>. Les panneaux photovoltaïques et les batteries ont des coûts de fonctionnements faibles mais demandent un investissement très important au départ, qui repose en grande partie sur des crédits. Le remboursement de ces crédits représente des coûts fixes, indépendant de la consommation électrique et qui s’étalent souvent sur <a href="https://mdpi.com/1996-1073/14/4/990">plus d’une dizaine d’années</a>.</p>
<p>Ainsi, si la demande a été surestimée, l’opérateur ne tire pas assez de revenus du mini-réseau pour assurer le remboursement des crédits, la maintenance, et le remplacement des équipements, notamment des batteries. Cela entraîne une dégradation plus ou moins lente du mini-réseau et réduit la disponibilité et la fiabilité de l’électricité (coupures fréquentes, plages horaires de fonctionnement limitées).</p>
<p>Un résultat similaire peut être obtenu lorsque la demande a été sous-estimée : le délai nécessaire pour retrouver des fonds et agrandir le système n’est souvent pas suffisant pour éviter une surcharge des équipements et une dégradation des équipements qui met en péril la fiabilité du mini-réseau. Dans ces deux cas, les utilisateurs finissent souvent par se détourner du mini-réseau en revenant à leurs anciennes sources d’énergie (lampes à kérosène, etc.) ou en investissant dans des systèmes individuels.</p>
<p>Ce risque sur la demande conduit les investisseurs à demander des rendements bien plus élevés, menant à une forte augmentation des coûts du capital <a href="https://www.nature.com/articles/s41560-022-01041-6">qui impacte le coût de l’électricité</a>. Il mène aussi certains opérateurs à développer des business model basés sur des stratégies marketing plus ou moins agressives : les usagers du mini-réseau sont régulièrement sollicités par des envois de SMS ou par la visite « d’ambassadeurs » (des usagers qui bénéficient d’avantages en échange de la promotion de l’électricité auprès de la communauté) pour les inciter à augmenter leur consommation ou à acheter à crédit des appareils de cuisson électriques.</p>
<p>À ce risque majeur viennent s’ajouter d’autres obstacles, comme l’arrivée du réseau national, les démarches pour l’obtention des licences, le choix du tarif et le monopole du réseau national, qui réduisent l’attractivité de ces projets d’électrification et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S136403211500800X">ralentissent leur développement</a>.</p>
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<img alt="A gauche, des batteries usagées du mini-réseau de Talek (Kenya). A droite, un cuiseur électrique vendu à crédit par un opérateur de mini-réseaux à Kisii (Kenya)" src="https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, des batteries usagées du mini-réseau de Talek (Kenya). A droite, un cuiseur électrique vendu à crédit par un opérateur de mini-réseaux à Kisii (Kenya).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos : Emilie Etienne, Avril-Mai 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une situation qui peut s’améliorer</h2>
<p>Ainsi, les mini-réseaux solaires ne tiennent pour l’instant pas leurs promesses de solution à faible coût et faibles émissions pour électrifier rapidement l’Afrique Subsaharienne. Et cela sans même parler des autres impacts environnementaux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0973082622001405">liés aux batteries</a> ou aux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-13825-6_1">enjeux de justices énergétiques associés à ces systèmes</a>. Néanmoins, sous leur forme hybride solaire/diesel, ils constituent actuellement un compromis intéressant pour répondre à certains besoins vitaux des populations éloignées des réseaux nationaux tout en limitant l’impact de l’utilisation des groupes électrogènes massivement répandus sur le continent.</p>
<p>Plusieurs pistes restent à explorer pour accroitre le potentiel de ces solutions en réduisant à la fois leurs coûts et leurs impacts environnementaux. Une piste importante est celle de l’augmentation de la durée de vie de ces mini-réseaux, <a href="https://energypedia.info/images/1/17/Livrable_1_%C3%A9tudeERIL_Note_de_cadrage_m%C3%A9thologique.pdf">qui est souvent plus courte que prévu</a>. Cela demande d’étendre les recherches sur les questions de maintenance, de gouvernance et sur les modes de financement de ces projets qui peuvent notamment affecter la capacité d’adaptation de ces mini-réseaux aux évolutions des besoins de la communauté.</p>
<p>On peut par ailleurs espérer que les coûts et l’empreinte carbone des technologies utilisées dans ces mini-réseaux décroissent avec le temps. L’empreinte carbone d’un panneau ou d’une batterie est très variable et dépend en grande partie du mix énergétique <a href="https://pastel.hal.science/tel-02732972">avec lequel ces composants sont produits</a>. La décarbonation des mix énergétiques et les potentiels gains d’efficacité dans les processus d’extraction et de fabrication de ces composants pourraient au moins diviser par deux l’empreinte carbone des mini-réseaux solaires. De même, le déploiement massif de ces technologies dans le monde pourrait favoriser l’émergence de filières de recyclage des composants qui représente aujourd’hui un enjeu important du développement des mini-réseaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Chamarande a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et de Schneider Electric dans le cadre d'une CIFRE. </span></em></p>Pour permettre aux 43 % d’habitants d’Afrique subsaharienne vivant sans électricité d’y avoir accès, il faudra déjà évaluer les besoins en électricité de populations qui ne l’ont jamais eue.Théo Chamarande, Postdoctorant, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2170712023-12-28T17:10:22Z2023-12-28T17:10:22ZLa « sobriété choisie », mirage ou voie possible ?<p>Il y a un peu plus d’un an, une vaste campagne du gouvernement invitait les Français à une <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-energetique-tellement-plus-quune-collection-decogestes-201412">sobriété énergétique volontaire</a> à l’approche de l’hiver. Une injonction peu surprenante, alors que l’acceptabilité est un obstacle récurrent que rencontrent les politiques de lutte contre le changement climatique.</p>
<p>Pour baisser les émissions de gaz à effet de serre, trois voies sont possibles : la décarbonation de l’énergie utilisée, l’amélioration de l’efficacité énergétique pour faire chuter les émissions en proportion sans sacrifier les services rendus par l’énergie, et la sobriété, soit la réduction de la consommation d’énergie, ce qui implique d’en attendre des services moindres ou de nature différente. Seule la voie de la décarbonation de l’énergie utilisée ne requiert pas de réduire la consommation d’énergie.</p>
<p>Il est parfois compliqué de classer un geste dans l’une ou l’autre de ces catégories. Par exemple, le passage d’une voiture thermique à une voiture électrique contribue aussi à <a href="https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique">en améliorer l’efficacité énergétique</a>, si l’usager ne réalise que des petits trajets et que l’autonomie plus faible du véhicule électrique ne l’affecte pas. Mais cela impliquera aussi une forme de sobriété s’il en a besoin pour de longs trajets – comme partir en vacances – car là, le service sera dégradé.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">Cette sobriété</a> pose forcément les questions d'injonctions et de contraintes si elle est subie, et de décroissance et de bonheur si elle est choisie.</p>
<p>La sobriété comme démarche spontanée, qui ne nous dérangerait pas trop dans nos habitudes et nos aspirations est-elle une illusion ou une voie possible ? Tout dépend de ce qui la suscite.</p>
<h2>Sobriété contrainte</h2>
<p>Une sobriété qui passe par une modification des prix relatifs, par exemple, est contrainte, au sens où elle réduit l’ensemble des possibles pour les ménages.</p>
<p>En dehors des bienfaits induits par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/taxe-carbone-23007">taxe carbone</a> sur le bien-être général par ses effets sur le changement climatique – et de tous les autres effets indirects de recyclage de la taxe ou d’incitation à l’innovation verte –, la progression du prix de l’énergie qu’elle engendre affecte de façon directe le bien-être des ménages en contraignant leur consommation.</p>
<p>Ce phénomène se trouve aggravé par le fait que les ménages les plus modestes sont en général les plus touchés, car les dépenses énergétiques représentent une fraction plus élevée de leurs revenus. Cette sobriété contrainte ou subie est donc difficilement acceptable, comme l’a révélé la crise des « gilets jaunes ».</p>
<p>Seul un changement de nos aspirations et de nos habitudes peut rendre désirable la sobriété. Pour cela, deux leviers existent, qui doivent nécessairement être accompagnés, sans quoi il n’y a aucune raison qu’ils soient mobilisés spontanément et dans les bonnes proportions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/prix-de-lenergie-en-hausse-renovation-qui-stagne-comment-expliquer-ce-paradoxe-216369">Prix de l’énergie en hausse, rénovation qui stagne : comment expliquer ce paradoxe ?</a>
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<h2>Changer nos préférences</h2>
<p>Le premier est celui du changement des préférences : il peut aller d’une inclinaison vers la mutualisation (comme les pratiques de <a href="https://theconversation.com/les-autosolistes-sont-ils-prets-a-se-mettre-au-covoiturage-pour-les-trajets-du-quotidien-190863">covoiturage</a>) jusqu’à la volonté d’un système de valeurs complètement différent – dans lequel par exemple la consommation ne serait plus aussi valorisée.</p>
<p>Pour faire évoluer les habitudes de la population, il est indispensable de créer, au minimum, les conditions nécessaires au changement. Cela implique par exemple de développer les pistes cyclables pour inciter au vélo, d’assurer que le réseau Internet permette le télétravail partout ou de déployer un maillage dense de bornes de recharges électriques.</p>
<p>Il s’agit aussi, sans doute, d’accompagner la prise de conscience en informant sur les conséquences de nos modes de consommation.</p>
<h2>Réduire nos biais comportementaux</h2>
<p>Le second levier pour une sobriété choisie passe par la réduction des biais comportementaux. Il est possible de les diminuer en apportant de l’information sur les co-bénéfices de la sobriété énergétique. Un exemple emblématique est celui de la viande rouge : alerter des conséquences néfastes sur la santé de sa consommation en excès incite, sans contraindre, à en manger moins.</p>
<p>Pour cela, le <a href="https://theconversation.com/sobriete-faciliter-les-changements-de-comportements-une-methode-aux-effets-pervers-202227">recours aux « nudges</a> » est souvent cité : il s’agit par exemple de modifier la présentation des menus de restaurants afin de privilégier le choix de mets « énergétiquement sobres ».</p>
<p>On voit bien ici que la manipulation guette : elle est d’ailleurs assumée, dans la littérature relative aux <a href="https://www.economics.ku.dk/staff/vip/?pure=en%2Fpublications%2Fthe-use-of-green-nudges-as-an-environmental-policy-instrument(9d96d147-a45d-4c3f-9f58-6632763eadc9)%2Fexport.html.">« green nudges »</a>. Elle aurait des effets délétères à terme sur l’acceptabilité des politiques publiques en faveur de l’environnement.</p>
<h2>Une sobriété jusqu’ici sous contrainte ?</h2>
<p>Aujourd’hui, qu’en est-il ? Est-on déjà parvenu à transformer les préférences des foyers ? La question s’est posée lors de la chute importante des consommations d’énergie (<a href="https://www.grtgaz.com/medias/actualites/perspectives-systeme-gazier-hiver-janvier-2023">-13 % pour le gaz</a> et <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2023-02/Bilan-electrique-2022-synthese.pdf">-9 % pour l’électricité</a> durant l’hiver 2022-2023.</p>
<p>Cette sobriété énergétique manifeste, qui a fait suite aux injonctions des pouvoirs publics, s’explique non par une aspiration subite à la sobriété volontaire, <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2023-06/Ipsos%20RTE%20-%20Enque%CC%82te%20Consommation%20%26%20Production%20e%CC%81nerge%CC%81tique%20-%202023.pdf">mais très largement</a> par une réaction des ménages à l’augmentation du prix des énergies et le fait qu’ils ont même anticipé une hausse supérieure à celle observée.</p>
<p>Les prix et anticipations ayant retrouvé des niveaux plus habituels, la contrainte a disparu et nous risquons de constater un regain de consommation énergétique cet hiver. RTE se montre cependant plus optimiste et a présenté <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2023-11/Synthese-analyse-passage-hiver-2023-2024.pdf">dès novembre 2023 des chiffres pour l’automne</a> suggérant une consommation électrique (corrigée du climat) inférieure à celle qu’on voit d’habitude sur la même période.</p>
<p>La sobriété contrainte aurait-elle engendré de la sobriété choisie ?</p>
<h2>Sobriété énergétique et croissance</h2>
<p>Enfin, il faut souligner que la sobriété choisie, selon son origine, peut avoir des effets très différents sur la croissance. C’est ce que montre une simulation du rapport « sobriété » de la <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2023-incidences-economiques-transition-climat-rapport-de-synthese_0.pdf">commission Pisani-Ferry-Mahfouz</a>.</p>
<p>Elle révèle qu’un changement de préférences qui conduit à substituer des biens d’équipement à l’énergie favorisera la croissance, parce qu’il s’agit de biens durables – comme des réfrigérateurs ou des voitures – qui s’accumulent. Au contraire, une substitution de biens non durables – tels que l’alimentation – aux biens durables (énergivores) la freinera. Dans les deux cas de figure, leurs préférences ayant changé, les ménages privilégiant la sobriété énergétique s’en trouveront donc plus heureux.</p>
<p>Dans le cas d’une sobriété énergétique qui s’accompagne de décroissance, il faudra cependant veiller à ce qu’ils en appréhendent bien certaines conséquences que la simulation ne prend pas en compte : moins de PIB implique aussi moins de dépenses publiques, donc moins d’hôpitaux et moins d’éducation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aude Pommeret est conseiller scientifique à France Stratégie. Cet article reflète les opinions de ses auteurs et pas nécessairement celles de France Stratégie.</span></em></p>Malgré les discours sur la sobriété volontaire, la sobriété proposée par les pouvoirs publics reste dictée par la contrainte. Des leviers existent pourtant pour une sobriété « choisie ».Aude Pommeret, Full Professor, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160922023-12-25T20:24:35Z2023-12-25T20:24:35ZPourquoi l’efficacité énergétique est un leurre sans sobriété et sans sensibilisation<p>En 2022, la sobriété était <a href="https://www.gouvernement.fr/discours/discours-de-la-premiere-ministre-elisabeth-borne-presentation-du-plan-de-sobriete">érigée en politique nationale</a>, relayée par l’ensemble des institutions et des acteurs privés et publics. Un volontarisme expliqué et incarné par le gouvernement, qui porté ses fruits en matière énergétique pour réduire la consommation électrique.</p>
<p>Si elle a <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/12/14/une-consommation-electrique-en-baisse-en-france-depuis-le-mois-de-septembre_6154363_4355770.html">atteint ses objectifs</a>, c’est en grande partie dû au renchérissement du prix de l’énergie et aux difficultés des réacteurs nucléaires pour fournir l’ensemble de la demande.</p>
<p><a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/planification-ecologique-ce-quil-faut-retenir">Or cette rhétorique n’est plus vraiment à l’ordre du jour</a> et les mesures d’efficacité énergétique et d’investissement (rénovation énergétique, pompe à chaleur et autres formes d’investissement) semblent privilégiées pour cet automne 2023.</p>
<p>Ce qui pose la question de la place que nous voulons accorder à la sobriété. Soit une simple option conjoncturelle adaptée uniquement quand les tensions d’approvisionnement sont trop importantes soit, au contraire, un défi constant à relever sur le long terme.</p>
<h2>Sobriété et restrictions</h2>
<p>Rappelons que le <a href="https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/">dernier rapport du Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat</a> (GIEC) définissait la sobriété comme « un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau, tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète ».</p>
<p>Cette définition met en lumière les mesures de diminution des ressources et de l’énergie au niveau planétaire. Si tous les acteurs publics et privés sont d’accord sur ces objectifs, sa mise en œuvre bute sur l’interprétation du bien-être au niveau individuel, collectif et national.</p>
<p>Comment concilier en effet la <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-au-dela-du-progres-technique-et-des-changements-de-comportement-individuels-185019">rhétorique de la réduction avec le bonheur des individus</a> et comment donner du sens à une notion qui, appliquée, peut être perçue comme une restriction des libertés individuelles ?</p>
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<h2>Les pièges de l’efficacité énergétique</h2>
<p>Soulignons, tout d’abord, que si l’<a href="https://theconversation.com/efficacite-energetique-est-il-vraiment-possible-de-faire-mieux-avec-moins-113796">efficience énergétique</a> ne doit pas être ignorée, elle doit impérativement être combinée avec la sobriété énergétique.</p>
<p>La principale raison est <a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">l’existence de l’effet rebond</a> inhérent à tout investissement énergétique. Ce dernier se manifeste dès que les gains de consommation énergétique sont inférieurs aux gains d’efficacité escomptés.</p>
<p>En matière d’efficacité énergétique, si les gains escomptés d’une rénovation sont de 35 % et si la baisse nette de la consommation d’énergie du ménage est de 20 %, on parle d’effet rebond, car la réduction n’est pas celle anticipée.</p>
<p>Deux facteurs peuvent l’expliquer, l’un direct, l’autre indirect.</p>
<h2>Effet rebond direct</h2>
<p>L’effet rebond direct correspond à un manquement des objectifs assignés en matière de réduction énergétique. <a href="https://econpapers.repec.org/article/eeeecolec/v_3a176_3ay_3a2020_3ai_3ac_3as0921800920306698.htm">Un grand « classique »</a> qui s’observe pour tous les ménages et plus particulièrement les plus favorisés, et s’explique de la façon suivante : si l’on ne combine pas politique de sobriété et efficacité énergétique de manière conjointe et concomitante, l’effet rebond est présent. Autrement dit, des ménages dotés d’un mode de chauffage moins consommateur vont parallèlement augmenter la température du domicile, par exemple.</p>
<p>La sobriété n’est pas un instrument conjoncturel mais un structurel qui peut permettre d’éviter, d’une part, l’effet rebond direct et qui donne, d’autre part, du sens aux investissements réalisés.</p>
<p>Il ne suffit pas d’investir pour réussir la transition énergétique : il faut aussi outiller les ménages pour qu’ils comprennent le sens de ce qu’on leur demande.</p>
<h2>Expliquer aux ménages le sens de la démarche</h2>
<p>C’est ce que nous avons mis en œuvre avec une expérimentation pilote dans la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800921002901">Principauté de Monaco</a>. Les résultats ont révélé que les ménages qui avaient un objectif de réduction modeste (15 %) et des outils d’apprentissage (« boosts » ou conseils envoyés régulièrement) ont atteint jusqu’à 27 % de réduction de la consommation d’énergie.</p>
<p>Cette expérience révèle que les mesures de sobriété fonctionnent lorsque les objectifs sont précis et qu’il y a un soutien concret pour y parvenir. La sobriété s’apprivoise sur le long terme avec un apprentissage permanent et s’adapte au contexte local.</p>
<p>Ainsi, dans un programme sur la réhabilitation des logements sociaux en Provence Alpes Côte d’Azur, les résultats obtenus en matière de rénovation énergétique furent atteints sans effet rebond pour les ménages ayant suivi un programme d’apprentissage et de sensibilisation sur l’énergie.</p>
<p>Ceux n’en ayant pas bénéficié ont été sujets à l’effet rebond direct, avec un processus de diminution de l’effort une fois les travaux terminés.</p>
<h2>L’effet rebond indirect, report de la consommation</h2>
<p>Mais l’efficacité énergétique se heurte à un autre écueil, l’effet rebond indirect. Il se mesure par un accroissement des dépenses énergétiques dans des domaines connexes : ainsi, les économies réalisées en matière énergétique sont dépensées dans d’autres domaines (transport, loisirs ou autres biens de consommation).</p>
<p>Cet effet, difficile à évaluer, est transverse. On l’observe lorsque les foyers diminuant leur consommation énergétique reportent cette consommation vers d’autres secteurs et compensent de manière indirecte les <a href="https://doi.org/10.1007/s00191-019-00654-7">gains antérieurs obtenus</a>.</p>
<p>La sobriété a une dimension globale et implique des changements structurels et culturels. Ces derniers doivent donc être accompagnés pour éviter d’accroître les inégalités entre les ménages.</p>
<h2>La sobriété pour qui ?</h2>
<p>Les inégalités environnementales reflètent les différences de pouvoir d’achat et de mode de vie. En matière énergétique, la précarité énergétique nous rappelle que la sobriété est aussi une contrainte pour les ménages. 20 % d’entre eux ont souffert du froid lors de l’hiver 2020-2021 : pour ces ménages, cet « inconfort » est lié à deux processus : la <a href="https://www.energie-mediateur.fr/publication/rapport-annuel-2021/">précarité financière (36 %) et une mauvaise isolation thermique (40 %)</a>.</p>
<p>Pour les plus modestes, la sobriété énergétique est donc une <a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">pratique régulière et permanente</a>, subie, pour boucler les fins de mois. Pour les plus aisés, elle doit s’apprendre et se conjuguer à d’autres efforts d’efficacité énergétique. Cela implique de repérer, pour tous et toutes, les postes de surconsommation et de réduire la consommation ostentatoire.</p>
<p>Nos résultats suggèrent néanmoins que les <a href="https://econpapers.repec.org/article/eeeecolec/v_3a176_3ay_3a2020_3ai_3ac_3as0921800920306698.htm">ménages les plus favorisés</a> sont les plus sujets à l’effet rebond direct. Mais que la sobriété peut être appropriée par les ménages comme l’ont souligné les expériences de terrain <a href="https://econpapers.repec.org/article/eeeenepol/v_3a108_3ay_3a2017_3ai_3ac_3ap_3a593-605.htm">à Biot (06)</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800921002901">à Monaco</a>.</p>
<p>Sur le chantier, il faut donc redoubler d’efforts et conjuguer toutes les mesures et les actions dans un même sens afin d’obtenir des actions durables, pérennes et solidaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Lazaric a reçu des financements de l’Ademe, Paca.</span></em></p>La sobriété ne doit pas être une simple réponse aux périodes de crise. Pour réussir la transition énergétique, elle doit accompagner la rénovation énergétique – et être bien expliquée.Nathalie Lazaric, Directrice de recherche CNRS Transition Ecologique et Résilience Organisationnelle, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125772023-12-14T09:46:40Z2023-12-14T09:46:40ZPour décarboner le transport par avion et par bateau, l’hydrogène ne sera utile que si la demande baisse<p>Le 9 octobre dernier, le Conseil de l’Union européenne adoptait le règlement <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/fit-for-55-refueleu-and-fueleu/">Refuel EU Aviation</a>. Quelques mois plus tôt, en juillet, c’était le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/07/25/fueleu-maritime-initiative-council-adopts-new-law-to-decarbonise-the-maritime-sector/">règlement Fuel EU Maritime</a>. Les deux fixent des objectifs pour développer les carburants durables dans les secteurs aéronautique et maritime pour 2025 et 2050 : par carburants durables, on entend les biocarburants – issus de la biomasse – et les électrocarburants, qui désignent des <a href="https://theconversation.com/carburants-de-synthese-biocarburants-kerosene-vert-de-quoi-parle-t-on-exactement-125391">carburants liquides ou gazeux, synthétisés à partir d’hydrogène</a> : e-kérosène, e-méthanol, e-ammoniac, e-méthane.</p>
<p>La part de ces carburants durables dans <a href="https://theconversation.com/debat-decarbonation-quotas-que-faire-de-lavion-privilege-dune-minorite-210072">l’aviation</a> devrait ainsi atteindre les 70 % minimum en 2050. Au même horizon, l’intensité en gaz à effet de serre des carburants utilisés dans les navires – c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre émis lors de la production et la combustion de ces carburants, rapportée à l’énergie utile qu’ils contiennent – est censée chuter de 80 %.</p>
<p><a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/6680-electro-carburants-en-2050-quels-besoins-en-electricite-et-co2-.html">Dans un avis qui vient d’être publié</a>, l’Agence de la transition écologique (Ademe) se concentre sur le rôle des électro-carburants dans cette transition. Et les chiffres sont clairs : les deux secteurs vont devoir se mettre, eux aussi, à la <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-energetique-tellement-plus-quune-collection-decogestes-201412">sobriété</a>, sauf à vouloir dédier une part plus que conséquente de la production d’énergie du pays pour ces transports, au détriment d’autres secteurs.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Des secteurs difficiles à décarboner</h2>
<p>Précisons que peu d’options technologiques existent pour décarboner ces secteurs fortement émetteurs, alors que c’est urgent : <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7365/elaboration-scenarios-transition-ecologique-secteur-aerien-rapport.pdf">ils représentaient ensemble, en 2019, 19,6 % des émissions de GES</a> des transports en France. Et les industriels <a href="https://theconversation.com/vers-une-aeronautique-durable-la-transition-ecologique-des-avionneurs-et-des-compagnies-aeriennes-178122">ne semblent pas envisager un ralentissement du trafic</a>.</p>
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<p>Ajoutons qu’il est par ailleurs impossible d’<a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/avion-electrique-est-ce-vraiment-pour-demain-4992238">électrifier</a> ces modes de transport – si ce n’est pour le court courrier et l’aviation d’affaires qui pourraient passer à la batterie, mais ils ne concernent qu’une poignée de personnes : pour la majorité des avions et des bateaux, il n’est pas réaliste ou faisable de les équiper de batteries, pour des raisons de masse et de distance à parcourir. Dans certains cas, une hybridation peut toutefois être envisageable, ainsi qu’en complément d’aides véliques, où l’on tire parti du vent.</p>
<p>D’où la focalisation des nouveaux règlements européens sur les biocarburants et les électrocarburants (ou e-carburants). Ces derniers, auxquels on s’intéresse ici, requièrent pour leur production, de l’hydrogène (produite par électrolyse de l’eau) et du CO<sub>2</sub> (captage, transport et utilisation), qui devra être non fossile après de 2040.</p>
<p>Dans <a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/6680-electro-carburants-en-2050-quels-besoins-en-electricite-et-co2-.html">son avis</a>, l’Ademe a quantifié les volumes d’électricité et de CO<sub>2</sub> nécessaires à la production des quantités d’hydrogène et de ses électro-carburants dérivés qui permettraient la décarbonation de ces secteurs. Dans le cas du transport maritime, elle s’appuie sur l’hypothèse d’une apport de 22 % de biocarburants en renfort. Elle part aussi du principe que le CO<sub>2</sub> utilisé est d’origine biogénique – CO<sub>2</sub> du cycle des plantes, pouvant par exemple être un coproduit de la méthanisation ou de l’industrie du papier/carton.</p>
<p>Elle conclut que ces carburants ne suffiront pas, et qu’une démarche de sobriété dans les secteurs aériens et maritimes est indispensable.</p>
<h2>Deux scénarios envisagés</h2>
<p>Pour obtenir ces chiffres, l’ADEME a envisagé deux scénarios :</p>
<ul>
<li><p>l’un où la demande en énergie serait basse – comme l’avait modélisé l’Ademe en 2021 dans les scénarios <a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/">Transition(s) 2050</a>, soit 35 % de moins qu’aujourd’hui.</p></li>
<li><p>et l’autre où elle bondirait de 70 %, comme l’anticipent les filières professionnelles des deux secteurs qui <a href="https://www.senat.fr/rap/r12-658/r12-6585.html">misent sur une progression du trafic</a>.</p></li>
</ul>
<p>Ces estimations varient aussi en fonction des performances espérées pour ces carburants, avec des options plus ou moins optimistes. Les meilleures perspectives – sur lesquelles misent les industriels – comme les plus pessimistes ont ainsi été envisagées.</p>
<p>Car de fortes incertitudes demeurent, notamment sur la fabrication du kérosène pour lequel le procédé Fischer-Tropsch, qui doit opérer la combinaison du dioxyde de carbone avec l’hydrogène pour synthétiser des hydrocarbures, reste à valider.</p>
<p>Enfin, l’étude part de l’hypothèse selon laquelle ces e-carburants seraient produits en France à 100 % pour les vols domestiques et la navigation nationale, et à 50 % pour les vols internationaux et les navigations internationales. Une hypothèse ambitieuse puisqu’aujourd’hui, à titre d’exemple, 20 % des navires internationaux qui desservent la France font le plein de carburant en France. Elle est toutefois en phase avec la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/286999-changement-climatique-la-transition-energetique-des-ports-francais">volonté des ports français</a> de se positionner sur les nouveaux carburants.</p>
<h2>Des besoins d’énergie accrus</h2>
<p>Les résultats laissent apparaître que la décarbonation des deux secteurs exigera, quoi qu’il arrive, des quantités colossales d’électricité et de CO<sub>2</sub> au regard de notre capacité à en produire d’ici à 2050.</p>
<p>Dans le scénario le plus énergivore, qui suppose une demande élevée en e-carburants, elle nécessiterait 175 TWh en électricité – soit environ 13 réacteurs nucléaires EPR – et nécessiterait 18,6 Mt de CO<sub>2</sub> biogénique.</p>
<p>Pour comprendre le problème, ces chiffres sont à mettre en perspective avec la production électrique renouvelable ou bas carbone totale envisagée à horizon 2050 en France qui pourrait être comprise entre 525 TWh et environ 700 TWh, sans prendre en compte ces nouveaux besoins : le scénario Sobriété de RTE (évalué à 555TWhé en 2050) ou le scénario S2 de l’Ademe – plutôt sobre – <a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/">l’évalue à 525 Térawatts-heure d’électricité (TWhé) par an</a>.</p>
<p>Le scénario N2 Futurs énergétiques élaboré par RTE l’estime quant à lui <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-06/FE2050%20_Rapport%20complet_ANNEXES.pdf#page=26">à 688 TWhé</a>.</p>
<p>L’autre sujet, ce sont les gisements de CO<sub>2</sub> biogéniques disponibles : ils sont évalués à 16 mégatonnes de CO<sub>2</sub> (MTCO<sub>2</sub>) dans le scénario S3 de l’Ademe, qui mobilise le plus la biomasse comme source d’énergie. C’est moins que le besoin pour ces seuls secteurs. Sans compter que cet usage du CO<sub>2</sub> entre en concurrence avec celui à stocker pour atteindre la neutralité carbone.</p>
<p>Autrement dit : en cas de forte progression des trafics aérien et maritime d’ici à 2050, les ressources dédiées à leur décarbonation représenteraient ¼ de l’électricité renouvelable ou bas carbone du pays et bien plus que le CO<sub>2</sub> biogénique disponible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561014/original/file-20231122-27-ungq2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=278&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À gauche, estimation des besoins en électricité (en Twhé) selon la demande et les hypothèses technologiques, à droite estimation des besoins en CO₂ selon la demande et les hypothèses technologiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ademe</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>La nécessité de contenir la demande</h2>
<p>Ces chiffres montrent qu’une telle trajectoire est vraisemblablement insoutenable. L’autre chemin, qui mise sur une demande contenue en carburants, apparaît déjà plus réaliste. Misant sur une hausse modérée du trafic, l’Ademe évalue que les besoins en ressources atteindraient 44 à 68 TWhé par an, et et entre 5,8 et 7,3 MtCO2 par an pour les besoins en CO<sub>2</sub> biogénique.</p>
<p>Dans ce cas d’un déploiement « raisonné » des e-carburants, souhaitable pour ne pas pénaliser les autres secteurs qui auront besoin d’électricité et de CO<sub>2</sub> pour se décarboner (industrie et transport notamment), les objectifs européens de décarbonation sur l’aérien et le maritime semblent atteignables, avec une production en France.</p>
<p>Cela nécessiterait toutefois la priorisation des ressources électriques et CO<sub>2</sub> à l’échelle nationale, par exemple au sein de la future Stratégie Française Énergie Climat, actuellement en préparation.</p>
<p>Mais il apparaît indispensable, en parallèle, de développer des politiques à court terme de modération de la croissance du trafic international, et de report vers d’autres modes de déplacement pour les courts courriers.</p>
<h2>Encore beaucoup d’incertitudes</h2>
<p>Notons par ailleurs que l’avis présente des limites et qu’il faudra approfondir à l’avenir certains aspects.</p>
<p>Il part d’une part de l’hypothèse que tous les e-carburants seront produits en France. Or la localisation des sites de production dépendra de plusieurs facteurs, notamment, de la présence d’une source de CO<sub>2</sub> biogénique à proximité et de son coût, ainsi que de la disponibilité du réseau électrique pour le raccordement de l’électrolyseur.</p>
<p>L’évaluation environnementale complète des e-carburants pour l’ensemble de la chaîne sera par ailleurs à approfondir. Les e-carburants ont une empreinte carbone non nulle qui devra être précisée, selon le mode de production et les ressources utilisées. Un doute plane notamment sur le CO<sub>2</sub> : sera-t-il vraiment biogénique, ne contribuant ainsi pas à l’effet de serre ? Le règlement européen laisse la possibilité, jusqu’à 2040 d’utiliser du CO<sub>2</sub> fossile… il faudra s’assurer qu’à échéance, cette possibilité ne soit pas maintenue.</p>
<p>Dans le cas inverse, l’impact carbone serait bien plus important et le bénéfice à les utiliser réduit. Par ailleurs, si les ressources en CO<sub>2</sub> biogénique n’étaient pas suffisantes, certains suggèrent de capter ce CO<sub>2</sub> dans l’air, par le recours à la technologie DAC (<em>Direct Air Capture</em>) : certes, mais cette technologie, non mature à date, engendrerait des consommations énergétiques additionnelles (électricité, chaleur) qu’il faudrait alors considérer.</p>
<p>D’autres aspects sont à prendre en compte, <a href="https://www.carbone4.com/trainees-de-condensation-impact-climat">comme les traînées de vapeur d’eau (contrails)</a>, <a href="https://theconversation.com/contrails-from-aeroplanes-warm-the-planet-heres-how-new-low-soot-fuels-can-help-162779">dont on découvre peu à peu le poids</a> dans les émissions de GES induites par un vol en avion – les e-carburants n’auront pas en la matière d’effet positif.</p>
<p>Si les e-carburants pourraient avoir des applications prometteuses pour l’aérien comme pour le maritime, ils ne remplaceront pas un changement des usages et il faut avoir conscience que l’équation comporte encore de nombreuses inconnues.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212577/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Bodineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La quantité d'électricité à produire pour atteindre les objectifs fixés par l’UE en matière d’électro-carburants est incompatible avec une hausse conséquente du trafic.Luc Bodineau, Ingénieur hydrogène et pile à combustible, Service recherche et technologies avancées, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188802023-11-30T09:39:57Z2023-11-30T09:39:57ZVu des Émirats arabes unis, une COP28 sous le signe du pétrole<p>Les Émirats arabes unis (EAU), <a href="https://www.eia.gov/tools/faqs/faq.php?id=709&t=6">septième producteur mondial de pétrole</a>, <a href="https://www.cnbc.com/2023/01/12/cop28-uae-sparks-backlash-by-appointing-oil-chief-as-president.html">accueillent</a> le 28<sup>e</sup> sommet des Nations unies sur le changement climatique (COP28) à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. La conférence sera présidée par le directeur général de la compagnie pétrolière publique des Émirats arabes unis Adnoc, le <a href="https://theconversation.com/comment-le-magnat-du-petrole-qui-preside-la-cop28-compte-porter-les-ambitions-des-pays-du-sud-216655">Sultan al-Jaber</a>.</p>
<p>Étant donné que les combustibles fossiles représentent <a href="https://www.un.org/en/climatechange/science/causes-effects-climate-change#:%7E:text=Fossil%20fuels%20%E2%80%93%20coal%2C%20oil%20et,ils%20pi%C3%A8gent%20la%20chaleurdusoleil.">près de 90 %</a> des émissions de CO<sub>2</sub> à l’origine du changement climatique, certains dénoncent un <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0263596">conflit d’intérêts</a> évident à ce que les producteurs de pétrole et de gaz soient à la tête des négociations sur le climat. Les Émirats arabes unis <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/17/cop28-host-uae-breaking-its-own-ban-on-routine-gas-flaring-data-shows">brûleraient</a> plus de gaz qu’ils ne le déclarent, et prévoient d’augmenter leur production de pétrole de 3,7 millions de barils par jour à <a href="https://www.reuters.com/business/energy/uae-brings-forward-oil-production-capacity-expansion-2027-2022-11-28/">5 millions d’ici 2027</a>.</p>
<p>Certains <a href="https://www.mckinsey.com/industries/oil-and-gas/our-insights/the-future-is-now-how-oil-and-gas-companies-can-decarbonize">prétendent</a> que l’industrie pétrolière et gazière pourrait freiner les émissions de gaz à effet de serre en investissant ses vastes revenus pour <a href="https://carnegieendowment.org/2016/10/20/oil-innovations-to-reduce-climate-impacts-pub-64891">colmater les torchères à gaz</a> et en <a href="https://status22.globalccsinstitute.com">réinjectant du carbone capturé</a> dans le sous-sol. Mais des <a href="https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050">évaluations</a> indépendantes maintiennent que l’industrie devra laisser sous terre de façon définitive au moins une partie de ses réserves commercialement exploitables pour limiter le réchauffement de la planète. Aucun pays exportateur de pétrole, à l’exception de la <a href="https://www.bbc.com/future/article/20221116-how-colombia-plans-to-keep-its-oil-and-gas-in-the-ground">Colombie</a>, n’a encore indiqué qu’il le ferait.</p>
<p>Dubaï semble déterminé à saper cette petite victoire. <a href="https://www.bbc.co.uk/news/science-environment-67508331">Une enquête de la BBC</a> a révélé des documents montrant que les hôtes des Émirats arabes unis prévoyaient d’informer un ministre colombien qu’Adnoc « est prêt » à aider le pays sud-américain à développer ses réserves de pétrole et de gaz.</p>
<p>Le Royaume-Uni s’est couvert de ridicule en <a href="https://theconversation.com/offering-oil-and-gas-licences-every-year-distracts-from-the-challenge-of-winding-down-uk-north-sea-217325">continuant de développer ses champs pétroliers en mer du Nord</a> moins de deux ans après avoir exhorté le monde à revoir à la hausse ses ambitions climatiques en <a href="https://www.carbonbrief.org/factcheck-can-new-uk-oil-and-gas-licences-ever-be-climate-compatible/">tant qu’hôte de la COP26 à Glasgow</a>. Les Émirats arabes unis semblent voués à un destin similaire, avant même que les négociations n’aient commencé.</p>
<h2>La dépendance des EAU au pétrole</h2>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1111/j.1475-4967.2011.00508.x">population à croissance rapide</a> des Émirats arabes unis, qui compte <a href="https://www.cia.gov/the-world-factbook/countries/united-arab-emirates/summaries/">9,9 millions</a> (dont 1 million seulement sont des citoyens émiratis), a le <a href="https://www.statista.com/statistics/270508/co2-emissions-per-capita-by-country/">sixième niveau plus élevé</a> d’émissions de CO<sub>2</sub> par habitant au niveau mondial.</p>
<p>Les citoyens sont habitués à conduire des voitures gourmandes en carburant, dont le prix est bien inférieur aux <a href="https://data.worldbank.org/indicator/EP.PMP.SGAS.CD?most_recent_value_desc=true">taux des marchés internationaux</a>. Ils utilisent aussi l’air conditionné pendant une grande partie de l’année grâce aux <a href="https://doi.org/10.1016/j.egyr.2019.08.020">subventions des services publics</a>. Les touristes de passage et les participants aux conférences organisées dans le pays se sont habitués à des centres commerciaux réfrigérés, à des piscines et à des terrains de golf luxuriants qui dépendent entièrement de l’eau dessalée <a href="https://energycentral.com/c/ec/desalination-and-energy-consumption">très gourmande en énergie</a>.</p>
<p>Malgré des décennies de politiques visant à diversifier l’économie du pays en dehors du pétrole, le secteur des hydrocarbures des Émirats arabes unis représente un <a href="https://www.amf.org.ae/ar/publications/reports/joint-arab-economic-reports">quart du PIB</a>, la moitié des exportations du pays et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214845017301552#fig1">80 % des recettes publiques</a>. La <a href="https://theconversation.com/comment-echapper-a-la-malediction-de-la-rente-fossile-218546">rente pétrolière</a> contribue à la stabilité socio-économique, par exemple en offrant à la population locale des <a href="https://doi.org/10.1080/13678868.2023.2182097">placards dorés dans le secteur public</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une plate-forme de forage pétrolier dans le désert" src="https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4500%2C2991&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561873/original/file-20231127-17-dr4pgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un champ pétrolier dans le désert d’Arabie, près de Dubaï.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/sunset-over-oil-field-red-sand-350313140">Fedor Selivanov/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet état de fait est un principe central du <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13678868.2023.2182097">contrat social du Golfe arabe</a>, dans lequel les <a href="https://doi.org/10.1111/j.1475-4967.2010.00437.x">citoyens</a> des six États du Golfe occupent principalement des postes bureaucratiques dans le secteur public, administrant une économie basée sur le pétrole avec une main-d’œuvre expatriée qui domine le secteur privé non pétrolier.</p>
<h2>Solutions techniques et objectifs pour l’avenir</h2>
<p>Comment les Émirats arabes unis envisagent-ils de réduire leurs propres émissions ?</p>
<p><a href="https://www.adnoc.ae/en/ourstrategy/maximum-energy-minimum-emissions">Adnoc</a> et d’autres <a href="https://guides.loc.gov/oil-and-gas-industry/companies">compagnies pétrolières internationales</a> misent sur des technologies sélectionnées afin de préserver leur <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14693062.2023.2262439">modèle économique de base</a> : l’extraction du pétrole. <a href="https://www.clientearth.org/projects/the-greenwashing-files/exxonmobil/">Pour les sceptiques, il s’agit d’une « couverture verte »</a> qui va aggraver davantage les dommages climatiques.</p>
<p>Adnoc, tout comme <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14693062.2023.2262439">l’industrie pétrolière et gazière au sens large</a>, a investi dans la <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2023/09/uae-other-gulf-states-shift-talk-action-carbon-capture-tech">séquestration du carbone</a> et dans la fabrication d’<a href="https://www.adnoc.ae/en/our-business/hydrogen">hydrogène</a> à partir des sous-produits de l’extraction pétrolière. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (<a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/figures/summary-for-policymakers/figure-spm-7/">GIEC</a>), ces mesures, même si elles sont pleinement mises en œuvre, n’auront qu’un faible impact sur les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Les Émirats arabes unis ont été les <a href="https://www.uae-embassy.org/discover-uae/climate-and-energy/international-engagement">premiers</a> au Moyen-Orient à ratifier <a href="https://unfccc.int/process-and-meetings/the-paris-agreement">l’accord de Paris</a> et à s’engager <a href="https://u.ae/en/information-and-services/environment-and-energy/climate-change/theuaesresponsetoclimatechange/uae-net-zero-2050">à atteindre le net zéro d’ici 2050</a>. Avec un ensoleillement quasi illimité et une richesse souveraine considérable, les EAU se classent <a href="https://www.irena.org/Publications/2023/Mar/Renewable-capacity-statistics-2023">18ᵉ au niveau mondial</a> et premiers parmi les pays de l’OPEP pour la capacité de production d’énergie solaire par habitant. L’énergie solaire couvre aujourd’hui environ <a href="https://www.energyinst.org/statistical-review">4,5 %</a> de la demande d’électricité des EAU et les projets en cours permettront de faire passer la production de <a href="https://www.uae-embassy.org/discover-uae/climate-and-energy/uae-energy-diversification">23 gigawatts (GW) aujourd’hui à 50GW</a> d’ici 2031.</p>
<p>La centrale nucléaire de Barakah (la <a href="https://world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-t-z/united-arab-emirates.aspx">première du monde arabe</a>) a commencé à produire de l’électricité en 2020. Bien qu’elle ne réponde qu’à <a href="https://www.eia.gov/international/analysis/country/ARE">1 %</a> de la demande d’électricité du pays, elle pourrait atteindre <a href="https://www.iaea.org/bulletin/preparing-60-years-in-advance-the-uaes-first-nuclear-power-plant-and-plans-for-future-decommissioning">25 %</a> lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle en 2030.</p>
<p>Le secteur pétrolier est par nature à forte intensité de capital plutôt que de main-d’œuvre, et ne peut donc pas fournir suffisamment d’emplois aux Émiratis. Les EAU devront donc passer à une <a href="https://www.erutledge.com/media/Government-of-Abu-Dhabi.-(2008).--The-Abu-Dhabi-Economic-Vision-2030.pdf">économie fondée sur la connaissance</a> avec des emplois productifs dans des secteurs qui ne sont pas liés à l’extraction des ressources.</p>
<p>Aux Émirats arabes unis, le fonds souverain Mubadala est chargé de <a href="https://www.mubadala.com/en/what-we-do/our-portfolio">faciliter cette transition</a>. Il a investi dans divers secteurs de haute technologie, allant des satellites commerciaux à la recherche et développement dans le domaine des énergies renouvelables.</p>
<p>Mais même si les Émirats arabes unis parvenaient à atteindre l’objectif du net zéro au niveau national, le fait de continuer à exporter du pétrole au niveau international signifie qu’il sera brûlé quelque part et que la crise climatique continuera de s’aggraver.</p>
<h2>Intérêts personnels</h2>
<p>La déception sera-t-elle une fatalité à Dubaï ?</p>
<p>Déjà l’un des <a href="https://www.mpg.de/10856695/W004_Environment_climate_062-069.pdf">endroits les plus chauds</a> au monde, certaines parties du Moyen-Orient pourraient devenir trop chaudes pour y vivre <a href="https://www.weforum.org/agenda/2019/04/middle-east-front-lines-climate-change-mena/">dans les 50 prochaines années</a>, selon certaines <a href="https://foreignpolicy.com/2021/08/24/the-middle-east-is-becoming-literally-uninhabitable/">prévisions</a>.</p>
<p>La hausse des températures met en péril les secteurs du tourisme et de l’organisation de conférences des Émirats arabes unis, qui ont connu une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/14673584221122488">croissance faramineuse</a> depuis les années 1990 : les brûlures au troisième degré et les coups de chaleur n’attireront pas les visiteurs internationaux. Il n’est pas exclu que les Émirats arabes unis fassent une annonce fracassante pour poursuivre leurs <a href="https://sciendo.com/article/10.1515/mmcks-2017-0013">ambitions en matière de leadership mondial</a>.</p>
<p>À un moment donné, l’un des principaux pays exportateurs de pétrole devra annoncer son intention de <a href="https://www.popsci.com/environment/fossil-fuels-hydrocarbons-avoid-climate-change">laisser dans le sol de façon permanente</a> une partie de son pétrole commercialement exploitable. La COP28 constitue une plate-forme idéale pour cela. Un pays participant peut prendre un tel engagement à condition de construire des infrastructures <a href="https://www.iea.org/reports/the-oil-and-gas-industry-in-energy-transitions">alimentées par des énergies renouvelables</a> et de modifier le modèle commercial de sa compagnie pétrolière nationale pour qu’elle fournisse des énergies renouvelables, et non des combustibles fossiles, à l’échelle mondiale.</p>
<p>Les Émirats arabes unis disposent des capitaux privés et de la richesse souveraine nécessaires pour construire une économie <a href="https://www.economist.com/leaders/2023/02/09/arab-petrostates-must-prepare-their-citizens-for-a-post-oil-future">post-pétrole</a>. Mais prendront-ils le risque d’être les premiers à agir ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218880/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des révélations sur les transactions pétrolières envisagées par les Émirats arabes unis sont venues assombrir l'ouverture de la COP28. Il faut dire que toute l'économie du pays dépend de la manne pétrolière.Emilie Rutledge, Senior Lecturer in Economics, The Open UniversityAiora Zabala, Lecturer in Economics and the Environment, The Open UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2170162023-11-06T11:16:30Z2023-11-06T11:16:30ZDémissionner pour l’environnement : songez-vous aussi au « climate quitting » ?<p>Êtes-vous frustré par le manque d’engagement de votre employeur en matière de développement durable ? Peut-être songez-vous à une « démission climatique » ou « <a href="https://www.bloomberg.com/news/features/2023-01-05/how-to-quit-your-job-to-fight-climate-change">climate quitting</a> » en anglais : quitter votre emploi parce que vous vous inquiétez de l’impact de votre employeur sur l’environnement ou parce que vous voulez travailler directement sur les questions climatiques.</p>
<p>Si tel est le cas, vous n’êtes pas seul : la moitié des employés de la génération Z (personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) au Royaume-Uni ont <a href="https://www.paulpolman.com/wp-content/uploads/2023/02/MC_Paul-Polman_Net-Positive-Employee-Barometer_Final_web.pdf">déjà démissionné</a> en raison d’un conflit de valeurs. 48 % des personnes âgées de 18 à 41 ans se disent prêtes à <a href="https://www.paulpolman.com/wp-content/uploads/2023/02/MC_Paul-Polman_Net-Positive-Employee-Barometer_Final_web.pdf">accepter une baisse de salaire</a> pour travailler dans une entreprise qui s’aligne sur leurs valeurs en matière de développement durable.</p>
<p>Une enquête menée l’an passé montre que les salariés français du secteur ne sont <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/80-des-jeunes-salaries-du-secteur-petrolier-et-gazier-prets-a-se-reconvertir-1391870">pas moins préoccupés</a>. Les compagnies pétrolières et gazières, en particulier, <a href="https://www.wsj.com/articles/big-oils-talent-crisis-high-salaries-are-no-longer-enough-194545be">peinent par ailleurs à attirer de nouveaux talents</a>, en partie parce qu’elles ont <a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/may/24/do-not-work-for-climate-wreckers-un-head-tells-graduates-antonio-guterres">perdu de leur superbe</a> avec la montée des enjeux climatiques, accusées de nourrir la crise. Et ce malgré leurs efforts pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2590332221002335">minimiser leur rôle perçu</a> dans le réchauffement climatique : la responsabilité reposerait parfois selon leur rhétorique sur les consommateurs, les entreprises ne faisant que répondre à la demande.</p>
<p>Au cours de nos recherches, nous avons interrogé plusieurs dizaines de personnes – dont beaucoup encore en début de carrière – qui ont quitté ce secteur en raison de leurs préoccupations environnementales. Quitter son emploi n’est jamais une décision facile, et les démissionnaires que nous avons interrogés ont révélé qu’ils avaient en fait apprécié de nombreux aspects de leur travail. Ils étaient bien payés, trouvaient leur travail intellectuellement gratifiant et avaient des possibilités d’évolution de carrière et de voyage. Quelles ont été leurs motivations pour passer à l’acte ?</p>
<h2>Urgence climatique</h2>
<p>D’après les résultats d’une <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/wellbeing/articles/worriesaboutclimatechangegreatbritain/septembertooctober2022#:%7E:text=Those%20most%20likely%20to%20report,with%20no%20qualifications%20(62%25)">enquête</a> réalisée en Grande-Bretagne en 2022, les personnes âgées de 16 à 29 ans constituent le groupe d’âge le plus enclin à se sentir « très inquiet » au sujet du changement climatique. Nos entretiens menés dans le cadre de recherches en cours ont confirmé cette tendance. La plupart des personnes interrogées ont parlé de l’accélération du rythme du changement climatique et de l’urgence de la lutte contre la crise environnementale. Beaucoup ont mentionné le <a href="https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2021">rapport 2021 de l’Agence internationale de l’énergie</a>, qui affirme que les nouvelles explorations pétrolières et gazières doivent cesser immédiatement si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de climat.</p>
<p>Les enquêtés ont également indiqué que les actions et les priorités de leurs employeurs ne correspondaient pas à cette urgence de la transition. Certains ont indiqué que leurs directions ne tenaient pas compte de ces avertissements et qu’ils <a href="https://www.theguardian.com/business/2023/jun/14/shell-drops-target-to-cut-oil-production-as-ceo-guns-for-higher-profits">revenaient même sur leurs engagements</a> antérieurs en matière de climat. L’une des personnes interrogées témoigne ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne voulais vraiment pas avoir sur la conscience que j’aggravais la situation dans le monde, que j’utilisais les talents et les compétences que j’avais acquis pendant de nombreuses années d’études pour nous amener à la catastrophe climatique. »</p>
</blockquote>
<h2>Hypocrisie organisationnelle</h2>
<p>L’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840617736938">étude</a> que nous avons menée en 2021 a révélé que de nombreuses entreprises du secteur de l’énergie optent pour une rhétorique verte sans que les actes ne suivent et diluent leur responsabilité en matière d’action climatique. Les personnes que nous avons interrogées ont également constaté une forme d’hypocrisie, ou du moins une différence entre ce que leurs employeurs ont annoncé publiquement concernant la transition vers l’énergie propre et ce à quoi ils accordent la priorité en interne.</p>
<p>Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629622003036">recherches</a> ont montré que les employés du secteur pétrolier et gazier ont pu, il y a quelques années, s’accommoder de cette dissonance. Les personnes que nous avons interrogées néanmoins ont fait état d’un sentiment croissant de malaise et de conflit de valeurs au travail, qui les ont amenées à envisager de partir.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<hr>
<p>Déjà en 2012, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-012-1489-x">étude</a> montrait que lorsque les employés de l’industrie pétrolière et gazière avaient l’impression que leur employeur n’entreprenait des actions ou des déclarations environnementales que pour présenter une image publique favorable au climat, ils perdaient confiance en lui et s’y identifiaient moins.</p>
<h2>Incapacité à impulser un changement en interne</h2>
<p>Nos <a href="https://researchportal.bath.ac.uk/en/publications/from-movements-to-managers-crossing-organizational-boundaries-in-">travaux</a> antérieurs montrent que les personnes rejoignent souvent des organisations dans le but spécifique d’amener leur employeur à mieux prendre en compte le changement climatique et le développement durable. Elles choisissent alors d’assumer de <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.2020.1423">nouvelles fonctions</a> telles que celles de responsable du développement durable.</p>
<p>Cependant, de nombreuses personnes interrogées dans le cadre de notre étude non publiée encore ont finalement décidé de démissionner à la suite de l’échec de leurs tentatives de changer les choses de l’intérieur. Certaines ont rejoint des groupes de travail sur le développement durable au travail, tandis que d’autres ont essayé d’occuper des postes axés sur la transition vers l’énergie propre. Mais, dans l’ensemble, ils n’ont pas eu l’impression d’avoir l’impact qu’ils souhaitaient.</p>
<p>Cela s’explique probablement par le fait que la plupart des compagnies pétrolières et gazières ne consacrent qu’une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0263596">petite partie</a> de leurs investissements et de leurs activités aux alternatives aux combustibles fossiles. Il existe peu d’opportunités internes pour les employés soucieux du climat.</p>
<h2>L’attrait du renouvelable</h2>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629622003036">recherches</a> montrent qu’il est souvent plus facile pour les employés du secteur pétrolier et gazier préoccupés par le climat de surmonter leur sentiment de conflit de valeurs et de dissonance en changeant d’avis plutôt qu’en changeant d’emploi. Les nouvelles possibilités offertes par le secteur des énergies renouvelables où les experts en énergie ont de plus en plus leur place redessinent toutefois le paysage.</p>
<p>Les trajectoires professionnelles des personnes que nous avons interrogées sont conformes aux prédictions concernant les talents dans l’industrie des combustibles fossiles. Une enquête menée cette année auprès de 10 000 professionnels de l’énergie de plus de 160 pays a révélé que <a href="https://3277184.fs1.hubspotusercontent-na1.net/hubfs/3277184/Gated%20PDFS/GETI-report-2023-web-version.pdf?__hstc=53004663.4b059c94676a52a24eac251cb5084e17.1699008701365.1699008701365.1699008701365.1&__hssc=53004663.1.1699008701366&__hsfp=3751449663&hsCtaTracking=4cd1fd69-0f4e-4f38-aa77-3494f0fe501a%7C2ca7229d-52ef-40e0-a0e8-9ef5951803fb#page=31">85 %</a> des personnes interrogées envisageraient de changer de poste : la moitié de ces personnes ont déclaré qu’elles espéraient se tourner vers les énergies renouvelables.</p>
<p>Il existe en parallèle une communauté croissante d’organisations dont la mission est de promouvoir le « climate quitting » – notamment <a href="https://workonclimate.org/">Work on Climate</a>, <a href="https://terra.do/">Terra.do</a> et <a href="https://www.mcjcollective.com/">My Climate Journey</a>. Ces organisations proposent des services de mentorat, des réseaux de soutien, des répertoires d’offres d’emploi et des formations pour aider les personnes à trouver un poste dans le domaine du climat. Il est peut-être également temps pour les entreprises pétrolières et gazières de reconsidérer enfin leurs décisions commerciales à la suite des préoccupations des employés concernant la crise climatique et en recherchant l’alignement des valeurs dans leur travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grace Augustine a reçu des financements du British Academy and Leverhulme Trust. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Birthe Soppe a reçu des financements du Norwegian Research Council via le centre de recherche INTRANSIT.</span></em></p>Impuissants devant l’impact de leur entreprise sur le climat et attirés par les opportunités d’emploi dans les énergies vertes, des salariés du pétrole et du gaz choisissent de démissionner.Grace Augustine, Associate Professor in Business & Society, University of BathBirthe Soppe, Associate Professor of Organisation Studies, University of InnsbruckLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162882023-11-01T17:16:34Z2023-11-01T17:16:34ZLa transition énergétique reste conditionnée à la souveraineté industrielle en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555583/original/file-20231024-17-8f00na.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C22%2C1066%2C695&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le coût de production des panneaux photovoltaïques a été divisé par 10&nbsp;ans 10&nbsp;ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_de_centrales_solaires_photovolta%C3%AFques_de_la_Colle_des_M%C3%A9es#/media/Fichier:Panneaux_PhotV_Les_M%C3%A9es.JPG">Christian Pinatel de Salvator/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’objectif de souveraineté technologique s’impose de plus en plus à tout pays dit « moderne » ou s’en réclamant. Cette « capacité d’un État à développer l’accès et fournir aux citoyens et entreprises les <a href="https://www.isi.fraunhofer.de/content/dam/isi/dokumente/publikationen/technology_sovereignty.pdf">technologies dont ils ont besoin</a> », pour reprendre la définition de l’institut allemand Fraunhofer, est en effet censée favoriser la croissance de son économie et renforcer son autonomie stratégique.</p>
<p>En matière de politique énergétique, cette souveraineté technologique doit alors intégrer et faciliter l’atteinte de <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-50-ans-apres-un-choc-energetique-de-lampleur-des-chocs-petroliers-178627">trois objectifs souvent opposés entre eux</a>. On parle alors de <a href="https://trilemma.worldenergy.org/">« trilemme énergétique »</a> que l’on peut résumer de la manière suivante :</p>
<ul>
<li><p><strong>Sécurité</strong>, pour garantir un approvisionnement fiable des besoins, en limitant les dépendances à des pays ou sociétés fournisseurs externes trop dominantes.</p></li>
<li><p><strong>Compétitivité</strong>, pour garantir l’accès à tous et sur longue période à une énergie abondante et bon marché.</p></li>
<li><p><strong>Environnement</strong>, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et pollutions liées à la production et consommation d’énergie dans les différents secteurs de l’économie (énergie, industrie, transport, bâtiment, etc.).</p></li>
</ul>
<p>Les politiques pour atteindre la souveraineté technologique doivent ainsi permettre de décarboner l’économie, tout en garantissant l’accès à une énergie bon marché et en limitant les dépendances extérieures.</p>
<p>Comment faire ? Pour répondre à cette question, il s’agit d’abord de rappeler le contexte. Ces 10 dernières années, les politiques européennes de transition énergétique ont favorisé un développement rapide et étendu de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52023PC0161">l’accès aux technologies favorables à la transition énergétique</a>, principalement dans les « nouvelles » énergies renouvelables (solaire photovoltaïque et éolien en tête, et plus récemment sur les batteries lithium-ion pour véhicules électriques). Cet essor a été notamment favorisé par le marché unique européen, <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Renewable_energy_statistics">accélérateur du libre-échange international</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">Batteries : l’UE cherche l’équilibre entre ouverture aux marchés et souveraineté technologique</a>
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<p>Or, les politiques d’innovation technologique menées n’ont pas permis (à l’exception notable de l’éolien, néanmoins menacé) le développement d’un accès élargi à des technologies d’origine européenne, souvent bien <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/panneaux-solaires-le-cri-dalarme-des-derniers-producteurs-europeens-1980112">moins compétitives que celles importées d’Asie</a>, Chine en tête. Ainsi, ce développement s’est appuyé sur des technologies importées sous forme d’équipements fabriqués en masse en Asie, Chine en particulier, qui a nettement renforcé la dépendance technico-économique de l’UE, en particulier sur le <a href="https://www.bruegel.org/analysis/cleantech-manufacturing-where-does-europe-really-stand-0">solaire photovoltaïque et les batteries pour véhicules électriques</a>.</p>
<h2>Une opportunité de réindustrialisation</h2>
<p><a href="https://www.washingtonpost.com/business/energy/2023/03/18/climate-change-europe-s-green-policy-will-hurt-its-energy-security/e3e914f4-c600-11ed-82a7-6a87555c1878_story.html">Pourquoi, dès lors, ne pas se contenter d’importer ces technologies d’Asie</a>, Chine en particulier, l’industrie de masse probablement la plus efficace au monde ? Deux arguments principaux peuvent être opposés ici : d’abord, pouvoir limiter le danger, ou risque de surdépendance économique et politique à un pays pas forcément « ami », avec des ambitions de domination mondiale comme pour la Chine. Cet objectif de leadership justifie un besoin évident de diversification en matière de fournisseurs, dont des productions en partie localisées au sein de l’UE.</p>
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<p>En outre, la crise du gaz née de l’invasion russe en Ukraine en février 2022 a bien démontré la réalité du <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/afp/climat-le-gaz-naturel-energie-de-transition-ou-fausse-solution-191122">risque d’approvisionnement sur une énergie primaire</a> (dite « de transition » parfois), potentiellement démultiplié sur les technologies de la transition énergétique. Il s’agit donc d’investir en Europe pour limiter ce risque de dépendance énergétique tout en sécurisant et diversifiant l’approvisionnement en métaux rares, <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-technologies-vertes-une-industrie-de-630-milliards-de-dollars-par-an-en-2030-a-reconquerir.N2085921">essentiels pour les technologies de transition énergétique</a>. Dit autrement, de payer une « assurance industrielle » pour réduction du risque de souveraineté énergétique en Europe.</p>
<p>Deuxièmement, la transition énergétique peut constituer une formidable opportunité de réindustrialisation pour favoriser la croissance d’activités et d’emplois à valeur ajoutée élevée, comme l’ont bien compris <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/aux-etats-unis-le-plan-energies-renouvelables-fait-decoller-les-investissements.N2038572">Américains</a> et <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2022/10/12/china-s-transition-to-a-low-carbon-economy-and-climate-resilience-needs-shifts-in-resources-and-technologies">Chinois</a>, et en totale cohérence avec l’objectif premier de souveraineté technologique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1566773621464391683"}"></div></p>
<p>Ainsi concilier souveraineté technologique et transition énergétique exige de réintroduire davantage de politique industrielle européenne.</p>
<h2>Un besoin élevé d’investissement</h2>
<p>Cette exigence apparaît en outre d’autant plus cruciale que la transition énergétique repose essentiellement sur des technologies matures fortement industrialisées. Plus que des technologies « de pointe », la transition énergétique repose en effet sur des équipements qui doivent être fabriqués à grande échelle, ce qui permettra de les rendre plus accessibles en faisant baisser les coûts de production.</p>
<p>On a en effet clairement observé ces effets des volumes sur les prix ces dernières années dans le développement du solaire photovoltaïque et des batteries lithium-ion au niveau mondial. Dans les deux cas, le coût de production des équipements pour produire un watt a été divisé environ par 10 ans en 10 ans tandis que les capacités de production étaient de leur côté multipliées par 10.</p>
<p><iframe id="wqWsd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wqWsd/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="pbDCg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pbDCg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="eN7qW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eN7qW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="f3wvS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/f3wvS/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi, l’innovation nécessaire semble de l’ordre de l’« incrémentale » (par touches successives) plus que « de rupture », ce qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421518305901">nécessite des investissements élevés</a> et stables sur long terme que seule une politique industrielle peut assurer.</p>
<p>À noter que le pilotage de la transition et management de l’énergie à base de numérique et service, en lien avec l’évolution des réseaux vers plus de flexibilité (« smart grids »), <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/demarche-decarbonation-industrie/agir/structurer-demarche/mettre-en-place-systeme-management-energie">échappent à cette contrainte industrielle</a>, avec d’importants atouts européens à valoriser (réseaux, industrie et régulations).</p>
<p>Au bilan, concilier souveraineté technologique et transition énergétique exige de réintroduire davantage de politique industrielle de l’UE, sans pour autant abandonner les avantages de son marché unique. C’est pourquoi les grands groupes industriels privés, Européens en priorité, sont incités aujourd’hui à participer directement au développement d’une industrie européenne de la transition énergétique, notamment <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-les-airbus-de-ceci-ou-de-cela-nouvelle-generation-1346507">sous forme d’alliances</a>. Cette capacité à attirer et sécuriser davantage les financements privés de long terme, font partie des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/23/energies-renouvelables-ce-sont-les-etats-unis-qui-vont-probablement-encore-gagner-la-course_6057105_3232.html">bases d’une nouvelle politique industrielle européenne</a>.</p>
<p>En mars dernier, la Commission européenne a fait un pas supplémentaire en ce sens en adoptant le projet <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/net-zero-industry-act_en">« Net-zero Industry Act »</a> (NZIA), en réaction aux politiques protectionnistes entrées en vigueur aux États-Unis avec <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’Inflation Reduction Act</a>. Une preuve qu’à Bruxelles, les dirigeants européens ont parfaitement compris que la transition énergétique irait de pair avec la souveraineté technologique et industrielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Arroyo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le développement de technologies comme le solaire photovoltaïque ou les batteries lithium-ion repose actuellement sur une dépendance économique européenne vis-à-vis de l’Asie.Fabrice Arroyo, Responsable Mastère Énergie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158452023-11-01T17:16:27Z2023-11-01T17:16:27ZLes réseaux électriques de futures générations permettront-ils d’ajuster offre et demande ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554294/original/file-20231017-27-pxpvuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2397%2C1473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un réseau électrique intelligent articule infrastructures traditionnelles et télécommunications.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Pok Rie / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/electricite-23762">secteur électrique</a> constitue un des secteurs énergétiques les plus polluants, responsable de <a href="https://www.planete-energies.com/fr/media/article/production-delectricite-ses-emissions-co2#:%7E:text=Electricit%C3%A9%20et%20gaz%20%C3%A0%20effet,une%20centrale%20au%20gaz3.">42,5 % des émissions mondiales de CO₂</a>. S’il doit travailler à devenir plus propre et à faire face à la précarité énergétique, il se voit également confronté à de nouvelles contraintes, telles qu’une demande croissante, particulièrement en période de pointe, mais aussi en raison de nouveaux usages comme les véhicules électriques. Il lui faut aussi composer avec le vieillissement des infrastructures des réseaux.</p>
<p>Les acteurs du secteur se tournent donc désormais vers le déploiement des <a href="https://theconversation.com/topics/energies-renouvelables-22981">ressources renouvelables</a>. Néanmoins, certains inconvénients inhérents à ces ressources, comme leur <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/24/si-les-energies-renouvelables-intermittentes-etaient-soumises-aux-lois-du-marche-ni-eoliennes-ni-centrales-solaires-ne-verraient-le-jour_6103382_3232.html">caractère intermittent</a> et les problématiques d’occupation spatiale, requièrent le développement d’un mécanisme efficace de gestion de l’énergie. De <a href="https://www.revolution-energetique.com/voici-la-carte-des-6-futurs-reacteurs-nucleaires-epr-prevus-en-france/">nouveaux réacteurs nucléaires EPR</a> doivent également sortir de terre en France pour renouveler le parc existant mais, hormis Flamanville sur le Cotentin, ne sont pas attendus avant 2035. C’est pourquoi les ingénieurs travaillent d’autre part à développer des technologies de pointe pour rendre la demande d’électricité plus flexible.</p>
<p>Actuellement, la demande en électricité est considérée comme <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/tarification-de-lelectricite">aléatoire</a> : c’est à l’offre de s’adapter pour trouver un équilibre. Dans le réseau de demain, l’intermittence des énergies renouvelables déplacera vraisemblablement le caractère aléatoire de la consommation vers la production. La demande devra donc être flexible et maitrisée grâce à des programmes de gestion spécifiques.</p>
<p>En remodelant la demande, le parc de production pourrait être géré efficacement, et les coûts lissés. En outre, le dimensionnement du parc s’ajustant à la demande maximale d’électricité, la capacité totale et le coût d’investissement seront atténués en réduisant cette demande maximale.</p>
<h2>Lisser les pics</h2>
<p>Des <a href="https://pastel.hal.science/pastel-00959266">recherches</a> ont montré que les programmes de pilotage de demande agissent sur l’allure de la courbe de charge d’électricité de trois manières : en décalant les charges (<em>Load shifting</em>), en écrêtant les pointes (<em>peak clipping</em>) et en remplissant les creux (<em>valley filling</em>). Le déplacement de la demande décale l’usage d’un appareil électrique, c’est-à-dire reporte ou avance une demande d’une tranche horaire à une autre. La réduction du pic de demande électrique est atteinte grâce à la diminution ou la coupure ponctuelle d’un usage électrique. Cette solution réduit la puissance électrique en période de pointe et induit ainsi une baisse de consommation. C’est par exemple inciter les consommateurs à diminuer la température de leur chauffage.</p>
<p>Tandis que ces deux premières techniques visent à égaliser la courbe de charge en s’intéressant aux pics de demande, le « valley filling » s’applique, lui, à augmenter la charge durant les périodes où elle est moins importante. C’est programmer son lave-linge ou son lave-vaisselle en période creuse par exemple.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1686465752373612545"}"></div></p>
<p>Il convient de noter que ces programmes énergétiques contribuent aux baisses des pics de consommation. On parle parfois d’« effacement de consommation ». Ils pèsent actuellement pour environ <a href="https://www.eqinov.com/eqilibreblogenergie/appel-offres-effacement-aoe/">3 900 MW mobilisables en France en 2023</a>, encore loin de l’objectif de 6 500 MW inscrit dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à horizon 2028. 6 500 MW, c’est à peu près l’équivalent de ce que peuvent fournir <a href="https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/lepr-de-flamanville-debute-ses-essais-de-requalification-densemble">quatre réacteurs nucléaires de type EPR</a> comme celui actuellement en phase d’essai à Flamanville.</p>
<p>Dans ce contexte, nos <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8923214">recherches</a> soulèvent deux problématiques inhérentes à la gestion énergétique dans le réseau électrique intelligent. Comment aider le propriétaire d’une maison à prendre une décision d’adhésion à un programme énergétique dans le but de réduire sa consommation énergétique ? Et comment répartir l’énergie d’une manière équitable entre les consommateurs tout en prenant en compte les contraintes d’énergie des sources renouvelables et en répondant aux besoins énergétiques variés des consommateurs ?</p>
<h2>Au carrefour des systèmes électriques et des télécommunications</h2>
<p>Une des pistes pour pouvoir répondre à ces nouvelles problématiques est de développer les technologies de réseaux électriques intelligents de future génération (<em>Next Generation Smart Grids, NGSG</em>). Il s’agit des systèmes énergétiques qui évoluent d’une structure monodirectionnelle des flux énergétiques et informationnels (de la production vers la consommation), à une structure fondée sur des interactions bidirectionnelles.</p>
<p>L’objectif des NGSG est de fusionner les technologies de télécommunication et le système électrique géré par les opérateurs de production énergétique. Il est judicieux de noter qu’ils ne visent pas une conversion radicale des technologies mais une évolution des réseaux actuels dans le but d’assurer une communication entre les différents acteurs.</p>
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<p>Bien que des éléments rendant le réseau intelligent existent déjà, la différence entre les NGSG et les réseaux électriques actuels se situe dans leur <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6690098">capacité à gérer plus de complexité</a>. En effet, ces réseaux intelligents devraient évoluer pour permettre une gestion en temps réel de la consommation électrique : prédiction, équilibrage de charge, détection, surveillance des pannes et aide à la prise de décision du programme énergétique.</p>
<p>Avec les NGSG, tous les appareils électriques devraient être connectés et contrôlés dans le but de gérer et surveiller la consommation électrique et afin de remonter des informations et recevoir des commandes de contrôle. La prolifération significative d’objets connectés localisés dans les maisons requiert en effet un mécanisme de gestion efficace.</p>
<p>Ce dernier peut prendre appui sur les réseaux mobiles 5G avec notamment la <a href="https://www.redhat.com/fr/topics/hyperconverged-infrastructure/what-is-software-defined-networking">technique SDN</a> (Software Defined Network). Cette dernière s’avère particulièrement prometteuse. Elle prodigue une architecture qui sépare les fonctions de transport des fonctions de contrôle du réseau. Elle fournira ainsi l’équilibrage de charge, le déplacement de charge électrique, l’ajustement dynamique des chemins de routage suite aux commandes de contrôle, la détection rapide des pannes, l’autoréparation et la surveillance et la planification des flux de trafic électriques critiques.</p>
<p>Par ailleurs, les objets connectés dans les NGSG sont capables de générer, collecter et traiter des quantités massives de données. Ces sources de données ouvrent de nouvelles pistes pour concevoir de façon fiable et efficace les réseaux électriques. Les réseaux futurs proposeront en effet l’intégration des techniques d’apprentissage automatique pour le traitement en temps réel des données et la prise de décision du meilleur programme énergétique. Celles-ci seraient puisées tant du côté de l’offre que de la demande.</p>
<p>Dans ce contexte, l’utilisation d’un algorithme d’apprentissage automatique contribuera à l’optimisation de la consommation énergétique. Celui-ci prendra en considération les diverses variables impliquées dans la distribution d’énergie renouvelable et la consommation d’énergie, afin de maximiser l’énergie de production durant les jours nuageux et sans vent. Cet algorithme interprète les fluctuations de la demande et l’évolution des conditions météorologiques afin de prévoir l’énergie demandée, et d’anticiper les problèmes inhérents aux réseaux électriques avec pour objectif de mettre en place des moyens d’amélioration des lignes de distribution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rola Naja ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La transition énergétique nécessite des modes de production propre de l’électricité mais aussi de mieux maîtriser la demande.Rola Naja, Enseignante chercheuse dans le domaine de l'informatique et réseaux, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152242023-10-18T17:03:13Z2023-10-18T17:03:13ZComment réduire le risque incendie posé par les batteries lithium-ion ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552621/original/file-20231007-27-fz8jzx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Voiture électrique en charge</span> <span class="attribution"><span class="source">Mike Bird / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans notre monde peuplé d’appareils électroniques, les batteries rechargeables lithium-ion sont partout. Par rapport aux batteries au plomb, qui ont dominé le marché pendant des décennies, elles présentent plusieurs avantages, comme une charge plus rapide et une densité énergétique plus élevée à poids égal.</p>
<p>De quoi rendre nos gadgets électroniques et nos voitures électriques plus légers et plus durables, au prix de quelques inconvénients. Car ces batteries contiennent plus d’énergie : si elles prennent feu, elles brûlent jusqu’à ce que toute l’énergie stockée soit libérée. Sauf qu’une telle libération soudaine d’énergie peut occasionner des explosions graves, sources de dégâts matériels et humains.</p>
<p>En tant que scientifiques spécialistes de la <a href="https://scholar.google.com/citations?user=jCXInTYAAAAJ&hl=en">production d’énergie</a>, de son <a href="https://scholar.google.com/citations?user=KsW8rMMAAAAJ&hl=en">stockage</a>, de sa <a href="https://scholar.google.com/citations?user=z7C3_h8AAAAJ&hl=en">conversion</a>, ainsi que l’<a href="https://scholar.google.com/citations?user=4WwXknoAAAAJ&hl=en">ingénierie automobile</a>, nous nous intéressons de près au développement de batteries à la fois de forte densité énergétique et sûres. Or, nous voyons des signes encourageants montrant que les fabricants de batteries progressent vers la résolution de ce problème technique important.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yRPW8zN_c0E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Éviter de surcharger ses appareils est un bon moyen pour réduire le risque d’incendie des batteries lithium-ion.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Un nouveau type de risque incendie</h2>
<p>Le transport urbain est en train de subir une transformation majeure vers l’électrification. Alors que les villes du monde entier se préoccupent de plus en plus du changement climatique et de la qualité de l’air, les <a href="https://theconversation.com/boosting-ev-market-share-to-67-of-us-car-sales-is-a-huge-leap-but-automakers-can-meet-epas-tough-new-standards-203663">véhicules électriques</a> sont désormais sur le devant de la scène.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans le même temps, les vélos et scooters électriques transforment eux aussi les transports urbains en offrant des moyens pratiques et à faible émission de carbone pour naviguer dans les rues encombrées et réduire les embouteillages. Entre 2010 et 2022, les vélos et scooters électriques partagés (ceux appartenant à des réseaux de location) ont représenté <a href="https://nacto.org/2022/12/01/half-a-billion-rides-on-shared-bikes-and-scooters/">plus d’un demi-milliard de trajets</a> dans les villes américaines. Les vélos électriques privés viennent s’ajouter à ce total : en 2021, <a href="https://www.nationalgeographic.com/environment/article/electric-bike-sustainable-transportation">plus de 880 000 vélos électriques ont été vendus aux États-Unis</a>, contre 608 000 voitures et camions électriques.</p>
<p>Les véhicules électriques (VE) représentent une <a href="https://www.vox.com/the-highlight/2023/1/17/23470878/tesla-fires-evs-florida-hurricane-batteries-lithium-ion">petite partie</a> des incendies de voitures, mais <a href="https://www.cbsnews.com/news/lithium-ion-battery-fires-electric-cars-bikes-scooters-firefighters/">il est difficile pour les pompiers de contrôler les incendies de VE</a>. En règle générale, un incendie de VE brûle à environ 2 760 °C, alors qu’un véhicule à essence en feu brûle à 815 °C. Il faut environ 2 000 gallons d’eau – soit environ 7,5 mètres cubes d’eau – pour éteindre un véhicule à essence en feu. Dans certains cas, le contrôle d’un feu de VE peut demander <a href="https://www.bostonglobe.com/2023/01/20/metro/tesla-fire-takes-over-two-hours-20000-gallons-water-extinguish-after-wakefield-crash-police-say/">10 fois plus d’eau</a>.</p>
<p>Il s’agit d’une préoccupation majeure dans les grandes villes où les véhicules électriques sont populaires. Les services d’incendie de New York et de San Francisco déclarent ainsi avoir traité <a href="https://www.cbsnews.com/news/lithium-ion-battery-fires-electric-cars-bikes-scooters-firefighters/">plus de 660 incendies</a> impliquant des batteries lithium-ion depuis 2019. À New York, ces incendies ont causé <a href="https://www.nyc.gov/office-of-the-mayor/news/195-23/mayor-adams-plan-combat-lithium-ion-battery-fires-promote-safe-electric-micromobility#/0">12 décès et plus de 260 blessés</a> de 2021 à début 2023. Il y a un besoin clair d’améliorer les pratiques de manipulation et de charge des batteries, ainsi que de mettre en œuvre des améliorations techniques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un vélo électrique avec un sac Uber Eats accroché au guidon à côté d’un bâtiment." src="https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549854/original/file-20230924-27-qr7gss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les vélos électriques sont populaires pour les services de livraison urbaine, ce qui signifie que de nombreux utilisateurs en dépendent pour leurs revenus.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/uber-eats-electric-bike-parked-on-sidewalk-manhattan-new-news-photo/1428511600">Lindsey Nicholson/UCG/Universal Images Group via Getty Images</a></span>
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</figure>
<h2>Plusieurs batteries électriques par voiture électrique</h2>
<p>Pour comprendre les incendies de batteries lithium-ion, il est important de rappeler quelques principes de base. Une batterie contient des produits chimiques qui contiennent de l’énergie, avec une séparation entre ses deux électrodes. Elle fonctionne en <a href="https://engineering.mit.edu/engage/ask-an-engineer/how-does-a-battery-work/">convertissant cette énergie chimique en électricité</a>.</p>
<p>Les deux électrodes d’une batterie sont entourées d’un électrolyte, une substance qui permet à une charge électrique de circuler entre les deux bornes. Dans une batterie lithium-ion, ce sont les ions lithium qui portent la charge électrique. Lorsqu’un appareil est connecté à une batterie, des réactions chimiques se produisent aux électrodes et créent un flux d’électrons dans le circuit électrique externe qui alimente l’appareil.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Infographie montrant les éléments d’une batterie lithium-ion" src="https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549855/original/file-20230924-27-91vn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lorsqu’une batterie lithium-ion fournit de l’énergie à un appareil, les ions lithium (atomes porteurs d’une charge électrique) se déplacent de l’anode à la cathode. Les ions se déplacent en sens inverse lors de la recharge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/8Erh2x">Argonne National Laboratory/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Les téléphones portables et les appareils photo numériques peuvent fonctionner avec une seule batterie, mais une voiture électrique a besoin de beaucoup plus d’énergie et de puissance. En fonction de sa conception, un véhicule électrique peut contenir des <a href="https://www.samsungsdi.com/column/all/detail/54344.html">dizaines, voire des milliers de petites batteries individuelles</a>, appelées cellules. Les cellules sont regroupées en ensembles appelés modules, qui sont à leur tour assemblés en packs. Un véhicule électrique standard contient un grand bloc-batterie avec de nombreuses cellules à l’intérieur.</p>
<h2>Ce qui cause le départ de feu</h2>
<p>Généralement, un incendie de batterie <a href="https://doi.org/10.1038/s41557-023-01254-6">commence dans une seule cellule</a> au sein d’un bloc-batterie. Une batterie peut s’enflammer pour trois raisons principales :</p>
<ul>
<li><p>un dommage mécanique, tel qu’un écrasement ou un percement lors d’une collision entre véhicules,</p></li>
<li><p>un dommage électrique dû à un <a href="https://www.thespruce.com/what-causes-short-circuits-4118973">court-circuit</a> externe ou interne,</p></li>
<li><p>ou encore une surchauffe.</p></li>
</ul>
<p>Les courts-circuits des batteries peuvent être causés par une mauvaise manipulation ou par des réactions chimiques indésirables à l’intérieur de la cellule. Lorsque les batteries lithium-ion sont chargées trop rapidement, les réactions chimiques peuvent produire des aiguilles de lithium très pointues appelées dendrites sur l’anode (l’électrode avec une charge négative). Elles finissent par pénétrer le séparateur et atteindre l’autre électrode, ce qui provoque un court-circuit interne de la batterie.</p>
<p>De tels courts-circuits chauffent la cellule de la batterie à plus de 100 °C (212°F). La température de la batterie augmente d’abord lentement, puis d’un seul coup, atteignant sa température maximale en une seconde environ.</p>
<p>Un autre facteur qui rend les incendies de batteries lithium-ion difficiles à gérer est la production d’oxygène. Lorsque les oxydes métalliques de la cathode d’une batterie, ou une électrode chargée positivement sont chauffés, ils <a href="https://www.osti.gov/servlets/purl/1526722">se décomposent et libèrent de l’oxygène gazeux</a>. Les incendies ont besoin d’oxygène pour brûler, de sorte qu’une batterie capable de produire de l’oxygène peut entretenir un incendie.</p>
<p>En raison de la nature de l’électrolyte, une augmentation de 20 % de la température d’une batterie lithium-ion va aussi accélérer certaines réactions chimiques indésirables, ce qui va en retour dégager un excès de chaleur. Cette chaleur va faire augmenter la température de la batterie, ce qui accélère encore davantage les réactions. L’augmentation de la température de la batterie accroît le taux de réaction, créant un processus appelé <a href="https://spectrum.ieee.org/first-xray-views-into-overheating-lithiumion-batteries">emballement thermique</a>. Lorsque ce phénomène se produit, la température d’une pile peut passer de 100 °C à 1000 °C en une seconde.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kHTlVmBbnPA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En cas d’emballement thermique, une batterie lithium-ion entre dans un état d’autoéchauffement incontrôlable qui peut conduire à un incendie ou à une explosion.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Comment limiter l’emballement thermique</h2>
<p>Les méthodes pour assurer la sécurité des batteries peuvent se concentrer sur le suivi des conditions extérieures ou intérieures de la batterie. La protection extérieure implique en général l’utilisation de dispositifs électroniques tels que des capteurs de température et des soupapes de pression pour s’assurer que la batterie n’est pas soumise à une chaleur ou à une contrainte susceptible de provoquer un accident.</p>
<p>Cependant, ces mécanismes vont augmenter la taille et le poids des batteries, ce qui peut réduire les performances de l’appareil qu’elle alimente (<em>si le véhicule doit déplacer un poids de batterie plus élevé, ndlt</em>). De plus, ils ne sont pas toujours fiables en cas de températures ou de pressions extrêmes, comme celles produites lors d’un accident de voiture.</p>
<p>Les stratégies de protection interne, de leur côté, se concentrent sur l’utilisation d’équipements à sécurité intrinsèque. Cette approche permet de traiter les risques à la source.</p>
<p>Pour réduire l’intensité de l’emballement thermique d’une batterie, il faut une donc une <a href="https://doi.org/10.1016/j.ensm.2017.05.013">combinaison d’améliorations logicielles et matérielles</a>. Les scientifiques travaillent à la mise au point de cathodes qui libèrent moins d’oxygène lorsqu’elles se décomposent, d’électrolytes non inflammables, <a href="https://doi.org/10.1007/s40820-023-01178-3">d’électrolytes à l’état solide</a> qui ne s’enflamment pas et peuvent également contribuer à réduire la croissance des dendrites, et enfin de séparateurs qui peuvent <a href="https://doi.org/10.1002/adma.202302280">résister à des températures élevées sans fondre</a>.</p>
<p>Une autre solution est déjà utilisée : les <a href="https://www.synopsys.com/glossary/what-is-a-battery-management-system.html">systèmes de gestion des batteries, ou BMS (Battery Management System)</a>. Il s’agit d’équipements matériels et de logiciels intégrés dans les batteries qui peuvent surveiller les paramètres vitaux de la batterie, tels que l’état de charge, la pression interne et la température des cellules de la batterie.</p>
<p>Tout comme un médecin se base sur les symptômes d’un patient pour diagnostiquer et traiter sa maladie, les BMS peuvent diagnostiquer les problèmes au sein du bloc-batterie et prendre des décisions autonomes pour éteindre les batteries présentant des points chauds, ou pour modifier la répartition de la charge afin qu’aucune batterie individuelle ne devienne trop chaude.</p>
<p>La composition chimique des batteries évolue rapidement, de sorte que les conceptions les plus récentes vont demander le développement de nouveaux BMS. De nombreux producteurs de batteries <a href="https://www.graphene-info.com/nanotech-energy-soteria-battery-innovation-group-and-voltaplex-energy-join">forment des partenariats</a> qui rassemblent des fabricants ayant des compétences complémentaires afin de relever ce défi.</p>
<p>Les utilisateurs peuvent également prendre des mesures pour <a href="https://www.usfa.fema.gov/prevention/vehicle-fires/electric-vehicles/">maximiser la sécurité</a> de leurs équipements, par exemple :</p>
<ul>
<li><p>Utiliser l’équipement de charge et les prises recommandés par le fabricant, et évitez de surcharger ou de laisser un VE branché pendant la nuit.</p></li>
<li><p>Inspecter régulièrement la batterie pour détecter tout signe de dommage ou de surchauffe.</p></li>
<li><p>Garer le véhicule <a href="https://www.latimes.com/business/story/2023-07-13/how-a-heat-wave-will-hurt-your-ev-battery">loin d’un environnement trop chaud ou trop froid</a> – par exemple, garez-vous à l’ombre pendant les vagues de chaleur – pour éviter que la batterie ne subisse un stress thermique.</p></li>
<li><p>Enfin, en cas de collision ou d’accident impliquant un VE, suivez les protocoles de sécurité du fabricant et débrancher la batterie si possible afin de minimiser les risques d’incendie ou d’électrocution.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/215224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les batteries au lithium-ion sont partout, des vélos aux voitures électriques. Et posent de nouveaux risques d’incendie, voire d’explosion, en cas de dommage ou de surchauffe. Comment y faire face ?Apparao Rao, Professor of Physics, Clemson UniversityBingan Lu, Associate Professor of Physics and Electronics, Hunan UniversityMihir Parekh, Postdoctoral Fellow in Physics and Astronomy, Clemson UniversityMorteza Sabet, Research Assistant Professor of Automotive Engineering, Clemson UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146032023-10-03T16:36:28Z2023-10-03T16:36:28ZLes grands impensés du plan écologique d’Emmanuel Macron<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550962/original/file-20230928-17-h1b0t3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron devant un parterre de tournesols, aux côtés du Premier ministre du Luxembourg Xavier Bettel.</span> <span class="attribution"><span class="source"> EU2017EE Estonian Presidency/Raul Mee</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le 25 septembre dernier, à l’issue d’un conseil de <a href="https://theconversation.com/planification-ecologique-la-necessaire-concertation-democratique-pour-une-mise-en-oeuvre-juste-et-efficace-182699">planification écologique</a>, Emmanuel Macron twittait : « Nous avons un plan. Il est déjà à l’œuvre », accompagné d’une <a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1706351887623086376">vidéo</a> cherchant à démontrer le sérieux et la constance de l’engagement du président en faveur de l’écologie depuis 2017.</p>
<p>Mais est-ce vraiment le cas ? Tout indique que non, la faute à une <a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-lecologie-populaire-dans-la-planification-ecologique-204830">vision technocratique des enjeux</a>, qui cherche à optimiser le modèle, sans le changer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706351887623086376"}"></div></p>
<h2>Une montée en puissance depuis deux mandats</h2>
<p>Le programme de 2017 n’a pas brillé par son volet écologique. Le changement climatique est certes évoqué, de même que la sortie du charbon, la transition écologique et la rénovation des logements, mais <a href="https://www.elections-presidentielles.com/wp-content/uploads/2017/03/Programme-Emmanuel-Macron.pdf">sans beaucoup plus de précisions sur la façon d’y parvenir</a>.</p>
<p>Le programme de 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/18/le-programme-d-emmanuel-macron-a-la-presidentielle-2022_6118070_6059010.html">est plus offensif</a>. Tout d’abord, un constat : les transports représentent 30 % de nos émissions, l’agriculture 19 %, comme l’industrie, le bâtiment 18 %, l’énergie 10 % et les déchets 3 %. À partir de là, un programme : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, au moyen d’un déploiement « massif » d’énergies renouvelables et de six voire quatorze nouveaux réacteurs EPR ; proposer une offre de voitures électriques françaises en leasing ; accentuer la rénovation énergétique et notamment le remplacement des chaudières.</p>
<p>Le premier conseil de planification écologique, le 28 janvier 2023, <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/01/28/premier-conseil-de-planification-ecologique">s’est montré plus didactique</a>. Le président se félicite que les émissions ont baissé deux fois plus vite entre 2019 et 2022, par rapport aux tendances antérieures, suggérant par là que l’action du gouvernement est très positive. Mais attention : pour atteindre la neutralité carbone, le rythme doit encore doubler, soit être quatre fois plus rapide qu’avant 2019.</p>
<p>À cette occasion, le programme est affiné. En matière de transports, la mesure la plus efficace – et la plus rentable – serait l’électrification des véhicules particuliers ; et ensuite le financement des infrastructures ferroviaires, notamment de type RER. Dans le domaine agricole, la voie serait celle d’une réduction des intrants, aider les jeunes à s’installer avec de nouvelles méthodes, et planter un milliard d’arbres. Dans le domaine du bâtiment, l’effort concerne plus particulièrement les acteurs collectifs, publics et privés. Enfin, on apprend que les 50 sites les plus polluants sont en voie de décarbonation, et que l’industrie a déjà beaucoup réduit ses émissions depuis 1990, certes pour partie parce que la France s’est tertiarisée.</p>
<p>Avec deux leçons :</p>
<ul>
<li><p>les émissions du transport <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf">ne baissent pas, elles augmentent</a></p></li>
<li><p>Le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/dp-plan-sobriete.pdf">plan de sobriété</a>, dévoilé par le gouvernement en octobre 2022, a donné de bons résultats.</p></li>
</ul>
<h2>L’écologie du « il n’y a plus qu’à »</h2>
<p>À entendre l’exécutif, en janvier, les pistes seraient identifiées, et maintenant tout ne serait plus affaire que « d’exécution ». Constatant qu’« on n’y est pas encore », et que le chemin pour y arriver sera « très dur », le président se veut rassurant : si on innove, si on met de la bonne volonté, de la transparence et de l’accompagnement, nous y arriverons.</p>
<p>Le plan est formalisé le 23 juillet 2023 dans le plan <a href="https://www.gouvernement.fr/france-nation-verte">France nation verte</a>. Pas de grand changement, mais quelques évolutions :</p>
<ul>
<li><p>Sur le volet transport, la voiture électrique légère est mise en avant, ainsi que le vélo, le transport en commun et le covoiturage.</p></li>
<li><p>Dans le bâtiment, il s’agit d’une sortie du fioul par les pompes à chaleur.</p></li>
<li><p>Dans l’industrie, la voie est l’efficacité énergétique, l’énergie biomasse et la séquestration de carbone.</p></li>
<li><p>Le plan réitère les objectifs en matière de nucléaire, annonce un doublement des renouvelables d’ici 2030 (solaire et éolien), ainsi qu’un triplement de la chaleur livrée par réseau.</p></li>
<li><p>Et il ajoute des objectifs en matière de biodiversité et d’usage de l’eau.</p></li>
</ul>
<p>Le second conseil du 25 septembre conserve ces orientations. L’inflexion industrielle est renforcée. Les batteries, voitures et même matières premières (lithium) seront françaises. La France portera également en Europe la voie d’une sortie du charbon, d’une écologie créatrice de valeur économique, de souveraineté.</p>
<p>Le <a href="https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2024/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2024">projet de budget 2024 va dans le même sens</a>, tout en étant plus difficile à décrypter, en raison des jeux usuels entre catégories budgétaires, telle ou telle activité pouvant être brutalement considérée comme « verte », suivant le sens qu’on veut lui donner. L’effort sur la rénovation sera accru, et enfin le nucléaire bénéficiera 1,5 milliard supplémentaire de soutiens.</p>
<h2>La planification écologique à l’épreuve des promesses</h2>
<p>Comment jauger de l’ambition ? Le point de départ très optimiste d’Emmanuel Macron est déjà à relativiser. La baisse « deux fois plus rapide » vantée par le président entre 2019 et 2022 n’était en réalité qu’un retour à la trajectoire initialement affichée par le gouvernement Hollande, dont Emmanuel Macron était ministre, comme le rappelle la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNBC-2%20synthe%CC%80se%20VF.pdf">Stratégie nationale bas carbone</a>. Elle a aussi été bien aidée, avons-nous dit, par la pandémie de Covid, ainsi que par des hivers particulièrement doux et la guerre en Ukraine, comme le relève le <a href="https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/">Réseau Action Climat</a>.</p>
<p>Ce plan garantit-il de vraiment mettre les bouchées doubles sur les réductions d’émissions, comme il le faudrait pour atteindre la neutralité carbone ? Il est permis d’en douter. En effet, dans le fond, il mise surtout sur la décarbonation des énergies et l’efficacité énergétique dans les bâtiments, ainsi que la réorientation des usages de la biomasse des particuliers vers l’industrie.</p>
<p>Sur le premier volet, la « sortie du charbon » tant mise en avant par le président fait sourire. Il y a belle lurette que la France importe du pétrole et du gaz, <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/energie-primaire-et-energie-finale-en-france-quelle-difference">qui représentent 65 % de l’énergie finale consommée</a>. Le charbon, c’est 3 %. La sortie est donc déjà faite. Mais les fossiles représentent toujours la part du lion.</p>
<h2>L’avantage des renouvelables sur le nucléaire</h2>
<p>Il faut donc décarboner au plus vite. Or le déploiement des nouvelles centrales nucléaires prendra du temps, s’il a lieu (voir par exemple les <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/afp/rappels-sur-lepr-fleuron-du-nucleaire-francais-aux-deboires-multiples-211216">déboires des EPR</a> : il ne sera pas au rendez-vous avant plusieurs années, alors que la cible à atteindre est dans sept ans.</p>
<p>Le choix du nucléaire, outre les risques induits (risque d’accident, question des déchets…), est aussi celui de la lenteur. Le déploiement des <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-les-retards-de-la-france-en-matiere-denergies-renouvelables-202815">renouvelables</a> est potentiellement plus rapide, car les acteurs mobilisables sont beaucoup plus nombreux, puisque ce sont tous ceux qui disposent d’un peu de surface : églises, parkings, agriculteurs, supermarchés, toits… Se baser sur les renouvelables favoriserait en outre une forme de « pédagogie de la sobriété » de par son <a href="https://basta.media/90-kg-de-pain-sans-subir-la-hausse-des-couts-de-l-energie-pourquoi-le-modele-du-four-solaire-se-diffuse-inflation">appropriation par les usagers</a>.</p>
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<p>Mais le plan ne va pas dans ce sens. Le Réseau Action Climat relève le <a href="https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/">retard de la France en la matière</a>. Et de fait, la production de renouvelables n’a augmenté <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2021/1-les-energies-renouvelables-en-france">que d’un tiers depuis 1990</a>.</p>
<p>Dans le bâtiment aussi, les leviers à activer restent flous. La rénovation énergétique reste très en deçà de ce qui serait nécessaire : <a href="https://lenergeek.com/2023/07/18/transition-energetique-en-france-7-milliards-de-budget-supplementaire-en-2024/">entre 50 et 100 000 par an au lieu de 350 à 400 000</a>. Il est dit qu’il faut mobiliser les acteurs privés et publics, mais rien n’est clairement dit à leur sujet, sinon qu’ils sont plutôt à la traîne. Il reste donc les promesses de pompe à chaleur.</p>
<p>Les mesures prises dans le transport sont quant à elles totalement dépendantes de la mise en œuvre de la sobriété. Plus de transport conduit à <a href="https://www.citego.org/bdf_fiche-document-1122_fr.html">plus d’étalement urbain, toutes choses égales par ailleurs</a> ; de même que le télétravail tant vanté : les télétravailleurs réguliers habitent <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/315/teletravail-modes-de-vie-2020-rapport-partie_1.pdf">plus loin de leur travail que les autres</a>. La seule manière de garantir l’atteinte des objectifs serait qu’ils soient entièrement appropriés par la population. Or, ce n’est pas le cas : les Français sont <a href="https://aoc.media/opinion/2023/09/27/planification-ecologique-le-cadrage-restrictif-tragique-du-president-macron/">confortés dans le culte de « la bagnole »</a>, que le plan se contente d’électrifier.</p>
<h2>Un plan qui élude 50 % des émissions</h2>
<p>Enfin, le plan d’Emmanuel Macron se réfère exclusivement aux émissions nationales de gaz à effet de serre, tout comme la <a href="https://theconversation.com/la-planification-ecologique-existe-deja-en-france-mais-doit-devenir-operationnelle-183670">Stratégie nationale bas carbone</a>. Or le mode de vie français a des implications plus vastes. En achetant des ordinateurs en Chine, par exemple, la France provoque des émissions hors de son territoire.</p>
<p>Or, si les émissions nationales étaient de 403 MtCO2e en 2022, l’empreinte carbone, ou émissions « nettes », qui tient compte des importations et exportations, s’élevait à environ 623 MtCO2e, soit 50 % de plus. Et comme la part extraterritoriale a nettement augmenté, l’empreinte carbone en a fait autant, puisqu’elle n’était encore « que » de 575 MtCO2e en 2021…</p>
<p>Ne pas se soucier de l’empreinte carbone, plus largement, c’est ne pas réellement se soucier d’un changement dans les modes de vie. Le plan du gouvernement vise seulement à les décarboner et en améliorer l’efficacité globale, pas réellement à en restreindre l’expansion – et le cas du numérique est à cet égard exemplaire. Tel est le paradigme de la « croissance verte », monde dans lequel <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20150107.OBS9413/macron-il-faut-des-jeunes-francais-qui-aient-envie-de-devenir-milliardaires.html">chacun peut et doit chercher à devenir milliardaire</a>, tout en protégeant la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plan écologique présenté par le président français souffre de plusieurs impensés, comme la mobilisation de la société (sobriété) et la part des émissions liées à nos activités à l’étranger.Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124982023-08-31T18:03:04Z2023-08-31T18:03:04ZDécouverte d’un potentiel gisement d’hydrogène colossal en Lorraine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545329/original/file-20230829-21-ffu4tg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C40%2C5374%2C2569&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Site de Folschviller où ont débuté les travaux de forage à l'origine de la découverte du gisement d'hydrogène</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En recherche scientifique comme ailleurs, il arrive que l’on découvre quelque chose que l’on ne cherchait pas, voire même que l’on découvre quelque chose d’intérêt supérieur à ce que l’on cherchait. C’est la sérendipité. C’est ce qui nous est arrivé en sondant le sous-sol lorrain depuis la commune de Folschviller et en y dénichant un gisement potentiel d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/hydrogene-25933">hydrogène</a> blanc. Sous ce territoire encore durablement affecté par la désindustrialisation pourrait ainsi sommeiller rien moins que le plus gros réservoir mondial connu à ce jour, de ce gaz, qui suscite de plus en plus d’intérêt dans le cadre de la transition énergétique.</p>
<h2>Statuer sur nos ressources en méthane et découvrir de l’hydrogène</h2>
<p>En tant que membres du <a href="http://georessources.univ-lorraine.fr/">Laboratoire GeoRessources</a> de l’Université de Lorraine et du CNRS, le but premier de notre exploration était d’évaluer l’état du méthane dans le sous-sol lorrain afin d’en estimer la ressource et de voir si une production locale de ce gaz était envisageable. Pour poursuivre cet objectif, nous avons dû développer des technologies innovantes pour ausculter <em>in situ</em> et en continu les formations géologiques du Carbonifère (période géologique allant d’il y a 359 à 299 millions d’années). </p>
<p>Cela a notamment été possible grâce à l’invention de la sonde SysMoG en collaboration avec la société Solexperts, un outil qui nous a ainsi permis d’analyser les gaz dissous dans l’eau dans les formations géologiques jusqu’à 1200 m de profondeur, une première mondiale, respectueuse de l’environnement. En effet, le travail de miniaturisation de la sonde SysMoG nous permet une telle auscultation du sous-sol à partir de puits d’un diamètre intérieur de 6 cm !</p>
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<img alt="Sonde de mesure SysMoG prête à commencer le forage dans un puits de quelques 6 cm de diamètre" src="https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545321/original/file-20230829-25-ccw31m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sonde de mesure SysMoG prête à commencer le forage dans un puits de quelques 6 cm de diamètre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GéoRessources</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En poursuivant ainsi le monitoring chimique des strates géologiques et des gaz accompagnateurs du méthane, nous avons été surpris de constater que l’hydrogène était présent en forte proportion et que sa concentration augmentait avec la profondeur pour atteindre 20 % à 1 250m de profondeur. De telles proportions nous permettent désormais de considérer qu’à 3000 m de profondeur, la teneur en hydrogène pourrait dépasser 90 %, d’après nos modélisations. Ainsi et sur la base des données gazières à -1 100m (14 % d’hydrogène), ce gisement lorrain pourrait contenir jusqu’à 46 millions de tonnes d’hydrogène blanc, c’est-à-dire plus de la moitié de la production annuelle mondiale actuelle d’hydrogène gris.</p>
<h2>Les différentes couleurs de l’hydrogène</h2>
<p>Blanc ? Gris ? Derrière ces « couleurs » de l’hydrogène se cache en fait sa provenance en lien avec son mode de production. Pour rappel, l’hydrogène est un gaz qui, la plupart du temps, est combiné à d’autres éléments, dans l’eau, dans les énergies fossiles…</p>
<p>L’hydrogène gris correspond ainsi à l’hydrogène produit en usine par transformation de gaz naturel. Il s’agit actuellement de la <a href="https://theconversation.com/lhydrogene-sera-vraiment-revolutionnaire-si-il-est-produit-a-partir-des-renouvelables-145804">première provenance d’hydrogène utilisée comme source d’énergie</a>, qui est critiquée pour la quantité de CO<sub>2</sub> émise durant le procédé. L’hydrogène noir est quant à lui produit à partir de charbon, l’hydrogène vert est lui le résultat d’électrolyse de l’eau avec de l’électricité produite à partir d’énergie renouvelable. Pour toutes ces formes d’hydrogène, on parle donc d’énergie secondaire. L’hydrogène blanc, qui nous intéresse ici, correspond à l’hydrogène déjà présent en l’état dans la nature. Il s’agit alors d’une source d’énergie primaire.</p>
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<img alt="Dispositif autour de la sonde permettant le monitoring gazier du sous sol jusqu’à plus de 1000 m" src="https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545326/original/file-20230829-24-zjmvip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dispositif autour de la sonde permettant le monitoring gazier du sous sol jusqu’à plus de 1000 m.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GeoRessources</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Sa disponibilité à l’état brut le rend des plus intéressant à l’heure où l’hydrogène pourrait <a href="https://theconversation.com/developpement-de-la-filiere-hydrogene-quels-usages-privilegier-quels-defis-surmonter-161246">remplacer les énergies fossiles</a> dans les secteurs des transports ou dans les fabrications très énergivores du verre, de l’acier et du ciment, mais où des voix s’élèvent aussi <a href="https://theconversation.com/lhydrogene-sera-vraiment-revolutionnaire-si-il-est-produit-a-partir-des-renouvelables-145804">pour questionner l’empreinte carbone</a> de ses modes de production.</p>
<h2>La piste d’un hydrogène issu de phénomènes d’oxydation et de réduction</h2>
<p>Directement disponible, ce gisement potentiel d’hydrogène blanc a donc l’immense avantage de ne pas nécessiter d’énergie supplémentaire pour être produit à partir d’autres gaz ou molécules. Il suscite également notre enthousiasme car l’hypothèse que nous favorisons aujourd’hui pour expliquer sa présence dans le sous-sol lorrain laisse présager une ressource presque infinie de ce gaz.</p>
<p>Pour rappel, l’hydrogène est très fréquemment présent dans le milieu naturel et son origine peut être multifactorielle (activité bactérienne, artefact technologique, origines géologiques impliquant les phases minérales ou organiques). Concernant la Lorraine, nous privilégions pour l’instant l’idée que l’hydrogène est ici le résultat de la présence, à la fois de molécules d’eau et de minéraux composés de carbonates de fer. </p>
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<p>Deux composés qui, lorsqu’ils entrent en contact, génèrent des réactions d’oxydation du minéral et de réduction de l’eau, qui aboutissent à la production d’hydrogène (H2) et d’oxydes de fer. Si cette hypothèse se confirme, cela impliquerait que cette production d’hydrogène, en plus d’être colossale et naturelle, pourrait donc être presque « renouvelable » car ces processus chimiques d’oxydation et de réduction demeurent rapides (de l’ordre de quelques semaines ou mois) et car la réserve de carbonate de fer dans le sous-sol lorrain est quasi infinie.</p>
<h2>La prochaine étape : un forage à 3 000 mètres</h2>
<p>Avant d’imaginer l’exploitation d’un tel gisement, la route peut paraître encore longue mais le chemin à suivre est lui déjà bien tracé. Il nous faut d’abord prouver que la présence d’hydrogène est homogène dans ce bassin de 490 km<sup>2</sup>. Pour cela, la prochaine étape consistera à déployer la sonde SysMoG dans des forages voisins de celui de Folschviller où nous avons découvert la présence d’hydrogène. Ensuite, il nous faut démontrer que la concentration en hydrogène continue de croître pour des profondeurs supérieures à 1200 m. </p>
<p>Malheureusement, aucun puits en région lorraine ne permet de déployer l’outil à de telles profondeurs. </p>
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<img alt="Image du centre industriel avec les anciens bâtiments de l’industrie minière" src="https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545475/original/file-20230830-19-41ggsz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Folschviller, la dernière mine de charbon a fermé en 1979. La ville a depuis perdu un cinquième de sa population. Aujourd’hui, la perspective d’une exploitation du gisement d’hydrogène est bien accueillie par les pouvoirs locaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_I_(Folschviller)#/media/Fichier:2015-05_-_Puits_Folschviller_-_17.JPG">A.BourgeoisP/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Nous proposons donc de réaliser un forage profond (3000 m) pour démontrer que la concentration d’hydrogène continue de croître en profondeur. Si tel est le cas, nous validerons alors la présence d’un gisement exceptionnel d’hydrogène naturel de taille inédite et nous pourrons mener une première estimation réaliste de la ressource. Plusieurs partenaires industriels et institutionnels, français et étrangers, sont intéressés pour financer ce projet. Il nous reste à convaincre l’État français de son intérêt, afin d’obtenir les autorisations nécessaires. L’ensemble de ces étapes serait conduit au travers d’un programme de recherche REGALOR II, que nous espérons démarrer au premier trimestre 2024 pour une durée de 3 à 4 ans maximum. Ce n’est donc pas un futur si éloigné au vu des enjeux économiques qui se dessinent.</p>
<h2>Imaginer de nouvelles exploitations de gisements de gaz naturels</h2>
<p>L’idée de pouvoir, un jour, exploiter un tel gisement implique également de repenser nos représentations de gisements de gaz naturels exploités à ce jour. Les pressions de gaz sont ici près de dix fois plus faibles que pour un gisement conventionnel mais l’extension latérale du gisement est bien plus grande. Ce nouveau type de gisement doit donc être source d’innovations. On peut par exemple envisager de n’extraire que les gaz d’intérêt par une séparation en fond de puits afin d’éviter de construire une unité de séparation en surface. Cette manière de procéder nous assurerait également de ne pas empiéter sur les terres agricoles.</p>
<p>Une meilleure compréhension de la genèse de ce gisement permettrait également de décrire les formations rocheuses favorables à l’émergence d’hydrogène en termes de composition minéralogique, de chimie des eaux, de température subie et de profondeur d’enfouissement, et donc de produire de nouveaux guides de prospection afin de sonder les sous-sols d’autres régions. Plusieurs pays, frontaliers ou non, se montrent déjà intéressés. Nos amis des Hauts-de-France sont évidemment dans les starting-blocks.</p>
<h2>Un hydrogène encore objet de peurs excessives</h2>
<p>Pour le grand public, l’hydrogène peut cependant parfois faire peur, du fait, notamment dans les esprits plus âgés, d’images du Zeppelin LZ 129 Hindenburg. Gonflé à l’hydrogène, ce dirigeable, en explosant en plein vol en 1937 a durablement entaché l’image de ce gaz. Comme tous les gaz fossiles, certes, l’hydrogène est inflammable et explosif. Il peut former des mélanges explosifs dès que sa concentration dépasse 4 % dans l’air. Cependant, il n’y a pas de risque d’explosion dans le milieu souterrain, notamment dans les roches carbonifères de Lorraine, car il n’y a pas d’oxygène. Un des défis d’une potentielle exploitation future consiste donc à éviter tout contact de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air dans les unités de séparation et de distribution. </p>
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<img alt="Image du Zeppelin LZ 129" src="https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545327/original/file-20230829-19-qazct7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour le grand public, l’hydrogène peut cependant parfois faire peur, du fait, notamment dans les esprits plus âgés, d’images du Zeppelin LZ 129 Hindenburg. Gonflé à l’hydrogène, ce dirigeable, en explosant en plein vol en 1937 a durablement entaché l’image de ce gaz.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/LZ_129_Hindenburg#/media/File:Hindenburg_at_lakehurst.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Par ailleurs, l’hydrogène est un gaz léger, qui s’échappe par le moindre orifice ou simplement en diffusant au travers des matériaux. C’est ce qui explique les difficultés pour le stocker de façon pérenne. Mais la manipulation de l’hydrogène est courante, tant dans l’industrie que pour le transport et ces risques sont maîtrisés depuis longtemps.</p>
<p>En Lorraine, après nos premières découvertes à Folschviller, nous avons ressenti de l’enthousiasme auprès des élus des communes environnantes et un véritable soutien à poursuivre l’exploration. Le passé minier de cette région qui continue d’être affectée par les crises industrielles récentes (du charbon, de l’acier) reste pour nous un atout considérable pour toute possible exploitation d’hydrogène dans le futur, car la population connaît bien le sous-sol de la région et dispose de compétences techniques fortes. Cet enthousiasme est aussi partagé par une autre région de France : les Hauts-de-France au passé minier fort similaire. Il s’étend aussi à nos voisins transfrontaliers : le Grand-Duché du Luxembourg, la Sarre et la Wallonie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'Université de Lorraine, université de rattachement de Jacques Pironon, a reçu des financements de la région Grand-Est et du FEDER pour la réalisation du projet de recherche REGALOR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L'Université de Lorraine, université de rattachement de Philippe de DONATO, a reçu des financements de la région Grand-Est et du FEDER pour la réalisation du projet de recherche REGALOR. </span></em></p>Dans la Lorraine désindustrialisée, deux géologues racontent leur découverte fortuite d'un gisement d'hydrogène potentiellement colossal qui suscite de grands espoirs.Jacques Pironon, Directeur de recherche au CNRS, Université de LorrainePhilippe de Donato, Directeur de recherche au CNRS, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075092023-08-15T21:10:23Z2023-08-15T21:10:23ZRéduction des émissions : du bon usage du coût de la tonne de CO₂ évitée<p>La France, <a href="https://zerotracker.net/">comme tous les pays à revenus élevés</a>, s’est engagée à ramener à zéro ses émissions nettes de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Dans tous les secteurs d’activité, de multiples options permettent de réduire ces émissions, comme nous l’ont rappelé le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/">dernier rapport du GIEC</a> ou le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2023-note_de_synthese-les_couts_abattement_en_france-mai_2023.pdf">groupe de travail de France Stratégie sur les coûts d’abattement présidé par Patrick Criqui</a>.</p>
<p>Comment choisir celles à mettre en œuvre en priorité ? Une réponse simple consiste à fixer comme critère le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée. Cela revient à utiliser un prix du carbone implicite comme juge de paix : s’il en coûte 20 €/t de CO<sub>2</sub> pour l’option A et 40 €/t de CO<sub>2</sub> pour l’option B, il faut naturellement privilégier l’option A au nom de l’efficacité économique.</p>
<p>Dans sa <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lfIaGTvErok">présentation du Conseil de planification écologique</a>, Emmanuel Macron utilise cet argument pour justifier la priorité donnée au <a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">véhicule électrique</a>, le moyen « le plus rentable à l’euro pour diminuer la tonne de CO<sub>2</sub> ». De même, le remplacement des chaudières par des <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">pompes à chaleur</a> alimentées par l’électricité est <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/couts-dabattement-partie-5-logement">souvent mis en avant comme la solution la moins chère</a> pour diminuer les émissions dans ce secteur.</p>
<p>Pourtant, si développer les <a href="https://ideas.repec.org/p/fae/wpaper/2021.07.html">voitures électriques</a> et les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/03/06/eloge-des-pompes-a-chaleur/">pompes à chaleur</a> est incontournable pour atteindre nos objectifs climatiques, s’en contenter au nom du coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée serait une erreur. Plus généralement, il faut se garder d’une application simpliste de ce critère.</p>
<h2>Une logique court-termiste</h2>
<p>Mesurer le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée de manière statique est d’abord trompeur, car de nombreux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre sont marqués par une forte inertie.</p>
<p>Ainsi, la plupart des bâtiments et des infrastructures de transport de 2050 existent déjà aujourd’hui. Rénover l’ensemble des bâtiments non performants prendra des décennies, le rythme des <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-pourquoi-lincitation-economique-ne-suffira-pas-148941">rénovations thermiques</a> étant contraint par les capacités du secteur. De même pour l’amélioration du réseau ferroviaire.</p>
<p>Aussi, se contenter de mettre en place les actions qui présentent à court terme le coût le plus faible par tonne de CO<sub>2</sub> sans mener en même temps ces investissements indispensables à long terme, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S030142151301152X">c’est se condamner à échouer dans l’atteinte de nos objectifs climatiques</a>.</p>
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<h2>Interdépendances entre secteurs</h2>
<p>Ensuite, rappelons que les secteurs de l’économie sont interdépendants : remplacer une voiture diesel par une voiture électrique réduit les émissions du secteur des transports, mais la production de l’électricité qui alimente la voiture et la fabrication de sa batterie émettent du CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Le bilan reste largement positif, mais ces émissions doivent être prises en compte pour calculer correctement le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée, <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-les_couts_dabattement-_partie_2_transports-juin.pdf">ce qui n’est pas toujours fait</a>. Lorsque ces émissions sont prises en compte, l’approche la plus courante consiste à utiliser le contenu moyen en CO<sub>2</sub>. Par exemple, les <a href="https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2022">476 TWh d’électricité consommée en France continentale en 2019 ont émis 22 Mt CO₂</a> (en partie en France, en partie dans les pays d’où nous avons importé de l’électricité) soit un contenu moyen de 0,046 tCO2/MWh.</p>
<p>Cette approche est juste sur le plan comptable mais elle apporte peu d’informations concernant ce qui nous intéresse ici, à savoir l’impact de l’augmentation de la consommation d’électricité due au développement des véhicules électriques.</p>
<h2>Contenu moyen et contenu marginal en CO₂</h2>
<p>Dans un réseau électrique coexistent en effet des capacités de production dont les émissions de CO<sub>2</sub> et le coût marginal (le coût de produire un kWh supplémentaire) sont faibles ou nuls (éolien, solaire, hydraulique, nucléaire) et d’autres dont les émissions et le coût sont élevés (les énergies fossiles).</p>
<p>Aussi, la consommation d’électricité <em>marginale</em> est davantage satisfaite par les énergies fossiles – quand les capacités de production sobres en carbone ne suffisent pas à satisfaire la demande d’électricité – que la consommation <em>moyenne</em>. Le contenu en CO<sub>2</sub> <em>marginal</em> de l’électricité est donc plus élevé que son contenu <em>moyen</em>, et souvent beaucoup plus : en France, pour l’année 2019, <a href="https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Approbation/approbation-du-rapport-de-rte-sur-le-facteur-d-emission-associe-au-marche-de-l-electricite-francais">RTE et la CRE</a> estiment cette valeur à 0,59 tCO2/MWh – plus de dix fois le contenu moyen.</p>
<p>À long terme, cependant, cette demande supplémentaire incite à augmenter les capacités de production renouvelables ou nucléaires, limitant le recours aux énergies fossiles ; aussi, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.isci.2022.103915">contenu en CO₂ <em>marginal de long terme</em> de l’électricité est inférieur à son contenu <em>marginal de court terme</em></a>.</p>
<p>Au bout du compte, électrifier les véhicules réduit bien les émissions à long terme, ce qui est important ; mais à court terme, la baisse des émissions est plus faible que celle estimée, en négligeant les émissions dues à la production d’électricité nécessaire pour alimenter ces véhicules, ou en estimant ces émissions par le contenu moyen en CO<sub>2</sub> de l’électricité. Corollaire, le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée est plus élevé que ce qui est généralement estimé.</p>
<p>À l’inverse, certaines mesures favorisent une baisse immédiate des émissions, comme la baisse de la vitesse limite sur autoroute.</p>
<h2>Transports, aussi un enjeu de santé</h2>
<p>Dans les transports, réduire l’utilisation des voitures à essence et diesel diminue la pollution atmosphérique, d’où un impact positif sur la santé. Pour autant, toutes les options pour réduire l’usage des voitures essence et diesel ne se valent pas : si les voitures électriques évitent les polluants dus à la combustion, elles émettent tout de même des particules fines, dues à l’usure des pneus, des freins et des routes. Vélo, marche, réduction des déplacements et transports en commun électriques font mieux de ce point de vue.</p>
<p>Les voitures électriques ne résolvent pas non plus les problèmes de congestion et d’accidents, et d’occupation excessive de l’espace urbain par l’automobile. Surtout, elles ne règlent en rien l’un des principaux problèmes de santé publique : le manque d’activité physique régulière, qui <a href="https://www.anses.fr/fr/content/manque-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-exc%C3%A8s-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-une-priorit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique">augmente l’occurrence de nombreuses maladies</a>.</p>
<p>Utiliser la marche ou le vélo dans les déplacements quotidiens constitue un moyen efficace d’atténuer ce problème. Ainsi, appliquer la trajectoire de croissance de la marche et du vélo incluse dans le scénario énergétique NégaWatt permettrait d’éviter <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">environ 10 000 décès par an en France à l’horizon 2050</a>.</p>
<h2>Logement, prioriser la rénovation énergétique</h2>
<p>En matière de logement, se contenter de remplacer le fioul ou le gaz par une pompe à chaleur (PAC) électrique <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/couts-dabattement-partie-5-logement">peut sembler la solution la moins coûteuse par tonne de CO₂</a>. C’est oublier que dans les logements très mal isolés (les « passoires thermiques »), le <a href="https://www.negawatt.org/Pompes-a-chaleur-et-renovation-performante-une-combinaison-gagnante">rendement des PAC est moins bon et que les modèles de PAC courants peuvent être insuffisants</a> pour assurer une température confortable.</p>
<p>Aussi, cette substitution ne peut suffire à régler le problème de la précarité énergétique, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/thema_essentiel_07_projet_de_loi_climat_et_resilience_evaluation_de_l_obligation_de_renovation_des_logements_indecents_du_parc_locatif_prive_juin2021.pdf">dont les conséquences sur la santé sont pourtant très importantes</a>. Elle accroîtrait de plus la consommation d’électricité en cas de vague de froid, renforçant ce qui constitue déjà la <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-04/Bilan%20previsionnel%202021.pdf">principale vulnérabilité du système électrique français</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme en train de fixer des panneaux d’isolation" src="https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Travaux d’isolation sur un bâtiment.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/117464758?src=TXh2A7_MPq4m44SAaSsdKA-1-9&size=huge_jpg">Travaux d’isolation sur un bâtiment</a></span>
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<p>Une rénovation complète et performante de ces logements peut apparaître <em>a priori</em> plus coûteuse par tonne de CO<sub>2</sub>, mais si l’on prend en compte les problèmes de santé générés par la précarité énergétique et le coût du système électrique, elle fait partie de la solution optimale pour atteindre les objectifs <a href="https://www.theses.fr/s305532">d’émission de gaz à effet de serre de la France</a>.</p>
<h2>Vers une alimentation plus végétale</h2>
<p>Concernant l’agriculture et l’alimentation, une solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui peut sembler peu coûteuse, car entraînant peu de changements pour le consommateur, consiste à remplacer la viande bovine et ovine des ruminants par celle des volailles ou des porcs.</p>
<p>Les ruminants sont en effet fortement émetteurs de méthane, puissant gaz à effet de serre, ce qui n’est pas le cas de la volaille et des porcs. Problème, volailles et porcs sont très majoritairement élevés dans des conditions déplorables en matière de bien-être animal.</p>
<p>La grande majorité de ces élevages polluent en outre l’eau et l’atmosphère, et contribuent à la résistance aux antibiotiques. Passer à une alimentation plus végétale permettrait au contraire de <a href="https://doi.org/10.1016/j.oneear.2019.10.020">gagner simultanément sur tous ces critères</a> en matière de santé humaine (réduction de la mortalité), de bien-être animal (moins d’animaux tués), et d’environnement (réduction de la pollution des eaux, des sols et de l’air, moins de menaces sur la biodiversité).</p>
<p>Pour ces raisons, cette évolution est <a href="https://reseauactionclimat.org/lettre-ouverte-des-organisations-a-elisabeth-borne-pour-une-veritable-strategie-nationale-pour-lalimentation-la-nutrition-et-le-climat/">plébiscitée par les associations</a>.</p>
<h2>Tonne de CO₂ évitée, pas toujours équitable</h2>
<p>Enfin, deux politiques peuvent aboutir au même coût mesuré en euros, mais l’une peut faire peser ce coût sur des populations plus aisées que l’autre. Par exemple, un <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019">cadre effectue en moyenne cinq fois plus de déplacements en avion qu’un ouvrier</a>.</p>
<p>Une taxation du transport aérien (<a href="https://reseauactionclimat.org/comment-mettre-fin-au-paradis-fiscal-dont-beneficie-le-transport-aerien/">dont la fiscalité est aujourd’hui très avantageuse</a>) peut dès lors contribuer, davantage que d’autres politiques climatiques, à limiter les inégalités.</p>
<p>Plus généralement, le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évité ne dit rien sur l’équité des différentes politiques, pourtant une dimension essentielle du développement soutenable. Vouloir introduire davantage de rationalité dans le choix des politiques climatiques est une bonne chose… à condition de ne pas se limiter à un calcul de court terme, et qui négligerait les co-bénéfices de l’action climatique.</p>
<hr>
<p><em>D’autres chercheurs s’associent à la publication de cet article : Pierre Charbonnier, Mireille Chiroleu-Assouline, Édouard Civel, Céline Guivarch, Meriem Hamdi-Cherif, Kévin Jean, Marion Leroutier, Sandrine Mathy, Dominique Méda, Christian de Perthuis, Vincent Viguié, Lucas Vivier, Adrien Vogt-Schilb.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat - France. Il s'agit d'une activité non rémunérée.</span></em></p>Pour baisser les émissions de la France, le coût de la tonne de CO₂ évitée ne doit pas être le seul critère, au risque d’être contre-productif.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2079942023-07-31T16:18:18Z2023-07-31T16:18:18ZLa géothermie, enjeu majeur pour la neutralité carbone des zones urbaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535148/original/file-20230701-38457-wue7l3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C955%2C633&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis début 2023, les villes de Grigny et Viry-Châtillon mettent en place un réseau de chaleur par géothermie profonde.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Faussabry</span></span></figcaption></figure><p>Afin de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C depuis l’ère préindustrielle, il est indispensable d’atteindre la <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf">neutralité carbone en 2050</a>.</p>
<p>En France, un objectif de réduction d’émission de gaz à effet de serre de 55 % entre 1990 et 2030 est actuellement discuté, et implique de <a href="https://theconversation.com/climat-le-casse-tete-de-la-strategie-nationale-bas-carbone-208069">tripler le rythme de nos efforts de baisse des émissions annuelles</a>. Pour cela, il convient de réduire fortement toutes dépendances aux énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz.</p>
<p>En France, le secteur des bâtiments (résidentiel et tertiaire) reste très dépendant <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-%20energie-2021/pdf/chiffres-cles-de-l-energie-edition-2021.pdf">du gaz (30 %)</a>. Ainsi, plus des deux tiers de la population française vit dans des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039853?sommaire=5040030">territoires urbains de plus de 5 000 habitants</a>, qui sont chauffés à <a href="https://franceurbaine.org/sites/franceurbaine.org/files/documents/franceurbaine_org/fu-panorama_energetique_des_territoires_urbains-v23082019.pdf">51 % par le gaz du réseau public</a>.</p>
<p>Travailler sur l’empreinte énergétique de ces territoires est donc un enjeu de taille, et il devient urgent de s’orienter vers des sources d’énergie moins carbonées. Pour cela, le déploiement de la géothermie (tant profonde que de surface) pour chauffer ou refroidir les bâtis semble indispensable.</p>
<h2>Qu’est-ce que la géothermie ?</h2>
<p>La <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">géothermie</a>, c’est-à-dire la mobilisation de la chaleur contenue dans le sous-sol, est l’une des méthodes permettant de réaliser la transition énergétique.</p>
<p>Cette énergie est présente partout à la surface de la Terre, avec en moyenne, une augmentation de la température en fonction de la profondeur d’environ 3,5 °C tous les 100 m. En plus d’être abondante, elle est bas carbone, renouvelable, non intermittente et elle peut être produite localement !</p>
<p>En France, <a href="http://www.afpg.asso.fr/nos-2-filieres/">deux types de géothermie</a> sont utilisés : la géothermie de surface et la géothermie profonde.</p>
<p>La géothermie de surface (ou de faible profondeur, ou de minime importance selon la loi française) exploite la chaleur à une profondeur superficielle du sous-sol, inférieure à 200 m, et avec une température d’environ 15 °C.</p>
<p>Elle permet de chauffer, alimenter en eau chaude sanitaire, ou fournir de la fraîcheur, et est particulièrement adaptée pour des besoins individuels, ou pour les besoins collectifs et tertiaires de petite taille, comme les écoles ou les hôpitaux.</p>
<p>Pour cela, elle utilise <a href="https://infoterre.brgm.fr/rapports//RP-71139-FR.pdf">deux systèmes différents</a>. Le premier (appelé pompe à chaleur géothermique sur nappe) est un système en boucle ouverte réalisé par deux forages (on parle de doublet géothermique). L’eau chaude est pompée par le premier forage, amenée en surface où une pompe à chaleur permet l’échange calorifique, puis réinjectée, avec quelques degrés de moins, à la même profondeur par le second forage.</p>
<p>Ce système présente de très bonnes performances tout au long de l’année, et est le <a href="https://infoterre.brgm.fr/rapports//RP-71139-FR.pdf">plus avantageux d’un point de vue économique</a>. Cependant, son installation dépend beaucoup de la présence d’une nappe exploitable et nécessite un terrain suffisamment grand pour installer les deux forages, qui doivent être séparés de <a href="https://www.geothermies.fr/accompagner-votre-projet#installer">plusieurs dizaines de mètres</a> au moins.</p>
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<p>Le deuxième système utilisé en géothermie de surface est un système en boucle fermée, principalement constitué de sondes géothermiques verticales en U dans lequel circule un fluide conducteur de chaleur. Ce système peut être dimensionné selon la taille du bâtiment, en allant de la maison individuelle (sonde unique) aux bâtiments plus grands comme des bureaux, résidences, hôtels, hôpitaux (champs de sonde).</p>
<p>Il est particulièrement efficace en cas d’utilisation alternée refroidissement/chauffage : la chaleur rejetée dans le sol en été (lors du fonctionnement de la pompe à chaleur en mode climatisation) peut être utilisée l’hiver pour le chauffage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Puit géothermique, ressemblant à un haut assemblage de tuyaux maintenus par un échafaudage, avec un bâtiment en préfabriqué entourant le tout à un tier de hauteur" src="https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535147/original/file-20230701-19-zn1tw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forage de géothermie profonde sur le site d’Évry.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://rapport-activite.brgm.fr/fr/cfg-2022-2023-periode-charniere">CGF/BRGM</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La géothermie profonde, quant à elle, peut exploiter la chaleur de l’eau géothermale présente entre 500 m et 2 500 m de profondeur, avec des températures comprises entre 30 °C et 90 °C, pour alimenter des réseaux de chaleur urbains.</p>
<p>Elle est adaptée à de gros réseaux de distribution, par exemple pour des habitats collectifs de quartiers entiers, pouvant typiquement alimenter 5 000 à 6 000 logements.</p>
<p>Son fonctionnement est assez similaire à celui de la géothermie de surface sur nappe : il utilise un doublet géothermique qui pompe le fluide chaud par un forage et le renvoie par un autre. En revanche, au vu des températures élevées, la pompe à chaleur est remplacée par une centrale géothermique qui assure l’échange de chaleur.</p>
<h2>L’exemple de la région Île-de-France</h2>
<p>L’Île-de-France regroupe environ 20 % de la population française. En conséquence, ses besoins en énergie thermique (chaleur, eau chaude sanitaire et climatisation) sont énormes : environ <a href="https://hal.science/hal-03871752">90 TWh par an</a>.</p>
<p>Les réseaux de chaleur du territoire francilien fournissent 14,5 TWh d’énergie, dont <a href="https://www.arec-idf.fr/fileadmin/DataStorageKit/AREC/Etudes/pdf/bilan_consommations_productions__2_.pdf">51 % (7,4 TWh) proviennent d’énergies renouvelables</a>. Plus spécifiquement, 27 % de l’énergie totale est produite par les réseaux de chaleur fatale (c’est-à-dire la chaleur produite comme effet secondaire d’une autre production ; par exemple, celle provenant des incinérateurs de déchèteries), 11 % par la géothermie et 10 % par la biomasse.</p>
<p>En 2020, l’Île-de-France comptait ainsi 50 installations de géothermie en exploitation, plaçant l’Île-de-France comme l’une des régions du monde concentrant le <a href="https://doi.org/10.1016/j.geothermics.2020.101915">plus d’unités de production géothermique</a> alimentant des réseaux de chaleur.</p>
<p>La majeure partie de ces installations sont des installations de géothermie profonde, qui produisent environ 1,7 TWh, soit 11 % des 14,5 TWh délivrés par la totalité des réseaux de chaleur de la région.</p>
<p>La chaleur est extraite essentiellement depuis l’aquifère du Dogger, une couche géologique constituée de calcaires d’âge jurassique moyen et présente à environ 1 500 m de profondeur. Ces calcaires ont de bonnes propriétés réservoirs, c’est-à-dire une bonne porosité et perméabilité, et contiennent une nappe d’eau chaude, à environ 70 °C.</p>
<p>L’aquifère du Dogger étant exploité de manière intensive dans certaines parties de la région, l’objectif d’augmenter la production passe par une très bonne connaissance géologique du réservoir géothermique pour une meilleure gestion. Cela implique également de cibler et prospecter de nouvelles zones ou d’autres aquifères.</p>
<h2>Pour un développement de la géothermie de surface</h2>
<p>À l’inverse de la géothermie profonde, la ressource géothermique de surface exploitée par pompe à chaleur est très largement sous-utilisée en Île-de-France, et ne couvre qu’une part négligeable de l’énergie nécessaire en chaleur ou production de fraîcheur de la région.</p>
<p>Or, elle possède un avantage considérable : elle permet également de facilement <a href="https://theconversation.com/la-geothermie-une-solution-a-la-hausse-des-temperatures-144246">fournir du froid</a> durant l’été. Ce rafraîchissement peut passer par les pompes à chaleur, mais également par le géocooling, qui utilise la température faible du sous-sol (12 °C) pour rafraîchir directement et naturellement des bâtiments.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma des différents modes de géothermie et de leur fonctionnement" src="https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535523/original/file-20230704-15-4w7clz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple d’utilisation de chaleur ou froid en milieu urbain. En géothermie profonde, la chaleur est exploitée par un doublet, alimentant un réseau de chaleur urbain collectif. En géothermie de surface, une pompe à chaleur (PAC) exploite l’énergie du sous-sol avec des sondes ou des doublets sur nappe pour chauffer les bâtiments en hiver. Cette PAC peut être réversible, utilisée en mode climatisation l’été, ou encore en pause. En l’absence de PAC, les sondes peuvent rafraîchir les bâtiments par géocooling.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benjamin Brigaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Or, cette possibilité de refroidissement est d’autant plus cruciale qu’une ou deux canicules par année sont prédites sur la région à la fin du siècle, avec des températures maximales qui <a href="https://hal.science/hal-03871752">pourront frôler les 50 °C</a> (période 2070-2100). À titre de comparaison, seulement 9 périodes de canicules ont été observées sur la période 1960-1990, avec une température maximum de 38 °C…</p>
<p>Le développement de la géothermie de surface suscite donc un intérêt croissant. Il s’agit d’un enjeu crucial, comme l’avait <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/10/hcp_ouverture-n12-geothermiesurface.pdf">récemment souligné le Haut-Commissaire au Plan</a> François Bayrou fin 2022.</p>
<p>Le développement intensif de la géothermie de surface et profonde sur l’ensemble de la région Île-de-France semble donc indispensable pour que les zones urbaines atteignent une neutralité carbone en termes de chauffage et de refroidissement des bâtiments. Améliorer nos connaissances géologiques du sous-sol des zones urbaines et former de jeunes géologues, experts des descriptions des roches ou des techniques de forage géothermique, sera un enjeu important si nous voulons prendre le virage de la géothermie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Brigaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour atteindre la neutralité carbone, il est nécessaire de diminuer l’empreinte énergétique des zones urbaines. Le recours accru à la géothermie de surface est une piste qui doit être explorée.Benjamin Brigaud, Professeur en géologie et géothermie, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2098742023-07-23T15:10:59Z2023-07-23T15:10:59ZDébat : L’Étatisme plombe-t-il la filière nucléaire française ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537807/original/file-20230717-201541-s8fizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C26%2C695%2C476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
Le gouvernement français vise à faciliter la construction de nouveaux réacteurs à l'horizon 2035 sur plusieurs sites, dont celui du Tricastin dans le Drôme (photo).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Saint_Restitut_-_vue_sur_la_centrale_nucléaire_du_Tricastin_2.jpg">Marianne Casamance/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 23 juin 2023, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000046513775/">loi</a> relative à « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes » était publiée au <em>Journal officiel</em>. Elle simplifie le parcours d’autorisation des projets de construction de réacteurs : concertation du public, déclaration d’utilité publique, mise en compatibilité des documents d’urbanisme, autorisations d’urbanisme ou autorisation environnementale.</p>
<p>Le texte, <a href="https://www.leprogres.fr/economie/2023/05/16/la-loi-sur-la-relance-du-nucleaire-definitivement-adoptee-les-projets-vont-s-accelerer">largement adopté par le parlement à la mi-mai</a>, vise à faciliter la construction de trois séries de deux EPR 2 à l’horizon 2035 sur les sites de Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord), du Bugey (Ain) et du Tricastin (Drôme), comme le président-candidat Emmanuel Macron en avait pris <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220210-nucl%C3%A9aire-emmanuel-macron-%C3%A0-belfort-pour-d%C3%A9voiler-sa-strat%C3%A9gie-%C3%A9nerg%C3%A9tique-pour-la-france">l’engagement à Belfort en février 2022</a>. Ainsi, la loi <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/relance-du-nucleaire-la-loi-publiee-au-journal-officiel">supprime l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire</a> dans le mix électrique à l’horizon 2035, ainsi que le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts.</p>
<p>Il est remarquable d’observer que cette décision technologique majeure et cet investissement public de première importance n’ont suscité pratiquement aucun débat, aucune polémique, aucune protestation.</p>
<p>Pourtant, de nombreuses questions se posent : comment doit se prendre la décision d’investir ou de désinvestir dans la construction de nouvelles centrales nucléaires ? Où est l’équilibre des pouvoirs en la matière ? Y a-t-il encore un débat possible une fois que le chef de l’État, en réaction aux difficultés liées au conflit en Ukraine, déclare dans l’urgence que c’est la <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/10/04/des-mini-centrales-en-france-pourquoi-emmanuel-macron-parie-sur-lenergie-nucleaire-9831107.php">seule solution</a> pour assurer l’approvisionnement énergétique de la France, et qu’un maigre débat à l’Assemblée nationale débouche sur un rapide consensus plutôt que sur des études et des discussions approfondies ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1658545177357697024"}"></div></p>
<p>Dans son <a href="http://montesquieu.ens-lyon.fr/IMG/pdf/de-l-esprit-des-lois.pdf"><em>Esprit des Lois</em></a> (1748), Montesquieu rappelle souvent qu’un peuple n’est libre que quand le pouvoir y arrête le pouvoir. En démocratie, la modération dans les décisions gouvernementales est supposée provenir du cadre constitutionnel et législatif, mais aussi et surtout d’un équilibre entre des forces dont les intérêts s’opposent et s’équilibrent.</p>
<h2>Des choix lourds de conséquences</h2>
<p>Immobiliser une nouvelle fois une grande part des capacités d’investissement de la France dans la construction de centrales nucléaires de type réacteur à eau pressurisée (PWR) – plutôt que dans autre chose –, c’est un choix majeur aux conséquences financières, techniques, écologiques et politiques lourdes à très long terme. C’est aussi la continuation d’un état technocratique centralisé, omniscience et omnipotent.</p>
<p>Comment assurer l’équilibre des pouvoirs dans un tel cas ? Suivant Montesquieu, quels pouvoirs faut-il mettre en concurrence pour obtenir la décision la plus éclairée, la plus raisonnable, la plus intelligente possible ?</p>
<p>Souvenons-nous que ce sont des décisions autoritaires – quasi militaires – qui ont marqué le <a href="https://www.cne2.fr/service/historique-et-gouvernance-du-programme-electronucleaire-francais/">lancement du programme nucléaire français en 1973</a>. Sans débat parlementaire sérieux, ni cadre juridique adapté, un petit groupe d’hommes politiques, de hauts fonctionnaires, et d’ingénieurs ont pris l’option radicale du tout nucléaire, en faisant deux promesses à la population : la technologie nucléaire serait sans risque et fournirait une électricité bon marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lheure-des-comptes-a-sonne-pour-le-nucleaire-francais-58174">L’heure des comptes a sonné pour le nucléaire français</a>
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<p>La suite de l’histoire mondiale de l’industrie nucléaire a montré qu’il y avait des risques. Pourtant, ce n’est que très récemment que les autorités françaises ont commencé à mettre en place des <a href="https://www.tarn-et-garonne.gouv.fr/Actualites/Exercice-de-Surete-nucleaire-et-de-securite-civile-les-7-et-8-juin-2023">exercices d’évacuation et de protection des populations</a> qu’impliquerait un accident majeur improbable, mais pas impossible.</p>
<p>Quant au bas prix de l’électricité en France entre 1975 et 2005, il s’explique surtout par une sous-estimation du coût complet du kilowatt heure, et par un <a href="https://www.annales.org/gc/2014/gc118/GC-118-article-PLOT_VIDAL.pdf">report de coûts cachés sur les générations futures</a> : remboursement des emprunts, coût du démantèlement des installations, du recyclage et du stockage des déchets, coût éventuel d’un accident majeur.</p>
<p>L’électricité bon marché de l’époque s’explique aussi par la non-prise en compte dans le coût du kilowatt heure de tous les projets qui ont du être abandonnés, et qui ont été financés par des dépenses publiques : la filière graphite gaz abandonnée ; le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère) supposé contribuer au recyclage des déchets les plus radioactifs, définitivement arrêté en 1997, enfin, le doublement du coût des nouveaux réacteurs de Flamanville (Manche) qui ne sont toujours pas en fonctionnement.</p>
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<img alt="Le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), définitivement arrêté en 1997" src="https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), définitivement arrêté en 1997.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Superphénix#/media/Fichier:Superphenix_reactor_south.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En se comportant à la fois en entrepreneur et en garant du programme nucléaire, l’État français a contribué à entretenir l’irresponsabilité financière des opérateurs. Il s’est substitué à eux. A contrario, dans d’autres pays tout aussi tentés par la solution nucléaire – les calculs des financiers et la logique des marchés ont joué le rôle de contre-pouvoir. Aux États-Unis en particulier, de nombreux projets de construction de centrales nucléaires ont été abandonnés parce que les investisseurs privés les trouvaient trop risqués ou pas assez rentables.</p>
<h2>Ailleurs, de plus en plus de fonds privés</h2>
<p>Depuis le début de la guerre en Ukraine, le retour au nucléaire constitue-t-il un investissement rentable, et si oui, à quel prix du kilowatt heure ? Est-ce une solution technique porteuse d’avenir et exportable ? Pour répondre à toutes ces questions, la population ne dispose aujourd’hui que de l’avis des experts de Bercy et d’EDF. Les partis politiques ne se montrent guère en état d’exercer le rôle de contre-pouvoir. Il ne serait donc pas absurde de faire appel au secteur privé, ne serait-ce que pour tester les hypothèses économiques et technologiques retenues par les experts étatiques. Il serait intéressant et utile de comparer un investissement dans des réacteurs PWR à un investissement équivalent répartit entre des économies d’énergie, des énergies renouvelables et une accèlération des recherches de pointes dans la fusion nucléaire ou, pourquoi pas, dans l’exploitation de l’hydrogène blanc récemment découvert dans le sous-sol français. Or, tous ces programmes sont en mal de financement…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fusion-nucleaire-une-avancee-majeure-mais-le-chemin-reste-long-196739">Fusion nucléaire : une avancée majeure, mais le chemin reste long</a>
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<p>Lorsqu’on veut installer un nouveau système de chauffage chez soi, on fait faire plusieurs devis et l’on étudie plusieurs solutions techniques. L’État français pourrait faire de même, évitant ainsi ses coutumiers dépassements de budgets. C’est en se tournant vers l’international que l’on peut espérer actuellement introduire suffisamment de diversité dans les débats sur les choix nucléaires. De ce point de vue, la controverse entre les Français et les Allemands sur la question nucléaire est utile et devrait stimuler la réflexion. </p>
<p>Faut-il, par exemple, imiter des états autoritaires – comme l’État chinois –, qui continue à construire des centrales EPR fondées sur le principe de la fission nucléaire ? Ne faut-il pas plutôt faire confiance, au contraire, à la recherche scientifique de pointe et à l’innovation comme aux États-Unis et en Allemagne, où l’on investit fortement dans le développement des centrales de nouvelle génération, basées sur le principe de la fusion ?</p>
<p>Depuis 2014 et encore plus depuis 2020, les investissements privés ont bondi dans ce domaine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant l’évolution des investissements (en milliards de dollars) depuis 2000" src="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les investissements privés dans le domaine de la fusion nucléaire sont en forte hausse depuis 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Greg de Temmerman</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Aux hésitations et aux réticences de la population, tiraillée entre la peur du nucléaire, l’envie d’avoir de l’électricité bon marché, et l’envie de réduire les émissions de CO<sub>2</sub>, pourraient ainsi répondre la sagesse des marchés et le talent des scientifiques en quête de technologies nouvelles. Une réflexion sur une meilleure utilisation des fonds publics impliquerait donc que l’État français devienne plus modeste, cesse de se prendre à la fois pour un régulateur, un financeur et un entrepreneur et qu’il accepte enfin une plus sage et plus prudente répartition des rôles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Entre 1978 et 1982, Michel Villette était consultant à la société Euréquip où il a travaillé pour EDF sur des questions telles que le choix des sites nucléaires, l’organisation des chantiers et l’acceptabilité du programme par les populations. Il a publié un témoignage sur ces activités dans le livre : « L’Homme qui croyait au management » (Le Seuil, 1988). </span></em></p>En France, la loi de relance de l’énergie atomique n’a généré aucun débat tandis que l’investissement privé porte l’innovation dans le secteur aux États-Unis ou en Allemagne.Michel Villette, Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS , professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2089102023-07-19T19:13:51Z2023-07-19T19:13:51ZFaut-il limiter la vitesse pour rendre les véhicules électriques plus attractifs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535102/original/file-20230630-15-fghhrf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réduire la vitesse maximale sur les routes permettrait de rendre les véhicules électriques compétitifs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/xJLsHl0hIik">Chuttersnap / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La société est de plus en plus consciente des conséquences de l’usage intensif des véhicules thermiques, notamment vis-à-vis de l’approvisionnement en pétrole, du changement climatique et de la qualité de l’air. Pour résoudre ces problèmes, différentes stratégies visant les pratiques de mobilité et l’offre de transport sont à mettre en œuvre.</p>
<p>Vis-à-vis du levier technologique, électrifier le parc automobile est une perspective intéressante, car les véhicules électriques admettent divers avantages par rapport à leurs homologues thermiques. Néanmoins, leur déploiement est associé à des risques et limites, notamment liés aux problématiques d’autonomie, de vitesse de recharge et de dimensionnement des batteries et des stations de recharge.</p>
<p>Dans ce contexte, j’étudie ici les conséquences d’une réduction des vitesses de circulation à 110 km/h sur les performances et l’attractivité des véhicules électriques (qui désignent ici uniquement les véhicules tout-électriques, excluant donc les hybrides). Je me base pour cela sur mes travaux sur <a href="https://hal.science/hal-03727219v2">l’analyse du déploiement des véhicules électriques</a> dans le contexte des trajets longue distance.</p>
<h2>Le véhicule électrique : un véhicule à zéro émission ?</h2>
<p>Les véhicules électriques sont parfois désignés comme des véhicules « zéro émission ». Cette expression signifie qu’aucun polluant n’est émis à l’échappement lors de la circulation.</p>
<p>En revanche, cette notion exclut toutes les émissions indirectes, telles que celles liées à la production de l’électricité nécessaire à la recharge de la batterie, ou encore à la fabrication et au traitement en fin de vie du véhicule. La notion d’émission « à l’échappement » exclut également certaines pollutions liées à la phase d’usage du véhicule, notamment celles causées par <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-diesel-essence-ou-electrique-tous-les-vehicules-emettent-des-particules-fines-95336">l’usure des freins, des pneus et de la chaussée</a>.</p>
<p>En dépit de ces nuances, les véhicules électriques émettent globalement moins de polluants que les véhicules thermiques. D’une part, ils émettent moins de polluants atmosphériques lors de la phase d’usage et permettent donc de réduire les dommages causés à la santé, en particulier dans les zones denses.</p>
<p>D’autre part, même en considérant l’ensemble du cycle de vie (de l’approvisionnement en matériaux jusqu’à la fin de vie), une voiture électrique génère en moyenne moins de gaz à effet de serre que ses homologues thermiques. Par exemple, un véhicule électrique rechargé en France et parcourant 225 000 km, génère <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2020-09/2020_study_main_report_en.pdf">74 % de gaz à effet de serre en moins</a> qu’une voiture à essence.</p>
<h2>Le temps de trajet, frein majeur à l’acceptabilité</h2>
<p>En 2022, en France, seuls <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/motorisations-des-vehicules-legers-neufs-emissions-de-co2-et-bonus-ecologique-decembre-2022">13 % des immatriculations de voitures particulières neuves</a> étaient des modèles tout électriques.</p>
<p>Malgré leurs avantages, les véhicules électriques <a href="https://theconversation.com/podcast-essor-du-vehicule-electrique-ca-freine-toujours-131581">peinent à se substituer aux véhicules thermiques</a>, notamment parce que l’acceptabilité est limitée par les contraintes d’autonomie et de temps de recharge pour les trajets longue distance.</p>
<p>Prenons l’exemple d’un véhicule ayant une batterie d’une capacité de 50 kWh (cette énergie correspond au « volume » d’électricité qu’elle peut stocker), utilisée sur une plage d’état de charge comprise entre 10 et 80 %, et qui peut être rechargée à 100 kW maximum (cette puissance correspond au « débit » maximal auquel la batterie peut être rechargée ; la puissance moyenne d’une recharge est généralement inférieure à la puissance maximale, typiquement 82 kW pour un véhicule pouvant être rechargé à 100 kW maximum). Ces caractéristiques correspondent à celle d’une Peugeot e-208, qui est représentative du véhicule moyen immatriculé en 2021.</p>
<p>D’après la <a href="https://www.peugeot.fr/electrique-et-hybride/rouler-en-electrique/autonomie-electrique.html">consommation réelle</a> donnée par le constructeur, le conducteur peut réaliser des trajets à 130 km/h en alternant des phases de circulation de 55 minutes et des pauses de 25 minutes pour faire les recharges.</p>
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<p>À cause des besoins de recharge, les véhicules électriques réalisent donc les longs trajets à grande vitesse significativement plus lentement que les véhicules thermiques. À titre de comparaison, les conducteurs de véhicules thermiques qui suivent les recommandations de sécurité routière effectuent des trajets à 130 km/h en faisant 20 minutes de pause toutes les 2 heures.</p>
<h2>Améliorer l’attractivité des véhicules électriques</h2>
<p>Pour rendre les véhicules électriques plus attractifs, il faudrait que les trajets soient aussi longs en véhicule électrique qu’en véhicule thermique. Deux stratégies sont alors possibles.</p>
<p>La première est d’augmenter fortement les capacités des batteries et les performances des recharges des véhicules électriques. Des batteries de l’ordre de 110 kWh, rechargeables à 320 kW en pointe environ, seraient nécessaires pour effectuer des cycles de 2 heures de circulation à 130 km/h et de 20 minutes de pause.</p>
<p>La seconde stratégie est de réduire les vitesses de circulation sur autoroute pour désavantager les véhicules thermiques. Pour les véhicules électriques, faire des cycles de 2 heures de circulation à 110 km/h et de 20 minutes de pause nécessiterait des batteries de 60 kWh, rechargeables à 170 kW en pointe environ.</p>
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<img alt="Places réservées au chargement des voitures électriques, avec les bornes en arrière plan, et un gros bloc de palissade noires derrière elles" src="https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur autoroute, les bornes de recharge sont majoritairement des bornes à haute puissance permettant une recharge rapide. Elles sont connectées au réseau électrique via de grandes armoires électriques qui permettent d’obtenir de forts courants électriques. Ces armoires sont plus ou moins isolées des usagers, ici, elles sont masquées par des palissades noires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ionity</span></span>
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</figure>
<p>Ces deux scénarios induisent des difficultés de mise en œuvre et des risques différents.</p>
<p>Le scénario où les tailles des batteries sont doublées ne semble ni réalisable à court terme compte tenu des contraintes industrielles, ni souhaitable à plus long terme.</p>
<p>D’abord, cette stratégie aurait un effet direct sur les tensions d’approvisionnement en matériaux pour la fabrication des batteries. Or, il ne faut pas substituer la dépendance au pétrole par la dépendance au <a href="https://theconversation.com/batteries-electriques-une-meilleure-tracabilite-pour-un-lithium-plus-durable-190080">lithium</a>, au cobalt ou au graphite, qui sont des matériaux <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52020DC0474">considérés comme critiques par la Commission européenne</a>.</p>
<p>De plus, le surdimensionnement des batteries ferait augmenter le coût économique et environnemental des véhicules, alors que l’autonomie n’est une contrainte que pour les trajets longs sur autoroute, qui ne représentent généralement qu’une part marginale de l’usage réel d’un véhicule.</p>
<p>Le second scénario, impliquant de généraliser la circulation à 110 km/h maximum, est quant à lui techniquement atteignable à l’horizon 2030. D’abord, il serait très pertinent pour l’attractivité des véhicules électriques et limiterait la course aux batteries de haute capacité.</p>
<p>De plus, il réduirait les besoins d’infrastructures de recharge sur les autoroutes, permettant une réduction des dépenses et de la consommation de matières premières. En effet, l’installation d’une borne de recharge ultrarapide de 150 kW coûte environ <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021%20-%20Guide%20sch%C3%A9ma%20directeur%20IRVE.pdf">130 000 euros, dont 45 000 sont subventionnés par des fonds publics</a>, et sa fabrication, armoire électrique incluse, nécessite environ 1,2 tonne de matières (d’après les fiches produits d’EVBox, d’<a href="https://search.abb.com/library/Download.aspx?DocumentID=9AKK107991A9632&LanguageCode=en&DocumentPartId=&Action=Launch">ABB</a> et d’Efacec).</p>
<p>Enfin, ce scénario est également recommandé pour limiter les <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/le-rapport-final/">émissions de gaz à effet de serre</a> ou la <a href="https://www.iea.org/reports/playing-my-part">dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie</a>.</p>
<h2>Une responsabilité collective pour un développement maîtrisé des véhicules électriques</h2>
<p>Limiter la vitesse maximale autorisée sur autoroute et favoriser l’adoption de véhicules électriques « sobres » permettrait de rendre le processus d’électrification plus robuste, mais aussi plus juste.</p>
<p>Aujourd’hui, pour les trajets longue distance, il existe déjà de grandes inégalités entre les performances de divers véhicules électriques neufs. Par exemple, les véhicules les plus citadins (tels que la Twingo ZE) ne permettent pas de faire des trajets longs. De plus, un véhicule haut de gamme (comme une Tesla Model S) est environ 15 % plus rapide pour réaliser un trajet long avec des recharges qu’un véhicule milieu de gamme (comme la Peugeot e208).</p>
<p>Cette nouvelle forme d’inégalité liée au temps de trajet pourrait s’accentuer avec, d’un côté, l’apparition de nouveaux modèles de véhicules avec des batteries à haute capacité et, de l’autre, un parc de véhicules électriques vieillissants. De plus, ceci constituerait une forme dangereuse d’obsolescence des anciens véhicules : de nouveaux véhicules avec des performances sans cesse augmentées apparaîtront sur le marché, alors que le parc comportera encore de nombreux véhicules plus anciens. La volonté de renouveler son véhicule électrique sera alors exacerbée et poussera à la surconsommation, avec les impacts qui lui sont associés.</p>
<p>Même si l’électrification des véhicules est un des leviers d’action pour rendre la mobilité plus soutenable, les pratiques des usagers et le système de transport doivent s’adapter aux contraintes d’un tel processus. Il y a alors une responsabilité collective à développer par toutes les parties prenantes : chaque usager, constructeur et décideur public est appelé à y contribuer.</p>
<p>Réduire temporairement les vitesses de circulation sur autoroute est une mesure controversée. Elle exige alors un engagement personnel pour adapter la manière de se déplacer et de voyager, un engagement politique pour porter ce projet et garantir le respect des limitations de vitesse, ainsi qu’un devoir de cohérence avec nos voisins européens afin d’harmoniser les vitesses réglementaires sur autoroute.</p>
<p>D’une façon similaire, limiter les vitesses maximales atteignables par les véhicules permettrait également de réduire les excès et de commercialiser des véhicules plus sobres.</p>
<p>Enfin, l’émergence des véhicules électriques montre le besoin d’une vision globale pour mener une transition environnementale : miser sur des espoirs purement technologiques risque d’être insuffisant pour résoudre les grands défis environnementaux et risque de plus de faire naître de nouveaux problèmes de résilience et d’accroître la fragilité des plus vulnérables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Baltazar est membre du réseau de chercheurs et d'industriels EcoSD (Éco-conception de Systèmes Durables). Il a principalement mené ses travaux sur l'électrification des véhicules dans le cadre d'un projet de recherche collaboratif porté par ce réseau.</span></em></p>Les véhicules électriques réalisent des trajets longs plus lentement que les véhicules thermiques. Réduire la vitesse de circulation peut-il améliorer leur attractivité et modérer la course aux grosses batteries ?Julien Baltazar, Doctorant en mobilité et management environnemental, CentraleSupélec – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094672023-07-12T15:39:04Z2023-07-12T15:39:04ZFrance-Allemagne, frères ennemis de la transition énergétique<p>Si le couple franco-allemand est fréquemment décrit comme le « moteur de l’Europe », il y a un domaine dans lequel il peut être qualifié de dysfonctionnel : celui de l’énergie.</p>
<p>Une situation d’autant plus inquiétante que chacun des modèles énergétiques portés par l’un et l’autre pays sont aujourd’hui en difficulté ; un différend persistant qui déstabilise de manière récurrente <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2023-1-page-8.htm">l’ensemble de l’édifice du <em>Fit for 55</em></a>, le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/fit-55-nouveau-cycle-politiques-europeennes-climat">« paquet climat » de l’Union européenne</a>.</p>
<p>À partir d’une note approfondie <a href="https://confrontations.org/geopolitique-de-lenergie-en-europe-comment-reconcilier-une-union-desunie/">publiée en juin 2023 dans <em>Confrontations Europe</em></a> – et qui s’appuie notamment sur les analyses en politique comparative de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2017-1-page-17.htm">Stefan Aykut et Aurélien Evrard</a> –, nous proposons ici de retracer une brève « histoire longue » des trajectoires énergétiques de la France et de l’Allemagne.</p>
<p>Il s’agit de mettre en lumière les fractures principales et d’identifier ce que pourraient être des principes d’action commune.</p>
<h2>Des années 1950 aux crises du charbon et du pétrole</h2>
<p>En Allemagne, après la Seconde Guerre mondiale, alors que le pays est exclu du nucléaire militaire, le charbon et le lignite vont, du fait de ressources très importantes, jouer un rôle essentiel dans la reconstruction.</p>
<p>Le secteur énergétique est originellement au cœur du corporatisme à l’allemande, s’appuyant sur le rôle des syndicats et des <em>Stadtwerke</em>, régies locales pour la gestion des services industriels et de l’énergie. Les crises du charbon des années 1950 et 1960, puis la crise du pétrole des années 1970, vont marquer une plus forte intervention de l’État fédéral, avec un plan de soutien au charbon national et le lancement d’un programme nucléaire.</p>
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<p>À la fin des années 1970, la part du charbon dans l’énergie primaire est stabilisée à 30 % et celle du nucléaire à 40 % pour l’électricité. Mais les transformations engagées le sont dans une géopolitique régionale de l’énergie avec, au Nord-Ouest, des régions historiquement charbonnières et bastions du SPD (Parti social-démocrate) et, au Sud-Est, des Länder conservateurs (CDU et CSU) soutenant le développement du nucléaire sur leur territoire. Cette dichotomie dans la « communauté de politique publique » sera mise à profit par le mouvement antinucléaire.</p>
<p>En France, à l’inverse, la première caractéristique du système énergétique est sans doute sa centralisation extrême, consacrée par la loi de nationalisation de 1946, qui ne laisse qu’exceptionnellement une place aux régies et entreprises locales.</p>
<p>Dans cette perspective, les intérêts d’EDF et ceux de l’État, représenté notamment par la puissante Direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP), sont considérés par la technocratie d’État comme ne faisant qu’un. C’est au sein de cette communauté de vues qu’est élaboré le programme nucléaire français.</p>
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<figcaption><span class="caption">1974, la France lance son programme nucléaire civil. (Ina Sciences).</span></figcaption>
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<p>Comme en Allemagne, le choc pétrolier de 1973 déclenchera des politiques publiques volontaristes pour l’indépendance énergétique. La mise en application de la vision « tout électrique, tout nucléaire » se traduira par un programme très ambitieux, le plan Messmer, calibré en fonction de prévisions de demande généreuses et des capacités de l’industrie à produire des centrales nucléaires en série. Cela au service de l’indépendance énergétique et de la « grandeur de la France ».</p>
<h2>Après les chocs pétroliers et avec la crise climatique, deux récits de la transition</h2>
<p>En Allemagne, le récit de la transition, <em>Energiewende</em>, se forge dans les années 1980, à partir des analyses d’intellectuels publics sur la crise écologique (Robert Jungk, Carl Friedrich von Weizsäcker), de la contestation anti-nucléaire, portée par le parti écologiste <em>Die Grünen</em>, et de travaux d’experts de l’énergie, comme ceux de <a href="https://www.oeko.de/en/up-to-date/final-storage-the-search-gathers-pace">l’Öko-Institut</a>.</p>
<p>Mais, progressivement, la remise en cause initiale du modèle de croissance laisse place à une vision plus consensuelle, défendant l’idée de « croissance et prospérité sans pétrole ni uranium ». Cette perspective diffuse progressivement au sein du SPD dans des alliances « rouge vert » au niveau local, puis fédéral dans les coalitions de 1998 et 2002.</p>
<p>Alors que les partis conservateurs sont sur la réserve, la coalition qui porte Angela Merkel au pouvoir en 2005 plaide pour un maintien du nucléaire comme « énergie de transition ». L’accident de Fukushima fera basculer la perspective et entraînera la décision pour une sortie en 2022.</p>
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<figcaption><span class="caption">Suite à la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel annonce la sortie du nucléaire pour Allemagne à l’horizon 2022. (Euronews, 2011).</span></figcaption>
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<p>En France, la « communauté de politique publique » soutenant le nucléaire reste solide et stable. Ni la catastrophe de Tchernobyl en 1986 ni le retour au pouvoir de la « gauche plurielle » en 1997 ne changeront la donne. En revanche, après la signature la même année du Protocole de Kyoto, on assiste à un regain d’intérêt pour les questions énergétiques : <a href="https://negawatt.org/">l’association négaWatt</a> publie régulièrement depuis 2006 des scénarios de sobriété et forte proportion d’énergies renouvelables.</p>
<p>Après l’élection de François Hollande, le Débat national sur la transition énergétique constitue, en 2013, un temps fort de la construction des récits et conduit à identifier quatre trajectoires de transition, selon le niveau de réduction de la demande et la contribution respective du nucléaire et des énergies renouvelables.</p>
<p>Ces quatre trajectoires – allant de la très grande sobriété avec sortie du nucléaire, au maintien du modèle actuel fortement nucléarisé –, reflètent fidèlement les <a href="https://theconversation.com/quatre-scenarios-pour-comprendre-les-programmes-des-candidats-en-matiere-denergie-72308">positionnements des grands courants politiques</a> en France.</p>
<p>Depuis lors, dans la paralysie tenant aux enjeux électoraux, les documents de référence de la politique énergétique française (<a href="https://outil2amenagement.cerema.fr/la-programmation-pluriannuelle-de-l-energie-ppe-r1625.html">PPE</a>, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">SNBC</a>) ont laissé dans un brouillard épais la <a href="https://theconversation.com/50-de-nucleaire-dans-le-mix-electrique-pour-2035-et-apres-104521">question de la part du nucléaire à long terme</a>.</p>
<p>Cela jusqu’aux dernières décisions de <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/nucleaire-macron-relance-EPR-39086.php4">redéveloppement de nouveaux réacteurs</a> prises par Emmanuel Macron, juste avant les présidentielles de 2022.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Conversion des énergies selon la convention 1 MWh d’électricité primaire (renouvelable ou nucléaire) = 0,21 tep (voir à ce propos l’article publié sur The Conversation, <em>Le nucléaire 40 ou 20 % de l’approvisionnement énergétique en France ?</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs, données Enerdata</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Cinquante ans après le premier choc pétrolier et trente ans après la signature de la <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/qu-est-ce-que-la-ccnucc-la-convention-cadre-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques">Convention Cadre des Nations unies sur le changement climatique</a>, les résultats en termes de mix énergétique sont extrêmement contrastés. Force est de constater que la France a aujourd’hui un bouquet énergétique deux fois plus décarboné que celui de l’Allemagne (52 % contre 26 %), même si la part des énergies renouvelables y est légèrement plus faible (18 % contre 22 %). Mais les deux modèles sont en crise.</p>
<h2>Aujourd’hui, deux modèles en crise</h2>
<p>Dans les bouleversements consécutifs à la guerre en Ukraine, la crise du modèle énergétique français, fondé sur une forte contribution du nucléaire, est manifeste et a abouti à une réduction de 30 % de la production nucléaire en 2022 <a href="https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2022">par rapport à la moyenne de ces vingt dernières années</a>, dans une période par ailleurs critique pour le système électrique européen.</p>
<p>Le rétablissement de niveaux de production stables à long terme dans le contexte du « grand carénage » des centrales existantes, comme le financement du redémarrage de la filière pour la construction de six unités supplémentaires au moins, sont possibles, mais ne sont pas garantis. À ces incertitudes s’ajoutent évidemment celles tenant à l’incontournable accélération du déploiement des renouvelables, <a href="https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques">dans toutes les hypothèses des scénarios RTE</a>.</p>
<p>Quant à l’Allemagne, l’<em>Energiewende</em> doit faire face aujourd’hui à de nouveaux défis, dans un contexte périlleux et incertain. Le schéma premier de l’<a href="https://theconversation.com/une-allemagne-sans-charbon-en-2040-cest-mal-parti-pour-linstant-66648"><em>Energiewende</em> était bien celui d’une « fusée à trois étages »</a>, comprenant le développement des renouvelables, la sortie du nucléaire puis celle du charbon.</p>
<p>On peut considérer qu’au début des années 2020, les deux premières phases ont été menées ; la sortie du charbon était, elle, encore loin d’être achevée en 2022, avec encore 31 % de la production d’électricité venant du charbon <a href="https://www.agora-energiewende.de/veroeffentlichungen/bilanz-des-energiejahres-2022-und-ausblick-auf-2023/">et une augmentation de cette production de 11 % par rapport à l’année 2021</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La centrale thermique allemande de Jänschwalde, l’une des plus grandes d’Europe et aussi l’une des plus polluantes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/uncloned/5700491446/in/photolist-9FFwEr-9FJvvh-9FFyFn-63EQ6S-aj7sc9-9G7s3E-9G4xcT-9G4wPa-9G4wmv-8LsHPo-5mm2Vj-5mgGEP-5mkXYh-5mgHiR-5mkYrW-5mm27j-8Losf8-5mgGnH-5mm2cu-5mgJTv-5mm111-5mgHwa-5mgKSg-5mgHqV-5mgGgP-5mm2v1-5mkYKC-5mgGcM-5mm16o-8LrvDW-5mgGzz-5mm1ru-5mgFX4-5mgJr4-5mgJHD-5zRjc3-5mm2i3-5zRjc7-5mm2ou-8LrvpY-5mm1hb-5mm1H5-5mkY4y-5mgJYi-5mm1Zf-5mgHe2-5mm1x9-8LosVK-5mkZHu-5mkZ7f/">Tobias Scheck/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans une tradition politique, fortement ancrée en Allemagne, de construction des interdépendances économiques avec la Russie (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Wandel_durch_Handel"><em>Wandel durch Handel</em></a>, le changement par le commerce), c’était bien le gaz, russe, qui devait assurer une passerelle entre le charbon et l’hydrogène vert à venir. D’où l’importance des infrastructures gazières de type Nordstream. Cette stratégie est aujourd’hui mise à bas par l’invasion de l’Ukraine.</p>
<p>Mais ce qui est également problématique pour l’Allemagne, c’est que la révision de l’<em>Energiewende</em> impose une nouvelle accélération dans l’installation des renouvelables, à des rythmes encore jamais atteints par le passé. Cela, alors même que la faisabilité d’un système électrique reposant essentiellement sur des énergies renouvelables variables (solaire, éolien) n’est pas encore démontrée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Agora Energiewende</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un impératif pour l’Europe : réconcilier les politiques énergétiques, en respectant les choix nationaux</h2>
<p>Alors même que les pays de l’UE sont capables d’initier des actions communes fortes, avec notamment le <em>Green Deal</em> ou encore le plan <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/24/l-economie-politique-quatre-scenarios-pour-la-transition-energetique_6166765_3232.html"><em>Repower EU</em></a>, une fracture s’opère aujourd’hui entre des États aux modèles énergétiques et aux stratégies de décarbonation très différents, voire antagonistes.</p>
<p>De fait, la montée de ces conflits est essentiellement structurée autour de la divergence entre la France – <a href="https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/transition-energetique-la-france-organise-un-club-nucleaire-en-europe-01-03-2023-2510447_1897.php">qui mène « l’alliance du nucléaire »</a> avec les Pays-Bas, la Finlande, la Pologne, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie — et l’Allemagne, membre clé du <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/nucleaire-contre-renouvelables-deux-camps-saffrontent-a-bruxelles/">groupe des « amis des renouvelables »</a>, emmené par l’Autriche et suivi par l’Espagne, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg, le Portugal, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron annonce six nouveaux réacteurs EPR en France. (Euronews, février 2022).</span></figcaption>
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<p>Ces deux coalitions se déchirent sur presque tous les grands chantiers de la transition énergétique, dont la taxonomie européenne, la réforme du marché de l’électricité, la définition de l’hydrogène vert…</p>
<p>Ces trois chantiers révèlent la profondeur des conflits qui trouvent leur origine dans la polémique autour du classement du nucléaire comme énergie verte, et qui ont abouti, après de longs mois de tensions, à des compromis entre les deux camps (le nucléaire sera par exemple inclus dans la taxonomie, à la condition que le gaz naturel soit également considéré <a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">comme une énergie de transition</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">Nucléaire : retour sur le débat autour de la nouvelle taxonomie européenne</a>
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</em>
</p>
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<p>Il ne s’agit donc pas de débats techniques, mais d’oppositions de fond dont le déploiement reflète bien les rapports de force entre des pays défendant leurs intérêts nationaux et leur vision de la transition.</p>
<p>Les États membres semblent incapables de construire les compromis structurels qui permettraient de sortir de la paralysie actuelle sur plusieurs politiques communes de transition.</p>
<p>S’il est exclu de dégager un modèle unique de transition bas carbone « à l’européenne », on peut toutefois tenter d’identifier les conditions de principe pour que, dans le respect des stratégies nationales, le système énergétique européen évolue rapidement, et de manière coordonnée, vers une neutralité carbone collective à l’horizon 2050.</p>
<p>Dans cette perspective, trois principes devraient être structurants.</p>
<p>Tout d’abord, que le primat soit donné à la lutte contre le changement climatique, et donc à la décarbonation des systèmes énergétiques ; que soit reconnue ensuite et acceptée la diversité des options décarbonées susceptibles d’être mises en œuvre en Europe ; enfin, que les actions ou dispositifs portés par les États membres dans l’élaboration des actions communes ne conduisent pas à empêcher celles entreprises par d’autres États membres dans leur trajectoire de décarbonation.</p>
<p>Primat du climat, subsidiarité des politiques et principe de non-nuisance. La formulation est à ce stade trop générale, mais on peut souhaiter qu’un effort à la fois de compréhension réciproque des représentants des États membres et de définition juridico-administrative au niveau de la Commission puisse permettre des progrès rapides dans la mise en cohérence de la politique européenne de transition énergie-climat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les pays de l’UE sont capables d’initier des actions communes fortes, une fracture s’opère entre des États aux stratégies de décarbonation très différents, voire antagonistes.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, économiste de l’énergie, Université Grenoble Alpes (UGA)Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090772023-07-09T15:29:09Z2023-07-09T15:29:09ZLa sobriété, impensé de la politique européenne sur les matériaux critiques<p>La question de la sécurisation des approvisionnements en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">matériaux critiques</a>, c’est-à-dire des matières premières essentielles à l’économie et aux technologies bas-carbone (véhicule électrique, panneaux solaires, éolien, etc.) a pris de l’ampleur ces dernières années. En juillet 2023, la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-chine-verrouille-l-acces-aux-metaux-critiques-20230703">Chine a ainsi décidé</a> d’instaurer des licences d’exportation pour le gallium et le germanium, indispensables à l’industrie des semi-conducteurs.</p>
<p>Cela a donné lieu à de nouvelles législations, comme le <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/sectors/raw-materials/areas-specific-interest/critical-raw-materials/critical-raw-materials-act_en"><em>Critical Raw Materials Act</em></a> (CRMA) proposé par la Commission européenne en mars 2023. Ce règlement identifie 34 matériaux considérés comme critiques pour l’UE – depuis la dernière liste réalisée en 2020, 6 ont été ajoutés (arsenic, <a href="https://theconversation.com/cuivre-quel-avenir-pour-ce-metal-essentiel-a-la-transition-energetique-119500">cuivre</a>, feldspath, hélium, manganèse et nickel) et 2 retirés (caoutchouc naturel et indium).</p>
<p>Une seconde liste de matériaux considérés comme stratégiques (SRM) a aussi été créée, comprenant les matériaux « importants pour les technologies qui contribuent à la double transition verte et numérique et aux objectifs en matière de défense et d’aérospatiale ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=128&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=128&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=128&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=161&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=161&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=161&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Liste des matériaux critiques et stratégiques. En gras, les matériaux ayant intégré la liste en 2023. Le cuivre et le nickel ne font pas partie des matériaux critiques mais sont considérés comme des matériaux stratégiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/57318397-fdd4-11ed-a05c-01aa75ed71a1">Commission européenne, 2023</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le CRMA s’appuie sur cette nouvelle liste pour fixer quatre <a href="https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/13597-European-Critical-Raw-Materials-Act_en">objectifs européens</a> à l’horizon 2030 en matière de production, de transformation, de recyclage et de diversification des fournisseurs. Des objectifs encore susceptibles d’évoluer à la lumière des négociations qui sont en <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/06/30/critical-raw-material-act-council-adopts-negotiating-position/">cours au sein du Parlement européen et du Conseil de l’UE</a>. Il est toutefois difficile d’estimer la faisabilité du chemin à parcourir pour les atteindre.</p>
<h2>Miner 10 % de la consommation</h2>
<p>Un premier problème concerne la lisibilité et la mesurabilité des objectifs de production. La proposition indique que la filière extractive européenne devra permettre de miner « au moins 10 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques de l’Union, dans la mesure où ses réserves le permettent ».</p>
<p>La formulation laisse entendre que l’objectif porte sur la consommation cumulée des différents SRM par les entreprises établies dans l’UE. Elle ne précise toutefois pas comment sera opéré ce calcul.</p>
<p>En effet, considérer un objectif moyen de production masque des écarts importants entre les matériaux : la Commission européenne estime ainsi dans son <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/57318397-fdd4-11ed-a05c-01aa75ed71a1">évaluation technique</a> que l’UE dépend à 48 % des importations pour le cuivre alors qu’elle est entièrement dépendante des importations de terres rares.</p>
<p>Une façon d’éviter cet écueil serait d’envisager que l’objectif est en fait d’atteindre une production européenne de 10 % pour chacun des SRM. Or un tel objectif risque de se heurter aux <a href="https://theconversation.com/relocaliser-lextraction-des-ressources-minerales-en-europe-les-defis-du-lithium-138581">limites des ressources</a> minières européennes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Caractéristiques de matériaux stratégiques (minerais) pour l’Union européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span></span>
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<h2>Un temps minier très long</h2>
<p>Si l’intention est louable, l’objectif d’extraction européenne semble ainsi difficile à évaluer… et donc à atteindre. Afficher un objectif explicite devrait permettre à l’UE de stimuler les <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:ST_8863_2023_INIT">investissements</a> dans le secteur (2 % des investissements mondiaux dans l’exploration minière sont actuellement destinés aux États de l’UE) et d’alléger et simplifier ses procédures d’autorisation, obstacles de taille au développement minier européen.</p>
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<p>Questionnons toutefois l’ampleur de l’effort que cela représente. L’horizon temporel considéré semble très limité compte tenu du <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/average-observed-lead-times-from-discovery-to-production-for-selected-minerals-2010-2019">« temps minier » nécessairement long</a> : il s’écoule en général entre 5 à 20 ans entre l’exploration initiale et la mise en production d’un projet minier. D’autant que l’UE pâtit d’une sous-exploration flagrante de ses ressources minières.</p>
<p>Enfin, un objectif à l’échelle de l’UE risque de faire peser des contraintes différenciées sur les États membres dont les <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/sectors/raw-materials/related-industries/minerals-and-non-energy-extractive-industries/metallic-minerals_en">réalités minières</a> et les problématiques d’acceptabilité sociale sont très différentes.</p>
<h2>Transformer 40 % des matériaux stratégiques consommés</h2>
<p>L’UE entend de plus renforcer sa filière de transformation des minerais en affichant un objectif de production européenne de 40 % des matériaux stratégiques consommés par l’UE d’ici à 2030.</p>
<p>L’ambiguïté méthodologique dans la définition de la consommation est la même que pour l’objectif d’extraction. S’y ajoute la difficulté à obtenir des données portant sur le taux de production actuel de minerais transformés au sein de l’UE.</p>
<p>Dans son évaluation technique, la Commission européenne calcule le taux d’indépendance aux importations de chaque minerai évalué. Sur cette base, on peut considérer que l’objectif viserait en fait à passer de 27,7 % de SRM transformés produits sur le sol européen actuellement à 40 % d’ici 2030.</p>
<p>Cette ambition est rendue possible par la séparation géographique des étapes de l’extraction et de la transformation, par le délai plus court d’installation des infrastructures de transformation et par la volonté de réduire l’empreinte carbone européenne et de faciliter la mise en œuvre du Plan industriel du Pacte vert dans lequel s’inscrit le CRMA.</p>
<h2>Coût, compétitivité, acceptabilité</h2>
<p>Cependant, l’implantation de nouvelles raffineries et fonderies au sein de l’UE se heurte à une problématique de compétitivité et de relocalisation d’industries polluantes sur le territoire européen.</p>
<p>Outre la nécessité d’importer une large part des matières premières et le coût du travail plus élevé que dans des pays concurrents, le coût des matériaux transformés sur le sol européen pâtira également des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
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<span class="caption">Caractéristiques de matériaux stratégiques (raffinés) pour l’Union européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span></span>
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<p>En plus des émissions de gaz à effet de serre, les activités d’extraction et de transformation ont d’importants impacts écologiques locaux, du fait de la pollution des écosystèmes et des conflits d’usage sur la consommation d’eau ou l’occupation des sols qu’elles créent. D’où l’opposition des populations locales malgré les normes exigeantes de l’UE.</p>
<h2>Une filière de recyclage loin d’être au point</h2>
<p>La Commission européenne a également pour objectif que 15 % de la consommation annuelle de matériaux stratégiques de l’UE proviennent de filières de recyclage européennes. Cela reviendrait à multiplier le <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/57318397-fdd4-11ed-a05c-01aa75ed71a1">niveau de recyclage actuel par 1,35 d’ici à 2030</a>.</p>
<p>Le recyclage des déchets miniers nécessite une collecte, un tri et un prétraitement complexe avant qu’ils puissent être transformés en matière première secondaire, autant d’étapes lourdes et coûteuses à mettre en place.</p>
<p>L’horizon temporel de disponibilité de ces déchets représente également un défi. Plusieurs matériaux sont ainsi largement et efficacement recyclés mais principalement intégrés dans des biens d’équipement à longue durée de vie : ils ne pourront être recyclés que sur le long terme.</p>
<p>En outre, l’évolution rapide des technologies des batteries agit comme un frein au développement de la filière de recyclage – les investisseurs étant réticents à se positionner sur des technologies encore incertaines.</p>
<p>À ces problématiques s’ajoutent encore celles des alliages ou des usages dispersifs des métaux, rendant plus complexe, voire impossible, leur recyclage, ou encore la question du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cyclage">« décyclage »</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux de recyclage (EOL-RIR) au sein de l’Union européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span></span>
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<h2>Diversifier les sources, défi complexe</h2>
<p>D’ici à 2030, l’approvisionnement de l’UE en matériaux stratégiques ne devrait pas dépendre à plus de 65 % d’un unique pays tiers, et ce pour toute étape de la chaîne de valeur du matériau. Actuellement, plus de la moitié d’entre eux dépend à plus de 65 % d’un pays extérieur à l’UE.</p>
<p>Si l’on peut espérer que l’augmentation de la production minière européenne, le développement du recyclage et la diversification des sources réduisent ces dépendances, cela s’annonce extrêmement complexe pour des matériaux dont la production est très concentrée – comme le platine, produit à 74 % par l’Afrique du Sud.</p>
<p>Diversifier ses approvisionnements en terres rares, en borates ou en niobium en quelques années représente aussi un défi de taille compte tenu des importantes dépendances actuelles de l’UE à un seul pays, respectivement la Chine, la Turquie et le Brésil.</p>
<h2>Une diplomatie minérale européenne ?</h2>
<p>Dans sa volonté de développer une diplomatie minérale, l’UE risque ainsi de se heurter à de nombreux problèmes. Elle risque d’arriver après d’autres acteurs qui ont déjà largement investi les territoires miniers depuis le début des années 2000, <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let428.pdf">comme la Chine</a>. D’autre part, la diplomatie minérale va nécessiter un volume de financement important et des acteurs miniers européens souhaitant porter cette dynamique.</p>
<p>En outre, les bouleversements géopolitiques actuels avec leurs possibles jeux d’alliances (bloc occidental contre bloc chinois) et de <a href="https://theconversation.com/metaux-strategiques-et-si-les-pays-producteurs-se-regroupaient-en-cartel-du-type-opep-194749">possibles coalitions entre producteurs miniers</a> (cartel) risquent d’exacerber les tensions sur les marchés des métaux, voire de faire apparaître des conflits liés à la compétition d’accès.</p>
<p>La compétition entre puissances et les problématiques d’acceptabilité au niveau local pourraient devenir les nouveaux maîtres mots de la géopolitique de l’énergie et des métaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Principaux fournisseurs de l’UE en matériaux critiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Et la sobriété ?</h2>
<p>Dans ce contexte, il est étonnant qu’aucune attention n’ait été portée à la question de la sobriété dans la politique européenne sur les matériaux stratégiques – la modération dans l’usage des matériaux est en effet absente des textes du CRMA.</p>
<p>Réduire la consommation de matériaux dans l’UE constitue pourtant le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2022-4-page-43.htm">meilleur rempart</a> pour assurer l’autonomie stratégique du continent, et le contexte ukrainien le confirme.</p>
<p>Rappelons que le 3<sup>e</sup> volet du sixième rapport du <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-3/">GIEC</a> publié en avril 2022 a mis au cœur de la lutte contre le changement climatique les politiques de sobriété, définies comme un « ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui évitent une demande en énergie, en matières premières, en terres et en eau, tout en assurant le bien-être de tous dans le respect des limites planétaires ».</p>
<p>Pour le GIEC comme pour l’UE, la sobriété devrait constituer un pilier majeur des politiques de décarbonation.</p>
<h2>Des co-bénéfices</h2>
<p>Son véritable intérêt apparaît quand on réalise l’ampleur de ses co-bénéfices : des véhicules électriques plus légers limitent à la fois la consommation d’électricité, la pollution liée à l’usure des plaquettes de frein, les impacts environnementaux liés à la production du véhicule et la dépendance aux métaux critiques.</p>
<p>Une approche par la sobriété et non par notre capacité à extraire ou transformer les matériaux offrirait des perspectives renouvelées concernant le modèle productif européen : maîtriser la demande en matériaux facilitera l’atteinte des objectifs européens.</p>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2022-4-page-77.htm">démarche</a> suppose d’interroger nos modes de consommation et nos besoins en intégrant pleinement la question de la justice sociale et la variabilité des modes de vie dans la population.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-17-CE05-0024">GENERATE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) entre 2018 et 2020. Il est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Louis-Marie Malbec, Vincent d’Herbemont et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’Union européenne fixe des objectifs peu atteignables en matière de relocalisation de ces matériaux stratégiques, sans s’interroger sur la façon d’en réduire notre usage.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Louis-Marie Malbec, Économiste, IFP Énergies nouvelles Vincent d’Herbemont, Ingénieur économiste, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.