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Grippe aviaire : comment le virus H5N1 a contaminé les élevages français (1)

Regis Duvignau/Reuters

Le 24 novembre 2015, l’Agence Nationale d’Évaluation des risques (Anses) confirmait la présence du virus de grippe H5N1 en Dordogne dans la basse-cour d’un particulier, à une quinzaine de kilomètres au nord de Périgueux. C’est la première fois que ce virus hautement pathogène est détecté en France depuis 2007 et sa dernière apparition dans un élevage de Moselle. A la fin de l’année 2015, d’autres foyers de grippe aviaire vont être détectés et seront associés à différentes souches de virus hautement pathogène (H5N1, H5N2 et H5N9).

Malgré les mesures de confinements et d’euthanasies appliquées seulement deux jours après les décès suspects (avant même la confirmation biologique de la présence de ce virus), il semble que la propagation n’ait pas pu être évitée. En effet, à ce jour, ce ne sont pas moins de 69 foyers qui ont été détectés dans huit départements du Sud-Ouest de la France.

La grippe aviaire est une menace mondiale. Witoki/Wikimedia, CC BY-SA

Ce n’est qu’un des exemples de l’émergence, au cours de l’année 2015, de flambées de virus hautement pathogènes de grippe aviaire à travers le monde. Néanmoins, les souches détectées en France ne sont pas apparentées à ces types de virus H5N1 hautement pathogènes de la lignée asiatique qui ont circulé l’année passée dans de nombreux pays d’Asie (Chine, Viet Nam, Inde, Birmanie), du Moyen-Orient (Israël), d’Afrique (Égypte, Lybie, Nigeria, Ghana, Burkina Faso, Cote d’Ivoire, Niger) ainsi qu’en Europe de l’Est (Bulgarie, Roumanie).

L’Amérique du Nord n’a pas été non plus épargné avec l’apparition en 2015 de virus hautement pathogène H5N1, H5N2, H5N6 et H5N8 responsables de très nombreux foyers aux États-Unis et au Canada. Face à la récurrence de ces foyers de grippe aviaire, il est nécessaire de se poser la question de l’origine de ces virus et des possibles mesures qui permettraient de réduire le risque de leur apparition et dissémination dans les élevages.

Qu’est-ce que la grippe aviaire ?

La grippe est causée par les virus influenza. Ces virus sont composés uniquement d’ARN, ce qui a pour conséquence que leur taux de mutation est extrêmement rapide. Une des conséquences de cette évolution rapide est que leur diversité est particulièrement importante.

Pour pouvoir classifier cette diversité, on a catégorisé les différents virus selon leurs différences au niveau de deux glycoprotéines : l’Hémaglutinine (H) qui sert au virus à rentrer dans la cellule de l’individu infecté ; et la Neuranimidase (N) qui sert à en sortir. La combinaison des deux nous donne le sous-type : par exemple, H5N1 pour la grippe aviaire ou H1N1 pour la récente pandémie de grippe humaine. Aujourd’hui, 18 types d’Hémaglutinine et 9 types de Neuranimidase ont été identifiés.

Néanmoins, tous ces sous-types ne sont pas forcément très pathogènes, c’est-à-dire responsables d’un fort taux de mortalité pour les oiseaux infectés (certains virus H5N1 peuvent en effet être faiblement pathogènes). La virulence du virus est en fait liée à une mutation génétique spécifique sur l’hémaglutinine (H) du virus, qui est le plus fréquemment observée chez les virus de type H5Nx. Ce sont ces virus hautement pathogènes (H5N1, H5N2 et H5N9) qui ont été détectés dans le Sud-Ouest de la France.

Canards sauvages. Badziol40/Pixabay

Les oiseaux sauvages, en particulier les canards et les oies, sont les hôtes de la plupart de souches de virus influenza de type faiblement pathogène : c’est-à-dire que ces espèces sont régulièrement infectées par ces virus sans montrer de symptômes évidents. Ces espèces sauvages sont à l’origine porteuses de la plupart des virus faiblement pathogènes qui, une fois introduits dans les élevages de volailles domestiques, vont muter pour devenir des virus hautement pathogènes.

Cependant, il est à noter que les virus faiblement pathogènes qui circulent chez les oiseaux sauvages ne posent pas forcément de problème per se aux volailles. Le plus souvent, ce sont les conditions d’élevage (un très grand nombre d’oiseaux génétiquement très proches, détenus à haute densité dans les élevages intensifs, et avec une durée de vie courte empêchant le développement d’une immunité aux infections virales) qui favorisent la sélection et l’émergence des souches les plus pathogènes parmi les virus provenant des oiseaux sauvages. Après quelques semaines et de multiples générations, ces virus deviennent hautement pathogènes et mortels pour la volaille.

Si ces virus sont présents dans les populations d’oiseaux sauvages, ils peuvent néanmoins se transmettre aussi au sein de nombreuses autres espèces, en particulier les mammifères et donc aussi les humains. En revanche, il existe une « barrière d’espèce », ce qui signifie que les virus transmis entre les oiseaux (hautement pathogènes ou non) ne sont transmissibles aux hommes qu’en de rares cas (les plus souvent liés à des conditions de contacts particuliers avec des oiseaux infectés). Si cette transmission à l’homme se réalise, la personne infectée ne pourra probablement pas transmettre le virus à une autre personne.

Pour qu’un virus de grippe circulant chez les oiseaux puisse devenir transmissible entre les humains, cela nécessite l’apparition de plusieurs types de mutations, à différents points précis du génome du virus. L’infection simultanée d’un hôte intermédiaire tel que le porc par un virus influenza humain et un virus influenza aviaire peut donner lieu, par recombinaison, à un nouveau virus qui lui pourrait être transmissible directement entre les humains. C’est le scénario qui s’est produit lors de la dernière pandémie d’influenza H1N1.

Comment le virus s’est-il retrouvé dans les élevages français ?

Mesures prises en Dordogne, au début de l’année 2016. Radio France, CC BY-NC-ND

Il existe peu d’informations à ce jour sur les caractéristiques génétiques des virus du sud-ouest de la France pour répondre avec précision à cette question. Par le passé, les échanges commerciaux internationaux de volailles, le commerce d’oiseaux sauvages, ou les mouvements migratoires des oiseaux sauvages, ont permis d’expliquer selon les cas l’apparition de virus influenza dans des élevages.

Le risque de contamination entre les oiseaux sauvages et les oiseaux domestiques est particulièrement ardu à quantifier. Si l’on sait que des canards sauvages peuvent transmettre des virus influenza aux oiseaux domestiques, il n’existe souvent pas de contact direct entre canards sauvages et volailles. Cependant, ces virus pouvant infecter un grand nombre d’espèces d’oiseaux sauvages, il est possible que certaines jouent un rôle d’espèces « relais » entre les canards et les volailles. Aujourd’hui, l’identité et le rôle de ces espèces relais restent mal connus. On sait toutefois qu’elles sont attirées dans les élevages par la disponibilité de points d’eau et de nourriture.

Dans une seconde contribution, qui sera publiée demain, nous aborderons la question des conséquences de la grippe aviaire sur les populations humaines.

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