tag:theconversation.com,2011:/id/topics/coworking-27599/articlescoworking – The Conversation2024-03-25T10:51:38Ztag:theconversation.com,2011:article/2261442024-03-25T10:51:38Z2024-03-25T10:51:38ZEntrepreneurs, comment faire face à la solitude du dirigeant ?<p>La vie d’un entrepreneur n’est pas un long fleuve tranquille, notamment lors des premières années suivant la création de son organisation. Le créateur d’entreprise se trouve notamment confronté à un fort sentiment d’isolement, généré par l’incertitude et la complexité de l’environnement, la peur de l’échec, le poids des responsabilités, les préjugés à l’égard des chefs d’entreprise et la difficulté à concilier vie personnelle et vie professionnelle. En effet, une <a href="https://presse.bpifrance.fr/download?id=17144&pn=a63a9cc8e1d38a3ef0fca1a0169b52bd.pdf">étude</a> montre que 45 % des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dirigeants-dentreprise-143599">dirigeants</a> de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petites-et-moyennes-entreprises-pme-21112">petites et moyennes entreprises</a> (PME) ou d’entreprise de taille intermédiaire (ETI) déclarent se sentir isolés pour ces raisons.</p>
<p>Dans la littérature, le sentiment d’isolement est décrit comme une émotion néfaste qui affecte le bien-être de l’individu. En psychologie, la solitude est perçue comme un <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-21836-011">ensemble de sentiments complexes</a> ressenti lorsque les besoins d’un individu ne sont pas satisfaits. Cette solitude peut être inhérente à la personnalité de l’entrepreneur, telle que la timidité, la faible estime de soi, ou résulter de facteurs personnels ou professionnels.</p>
<h2>« J’avais besoin de soutien »</h2>
<p>La solitude peut être à la fois <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2010-1-page-82.htmUR">objective et/ou subjective</a>. La solitude objective se manifeste par une privation de compagnie humaine, tandis que la solitude subjective est un état d’âme ressenti émotionnellement. Nos études sur les <a href="https://www.cairn.info/les-faces-cachees-de-l-entrepreneuriat--9782376873341-page-160.htm">entrepreneurs marginalisés et/ou précaires</a> ont notamment mis en évidence la vulnérabilité de ces individus, notamment les <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315794570-11/supporting-training-female-necessity-entrepreneurs-walid-nakara-nesrine-bouguerra-alain-fayolle">femmes</a> ou les <a href="https://www.amazon.fr/Perception-lEntrepreneuriat-chez-jeunes-difficult%C3%A9s/dp/6202261242">jeunes issus de quartiers défavorisés</a>. Quelle que soit sa forme, la solitude ressentie par les entrepreneurs et chefs d’entreprise peut et doit être endiguée ou minimisée.</p>
<p>Pour lutter contre l’isolement des entrepreneurs, une première approche consiste à réduire la solitude objective par la solidarité entrepreneuriale. Ainsi, les espaces de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coworking-27599">coworking</a>, les chambres de commerce et d’autres réseaux professionnels favorisent une meilleure intégration des entrepreneurs et peuvent contribuer à surmonter l’isolement.</p>
<p>Un entrepreneur que nous avons rencontré dans le cadre de nos recherches en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Travailler dans un espace de coworking m’a permis d’échanger avec mes pairs […] j’ai réalisé que je n’étais pas seul […] j’ai trouvé mon premier client grâce à un contact rencontré lors d’un événement réseau organisé par la chambre de commerce ».</p>
</blockquote>
<p>Le deuxième conseil pour combattre la solitude subjective est de privilégier l’entrepreneuriat collectif. Les structures d’accompagnement, telles que les coopératives d’activités et les sociétés de portage, réduisent le risque juridique et offrent un contrat d’entrepreneur salarié, conciliant autonomie de l’entrepreneur et protection sociale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582778/original/file-20240319-16-yj9a8d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’entrepreneuriat collectif, un levier pour limiter la solitude subjective.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1432563">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre recherche auprès d’une société coopérative et participative (SCOP) révèle que, sur les 100 nouveaux porteurs de projets intégrant la coopérative, 30 se sont immatriculés principalement pour rompre l’isolement et tisser des partenariats. Un entrepreneur détaille son choix :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne pouvais plus tout gérer seul […] j’avais besoin de soutien […] mon comptable et mon assurance étaient onéreux […] seul, je ne pouvais pas répondre à certaines demandes ou viser d’autres marchés ».</p>
</blockquote>
<p>Le modèle de cette SCOP illustre le succès de l’entrepreneuriat collectif dans la réduction de l’isolement. Alors que les faillites inquiètent parmi les très petites entreprises (TPE), le taux de pérennité à 5 ans des SCOP augmente, atteignant <a href="https://www.les-scop.coop/chiffres-cles-2023">76 % en 2023 contre 61 %</a> pour l’ensemble des entreprises françaises.</p>
<h2>Mieux accepter l’échec</h2>
<p>Ce succès s’explique notamment par un meilleur accompagnement, un réseau solide et un soutien efficace aux entrepreneurs. Le mode de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entrepreneuriat-25460">l’entrepreneuriat</a> collectif prôné par ces coopératives montre une vraie réussite dans l’accompagnement, le réseautage et le soutien aux entrepreneurs luttant par là même contre l’isolement des entrepreneurs.</p>
<p>Au-delà de la lutte contre l’isolement, il reste par ailleurs essentiel de s’appuyer sur d’autres leviers pour renforcer l’activité entrepreneuriale.</p>
<p>À court ou moyen terme, cela passe en particulier par un changement des mentalités et une meilleure acceptation de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/echec-47709">l’échec</a>. Diminuer l’écart entre ceux qui aspirent à entreprendre et ceux qui franchissent le pas nécessite une valorisation accrue du risque et une meilleure protection des entrepreneurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226144/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>En plus de ses activités d'enseignant, Farba Ndour est directeur général de la coopérative d'entrepreneurs Crealead.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Walid A. Nakara ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La recherche a identifié plusieurs pistes pour limiter le sentiment d’isolement que de nombreux créateurs d’entreprise peuvent ressentir au moment de prendre une décision qui les engage.Walid A. Nakara, Professeur, Directeur de la Chaire BEST, Montpellier Business SchoolFarba Ndour, Professeur, ESI Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175792023-11-13T19:34:27Z2023-11-13T19:34:27ZWeWork : chute d’une entreprise ou fin du coworking ?<p>En 2019, neuf ans après sa création, WeWork était le leader incontesté du <a href="https://theconversation.com/topics/coworking-27599">coworking</a>, valorisé à plus de <a href="https://www.forbes.com/sites/britneynguyen/2023/11/07/weworks-rise-to-47-billion-and-fall-to-bankruptcy-a-timeline/?sh=789be65bc666">47 milliards</a> de dollars. C’était alors une valeur star qui en faisait l’une des <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> les plus convoitées par des investisseurs majeurs comme SoftBank. Pourtant début novembre 2023, l’entreprise dépose le <a href="https://www.wsj.com/articles/wework-files-for-bankruptcy-5cd362b5">bilan</a> en Amérique du Nord après des années de turbulences marquées par l’accumulation de plus de 16 milliards de pertes depuis sa création en 2010. Cette procédure, aux États-Unis, a vocation à permettre une renégociation des dettes avec les créanciers et à planifier une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/07/le-geant-des-bureaux-partages-wework-depose-le-bilan-en-amerique-du-nord_6198658_3234.html">réorganisation de l’activité</a>. C’est ainsi d’ailleurs que la direction de WeWork présente l’opération.</p>
<p>Nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/13505084221074037">travaux de recherche</a> ont montré que la logique de croissance rapide et à n’importe quel prix de sociétés gérant des espaces de coworking faisait porter un risque conséquent sur l’attractivité et la pérennité de son offre. Tout gérant d’espace de ce type commet une erreur s’il privilégie la rentabilité ou la croissance au détriment soit des besoins des membres utilisant l’espace, soit d’adaptation à des évolutions conjoncturelles, soit de l’innovation : il rend inévitablement son lieu moins attractif, entraînant un taux de roulement des membres plus élevé sur le long terme.</p>
<p>Cela nuit en outre au développement des collaborations, un précurseur à l’innovation, entre les différents occupants. Ces moindres interactions entravent l’élargissement de réseaux des entreprises et la construction de sens communs partagés dans l’espace. Les occupants voient ainsi l’utilité de l’espace, réduit à un bureau de travail sans plus. C’est précisément ce qu’il est advenu de WeWork.</p>
<h2>Croissance à tout prix et gouvernance mouvementée</h2>
<p>Pendant des années, WeWork a priorisé l’acquisition de nouveaux locaux jusqu’à exploiter activement <a href="https://www.forbes.fr/business/faillite-de-wework-les-actions-de-la-societe-despaces-de-coworking-suspendues/">777 sites</a> dans 39 pays en 2023. Problème, la majorité des baux ont été signés en surenchère en 2018 et 2019, avant que le marché ne se contracte à la suite de la pandémie liée au coronavirus. Des contrats de dix à vingt ans s’élevaient à plus de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/wework-vers-une-faillite-imminente-du-prince-dechu-du-coworking-2026225">13 milliards</a> de dollars. La demande n’ayant pas correspondu aux prévisions d’une expansion rapide, l’entreprise n’a jamais réalisé de bénéfice, dépensant plus de 80 % de ses revenus dans les intérêts bancaires et les loyers mensuels.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721716293663952906"}"></div></p>
<p>WeWork avait attiré les investisseurs en les persuadant qu’elle était une start-up <a href="https://hbr.org/2019/08/no-wework-isnt-a-tech-company-heres-why-that-matters">agile de la Tech</a>. Or, il s’agissait plutôt d’un gestionnaire d’immobilier de bureaux, déterminé à maintenir à tout prix des chiffres de croissance exponentielle, sans disposer d’une offre évolutive, et surtout sans une stratégie bien définie sur la raison d’être de l’entreprise au-delà de l’<a href="https://theconversation.com/topics/immobilier-23232">immobilier</a>.</p>
<p>Voilà quatre ans, le co-fondateur de WeWork, Adam Neumann, a fait la une des médias, poussé démissionner de son poste de PDG, principalement en raison d’une crise de <a href="https://www.wsj.com/podcasts/the-journal/wework-from-47-billion-unicorn-to-bankruptcy/b732ef84-980b-4bc3-af85-980b295bf1d1">gouvernance</a> et de pratiques contestées et discutables. Sous sa direction, l’entreprise s’était égarée en investissant, comme l’affirmait le <a href="https://www.wsj.com/articles/surfing-schools-and-jets-weworks-bets-follow-ceo-adam-neumanns-passions-11551787200">Wall Street Journal</a>, davantage dans des projets liés à ses intérêts personnels tels qu’un jet privé, des robots autonomes, et des piscines à vagues artificielles. Cette mauvaise allocation des ressources, associée à des rapports sur des comportements excessifs de Neumann, a suscité des inquiétudes quant à sa capacité à fournir un leadership efficace, contribuant ainsi aux difficultés financières, au report de son introduction en bourse, et à la difficulté de maintenir un cap stratégique clair.</p>
<p>C’est aussi sur l’importance de la gouvernance et du leadership de l’espace de coworking que nos résultats de recherches insistent. L’entreprise doit instaurer un environnement transparent, tant en interne pour ses collaborateurs qu’en externe pour les membres de l’espace de coworking, avec lesquels forger les conditions d’appartenance à un écosystème. En manque de leadership et de cap stratégique, WeWork n’a pas su créer une marque centrée sur le futur du travail dans sa globalité. La firme s’en est tenue à une logique de gestion d’immobiliers de bureaux.</p>
<h2>Une nouvelle ère pour le coworking ?</h2>
<p>La pandémie du Covid-19 a profondément modifié la façon dont les personnes travaillent, forçant notamment les entreprises à <a href="https://www.lejdd.fr/economie/comment-paris-ecrase-le-marche-des-bureaux-135255">réévaluer les besoins en espaces de travail</a>. Les entreprises, désireuses de solutions plus flexibles et de configurations sur mesure, se sont tournées vers de nouveaux modèles de coworking. S’ajoutent à cela l’accélération de la digitalisation des organisations et l’adoption plus pérenne du <a href="https://theconversation.com/teletravail-trois-ans-apres-le-premier-confinement-quelles-tendances-perdurent-203196">télétravail</a>. En 2010, WeWork, avec son modèle axé sur de grands espaces ouverts et des zones communes animées, était innovant et à l’avant-garde des tendances du travail. Aujourd’hui ce modèle semble dépassé.</p>
<p>L’essor du secteur des <a href="https://www.ubiq.fr/blog/bureau-opere-definition-et-fonctionnement/">bureaux opérés</a> constitue par exemple une <a href="https://www.ft.com/content/ee435941-4555-4476-afed-d10db2da9132?accessToken=zwAGCajvOEUwkdPuQ1lBRVVEdtOv7dENstqRMg.MEYCIQCaJnDTLFUOjGnWbVgRFENDo1ONp5XSgYzumlIs7olGEQIhAOByTIak1w1suZmxsLBohz19t3HRXQcpWlM0cuuhumCs&sharetype=gift&token=21ee50bc-9da6-4144-88e4-fcebd0d0849a">nouvelle tendance</a>. Il s’agit d’une solution hybride entre le bureau traditionnel et le coworking : un espace de travail privatif assorti des services présents dans les espaces partagés. Cette solution polyvalente propose une gamme d’options, de la location de bureaux à l’heure à des étages entièrement personnalisés, répondant aux besoins évolutifs des entreprises. <a href="https://hiptown.com/">Hiptown</a>, par exemple, une start-up française créée en 2019, se positionne sur ce marché.</p>
<p>Des acteurs innovants et des solutions sur mesure continuent ainsi de se développer, répondant aux besoins changeants des entreprises postpandémie. WeWork, de son côté, n’a pas su profiter du rebond après le Covid pour faire évoluer ses propositions.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p><em>A contrario</em>, après avoir placé 10 % de ses activités sous la protection offerte par le droit américain des faillites en 2020, l’entreprise <a href="https://www.iwgplc.com/en-gb">IWG</a>, la maison mère des marques de Spaces ou Regus, s’est repositionnée stratégiquement autour du modèle du travail hybride et a su adapter son offre aux entreprises. L’entreprise mise aussi sur les bienfaits potentiels de ce mode d’organisation pour le développement durable et la planète. Celui-ci pourrait contribuer à <a href="https://www.forbes.com/sites/glebtsipursky/2023/04/22/on-earth-day-remember-that-hybrid-working-is-key-to-a-greener-future/?sh=229d4cf42b4c">réduire les émissions</a> de carbone de 70 % au Royaume-Uni et de 87 % aux États-Unis en limitant les constructions et les transports. Pendant que WeWork est en faillite, IWG a ainsi réalisé une <a href="https://www.theguardian.com/money/2023/aug/08/flexible-workspace-provider-iwg-reports-record-revenues">année record</a>, et sa rentabilité s’améliore.</p>
<p>D’après notre étude, l’entreprise qui gère l’espace de coworking devrait avoir un rôle « catalyseur » et non « gestionnaire » de l’espace afin de créer un écosystème avec les différentes parties prenantes, fondé sur une vision stratégique de l’évolution du travail. Les équipes de gestion de l’espace de coworking devraient également être conscientes de l’équilibre délicat entre le contrôle, la logique de croissance, la proposition de valeur, et la gouvernance. L’avenir du secteur du coworking est encore en pleine mutation, et WeWork, malgré tout, peut encore se redresser et jouer un rôle dans ce nouvel environnement en évolution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>WeWork a déposé le bilan aux États-Unis. Perçue à ses débuts comme une start-up visionnaire, elle semble finalement être devenue un simple gestionnaire immobilier déconnecté des évolutions du travail.Ghassan Paul Yacoub, Professor of Innovation, Strategy, and Entrepreneurship, IÉSEG School of ManagementLoïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Full Professor, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821652022-05-01T16:44:22Z2022-05-01T16:44:22ZEspaces de coworking : comment se forme (ou pas) la collaboration ?<p>Malgré les restrictions liées à la pandémie du Covid-19 et une adoption plus pérenne du télétravail, les espaces de coworking ont prouvé leur résilience face à la crise. Ces espaces de travail partagés suscitent en effet de plus en plus d’intérêt. Dans le monde, on comptabilise plus de <a href="https://www.statista.com/statistics/554273/number-of-coworking-spaces-worldwide/">23 000 espaces</a> en 2021 et ce chiffre devrait s’élever à près de 42 000 d’ici fin 2024.</p>
<p>Cette tendance s’explique notamment par le besoin des entreprises de mettre en place des écosystèmes collaboratifs qui favorisent notamment l’innovation, au travers les échanges d’idées et les interactions avec les autres occupants appartiennent à des organisations différentes.</p>
<p>Aux États-Unis, Microsoft a par exemple offert à plus de <a href="https://expansive.com/why-are-companies-moving-to-coworking-office-spaces/">30 % de ses employés new-yorkais</a> des accès à un espace de coworking local. Toujours outre-Atlantique, une étude a montré que les espaces de coworking aidaient les collaborateurs à être plus innovants, plus connectés et plus productifs, et <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/coworking-spaces-offer-a-post-pandemic-office-alternative/">facilitaient l’émergence de nouvelles idées</a> et de nouvelles solutions.</p>
<p>Mais comment, plus précisément, la dynamique de collaboration se met-elle en place dans les espaces de coworking ? Quels sont les mécanismes qui fonctionnent et pourquoi, dans certains cas, échoue-t-elle à s’enclencher ? Comment collaborer efficacement avec les autres dans les espaces de coworking et éventuellement faire <a href="https://theconversation.com/les-espaces-de-coworking-nouveaux-intermediaires-de-linnovation-ouverte-85038">émerger l’innovation</a> ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, nous avons mené une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/13505084221074037">étude</a> qui s’appuie notamment sur l’observation d’un espace de coworking constitué de start-up dans la Fintech et la Tech à Londres. Nous avons tout d’abord pu constater que la mise en place de cette dynamique n’allait pas de soi. Au contraire : une fois installées dans l’espace de coworking, les entreprises ont tendance à adopter une posture de méfiance vis-à-vis d’une compétition qui pourrait se mettre en place. D’où l’importante d’une phase d’exploration collective avant la matérialisation d’une collaboration plus précise et pérenne dans le temps.</p>
<h2>« Beaucoup de choses peuvent se passer »</h2>
<p>Pour surmonter cette méfiance, les entreprises peuvent s’appuyer sur l’informalité, qui désigne les activités qui demandent un temps limité et occasionnel en dehors des obligations formelles vis-à-vis de l’entreprise de rattachement : pause-café, réunions avec un mentor désigné, événements organisés dans l’espace. La facilité à s’entretenir avec d’autres personnes de façon informelle est alors de plus en plus appréciée, comme en témoigne une personne interrogée dans nos recherches : « C’est génial, car si j’ai un problème de développement, je peux demander à d’autres développeurs : “Hé, vous pouvez regarder ça ?” ».</p>
<p>Comme l’informalité, l’aspect spatial, qui désigne l’aménagement de l’espace et la proximité physique des acteurs dans l’espace de coworking, a un effet facilitateur sur l’exploration collective. Nos résultats ont ainsi confirmé les conclusions d’une recherche menée en <a href="https://doi.org/10.1016/j.bushor.2020.09.010">Chine</a> sur l’importance d’une infrastructure partagée pour promouvoir l’exploration conjointe et le partage des compétences.</p>
<p>D’un côté, la configuration d’un espace ouvert permet diverses interactions dans la salle de pause, le lounge, la cuisine commune, et les zones de détente par exemple, facilitant ainsi les échanges. De l’autre, un aménagement intérieur harmonieux, à l’image des les incubateurs de start-up <a href="https://stationf.co/">Station F</a> à Paris ou <a href="https://www.level39.co/">Level 39</a> à Londres, encouragent les interactions sociales et la perspective d’une exploration collective entre différents acteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131565887260176386"}"></div></p>
<p>La proximité physique de personnes appartenant à d’autres entreprises contribue également à élargir les réseaux des employés. « Beaucoup de choses peuvent se passer lorsque vous êtes proche de personnes travaillant dans des domaines similaires », confirme une personne que nous avons rencontrée dans le cadre de nos recherches. Par exemple, un grand cabinet d’audit a déplacé des employés dans les espaces de coworking dans le but de gagner de nouveaux clients.</p>
<h2>« Ils nous ont vraiment aidés »</h2>
<p>Cependant, la croissance rapide de l’espace de coworking pour des raisons de rentabilité ou des changements récurrents dans la disposition spatiale des entreprises risquent d’entrainer moins d’interactions et donc un impact négatif sur la collaboration. De même, les moindres interactions informelles, lorsqu’elles ne sont pas renforcées et soutenues dans la durée, entravent la construction de valeurs et de sens communs partagés dans l’espace.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460269/original/file-20220428-16-y7rv1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/13505084221074037">Yacoub and Haefliger (2022)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre étude met également en évidence le rôle clé que joue les « catalyseurs » dans les espaces de coworking dans la matérialisation de la collaboration. Ces catalyseurs facilitent et encouragent les activités qui soutiennent les interactions et induisent la coopération. Par exemple, ils peuvent être des modérateurs, des hôtes ou l’équipe de management qui gère l’espace de coworking.</p>
<p>Ils coordonnent et dynamisent les activités communes dans l’espace de coworking, aidant ainsi à la construction d’un sens partagé, de confiance et d’exploration collective. Les catalyseurs vont ensuite s’assurer que les interactions restent soutenues et stimulent la collaboration entre les différents acteurs de l’espace de coworking au fil du temps.</p>
<p>Le fondateur d’une start-up dans la Tech à Londres reconnaît l’importance de leur rôle : « l’équipe de management de l’espace créé environnement propice. Le personnel ici est vraiment top. Nous avons lancé un produit, ce qui est fantastique. Ils nous ont vraiment aidés. Nous avons commencé à faire partie de cet écosystème ici et ceci nous a permis de décrocher un contrat avec une grande entreprise en octobre ».</p>
<p>En revanche, l’incapacité de ces catalyseurs à pérenniser et formaliser les interactions sociales réduit l’utilité de l’espace de coworking. À ce sujet, nous avons également identifié des situations où les interactions de l’espace de coworking n’ont pas abouti à une collaboration et ont même poussé certaines entreprises à quitter l’espace. Ceci est principalement dû à un désalignement de priorités stratégiques entre les entreprises et la société gestionnaire de l’espace.</p>
<p>Pour créer cet environnement favorable, l’équipe de management de l’espace doit donc veiller à bien jouer son rôle avec les acteurs de l’espace. Les responsables ont en outre intérêt à forger des liens stratégiques avec l’ensemble des parties prenantes comme les régulateurs, décideurs politiques <a href="https://theconversation.com/le-coworking-une-vraie-revolution-pour-la-mobilite-des-travailleurs-169801">et pouvoirs publics</a>, et autres entreprises en dehors de l’espace dans divers secteurs d’activité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ghassan Paul Yacoub ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’organisation spatiale et l’animation de l’espace de travail partagé entre collaborateurs de différentes entreprises constituent des clés pour enclencher une dynamique qui facilite l’innovation.Ghassan Paul Yacoub, Professor of Innovation, Strategy, and Entrepreneurship, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1698012021-10-20T19:30:50Z2021-10-20T19:30:50ZLe coworking, une vraie révolution pour la mobilité des travailleurs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/427235/original/file-20211019-16-w9phbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=101%2C33%2C4244%2C2883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec les confinements, le co-working a explosé bien au-delà des métropoles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/turin-italy-june-20-2017-physical-666791584">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie de Covid-19 a bousculé nos habitudes et nos routines dans les domaines professionnel et privé. Dans ce contexte exceptionnel, un grand nombre de salariés sont passés au <a href="https://metropolitiques.eu/Quand-le-teletravail-devient-possible-analyse-des-impacts-de-la-crise-sanitaire.html">télétravail</a>, alors que cette modalité d’activité était traditionnellement associée <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-eurostat-news/-/edn-20210517-2">au statut des indépendants</a>.</p>
<p>Chez les professions intellectuelles, les travailleurs indépendants avaient pour beaucoup commencé à fréquenter des espaces de coworking bien avant la pandémie. Ceux-ci offrent en effet une solution flexible et à moindre coût pour répondre à la quête d’un environnement social et convivial, sortant des cadres à la fois de l’entreprise classique et du travail à domicile, et permettant un rapprochement géographique entre lieux de vie et de travail.</p>
<p>Depuis les confinements successifs, ces espaces qui déjà se multipliaient, essaiment de plus en plus <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/08/27/les-tiers-lieux-laboratoires-du-monde-d-apres_6092465_3234.html">au-delà des métropoles, largement poussées par les pouvoirs publics</a>.</p>
<p>Dans le cadre de notre consortium de recherche franco-canadien, <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE22-0010">nous nous intéressons</a> à l’engouement pour ces espaces de travail et à leurs effets, supposés et réels, sur les territoires dans lesquels ils s’implantent – notamment leur contribution à la réduction des déplacements.</p>
<h2>Trentenaires éduqués et formés</h2>
<p>Le phénomène d’explosion des espaces de coworking, y compris en dehors des métropoles, s’inscrit dans des tendances sociétales plus globales, <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4910">dont la prolifération des « tiers lieux »</a> apparaît comme un aspect important.</p>
<p>Cette dynamique a été portée en grande partie par une <a href="https://www.univ-rennes2.fr/sites/default/files/UHB/RECHERCHE/Palimpseste/palim_4_WEB.pdf#page=33">population de trentenaires plutôt éduquée et formée</a>, ayant grandi avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication et s’en servant largement dans le cadre de son activité professionnelle.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ylIDDJhRnRM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Coworking, tiers-lieux, espaces hybrides : la nouvelle vie de bureau (France24, 2 avril 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Il y a bien sûr parmi les coworkers une part grandissante d’urbains qui quittent les grandes villes pour changer de vie, choisissant de partir s’installer dans une ville moyenne ou une petite commune.</p>
<p>Mais cette population compte également des travailleurs déjà ancrés dans ces territoires, ou bien qui en sont originaires et y retournent après un emploi ou des études ailleurs.</p>
<h2>Des conditions de vie et de travail choisies</h2>
<p>Ces travailleurs installés dans des villes plus petites qui optent pour le coworking se distinguent des catégories plus anciennes implantées dans ces territoires, par leur niveau d’éducation notamment.</p>
<p>Ces nouveaux télétravailleurs privilégient la qualité du cadre de vie, le coût du logement et l’accessibilité dans leurs choix de localisation pour s’implanter dans des villes <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/02/21/calme-cout-de-la-vie-espace-les-villes-moyennes-tiennent-leur-revanche_6070730_3234.html">comme Fougères, Vichy, Valence, Quimper, Orléans, Albi, Chalon-sur-Saône, Angoulême, ou encore Vitré</a>. Mieux dotée et davantage diplômée, cette population est supposée maîtriser ses conditions de vie et de travail, « choisies » et non plus « subies ».</p>
<p>Contrairement aux participants du mouvement des <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=5026">« gilets jaunes »</a>, ils ne connaissent pas les inconvénients d’un modèle de travail imposant des navettes quotidiennes chronophages et coûteuses entre lieux de résidence et d’emploi. Cela n’exclut pas pour certains des situations précaires, mais il est clair que ces individus peuvent s’affranchir des contraintes spatiales et temporelles du modèle de travail classique, grâce à un accès privilégié au « nomadisme numérique ».</p>
<p>S’ils restent minoritaires parmi les actifs, leur mouvement est toutefois potentiellement annonciateur d’une transition sociétale plus large.</p>
<h2>Les tiers lieux, dada des pouvoirs publics</h2>
<p>Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics s’intéressent aux « tiers lieux », dont font partie les espaces de coworking. Le terme de « tiers lieu » désigne un lieu intermédiaire, à mi-chemin entre le « premier » lieu (le domicile) et le « second » (l’entreprise), entre les sphères publique et privée.</p>
<p>Lieu de rencontres, censé favoriser les échanges, le partage et l’émergence d’une communauté d’usagers, il englobe différentes formes, tels que les espaces de coworking principalement voués aux activités productives, mais également les fab labs, les hackerspaces, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/08/27/les-tiers-lieux-laboratoires-du-monde-d-apres_6092465_3234.html">renvoyant à des activités plus diverses</a>.</p>
<p>Ces tiers lieux sont notamment perçus comme un moyen de redynamiser les territoires et de réduire les mobilités polluantes. Le gouvernement français a ainsi récemment confirmé son engagement en faveur des tiers-lieux à hauteur de <a href="https://www.gouvernement.fr/l-etat-confirme-son-engagement-en-faveur-des-tiers-lieux">130 millions d’euros, dont la moitié proviendra du plan de relance</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1448270145437245441"}"></div></p>
<p>En 2018, un <a href="https://www.fondation-travailler-autrement.org/2018/09/19/mission-coworking-faire-ensemble-pour-mieux-vivre-ensemble/">rapport a été commandé par le gouvernement</a> pour dresser un état des lieux et développer des stratégies à venir sur le sujet. Les conclusions de ce rapport, qui ont été confirmées depuis par le récent <a href="https://francetierslieux.fr/rapport-tiers-lieux-2021/">rapport France tiers-lieux 2021</a>, reflètent les grands espoirs mis dans leur développement et les ambitions que nourrissent les pouvoirs publics et les institutions à leur égard. La teneur globale de ces rapports est très largement enthousiaste et déjà tournée vers l’action.</p>
<p>Ils soulignent, entre autres, le rôle important des tiers lieux et des espaces de coworking comme leviers de dynamiques sociale et économique <a href="https://www.fondation-travailler-autrement.org/2018/09/19/mission-coworking-faire-ensemble-pour-mieux-vivre-ensemble/">« très structurantes »</a>.</p>
<h2>Une révolution pour la mobilité ?</h2>
<p>Ces documents mettent en avant le rôle précurseur des tiers lieux dans la promotion de nouvelles manières de travailler, dont le travail indépendant et le télétravail – et ceci bien avant la crise sanitaire (qui par la suite jouera un rôle catalyseur fort dans cette évolution).</p>
<p>Les tiers lieux et les espaces de coworking sont également qualifiés d’<a href="https://www.fondation-travailler-autrement.org/2018/09/19/mission-coworking-faire-ensemble-pour-mieux-vivre-ensemble/">« acteurs essentiels de la transition numérique et écologique dans les territoires »</a>. En séparant les sphères professionnelle et privée tout en offrant un lieu de travail plus proche du domicile, ils auraient un rôle potentiel à jouer pour la réduction des mobilités quotidiennes liées au travail.</p>
<p>De nombreuses régions ont d’ailleurs développé des programmes pour soutenir la création de tels lieux (par exemple : <a href="https://www.iledefrance.fr/appel-projets-aide-la-creation-de-tiers-lieux">Île-de-France</a>, <a href="https://www.paysdelaloire.fr/les-aides/fonds-regional-de-soutien-au-developpement-des-tiers-lieux">Pays de la Loire</a>, <a href="https://www.centre-valdeloire.fr/appels-projet/appel-projets-tiers-lieux-de-competences">Centre-Val de Loire</a>, <a href="https://les-aides.nouvelle-aquitaine.fr/amenagement-du-territoire/tiers-lieux-2019-2021">Nouvelle-Aquitaine</a>, <a href="https://regions-france.org/actualites/en-direct-des-regions/occitanie-tiers-lieux-occitane-accueillent-territoire/">Occitanie</a>, etc.).</p>
<h2>Étude sur les comportements des coworkers</h2>
<p>L’enthousiasme des pouvoirs publics et des acteurs du terrain incite néanmoins l’observateur scientifique à un regard plus critique. Ces lieux favorisent-ils réellement de nouvelles collaborations et une réduction des mobilités néfastes pour l’environnement, en les remplaçant par des pratiques plus vertueuses ? S’intègrent-ils bien dans le paysage socio-économique existant sur le territoire ? Quelle doit être l’implication des pouvoirs publics et des institutions dans le portage de ces lieux ? Telles sont les questions auxquelles nous tâchons de répondre dans le cadre du <a href="http://eso-rennes.cnrs.fr/fr/recherche-1/programmes-en-cours/peri_work.html">programme de recherche Peri#work</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1372122502160388103"}"></div></p>
<p>L’analyse plus approfondie des comportements de coworkers révèle une réalité plus complexe. Notre équipe a réalisé en 2019 une trentaine de monographies de tiers lieux, avec une approche comparative à partir de terrains variés en France et à l’international.</p>
<p>Une enquête par questionnaire (en ligne) a en outre été effectuée <a href="https://periwork.hypotheses.org/63">entre le 10 avril et le 15 juin 2020</a>, s’adressant aux utilisateurs des espaces de coworking (229 réponses complètes obtenues pour la France).</p>
<p>En complément, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-03259130/">mobilités des coworkers</a> ont été étudiées plus en détail sur deux espaces implantés dans des territoires périphériques aux grandes métropoles (Nantes et Rennes, dans l’ouest de la France), s’appuyant sur des suivis GPS et des entretiens approfondis.</p>
<h2>Pas d’effet probant sur l’usage de la voiture</h2>
<p>Les conclusions de ce travail révèlent que l’argument intuitif et à première vue plausible de la contribution des espaces de coworking à la transition écologique s’avère trop simple.</p>
<p>On n’observe pas pour l’instant un effet significatif en faveur d’une réduction des mobilités automobiles chez les usagers de ces tiers lieux, bien qu’un certain nombre de déplacements professionnels tendent à être remplacés par des communications virtuelles depuis le début de la crise sanitaire.</p>
<p>L’usage de l’automobile occupe en effet encore une place importante, surtout dans les territoires situés à la périphérie des métropoles, par contrainte ou par absence d’alternatives, et ce malgré une « conscience écologique » prononcée chez les coworkers.</p>
<h2>Un retour aux espaces de proximité</h2>
<p>Si la mobilité ne diminue globalement pas, plusieurs évolutions notables concernent toutefois la façon dont les déplacements sont vécus par les coworkers et leur organisation au quotidien.</p>
<p>Le rapport entre mobilités « subies » et mobilités « choisies » a tendance à s’inverser au profit des secondes. De nouvelles valeurs associées à la mobilité émergent, qui rejaillissent notamment sur les déplacements longs, avec le souci de les minimiser, ou du moins de les rationaliser. C’est-à-dire de les réorganiser dans le but d’une plus grande efficacité – en privilégiant les transports en commun ou le covoiturage lorsque cela est possible, et en y associant plusieurs motifs ou objectifs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1295237592745758720"}"></div></p>
<p>Enfin, nous avons également constaté une réappropriation des espaces de proximité autour des lieux de travail et de résidence dans l’ensemble des dimensions de la vie quotidienne, que ce soit pour se nourrir, se loger, se cultiver, se divertir, etc. Ce réinvestissement de l’espace proche est d’autant plus fort que l’espace de coworking est éloigné des centres urbains.</p>
<h2>Une tendance prometteuse à long terme</h2>
<p>Les individus fréquentant un espace de coworking à la périphérie des métropoles sont vite rattrapés par la réalité, qui les conduit à se servir couramment d’une voiture. S’ils compensent par des engagements sur leur territoire ou une consommation locale, par exemple, leur sensibilité écologique n’en demeure pas moins entravée par un ensemble de contraintes matérielles.</p>
<p>C’est lorsqu’ils en seront libérés que les pratiques de mobilité pourront se transformer sur le long terme, en partie grâce à ces espaces de travail collaboratif et partagés.</p>
<p>Pour cela, certaines évolutions, relevant de l’action des pouvoirs publics, apparaissent néanmoins nécessaires : entre autres, le développement de nouveaux systèmes et/ou technologies de mobilité, l’accès et la relocalisation des services de proximité ou une meilleure reconnaissance par les entreprises de la légitimité du travail à distance à partir d’un espace de coworking.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Feildel a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cadre du programme de recherche PERI#WORK.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Le Nadant a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cadre du programme de recherche PERI#WORK. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gerhard Krauss a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cadre du programme de recherche PERI#WORK</span></em></p>Les espaces de coworking se multiplient, y compris hors des métropoles. Avec un potentiel de bénéfices environnementaux sur les mobilités à long terme, à certaines conditions.Benoît Feildel, Maître de conférences en aménagement de l'espace et urbanisme, Université Rennes 2Anne-Laure Le Nadant, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Rennes 2Gerhard Krauss, Maître de conférences de sociologie, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1638372021-07-05T18:11:32Z2021-07-05T18:11:32ZLes tiers-lieux, une solution au télétravail subi ?<p>Les périodes de déconfinement rappellent les salariés aux bureaux, parfois selon des formules hybrides, de façon un peu expérimentale. Un mélange entre télétravail et instauration du <em>flex office</em> a pour l’heure les faveurs des entreprises, qui optimisent par là même leur charge immobilière. Dans un <em>flex office</em>, personne n’a de bureau attitré : chacun s’installe, comme à la bibliothèque, là où il trouve de la place. Cette pratique déplaît à la majorité des salariés et se montre inadaptée au contexte sanitaire.</p>
<p>L’avenir du bureau peut alors se chercher du côté des tiers-lieux, qui se posent comme une alternative aux déçus du télétravail. Répondant à des enjeux territoriaux, environnementaux et sociaux, ils suscitent l’intérêt des promoteurs immobiliers et des décideurs politiques.</p>
<p>Les sénateurs de la majorité ont d’ailleurs proposé en février dernier <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/le-senat-veut-creer-des-titres-bureau-sur-le-modele-du-titre-restaurant-pour-perenniser-le-recours-au-teletravail.N1060599">l’instauration d’un « ticket-bureau »</a> susceptible d’accompagner l’essor de la fréquentation des tiers-lieux sous le parrainage des employeurs. Il s’agirait de reprendre le modèle du ticket-restaurant déjà en place.</p>
<p>Dans le cadre de sa troisième enquête « Mon bureau post-confinement », la <a href="http://workplace-management.essec.edu/">Chaire Workplace Management de l’ESSEC Business School</a> a enquêté sur les rapports recomposés aux espaces de travail à l’aune de l’expérience désormais bien plus répandue du télétravail, parfois subi, parfois souhaité.</p>
<p>Cette enquête sur les représentations liées à l’immobilier de bureau fait le point sur l’appréhension des tiers-lieux par les salariés selon les facteurs sociologiques susceptibles d’influencer leur expérience.</p>
<p>Elle a été réalisée entre le 21 et le 30 avril 2021 en ligne, auprès d’un échantillon de 1868 employés et utilisateurs de bureaux. Parmi eux, 58 % de femmes et 42 % d’hommes, âgés en moyenne de 39 ans. 75 % appartiennent à la génération Y (<a href="https://hbr.org/2017/08/a-survey-of-19-countries-shows-how-generations-x-y-and-z-are-and-arent-different">nés entre 1984 et 1996</a>). </p>
<h2>Quel bureau idéal ?</h2>
<p>Interrogée sur sa vision d’un bureau idéal et adapté à ses besoins post-confinement, une très nette majorité (près de 80 %) de l’échantillon s’accorde sur une préférence pour le bureau attitré, qu’il soit fermé (63 %) ou en open space (16 %). Les espaces de travail non attribués ne reçoivent, eux, que 9 % des suffrages, autant que le télétravail exclusif à domicile.</p>
<p>Comme pour ce qui est du <a href="https://theconversation.com/le-teletravail-moins-bien-vecu-par-les-jeunes-les-femmes-et-les-employes-163190">vécu du télétravail</a>, des distinctions apparaissent cependant entre individus selon leur âge ou leur position hiérarchique. Alors que le bureau fermé séduit plus de la moitié de l’échantillon et accorde toutes catégories sociales, les avis divergent sur les autres espaces de travail.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409499/original/file-20210702-19-12xcnvv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les <em>flex office</em> ne sont pas forcément populaires auprès des salariés qui apprécient d’avoir un poste attitré.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les plus jeunes se montrent plus attirés que leurs aînés par le coworking (6,4 % contre 3 % environ parmi le reste de la population). En revanche, ils se montrent moins enclins au télétravail exclusif à domicile (4 % chez les Z, environ 10 % pour les X et les Y, et 7 % pour les baby-boomers).</p>
<p>Leur appétence relative pour le coworking souligne que ce n’est pas tant la fréquentation du bureau en tant que telle, que l’émulation et la concentration qu’on y trouve auprès d’éventuels collègues ou partenaires de travail qui les motive à retrouver des conditions matérielles plus encadrées.</p>
<p>Cela est confirmé d’ailleurs par leur réponse à la question suivante : « selon vous, quel sera l’intérêt principal de retourner au bureau dans le monde post-Covid-19 ? ». À cette question, les plus jeunes choisissent davantage que la moyenne les arguments de la concentration (15 %) et de la créativité (12 %), arguments qu’il attribuent également aux tiers-lieux.</p>
<p>La grande majorité de l’échantillon, toutes tranches d’âge confondues, sélectionne en premier lieu l’argument de la sociabilité : « c’est un lieu de rencontre, d’échange, de convivialité avec les collègues », ce qui marque, loin d’un engouement supposément massif pour le télétravail, l’expression d’un manque de tissu social associé à l’espace de travail.</p>
<h2>Le télétravail, de moins en moins populaire</h2>
<p>En 2020, les premières semaines de confinement ont donné lieu à des spéculations sur l’avenir radieux du télétravail, sur la solution miracle que représenterait le flex office, ou encore sur la mort prédite du bureau traditionnel.</p>
<p>Aujourd’hui, la tendance que l’on mesure s’avère défavorable aux alternatives les plus impersonnelles et favorable au bureau fermé et attribué. La popularité du télétravail chute fortement et passe en dessous des 10 %, alors qu’elle avoisinait les 25 % lors du premier confinement.</p>
<iframe title="L’engouement pour le télétravail du printemps 2020 s’essouffle." aria-label="Graphique à barres groupées" id="datawrapper-chart-JD1us" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JD1us/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>L’alternative du coworking reste de son côté très peu envisagée par les répondants de cette enquête et ne dépasse jamais 5 %. Très peu d’entre eux déclarent toutefois avoir expérimenté cette solution auparavant (1,4 % de l’échantillon). 30 % de ceux qui l’ont testée la désignent comme idéale, ce qui en fait, à leurs yeux, le meilleur type d’espace de travail, devant tous les autres. Cette portion de l’échantillon reste principalement composée d’indépendants et de prestataires ou de cadres.</p>
<p>Pourtant, entre le domicile et le lieu de travail, le tiers-lieu se place en contrepoids de la relocalisation domestique du travail qu’ont occasionnée les épisodes de confinements. Les réticences et les motivations exprimées à l’égard de ce type de lieux trouvent un écho dans les expériences positives et négatives que cette année de confinements a permis d’acquérir.</p>
<p>Entre la créativité qu’y trouveraient les plus jeunes, l’espace qu’y trouveraient les moins bien logés, les ressources matérielles et numériques qu’y trouveraient les plus âgés, et la proximité qu’il permettrait, le tiers-lieu est en mesure de s’intégrer pleinement aux habitudes des travailleurs, quelle que soit leur profession. Encore faut-il qu’il prenne la forme adaptée aux publics qu’il vise.</p>
<h2>Nécessaire démocratisation</h2>
<p>À l’heure actuelle, si les tiers-lieux restent méconnus et si peu investis par les employés, c’est probablement en raison de l’homogénéité sociologique qui y est associée et qui s’avère même performative, comme le montre l’enquête. Les tiers-lieux ont pris principalement la forme d’espaces de coworking concernant dans un premier temps les indépendants, les autoentrepreneurs ou les start-up, et dans un second temps les salariés des entreprises du numérique.</p>
<p>La méconnaissance de ce paysage ralentit son expansion. L’appellation recoupe en effet <a href="https://francetierslieux.fr/">plusieurs réalités</a> et ne se résume <a href="https://hyperliens.societenumerique.gouv.fr/">plus</a> à l’espace de coworking, s’adressant à une cible jeune, créative, free-lance et urbaine. Aujourd’hui, la constellation des formes que prennent les tiers-lieux répond à des besoins identifiés et distincts, tant en termes de métiers que de réalités sociales.</p>
<p>Pour se déployer dans les meilleurs termes, la solution du tiers-lieu doit être plébiscitée notamment par les salariés et donc se démocratiser. Il faudra pour cela qu’elle dépasse l’image dominante du coworking et révèle ses autres facettes. À cette fin, elle devra d’une part faire l’objet d’une campagne de familiarisation auprès des publics visés, et d’autre part s’adapter à la diversité de ce public et à la diversité de ses attentes.</p>
<h2>Une journée en tiers-lieu</h2>
<p>Puisque les modes d’organisation du travail deviennent mixtes, nous proposions par ailleurs aux enquêtés d’établir la répartition d’une semaine idéale selon eux, en choisissant la distribution de leurs jours de travail sur un éventail de trois lieux (domicile, bureau, tiers-lieu). Les résultats obtenus confirment un besoin d’équilibre entre les formes de bureaux et les vertus professionnelles qui leur sont prêtées.</p>
<iframe title="Les plus jeunes souhaiteraient, dans l’idéal, passer une journée hebdomadaire dans un tiers lieu." aria-label="Barres empilées" id="datawrapper-chart-nI81R" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nI81R/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="256" width="100%"></iframe>
<p>Toutes catégories confondues, les répondants à l’enquête optent majoritairement pour une partition relativement équilibrée entre travail au bureau (plus de 2 jours et demi) et travail à domicile (2 jours), additionnée d’environ une demi-journée en tiers-lieu.</p>
<p>Quelques variations apparaissent néanmoins selon les catégories d’âge. Les plus jeunes, par exemple, accorderaient dans l’idéal une place bien plus importante à la fréquentation d’un tiers-lieu, presque une journée complète hebdomadaire en moyenne. Si la fréquentation des tiers-lieux aurait tendance à décroître avec l’âge, celle des bureaux suit une direction inverse.</p>
<h2>Tiers-lieux et inégalités</h2>
<p>Le prisme générationnel ne doit cependant pas faire oublier l’influence du facteur hiérarchique sur la perception de l’espace de travail. La position hiérarchique que l’on occupe dans une entreprise conditionne de façon inégale la propension de chacun à fréquenter de tels espaces de travail et à organiser sa semaine à sa convenance.</p>
<p>Il reste ainsi à l’entreprise d’assurer à ses salariés les meilleures conditions matérielles relatives à leurs espaces de travail et d’assumer sa responsabilité à les leur fournir quel que soit leur statut et leurs préférences. En effet, le déferrement aux salariés du choix de leur espace de travail – comme pourrait le proposer l’instauration d’un « ticket-bureau » – est susceptible d’occasionner un dégagement de l’entreprise de ses responsabilités matérielles, immobilières et sociales envers eux.</p>
<p>Aujourd’hui, ce sont les employés, les salariés les plus isolés et les moins autonomes qui manifestent le plus le souhait de retrouver un espace de travail délimité et attitré. Ils souhaitent y retrouver un lien social mis à mal par la crise sanitaire. C’est de leurs attentes qu’il faudra tenir compte dans la détermination des futures politiques d’organisation du travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163837/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Entre le télétravail de moins en moins populaire et les inconvénients du bureau révélés par les confinements, les tiers-lieux pourraient s’avérer un bon compromis. Ils restent néanmoins méconnus.Ingrid Nappi, Professeur, titulaire de la Chaire « Immobilier & Développement Durable » et de la Chaire « Workplace Management », ESSEC Diane Le Luyer, Ingénieur de Recherche, Chaire Workplace Management, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1570692021-03-16T19:11:11Z2021-03-16T19:11:11ZAprès un an de crise, quelles perspectives pour les espaces de coworking ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389257/original/file-20210312-19-184965h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C0%2C5425%2C3605&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France est l’un des pays les plus dotés en espace de coworking dans le monde.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/business-people-face-masks-indoors-office-1818832019">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=621&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=621&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=621&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=781&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=781&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389252/original/file-20210312-21-coladl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=781&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte 1 : Nombre d’espaces de coworking dans le monde en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andrieu et al. (2019), Delabos (2019), Leducq (2020 : 108) ®COWORK-CVL</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le coworking, <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2019-5-page-963.htm%22%22">en plein essor</a> avant le début de la crise sanitaire du Covid-19, a connu un ralentissement lié aux confinements, aux couvre-feux et aux règles de distanciation sociale dans plusieurs pays d’Europe et du monde. La France, qui comptait <a href="https://github.com/cget-carto/mission_coworking%22%22">plus de 1 200 espaces de coworking (ECW) en 2019</a>, soit l’un des pays les plus dotés sur la planète (Carte 1), a été particulièrement affectée, comme nous l’avons constaté dans nos recherches récentes.</p>
<p>Pour ce travail, nous nous sommes appuyés conjointement sur les connaissances acquises depuis 2017 sur ces nouveaux espaces de travail grâce au <a href="https://coworkcvl.hypotheses.org/%22%22">programme COWORK-CVL</a> financé par la Région Centre-Val de Loire, et sur une revue de presse française compilant près de 250 articles, avec comme entrée clé celle du coworking sur l’année écoulée depuis le premier jour du premier confinement (Tableau 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389249/original/file-20210312-17-vnsrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 1 : Revue de presse sur les effets du Covid-19 sur les ECW en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Premièrement, la confiance des gestionnaires d’ECW a été mise à mal par des mesures comme l’obligation de fermeture des lieux accueillants du public ou le classement en secteur d’activités non essentielles. </p>
<p>Ainsi, de nombreux ECW fragilisés, ont connu une <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-des-marches-publics/en-ile-de-france-les-tiers-lieux-fragilises-rouvrent-timidement-1208705%22%22">baisse de leur fréquentation</a> – <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/08/dans-la-tourmente-l-economie-du-partage-n-a-pas-dit-son-dernier-mot_6042089_3234.html%22%22">jusqu’à 90 %</a> – liée à la résiliation des abonnements de coworkers ou en raison de mesures sanitaires compliquées à mettre en œuvre ou à faire respecter, notamment <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/09/23/l-epidemie-de-covid-19-bouscule-l-amenagement-des-bureaux_6053240_1698637.html%22%22">dans les ECW de petite taille</a>. En parallèle, les ECW de plusieurs centaines de places ont vu leur <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/vie-de-bureau/frappe-de-plein-fouet-par-la-crise-le-coworking-se-positionne-pour-le-monde-d-apres_715330%22%22">rentabilité diminuer</a> en raison des mesures de distanciation sociale sacrifiant des places assises.</p>
<p>Plus généralement, ce sont <a href="https://www.lindependant.fr/2021/01/11/a-narbonne-le-coworking-souffre-mais-survit-a-la-pandemie-9305094.php%22%22">20 % des tiers lieux qui seraient actuellement menacés</a> de fermeture définitive, à l’instar d’ECW qui étaient pourtant pionniers, comme <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/10/21/a-clermont-ferrand-les-espaces-de-coworking-font-le-plein_6056790_1698637.html%22%22">Épicentre Factory à Clermont-Ferrand</a> (Puy-de-Dôme). D’autres, comme Plateau Fertile à Roubaix (Nord) ou La Ruche à Montpellier et Castelnau-le-Lez (Hérault), sont devenus des <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/les-espaces-de-coworking-mis-a-mal-par-la-crise-20200621%22%22">ECW fragiles</a>. </p>
<p>Pour l’avenir proche, les très grandes entreprises de coworking comme MamaWorks, s’interrogent sur leurs sources pérennes de revenus, notamment celles issues <a href="https://www.cartefinancement.com/immobilier/marche-coworking-et-co-living-apres-le-covid-19/%22%22">des baux de longue durée (3, 6 ou 9 ans)</a>, signés d’ordinaire par les entreprises hébergées, elles-mêmes soumises à l’incertitude du marché et au manque de visibilité.</p>
<h2>Vases communicants</h2>
<p>Cependant, dans le même temps, d’autres espaces qui ont pu rester ouverts ou qui ont mis en place les protocoles sanitaires dès le printemps 2020 ont connu une hausse de leur fréquentation. Ainsi, en est-il du<a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/noyal-sur-vilaine-35530/noyal-sur-vilaine-le-coworking-gratuit-pendant-la-crise-7119860%22%22">Pays de Châteaugiron</a> (Ille-et-Vilaine) communauté qui a mis gratuitement son ECW à disposition des télétravailleurs. <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/commune/mezieres-en-brenne/une-distinction-nationale-pour-la-brenne-box%22%22">Brenne Box à Mézières-en-Brenne</a> (Indre) a également connu un grand succès pendant les périodes les plus importantes de la crise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1333699412644794373"}"></div></p>
<p>Ces deux ECW sont d’initiative publique et associés à d’autres formes de services communautaires initiés par les collectivités territoriales (accès à la fibre/4G, véhicules autonomes, Maisons de services au public, Pôle emploi, etc.). Certains ECW sortent ainsi gagnants de la crise avec une fréquentation ayant augmenté de 25 points par rapport à l’avant-Covid d’après l’enquête 2021 COWORK-CVL.</p>
<p>Au-delà de ces exemples, on observe dans l’ensemble des régions françaises une fluctuation de la fréquentation sur le second confinement avec notamment des variations liées aux catégories d’utilisateurs des ECW. Par exemple à <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/trouville-sur-mer-14360/trouville-sur-mer-la-crise-continue-l-espace-de-coworking-se-reinvente-un-peu-7135923%22%22">Trouville-sur-Mer</a>(Calvados), les télétravailleurs étaient moins nombreux puisque retenus en Île-de-France, et les indépendants avaient moins de trésorerie pour payer l’abonnement.</p>
<h2>Quel coworking demain ?</h2>
<p>Aux rentrées de septembre 2020 comme de janvier 2021, les ECW d’International Working Group (ex-Régus) ont connu une <a href="https://www.leparisien.fr/economie/business/christophe-burckart-dg-d-iwg-france-on-va-assister-a-une-hybridation-des-lieux-de-travail-25-01-2021-8421033.php%22%22">augmentation de 30 % de leur clientèle</a>, du jamais vu dans l’histoire de la marque. En plus du changement de nature des coworkers, on constate un phénomène de vases communicants entre les ECW d’une même agglomération. Disparition de l’un peut signifier regain d’activité, voire prospérité, de l’autre.</p>
<p>Le secteur des ECW, bien que touché durement par la crise, semble donc pouvoir se relever. En effet, la crise sanitaire a révélé les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-accepterons-nous-de-revenir-en-arriere-1194985%22%22">avantages</a> de l’autonomie et de la gestion du temps du télétravail généralisé, mais aussi ses limites matérielles et psychiques : l’exiguïté et <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/04/29/a-la-maison-le-teletravail-a-du-mal-a-faire-chambre-a-part_1786875/%22%22">la non-fonctionnalité des logements</a>, l’absence de droit à la déconnexion, la perte de lien social, la phobie de l’informatique, une vie conjugale et <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/06/07/journal-d-un-parent-deconfine-semaine-iv-mes-coworkers-en-culottes-courtes_6042033_4497916.html%22%22">parentale complexifiée</a>, etc.</p>
<p>Dès lors, les ECW sont apparus comme un tiers espace, un entre-deux idéal pour travailler, <a href="https://www.lepoint.fr/societe/avec-le-deconfinement-le-teletravail-appele-a-jouer-les-prolongations-05-05-2020-2374210_23.php#xtmc=coworking&xtnp=1&xtcr=7%22%22">y compris en dehors des confinements</a>. Le contexte nous invite donc à explorer les réponses qu’apportent les ECW aux travailleurs à distance. Ainsi, le nombre de jours de <a href="https://theconversation.com/teletravail-et-bureau-post-covid-quelle-nouvelle-donne-154440%22%22">télétravail souhaité ou souhaitable varie</a> selon les professions, l’âge, les responsabilités, mais semble également grandement dépendant <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/12/09/l-insecurite-juridique-du-travail-a-domicile_6062709_1698637.html%22%22">de l’offre d’ECW à proximité des lieux de résidence</a> des employés.</p>
<p>L’ECW apparaît donc comme l’occasion de rétablir un lien relationnel et de renouer avec la motivation et la productivité. Par ailleurs, pour satisfaire des cadres plus exigeants, les gestionnaires auront besoin de penser des espaces privatifs personnalisables pour des conversations ou <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/01/30/dans-un-resto-clandestin-un-espace-de-coworking-ou-en-visio-les-teletravailleurs-ont-faim-de-dejeuner-d-affaires_6068193_4500055.html%22%22">des repas d’affaires confidentiels</a>.</p>
<p>Des solutions pour les salariés ayant la reconnaissance de leur <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/12/04/les-cours-a-distance-a-double-tranchant-pour-les-etudiants-handicapes_6062184_4401467.html">qualité de travailleur handicapé</a> devront aussi être proposées. Alors que le principe d’unicité du lieu de travail <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/13/le-travail-chamboule-par-le-covid-19_6052015_3234.html">touche à sa fin</a>, les entreprises clientes exigeront aussi des normes de qualité pour leurs télétravailleurs détachés tantôt en ECW tantôt rapatriés au siège, afin de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/trois-conseils-pour-un-deconfinement-bienveillant-1244475">les fidéliser</a> à l’ère post-coronavirus. La présence d’une crèche, d’une conciergerie ou d’activités de loisirs à proximité constituera donc un atout.</p>
<p>Ainsi, on devrait assister à une démultiplication des énergies collectives en faveur d’ECW offrant des packages de services spécifiques incluant des mutuelles, des assurances, qui recréent des lieux partagés – parfois éphémères – et <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/06/17/l-individu-et-les-nouveaux-collectifs_6043128_1698637.html">des systèmes de solidarités</a> afin de résister à la « tentation d’une <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/05/21/resister-a-la-tentation-d-une-ville-sans-contact_1789042/">ville sans contact</a> », décrite récemment par l’architecte Éric de Thoisy.</p>
<p>Pour survivre, les ECW auront donc eux aussi besoin de s’inscrire dans une hybridité croissante entre le modèle commercial et le modèle du bien commun. L’offre d’ECW pourra ainsi se développer en <a href="https://www.challenges.fr/immobilier/lyon-bouleverse-par-la-pandemie-l-immobilier-de-bureau-veut-se-reinventer_747350%22%22">complément</a>– et non en remplacement – d’une offre d’immobilier de bureau plus classique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divya Leducq a reçu des financements de la Région Centre-Val de Loire pour la recherche COWORK-CVL. </span></em></p>La pandémie a entraîné une baisse brutale de la fréquentation et de la rentabilité des locaux de travail partagés, mais l’activité des gestionnaires est en train de rebondir.Divya Leducq, Maître de conférences HDR en Aménagement et Urbanisme, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1399862020-06-07T18:33:09Z2020-06-07T18:33:09ZCe que les néobanques digitales ont à nous apprendre sur la mutation des lieux physiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339591/original/file-20200603-130917-119at70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C574%2C3918%2C2352&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ce lieu géré par l’entreprise Capital One sert de café, de salle de concert, d’espace de coworking et aussi parfois d’agence bancaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/southbeachcars/44170295960/in/photostream/">Phillip Pessar / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au moment où beaucoup de nos centres-villes se meurent et où la crise économique liée au coronavirus va pousser les organisations à couper les coûts en utilisant toujours plus de digital, des expériences originales tentées par des néobanques ont de quoi nous faire réfléchir.</p>
<p>Nées avec l’ère du digital, ces banques cherchent à mettre en place une vraie complémentarité entre réel et virtuel et travaillent sur la mutation de la fonction des lieux physiques pour recréer du sens, du lien social, de la créativité et de la culture au cœur de la cité.</p>
<h2>Le coronavirus, un choc digital</h2>
<p>La crise du coronavirus a sans conteste accéléré l’adoption du digital dans des sphères très diversifiées : plus d’un million de <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/esante/plus-dun-million-de-teleconsultation-en-avril">téléconsultations médicales</a> en une semaine (6 au 12 avril 2020) contre <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/09/12/teleconsulation-medicale-un-demarrage-timide-des-espoirs-entiers_1750857">60 000</a> avant la crise du coronavirus en France ; 2 millions et demi de clients supplémentaires dans le <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-confinement-a-fait-tomber-les-dernieres-barrieres-au-numerique-1201692">e-commerce</a> ; près d’un tiers des actifs en télétravail au cours des deux mois de confinement ; et 100 % des cours faits à distance dans les universités et les écoles sur cette même période. On peut réellement parler de choc digital.</p>
<p>Les nouvelles technologies apportent beaucoup de solutions opérationnelles intelligentes à même de redéfinir les contours d’un « monde d’après » offrant plus de possibilités d’interactions à distance tout en étant plus économe en déplacements, c’est-à-dire meilleur pour la planète et pour nos emplois du temps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1266026253024399363"}"></div></p>
<p>Néanmoins, des <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-seule-la-reconversion-ecologique-pourra-eviter-la-deshumanisation-du-travail-138008">voix</a> s’élèvent un peu partout dans le monde, pour souligner les dangers du 100 % digital : perte de sens et de repère, rupture de la confiance et du lien social, fragmentation des collectifs (pourtant cruciaux dans la performance des organisations), et enfin perte du capital social (fondamental pour le <a href="https://journals.openedition.org/ei/890">bon développement</a> des territoires et des communautés humaines locales).</p>
<p>Ainsi, comment souvent, c’est dans un juste équilibre entre interactions virtuelles et réelles que réside la solution.</p>
<p>Le cas des néobanques, qualifiées aussi de « pures players » bancaires, c’est-à-dire proposant une offre uniquement par le biais du canal digital, s’inscrit dans cette voie. Certaines d’entre elles, se tournent progressivement vers les lieux physiques et en réinventent la fonction, leur donnant une valeur d’usage nouvelle dans une optique de complémentarité.</p>
<p>Leur expérience est significative, car elle montre que le « 100 % digital » rime avec l’apparition de lieux physiques complètement décalés.</p>
<h2>Rompre avec l’agence bancaire traditionnelle</h2>
<p>Aux États-Unis, où <a href="http://emiboston.com/category/retail-banking/">13 000 agences bancaires</a> ont disparu lors des 10 dernières années, l’entreprise <a href="https://thefinancialbrand.com/61682/capital-one-bank-branch-cafe-design/">Capital One</a> a été l’une des premières à proposer un nouveau concept hybride.</p>
<p>Après la crise financière, cette banque en ligne américaine a commencé par racheter la branche américaine de ING et quelques autres réseaux plus locaux disposant d’agences. On aurait pu penser que la synergie entre ces agences locales bien implantées et une banque digitale constituerait les bases d’une banque équilibrée pour le futur.</p>
<p>Mais, contre toute attente, depuis 2015, la stratégie de One Capital a été de fermer progressivement ses agences bancaires classiques pour ouvrir des espaces très originaux, situés non loin des quartiers d’affaires : les Capital One Cafés.</p>
<p>Entre café (type Starbucks), centre de loisir et de détente, espace de coworking et centre communautaire, ces lieux restent extrêmement éloignés de ce que peut être une agence bancaire. Aux premiers abords, ils ressemblent plutôt à des cafés branchés et studieux mettant à disposition des clients de grandes tables pour travailler en consommant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=738&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=738&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339432/original/file-20200603-130929-jqr7s0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=738&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Programme du mois de décembre 2019 au Capital One Café de Fort Lauderdale en Floride.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Valéry Michaux</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Capital One a mis en place cette stratégie « <a href="https://www.lsa-conso.fr/le-phygital-c-est-quoi,231204">phygitale</a> » dans le but de se positionner au cœur de la communauté des résidents du quartier où elle est implantée et de jouer un rôle auprès de ceux qui y viennent, y vivent ou y travaillent.</p>
<p>Le directeur de cet espace original a des objectifs surprenants : développer des évènements tournés vers la communauté. Chaque semaine y sont organisés gratuitement des cours de yoga, des concerts, des conférences, etc. afin de créer du lien social et de l’animation locale.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TJQWf3BtmI0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Concert organisé au sein d’un Capital One Café à Miami Beach aux États-Unis (Prism Creative Group).</span></figcaption>
</figure>
<p>Attention, il ne s’agit pas d’une opération philanthropique. Ne nous trompons pas. Si vous avez besoin de discuter emprunt, problèmes financiers ou délais de paiement, bien entendu vous pouvez le faire que vous veniez en tant que particulier ou entreprise. L’équipe composée d’anciens conseillers clientèle est là, formée pour vous répondre. Mais l’offre bancaire étant 100 % digitale, les employés n’ont pas pour rôle de prospecter et de vendre des produits bancaires de manière directe.</p>
<p>Il s’agit de créer un lien plus émotionnel avec le client historique ou le prospect en s’offrant une place de choix dans sa vie quotidienne. Il s’agit également pour cette banque de créer un symbole fort en étant physiquement au milieu de la communauté en lien avec la ville et ses problèmes.</p>
<p>Cet espace original présente donc aussi des fonctions d’accueil des associations et des organisations à but non lucratif avec de vrais projets développés en faveur des personnes les plus défavorisées de la ville ou de causes locales identifiées comme sensibles.</p>
<p>Parallèlement, les espaces privatifs de coworking situés au fond de l’espace café servent pour les associations locales en priorité. Si les salles sont libres, les indépendants, consultants, professionnels du quartier ou simples passants peuvent venir y travailler aussi gratuitement.</p>
<p>On compte aujourd’hui une quarantaine de ces espaces originaux aux États-Unis. Ils ont donc pour vocation de continuer à se déployer petit à petit. Les consommateurs du café ne viennent quasiment jamais pour des questions bancaires.</p>
<p>« Nous voulons être parmi les trois banques qui viennent à l’esprit des consommateurs dans quelques années » déclare le directeur de l’espace, ravi d’avoir quitté le monde traditionnel de la banque pour un tout autre métier.</p>
<h2>Une hybridation qui gagne du terrain</h2>
<p>Capital One Café constitue le premier espace de ce type. Mais des lieux physiques multifonctions développés par les banques commencent à apparaître discrètement un peu partout dans le monde. Au Royaume-Uni, Virgin Money a ouvert son huitième <a href="https://uk.virginmoney.com/virgin/about-lounges/#">Virgin Money Lounge</a> à Cardiff. C’est le concept le plus proche de One Capital Café qui a développé les mêmes fonctions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339468/original/file-20200603-130929-14ip9ga.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un espace Virgin Money Lounge à Cardiff.</span>
<span class="attribution"><span class="source">VirginMoney</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>CaixaBank, la banque espagnole a créé ImaginBank, une néobanque uniquement en ligne et <a href="https://www.caixabank.com/comunicacion/noticia/caixabank-launches-imagincafe-a-major-cultural-space-for-millennials_en.html?id=40581">ImaginCafe</a>, un espace en plein Barcelone, qui développe des nombreux évènements quotidiens : concerts, ateliers de création, exposition d’art moderne, etc.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/e_SIt2agzt0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L'ImaginCafe de CaixaBank illustre la dimension culturelle très large de ces nouveaux espaces (imaginCafé, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Plus proche d’une agence bancaire, DBS, une banque régionale située à Singapour a lancé dès 2017 un café-banque nommé <a href="https://payspacemagazine.com/banks/innovative-bank-branches/">Tech Lifestyle Space</a>. Le café est central dans la fonction de cet espace. On peut néanmoins encore reconnaître le comptoir d’une agence bancaire au fond de l’espace.</p>
<p>De même, d’autres établissements financiers se sont lancés dans les cafés hybrides : <a href="https://thefinancialbrand.com/78228/bank-branch-experience-design-photos/2/">Umpqua Bank</a> a ouvert un café-banque à Portland et Halifax un <a href="https://www.eventbrite.co.uk/o/halifax-london-events-17223259745">espace-café évènementiel à Londres</a>. Banco Galicia, qui est considérée comme la plus grande banque d’Argentine, a ouvert également des <a href="https://payspacemagazine.com/banks/innovative-bank-branches/">espaces de coworking</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339469/original/file-20200603-130912-d3qj6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le café-banque Tech Lifestyle Space (TBS Bank – Singapour).</span>
<span class="attribution"><span class="source">DBS</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France, les avancées restent à l’heure actuelle timides. Notre pays reste l’un des premiers en Europe en matière de fermeture d’agences depuis les années 2010. Toutefois, depuis quelques années, différentes banques mènent des réflexions pour convertir une partie des locaux de leurs agences bancaires en espace de coworking.</p>
<p>Le Crédit du Nord a inauguré récemment à Lille un <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/quand-l-agence-bancaire-se-transforme-en-mode-coworking-810544.html">espace de coworking atypique</a> entièrement ouvert, sans bureau individuel ni guichet. La Macif a créé un <a href="https://www.macif.fr/assurance/professionnels-et-entreprises/coworking">lieu</a> également à destination des professionnels.</p>
<p>Les pratiques de ces acteurs traditionnels restent néanmoins encore très éloignées des concepts malins développés par les néobanques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139986/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Michaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En développant de nouveaux lieux hybrides en rupture avec l’agence traditionnelle les banques s’installent progressivement dans la vie quotidienne des citoyens.Valery Michaux, Enseignant-Chercheur - HDR, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273742020-01-13T15:24:55Z2020-01-13T15:24:55ZLe coworking démystifié : les secrets derrière cette petite révolution du monde du travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308912/original/file-20200107-107255-xaz7c3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C5000%2C3323&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'espace de coworking est devenu une solution innovante à la volonté de travailler loin d'un bureau central, sans nécessairement être seul à la maison.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Des espaces de coworking poussent un peu partout dans les grandes villes du monde depuis 15 ans déjà. Mais qu’est-ce qui fait leur popularité ? Pourquoi sont-ils apparus ? Qui sont leurs membres ?</p>
<p>Les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle et les robots amènent les employeurs à repenser les façons de travailler. Les travailleurs veulent aussi plus d’autonomie et de flexibilité. Beaucoup ont choisi le travail autonome afin de fuir les contraintes organisationnelles et de déterminer où et quand ils travailleront. Très populaire, le <a href="http://www.inderscience.com/storage/f453612971111028.pdf">télétravail fait l’envie de nombreux travailleurs</a>.</p>
<p><a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/repenser-travail-2799.html">Les aspirations des travailleurs ainsi que les attentes des employeurs</a> ont donc beaucoup évolué au cours des dernières années. Bon nombre d’employés souhaitent travailler à domicile et d’autres veulent travailler hors d’un siège social d’entreprise, mais avec d’autres personnes, d’où le succès des espaces de coworking.</p>
<p>Mon équipe et moi, spécialistes en gestion des ressources humaines et en sociologie du travail, menons des recherches sur les espaces de coworking depuis les trois dernières années et avons identifié les principales sources d’intérêt et de succès de ces lieux.</p>
<h2>Un lieu neutre et ouvert</h2>
<p>Les espaces de coworking, les <em>fab lab</em> et les <em>living labs</em> sont également appelés <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Great_Good_Place_(book)">tiers-lieux</a>. Le sociologue américain Ray Oldenburg les définit comme des lieux de travail à l’extérieur du bureau ou du lieu habituel de travail, mais aussi hors de la maison, comme c’est souvent le cas pour le télétravail.</p>
<p>Un tiers-lieu est neutre (ni à la maison ni au bureau de l’employeur), ouvert à tous, avec un accès gratuit et sans aucune restriction (en particulier en ce qui concerne les activités). Il doit faciliter les conversations et les rencontres et devrait aussi offrir des salles de réunion et des espaces pour la pause-café, le déjeuner et le dîner. Idéalement, l’endroit doit être régulièrement utilisé par les mêmes utilisateurs.</p>
<h2>Espaces de cocréation ?</h2>
<p>Le premier espace de coworking a été créé en 2005, à San Francisco, pour permettre aux utilisateurs de développer leur créativité, leur esprit d’innovation et leurs idées. <a href="http://www.deskmag.com/en/background-of-the-2017-global-coworking-survey">Leur nombre s’élève maintenant à plus de 14 000</a>. Certains espaces disparaissent tandis que d’autres sont créés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308931/original/file-20200108-107219-1lj817a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">C’est dans la Silicon Valley, à San Francisco, qu’est apparu le premier espace de coworking en 2005.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un espace de coworking permet à ses utilisateurs de partager le même lieu avec le type d’équipement que l’on peut trouver dans un bureau (photocopieur, imprimante, scanner). Les travailleurs peuvent utiliser cet équipement et partager les dépenses en échange de frais de location hebdomadaires ou mensuels.</p>
<p>Les bureaux peuvent être ouverts (aire ouverte) pour faciliter les rencontres fortuites. C’est ce que préfèrent de nombreux travailleurs indépendants, mais les petites entreprises ou les start-up préfèrent souvent les bureaux fermés pour plus de confidentialité. Les deux types de bureaux peuvent se trouver dans un espace de coworking, qui contribue à réduire l’isolement <a href="https://journals.openedition.org/tem/4200">grâce à la présence d’une cuisine ou d’un coin café, où se rencontrent les travailleurs</a>.</p>
<p>Ainsi, l’espace de coworking est devenu une solution innovante à la volonté de travailler loin d’un bureau central, sans nécessairement être seul à la maison. Il est également attrayant pour les travailleurs autonomes qui préfèrent travailler dans un espace où il y a d’autres travailleurs.</p>
<h2>Faciliter le réseautage</h2>
<p>Idéalement, un espace de coworking devrait aller au-delà du partage des frais ou de l’offre de services. Il devrait aussi être un lieu de partage d’idées et de réseautage, et permettre à ses membres de <a href="https://journals.openedition.org/tem/4200">développer une coopération professionnelle</a>.</p>
<p>Certains espaces de coworking rassemblent des catégories particulières de travailleurs, dans le même secteur ou ayant des liens professionnels. Le principe d’un espace de coworking est de louer des espaces de travail, ce qui contribue à réduire les coûts, mais aussi à encourager ce réseautage et cet échange d’idées.</p>
<p>Pour développer cette collaboration, les gens doivent trouver un intérêt commun pour encourager les échanges. Certains espaces mettent l’accent sur une proximité de mission ou de vocation (toutes des entreprises d’économie sociale par exemple), ce qui peut accroître l’intérêt des membres et le désir de collaborer entre eux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308935/original/file-20200108-107249-1c8c8pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des lieux sont prévus dans les espaces de coworking pour favoriser les rencontres, mais ils ne susciteront pas nécessairement la collaboration professionnelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En travaillant ensemble, dans un même espace, les utilisateurs peuvent trouver des solutions communes pour faciliter le partage des connaissances et faire face à un environnement de plus en plus concurrentiel. Même si certains travailleurs autonomes préfèrent travailler seuls, ils ont quand même des gens avec qui partager la pause-café et le dîner, et parfois des idées et des personnes-ressources pour soutenir leur activité et les échanges.</p>
<p>Il n’y a pas toujours de stratégie explicite pour favoriser l’interaction, mais de nombreux espaces ont un animateur dont le rôle est précisément de faire en sorte que les gens se connaissent et finissent par coopérer à la réalisation de projets.</p>
<p>Nos recherches soulignent l’importance des ressources financières, matérielles et humaines disponibles, en particulier en ce qui concerne les ressources d’animation. Un espace créé sans ces ressources est moins susceptible d’encourager le partage des connaissances, la collaboration <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-of-innovation-economics-2019-0.htm">et pourrait même avoir quelques difficultés à survivre</a>.</p>
<h2>Des réalités diverses</h2>
<p>Le coworking est devenu très populaire partout dans le monde, mais il désigne des <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-of-innovation-economics-2019-0.htm">réalités très diverses</a>. En effet, selon la ville ou la région où il apparaît, on trouvera davantage des individus, travailleurs autonomes ou, au contraire, plutôt des petites entreprises ou start-up, qui <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/tiers-lieux-3590.html">ont des objectifs différents en s’y installant</a>.</p>
<p>Les espaces de coworking peuvent être utilisés par des personnes qui veulent une adresse d’affaires plus professionnelle qu’un domicile pour recevoir leurs clients. De plus, elles peuvent souvent disposer d’une grande salle de réunion, offrant un cadre plus formel aux rencontres.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-travailleurs-de-leconomie-des-petits-boulots-se-sentent-seuls-et-impuissants-127494">Les travailleurs de l’économie des petits boulots se sentent seuls et impuissants</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Certains <em>coworkers</em> peuvent utiliser un espace principalement pour bénéficier d’avantages tels que la réduction des coûts, le partage de ressources humaines (soutien administratif) ou d’équipement (imprimante, photocopieur, salles de réunion), ou tout simplement pour le confort et les services (cuisine commune, bonne cafetière, canapés et chaises confortables).</p>
<h2>Peur de la concurrence</h2>
<p>Il peut parfois être difficile d’interagir avec des collègues dans le même domaine. Certains peuvent percevoir ces personnes comme des concurrents et craindre de se faire « voler » des clients. Certains espaces de coworking refusent d’ailleurs d’accueillir des personnes qui pourraient être vues comme des concurrents d’autres membres.</p>
<p>Le travail collaboratif n’est pas toujours possible dans un espace de coworking. En effet, même si cela a souvent été présenté comme un avantage, aucune étude n’a jusqu’ici démontré clairement l’avantage des espaces de coworking pour susciter plus de collaboration. Cela reste à documenter.</p>
<p>En effet, la proximité physique n’amène pas nécessairement une proximité professionnelle, certaines personnes préférant travailler isolément. Ainsi, nous avons observé des espaces qui ont souhaité se spécialiser dans un secteur, le secteur culturel par exemple, mais <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-of-innovation-economics-2019-0.htm">qui ne reçoivent en fait que très peu ou pas de travailleurs dans ce domaine</a>.</p>
<p>Même si le discours ou l’objectif est parfois différent, la plupart des gestionnaires d’espaces de coworking finissent par accueillir toutes les catégories de travailleurs. Des études récentes ont montré que sans cette vision inclusive, il n’y aurait peut-être pas assez de clients pour maintenir l’activité de l’espace, <a href="http://www.deskmag.com/en/take-the-new-2019-global-coworking-survey-everything-you-wanted-to-know-about-coworking">surtout dans les petites villes ou en dehors de la métropole</a>.</p>
<p>Un espace de coworking peut <a href="http://www.deskmag.com/en/take-the-new-2019-global-coworking-survey-everything-you-wanted-to-know-about-coworking">stimuler la créativité, l’innovation</a>, l’initiative et le sentiment d’appartenance à la même communauté, mais cela n’est pas toujours le cas. En fait, les échanges et la collaboration semblent plus faciles entre les travailleurs autonomes qu’avec des employés d’une même entreprise, qui ont parfois tendance à rester entre eux dans un espace de coworking. Par contre, les échanges peuvent souvent être favorisés par la présence d’un animateur.</p>
<p>Les espaces de coworking sont donc diversifiés et suscitent des possibilités de collaboration, mais aussi certains défis (rentabilité, développement des échanges). Quoi qu’il en soit, l’intérêt pour ce type d’espaces est présent dans <a href="http://www.deskmag.com/en/take-the-new-2019-global-coworking-survey-everything-you-wanted-to-know-about-coworking">toutes les grandes villes du monde et aussi dans nombre de petites villes régionales</a>. Il s’agit clairement d’une nouvelle manière de travailler, avec possibilité de favoriser les échanges, la collaboration et le réseautage.</p>
<p>[<em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires</em>. <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127374/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diane-Gabrielle Tremblay a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>Des espaces de coworking poussent un peu partout depuis 15 ans. Diane-Gabrielle Tremblay, chercheure en économie et en sociologie du travail, trace le portrait de cette petite révolution.Diane-Gabrielle Tremblay, Professeure à l'Université TELUQ, Université du Québec, directrice de l'ARUC sur la gestion des âges et des temps sociaux et de la Chaire de recherche du Canada sur l'économie du savoir, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1131352019-03-12T21:05:55Z2019-03-12T21:05:55ZTiers lieux, de quoi parle-t-on exactement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262669/original/file-20190307-82652-16ybyhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C57%2C5514%2C3607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Atelier d'intelligence collective à Medialab Prado.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.medialab-prado.es/medialab/espacios/lab-1">Medialan Prado</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lors d’une rapide recherche sur Internet sur les tiers espaces ou les tiers lieux, on peut trouver des articles publiés sur la toile concernant des espaces culturels tels que des bibliothèques, des résultats sur de nouveaux espaces de coworking, ou ce qui, selon Wikipédia, a été écrit à ce sujet jusqu’à présent.</p>
<p>Tout ceci témoigne du fait qu’il existe un usage excessif et vulgarisé des termes « tiers espaces/lieux », et qu’ils font aussi bien référence à des initiatives commerciales comme le club privé <a href="https://www.thirdspace.london/soho/">Third Space Soho</a>, qu’à la proposition de la chaîne de cafés Starbucks, à des centres culturels publics comme le <a href="https://www.medialab-prado.es/">Media Lab Prado</a> de Madrid, ou le <a href="https://www.thehighline.org/">High Line</a> de New York.</p>
<p>Qu’ont-ils tous en commun ? Pas grand-chose, mais ce qui est vraiment important, c’est qu’ils cherchent tous à favoriser l’interaction des personnes, un élément essentiel à la santé de la vie urbaine contemporaine.</p>
<h2>Bien plus que Starbucks</h2>
<p>Mais approfondissons un peu plus le sujet des tiers espaces. Des théoriciens comme <a href="http://www.aag.org/cs/membership/tributes_memorials/sz/soja_edward">Edward Soja</a> (1996) ou <a href="https://sites.fas.harvard.edu/%7Ehumcentr/about/homi.shtml">Homi Bhabha</a> (2004) ont défini le « tiers espace » non pas comme un lieu physique, mais plutôt comme un espace mental, une façon de définir très précisément la condition des personnes qui vivent dans les villes contemporaines, qui généralement ne sont pas originaires des lieux, et pour qui, par conséquent, l’espace mental n’est ni dans le lieu d’origine ni dans celui d’accueil, mais dans un troisième, mélange des deux précédents et de nombreuses autres circonstances.</p>
<p>Cette notion, peu habituelle lorsque l’on parle des tiers espaces, met bien en évidence le potentiel de la ville dans son ensemble, comme un troisième espace mental où les individus s’exposent à une sorte de sérendipité, à l’émergence de l’inattendu et à la possibilité de découvrir un autre soi différent, qui les transforment et les font se sentir moins étrangers. En définitive, ils définissent l’essence de l’urbanité.</p>
<p>D’un point de vue plus pratique, quelque temps auparavant, dans les années 1980, <a href="https://www.pps.org/article/roldenburg">Ray Oldenburg</a>, professeur émérite de sociologie urbaine, a créé le terme « tiers espace » dans son ouvrage <a href="https://lib.ugent.be/catalog/rug01:001297291"><em>The Great Good Place</em></a> (1989), pour faire la distinction entre le premier lieu, à savoir le domicile, et le second, qui est l’espace de travail. Entre les deux, Oldenburg a défini un troisième espace complémentaire, consacré à la vie sociale de la communauté, où les gens pouvaient se rencontrer, se réunir ou interagir de manière informelle.</p>
<p>Cette acception est celle qui a le plus contribué à l’utilisation du terme « tiers lieux », ou « tiers espaces », parce qu’elle parle de leur nécessité et de la réponse concrète qui, soit de manière dirigée, par le biais de l’administration publique (la <a href="http://www.bordeaux.fr/p54040/biblioteca-municipal-de-burdeos">bibliothèque Mériadek à Bordeaux</a>, soit par le biais d’initiatives privées (<a href="https://www.boxpark.co.uk/">Box Park</a>, au Royaume-Uni), a donné lieu à un nombre croissant d’espaces d’intermédiation culturelle avec des approches plus ou moins éphémères : musées, centres culturels, fab lab, hackerspaces.</p>
<p>Il s’agit, dans tous les cas, d’espaces où les usagers peuvent contribuer à la création culturelle et à sa diffusion, en partageant cette responsabilité qui était auparavant réservée aux élites créatrices/productrices, et qui s’est désormais démocratisée. Ce sont des espaces incluant également des zones de loisirs, où il est possible de manger et boire, avec des cafés, des bars ou des cuisines communes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260984/original/file-20190226-150708-3p168z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Matadero Madrid, qui fait partie de la mairie de Madrid, est un grand laboratoire de la création interdisciplinaire actuelle liée à la ville, un espace général d’échange d’idées sur la culture et les valeurs de la société contemporaine, ouvert à tous les domaines de la création, dans le but de favoriser la rencontre et le dialogue entre créateurs eux-mêmes et entre créateurs et public.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Madrid_-_Matadero_Madrid_(36176921135).jpg">Fred Romero/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit là d’éléments que la plupart des nouveaux espaces de travail ont également inclus dans leurs propositions pour attirer une force de travail. Les « millennials » apprécient notamment de plus en plus d’aller travailler pour interagir avec des personnes, comme le révèle une <a href="https://www.manpowergroup.com/wps/wcm/connect/660ebf65-144c-489e-975c-9f838294c237/MillennialsPaper1_2020Vision_lo.pdf?MOD=AJPERES">étude récente</a> de la société de ressources humaines Manpower.</p>
<p>Le seul risque ici peut être que l’on soit envahi de propositions si peu différenciées les unes des autres que toutes se ressemblent, et que l’on perde l’essence qui était précisément recherchée, à savoir la légitimité de l’authenticité.</p>
<h2>Instagram, la nouvelle salle de séjour</h2>
<p>Dans un monde où le physique et le numérique convergent progressivement sans différenciation et où la <a href="https://www.efeempresas.com/noticia/implantacion-5g-espana/">5G</a> présente des possibilités d’ubiquité sans précédent, il conviendrait de savoir quel rôle jouent comme tiers lieux les environnements virtuels, depuis les jeux vidéo jusqu’au réseau social Instagram.</p>
<p>Avons-nous besoin de nous rendre dans un espace physique pour combler notre besoin d’interaction si nous pouvons le faire en restant assis sur notre chaise de <em>gamer</em> depuis notre salle de séjour ? Et, qui plus est, dans des environnements urbains où la mobilité est considérée comme un service de base, qui nous permet de nous déplacer sans interrompre ce que nous faisons, que ce soit travailler ou discuter avec nos proches… quel rôle remplissent les nouveaux acteurs de la mobilité, comme Lyft, Uber ou Cabify ?</p>
<p>Il est très probable que les plus jeunes, qui seront nés avec le cloud et la 5G, accèdent au tiers espace <em>any time, anywhere</em>, sans avoir besoin de ces lieux d’interaction spécifiquement conçus. Cela modifierait toute la logique autour de la salle de séjour urbaine où se produit un dialogue avec autrui. Nos villes doivent être prêtes à relever ce défi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cristina Mateo Rebollo no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Ce n’est ni l’endroit où vous vivez, ni l’endroit où vous travaillez. Les troisièmes espaces cherchent à favoriser l’interaction sociale, nécessaire à la santé de la vie urbaine contemporaine.Cristina Mateo Rebollo, Executive Director, IE School of Architecture and Design, IE UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/992162018-07-12T22:10:44Z2018-07-12T22:10:44ZMobile home office : cadres le jour, campeurs le soir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227365/original/file-20180712-27012-v3giz7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C312%2C3224%2C2120&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le drapeau noir flotte chez Loïc, cadre la journée et campeur le soir.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hélène Michel/DR</span></span></figcaption></figure><p>Ils sont managers, chercheurs ou consultants. Ils ont un « vrai » logement avec tout le « confort moderne ». Et pourtant, ils décident de s’en détacher pendant un moment et s’installent, pour un à six mois, dans un camping à quelques kilomètres de chez eux. Le matin, ils se lèvent pour aller au bureau et le soir ils déconnectent en rentrant dans leur mobile home, leur caravane ou leur tente. Ils ne veulent pas être considérés comme touristes. Ils vivent, pendant un moment, à la frontière du système.</p>
<p>À quoi correspond cette nouvelle pratique de quête de frugalité, quelles en sont les étapes et les rituels ? Petite approche sociologique du camping comme lieu d’évasion professionnelle…</p>
<h2>Etape 1 : De la solution de secours à la micro-aventure</h2>
<p>Tout commence souvent par un incident, un dérapage dans un système bien huilé. Le recours au camping s’annonce alors comme solution de secours.</p>
<p>Loïc, en couple, quinquagénaire et père de 3 enfants (maintenant adultes), installe sa caravane devant le lac, d’avril à fin septembre depuis… 15 ans. Il est cadre dans une société d’informatique :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a 15 ans, je vivais à 60 km de là. Je faisais les aller-retour tous les jours pour venir travailler. Cet été-là, mes parents ont annoncé qu’ils venaient passer 15 jours avec nous. Moi je travaillais. Et dans l’appartement, l’été, au chaud, si nombreux, c’était pas envisageable. Alors on a découvert ce camping, à côté de mon boulot. Et on y est venus tous ensemble. »</p>
</blockquote>
<p>Cette solution de secours se présente parfois comme une forme de micro-aventure, une <a href="http://www.id-tourisme.fr/?s=micro+aventure">tendance touristique</a> émergente.</p>
<p>Lorsque l’envie de partir à l’aventure autour du monde est contrariée par des impératifs de temps, de budget ou de contraintes personnelles ou professionnelles, la micro-aventure suggère des alternatives courtes, locales, peu coûteuses, low-tech et dans le même esprit. Il s’agit, par exemple, de nuit en bivouac en semaine ou de nage en rivière, le tout conciliable avec horaires de bureau et vie de famille.</p>
<p>Elle s’applique en zone rurale tout comme milieu urbain en proposant, par exemple, de descendre la Seine en <a href="https://www.chilowe.com/">paddle</a>. L’entreprise Red Bull, intéressée par les pratiques sportives extrêmes ou alternatives, se penche également sur le <a href="https://www.redbull.com/au-en/alastair-humphreys-microadventure">sujet</a>.</p>
<p>C’est une « petite aventure faisable, pour des gens normaux avec une vraie vie », comme le dit <a href="https://www.alastairhumphreys.com/microadventures-landing/">Alastair Humphreys</a>, son promoteur. L’Ici est réenchanté.</p>
<p>Puis le rythme s’installe et l’aventure grandit… Pour Loïc, le cadre campeur :</p>
<blockquote>
<p>« La première année, c’était trois semaines, dans une tente. La deuxième année, cinq semaines. La troisième année, on a changé de coin, dans le camping, pour un meilleur emplacement. On s’est mis plus près du lac. Toujours avec la tente. Sous un arbre. Le chat était ravi. Il pouvait y grimper. La quatrième année, on a pris une caravane et on s’est installé pour la saison, c’est-à-dire six mois. Et on a fait cela tous les ans pendant 11 ans. On a déménagé notre véritable logement à 10 km du camping, mais on a continué à venir y passer six mois par an. »</p>
</blockquote>
<h2>Etape 2 : L’élaboration d’un mode de vie avec ses rituels</h2>
<p>C’est une forme de migration d’agrément : on décide de vivre sur un lieu en fonction de ses loisirs, en organisant son travail à partir de là. Habiter à l’année, voire toute l’année dans une ambiance de vacances attire ainsi de nombreux nouveaux habitants dans des espaces privilégiés où s’hybrident les espaces de vie et les espaces récréatifs.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6KDw1_qGSD4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Ici, la migration d’agrément est temporaire et saisonnière. Elle s’accompagne d’une rupture avec le mode de vie du reste de l’année, tout en maintenant le rythme professionnel. Il s’agit d’un ailleurs de proximité qui peut permettre de tester un mode de vie alternatif.</p>
<p>Les caractéristiques de cette migration sont :</p>
<p><strong>La déconnexion :</strong> La première chose recherchée est une rupture avec un mode de vie jugé rapide et ultra connecté. Au camping, on ralentit. Pour Loïc :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on est ici, on n’a pas de télé, pas d’écran. On écoute un peu la radio le latin. On joue. Et c’est le seul moment de l’année où je lis. Cela apporte de la sérénité, du calme. On déstresse. »</p>
</blockquote>
<p><strong>L’ensauvagement :</strong> La présence d’un élément naturel fort, tel que la mer, la montagne, le lac joue un rôle clé dans cette déconnexion. À la fois comme potentiel d’activités (randonnée, baignade, etc.) mais aussi pour la puissance du paysage et le contact direct avec les éléments :</p>
<blockquote>
<p>« À quoi on voit que je vis différemment ? Au bronzage. On me dit : vous étiez en vacances ? Non. Je vis en extérieur. »</p>
</blockquote>
<p>Et la météo fait aussi partie de l’aventure :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut qu’il neige pour qu’on rentre dormir chez nous… et encore ! Une année, le 1<sup>er</sup> mai, il a neigé 15 cm au bord de l’eau. On n’a pas bougé. Une autre année, l’eau du lac est montée. On a été inondé. On a déplacé la caravane… mais on est resté ! »</p>
</blockquote>
<p><strong>La frugalité :</strong> En changeant d’habitat, on change de conditions de vie. Dans le cas du camping, il s’agit, explique Loïc, de limiter les aspects matériels et vivre plus frugalement :</p>
<blockquote>
<p>« Vivre dans 12m<sup>2</sup>, c’est aller à l’essentiel. Tout est resserré. Tu es obligé de limiter. Être minimaliste. Choisir ce que tu emmènes : tes vêtements, tes livres. En même temps la baignoire est grande (en montrant le lac). »</p>
</blockquote>
<p><strong>Des vacances par porosité :</strong> Vivre sur un lieu de loisirs ou de villégiature, lorsque l’on travaille, semble diffuser, par porosité, une ambiance positive. Pour Loïc :</p>
<blockquote>
<p>« Tous les gens qui sont là sont en vacances. Donc on est en vacances. Il y a une ambiance conviviale, le soir on s’invite pour l’apéro sur de grandes tablées. Mais moi, je travaille. Je ne peux pas faire cela tous les soirs. Donc j’explique que je garde cela pour les week-ends. Le soir, je pars en paddle, je me baigne. Mais pas tous les jours. »</p>
</blockquote>
<p>La notion de <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2018/06/15/le-wifi-est-dans-le-pre_5315713_4497319.html">workation</a> se développe également selon ce principe d’hybridation des temps et lieux de travail et de vacances, en permettant aux nomades digitaux de se retrouver en mode coworking dans des lieux de vacances.</p>
<p><strong>Le déplacement du centre de gravité :</strong> Plus de connexion, peu de tâches ménagères… Les priorités sont redéfinies. Le temps s’étire :</p>
<blockquote>
<p>« Une fois qu’on est installé ici, on a tendance à faire moins de choses. On a du mal à sortir. Il faut se forcer. On n’a plus envie. On se coupe un peu du monde. »</p>
</blockquote>
<h2>Etape 3 : flirter avec la frontière du système ?</h2>
<p><strong>Être dans l’entre-deux…</strong></p>
<p>Cette pratique d’ensauvagement brouille les frontières entre travail et loisirs, quotidien et vacances. Cet entre-deux renvoie <a href="http://www.tgjournal.com/liminal-landscapes.html">à la liminalité</a>, le seuil, la suspension entre deux états où les règles sociales courantes n’ont plus cours et où la socialité se recompose en créant des « communautas » temporaires et fortes.</p>
<p>Des relations intenses inattendues se nouent puis meurent avec le retour à la vie normale. Pour Loïc :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis dans un milieu de cadres. Ils ne comprennent pas. Le camping, cela a une image de beauf. On passe pour des doux dingues… jusqu’à ce qu’ils viennent. Et là ils comprennent. »</p>
</blockquote>
<p><strong>… Ou sauter le pas ?</strong></p>
<p>Au-dessus de sa caravane, Loïc a hissé un drapeau pirate avec une tête de mort :</p>
<blockquote>
<p>« C’était mon cadeau de fête des pères. À ce moment-là, tout le monde avait des drapeaux dans le camping, de son pays. Il y avait une coupe de foot. Cela m’a énervé. J’ai hissé le drapeau pirate. La piraterie, c’est un « modèle » de vie. Égalitaire, auto-géré, libre. Mais il y a des gens qui n’ont pas aimé au camping. Ils ont eu peur, se sont plaint. Alors que cela n’est pas le but. Le principe de la tête de mort, c’est se rappeler qu’on peut mourir à tout moment. Il faut vivre. Bien, et maintenant. C’est une idéologie. »</p>
</blockquote>
<p>Pour lui, cet entre-deux est un prélude à un changement de vie plus radical :</p>
<blockquote>
<p>« Cela pourrait être mon mode de vie tout le temps. La suite ? On envisage une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/portfolio/2016/12/10/vivre-dans-une-tiny-house-ces-maisons-minuscules-qui-offrent-une-grande-liberte_5046886_3244.html"><em>tiny house</em></a>. Voire de vivre en communauté. »</p>
</blockquote>
<p>Mais sauter le pas en vivant et habitant de façon alternative n’est pas chose simple, que cela soit en termes de normes sociales ou réglementaires. Selon Loïc :</p>
<blockquote>
<p>« Le système ne veut pas qu’on vive en mode léger. Les mentalités, le PLU, la législation, etc. tout va à l’encontre de cela : tu ne peux installer une “tiny house” que sur une zone non constructible. Tu dois démontrer que tu peux la déplacer tous les trois mois, photos à l’appui. Donc il faut trouver un paysan qui te loue un champ, parce que sur les zones constructibles, tu n’y a pas droit. Bref, le système fait tout pour éviter les comportements alternatifs. Il faut trouver la faille. »</p>
</blockquote>
<p>Mais alors, ces cadres campeurs, que font-ils pendant les vacances ? Et là, c’est une forme de mise en abîme. Pour Loïc :</p>
<blockquote>
<p>On a une autre caravane, plus petite alors on part en vacances ailleurs, dans un autre camping, vers la mer. C’est drôle, on part du camping et les gens nous disent : Bonnes vacances ! »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/99216/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ils ont un appartement, un travail et des responsabilités… et décident de s’installer au camping. Petite approche sociologique du camping comme lieu d’évasion professionnelle.Hélène Michel, Professeur - Serious Games & Innovation Management, Grenoble École de Management (GEM)Dominique Kreziak, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/958042018-05-21T21:57:27Z2018-05-21T21:57:27ZQuelle politique européenne pour les tiers lieux méditerranéens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219738/original/file-20180521-14950-1y1i6x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C149%2C2000%2C1176&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Restitution finale du projet COWORKMed à Zagreb, avril 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">COWORKMed</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le projet <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/">COWORKMed</a> est un partenariat européen de recherche pluridisciplinaire, qui vise à mieux comprendre l’enjeu et la portée des espaces de coworking dans les territoires de cinq pays européens : France (région PACA), Espagne (Catalogne), Italie (région Toscane), <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/fileadmin/user_upload/Sites/Social_and_Creative/Projects/COWORKMED/2.2.2_Greece.pdf">Grèce</a> et Croatie. Le projet a débuté en décembre 2016 pour s’achever en avril 2018.</p>
<h2>Définir, recenser et cartographier</h2>
<p>Porté par l’<a href="https://www.avitem.org/fr/projet/coworkmed-recherche-sur-l%E2%80%99innovation-sociale-des-clusters-de-coworking">AVITEM</a> (Agence des Villes et Territoires Méditerranéens Durables) et <a href="https://ied.eu/">plusieurs partenaires européens</a> – Barcelona Activa SA SPM (Espagne), IRIS Research Institute s.r.l (Italie), Conseil Régional Sud Provence-Alpes-Côte-D’azur (France), Zagreb Development Agency (Croatie), Barcelona International Business Incubator (Espagne) – le premier objectif du projet a été de définir la notion d’espace de coworking. Après de nombreux échanges, notamment quant à la place de la notion de territoire, les partenaires se sont accordés sur la définition suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Un espace de coworking est un espace physique dont l’objet est de construire et de mettre en œuvre une dynamique communautaire entre des usagers souhaitant bénéficier des relations collaboratives, ouvertes et durables. Pour atteindre ces objectifs, les espaces de coworking organisent des évènements et des activités favorisant les échanges et les apprentissages mutuels et en développant des interactions avec d’autres centres ou services. »</p>
</blockquote>
<p>À partir de cette définition, les partenaires ont cherché à <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/fileadmin/user_upload/Sites/Social_and_Creative/Projects/COWORKMED/3-3-1_-_Coworkmed_Census.pdf">recenser</a> les espaces de coworking grâce à la mise en œuvre d’une cartographie collaborative. Plus de 320 espaces de coworking ont été identifiés sur les territoires du projet COWORKMed, avec une forte concentration en Catalogne (plus de 150 espaces). La création de ces espaces est récente (depuis 2012) et majoritairement portée par des acteurs privés (66,7 %). Ces espaces représentent 2,3 % des espaces de coworking à travers le monde (COWORKMed, 2018).</p>
<p>Ce <a href="https://livemap.getwemap.com/iframe.php?emmid=6326&token=JOQ39BO9ZT34EQAI4TVUH9ULS#/search@43.72552940054183,9.552607327980922,6">travail de recensement</a> a permis de prendre conscience de l’extrême diversité des espaces de coworking, qui se déploient sous des formes multiples : fab lab, maker spaces, living labs, tiers lieux, business factory, laboratoires d’innovation publique, etc. Les partenaires du projet ont par conséquent décidé de ne pas figer la notion de coworking pour la laisser ouverte à de nouvelles opportunités, en lien notamment avec le développement des tiers lieux. Le nombre de tiers lieux devrait en effet croître dans les prochaines années en lien avec la croissance continue des indépendants, la transformation des économies (économie de la connaissance, économie collaborative, économie numérique…) et l’émergence d’un cadre incitatif et normatif favorisant le <a href="http://www.lemonde.fr/emploi/article/2017/09/12/la-reforme-du-code-du-travail-favorise-le-teletravail_5184562_1698637.html">télétravail</a>.</p>
<iframe width="100%" height="600" src="https://livemap.getwemap.com/iframe.php?emmid=6326&token=JOQ39BO9ZT34EQAI4TVUH9ULS#/search@43.72552940054183,9.552607327980922,6)" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<h2>Identifier les externalités et les besoins des tiers lieux</h2>
<p>Un second objectif de l’étude consistait à identifier les bénéfices socioéconomiques, environnementaux et territoriaux de <em>coworking spaces</em>. Des rapports ont été produits démontrant de la capacité des tiers lieux à augmenter la production et la performance des entreprises, des salariés et des collaborateurs. Ils autoriseraient également un accroissement de la qualité de vie, tout en stimulant les transformations du marché du travail, [ les <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/">collaborations et les processus d’innovation</a>. D’autres études ont cherché à objectiver l’apport des tiers lieux sur la réduction des distances de déplacement domicile-travail, les émissions de gaz à effet de serre ou la diminution de la charge des transports publics en période de forte affluence.</p>
<p>Pour accroître cet impact des tiers lieux sur les territoires, l’étude COWORKMed a aussi fait part de la nécessité de structurer une action publique en faveur de la création et du développement des tiers lieux. Les porteurs de projet ont souvent exprimé des besoins en termes de régulation, de mise en réseau et d’accompagnement financier et méthodologique. Du point de vue des méthodes, les responsables des coworking spaces et les acteurs publics semblent insuffisamment outillés pour mesurer les externalités des tiers lieux. </p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hvCFQ09nCD0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les études produites sur les externalités s’appuient encore davantage sur des hypothèses que sur des données quantitatives et qualitatives, à même d’évaluer et d’objectiver les phénomènes observés. Par ailleurs, des besoins en termes de structuration des réseaux de tiers lieux sont apparus, afin de mutualiser les ressources et d’accroître la visibilité et l’attractivité des espaces de coworking. Il semble indispensable d’accompagner le développement des réseaux de tiers lieux à l’image des réseaux <a href="https://fr-fr.facebook.com/eucoworknet/">European Coworking Network</a>, Cowocat (Associaci – Coworking de Catalunya) ou <a href="https://arize-leze-europe.org/coworking-pyrenees-en-cours/">Cowopy</a> (Coworking Pyrénées). Précisons que ces deux derniers réseaux ont été eux-mêmes des projets européens à « durée limitée ».</p>
<p>Enfin, l’étude a démontré de la nécessité d’accroître l’ancrage des tiers lieux dans leurs écosystèmes territoriaux et d’innovation. La performance des tiers lieux est selon l’économiste Raphaël Suire fortement dépendante de leur capacité à s’encastrer dans les territoires. Une perspective qui reste à conforter et à coupler avec l’enjeu du maillage des territoires et de développement de tiers lieux dans les circonscriptions de plus faible densité (espaces ruraux et périurbains). À l’exception de la région PACA, les tiers lieux des régions CoWorkmed sont, pour plus de 80 % d’entre eux, implantés dans les agglomérations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Restitution finale du projet COWORKMed à Zagreb, avril 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Préfigurer une action publique européenne</h2>
<p>À travers l’organisation de différents ateliers à Zagreb, Florence, Marseille et Barcelone, un troisième objectif du projet COWORKMed a consisté à penser une action publique européenne favorable aux tiers lieux. Quelle politique publique mettre en place pour accompagner des espaces multifonctionnels et intermédiaires, fonctionnant souvent avec des modes d’organisation horizontaux ? De ce point de vue, quatre grands chantiers ont été identifiés :</p>
<ul>
<li><p>Accompagner la création et le développement de coworking spaces dans les territoires de faible densité (aide à l’amorçage des projets, subventions à l’investissement attribuées après appels à projets et en complément d’aides régionales, etc.). L’effet levier des espaces de coworking pour le développement de ces territoires peut s’avérer déterminant et notamment du point de vue de la réduction des déplacements domicile-travail, et de la revitalisation de territoires périphériques et de centre-bourgs (faire vivre des services de proximité en retenant/attirant les travailleurs indépendants, salariés ou néo-ruraux sur les territoires).</p></li>
<li><p>Accompagner la création et le développement de réseaux de coworking spaces et de tiers lieux à l’échelle méditerranéenne, afin de mieux connecter les tiers lieux entre eux et avec leurs écosystèmes territoriaux et d’innovation, les outiller (mutualisation des méthodes), les rendre davantage lisibles et visibles par une communication commune et ciblée, et stimuler la demande par des actions des lobbying (par exemple, la sensibilisation des employeurs aux pratiques du télétravail). À terme, une réflexion sur la création d’un label « tiers lieux méditerranéens » pourrait être ouverte.</p></li>
<li><p>Faire des tiers lieux des supports d’une politique publique européenne plus agile et plus proche des territoires et des citoyens. Les tiers lieux peuvent constituer des espaces privilégiés pour co-construire et tester de nouvelles politiques publiques européennes. Par ailleurs, une réflexion pourrait être ouverte quant à l’usage des espaces de coworking par les agents de l’Union européenne et ses partenaires, afin d’intégrer une culture des tiers lieux au sein même des administrations de l’UE (travail collaboratif, gouvernance horizontale, culture numérique…).</p></li>
<li><p>Lancer un appel à projet européen pour soutenir les espaces de coworking et les tiers lieux ayant un impact direct sur les transitions, qu’elles soient économiques, numériques, écologiques, sociales, organisationnelles ou encore territoriales.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Workshop organisé à Marseille le 20 février 2018 au Mars Medialab.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>On le voit, ces différents chantiers ont été pensés dans le cadre d’une action publique européenne facilitatrice et non prescriptrice. L’état d’esprit des tiers lieux semble en effet peu compatible avec la conception d’une politique publique verticale et descendante, où l’acteur public aurait un rôle central en termes d’impulsion, de coordination, de labélisation, de financement et d’arbitrage. </p>
<p>L’enjeu est moins d’affirmer une politique de planification top-down d’espaces de coworking, qu’une action publique à-même de créer les conditions d’émergence et de développement de coworking spaces, et de s’inscrire dans « intervention de type environnementale », pour reprendre une formule de Michel Foucault. Un autre enjeu est de traiter de manière concomitante les questions d’innovation sociale et organisationnelle au sein de l’UE et celles que l’UE promeut sur les territoires à travers ses politiques publiques. À cet égard, l’usage régulier des tiers lieux par les agents de l’UE, pourrait permettre d’accompagner l’Union européenne dans la transformation de ses postures et de ses modes de faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95804/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Besson est Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Université Grenoble Alpes</span></em></p>Plus de 320 espaces de coworking ont été identifiés sur les territoires du projet COWORKMed.Raphaël Besson, Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928882018-04-11T23:06:54Z2018-04-11T23:06:54ZLa créativité aussi se manage, surtout dans les grandes entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/214309/original/file-20180411-584-g7hru0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C449%2C5882%2C2998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fab labs, open labs, tiers-lieux... Autant d'endroits où se développe la créativité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/pleasant-students-using-3d-printer-414455506?src=Piq7roIIRQGNuwj6yApT0Q-1-17">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans un environnement turbulent en perpétuelle et rapide évolution, la préservation de la compétitivité des grandes entreprises passe par le renouvellement de leurs approches. À ce titre, la créativité est essentielle. Elle permet de produire des idées nouvelles, en décalage par rapport aux schémas existants au sein l’organisation, tout en étant utiles à son activité. Pour développer cette créativité en entreprise, il est nécessaire de mettre en place des capacités dédiées, constituées d’un ensemble de dispositifs et ressources dont le fonctionnement s’éloigne des routines de l’organisation. Comment s’y prendre ?</p>
<h2>La montée en puissance des <em>open labs</em></h2>
<p>Ces dernières années, les grandes entreprises ont multiplié les initiatives destinées à améliorer la créativité de leurs salariés. En France, cette tendance s’est traduite par la mise en place par les grands groupes de nombreux laboratoires d’innovation ouverte ou <a href="http://www.newpic.fr/02group2015openlabsdownload.html"><em>open labs</em></a>. De nouvelles méthodes d’exploration, centrées sur l’expérience usager, ont ainsi été introduites, facilitant l’adoption de <a href="https://www.forbes.fr/management/les-intrapreneurs-a-la-conquete-de-lentreprise/">comportements d’intrapreneurs</a>, permettant de travailler autrement sur des projets nouveaux pour l’entreprise.</p>
<p>À travers une série de travaux sur les <em>open labs</em> d’entreprises, nous avons pu identifier les challenges liés au management de la créativité dans les entreprises établies, et construire des comparaisons qui dépassent les spécificités sectorielles.</p>
<h2>Manager la créativité : une approche renouvelée de la gestion des connaissances</h2>
<p>Les dispositifs favorisant la créativité visent à gérer les connaissances selon des principes opposés aux approches traditionnelles existant dans l’entreprise. <a href="http://www.managementinternational.ca/catalog/developper-des-capacites-hautement-creatives-dans-les-entreprises-le-cas-des-laboratoires-d-innovation-ouverte.html">Manager la créativité dans un grand groupe</a> revient à organiser les dispositifs autour de trois logiques complémentaires :</p>
<p><strong>Accéder des connaissances variées, éloignées des expertises de l’organisation</strong></p>
<p>Fondée sur un principe d’innovation ouverte, cette approche suppose de construire des partenariats avec des acteurs nouveaux (start-up, <a href="https://www.forbes.fr/management/les-tiers-lieux-s-imposent/">tiers lieux</a>, etc.), ainsi que de disposer d’équipes dont les principales qualités sont l’ouverture d’esprit, la curiosité, voire la possession d’une double spécialisation. Le <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/bouygues-fait-de-son-e-lab-le-fer-de-lance-de-sa-transformation-numerique.N389489">e-lab</a> de <a href="https://www.bouyguestelecom.fr/">Bouygues</a> a par exemple construit un partenariat avec le <a href="https://www.ideas-laboratory.com/">Ideas Laboratory</a> de Grenoble. </p>
<p>Cette collaboration permet d’accéder à de nouveaux domaines d’expertise : collaborer avec des grands groupes de secteurs différents, des étudiants issus de multiples formations (ingénieurs, sociologues, architectes, designers…) ou des entrepreneurs. Bouygues se donne ainsi les moyens de réfléchir sur des thématiques futures telle que la ville intelligente. Cette solution permet de casser les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-177235-de-lentreprise-en-silos-a-lentreprise-plateforme-bienvenue-dans-lere-de-lentreprise-intelligente-2138848.php">silos organisationnels</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/m2AW1qQ-nAQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Tiers-lieux, fab lab, living labs, espace de co-making ou de co-working : quelques exemples.</span></figcaption>
</figure>
<p><strong>Articuler les nouveaux champs de connaissances pour stimuler la créativité</strong></p>
<p>Il ne suffit pas d’accéder à des connaissances nouvelles, il faut également développer des méthodes de créativité (<a href="https://theconversation.com/reapprendre-a-setonner-et-a-innover-avec-le-design-thinking-83164">design thinking</a>, <a href="http://parisinnovationreview.com/article/la-theorie-c-k-ou-comment-modeliser-la-creativite">C-K</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2006-1-page-79.htm#pa16">méthode des « six chapeaux » d’Edward de Bono</a>…), et savoir matérialiser très vite les idées proposées pour évaluer rapidement la valeur des nouveaux concepts. Parmi les outils clés, la gestion de l’espace physique, les outils de prototypage, la sociologie, le design et l’<a href="http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethnographie/31410">ethnographie</a> facilitent la construction de nouvelles formes de multidisciplinarité et de réflexivité des équipes. Ils permettent de créer des ponts entre les différents mondes dont sont issus les individus impliqués.</p>
<p>Au sein des entreprises, ce type d’approche modifie complètement les démarches fondées sur des processus très structurés comme le <a href="https://www.stage-gate.com/resources_stage-gate.php"><em>stage gate process</em></a>. Ainsi, le <a href="http://www.groupeseb.com/fr/content/politique-et-enjeux">Seblab</a>, fondé par le groupe SEB, permet à l’entreprise de construire des projets sur un mode multidisciplinaire. Il ne se substitue pas aux processus structurés, mais apporte des capacités nouvelles et complémentaires aux équipes en charge du développement de nouveaux produits.</p>
<p><strong>Préserver la redondance des idées produites</strong></p>
<p>Toutes les idées nouvelles et originales ne seront pas exploitées par l’entreprise, mais elles constituent une source d’apprentissage pour l’organisation. Elles pourront être remobilisées ultérieurement dans d’autres projets. Préserver la mémoire des idées produites permet alors d’éviter de réinventer la roue à chaque nouvelle exploration. L’enjeu est majeur, mais complexe à traiter. Il repose sur des dynamiques de communautés (favoriser et soutenir les échanges autour des projets passés) et des actions de communication (construire la communication de l’entreprise autour des projets de créativité). Dans bien des cas, il s’agit aussi de codifier les idées pour construire une bibliothèque d’idées créatives mobilisables par l’entreprise : mettre en place des <a href="http://eduscol.education.fr/ecogest/ressources/outils-collabor/le_wiki_pour_travail">wiki</a> sur les projets réalisés, préserver et stocker les prototypes, filmer les pitches des projets. Le <a href="http://ilab.airliquide.com/">i-Lab</a> d’Air Liquide et les <a href="https://3dexperiencelab.3ds.com/fr">Ideas Lab de Dassault Systèmes</a> (3DS) sont emblématiques d’une politique active de capitalisation des idées produites.</p>
<p>Grâce à la mise en place d’un lieu, l’<em>open lab</em>, permettant de construire une « fluidité organisationnelle » et de favoriser les rencontres entre spécialistes différents, les entreprises peuvent désormais mobiliser rapidement des ressources. Développer leur créativité n’est plus une difficulté majeure pour elles. En revanche, l’inscription de ces initiatives dans la durée représente un nouveau défi majeur pour le management. Ce défi se matérialise par deux challenges.</p>
<h2>Premier challenge : gérer « le bazar dans la cathédrale »</h2>
<p>La relation entre l’<em>open lab</em> et le reste de l’entreprise repose sur un subtil équilibre. Bernard Lledos, <a href="https://www.ccmp.fr/collection-ccmp/cas-i-lab-dair-liquide-manager-la-creativite-dans-les-grandes-entreprises">responsable du I-Lab d’Air Liquide</a>, précise que, par rapport au groupe, le i-Lab <a href="http://docplayer.fr/56673691-Le-livre-blanc-des-open-labs.html">est un satellite qui</a></p>
<blockquote>
<p>« […] doit être sur une orbite géostationnaire. C’est-à-dire que si on est trop près de la Terre, la Terre étant le groupe et la maison mère, on va se faire rattraper, s écraser et se retrouver au contact d’eux. Par contre si on part de l’autre côté trop loin on va être complètement perdu, satellisé, plus de communications possibles avec le groupe. »</p>
</blockquote>
<p>Les <em>open labs</em> sont des dispositifs atypiques dans l’organisation. Ils apportent un degré de liberté et de « bazar » dans un univers très structuré et contrôlé, « la cathédrale » qu’est l’entreprise. L’autonomie reste la clé, à condition de ne pas se déconnecter des préoccupations de l’entreprise. Le management y est fondé sur le leadership et l’effet d’entraînement des équipes ; il n’est pas basé sur le contrôle.</p>
<h2>Second challenge : construire et piloter l’exploitation des idées créatives</h2>
<p>Le second challenge est indéniablement lié à la capacité de l’entreprise à transformer en valeur les idées nouvelles. Au-delà de la mise en place de nouvelles capacités destinées à produire de nouvelles idées, le défi pour les grandes entreprises, est d’acquérir des <a href="https://www.wiley.com/en-us/Dynamic+Capabilities%3A+Understanding+Strategic+Change+in+Organizations-p-9781405135757">capacités dynamiques</a> leur permettant de l’exploiter rapidement les résultats de leur créativité nouvelle. L’exploitation des idées créatives représente un challenge particulier lorsque leur exploitation modifie le <em>business model</em> de l’entreprise ou impacte ses compétences. Tout l’enjeu pour l’organisation est donc d’acquérir une agilité lui permettant de réorganiser rapidement ses ressources et partenariats. Il s’agit de faire percoler le nouvel état d’esprit dans le reste de la structure.</p>
<h2>Préserver les soutiens de l’<em>open lab</em>, condition <em>sine qua none</em> à sa survie</h2>
<p>Le risque majeur pour les <em>open lab</em> porte sur le rejet du dispositif à moyen et long termes. Celui-ci peut survenir si les dirigeants de l’entreprise ou les employés ne sont pas convaincus de la contribution de l’<em>open lab</em> à la création de valeur. Salariés comme dirigeants doivent être convaincus que les capacités créatives de cette structure permettent à l’entreprise de « penser autrement ». <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2016-4-p-52.htm">Construire la légitimité</a> des <em>open labs</em> constitue un challenge quotidien pour leurs managers. Pour y parvenir, ils doivent mettre en place des actions de communication et impliquer les salariés dans les projets créatifs qui y sont développés. </p>
<p>Il leur faut également trouver des sponsors (au niveau de la direction) et des ambassadeurs (au niveau des salariés). Ils seront en effet les relais les plus efficaces pour construire la légitimité de l’<em>open lab</em>. Si l’un de ces piliers est perdu, l’<em>open lab</em> court le risque de la fermeture. Ce fut le cas pour <a href="http://www.newpic.fr/02expertcontrib.html">LCL Factory, l’<em>open lab</em> de LCL</a> : le changement de direction de l’entreprise a été fatal à la petite structure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les grandes entreprises seraient incapables de créativité. Une idée renforcée par la vision des managers, qui considèrent que cette capacité ne se manage pas. Des a priori à remettre en cause d’urgence…Valérie Mérindol, Enseignant chercheur en management de l'innovation et de la créativité, PSB Paris School of BusinessDavid W. Versailles, Chair professor, strategic management and management of innovation, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924652018-03-08T21:16:33Z2018-03-08T21:16:33ZL’hypothèse des tiers lieux culturels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208939/original/file-20180305-146655-1wjbwoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C10%2C1167%2C772&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au Cent Quatre, à Paris.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.accelimage.fr/la-photographie-europeenne-au-centquatre-a-paris/">accelimage</a></span></figcaption></figure><p><em>L’hypothèse des tiers lieux culturels a été présentée par Raphaël Besson lors d’une Journée organisée par l’Agence Régionale du Livre PACA et intitulée « Bibliothèque, Sciences et numérique » (Gardanne, novembre 2017). Cet article rend compte des premières caractéristiques et questionnements induits par l’hypothèse des tiers lieux culturels</em>.</p>
<hr>
<h2>La transformation des lieux culturels : un processus global</h2>
<p>De nombreux lieux culturels se transforment sous l’effet des mutations du numérique, de la baisse des finances publiques et du caractère stratégique des savoirs dans une économie de la connaissance.</p>
<p>C’est le cas des <a href="http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-04-0057-001">bibliothèques troisième lieu</a>, qui se définissent moins comme des lieux de consultation d’ouvrages et de pratique ascétique des savoirs, que comme des espaces de rencontre et de sociabilité. Ces bibliothèques sont ouvertes à la Cité et introduisent en leur sein des fonctions non directement liées à la sphère des connaissances, avec l’implantation de services publics (pôle emploi, mission locale, La Poste), d’espaces de coworking, d’activités associatives et dédiées aux loisirs (cours de tricot, yoga, cuisine, grainothèques, ateliers de réparation de vélos, etc.). À l’instar de la <a href="http://www.bordeaux.fr/o304">Bibliothèque Mériadeck</a> à Bordeaux ou de la <a href="http://www.mediatheques-entre-dore-et-allier.fr/">médiathèque de Lezoux</a>, le fonctionnement des bibliothèques troisième lieu est centré sur les usagers, et fait une place significative aux outils numériques et aux nouveaux modèles d’apprentissage (imprimantes 3D, serious games, plateformes collaboratives, etc.).</p>
<p>Les centres de culture scientifique comme le <a href="https://www.medialab-prado.es/">Medialab-Prado</a> à Madrid, <a href="http://www.cap-sciences.net/">Cap Sciences</a> à Bordeaux ou le <a href="http://www.quaidessavoirs.fr/#/?_k=awzy20">Quai des savoirs</a> à Toulouse réinventent leurs modèles de médiation aux sciences en s’appuyant sur les méthodes d’intelligence collective des living labs et les outils de prototypage rapide des fab lab. Ces centres de nouvelle génération proposent des espaces multiples à n dimensions sociales et fonctionnelles, comprenant autant de salles d’exposition interactives, cafés des savoirs, ateliers, salles de créativité, que d’espaces de test de dispositifs numériques. À l’inverse des politiques de diffusion de la culture et des savoirs vers le « grand public », tout est pensé́ pour que les visiteurs s’interrogent sur l’apport et les limites de contenus scientifiques, technologiques ou culturels, et construisent de manière active et ascendante de nouveaux savoirs, cultures ou dispositifs créatifs.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/111055900" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Certains musées comme les Arts décoratifs à Paris ou le musée gallo-romain de Lyon, se sont récemment transformés en de véritables laboratoires d’expérimentation lors des évènements <a href="http://www.museomix.org/">Museomix</a>. Ces expériences ont rassemblé pendant trois jours des centaines de participants (codeurs, médiateurs culturels, conservateurs, designers, amateurs, bidouilleurs) qui étaient en charge d’inventer de nouvelles scénographies et interactions avec les œuvres.</p>
<p>Des friches industrielles comme la <a href="http://www.lafriche.org/fr/">Belle de Mai</a> à Marseille, le <a href="http://www.104.fr/">104</a> à Paris ou le <a href="http://journals.openedition.org/belgeo/13358">Emsherpark Park</a> dans la Ruhr en Allemagne défendent une vision dynamique du patrimoine culturel. Ces friches œuvrent depuis une vingtaine d’années à ancrer la culture dans les territoires et à l’expérimentation et à la coproduction. Cette préoccupation rejoint celle des campus universitaires, qui se vivent moins comme des communautés isolées dans des espaces monofonctionnels, que des espaces ouverts à leurs territoires. Ainsi, sur de nombreux campus, observe-t-on l’introduction de logements, de commerces, de cafétérias, de restaurants, d’équipement dédiés aux loisirs, au sport, à la culture, mais aussi à l’implantation d’espaces de valorisation économique des connaissances (incubateurs, pépinières d’entreprises, coworking spaces). Ces campus à l’image de l’<a href="http://3xn.com/project/orestad-college">Ørestad College</a> à Copenhague, développent toute une réflexion sur l’aménagement d’espaces de travail collaboratifs et ouverts. Ils promeuvent des modèles d’apprentissage collectif et fondés sur le « faire ».</p>
<p>Enfin, de nouveaux lieux culturels événementiels et éphémères se sont développés au cœur des villes ces dernières années. On pense à des évènements comme le <a href="https://www.levoyageanantes.fr/">voyage à Nantes</a> ou <a href="http://www.uneteauhavre2017.fr/fr">Un Eté au Havre</a>. On pense aussi aux expériences d’urbanisme temporaire comme l’<a href="http://www.hotelpasteur.fr/">hôtel Pasteur à Rennes</a> ou les <a href="https://lesgrandsvoisins.org/">Grands Voisins</a>. On pense enfin à la création de lieux d’expérimentation et de coproduction dans les espaces publics des villes, à l’image du <a href="https://www.nantesmetropole.fr/actualite/l-actualite-thematique/nantes-city-lab-le-laboratoire-de-toutes-les-innovations-nantaises-emploi-economie-92892.kjsp">Nantes City Lab</a>, des <a href="https://www.urbanews.fr/2016/01/11/50396-laboratoires-citoyens-madrilenes-fabrique-communs-urbains/">laboratoires citoyens de Madrid</a> ou des <a href="http://journals.openedition.org/geocarrefour/8446">« espaces d’aménagement libres pour les rêves des habitants »</a> mis en œuvre à Leipzig (Allemagne).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208920/original/file-20180305-146691-1islf9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Voyage à Nantes, l’arbre a basket.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Voyage_%C3%A0_Nantes_-_L%27arbre_%C3%A0_basket.jpg">Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’hypothèse des tiers lieux culturels</h2>
<p>Ces différents lieux culturels ont en commun de sortir d’une vision élitiste et diffusionniste de la culture et des savoirs, pour s’intéresser aux acteurs informels et aux espaces de la vie quotidienne. Ils se représentent moins dans des grands équipements solennels ou des lieux de retraite protecteurs, que dans des espaces dédiés à la vie sociale et ouverts à la Cité. Ils opèrent par ailleurs un rapprochement intéressant entre les cultures écrites, numériques et techniques des savoirs et une variété de connaissances, qu’elles soient académiques, tacites, pratiques, expertes ou profanes.</p>
<p>Au-delà de ces premières caractéristiques, il semble essentiel de mieux caractériser ces lieux culturels et les transformations en cours. À cet effet, nous nous appuyons sur la notion de Tiers Lieu développée par le sociologue américain <a href="https://www.actualitte.com/article/interviews/bibliotheques-le-troisieme-lieu-consiste-a-privilegier-la-relation-humaine/83397">Ray Oldenburg</a>. Ce dernier formule l’hypothèse d’un développement croissant d’espace ouverts, hybrides (entre le domicile et le travail) et qui facilitent la rencontre entre des acteurs hétérogènes et des ressources multiples. C’est le cas par exemple des tiers lieux d’activité et des coworking spaces, qui sont spécialisés dans la création d’espaces de travail partagés et collaboratifs. Citons également les tiers lieux d’innovation, comme les fab lab ou les Living Labs, qui cherchent à stimuler les processus d’innovation en s’appuyant sur des méthodes d’intelligence collective, l’expérimentation et le prototypage. Quant aux tiers lieux sociaux et d’innovation publique, ils portent un objectif social affirmé, autour d’enjeux de société, de participation citoyenne et d’action publique.</p>
<p>Notre hypothèse est que nous assistons à l’émergence d’une nouvelle catégorie de tiers lieux, les tiers lieux culturels. Nous les définissons comme des espaces hybrides et ouverts de partage des savoirs et des cultures, qui placent l’usager (le visiteur, le lecteur, l’étudiant, le spectateur…), au cœur des processus d’apprentissage, de production et de diffusion des cultures et des connaissances. Les tiers lieux culturels sont encastrés dans leur territoire et se positionnent comme des interfaces entre l’uppergound des Institutions culturelles, et l’underground des habitants, usagers et des sphères culturelles et artistiques émergentes et alternatives. Les tiers lieux culturels promeuvent une culture de l’expérimentation, de la mise en scène et de la coproduction des savoirs et des cultures.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208922/original/file-20180305-146675-n04ttt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Medialab Prado de Madrid.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.medialab-prado.es/medialab">Medialab</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De nombreuses questions en suspens</h2>
<p>L’hypothèse des tiers lieux culturels ne saurait être validée sans l’observation précise de lieux culturels et l’investigation des problématiques suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Dans quelle mesure les tiers lieux culturels jouent une fonction réelle dans la vie de la Cité ? Parviennent-ils à encastrer socialement les connaissances et les cultures et à faire des innovations techniques et numériques un véritable apprentissage social ?</p></li>
<li><p>Dans quelle mesure les tiers lieux culturels réussissent-ils à réguler les tensions et à dépasser des antagonismes structurants entre science/savoir, culture numérique/culture écrite, approche conceptuelle/approche expérimentale, espace de réflexion/espace de sociabilité, lieu institutionnel/lieu alternatif, société de la connaissance (les communs)/économie de la connaissance (le marché), etc.</p></li>
<li><p>La rencontre des savoirs, des cultures et d’acteurs multiples aux intérêts potentiellement divergents, permet-elle d’enrichir les mécanismes de production et de diffusion des connaissances ? Quelles en sont les externalités positives, comme négatives (crispation identitaire, augmentation de la distance sociale, etc.) ?</p></li>
<li><p>Quels sont les risques à terme de ce mouvement généralisé de déspécialisation des lieux culturels ? Va-t-on assister à l’émergence d’espaces génériques, rendant caduque toute tentative de différenciation entre une bibliothèque, un musée, un incubateur ou un espace de service public ?</p></li>
<li><p>Les compétences et les métiers traditionnels de la culture sont-ils suffisants pour prendre en compte les nouveaux enjeux induits par les tiers lieux culturels ?</p></li>
<li><p>Finalement, les tiers lieux culturels préfigurent-ils de nouvelles formes de production et de diffusion des connaissances, ou se réduisent-ils à de simples « paravents esthétiques » masquant la réalité des coupes budgétaires et la perte d’attractivité de certains lieux de culture et de savoir ?</p></li>
</ul>
<p>C’est à cet ensemble de questions que nous consacrerons notre prochain article, qui proposera une lecture critique des tiers lieux culturels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Besson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux lieux culturels se transforment sous l’effet des mutations du numérique, de la baisse des finances publiques et du caractère stratégique des savoirs dans une économie de la connaissance.Raphaël Besson, Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/889362018-01-09T20:26:57Z2018-01-09T20:26:57ZTélétravail et nouvelles formes de travail : opportunités et limites<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200783/original/file-20180104-26163-5z0rg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un espace de coworking…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/1339/man-sitting-on-sofa-and-writing-in-notepad/">VisualHunt</a></span></figcaption></figure><p>Le parlement a récemment voté les ordonnances Macron qui modifient en profondeur le code du travail et qui ont suscité beaucoup de débats et d’oppositions. Mal connues dans le détail, ces ordonnances comportent un volet spécifique sur le télétravail avec différentes mesures qui vont faciliter cette pratique, plébiscitée par une grande majorité de salariés, mais encore mal vue des employeurs et crainte par les managers.</p>
<p>Au-delà de cette libéralisation du télétravail, c’est l’essor sans précédent des nouvelles formes de travail liées au numérique qui est en jeu puisque le coworking est également en pleine croissance. Mais cela pose de nouvelles questions car une possible généralisation du travail à distance et collaboratif n’est pas sans risques et il nécessite de repenser totalement nos collectifs de travail qui se sont structurés il y a plus de 150 ans.</p>
<h2>Qu’est-ce que les ordonnances Macron modifient sur la question du télétravail ?</h2>
<p>Pour résumer, les ordonnances Macron lèvent pas mal de freins réglementaires et juridiques au télétravail. Tout d’abord, celui-ci peut enfin se faire légalement de façon occasionnelle. Ce qui colle à l’usage réel du télétravail qui requiert beaucoup de souplesse. Ensuite, la prise en charge d’un accident du travail en situation de télétravail se fera dans les mêmes conditions que si l’accident survenait au siège de l’entreprise. Enfin, le gouvernement va obliger un employeur qui refuse le télétravail à un salarié de motiver ce refus. Une sorte de renversement de la charge de la preuve qui opère un véritable changement culturel par rapport à cette pratique.</p>
<h2>Les bases d’un droit au télétravail</h2>
<p>Le télétravail est toujours basé sur le double volontariat : celui de l’employeur et de l’employé. Aucun des deux ne peut l’imposer à l’autre. La nouveauté des ordonnances repose sur cette nécessaire motivation d’un refus de la part de l’employeur. Autrement dit, ce dernier devra justifier précisément pourquoi il refuse le télétravail au salarié de façon argumenté. Par ailleurs un amendement du député Laurent Pietraszewski va permettre à toute entreprise de négocier de gré à gré et par tout moyen le télétravail avec un salarié en dehors de tout cadre collectif, <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/deux-syndicats-denoncent-l-assouplissement-des-regles-du-teletravail_1966505.html">ce que deux syndicats dénoncent</a>. Nous verrons dans quelques mois ce que dira la jurisprudence à ce sujet. Quoi qu’il en soit, ces différentes avancées ont aussi une forte charge symbolique. On est dans le registre de la « soft law ». Ces ordonnances sont un vrai stimulateur pour faire progresser le télétravail en France, qui est, disons-le, très en retard par rapport aux pays scandinaves par exemple.</p>
<h2>Un risque d’explosion des collectifs de travail ?</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200163/original/file-20171220-4968-sd4slh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Crise lyonnaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M. Ferat/Musée Gadagne</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est un argument avancé par de nombreux employeurs et managers car c’est un vrai risque. D’ailleurs, certaines entreprises pionnières comme IBM, Yahoo ou Hewlett-Packard qui sont allés très loin dans la mise en place du télétravail sont revenues en arrière. Pour comprendre, prenons un peu de recul historique. Il y a 150 ans, à Lyon, sur la colline de la Croix-Rousse, près de 80 000 canuts travaillaient déjà depuis leur domicile. Puis la révolution industrielle a déplacé les outils de travail dans les manufactures, puis dans les bureaux. Le droit et les codes culturels du travail que nous connaissons se sont ainsi constitués. Mais aujourd’hui, le numérique fait tout exploser en permettant de travailler où l’on veut et quand l’on veut. Il ne nous dit pas pour autant comment renouveler les collectifs de travail.</p>
<h2>Le coworking, une première réponse à ce besoin collectif</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200165/original/file-20171220-4980-16gohww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">we work.</span>
<span class="attribution"><span class="source">swettysensor_666/Pixabay</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le besoin de recréer des collectifs de travail explique sans doute le succès et la croissance exponentielle du coworking dans le monde. Selon la <a href="https://fr.slideshare.net/carstenfoertsch/the-first-results-of-the-2017-global-coworking-survey">Global Coworking Survey de 2017</a>, le nombre de coworkers a plus que doublé entre 2015 et 2017, passant de 500 000 à près d’1,2 million aujourd’hui. En six ans, le nombre d’espaces de coworking a été multiplié par 10, passant d’un millier en 2011 à près de 14 000 en 2017. Ce phénomène d’hyper-croissance s’observe au niveau mondial avec le succès de <a href="https://www.wework.com/fr-FR/">WeWork</a>, qui compte plus de 100 000 membres et se valorise à près de 20 milliards de dollars. Mais aussi en France qui compte près de 600 espaces de coworking et compte des entreprises pionnières comme <a href="https://www.la-cordee.net/">La Cordée</a> et des nouveaux venus comme <a href="https://now-coworking.com/">NowCoworking</a> ou <a href="http://wereso.com/">Wereso</a>. Étymologiquement le coworking cela veut dire « travailler ensemble ». C’est évidemment une première réponse concrète à l’atomisation des collectifs de travail lié notamment à la numérisation du travail.</p>
<h2>Un phénomène qui ne concerne plus que les travailleurs indépendants, les freelance et des start-upper</h2>
<p>Les indépendants ont été les pionniers du coworking car cette façon de travailler répondait à plusieurs besoins. Économique, pour mutualiser l’espace de travail mais également social, pour constituer des communautés solidaires, des collectifs de travail d’un nouveau genre. Aujourd’hui, de plus en plus de salariés fréquentent les espaces de coworking. Par exemple, si une entreprise allemande veut ouvrir un bureau en province, elle va placer son salarié dans un espace de coworking. Cela lui coûtera beaucoup moins cher qu’un bureau classique et son salarié sera plus vite intégré dans la vie économique et sociale locale. Les entreprises commencent aussi à intégrer le coworking comme une façon de travailler à part entière dans leur organisation. On parle même de corpoworking. C’est sans doute cela la vraie révolution du travail.</p>
<h2>Des perspectives de croissance, des opportunités et des risques</h2>
<p>Le coworking n’est déjà plus réservé à quelques centres spécialisés ici ou là. Il désigne désormais une façon de travailler qui facilite le travail collectif, l’innovation, l’entraide, le brassage, la mixité. Cela constitue une vraie réponse à l’explosion des collectifs de travail que le numérique opère dans les entreprises. À l’avenir, il est probable que de plus en plus d’actifs travailleront d’un lieu à un autre, alterneront leur présence entre leur domicile, le siège de l’entreprise, un centre de travail partagé ou encore les transports en commun qui sont aussi devenus de véritables espaces de travail. Il suffit de prendre le TER ou le TGV pour s’en rendre compte.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200180/original/file-20171220-4965-1s9iox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">team.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chris Reading/Pixabay</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si cette atomisation des collectifs comporte un risque de dispersion et d’instabilité il faut aussi voir que les actifs s’adaptent vite, notamment les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail et que cette agilité est désormais requise pour évoluer dans le monde instable de la transformation numérique. Un ensemble d’outils, de plateformes et de méthodes sont en train de voir le jour pour faciliter cette évolution et optimiser cette itinérance professionnelle. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre le travail sédentaire et le travail nomade.</p>
<p>Bref, un condensé de l’histoire humaine en quelque sorte…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88936/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Pouly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une possible généralisation du travail à distance et collaboratif n’est pas sans risques et il nécessite de repenser totalement nos collectifs de travail qui se sont structurés il y a déjà 150 ans.Jean Pouly, Expert en économie numérique, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/875482017-12-03T20:59:14Z2017-12-03T20:59:14ZDes transformations du travail aux mutations du management : le paradoxe du 51ᵉ état américain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196520/original/file-20171127-2077-1oj7nve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un espace de co-working…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eyebee/4454314853/in/album-72157653040857006/">Ian May/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Conférence FNEGE-PWC <a href="http://www.fnege.org/actualites/1334/conference-gratuite-fnege-pwc-les-organisations-demain">« Les organisations demain : transformation du monde ancien ou irruption du monde nouveau »</a> dont The Conversation France est partenaire.</em></p>
<hr>
<p>« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à paraître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Cette citation célèbre tirée des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cahiers_de_prison">cahiers de prison</a> d’Antonio Gramsci semble parfaitement à propos pour décrire les transformations du travail.</p>
<p>Pour certains, nous serions entrés dans une société post-salariale, faite désormais de freelancers, d’indépendants et d’entrepreneurs. Le contrat de travail serait devenu un luxe, une exception, sur fond de précarité inéluctable. Depuis le début des années 2000, il y a bien sûr un fond de vérité dans ce discours souvent construit à partir d’une réalité américaine.</p>
<h2>Les transformations du travail : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Pour le cas de la France, il est cependant utile de rappeler que les salariés n’ont jamais été aussi nombreux. 90 % de la population active possède aujourd’hui un contrat de travail, avec cependant une tendance très nette vers le contrat à durée déterminée (CDD), qui concerne aujourd’hui quasiment un jeune sur deux. Les contrats à durée limitée sont ainsi passés de 6 % en 1982 à 15 % de l’effectif salarié total en 2016.</p>
<p>Comme le rappelle une <a href="http://www.strategie.gouv.fr/publications/salarie-independant-une-question-de-metiers">étude récente de France Stratégie</a>, le <strong>nombre d’indépendants a diminué de 883 000 personnes</strong> entre 1982 et 2016. La tendance correspond surtout aux agriculteurs et certaines professions libérales. En l’espace de trente ans, la part des « indépendants traditionnels » est ainsi descendue à 13 % de l’emploi total. En parallèle, le nombre de freelancers et de néo-artisans connaît une augmentation significative sur la période récente (+4 % entre 2005 et 2014). Six fois sur dix, il s’agit d’entrepreneurs individuels.</p>
<p>Cette transformation récente masque elle aussi des réalités très diverses. Le consultant indépendant spécialisé n’est pas le livreur de Deliveroo. Chacun s’efforce d’équilibrer à sa façon ses aspirations à la liberté et ses besoins de sécurité. Avec un taux de chômage à 23,3 % chez les plus jeunes, l’équation est devenue difficile à résoudre.</p>
<p>Comment alors caractériser cette situation plus complexe qu’il n’y paraît ? Je pense que l’on peut pointer deux tendances centrales dans les transformations du travail : l’entrepreneuriat collaboratif et la pluriactivité. Elles sont indissociables l’une de l’autre.</p>
<p>La première tendance, l’<strong>entrepreneuriat collaboratif</strong>, est liée à l’individualisation du travail. L’horizontalité, le don, le contre-don, l’entre-aide, la rencontre, la solidarité, le nomadisme collectif, la construction et l’entretien de communautés, sont plus que jamais présents. Dans une société faite de plus en plus de salariés précaires, d’indépendants, de salariés intra-preneurs et autonomes, le travail s’individualise et se liquéfie.</p>
<p>Plus que jamais, les acteurs de cette économie que l’on dit « collaborative » sont à la recherche de nouveaux collectifs auxquels ils pourront se connecter. Les pratiques de l’entrepreneuriat collaboratif, les nouveaux lieux d’entrepreneuriat et d’innovation, les mythes de l’entrepreneuriat collaboratif et les plateformes numériques vont permettre de se retrouver et de construire des équilibres fragiles entre sécurité et liberté. C’est dans un faire et un entreprendre ensemble que se reconstituent des liens sociaux affaiblis par un monde du travail de plus en plus précaire et individuel. La communauté est au cœur de toutes les démarches. Le management devrait l’être sans doute davantage…</p>
<p>La seconde tendance est la <strong>pluriactivité</strong>. Afin de construire une sécurité, d’augmenter son niveau de revenu, de préparer l’avenir ou de survire difficilement dans le présent, on ne met plus tous « ses œufs dans le même panier ». Les pluriactifs (également appelés <a href="https://theconversation.com/leconomie-numerique-va-t-elle-nous-transformer-en-slashers-71728">« slashers »</a>) sont de trois types : salariés multiples, salariés complétant leur revenu par une activité d’entrepreneur ou encore freelancers multiples. Une <a href="https://www.mckinsey.com/global-themes/employment-and-growth/independent-work-choice-necessity-and-the-gig-economy">étude du McKinsey Global Institute de 2016</a> montre ainsi que 56 % des entrepreneurs européens et américains sont des pluriactifs.</p>
<p>Le développement de l’entrepreneuriat collaboratif et la généralisation de la pluriactivité correspondent à un éclatement radical des cadres spatiaux et temporels traditionnels du travail. Dans tous les cas, le travailleur est de plus en plus isolé, exposé à un stress parfois élevé, et la flexibilité des uns reste la précarité et la pauvreté des autres.</p>
<p>Le stade le plus avancé et le plus clair de ces évolutions est incarné par les États-Unis. Avec un tiers d’actifs freelancers, la société américaine est plus que jamais composée d’acteurs <a href="https://repositories.lib.utexas.edu/bitstream/handle/2152/28331/SpinuzziWorkingAloneTogether.pdf?sequence%3D2">« seuls ensemble »</a>. A l’individualisation du travail doit correspondre des mécanismes (le plus souvent marchands) qui vont permettre de faire fonctionner tant les processus organisationnels, les projets d’innovation et d’entrepreneuriat que la vie de la cité. Les plateformes globales, souvent américaines, revendiquent parfois ce rôle.</p>
<h2>Des transformations du travail aux mutations du management</h2>
<p>Qu’en est-il des transformations du management ? Sont-elles tirées elles aussi par la réalité américaine et les <a href="https://modcalifornien.wordpress.com/a-propos/le-modele-californien/">mythes californiens</a> ? Il serait tentant d’associer à la fin du travail la fin simple et brutale du management. Si le management correspond à l’ensemble des pratiques et des techniques qui est mobilisé afin d’animer et de guider une activité collective, le « nouveau monde » remet en cause cette perspective. Que gère et qui gère le travailleur indépendant, l’entrepreneur solitaire de l’espace de coworking, le manager-intrapreneur, les salariés réassemblés en permanence au fil de projets ? S’il est de moins en moins question de structures, d’organigrammes voire de techniques, il y a bien toujours des pratiques de management. Elles empruntent plus que jamais à l’entrepreneuriat collaboratif, et pour l’heure, ses sources californiennes.</p>
<p>Nous sommes tous les citoyens de ce 51<sup>e</sup> état américain qui n’est autre que le reste du monde. Nous en sommes conscients et nous aimons cela. Mais le capitalisme a développé des formes de travail collectif qui sont assez éloignées des mythes californiens. Les coopératives sont l’une de ces formes d’activité collective déjà anciennes. Elles sont nées en Europe au XIX<sup>e</sup> siècle, dans un contexte de crise du rapport au travail. Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) telles que <a href="http://www.coopaname.coop/article/comment-ca-marche">Coopaname</a> sont les héritières de cette forme juridique. Le « salarié-entrepreneur » peut y « être autonome sans être indépendant ». Il peut également « changer de statut pour rejoindre un projet collectif ».</p>
<p>Les coopératives sont également un des principes mis en avant par l’Organisation internationale du travail dans sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_de_Philadelphie">fameuse déclaration de mai 1944</a>. Déclaration faite à Philadelphie, une des villes symboliques du « nouveau monde ». Il incombe aujourd’hui aux transformations du management de savoir saisir les opportunités de ces « anciennes » transformations du travail. Au-delà du droit et du politique, il revient aussi à chacun de s’interroger sur le type de travail et de management qu’il souhaite pour lui et ses proches et par addition, le type de société qui en découlera dans 10 ans.</p>
<p>Dans le clair-obscur, les monstres sont peut-être déjà là, mais il ne tient qu’à nous de les remplacer par des anges. Des anges libres et solidaires qui peuvent aussi venir de l’ancien monde. Dans tous les cas, je continue à rêver d’un 51<sup>e</sup> état qui soit le plus libre et le plus responsable de tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président du réseau académique et think tank RGCS (<a href="https://collaborativespacesstudy.wordpress.com/">https://collaborativespacesstudy.wordpress.com/</a>). </span></em></p>Faut-il analyser les transformations du travail et les mutations du management à la seule lumière de la trajectoire des États-Unis ?François-Xavier de Vaujany, Professeur, PSL-Université Paris-Dauphine (DRM), Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/867972017-11-02T20:51:28Z2017-11-02T20:51:28ZVidéo : Les travailleurs indépendants face à l’insécurité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193022/original/file-20171102-26422-y04vzi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entretien avec Anthony Hussenot sur le plateau de Xerfi Canal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Xerfi</span></span></figcaption></figure><figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JCyazKSKCms?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Entretien avec Anthony Hussenot. Les travailleurs indépendants face à l’insécurité : solidarités et réseaux.</span></figcaption>
</figure>
<p><em>Entretien autour de l’article collectif d’Anthony Hussenot, Aurélien Acquier, Jonathan Sambugaro, Julie Fabbri, Julie Tixier et Yoann Bazin, <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-formes-de-solidarite-chez-les-travailleurs-independants-82853">« Les nouvelles formes de solidarité chez les travailleurs indépendants »</a></em></p>
<p>On présente souvent la solitude comme une difficulté inhérente au travail indépendant. Face à cette situation difficile, des travailleurs indépendants arrivent pourtant à trouver des ressources. En tissant des relations avec des structures telles que les entreprises de portage salarial, les coopératives d’activité et d’emploi ou des espaces de coworking, ils saisissent une forme de réponse face à l’absence de collectif de travail traditionnel que leur impose la mutation du marché de l’emploi.</p>
<p>Nos différents travaux partageaient l’ambition de mieux comprendre comment de nouvelles formes organisationnelles permettent aux travailleurs indépendants de (re)créer du collectif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Hussenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment les nouveaux travailleurs indépendants se défendent contre l’insécurité de leur position et de leur statut à travers des réseaux et des solidarités spécifiques. Entretien vidéo.Anthony Hussenot, Professor in Organization Studies, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/863872017-10-26T19:44:03Z2017-10-26T19:44:03ZLiberté, sécurité, dignité : au-delà du salariat et du précariat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/192006/original/file-20171026-13315-pvd90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deliveroo.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/30828137843/6ec0196b82/">Taylor Herring/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Alors que les débats sont vifs sur les évolutions du droit du travail protégeant les salariés en CDI, une part significative des actifs n’est plus concernée. C’est depuis longtemps le cas des chômeurs, c’est de plus en plus celui des travailleurs formellement indépendants mais économiquement dépendants quand l’essentiel de leur activité dépend d’un donneur d’ordre ou d’une plateforme comme Uber ou Deliveroo.</p>
<p>Comme dans la fable « Le loup et le chien », on nous suggère souvent que les actifs devraient faire un choix entre la liberté risquée du loup indépendant et la sécurité soumise du chien salarié. Le professeur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Supiot">Alain Supiot</a> a montré l’intérêt d’<a href="http://bit.ly/2z7Fqrs">enrichir cette vision</a> en ajoutant aux dimensions de liberté et de sécurité celle de la responsabilité. Adaptant son idée, deux jeunes fonctionnaires du Corps des mines viennent de publier un ouvrage (<a href="http://www.la-fabrique.fr/fr/publication/salariat-modele-depasse/"><em>Le salariat, un modèle dépassé</em></a>) où ils analysent les relations de travail en fonction des trois dimensions que sont la liberté, la sécurité et la dignité, elles-mêmes caractérisées selon plusieurs critères.</p>
<h2>De quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Les auteurs de l’ouvrage, <a href="https://www.pressesdesmines.com/author-book/chevallier/">Alexandre Chevallier</a> et <a href="https://www.pressesdesmines.com/author-book/milza/">Antonin Milza</a> rappellent d’abord que le salariat n’est pas en voie de disparition. Il n’a au contraire jamais rassemblé plus d’actifs. 90 % de ceux-ci sont aujourd’hui salariés et cette proportion est à peu près stable depuis 25 ans, alors qu’ils n’étaient que 65 % en 1950 et 85 % en 1980.</p>
<p>Cependant la nature même du salariat évolue. Moins d’un actif de 15-25 ans sur deux (45 %) est employé en CDI alors que c’était le cas des trois quarts (77 %) dans les années 1980. Les contrats courts ou à temps partiel se multiplient, des formes de CDI plus précaires (CDI intermittent ou CDI de chantier) et la pluriactivité se développent. Les entreprises externalisent une part croissante de leurs tâches à des sous-traitants offrant des conditions de travail moins attrayantes et des situations plus précaires.</p>
<p>Le statut alternatif de travailleur indépendant ou de micro-entrepreneur recouvre lui-même des réalités très diverses, de la profession libérale très lucrative pour ceux qui détiennent une compétence recherchée, à la seule alternative au chômage pour des personnes défavorisées et précaires, en passant par des compléments de ressources pour salariés souhaitant améliorer leur situation financière.</p>
<h2>La grille d’analyse proposée</h2>
<p>Les auteurs proposent 11 critères d’analyse des situations de travail.</p>
<p>La <strong>liberté</strong> est caractérisée par l’absence de subordination (à un chef qui donne des ordres), l’indépendance économique (par rapport à un seul employeur ou client) et l’autonomie opératoire (liberté de la manière de réaliser la prestation demandée).</p>
<p>On voit donc que malgré leur indépendance formelle, un chauffeur de VTC ou un livreur cycliste sont assez peu libres, sauf – un peu – du choix de leurs horaires de travail.</p>
<p>La <strong>sécurité</strong> peut s’apprécier au niveau de la garantie d’un revenu stable, de l’assurance contre le chômage, de la couverture du risque de maladie (frais médicaux et revenu de substitution), de la garantie d’une retraite et de l’accès au logement.</p>
<p>Enfin, la <strong>dignité</strong> consiste en la capacité de développer son potentiel et de se former, la participation à un collectif créateur de lien social et le fait d’être au service d’une mission porteuse de sens.</p>
<p>Les actifs sont plus ou moins sensibles à ces divers critères, les employeurs plus ou moins capables et désireux de proposer une situation de travail attractive à l’aune de ces onze critères.</p>
<p>La multiplication des types de contrat de travail ou de relations contractuelles, en France et dans le reste de l’Europe, rompt avec le système bipolaire qui opposait naguère la sécurité et la dépendance hiérarchique du salariat à la liberté sans sécurité du travailleur indépendant.</p>
<h2>Comment construire des rapports de travail équilibrés ?</h2>
<p>Pour les auteurs, on peut construire des rapports de travail équilibrés soit par des approches horizontales, en améliorant les statuts existants sur certains critères, soit par des approches verticales, en rendant la satisfaction d’un critère indépendante du statut du travailleur.</p>
<p>Un exemple d’approche horizontale améliorant la situation des indépendants est l’option des <a href="https://www.economie.gouv.fr/ess/cooperative-dactivites-et-demplois-cest-quoi">coopératives d’activité et d’emploi</a> comme <a href="http://www.coopaname.coop/">Coopaname</a>, qui apportent un cadre plus sécurisé à l’exercice d’une activité indépendante (assurance contre le chômage, la maladie et la vieillesse), facilitent certaines tâches, apportent conseils et appuis, permettent de participer à une aventure collective, au prix de de la mutualisation d’une part des revenus.</p>
<p>Des approches horizontales améliorant la situation des salariés sur certains critères peuvent consister à les faire participer à la gouvernance des entreprises ou à leur donner plus d’autonomie sur la manière de réaliser leur contribution, ou encore à donner à l’entreprise un objet social qui prime sur ses objectifs économiques.</p>
<p>Les approches verticales consistent à créer des droits universels. C’est ce qui s’est passé avec la couverture maladie universelle (indépendante du statut d’emploi). C’est ce que cherche à mettre en place le gouvernement avec une protection universelle contre le chômage. C’est ce qui sous-tend l’idée d’un revenu contributif. C’est ce qu’un système d’assurance des bailleurs contre les loyers impayés pourrait réaliser en matière d’accès au logement.</p>
<h2>Enrichir les représentations pour faciliter un dialogue fécond</h2>
<p>Dans le domaine de la <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/strategie-d-entreprise/">stratégie d’entreprise</a>, de nombreux consultants se sont couverts de gloire en proposant à leurs clients diverses matrices d’analyse. L’intérêt de celles-ci était d’enrichir la discussion en permettant de considérer plusieurs dimensions d’une question. Par exemple, le secteur dans lequel j’envisage d’investir ou le marché que je vise est-il prometteur (marché en développement, activité à forte marge…) et ai-je des atouts spécifiques pour mieux y réussir que mes concurrents (maîtrise des savoir-faire et des ressources nécessaires) ?</p>
<p>Combiner ces dimensions permet d’enrichir la discussion (c’est tentant mais nous n’avons pas les moyens, nous pouvons y aller mais cela n’est pas très intéressant, etc.) et de prendre de meilleures décisions.</p>
<p>De la même manière, considérer de multiples critères d’analyse d’une relation de travail permet d’aller au-delà de compromis frustrants entre sécurité et autonomie et de réfléchir à des formes de relation plus satisfaisantes à la fois pour les employeurs et donneurs d’ordres et pour les travailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil est délégué de La Fabrique de l'industrie, qui a publié l'ouvrage commenté dans cette chronique. La Fabrique de l'industrie est laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie.</span></em></p>Définir le cadre de son activité professionnelle ne se limite pas à choisir entre être un salarié soumis aux ordres de la hiérarchie ou un travailleur indépendant dépourvu de toute protection.Thierry Weil, Membre de l'Académie des technologies, Professeur au centre d’économie industrielle, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/842972017-10-11T19:03:43Z2017-10-11T19:03:43ZLe grand oublié du management : la gestion de l’espace physique !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189179/original/file-20171006-25772-9es4x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Espace de coworking.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/4417318684/96d20f21dd/">Luc Legay/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le mode traditionnel de fonctionnement des entreprises, la gestion stratégique du lieu est sensiblement ignorée. L’organisation de l’espace physique traduit souvent la structuration hiérarchique de l’entreprise et ses découpages organisationnels : « celui qui a le plus grand bureau et la plus grande fenêtre ».</p>
<p>Il traduit aussi souvent la spécialisation des fonctions ce qui participe à la constitution des silos : on regroupe les individus en fonction de leur unité d’appartenance : on facilite l’interaction entre individus appartenant à la même entité.</p>
<p>Le plus souvent, l’approche ergonomique de l’espace se limite à une approche fonctionnelle : le lieu de travail doit être différent d’un lieu de loisir qui lui est ludique, agréable, « coloré ». Dans l’inconscient collectif, l’espace physique doit être « sérieux » pour se distinguer des lieux dits non professionnels. L’approche stratégique du lieu en tant qu’outil du management (notamment outil de gestion de l’innovation et de transformation culturelle de l’entreprise) est généralement sous-estimée quand elle n’est pas totalement ignorée par les managers.</p>
<p>Plusieurs éléments remettent en cause cette vision par trop caricaturale de la gestion de l’espace physique et imposent progressivement une approche plus stratégique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189180/original/file-20171006-25779-1x40swz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Open space (Patchworks, Chicago).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/13146267775/3e19dba7c0/">Design Feast/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’espace physique de travail comme outil de socialisation</h2>
<p>Dans un monde digital, où le télétravail est présenté comme une évolution clé, reconnu récemment comme un droit en France, on oublie trop souvent la fonction clé de socialisation du lieu physique de travail. Celui-ci permet de gérer des échanges au quotidien. Sa configuration incite (ou non) à la création de proximité qui au final contribue au développement de la culture de l’entreprise. Après avoir favorisé le développement du télétravail, de nombreuses entreprises américaines ont ainsi « réimposé » des temps de travail conséquents dans le lieu physique de l’entreprise pour construire la cohésion et des dynamiques collectives.</p>
<p>À ce titre, la gestion de l’espace physique peut devenir emblématique et contribuer à promouvoir et diffuser les valeurs portées par l’organisation. Ainsi, l’une des premières fonctions fondamentales de l’espace physique de travail est de constituer un outil de contrôle hiérarchique (permettre au manager de proximité d’exercer sa fonction et de mieux gérer des dynamiques d’équipes) mais aussi de contrôle social : l’entreprise est un lieu qui permet d’apprendre des codes de comportements que l’entreprise veut diffuser.</p>
<h2>L’espace de travail comme outil de communication de l’entreprise</h2>
<p>Une autre fonction clé de l’espace physique de travail est de constituer un outil de communication. L’emplacement géographique, la modernité, les couleurs, les technologies que l’entreprise y intègre contribuent à son image.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189183/original/file-20171006-25764-1x41336.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schneider Electric.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À titre d’illustration, le siège de <a href="http://www.schneider-electric.fr/fr/">Schneider Electric</a> en île-de-France est organisé pour refléter la diversité culturelle : les panneaux d’affichage et l’architecture du lieu reflètent les différentes cultures nationales pour mieux mettre en valeur le caractère global de l’entreprise.</p>
<p>Le bâtiment est moderne c’est-à-dire qu’il incorpore les dernières évolutions technologiques des <em>smart cities</em>, un <em>show room</em> et des lieux dédiés à l’expérimentation. L’espace physique participe ainsi à la stratégie de communication de l’entreprise.</p>
<h2>L’espace physique de travail comme un outil de gestion de la créativité</h2>
<p>Plus important encore, la manière de construire l’espace physique fait partie <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1467-8691.2007.00419.x/full">intrinsèque du management de la créativité</a> et de l’innovation de l’entreprise. Les tiers lieux ont ainsi ouvert la voie pour montrer ce rôle stratégique</p>
<p>Le développement des <a href="http://innovfra.newpic.fr">tiers lieux, fab lab et open labs</a> est associé à l’émergence d’un lieu physique où se cristallise le développement de nouvelles relations sociales. Convivial, décalé, plus ou moins chaotique, plus ou moins structuré, souvent reconfigurable, parfois modulaire, l’espace physique permet d’accueillir des événements, incarne une sorte de totem de la communauté. Il contribue à la fluidité des échanges et à l’émergence de relations « improbables ». Le lieu est autant un lieu social de vie que de travail, symbolisé par la cantine et les espaces de détentes. La scission entre vie sociale et vie professionnelle s’estompe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189185/original/file-20171006-25792-11h49qs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Citizen Space, San Francisco,.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/2497369533/29a30749ba/">Hyku/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les tiers lieux matérialisent ainsi une autre approche de la gestion de l’espace physique dans lesquels s’expérimentent de nouveaux modes de travail. L’espace devient un élément clé du management de la communauté. La configuration de l’espace physique, sa taille ne sont pas neutres sur la manière dont les individus s’approprient le lieu, échangent et le mettent au service de leurs propres projets.</p>
<p>Les entreprises qui veulent faire évoluer leur modèle d’innovation ne s’y trompent pas. Elles créent des tiers lieux ou envoient les salariés dans ces nouveaux lieux pour faire autrement.</p>
<p><a href="http://www.newpic.fr/02group2015openlabsdownload.html">Le lieu physique</a> aide à décaler les points de vue et à expérimenter des projets nouveaux, à gagner en autonomie. Dans les tiers lieux d’entreprise, l’architecture du lieu est un enjeu clé. Par exemple pour le <a href="http://ilab.airliquide.com/">I-Lab d'Air Liquide</a>, les codes de couleurs y sont différents du reste de l’entreprise. La cantine et l’open space sont centraux et agréables à vivre. Il est facile de s’y mouvoir et facile d’y entrer. Il n’y a pas de bureau attribué… chacun s’installe où il veut. Le lieu casse volontairement les repères hiérarchiques et les silos favorisant ainsi une autre manière d’interagir et de travailler au quotidien.</p>
<h2>La gestion de l’espace physique au cœur de la transformation des entreprises : quelques leçons</h2>
<p>Parce que l’espace physique impacte autant les modes de travail, la culture de l’entreprise que le potentiel de créativité des individus, sa gestion devient stratégique. Il est d’ailleurs symptomatique que les entreprises qui cherchent à se transformer, font à un moment ou un autre évoluer l’espace physique de travail. Quelles sont aujourd’hui les retours d’expériences et quelles leçons en tirer ?</p>
<p>La première est que l’existence de <strong>lieux spécifiques dédiés à la conduite de projets hautement créatifs</strong> se révèle utile aux entreprises : qu’ils soient internes à l’organisation, externe et gérés en partenariats avec des tiers lieux extérieurs, peu importe… l’enjeu clé est de faciliter l’accès et la mobilisation flexible de ces lieux à tous les salariés de l’entreprise. Ils doivent donc se situer à proximité du lieu de travail.</p>
<p>La seconde est que <strong>reconfigurer totalement l’espace quotidien de travail</strong> est clé pour la transformation de l’entreprise mais doit se faire avec une certaine prise de recul. La tendance est de pousser trop loin les changements de repères : créer des open space sans bureau fixe contribue à un changement culturel… Mais l’absence totale de repère hiérarchique, de stabilité dans les habitudes de travail (où est mon bureau ?) peut être négative et avoir un effet contraire à la motivation et au bien-être des salariés.</p>
<p>L’espace physique doit à la fois favoriser le bien-être (un lieu convivial que les individus peuvent s’approprier) et être fonctionnel. L’expérience des GAFA aux États-Unis montre que le bien-être veut dire que le lieu doit permettre autant la mobilité des individus dans l’espace que sa stabilité quand ils s’y trouvent bien. Le lieu doit être opérationnel par rapport aux contraintes et réalités du travail de chacun. Inutile de mettre dans un open space bruyant, un individu qui a besoin de concentration forte pour travailler ou qui doit constamment être au téléphone.</p>
<p>L’une des leçons principales c’est que l’entreprise doit gérer plusieurs espaces de travail avec des configurations différentes en fonction de la diversité des activités et des modes de travail qui opèrent dans l’organisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mérindol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans une période de transformation des organisations, la gestion de l’espace physique de travail constitue un outil majeur (mais mal appréhendé) du management pour faire évoluer les modes de travail.Valérie Mérindol, Enseignant chercheur en management de l'innovation et de la créativité, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/849392017-10-04T21:07:42Z2017-10-04T21:07:42Z« Slashers », pluriactivité et transformations du travail : opportunité ou menace pour le management ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188366/original/file-20171002-12107-1n5nxk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pluriactif !</span> </figcaption></figure><p>Les exemples abondent autour de nous : journaliste-écrivain, chauffeur privé-gérant d’une supérette, infirmier-professeur de yoga, enseignant en anglais-traducteur, freelancer multiple… Les pluriactifs n’ont jamais été aussi nombreux. Ils incarnent à la fois un espoir (dans la lutte contre le chômage et l’augmentation du niveau de revenu) et une inquiétude (notamment celle d’une société faite de travailleurs <a href="http://info.arte.tv/fr/slahers-la-generation-precaire">plus fragiles et plus dépendants</a>).</p>
<h2>La pluriactivité : un phénomène complexe et difficile à quantifier</h2>
<p>Une <a href="http://www.salonsme.com/espace-telechargements/CP_Slasheurs_15092015.pdf">étude du salon des microentreprises</a> en dénombrait 4,5 millions en 2015. Ils sont plutôt jeunes (22 % des actifs de moins de trois ans auraient au moins deux activités) et pour 64 % d’entre eux motivés par la recherche de revenus complémentaires. Freelancers pour 10 %, associés pour 6 % ou dirigeants d’entreprise à hauteur de 5 %, ils sont 7 % à tester une idée en mode pluriactivité avant de créer une entreprise. La pluriactivité peut donc être une phase de transition avant un engagement entrepreneurial plus fort.</p>
<p>Si <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2016-060.pdf">d’autres études récentes</a> arrivent à des chiffres plus modestes que l’enquête précédente (notamment l’Insee qui comptait 1,4 million de pluriactifs en 2014…), la tendance à la pluriactivité est incontestablement massive et en très forte augmentation sur les vingt dernières années. Elle est aussi partagée par la plupart des pays occidentaux. Une <a href="https://www.mckinsey.com/global-themes/employment-and-growth/independent-work-choice-necessity-and-the-gig-economy">enquête du McKinsey Global Institute</a> réalisée en 2016 sur un échantillon de 8000 entrepreneurs nord-américains et européens montrait que 56 % d’entre eux étaient sur un entrepreneuriat de complément de revenu par rapport à une activité principale et à 70 % choisi.</p>
<p>Il est important tout d’abord de bien qualifier le phénomène. Les différences de définition puis de modalités d’opérationnalisation dans les études (en particulier privées) expliquent en grande partie les écarts de mesure sur une même année ou à deux ans d’intervalle. Les pluriactifs également appelés « slashers » sont des personnes qui cumulent plusieurs activités professionnelles.</p>
<p>Il peut s’agir d’emplois salariés chez des employeurs différents (à 80 %), de personnes qui cumulent une ou plusieurs activités d’indépendantes en plus d’un emploi salarié (500 000 personnes selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2415511">étude Insee 2013</a>). Il peut également s’agir de freelancers multiples, de personnes qui cumulent plusieurs emplois d’indépendants.</p>
<p>Je ne me livrerai pas ici à une comparaison systématique des études, de leur définition et mode d’opérationnalisation de la pluriactivité, mais on doit constater que peu d’enquêtes françaises ou internationales convergent sur un critère ou des critères clairs de catégorisation.</p>
<p>Pour la réflexion qui suit, je définirai (dans le prolongement de l’étude Insee 2013 ou encore des travaux de <a href="http://www.orientation-paysdelaloire.fr/mediatheque/index.php?lvl=notice_display&id=13213">Benoît et Gerbaux</a>) un pluriactif comme une personne cumulant plusieurs emplois salariés, ou un emploi salarié et un ou plusieurs emplois d’indépendant, ou encore plusieurs emplois d’indépendants. La période de référence est généralement une année. En lien avec les <a href="https://collaborativespacesstudy.files.wordpress.com/2016/10/synthese_des_recherches_rgcs_2015_2016_vff.pdf">travaux du think tank RGCS</a>, j’insisterai sur la dimension temporelle de la pluriactivité. Un pluriactif pourra aussi être une personne qui alterne sur plusieurs années contrats de travail et entrepreneuriat ou freelancing, une forme d’<a href="https://collaborativespacesstudy.files.wordpress.com/2016/10/synthese_des_recherches_rgcs_2015_2016_vff.pdf">« entrepreneuriat-alterné »</a>. Les motivations peuvent être multiples : nécessité financière, construction de compétences, élaboration d’un réseau personnel, etc.</p>
<p>Au-delà du cas des saisonniers abordés par l’<a href="http://www.pluriactivite.org/">Insee et d’autres organismes</a>, on constate aujourd’hui l’émergence de nouvelles séquences d’emplois salariés et/ou indépendants. Elles constituent de véritables stratégies de carrière, dans un contexte où les entreprises apprécient les qualités des entrepreneurs pour leur management, et où l’entrepreneuriat repose sur des qualités de gestion de projet et des réseaux que le salariat permet d’approfondir (voir la <a href="https://collaborativespacesstudy.files.wordpress.com/2016/10/synthese_des_recherches_rgcs_2015_2016_vff.pdf">note de recherche RGCS 2016</a> sur ce sujet). Je différencierai donc les pluriactifs synchrones (qui cumulent des logiques de salariat et d’entrepreneuriat sur une même année), de pluriactifs asynchrones (qui enchaînent des formes d’emplois au-delà d’une année, par nécessité ou <a href="https://collaborativespacesstudy.wordpress.com/publications/white-paper-rgcs2016/">selon un schéma de carrière</a>).</p>
<h2>Un constat : de l’hybridation croissante d’espaces, de temps et d’émotions auparavant distincts</h2>
<p>Qu’est-ce qui se cache derrière ce phénomène complexe, au cœur des transformations du travail ? J’aimerais insister sur un aspect central. Si le freelancing et l’entrepreneuriat se développent massivement dans nos sociétés, cela n’est pas toujours de façon exclusive et antagoniste avec le salariat. Dans nombre de pays, on assiste à des hybridations croissantes qui ont largement été favorisées par le législateur lui-même. Pour le cas de la France, la création du statut d’autoentrepreneur en 2009, ou encore encore celle de Coopérative d’Activité et d’Emploi (CAE) en 2014 (voir la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029313296&categorieLien=id">loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire</a>) ouvrent la voie à des combinaisons et des hybridations que les chercheurs en sciences sociales comme les organismes d’étude ont encore peu explorées. La CAE a créé de fait un statut paradoxal d’entrepreneur-salarié, dans la logique de mutualisation qui est celle des coopératives.</p>
<p>Plus largement, des tendances sociales, économiques et technologiques sont à l’origine de ces évolutions.</p>
<p>La société a connu une explosion majeure de ses cadres spatiaux et temporels traditionnels. On hybride plus que jamais des espaces et des temps auparavant distincts (maison-travail, privé-public, intime-social, voyage-travail…). On « allait travailler » chaque matin il y a encore vingt ans. On « travaille aujourd’hui en bougeant ». Cela m’amène parfois à me questionner sur la notion de <a href="https://theconversation.com/les-tiers-lieux-quelles-opportunites-pour-comprendre-et-transformer-les-pratiques-de-travail-75650">tiers lieux</a>, ces espaces et ces temps transitionnels entre la maison et le travail qui sont également en forte augmentation dans les pays occidentaux.</p>
<p>N’entre-t-on pas dans une « tiers-lieuisation » de toute nos vies ? Ne sommes-nous pas de plus en plus dans un entre-deux permanent ? La maison s’hybride (on y travaille de plus en plus). Le lieu de travail habituel se « gamifie », s’ouvre à des pratiques privées (salle de sport, cours de yoga, événements culturels…). Le portable permet des appels et des échanges personnels sur le lieu de travail. Les émotions et les pratiques deviennent de plus en plus imbriquées. Un associé d’un très grand cabinet de conseil me disait récemment avec fierté que le parrain de sa fille était son plus gros client…</p>
<p>Pour comprendre ce phénomène complexe qu’est la pluriactivité, j’aimerais maintenant mettre en avant cinq dimensions qui peuvent être utiles pour son analyse.</p>
<h2>Occupation, cognition, émotion, organisation et institution : des dimensions de la pluriactivité</h2>
<p>La pluriactivité peut avoir des dimensions occupationnelles, cognitives, émotionnelles, organisationnelles et institutionnelles.</p>
<p>Les <strong>dimensions occupationnelles</strong> ont été évoquées précédemment. Il s’agit de mieux comprendre les types d’emplois (salariés et entrepreneuriaux) qui sont cumulés ou alternés. De façon purement descriptive, je reste étonné par le manque de données, en particulier de données contextualisées. Quelle est la distribution des slashers en France par ville ? Par régions (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2882124?sommaire=2882138&q=pluriactivit%C3%A9">certaines études de l’Insee</a> mériteraient d’être répliquées sur d’autres régions et d’autres problématiques) ? Comment évolue sur le long terme la pluriactivité ? Quels liens avec la configuration du ménage ? Quels sont les pourcentages et les profils de slashers dans les grands groupes publics ou privés français ? Quelles sont les tendances d’un secteur à un autre ?</p>
<p>Il est vrai que l’<a href="http://www.cee-recherche.fr/publications/document-de-travail/combinaison-dactivites-professionnelles-et-multifonctionnalite-de-lagriculture-une-resurgence">hétérogénéité des statuts</a> ne facilite pas les comparaisons. Quelles relations avec les activités associatives ? Quels sont les effets du développement de l’économie du partage et de l’économie collaborative sur ces dynamiques (un <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/document-d-etudes/article/l-economie-des-plateformes">rapport récent de la DARES</a> aborde le problème mais il soulève également de nombreuses questions statistiques) ? Plus que tout, quels liens avec le management ? La gestion de l’innovation, la gestion des ressources humaines, le management des systèmes d’information ? Pour quelles dynamiques systémiques ?</p>
<p>La pluriactivité peut-être également une question <strong>cognitive</strong>. On est plus que jamais dans une <a href="http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2017/09/22/tous-victimes-des-pirates-de-l-attention_5189799_4497916.html">économie de l’attention</a>. Les tâches se cumulent sur un même temps. Les possibilités d’interruption (emails, WhatsApp, réseaux sociaux, SMS, MMS…) également. La pluriactivité induit de plus en plus de difficultés cognitives.</p>
<p>Elle est aussi indissociablement une problématique <strong>émotionnelle</strong>. L’hybridation d’espaces-temps auparavant distincts amène assez naturellement à combiner des émotions auparavant très dissociées. On doit s’amuser en travaillant avec le DIY, le DIT, la gamification du travail et des espaces de travail, les logiques de co-production.</p>
<p>On doit plus que jamais être dans un état émotionnel potentiellement professionnel à la maison avec le développement du télétravail qui induit une autre forme de pluriactivité. La combinaison d’activités domestiques (garder les enfants, répondre aux sollicitations de l’environnement de l’appartement ou de la maison, être dans un contexte de tentations domestiques comme la télévision ou la cuisine…) avec des activités professionnelles (travailler dans un bureau qui n’existe pas toujours à la maison, répondre à des appels professionnels, recevoir des clients…) change alors radicalement le cadre de vie.</p>
<p>La pluriactivité a également des dimensions <strong>organisationnelles</strong>. L’émergence d’une économie des plateformes et les logiques d’innovation ouverte (amenant souvent à regrouper sur les mêmes plateaux des salariés-intrapreneurs avec des startuppers et des freelancers) sont des formes organisationnelles d’hybridation qui n’induisent pas forcément une évolution des chiffres de l’Insee.</p>
<p>L’hybridation est ici surtout un contexte qui se généralise avec les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2016-1-page-163.htm">espaces de coworking</a>. Cela semble évident pour les espaces de coworking corporate, mais c’est également vrai dans les espaces de coworking indépendants. Pour les espaces de coworking externes que j’ai pu étudier en région parisienne, 10 % des membres étaient ainsi des salariés (avec des variantes importantes en fonction du ou des secteurs couverts par l’espace de coworking). Il s’agissait de télétravailleurs (selon le <a href="https://www.blog-emploi.com/nouveaux-modes-de-travail-age/">baromètre OpinionWay</a> 20 % des télétravailleurs français mènent leurs activités dans des tiers-lieux), de salariés dont le projet était excubé ou encore de startups à maturité ayant recruté un ou plusieurs salariés.</p>
<p>Enfin, la pluriactivité a une dimension <strong>institutionnelle</strong>. Si la pluriactivité fait l’objet de <a href="http://www.pluriactivite.org/spip.php?article242">règles déjà anciennes à respecter</a>, le législateur a récemment mis en place un cadre juridique plus propice au développement de pratiques d’hybridation. J’ai déjà cité le statut d’autoentrepreneur et les CAE. J’aurais également pu mentionner les problèmes de charges sociales et de caisses de cotisation (voir le cas des chauffeurs de taxi dont les cotisations sont également hybrides).</p>
<p>Les acteurs du droit social et du droit du travail élaborent plus que jamais des outils juridiques qui favorisent des formes hybrides de travail. La levée du plafond pour les autoentrepreneurs ou l’évolution des procédures de télétravail avec les récentes <a href="http://droit-finances.commentcamarche.net/download/telecharger-431-ordonnances-macron-texte-des-ordonnances">ordonnances Macron</a> me semblent aller largement dans ce sens.</p>
<h2>Enjeux de la pluriactivité pour le management : opportunité ou menace ?</h2>
<p>On critique parfois les politiques publiques pour leur faible intégration des transformations du travail, en particulier celles évoquées dans cet article. J’aimerais pour terminer surtout interpeller le management et les managers. Je pense en effet que le monde des organisations (entreprises, administrations, associations, école de commerces…) se pose assez peu la question de la pluriactivité. On est dans un implicite de contrat de travail : « le salarié travaille pour moi, il n’a pas à avoir d’autres activés, ou alors, je n’ai pas à le savoir… ». Lorsque le sujet est abordé, c’est souvent sous l’angle de la suspicion.</p>
<p>Que faire de ces <em>slashers</em> qui existent dans vos murs ? Que faire de ces pluriactifs qui sont peut-être vous lecteur ?</p>
<p>À l’heure de l’open innovation « externe » (on va chercher de l’énergie « extérieure » pour l’« intérieure ») ou « plaquée » (on cherche et on créé des « intrapreneurs »), pourquoi ne pas exploiter d’avantage ces énergies indirectes ? Au-delà de logique type « un jour par semaine sur un projet personnel », pourquoi ne pas héberger les activités de slashers, même si elles sont souvent lointaines par rapport aux métiers de l’organisation ?</p>
<p>Pourquoi ne pas ouvrir d’avantage (certaines entreprises le font) l’innovation lab, l’espace de coworking corporate, l’accélérateur, le <em>maker space</em>… à des activités professionnelles externes et pas seulement à des bricolages ou des « projets » ? Pourquoi ne pas faire un community management de slashers internes, et assumé comme tel ? La pratique existe mais elle est encore rare et assez peu affichée. Au-delà de logiques de fidélisation, comment intégrer la pluriactivité synchrone et asynchrone dans la gestion des carrières ? Comment exploiter ces compétences et ces réseaux liminaux de l’entreprise ? Comment faire émerger une partie de la stratégie des entreprises à partir de cette pluriactivité ?</p>
<p>Pour le <a href="http://www.pluriactivite.org/spip.php?article241">cas des PME et des TPE</a>, la pluriactivité (en particulier des formes de temps partiels qui leurs sont associées) peut être une formidable opportunité afin de mobiliser de nouvelles compétences ou de développer des projets en sommeil. En effet, beaucoup de petites structures sont bloquées par ce que représenterait le coût d’un salarié supplémentaire à temps plein. La pluriactivité et le travail en temps partagé permettent d’acquérir des profils techniques ou managériaux à temps réduit. Mais comment mieux accompagner les dirigeants de PME et TPE sur ces problématiques ? Avec quels outils RH collaboratifs et mutualisés sur un territoire ?</p>
<p>Les enjeux sont également importants pour les écoles de commerce et les facultés de gestion. Comment penser une pédagogie différente (la problématique ne peut pas être uniquement celle des départements initiaux ou des départements exécutifs mais elle suppose une démarche concertée) ? Comment élaborer une offre qui prépare d’avantage les étudiants à ce monde du freelancing, de l’entrepreneuriat et leurs hybridations avec le salariat ? Quels services proposer afin d’accompagner les anciens étudiants sur ces boucles de pluriactivité synchrone ou asynchrone et les aspects connexes de ces évolutions (télétravail, travail mobile, « tiers-lieuisation ») ?</p>
<p>Le chantier est vaste. Il suppose de revoir notre conception du management, en particulier celle des systèmes de « contrôle », et de repenser les pratiques managériales à l’aune des nouvelles pratiques de travail. To be continued…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président du réseau académique et think tank RGCS (<a href="https://collaborativespacesstudy.wordpress.com/">https://collaborativespacesstudy.wordpress.com/</a>)</span></em></p>Qu’est-ce qu’un « pluriactif » ou « slasher » ? Analyse de cette transformation majeure du monde du travail et ses enjeux pour le management.François-Xavier de Vaujany, Professeur, PSL-Université Paris-Dauphine (DRM), Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/850382017-10-04T21:07:32Z2017-10-04T21:07:32ZLes espaces de coworking : nouveaux intermédiaires de l’innovation ouverte ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188937/original/file-20171005-9802-xlp2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vie dans un espace de coworking</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/69432/">luc legay via VisualHunt.com </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la vitrine inaugurale de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue française de gestion</a>, « Innovation et numérique : quelles implications managériales ? » qui s’est tenue le 27 septembre 2017 en partenariat avec le <a href="https://www.list.lu/">Luxembourg Institute of Science and Technology</a> et The Conversation France. Il s’appuie sur un article paru dans le dossier spécial de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2016-1.htm"><em>Revue française de gestion</em> (n°254)</a>.</em></p>
<hr>
<p>Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut innover seul ou avec les autres, mais plutôt de savoir comment faire pour innover avec les autres. A l’heure de l’innovation ouverte, les entreprises sont pour la plupart convaincues de la nécessité d’innover avec leurs fournisseurs, leurs clients, et même leurs concurrents, mais elles ne savent pas toujours comment s’y prendre.</p>
<p>Dans cet <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2016-1-p-163.htm">article</a>, nous avons analysé une démarche originale d’innovation ouverte consistant pour une petite entreprise de services à être localisée pendant plusieurs mois dans des espaces de coworking aux côtés d’entrepreneurs innovants. Cette entreprise a ainsi élaboré des offres innovantes en s’inspirant du mode de fonctionnement des espaces de coworking testés et en tirant parti des nouvelles collaborations nouées sur place.</p>
<h2>Le succès mondial des espaces de coworking</h2>
<p>Grâce à un terminal connecté à Internet, les travailleurs de la société d’information du XXI<sup>e</sup> siècle sont devenus fortement mobiles. Ils peuvent travailler de presque n’importe où, devenant ainsi des <a href="https://www.lesechos.fr/11/03/2015/LesEchos/21895-524-ECH_bruno-marzloff---les---sans-bureau-fixe----pionniers-de-la-mutation-du-monde-du-travail.htm">sans bureau fixe</a> selon l’expression de Bruno Marzloff. Or, depuis le début des années 2010, de nouveaux types d’espaces physiques de travail se sont développés massivement en France et à l’international.</p>
<p>Les plus connus et les plus nombreux sont les espaces de coworking. Apparus au début des années 2000, ils permettent à des travailleurs indépendants, isolés, ou nomades de mutualiser des mètres carrés et des services. La <a href="http://zevillage.net/2017/01/la-meteo-2017-du-coworking-par-deskmag/">dernière enquête mondiale de Deskmag</a> en recense plus de 11 000 dans le monde. Le succès fulgurant des espaces de coworking interroge.</p>
<p>Au-delà du rapport qualité-prix et de la proximité du domicile, qu’est-ce qui motivent les coworkers à localiser leurs activités dans de tels espaces ? Qu’ont-ils à y gagner ? Pour répondre à ces questions, nous avons étudié le cas d’une agence de communication innovante d’une quinzaine de personnes, Opinion Valley (OV), qui a travaillé pendant plusieurs mois dans trois espaces de coworking successifs.</p>
<h2>L’itinérance d’Opinion Valley, une agence de communication aux méthodes innovantes</h2>
<p>Créée en 2004 à Paris, <a href="http://www.opinionvalley.com/">OV</a> est une agence de conseil en communication qui conçoit et met en œuvre des stratégies de communication pour le compte d’une vingtaine de clients de tous secteurs d’activité. Les missions réalisées sont diverses, aussi bien dans le champ de la communication (relations presse, <em>community management</em>…), que dans celui du conseil en management (veille, gestion de crise…). OV développe également une offre plus novatrice, le Lab. Sur une thématique donnée, l’agence détecte les principales tendances au niveau mondial, cartographie les parties prenantes locales et émet des recommandations en lien avec l’activité de son client.</p>
<p>Fin 2012, OV décide d’aller plus loin dans ses pratiques d’innovation et de créativité en s’engageant volontairement dans une démarche d’innovation ouverte, à la fois tangible et originale. OV quitte les locaux historiques de l’agence pour s’installer temporairement dans différents espaces de coworking et ainsi côtoyer au quotidien des entrepreneurs innovants. Cette forme d’hébergement a certes l’avantage de paraître économique et adaptable. Pour les associés, cette <a href="https://www.strategies.fr/actualites/agences/224406W/opinion-valley-agence-itinerante.html">itinérance</a> est l’« occasion de créer de nouvelles collaborations concrètes, d’échanger des idées et d’explorer de nouvelles approches et technologies ».</p>
<p>OV se domicilie d’abord à <a href="https://la-ruche.net/">La Ruche</a>, espace de coworking pour entrepreneurs sociaux. 6 mois plus tard, OV s’installe chez <a href="http://www.residencecreatis.fr/">CREATIS</a>, résidence pour entrepreneurs culturels. Enfin, OV rejoint <a href="https://paris.numa.co/">Numa</a>, haut lieu de l’innovation numérique, à son ouverture fin novembre 2013.</p>
<h2>De nouvelles offres résultant de la stratégie de localisation</h2>
<p>S’installer dans des espaces de coworking pour entrepreneurs innovants a permis à OV de renforcer et d’enrichir son offre de service en s’appuyant sur de nouveaux partenaires, hors du champ de la communication. L’agence a par exemple amélioré sa méthodologie du Lab. Les techniques de veille et de prospective de l’équipe ont été grandement facilitées par leur présence dans des espaces dont les populations offrent en soi des panels intéressants des champs d’innovation concernés et avec qui il est plus facile d’entrer en contact.</p>
<p>De nouveaux services qui capitalisent sur les opportunités détectées sur place et sur les viviers que constituent les espaces de coworking pour entrepreneurs ont également été lancés. OV propose par exemple désormais à ses clients grands groupes des déjeuners animés avec des <em>pitch startups</em>. Des porteurs de projet repérés par OV disposent alors de quelques minutes pour présenter leurs concepts.</p>
<p>Les offres innovantes développées par OV pendant cette période peuvent être qualifiées d’innovations ouvertes, dans la mesure où elles sont réalisées en collaboration avec des entrepreneurs rencontrés dans les espaces de coworking ou les équipes de ces espaces.</p>
<h2>Les espaces de coworking comme intermédiaires d’innovation ouverte</h2>
<p>La localisation d’OV dans ces espaces de travail multi-entreprises a indéniablement facilité son accès à de nombreuses startups et à des entrepreneurs aux profils variés, avec qui elle a su développer de nouvelles offres dans une logique d’innovation ouverte. L’un des associés déclare avoir rencontré plus de nouvelles personnes pendant cette année de coworking que pendant ces cinq dernières années.</p>
<p>Parmi les personnes et entreprises découvertes dans ces espaces, certaines sont devenues clientes de l’agence. Toutefois, ce type de concrétisation reste mineur. Les collaborations de l’agence avec des entrepreneurs prennent essentiellement deux formes. Soit l’agence identifie ceux avec qui elle pourrait travailler en direct pour augmenter son offre commerciale. Soit elle repère ceux qu’elle pourrait mettre en relation avec ses clients et partenaires.</p>
<p>Ces espaces de coworking peuvent être caractérisés d’<a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733306000497">intermédiaires d’innovation ouverte</a> puisqu’ils servent d’interfaces entre les entreprises hébergées et leur environnement à différentes étapes du processus d’innovation. Plusieurs types d’intermédiaires contribuant aux processus d’innovation ont été identifiés dans la littérature : <em>brokers, bridgers, gatekeepers, boundary spanners, technology scouts</em>… comme les cabinets de conseil en innovation, les communautés d’innovation en ligne, les plateformes de <em>crowdsourcing</em>, etc. <strong>Dans cette recherche, nous mettons en lumière un type original d’intermédiaire d’innovation puisqu’il s’agit d’un espace physique de travail multi-entreprises.</strong> Les espaces de coworking ont alors pour mission d’instaurer des relations de confiance entre les acteurs, de faciliter la circulation des ressources et des connaissances à l’intérieur et à l’extérieur du groupe de coworkers, et d’animer ce groupe.</p>
<h2>Les composantes d’intermédiation des espaces de coworking</h2>
<p>Nous avons identifié <strong>quatre composantes d’intermédiation de l’innovation ouverte</strong> spécifiques aux espaces de coworking qui contribuent à soutenir leur rôle d’intermédiaire d’innovation ouverte. Elles reposent sur des caractéristiques de fonctionnement qui facilitent la mise en relation des personnes et entreprises en coprésence : le recours à des outils de communication simples et directs, le choix d’organisation de l’espace et de placement des membres au sein de celui-ci, l’organisation d’événements internes et externes, et les échanges avec l’équipe de mangement de l’espace de coworking.</p>
<p>Les outils de communication employés par les espaces de coworking paraissent relativement pauvres à l’ère numérique. Ce sont finalement des mécanismes simples et non technologiques, comme l’affichage, l’échange verbal informel ou la réputation, qui semblent être les plus importants dans les modes de fonctionnement de ces espaces. Et ce même pour des espaces de coworking récents et tournés vers le numérique comme Creatis et Numa ouverts en 2013.</p>
<p><strong>Les choix d’aménagement de l’espace</strong> (présence de lieux de convivialité, de salles de réunion en nombre suffisant par rapport au nombre de coworkers) et d’installation des entrepreneurs au sein de cet espace (qui est à côté de qui, dans quelle partie de l’espace de coworking…) stimulent les interactions interpersonnelles (entre voisins de bureau, lors des déplacements au sein de l’espace). Cette composante d’intermédiation est probablement la plus originale et spécifique aux espaces de coworking.</p>
<p><strong>Les événements organisés par les espaces de coworking</strong> portent sur des thématiques et des formats variés en fonction de la spécialité des espaces (sessions de formation, cycles de conférences-débat, ateliers participatifs…). Ils constituent la composante d’intermédiation la plus visible de leur fonctionnement. Les événements permettent aussi bien aux membres de faire connaissance (notamment pour les nouveaux venus et les non membres) que de garder contact (participation d’anciens membres), d’acquérir de nouvelles connaissances ou actualiser des connaissances existantes (événements ressemblant à des modules de formation, permettant une activité de veille).</p>
<p>Ces trois premières modalités d’intermédiation mettent en valeur l’importance de la quatrième modalité : les interactions directes avec <strong>les équipes de management des espaces de coworking</strong>. Ainsi, les coworkers peuvent bénéficier de leurs connaissances du domaine d’innovation et de leurs recommandations auprès des membres de l’espace et de leurs réseaux au-delà des murs de l’espace de coworking (anciens membres, entrepreneurs du domaine ayant fait d’autres choix de localisation, représentants des pouvoirs publics concernés par la problématique…). Les équipes de management des espaces de coworking sont les acteurs du processus d’intermédiation d’innovation ouverte dans ce type de lieux. Elles instaurent et incarnent les relations de confiance nécessaires entre les membres pour qu’ils innovent de façon ouverte.</p>
<h2>De l’avantage de rejoindre des espaces de coworking spécialisés</h2>
<p>En tant qu’intermédiaires d’innovation ouverte, la fonction des espaces de coworking consiste à établir des connexions entre différents types d’acteurs. Les espaces de coworking éprouvés par OV sont d’autant plus efficaces dans ce rôle qu’ils sont <a href="http://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2016-4-page-8.htm">spécialisés dans un champ d’innovation spécifique</a> (l’innovation sociale pour La Ruche, l’innovation culturelle pour CREATIS…). Ce sont des acteurs clés de la promotion et la structuration de ce champ. Ils en deviennent des vitrines, des passages obligés où il fait bon être et être vu.</p>
<p>Mais pour ce faire, l’équipe de management de l’espace doit jouer son rôle à plein. Il est donc crucial pour les créateurs et dirigeants d’espaces de coworking de prendre la mesure du rôle de cette équipe et de ne pas confier cette responsabilité uniquement à des stagiaires. Il est important de s’interroger sur le profil des personnes requises pour animer l’espace, en fonction notamment de sa taille et du champ d’innovation dans lequel il est spécialisé, le cas échéant. La question de la formation de ces nouveaux types de managers reste également ouverte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85038/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>A l’heure de l’innovation ouverte, les entreprises sont souvent convaincues de la nécessité d’innover avec leurs fournisseurs, clients, et même leurs concurrents, mais ne savent pas toujours comment.Julie Fabbri, Professeur en stratégie et management de l'innovation, EM Lyon Business SchoolFlorence Charue-Duboc, Directeur de recherche au CNRS au PREG-CRG Professeur chargée de cours, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/833692017-10-01T20:35:19Z2017-10-01T20:35:19ZLes écoles d’ingénieurs à l’épreuve de la transition numérique : le cas du réseau Polytech<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188159/original/file-20170929-13542-1io39ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Etudiants Polytech sur un salon.</span> <span class="attribution"><span class="source">www.polytech-reseau.org</span></span></figcaption></figure><p>À la veille des <a href="http://bit.ly/2fvtYdv">assises du réseau Polytech</a> à Lyon les 3 et 4 octobre 2017, il paraît opportun de faire le point sur les spécificités, les atouts et les défis de ce jeune réseau de 14 écoles universitaires d’ingénieurs.</p>
<p>Bien sûr, ces 14 établissements restent marginaux <a href="http://www.cdefi.fr/fr/la-cdefi/chiffres-cles">face aux 205 écoles recensées en France</a>. Cependant, leurs 3 000 diplômés annuels sur quelques 35 000 au total (dont <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/06/30/ingenieurs-toujours-plus-de-femmes-diplomees_4961586_4401467.html">30 % de femmes</a> mais encore <a href="http://www.jobingenieur.com/ingenieurs/les-femmes-plebiscitees-par-l-ingenierie.cfm">trop peu nombreuses</a> !) en font désormais le <a href="http://bit.ly/2k9dq09">premier des réseaux menant au titre d’ingénieur</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188157/original/file-20170929-23041-eknoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">le réseau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Polytech</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’intégration récente de <a href="http://bit.ly/2fDt827">Polytech Nancy</a> au sein du réseau, l’avènement du statut d’écoles associées, la création de la « Fondation Partenariale Polytech » et l’arrivée des générations Millenials sont en effet des évènements symboliques qu’il faut décrypter et confronter à la transition numérique.</p>
<p>Précisons que nous sommes, tous les trois, enseignants-chercheurs en <a href="https://www.shs-conferences.org/articles/shsconf/pdf/2014/10/shsconf_shst2013_01002.pdf">départements <em>Sciences Humaines & Sociales</em></a> au sein des écoles de <a href="http://bit.ly/2x1Egbu">Clermont-Ferrand</a>, de <a href="http://bit.ly/2x0pjeE">Montpellier</a> et de <a href="http://bit.ly/2yckFdY">Nantes</a></p>
<h2>La genèse du réseau Polytech</h2>
<p>Ce réseau est créé au début des années 2000 avec l’apparition de diverses écoles universitaires d’ingénieurs issues localement de processus de regroupement d’écoles d’ingénieurs (<a href="http://web.polytech.univ-nantes.fr/l-ecole/">Nantes (= Ireste + Isitem + Esa Igelec)</a> en 2000, Marseille en 2001, Orléans (=Esem + Espeo) et Tours en 2002, Grenoble en 2003, <a href="http://polytech.univ-bpclermont.fr/-Historique-.html">Clermont (=CUST)</a> en 2006, etc.).</p>
<p>Ces écoles pionnières ont alors pour ambition d’une part de s’adosser à l’université publique française et d’autre part d’améliorer – ce qui est corrélé – leur visibilité nationale et internationale.</p>
<p>À ce jour, les résultats sont éloquents. Ils font de ce réseau, avec le réseau des IAE crée en 1955 pour les <a href="https://www.iae-france.fr/">écoles universitaires de management</a>, une belle réussite. Cette <em>success story</em> repose sur un partenariat original mobilisant les <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20269/liste-des-universites.html">Universités</a>, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), la conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs <a href="http://www.cdefi.fr/">(CDEFI)</a> et la Commission des titres d’ingénieurs <a href="https://www.cti-commission.fr/">(CTI).</a></p>
<h2>Déjà 70 000 ingénieurs diplômés</h2>
<p>Ainsi, depuis le 1<sup>er</sup> février 2017, le réseau Polytech compte 14 écoles publiques dépendant du MESRI et délivrant des diplômes d’ingénieur reconnus par la CTI. Il compte également 2 écoles associées (<a href="http://www.polytech-reseau.org/decouvrir-le-reseau-polytech/ecoles-associees-polytech/">ISTIA Angers et ENSIM Le Mans</a>) qui ont « vocation à partager le même mode d’admission que les écoles membres du réseau Polytech pour les bacheliers (concours Geipi Polytech) et pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles (concours Polytech) ». Il propose une douzaine de domaines de formation (informatique, génie civil, thermique energétique, mécanique, génie biomédical, génie mathématique et modélisation, matériaux, etc.).</p>
<p>Le réseau a déjà diplômé plus de <a href="http://www.polytech-reseau.org/decouvrir-le-reseau-polytech/">70 000 ingénieurs actuellement en activité</a> et en diplôme environ 3 000 chaque année ce qui en fait le plus massif en France en terme de diplomation. Il s’appuie sur l’expertise de quelques 1 300 enseignants-chercheurs permanents, des dizaines de laboratoires de recherche, des centaines de <em>visiting professors</em> et des milliers de spécialistes en activité dans tous les secteurs professionnels intervenants ponctuellement (cours, td, tp, projets, séminaires, <em>workshops</em>, <em>serious games</em>, etc.)</p>
<h2>La force des concours communs et des recrutements atypiques</h2>
<p>Les 14 écoles membres du réseau – ainsi qu’une quinzaine d’autres écoles d’ingénieurs non membres – recrutent leurs élèves ingénieurs au niveau bac via le concours commun dénommé <a href="http://www.geipi-polytech.org/">Geipi Polytech</a> qui mobilise chaque année en mai environ 16 000 candidats pour environ 3 000 places offertes au sein de la trentaine d’écoles participant à cet important concours post bac.</p>
<p>De même, les écoles du réseau recrutent au niveau bac +2 via le concours dénommé <a href="https://www.e3a.fr/spip.php?rubrique2">e3a</a>. Ce concours est commun à de nombreuses écoles d’ingénieurs et est ouvert aux élèves des classes préparatoires scientifiques.</p>
<p>Au final, les ingénieurs diplômés du réseau Polytech proviennent globalement de trois grandes familles dont le brassage et les échanges sont à encourager : 1/3 PEIP, 1/3 CPGE et 1/3 DUT</p>
<p>Notons enfin que les écoles du réseau recrutent également leurs élèves ingénieurs via de nombreuses autres voies d’accès sur titre, sur dossier ou sur parcours. Un premier exemple : l’original offre destinée aux étudiants <em>reçus-collés</em> à l’issue de la première année de médecine (PACES) dans le cadre du <a href="http://bit.ly/2xQ1F3T">projet AVOSSTI</a> qui fut retenu par le jury de l’appel à Projet IDEFI en 2012. Les <em>recus-collés</em> volontaires et éligibles intègrent alors directement la seconde année du <a href="http://www.polytech-reseau.org/postuler-a-polytech/cycle-preparatoire/">cycle intégré PeiP</a> (préparation des écoles d’ingénieurs Polytech) d’une des écoles du réseau. Un second exemple : l’opportunité offerte à certains bacheliers STI2D après une prépa en IUT. Un troisième et dernier exemple : le parcours <a href="http://web.polytech.univ-nantes.fr/actualites/lettre-d-informations/n-26-juin-2017/10-ans-de-cooperation-avec-l-universite-maritime-de-shanghai-1538410.kjsp">3+1+2</a> destiné aux étudiants de l’université maritime de Shanghai.</p>
<h2>L’écosystème Polytech</h2>
<p>Cet écosystème comprend outre les 14 écoles membres du réseau, les deux écoles associées, la CTI qui délivre le titre d’ingénieur et qui pilote les indispensables habilitations à délivrer le titre d’ingénieur ; la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) ; le MESRI qui pilote le recrutement et les <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24530/les-enseignants-chercheurs.html">carrières des enseignants-chercheurs</a> (principalement des attachés temporaires d’enseignement et de recherche –doctorants–, des maîtres de conférences et professeurs des universités) ; les Universités (et la CPU) qui sont les « maisons-mères » institutionnelles dont les Polytech sont des composantes ; les laboratoires de recherche qui peuvent bien évidemment regrouper des acteurs des universités, des centres de recherche scientifiques (CNRS, Inserm, INRIA, IRD, INED, IFSTTAR…) et autres grandes écoles (École centrale, École polytechnique, INSA, Institut Mines-Telecom, etc.) ; la fédération des anciens élèves (Polytech Alumni) et celle des élèves en cours de formation ; les expériences à l’international des membres du réseau (Polytech Abroad) et enfin la récente « Fondation Partenariale Polytech ».</p>
<p>L’originalité de ce jeune écosystème – pour le moment exclusivement métropolitain – repose sur l’interopérabilité et la cohérence des 14 membres du réseau. Il repose aussi sur un pilotage commun porté par le <a href="http://bit.ly/2xPyD4v">coordinateur du réseau</a> et son équipe et – à notre sens – sur un triptyque de valeurs communes autour des notions d’ambition, d’ancrage et de bienveillance.</p>
<h2>Les trois défis d’une diplomation massive et de qualité</h2>
<p>Le réseau se trouve face à trois défis, complexes et imbriqués ; en cohérence avec ce qu’est désormais devenu le réseau après 17 années d’existence.</p>
<p><strong>1. articuler massification et qualité</strong></p>
<p>Le premier est celui d’une diplomation qui doit continuer à être à la fois massive (volumétrie) et de qualité (enseignement et recherche). Ce réseau est devenu de facto le premier formateur d’ingénieurs en France avec la « production » annuelle d’environ un ingénieur sur dix. Même si le nombre d’ingénieurs formés en France reste largement insuffisant face à la forte demande et aux <a href="https://www.challenges.fr/emploi/10-choses-a-savoir-sur-les-ingenieurs-en-france_17952">10 000 départs en retraites</a> annuels (la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs <a href="http://lemde.fr/2lJvvyJ">voudrait atteindre 50 000 élèves diplômés</a> dans cinq ans et ainsi largement dépasser les 35 000 diplômés d’aujourd’hui), la force de frappe de ce réseau avec ses douze spécialités et ses 70 000 ingénieurs en activité en fait clairement l’un des plus importants contributeurs directs à la compétitivité nationale. Le chantier de la <a href="http://www.liberation.fr/futurs/2017/03/20/industrie-la-france-n-a-pas-perdu-d-usines-en-2016_1557060">réindustrialisation de la France</a> – et de l’Europe – a besoin d’ingénieurs !</p>
<p>Ainsi, le réseau Polytech doit rester maître de la sélection et des modalités de recrutement. Cependant, tout au long de ce processus de formation y compris – voire surtout – lors des deux années de prépa intégrées, le réseau se doit (1) de valoriser plutôt que de sanctionner, (2) d’orienter et accompagner et (3) de s’ouvrir aux profils et talents atypiques. En cela il se différencie de celui des IAE qui est confronté à la complexité d’une sélection non pilotée et à la forte attractivité des études de gestion !</p>
<p><strong>2. gouverner globalement et agir localement</strong></p>
<p>Le second défi est celui de sa gouvernance. Elle se doit de continuer à être à la fois globale et locale. Il lui faudra <strong>rester global</strong> avec une coordination active et visible du réseau, un <em>guichet unique</em> pour les partenaires –publics ou privés, nationaux ou internationaux–, de puissants outils en commun comme la <a href="http://bit.ly/2x0AUKW">plateforme pédagogique e-planet</a> ou comme le concours d’entrée, des <a href="http://bit.ly/2fDXXUd">projets pédagogiques</a> et de recherche déployés en commun, une communication et une visibilité partagée, l’accompagnement de la montée en puissance de notre <em>bras armé</em> qu’est Polytech Alumni et de nos <em>cartes de visite</em> que sont les <a href="http://bdepolytechgrenoble.com/event">BDE</a> et <a href="http://blog.polytech.univ-smb.fr/categorie/ecole-dingenieurs/">BDS</a>, etc.</p>
<p>Il lui faudra aussi <strong>penser local</strong> avec un recrutement des enseignants-chercheurs aligné sur les grandes orientations locales, les efforts de recherches en cohérence avec les pôles de compétitivités, les <a href="https://www.polytech.upmc.fr/fr/page/partenaires-du-reseau-polytech">partenaires privés</a> et autres écosystemes <a href="https://theconversation.com/des-ecosystemes-daffaires-aux-ecosystemes-dinnovation-75329">d’affaires et d’innovation</a> sur les territoires, la créativité et l’originalité des innovations pédagogiques portées localement, la pérennisation des spécialités fortement ancrées territorialement à l’image <em>des algues</em> en <a href="http://bit.ly/2yc2MMl">GPB à Nantes-St Nazaire</a> ou du parcours <em>du scanner au scapel</em> en <a href="http://bit.ly/2fWudi8">GM à Marseille</a>. Le défi de la gouvernance doit être pensé au niveau du réseau et déployé au niveau local, c’est-à-dire celui des 14 écoles voire parfois des spécialités elles-mêmes.</p>
<p><strong>3. accueillir les Millenials et s’adapter à une transition forcément numérique</strong></p>
<p>Le troisième défi est celui de la transition et de la transformation numérique. Il a dépassé <a href="http://bit.ly/2xPGQoY">celui du début des années 2010 sur la mondialisation</a> même s’il reprend certaines des pistes envisagées (interdisciplinarité, recherche, réseau, ouverture). Il induit cependant aussi pour les formateurs une bonne compréhension de la complexité et de l’irréversibilité du phénomène porté par une <a href="http://bit.ly/2k9he1i">plate-formisation rapide</a> des activités économiques (big data, algorithmique, <em>pricing</em>, contrôle, externalisation, désintermédiation, etc.) et par le couplage fonctionnel/fictionnel des technologies qui la supportent et qui imposent en partie de <a href="http://bit.ly/2fCR6u3">repenser le métier d’enseignant-chercheur</a>.</p>
<h2>Repenser l’accueil d’élèves-ingenieurs hyper connectés</h2>
<p>Ce défi nous impose aussi de recontextualiser l’accueil de générations d’élèves ingénieurs très différentes de leurs prédécesseurs et – donc – de leurs enseignants et formateurs. Ces générations aux dénominations exotiques et controversées (<a href="http://www.meta-media.fr/2017/02/02/qui-sont-vraiment-les-millennials-anatomie-dun-buzzword.html">Y, Millenials, <em>digital natives</em>, Yolo, Génération Peter Pan, etc.</a>) sont caractérisées par de nombreux paradoxes. Il est indispensable de s’y adapter en privilégiant l’écoute et la bienveillance dans nos enseignements, l’acquisition de compétences (dont 1) celle de savoir s’intégrer dans une organisation et (2) celle de savoir prendre en compte les enjeux industriels, économiques et professionnels qui sont <a href="https://www.cti-commission.fr/wp-content/uploads/2017/02/cti-brochureIESF-colloque-12p-HD.pdf">évoquées en page 7 de ce document CTI</a>) plutôt que stricto sensu des connaissances (rapidement obsoletes) et en <a href="https://theconversation.com/evaluation-des-etudiants-sortir-de-la-note-sur-20-84632">réinventant nos outils d’évaluation</a> encore trop exclusivement basés sur la notation de 0 à 20 et le positionnement par rapport à la moyenne arithmétique. Il conviendra par exemple de valoriser leur agilité cognitive, leur curiosité, leur appétence pour le <a href="https://www.globalworkspace.org/coworking-tools/">co-working</a> et les <a href="http://bit.ly/2p1trpP">tiers lieux</a> et enfin leur <em>hyper-connection</em> qui n’est pas uniquement une « incapacité à se concentrer durablement » ou encore leur recherche du <a href="http://bit.ly/2xKtFW5">« beau », de « l’ethique » et du « plaisir »</a>.</p>
<p>Cette hyper-connection s’inscrit d’ailleurs en droite ligne avec l’apparition d’une « société hyper-industrielle » elle aussi soumise à des transformations profondes du fait de la pénétration des TIC au cœur même de l’activité productive (<a href="http://bit.ly/2lFCprx">Pierre Veltz, <em>La société hyper-industrielle</em>, 2017</a> : les chaînes de valeur, l’organisation interne des entreprises, les stratégies et la place du salariat sont ainsi repensés.</p>
<p>Cette transition numérique n’est pas que technologique mais aussi « sociétale ». Son déploiement est en-cours et l’aboutissement en est encore incertain. Ceci soulève un défi pour l’accompagnement qui doit intégrer dans la formation les dimensions non scientifiques et non techniques que sont les aspects organisationnels, économiques, juridiques, sociétaux, environnementaux et managériaux propres aux écosystemes numériques émergeants dans lesquels nos futurs ingénieurs évolueront et – espérons-le – s’épanouiront.</p>
<h2>Revisiter l’approche tubulaire de la formation ingénieure</h2>
<p>L’idée est de proposer des ponts et autres passerelles vers d’autres types de compétences. À titre d’illustration, le <a href="http://bit.ly/2tQZGXI">récent partenariat signé avec le réseau des IAE</a> est une bonne piste à travailler et à valoriser pour donner à nos élèves quelques clés supplémentaires. Il s’agit de leur proposer d’acquérir des compétences managériales et entrepreneuriales pour pouvoir mieux ouvrir certaines des portes qui se présenteront tout au long de leur future carrière qui sera forcément « à double compétence ».</p>
<p>Cette convention est en cohérence avec les nombreux <a href="http://bit.ly/2x1gdJW">accords locaux</a> qui existaient depuis les années 2010 entre les composantes IAE et Polytech de <a href="http://bit.ly/2ydI5zC">certaines universités</a> vers de <a href="http://bit.ly/2xGAR3P">nouveaux profils</a>. Ce défi d’une double compétence à double entrée (ingénieur-manageur/manageur-ingénieur) est aussi lié à celui de la <em>formation tout au long de la vie</em> et du futur et massif enjeux de l’accueil des apprenants <a href="http://bit.ly/2xHmufK">d’une formation professionnelle enfin revisitée</a>.</p>
<h2>Deux pistes de réflexion pour aborder ces défis</h2>
<p>Nous proposons de renforcer ce qui est à ce jour l’un des points forts du réseau c’est-à-dire les échanges entre ses 14 écoles et de privilégier la recherche de la pertinence</p>
<p><strong>1. Renforcer les échanges, la mobilité et la transversalité</strong></p>
<p>Paradoxalement la jeunesse du réseau est aussi un atout en terme de flexibilité opérationnelle et de capacité d’adaptation à la fois au phénomène de transition numérique et à l’arrivée de nouvelles générations d’élèves ingénieurs assez différentes sur le fond et sur la forme de <a href="http://bit.ly/1HypCcT">celles qui les ont précédées</a>.</p>
<p>Concernant les élèves, les écoles doivent pouvoir accentuer la mobilité globale intra réseau de courte et moyenne durée, même si elle est déjà relativement importante à l’issue des deux années de prépa et lors de la cinquième année. Concernant les enseignants et personnels, le réseau doit pouvoir également améliorer leur mobilité. Il doit aussi continuer à se doter de services, de pôles ou de départements transversaux – à côté de ceux de langues accompagnant notamment vers le score de <a href="http://bit.ly/2wnnFzx">785 au TOEIC</a> – orientés « humanités » (économie, gestion, droit, sociologie…), bien structurés et proposant un volume significatif d’enseignements (à hauteur de 20 % du volume total).</p>
<p>Ces entités transverses s’avèrent à la fois utiles, souples, fédératrices et bienvenues <a href="http://bit.ly/2yclQKj">notamment auprès des employeurs</a>selon les retours des enquêtes post diplomation. Elles peuvent aussi être un point de rencontre 3E (école/éleve/entreprise) intéressant pour l’indispensable accompagnement de l’<a href="http://apprentissage.polytech-lille.fr/">apprentissage</a> et de l’alternance.</p>
<p><strong>2. Dans le tandem rigueur-pertinence, cibler la pertinence</strong></p>
<p>Abordons l’un des défis principaux et probablement polémique. En effet, il est d’usage de faire reposer l’excellence de la recherche et de la formation scientifique sur la combinaison <a href="http://misrc.umn.edu/workshops/2008/spring/Lee_Spring_08.pdf">d’un haut niveau de rigueur et d’un degré élèvé de pertinence</a>.</p>
<p>À ce propos, du point de vue de nos départements « humanités » respectifs, il nous semble que la rigueur (par exemple, vers un résultat précis et fiable ?) a été trop longtemps privilégiée au détriment de la pertinence (ie. vers un résultat utile et adapté (… à la question posée) ?). Dès lors – face à un monde riche en questionnements, en perturbations, en interdisciplinarité et en <a href="http://www.businessinsider.fr/goldman-sachs-a-remplace-600-traders-par-200-ingenieurs-en-16-ans/">algorithmique</a> – il nous paraît important de replacer le curseur du coté de la recherche de la pertinence.</p>
<p>L’idée est de privilégier l’acquisition des compétences orientées pertinence. Celles qui préserveront (un peu !) les <a href="http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/quand-les-algorithmes-remplaceront-les-cadres_1548065.html">cols blancs face au big data</a>. Il s’agit d’abord pour l’élève-ingénieur d’apprendre à bien comprendre et délimiter la question posée, d’envisager ses impacts (même les plus improbables et contre-intuitifs) et ses enjeux. Il s’agit ensuite de proposer une démarche méthodologique raisonnable et performante (plus efficiente qu’efficace) afin de contribuer à apporter une réponse scientifique et technique qui soit à la fois acceptable, frugale et utile.</p>
<p>L’ingénieur confronté à un monde numérique qui perturbe la verticalité du savoir doit accepter de ne plus être celui « qui sait et peut tout » pour devenir l’expert qui sait dire <em>sans vergogne</em> <a href="http://bit.ly/2kRhli2">quand il ne sait plus</a> !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment appréhender et intégrer au mieux la transition numérique dans la formation des ingénieurs ? Contexte, défis et perspectives appliqués au cas des 14 écoles du jeune réseau Polytech.Marc Bidan, Professeur des universités en management des systèmes d’information à Polytech Nantes, Université de Nantesalexandre Cabagnols, Maître de Conférences en Economie-Gestion à Polytech Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Roxana Ologeanu-Taddei, Maitre de conférence habilitée à diriger des recherches en Sciences de gestion à Polytech Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/830592017-09-17T20:23:17Z2017-09-17T20:23:17ZLe bureau, un espace pas comme les autres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/185692/original/file-20170912-23795-1git8rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouvelles technologies ont bouleversé le rapport à l'espace de travail dans l’entreprise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/adult-beard-blur-brainstorming-450277/">rawpixel.com/Pexels</a></span></figcaption></figure><p>Réaménager les locaux tourne parfois au casse-tête. Pour certains collaborateurs, c’est tout un monde qui s’écroule. En résultent parfois résistances, démotivation, contestations. Difficile d’éviter ces réactions, voire de les anticiper.</p>
<h2>Mais pourquoi s’accrocher à un bureau ?</h2>
<p>« Le bureau n’a pas toujours été le lieu de travail que l’on connaît aujourd’hui », <a href="https://communicationorganisation.revues.org/2645">estime Anne Monjaret</a>. « Le mot <em>bureau</em> vient certainement de <em>bure</em>, grosse toile de laine qui, placée sur les tables à écrire, permettait par son épaisseur et sa matière d’isoler le parchemin sur lequel on écrivait, évitant ainsi de le détériorer », précise <a href="https://www.amazon.fr/Histoire-moeurs-coordonn%C3%A9es-culture-mat%C3%A9rielle/dp/2070422321">Maurice Rheims</a>.</p>
<p>« Par métonymies successives, on est passé du dit tapis de table à la table à écrire elle-même, puis de ladite table à la pièce dans laquelle elle était installée, puis à l’ensemble des meubles constituant cette pièce, et enfin aux activités qui s’y exercent, aux pouvoirs qui s’y rattachent, voire même aux services qui s’y rendent », <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-infra-ordinaire-georges-perec/9782020108997">souligne l’écrivain</a> Georges Perec.</p>
<p>Malgré les évolutions liées aux <a href="http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2013/09/10/09007-20130910ARTFIG00753-l-organisation-du-travail-evolue-grace-a-Internet-et-aux-reseaux-sociaux.php">nouveaux modes d’organisation du travail</a>, un attachement des salariés à leur espace de travail persiste. Il convient donc d’envisager cet espace comme un support identitaire, ou comme un producteur d’identité.</p>
<p>D’ailleurs, il n’est pas rare d’observer quelques résistances au changement lors de déménagements ou changements d’affectation des bureaux. Cet ancrage spatial provient de la notion d’<a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100113570">identité au travail</a>.</p>
<h2>Identité au travail : quésaco ?</h2>
<p>On évoque l’identité au travail quand on cherche à mettre en évidence le rapport entre l’individu et l’organisation, ou l’individu et la culture de l’entreprise. <a href="http://ses.webclass.fr/notion/identites">La notion d’identité</a> est une construction sociale et organisationnelle qui est exprimée par les individus. Elle se situe aux confluents de la sociologie, du management et de la psychologie.</p>
<p>Ce qui définit un salarié dans l’entreprise correspond à son intitulé de poste et sa fiche de poste (donc ses missions). Les signes extérieurs produits sont : le titre, le salaire, la voiture de fonction, l’espace de travail, le matériel mis à disposition (<em>smartphone</em>, ordinateur) et les ressources allouées (taille de l’équipe, assistante dédiée).</p>
<p>Pour autant, la géographie n’est pas en reste puisqu’il existe un <a href="http://www.persee.fr/doc/geoca_1627-4873_2002_num_77_2_1569">lien entre identité sociale et spatiale</a>. Pour <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00281929/document">Guy Di Méo</a>, l’identité « est également essentielle à l’établissement de la conviction de chaque individu d’appartenir à un, voire à plusieurs, ensembles sociaux et territoriaux relativement cohérents. »</p>
<p><a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00281929/document">Toujours selon le chercheur</a>, « ces univers se caractérisent par la communauté de valeurs et de traits culturels, d’objectifs et d’enjeux sociaux, fréquemment aussi par celle d’une même langue et d’une même histoire, souvent, mais pas de manière obligatoire, d’un territoire commun… »</p>
<p>Les individus ont donc plusieurs appartenances : groupes, lieux, territoires, etc. Autant d’identités développées par les collaborateurs qui se les approprient progressivement. La production de l’identité dépend donc du contexte et du collectif de travail : possiblement, le lien entre espace de travail, organisation, et stratégie, est un facteur de production d’identité individuelle au travail.</p>
<p>Avec <a href="http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=002193884&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341720009+,SY,NLECTEUR+WEBOPC,D2.1,Eb215edf1-2e,A,H,R193.51.83.42,FY"><em>Les Relations de travail à l’usine</em></a>, puis <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100113570"><em>L’Identité au travail</em></a>, le sociologue Renaud Sainsaulieu avait déjà intégré l’analyse de la dimension culturelle du travail, en repérant « des processus identitaires très différents en fonction des moyens dont disposent les individus pour obtenir la reconnaissance d’autrui », <a href="https://www.scienceshumaines.com/la-construction-des-identites-au-travail_fr_4063.html">estiment les chercheurs</a> Jean‑Louis Laville et Norbert Alter.</p>
<p>L’identité dépendrait des voies d’accès au pouvoir dans les interactions professionnelles. Renaud Sainsaulieu <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100113570">propose</a> une typologie des identités selon quatre modèles. Nous citerons ici deux modèles pour lesquels l’identité peut s’affirmer par l’appropriation d’un espace de travail :</p>
<ul>
<li><p>des salariés dotés d’un pouvoir individuel très limité, qui vont s’investir dans une lutte collective (valeurs communes, camaraderie, unité du groupe) ;</p></li>
<li><p>les professionnels très qualifiés, grâce aux compétences et aux responsabilités acquises, qui ont pour but « d’affirmer leurs différences, de négocier leurs alliances et leur reconnaissance sociale », <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100113570">selon le chercheur</a>.</p></li>
</ul>
<p>Dans le cadre d’une réorganisation des espaces de travail et de la mise en œuvre de nouveaux aménagements, cette notion d’identité est clairement à prendre en compte. En effet, selon <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01164238/document">Delphine Minchella</a>, « l’espace apparaît comme une véritable ressource organisationnelle (..) tantôt il permettrait une meilleure surveillance des salariés, tantôt il favoriserait leur créativité, leur communication, ou encore leur motivation. »</p>
<h2>Des réactions surprenantes…</h2>
<p>L’apparition de nouvelles formes travail, comme le <a href="http://www.onisep.fr/Cap-vers-l-emploi/Decouvrir-le-monde-professionnel/Le-teletravail/Bien-comprendre-ce-qu-est-le-teletravail">télétravail</a> ou le <a href="https://theconversation.com/a-lere-du-travail-collaboratif-il-faut-repenser-lorganisation-59321"><em>coworking</em></a>, ont remis en question les méthodes de contrôle et de management, et surtout la nécessité d’être présent dans un lieu précis.</p>
<p>Il s’agit alors de favoriser la flexibilité (diminution des coûts de l’immobilier, horaires élastiques) ; celle-ci permet ainsi de de <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/job.144/abstract;jsessionid=CF03888F4A8A46A5955EDB1254B76A67.f02t02">travailler</a> à n’importe quel endroit, n’importe quand. Si ses salariés sont plus autonomes, ils se trouvent parfois géographiquement loin de leur équipe de travail. L’espace de travail se trouve parfois délocalisé à domicile, ou dans un <a href="https://theconversation.com/les-tiers-lieux-2-0-une-nouvelle-facon-dapprehender-le-monde-76723">tiers lieu</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HlPESsyBmtU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>La mise en œuvre du télétravail passe aussi par la métamorphose des lieux de travail (les espaces deviennent plus petits et plus ouverts). Le territoire personnel peut être « envahi », ce qui, <a href="https://interventionseconomiques.revues.org/689">selon des chercheuses</a>, « peut amener une certaine confusion entre ce lieu de travail, l’univers familial et les loisirs ».</p>
<p>Car la distance entre le salarié est l’entreprise est « non seulement physique, mais aussi et surtout psycho-sociologique », note le professeur Laurent Taskin. Il s’agit d’un éloignement du lieu de travail habituel et également du collectif de travail. <a href="http://www.essec.edu/media/presse/communique-presse/2016/CP-mon-bureau-de-demain-II.pdf">Une étude conduite en 2016</a> révèle cependant que, pour 87 % des personnes interrogées, se rendre au bureau n’est pas une habitude obsolète.</p>
<h2>L’appropriation de l’espace et ses enjeux</h2>
<p>L’espace doit être également vu comme la scène où se jouent à la fois un rapport salarial, un rapport social et une relation de service. L’espace réunissant dans un même lieu des publics différents avec des enjeux spécifiques, il peut conduire à des situations de superposition ouvrant lieu à des conflits <a href="https://www.researchgate.net/publication/240431136_A_votre_service_La_relation_de_service_comme_rapport_social">« serviciels »</a>.</p>
<p>Il peut donc devenir le lieu de reconnaissance de la <a href="http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR019-09.pdf">« professionnalité »</a> de certains salariés, engendrant des conflits de partage d’espace pour des activités de nature différente, <a href="https://nrt.revues.org/2859">selon</a> Marie Benedetto-Meyer et Jérôme Cihuelo.</p>
<p>Par exemple, un chef de projet ne voudra pas partager son bureau si un membre de son équipe a un bureau individualisé. C’est un enjeu de visibilité et de légitimité vis-à-vis des autres chefs de projet disposant eux-mêmes d’un bureau individuel. Il sera plus judicieux de respecter la hiérarchie symbolique des métiers. Dans ces conditions le partage de l’espace se fait le plus souvent au détriment des moins bien placés. L’espace reste ainsi au cœur des enjeux de reconnaissance des activités et des « professionnalités ».</p>
<p>De même, la localisation du bureau dans les bâtiments peut générer des conflits, eu égard à la symbolique rattachée : un bureau visible, grand et bien placé sera mieux accepté qu’un bureau plus petit, voire délocalisé du centre de décision stratégique de l’entreprise. Ainsi, les chefs de service, de même niveau hiérarchique, peuvent également être très sensibles à la localisation de leur bureau. Changer d’espace de travail peut donc, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif, révéler des enjeux bien plus subtils qu’un simple changement de bureau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83059/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’espace de travail des salariés est-il un simple « bureau » ? Si l’organisation du travail évolue (coworking, télétravail), les salariés restent attachés à leur espace de travail.Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit - Laboratoire Métis, EM NormandieVirginie Hachard, Doyenne associée de la Faculté, Enseignant-chercheur en entrepreneuriat, Laboratoire Metis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/828532017-09-03T20:35:51Z2017-09-03T20:35:51ZLes nouvelles formes de solidarité chez les travailleurs indépendants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183755/original/file-20170829-10438-17o81zv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Coworking dans un espace du Impact Hub Global Network.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/thehub/12914630535/in/photolist-kFdRHH-bCPa3X-8NbeLV-7TEj2V-7TFyvR-qSF5VQ-2aYRtv-cgTYwG-7z9Pse-4Xpgfa-9n5Vqk-7KEi2e-7KJgrY-dZmNKm-dZmMoN-9WKbfS-83ovQS-raakGq-7TEiG4-5GGEay-brAFC7-7THyhs-6AHuEn-qSMS2R-qdsR9Z-raagU5-6AMCxf-bCP9T2-bpUcVL-7xCon1-7TFyc6-o5jSro-naHvDp-5GGFr5-bpUdsN-ra7s9D-qSGjVU-qdsPfD-qSGwgu-7TEjmB-qSQyrn-ra7wR4-bCP9u6-bpUdo1-bpUdr9-omx1Ng-3B8bSU-5GCkxi-7TsqEW-uyKV9D">Impact Hub Global Network / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/is-freelancing-the-future-of-employment-80253">nouveaux travailleurs indépendants</a> ne bénéficient pas des protections propres au salariat et peuvent, de surcroît, souffrir d’isolement. Face à cette double insécurité, de nouvelles formes de solidarité émergent. On constate par exemple que des personnes se structurent en collectif d’indépendants, pratiquent le <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-2-page-263.htm">don contre don</a> ou encore le coaching participatif. En rendant possible le développement professionnel des travailleurs indépendants, ces nouvelles formes de solidarités constituent une réponse à la précarisation de certaines nouvelles formes de travail.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/237897237" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Choisi ou contraint, le travail indépendant est précaire</h2>
<p>En tant que forme socialement instituée du travail, le salariat repose sur le principe du contrat de subordination. Ce dernier permet de créer un espace-temps de travail collectif qu’il s’agit pour les managers de gérer au mieux.</p>
<p>Alors que l’on pouvait penser cette forme particulière du travail quasi-irréversible, voilà que reviennent sur le devant de la scène le travail à la tâche, ainsi que des <a href="http://lelibellio.com/retour-vers-le-futur-le-capitalisme-de-plate-forme-ou-le-retour-du-domestic-system/">formes d’organisation précapitalistes</a>. Ce retour est rendu possible par les plateformes en ligne, telles <a href="https://theconversation.com/les-mysteres-de-luberisation-73891">Uber dans le secteur du transport</a>, qui bouleversent les frontières établies entre le marché et l’entreprise.</p>
<p>En rendant le coût du travail indépendant compétitif par rapport au travail salarié, ces plateformes en ligne ont fait en sorte qu’une large part de l’activité économique, autrefois réalisée au sein des entreprises, est désormais le fait des travailleurs indépendants qui monnayent leurs tâches sur les marchés qu’elles organisent.</p>
<p>Mais alors que le droit du travail régit les relations de subordination, c’est le droit commercial qui régit les échanges économiques entre les travailleurs indépendants et les plateformes en ligne. Ce déplacement du droit du travail vers le droit commercial entraîne une transformation radicale de la protection des travailleurs. En effet, les plateformes n’ont pas à répondre aux mêmes obligations que celles des employeurs.</p>
<p>Dans de nombreux secteurs d’activité, tels le transport de personnes ou la livraison de repas, l’arrivée des plateformes en ligne se traduit par l’émergence d’une nouvelle classe de travailleurs contraints d’assurer à leur charge l’acquisition des moyens nécessaires à leur activité économique (automobile, vélo, etc.), ainsi que le risque qui pèse sur cette activité.</p>
<p>Par ailleurs, loin de pouvoir coopérer en vue de défendre leurs intérêts, les travailleurs indépendants sont de fait dans une <a href="https://theconversation.com/uberisation-turc-mecanique-economie-a-la-demande-ou-va-le-capitalisme-de-plateforme-64150?sg=9a8fc8d0-284c-4d4c-9380-acf580cfe617&sp=2&sr=15">situation de compétition les uns avec les autres</a>.</p>
<p>Les situations de précarité souvent vécues par les indépendants laissent à croire que, dans une société où le chômage va croissant, le travail indépendant ne serait que chose contrainte. Cela n’est pas le cas. L’augmentation continue du nombre de travailleurs indépendants est en partie due à une évolution des aspirations d’une partie de la population active. Ce phénomène est particulièrement visible chez les plus jeunes. Le statut d’indépendant séduit d’ailleurs <a href="http://www.credoc.fr/pdf/4p/289.pdf">45 % des 18-24 ans</a> au motif que celui-ci permettrait une plus grande liberté dans le travail et une carrière plus épanouissante que le statut salarié.</p>
<p>En conséquence, cette volonté exprimée de voir se développer des modalités de travail et de collaborations alternatives au salariat nécessite de s’interroger sur les nouvelles formes de protection et de solidarité qu’il s’agit d’inventer et de diffuser.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183762/original/file-20170829-12462-v6gtgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Soirée afterwork, espace de coworking à Neuchatel en Suisse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kinetoskop/16512589932/in/photolist-raakGq-7TEiG4-5GGEay-brAFC7-7THyhs-6AHuEn-qSMS2R-qdsR9Z-raagU5-6AMCxf-bCP9T2-bpUcVL-7xCon1-7TFyc6-o5jSro-naHvDp-5GGFr5-bpUdsN-ra7s9D-qSGjVU-qdsPfD-qSGwgu-7TEjmB-qSQyrn-ra7wR4-bCP9u6-bpUdo1-bpUdr9-omx1Ng-3B8bSU-5GCkxi-7TsqEW-uyKV9D-uwrj4C-uwritj-ntYJzR-qSFRzw-r7XZRG-qdstSv-qdfEgG-ntYpcH-7UJZQQ-qSQrip-qSPLxZ-bCP9zk-qdfFM7-8NejxE-9CfNTH-nsf74A-8PpQce">Manuel Schmalstieg/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nouvelles formes de solidarité : collectifs d’indépendants, don contre don et coaching participatif</h2>
<p>Les conditions et aspirations des indépendants étant grandement hétérogènes, ceux-ci imaginent et développent d’ores et déjà des solutions en fonction des spécificités liées à leur travail.</p>
<p>D’abord, à l’instar des mouvements sociaux et syndicaux plus classiques, ils peuvent jouer le jeu de l’action collective et se regrouper afin d’exercer un contre-pouvoir suffisamment fort pour entrer en négociation avec les donneurs d’ordres. La constitution de collectifs d’indépendants est généralement la voie empruntée en face des plateformes en ligne qui utilisent leur position d’intermédiaire entre les producteurs d’un service (les travailleurs) et les bénéficiaires du service (les clients) pour imposer leurs vues en termes de distribution de valeur. L’exemple canonique est celui du conflit entre les <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=uber">chauffeurs de VTC et l’entreprise Uber</a>.</p>
<p>Malgré le fait que les chauffeurs soient en situation de concurrence les uns avec les autres, cette forme de solidarité collective vise à permettre à chacun d’améliorer ses conditions de travail et/ou ses revenus. La constitution de collectifs d’indépendants est ainsi une réponse à la liquéfaction des liens sociaux qui se manifeste dès lors que l’économie collaborative se trouve réduite à une pure et unique économie de plateformes où les relations entre <a href="https://theconversation.com/de-limpossible-solidarite-en-milieu-liberal-79462?sg=fa6d34e2-ce4b-49c5-81c3-239e53c58d90&sp=1&sr=2">individus sont exclusivement marchandes</a>.</p>
<p>Ensuite, les indépendants peuvent développer des pratiques de don contre don qui permettent à chacun de développer son activité en profitant des compétences d’autrui. On observe en général une telle forme de solidarité chez les <a href="https://theconversation.com/independants-mais-ensemble-les-makers-inventent-de-nouvelles-collaborations-66608?sg=b5526cba-069c-44a6-a1b8-7b50f53856df&sp=1&sr=1">résidents d’espaces collaboratifs</a>.</p>
<p>Les pratiques de don contre don sont multiples et s’expliquent avant tout par l’impossibilité financière des indépendants de faire appel à des prestataires pour réaliser les activités de support dont ils ont besoin, par exemple, mettre en place un site Internet, créer un logo, faire une affiche, etc. Dans ce cas de figure, les indépendants qui acceptent de prêter main-forte aux autres savent qu’ils pourront eux-mêmes faire appel à d’autres pour obtenir un service.</p>
<p>Enfin, les indépendants sont amenés à développer une forme d’entraide collective que l’on peut qualifier de coaching participatif. Au sein de groupes <a href="https://www.meetup.com/fr-FR/">Meetup</a>, de groupes Facebook ou encore de réseaux d’entrepreneurs, les indépendants se regroupent afin de progresser collectivement sur la définition d’un modèle d’affaire, d’une clientèle cible, d’une stratégie de communication sur les réseaux sociaux, etc. Le plus souvent, cette solidarité ne s’arrête pas au seul partage de connaissances, mais prend la forme d’un accompagnement dans le temps.</p>
<p>Cela est, par exemple, le cas des <a href="https://www.agrh.fr/assets/actes/2014-Notais-Tixier.pdf">réseaux d’entrepreneurs sociaux féminins</a> dont les membres apportent motivation, encouragement et entraide aux autres. Les échanges permettent aux participants de faire évoluer leur activité dans une dynamique de coopération avec les autres participants. Chacun joue le rôle de coach pour autrui et, tour à tour, profite des conseils et suggestions des autres. In fine, les échanges donnent parfois lieu à des partenariats entre les différents membres.</p>
<p>Les nouvelles pratiques de travail qui se développent aujourd’hui sont difficilement conciliables avec le modèle d’intégration professionnelle et de protection sociale construit en France – et d’autres pays – durant le XX<sup>e</sup> siècle. Les problèmes de protection qui accompagnent l’augmentation du nombre des indépendants ne concernent pas seulement cette classe de travailleurs : ils questionnent un modèle de société dans son ensemble et appellent à construire de nouveaux équilibres adaptés aux <a href="https://theconversation.com/lentrepreneuriat-alterne-en-finir-avec-le-mythe-dune-societe-post-salariale-73636?sg=6e5f165a-a5d2-4e9e-b091-4b09067dad15&sp=1&sr=1">nouvelles trajectoires professionnelles</a>.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=635&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=635&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=635&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=798&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=798&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/182976/original/file-20170822-30547-1rmjja1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=798&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est issu d’une table ronde intitulée <a href="http://www.strategie-aims.com/groups/11%C2%BB">« Nouvelles pratiques de travail, nouvelles formes de solidarité</a> et organisée dans le cadre de la conférence annuelle de l’<a href="http://www.strategie-aims.com/">Association Internationale de Management Stratégique</a> le 8 juin 2017. Ont participé à cette table ronde : Aurélien Acquier (ESCP Europe), Yoann Bazin (ISTEC), Julie Fabbri (emlyon business school) et Julie Tixier (Université Paris-Est). Cette table ronde a été organisée et animée par Anthony Hussenot (Université Paris-Dauphine), Emilie Lanciano (Université St-Etienne) et Jonathan Sambugaro (Université Lyon 2).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82853/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ces nouveaux travailleurs ne bénéficient pas des protections propres au salariat et peuvent souffrir d’isolement. Face à cette double insécurité, de nouvelles formes de solidarité émergent.Anthony Hussenot, Professor in Organization Studies, Université Côte d’AzurAurélien Acquier, Professeur - Stratégie, Organisations et Société, ESCP Business SchoolJonathan Sambugaro, PhD, Enseignant Chercheur en Sciences de gestion, Université Lumière Lyon 2 Julie Fabbri, Professeur en stratégie et management de l'innovation, EM Lyon Business SchoolJulie Tixier, Maître de conférence en sciences de gestion, Université Gustave EiffelYoann Bazin, Enseignant chercheur en Sciences de gestion, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/787932017-09-03T20:35:38Z2017-09-03T20:35:38ZTravailleurs indépendants : combattre la solitude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183730/original/file-20170829-10431-tgw2ay.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Co-working day.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/karpidis/5502453732/in/photolist-9oevMW-dTLrMm-fQ98HY-dTEQjD-3hYbGS-RAgWYL-SCWGJd-fbuUxz-iczfyN-qSfNTw-bcnVUT-SP36gm-9NXT-oMzPb-SSHmLx-97MRkQ-W44fsA-ij3K26-c2m1T3-pCGVcp-RCFeSg-SQfm78-aH3hT8-bs57LZ-dSQAPR-XQ9yE1-ix8LyE-nvgqH2-dSQBt2-Ni3gwv-T8KFhA-dTLrYN-5866Mh-dTEPng-4vaetF-cRzr1h-c2mTPG-dTEPAR-dTENKt-dTEQgg-dTEQaP-6wCtqn-UfxMQ9-dTEP1K-8gQFfG-c2mdtm-fjwqDc-dTENWe-o1FBMU-6BCN4s">Andreas Kontokanis / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>On présente souvent la solitude comme une difficulté inhérente au travail indépendant. Face à cette situation difficile, des travailleurs indépendants arrivent pourtant à trouver des ressources. En tissant des relations avec des structures telles que les entreprises de portage salarial, les coopératives d’activité et d’emploi ou des espaces de coworking, ils saisissent une forme de réponse face à l’absence de collectif de travail traditionnel que leur impose la mutation du marché de l’emploi.</p>
<p>Nos différents travaux partageaient l’ambition de mieux comprendre comment de nouvelles formes organisationnelles permettent aux travailleurs indépendants de (re)créer du collectif.</p>
<h2>Des nouvelles formes organisationnelles pour les nouvelles formes d’emploi</h2>
<p>L’éloge de l’entreprise de soi résonne en filigrane des discours managériaux et sociétaux à l’œuvre depuis près d’une vingtaine d’années. Elle se mue désormais en véritable injonction dans une société caractérisée par la hausse du chômage, les plans sociaux et autres restructurations brutales. Dans ce contexte, les individus sont « invités à » ou « contraints de » créer leur propre activité professionnelle, au gré des opportunités saisies ou construites à partir de leur réseau.</p>
<p>Les travailleurs indépendants sont une figure de proue encensée par les médias de masse valorisant la montée du freelancing, des <a href="https://theconversation.com/leconomie-numerique-va-t-elle-nous-transformer-en-slashers-71728">« slashers »</a>, de la « gig economy » et de l’économie des plateformes. Ils représentent un groupe professionnel fortement hétérogène, en souffrance d’appellation consensuelle et rarement considérée par les approches en qualité de vie au travail. Bien qu’il s’agisse d’une population encore minoritaire (en Europe, selon les pays, 10 à 15 % des travailleurs sont indépendants), des structures ont émergé, visant à faciliter et optimiser le quotidien de ces travailleurs présumés autonomes et, bien souvent, isolés. Nous avons étudié trois d’entre elles :</p>
<ul>
<li><p>Une recherche en psychologie du travail menée auprès de salariés permanents d’une <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1420253017300079">entreprise de portage salarial</a> (EPS par la suite). La structure assure les tâches administratives de travailleurs indépendants et les salariés à la hauteur de leur chiffre d’affaire.</p></li>
<li><p>Un recueil de données approfondi a été réalisé dans le cadre d’une <a href="http://www.theses.fr/s101020">thèse</a> en sciences de gestion au sein d’une <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Boudes-M%C3%A9lissa--131936.htm">coopérative d’activité et d’emploi (CAE)</a>. La CAE assure les mêmes services qu’une entreprise de portage, mais au sein d’une structure coopérative où les travailleurs autonomes deviennent sociétaires et participent au fonctionnement de l’entreprise collective.</p></li>
<li><p>Enfin, une recherche biographique a été conduite auprès de travailleurs indépendants usagers d’espaces de coworking. Ces structures louent des environnements de travail à des travailleurs indépendants comme à des salariés ou à des start-up.</p></li>
</ul>
<p>Différentes méthodes qualitatives ont été mises en place selon les terrains : observations participantes, entretiens biographiques ou semi-directifs, focus-groups.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183732/original/file-20170829-10407-1ynfiyw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Groupe de coworking.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stella12/5656387217/in/photolist-9BQsRx-PtbSnw-PiEEEo-PiEDR9-PmgA2c-NXUGy3-PiECES-Ni3f9R-PmgvXR-NgNjLw-Ni3eEe-TcZn9h-PiEDkE-Pmgvxx-SSEfNX-PmgzxM-iKMR8a-RMTQFK-RCQeBt-b31jmV-QGhUPL-RKkRxd-c2mJjh-ea1cyk-jZt5ZU-8iLCtL-bEyAZK-4TBsbM-ea1fSr-ejMBFW-mFyYcf-8WRsmT-q9FK8Q-4U4r2p-39oNr-czgkff-ea6QfS-9M7EGQ-4TJbhA-vqgMuk-hgtxeL-ea75jC-4Tc5q2-gJafVr-nuUog2-ftXsDR-4TFzR9-4TBsXv-n6otcs-iYQ1XD">Deb Nystrom/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’émergence de formes de collectifs ?</h2>
<p>Ce triptyque a permis de mettre en lumière la dynamique relationnelle et identitaire à l’œuvre dans ces différentes structures d’hébergement de nouvelles formes d’emploi : nous y avons perçu différentes modalités émergentes de collectifs de travailleurs indépendants.</p>
<p>D’une part, nous avons constaté la présence de postures de solidarité. Elles étaient directes et informelles entre les membres de la CAE et des usagers d’espaces de coworking et plus structurée pour l’entreprise de portage salarial. Dans ce dernier cas, elles étaient portées par les salariés permanents de l’entreprise, qui font preuve d’un travail de <em>care</em> envers les indépendants portés.</p>
<p>D’autre part, nous faisons le constat que se jouait toujours au sein de ces structures une « mise en débat » du travail. Nous désignons par cela des échanges portant sur la nature, la pratique ou les conditions de l’activité d’indépendante.</p>
<p>Nous avons aussi identifié dans les trois terrains de recherche des dynamiques similaires conduisant à l’émergence de collectifs. Tout d’abord, la présence de vocabulaire et de rites communs, spécifiques à chaque organisation étudiée, constitue un ensemble d’éléments structurant un collectif vivace.</p>
<p>Ensuite, nos travaux ont révélé la présence systématique d’une tendance à aller au-delà de ce qui était prescrit, acheté ou convenu. Dans le cas du portage salarial, il s’agit d’aller, pour les salariés permanents, au-delà d’une prestation de services administratifs et de construire un micro-collectif avec chaque indépendant porté. Dans le cas de la CAE, c’est l’investissement des membres en tant que sociétaires qui dépasse la relation contractuelle initiale. Enfin, dans les espaces de coworking, c’est lorsque les indépendants commencent à « donner » de leur temps pour faire fonctionner les activités, les services ou la vie quotidienne de l’espace. Ces dépassements sont tous à la base des collectifs émergents.</p>
<h2>Entre investissement dans le collectif et collectifs à la demande</h2>
<p>Les conclusions de ces trois recherches s’accordent à montrer les dynamiques à l’œuvre au sein de ces structures sont différentes selon les cas mais semblent toujours constituer un facteur salutogène dans le quotidien des travailleurs indépendants.</p>
<p>Ainsi observe-t-on, particulièrement dans le cadre de la CAE, l’expression d’une cohésion autour de valeurs et d’une <a href="http://www.recma.org/article/la-cooperative-dactivites-et-demploi-la-recherche-dun-modele-productif">culture de travail alternative</a>.</p>
<p>Dans les espaces de coworking, ce qui se joue semble s’inscrire davantage dans l’élaboration d’un design de quotidien de travail se nourrissant à la fois de figures classiques du travail et d’un modèle inédit placé sous l’égide de rites de convivialité et de l’idée du collectif bienveillant et non-hiérarchique.</p>
<p>Enfin, le supplément de <em>care</em> initié par le personnel permanent de l’EPS à l’égard des indépendants « portés », va au-delà d’une relation strictement commerciale pour assurer une relation de soutien et d’accompagnement.</p>
<p>La flexibilité et la liberté dont disposent les travailleurs indépendants semblent toutefois ambivalentes. Elles leur permettent de s’extraire de la pression normative des collectifs dont ils font partie, tout en générant une tendance à la « consommation » de collectif. Les indépendants, en effet, s’investissent parfois de manière variable dans les collectifs dont ils bénéficient, au fil de leurs intérêts. Ces formes émergentes tiendraient alors davantage du « collectif à la demande », s’éloignant en cela des collectifs de travail traditionnels.</p>
<p>Ces recherches convergent pour montrer que la solitude des indépendants constitue une réalité qui ne saurait être écartée des réflexions et des politiques visant à développer ces nouvelles formes d’emploi. D’un autre côté, les indépendants disposent heureusement de ressources pour dépasser cette situation et, dans la mesure du possible, construire par eux-mêmes ce collectif qui, parfois non conscientisé comme tel a priori, semble leur avoir manqué.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Ottmann travaille pour Missioneo Group, société par actions simplifiée de services aux indépendants. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cindy Felio travaille pour Missioneo Group, société par actions simplifiée de services aux indépendants.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélissa Boudes a participé à des projets de recherche financés par l'Union Européenne et la région Grand Est. Elle a également reçu des bourses de l'ARIMHE et de la Fondation Walter Zellidja. Elle est assistante de recherche à NEOMA Business School et membre du laboratoire Dauphine Recherche en Management. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Mokaddem ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Mieux comprendre comment de nouvelles formes organisationnelles permettent aux travailleurs indépendants de (re)créer du collectif.Jean-Yves Ottmann, Chercheur, Université Paris Dauphine – PSLCindy Felio, Chercheure en Sciences de l’Information et de la Communication, Laboratoire MICA (EA 4426), Université Bordeaux MontaigneMélissa Boudes, Doctorante, en sciences de gestion à l'Université Paris Dauphine et assistante de recherche, Neoma Business SchoolSarah Mokaddem, Maître de Conférences Institut d’Administration des Entreprises (IAE) Brest, Université de Bretagne occidentale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/826202017-08-31T19:35:01Z2017-08-31T19:35:01ZBien accompagnés, les tiers-lieux peuvent se développer partout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183761/original/file-20170829-10449-vuwwjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Montage de l'exposition « L'Expérience Tiers-Lieux » lors de la 10ᵉ Biennale internationale du design de Saint-Etienne (2017).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sylviafredriksson/33078562295/">Sylvia Fredriksson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Ni lieu de travail, ni maison, les <a href="https://theconversation.com/les-tiers-lieux-2-0-une-nouvelle-facon-dapprehender-le-monde-76723">tiers-lieux</a> (TL) répondent à l’évolution contemporaine des modes de vie et de travail. L’essor du numérique et du <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/ressources-humaines/0211833780415-qui-sont-les-2-8-millions-de-travailleurs-independants-en-france-306653.php">travail indépendant</a> et à distance constitue deux grands facteurs de leur développement.</p>
<p>Sous l’impulsion de <a href="http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/etat-Internet/developpement-Internet/">politiques publiques</a> volontaristes, les territoires, y compris les plus périphériques, s’équipent depuis les années 2000 d’accès à Internet en haut-débit. <a href="http://fing.org/?Mutation-des-services-adaptation">La servicialisation</a> de l’économie génère par ailleurs une externalisation grandissante des fonctions de l’entreprise : les travailleurs solitaires, <em>freelances</em> et autres <a href="https://theconversation.com/le-regime-de-lauto-entrepreneur-itineraire-dun-enfant-gate-68294">auto-entrepreneurs</a>, sont de plus en plus nombreux et réclament des lieux de socialisation et d’innovation.</p>
<h2>Une forte croissance dans les villes petites et moyennes</h2>
<p>Souvent présentés comme des attributs métropolitains, constitutifs de la ville créative et de la ville intelligente (<em>smart city</em>), les TL se multiplient pourtant dans les villes moyennes, les villages et plus récemment dans les stations touristiques. La <a href="http://www.tourismebretagne.com/decouvrir-les-destinations/bretagne-sud-golfe-du-morbihan">Bretagne sud</a>, territoire non métropolitain situé en périphérie des grands pôles régionaux, ne comptait ainsi qu’un seul de ces espaces fin 2013, contre une vingtaine en 2017.</p>
<p>Autres exemples : la région Nouvelle-Aquitaine, <em>via</em> la <a href="https://coop.tierslieux.net">Coopérative des Tiers-lieux</a>, et le Département de la Lozère, avec <a href="http://solozere.com/les-points-daccueils-solozere/">Solozère</a>, organisent le maillage par les TL de l’ensemble de leur territoire, poursuivant l’objectif d’en faire des équipements de proximité.</p>
<p>L’arrivée de ces travailleurs connectés va de pair avec de nouvelles activités susceptibles de s’implanter en tout lieu : les nomades numériques s’affranchissent des distances. Cette tendance redéfinit les fonctions des territoires. Les TL peuvent ainsi devenir <a href="http://www.lagazettedescommunes.com/496169/villes-petites-et-moyennes-lavenir-passe-par-le-travail-a-distance/">des vecteurs</a> de revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes en recherche d’un <a href="https://www.slate.fr/story/139454/grand-declassement-territoires-francais-moyens">second souffle</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NvEh6TWb2kY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Le porteur de projet au centre du jeu</h2>
<p>La question de l’émergence des TL demeure. Demain, chaque village hébergera-t-il son propre espace de cotravail (<em>co-working</em>) ? Quel peut être le rôle des collectivités locales dans cette dynamique ? L’enquête réalisée dans le cadre du <a href="https://www.mshb.fr/projets_mshb/intimide/2258/">projet INTIMIDE</a> auprès d’une vingtaine de fondateurs et animateurs d’espaces situés hors métropole permet d’esquisser des réponses à ces questions.</p>
<p>La plupart des TL sont le fruit d’une démarche ascendante (<em>bottom-up</em>) : un collectif d’acteurs locaux, se réunissant souvent de manière informelle, fait le choix de se structurer autour d’un lieu qui s’ouvre progressivement à l’extérieur. Les institutions interviennent plutôt en soutien et en accompagnement. Les fondateurs deviennent ainsi les gestionnaires de l’espace et assument la fonction d’animateurs.</p>
<p>Ils mobilisent leur expérience et leur réseau personnel et professionnel pour fédérer une communauté. Précisément, les animateurs assument un rôle de « passeurs de frontière » et de « courtiers en connaissance » dans l’<a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2014-4-page-59.htm">écosystème local</a> et régional. Autrement dit, ils identifient les acteurs et assurent les mises en relation. Ils doivent être capables de cheminer dans des environnements variés, de la réunion d’élus aux milieux <em>underground</em>, en passant par les clubs d’entreprises, fréquentés par des dirigeants locaux.</p>
<p>Signalons que le modèle économique des TL reste peu éprouvé. En conséquence, leurs fondateurs assument un risque élevé d’échec, avec une situation précaire et l’obligation de cumuler un autre emploi à plein temps. Leur dépendance aux aides extérieures implique de travailler avec les collectivités locales, même si <a href="http://www.letelegramme.fr/finistere/crozon/coworking-le-lieu-ou-se-reinvente-le-travail-16-08-2017-11630831.php">certains refusent ce soutien</a> pour pouvoir décider plus librement de leur organisation et de leur évolution.</p>
<h2>Quel rôle pour les collectivités locales ?</h2>
<p>Pour la collectivité, il s’agit d’accompagner le porteur plutôt que prendre la tête du projet. Cet accompagnement passe par une mise à disposition de moyens d’ingénierie : les porteurs de projet ne bénéficient en effet pas de toutes les compétences techniques et administratives nécessaires pour répondre à des appels à projets et préparer des dossiers de subvention. Bien que le modèle économique des TL reste fragile, leur soutien peut tout à fait s’intégrer à une stratégie de développement économique local, afin de légitimer une aide financière.</p>
<p>En termes de relations entretenues avec les collectivités locales, le degré de contractualisation constitue un point de vigilance. Les TL sont en effet des objets agiles, souples, adaptables, éphémères parfois. Leur aversion à la rigidité rend la mise en place de charte d’objectifs difficile, voire contradictoire. Il semble pertinent de considérer les porteurs de projets de TL plus comme des entrepreneurs que des responsables de service public. Leur accompagnement s’apparente à celui des créateurs d’entreprises.</p>
<p>La question des locaux constitue en outre une problématique centrale à laquelle peuvent répondre les collectivités : les mairies disposent d’un patrimoine immobilier et, de surcroît, <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/commerce-de-proximite-droit-de-preemption-des-maires">d’un droit de préemption sur les locaux vacants</a>. La valeur patrimoniale et l’identité culturelle du lieu sont importantes. Un TL au fin fond d’une galerie, d’une zone commerciale voire administrative, ou dans un espace sans caractère, pourrait-il fonctionner ? Par contre, le sens du lieu, son histoire, son architecture, son caractère, son image contribuent, à lui donner une crédibilité et une force.</p>
<h2>Demain, des TL partout ? Oui, mais à quatre conditions</h2>
<ul>
<li><p>Les territoires doivent être équipés d’infrastructures suffisantes (haut-débit, fibre). Bien qu’il s’agisse sans aucun doute d’une condition indispensable, il ne faut pas perdre de vue que la technologie précède bien souvent les usages. Le <a href="http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2017/08/19/29006-20170819ARTFIG00010-les-francais-plebiscitent-le-teletravail-et-la-souplesse-des-horaires.php">télétravail</a> existe ainsi depuis longtemps, mais il se développe massivement seulement depuis quelques années, les entreprises ayant pris le temps de l’expérimenter avant de le généraliser.</p></li>
<li><p>Le choix du lieu reste un point important. Les TL sont des nœuds de rencontres et d’information. En conséquence, il semble important de privilégier une implantation centrale pour favoriser la <a href="https://www.scienceshumaines.com/serendipite-mot-de-l-annee_fr_24741.html">sérendipité</a> : place du village, proximité de gare, quartier historique, etc. Les TL en périphérie de ville permettent toutefois un accès plus facile pour les travailleurs non urbains. Ces derniers peuvent aussi être le socle de création de nouvelles centralités. Les TL jouent le rôle d’activateur de proximités sociales, culturelles et cognitives, qui sont facilitées par la proximité géographique.</p></li>
<li><p>L’instauration de relations « flexibles » avec les collectivités locales semble renforcer la pérennité du lieu : une dépendance trop forte peut mettre en péril son existence, comme ce fut le cas à Beauvais où le <a href="http://www.makery.info/2016/02/16/a-beauvais-un-an-de-fab-lab-et-puis-sen-va/">TL a fermé avec le changement de majorité municipale</a>.</p></li>
<li><p>Enfin, la dernière condition relève du besoin d’avoir un bon fondateur/animateur : ils ont un profil d’entrepreneur. Il s’agit dans ce cas de susciter la prise d’initiative locale et d’encourager les projets et la mise en réseaux.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/82620/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Marinos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La révolution numérique et l’essor des services font évoluer les modes de vie et de travail. Par conséquent, les tiers-lieux, espaces de socialisation et d’innovation, se développent dans les territoires.Clément Marinos, Maître de conférences en économie, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.