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doctorant – The Conversation
2024-02-27T16:12:33Z
tag:theconversation.com,2011:article/224090
2024-02-27T16:12:33Z
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Comment la recherche peut-elle (à nouveau) contribuer au développement socio-économique ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577030/original/file-20240221-30-1haedq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=129%2C34%2C1787%2C1227&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, 13&nbsp;milliards d’euros d’argent public sont investis tous les ans dans la recherche académique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=302907&picture=remplir-les-tubes-a-essai">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>En 2023, des <a href="https://ideas.repec.org/p/nbr/nberwo/31899.html">travaux de l’Université de Duke</a> montraient que, malgré des milliards investis dans la recherche académique – <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T622/le_financement_des_activites_de_recherche_et_developpement_des_administrations/">13 milliards par an de dotations budgétaires dans le cas français</a> –, les découvertes issues des écoles et universités peinent à devenir des innovations. Pire encore, les efforts des pouvoirs publics pour encourager le transfert via l’entrepreneuriat académique ou les brevets, auraient même des effets délétères sur l’économie.</p>
<p>Début février, en s’appuyant sur ces travaux et en caricaturant la recherche académique comme un « <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/2024/02/05/universities-are-failing-to-boost-economic-growth">havre de geeks curieux et désintéressés</a> », <em>The Economist</em>, ouvrait le débat : doit-on vraiment financer la recherche académique ? Le journal britannique proposait dès lors un argumentaire, entre nostalgie d’un âge d’or révolu d’une recherche industrielle de premier plan, et critique de la dynamique actuelle de la recherche.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1755483890771210678"}"></div></p>
<p>Pourtant, sans minimiser le phénomène, nous pouvons proposer à la fois une interprétation plus nuancée de ses causes, mais aussi des voies alternatives prometteuses pour y faire face, nécessitant toutefois un soutien renouvelé à la recherche académique. Cette réflexion est importante, dans un contexte où le gouvernement français vient d’annoncer dans ce même mois de février, vouloir réaliser près <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/22/pour-l-enseignement-superieur-et-la-recherche-904-millions-de-coupes-budgetaires_6217980_3224.html">d’un milliard d’économies sur l’enseignement supérieur et la recherche</a>.</p>
<h2>Le « bain de sang » de la recherche industrielle dans les années 1990</h2>
<p>Certes, « l’âge d’or » de la recherche en entreprise a bien eu lieu. De l’Après-Guerre jusque dans les années 1990, les grandes entreprises investissaient massivement dans des projets de recherche ambitieux. On citera par exemple le cas célèbre des laboratoires de recherche de l’ex-opérateur historique américain <a href="https://www.lesechos.fr/2014/01/bell-labs-voyage-dans-une-pepiniere-de-nobel-1100499">AT&T Bell Laboratories et de ses 14 Prix Nobels</a> dans des domaines aussi variés que les pincettes optiques ou le fond diffus cosmologique, et qui a développé en parallèle le transistor, le laser ou les premières télévisions. Autre exemple, DuPont de Nemours, qui publiait <a href="https://hbr.org/2019/11/why-the-u-s-innovation-ecosystem-is-slowing-down">davantage d’articles que le MIT et CalTech combinés en 1960</a> dans la revue académique majeure de chimie.</p>
<p>Toutefois, le tournant des années 1990 est marqué par ce que les historiens des sciences ont appelé <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=8EPxhPEuPSsC">« le bain de sang » de la recherche industrielle</a>. On assiste à la disparition des grands laboratoires de recherche industrielle (Bell Laboratories, Kodak, General Electric) mais aussi à une réduction importante des moyens des chercheurs de l’industrie, avec une injonction à un recentrage vers des activités plus appliquées.</p>
<p>Entre 1980 et 2006, aux États-Unis, le nombre d’articles scientifiques publiés par des industriels <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/smj.2693">a chuté de 60 %</a>. Il s’agit bel et bien d’un passage de témoin aux académiques dans les universités et les écoles pour prendre le rôle de principal producteur de connaissances scientifiques, mais aussi avec l’exigence de sa transmission vers l’industrie. En conséquence, et comme le montre les travaux de l’université de Duke, les recherches académiques ont peiné depuis à se traduire par des avancées tangibles pour les entreprises. Faut-il pour autant risquer un « bain de sang » de la recherche académique ?</p>
<h2>Ne pas oublier le rôle vital du capital humain académique pour l’innovation</h2>
<p>Dans son analyse, <em>The Economist</em> ignore l’un des résultats clés des travaux sur lesquels ils s’appuient : le rôle clé du capital humain développé à travers la recherche académique. Les doctorants et post-docs, formés par les universités et les écoles, sont essentiels non seulement comme producteurs de science pendant leur parcours académique, mais aussi comme vecteurs de transfert de connaissances vers le secteur privé, notamment pour les entreprises et start-up qu’ils peuvent rejoindre.</p>
<p>Cette dynamique illustre la valeur fondamentale de la recherche académique, historiquement reconnue pour sa capacité à générer des connaissances de manière rigoureuse et contrôlée, qualité toujours très prisée par le monde industriel aujourd’hui.</p>
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<p>Dans ce sens, nos travaux récents ont d’ailleurs montré en France, le <a href="https://www.anrt.asso.fr/fr/caracterisation-et-performances-des-theses-cifre-36747">rôle clé des thèses CIFRE</a>, ces doctorats réalisés en partenariat avec l’industrie et qui permettent à la fois des avancées industrielles et académiques. Plus globalement, en reconnaissant ce rôle clé de la recherche académique pour l’innovation, il est essentiel de poursuivre les efforts pour renforcer la reconnaissance du doctorat, mais aussi de booster son attractivité pour éviter que des étudiants prometteurs s’en détournent, face aux manques de moyens et de perspectives de carrières. Le <a href="https://www.anrt.asso.fr/sites/default/files/2024-start/ANRT_pour_un_grand_plan_national_pour_le_doctorat_oct.2023.pdf">Plan national pour le doctorat</a> en France constitue une direction prometteuse, qu’il ne faudra pas manquer.</p>
<h2>Une fonction innovation à réinventer</h2>
<p>Pour rapprocher la recherche académique et le monde de l’entreprise, il est aussi crucial de renforcer la fonction innovation au sein de l’industrie. Historiquement, les périodes de grandes avancées industrielles montrent que les chercheurs travaillaient en collaboration étroite avec des figures semblables à ce que nous appellerions aujourd’hui des directeurs de l’innovation. Un exemple classique est la <a href="https://www.researchgate.net/publication/316049887_Designing_the_Rules_for_Rule-Based_Design-Conceptual_and_Generative_Models_Axiomatic_Design_Theory">découverte du nylon par DuPont</a>, où le directeur de la recherche, Elmer Bolton a joué un rôle clé en dirigeant les efforts d’innovation et en coordonnant les stratégies et les personnes impliquées. On retrouve le même mécanisme dans les Bell Laboratories avec Mervin Kelly sur le transistor.</p>
<p>Les entreprises doivent donc (re)développer une fonction innovation qui facilite la collaboration avec le secteur académique, nécessitant des <a href="https://www.theses.fr/2023UPSLMLarelationentrescienceetinnovationn%E2%80%99estpasautomatique:elledoit%C3%AAtreorganis%C3%A9e,g%C3%A9reretpiloter.030">compétences spéciales pour naviguer dans l’inconnu</a>. En France, des efforts sont faits pour développer ces compétences du côté des pouvoirs publics : augmentation des <a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-cnrs-met-lhonneur-ses-nouveaux-laboratoires-communs">laboratoires communs entre le CNRS et l’industrie</a>, création d’instituts de recherche technologique novateurs comme <a href="https://www.irt-systemx.fr/">SystemX</a>.</p>
<p>Néanmoins il reste essentiel pour les entreprises de s’appuyer sur une Direction de l’Innovation forte, qui s’attachera notamment à repenser et renforcer les collaborations avec le monde académique, dans des logiques qui bénéficient à la fois à la science et à l’industrie : un modèle prometteur dit de <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise-2023-1-page-256.htm">double impact science-industrie</a>.</p>
<h2>Les risques majeurs d’une interprétation trop hâtive</h2>
<p>Une interprétation trop hâtive de la distension du lien entre recherche académique et innovation pourrait avoir des conséquences néfastes sur tout l’écosystème de R&D. Réduire le financement académique de la recherche au seul titre de la pauvreté de ses innovations revient à bouleverser ses mécanismes, nier l’hétérogénéité de ses impacts.</p>
<p>Si nous avons proposé deux voies d’intérêt pour mieux comprendre et rapprocher recherche académique et innovation, il ne faudrait pas oublier que les recherches peuvent aussi prendre du temps avant de trouver leurs applications. Dès lors, le financement public reste essentiel dans un contexte où <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-2-page-97.htm">l’investissement privé est généralement courtermiste</a>.</p>
<p>À ce sujet, on rappellera la phrase cinglante de Paul Berg, Prix Nobel de chimie 1980, interrompant en plein discours Thomas Perkins, surnommé « le roi de la Silicon Valley » pour le rôle central de son célèbre fonds d’investissement KPBC (Genentech, Google, Amazon, HP). Alors que Perkins s’attachait à célébrer le rôle clé de la prise de risque des investisseurs pour l’innovation, le lauréat du Nobel <a href="https://www.ukri.org/wp-content/uploads/2021/12/IUK-071221-BuildingEntrepreneurialStateMazzucatoReportSummary.pdf">lui lance</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Où étiez-vous dans les années 1950 et 1960 quand tout le financement devait être fait dans la science fondamentale ? La plupart des découvertes qui ont alimenté [l’industrie] ont été créées à cette époque ! »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/224090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Début février, le journal The Economist relevait le paradoxe entre l’augmentation des publications scientifiques et la faible évolution de la productivité. Des solutions existent pour en sortir.
Quentin Plantec, Professeur Stratégie & Management de l'Innovation, TBS Education
Benoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSL
Elise Ratier, Doctorante en management de l’innovation, Mines Paris - PSL
Pascal Le Masson, Professeur chaire théorie et méthode de la conception, Mines Paris - PSL
Sylvain Lenfle, Professeur en management de l’innovation, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
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tag:theconversation.com,2011:article/175250
2022-02-02T18:36:58Z
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Faut-il souffrir pour mériter son doctorat ?
<p>Les doctorants représentent l’avenir de la recherche, de l’innovation et de l’enseignement au sein des universités et d’autres établissements. Or il semblerait que cet avenir soit menacé : des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733317300422">recherches</a> ont révélé la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07294360.2018.1425979?journalCode=cher20">fragilité</a> de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-03489-1">leur santé mentale</a>. L’étude que j’ai menée avec mes collègues auprès de <a href="https://www.nature.com/articles/s41599-021-00983-8#Sec16">doctorants au Royaume-Uni</a> montre que ces derniers répondent davantage aux critères cliniques de dépression et d’anxiété que la population active, et qu’ils présentent des symptômes beaucoup plus graves que les participants du groupe contrôle constitué de professionnels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-crise-sanitaire-affecte-la-sante-mentale-des-etudiants-163843">Comment la crise sanitaire affecte la santé mentale des étudiants</a>
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<p>Nous avons interrogé 3 352 doctorants et 1 256 professionnels qui nous ont servi d’<a href="https://www.nature.com/articles/s41599-021-00983-8#Sec16">échantillon apparié</a>. Les questionnaires utilisés pour l’analyse des symptômes sont ceux des services de santé mentale du National Health Service (NHS), le système de santé publique du Royaume-Uni.</p>
<p>Plus de 40 % des doctorants répondaient aux critères de dépression ou d’anxiété modérée à sévère, contre 32 % des professionnels pour la dépression et 26 % pour l’anxiété.</p>
<p>Concernant le risque de suicide, les taux sont similaires (de 33 % à 35 % pour les deux groupes), des chiffres importants qui peuvent s’expliquer par les taux élevés de dépression constatés dans notre échantillon.</p>
<p>Nous avons également demandé aux doctorants ce qu’ils pensaient de leur santé mentale et de celle de leurs pairs. Plus de 40 % considèrent qu’il est normal de souffrir de troubles mentaux pendant un doctorat et 41 % nous ont dit que la plupart de leurs collègues doctorants en rencontraient. Un peu plus d’un tiers des doctorants ont envisagé de mettre fin à leurs études pour cette raison.</p>
<h2>Culture de la pression</h2>
<p>Il existe clairement une prévalence élevée de troubles mentaux parmi les doctorants, par rapport aux taux observés dans l’ensemble de la population. Nos résultats mettent aussi en évidence un problème avec le système actuel d’études doctorales, voire du milieu universitaire dans son ensemble, qui encourage une culture de la pression à la productivité et de la dévaluation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1479135679418277894"}"></div></p>
<p>Cette mentalité subsiste chez les doctorants. Dans les groupes de discussion et les enquêtes que nous avons menés dans le cadre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/SGPE-06-2020-0034/full/html">d’autres études</a>, des doctorants ont déclaré afficher leur souffrance, qui serait la preuve qu’ils travaillent dur. Un étudiant <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/SGPE-06-2020-0034/full/html">nous a dit</a> :</p>
<blockquote>
<p>On est nombreux à penser qu’il faut souffrir pour son doctorat. Si on ne souffre ni d’anxiété ni du syndrome de l’imposteur (le sentiment de ne pas être à sa place ou de ne pas mériter de faire un doctorat), c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas.</p>
</blockquote>
<p>Nous avons aussi analysé les facteurs de risque susceptibles d’aggraver la santé mentale des doctorants et ceux qui, au contraire, peuvent la préserver. L’insécurité financière en fait partie. En effet, les étudiants ne bénéficient pas tous de ressources leur permettant de couvrir leurs frais de scolarité et dépenses personnelles. Ils n’ont pas non plus la garantie de trouver un débouché une fois leur doctorat en poche, car le nombre des <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-01548-0">postes postdoctoraux</a> n’augmente pas au même rythme que celui des doctorants.</p>
<p>Autre facteur de risque : la relation conflictuelle qu’ils peuvent entretenir avec leur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0883035519323845?via%3Dihub">directeur ou directrice de thèse</a>. Si l’on compare cette personne, comme l’a fait l’un de nos collaborateurs et doctorant, à une « épée » que l’on peut utiliser, le cas échéant, pour terrasser le « monstre » que représente le doctorat, il faut que l’arme soit efficace. Or, quand le directeur ou la directrice de thèse est indisponible, trop critique ou pas suffisamment spécialisé, il devient difficile, voire impossible, de s’attaquer au monstre.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RSYtKCNvYbM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de « Carnets de thèse », de Tiphaine Rivière, roman graphique qui raconte les épreuves de vie d’une doctorante (éditions du Seuil).</span></figcaption>
</figure>
<p>Un manque d’intérêts ou de relations en dehors des études, ou la présence de facteurs de stress dans la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/capr.12437">vie personnelle</a> sont également des facteurs de risque.</p>
<p>Par ailleurs, nous avons constaté l’existence d’un lien entre la dégradation de la santé mentale et le perfectionnisme, le syndrome de l’imposteur et un sentiment d’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/bjpsych-open/article/personal-social-and-relational-predictors-of-uk-postgraduate-researcher-mental-health-problems/09A304604A83DCF89A9135C49FAA5372">isolement</a>.</p>
<h2>Ouvrir la discussion</h2>
<p>La recherche doctorale a néanmoins de bons côtés. De nombreux doctorants trouvent leurs études <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/capr.12437">agréables et enrichissantes</a>, et les exemples d’environnements de recherche coopératifs et stimulants sont légion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-directeur-de-these-a-quoi-ca-sert-100269">Un directeur de thèse, à quoi ça sert ?</a>
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<p>Faire un doctorat, c’est l’occasion pour les étudiants de passer plusieurs années à approfondir un sujet qui les passionne. Il s’agit en effet d’un programme de formation destiné à les doter des compétences et de l’expertise nécessaires pour faire progresser les connaissances au niveau mondial. Les exemples de bonnes pratiques ci-dessus nous permettent d’identifier ce qui fonctionne et ensuite de les partager.</p>
<p>La question du bien-être et de la santé mentale des doctorants doit continuer à faire l’objet d’une réflexion et de discussions constructives, impartiales et étayées, afin d’éviter de perpétuer des idées fausses.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reussir-laventure-de-la-these-tout-un-art-133127">Réussir l’aventure de la thèse, tout un art !</a>
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<p>Notre étude montre que le pourcentage de doctorants convaincus que leurs pairs souffrent de troubles mentaux et qu’il est normal d’avoir une santé mentale fragile dépasse le pourcentage réel d’étudiants répondant aux critères de diagnostic d’un <a href="https://www.nature.com/articles/s41599-021-00983-8#Sec16">problème de santé mentale</a>. En d’autres termes, les personnes interrogées semblent surestimer le nombre déjà élevé de doctorants ayant connu ce genre de difficultés.</p>
<p>Afin de ne pas aggraver involontairement la situation, il convient donc d’être prudents quant aux messages que nous diffusons sur ce sujet et de faire en sorte qu’ils ne soient pas trop négatifs, au risque d’alimenter le mythe selon lequel tous les doctorants souffrent de troubles mentaux, et de contribuer à entretenir une culture universitaire toxique.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175250/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cassie M Hazell a reçu des financements de l'Office for students.</span></em></p>
Précarité, exigences intellectuelles et ambiance compétitive pèsent sur la santé mentale des doctorants. Un phénomène pointé en France comme Outre-Manche, qui interroge une « culture de la pression ».
Cassie M Hazell, Lecturer in Social Sciences, University of Westminster
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tag:theconversation.com,2011:article/172922
2021-12-13T18:24:51Z
2021-12-13T18:24:51Z
Doctorat : les grandes transformations de la thèse en management ?
<p>Alors que, dans les pays anglo-saxons ou germaniques, le doctorat est l’une des voies royales pour accéder à des fonctions d’encadrement en entreprise, en France, avec le poids des grandes écoles, le doctorat reste surtout un tremplin vers les métiers de l’enseignement et de la recherche. De fait, en 2013, la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion (FNEGE) avait déjà montré que <a href="https://fr.calameo.com/read/0019301718f9dbbd1e819">75 % des docteurs en management</a> faisaient le choix de la carrière académique. Cependant, l’accès à un poste universitaire devenant de plus en plus compétitif, le choix de ce débouché, toujours largement majoritaire, est désormais remis en question.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reussir-laventure-de-la-these-tout-un-art-133127">Réussir l’aventure de la thèse, tout un art !</a>
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<p><a href="https://theconversation.com/video-laccompagnement-des-jeunes-docteurs-a-lemploi-134274">Des travaux plus récents</a> tendent à montrer que l’employabilité en dehors de la sphère académique dépend, pour beaucoup, de l’activité du doctorant en thèse : c’est aussi au doctorant de créer la valeur externe de son diplôme. Ceux qui quittent le monde universitaire se dirigent majoritairement vers les métiers du conseil, ou rejoignent des projets entrepreneuriaux dont l’activité est liée à leur recherche académique. D’autres, encore, s’orientent vers des fonctions plus classiques qui correspondent à leur spécialisation disciplinaire de thèse (gestion des ressources humaines, marketing, finance, comptabilité, systèmes d’information, data science, etc.).</p>
<p>Ces comportements peuvent expliquer la <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/hors-collection/ouvrage/620-l-enseignement-de-la-gestion-en-france.html">tension du recrutement</a> dans un contexte de stagnation des effectifs de maître de conférences en management sur la période récente. Les écoles de commerce, elles, se sont désormais pleinement engagées dans la compétition internationale (primes à la publication, anglicisation des parcours).</p>
<p>En réponse à ce monde du travail changeant, l’exercice de la thèse se modifie, intégrant des rituels de <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/11/06/le-concours-ma-these-en-180-secondes-est-un-revelateur-du-monde-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche_6101215_1650684.html">promotion de soi</a>. Nous considérons ces évolutions comme le témoin de changements plus fondamentaux dans la construction du savoir scientifique, et les étudions dans une perspective compréhensive et prospective.</p>
<h2>Une diversité de thèses</h2>
<p>Nombre d’études font état, chaque année, du nombre de docteurs en management ou de leur insertion professionnelle. Ces études sont menées par les universités ou par des organismes externes, comme la <a href="https://www.fnege.org/publications/les-publication-de-la-fnege/observatoires/les-observatoires">FNEGE</a> ou <a href="https://www.anrt.asso.fr/fr/enquetes-cifr">l’association nationale de la recherche et de la technologie</a>. Pour autant, ces études ne reflètent qu’un instantané et ne rendent donc pas compte des dynamiques de la thèse en management. La thèse n’est dorénavant plus un exercice commun. Il s’agirait davantage de parler de thèses, au pluriel, tant les attendus diffèrent selon l’institution, le format choisi, ou la sous-discipline.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-directeur-de-these-a-quoi-ca-sert-100269">Un directeur de thèse, à quoi ça sert ?</a>
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<p>Cette discussion mérite d’être approfondie, dans un paysage politique et institutionnel qui ne cesse de se transformer. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR) est actuellement sur le devant de la scène nationale et <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/jean-castex/gouvernement-de-jean-castex/projet-de-loi-recherche-avant-meme-l-examen-du-texte-les-chercheurs-s-inquietent_4113201.html">crispe le monde de la recherche français</a>, craignant un recul des libertés académiques, une menace sur les carrières et les accès aux fonctions universitaires. Ces nouveaux défis sont opaques pour le grand public, qui, dans son ensemble, connaît peu le monde universitaire. Quelles sont, effectivement, les transformations à l’œuvre et avec quelle ampleur ?</p>
<p>Dans le cadre d’un partenariat de recherche avec la FNEGE, lancé en octobre 2020 et pour une durée de deux ans, <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/les-derniers-jours-de-la-these-en-management/">notre projet</a> vise à rendre visible et accessible la connaissance informelle et implicite sur le travail de thèse, en questionnant le devenir de ce rituel jusqu’à maintenant incontournable. Pour ce faire, nous tentons de répondre à un certain nombre de questions-clés :</p>
<ul>
<li><p>quels sont les sujets en vogue ?</p></li>
<li><p>quelle langue de rédaction est privilégiée (anglais ou en français) ?</p></li>
<li><p>où l’encadrement doctoral et, donc, les doctorants en management se concentrent-ils en France ? Et surtout, quels sont leurs débouchés professionnels, sur plusieurs années ?</p></li>
</ul>
<p>En tant que jeunes docteurs en management, issus de disciplines variées, il nous semble important d’instruire le débat dans notre communauté et au-delà, pour guider les choix politiques en la matière.</p>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/612482475?h=c3b82ec0eb&title=0&byline=0&portrait=0" width="100%" height="360" frameborder="0" allow="autoplay; fullscreen; picture-in-picture" allowfullscreen=""></iframe>
<p><a href="https://vimeo.com/612482475">Les derniers jours de la thèse en management ?</a> from <a href="https://vimeo.com/fnegemedias">Fnege Medias</a> on <a href="https://vimeo.com">Vimeo</a>.</p>
<p>Trois objectifs principaux sont visés :</p>
<ul>
<li><p>aider les masterants et les jeunes doctorants à y voir plus clair sur la thèse en management ;</p></li>
<li><p>révéler la diversité des recherches en management, leur ancrage et leurs préoccupations managériales et sociétales ;</p></li>
<li><p>cartographier l’insertion professionnelle des docteurs en management pour informer sur l’encadrement doctoral au niveau national. L’analyse des métadonnées de près de 3 000 thèses en management, soutenues entre 2010 et 2019, permet de faire émerger des tendances et d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.</p></li>
</ul>
<h2>Trois grandes tendances…</h2>
<p><strong>Langue d’écriture et format du manuscrit de thèse</strong></p>
<p>En dix ans, le nombre de thèses rédigées en langue anglaise a plus que doublé. Il sera intéressant d’étudier les antécédents qui conduisent à ce choix : décision du doctorant, décision du directeur de thèse, exigences disciplinaires, volonté d’expatriation, parcours académique antérieur, course à la publication scientifique, etc. Les premiers résultats montrent un lien fort entre la langue d’écriture (anglais vs. français) et le format de la thèse (sur essais vs. monographique), suggérant une internationalisation de la démarche doctorale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435675/original/file-20211204-25-1xrauwq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution du nombre de thèses en management rédigées en anglais.</span>
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<p><strong>Sans surprise, un petit nombre d’universités et d’écoles, situées dans les plus grandes métropoles, concentrent l’encadrement doctoral en management.</strong></p>
<p>Selon l’observatoire des thèses de la FNEGE, sur ces dix dernières années, Paris, Lyon, Marseille, Lille, Grenoble et Montpellier tirent leur épingle du jeu, avec au moins 100 thèses soutenues. De ce fait, on peut se questionner sur les raisons qui permettent à un pôle régional d’émerger, en particulier, au regard du financement de la recherche (dotations publiques, formations, etc.).</p>
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<span class="caption">Nombre de thèses en management soutenues entre 2010 et 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>Caractéristiques de l’encadrement doctoral et impact sur la carrière</strong></p>
<p>Le directeur de thèse joue un rôle important, voire crucial, dans le marathon de la thèse, mais aussi dans l’orientation professionnelle. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2017-2-page-97.htm?contenu=resume">Certains travaux</a> ont déjà mis en avant les profils du/des directeur(s) de thèses comme déterminant(s) pour l’insertion professionnelle, en précisant, par exemple, que, lorsque “le statut du directeur de thèse est élevé”, le docteur s’oriente plus facilement vers un premier poste en université. Partant de ce constat, nous nous questionnerons sur les critères pertinents pour caractériser l’encadrement doctoral, en étudiant notamment le rôle joué par la codirection de thèse.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434797/original/file-20211130-23-1judfc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution du nombre de thèses en management dirigées par deux directeurs ou plus.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quelques pistes de recherche</h2>
<p>Au-delà de l’approfondissement des trois tendances précitées, notre démarche nous conduit à formuler quatre pistes de recherche. Tout d’abord, la question de la place de la qualification aux fonctions de maître de conférences (MCF) dans l’insertion professionnelle des docteurs est lancée : quelle est la part des docteurs qualifiés ? Combien d’entre eux sont en poste, et ce, combien d’années après leur soutenance ? Que deviennent les docteurs non qualifiés ?</p>
<p>Ensuite, outre l’enjeu de la qualification, les parcours types d’accès aux fonctions d’enseignant-chercheur (MCF, à l’université, ou professeur assistant, en business school) et les profils des docteurs sont tout aussi déterminants : âge, genre, formation initiale, discipline, ancrage avec les préoccupations managériales du moment, encadrement doctoral, laboratoire, université, publications et classement, etc. Puis, la dimension informelle, clé de voûte de la thèse en management et de l’insertion professionnelle des docteurs dans le monde académique, invite à de nouvelles réflexions, d’autant plus que les règles du jeu changent rapidement.</p>
<p>L’enjeu de notre projet se manifeste à plusieurs niveaux et s’inscrit dans un horizon temporel de long terme : nous ferons état de ses bouleversements et analyserons ses implications, comme ont pu le faire récemment un collectif de sociologues du travail sur le <a href="https://www.xerficanal.com/iqsog/emission/Pierre-Michel-Menger-Le-modele-francais-de-l-excellence-en-mathematiques_3750132.html">cas des mathématiques</a>. Ainsi, nous espérons contribuer à la réflexion déjà féconde sur la thèse comme support de création de connaissance, mais aussi comme outil d’insertion dans la carrière.</p>
<hr>
<p><em>Ce projet de recherche est soutenu par la FNEGE, les Ateliers de Thésée et Grenoble École de Management</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172922/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Gaillard est membre de l'AGRH, du Pôle recherche de l'Observatoire Action Sociétale - Action Publique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Cloarec est Vice-Président de la Société Française de Management. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Juliette Senn est membre de l'AFC.</span></em></p>
Après une thèse en management, le choix d’une carrière universitaire reste majoritaire. Mais l’accès aux postes devenant de plus en plus compétitif, certains docteurs envisagent d’autres horizons.
Hugo Gaillard, Maître de conférences en Sciences de gestion, Le Mans Université
Albane Grandazzi, Professeur Assistant, Grenoble École de Management (GEM)
Julien Cloarec, Assistant Professor of Data Science, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3
Juliette Senn, Assistant Professor, Montpellier Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/134274
2020-03-20T12:42:01Z
2020-03-20T12:42:01Z
Vidéo : L’accompagnement des jeunes docteurs à l’emploi
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321929/original/file-20200320-22618-1st6jw5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C14%2C1230%2C629&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fabien Canolle sur le plateau de Xerfi canal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran.</span></span></figcaption></figure><p>Dans cette lettre <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%408m59s47HaOCfWJ%2B%2BIUuXud0HooF24mXEtEGxq85nCVM%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=">« IQSOG – Fenêtres ouvertes »</a>, datée du 14 mars 2020, Adrien de Tricornot, rédacteur en chef de Xerfi canal, reçoit Fabien Canolle, chercheur et enseignant à iaelyon, Université Jean Moulin Lyon 3, RD2 Conseil, pour parler de l'insertion professionnelle des jeunes docteurs.</p>
<p>Retrouvez toutes les émissions de la lettre du 14 mars 2020 en cliquant <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%408m59s47HaOCfWJ%2B%2BIUuXud0HooF24mXEtEGxq85nCVM%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=">ici</a>.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/389456869" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<hr>
<p><em>Toutes les émissions <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">« IQSOG – Fenêtres ouvertes »</a> peuvent être consultées sur Xerfi canal</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134274/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Denis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comment s'insérer au mieux dans le monde du travail après une thèse ? Éléments de réponse avec Fabien Canolle, chercheur et enseignant à l'IAE de Lyon.
Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/133127
2020-03-11T17:37:19Z
2020-03-11T17:37:19Z
Réussir l’aventure de la thèse, tout un art !
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319577/original/file-20200310-61060-1kgr9uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C998%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La thèse est une épreuve d'endurance;</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/female-student-taking-notes-book-library-516640027">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Qu’est-ce qu’une bonne thèse en sciences sociales ? Comment la construire au mieux, de la question de recherche à la rédaction, et comment gérer concrètement ce marathon ? Alors que les taux d’abandon sont élevés en doctorat de sciences humaines et sociales, Éric Pichet propose dans <a href="https://www.editionsdusiecle.fr/L-Aventure-de-la-these">« L’Aventure de la thèse »</a> (Les Éditions du Siècle) une méthodologie pour faire face aux principaux écueils qui se présentent et inventer sa propre stratégie. En voici un extrait.</em></p>
<hr>
<p>La rédaction et la soutenance d’une thèse constituent l’aboutissement d’un marathon intellectuel (c’est le parcours de thèse) mais aussi physique, affectif et psychologique. La thèse est un monstre qu’il faut apprivoiser : il faut donc s’y préparer. Quand on interroge les doctorants, ils estiment globalement que leurs conditions de travail au quotidien sont bonnes, mais que la thèse et une source de stress pour 74 % d’entre eux, tout particulièrement pour ceux qui dépassent la <a href="https://intranet.univ-rennes2.fr/sites/default/files//UHB/ESPACE-RECHERCHE/Rapport_conditions%20des%20doctorants.pdf">3ᵉ année de thèse</a>, d’où l’intérêt de bien gérer son temps de thèse.</p>
<h2>Une épreuve intellectuelle initiatique</h2>
<blockquote>
<p>« Comme le coureur de fond, le doctorant doit tenir la distance. Mais, à la différence du marathonien, personne n’a tracé pour lui de ligne d’arrivée. Le plus dur dans la thèse, c’est de finir. » (H. Lhérété, « La solitude du thésard de fond », Sciences humaines, octobre 2011)</p>
</blockquote>
<p>C’est une épreuve personnelle, une épreuve d’endurance intellectuelle et physique, temps d’une métamorphose presque kafkaïenne, une évolution riche et dense permettant de passer de l’état d’étudiant à celui de chercheur, avec de nombreux écueils qui peuvent être dramatiques. Au vu des risques encourus et de l’investissement personnel du doctorant, il faut peser soigneusement les avantages et les inconvénients de l’aventure avant de se préparer à jouer parfois trois à cinq années de sa vie et de finir dans une impasse, se préparer financièrement, psychiquement, émotionnellement et familialement.</p>
<p>Un plan de travail doit être mis en œuvre : il consiste à fixer les différentes étapes du travail de recherche, ce qui n’est pas facile pour une première œuvre de chercheur. Il faut pêle-mêle définir les outils, concepts, démarches, documents, et identifier les tâches à accomplir ainsi que leur logique. En la matière, <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1936Sci...83..369./abstract">I. Pavlov</a> donne 3 conseils : d’abord, apprendre à travailler graduellement, progressivement, en « apprenant l’ABC de la science avant de tenter d’en escalader le sommet, ensuite rester modeste : « ne pensez jamais que vous savez déjà tout » et enfin cultiver la passion de la recherche : « souvenez-vous que la science exige d’un homme toute sa vie, même avec deux vies, ce ne serait pas suffisant pour vous. Soyez passionné dans votre travail et vos recherches ».</p>
<h2>Un marathon physique et psychique</h2>
<blockquote>
<p>« Le temps est le principal ennemi du doctorant. » (Le principal adage doctoral)</p>
</blockquote>
<p>Voyage au long cours ou pèlerinage, la thèse est une épreuve d’endurance : il importe de bien s’y préparer et de mûrement réfléchir à son sens et à son utilité avant de se lancer. Une fois le candidat parti pour l’aventure, l’opiniâtreté est la clé de la réussite. Si le respect des échéances peut paraître contraignant, il est crucial car il libère les énergies par la contrainte qu’il exerce. C’est un paradoxe inhérent à l’activité intellectuelle que la réflexion (la phase de maturation qu’implique toute véritable recherche sur des problèmes complexes) demande du temps, mais qu’on n’y avance vraiment que sous le poids de l’urgence.</p>
<p>Même s’il n’y a que 24 heures dans une journée, il est essentiel de suivre une discipline rigoureuse, car la recherche tient de la course, et la thèse, de la course contre le temps. Mais c’est un très long marathon, pas un sprint : il faut profiter de la course, cultiver son sens de l’humour et une certaine distanciation vis-à-vis de l’objet de recherche, de sa démarche et de soi-même (par exemple en pensant aux visions, considérées maintenant comme totalement erronées, des grands chercheurs du passé), prendre soin de sa santé – forme physique, mais aussi santé psychologique – et cultiver son environnement affectif, familial et social.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RSYtKCNvYbM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La bande dessinée de Tiphaine Rivière revient sur un mode humoristique sur toutes les difficultés de la thèse.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les deux dispositions antagonistes du doctorant</h2>
<blockquote>
<p>« Les chercheurs en sciences sociales sont au mieux des artistes, plus communément des artisans d’art. Ils doivent l’admettre avec humilité et orgueil. Et bien comprendre qu’ils font acte de création plutôt que de connaissance – ou plutôt que leur acte cognitif est indissolublement un acte créatif. » (J.-F. Bayart, « Faire des sciences sociales, un acte de création », EHESS, 2013)</p>
</blockquote>
<p>Le doctorant doit faire preuve de rigueur mais également cultiver d’autres dimensions suivant en cela de <a href="https://www.quebec-amerique.com/livres/biographies-idees/dossiers-documents/artistes-artisans-et-technocrates-dans-nos-organisations-206">P. Pitcher</a> qui souligne trois grands types de qualités du chercheur à savoir celles de l’artiste, « audacieux, imaginatif, changeant, intuitif, imprévisible, émotif, inspirateur et drôle », du technocrate qui « travaille avec précision, sérieux, analytique cérébral, méthodique, intense, résolu » et enfin de l’artisan, « sage, honnête, direct, raisonnable, réaliste, responsable ».</p>
<p>Un projet de recherche doctorale comprend toujours deux phases qu’il n’est pas facile de distinguer : une première phase de découverte, faisant appel à l’intuition, inductive, non linéaire, et une seconde phase de validation des hypothèses, puis de présentation de la démarche et des résultats, passant du thème de recherche à l’état de l’art puis à la problématique – la question de recherche, les hypothèses et les résultats – phase qui est, quant à elle, linéaire. Mais il faut bien comprendre que la démarche de recherche proprement dite, qui aboutit à une présentation finale la plus claire et la plus ordonnée possible, n’est pas du tout claire et ordonnée avant.</p>
<h2>Des qualités intuitives</h2>
<blockquote>
<p>« C’est à l’intuition que se dévoile et se révèle tout d’abord l’essence propre et véritable des choses, bien que d’une manière encore toute relative. Tous les concepts, toutes les idées, ne sont que des abstractions, c’est-à-dire des représentations partielles d’intuitions, dues à une simple élimination par la pensée. » (A. Schopenhauer, 1819)</p>
</blockquote>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=917&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=917&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=917&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1153&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1153&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319586/original/file-20200310-61070-c3lud3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1153&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions du Siècle</span></span>
</figcaption>
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<p>C’est souvent sur des intuitions d’abord totalement irrationnelles et profondément paradoxales que reposent les grandes percées de la recherche fondamentale, selon un processus abductif d’ordre presque artistique ou qui, en tout cas, rapproche la science de l’art, l’imagination n’étant pas un obstacle épistémologique au progrès scientifique. Le doctorant doit donc être capable, dans le même temps, de douter, de s’interroger, de ne pas accepter l’évidence (l’important est de ne jamais cesser de questionner), de faire preuve d’imagination, d’échafauder des hypothèses – même les plus saugrenues –, ne pas censurer son imagination, de la cultiver et de faire preuve de <a href="https://www.lesechos.fr/2010/05/le-chercheur-un-pirate-individualiste-et-marginal-424548">rigueur</a>. Le <em>Research instinct</em>, c’est cette capacité à démarrer un projet et à l’aborder sous tous les angles.</p>
<p>Où trouver l’inspiration ? On dit souvent que, lors des conférences scientifiques, les moments les plus importants sont les pauses-café qui permettent d’échanger sur les présentations auxquelles on a assisté, de discuter telle ou telle question. <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/chercheur-au-quotidien-sebastien-balibar/9782370210258">S. Balibar</a> traduit ainsi son expérience de chercheur :</p>
<blockquote>
<p>« On ne trouve pas en se précipitant, encore moins en s’agitant. On trouve parfois même autre chose, que ce que l’on cherche. Mieux vaut se concentrer, réfléchir, rêver même. Je m’arrête de courir la nuit, et c’est souvent là dans une demi-conscience, que les idées me viennent. Je me réveille et je me dis : “Tiens, je devrais essayer ça, c’est peut-être pas complètement idiot ?” Oh ! Traîner mène certainement à l’échec, mais s’obstiner à trouver est loin de suffire pour réussir.</p>
<p>On ne trouve pas par hasard mais pas non plus en ne pensant qu’à ce qu’on cherche. C’est un peu comme lorsqu’un nom m’échappe, celui de quelqu’un que je connais pourtant. Mais comment s’appelle-t-il, enfin ? Trois minutes plus tard, je pense à autre chose, je me détends… et ce nom me revient tout seul. J’en ai parlé à des chercheurs en neurosciences. L’explication semble liée à la complexité de l’organisation du cerveau. Voilà autre chose que j’aimerais bien comprendre un jour. »</p>
</blockquote>
<h2>Des qualités de rigueur</h2>
<blockquote>
<p>« Une patience impatiente : tel est le ressort de la recherche scientifique. » (J. Hamburger, La Croix, 23 janvier 2019)</p>
</blockquote>
<p>Si les qualités intuitives déclenchent souvent une recherche ou initient des hypothèses, c’est la rigueur scientifique qui permet au chercheur d’échapper à ce que <a href="https://www.babelio.com/livres/Montaigne-Les-Essais/5234">Montaigne</a> qualifiait « d’ignorance que la science fait et engendre ». La rigueur scientifique commence avec la rigueur analytique qui doit être constamment présente à l’esprit du doctorant. Il faut par exemple vérifier soigneusement les sources, surtout dans la phase de revue de la littérature.</p>
<p>On s’inspirera de l’avertissement de E. Gibbon dans sa somme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_d%C3%A9cadence_et_de_la_chute_de_l%27Empire_romain">sur l’Empire romain</a> : « Le soin et l’exactitude dans la recherche des faits sont le seul mérite dont un historien puisse se glorifier, si toutefois il y a quelque mérite à remplir un devoir indispensable. Il doit donc m’être permis de déclarer que j’ai soigneusement examiné toutes les sources premières propres à me fournir quelques éclaircissements sur le sujet que j’ai entrepris de traiter. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133127/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le taux d’abandon est élevé en doctorat de sciences humaines et sociales. Pour relever le défi, mieux vaut être un thésard averti, avec une bonne méthodologie.
Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School
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2020-02-11T19:36:47Z
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La recherche à l’épreuve de la mise en concurrence
<p>Alors que le projet de Loi de programmation pour la recherche (<a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/http:/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid138611/vers-une-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche.html">LPPR</a>) n’a pas encore été rendu public, il suscite déjà d’importantes <a href="https://www.franceculture.fr/societe/lexcellence-dans-les-facs-et-les-labos-piqure-de-rappel-ou-baiser-de-judas">contestations</a>. Des motions ont été prises par les instances de représentation des chercheurs et des enseignants chercheurs, des pétitions publiées et des manifestations organisées pour protester contre les orientations de la loi. Se répète une séquence désormais bien instituée depuis 2006, où la préparation et la mise en œuvre des réformes de l’enseignement supérieur et la recherche s’opèrent dans un climat de contestation.</p>
<p>La LPPR devrait pourtant se traduire par une hausse des moyens alloués par l’État à la recherche. Cette augmentation, proposée dans l’un des <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid145221/restitution-des-travaux-des-groupes-de-travail-pour-un-projet-de-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche.html">trois rapports</a> préparant le texte de loi, a été reprise par Frédérique Vidal, la ministre de la Recherche, avant même la discussion parlementaire du texte. Mais, pour allouer ces nouveaux crédits, un accroissement de la mise en compétition des chercheurs, des laboratoires et des établissements est proposé par ce rapport.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1176106275891023878"}"></div></p>
<p>Il y est d’abord préconisé de renforcer le rôle et les moyens de l’Agence nationale de la recherche (<a href="https://anr.fr/fr/">ANR</a>) qui opère la sélection des projets à financer. Les rapporteurs proposent, ensuite, que l’allocation des nouveaux crédits aux laboratoires tienne compte de l’évaluation de leurs résultats. Enfin, ils se prononcent pour une poursuite et un renforcement du Programme des Investissements d’Avenir (<a href="https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir">PIA</a>), mis en place depuis 2010 pour financer les laboratoires et établissements dont le projet a été jugé de très haut niveau.</p>
<p>Ce renforcement de la <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/10/14/le-blues-des-chercheurs-francais_6015488_1650684.html">mise en compétition</a> est d’autant plus fort et d’autant plus contesté que les rapports introduisent de nouvelles dispositions de gestion des carrières qui, si elles sont adoptées, devraient renforcer la hiérarchisation et la différenciation de la profession académique.</p>
<h2>Les débuts du financement sur projet</h2>
<p>La compétition n’est pourtant pas une norme étrangère au monde académique français : depuis longtemps, chercheurs et enseignants chercheurs sont en compétition pour publier, obtenir des prix ou la reconnaissance de leurs pairs. Le lien entre compétition et financement n’est pas non plus inédit : en France, il est institué par l’État au milieu des années 1960, bien avant la création de l’ANR. Comment expliquer alors que l’allocation compétitive des nouveaux crédits prévus par la loi cristallise aujourd’hui de telles oppositions ?</p>
<p>Une partie de la réponse à cette question réside dans les profondes transformations connues par la mise en compétition pour les moyens financiers. Avec Clémentine Gozlan, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2018-3-page-493.htm">nous avons montré</a> que les appels d’offres, avant d’être contestés, sont longtemps restés acceptés par la majeure partie de la communauté académique. Les conditions de leur utilisation différaient cependant profondément de leurs usages contemporains.</p>
<p>Des années 1960 aux années 1980, la mise en compétition n’est d’abord pas généralisée à l’ensemble des champs de recherche, mais plutôt réservée à ceux qui sont déclarés prioritaires par les pouvoirs publics. Par ailleurs, elle est beaucoup moins forte : les chances de succès dépassent largement les probabilités d’échec, alors que ce ratio s’est largement inversé aujourd’hui, les taux de succès à l’ANR franchissant rarement les 15 % depuis sa création.</p>
<p>Notons aussi que, pendant cette période, le financement sur projets n’est pas détaché des autres sources de financement ou de l’état du marché du travail. Durant les années 1970, les comités d’allocation des fonds font souvent le choix de privilégier les équipes qui, parmi celles qui ont de bons projets, sont en difficulté financière. À cette période, le recours aux fonds sur projets pour financer des contrats précaires est strictement limité, voire interdit, pour éviter de nourrir les tensions, déjà très fortes, sur le marché du travail académique.</p>
<p>Dans certains laboratoires enfin, Séverine Louvel <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00185635/document">a montré</a> que les financements obtenus étaient souvent mutualisés, chaque chercheur pouvant puiser dans des ressources considérées comme communes.</p>
<h2>La mise en compétition redéfinie</h2>
<p>Cette acceptabilité est remise en cause au milieu des années 2000 par l’émergence de mouvements critiquant la mise en compétition, les agences qui l’organisent et les appels d’offres qui l’instrumentent. L’audience de ces contestations s’explique par le travail politique engagé par leurs militants. Elle tient aussi à de progressifs déplacements dans les usages des appels à projets qui redéfinissent leur sens politique.</p>
<p>Dès le début des années 1990, le ministère de la Recherche en fait un levier central de sa politique scientifique et cherche à renforcer leur sélectivité en y voyant une garantie de la qualité des projets financés. Le financement sur projets est progressivement étendu à de nouveaux champs de recherche.</p>
<p>Sa place est aussi modifiée par les transformations qui marquent les autres financements : dans un contexte de restriction budgétaire, les ressources allouées sur des modalités non compétitives diminuent et le financement sur projets devient l’un des seuls moyens, sinon l’unique, pour financer les travaux de recherche. Les pratiques anciennes de mutualisation sont enfin rendues plus difficiles par l’individualisation progressive de l’attribution des crédits.</p>
<p>Ces effets sont d’autant plus fort que les financements étatiques ne sont pas les seuls à connaître ces transformations : ceux alloués par les collectivités locales, l’Europe, ou les fondations privées connaissent des évolutions proches.</p>
<p>Ces modifications, renforcées par la création de l’ANR et le lancement du Programme des Investissements d’Avenir, ne se traduisent pas systématiquement par un recul de l’autonomie académique : les comités allouant les fonds sont toujours composés de chercheurs et d’enseignants chercheurs et les équipes les plus aptes à réussir dans cette nouvelle donne compétitive bénéficient souvent de conditions de travail qui leur permettent, y compris dans la recherche fondamentale, de mener à bien leurs travaux.</p>
<p>Mais cette nouvelle donne se traduit aussi par des inégalités probablement sans précédent dans le monde scientifique français : en sciences de la vie, l’un des secteurs les plus touchés par la mise en compétition pour l’allocation des crédits, une enquête en cours montre que certaines équipes ont, hors salaire des titulaires, 12 fois plus de ressources que d’autres.</p>
<h2>Des risques d’inégalités croissantes</h2>
<p>En mettant en place des mécanismes compétitifs sans, parallèlement, instaurer des modalités alternatives de financement ou des mécanismes de régulation, les premières propositions de réforme, si elles sont retenues, créent des conditions favorables à un accroissement des écarts, déjà importants.</p>
<p>Parce qu’ils sont visibles, disposent de ressources importantes, utiles à la préparation des épreuves compétitives, les chercheurs, les laboratoires et les établissements les mieux dotés sont les mieux placés pour renforcer leurs positions. Les promoteurs du texte avanceront que c’est le prix à payer pour qu’ils ne perdent pas de places dans une compétition scientifique, désormais mondiale.</p>
<p>Les contestations rappellent cependant que la généralisation de la mise en compétition, même couplée à la promesse de l’augmentation des moyens, ne suffit pas à assurer la légitimité d’une loi. Cela ne dispense pas d’une réflexion, rarement conduite, sur le niveau acceptable des inégalités, sur l’efficacité de leur accroissement et sur les mécanismes de leur régulation.</p>
<p>La question des inégalités est aussi un défi pour le mouvement qui se structure actuellement : dans un monde scientifique, aux intérêts, aux identités et aux pratiques fragmentés, il n’est pas aisé de construire un front commun contre une mise en concurrence allouant des ressources rares, tout en s’appuyant sur la compétition, un des principes organisant l’activité scientifique depuis longtemps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1219251674834927618"}"></div></p>
<h2>Quelle société de la connaissance ?</h2>
<p>Les périodes passées, évoquées au début de ce texte, ne doivent pas être considérées comme un âge d’or révolu qu’il faudrait nécessairement retrouver. Elles comptent aussi leur part d’ombre : à ses débuts, le financement sur projets est mis au service des patrons de laboratoire qui dominent le système académique français. Dans les années 1970, il s’apparente à un partage inégalitaire de budgets devenus trop modestes dans un contexte de développement de la précarité de l’emploi scientifique.</p>
<p>Ces époques nous montrent plutôt que la mise en compétition peut être mise au service de bien des projets politiques et que ses formes contemporaines ne sont qu’une modalité parmi d’autres usages possibles. Le débat n’est alors, peut-être, pas réductible à une opposition entre les tenants de la mise en compétition et ses pourfendeurs, les partisans de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et leurs critiques, ou les promoteurs des appels d’offres et leurs dénonciateurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sciences-humaines-et-sociales-revues-en-greve-qui-sont-elles-131439">Sciences humaines et sociales : revues en grève, qui sont-elles ?</a>
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<p>Les propositions des États généraux de la recherche organisés en 2006, à l’initiative de « Sauvons la recherche », le rappellent : si son organisation et son rôle différaient de ceux finalement retenus dans la loi, le rapport final synthétisant les propositions de la communauté académique préconisait la création d’une instance distincte du ministère de la Recherche allouant des fonds sur projets.</p>
<p>Il y a, donc, sans doute de la place pour une réflexion, rarement engagée depuis 2006 sur l’ampleur des inégalités légitimes et efficaces, le périmètre et la forme de la mise en compétition et son articulation avec les formes non compétitives d’allocation des ressources.</p>
<p>Ces questions ne concernent pas seulement la communauté académique : les modalités d’allocation des crédits ont des conséquences sur la production des savoirs. Si, comme on ne cesse de nous le rappeler, les connaissances sont un enjeu social, économique et politique, alors c’est la société française dans son ensemble qui est concernée par ce débat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131514/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Aust ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis longtemps, les chercheurs sont en compétition pour le prestige ou l’obtention de crédits. Mais la recomposition du financement sur projet creuse les inégalités entre labos et disciplines.
Jérôme Aust, Docteur en science politique, chargé de recherche, Sciences Po
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tag:theconversation.com,2011:article/125112
2019-10-21T20:11:09Z
2019-10-21T20:11:09Z
Le doctorat fait-il encore rêver ? Regards croisés entre le Maroc et la France
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296903/original/file-20191014-135491-8f3uq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C4%2C979%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les doctorants marocains, les difficultés commencent dès la recherche d'une structure d'accueil.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/accessory-733166623?src=Ug35DojTXfgad_o7_Z7rSw-1-1">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’ils posent auprès de leur jury pour une photo souvenir de leur soutenance de thèse, les candidats au doctorat affichent en général un sourire radieux. Mais au-delà de ce moment symbolique, le doctorat n’a rien d’un long fleuve tranquille. Si les sacrifices pour décrocher ce diplôme sont importants, ses perspectives interpellent aussi dans la mesure où le marché de l’emploi se corse. Une situation que l’on éclairera à partir des situations dans deux pays, le Maroc et la France, sans forcément les mettre en comparaison.</p>
<h2>Inscriptions en doctorat</h2>
<p>Au Maroc, si l’adoption du système LMD depuis le début des années 2000 a certainement <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">facilité l’accès</a> au doctorat, le nombre de diplômés à bac +8 reste relativement faible. En 2017, <a href="https://www.leconomiste.com/article/1039050-doctorat-enormes-abandons-de-theses">seulement 1937 personnes</a> ont décroché un doctorat. Rapporté aux chiffres de la population, cela équivaut à un taux de 0,5 néo-docteur pour 10 000 habitants.</p>
<p>Les inscriptions en thèse n’inversent pas la donne. Les doctorants ne représentent que <a href="https://www.enssup.gov.ma/sites/default/files/STATISTIQUES/5190/FICHE%20SYN1819.pdf">4,2 % des étudiants</a>. De quoi soulever des inquiétudes quand on sait qu’entre 2015-2020, pas moins de 1 000 enseignants <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">partiront en retraite</a>. Il s’agit de la génération, en majorité formée en France, qui a posé les bases des universités actuelles. La question de la relève en nombre et en qualité est préoccupante.</p>
<p>En France, si l’on a enregistré une <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_R_38-le_doctorat_et_les_docteurs.php">baisse de 10 %</a> des inscriptions en thèse entre 2012 et 2016, les soutenances restent sur un rythme de 10 000 chaque année. La réticence des étudiants est-elle due au risque d’échec ? C’est pourtant l’inverse que révèlent les <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_R_38-le_doctorat_et_les_docteurs.php">résultats</a> d’une étude : 41 % des doctorants ont soutenu leur thèse en moins de 46 mois en 2014, contre 31 % l’année précédente. Les chances de réussite vont crescendo, ce qui peut être expliqué entre autres par l’amélioration des conditions de réalisation de la thèse.</p>
<h2>Structures d’accueil</h2>
<p>Pour les doctorants marocains, les difficultés commencent dès la recherche d’une structure d’accueil. <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">60 % des doctorants</a> ne sont affiliés à aucun laboratoire. L’accès à la bibliographie et au matériel de recherche est un combat. Les conséquences sont accablantes : <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">9 thésards boursiers sur 10</a> jettent l’éponge au milieu du chemin. Ceux qui font preuve de résistance ne connaissent pas un meilleur sort : 80 % vont soutenir leurs travaux <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">sans avoir produit</a> la moindre publication.</p>
<p>L’encadrement des travaux de recherche est une autre défaillance dans la vie des docteurs marocains. Face à l’explosion du nombre d’étudiants liée à la croissance démographique (rappelons que le nombre d’habitants a progressé de 10 millions en 10 ans, tandis que les jeunes représentent 28 % de la population), les universités ont dû accueillir 820 488 étudiants en 2017 alors que leur capacité d’accueil n’est que de 512 630 places. Les professeurs sont débordés. Dans certains cas, ils se retrouvent à diriger <a href="https://www.leconomiste.com/article/1008479-doctorat-la-recherche-peine-seduire-les-etudiants">plus de 40 travaux de recherche</a> à la fois.</p>
<p>En France, outre le nombre de laboratoires de recherche, un autre facteur de succès est la variété de l’offre de financement. Entre allocations ministérielles, bourses de mobilité et contrats de recherche, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/rers/rers2016/rers-2016chap111.pdf">69 % des doctorants français</a> ont obtenu un financement au titre de l’année de 2014. Ces contrats sont liés à des objectifs de recherche que les doctorants doivent s’appliquer d’atteindre pendant la durée de leurs thèses. Le renouvellement des bourses tient compte de la réalisation de ces objectifs. Les doctorants avouent que la période de renouvellement des bourses est vécue avec autant de stress que la période de préparation des soutenances.</p>
<p>Ceci dit, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/rers/rers2016/rers-2016chap111.pdf">certaines disciplines</a> concentrent plus d’intérêt de la part des organismes de financement. Le taux de financement en sciences dites exactes est de 96 % en première année contre 38 % en sciences humaines et sociales. En l’absence de financement, les doctorants de ces branches sont obligés de mettre la main à la poche : 29 % d’entre eux exercent des activités rémunérées.</p>
<p>Force est de dire que le coût financier engendré par un projet doctoral est toujours considérable. Au Maroc, les offres de financement sont très rares et pour la plupart attribuées par le ministère de l’Enseignement supérieur.</p>
<h2>Insertion professionnelle</h2>
<p>L’insertion professionnelle des nouveaux docteurs est compliquée, qu’il s’agisse du Maroc ou de la France. L’enseignement est bien sûr le premier choix des néo docteurs. Le rêve de décrocher un poste après la thèse ne se réalise pas immédiatement. En France, 60 % des nouveaux docteurs sont obligés de passer d’abord par des emplois provisoires à durée déterminée – contrats post-doctorat et ATER (Attachés temporaires d’enseignement et de recherche).</p>
<p>La concurrence est très rude en France et nombre de docteurs finissent par aller voir ailleurs : 40 % des docteurs en lettres et sciences humaines et sociales s’orientent <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/7523">vers l’enseignement secondaire et primaire</a>. Certains vont même travailler dans des postes sans aucun lien avec l’enseignement et la recherche dans les administrations nationales et territoriales.</p>
<p>Au Maroc, les universités manquent cruellement d’enseignants mais l’État s’est engagé dans des plans de baisse des charges publiques dicté par les institutions financières internationales. Les universités privées viennent étoffer le paysage au Maroc, malgré qu’elles soient décriées par certaines voix qui accusent l’État de vouloir privatiser le service public. Les docteurs leur tournent le dos et ne le considèrent dans la majorité des cas comme des tremplins. La charge de travail plus élevée, l’absence de possibilités d’évolution, le peu de temps consacré à la recherche sont les principales causes de la réticence des néo docteurs.</p>
<p>Les débouchées en privé sont pour l’heure timides au Maroc et en France. Il s’agit d’abord de la volonté des docteurs qui, après avoir eu le goût des cours, des communications et des expériences en laboratoires, ne se projettent pas dans un autre métier. L’adéquation entre les spécialités des docteurs et les besoins des entreprises est une autre question. Si les ingénieurs et les docteurs en économie et gestion sont les profils les plus demandés au Maroc, ils ne constituent que 7 % des doctorants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nabil Ouarsafi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si les sacrifices pour décrocher ce diplôme sont importants, ses perspectives interpellent aussi dans la mesure où le marché de l’emploi se corse.
Nabil Ouarsafi, Enseignant chercheur en management à l'Université Hassan 1er, Université Hassan Ier – AUF
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tag:theconversation.com,2011:article/113982
2019-03-27T21:40:59Z
2019-03-27T21:40:59Z
Et si l’État prenait au sérieux les territoires ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265173/original/file-20190321-93057-374kb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2093%2C48%2C7681%2C3317&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue depuis Saint-Clément-sur-Guye.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.enclunisois.com">Enclunisois.com</a></span></figcaption></figure><p>Ancien haut fonctionnaire ayant exercé des fonctions à un niveau national et européen, Jean‑Luc Delpeuch s’est impliqué dans des responsabilités locales comme maire de Cluny (Saône-et-Loire) puis président de sa communauté de communes. Il a pu percevoir combien les relations entre les territoires ruraux et l’État se sont détraquées au fur et à mesure que celui-ci s’est replié tout en prétendant dominer la situation, alors qu’il n’en a plus les moyens.</p>
<h2>Les derniers fantassins de la République</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265175/original/file-20190321-93057-8zrf7e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jean‑Luc Delpeuch.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.enclunisois.com">Communauté de communes du Clunisois.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le <a href="https://www.enclunisois.com/">Clunisois</a> s’étend pour moitié sur des prairies et des vignes, pour un tiers dans des bois et pour le reste sur des hameaux, villages et bourgs. 14 000 habitants y vivent, dont 5 000 à Cluny. Les 41 autres communes comptent en moyenne 200 habitants. Comme ailleurs, les services et commerces sont rares dans les villages, les bureaux de poste. Les gendarmeries ont presque disparu et il faut parfois parcourir plus de 30 km pour trouver les premiers services publics.</p>
<p>Les 469 élus municipaux des 42 communes sont mobilisés au service de leurs concitoyens. Le conseil communautaire du Clunisois, où siègent les représentants de ces communes, réunit une fois par mois ses 69 membres. Chaque année, une cinquantaine de séances en commission ont lieu pour préparer les délibérations. Les membres du bureau communautaire, le président et les vice-présidents ont choisi de ne percevoir que 150 euros par mois.</p>
<p>Derniers fantassins de la République, les élus du monde rural sont donc peu ou prou bénévoles. Ce bénévolat est en fait généralisé et soutient tout l’édifice territorial. Les quelque 190 associations enregistrées mobilisent la quasi-totalité des habitants.</p>
<h2>Quand le dynamisme local fait société</h2>
<p>Comme dans beaucoup d’autres endroits en France, la communauté de communes a déployé des moyens ingénieux pour lutter contre l’isolement : transports scolaires utilisables par tous, transport à la demande, covoiturage, auto-stop participatif, location à très bas tarif de voiturettes sans permis – qui garantissent l’accès à un lieu de travail éloigné –, maison itinérante de services au public, généralisation de l’accès à Internet à très haut débit. Elle a créé un conseil intercommunal des jeunes qui est très vivant. Les différents réseaux sont croisés autant que possible, particulièrement autour d’un événement annuel intitulé <a href="https://www.lejsl.com/edition-macon/2015/04/19/les-acteurs-du-social-veulent-cooperer-davantage">« Social pursuit »</a> où les travailleurs sociaux et les associations sont invités à faire connaissance sous forme ludique. Pour encourager cette fabrique de liens sociaux et d’innovation, les élus passent beaucoup de temps avec les associations.</p>
<h2>La fatigue des bénévoles</h2>
<p>Comme ailleurs, ces quasi-bénévoles, qui sont des traducteurs, des passeurs et des relais indispensables, fatiguent. Ce phénomène n’épargne pas non plus les élus. Pour soutenir les nombreux projets, il faut désormais répondre régulièrement à des appels à projets aux critères d’évaluation peu clairs. C’est une activité chronophage, de plus en plus hors de portée pour les petites collectivités. À cela s’ajoute la judiciarisation qui envahit les rapports avec l’État et avec les citoyens. Alors qu’ils pouvaient jusqu’à récemment s’appuyer sur les agents territoriaux, les élus sont désormais souvent seuls face à un État devenu à la fois lointain, impécunieux et tatillon, et à des citoyens qui ne comprennent pas la disparition des services publics.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265277/original/file-20190322-36270-1xou9m3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans certains territoires, les agents ont été remplacés par des bornes automatiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.modernisation.gouv.fr/le-sgmap/missions/missions-du-sgmap">SGMAP.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès sa prise de fonction, Jean‑Luc Delpeuch découvre que les dotations de l’État sont inférieures aux prélèvements réalisés par l’État lui-même. Étonné de cette bizarrerie comptable, il demande au préfet comment cela s’explique, mais celui-ci ne le sait pas. On lui suggère d’écrire une lettre au nouveau président de la République, ce qu’il fait. La presse locale en parle, et toutes les semaines sur les marchés, on lui demande des nouvelles. Cependant, il ne reçoit aucun retour de la part du président. Il engage en parallèle des démarches à Paris, où on le renvoie d’un endroit à l’autre sans lui donner d’explication. Finalement, il n’aura jamais de réponse.</p>
<h2>À la recherche du fédéralisme perdu…</h2>
<p>Cet exemple, parmi d’autres, illustre les difficultés de rapport avec l’État, qui se manifestent par le rôle de la préfecture, surtout soucieux de légalité. Jean‑Luc Delpeuch a lu dans « L’Ancien Régime et la Révolution » d’Alexis de Tocqueville une analyse qui lui semble actuelle :</p>
<blockquote>
<p>« Tocqueville y rend compte de l’existence, en France, d’assemblées élues, issues des paroisses médiévales démocratiques et organisées. Une véritable surprise pour celui qui avait pensé et écrit, vingt ans plus tôt, que le fédéralisme avait été inventé aux États-Unis. Mais si, à l’époque, les délibérations des communes américaines étaient considérées par l’État comme des sources d’informations et même d’inspiration, en France, l’État ne s’intéressait déjà plus à ces délibérations locales que pour savoir si elles étaient conformes à ses normes. Cette tutelle distante de l’État ainsi que les jeux de cour ont fait perdre aux responsables locaux leurs relais avec le pouvoir central et sont, pour Tocqueville, une des causes de la Révolution. Une telle explication historique éclaire peut-être un peu le présent. »</p>
</blockquote>
<h2>Réinitialiser le logiciel de l’État</h2>
<p>Jean‑Luc Delpeuch, lui, ne se laisse pas gagner par la fatigue, car c’est un entreprenant habitué à se battre contre l’adversité.</p>
<p>Pour l’aider dans la gestion de son territoire, il a recruté trois doctorants bénéficiant d’une bourse CIFRE, dispositif permettant une relation entre un doctorant, un territoire qui prend en charge la moitié de sa bourse et un laboratoire encadrant la thèse. Au-delà des responsabilités qu’ils ont exercées à ses côtés, les doctorants ont tous les trois mené une thèse à partir de leur expérience sur le terrain. L’une est intitulée « De l’action sociale au territoire sociable », une deuxième « La participation citoyenne à énergie positive en milieu rural » et une troisième « La réhabilitation des logements dans les centres-bourgs ».</p>
<p>À partir de cette expérience innovante, Jean‑Luc Delpeuch a conçu le programme <a href="https://www.hesam.eu/article-589">1 000 doctorants pour les territoires</a>. Cette initiative est portée par <a href="https://www.hesam.eu/">HESAM</a>, communauté d’universités et d’établissements, dont il est président. Il espère ainsi attirer des jeunes dans l’animation des territoires, mais aussi régénérer le corpus de connaissances sur la vie locale et peut-être dessiner les formes d’une gestion publique respectueuse des dynamiques locales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1107886467840380928"}"></div></p>
<p>On pouvait penser que les économistes du développement et les sociologues de l’innovation avaient démontré l’importance des acteurs de terrain dans le développement économique et social, mais il semble que, lorsqu’il s’agit de territoires, les acteurs de terrain soient aujourd’hui davantage perçus comme des corps intermédiaires inutiles, voire des quémandeurs passifs de subsides publics. Montrer la richesse créée par les acteurs de terrain des territoires, entrepreneurs, associatifs, aussi bien qu’élus, sera une œuvre d’utilité publique.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir le compte rendu de l’École de Paris du management <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1295-prendre-au-serieux-les-territoires">« Prendre au sérieux les territoires »</a>.</em></p>
<p><em>La rédaction de cet article a bénéficié de la complicité de Christophe Deshayes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113982/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>
Un élu de terrain très entreprenant montre combien l’articulation entre l’État et les territoires est mal en point et nécessite un nouveau logiciel. Il veut lancer 1 000 doctorants pour y contribuer.
Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris
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tag:theconversation.com,2011:article/107917
2018-12-18T21:28:42Z
2018-12-18T21:28:42Z
Doctorants : retourner à l'école pour transmettre le goût des sciences
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251480/original/file-20181219-27767-6dotvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C995%2C634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A travers des projets très pratiques, on peut sensibiliser les enfants à de grandes questions scientifiques. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À une époque où les informations sont disponibles en quantité grâce au numérique, il est parfois facile de s’y noyer, et pourtant, la culture scientifique fait partie du bagage essentiel du citoyen éclairé. Notre système éducatif doit à ce titre nous donner à tous les capacités d’appréhender ce thème de manière critique. Mais que reste-t-il des multiples connaissances acquises sur les bancs de l’école en biologie, chimie ou physique, si l’on s’est contenté de copier des leçons et de bachoter pour un contrôle ?</p>
<p>En s’investissant dans des projets concrets, les élèves expérimentent le plaisir de découvrir et, en menant leurs propres recherches, développent une vraie familiarité avec des domaines qui pourraient sembler arides au premier abord. C’est sur cette conviction que nous avons lancé en 2017 le programme <a href="http://www.retouralecole.fr/">« Retour à l’école »</a>.</p>
<p>Avec des étudiants et des doctorants bénévoles de l’Université de Clermont-Auvergne, nous avons décidé de partir de grands sujets qui fascinent les enfants, comme la conquête de l’espace ou la découverte de la nature, pour proposer à des écoles primaires des travaux de groupe au long cours. Une fois par semaine, pendant plusieurs mois, nous avons réuni une quinzaine de volontaires de 8 à 10 ans <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand/economie/innovation/2017/06/04/ces-ecoliers-d-aubiere-ont-prepare-un-voyage-sur-mars-avec-des-etudiants-clermontois_12430303.html#refresh">dans deux écoles d’Aubière</a>.</p>
<h2>Dialogue et créativité</h2>
<p>« Préparer un voyage sur Mars », « Construire la cabane du futur », tels sont les défis dans lesquels nous avons pu embarquer ces jeunes curieux en 2017 et 2018, avec le soutien de la municipalité et des équipes pédagogiques. Au fil des mois, nous avons envisagé sous un angle très pratique une foule de grandes questions scientifiques : comment se repérer dans le système solaire, construire une fusée et un habitat sur place, se nourrir en produisant ses propres fruits et légumes, etc.</p>
<p>De quoi stimuler leur imagination, leur créativité, et, surtout, leur montrer l’importance de collaborer et l’efficacité de l’intelligence collective pour réussir. Le dialogue entre leur génération et la nôtre s’est en effet doublé d’un dialogue entre différents domaines d’études. Face à des projets d’une telle envergure, il faut à la fois être polyvalent et très pointu dans une discipline. Des qualités difficiles à réunir tout seul.</p>
<p>C’est ainsi que les bénévoles venaient de différentes filières – génie civil, génie des procédés, écologie, ou encore informatique – et d’associations diverses, comme l’<a href="http://adna-asso.fr/">Association des naturalistes d’Auvergne</a> (ADNA), <a href="https://doctauvergne.fr/">Doct’Auvergne</a> ou <a href="https://lieutopie-clermont.org">LieUtopie</a>. Chaque année, le groupe d’intervenants est mouvant, dépendant des arrivées et des départs. Chaque année les domaines couverts sont donc différents, ce qui implique une mission différente proposée aux enfants.</p>
<h2>Recherche citoyenne</h2>
<p>À travers ces projets collaboratifs, les élèves ont pu réactiver, approfondir ou étoffer les connaissances acquises en classe, tout en trouvant un espace pour s’exprimer. La réinscription la deuxième année d’élèves présents lors de la première année témoigne de leur intérêt pour leur activité. Pour nous, étudiants et doctorants, cette expérience de bénévolat a été aussi très formatrice : cela nous a permis d’apprendre à expliquer nos travaux à des publics beaucoup plus variés mais aussi d’échanger entre nos domaines d’expertise et de rencontrer des profils variés.</p>
<p>Cela a donné lieu à des activités dépassant nos premières attentes. Ainsi, nous avons pu participer deux années de suite à <a href="http://www.exposciences-auvergne.fr/">Exposciences Auvergne</a>, festival de vulgarisation autour de la démarche scientifique, et organiser à chaque fois une dernière séance rassemblant l’ensemble des participants afin de célébrer l’aventure collective avec leurs parents. L’engouement bénévole a été tel que nous avons pu présenter notre activité lors du 68<sup>e</sup> congrès d’aéronautique 2017 à Adélaïde en Australie (<a href="https://www.researchgate.net/publication/323966613_A_learning_method_based_on_a_mission_to_Mars_for_primary_school_children">Poulet et coll., 2017</a>).</p>
<p>À l’heure actuelle, l’ADNA remobilise des bénévoles et se réorganise pour pouvoir poursuivre l’aventure avec de nouveaux élèves. À suivre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
« Préparer un voyage sur Mars » ou « Construire la cabane du futur », tels sont les défis qu’ont proposé des doctorants de l’Université de Clermont-Auvergne à des élèves de primaire.
Lucie Poulet, Docteure, Université Clermont Auvergne (UCA)
Barbara Goncalves, Doctorante, Université Clermont Auvergne (UCA)
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tag:theconversation.com,2011:article/103260
2018-10-10T16:19:50Z
2018-10-10T16:19:50Z
Pint of Science : quelques gorgées de science pour tous
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239741/original/file-20181008-72113-193sdv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C10%2C721%2C492&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Permettre au grand public de venir interroger des chercheurs sur leurs travaux, tel est le but de Pint of Science.</span> <span class="attribution"><span class="source">© David Grandmougin</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été publié dans le cadre de la <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fête de la Science 2018</a> dont The Conversation France est partenaire. La prochaine édition de <a href="https://pintofscience.fr/">Pint of Science</a> se déroule du 20 mai au 22 mai 2019.</em></p>
<hr>
<p>Pratiquée de façon systématique dans le monde scientifique, la communication est un exercice central, complexe, et qui répond à des codes propres au monde académique, avec des spécificités d’une discipline à l’autre. Véritables « fourches caudines » de la recherche, les colloques, conférences, congrès, de niveau national, européen ou international obligent à transmettre des connaissances complexes, parfois le fruit de longues années de recherche, en seulement quelques minutes.</p>
<p>Ainsi, restituer ses travaux dans un temps généralement inférieur à 20 minutes constitue bien souvent la première épreuve qu’affronte un jeune chercheur. Cependant, ces évènements conduisent aux regroupements d’experts d’un ou plusieurs domaines, qui possèdent, pour la plupart du temps, un bagage scientifique solide ainsi qu’une bonne connaissance de la méthodologie de recherche. C’est lorsque le public est novice en la matière que le problème se corse.</p>
<h2>Varier les publics</h2>
<p>Comme le disait le philosophe Fontenelle dans ses <em>Entretiens sur la pluralité des mondes</em>, s’il s’agit de « divertir » ceux qui ont « quelque connaissance en leur présentant d’une manière un peu plus agréable et plus égayée ce qu’ils savent déjà plus solidement », le défi est double vis-à-vis de « ceux pour qui ces matières sont nouvelles » : il s’agit à la fois de les instruire tout en leur donnant envie d’aller plus loin dans cette exploration de la connaissance.</p>
<p>Né en 2012 en Angleterre, importé deux années plus tard en France par Élodie Chabrol, et aujourd’hui présent dans 21 pays dont la Suisse, l’Irlande, les États-Unis et l’Australie, <a href="https://pintofscience.fr">Pint of Science</a> (PoS) vise cette pluralité de publics. Dans l’Hexagone, le festival est organisé chaque année en mai, et reprend le temps de la <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fête de la Science</a> en octobre.</p>
<p>Le principe ? Permettre au grand public de rencontrer des acteurs de la science autour d’une bière (à consommer avec modération) ou de toute autre boisson de votre choix ! Plusieurs rencontres se passent en simultané dans différents bars proposant chacun des thématiques variées. Pour cela (presque) tout est permis : illustrations, vidéos, théâtre, quiz, <em>time’s up</em>, brainstorming, devinettes… Des sciences naturelles aux sciences humaines, l’objectif est de rendre le contenu dynamique et accessible, tout en favorisant les échanges dans un cadre décontracté et convivial.</p>
<h2>Tour d’ivoire ou tournée au bar ?</h2>
<p>En 2019, le Festival Pint of Science est organisé dans une quarantaine de villes de France avec plus de 400 évènements proposés sur tout le territoire. Le succès de PoS témoigne bien des rapports riches entre la recherche et ses publics, loin du mythe du chercheur enfermé dans sa tour d’ivoire. </p>
<p>En abordant des thématiques aussi spécifiques que « les parasites zombificateurs », « les mesures de stress en impesanteur » ou encore « les interfaces tangibles pour l’enseignement » (une partie du programme Pos 2018, à Metz et Nancy) et dans des évènements bien souvent à guichets fermés, PoS montre bien que la recherche est loin de faire peur au grand public, bien au contraire ! </p>
<p>Parmi les participants ayant répondu aux enquêtes des soirées PoS sur les villes de Metz et Nancy, 77,8 % ont fait/font des études scientifiques. Pas loin d’un quart du public n’a aucune notion en matière de Science et pourtant s’y intéresse.</p>
<p>En réalité, ce sont les évènements restreints « aux experts » qui créent cette fracture entre société et recherche. Pourtant, la recherche émane des demandes sociétales : elles ne forment qu’un. Les inventeurs de Pint of Science l’ont bien compris. Les Drs Michael Motskin et Praveen Paul, deux chercheurs londoniens ont découvert la curiosité et la fascination que les citoyens portent aux sciences en ouvrant les portes de leur laboratoire. </p>
<p>Le festival PoS témoigne de l’envie des chercheurs de rencontrer et d’échanger avec la société, mais également l’intérêt et l’attachement que porte le grand public à la recherche publique et à ceux qui l’exercent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/239481/original/file-20181005-72106-12wim45.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Evolution PoS FR.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’exercice permet la rencontre entre chercheurs et grand public, il permet aussi de mettre en lien des chercheurs de disciplines différentes. Les soirées étant sur des thématiques particulières, le but est aussi de réunir des experts de différents domaines autour d’un sujet commun. Naissent alors des collaborations d’un soir qui permettent d’enrichir les débats, débouchant parfois même sur des collaborations à plus long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Vicente est coordinatrice bénévole du festival "Pint of Science" pour la ville de Metz</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver et Laura Déléant ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Venir interroger des scientifiques sur leurs recherches autour d’un verre, tel est le principe de Pint of Science. Et il séduit un public plus large que le cercle des initiés.
Laura Déléant, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Université de Lorraine
Anne Vicente, Doctorante en écotoxicologie microbienne, Université de Lorraine
François Allard-Huver, Maître de conférences, Université de Lorraine
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tag:theconversation.com,2011:article/102547
2018-09-16T20:53:19Z
2018-09-16T20:53:19Z
Faites des thèses ! Conversation avec Hugo Gaillard et Romain Pierronnet
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235233/original/file-20180906-190639-1stppbx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C857%2C444&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hugo Gaillard et Romain Pierronnet dans l'émission "Fenêtres Ouvertes sur la Gestion"</span> </figcaption></figure><p>C’est toujours le bon moment pour donner <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/une-citation-du-rappeur-booba-sujet-d-un-partiel-a-l-universite-paris-sud-10597/">« les rênes et la parole à la jeunesse »</a>. Surtout quand celle-ci poursuit le noble objectif d’élaborer des thèses de Doctorat, plutôt que de subir l’état du monde tel qu’il est.</p>
<p>Pour introduire l’interview qui suit, on a choisi le credo d’une marque de vidéo-projecteur – « exceed your vision ! ». Parce que, comme le suggère Romain Pierronnet, les interrogations sont palpables quant au sens de l’activité scientifique à l’heure de la <a href="https://www.letemps.ch/sciences/laboratoire-fake-science">« fake science »</a> ou à la place à réserver désormais à la valorisation – vous avez dit « Kardashian index » ?</p>
<p>Hugo Gaillard formule lui une prescription majeure : n’en déplaise, communiquez, valorisez, faites savoir, prenez le risque de la prise de contact. Parce que le savoir, c’est toujours le pouvoir. Parce qu’on découvre rarement des nouveautés quand on ne prend pas le risque de l’affrontement avec l’incertitude, et donc de la précipiter.</p>
<p>Et voilà comment faire une thèse peut vous conduire là où vous ne l’aviez absolument pas prévu. Par exemple, produire un <a href="https://theconversation.com/les-rappeurs-sont-ils-des-leaders-en-puissance-pour-que-le-management-entre-dans-le-cercle-100927">papier</a> dans The Conversation France au cœur de l’été ; puis, de fil en aiguille, être invité sur le tournage de deux épisodes de l’émission « Rentre dans le Cercle » ; et, alors que la rentrée n’était pas encore tout à fait effective, vous conduire à plancher lors d’un débat sur le thème <a href="https://theconversation.com/podcast-ce-que-le-rap-dit-de-notre-societe-102624">« Ce que le rap dit de notre société »</a> dans l’émission <a href="https://theconversation.com/fr/topics/larbre-et-la-pomme-42730">« L’arbre et la pomme »</a> de Moustic the Audio Agency, en partenariat avec The Conversation France !</p>
<p>Conclusion : prenez une longueur d’avance, « augmentez votre vision », faites des thèses ! Puisque les jeunes chercheurs vous indiquent que l’avenir est plus que jamais ouvert – et à ouvrir ! – à l’heure du <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/international/actu/detail/article/kanye-west-vient-d-obtenir-son-doctorat-13725/">Kim Kardashian West</a> index. La preuve avec… Kanye West.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"597858466561036288"}"></div></p>
<p>Il sera toujours temps de comprendre plus tard pourquoi avoir suivi cette injonction à faire une thèse aura été la meilleure des options que vous pouviez offrir à votre futur. Parce que c’est là l’un des enseignements de l’immense professeur de sciences du management (mais aussi poète…) <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2002-3.htm">James Gardner March</a>, auquel la Revue Française de Gestion avait consacré un magnifique dossier spécial en 2002 : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2002-3-page-161.htm">« Il peut être raisonnable d’agir d’abord et de comprendre ensuite »</a>.</p>
<p><strong>L’interview d’Hugo Gaillard et Romain Pierronnet</strong></p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KlfG7CwPr94?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><strong>Présentation d’Hugo Gaillard et de Romain Pierronnet</strong></p>
<p>Docteur en sciences de gestion de l’Université Paris Est Créteil, les recherches de Romain Pierronnet portent sur la gestion des ressources humaines dans les universités (thèse réalisée en CIFRE au sein du cabinet Adoc Mètis).</p>
<p>Diplômé du Master « Développement et Management des Universités » de l’Université de Paris Est Créteil, il est également expert auprès du Haut Conseil d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES). Il s’intéresse aux organisations universitaires et aux politiques de recherche et d’enseignement supérieur. Romain Pierronnet est également élu local à Nancy (chargé de l’éducation et du numérique) et à la Métropole du Grand Nancy (délégué à la Recherche, l’Enseignement supérieur et à la Vie étudiante). Il est à ce titre administrateur de l’AVUF (Association des Villes Universitaires de France).</p>
<p>Hugo Gaillard est Doctorant CIFRE en Sciences de Gestion sous la direction du Pr. Thierry Jolivet à l’Université Le Mans, sur le thème de la gestion du fait religieux au travail. Il est membre du Laboratoire GAINS (EA2167) section Argu’Mans et responsable RH dans la fonction publique territoriale. Il est co-fondateur de Coezio Conseil… et passionné de hip-hop.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Parce qu’on découvre rarement des nouveautés quand on ne prend pas le risque de l’affrontement avec l’incertitude, et donc de la précipiter.
Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-Saclay
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2018-07-09T20:49:17Z
2018-07-09T20:49:17Z
Doctorants et chercheurs en gestion… « quand on est con, on est con ! »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226571/original/file-20180707-122256-661p51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=149%2C38%2C981%2C643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">George Brassens : le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est con, on est con…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=LTwlyromCLI">YouTube</a></span></figcaption></figure><p>Un débat s’est récemment instauré via The Conversation sur l’attitude des doctorants français en sciences de gestion. Certains collègues trouveraient en effet que ces aspirants chercheurs ne seraient plus très <a href="https://theconversation.com/rocknroll-ou-pas-les-thesards-en-sciences-de-gestion-daujourdhui-94064">« rock and roll »</a>.</p>
<p>Soumis au diktat du <em>publish or perish</em>, les doctorants ne seraient plus passionnés par leurs sujets. Face à un marché du travail de plus en plus précaire, ils n’auraient plus comme obsession que de produire le plus vite possible des articles (co-signés avec leurs directeurs de thèse), pour pouvoir être ensuite recruté par des universités ou des business schools.</p>
<p>Dans le cadre de cet univers compétitif, cela en serait fini des collectifs joyeux de thésards qui faisaient de la rédaction d’une thèse une expérience épanouissante sur le plan humain. Les relations entre doctorants en seraient désormais réduites au strict minimum, chacun étant obsédé dès sa première année de thèse par le fait de cracher de la publication.</p>
<p>À quoi tient cette mort annoncée du rock chez les thésards ? Pour ces collègues, si les directeurs de thèse et le marché ont une part de responsabilité, le vrai fautif ne serait à trouver que dans le doctorant lui-même. Et ceux-ci d’inviter ces derniers à faire leur crise de la quarantaine et à adopter l’attitude rock and roll (en référence au navet réalisé par Guillaume Canet).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226563/original/file-20180707-122268-oi4dsl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques appréciations…</span>
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<h2>Résilience hip-hop versus <em>I love rock and roll</em></h2>
<p>Ne se retrouvant pas dans cette description critique faite par d’anciens combattants du doctorat en gestion (auxquels, je dois bien le confesser, j’ai pu en partie me joindre <a href="https://theconversation.com/face-a-levaluation-par-etoiles-chercheurs-en-gestion-revoltons-nous-86968">ici</a>), un groupe de doctorants et de jeunes docteurs a <a href="https://theconversation.com/etre-jeune-chercheur-e-en-gestion-aujourdhui-la-resilience-hip-hop-95897">vertement répliqué</a>.</p>
<p>S’ils soulignent ressentir la pression à la publication et la précarité qui entoure aujourd’hui leur carrière, ils affirment que ce portrait fait d’eux en machine à publier n’est en aucun cas conforme à ce qu’ils vivent ou ont vécu. Désirant mettre un terme à ce « docto-bashing », ils rappellent qu’ils ont choisi leur carrière de chercheur par passion, au détriment de carrières toutes tracées dans le privé.</p>
<p>Ils soulignent que les collectifs au sein desquels ils font ou ont fait leur thèse, justement parce que la pression à la publication qui déshumanise le métier est forte, ont eu une importance vitale à leurs yeux et sont des lieux essentiels pour eux. Plutôt que de revenir en arrière et d’être replongé dans la naphtaline au sein <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qXW6bjsdNC0">« d’un bon vieux rock and roll »</a>, ils répondent à leurs aînés en leur disant que, bon le rock and roll, c’était peut être à la mode dans les années 1960, mais qu’aujourd’hui, on est dans l’ère du hip-hop, popularisé en management par <a href="https://theconversation.com/columns/jean-philippe-denis-191179">qui l’on sait</a>.</p>
<p>C’est ainsi plutôt dans cette musique, qui permet d’exprimer à la fois des injustices vécues et la joie du quotidien, qu’ils annoncent trouver leur inspiration. Ils défendent ainsi une résilience hip hop, consistant à construire des espaces de liberté dans ce système contraignant et stupide du <em>publish or perish</em>. Et en appellent à la communauté, pour lui demander d’arrêter la critique et plutôt de les soutenir face au système.</p>
<h2>Écoutez la chanson bien douce…</h2>
<p>C’est au sein de ce débat que je souhaiterais faire entendre ici ma petite musique. Sans nier l’intérêt de la rock-and-roll attitude ou de la résilience hip-hop (car moi aussi j’aime les Stones, les Pixies, le Wu-tang Clan et Kendrick Lamar), il me semble que c’est aussi et surtout auprès d’un troisième genre musical que les doctorants en sciences de gestion devraient s’inspirer : celui de la chanson française.</p>
<p>Non, je ne parle pas ici de la chanson française au feu Jean‑Philippe Smet… mais de la seule et unique chanson. Celle qui puise son inspiration dans les troubadours du moyen-âge, et dans nos grands poètes (de Villon à Aragon), et qui est le fait d’auteurs-compositeurs-interprètes.</p>
<p>Celle qui sous sa forme moderne s’est développée en France dans les années 1930 à la suite du génial Charles Trenet. Celle qui a été perpétuée dans les années 60 par les monstres sacrés que sont Brassens, Ferré, Barbara, Gainsbourg, Bobby Lapointe, Nougaro. Celle qui a ensuite vu l’avènement d’Alain Souchon, Renaud, Mano Solo, Jacques Higelin, Manset, et qui loin d’être morte et enterrée, continue aujourd’hui à nous réjouir quand elle est signée Dominique A, Bertrand Belin, Barbara Carlotti, Katerine, La Féline, Pain-Noir, Nesles, Alex Beaupain, Bastien Lallement, Mathieu Boogaerts, etc.</p>
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<h2>Ce mortel ennui…</h2>
<p>J’entends déjà les sceptiques : il critique le rock and roll des années 1950 pour nous ressortir Charles Trenet… Qu’est-ce qui ferait donc de la bonne vieille chanson française un modèle à suivre, alors qu’il est encore plus daté que le rock and roll ?</p>
<p>D’abord le fait que la chanson, à l’inverse du rock, qui s’inscrit dans un « groupe », ou du hip-hop, qui se pense dans un « collectif » ou une « bande », est un genre qui célèbre l’individu dans sa créativité et sa splendide solitude. La chanson française, dans sa version canonique, est en effet par nature le fait d’un auteur-compositeur-interprète, qui la bricole seul, et n’a besoin que de sa chambre à soi, et d’une guitare pour la jouer à qui veut l’entendre. Hors du monde et du temps, l’artisan qui crée des chansons fait tout ou presque de A à Z (même si des duos sont possibles, qu’on songe à Souchon et Voulzy). Un tel modèle fait que les chansons sont reconnaissables entre mille. Du Brassens n’est pas du Brel, du Barbara pas du Ferré !</p>
<p><strong>Or, c’est clairement d’une dérive collectiviste et standardisatrice dont la recherche en sciences de gestion souffre au niveau mondial.</strong> Pour soutenir la course à la publication, les articles sont publiés à trois, quatre, cinq auteurs, selon les principes de la division du travail. Par ailleurs, afin qu’il soit diffusé le plus largement et ait le maximum d’impact, les revues obligent les auteurs à respecter en terme d’écriture une forme donnée.</p>
<p>Au final, les articles se ressemblent tous, ce qui conduit la communauté à éprouver à leur lecture un mortel ennui ! La chanson offre à l’opposé un modèle artisanal et intégré, qui valorise la singularité de chaque auteur : originalité et innovation, c’est justement ce qu’on est en droit d’attendre d’un doctorant !</p>
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<h2>C’est une chanson, qui nous ressemble…</h2>
<p>Ensuite le fait que ce genre de la chanson, et bien il est par définition nôtre, il appartient à notre histoire, et nous ressemble. Alors que le rock and roll et le hip-hop, je ne vous apprends rien, c’est américain. Cette origine américaine n’est pas un problème, bien au contraire, d’autant plus que ces deux genres sont tous deux issus d’une contre-culture, mais se référer à cette musique nous place encore une fois en imitateur des Américains.</p>
<p>Or, c’est justement là le problème de la recherche en gestion : que l’on soit en train de copier le modèle américain qui ne valorise que la publication d’articles étoilés ! Car une telle stratégie est évidemment perdante. Comment dépasser les Américains qui de toute façon ont par définition plus d’étoiles que nous dans leur drapeau ?</p>
<p>Souvenons-nous de La Fontaine et de sa fable de la grenouille et du boeuf. À tenter de devenir aussi gros qu’un boeuf américain dopé aux hormones et nourri d’OGM, nous grenouilles allons finir par éclater et repeindre d’un vert affreux les jolies peintures de l’académie athénienne. Que faire si nous ne voulons pas rester pour toujours, des suceurs de roue qui jamais ne gagneront le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=0oLwEeqwPVs">critérium</a> ?</p>
<p>Comme le soutenait durant la semaine du management de la FNEGE Bertrand Collomb, l’enjeu pour nous chercheurs français en gestion, c’est d’innover et d’inventer un autre modèle. Ce qui suppose d’arrêter de copier les autres, pour se tourner vers nos propres traditions dans le but de se les réapproprier et les réinventer. La chanson apparaît ainsi comme la métaphore du modèle de recherche alternatif que nous pourrions défendre contre celui des États-Unis !</p>
<p>Elle l’est d’autant plus qu’en termes de musique, et j’en suis sincèrement désolé pour mes collègues, ce sont les chansons françaises comme nos merveilleuses feuilles mortes qui sont connues dans le monde et non nos artistes de rock (Jean‑Philippe Smet…) ou bien de hip-hop ! Même, il se trouve que nos artistes de rock ou de hip-hop sont les plus originaux et intéressants quand justement ils puisent leur inspiration dans la tradition de la chanson. Ainsi de Booba, dont de nombreux critiques soulignent qu’il s’inscrit <a href="https://www.lesinrocks.com/2018/05/27/actualite/booba-est-il-le-dernier-grand-poete-francais-111082727/">dans la lignée de Rimbaud</a> (mais pas <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NsB_r9YEENE">Alain Finkielkraut</a>).</p>
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<h2>Du principe d’exception culturelle au principe d’exception scientifique</h2>
<p>Bref, vous l’aurez compris, j’invite ici les doctorants en sciences gestion à revenir à leurs classiques, et à prendre le temps de produire seul une thèse originale plutôt qu’à penser production d’articles. Oui, mais me répondront ces derniers, pour notre recrutement et notre carrière, comment fait-on ? Et c’est là encore qu’il est de bon ton de se tourner vers la chanson française.</p>
<p>Car comment cette tradition de la chanson a-t-elle été préservée en France, notamment au moment de l’arrivée des radios libres ? En réservant comme on le sait des quotas aux artistes de création française sur les radios, de façon à ce que nos oreilles ne soient pas inondées par les mêmes refrains anglo-saxons. Comment de tels quotas ont-ils été justifiés ? En référence à un principe d’exception culturelle, selon lequel la culture ne saurait être soumise à la seule logique de marché.</p>
<p>Pour soutenir les doctorants et que ceux-ci puissent à l’avenir pousser la chansonnette librement, il nous faut donc limiter la marchandisation de la recherche et adopter collectivement des règles contraignantes. Et inventer ce qu’on pourrait appeler un principe d’exception scientifique, qui s’inspirerait du principe d’exception culturelle tout en étant adapté aux spécificités de la science. Un tel principe affirmerait que la recherche ne peut être évaluée uniquement en comptant les citations, tout comme la qualité d’un film ne se réduit pas au nombre d’entrées qu’il a faites au box-office.</p>
<p>Il défendrait l’idée que la recherche possède des spécificités qui font que les modèles des pays doivent être défendus. Il pourrait nous conduire à imaginer plusieurs mécanismes de régulation, en s’inspirant de ceux qui régissent la musique (quotas), le livre (prix unique), le cinéma (avance sur recettes).</p>
<p>On peut par exemple penser à l’obligation pour les producteurs et utilisateurs de listes de revues d’intégrer des revues francophones au plus haut niveau et d’arrêter de systématiquement les déclasser. Aujourd’hui, la section 37 du CNRS, qui ne comprend que des chercheurs français, <a href="https://sites.google.com/site/section37cnrs/Home/revues37">classe plus d’une centaine de revues au rang 1 et 1* et aucune n’est française</a> ! La communauté est vraiment masochiste… On peut également penser à une obligation pour les écoles et universités françaises de recruter un pourcentage de docteurs détenant des thèses de doctorat qui ne soient pas des thèses « sur article ». De tels mécanismes devraient aller de pair avec une réflexion collective sur la manière dont nous pourrions essayer de mieux faire rayonner la recherche en gestion française à l’international. Car l’enjeu n’est évidemment pas de garder nos résultats pour nous, mais de les diffuser largement !</p>
<p>Nous pourrions par exemple éditer une revue qui traduirait en langue anglaise une sélection des meilleurs articles français, débloquer des fonds pour traduire en anglais une sélection de livres francophones, etc. Nous pourrions aussi arrêter de gommer les références à des articles français dans nos articles publiés en langue anglaise, et adopter à l’inverse la politique de citer ces travaux qui nous ont inspirés !</p>
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<h2>Qui pour penser et mettre en œuvre une régulation collective ?</h2>
<p>Ce ne sont évidemment là que quelques idées et de nombreuses pistes sont bien sûr envisageables. Car fondamentalement, c’est à la collectivité d’imaginer ces règles qui nous permettraient de promouvoir un réel modèle français de recherche en sciences de gestion.</p>
<p>Pour cela, une possibilité serait de s’appuyer sur l’institution qui est la plus légitime dans le paysage de la gestion : la FNEGE, qui a fêté cette année ses cinquante ans, et qui a tant oeuvré pour la reconnaissance en France de notre discipline. Elle nous a permis de rattraper notre retard sur les Américains notamment en envoyant toute une série de jeunes docteurs aux États-Unis : la FNEGE pourrait contribuer désormais à nous aider à les dépasser ! Mais comme le souligne <a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-associations-academiques-en-management-conversation-avec-yoann-bazin-99088">Yoann Bazin</a>, il n’est pas sûr qu’elle puisse endosser un tel rôle…</p>
<p>Une autre possibilité serait ainsi que les enseignants-chercheurs français, qu’ils travaillent en IUT, à l’université, dans les IAE, dans les écoles de commerce, qu’ils soient chercheurs en stratégie, marketing, ressources humaines, etc., se prennent en main et inventent une action collective pour défendre une certaine idée de leur métier. Un tel mouvement n’aurait rien d’utopique, l’histoire étant peuplé de mouvements collectifs portés par une profession, y compris dans le monde de la musique d’ailleurs ! La SACEM est ainsi née de la volonté des auteurs et compositeurs de musique de faire en sorte que l’utilisation de leur travail soit rétribuée…</p>
<p>La tâche ne serait toutefois pas facile, car s’il y a dans la communauté des sciences de gestion des esprits avides de changements, celle-ci est également peuplée par définition d’un certain nombre de cons : des petits cons de doctorants, des vieux cons de professeurs, des cons d’âge intermédiaire, des cons masculins et féminins, des cons qui travaillent dans les universités ou des business schools, des cons d’un âge intermédiaire qui écrivent pour des revues étoilées… ou sur la chanson pour The Conversation. Car comme le chante le grand Georges, en matière de connerie, le temps (et l’institution) ne fait rien à l’affaire… Alors, face à la connerie, doctorants, chercheurs et professeurs, sortons nos guitares et faisons des chansons !</p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/99546/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Rouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Sans nier l’intérêt du rock and roll attitude ou de la résilience hip-hop, il semble que les doctorants en sciences de gestion devraient plutôt s’inspirer de la chanson française. Dont Brassens.
Aurélien Rouquet, Professeur de logistique et supply chain, Neoma Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/96772
2018-05-23T20:51:31Z
2018-05-23T20:51:31Z
Le tissage est-il l’avenir de la recherche ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219604/original/file-20180518-42245-fcstrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C7%2C4883%2C3225&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Métier à tisser.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zigazou76/5567363790/in/photolist-9tYchS-9tVbAx-9tYdPC-9tVfHg-bgPpJp-9vjNYG-bgPnkn-9vjJvw-bgPui4-6ToRZu-23i1SVE-9AedW4-9AehzD-9Ahh91-WjJqE3-9vjQ5m-2w7Syf-9vjGR5-9AhdNb-fSy8jA-23G8AGb-fSzaZL-fSz2mW-fSzjYY-fSzejR-pNgmyM-fSznkv-fSzohn-fuwg5Y-fSz8RP-fSz5qF-fSzhxg-fSxJba-fSyrFV-fSyJE9-fSzu4J-fSzrjf-bgPq66-9FpFLC-aCTMT6-aCXDzb-YRBvX3-9vh2qa-YaGHzL-fSzpBM-XU77zA-fSzy7T-fSypvo-q4EGpL-XU77f7">Frédéric Bisson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Des chercheur·e·s ont récemment interrogé la réalité de la vie doctorale au sein de la recherche en sciences de gestion. Certain·e·s collègues seniors soulignent la <a href="https://bit.ly/2I0tOYR">morosité et l’apeurement des doctorant·e·s d’aujourd’hui</a>, tandis que les intéressé·e·s revendiquent au contraire <a href="https://bit.ly/2wTpAAr">curiosité et esprit de collectif</a>.</p>
<p>Cet article n’a nullement la prétention de trancher entre ces deux visions. Il a simplement l’ambition d’étendre la réflexion au-delà du cas doctoral, et de poser une question plus large : comment penser l’avenir de la recherche dans un contexte de domination croissante du système d’évaluation par étoile ? Sommes-nous condamné·e·s au cynisme ? Comment conserver la curiosité, le goût du terrain et l’esprit de groupe portant une partie de la jeune génération de chercheur·e·s ? Cet article propose une piste de réflexion théorique ainsi qu’une mise en application pratique. Il suggère de voir les chercheur·e·s comme des tisserands.</p>
<h2>Quelques mots d’histoire</h2>
<p>Les Canuts (surnom donné aux tisserands de la Croix-Rousse) constituent une figure emblématique de l’industrie lyonnaise de la soie. La fabrique lyonnaise a connu ses débuts au XVI<sup>e</sup> siècle, pour atteindre son heure de gloire au XIX<sup>e</sup> siècle. Les Canuts tissaient la soie d’abord manuellement sur des métiers à la grande tire et à la petite tire, avant de travailler sur des métiers mécaniques Jacquard.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219599/original/file-20180518-42242-1ikzmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Métier à tisser Jacquard (Musée Gadagne).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anissa Pomiès</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Bien que les métiers à tisser aient beaucoup évolué au cours des siècles, le principe du tissage reste le même. Il nécessite deux types de fils : les <a href="http://www.editions-lyonnaises.fr/index.php?page=shop.product_details&flypage=shop.flypage&product_id=17&category_id=1&manufacturer_id=0&option=com_virtuemart&Itemid=26&vmcchk=1&Itemid=26">fils de chaîne et les fils de trame</a>. Les fils de chaîne, parallèles les uns aux autres, sont séparés en deux nappes encroisées sur des baguettes rondes. La première nappe de fils de chaîne passe au-dessus de la baguette arrondie tandis que la deuxième nappe passe au-dessous. Entre ces deux nappes de fils, les tisserands passent une navette contenant le fil de trame. Ainsi, tisser revient à faire passer deux nappes de fils de chaîne alternativement en dessus et en dessous du fil de trame.</p>
<p>Lorsqu’on se penche sur l’histoire des Canuts, on peut lire qu’une première révolte a éclaté en novembre 1831. Les Canuts, propriétaires de leur propre métier à tisser, travaillaient pour des patrons (« les soyeux ») qui leur livraient la matière première et récupéraient le tissu une fois fini. Les Soyeux ayant refusé d’appliquer le tarif minimum garantissant une vie décente aux artisans canuts, ceux-ci se sont révoltés contre l’injustice sociale dont ils faisaient l’objet. Leur lutte était animée par une volonté d’établir des rapports plus justes dans l’industrie de la soie.</p>
<h2>L’héritage tisserand</h2>
<p>Que peut-on retenir de ce bref rappel historique ? Deux choses semblent particulièrement inspirantes pour le monde académique. Le premier élément concerne la technique même du tissage. Le tissage requiert l’utilisation conjointe de deux types de fils.</p>
<p>C’est du croisement des différences que peut naître une belle et solide pièce d’étoffe. C’est du croisement de perspectives différentes que peut naître une pensée riche et somptueuse. C’est de la pluridisciplinarité et de la prise au sérieux du discours d’acteurs divers (autres que les pairs) que peut émerger une connaissance belle et de qualité.</p>
<p>Le deuxième élément à retenir de l’histoire des Canuts est leur souci collectif de justice sociale. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de se prendre pour des Canuts ! N’oublions pas que leur révolte s’est traduite par une grève générale, des émeutes, une sévère répression, et des morts. En aucun cas cet article n’invite à la révolution, ni ne cherche à identifier l’équivalent des soyeux du XIX<sup>e</sup>.</p>
<p>Comme cela a été dit, les pressions sur la jeune génération de chercheur·e·s est plutôt le résultat d’un système complexe. En revanche, leur solidarité et leur volonté de justice sociale sont quant à elles inspirantes. Elles invitent à imaginer des moyens d’établir des relations horizontales entre chercheur·e·s. Elles poussent à se demander comment créer du lien entre les juniors qui ont des étoiles dans les yeux, et les seniors qui ont des étoiles sur leur CV.</p>
<h2>Mise en pratique</h2>
<p>Il serait trop facile de parler d’héritage sans se préoccuper de sa mise en œuvre, ou bien de suggérer à chacun.e de modeler sa conduite individuelle sur le modèle du tissage. Pour éviter ces écueils, il convient au contraire d’imaginer un moyen concret de faire revivre collectivement l’héritage des tisserands. Cet article défend l’idée que <strong>l’organisation d’événements inclusifs</strong> constitue un tel moyen, dont la journée de recherche sur le goût initiée par le <a href="http://lifestyle.em-lyon.com/research/">Centre de Recherche Lifestyle d’EM Lyon Business School</a> peut servir d’exemple.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219600/original/file-20180518-42238-1gjfs8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Session sur le vin (Anissa Pomiès, Pierre-Marie Chauvin, Bernard Ricolleau).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Organisée le 25 avril 2018 au sein du magnifique site du Musée Gadagne de Lyon, cette journée d’étude avait pour thème le goût, la production et la consommation de biens et services culturels. L’événement était découpé en quatre sessions autour des thèmes du vin, de la littérature, de la gastronomie et de la musique.</p>
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<span class="caption">Affiche de l’événement « Taste Research Day ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Chaque session, réunissant deux chercheur·e·s de disciplines différentes, et un.e professionnel.le était conçue selon le principe du tissage. Les discours des deux chercheur·e·s représentaient les fils de chaîne, tandis que le discours praticien représentait le fil de trame. Ainsi, les intervenant·e·s ont pu tisser des pièces de connaissance en matière de vin, de littérature, de gastronomie, et de musique.</p>
<h2>Croiser les perspectives et promouvoir les relations horizontales</h2>
<p>Le croisement des profils a permis d’identifier des préoccupations communes par-delà les différences de champs académiques. Antoine Hennion (professeur de sociologie à l’École des Mines de Paris) et Massimo Airoldi (postdoctorant en marketing à EM Lyon Business School) ont tous deux exploré l’importance de la situation dans laquelle survient la consommation de musique. Des thématiques communes au monde académique et au monde professionnel ont également émergé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219602/original/file-20180518-42207-1b6ptrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sélection de pains confectionnés par Jean Dupin.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Laura Dupin (doctorante en stratégie à EM Lyon Business School) et Jean Dupin (boulanger et professeur à l’Institut Paul Bocuse) ont tous deux évoqué les tensions qui traversent le métier d’artisan boulanger. Enfin, des objets d’étude et concepts se sont avérés transverses aux contextes empiriques. En effet, la figure de l’amateur de vin et ressemble à celle de l’amateur de musique, et les critiques littéraires ont une activité et un impact sur les consommateurs semblables à ceux des critiques vinicoles.</p>
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<span class="caption">Le duo Le Couteau et l’Archet réalisant un spectacle de clôture.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au-delà de rassembler des intervenant·e·s d’horizons divers, l’ambition de cette journée était d’établir des relations horizontales entre les participant·e·s. Ainsi, aucun « keynote speaker » (généralement un.e chercheur.e super star invité·e à faire un discours en séance plénière) n’a été convié. L’objectif était d’éviter d’amplifier la parole de celles et ceux que l’on entend déjà clairement du fait de leur succès dans le monde académique.</p>
<p>Chercheur·e·s internationalement reconnu·e·s et émergent·e·s ont participé en proportion égale. Chaque session comportait un.e senior et un.e junior, l’idée sous-jacente étant de faire naître des échanges mutuellement bénéfiques de ces paires inédites. Enfin, pendant les pauses, huit étudiant·e·s de EM Lyon ont présenté sous forme de poster leur mémoire de recherche portant sur le goût. Intégrer les étudiant·e·s constitue une façon de récompenser leur excellence et de jeter un pont entre recherche et enseignement.</p>
<p>Si la métaphore du tissage a inspiré cette journée de recherche, celle-ci ne constitue nullement une piste unique et définitive pour penser la recherche de demain. Elle défend simplement une recherche pluridisciplinaire et ouverte aux différences qui donne la parole à des acteurs hétérogènes, qu’ils soient chercheur·e·s, practicien·ne·s, ou étudiant·e·s.</p>
<p>Plus d’événements de ce type doivent être organisés afin que l’enthousiasme, le goût terrain, et la solidarité – valeurs chères à la jeune génération – demeurent (ou deviennent ?) les piliers de la recherche. C’est ainsi que la recherche de demain pourra être un jeu inclusif, audacieux, et éminemment subversif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96772/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anissa POMIES est membre du Centre de Recherche Lifestyle ayant organisé le Taste Research Day au musée Gadagne le 25 avril 2018. </span></em></p>
Piste de réflexion théorique ainsi qu’une mise en application pratique, ce texte suggère de voir les chercheur·e·s comme des tisserands. Et donne un exemple d’événement inclusif tissant des liens.
Anissa Pomiès, Professeur Assistant de Marketing, EM Lyon Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/95897
2018-05-06T20:10:50Z
2018-05-06T20:10:50Z
Être jeune chercheur·e en gestion aujourd’hui : la résilience hip-hop
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/217662/original/file-20180503-83693-1unhgbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1914%2C1115&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hip-hop !</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/hip-hop-danse-cool-style-motion-3256398/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Des articles récents s’intéressent à l’évolution de la recherche en gestion et la montée <a href="https://bit.ly/2HMOnr2">d’une course à la publication</a>. Certains pointent les effets de tels changements sur les doctorant·e·s qui n’exprimeraient plus assez leur liberté, leurs passions et leur curiosité. La voix des doctorant·e·s et jeunes chercheur·e·s, premier·e·s concerné·e·s, manque au débat. Ainsi, si ces discussions sont nécessaires pour notre discipline, nous ne nous reconnaissons pas dans la <a href="https://bit.ly/2I0tOYR">description qui est faite des doctorant·e·s actuel·le·s</a>.</p>
<p>Nous avons conscience d’être de jeunes académiques moins exposé·e·s à la précarité car issu·e·s d’une grande école de commerce française, et en cela notre parole n’engage pas tou·te·s les doctorant·e·s. Néanmoins, notre point de vue pourrait apporter des éléments supplémentaires sur ce qu’est le travail et la vie de doctorant·e en sciences de gestion (au sens large, nous représentons ici plusieurs disciplines) aujourd’hui.</p>
<p>Ainsi, à travers cet article, nous souhaitons évoquer notre quotidien, le sel et le goût de la vie des jeunes académiques, leur résistance silencieuse et leur engagement à faire œuvre de créativité, malgré les doutes, les peurs et les angoisses, dans un contexte social et institutionnel qui impose de nouvelles règles, pressions et de nouveaux indicateurs.</p>
<h2>Défendre une vision commune de la recherche</h2>
<p>Se poser la question du sens de notre métier nous paraît essentiel : pourquoi avons-nous choisi de faire ce métier ? Qu’est-ce que cela signifie d’être enseignant·e-chercheur·e en gestion aujourd’hui ? Nous partageons certains constats faits par nos aîné·e·s : nous allons vers une recherche aseptisée, très « orientée publication », qui pourrait entraver la pensée complexe, le goût du risque et l’immersion de long terme sur le terrain.</p>
<p>Soumis·es à ces normes, les jeunes chercheur·e·s semblent parfois s’empêcher de penser en dehors du cadre. Il faut donc les encourager à s’ouvrir aux autres, à prendre le temps de s’étonner, à débattre, bref à profiter de cette période unique qu’offre le doctorat pour se créer une identité propre de chercheur·e et d’enseignant·e.</p>
<p>Certain·e·s chercheur·e·s plus expérimenté·e·s avancent que la course à la publication et les pressions associées seraient intériorisées par les doctorant·e·s qui se fermeraient au monde et abandonneraient tout esprit de camaraderie pour se soumettre à ces normes dans la crainte imaginaire de ne pas être en mesure de trouver un poste dans le milieu académique féroce. La généralisation de ce propos fait des doctorant·e·s les premier·e·s responsables de leur situation. À travers le récit de notre expérience de la vie doctorale et de jeunes académiques, nous souhaitons témoigner d’une autre réalité doctorale et postdoctorale.</p>
<h2>Une pression systémique réelle</h2>
<p>Il serait réducteur de dire que la pression des doctorant·e·s est uniquement auto-infligée et il nous semble important de ne pas sous-estimer les effets concrets d’un système de plus en plus violent envers les jeunes chercheur·e·s non titularisé·e·s.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Doc-solitude.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/4304386471/bc0f9f89c0/">Tico/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La néo-libéralisation de l’éducation supérieure, particulièrement en sciences de gestion, n’est pas le fruit de notre imagination mais bien un phénomène largement documenté par les académiques eux-mêmes sous l’idée d’un <em>jeu</em> de la publication, imposé par un capitalisme académique (<a href="https://bit.ly/2wdttQw">Jessop, 2018</a>), et qui pousse à l’auto-contrôle par effet panoptique (<a href="https://bit.ly/2FEN7UV">Prasad, 2013</a>).</p>
<p>Si cette néolibéralisation touche prioritairement les pays anglo-saxons, la France n’en reste pas épargnée. L’injonction à la publication dans des revues européennes et américaines de premier rang est manifeste. Lors des entretiens de recrutement, les professeur·e·s en font l’objet central de la discussion.</p>
<p>En parallèle, les programmes doctoraux ont des moyens de plus en plus réduits et s’adaptent à cette pression ambiante : pressés par des indicateurs qui jugent la qualité d’un programme doctoral par sa capacité à faire soutenir ses thésard·e·s en trois ans, les programmes doctoraux poussent de plus en plus leurs jeunes chercheur·e·s vers des formats de thèse les plus courts possibles.</p>
<h2>Postdoc, tenure, CDD : le langage de la précarité des jeunes académiques</h2>
<p>La précarité des doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s est également indéniable. Et encore, les doctorant·e·s sont mieux loti·e·s en sciences de gestion qu’en sciences physiques ou en sociologie. On pourrait dire qu’il ne faut <em>que</em> cinq ans à un·e jeune docteur·e pour trouver un emploi stable. Mais cinq ans de précarité après quatre ans de précarité doctorale, cela fait tout de même neuf ans de précarité au total… cela à un âge où certain·e·s d’entre nous souhaitent peut-être s’installer et/ou avoir des enfants, sans parler des sacrifices de ceux et celles d’entre nous en reconversion.</p>
<p>Nous pouvons qualifier notre situation de « précaires privilégié·e·s ». Nous avons la chance de pouvoir partir faire un postdoc à l’autre bout de la Terre en nous déracinant, en nous coupant de nos proches et en mettant notre couple en danger parce que les grandes écoles de commerce françaises ne souhaitent embaucher que des profils « internationaux » (comme elles aiment tant dire) avec deux articles de rangs A publiés.</p>
<p>Si certain·e·s semblent dire que c’était déjà comme cela avant, d’autres au contraire font souvent le récit d’un poste trouvé avant la fin de la thèse, il y a 10, 20 ou encore 30 ans. D’autres encore n’hésitent pas à nous dire qu’ils ne se recruteraient pas eux-mêmes aujourd’hui ! Sur ce point, nous nous disons également que, finalement, « c’était mieux avant » !</p>
<p>Alors, sommes-nous là par hasard ? Ne sommes-nous que des premier·e·s de la classe qui auraient oublié de se demander : est-ce que je souhaite réellement faire cela ? Qu’est-ce qui m’anime dans ce métier ? Démarrer une thèse en gestion plutôt que de trouver un emploi dans une banque ou dans un cabinet de conseil, c’est faire le choix de baisser son salaire, c’est faire le choix de l’incertitude, c’est faire le choix de la vulnérabilité. C’est aussi – et surtout – faire le choix de la passion, de l’excitation, de la pensée, de l’engagement, de l’amusement, de l’exploration, de l’aventure !</p>
<p>Pour plusieurs d’entre nous, c’était tout sauf le choix évident. Au contraire, la continuité aurait été de faire comme 99 % de nos camarades de promotion et de poursuivre nous aussi une carrière en entreprise. Il ne faudrait pas minimiser les difficultés rencontrées par les doctorant·e·s ou présenter leurs problèmes comme imaginaires au risque d’accentuer les difficultés et risques psychosociaux qui pèsent déjà sur certain·e·s d’entre eux.</p>
<p>Nous reconnaissons plutôt que tous ces éléments peuvent avoir des conséquences néfastes sur les doctorant·e·s. On peut effectivement s’inquiéter de voir les jeunes académiques transformé·e·s en machines préoccupées uniquement par la publication académique.</p>
<h2>Après le rock’n’roll, place au hip-hop ?</h2>
<p>Face à ce constat, comment décrire la vie de doctorant·e ou jeune chercheur·e en sciences de gestion ? Une vision individualiste et déshumanisée des jeunes académiques ne nous semble pas décrire notre situation, certes loin d’être universelle. Au contraire, notre quotidien nous évoque curiosité et collectif.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résilience hip hop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prefvotuporanga/16499216837/in/photolist-r8YNkP-bGALQe-6G8kN7-6caotB-ohu7Qk-mjHaN1-5ChvCv-kAhjTh-cTpAsA-nZZGtQ-bXs9sE-eLMb3-m4o82Y-m2YF9Z-qeKNpt-9SArPw-9Sxr1a-9SADTE-9SAg71-ojfguP-r8YLsv-f5iFp9-5CmVGL-9BWmYh-e9jUJh-5CmUnu-6G8kZs-btFZCm-nZZFDK-7NbMHG-mjFCG4-Kiz1V-ehNEp6-nZZJ5M-bGiRqc-f53fMZ-5Cn2zN-budCWu-f5h4To-bGiRa2-btFYeh-bH6LDe-m4nj3N-f5gWhY-btG1eW-btFYQL-5CmZnQ-5CinPH-VjdYqz-8Fi4ot">ASCOM Prefeitura de Votup/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>En ce sens, le hip-hop nous semble bien mieux décrire notre réalité que le rock. <a href="https://bit.ly/2FqeLJX">Le hip-hop</a>, c’est la musique comme moyen d’exprimer les injustices vécues par une partie de la population, mais c’est aussi un art musical repris pour exprimer la joie de vivre dans un quotidien, aussi hostile soit-il. Conscients que nous ne sommes <em>pas né·e·s sous la même étoile</em>, nous ne restons pas prostré·e·s dans l’auto-lamentation mais cherchons plutôt à créer des espaces de liberté pour pouvoir continuer à faire preuve de ténacité et à <em>danser le Mia</em> (sans oublier de payer notre loyer).</p>
<p>Si nous avons eu vent de parcours doctoraux solitaires, souvent subis, ce n’est et ne fut pas notre cas, et pour cela nous nous estimons chanceux/ses. Pour nous, le collectif a une place prépondérante dans notre réussite, bien au-delà des moments de rire et de partages évidents. Du fait des pressions actuelles, le collectif s’avère plus nécessaire que jamais !</p>
<p>Notre collectif a constitué et constitue toujours un espace de résistance infiniment vital durant ces années de thèse. Il est aisé pour nous de nous en souvenir, tant ces discussions étaient vives, parfois sur le ton de l’humour, de l’ironie, du débat, de la taquinerie : autour de nos objets de recherche qui nous passionnent, de nos étudiant·e·s, du monde académique, du sens de la recherche, de notre mission pédagogique, des meilleures recettes d’apéros ou de desserts, toujours avec la parole, la foi, la pensée et le cœur exalté·e·s.</p>
<p>Toutes ces discussions nous permettent de faire évoluer notre pensée, de l’amener à maturité, de la déconstruire, de la retricoter, de la nourrir des idées des autres, si bien que nous avons tou·te·s joué un rôle important dans les thèses des un·e·s et des autres, et dans la construction collective de notre identité de chercheur·e et d’enseignant·e. Si l’adversité fait partie de notre quotidien, et cela sous toutes ses formes – rejet d’un article, reviews peu tendres, employabilité réduite –, nous étions tou·te·s concerné·e·s par les défaites et les réussites de nos camarades.</p>
<p>Nous avons toujours pris le temps de mélanger nos expertises naissantes, nos méthodologies si différentes, nos anecdotes disciplinaires, afin d’apporter du soutien à un·e camarade doctorant·e. Nous avons illuminé des sujets de nos approches parallèles, et nous nous sommes écharpé en parlant épistémologie (et aussi politique !). Nous avons répété des soutenances, relu des mails, et partagé de longues soirées devant l’écran.</p>
<p>Nous n’avons jamais hésité à prendre deux heures de pause pour <em>débriefer</em> le cours fraîchement donné par l’un d’entre nous et encore moins à aller tou·te·s prendre une bière pour fêter un texte déposé sur la plateforme d’une revue académique. Ce sont ces blagues plus diffuses, telle cette parodie de Martine ne finissant (jamais) sa thèse, trônant dans notre salle de travail, qui créent une atmosphère singulière et un esprit de groupe. Un groupe qui continue par la suite d’exister en dehors du lieu de travail dans les crêperies et les bars des alentours dès qu’une occasion se présente de fêter un événement quelconque.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Martine rédige sa thèse et la finit (peut-être) en 2015 (ou en 2016, ou plus tard).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nul besoin de <em>docto-bashing</em>, mais de soutien</h2>
<p>Selon nous, négliger les effets concrets d’un système de pressions engendrant la précarisation des doctorant·e·s et l’accentuation de l’incertitude sur leur avenir, c’est prendre le risque d’un <em>docto-bashing</em> gratuit au moment où nous avons le plus besoin de soutien et non de mépris. C’est également pointer les jeunes académiques comme (presque) uniques responsables de leur situation : ils et elles n’auraient pas compris que ce n’est pas le marché de l’emploi qui se crispe, mais uniquement leur imagination.</p>
<p>Malgré un environnement de plus en plus difficile et compétitif, nous sommes capables de faire un pas de côté, de rendre compte de notre rapport au monde et, plus particulièrement, au monde de la recherche en gestion, notamment en écrivant et en pensant collectivement.</p>
<p>Ce texte se veut donc être une trace modeste de notre expérience de jeunes académiques où, face à de nouveaux défis et de nouvelles normes produites par nos aîné·e·s, nous puisons notre énergie des expériences académiques propres à notre génération, très certainement aux antipodes de l’insouciance du rock and roll et des années yéyé.</p>
<p>Voici la réponse d’une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs qui ne souhaitent pas se résigner, mais défendre, s’engager et contribuer, autant que possible, à la beauté et l’utilité de leur métier.</p>
<p>Pour ne pas conclure, attaché·e·s à la tradition académique et scientifique, nous imaginons (peut être en utopistes !) la poursuite de ce débat, critique et constructif, avec tou·te·s ceux et celles qui seraient intéressé·e·s à l’idée d’enrichir cette réflexion autour d’un verre, d’une guitare ou encore d’un bon gros hip-hop !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Témoignage de doctorants en sciences de gestion sur leur quotidien, leurs aspirations et les obstacles qu’ils doivent surmonter.
Nora Meziani, Postdoc, HEC Montréal
Alban Ouahab, Doctorant en Sciences de Gestion, ESCP Business School
Arthur Petit-Romec, Professeur Assistant de Finance, SKEMA Business School
Caroline Rieu Plichon, Doctorante en Management, ESCP Business School
Emmanuelle Garbe, Enseignant-chercheur en management et GRH, ISTEC
Pénélope Van den Bussche, Doctorante en Sciences de Gestion, ESCP Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/94064
2018-04-24T19:07:38Z
2018-04-24T19:07:38Z
Rock’n’roll ou pas, les thésards en sciences de gestion d’aujourd’hui ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215925/original/file-20180423-133859-1mfwncv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C6%2C1012%2C641&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Guillaume Canet dans son film _Rock'n'Roll_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-244238/photos/detail/?cmediafile=21369102">Jean Claude Lother/Les Productions du Tresor</a></span></figcaption></figure><p>Deux enseignants-chercheurs en école de management se croisent en coup de vent dans un couloir hier matin. Le premier a 38 ans, l’autre quelques années de plus… L’un se passionne pour la psychologie sociale, l’autre fait de la sociologie.</p>
<p>Ils ont peu de temps, comme souvent, mais l’un demande à l’autre : « T’avais vu le film de Guillaume Canet, <em>Rock’n’Roll</em> » ?</p>
<p>L’autre lui répond : « Oui, why ? »</p>
<p>L’un : « Ça m’a trop fait penser aux doctorants d’aujourd’hui !</p>
<p>L’autre : « Mmh ? »</p>
<p>L’un : « Eh bien, je les trouve pas très rock’n’roll dans leur approche de la recherche, non ? »</p>
<p>L’un et l’autre se regardent d’un air perplexe… non, décidément non.</p>
<p>De ce rapide échange est née l’envie d’écrire cette chronique hasardeuse, pour voir s’il est possible de réveiller la « rock attitude » qui sommeille peut-être, même profondément, en certains de nos futurs collègues. Il en va de la préservation d’un temps de cerveau disponible à la créativité, à l’envie de faire un peu ce qu’on veut dans ce métier censé reposer sur l’énergie autonome de la pensée. Il en va de l’équilibre psychique de nombre de ces jeunes padawans académiques engloutis aujourd’hui, plus qu’hier, dans une vie monastique austère.</p>
<p>Pour étayer le « non, décidément non » qui conclut leur échange impromptu, l’un et l’autre ont pris le temps de « se raconter » un peu, par mails interposés.</p>
<p>Voilà ce que cela donne.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QzDAsbOSuy0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>L’un : Un après-midi d’hiver…</h2>
<p>Je marche dans les couloirs d’une business school française à la rencontre d’un collègue pour discuter « recherche ». Sur mon chemin, j’aperçois un jeune homme au look hipster, des piles de documents imprimés sous le bras, qui semble pressé tant sa démarche ressemble à une foulée. Le sprinter se transforme en sioux quand il se faufile discrètement dans une pièce.</p>
<p><strong>Sur la porte, une pancarte vaguement colorée dit : « Phd room ».</strong> C’est la « ruche » des doctorants. Un brin nostalgique (j’ai obtenu mon doctorat neuf ans plus tôt), je pénètre dans le sanctuaire. Je hume l’ambiance, tel un fumeur abstinent qui inhale, narines grandes ouvertes, la fumée d’un passant. Pourtant, en entrant dans la pièce, j’ai une étrange sensation. L’atmosphère est pesante. On dit que les murs parlent : ceux-là semblent chargés d’émotions fortes à tel point que me vient à l’esprit sur le moment, toute proportion gardée, l’image du pénitencier d’Alcatraz que j’avais visité il y a bien longtemps…</p>
<p>Les mines des sept apprentis-chercheurs présents sont de la couleur de leurs cellules grises. Pas un sourire sur les visages, pas même un regard levé alors que l’inconnu que je suis profane leur temple. Les yeux sont fixés sur l’écran d’ordinateur, un peu comme dans une salle des marchés. Je me dis alors que des loups de Wall Street aux louveteaux de la recherche, il n’y a qu’un pas, le salaire et la vie délurée en moins.</p>
<p>Pierre, l’un des doctorants, s’adresse à l’un de ses congénères pour lui demander un renseignement sur une salle d’un cours. L’autre lui répond d’un ton laconique, « tic-tac », stoppant ainsi net toute tentative de discussion. Ces deux-là étaient en première année de thèse, celle qui en mon temps, rimait avec découverte, aventure, récréation, émulsion, et partage.</p>
<p><strong>J’engage alors la discussion avec le doctorant</strong> qui venait de se prendre un vent. Je lui propose d’aller boire un café, chose qu’il accepte comme une délivrance. Un brin dépité, il me confie d’entrée de jeu : </p>
<blockquote>
<p>« Vous savez, c’est aujourd’hui comme ça ! Chacun pour soi, chacun sa m… On rumine comme des bovins, parce qu’on a en tête que dans trois ans, le financement de l’école s’arrête. Et on se doit donc d’être dans ce timing précis sur le job market. On se doit de publier de bons articles ou du moins d’en avoir dans le “pipe” avant la soutenance [de thèse]. On se doit d’atterrir dans une institution prestigieuse sinon, c’est pas bon pour les stats du programme. La pression est telle que certains sont déprimés. D’autres “angoissent grave”, ils dorment et mangent mal… beaucoup jettent l’éponge. Ça doit changer de votre époque… »</p>
</blockquote>
<p>Le « on se doit » et le « ça change de votre époque » me filent comme une claque. Les docteurs de ma génération n’ont pas connu de période de plein emploi, le métier de professeur (ou du moins l’image qu’on s’en fait) avait depuis longtemps amorcé un virage vers le « tout publication » et les exigences du programme doctoral sur la production académique et les employeurs cibles étaient déjà fortes.</p>
<p>Mais bien que soumis à ces mêmes lois quasi gravitationnelles qui régissent ce type de formations, je n’avais jamais ressenti à ce point un tel mal-être, une telle soumission à l’autorité, et une telle absence de camaraderie. Le tic-tac ne résonnait pas dans ma tête de jeune thésard H24, comme dans celle de Pierre ou du capitaine Crochet, dès les premiers lacets du col à franchir.</p>
<p><strong>Les visages étaient souriants et la PhD room pullulait de discussions passionnées, d’éclats de rire.</strong> Nous avions du temps pour faire la fête, même un brin fauché ! Nous sortions aussi le nez dehors, rencontrions des profs et non profs pour confronter nos idées dans des lieux étrangers où l’on pouvait élargir un peu la pensée, comprendre un métier et son utilité ou sa pertinence pour les autres. Le tic-tac s’enclenchait plus tard, lors de la rédaction finale et de la soutenance de la thèse.</p>
<p>Je me dis alors que je n’étais pas tombé au bon endroit et que l’ambiance devait forcément être plus optimiste et récréative ailleurs. Les chercheurs appellent cela un biais confirmatoire, une tendance à vouloir valider les théories qui nous sont chères, même si elles sont fausses. Je décidai alors d’investiguer huit autres « PhD room », dans d’autres grandes écoles et universités en France. J’appelai aussi une vingtaine de collègues de ma génération pour prendre le pouls. Malgré un panel élargi, cela n’arrangea pas l’affaire. Je les voyais tous (ces doctorants), ou du moins une grande majorité d’entre eux, malheureux. Un malheur que beaucoup expriment aujourd’hui sur leurs propres blogs avec des articles évocateurs du type « La thèse nuit gravement à la santé ».</p>
<p>Ce qui m’avait poussé à faire ce métier était à l’époque, le tout cumulé : un côté défroqué, un intérêt passionné pour un sujet de recherche, le goût de l’autre, un aspect entrepreneurial, l’autonomie, la curiosité, la liberté d’étudier n’importe qui n’importe où dans n’importe quel contexte, l’autonomie du temps, la qualité nutritive des échanges entre collègues, une forme de jeunesse éternelle aux contacts d’étudiants qui vous poussent sans cesse à mettre à jour vos théories et les slides PowerPoint qui vont avec… rock’n’roll quoi, sans jeunisme branché.</p>
<p>Sic.</p>
<p>De l’un à l’autre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215927/original/file-20180423-133872-1ia57qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait du film <em>Rock’n’Roll</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.premiere.fr/sites/default/files/styles/premiere_article/public/thumbnails/image/guillaume_canet_rock_n_roll.jpg">Pathé</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’autre : flash-back</h2>
<p>C’est flippant, mais c’est ça, tous ces nez braqués sur l’écran à décortiquer des camions d’articles, à apprendre la norme, à devenir la norme… !</p>
<p>Back to the future : retour à l’époque où j’étais doctorant. Siècle dernier.</p>
<p><strong>Je me promène la nuit dans l’obscure clarté d’une usine chimique.</strong> C’est beau une usine la nuit, c’est comme un manège illuminé. Six mois sur ce terrain empli de monstrueux ateliers, à tenter de pétrir le pétrin des ouvriers, à observer leur camaraderie fatiguée quand pointent les premières lueurs du matin, à saisir le sens de leurs blessures corporelles face aux caprices des produits qui lacèrent leur peau, à pleurer même une fois ou deux, devant leur sage désespoir. Au sortir, pas d’article, par de conférence, pas de livre. Juste le sentiment d’une écrasante confirmation : je veux être chercheur.</p>
<p>Puis trois années à se promener entre services administratifs, émois des employés, agences locales apeurées et siège central implacable, où des décisions de modernisation viennent s’encastrer dans les tours de main du commercial, dans les amitiés « déviantes » avec le client, dans le geste de la signature de contrat sur le zinc, après deux ou trois apéros. Le vendeur d’avant. Conflits de métiers et bureaucratie à l’aube d’une nouvelle époque, celle du digital… Ethnographie d’une banque, une thèse, un bouquin, quelques articles. Un lien indéfectible avec quelques personnes rencontrées au hasard de la géographie un peu hostile en plein hiver d’une banque locale qui court après son glorieux passé.</p>
<p><strong>Entre les séjours sur le terrain, la bande de copains au labo</strong> : le sentiment de vivre une aventure scientifique et amicale, à la croisée des problématiques d’entreprises et des questions de recherche émergentes, jamais sûres, jamais pleinement théorisées. Au diable la question théorique, au diable les objectifs de publication, place aux débats passionnés et arrosés, place aux idées saugrenues et inattendues, sous la houlette de quelques seniors bienveillants. La recherche rock’n’roll…</p>
<p><strong>La rockitude scientifique ignorait les peurs, souvent imaginaires, d’aujourd’hui</strong> : envie de tout, un joyeux appétit de chercher ce qu’on veut, au mépris du qu’en-dira-t-on institutionnel. Suivre la maxime de Dylan : « un homme a réussi sa vie s’il se lève le matin, va se coucher le soir, et fait ce qu’il veut entre les deux ». Mais sous son air nonchalant et vaguement flétri par les absorptions de la veille, le doctorant-rocker avait le cerveau en ébullition, vrillé par la passion, englouti par le boulot, les mains raides de trop écrire, mais toujours le sourire aux lèvres dans l’attente du prochain itinéraire inattendu… plutôt que de la décision immanente d’un quelconque éditeur.</p>
<h2>L’un et l’autre : c’était mieux avant</h2>
<p>Nous sommes tous les deux d’accord, « c’était mieux avant ! ». Au risque de passer pour de vieux cons réacs, cherchons à comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Et chassons les fautifs.</p>
<p><strong>• Le directeur</strong></p>
<p>Nous avons demandé à des thésards de nous livrer un coupable en pâture. Nous pensions qu’au premier rang des accusés siégeraient les directeurs de programmes doctoraux. Certes, beaucoup d’entre eux tiennent, à la manière de <em>supers nannys</em> ou de vassaux de fiefs, des discours durs, froids, autoritaires, essentiellement alimentés par des statistiques et des <em>rankings</em>, avec en corollaire un niveau d’exigence et d’attendus normés frôlant la perversité… Au placard la passion du métier, place au <em>benchmark</em> désincarné et à l’imitation d’un modèle anglo-saxon dont la date de péremption est pourtant proche. Mais ces postures ne sont pas neuves, elles existaient déjà à notre époque. Elles sont comparables à celles de nos parents souvent bienveillants, représentant des mises en garde ou de grandes lignes tracées à l’épais marqueur pour distinguer finalement le bien du mal. Aidantes donc, mais souveraines absolues. On le sait tous, notre éducation est faite aussi, une fois la messe dite, de moments plus rock, de brins de folie douce, de contrepoints, de transgressions, d’idées venues d’ailleurs, d’envies de faire les choses autrement… tout aussi important dans la construction du personnage que nous allons être.</p>
<p><strong>• Le marché</strong></p>
<p>Dans l’imaginaire partagé des chercheurs louveteaux, le marché du travail est tendu, et terriblement angoissant : qu’est-ce que je vaux après tout, il y en a tant qui sont meilleurs que moi ! Pourtant, à en croire la <a href="https://bit.ly/2HkGPQ2">note d’information n°3 de Février 2017</a> émanant du ministère de l’éducation sur la situation professionnelle des docteurs, cette angoisse doit être mise en perspective. En effet, la note révèle que l’insertion professionnelle se fait en deux temps. Certes, les cinq premières années suivant la soutenance de thèse sont marquées par une certaine précarité avec un taux de chômage de 9 % pour les doctorats en sciences humaines (bien inférieur à d’autres disciplines) mais essentiellement liée, pour ceux qui s’engagent dans la voie académique, à la recherche de l’obtention de la fameuse titularisation à la fac et de la Tenure en école. Une sorte de Graal leur permettant d’avoir un contrat à durée indéterminée quasi irrévocable, s’ils publient suffisamment. Soit.</p>
<p>Mais selon une enquête du centre d’études et de recherches sur les qualifications <a href="https://bit.ly/2q55RsH">(Céreq) publiée en 2017</a>, les docteurs décrochent un premier emploi (pas nécessairement permanent) rapidement. Après cinq ans, les docteurs se distinguent même selon la note ministérielle précédemment évoquée par un taux d’emploi et de salaires élevés, notamment quand ils décident de travailler dans une école de management. N’oublions pas qu’il y a le marché affiché, celui des offres d’emploi publiées qui est marqué par une concurrence forte face à des internationaux bardés de publications, et un marché caché où la demande, si l’expertise intéresse, peut amener l’offre. De quoi donner un peu d’espoir aux louveteaux.</p>
<p><strong>• Le vrai fautif ?</strong></p>
<p>Mais de nos observations, il s’avère que l’un des principaux coupables dans cette histoire n’est autre que la victime elle-même. Chez les gens des PhD rooms, un nombre important s’engage dans la recherche avec pour motivation première d’éviter l’entreprise ou, parce que, ne sachant pas quoi faire d’autre à part « étudier », ces premiers de la classe se tanguysent en avalant mécaniquement, sans plaisir, les kilomètres d’une autoroute toute tracée, les uns après les autres, Bac + 1, Bac + 2, Bac+3… pour finir à Bac + 8. Terminus, tout le monde descend. La route s’élève, les sentiers sont escarpés, le sol glissant, il faut continuer à pied. Cela peut vous couper les jambes.</p>
<p>D’autres fautifs entrent bien entendu dans l’équation : il y a par exemple les revues et les maisons d’édition qui font un trafic juteux de la quantité invraisemblable de papiers soumis dont l’essentiel ne sera jamais publié (ni lu, mais ceci est une autre histoire) ; il y a les comportements des éditeurs en chef de ces revues, des relecteurs tout-puissants, c’est-à-dire des chercheurs eux-mêmes, qui entretiennent sous des prétextes d’accroissement des standards de qualité, un business destructeur (une « bonne » revue se doit d’entretenir un taux dit de « rejet » très élevé, de l’ordre de 90 à 95 %) confusément paré des vertus de l’apprentissage de la dureté et de la concurrence. De quoi décourager les plus forts. La recherche est-elle donc une planche de salut ou un bourbier ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215930/original/file-20180423-133872-p0f6a8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Être vraiment rock’n’roll !</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.premiere.fr/sites/default/files/styles/premiere_article/public/thumbnails/image/283534.jpg">Jean Claude Lother/Pathé/M6</a></span>
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<h2>Être rock’n’roll ?</h2>
<p>Nous n’avons pas de mesures à proposer qui puissent réformer une industrie académique férocement ancrée dans ses principes. Il y a peut-être juste quelques ingrédients simples pour mieux vivre l’expérience doctorale.</p>
<p>Refusez qu’on vous impose un sujet de thèse rasoir. C’est à vous de trouver et de défendre des problématiques qui vous tiennent à cœur, en vous assurant toutefois que ces dernières soient suffisamment pertinentes pour assurer plus tard votre employabilité et une saine excitation au travail. C’est possible : le plaisir peut voisiner avec une certaine dose de pragmatisme.</p>
<p>Ne pensez pas tout de suite « papiers de recherche », mais faites de la recherche. C’est comme de vouloir absolument connaître le nombre de calories brûlées, avant même de vous lancer sur un sentier de randonnée. Partez sur un terrain, mettez vos sens en éveil à la découverte des contrées du social qui sont immenses, et ainsi, soyez assurés d’avoir quelque chose à dire. Certes, il nous faut publier pour exister et faire monter l’ascenseur promotionnel. Mais de là à ce que le taux de publication définisse une personnalité scientifique, nous trouvons cela bien triste et surtout dangereux : « Qui es-tu ? » « J’ai publié deux articles de rang A. » Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est ainsi que certains se présentent dans les conférences.</p>
<p>Le « tout publication » a amené au désamour de la recherche en elle-même. Si vous n’éprouvez aucun plaisir à effectuer des études en laboratoire, sur le terrain, à décortiquer, à rencontrer, etc., pourquoi faire ce métier ? Certainement pas pour recevoir à longueur de temps des lettres de rejet (des éditeurs) plus ou moins compétentes et plus ou moins bien intentionnées.</p>
<p>Aussi, essayez d’inclure dans votre équation personnelle la pédagogie. C’est là l’un des nerfs de la guerre car le ping-pong recherche-pédagogie est au centre de la création de sens dans ce métier. Pourquoi faire de la recherche en sciences sociales si derrière, les résultats n’atteignent jamais leur cible, c’est-à-dire les gens ? Écrit-on pour être vaguement lu par vingt collègues ? Pourquoi à ce point éviter, quand on fait de la recherche en psychologie, anthropologie, sociologie, théories des organisations, etc., les gens d’ici et d’ailleurs, en se planquant derrière des écrans et des problématiques fumeuses ? Et si le face à face ennuie ou effraie, différents moyens existent pour converser avec eux, du livre [figure honnie par tant de hérauts de la bonne publication] en passant par le MOOC ou le webinar par exemple, générateurs d’échanges après leur publication. De ces interactions naissent des opportunités, des terrains de recherche, l’inattendu, de nouvelles amitiés, de belles soirées, le fun… ! En sciences humaines, il n’y a pas de lieux ou de personnes non-grata : tout le monde est bienvenu dans l’antre des laboratoires.</p>
<p>Au bout du compte, le louveteau de la PhD room s’est-il posé la bonne question : pourquoi vouloir faire ce métier ? Cette question semble évidente, et utile dans toute profession marquée par une éthique, un sentiment vocationnel, autre chose que la quête d’une position.</p>
<p>Le doctorant pourrait redevenir maître de ses idées. Il pourrait construire une question un peu à son image, et la faire grandir, fructifier, sous différentes formes, différentes latitudes et dans différents hémicycles…</p>
<p>Au-delà des doutes et des ambitions, bien légitimes, retrouver la promenade du flâneur, dans l’usine, dans les villes et les territoires où vivent des gens. Vider son cerveau des obstacles à venir qui le hantent pour à nouveau investiguer audacieusement le monde et voir ce que cela donne. Une chance incroyable offerte par la recherche en sciences sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Est-il possible de réveiller la « rock attitude » qui sommeille peut-être, même profondément, en certains de nos futurs collègues.
Christophe Haag, Enseignant - Chercheur en comportement organisationnel, EM Lyon Business School
David Courpasson, Professeur de sociologie , EM Lyon Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/56861
2016-03-29T04:43:45Z
2016-03-29T04:43:45Z
Il faut plus de formations doctorales à orientation professionnelle !
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/116471/original/image-20160325-17859-px6te6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Remise de doctorat.</span> <span class="attribution"><span class="source">Miguel Medina/AFP</span></span></figcaption></figure><p>La réforme LMD qui structure les programmes d’enseignement supérieur en trois niveaux (Licence à Bac+3, Master à Bac+5 et Doctorat à Bac+8) vise depuis 2002 à harmoniser les formations au sein de l’espace européen.</p>
<p>Diverses instances telles que les universités, le ministère de l’Éducation nationale et le Conseil national des universités se penchent aujourd’hui sur le niveau doctoral.</p>
<p>Si le doctorat « classique » qui mène à la carrière d’enseignant-chercheur est assez balisé, le doctorat à orientation professionnelle reste, en France, en marge des pratiques actuelles. Toutefois, face à l’évolution de l’environnement national et international, il est important de reposer les bases et les enjeux de ces diplômes voués à se multiplier et qui portent aujourd’hui à <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2015/03/25/le-doctorat-menace-par-la-creation-de-nouveaux-diplomes_4600577_4401467.html">débat</a>. Tant l’attractivité de notre système d’éducation que l’insertion professionnelle et le développement individuel tout au long de la vie sont en jeu.</p>
<p>En France, le système universitaire délivre des doctorats en sens strict du terme, c’est-à-dire correspondant à l’<a href="https://www.legifr%C3%A6ance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000267752">arrêté du 7 août 2006</a>. De fait, certaines écoles délivrent des diplômes de PhD – le standard international – qui ne sont pas considérés par l’État français comme équivalents au doctorat universitaire.</p>
<p>En revanche, dans certains pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Liban, il existe une <a href="http://www2.ed.gov/about/offices/list/ous/international/usnei/us/doctorate.doc">liste officielle</a> des diplômes considérés comme équivalents du standard national (le PhD).</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une formation doctorale à orientation professionnelle ?</h2>
<p>Une formation doctorale à orientation professionnelle est avant tout une formation de niveau doctoral. Elle s’appuie sur une démarche de recherche originale et fondée scientifiquement. Elle vise à développer une contribution en termes de connaissances dans un champ pratique (un métier, des situations spécifiées) ou un champ professionnel (une entreprise, un secteur, etc.).</p>
<p>Aujourd’hui les modalités de réalisation de ces formations varient d’un établissement à l’autre. Cranfield Shool of Management (Royaume-Uni) assure principalement un accompagnement méthodologique de type ‘tutorat’ fondé sur le projet de recherche du participant, là où l’université Paris-Dauphine, par exemple, assure une cinquantaine de jours d’enseignement fondamental tant théorique que méthodologique.</p>
<h2>L’émergence massive des diplômes de niveau doctoral à destination des professionnels</h2>
<p>Le développement des formations de niveau doctoral à orientation professionnelle découle de plusieurs tendances. D’abord, le niveau doctoral est un signal de plus en plus recherché par les recruteurs internationaux. La tendance est sensible dans le secteur privé où les doctorats en « sciences dures » sont particulièrement valorisés dans les grandes entreprises comme soubassement à l’innovation technologique.</p>
<p>Dans ce contexte, disposer d’un diplôme de niveau doctoral devient un gage de crédibilité. Le professionnel ayant obtenu un diplôme de niveau doctoral a déjà réalisé une recherche d’ampleur et développé des compétences au long de son parcours : prise de distance, remise en perspectives, analyse selon différents angles, doute scientifique, etc. Aujourd’hui, alors qu’une proportion significative d’une tranche d’âge obtient un diplôme d’équivalent Master, que reste-t-il alors comme perspective de formation continue, sinon celle de viser le niveau supérieur, c’est-à-dire le niveau doctoral ?</p>
<h2>Les risques de non-maîtrise de la qualité</h2>
<p>Notre système universitaire est conçu de telle sorte que la délivrance d’un diplôme de doctorat est régie par des règles nationales.</p>
<p>Dès lors, ces règles assurent un système d’attribution de doctorats d’une qualité relativement standardisée. Les autres diplômes (PhD, Doctorate in Business Administration, etc.) sont des diplômes d’établissement qui relèvent de la seule gestion des universités/écoles/organismes privés qui les proposent. Ainsi, tous les établissements qui délivrent un diplôme avec le même intitulé n’ont ni les mêmes fondamentaux (niveaux de recrutement, volume et qualité des enseignements, etc.), ni les mêmes exigences de qualité pour la diplomation de leurs participants. Tel est déjà le cas de diplômes comme les MBA qui ne sont pas standardisés et ne comptent que par l’institution qui les porte.</p>
<p>Le risque est alors bien réel de voir des établissements qui braderaient le diplôme de niveau doctoral, principalement animés par des motivations économiques. En effet, si ces formations sont parfois sensiblement équivalentes au prix d’un Master en école privée en France (de l’ordre de 7 à 10 000 euros l’année) elles peuvent atteindre plus de 120 000 dollars pour de nombreux programmes de trois ans aux États-Unis. Il convient alors au candidat de porter toute l’attention requise au choix de l’établissement et du programme.</p>
<h2>Quels bienfaits ?</h2>
<p>Les formations de niveau doctoral ont de nombreux atouts à faire valoir. En premier lieu, elles permettent de produire des recherches en phase avec les problèmes concrets des praticiens. En effet, le point de départ de tout travail de recherche de niveau doctoral à orientation professionnelle est un questionnement issu du terrain.</p>
<p>Par exemple : en quoi le développement de la méthode <a href="http://www.leansixsigmainstitute.org">Lean Six Sigma</a> génère-t-il l’aliénation des salariés ? Ou encore, comment peut-on améliorer l’accès aux médicaments pour les populations d’Afrique de l’Ouest ? Dès lors, les praticiens mettent en place des méthodes de recherche pour répondre de façon rigoureuse et scientifique à ces questions qui émergent de leur pratique professionnelle quotidienne.</p>
<p>Aussi, la réalisation d’une thèse de niveau doctoral permet-elle de développer les capacités réflexives des praticiens, dans le sens où ceux-ci ne développent plus le même rapport à la connaissance. Le doute scientifique est passé par là. Les points de vue sont plus nuancés, l’analyse se nourrit de perspectives variées, les croyances sont remises en cause, etc.</p>
<p>Ainsi, les formations doctorales à orientation professionnelle aident-elles les praticiens à appliquer les outils et méthodes de management avec plus de discernement et de capacité critique, gage, in fine, d’une meilleure efficacité.</p>
<p>Enfin, un autre aspect nous semble significatif : la recherche portée par les praticiens sert à légitimer la recherche portée par les académiques dans la société en général. Le fossé entre le monde professionnel et celui de la recherche académique est souvent montré du doigt. La réalisation de travaux doctoraux par des praticiens nourrit une plus grande reconnaissance des travaux académiques au sein de cette même population, ainsi qu’une envie de partage de la connaissance scientifique, perçue comme particulièrement éclairante pour appréhender le problème empirique posé.</p>
<h2>Quels garde-fous ?</h2>
<p>Afin de renforcer les bienfaits d’une recherche de niveau doctoral portée par les praticiens, un accompagnement théorique et méthodologique significatif est tout à fait indispensable.</p>
<p>Par ailleurs, il est essentiel que les participants produisent un document qui traduit une recherche originale. De même, il convient d’être particulièrement exigeant quant aux critères de validité scientifique des connaissances produites.</p>
<p>Si l’idée d’une recherche doctorale à orientation professionnelle n’est pas une contribution théorique majeure, mais plutôt une contribution pratique pour un champ donné, les conditions de validité des connaissances ne sont pas différentes de celles d’un doctorat « classique ». Dès lors, il est important que les travaux soient évalués par les pairs, c’est-à-dire des chercheurs rompus à l’exercice de l’évaluation scientifique et, si possible, pour partie extérieurs à l’établissement où la thèse est réalisée. </p>
<h2>Vers où devrait-on aller ?</h2>
<p>Disposant de diplômes nationaux comme base de référence, la France ne peut mettre en place une liste d’appellations de diplômes équivalents aux doctorats (à la différence des États-Unis, par exemple).</p>
<p>Dès lors, il est nécessaire, comme elle le fait pour les diplômes de niveau Master, d’auditer les programmes de niveau doctoral afin de les reconnaître individuellement.</p>
<p>Tout comme l’État reconnaît la validité du diplôme d’architecture d’une école privée au même titre que ceux délivrés par les écoles d’État, celui-ci devrait proposer un référentiel du « grade doctorat » permettant de reconnaître les formations qui proposent le niveau d’exigence attendu.</p>
<p>La reconnaissance de la qualité des formations doctorales à orientation professionnelle serait ainsi facilitée, entraînant un mouvement général d’alignement sur les standards de l’État pour la délivrance du grade doctoral dans la réforme LMD, quelle que soit l’appellation ou l’entité qui le porte. De même, une accréditation internationale, portée par l’AACSB ou l’EFMD, par exemple, permettrait de faire reconnaître au-delà de nos frontières la qualité des formations de niveau doctoral délivrées en France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Volle est actuel président de l'Association Française du Marketing.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lionel Garreau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le doctorat à orientation professionnelle reste en marge en France. Toutefois, face à l’évolution des pratiques, il est important de reposer les bases de ces diplômes voués à se multiplier.
Lionel Garreau, Maître de conférences HDR en stratégie & organisation, Université Paris Dauphine – PSL
Pierre Volle, Professeur à l’Université Paris-Dauphine., Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.