tag:theconversation.com,2011:/id/topics/ecoles-de-management-28547/articlesécoles de management – The Conversation2024-03-25T16:55:38Ztag:theconversation.com,2011:article/2258102024-03-25T16:55:38Z2024-03-25T16:55:38ZFace à ChatGPT, apprendre à apprendre avec la méthode du « Maître Ignorant »<p>Tous les enseignants et parents le savent désormais, les <a href="https://theconversation.com/chatgpt-face-aux-artifices-de-lia-comment-leducation-aux-medias-peut-aider-les-eleves-207166">agents conversationnels comme ChatGPT posent un défi de taille à l’apprentissage</a> : il faut désormais s’assurer que ce ne sont pas ces outils, par leur capacité extraordinaire à produire des textes adaptés aux demandes de l’utilisateur, qui ont alimenté les dissertations, dossiers et mémoires rendus par les élèves.</p>
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<p>Comment, désormais, s’assurer que les apprenants travaillent réellement par eux-mêmes, dans une optique d’appropriation des connaissances ? Les enseignants, s’improvisant philosophes de la technique et psychologues de l’éducation, tentent d’apprendre aux élèves à utiliser intelligemment et avec une certaine éthique ces outils, en les intégrant par exemple dans leur enseignement. Mais on peut aussi proposer des méthodes plus structurées pour les y aider.</p>
<p>Nous avions mis au point, avant l’arrivée des technologies proposées par OpenAI, une méthode pédagogique pour s’assurer que les étudiants font l’effort d’assimiler réellement un savoir tout en apprenant à se servir des outils numériques : la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2019-3-page-107.htm">méthode du « Maitre Ignorant »</a>, qui s’inspirait de la méthode de Joseph Jacotot, redécouverte par le philosophe <a href="https://www.fayard.fr/livre/le-maitre-ignorant-9782213019253/">Jacques Rancière</a>. Ce pédagogue iconoclaste du XIX<sup>e</sup> siècle avait étonné l’Europe du Nord en parvenant à faire apprendre le français à des élèves dont il ne parlait pas la langue, donc sans pouvoir passer par des explications. Cette méthode ancienne, simple et originale, trouve une nouvelle pertinence aujourd’hui avec l’arrivée des OpenAI.</p>
<h2>Promouvoir une attitude active face au savoir</h2>
<p>Cette méthode, <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/former-les-managers-de-demain/">que j’ai expérimentée de longues années en école de management</a>, pose pour principe que l’on n’apprend vraiment que ce dont on a soi-même besoin. Par exemple, les enfants apprennent leur langue maternelle sans aucun cours : ils apprennent par tâtonnement, par essai-erreur, par persévérance et effort, et surtout, par nécessité. C’est ce savoir qui sera réellement approprié pour toute la vie. Dès lors, le principal rôle du professeur est de vérifier que l’apprenant fait, réellement, un effort sur son apprentissage.</p>
<p>Pour cela, on remet en cause à la fois le rôle de l’élève et celui du professeur. Côté élève, on évite de le placer dans une position où il serait simplement amené à répéter, comme cela pouvait se faire dans l’enseignement traditionnel, ou de « retrouver » le savoir détenu par le professeur, comme le proposent des méthodes plus actives. Côté professeur, on évite que celui-ci se pose en « sachant » qu’il faut imiter. L’élève est alors évalué non sur ce qu’il produit comme résultat, mais sur l’effort et l’attention qu’il fournit (le travail rendu étant considéré plutôt comme un indice de ce niveau d’effort, et non un but en soi).</p>
<p>C’est ainsi que j’impose aux étudiants des sujets que je ne connais pas. Puis j’impose des discussions régulières avec l’étudiant ou le groupe d’étudiants. Je relance alors l’effort de l’apprenant par des questions du type : « qu’est-ce que c’est ? », « quelles sont vos sources ? », « qu’est-ce qui est intéressant ? » En posant régulièrement ces questions, je peux constater et surveiller qu’un effort est effectué, et qu’il y a une évolution de la pensée. Notamment, les apprenants se rendent compte alors qu’un rapide survol de Wikipédia ne suffit pas pour répondre vraiment à ces questions.</p>
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<p>Pour répondre à une objection qui y est souvent légitimement opposée, précisons toutefois que cette méthode est à l’opposé d’une conception « méprisante » ou relativiste du savoir. Au contraire,elle vise à encourager la lecture réelle de sources fiables (livres, articles scientifiques), et une attitude mature de l’apprenant face au savoir : celui-ci sera placé dans l’obligation de s’approprier réellement la connaissance, en recourant aux sources bibliographiques et aux paroles d’experts.</p>
<p>Cette méthode constitue un bon complément aux autres méthodes pour lutter, ponctuellement, contre une attitude trop passive des élèves face au savoir.</p>
<h2>Comprendre l’importance du « vécu d’apprentissage »</h2>
<p>Parce que les « agents conversationnels » comme ChatGPT présentent le danger de se substituer à l’effort d’apprentissage, on comprend pourquoi cette méthode du XIX<sup>e</sup> siècle reste d’actualité. Revenons sur les trois questions posées par le Maitre Ignorant pour voir comment elles sont adaptées aux défis posés par les OpenAI.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce que c’est ? »</strong> : par cette question, on demande à l’apprenant de nous parler de quelque chose, de décrire et de faire comprendre à l’autre ce dont il parle. Bien entendu, ChatGPT peut le faire avec talent à la place de l’étudiant, et c’est bien là le problème. Avec les méthodes traditionnelles, qui consistent à vérifier qu’une « bonne réponse » attendue a été apportée par l’étudiant subsistera toujours le doute que cette « bonne réponse » n’a pas été artificiellement fabriquée.</p>
<p>Avec la méthode du Maitre Ignorant, en revanche, on pourra déceler facilement qu’une appropriation n’a pas eu lieu : le discours est stéréotypé, trop lisse, trop superficiel, etc. À la première tentative d’approfondissement, ce discours s’effondrera. L’apprenant se rend compte alors que ChatGPT ne suffit pas, car, ce qui lui manque, ce ne sont pas les réponses, mais le vécu d’apprentissage, le chemin parcouru, qui donnera chair à son propos.</p>
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<p><strong>« Quelles sont vos sources ? »</strong> : Par cette question, le Maitre Ignorant vérifie simplement que l’étudiant a bien réellement lu ou vu les sources qu’il cite. Si celle-ci est ChatGPT, professeurs et élèves se rendent compte assez rapidement du manque d’effort fourni pour trouver et s’approprier ces sources.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce qui est intéressant ? »</strong> : enfin, par cette question, on invite l’étudiant à s’intéresser et à s’engager dans le savoir. On lui demande d’exercer sa réflexivité et son esprit critique pour trouver ce qui, dans un sujet, le touche personnellement, fait sens pour lui. Il ne s’agit pas alors de développer un argumentaire tel que ChatGPT excellerait à le produire : <a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-de-la-resonance-selon-hartmut-rosa-comment-lecole-connecte-les-eleves-au-monde-197732">il s’agit d’entrer en « résonance » avec le savoir</a> pour reprendre le mot du philosophe Hartmut Rosa.</p>
<p>Face au défi que représente ChatGPT pour l’enseignement, on a coutume de dire que ce n’est qu’un outil, et qu’il faut apprendre aux étudiants à le maitriser. Cela est vrai sur le principe, mais encore faut-il se demander comment y parvenir. La méthode du Maitre Ignorant y participe en préservant le sens de ce qu’est un réel apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Régis Martineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Créée au XIXᵉ siècle pour inciter les élèves à s’investir dans leurs apprentissages, la méthode du « Maitre Ignorant » trouve une nouvelle pertinence face aux agents conversationnels. Explications.Régis Martineau, Phd. en Management, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147662023-10-08T17:15:54Z2023-10-08T17:15:54ZÉcoles de management : quels enseignements pour une transition juste ?<p>En 2022, les prises de parole des étudiantes et des étudiants lors des cérémonies de remise de diplômes à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SUOVOC2Kd50">AgroParisTech</a>, à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tZSO3yIc4SQ">HEC Paris</a>, aux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dyQc8XXLgho&t=613s">Mines Paris-PSL</a> ou encore <a href="https://www.dailymotion.com/video/x8c3cs9">l’École Polytechnique</a> ont marqué les esprits. Face aux revendications à réorienter les enseignements vers plus de responsabilité mais aussi à la croyance en d’autres possibles, les écoles doivent désormais poser une réflexion critique sur les paradoxes auxquels elles sont confrontées et repenser leurs choix stratégiques et pédagogiques.</p>
<p>Bien avant ces sorties étudiantes, et sous l’impulsion des remises en question émanant même de la communauté des chercheuses et chercheurs en management, les établissements avaient déjà amorcé des changements. Certains ont remanié leurs énoncés de mission afin d’expliciter leur adhésion aux principes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociale d’entreprises (RSE)</a> et de développement durable ; et beaucoup d’autres ont créé de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1472811719300035">nouveaux cours et cursus dédiés</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Polytechnique : Urgence écologique et sociale – Trois promotions appellent à s’engager (Diplômes Polytechnique Écologie, 2022).</span></figcaption>
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<p>Le bilan de ces initiatives reste toutefois mitigé, et les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JGR-12-2020-0110/full/html">débats se poursuivent</a>. Nous nous efforçons pour notre part depuis quelques années de transformer les formations au travers différentes expériences, dans des programmes de formation pour des Bachelor of Business Administration (BBA, niveau Bac +3), des Master of Business Administration (MBA, bac +5) et de l’Executive Education (formation professionnelle pour les cadres supérieurs délivrant un Master 2, bac+5) en France et au Québec.</p>
<p>Nous décrivons ces dernières dans le chapitre d’un <a href="https://www.routledge.com/Transforming-Business-Education-for-a-Sustainable-Future-Stories-from-Pioneers/Irwin-Rimanoczy-Fritz-Weichert/p/book/9781032591162">ouvrage à paraître</a> aux Éditions Routledge, issu du groupe de travail « <a href="https://www.unprme.org/working-group/prme-working-group-on-sustainability-mindset">Sustainability Mindset</a> » du <a href="https://www.unprme.org/">programme Principles for responsible management education (PRME)</a> des Nations unies.</p>
<h2>Comprendre les présupposés</h2>
<p>La vision de nos rôles quant à l’enseignement en management s’inspire de propositions issues des divers courants de recherche (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1350507618795090">Critical Management Education</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0018726719827366">Critical Management Studies</a>) et en intégrant des <a href="https://agone.org/livres/pedagogie-des-opprimes">approches décoloniale et antiraciste</a> en <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMBPP.2022.14410abstract">enseignement du management</a>. Ces principes incluent d’abord la <a href="https://theconversation.com/podcast-limportance-dapprendre-a-desapprendre-131620">déconstruction des convictions tenues pour acquises</a> concernant les organisations et le management (leur généalogie, leurs mandats, leurs rapports à la société, la croissance, la productivité, etc.). Il s’agit ensuite de sensibiliser les apprenantes et les apprenants aux limites des pratiques vertes ou éthiques ancrées dans une logique néolibérale et implantées de manière coloniale.</p>
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<p>Il s’agit finalement de familiariser les étudiantes et les étudiants à des récits mettant en exergue les justices dans les relations des organisations aux territoires, aux humains et aux non-humains. Ces récits apparaissent utiles dans la construction de solutions qui ne dissocient pas la transition écologique des aspirations de justices spatiale, raciale, de genre, etc.</p>
<p>Comment actons-nous plus précisément ces rôles ? Dans le cadre d’un programme Executive, l’approche historique critique est par exemple privilégiée. Travailler avec des archives reste en effet déstabilisant mais permet de mieux comprendre les présupposés des visions classiques de la RSE.</p>
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<a href="https://theconversation.com/comment-les-ecoles-de-commerce-peuvent-elles-repondre-aux-discours-engages-des-etudiants-196668">Comment les écoles de commerce peuvent-elles répondre aux discours engagés des étudiants ?</a>
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<a href="https://theconversation.com/ecologie-jeunes-et-diplomes-des-grandes-ecoles-le-grand-tournant-vraiment-205417">Écologie, jeunes et diplômés des grandes écoles : le grand tournant, vraiment ?</a>
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<p>Les conceptions économiques de Howard Bowen, identifié comme le <a href="https://www.cairn.info/la-responsabilite-sociale-de-l-entreprise--9782130626640-page-7.htm">père de la RSE</a>, sont ainsi confrontées à d’autres visions présentées sous forme de textes, de films ou de tableaux peints traitant de dominations. Ensuite, les cours visent à se familiariser avec les perspectives décoloniales à travers des publications académiques, d’articles de journaux, de poésies, de discours militants. Celles et ceux qui suivent la formation sont ensuite invités à faire les liens entre ce que ces matériels révèlent et les réalités dans leurs propres sphères politiques et communautaires.</p>
<p>Cela les amène à poser une réflexion sur leur carrière, leurs décisions passées et sur les pratiques de leurs organisations qui pourraient être extractivistes, porteuses d’injustice de genre et ainsi reproductrices de relations coloniales.</p>
<h2>Contester l’idée du « one best way »</h2>
<p>Dans un programme de BBA, des approches hétérodoxes sont mobilisées dans un premier temps pour dévoiler les inégalités structurelles empêchant l’avènement d’un développement équitable, et sensibiliser le public aux failles du dogme de la croissance illimitée dans un monde aux ressources limitées. Les dysfonctionnements du capitalisme et les injustices (économiques, sociales, raciales, de genre, etc.) subies en particulier par les acteurs des périphéries sont plus particulièrement mis en exergue.</p>
<p>Dans un deuxième temps, le programme mobilise des <a href="https://www.iso.org/publication/PUB100401.html">outils déjà utilisés par des organisations</a> en focalisant sur la lutte contre la pauvreté, les inégalités et le changement climatique pour inciter à réfléchir à des alternatives. Des études de cas (entreprises capitalistes, entreprises d’économie sociale et solidaire, commerce équitable, etc.) permettent de renforcer les apprentissages.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551395/original/file-20231002-15-d0axvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Transforming Business Education for a Sustainable Future Stories from Pioneers</em>, de Linda Irwin, Isabel Rimanoczy, Morgane Fritz, James Weichert.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.routledge.com/Transforming-Business-Education-for-a-Sustainable-Future-Stories-from-Pioneers/Irwin-Rimanoczy-Fritz-Weichert/p/book/9781032591162">Éditions Routledge, 2023 (non traduit)</a></span>
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<p>Enfin, un programme de MBA mobilise des expériences documentées (jugements de tribunaux, rapports d’organismes, émissions de radios et de télévisions, etc.) pour dévoiler les faces cachées des dispositifs et programmes souvent qualifiés de responsables (par exemple, codes de conduite, philanthropie, commerce de la base de la pyramide, etc.).</p>
<p>Ces cas aident à repérer des traces d’asymétrie de pouvoir, d’essentialisation des peuples, de paternalisme, d’exclusion des voix et des connaissances non dominantes. Cet objectif de déconstruction se complète par celui de visibilisation des pratiques d’organisations porteuses d’innovations (par exemple, la fondation Catherine Donnelly qui utilise une démarche décolonisée d’investissement, la clinique Minowé qui fait de la sécurisation culturelle des autochtones la base de ses offres de services de santé et services sociaux).</p>
<p>La traduction de la vision de l’enseignement en pratiques pédagogiques déconstructives et reconstructives, dont des illustrations viennent d’être mentionnées, est sous-tendue par les principes de <em>conscientização</em> et de pluralisme. La <a href="https://www.fpce.up.pt/ciie/sites/default/files/PauloFreire--Conscientiza%C3%A7%C3%A3o_pp.5-19.pdf"><em>conscientização</em></a>, inspirée des enseignements du pédagogue brésilien Paulo Freire, favorise le développement d’une résistance aux oppressions à travers les réflexions et les actions. Le pluralisme conteste à son tour l’idée d’une « one best way ».</p>
<p>Ainsi, nos cours invitent à questionner les modèles et les critères de décision présentés souvent comme les meilleurs car éprouvés par les entreprises multinationales et adoptés par les partenaires sur leur chaîne de valeurs. Nos étudiantes et étudiants comprennent à la fin de leur parcours qu’il existe une variété de systèmes économiques et culturels, de modes de gouvernance (outre celle fondée sur la propriété privée), de logiques organisationnelles (au-delà de celles axées sur les rentes) et d’innovations (en plus de celles de l’ordre de la technique).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certaines initiatives émergent pour tenter de répondre aux mieux aux attentes en matière de responsabilité des nouvelles générations d’étudiantes et d’étudiants.Lovasoa Ramboarisata, Professor of strategy & CSR, Université du Québec à Montréal (UQAM)Celine Berrier-Lucas, Professeure Associée en RSE, PhD, ISG International Business SchoolDimbi Ramonjy, Professeur associé en Stratégie et RSE, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977242023-01-29T16:59:39Z2023-01-29T16:59:39ZPourquoi les grandes écoles soignent leurs réseaux d’anciens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505899/original/file-20230123-14-v3c4v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C997%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reprendre contact avec d'anciens camarades de promotion est devenu beaucoup plus aisé avec les réseaux sociaux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/business-people-international-communication-headhunting-technology-323856479">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis près d’une vingtaine d’années, les associations et réseaux d’anciens ont pris une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Pierre-Jean-Barlatier/publication/251571233_Le_potentiel_strategique_des_reseaux_d%E2%80%99anciens_Une_etude_exploratoire/links/548eae870cf225bf66a60f19/Le-potentiel-strategique-des-reseaux-danciens-Une-etude-exploratoire.pdf">importance stratégique</a> pour les grandes écoles. Si leurs activités se sont longtemps centrées sur la publication d’un annuaire des diplômés, l’organisation de quelques manifestations réunissant les anciens les plus fidèles, et le partage de témoignages de carrière avec les nouvelles promotions, de nombreux moyens humains et financiers sont aujourd’hui investis pour les dynamiser.</p>
<p>Dans un contexte où les réseaux sociaux numériques, notamment professionnels, ouvrent des alternatives crédibles à ce type d’organisations, leur rôle s’est-il redéfini ? Pourquoi demeurent-ils malgré tout essentiels au rayonnement de ces filières ?</p>
<h2>Des réseaux à structurer</h2>
<p>Les grandes écoles ont toujours accordé une forte attention aux réseaux d’anciens. D’abord parce qu’ils aident à garantir la promesse d’emploi initiale de ce type de formations. Historiquement, les écoles d’ingénieurs forment par exemple des <a href="https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.cdefi.fr%2Fjsp%2Ffiche_pagelibre.jsp%3FSTNAV%3D%26RUBNAV%3D%26CODE%3D69953344%26LANGUE%3D0%26RH%3D">cadres avec des compétences techniques</a> pour répondre aux besoins identifiés par les ministères de l’industrie ou de l’agriculture et les écoles de commerce des <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprises-et-histoire-2020-3-page-144.htm">« managers »</a> en réponse aux demandes des entreprises des Chambres de Commerce et d’Industrie. Et les réseaux d’anciens sont un lien utile vers des stages et des contrats d’alternance pour les étudiants ou pour accéder à un premier emploi pour les diplômés. Ensuite, parce qu’ils constituent généralement un « espace » où perdure l’esprit de communauté et de cohésion développé pendant les années d’études.</p>
<p>Depuis quelques années, les initiatives pour <a href="https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2015-1-page-187.htm">densifier et diversifier les activités de ces réseaux</a> se multiplient. Les services dédiés ou les associations en charge des diplômés ont vu leurs effectifs augmenter et se professionnaliser. Les adhésions des nouveaux étudiants à l’association des diplômés sont désormais quasiment toutes « à vie ». Les événements qui leur sont proposés (conférences, afterwork, création d’antennes en France et à l’étranger, journée alumni au sein des établissements, participation aux jurys…) sont également de plus en plus nombreux. Mais, au-delà de la volonté de renforcer les liens avec leurs anciens élèves, ces efforts de structuration traduisent aussi la montée de l’importance stratégique de ces réseaux pour ces filières.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etudiants-quont-ils-a-faire-sur-linkedin-146268">Étudiants, qu'ont-ils à faire sur LinkedIn ?</a>
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<p>Avec l’apparition des réseaux sociaux en ligne, notamment professionnels, solliciter des anciens étudiants de son établissement est devenu beaucoup plus facile qu’auparavant. Les liens entre anciens étudiants dépendent ainsi de moins en moins de l’institution dont ils sont issus.</p>
<p>Pourtant, si les réseaux sociaux permettent de garder le contact et de <a href="https://www.ceeol.com/search/article-detail?id=293251">dynamiser un réseau professionnel</a>, il reste nécessaire d’animer la communauté et ses activités. Et une structure spécifique prendra le temps de le faire et aura la légitimité pour solliciter l’ensemble des anciens, quels que soient leurs parcours et leurs liens antérieurs.</p>
<h2>L’essor de la formation continue</h2>
<p>En se <a href="https://scholar.google.com/citations?view_op=view_citation">massifiant et en se globalisant</a>, l’enseignement supérieur est devenu beaucoup plus concurrentiel et les accréditations et classements, nationaux et internationaux, se sont <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/QAE-07-2013-0031/full/html">multipliés</a>. Après une période où ceux-ci se fondaient essentiellement sur les déclarations des établissements, ils tiennent désormais de plus en plus compte de l’avis des diplômés pour délivrer leurs labels ou établir leurs hiérarchies. Les anciens sont sollicités de toute part et leur ressenti est devenu stratégique pour garantir la réputation et le rayonnement d’une filière et d’un établissement.</p>
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<p>Cette capacité des réseaux d’anciens à maîtriser et à canaliser les retours des diplômés s’inscrit aussi dans le <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022-03/programme-d-taill-des-jipes-2022-17057.pdf">développement</a> du concept d’« expérience étudiante ». Celle-ci se définit comme l’ensemble des expériences vécues par les étudiants, non seulement au moment de leurs études, mais aussi à partir du moment où ils s’intéressent à une formation… puis lorsqu’ils en sont devenus diplômés. La relation entre les étudiants et leur institution n’est donc plus simplement centrée sur la période d’études mais est désormais perçue comme un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1269176320300547">« continuum »</a> qui débute avant même d’intégrer l’école et qui se poursuit tout au long de leur vie.</p>
<p>Mais le développement des activités des réseaux d’anciens recouvre aussi des enjeux économiques plus directs pour ces filières. Malgré <a href="https://biotechinfo.fr/article/le-budget-2023-de-lenseignement-superieuret-de-la-recherche-de-11-milliard-et-confirme-les-ambitions-du-gouvernement-pour-les-etudiants-et-les-acteurs-de-lesr/">l’augmentation du budget consacré à l’enseignement supérieur</a> depuis plusieurs années, les moyens apparaissent <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/budget-2022-dans-l-education-et-l-enseignement-superieur-les-efforts-financiers-laissent-les-acteurs-insatisfaits.html">insuffisants</a> pour faire face à l’afflux régulier de nouveaux étudiants et aux carences du système actuel. L’offre de formation continue fait partie des nouvelles sources de financement que les établissements ont développées pour répondre à ces besoins.</p>
<p>Si la croissance de cette « executive education » est liée au développement nouveau et assez récent en France de l’idée de <a href="https://www.education.gouv.fr/la-formation-tout-au-long-de-la-vie-7508">« formation tout au long de la vie »</a>, elle apparait aussi, pour les établissements concernés, comme une source de revenus complémentaire aux financements traditionnels (droits de scolarité des formations initiales, dotation de l’état…). Disposer de relations structurées et soutenues avec ses anciens permet de présenter et de proposer, individuellement et aux entreprises dont ils font désormais partie, ces formations. Et d’améliorer ainsi leur commercialisation et leur rentabilité.</p>
<h2>L’enjeu du fundraising</h2>
<p>Dans le cadre de la diversification de leurs revenus et face aux <a href="https://education.newstank.fr/article/view/209758/grandes-ecoles-diversite-prendre-compte-dimension-ideologique-politique.html">pressions visant à augmenter leur impact social</a>, les grandes écoles françaises développent depuis quelques années des activités de fundraising. Le modèle est celui des universités anglo-saxonnes, notamment américaines, qui voient certains diplômés, désormais fortunés, leur verser des sommes parfois colossales pour les aider à financer certaines de leurs activités. Avec parfois pour conséquence un changement de nom de l’institution en l’honneur de ce donateur, comme en témoigne l’exemple de l’école de commerce de l’université de Northwestern près de Chicago rebaptisée <a href="https://www.kellogg.northwestern.edu/about/about-kellogg/history-legacy.aspx">J.L. Kellogg Graduate School of Management dès 1979</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-pourquoi-les-fondations-duniversites-peinent-a-lever-des-fonds-118732">Débat : Pourquoi les fondations d’universités peinent à lever des fonds</a>
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<p>Les grandes écoles françaises sollicitent donc depuis quelques années les dons de leurs diplômés. Mais, malgré le succès de quelques levées de fond comme celles d’<a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/ces-genereux-donateurs-qui-financent-hec-998996">HEC</a> et <a href="https://www.aefinfo.fr/depeche/659139-la-fondation-de-l-ecole-polytechnique-annonce-une-levee-de-fonds-de-873-millions-d-euros-sur-7-ans">Polytechnique</a>, ces sollicitations pâtissent, pour les établissements français moins prestigieux, de différences culturelles fortes avec les pays anglo-saxons.</p>
<p>Au-delà de la réputation et des métiers auxquels elles mènent, les étudiants français choisissent souvent leurs filières en fonction des cours proposés. Les étudiants américains regardent beaucoup le réseau d’anciens et le profil des diplômés. Et intègrent donc très tôt l’idée de <a href="https://repository.usfca.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1334&context=diss">faire un don à leur filière d’origine</a> en reconnaissance de ce qu’elle leur a permis d’accomplir, malgré un prix de leurs études beaucoup plus élevé qu’en France. Dans l’Hexagone, l’idée d’une éducation publique et gratuite <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019809QPC.htm">reste dominante</a>. Faire des dons conséquents à son ancien établissement, même après avoir fait fortune, reste donc très marginalement envisagé alors que les droits de scolarité de la majorité de ces filières sont déjà perçus comme trop élevés.</p>
<p>Finalement, et malgré un développement globalement réussi des réseaux d’anciens des grandes écoles en France, ces différences culturelles constituent sans doute un des principaux obstacles pour que ceux-ci parviennent à renforcer encore leur importance et leur poids et à dépasser ainsi les missions qui leur ont été assignées lors leur création.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les réseaux sociaux multiplient les opportunités d’échanges entre diplômés et camarades de promotion, ils sont loin d’avoir remplacé les associations d’anciens.Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980362023-01-24T19:09:20Z2023-01-24T19:09:20ZGrandes écoles : 80 fois plus de chances d’admission quand on est enfant d’ancien diplômé<p>En France, un diplôme d’une très grande école est, sinon un prérequis, au moins un fort accélérateur aux postes de direction les plus prestigieux. Tous les <a href="https://www.elysee.fr/la-presidence/les-presidents-de-la-republique">présidents de la Vᵉ République</a> sont passés par leurs bancs, de même qu’une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/quelle-formation-faut-il-suivre-pour-devenir-un-patron-du-cac-40.N723539">majorité de PDG du CAC40</a>, dont une dizaine a été formée par la seule École Polytechnique.</p>
<p>Toutefois, les chances d’admission dans ces écoles apparaissent particulièrement inégales. Et, même une fois le précieux diplôme acquis, les carrières des diplômés restent influencées par leur origine sociale. C’est le constat qui ressort de la <a href="https://www.theses.fr/2021AIXM0576">thèse de doctorat</a> que j’ai menée sur le rôle central des grandes écoles dans la stabilité des élites françaises depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Alors que s’ouvre pour <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/parcoursup-2022-936-000-candidats-ont-confirme-au-moins-un-voeu-85310">près d’un million de candidats</a> la <a href="https://www.education.gouv.fr/parcoursup-2023-ouverture-de-la-phase-d-inscription-et-de-formulation-des-voeux-344173">première phase d’inscription sur Parcoursup</a>, où lycéens et étudiants peuvent enregistrer leurs vœux d’orientation ou de réorientation dans l’enseignement supérieur, notamment vers les classes préparatoires aux grandes écoles, revenons sur cet envers du discours méritocratique.</p>
<h2>Partir des registres nominatifs</h2>
<p>Pour mener cette étude, la première étape a été de collecter les annuaires d’une douzaine de grandes écoles parmi les plus prestigieuses, recensant près de 400 000 diplômés entre 1886 et 2015, ce qui représente près d’un Français sur trois cents sur la période. Ces données ont ensuite été appariées aux carrières de 5 528 représentants politiques et de 42 074 membres de conseils d’administration.</p>
<p>Un certain nombre de caractéristiques ont été étudiées de manière indirecte à partir des noms de famille et des informations qu’ils peuvent intrinsèquement véhiculer, comme une ascendance noble ou une origine géographique particulière.</p>
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<p>Les patronymes, hors exceptions, reflètent aussi le lien des enfants avec leurs pères, le choix du nom de la mère n’étant possible que pour les individus nés depuis 2005 et n’ayant été élargie aux adultes qu’en 2022.</p>
<p>À partir de la distribution des patronymes dans le recensement de la population, dans les écoles et dans l’élite politico-économique à travers les générations, il est ainsi possible de construire la probabilité pour un garçon ou une fille que son père soit diplômé d’une grande école, ou qu’il appartienne à l’élite politique ou économique. Cela constitue un lien intergénérationnel entre un pseudo-père et un pseudo-enfant.</p>
<p>Si les porteurs d’un nom de famille comme <em>Martin</em> sont relativement nombreux, représentant environ 0,4 % de la population, la majorité des patronymes est suffisamment rare pour informer sur les lignées. Par ailleurs, si la méthodologie a pour inconvénient de ne pas suivre la transmission maternelle, les diplômées des grandes écoles et les dirigeantes politiques et économiques étaient historiquement très minoritaires (et le restent, dans une moindre mesure).</p>
<h2>Noblesse d’État et centralisme français</h2>
<p>Dans sa table des familles, <a href="https://anf.asso.fr/">l’Association d’entraide de la noblesse française</a> recense la plupart des familles d’ascendance aristocratique. Environ un siècle après la Révolution française, elles avaient 15 fois plus de chances que le reste de la population d’intégrer les grandes écoles les plus cotées, et encore 9 fois plus de chances sur la période récente, plus de deux siècles après la Révolution.</p>
<p>Cela souligne la rémanence du niveau d’éducation des descendants de la noblesse. Leur surreprésentation est encore plus marquée dans les écoles de commerce, où ces familles semblent par ailleurs privilégier l’admission de leurs fils plutôt que de leurs filles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/x-ena-la-puissance-du-reseau-un-obstacle-au-controle-du-dirigeant-aux-effets-deleteres-159824">X, ENA… La puissance du réseau, un obstacle au contrôle du dirigeant aux effets délétères</a>
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<p>On observe aussi une évolution de l’origine géographique des diplômés des écoles les plus prestigieuses. Les individus nés dans les régions situées au nord-ouest d’un axe Strasbourg-Toulouse ont connu une baisse de leur représentation parmi les diplômés. À titre illustratif, alors que les Picards y étaient admis sensiblement comme la moyenne nationale au début du XX<sup>e</sup> siècle, ils avaient 5 fois moins de chances d’admission que le reste de la population entre 1991 et 2015. À l’inverse, les personnes nées dans les régions du sud-est de la France et en Alsace ont vu leurs chances d’admission augmenter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
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<p>Mais la disparité la plus frappante concerne la capitale. Alors que Paris accueillait selon les générations entre 4 et 7 % des naissances nationales sur le siècle passé, les Parisiens représentaient entre un tiers et la moitié des effectifs des grandes écoles les plus prestigieuses. Si la plupart de ces écoles sont situées en région parisienne, la surreprésentation des Parisiens est sans commune mesure avec celle des Franciliens, et l’hégémonie parisienne a même eu tendance à s’accentuer depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’étude s’intéresse par ailleurs à la reproduction sociale entre générations de diplômés des grandes écoles. Les enfants de diplômés nés entre 1891 et 1915 avaient 154 fois plus de chances d’être admis dans ces prestigieuses écoles. Cet avantage est divisé par deux pour la génération suivante et reste ensuite stable avec environ 80 fois plus de chances d’admission pour un enfant de diplômé né entre 1916 et 1995.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux d’admission selon différentes caractéristiques (approchées par le patronyme) relativement au reste de la population, par cohorte de naissance. Intervalles de confiance à 95 % renseignés entre crochets.</span>
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<p>Avoir un grand-père ou même un arrière-arrière-grand-père diplômé d’une grande école est aussi associé à une probabilité significativement supérieure d’admission. Cela représente un « plancher de verre » multigénérationnel pour les enfants de l’élite.</p>
<p>Par ailleurs, une analyse d’hétérogénéité montre que les enfants de diplômés tendent à étudier exactement dans la même école que leurs aïeux, ce qui conduit à des taux d’admissions relatifs plus élevés, bien que ces petits sous-échantillons produisent des estimations moins précises. Par exemple, les enfants de polytechniciens nés entre 1971 et 1995 avaient 296 fois plus de chances d’être admis à Polytechnique (intervalle de confiance à 95 % : de 209 à 420).</p>
<h2>« Double dividende »</h2>
<p>L’étape suivante consiste à examiner le devenir professionnel des étudiants de ces très grandes écoles nés entre 1931 et 1975. Ce travail met en évidence la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/les-ecoles-du-pouvoir-8427054">présence de dynasties</a>, dès lors que les enfants des élites politique et économique ont davantage de chances que leurs pairs diplômés d’atteindre ces mêmes positions, au conseil d’administration d’entreprises ou comme personnalité politique nationale.</p>
<p>Les dynasties politiques sont particulièrement importantes : un diplômé de grande école a 37 fois plus de chances qu’un de ses camarades de promotion de devenir parlementaire ou ministre si son père l’a aussi été. L’importance de ces dynasties politiques est toutefois en recul progressif, corroborant en France des résultats précédemment identifiés <a href="https://academic.oup.com/restud/article-abstract/76/1/115/1574319">aux États-Unis</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Nk4qB5fj3iQ?wmode=transparent&start=58" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les élites et la tyrannie méritocratique (Lecture du livre de Michael Sandel par Ghislain Deslandes, Xerfi Canal).</span></figcaption>
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<p>En définitive, en plus de meilleurs taux d’admission dans les grandes écoles, les enfants de l’élite bénéficient d’un « double dividende », avec de meilleures perspectives de carrières que leurs camarades de promotion.</p>
<p>Bien que les admissions aux grandes écoles par voie de concours s’inscrivent dans une promesse d’égalité des chances, les résultats présentés ici en soulignent les limites. Le fait que la rhétorique méritocratique fasse généralement abstraction d’un large faisceau de résultats en sciences sociales soulignant des inégalités significatives a ainsi conduit certains chercheurs à parler d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-capital-au-XXIe-si%C3%A8cle-thomas-piketty/9782021082289">« extrémisme méritocratique »</a> (Thomas Piketty) ou de <a href="https://us.macmillan.com/books/9780374289980/thetyrannyofmerit">« tyrannie du mérite »</a> (Michael Sandel).</p>
<p>Le terme « méritocratie » a d’ailleurs pour origine une <a href="https://openlibrary.org/books/OL9304912M/The_Rise_of_the_Meritocracy_1870-2033_%28Pelican%29">dystopie de Michael Young</a> dans laquelle le mérite (supposé) servait à justifier la confiscation du pouvoir. Dans les grandes écoles françaises, nous décrivons plutôt le produit d’une forme d’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/heritocratie-9782348042683">« héritocratie »</a>, telle que le sociologue Paul Pasquali qualifie la résistance de ces institutions aux transformations. En effet, la réforme de l’ENA, provoquée par la <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2019-4-page-143.htm">dénonciation de la déconnexion des élites</a> par le mouvement des « gilets jaunes », apparaît minime pour répondre à de telles inégalités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Benveniste ne conseille pas et ne possède pas de parts d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article. En complément de ses deux affiliations, il est chargé d’enseignement à Sciences Po Paris. Stéphane Benveniste a bénéficié d'une aide de l'État opérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du plan d'investissement France 2030 portant la référence ANR-17-EURE-0020, de l'Initiative d'Excellence d'Aix-Marseille Université - A* MIDEX, ainsi que du programme de recherche transnational NORFACE Dynamics of Inequality Across the Life-course.</span></em></p>Les origines sociales influencent-elles encore plus qu’on ne l’imagine les chances d’intégrer une grande école ? Quelques résultats de recherche alors que s’ouvre Parcoursup.Stéphane Benveniste, Post-doctorant à l'INED, chercheur associé à Aix-Marseille School of Economics (AMSE), Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966682022-12-27T21:42:08Z2022-12-27T21:42:08ZComment les écoles de commerce peuvent-elles répondre aux discours engagés des étudiants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501258/original/file-20221215-19-zd431c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>Comment les écoles de commerce (EC) peuvent-elle répondre aux contestations croissantes, telles que celles observées cette année lors des <a href="https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/hec-agroparistech-comment-les-ceremonies-de-diplomes-des-grandes-ecoles-sont-devenues-politiques-1414082">discours de remises de diplômes</a> d’AgroParisTech, Polytechnique, Sciences Po ou encore HEC Paris ?</p>
<p>Dans un monde interconnecté, fragilisé par les inégalités, dominé par une idéologie néolibérale, ces écoles auraient-elles perdu leur « raison d’être » au moment même où les entreprises se créent des « missions sociales » ? Comment peuvent-elles alors contribuer à changer le processus de reproduction et d’amélioration des systèmes existants centrés sur la consommation et le profit sans fin pour aller vers un plus grand respect de tout·e·s et de tout ?</p>
<p>Il est clair que « rajouter » des cours d’éthique, de comportement responsable, de finance verte, etc., pour importants qu’ils soient, ne semble pas être suffisant à contrer les nombreux scandales et les « dérapages éthiques » qui se jouent encore dans les organisations. La crise est institutionnelle et systémique. Elle est dénoncée par de nombreux chercheurs, l’exemple le plus frappant étant la <a href="https://www.pauljorion.com/blog/2022/09/08/un-appel-a-la-metamorphose-urgente-des-sciences-de-gestion-par-laurent-lievens/comment-page-1/">lettre (ouverte) de démission</a> de Laurent Lieven qui a quitté en septembre dernier la faculté des sciences de gestion de l’UCLouvain en expliquant clairement le déni collectif et l’inertie des écoles/universités face aux « dangers » du modèle actuel.</p>
<h2>Traumatisme de naissance</h2>
<p>Les écoles de commerce sont nées pour répondre au besoin exprimé par les entreprises de former leurs cadres aux nécessités du négoce dans un monde devenu au cours du XX<sup>e</sup> siècle, (néo)libéral et globalisé. Les méthodes pédagogiques inspirées d’Harvard et l’insertion dans des réseaux industriels demandeurs d’efficacité ont fortement modelé leur fonctionnement. Dans ce souci, le caractère opérationnel des enseignements s’est concentré sur la recherche de solutions pour convenir à la demande d’une action standardisée, décontextualisée, voire dépolitisée pour être facilement applicable.</p>
<p>Dans un récent <a href="https://www.e-elgar.com/shop/gbp/the-future-of-business-schools-9781800889217.html">ouvrage</a> collectif, nous exposons les paradoxes auxquels les écoles de management sont aujourd’hui confrontées. Nous en avons retenu trois qui paraissent urgents à résoudre :</p>
<p>Je suis… donc que je suis : alors que l’environnement économique, social et biologique signale ses limites face à l’activité humaine et exige de nouvelles compréhensions, on assiste à la mise à l’honneur – voire la déification – d’individus managers qui se sentent (tout) puissants.</p>
<p>L’incertitude écartée : alors que l’univers est instable, imprévisible et incertain, on constate encore une préférence pour les modèles linéaires et les approches déductives. La quantification donne l’illusion de la connaissance, de la compréhension et du contrôle, et par là même de la minimisation du risque ; en oubliant que <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2015-3-page-137.htm">même les indicateurs sont politiques</a>. Une connaissance standardisée ne <a href="https://theconversation.com/coronavirus-quand-lillusion-de-notre-maitrise-de-la-nature-se-dissipe-135332">supporte pas l’incertitude</a>.</p>
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<p>La route simpliste de la <a href="https://theconversation.com/penser-la-complexite-du-reve-dun-monde-simple-au-cauchemar-du-simplisme-168948">complexité</a> : alors que de nombreux auteurs évoquent une nécessité de vision globale, les apprentissages restent majoritairement compartimentés dans le cadre de disciplines différentes, dans une logique utilitaire et court-termiste du savoir. Les futurs travailleurs sont spécialisés, modelés « à la carte », et peu confrontés à la globalité des problèmes étudiés. Par exemple, qui est en charge d’un problème de commercialisation peut négliger les questions de pollution, car celles-ci n’entrent pas toujours dans ses missions et, au mieux, la responsabilité incombe à un autre acteur avec d’autres critères.</p>
<h2>Repenser les écoles de commerce</h2>
<p>Pour sortir de ces paradoxes, il semble a minima nécessaire de repenser les choix de positionnement stratégique des écoles de commerce : pour quoi éduquent-elles et quelles contributions apportent-elles à leurs parties prenantes et à l’ensemble de la société ? Pour ce, trois pistes nous semblent pertinentes :</p>
<p>Il s’agit d’abord de placer le respect du vivant et la redéfinition du bien commun au centre de la réflexion économique et managériale. Ceci remettra en cause certaines évidences agissant dans le monde managérial (par exemple, le coût est une réalité ponctuelle et objective, les actionnaires sont les propriétaires de l’entreprise, les besoins sont hiérarchisés selon la <a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-rehabilite-la-pyramide-des-besoins-de-maslow-132779">pyramide de Maslow</a>, on ne peut pas gérer ce qui ne se mesure pas, etc.). Cela suppose donc de favoriser la pensée multiple par une approche transdisciplinaire et trans-théorique (une autre façon de concevoir les « départements », les cours, favoriser des approches cliniques, etc.).</p>
<p>Il s’agit ensuite de mener un travail critique sur les savoirs dominants. Une rupture semble nécessaire avec les évidences du néo-capitalisme (concurrence, compétition, spécialisation, individualisme, offensive) ainsi qu’une attention plus aiguë à la compréhension des problèmes énoncés par les acteurs. Cela peut se faire avec une prise en compte systématique du caractère tridimensionnel (environnemental, social et psychologique) des contextes d’action. Par exemple, les questions de licenciement, de délocalisation, de choix de matériaux, etc. seraient analysées – et donc résolues – différemment. Peut – être commencer par ouvrir un vrai débat sur les gourous du management dans les cours mêmes.</p>
<p>Enfin, une prise de conscience individuelle reste indispensable : Le modèle du gagnant, du leader, de l’entrepreneur qui peut sauver « sa peau » dans une société qui incrimine les « perdants » devrait être foncièrement remis en cause dans la pédagogie ; il serait pour cela utile de retravailler les conditions de « l’excellence » (Awards, compétition, systèmes quantitatifs d’évaluation, QCM, etc.).</p>
<p>Au bilan, les écoles doivent donc accompagner un mouvement vers un nouveau « monde managérial » responsable et <a href="https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/memo-nouvelle-classe-ecologique-bruno-latour/">conscient de la finitude des ressources</a>. Les changements structurels des EC (de donneuses de solutions prêtes à implémenter, à guides de réflexion complexe et contextualisée) peuvent contribuer à faire émerger de nouvelles économies où seront à nouveau puissamment réunis l’homme, le vivant et la Terre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’année 2022 restera marquée par des discours engagés lors des cérémonies de remises des diplômes. Une situation qui place les établissements de formation en gestion face à leurs paradoxes.Wafa Khlif, Professeure de contrôle de gestion, TBS EducationMartine Boutary, Professeur, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1923122022-12-05T19:01:29Z2022-12-05T19:01:29ZPourquoi envoyer de futurs managers en stages ouvriers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498295/original/file-20221130-14-bcxfuj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C18%2C4013%2C2999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Louis, étudiant à l'ESSEC, en stage chez SEPUR, à Bondy, en tant qu'éboueur, lors de l'Expérience Terrain.</span> <span class="attribution"><span class="source">Yann Kerninon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Elle s’appelle Laura et elle démonte des pneus de camions frigorifiques chez Petit Forestier à Rungis. Il s’appelle Louis et il est éboueur chez SEPUR. Il a rendez-vous à son entrepôt de Bondy à 4h45 chaque matin, parce que le camion poubelle qui se met en route à 5h ne l’attendra pas. Elles s’appellent Lou et Justine. Elles font des frites, la caisse, le nettoyage chez Burger King, l’une à Marseille, l’autre à Nantes Saint-Herblain. Ils s’appellent Laura, Gabin, Arnaud et Paul et, à l’Auberge des Migrants, ils coupent du bois et effectuent des distributions de repas dans les ruines misérables de la Jungle de Calais, entre la mafia des passeurs et les opérations de police.</p>
<p>À peine sortis de classe préparatoire et après seulement un mois sur le campus, ils sont 430 étudiants et étudiantes du programme Grande École de l’ESSEC à être ainsi en action dans toute la France, dans des <a href="https://www.emmausexperience.org/fr/imane-et-victor-sont-tous-deux-etudiants-en-premiere-annee-a-lessec-ils-ont-realise-leur-experience-terrain-dune-duree-de-4-semaines-a-emmaus-planay-en-bourgogne/">associations</a>, des ateliers, des foyers d’accueil ou des structures d’insertion. Leur participation à cette « Expérience Terrain » est obligatoire et constitue une condition de validation de leur diplôme.</p>
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<p>Créé en 2007, à l’initiative du <a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-bibard-857019/articles">Laurent Bibard</a>, et sous l’impulsion de <a href="https://communio.fr/auteur/1443/hugues-derycke">Hugues Derycke</a> et moi-même, l’Expérience Terrain est l’héritière du stage ouvrier. Tradition de longue date à l’ESSEC, celui-ci était tombé en désuétude au début des années 90, notamment en raison de l’hétérogénéité des missions trouvées par les étudiants : certains faisaient effectivement « les trois-huit » chez Renault alors que d’autres faisaient quelques photocopies dans l’entreprise familiale.</p>
<h2>Confronter ses certitudes au réel</h2>
<p>Ainsi, au moment de réactiver l’esprit du stage ouvrier, deux décisions majeures ont été prises. Premièrement, c’est l’ESSEC qui trouverait 100 % des stages afin de garantir la qualité des missions. Deuxièmement, outre le monde du travail industriel, logistique et commercial, l’Expérience Terrain concernerait également l’éducation prioritaire, l’aide sociale et alimentaire, les actions en direction des personnes handicapées, des réfugiés et des migrants, la prise en charge de la toxicomanie, du grand âge, la santé, c’est-à-dire tous les registres de la précarité et de la vulnérabilité.</p>
<p>Le réseau de partenaires du programme va donc du plus grand groupe international à la plus petite association de quartier en passant par des acteurs publics. Toutes les Expériences Terrain ont toutefois en commun quelques critères incontournables : le stage dure quatre semaines à temps plein, il consiste en un travail exclusivement de terrain, à un poste d’exécutant, au sein d’une organisation structurée et comporte, le plus souvent, un aspect physique.</p>
<p>Dès sa création, les visées pédagogiques de <a href="https://www.rts.ch/audio-podcast/2019/audio/tout-un-monde-presente-par-eric-guevara-frey-25088717.html">l’Expérience Terrain</a> étaient claires. La formation d’un manager ne peut se limiter à une forte sélection au concours combinée à un enseignement en management strictement académique et théorique. A ces deux aspects décisifs du parcours de formation à l’ESSEC devait s’ajouter une troisième dimension plus opérationnelle. Ainsi l’enjeu de l’Expérience Terrain est-il double. Il s’agit d’abord de confronter les étudiants à une organisation, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une association, et cela de l’intérieur, sur le terrain et non pas d’un point de vue théorique et surplombant ou directement à un poste de management.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/knSJl4MdQxg?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les 10 ans de l’Expérience Terrain ESSEC.</span></figcaption>
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<p>Ensuite, il s’agit d’une forte confrontation au réel et, notamment, à une rencontre de l’autre dans toute sa diversité culturelle, sociale, économique, géographique, sanitaire, éducative… Il s’agit aussi d’oser faire confiance à nos étudiants en les poussant vers une expérience qui peut s’avérer difficile et déconcertante. Inévitablement, l’Expérience Terrain déloge les étudiants de certaines certitudes. Après un parcours généralement brillant, mais essentiellement fondé sur des enseignements théoriques dans une salle de classe, la confrontation au réel, à l’autre et à la difficulté de l’action rouvre de façon stimulante tout le champ du doute et du questionnement. Cela suppose toutefois, en retour, un accompagnement attentif et vigilant.</p>
<h2>L’expérience de l’altérité</h2>
<p>Il est impossible de savoir, et encore moins de préjuger, ce que chaque étudiant de l’ESSEC apprend de son Expérience Terrain. Toujours est-il que 88 % d’entre eux affirment avoir appris et progressé et que 95 % sont satisfaits du programme. Pourtant, nous ne parlons pas ici de connaissances académiques ou de techniques. Nous parlons d’un savoir plus intime qui, souvent, n’appartient qu’à celui ou celle qui en fait l’expérience. « Faire une expérience avec quoi que ce soit […], cela veut dire le laisser venir sur nous, qu’il nous atteigne, nous renverse et nous métamorphose », écrivait Heidegger dans <a href="https://www.vrin.fr/livre/9782070239559/acheminement-vers-la-parole"><em>Acheminement vers la parole</em></a>. Et c’est bien là toute la puissance de ce que l’on nomme la <a href="https://theconversation.com/apprendre-par-lexperience-quand-les-ecoles-reprennent-la-lecon-de-rousseau-144901">« pédagogie par l’expérience »</a> : elle nous fait apprendre par le corps, le cœur, les émotions ce qu’aucun propos purement intellectuel ne peut rendre perceptible.</p>
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<p>C’est pourquoi un travail pédagogique de réflexion sur les faits et le ressenti accompagne l’Expérience Terrain <a href="https://www.essecalumni.com/article/prix-de-la-fondation-essec-2018-les-professeurs-a-l-honneur/28/03/2018/3037">sous la direction de la Pr. Junko Takagi</a> et d’une vingtaine de facilitateurs. C’est pourquoi, également, un service dédié à l’apprentissage par l’expérience existe désormais à l’ESSEC. Coordonné par Agnès Zancan, il organise plusieurs étapes du parcours pédagogiques de l’ESSEC qui articulent apprentissage théorique et expérience pratique, salle de cours et passage sur le terrain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498293/original/file-20221130-22-fhupaa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Étudiante de l’ESSEC sur son lieu de stage, chez AREAS (vente et restauration), en Bourgogne, lors de l’Expérience Terrain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yann Kerninon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En 2012, forte de son succès, l’Expérience Terrain a été étendue aux 600 étudiants du programme ESSEC BBA. Ce sont donc désormais plus de mille étudiantes et étudiants qui partent chaque année dans cette aventure. Au-delà de sa dimension pédagogique, une telle démarche a, évidemment, une portée sociale et politique. A chaque édition, un forum de l’Expérience Terrain a lieu. Il réunit au sein du campus de l’ESSEC la cinquantaine de partenaires du programme et les centaines d’étudiants qui se préparent à y participer. Pendant plusieurs heures se croisent donc, au sein du campus d’une grande école, les industriels de Saint-Gobain et les personnes handicapées mentales accueillies à <a href="http://www.arche-france.org/">L’Arche</a>, les responsables d’Ikea et des acteurs de l’aide aux toxicomanes, les volontaires de <a href="https://www.epide.fr/actualites/detail/article/stage-a-lepide-une-experience-terrain-forte-pour-les-etudiants-de-lessec/">l’EPIDE</a>, l’Éducation nationale et de petites associations ou entreprises locales.</p>
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<p>La tâche d’un établissement d’enseignement ne peut se limiter à la simple diffusion d’un savoir, ni même à une simple formation technique et opérationnelle. En particulier, la formation des cadres, des créateurs et des chefs d’entreprises de demain, des responsables économiques et politiques, suppose une élévation intellectuelle, humaine, voire spirituelle, qui passe par une rencontre avec l’autre et avec soi-même, une interrogation sur son rapport au monde et sa place dans celui-ci.</p>
<p>Il y a plus de 70 ans, <a href="https://www.radiofrance.fr/personnes/rene-char">René Char</a> écrivait :</p>
<blockquote>
<p>« Le monde contemporain nous a déjà retiré le dialogue, les jeux et le bonheur, il s’apprête à descendre au centre même de notre vie pour atteindre le dernier foyer, celui de la Rencontre. Ici il va falloir s’opposer ou mourir, se faire casser la tête ou garder sa fierté. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un temps d’isolement « distanciel », de généralisation des propos simplistes et des oppositions binaires, voire violentes, l’Expérience Terrain constitue une résistance à cette dislocation du lien humain et de la pensée, un éloge en action de la complexité du monde et de la rencontre de l’autre. Depuis quinze ans, ce programme a touché plus de 10 000 étudiants qui en portent le souvenir et la trace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192312/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Kerninon travaille pour l'ESSEC. </span></em></p>Depuis 15 ans, à travers l’« Expérience Terrain », l’ESSEC réinvente le stage ouvrier. Une confrontation au réel qui invite les étudiants de première année à interroger leurs certitudes.Yann Kerninon, Coordinateur expérience terrain, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1780782022-03-07T20:16:58Z2022-03-07T20:16:58ZL’enjeu sociétal de la ghettoïsation sexuelle des grandes entreprises<p>L’arrivée en masse des femmes sur le marché du travail salarié fut le grand changement de la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle. Entre 1975 et 2008, la population active s’est accrue de 5,1 millions. Les femmes représentent 86 % de cette augmentation (+ 4,4 millions). La possibilité donnée aux femmes de suivre toutes les filières de formation de l’enseignement supérieur devait théoriquement leur offrir l’accès à tous les niveaux hiérarchiques et à tous les secteurs industriels. Or, la réalité montre que cette féminisation du marché du travail ne s’est pas faite de manière homogène en termes de niveaux hiérarchiques et de secteurs d’activité.</p>
<p>Le début du XXI<sup>e</sup> siècle se caractérise par une faible présence des femmes dans les instances de gouvernance des entreprises. Pour favoriser une plus grande mixité, le législateur a imposé en 2011 un quota de 40 % femmes dans les conseils d’administration puis, en 2021, un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2021-5-page-97.htm?contenu=resume">quota de 40 % de femmes dans les comités exécutifs à compter de 2030</a>.</p>
<h2>Ghettoïsation sexuelle</h2>
<p>Une autre forme d’hétérogénéité s’est instaurée en fonction des secteurs industriels. L’exemple des entreprises du CAC40 montre que certaines entreprises ont des populations très féminines, tant au niveau cadre que non-cadre (L’Oréal, LVMH, Hermès. Kering, BNPParibas…), et d’autres très masculines (ArcelorMittal, Airbus, Thalès, Vinci, Alstom…). Il y a un phénomène de bipolarisation sexuelle des grandes entreprises avec <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-3-page-70.htm">très peu d’employeurs ayant une réelle mixité</a> de 50 % de femmes et d’hommes dans leurs effectifs.</p>
<p>L’<a href="https://www.skema-bs.fr/facultes-et-recherche/recherche/observatoire-de-la-feminisation">Observatoire Skema de la féminisation des entreprises</a> a mis en évidence une accentuation de cette bipolarisation, notamment au niveau de l’encadrement. En 2007, les entreprises du CAC40 comptaient en moyenne 28,68 % de femmes au niveau cadre et 33,47 % en 2021. Cette augmentation a été plus forte pour les entreprises dont l’encadrement était déjà très féminisé. L’Oréal a vu son pourcentage de femmes cadres passer de 53 % en 2007 à 64 % en 2021 ; LVMH de 56 % à 64 % ; Kering de 48,1 % à 55,4 % et BNPParibas de 38,7 % à 46 %. Dans le même temps, le pourcentage de femmes cadres n’est passé que de 12,3 % à 12,6 % chez ArcelorMittal, de 12 % à 14 % chez Airbus, de 21,7 % à 24,3 % chez Renault et de 15 % à 22,3 % chez Alstom.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448891/original/file-20220228-25-1g92pi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Féminisation des effectifs cadres et des salariés des entreprises du CAC40 en 2021.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.skema-bs.fr/facultes-et-recherche/recherche/observatoire-de-la-feminisation">Observatoire Skema de la féminisation des entreprises</a></span>
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<p>Les formations suivies par les filles les préparent davantage à travailler dans les entreprises « féminines » et ces dernières attirent plus les filles que les garçons. Les mécanismes inverses sont à l’œuvre pour les entreprises « masculines ». La concomitance des deux phénomènes conduit à une dynamique de <a href="https://www.skema-bs.fr/Documents/faculte-recherche/2018-GRH-gender-diversity.pdf">ghettoïsation sexuelle des grandes entreprises</a>, car les entreprises masculines ont des difficultés à recruter des femmes. Pour leur part, les entreprises féminines le sont de plus en plus car elles attirent beaucoup de femmes et qu’elles ont des difficultés à recruter des hommes.</p>
<p>Dans l’enseignement professionnel, les filles représentent 92 % des effectifs de la filière « coiffure, esthétique, autres services aux personnes » (qui intéresse L’Oréal), 87 % en « matériaux souples : textiles, habillement, cuir » (LVMH) ; mais que 1 % en « énergie, génie climatique » (Engie) ou 3 % en « mécanique, électricité, électronique » (Alstom).</p>
<p>Le phénomène est identique dans l’enseignement supérieur. Dès le lycée, les garçons s’orientent plus que les filles vers les mathématiques, la physique, l’informatique et les sciences de l’ingénieur. En 2019, 77,8 % des garçons en première générale ont fait le choix des « mathématiques » comme enseignement de spécialité <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2021-322668">contre 61,4 % des filles</a>. Les garçons ont choisi à 56,5 % « physique-chimie » contre 39 % pour les filles, à 15,2 % « numérique et sciences informatiques » contre 2,6 % pour les filles, à 11,1 % « sciences de l’ingénieur » contre 1,6 % pour les filles.</p>
<p>Inversement, les filles prévalent dans les filières plus littéraires : 42,4 % d’entre elles ont choisi la spécialité « sciences économiques et sociales » contre 35,1 % des garçons, 39,1 % « histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » contre 29,6 % des garçons, 34,9 % « langues, littérature et cultures étrangères et régionales » contre 20,1 % des garçons, 25,3 % « humanités, littérature et philosophie » contre 9 % pour les garçons. Seule la spécialité « sciences de la vie et de la terre » est peu différenciée (44,7 % des choix des filles et 40,6 % de ceux des garçons).</p>
<h2>Différences de préférences</h2>
<p>Ces choix éducatifs différenciés se traduisent par une <a href="https://www.ipp.eu/publication/janvier-2021-quelle-democratisation-grandes-ecoles-depuis-le-milieu-des-annees-2000/">bipolarisation sexuelle de l’enseignement supérieur</a> où les filles ne représentent que 31 % des classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, 26 % des étudiants des écoles d’ingénieurs mais 51 % des écoles de commerce et 60 % des IEP. En 2016, Polytechnique comptait 16 % de filles, HEC Paris 40 % et l’IEP Paris 57 %.</p>
<p>La faible présence des filles dans les écoles d’ingénieur et leur plus forte présence dans les écoles de management et les IEP expliquent en partie le faible pourcentage de femmes cadres dans les entreprises qui recrutent principalement dans les écoles d’ingénieurs (Airbus, Renault, ArcelorMittal, Thalès) et leur plus forte présence dans les entreprises qui recrutent dans les écoles de management et les IEP (L’Oréal, LVMH, BNPParibas, Kering).</p>
<p>Les filles et les garçons diffèrent également dans leurs préférences professionnelles. Selon des données que nous avons pu consultées, L’Oréal, entreprise très féminisée, est l’employeur préféré des filles diplômées d’école d’ingénieurs alors qu’elle n’est que le 35<sup>e</sup> pour les garçons. LVMH est 7<sup>e</sup> pour les ingénieures (25<sup>e</sup> pour les garçons) ; Sanofi est 14<sup>e</sup> pour les ingénieures (54<sup>e</sup> pour les garçons), Danone est 20<sup>e</sup> pour les ingénieures (67<sup>e</sup> pour les garçons).</p>
<p>Si Airbus (1ère pour les ingénieurs et 3<sup>e</sup> pour les ingénieures) et Thalès (2<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup>) font consensus chez les filles et les garçons, en revanche l’automobile est marquée par une grande différence (Renault est 10<sup>e</sup> pour les garçons ingénieurs et 31<sup>e</sup> pour les filles ; Stellantis est 13<sup>e</sup> pour les garçons et 39<sup>e</sup> pour les filles) ainsi que le transport ferroviaire et l’énergie (Alstom est 27<sup>e</sup> pour les garçons ingénieurs et 67<sup>e</sup> pour les filles).</p>
<p>Ces différences de préférences induisent un vivier limité de femmes ingénieurs pour les entreprises qui en recrutent. En 2019, en France, les femmes ne représentaient que <a href="https://www.femmes-ingenieures.org/offres/gestion/actus_all_82_31560-1/resultats-enquete-annuelle-de-l-observatoire-de-l-iesf.html">23 % des ingénieurs</a>. 36 % d’entre elles étaient dans l’industrie (contre 39 % des hommes ingénieurs) avec de grandes différences entre industries. Dans les transports (automobile, aéronautique, spatial et ferroviaire) elles ne représentent que 17 % des ingénieurs contre 37,4 % dans les industries agroalimentaires.</p>
<p>Des différences marquées entre les filles et les garçons sont également identifiables parmi les diplômés des écoles de management. Si LVMH est l’employeur préféré des deux sexes, L’Oréal est 2<sup>e</sup> pour les filles mais que 26<sup>e</sup> pour les garçons ; Danone est 9<sup>e</sup> pour les filles et 32<sup>e</sup> pour les garçons ; Kering est 19<sup>e</sup> pour les filles et 52<sup>e</sup> pour les garçons. Inversement, dans l’industrie automobile, Renault est 41<sup>e</sup> pour les garçons et 83<sup>e</sup> pour les filles (Stellantis est respectivement 42<sup>e</sup> et 81<sup>e</sup>), Airbus est 21<sup>e</sup> pour les garçons et 41<sup>e</sup> pour les filles ; TotalEnergies est 30<sup>e</sup> pour les garçons et 50<sup>e</sup> pour les filles.</p>
<p>La lutte contre la ghettoïsation sexuelle des entreprises suppose donc une remise en cause de la bipolarisation sexuelle des choix éducatifs et des préférences professionnelles. Ces phénomènes sociaux restent cependant difficilement influençables par le législateur, ou même par les entreprises, car ils se construisent à travers le processus de socialisation au sein de la sphère familiale et éducative préalablement à l’entrée sur le marché du travail. C’est donc une révolution culturelle qu’il convient d’initier dans ces sphères pour améliorer la mixité des entreprises ; mixité qui est un <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2010-1-page-181.htm">facteur de croissance et de performance des entreprises</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Ferrary ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les préférences en termes d’orientation professionnelle constituent aujourd’hui un obstacle à la mixité dans les grands groupes français.Michel Ferrary, Professeur de Management à l'Université de Genève, Chercheur-affilié, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743102022-01-26T19:29:05Z2022-01-26T19:29:05ZL’ubérisation mondiale de l’enseignement supérieur est-elle éthique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439191/original/file-20220103-84343-1prkxqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=386%2C835%2C1693%2C1122&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’essor des outils numériques a entraîné l’irruption de nouveaux acteurs dans l’économie de l’apprentissage.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:University_of_Exeter_Building-One.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fin 2021, une nouvelle faille s’est ouverte dans le modèle économique d’Uber : La <a href="https://www.economist.com/britain/2021/12/11/a-court-bashes-uber-into-compliance-again">Haute Cour de Londres a condamné la plate-forme</a> pour sa relation contractuelle avec les chauffeurs que la société insiste à considérer (et à traiter) comme des « entrepreneurs » indépendants et non comme des employés subordonnés. Cette décision fait suite à un arrêt similaire de la Cour suprême en février 2021, qui exhortait Uber à reconnaître certains droits à ses chauffeurs, tels que le <a href="https://www.theguardian.com/technology/2021/feb/19/uber-drivers-workers-uk-supreme-court-rules-rights">salaire minimum et les congés payés</a>.</p>
<p>Ces arrêts ne représentent pas seulement un risque juridique pour la plate-forme, au Royaume-Uni et ailleurs, mais appellent, une fois de plus, à un examen de la base éthique du modèle économique de l’entreprise.</p>
<p>Certains commentateurs ont été si critiques qu’ils ont demandé aux régulateurs de « <a href="https://hbr.org/2017/06/uber-cant-be-fixed-its-time-for-regulators-to-shut-it-down">fermer Uber</a> », arguant que son modèle commercial est intentionnellement « fondé sur la violation de la loi » comme moyen de créer un avantage concurrentiel. L’ubérisation de notre économie montre-t-elle son côté obscur ?</p>
<h2>« Gig economy »</h2>
<p>Le modèle commercial innovant d’Uber a connu un tel succès qu’il a été reproduit par de nombreux autres acteurs de la « gig economy » (économie à la tâche), néologisme désignant la transformation des relations permanentes entre employeurs et travailleurs en une prestation de service temporaire et contractuelle (un « gig ») facilitée par un orchestrateur de réseau. Cette ubérisation a eu lieu dans de nombreuses autres activités économiques, comme la livraison de nourriture (Foodora, Deliveroo et Uber lui-même), le tourisme (Airbnb, Couchsurfing), et même les soins de santé, avec les services de consultation en ligne.</p>
<p>Pourtant, cette innovation commerciale semble entraîner un risque de régression sociale. Par exemple, certains chercheurs ont souligné comment, en Australie, la Fair Work Commission soutient que les travailleurs de l’économie des petits boulots sont victimes d’une <a href="https://theconversation.com/how-to-stop-workers-being-exploited-in-the-gig-economy-103673">« exploitation moderne »</a>, car les droits fondamentaux des travailleurs ne leur sont pas appliqués. D’autres critiques pointent les « <a href="https://theconversation.com/uber-might-not-take-over-the-world-but-it-is-still-normalising-job-insecurity-127234">pratiques d’emploi parasitaires</a> » d’Uber, car l’entreprise réalise des profits privés en profitant des systèmes de protection sociale et des incitations économiques existantes (un exemple de <a href="https://sk.sagepub.com/reference/sage-encyclopedia-of-business-ethics-and-society-2e/i19117.xml">« free riding »</a>, c’est-à-dire de « passager clandestin », un problème bien connu dans les sciences sociales).</p>
<p>Au Royaume-Uni, la création d’une plate-forme en ligne pour fournir des services de santé mentale a été considérée comme une « dévalorisation » et soulève de sérieuses inquiétudes quant à la <a href="https://theconversation.com/mental-health-services-in-england-are-being-uberised-and-thats-bad-for-patients-and-therapists-167065">perte de l’approche centrée sur la personne</a>, qui constitue un principe fondamental de la thérapie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le modèle économique d’Uber n’a pas tardé à dépasser le secteur des transports.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tamaiyuya/49268172768">Yuya Tamai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>En ce qui concerne le monde de l’éducation, en particulier les établissements d’enseignement supérieur, il a été affirmé que le <a href="https://theconversation.com/business-schools-en-route-pour-luberisation-des-enseignants-chercheurs-121069">processus d’ubérisation a déjà commencé</a>. En effet, on retrouve dans ce secteur au moins trois dimensions qui caractérisent le processus.</p>
<p>Premièrement, avec la numérisation de l’apprentissage, de nouveaux acteurs entrent dans le secteur en tant que « fournisseurs » d’éducation (par exemple, LinkedIn Learning), offrant des expériences d’apprentissage à la demande. Deuxièmement, nous assistons à l’essor des <a href="https://www.managementdelaformation.fr/gestion-de-la-formation/2021/10/06/la-formation-dans-les-entreprises-globales-1-les-universites-d-entreprise/">« universités d’entreprise »</a>, qui, par exemple dans la formation en sciences sociales, en management et en économie ou encore en technique et ingénierie, entrent en concurrence avec les établissements d’enseignement traditionnels dans la transmission de compétences, en particulier avec les programmes de formation des cadres.</p>
<p>Ces deux nouveaux acteurs, malgré leur savoir-faire spécifique et leur expérience professionnelle, ne disposent cependant pas du même niveau de ressources pédagogiques et d’expérience que les universités et autres établissements d’enseignement bien établis.</p>
<p>Enfin, une troisième dimension de l’ubérisation peut être trouvée au sein même des établissements d’enseignement supérieur. Elle fait référence aux différents accords contractuels qui coexistent pour le corps enseignant. Dans les écoles de management et facultés d’économie-gestion, par exemple, les normes d’accréditation EQUIS exigent que les écoles disposent d’un « corps professoral de base bien qualifié » composé de professeurs permanents, suffisant pour créer une <a href="https://www.efmdglobal.org/wp-content/uploads/2021_EQUIS_Standards_and_Criteria-1.pdf">« communauté académique viable »</a> et active tant dans la recherche que dans l’enseignement.</p>
<p>Comme dans d’autres facultés et dans de nombreux contextes géographiques (des États-Unis à l’Italie, en passant par le Royaume-Uni et la France), les établissements d’enseignement supérieur ont également souvent recours, en plus de ce corps professoral permanent, à un certain nombre de professeurs vacataires. Ceux-ci sont engagés (souvent temporairement, parfois avec un contrat à durée indéterminée sur une base horaire) pour soutenir la capacité des institutions à enseigner des classes spécifiques, à gérer certains projets (par exemple, l’encadrement et la supervision d’étudiants), ou à intervenir dans des programmes spécifiques (par exemple, dans la formation de professionnels).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1166274271401971712"}"></div></p>
<p>Il existe plusieurs bonnes raisons de soutenir la coexistence d’un corps professoral permanent et d’un corps professoral auxiliaire, notamment : fournir un soutien essentiel au corps professoral de base ; améliorer la pertinence professionnelle des cours proposés ; élargir le champ de l’enseignement commercial (par exemple, introduire des cours sur l’intelligence artificielle) ; créer de nouvelles formes d’emploi (certaines personnes ne sont pas intéressées par un travail subordonné et/ou à temps plein dans l’éducation).</p>
<p>Pourtant, il semble raisonnable de se demander si certains aspects de l’ubérisation de l’éducation ne soulèvent pas des préoccupations éthiques pour les établissements d’enseignement supérieur, notamment liées à la précarité de certains de ces intervenants vacataires, en particulier ceux en quête d’un emploi « permanent » dans ce secteur. Au reste, la pandémie semble avoir <a href="https://www.theguardian.com/education/2020/jun/03/my-gig-work-as-a-professor-is-more-precarious-than-ever-in-this-pandemic">accentué la précarité</a> des professeurs non permanents (1,3 million aux États-Unis).</p>
<h2>Similitudes</h2>
<p>Si nous analysons le modèle commercial d’Uber en associant la perspective de la théorie des parties prenantes (« stakeholder theory ») à la responsabilité sociale des entreprises, comme nous le suggérons dans nos <a href="https://www.cambridge.org/core/books/abs/stakeholder-theory/stakeholder-theory-and-corporate-social-responsibility/28C25B8074B41CD208725E45E5FEC820">recherches</a>, nous sommes en mesure d’identifier les forces et les faiblesses du processus de création de valeur de cette entreprise innovante.</p>
<p>Il ne fait aucun doute qu’Uber a créé de la valeur pour de nombreuses parties prenantes. Les clients, en particulier les jeunes générations, aiment l’innovation qui a transformé le service de taxi en une simple application sur leur smartphone, et apprécient les fonctions de sécurité supplémentaires (identification du chauffeur et suivi de la course) fournies par la plate-forme, sans parler de ses prix généralement plus bas.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les actionnaires ont eux aussi clairement profité du succès du modèle économique d’Uber : Le cours de l’action <a href="https://www.bbc.com/news/business-56123668">a augmenté de 62 % au cours de l’année 2020</a>, enregistrant des performances bien supérieures à celles de son principal concurrent, Lyft.</p>
<p>Enfin, les employés (du moins, certains d’entre eux) apprécient la façon dont Uber crée de nouvelles opportunités d’emploi, en rendant accessibles des formes de travail à temps partiel qui les aident à arrondir leur salaire mensuel, sans investir les ressources nécessaires pour devenir un chauffeur de taxi professionnel.</p>
<p>Malgré ces avantages, une analyse éthique basée sur la théorie des parties prenantes demande une approche équilibrée, selon laquelle intérêts de toutes les parties prenantes sont pris en considération. Cet équilibre harmonieux semble cependant être clairement compromis à la lumière de la condamnation d’Uber. En particulier, la Cour suprême a considéré dans son jugement <a href="https://www.bbc.com/news/business-56123668">quatre éléments clés</a> pour exiger que l’entreprise traite ses chauffeurs comme des travailleurs subordonnés :</p>
<ul>
<li><p>Uber fixait le tarif, ce qui signifiait qu’ils dictaient combien les chauffeurs pouvaient gagner ;</p></li>
<li><p>Uber fixait les termes du contrat et les chauffeurs n’avaient pas voix au chapitre ;</p></li>
<li><p>Les demandes de transport sont limitées par Uber qui peut pénaliser les chauffeurs s’ils refusent trop de transports ;</p></li>
<li><p>Uber surveille le service d’un chauffeur par le biais du classement par étoiles et a la capacité de mettre fin à la relation si, après plusieurs avertissements, le service ne s’améliore pas.</p></li>
</ul>
<p>Comment les établissements d’enseignement supérieur se comparent-ils à Uber dans la manière dont ils traitent leur personnel enseignant ? Si nous examinons les quatre mêmes aspects clés identifiés ci-dessus, nous pourrions trouver des similitudes (et quelques différences) avec la relation contractuelle sous laquelle certains établissements engagent leurs professeurs vacataires temporaires (certains enseignants payés à l’heure sont engagés dans certains contextes sur une base permanente, contrairement aux chauffeurs Uber) :</p>
<ul>
<li><p>Fixation du tarif : Les écoles de commerce fixent le taux de rémunération horaire des professeurs adjoints qui enseignent dans leurs programmes (toutefois, cela fait l’objet d’un certain degré de négociation avec chaque enseignant, en fonction de son expérience professionnelle et/ou de ses qualifications) ;</p></li>
<li><p>Fixation des termes du contrat : Les établissements fixent les conditions générales du contrat ; toutefois, ici aussi, certains éléments peuvent être négociés individuellement ;</p></li>
<li><p>Contrôle de la prestation de services : Les vacataires acceptent de fournir des services d’enseignement ; le nombre d’étudiants affectés à chaque classe est géré et contrôlé par l’administration de l’institution. Les vacataires peuvent exprimer leurs préférences mais n’ont pas le pouvoir contractuel de négocier le nombre d’étudiants qui assisteront à leurs cours (en d’autres termes, ils n’ont pas le droit de refuser de fournir leurs services à un étudiant, sauf en cas de mesures disciplinaires) ;</p></li>
<li><p>Suivi de la qualité : Les écoles et universités contrôlent typiquement les performances d’enseignement de l’ensemble de leur personnel (permanent et auxiliaire) via les évaluations des étudiants et d’autres moyens, et peuvent décider de modifier ou de ne pas renouveler le contrat des professeurs vacataires temporaires chaque semestre ou année universitaire.</p></li>
</ul>
<p>Si l’ubérisation du secteur de l’éducation, à travers les continents, est un phénomène réel, nombre d’institutions d’enseignement supérieur devraient s’inquiéter du fait que leurs relations contractuelles avec les professeurs vacataires temporaires pourraient potentiellement présenter certains risques juridiques n’étant pas sans rappeler ceux auxquels Uber est confronté avec ses chauffeurs. En outre, d’un point de vue éthique, cette préoccupation apparaît encore plus évidente dans un secteur en <a href="https://www.chronicle.com/article/how-the-university-became-neoliberal/">voie de « néolibéralisation »</a>
dont les acteurs affichent néanmoins bien souvent dans leur mission et leurs valeurs une aspiration claire à contribuer au progrès social et environnemental.</p>
<p>L’introduction de nouveaux cours sur la responsabilité sociale, la diversité et le bien-être dans les cursus ou la nomination de responsables du développement durable dans les établissements d’enseignement supérieur, bien qu’il s’agisse d’actions louables, ne suffiront pas à mettre un terme aux critiques à l’égard de l’ubérisation de l’éducation si cela entraîne une atteinte aux droits des travailleurs. Dans ce cas, les étudiants n’hésiteraient pas à accuser les établissements de « bla-bla-bla ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simone de Colle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines pratiques reprochées à la plate-forme dans sa relation avec ses chauffeurs se retrouvent dans le secteur de l’éducation.Simone de Colle, Associate Professor, Business Ethics & Strategy, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1462682020-10-06T18:55:50Z2020-10-06T18:55:50ZÉtudiants, qu'ont-ils à faire sur LinkedIn ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361397/original/file-20201002-17-mcmgzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C14%2C1914%2C1261&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les étudiants doivent comprendre que leur profil LinkedIn ne peut être qu’une simple copie de leur CV.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/computer-pc-workplace-home-office-1185626/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« Avez-vous un compte LinkedIn ? » À chaque fois qu’on leur pose cette question, au début de cours sur le « Personal Branding » que nous animons à l’ESCP Business School, 100 % des étudiants lèvent la main. Mais lorsqu’on les interroge sur la manière dont ils utilisent ce réseau social, leurs réponses convergent vers ce type de propos : « je sais que je dois y être mais je ne sais pas comment agir et m’en servir réellement ».</p>
<p>Pourquoi ces étudiants, pourtant souvent addicts à Facebook et à Instagram, semblent-ils entretenir une relation circonspecte avec ce réseau social, et ce, alors même que les recherches soulignent les effets positifs de l’usage de LinkedIn sur la carrière ? (<a href="https://www-sciencedirect-com.revproxy.escpeurope.eu/science/article/pii/S000187912030021X">Davis et al</a>).</p>
<p>Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer leur posture paradoxale.</p>
<h2>Apparaître plus que paraître</h2>
<p>Force est de constater que de nombreux étudiants se sentent obligés d’être présents sur LinkedIn mais ne savent pas exactement pourquoi. Leur présence sur Facebook, Instagram et plus récemment TikTok, est devenue pour eux « une norme implicite de rigueur » où ils exposent plutôt facilement des « métaphorisations » d’eux (selon les propos de <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-numerique-2013-3-page-111.htm">De Rigail</a>, 2013). Ils ont ainsi pris l’habitude de prendre part à des « mondanités numériques » qu’ils ont sélectionnées, pour entretenir ou élargir leurs liens amicaux, ou tout simplement se montrer et être vus.</p>
<p>Loin de ces visées personnelles, LinkedIn correspond plus pour eux à une norme sociale développée par d’autres, à laquelle ils doivent adhérer pour prétendre développer leurs réseaux professionnels, et qu’ils ont souvent du mal à identifier et à choisir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"885488492322713600"}"></div></p>
<p>Si les étudiants ont pris l’habitude de parler d’eux sur les réseaux sociaux, ils ont ainsi souvent plus de facilités à montrer leur identité personnelle que leur identité professionnelle. Leurs photos, leurs participations à des événements et leurs passions sont exposées plus facilement que leurs parcours et leurs réalisations. Le « paraître », parfois assorti d’artifices ou de projections de soi, tend ainsi à être une démarche plus aisée pour ces jeunes adultes, que d’« apparaître » à l’aide de faits et de réalisations aux yeux d’une nouvelle sphère professionnelle.</p>
<p>L’enjeu de LinkedIn est d’élargir leur réseau au-delà de leur cercle rapproché de connaissances. Mais les jeunes s’arrêtent parfois à cette étape, n’osant pas solliciter des personnes plus expérimentées. Ils peinent à dynamiser leur profil, par leurs activités, par des réactions ou des posts. Beaucoup s’estiment peu légitimes à relayer de l’information, à réagir aux activités des autres et à créer de l’information.</p>
<p>LinkedIn offre <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Social-Media-Use-in-Organizations%3A-Exploring-the-of-Treem-Leonardi/67bb79d762425ec00f37749adde2378200e47cd5">quatre types de potentialités</a> à ses membres :</p>
<ul>
<li><p>la visibilité</p></li>
<li><p>la persistance (en récupérant les posts)</p></li>
<li><p>l’édition de contenu</p></li>
<li><p>l’association entre les personnes.</p></li>
</ul>
<p>Beaucoup d’étudiants se contentent d’exploiter le potentiel de visibilité, a minima, en renseignant les rubriques avec des copier-coller de leurs CV, et donc en restant une ombre sur LinkedIn avec le sentiment du devoir accompli. Ils passent alors à côté des opportunités offertes par ce réseau social qui compte <a href="https://www.forbes.fr/business/les-chiffres-fous-des-reseaux-sociaux/">700 millions</a> d’inscrits dans le monde et <a href="https://www.linkinfluent.com/chiffres-cles-linkedin/#_ftn8">20 millions</a> de membres en France (soit 64 % de la population active).</p>
<p>Les étudiants ont dès lors à (re)penser leur présence sur LinkedIn, et ce, en suivant trois objectifs.</p>
<h2>Se différencier</h2>
<p>Le premier objectif est d’inciter les jeunes à enrichir leur identité déclarative pour se différencier. Les étudiants doivent comprendre que leur profil LinkedIn ne peut être qu’une simple copie de leur CV. Ils doivent sortir d’une logique de substitution pour aller vers une vision de complémentarité entre ces deux outils. Il s’agit d’en dire plus et de donner envie d’en savoir plus encore.</p>
<p>Cela passe en premier lieu par des actions assez simples. La partie « infos » n’est souvent pas ou trop peu renseignée et n’attire pas l’attention de potentiels recruteurs. Au cours de formations que l’on pourrait considérer comme génériques, certains choix de spécialisations ou des réalisations (mémoires, projets…) permettent de différencier un étudiant d’un autre, d’estimer son potentiel et ses centres d’intérêt.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-risque-t-on-a-tricher-sur-son-cv-129931">Que risque-t-on à tricher sur son CV ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>De nombreuses rubriques sont aussi pertinentes et sous-utilisées par les étudiants comme les investissements dans des associations, les réalisations, les appartenances à des groupes et le suivi de personnes ou organisations. C’est donc un travail à mener avec les étudiants, pour les amener d’abord à identifier dans leurs parcours ce qu’ils pourraient mettre en valeur.</p>
<h2>Dynamiser son profil</h2>
<p>Le challenge est ensuite de ne pas se contenter de ce travail déclaratif. L’enjeu pour les étudiants est d’oser passer à une utilisation active du réseau social : nouer de nouveaux contacts, poster des informations sur leurs sujets d’intérêts professionnels et participer à des groupes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1134249324752318464"}"></div></p>
<p>Cette mise en action a un préalable incontournable pour eux : savoir pourquoi et pour quoi initier et développer ces démarches, afin d’aller vers une <a href="https://global.oup.com/academic/product/an-intelligent-career-9780190494131?cc=fr&lang=en&">posture active</a>. La cohérence de ces activités doit donc être pensée pour asseoir leur crédibilité numérique. Cela signifie donc sortir de leur spontanéité habituelle sur les réseaux sociaux pour penser son activité et ses finalités.</p>
<h2>Gérer sa réputation</h2>
<p>Le nombre de personnes dans le réseau est un indicateur certes, mais insuffisant si l’on aspire à être repéré. La diversité des membres de son réseau (organisations, postes, formations) indique aussi le capital social que peut et pourrait avoir un étudiant, futur salarié demain. Plus encore, le nombre de personnes ayant lu, réagi et commenté les posts représente un outil clef pour mesurer l’audience de leur marque personnelle et surtout son évolution.</p>
<p>Il existe des outils, comme Shield ou Social Selling Index, qui permettent de mesurer les effets de l’activité sur LinkedIn. Ces outils inscrivent la démarche, au-delà des mesures quantitatives, dans une perspective dynamique et non statique.</p>
<p>En définitive, LinkedIn permet de donner et de dépasser la première impression que l’on peut avoir sur un individu. Il donne une épaisseur numérique à une personne à travers les trois facettes de sa personnalité : déclarative, agissante et calculée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/temoignage-sur-internet-comment-inciter-les-etudiants-a-sortir-de-leurs-bulles-de-filtres-146457">Témoignage : sur Internet, comment inciter les étudiants à sortir de leurs « bulles de filtres »</a>
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<p>Comme le disait le philosophe Alain, « le secret de l’action, c’est de s’y mettre ». Concernant LinkedIn, cette étape d’activation du profil, que tout étudiant a souvent bien consciencieusement construite, est donc cruciale pour leur insertion professionnelle. Leur reste cependant le choix de penser leurs particularités, d’inventer leurs propres manières d’utiliser les fonctionnalités du réseau social et de s’adapter aux contextes professionnels auxquels ils aspirent.</p>
<p>LinkedIn n’agrège donc pas que des contraintes mais peut aussi être vu comme un espace de liberté pour permettre à ces jeunes de montrer qui ils sont, ou pourraient être, dans une sphère professionnelle. À condition de les y accompagner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Géraldine Galindo est membre de l'AGRH.
</span></em></p>LinkedIn est le réseau social professionnel sur lequel les étudiants ont l’impression de devoir être. Mais ils ne savent pas toujours en actionner toutes les fonctionnalités. Explications.Géraldine Galindo, Professeur, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1461322020-09-15T20:43:57Z2020-09-15T20:43:57ZDébat : Explosion des frais de scolarité dans les écoles de commerce, attention aux faux procès !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/357866/original/file-20200914-24-1l1fk1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C11%2C1247%2C839&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2020, les CCI ne versent plus aucune subvention aux principales écoles.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pickpik.com/classroom-computer-technology-training-classmates-computer-class-95568">Pickpik</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://misterprepa.net/actualite-ecole/levolution-des-frais-de-scolarite-combien-coute-une-grande-ecole-francaise">récent article</a>, le site Mister prépa a publié un <a href="https://i1.wp.com/misterprepa.net/wp-content/uploads/2020/08/Frais-de-scolarit%C3%A9-gliss%C3%A9es-2.png?fit=800%2C814&ssl=1&is-pending-load=1">tableau</a> soulignant l’augmentation spectaculaire des frais de scolarité dans les écoles de commerce entre 2009 et 2020.</p>
<p>Cette étude fait écho à celles de <a href="https://www.letudiant.fr/etudes/ecole-de-commerce/des-ecoles-de-commerce-de-plus-en-plus-cheres.html">L’Etudiant</a> et du site <a href="https://major-prepa.com/ecoles/etude-frais-de-scolarite-des-ecoles-de-commerce-2018-2022/">Major Prépa</a>, notamment reprise par <a href="https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/frais-de-scolarite-en-ecole-de-commerce-ou-va-largent-1174704">Les Échos</a> ou <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/les-frais-de-scolarite-des-ecoles-de-commerce-continuent-de-s-envoler_c9184ba6-9728-11e8-aa13-e08da54889c6/">Le Figaro</a>.</p>
<p>En moyenne, en dix ans, les frais de scolarité que doit payer un étudiant en école de commerce ont augmenté de 76,82 %, passant de 21 700 à 38 700 euros pour trois années d’études. Dans les écoles les plus prestigieuses, ces frais ont même doublé, passant de 25 000 à plus de 50 000 euros.</p>
<p>Face à une telle explosion, de nombreux observateurs ont dénoncé pêle-mêle des dépenses somptuaires, l’appât du gain, voire une manœuvre de reproduction sociale des classes dominantes. Les mêmes ont loué, par contraste, la frugalité égalitaire des écoles d’ingénieurs et surtout de l’université, où les frais de scolarité varient entre 170 et 610 euros par an.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357856/original/file-20200914-16-wwrnqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=768&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des frais de scolarité dans les business schools françaises.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://i1.wp.com/misterprepa.net/wp-content/uploads/2020/08/Frais-de-scolarit%C3%A9-gliss%C3%A9es-2.png?fit=800%2C814&amp;ssl=1&amp;is-pending-load=1">Mister Prépa</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, ce que montre avant tout ce tableau, c’est un phénomène passé relativement inaperçu : la privatisation des écoles de commerce.</p>
<h2>La fonte des subventions</h2>
<p>En 2009, et pour certaines depuis plus d’un siècle, les écoles de commerce étaient en très grande majorité des établissements parapublics, émanant des Chambres de commerce et d’industrie (CCI), qui en subventionnaient largement l’activité. Les frais de scolarité ne couvraient qu’une partie du coût de la formation, le reste était financé par de l’argent public.</p>
<p>Les CCI collectaient auprès des entreprises une taxe pour frais de chambre (composée de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et en reversaient une partie à leurs établissements d’enseignement. La subvention de la CCI représentait ainsi plus du quart du budget de certaines écoles.</p>
<p>La situation a commencé à évoluer à partir de 2010. L’État a estimé que les CCI devaient être réformées, et leur dotation a commencé à diminuer. Ce mouvement s’est accéléré en 2018 avec un <a href="http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2018/2017-M-071-03.pdf">rapport de l’Inspection générale des finances</a>, puis au travers de <a href="https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=A7D16F61-58A5-4DB5-A5F4-C8B18DE4B3E3&filename=737%20-%20CP%20CCI%20vf.pdf">l’article 13 de la loi Pacte</a>, qui visait notamment à réduire la fiscalité des entreprises.</p>
<p>Les CCI ont dû supporter une réduction de 400 millions d’euros de leurs recettes fiscales, ce qui les a contraintes à mettre en place des plans de restructuration particulièrement violents. On estime que, depuis 2014, elles ont déjà supprimé près de 3 000 emplois sur un total de 21 000, et le processus n’est pas achevé.</p>
<p>Bien entendu, ces bouleversements n’ont pas été sans conséquence pour les écoles de commerce : après avoir été bloquées dans un premier temps, les subventions qu’elles recevaient des CCI ont rapidement fondu. En 2020, les CCI ne versent plus aucune subvention aux principales écoles.</p>
<h2>Un changement subi</h2>
<p>Pour maintenir leur activité, les écoles ont été contraintes d’augmenter très significativement leur chiffre d’affaires. En effet, comptablement, les subventions étaient assimilables à un résultat net (elles ne nécessitaient pas de dépenses), alors qu’un surcroît du chiffre d’affaires s’accompagne d’une augmentation des coûts (pour faire plus d’heures de cours, il faut plus de salles, plus de professeurs, etc.).</p>
<p>Pour compenser la disparition d’une subvention, il est donc nécessaire de générer un chiffre d’affaires beaucoup plus important. Face à cet impératif de croissance, deux approches simultanées ont été rapidement mises en place par les écoles : l’augmentation des frais de scolarité et celle du nombre d’élèves.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4cCi5GupDc8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La dérive inquiétante des effectifs des écoles de commerce (Xerfi canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Or, pour attirer de nouveaux candidats, notamment étrangers, les écoles ont dû investir dans la communication, dans la recherche (indispensable pour figurer en bonne place dans les classements internationaux) et dans la construction de nouveaux locaux, ce qui par effet boule de neige a impliqué de trouver de nouveaux revenus, et donc de recruter toujours plus d’élèves et de leur demander de payer des frais de scolarité encore plus élevés. Au total, en dix ans, les frais de scolarité ont doublé, mais le nombre d’élèves aussi, parfois au prix de la sélectivité.</p>
<p>Il s’agit d’un changement profond du modèle économique des écoles, voire de leur raison d’être, mais ce changement, elles ne l’ont pas souhaité, elles l’ont subi.</p>
<h2>Du statut public au statut privé</h2>
<p>Parallèlement, cette course au chiffre d’affaires s’est accompagnée dans de nombreuses écoles de mesures de rigueur drastiques (blocages des salaires, plans de départs volontaires, réduction des dépenses de fonctionnement) et d’un changement de statut : passage en droit privé.</p>
<p>Historiquement, la plupart des écoles n’avaient en effet pas d’existence propre : en tant qu’établissements des CCI, elles n’étaient pas des personnes morales. Les professeurs et le personnel administratif étaient des agents des CCI.</p>
<p>Tout cela a changé avec ce qu’il est convenu d’appeler l’autonomisation des écoles. La plupart d’entre elles ont adopté le <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/l-eesc-un-statut-pour-regler.html">statut d’EESC</a> (établissement d’enseignement supérieur consulaire), créé en 2014 par la loi Mandon et, dit-on, inspiré du mode de fonctionnement des clubs de football.</p>
<p>Ce statut prévoit notamment que les écoles disposent désormais d’une personnalité morale et d’un capital, qui peut être ouvert à des investisseurs extérieurs. Cependant, la CCI doit rester actionnaire majoritaire à 51 %, aucun investisseur ne peut détenir plus de 33 % du capital, et aucun dividende ne peut être versé.</p>
<p>Même si le but des EESC reste non lucratif, il s’agit d’un statut privé, qui entérine la sortie des écoles de la sphère publique, alors que leur activité est toujours une délégation de service public : leurs diplômes sont reconnus et visés par l’État.</p>
<h2>Des comparaisons en trompe-l’œil</h2>
<p>La comparaison des frais de scolarité des écoles de commerce avec ceux des écoles d’ingénieurs et des universités est trompeuse. En effet, ces dernières sont en très vaste majorité des organisations publiques, toujours financées par l’impôt et non par leurs étudiants. Dans son <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-12-TomeI-ecole-polytechnique.pdf">récent rapport sur l’École polytechnique</a>, la Cour des comptes rappelle que, déjà en 2013, le coût d’un étudiant en école d’ingénieurs en France était en moyenne de 20 078 euros par an, soit 60 234 euros sur 3 ans, et donc près de 20 % de plus que les frais de scolarité des écoles de commerce les plus chères aujourd’hui.</p>
<p>En ce qui concerne spécifiquement l’École polytechnique, le coût était de 36 370 euros par an en 2017, soit 109 110 euros pour 3 ans, donc plus du double des frais de scolarité des écoles de commerce les plus chères, sans compter le fait qu’à Polytechnique, comme à l’École nationale d’administration (ENA), à l’École normale supérieure et dans quelques autres écoles, les étudiants sont rémunérés, aux frais de la collectivité.</p>
<p>Rappelons au passage que le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2306-tii_rapport-avis.pdf">coût de chaque élève de l’ENA</a> était de 86 000 euros par an en 2019 (soit 172 000 euros sur 2 ans) et donc 5 fois plus élevé que les frais de scolarité des écoles de commerce les plus chères.</p>
<p>On peut souligner que certaines écoles d’ingénieurs réclament désormais des frais de scolarité de plus de 10 000 euros sur 3 ans (soit environ un sixième du coût des études). Polytechnique facture même sa scolarité 38 000 euros à ses élèves non européens (soit environ un tiers du coût des études, et incidemment le montant moyen des frais de scolarité dans une école de commerce).</p>
<p>Pour ce qui est de l’université, le coût annuel d’un étudiant pour la collectivité était de <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/02/24/un-etudiant-coute-13-873-euros-par-an_4870631_4401467.html">13 873 euros par an en 2016</a>, soit 41 616 euros pour 3 ans, donc plus que les frais de scolarité des deux tiers des écoles de commerce figurant dans le tableau de Mister prépa.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"702636668948455424"}"></div></p>
<p>Au total, les frais de scolarité demandés par les écoles de commerce françaises n’ont donc rien de particulièrement scandaleux : ils sont inférieurs au coût réel des études dans l’enseignement supérieur.</p>
<p>La différence entre les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs et l’université, c’est que dans un cas ce sont les élèves qui payent pour le coût de leurs études, alors que dans les deux autres c’est la collectivité, au travers de l’impôt. On peut y voir une étrange conception de l’égalité républicaine.</p>
<p>Quand on veut réduire les impôts, il faut faire des choix, et préserver le financement public des écoles de commerce n’était certainement pas le projet le plus populaire. C’est donc l’État qui a provoqué cette privatisation. Reste à se demander pourquoi la collectivité devrait financer les études des uns, et pas celles des autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146132/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Fréry est administrateur de l'EESC ESCP Business School, où il est professeur</span></em></p>La fonte des subventions a conduit à une privatisation des écoles de commerce, dans l’indifférence générale. Ce sont les élèves qui en paient désormais le prix.Frédéric Fréry, Professeur de stratégie, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1412102020-06-28T16:07:38Z2020-06-28T16:07:38ZLe « management by design » : quand la philosophie du designer s’étend à toute l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343194/original/file-20200622-54977-1mww3mj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C6%2C4203%2C2804&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Transposer des méthodes propres au design permet de résoudre des problèmes complexes en matière technique et fonctionnelle, mais aussi humaine et sociétale.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images.unsplash.com/photo-1587440871875-191322ee64b0?ixlib=rb-1.2.1&ixid=eyJhcHBfaWQiOjEyMDd9&auto=format&fit=crop&w=751&q=80">UX Indonesia / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans sa définition primitive, le design représente une activité centrée sur un travail des formes, comme le design d’espace, le design de produit, le design de mode, ou comme celui des formes graphiques ou interactives. Mais celui-ci est passé en quelques décennies de la conception des objets qui nous entourent à la résolution des problèmes du monde.</p>
<p>Comme l’illustre son origine italienne <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/partout-ou-je-passe-les-memes-erreurs-9782416000225/"><em>disegno</em></a> qui signifie à la fois dessin et dessein, le design se situe à la croisée de la philosophie, de l’esthétique et de la technique, et en constitue ainsi la résultante. Additionné au marketing et à l’utilisateur, il compose également « l’expérience utilisateur » ou « User eXperience » à l’origine de l’acronyme « UX ».</p>
<p>Mais ce design-là, c’est le design du XX<sup>e</sup> siècle, fidèle compagnon de route du <a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/marketing-mix/">« marketing mix »</a>. Longtemps mobilisé comme un outil au secours de la créativité, le design est aujourd’hui peu à peu considéré comme un véritable modèle au service de toute l’entreprise.</p>
<h2>Au service de l’Homme… sans oublier le client</h2>
<p>Le design du XX<sup>e</sup> siècle a connu trois grandes étapes. Le travail sur les formes et les couleurs, véritable ADN du design, explique à lui seul l’importance des considérations esthétiques dans le champ du design, et justifie l’indiscutable et obsessionnel attrait qu’il exerce sur la fonction marketing, si longtemps avide de conquêtes commerciales débarrassées de toutes considérations sociétales.</p>
<p>Compagnon d’armes du marketing des objets, il s’est très rapidement mis au diapason des prestations de service. Le géant du e-commerce Amazon a largement développé le design de service, dont un des plus emblématiques reste leur fameux et unique bouton « acheter en un clic », qui supprime tous les points de contact rébarbatifs, et simplifie l’ensemble des opérations associées. Le client économise ainsi son temps, et surtout sa « prise de tête » comme on dit, après avoir fait ses courses chez le leader mondial du commerce électronique.</p>
<p>Il est difficile de ne pas y voir une relation de cause à effet, car c’est à ce moment-là que les marketeurs se sont intéressés non seulement à l’objet lui-même, puis à son usage, mais depuis quelques années, à l’expérience vécue par les clients en situation d’usage. Apple est un adepte de l’UX, étant particulièrement attentif aux analyses des utilisateurs. Par exemple, si vous demandez à son robot Siri de l’iPhone de prévoir une heure de réveil pour demain matin, alors qu’il est minuit passé, Siri va vous demander de quel jour vous parlez.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343169/original/file-20200622-54977-1lryykq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les périmètres successifs d’application du design au XXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roland Stasia -- Hèrès Consulting</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que bien des penseurs offrent de le mettre au service de l’humain voire de l’humanité, il ne faudrait pas que le design en oublie le client.</p>
<p>Cette vision humaniste du designer est une réalité qui a l’âge des équipes pluridisciplinaires. Celles-ci sont au cœur du travail du designer, dont la culture se nourrit aussi bien des arts, des techniques, des sciences humaines, des sciences économiques ou des sciences de la nature.</p>
<p>Il est cependant une réalité implacable qui veut que seuls les clients soient à même de fournir aux entreprises le revenu nécessaire à leur pérennité. Celle-ci sera d’autant plus assurée que la profitabilité sera maximale.</p>
<h2>Mieux manager grâce au design</h2>
<p>Deux phénomènes permettent au design du XXI<sup>e</sup> siècle de dépasser son statut de métier des arts appliqués, pour accéder à celui de valeur managériale.</p>
<p>Le premier se situe dans sa propre sphère de préoccupations. De tout temps, le designer a considéré les dimensions non artistiques de son métier, car elles sont au cœur de son travail, faute de quoi aucun produit/service n’aurait été vendable ou désirable, ni même profitable.</p>
<p>De tous les grands métiers de la conception, comme l’architecte et l’ingénieur, le designer est probablement celui qui a la plus difficile des équations à résoudre. En médiateur naturel, il doit concilier un nombre important de contraintes particulièrement délicates, parfois en conflit, comme les contraintes fonctionnelles, techniques, environnementales, biologiques, juridiques, économiques, sociales et politiques, voire philosophiques.</p>
<p>Cet assemblage délicat des contraintes à réaliser avant la prise de décision s’apparente énormément au mode de gestion d’une équipe de direction, avec son comité de direction, dirigé par le directeur général, autour duquel les autres directeurs représentent les principales fonctions de l’entreprise : finance, ressources humaines, marketing, informatique, stratégie, technique, commercial, qualité, etc.</p>
<p>Le deuxième phénomène concerne l’élargissement considérable du périmètre d’application de ce design du XXI<sup>e</sup> siècle. En effet, il est en passe de devenir particulièrement contributif au bien-être de la société en général, et de ses peuples en particulier, grâce à trois forces :</p>
<ul>
<li><p>il est une démarche de projet qui place l’homme au centre des problèmes, c’est-à-dire partout ;</p></li>
<li><p>il est capable de résoudre très vite des problèmes multifactoriels grâce à son approche en « <a href="https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Design-thinking-308589.htm">design thinking</a> », terrain de jeu privilégié d’itérations originales, de mixage de compétences et de prototypages rapides ;</p></li>
<li><p>il sait amalgamer des contraintes techniques et fonctionnelles à des contraintes sociales et sociétales, transformant ainsi des questions parfois angoissantes en réponses rassurantes.</p></li>
</ul>
<p>Aussi le design du XXI<sup>e</sup> siècle entre au « panthéon du management », et vient s’insérer visuellement dans la roue des 5 modèles du management, à savoir l’approche rationnelle, les processus internes, les relations humaines et syndicales, les systèmes ouverts et enfin la contingence. Le nom de ce 6<sup>e</sup> modèle ? Le management by design.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343190/original/file-20200622-55021-j9ndsp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Présentation des cinq modèles de management connus ainsi que du Management by design comme sixième modèle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roland Stasia -- Hèrès Consulting </span></span>
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</figure>
<p>Il existe au moins deux preuves d’existence de ce nouveau modèle de management.</p>
<p>La première se trouve à <a href="https://www.strate.design/formation/formation-mba-management-design">Strate</a>, une grande école de design qui a ouvert en 2015 un MBA nommé « management by design ». Il promet tout simplement de « designer » le management et non de manager le design. Le slogan de cette formation : « avec ce MBA,vous deviendrez peut être le Steve Jobs de demain ! »</p>
<p>La deuxième s’appelle Laurens van den Acker, « le styliste » de Renault qui, dès son arrivée à la tête du design de la marque au losange en 2009, a lancé une démarche de management by design, fondée sur le <a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/storytelling/">« storytelling »</a> de la vie. Cette thématique inspirante et fédératrice a rayonné dans toute l’entreprise, et l’a amenée, en alliance avec Nissan et Mitsubishi, au <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/2017/07/28/20005-20170728ARTFIG00121-renault-nissan-premier-constructeur-automobile-mondial-au-premier-semestre-2017.php">premier rang mondial</a> des constructeurs automobiles, en juillet 2017.</p>
<p>La puissance de cette animation réside aussi dans sa capacité à faire émerger de nouveaux dirigeants, à la fois manager et leader, prêts à changer de posture et de méthodes, afin d’intégrer la philosophie du design dans leur management. Dans un monde qui a besoin de prendre soin de lui, il est temps de faire du design.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Stasia préside hèRès conSulting, cabinet de conseil en management de la performance et en pilotage de l'innovation.Il est également membre du COMEX de l'IE-Club, think tank qui favorise le rapprochement entre startups et grands groupes</span></em></p>De plus en plus considéré comme un moteur d’innovation et une source de profits, ce processus devient progressivement un modèle de management en tant que tel.Roland Stasia, Professeur des universités associé à Paris Dauphine, en mesure et management de la performance, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1395362020-06-08T18:16:57Z2020-06-08T18:16:57ZManagement : enseigner l’action collective pour la transition écologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338324/original/file-20200528-51496-128ri0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C986%2C624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> Les étudiants en management devront travailler avec de multiples parties prenantes externes et internes à leurs futures organisations pour mettre en oeuvre la transition écologique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/hand-businessman-reach-out-towards-nature-621237140">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’enseignement supérieur, de nombreuses voix ont appelé à un réveil écologique avant la crise du Covid-19. Il s’agit que les étudiants puissent appréhender dans leurs formations les enjeux de la transition écologique qu’imposent le changement climatique, l’épuisement des ressources et de la biodiversité.</p>
<p>Plus de <a href="https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/">30 000 étudiants</a> ont signé le premier appel lancé en 2018. <a href="https://www.enviscope.com/plus-de-8800-signataires-a-lappel-pour-former-tous-les-etudiants-aux-enjeux-climatiques/">Un second</a> a recueilli plus de 8800 signatures, dont celles de 160 dirigeants d’établissement et 1200 enseignants. Puis plus de 80 députés ont signé une <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2263_proposition-loi">proposition de loi</a>, déposée en septembre 2019 à l’Assemblée nationale par Delphine Batho, Matthieu Orphelin et Cédric Villani.</p>
<p>A court terme, les étudiants ont besoin d’un socle de connaissances sur le <a href="https://www.rentreeclimat.org/">réchauffement climatique</a>. De plus, leurs <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-universites-doivent-declarer-letat-durgence-ecologique-et-climatique-126880">cours</a> doivent intégrer ces enjeux. Des <a href="https://s.kmni.eu/t/yiLxDJyB-QHIiQGPC3EqmMTuPnAMuw-pdf-zC/Novethic.fr_20200527100000">initiatives sont prises</a> en ce sens par plusieurs établissements. <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2019/04/Rapport_ClimatSup_TheShiftProject-2019.pdf">Un soutien et une incitation institutionnels</a> sont nécessaires afin que les établissements puissent s’engager plus encore, et en plus grand nombre.</p>
<p>En management, la formation des étudiants s’inscrit dans ce que celui-ci signifie, soit, dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LDQ0xIrH2JA">approche pragmatiste</a>, « la capacité d’une organisation à conduire l’activité collective », comme le rappelle Philippe Lorino, professeur émérite à l’ESSEC.</p>
<p>Pour contribuer professionnellement à la transition écologique, les étudiants en management doivent donc être formés à développer l’activité collective de leur future organisation dans cette perspective.</p>
<p>Ils auront à se situer comme une de ses parties prenantes et à travailler plus ou moins directement avec les autres. Celles-ci seront externes, dont des experts, représentants des pouvoirs publics et destinataires de l’activité. Elles seront aussi internes, les salariés disposant d’expertises et expériences indispensables à la mise en œuvre d’une transition écologique légitime et pertinente à l’échelle de leur organisation.</p>
<h2>Actions collectives et décisions participatives</h2>
<p>La crise du Covid-19 a (re)mis en exergue la dimension nécessairement participative des processus de décision complexes. De nombreux experts considèrent comme une urgence sociétale l’implication de la société civile dans la gestion de la crise, dont <a href="http://thau-infos.fr/index.php/commune/echos/77538-epidemie-sociale-deconfinement-decide-d-en-haut">Jean‑François Delfraissy</a>, président du conseil scientifique.</p>
<p>Huit femmes universitaires ont diffusé un <a href="https://democratizingwork.org/">texte</a>, signé par plus de 5 500 enseignants-chercheurs à l’international au 3 juin 2020. Elles y identifient l’enjeu de la démocratisation des entreprises comme une des leçons à tirer de la crise actuelle.</p>
<p>Les conditions (principes, instances, garanties, processus, postures) du développement d’une telle intelligence collective sont expérimentées de longue date en aménagement du territoire. Il s’agit de mettre en œuvre une démocratie (aussi) participative qui conduit à des décisions socialement plus pertinentes et légitimes grâce à la prise en compte non seulement d’expertises variées, mais aussi des expériences vécues dans les territoires.</p>
<p>Les concertations territoriales ont amené leurs acteurs à entrer dans la boîte noire des processus de décision participatifs. De même, les organisations <a href="https://entrepriseprogres.com/pdf/BookEP_dialogue-social_web.pdf">s’engagent</a> ou <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/29/aeronautique-la-transition-ecologique-impose-une-profonde-transformation-de-notre-industrie_6041127_3232.html">devront s’engager</a> dans des réflexions en vue d’actions collectives pour concevoir une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=R2uLbCe-D-8">sortie de crise inscrite dans la transition écologique</a> de manière pertinente et légitime, à l’échelle de la société comme à la leur.</p>
<h2>Formation à l’échelle de l’action</h2>
<p>Pour pouvoir contribuer à cette transition une fois en poste, les étudiants en management doivent faire l’expérience de réflexions en vue d’actions collectives lors de leur formation. Car nous apprenons à nous positionner en tant que partie prenante en prenant partie, par l’expérience.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LDQ0xIrH2JA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Pragmatisme : le management participatif », Philippe Lorino (Xerfi Canal).</span></figcaption>
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<p>Pour ce faire, des dispositifs d’enseignement (cours, séminaires, projets) offrent l’opportunité aux étudiants de se positionner comme parties prenantes d’un apprentissage collectif basé sur des échanges structurés – avec l’enseignant, entre étudiants et, le cas échéant, avec d’autres chercheurs, ou des représentants d’organisations ou de territoires – et éclairés par des lectures proposées par l’enseignant ou des étudiants.</p>
<p>Des échanges avec nombre d’étudiants de l’ESSEC montrent qu’ils souhaitent appréhender les déclinaisons de la transition écologique dans les différentes dimensions de leur vie – sociale actuelle et professionnelle future – par la compréhension :</p>
<ul>
<li><p>du rôle des pouvoirs publics à différentes échelles ;</p></li>
<li><p>de celui des organisations publiques et privées ;</p></li>
<li><p>des problèmes que cette transition pose et des évolutions actuelles ou à réaliser dans des secteurs aussi variés que les mobilités, la construction, l’alimentation, les NTIC, la production et la distribution d’énergie ou les circuits de distribution des produits ;</p></li>
<li><p>des enjeux économiques, environnementaux, sociaux et territoriaux de ces activités.</p></li>
</ul>
<p>Dans le même temps, des représentants d’organisations et collectivités territoriales attendent des étudiants des recommandations sur certains de ces sujets.</p>
<p>Dans ces dispositifs d’enseignement, les étudiants sont accompagnés dans la problématisation de ces thèmes à l’échelle de l’action à laquelle ils pourront contribuer – soit des situations territoriales ou organisationnelles impliquant une pluralité d’acteurs.</p>
<p>Les types d’actions collectives réalisées sont variés. Ils vont de la rédaction d’un document pour un public interne ou externe à l’établissement à des recommandations formulées pour les représentants d’une organisation, en passant par le choix d’un projet ou d’une option dans le cadre de la simulation d’un processus de décision participatif.</p>
<h2>Postures des étudiants et des enseignants</h2>
<p>Ces dispositifs d’enseignement visent une évolution de la posture des étudiants, parties prenantes de leur apprentissage. Ils impliquent également un changement de posture des enseignants.</p>
<p>Si un professeur ne peut « maîtriser » les multiples disciplines à mobiliser pour la transition écologique, ses connaissances sont partagées, de même que celles des étudiants, au cours des échanges qu’il ou elle anime. Il ou elle leur propose des méthodes et angles d’analyse selon leurs questionnements. Et leur soumet de nouveaux sujets de réflexion en les accompagnant dans un apprentissage par la recherche.</p>
<p>Il ne s’agit pas de réduire les connaissances à un rôle utilitaire d’aide à la décision, comme une <a href="https://journals.openedition.org/traces/583">rapide critique</a> de l’approche pragmatiste pourrait le faire. Les connaissances et la capacité de problématisation acquises pourront ensuite être mobilisées dans d’autres réflexions, à visée d’action ou pas.</p>
<p>Il ne s’agit pas non plus de placer les étudiants en management dans une posture de <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Les-irremplacables">toute-puissance illusoire</a>, en leur promettant un avenir planétaire radieux grâce à leurs actions.</p>
<p>Les étudiants sont de plus en plus concernés par le décalage entre discours emphatiques et actes insuffisants en matière de transition écologique. Nombreux sont ceux qui sont à la fois curieux et inquiets, voire <a href="https://theconversation.com/leco-anxiete-nous-guette-et-ce-nest-pas-forcement-une-mauvaise-nouvelle-123028">anxieux</a> quant à l’avenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-universites-doivent-declarer-letat-durgence-ecologique-et-climatique-126880">Pourquoi les universités doivent déclarer l’état d’urgence écologique et climatique</a>
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<p>Dans ce contexte, certains enseignements doivent leur offrir l’occasion de partager leurs curiosité et craintes. Et leur proposer des connaissances et méthodes, ainsi que les conditions, pour penser et agir avec d’autres acteurs en faveur de la transition écologique dans le cadre de leurs futurs organisations et métiers, que ceux-ci existent déjà ou pas encore.</p>
<p>L’expérience d’un tel engagement collectif et la perspective de pouvoir agir professionnellement constituent en elles-mêmes une source d’énergie, essentielle sachant que beaucoup reste à faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139536/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour mener les recherches du centre CONNECT (CONcertation, Négociation, Environnement, Conception et Territoires) dont elle est titulaire, Laurence DE CARLO a reçu des financements de la Fondation de France, SNCF réseau, EDF et de l'Institut Caisse des Dépôts pour la Recherche. </span></em></p>Afin de pouvoir contribuer à la transition écologique, les étudiants en management doivent être formés à l’action collective qu’elle nécessite dans les organisations.Laurence de Carlo, Professeure d'aménagement, management et ménagement des territoires, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1400002020-06-04T18:13:55Z2020-06-04T18:13:55ZClasses prépas : un modèle bouleversé par la crise du Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339511/original/file-20200603-130929-1al5lxr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C11%2C1911%2C1264&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Habitués à l’émulation, les élèves de prépa se sont trouvés privés des séances classiques de travail de groupe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/computer-pc-workplace-home-office-1185626/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La crise du Covid-19 redéfinit le déroulement des études, notamment dans les <a href="http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Apres-le-bac/Organisation-des-etudes-superieures/Les-classes-preparatoires-aux-grandes-ecoles-CPGE">classes préparatoires</a> aux grandes écoles – ces formations où des bacheliers viennent préparer en deux ou trois ans les concours d’écoles d’ingénieurs, de management, d’Écoles normales supérieures et d’autres, selon leurs spécialités. La crise change les méthodes d’enseignement, avec la classe à distance et la suppression des interrogations orales régulières. Elle affecte aussi <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y0hLwRFC3Lg">l’organisation des concours</a>.</p>
<p>Alors que les CPGE exigent un engagement complet jusqu’au concours, la motivation des préparationnaires est affectée par les incertitudes liées au contexte sanitaire, malgré la persévérance des professeurs pour assurer la « continuité pédagogique ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-heurs-et-malheurs-de-la-continuite-pedagogique-a-la-francaise-133820">Covid-19 : heurs et malheurs de la continuité pédagogique à la française</a>
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<p>Retour sur quatre théories traditionnelles de la motivation qui permettent de comprendre comment, dans ces filières, celle-ci est mise à l’épreuve de la pandémie.</p>
<h2>Besoins d’appartenance et d’estime</h2>
<p>Les cours en classe satisfont plusieurs besoins sur la <a href="https://psycnet.apa.org/record/1943-03751-001">pyramide de Maslow</a> (1943) :</p>
<ul>
<li><p>un besoin de sécurité, car l’étudiant est dans un environnement rassurant, sous l’œil bienveillant des professeurs, entouré de camarades devenus des amis ;</p></li>
<li><p>un besoin d’appartenance, grâce aux synergies d’un groupe soudé qui avance vers un objectif commun ;</p></li>
<li><p>les besoins d’estime et d’accomplissement de soi, grâce à l’acquisition de savoirs qui aident à façonner le projet professionnel et aux encouragements des professeurs. (Pour beaucoup, ce besoin ne sera satisfait qu’à l’intégration en école, le système de notation et la charge de travail importante en CPGE pouvant nuire au moral des étudiants.)</p></li>
</ul>
<p>La satisfaction des besoins est altérée par l’enseignement à distance. Bien que certains jeunes de prépa aient rejoint des familles où ils sont choyés, ils se sont retrouvés privés de l’émulation de groupe, des séances de travail collectif, des échanges informels en dehors des cours, que les objets connectés ne remplacent pas toujours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257119191649394689"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, les moins chanceux ne bénéficient pas de conditions propices au rythme soutenu de la CPGE : la fermeture des lycées les prive d’un espace de travail. En outre, ceux qui n’ont pas pu rejoindre leurs proches sont privés d’un soutien familial et amical.</p>
<p>Le besoin d’estime et d’accomplissement de soi est aussi mis à mal, notamment pour les étudiants de deuxième année, avec la lassitude et la perte de sens liées à l’éloignement de la date des concours, et la nécessité de travailler seuls sur une période plus longue que prévue.</p>
<p>Les regroupements en ligne pallient en partie l’insatisfaction de ces besoins. Cependant, ils ne remplacent ni la chaleur humaine ni les interactions permises par un enseignement classique. S’adresser à des appareils désincarnés semble dégrader la satisfaction du besoin d’appartenance, ce qui explique en partie la moindre d’implication en ligne.</p>
<h2>Arbitrages</h2>
<p>En 1964, <a href="https://psycnet.apa.org/record/1964-35027-000">Vroom</a> montre que la motivation résulte de trois forces conjointes : l’expectation, l’instrumentalité, la valence.</p>
<p>En présentiel, les étudiants qui « survivent en prépa » répondent simultanément à ces critères :</p>
<ul>
<li><p>leur objectif est d’intégrer une école (instrumentalité) ;</p></li>
<li><p>ils pensent que la CPGE leur donne les chances de l’atteindre (expectation) ;</p></li>
<li><p>cet objectif a suffisamment de valeur pour que le sacrifice en vaille la peine (valence).</p></li>
</ul>
<p>Cet équilibre est précaire. Les sacrifices considérables, en matière de travail ou de restriction de la vie sociale, dégradent la valence. De plus, la notation sévère, le volume de connaissances à ingérer et l’exigence des professeurs pèsent sur l’expectation : l’étudiant ne se sent plus capable de réussir dans cette voie. Il doute alors de ses capacités et peut revoir ses prétentions d’intégration à la baisse, diminuant ainsi l’instrumentalité.</p>
<p>À distance, cet arbitrage est modifié suivant le profil du candidat, les préparationnaires étant dépourvus de leurs repères habituels. Pour les plus optimistes, l’expectation est renforcée, car leur mise au travail et leur résistance au stress constituent des chances supplémentaires.</p>
<p>Cependant, les candidats plus fragiles considèrent que les événements de l’année écoulée (grèves, épidémie) ont amenuisé leurs chances d’intégrer un bon établissement, dégradant ainsi l’expectation et l’instrumentalité.</p>
<p>La marge de manœuvre des professeurs est faible, car elle implique un soutien individualisé difficile à mettre en place du fait du nombre élevé d’étudiants par classe.</p>
<h2>Vision du professeur</h2>
<p>En 1960, <a href="https://www.worldcat.org/title/human-side-of-enterprise/oclc/173969">Douglas McGregor</a> montre que la vision des managers influence la motivation de leurs subalternes. Ce constat peut être dressé en CPGE.</p>
<p>En classe, les méthodes des professeurs découlent de leur vision des préparationnaires. Pour certains, les étudiants, bien qu’inscrits en prépa, n’ont pas de goût pour l’effort et doivent être contrôlés et poussés au travail. C’est la vision X de McGregor.</p>
<p>Pour d’autres, le préparationnaire est responsable, car il poursuit un objectif d’accomplissement personnel : il faut donc lui faire confiance. C’est la vision Y de McGregor.</p>
<p>Les professeurs empruntent à McGregor un mélange des visions X et Y suivant de multiples facteurs tels que la personnalité de l’étudiant, la période de l’année ou la discipline enseignée. Ils oscillent donc entre un fort contrôle des étudiants, des récompenses ou sanctions par la note, et plus de responsabilisation et d’incitations à l’autonomie.</p>
<p>Les enseignants considèrent aussi leurs étudiants suivant la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/105960118100600316">théorie Z</a>, qui postule que l’individu est autonome, digne de confiance, désireux de coopérer, respectueux des compétences de ses pairs et ouvert au dialogue. La vision Z incite à préconiser le travail en équipe et l’entraide au sein de la prépa.</p>
<p>Quand les préparationnaires sont « cachés » derrière leurs écrans, les enseignants s’interrogent légitimement sur leur niveau d’attention, la qualité de leur travail personnel ou de potentielles tricheries aux devoirs. L’enseignant est plus que jamais tiraillé entre les visions X, Y et Z.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1264677314346070018"}"></div></p>
<p>Suivant la théorie X, l’asymétrie d’information conduit les enseignants à renforcer le contrôle en exigeant plus fréquemment le rendu de devoirs, en multipliant les apostrophes aux étudiants pour s’assurer qu’ils suivent, ou en indexant le passage en deuxième année sur l’assiduité.</p>
<p>On peut s’interroger sur l’efficacité de ces efforts : obligent-ils les réfractaires à suivre ? Ne dégradent-ils pas la relation de confiance entre les étudiants sérieux et les professeurs ? N’impliquent-ils pas des sacrifices importants en termes de temps et de logistique pour le professeur ?</p>
<p>Selon la théorie Y, l’enseignant peut être encouragé à donner plus d’autonomie aux étudiants. Très positive de prime abord, cette réaction peut aussi déstabiliser ceux qui sont plus fragiles psychologiquement. Suivant la thèse de Vroom, un étudiant qui s’estime incapable d’être responsabilisé verra son expectation dégradée.</p>
<p>Enfin, selon la théorie Z, les professeurs multiplient les initiatives de travail collectif. Vu les exigences en matière de distanciation sociale, cela implique pour les étudiants une utilisation accrue des écrans. La question de la nocivité de telles pratiques sur leur santé se pose alors.</p>
<h2>Se comparer aux autres</h2>
<p>En 1963, <a href="https://psycnet.apa.org/record/1964-04111-001">J.S. Adams</a> a montré que les individus se comparent aux autres personnes de l’organisation par le calcul pour les autres et pour eux-mêmes d’un ratio d’équité (rétribution/contribution). Une trop grande différence entre les ratios incite les individus à rétablir l’équité.</p>
<p>Les classes préparatoires ne font pas exception. Les étudiants sont prompts à estimer les contributions de leurs camarades, notamment par le travail fourni. Ils guettent aussi les rétributions par les notes et la considération des professeurs.</p>
<p>Un étudiant considérant qu’il est inéquitablement rétribué par rapport à sa contribution peut :</p>
<ul>
<li><p>travailler plus pour améliorer ses rétributions ;</p></li>
<li><p>diminuer ses contributions, ce qui mène à de l’absentéisme, moins de travail ;</p></li>
<li><p>agir sur les étudiants qui ont un meilleur ratio d’équité en sabotant leur travail ou en refusant de coopérer avec eux.</p></li>
</ul>
<p>La crise sanitaire amplifie les comparaisons, à la fois entre préparationnaires d’un même établissement et de lycées différents. Elles portent sur la mise en place de l’enseignement à distance, le degré d’implication (bénévole ou non) des professeurs, les conditions de travail des autres étudiants, etc.</p>
<p>L’accroissement des inégalités perçues – que cette perception soit fondée ou non – affecte la motivation des étudiants. Ceux qui s’estiment privilégiés s’impliquent dans leurs révisions. Ceux qui se sentent lésés choisissent une des options évoquées plus haut.</p>
<p>La classe à distance a donc considérablement affecté la motivation des préparationnaires, et bouleverse la manière dont les enseignants devraient les soutenir. Il est important de s’inspirer dès maintenant des bonnes pratiques identifiées, puisqu’une place importante pourrait encore être donnée aux cours à distance à l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Johanna Volpert est professeur en classe préparatoire aux grandes écoles. </span></em></p>Organisées autour des concours aux grandes écoles, les classes préparatoires post-bac misent sur un fort encadrement et un rythme intensif. Que devient cette pédagogie avec l’enseignement à distance ?Johanna Volpert, Docteure en sciences de gestion, professeure agrégée en CPGE, membre de la chaire "Marques & Valeurs" de l'IAE de Paris, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1389752020-05-25T18:12:38Z2020-05-25T18:12:38ZBusiness schools : dans la tourmente du Covid, créer de la valeur pour les étudiants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336485/original/file-20200520-152292-nlenw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C23%2C995%2C621&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est important de proposer aujourd'hui aux étudiants des approches pluridisciplinaires.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Ces vingt dernières années, le développement à l’international a été l’un des moteurs du <a href="https://www.challenges.fr/emploi/formation/ecoles-de-commerce-le-fabuleux-succes-francais_689088">succès des business schools</a> françaises. Cette voie continue certes à offrir de belles perspectives, car les besoins en formation non satisfaits par une offre locale en Afrique, en Amérique Latine ou en Asie restent importants. Et si l’éducation en ligne s’est accélérée ces dernières semaines, les turbulences actuelles liées à la crise du Covid-19 imposent de <a href="https://pureportal.coventry.ac.uk/en/publications/rethinking-the-business-model-of-business-schools-a-critical-revi">revoir le modèle</a> des établissements.</p>
<p>Différentes écoles ont annoncé la suspension des échanges internationaux pour la prochaine rentrée. De même, les universités partenaires stoppent ou retardent l’envoi de leurs propres étudiants sur les campus français. Pourtant ces séjours à l’étranger constituent un point central dans les parcours quand il s’agit de découvrir d’autres cultures, d’autres modes de management et des questionnements différents.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1263090233588867073"}"></div></p>
<p>Certains Executive MBA américains, comme celui de <a href="https://www.fuqua.duke.edu/programs/global-executive-mba">Fuqua</a> [3], etc.), ou européens, à <a href="https://www.triumemba.org/">HEC</a> ou à <a href="https://www.unibocconi.eu/wps/wcm/connect/Bocconi/SitoPubblico_EN/Navigation+Tree/Home/Programs/Current+Students/Services/International+Relations/International+Students/International+Student+Desk/Before+Your+Arrival/Educational+Offer/MBA+Courses/">Bocconi</a> mettent en avant l’organisation sur trois ou quatre continents de la formation comme clé de la valeur ajoutée, tandis que des programmes de <a href="https://etudiant.kedge.edu/programmes/ibba">bachelor</a> ou de <a href="https://www.escpeurope.eu/">master</a> prévoient un ou plusieurs séjours longs à l’étranger.</p>
<p>La crise épidémique questionne la viabilité de ce modèle non seulement par la fermeture actuelle des frontières mais aussi les contraintes qui pèseront sur les déplacements à venir, jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible : hausse des coûts de transport, mise en quarantaine, difficulté d’obtention des visas, etc.</p>
<h2>International et digital</h2>
<p>La difficulté des échanges internationaux exacerbe la concurrence à court terme entre les écoles françaises sur le marché national. Elle accélère aussi le développement des formations en ligne. Cependant sur ce créneau, les établissements classiques sont très fortement concurrencés par les EdTechs qui proposent des solutions intégrées ou des plates-formes d’apprentissage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257713333416996869"}"></div></p>
<p>Les site webs professionnels tels que Microsoft ou LinkedIn sont aussi actifs pour offrir un apprentissage spécifique et ainsi délivrer des certificats via <a href="https://www.linkedin.com/learning/">LinkedIn Learning</a> et Microsoft/learning. Si les Ed-Tech peuvent fournir des solutions techniques pour améliorer les performances des acteurs existants, les plates-formes disposent en prime d’un accès direct aux apprenants et bénéficient d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-1-page-39.htm">marché à double face</a> auprès des apprenants, des entreprises et éventuellement des écoles et des universités.</p>
<p>La crise du Covid-19 accentue les tensions qui ne sont pas nouvelles. Dès 2012, <a href="http://www.garyhamel.com/author">Gary Hamel</a> remarque qu’au sein de leurs conférences</p>
<blockquote>
<p>« les universitaires discutent de la nécessité du changement, identifient les signaux d’une rupture potentielle et suggèrent qu’il est nécessaire de repenser en profondeur la nature de l’enseignement supérieur ; et quand ils sont de retour dans leurs bureaux, ils comptent leurs papiers et leurs citations, enseignent et gèrent leurs programmes. Et qu’enseignent-ils ? Le cas de Kodak dans lequel le management n’a pas su prendre le virage du digital ».</p>
</blockquote>
<p>Depuis 2012, les MOOC se sont développés ainsi que les cours en ligne. Et la disruption attendue n’a pas eu lieu. Car, au-delà du digital, il est nécessaire de réinterroger les mécanismes de <a href="https://jhupbooks.press.jhu.edu/title/designing-new-american-university">création de valeur</a> dans l’enseignement supérieur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1044085072503148544"}"></div></p>
<h2>Valoriser l’expérience</h2>
<p>Si la connaissance est une commodité, la mise en situation de cette connaissance est un enjeu clé qui requiert une présence physique et un accompagnement individualisé. Les business schools mondiales, via les associations comme <a href="https://www.aacsb.edu/">AACSB</a> ou <a href="https://www.efmdglobal.org/">EFMD</a> sont toutes engagées dans cette démarche en orientant leurs activités dans le triptyque « Impact, Innovation et Engagement ». L’idée clé derrière ce triptyque est que les écoles doivent intégrer une pédagogie réflexive un temps de stage ou d’alternance pertinent dans les cursus pour créer de la valeur.</p>
<ul>
<li><p>L’innovation fait référence directement aux modalités pédagogiques pour les étudiants, mais aussi les employeurs et l’ensemble des communautés autour des business schools.</p></li>
<li><p>L’engagement décrit les interactions entre les professeurs, les étudiants et les mondes professionnels.</p></li>
<li><p>L’impact dépasse la production traditionnelle de connaissances en mettant l’accent sur comment les programmes et les étudiants font la différence dans le monde des affaires.</p></li>
</ul>
<p>Cette démarche amorce la rupture avec le paradigme précédent. Que ce soit en pédagogie ou en recherche, l’attention se porte sur la mise en action de la connaissance. Si l’articulation de concept est relativement aisée, la mise en situation de ces concepts pour l’action est beaucoup plus complexe.</p>
<p>C’est à cette démarche que nous invitent les associations de business schools AACSB et EFMD. Les compétences acquises par nos étudiants sont le produit de leurs expériences. Ils sont suivis par les professeurs qui leur fournissent une solide structure intellectuelle pluridisciplinaires et un accompagnement pour la mise en perspective de ce qu’ils ont vécu. Cela suppose des approches pluridisciplinaires pour bien comprendre et diagnostiquer les problèmes ainsi qu’une belle compétence technique pour proposer les solutions adaptées.</p>
<p>Au-delà de la crise actuelle du Covid-19, c’est la nature même de la connaissance qui est au centre de la discussion. Le modèle de production et diffusion des connaissances s’efface peu à peu pour laisser la place à l’expérimentation de la connaissance. Au-delà de la transmission des connaissances, le passage de la théorie à la pratique, comme dans une recette de cuisine, reste l’enjeu principal et suppose de se pencher sur l’accompagnement nécessaire.</p>
<p>La crise du Covid-19 marque un point d’inflexion. La montée rapide en compétence via le digital accélère la <a href="https://www.kmworld.com/Articles/Columns/David-Weinberger/The-commoditization-of-knowledge-40810.aspx">marchandisation de la connaissance</a> et met la mise en situation et l’expérience sous le feu des projecteurs. Reste à imaginer comment les vivre, que ce soit via l’alternance, l’apprentissage, les jeux sérieux, les stages ou la réalité virtuelle, dans cette période charnière où l’épidémie reste bien présente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Mangematin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le développement international a été l’un des moteurs du succès des business schools. Quelles perspectives alors que les voyages sont freinés et que les concurrents numériques se multiplient ?Vincent Mangematin, Dean, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1354942020-04-05T17:17:02Z2020-04-05T17:17:02ZDébat : L’heure de réinventer l’enseignement en management est vraiment arrivée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325220/original/file-20200403-74202-myeyrm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C77%2C1899%2C1195&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour préserver ce qu’on a de plus cher, il conviendra de se transformer, en profondeur. La nouvelle génération de diplômés le sait.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/dawn-graduates-throwing-hats-dusk-1840298/"> Pexels from Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://media.lesechos.fr/infographie/lehman_brothers/">faillite</a> de Lehman Brothers occupe une place unique dans notre récit collectif de la grande crise de 2008. L’événement n’était pas le point de départ d’une crise bien entamée. Mais il a révélé aux profanes de la finance ce que personne ne pouvait alors ignorer : le monde s’apprêtait à plonger dans l’une des plus graves crises financières de l’époque contemporaine.</p>
<p>Or, l’auteur de ces lignes s’est souvent demandé si la crise climatique, elle aussi bien amorcée, connaîtrait un événement similaire, un point de basculement qui remettrait en cause les habitudes que l’on croyait inébranlables.</p>
<p>On sera peut-être tentés de se dire qu’une pandémie ne s’inscrit pas dans l’urgence climatique – mais c’est faux, car l’urgence climatique va bien au-delà du « simple » réchauffement climatique, et porte sur des <a href="https://www.franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19">préoccupations d’instabilité</a> et d’incertitude d’un environnement qu’on ne gère pas aussi bien qu’on ne le prétend.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242926339835015169"}"></div></p>
<p>On se rend compte, de manière désormais bien concrète, ce que cette instabilité et cette incertitude peuvent avoir comme conséquence sur les chaînes d’approvisionnement, sur la capacité d’une économie à fonctionner et même sur la liberté des individus à vivre leur vie comme ils l’entendent.</p>
<p>Au lendemain de la crise de 2008, on avait souvent demandé aux grandes écoles de commerce ce qu’elles avaient fait pour anticiper cette panique et <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2009-2-page-46.htm">ce qu’elles modifieraient</a> dans leur curriculum pour accompagner le nécessaire changement de paradigme.</p>
<p>Si elles ne souhaitent pas faire l’objet des mêmes critiques quand l’urgence climatique sera rentrée dans notre récit collectif de la mondialisation, elles doivent accélérer leurs efforts pour préparer les talents de demain. Cela exige de repenser ce qu’enseigner le management veut dire à l’heure du coronavirus, en revisitant certaines thématiques clés à travers le prisme de ce nouvel environnement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1141219592351756288"}"></div></p>
<h2>Risques et changements d’échelle</h2>
<p>En effet, dans ce monde qui vient, les règles risquent d’être réécrites. La notion même de <a href="https://www.cairn.info/la-notion-de-risque-en-economie--9782707139085.htm">risque</a>, à la base de l’économie et de la finance, prend une dimension bien différente dans un monde de plus en plus chaud, peuplé et instable – avec toutes les conséquences que cela a pour des indicateurs fondamentaux comme le coût du capital. Cette dynamique est en train de transformer les métiers de la finance et de l’assurance.</p>
<p>Dans sa <a href="https://www.berkshirehathaway.com/letters/2019ltr.pdf">lettre aux actionnaires</a>, le géant Warren Buffett l’a dit : la capacité des entreprises de l’assurance à se préparer à tels chocs jouera un rôle clé dans leur survie. Les compétences en matière d’analyse et d’anticipation n’ont jamais été aussi cruciales dans les programmes de management.</p>
<p>Dans le monde qui vient, il faudra bien entendu continuer à innover, certes. Mais avec quelle mesure d’impact ? A l’échelle de l’entreprise, seulement ? Ce serait faire fi d’une réalité désormais incontournable : l’entreprise n’existe plus dans un vide politique, social ou sociétal, et sa performance financière est indissociable de sa performance non financière.</p>
<p>Si elle ne pense pas sa relation à son écosystème, celui-ci risque de pourrir de l’intérieur, au point de devenir inhospitalier. Les seules motivations réputationnelles ou financières ne suffisent plus à expliquer pourquoi un géant du luxe comme LVMH puisse décider <a href="https://www.sudouest.fr/2020/03/18/coronavirus-prives-d-activite-ricard-l-oreal-ou-dior-se-lancent-dans-la-fabrication-de-gel-hydroalcoolique-7342426-10861.php">d’investir</a> dans la production de gel hydroalcoolique.</p>
<p>Les notions de profit et de rentabilité restent entières, mais leur calcul devient autrement plus complexe, avec une liste de paramètres à prendre en compte qui s’allonge. Voilà une autre dimension à intégrer dans les curriculums.</p>
<p>Dans ce monde qui vient, les chaînes de production, d’approvisionnement et de valeur ne ressembleront plus à celles d’aujourd’hui. On parle déjà des circuits courts, de l’économie circulaire et de la consommation locale. Ces concepts redessinent la carte de la production mondiale. Mais ils ne signifieront pas pour autant la fin totale de la mondialisation. Ces <a href="https://theconversation.com/les-terroirs-une-place-a-part-dans-la-mondialisation-agricole-62268">produits uniques</a>, comme le jambon de Bayonne, les loukoums du marché d’Istanbul ou les cupcakes du petit fabricant artisanal de Washington resteront irremplaçables.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aoc-viticoles-quand-le-terroir-cree-de-la-valeur-133184">AOC viticoles : quand le terroir crée de la valeur</a>
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<p>Il faudra continuer de briller et de parier sur ce qui nous rend inimitables. Dans ce contexte, être une école de management française ou européenne, face aux mastodontes américaines, présente un avantage fondamental quand l’enjeu réside dans notre capacité à cultiver nos différences.</p>
<h2>Enjeux complexes</h2>
<p>Voilà trois exemples d’axes, portant sur des thèmes clés du curriculum traditionnel des écoles de management, qu’il faudra revisiter. Cela exige sans doute une approche plus que jamais multidisciplinaire, de l’imagination et de la diversité – car ce n’est pas en se reposant sur les vieux poncifs ou les grilles de lecture d’hier qu’on parviendra à une refonte de ce curriculum.</p>
<p>La pandémie actuelle a cela d’exceptionnel qu’elle touche, ou touchera, tout le monde, et ce à très court terme. La surprise qu’a causée cette crise sanitaire chez certains acteurs économiques traduit leur impréparation et témoigne des efforts à mener sur le terrain des effets de l’urgence climatique sur le monde des affaires.</p>
<p>Il ne s’agit même pas de remettre en question les principes fondamentaux de l’économie, comme la création de valeur, de rentabilité ou de maximisation de profit – mais de se rendre compte que les équations de ces principes sont devenues profondément complexes.</p>
<p>La génération qui arrivera sur le marché du travail d’ici un à trois ans le sait : la transformation de notre approche en matière de mangement et de commerce est incontournable si l’on veut préserver nos modes de vie. Elle l’a fait savoir par des <a href="https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/">pétitions</a> et par son scepticisme affiché envers des entreprises qu’adulaient leurs aînés.</p>
<p>Certaines écoles de commerce tentent de répondre à cette attente en accompagnant cette génération, et celles qui suivront. Nous savons désormais pourquoi : pour préserver ce qu’on a de plus cher, il conviendra de se transformer, en profondeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez travaille pour HEC Paris.</span></em></p>Au lendemain de la crise de 2008, les écoles de commerce ont été sous le feu des critiques. De même, l’épidémie de coronavirus les enjoint à repenser leurs cursus, en y intégrant la crise climatique.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1325462020-02-27T19:48:23Z2020-02-27T19:48:23ZÉthique et MBA : Enquête sur les valeurs des étudiants en management<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/317414/original/file-20200226-24664-1uumq5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C1%2C983%2C648&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis la crise financière de 2008, les business schools questionnent leurs missions.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été écrit avec Geoffroy Murat, chercheur rattaché au CREGO de l’université de Bourgogne.</em></p>
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<p>Depuis une vingtaine d’années déjà, les business schools se retrouvent sur le banc des accusés lorsque sont pointées les dérives de notre <a href="https://scholarship.law.cornell.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=2310&context=facpub">système économique</a>. La crise financière de 2008 n’a fait qu’amplifier cette critique dont les plus virulents représentants ne demandent pas moins que de <a href="https://start.lesechos.fr/etudes-formations/universites-grandes-ecoles/raser-les-ecoles-de-commerce-la-tribune-choc-d-un-prof-britannique-11764.php">rayer de la carte</a> les business schools partout dans le monde.</p>
<p>Face à cette critique, les business schools ont commencé à questionner leur mission et leur responsabilité. Des professeurs ont plaidé pour l’introduction d’une <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amle.2004.13500519">approche critique du management</a> basée sur des valeurs. Le programme phare des business schools, le MBA ou Master of Business Administration, a en particulier été fondamentalement <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amle.2003.11901960">remis en question</a> et des cours de business ethics ou de Corporate Social Responsibility (CSR) y ont été introduits.</p>
<p>Si un salarié sur cinq dit souffrir de pressions pour agir contrairement à son éthique, selon une <a href="https://www.ibe.org.uk/userassets/surveys/ibe_survey_report_ethics_at_work_2018_survey_of_employees_france_int.pdf">étude</a> réalisée par l’Institute of Business Ethics, <a href="https://theconversation.com/un-salarie-francais-sur-cinq-denonce-des-pressions-pour-agir-contrairement-a-son-ethique-115086">Simone de Colle montre</a> qu’il ne sert à rien de multiplier les programmes en la matière dans les entreprises. Il faudrait au contraire les fonder sur de nouvelles bases. Et si, pour réaliser cette transformation, on se penchait sur les attentes de leurs participants ?</p>
<h2>Dilemmes éthiques</h2>
<p>Au lieu de se focaliser sur le seul enseignement de l’éthique et de la RSE des Business Schools, intéressons-nous aux attitudes et attentes des étudiants qui abordent une formation MBA. Notre recherche, conduite depuis 4 ans au sein du <a href="https://www.em-lyon.com/fr/Programmes/programmes-entrepreneur/international-executive-mba-executive-mba">programme MBA d’emlyon business</a> school, et auparavant au sein des programmes grande école de <a href="https://www.grenoble-em.com/">Grenoble Ecole de Management</a> et INSEEC Alpes-Savoie, part des valeurs des étudiants au démarrage du programme. Et plutôt que de demander explicitement aux étudiants quelles sont leurs valeurs, une série de dilemmes éthiques leur a été soumise via l’outil web <a href="https://www.ethimak.com/">Ethimak</a>.</p>
<p>Le modèle théorique est celui des <a href="http://valeurs.universelles.free.fr/">valeurs universelles de Shalom Schwartz</a>. Il postule qu’en notre for intérieur, nous avons tous des valeurs fondamentales qui correspondent à autant de besoins essentiels, indispensables à notre épanouissement et à notre équilibre.</p>
<p>Ces valeurs sont à fois universelles et personnelles :</p>
<ul>
<li><p>Universelles, car elles sont apprises au sein d’une culture ou par transfert entre cultures. Elles constituent un ensemble de normes partagées qui régissent nos comportements et sont à l’origine des lois et des conventions à l’œuvre dans une société donnée (on peut renvoyer sur ces questions aux textes de Tocqueville, Weber, Durkheim).</p></li>
<li><p>Personnelles, car nos valeurs sont des convictions qui constituent nos repères essentiels pour effectuer nos choix les plus cruciaux et nos comportements.</p></li>
</ul>
<p>Elles forment un socle de notre personnalité et un moteur pour agir et entreprendre. Notre approche s’inscrit dans la lignée des travaux de Mary Gentile, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Xqf1lj0Jdco">Giving Voice to Values</a>.</p>
<h2>Une demande de sécurité</h2>
<p>En 2005, Henry Mintzberg portait une charge contre les MBA dans son livre <a href="https://www.amazon.fr/Managers-Not-MBAs-Management-Development/dp/1576753514/ref=asc_df_1576753514/?tag=googshopfr-21&linkCode=df0&hvadid=228057508715&hvpos=1o2&hvnetw=g&hvrand=13283994272933295037&hvpone=&hvptwo=&hvqmt=&hvdev=c&hvdvcmdl=&hvlocint=&hvlocphy=9056015&hvtargid=pla-453646768040&psc=1">Managers Not MBAs</a>. Sans ambages, il jugeait que « the MBA trains the wrong people in the wrong ways with the wrong consequences ». Notre analyse des réponses aux dilemmes posés tant à des étudiants à Grenoble, à Chambéry ou à Lyon donne des résultats surprenants qui contrastent avec cette image de futurs <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lentreprise-au-xxi-siecle-un-monde-de-cannibales-en-costume-124903">« cannibales en costume »</a>.</p>
<p>Pendant trois ans consécutifs, les réponses aux dilemmes des étudiants de l’INSEEC Alpes-Savoie font systématiquement ressortir le tandem « tradition-conformité » comme valeur dominante alors même que le test a été fait avec trois promotions différentes d’étudiants (avec chaque fois 70 étudiants en moyenne).</p>
<p>À EM Lyon, où nous avons mené notre test de 2014 à 2019 avec des étudiants Master (environ 400 étudiants interrogés chaque année) et des étudiants MBA (la totalité de la cohorte), c’est la valeur de sécurité qui domine systématiquement. Ce résultat montre que l’on ne peut pas généraliser et mettre toutes les business schools dans le même panier. Visiblement, chaque école attire des profils spécifiques et joue un rôle différent en tant qu’institution de socialisation. Une critique générale à la Mintzberg fait peu de sens.</p>
<p>Concernant les participants du MBA, la valeur dominante de « sécurité » est également contre-intuitive par rapport à l’image communément véhiculée par ces formations.</p>
<p>Le deuxième résultat, surprenant, donne la valeur de pouvoir comme étant systématiquement classée en dernière position. Là encore, les réponses collectées vont à l’encontre de l’image d’Epinal des programmes MBA peuplés de loups aux dents longues.</p>
<h2>Un consensus international ?</h2>
<p>Troisième résultat de notre étude : nous n’avons pas constaté de différences selon les pays d’origine. Les étudiants, peu importe leurs origines, semblent plus influencés par leurs expériences en entreprise que par leur culture nationale. Une autre interprétation serait que le processus de sélection des écoles pourrait créer un biais en recrutant des étudiants aux valeurs similaires. Le lecteur curieux peut consulter une <a href="https://d.ergole.fr/r/SAnVyQ6GS5">vue dynamique</a> sur les données de cette enquête.</p>
<p>L’impact des cultures des grandes entreprises vers lesquelles se positionnent les étudiants des grandes écoles pourrait expliquer ce résultat. Ces multinationales sont souvent centrées sur le respect des procédures et les enjeux de sécurité. D’autant plus qu’en MBA, les étudiants sont très marqués par leur première expérience professionnelle, qui est très souvent dans une grande entreprise. Cette prévalence de la valeur de sécurité s’explique aussi par l’inquiétude des étudiants qui sont de moins en moins sécurisés dans leur parcours. En sortie d’école, les carrières sont de plus en plus aléatoires.</p>
<p>En conclusion, les business schools restent sous pression institutionnelle de la part de leur environnement sur les sujets RSE et éthique. Mais le vrai défi, la vraie transformation, viendra et vient déjà de leurs étudiants. Sans en être toujours conscient, cette génération de jeunes entre 20 et 30 ans cherche du sens, cherche des perspectives pour un avenir qui pour eux n’est plus synonyme d’une carrière hiérarchique avec un salaire mirobolant à la clef. Quelques cours d’éthique ou de RSE par-ci par-là ne correspondent plus à leurs valeurs.</p>
<p>Il est donc grand temps que les business schools s’interrogent et adaptent leur enseignement aux attentes des participants pour ne pas permettre à un Henry Mintzberg de constater : « The MBA trains the right people but in the wrong way ! »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132546/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si l’on voit souvent les candidats à un MBA comme des personnalités ambitieuses, le pouvoir ne ressort pas en première position des valeurs qu’ils revendiquent.Hans Schlierer, Professeur en négociation internationale, EM Lyon Business SchoolDamien Richard, Enseignant chercheur en management, Chaire Management et Santé au Travail, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273012019-11-21T20:51:22Z2019-11-21T20:51:22ZAugmenter les droits d’inscription à l’université : une autre conception du service public ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302716/original/file-20191120-491-su70c2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C7%2C992%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La hausse des frais d'inscription à l'université n'est pas seulement technique et comptable, elle reflète des choix politiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/money-coins-saving-set-increase-concept-1416886850?src=4261dc7f-3058-40ea-bde5-01437bbcb45e-2-90">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La situation précaire de nombreux étudiants est très souvent analysée à la lumière de <a href="https://theconversation.com/precarite-etudiante-de-la-difficulte-dune-evaluation-126872">leurs ressources</a>. Mais la lecture de leurs dépenses est tout aussi instructive. Au premier rang, on y retrouve la hausse des frais de scolarité. Une évolution trop souvent avancée comme technique et comptable, quand elle est en réalité fondamentalement politique…</p>
<p>L’augmentation des droits d’inscription à l’université, souvent présentée comme <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid97011/la-situation-financiere-des-universites.html">« sensible politiquement et socialement »</a>, est en réalité une hypothèse qui a depuis longtemps migré des eaux agitées du débat de société vers les étendues placides du consensus politique. A l’été 2011, <a href="http://tnova.fr/rapports/faire-reussir-nos-etudiants-faire-progresser-la-france">Terra Nova</a> et l’<a href="https://www.institut-entreprise.fr/archives/financement-de-lenseignement-superieur-quel-role-pour-les-entreprises">Institut de l’Entreprise</a>, deux <em>think tanks</em> dont on admettra qu’ils n’ont pas la même posture idéologique, plaidaient déjà quasi simultanément pour une augmentation de ces droits.</p>
<p>Cela n’a rien d’étonnant. La mise à contribution des usagers semble être devenue la solution privilégiée pour maintenir à flot certains services publics, alors même que le consentement à l’impôt montre d’inquiétantes limites.</p>
<p>C’est le cas pour ce même service public d’enseignement supérieur dans d’autres pays, comme les États-Unis : dans leur ouvrage sur la <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/313089/the-fourth-revolution-by-john-micklethwait-and-adrian-wooldridge/">« quatrième révolution »</a>, John Mickelthwait et Adrian Wooldridge constatent ainsi que les étudiants des universités d’État californiennes avaient vu leur contribution au financement de leurs établissements passer de 12 % en 1990 à près de la moitié de nos jours. C’est le cas aussi en France dans plusieurs autres secteurs, comme pour les <a href="https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Evaluation-de-la-politique-de-developpement-des-ressources-propres-des-organismes-culturels-de-l-Etat">organismes culturels de l’État</a> par exemple.</p>
<h2>Stratégie de financement</h2>
<p>Augmenter la <a href="http://www.theses.fr/2015AIXM1036">contribution des usagers</a> pour assurer l’équilibre financier d’un service n’a pourtant rien d’évident. Schématiquement, cela ne peut se défendre que dans trois circonstances :</p>
<ul>
<li><p>Lorsque, parmi l’ensemble des contribuables de la collectivité, la part des usagers du service diminue. Si la quasi-totalité des contribuables sont usagers du service, alors le financement par l’impôt s’impose. À l’inverse, un service qui ne bénéficierait qu’à un nombre très limité de contribuables devrait lui prioritairement être financé par une redevance.</p></li>
<li><p>Lorsque la part des contribuables parmi les usagers du service est de moins en moins importante. Cela peut être le cas lorsqu’un service est quasi exclusivement dédié aux touristes, par exemple.</p></li>
<li><p>Lorsque l’on constate que le service rendu a de moins en moins d’impact pour les contribuables qui ne l’utilisent pas. Si les usagers en sont considérés comme les uniques bénéficiaires, alors un financement majoritaire, voire exclusif, par une redevance plutôt que par l’impôt se justifie.</p></li>
</ul>
<p>On ne change donc pas la <a href="http://rennesmetropole.reference-syndicale.fr/2018/02/faut-il-en-finir-avec-le-paiement-du-service-par-le-contribuable-plutot-que-lusager/">structure</a> de financement d’un service sans que la nature elle-même du service n’ait évolué, qu’il s’agisse du public qu’il attire ou de son rayonnement pour la collectivité. Qu’en est-il du service public d’enseignement supérieur ?</p>
<h2>Mutations en cours</h2>
<p>Une augmentation des droits d’inscription pourrait s’envisager dans le cadre d’une baisse des contribuables parmi les inscrits. C’est une hypothèse que nous écarterons. S’il y a bien sûr le dernier quart de siècle une augmentation de la part des étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur, les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1371985?sommaire=1372045">évolutions constatées</a> ne nous semblent pas suffire à motiver une translation vers d’un financement par l’impôt à un financement par des frais d’inscription.</p>
<p>L’augmentation pourrait aussi s’envisager dans le cadre d’une baisse du public concerné. Là aussi, c’est une hypothèse que l’on pourrait être tenté d’écarter, puisque c’est en réalité la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2492222?sommaire=2492313">tendance inverse</a> qui est à l’œuvre : en 2015, 49 % des femmes et 41 % des hommes ayant entre 25 et 34 ans étaient diplômés de l’enseignement supérieur, contre seulement 39 % des femmes et 27 % des hommes nés deux décennies plus tôt.</p>
<p>Notons que cet élargissement du monde étudiant doit cependant être nuancé. La hausse des effectifs ne doit pas masquer leur évolution qualitative : l’enseignement supérieur ne se serait pas tant ouvert à toutes les classes de la population, il se serait seulement élargi aux classes moyennes, tout en continuant à ne bénéficier que marginalement aux classes populaires…</p>
<h2>Vague libérale</h2>
<p>Enfin, l’augmentation de frais pourrait se faire si le rayonnement du service pour la collectivité diminuait. Il s’agit là de la composante la plus subjective, ou en tout cas la moins objectivable, de notre grille d’analyse. Le service public d’enseignement supérieur serait alors de moins en moins considéré comme participant à l’éducation des citoyens et de plus en plus comme un outil d’insertion personnelle sur le marché du travail.</p>
<p>C’est un glissement sociétal dont il est difficile de contester la résonance, ne serait-ce qu’à travers le <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/02/29/le-gouvernement-tente-de-deminer-le-debat-sur-la-selection-en-master_4873345_4401467.html">débat</a> sur la sélection à l’entrée des masters.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mRh4ZwuP1qI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait de journal télévisé sur les nouvelles règles d’entrée en master (CNews).</span></figcaption>
</figure>
<p>Parce que son public n’évolue qu’à la marge, l’augmentation de la contribution des étudiants au financement de l’enseignement supérieur peut être interprétée comme un « déclassement » de ce service. La <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019809QPC.htm">récente décision du Conseil constitutionnel</a> affirmant le principe de gratuité de l’enseignement supérieur public s’apparente presque, on peut le regretter, à un baroud d’honneur.</p>
<p>L’affirmation si tardive d’un tel principe pourra-t-elle résister à une vague idéologique libérale à l’œuvre depuis des décennies ? Seuls les futurs contrôles du respect par le pouvoir réglementaire de la modicité et de l’adaptation aux capacités financières des étudiants pourront nous l’apprendre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Eisinger est membre du Bureau de l'AFIGESE</span></em></p>Financer l’enseignement supérieur par l’impôt, c’est le considérer avant tout comme un service public participant à l’éducation des citoyens. Une vision en mutation aujourd’hui ?Thomas Eisinger, Professeur associé en droit, gestion financière et management des collectivités, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1256672019-10-23T19:55:26Z2019-10-23T19:55:26ZDébat : La gratuité garantit-elle l’accessibilité de l’enseignement supérieur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298175/original/file-20191022-55641-1y57h1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C998%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le suivi d’études supérieures représente un effort financier qui va bien souvent au-delà des frais de scolarité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/hat-graduation-model-on-money-coins-1299673117?src=3gEwOgpfSXR4PJVZy6xhzQ-1-67">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2019/10/11/le-conseil-constitutionnel-acte-la-gratuite-de-l-enseignement-superieur_6015091_1473685.html">a confirmé</a> le devoir de l’État français en matière de gratuité de l’enseignement supérieur public. Cette décision s’appuie sur le préambule de la constitution du 27 octobre 1947 qui, dans son alinéa 13, stipule que :</p>
<blockquote>
<p>« La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »</p>
</blockquote>
<p>En 1947, les étudiants de l’enseignement supérieur représentaient une infime minorité de chaque génération, et la question était surtout de faire en sorte que chaque enfant puisse fréquenter, sans bourse délier, l’enseignement primaire et secondaire, qui était souvent dispensé à proximité. Mais dans cet alinéa, le Conseil constitutionnel lit aussi que l’enseignement public doit être gratuit à tous les niveaux, y compris après le bac.</p>
<p>Cela semble tout à fait raisonnable au premier abord, puisque la gratuité paraît être une condition pour assurer l’accessibilité pour tous. Si cela vaut pour la formation initiale, rien n’indique que ce ne serait pas le cas pour la formation continue. La première phrase de l’alinéa 13 semble le suggérer.</p>
<p>Les établissements publics devraient alors délivrer gratuitement leurs programmes destinés aux chômeurs, entrepreneurs et salariés – alors même que le ministère de l’Enseignement supérieur les encourage à développer leur activité dans ce domaine pour diversifier leurs ressources financières !</p>
<p>Il est vrai qu’en 1947, la formation continue pour adultes était peu développée et n’a peut-être pas été clairement identifiée par les membres de l’Assemblée nationale constituante. En revanche, il est probable qu’ils voulaient que l’enseignement, quel qu’en soit le niveau, soit accessible à tous.</p>
<h2>Des coûts au-delà des frais de scolarité</h2>
<p>Le suivi d’études supérieures représente un <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/08/19/les-organisations-etudiantes-s-inquietent-de-la-hausse-du-cout-de-la-rentree-et-de-la-vie-universitaire_5500566_4401467.html">effort financier</a> qui va bien souvent au-delà des frais de scolarité. Pour beaucoup d’étudiants s’ajoutent des coûts de déplacement et de logement qui sont souvent importants, et que le dispositif de bourses ne suffit à prendre en charge. La gratuité de l’enseignement n’est finalement qu’un des éléments de son accessibilité.</p>
<p>A contrario, le <a href="http://www.ove-national.education.fr/enquete/enquete-conditions-de-vie/">développement</a> important des prêts étudiants (quasi inexistants en 1947) s’avère un tremplin non négligeable vers des formations payantes, qu’elles soient dispensées par des établissements publics ou privés. Assortis de taux d’intérêt réduits, ils contribuent à développer l’accessibilité aux formations supérieures.</p>
<p>Ceci n’est que partiel, car les banques demandent généralement aux parents de se porter caution. Il est alors évident que l’accessibilité de l’enseignement supérieur est un leurre pour les jeunes issus de milieu modeste.</p>
<p>En réalité, l’enseignement supérieur français rencontre bien des difficultés pour être au rendez-vous du préambule de la Constitution du 27 octobre 1947. L’état des finances publiques rend difficilement réalisable le principe de gratuité dans l’ensemble des formations, surtout si on veut garantir une véritable accessibilité à chacun, quels que soient son milieu familial et sa situation géographique.</p>
<p>En outre, l’accroissement du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid146031/previsions-des-effectifs-dans-l-enseignement-superieur-rentrees-2019-et-2020.html">nombre d’étudiants</a> chaque année, tend à réduire les moyens consacrés à chaque étudiant, et ce sont les plus fragiles qui en sont les victimes. Relativement peu de jeunes issus de milieu défavorisé, entrent dans l’enseignement supérieur, et lorsque c’est le cas, ils échouent beaucoup plus souvent que les autres. Nous sommes bien loin de l’intention des rédacteurs de ce préambule.</p>
<h2>Modèle australien</h2>
<p>Cependant, certains pays ont trouvé le moyen de faire face à ce <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2019-1-page-141.html?contenu=article">challenge</a> : être accessible au plus grand nombre et offrir un enseignement supérieur de qualité pour tous. Il est vrai qu’ils s’appuient sur des dispositifs qui ont vu le jour après 1947.</p>
<p>Par exemple, depuis 1989, l’Australie a mis en place le système des prêts à remboursement contingent (PARC) qui permettent à l’enseignement supérieur de bénéficier d’un financement public complété par un financement assuré par les bénéficiaires de la formation. Les étudiants australiens suivent des études supérieures sans payer 1 dollar AU de frais de scolarité mais, une fois diplômés, s’ils occupent des emplois suffisamment rémunérateurs, ils remboursent le prêt qui leur a été octroyé.</p>
<p>Ainsi, les diplômés qui ne trouvent pas un bon emploi, ne remboursent rien, et si leur revenu annuel est supérieur à 45 881 dollars AU (27 987 euros), ils consacrent 1 à 10 % de celui-ci au remboursement de leur dette, sachant que ce pourcentage croît avec le revenu. Comme le clame une publicité, 100 % des gagnants ont joué ; mais avec ce dispositif, personne ne peut perdre. Difficile d’imaginer mieux.</p>
<p>Le modèle s’est révélé vertueux pour les étudiants australiens et pour l’ensemble de la société. Depuis 1989, le pays a connu une croissance ininterrompue et un taux de chômage très faible, notamment en raison de l’impact positif des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2014/10/01/le-pret-etudiant-plus-fort-que-les-bourses_4498225_3224.html">PARC</a> sur l’accroissement du capital humain et l’innovation. L’impact positif de l’éducation, et en particulier de l’enseignement supérieur, sur la croissance économique et la compétitivité a été démontré dans l’<a href="https://scholar.harvard.edu/aghion/publications/causal-impact-education-economic-growth-evidence-us">article</a> de P. Aghion, L. Boustan, C. Hoxby et J. Vandenbussche, et <a href="https://www.nber.org/papers/w22501">dans celui</a> de Anna Valero et John Van Reenen.</p>
<h2>Risques pris en charge</h2>
<p>Le modèle australien permet de lever deux obstacles au financement de l’enseignement supérieur par les étudiants :</p>
<ul>
<li><p>l’absence de caution qui permet à tous les jeunes de bénéficier des prêts ; elle est assurée par l’État</p></li>
<li><p>les difficultés potentielles de trésorerie des emprunteurs, dans la mesure où le remboursement n’est prélevé que lorsque le revenu est suffisamment élevé, et pour une fraction limitée de celui-ci.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, le taux maximal de revenu affecté au remboursement, 10 %, concerne les diplômés qui gagnent plus de 79 300 euros (130 000 dollars AU).</p>
<p>Avant 1989, l’enseignement supérieur était gratuit en Australie. Les observations menées notamment par <a href="https://researchers.anu.edu.au/researchers/chapman-bj">Bruce Chapman</a> de l’Australian National University montrent que l’introduction de frais de scolarité, accompagnés d’un dispositif de prêts à remboursement contingent, n’a pas eu d’impact sur la mixité socio-économique de la population étudiante, alors que le nombre d’étudiants a doublé, qu’ils soient d’origine modeste ou plus aisée.</p>
<p>Les universités australiennes ont bénéficié de moyens suffisants pour accueillir, de façon qualitative, un nombre croissant d’étudiants australiens et sont devenues très attractives pour les étudiants internationaux.</p>
<p>Une <a href="https://www.researchcghe.org/publications/working-paper/the-end-of-free-college-in-england-implications-for-quality-enrolments-and-equity/">étude récente</a>, sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2018-1-page-143.htm?contenu=resume">cas de l’Angleterre</a>, qui a adopté le modèle des PARC en 1997, alors que la gratuité prévalait auparavant, aboutit aux mêmes conclusions. Les moyens affectés à chaque étudiant ont augmenté (ce qui a permis d’améliorer la qualité de la formation) et le nombre de ceux-ci a progressé, sans qu’il y ait de changement en matière de proportion d’étudiants issus de milieu défavorisé.</p>
<h2>Nouvelles équations</h2>
<p>Finalement, gratuité ne rythme pas avec accessibilité et l’accessibilité peut être excellente, même si les études sont payantes. Pour que cette dernière condition soit remplie, il faut, comme en Australie, que l’État se porte caution pour les prêts étudiants et donc qu’il assume le risque financier de l’échec des diplômés.</p>
<p>Enfin, lorsque la gratuité induit une qualité médiocre, faute de moyens financiers publics suffisants, l’étudiant accroît son risque d’échec pendant les études et le diplômé n’est pas armé pour trouver un bon emploi.</p>
<p>C’est une question qui se pose dans les pays aux finances publiques fragiles, et qui veulent que l’enseignement supérieur soit exclusivement financé par de l’argent public. La paupérisation absolue ou relative de l’enseignement supérieur met en danger les jeunes et compromet l’avenir économique et social du pays.</p>
<p>Mais cet enjeu n’était pas nécessairement perceptible en 1947, sinon les rédacteurs de l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution auraient peut-être écrit : « La Nation garantit l’égal accès de tous les citoyens à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public et laïc, de qualité et accessible à tous, à tous les degrés est un devoir de l’État. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125667/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Ammeux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que le Conseil constitutionnel a confirmé la gratuité de l’enseignement supérieur public, regards sur un autre modèle, celui de l’Australie, et son système des prêts à remboursement contingent.Jean-Philippe Ammeux, Directeur, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1212142019-10-15T18:54:52Z2019-10-15T18:54:52ZEnseigner l’innovation : il n’y a pas que le design thinking !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296948/original/file-20191014-135501-apn8lz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1000%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">design shutterstock</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/inspiration-concept-crumpled-paper-light-bulb-318153698?src=N0UuRlzpcwDtcEDnE7WrDg-1-18">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Alors que le design thinking s’impose comme un outil pour développer la créativité, se diffusant dans de nombreux <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/10/07/le-design-thinking-essaime-dans-l-enseignement-superieur_5365874_4401467.html">parcours</a> de l’enseignement supérieur, des professionnels du design pointent le côté simpliste de la méthode, voire la supercherie d’un design sans designers.</p>
<p>En partageant plusieurs années d’expérimentations pédagogiques à l’<a href="https://www.promising.fr/">Université Grenoble Alpes</a>, à l’<a href="https://www.ensci.com/ensci-les-ateliers/">ENSCI-Les Ateliers</a> et à <a href="http://www.yncrea-hautsdefrance.fr/adicode/cest-quoi.html">Yncréa</a> Hauts-de-France, nous proposons de faire le point sur la variété des pratiques de design et de voir comment elles peuvent ouvrir le champ des formations à l’innovation.</p>
<h2>Qu’est-ce que le design thinking ?</h2>
<p>S’inspirant du travail et des modes de pensée des designers, le design thinking a permis de populariser le design dans les entreprises et l’enseignement. Mettant l’accent sur le processus de conception, cette méthode part de la compréhension intime de l’utilisateur, et invite au prototypage de solutions, au-delà des considérations de style traditionnellement associées au design.</p>
<p>Le design thinking aspire à deux choses :</p>
<ul>
<li><p>Formuler une lecture singulière d’une situation en partant de la compréhension des utilisateurs et de leurs pratiques, grâce à des observations ou des enquêtes de terrain,</p></li>
<li><p>Formaliser une solution réalisable à court terme, en laissant généralement de côté sa dimension esthétique. Le mot d’ordre est de générer et de tester le plus rapidement possible les productions les plus concrètes et les mieux adaptées possibles.</p></li>
</ul>
<p>Prenons l’exemple d’un groupe d’étudiants qui doit élaborer une proposition pour « repenser la rue ». Sur un tel projet, on peut imaginer qu’un travail d’observation et d’entretiens les conduise à identifier un « problème » pour un utilisateur : un parent qui a du mal à circuler avec une poussette dans des espaces envahis par les trottinettes.</p>
<p>L’enjeu du projet consiste donc ici à formuler un point de vue utilisateur : comment aider le parent à circuler avec sa poussette en toute sécurité sans être gêné par les obstacles sur le trottoir ? À l’aide d’un processus d’idéation, par exemple des séances de créativité, les étudiants sont amenés à formaliser un concept de service appelé aussi « expérience utilisateur » : une application qui indique au parent le chemin le plus dégagé d’un point à un autre en temps réel.</p>
<h2>Cartographie des approches « design »</h2>
<p>« Bon, ici on fait du vrai design, pas du design thinking à deux balles ! » Ce commentaire, relevé lors d’une réunion de designers, est typique de l’agacement que provoque souvent le design thinking dans les milieux professionnels. Certains vont jusqu’à l’apparenter à une <a href="https://medium.com/@sts_news/design-thinking-is-kind-of-like-syphilis-its-contagious-and-rots-your-brains-842ed078af29">maladie contagieuse</a>, remplaçant les capacités d’analyse critique par de la gesticulation et des phrases creuses.</p>
<p>Dans son acception la plus courante, en réalité, le design thinking est essentiellement une version simplifiée d’une petite partie du design. Mais les pratiques de design sont bien plus vastes. Pour en saisir toute la richesse, revenons sur deux axes structurants des activités de design dont nous avons déjà parlé : formuler et formaliser.</p>
<p>Pour formuler un problème, on peut réaliser comme en design thinking des enquêtes et des observations de terrain (c’est l’approche « terrain ») mais on peut aussi proposer une vision ou un sens renouvelé, partant d’une intention d’action dans le monde, de valeurs, voire d’une posture politique (c’est l’approche « intention »).</p>
<p>Pour formaliser une solution, donc incarner dans une forme sensible les solutions et les dispositifs imaginés, on peut le faire comme en design thinking avec une solution réalisable à court terme (l’approche « expérience utilisateur »), mais aussi en formalisant les dimensions d’une situation complexe pour la comprendre et raisonner (c’est l’approche « systèmes »).</p>
<p>Se dessinent ainsi trois autres situations types :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295869/original/file-20191007-121088-1wscqtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les espaces de pratique du design.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le design de sens</h2>
<p>Le quadrant « intention x expérience utilisateur » est le territoire privilégié du design dans son sens classique. C’est un champ dans lequel nous allons avoir des objets conceptuels déclinés sous forme de solutions précises.</p>
<p>Selon cette approche, dans le projet « repenser la rue » les étudiants sont invités à déployer une démarche de recherche sur l’environnement culturel de la rue du quartier étudié. Puis ils se focalisent sur un élément qui retient leur attention : le marché, par exemple, qui occupe la rue une partie de la semaine et constitue un lieu d’échange culturel, en même temps qu’un lieu d’échange économique.</p>
<p>À l’aide de recherches à propos des interactions sur les marchés dans différentes villes du monde, à différentes époques, les élèves proposent alors une expérience singulière : un système de mobilier urbain modulaire permettant aux habitants de la rue de faire leurs courses, rencontrer leurs voisins et leurs commerçants, voire proposer leurs produits d’auto-production. Cette proposition, centrée utilisateurs, vient renouveler le sens du marché dans la ville.</p>
<h2>Le design projectif</h2>
<p>Le quadrant « intention x systèmes » est le territoire d’un design plus visionnaire, plus centré sur des objets conceptuels. On peut trouver ici notamment les pratiques dites de design fiction.</p>
<p>Sur le projet « repenser la rue », il s’agit d’amener les étudiants à se projeter dans l’avenir, et à interroger son sens et sa « désirabilité ».</p>
<p>À l’aide d’outils permettant de se positionner sur des valeurs, sur des utopies ou dystopies, à partir de lectures issues de nombreux domaines, les élèves sont invités à formuler leurs aspirations vis-à-vis de la rue dans le futur, par exemple dans un manifeste.</p>
<p>Ils formalisent des scénarii qui permettent de soulever des questions sur le futur, souhaitable ou non, de la rue. Ce travail peut aboutir par exemple à l’esquisse d’une rue « métabolique », capable d’adapter sa configuration aux différents usages de la rue dans le temps.</p>
<h2>Le design-recherche</h2>
<p>Ce quadrant « terrain x systèmes » est le territoire de la modélisation et de la conceptualisation en vue d’une exploration. L’idée est de faire émerger des grilles de lecture singulières, avec une intention d’objectivité, basée sur des observations de terrain et des données scientifiques.</p>
<p>Sur le projet « repenser la rue », les étudiants sont invités à mettre en œuvre une démarche de recherche (entretiens, revue de littérature, cartographies d’acteurs) pour formuler une problématique qui mette en tension les acteurs et leurs enjeux. Ils identifient une question majeure peu travaillée à l’heure actuelle : la gestion des niveaux sonores aux différents moments de la journée.</p>
<p>Partant d’observations et de travaux scientifiques sur le son, ils proposent un « provotype » – c’est-à-dire un objet ayant vocation à déclencher des discussions et réflexions. Celui-ci peut être un jeu sérieux permettant de faire réfléchir les acteurs du quartier sur les enjeux de chacun en matière de bruit, et les leviers pour maîtriser le niveau sonore global dans une perspective systémique.</p>
<h2>Contraintes de temps</h2>
<p>Ni mieux ni moins bien, le design thinking constitue ainsi l’une des formes possibles pour mobiliser le design dans l’innovation, mais n’est pas la seule. D’autres approches sont possibles, à condition de garder en tête ce qui fait la valeur du design, et donc d’associer des designers professionnels à ces démarches, pour éviter ainsi le paradoxe du design sans designers.</p>
<p>D’un point de vue pratique, il faut être conscient que tout n’est pas faisable dans un temps réduit. Si une formation sur quatre ans en école de design devait permettre de passer par les quatre différentes approches du design (design thinking, design projectif, design de sens, design-recherche), un projet sur huit semaines et a fortiori un challenge de quelques jours ne pourra se faire que sur un territoire réduit.</p>
<p>Nous invitons ainsi les équipes pédagogiques à se positionner au sein de ce territoire riche du design pour évaluer ce qu’elles peuvent demander à leurs étudiants.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit en collaboration avec Apolline Le Gall, co-fondatrice de l’agence de design Où sont les dragons et chercheuse associée au Centre de recherche en design, ENSCI-ENS Saclay.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Chanal a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche au titre des actions IDEFI (Initiatives d'Excellence en formations innovantes) pour le programme Promising. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Irrmann a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche au titre des actions IDEFI (Initiatives d'Excellence en formations innovantes) pour le programme ADICODE. </span></em></p>En vogue pour former à la créativité, le design thinking est une version simplifiée d’une petite partie du design. Et si on explorait d’autres champs tels le design projectif ou le design de sens ?Valérie Chanal, Professeur, management de l'innovation et de la créativité, Grenoble IAE Graduate School of ManagementOlivier Irrmann, Professor of Innovation Management and Codesign, YncréaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1242372019-09-30T18:18:47Z2019-09-30T18:18:47ZCarrières et parité : les business schools sont de mauvaises élèves<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294790/original/file-20190930-194819-q26m87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C8%2C995%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En début de carrière, les femmes représentent 44% du personnel académique. Mais elles n'occupent ensuite que 21% des postes au rang le plus élevé de la hiérarchie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La question des inégalités de carrière entre hommes et femmes est un sujet de réflexion majeur. On ne compte plus les rapports émanant des pouvoirs publics, d’associations ou d’entreprises elles-mêmes, et qui soulignent les écarts en termes de salaire, de promotion ou d’accès aux postes de direction. Le droit du travail évolue, avec notamment la création d’un <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/8-mars-l-index-de-l-egalite-femmes-hommes-pour-reussir-l-egalite">index de l’égalité</a> Femmes-Hommes, mesurant les efforts des organisations, sous peine de sanctions financières.</p>
<p>Mais qu’en est-il des mentalités ? La formation étant l’un des creusets où se forgent les comportements de demain, il est ainsi légitime de se demander si les écoles de management et les universités sont elles-mêmes exemplaires en termes d’égalité de carrières entre hommes et femmes.</p>
<p>Force est de constater qu’il reste du chemin à parcourir, comme le montre l’étude sur les trajectoires de carrières selon le genre que nous avons menée dans les quinze plus grandes écoles de management françaises (voir le <a href="https://www.letudiant.fr/palmares/palmares-des-grandes-ecoles-de-commerce/excellence-academique-1.html">classement</a> de <em>l’Etudiant</em> et <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/etudes/ecoles-de-commerce/classement/">celui</a> du <em>Figaro</em>).</p>
<h2>Plafond de verre</h2>
<p>Les écoles de notre échantillon regroupent plus de 1 800 professeurs. Leurs dénominations peuvent varier suivant les établissements, mais on distingue en général trois rangs principaux :</p>
<ul>
<li><p>Professeur assistant (grade d’entrée dans la faculté avec le titre de doctorat ou PhD)</p></li>
<li><p>Professeur associé (grade intermédiaire)</p></li>
<li><p>Professeur, professeur senior ou <em>full professor</em> (plus haut grade dans la faculté).</p></li>
</ul>
<p>Les promotions d’un rang à l’autre sont accordées en interne par la direction générale de l’école ou suivant une procédure mobilisant des évaluateurs externes se prononçant sur le dossier du candidat. Malgré quelques différences, ces règles ont tendance à s’harmoniser, en partie du fait des exigences des organismes d’accréditation <a href="https://efmdglobal.org/accreditations/business-schools/equis/">Equis</a> et <a href="https://www.aacsb.edu/">AACSB</a>.</p>
<p>Le mérite est reconnu en fonction de critères académiques tels que le nombre, le rythme et la qualité des publications, la qualité de l’enseignement et l’engagement institutionnel. Malgré le caractère objectif de ces critères, notons que leur mesure repose en grande partie sur un principe d’évaluation par les pairs ou par le management.</p>
<p>Le corps professoral de ces quinze écoles est composé en moyenne de 62 % d’hommes. L’école qui maintient le meilleur équilibre arrive tout juste à 47 % de femmes, celle présentant le plus grand déséquilibre atteint les 75 % d’hommes dans son effectif d’enseignants. Il y a donc une inégalité de genre dans la composition des équipes, qui se retrouve au niveau européen. Comme le montre le <a href="http://rankings.ft.com/businessschoolrankings/european-business-school-rankings-2018">classement 2018</a> des 95 meilleurs business schools européennes par le <em>Financial Times</em>, la part moyenne des femmes dans les corps professoraux s’élève à un peu moins de 36 %.</p>
<p>Pourtant, en Europe, les femmes sont <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/EDN-20190211-1">davantage diplômées</a> de l’enseignement supérieur que les hommes. En effet, selon Eurostat, la direction de la Commission européenne chargée de l’information statistique, la part des femmes âgées de 25 à 34 ans diplômées de l’enseignement supérieur s’établissait en 2016 à 44 % et la part des hommes à 34 %.</p>
<p>En Europe, les femmes représentent 55 % des étudiants et 59 % des diplômés dans le premier niveau de l’enseignement universitaire. En début de carrière d’enseignant-chercheur, elles représentent 44 % du personnel académique. Mais elles n’occupent ensuite que 21 % des postes dans le rang le plus élevé de la hiérarchie.</p>
<p>L’investissement des femmes dans les études et l’enseignement supérieur n’a donc pas fait disparaître les inégalités dans l’accès aux plus hautes fonctions dans le monde académique. Le plafond de verre est bien présent puisque la part des femmes décroît avec la progression dans les avancements de grades. Et le problème se retrouve au niveau des salaires car ceux-ci sont directement liés au grade.</p>
<h2>Plus d’hommes aux postes de pouvoir</h2>
<p>L’inégalité dans la répartition entre hommes et femmes est encore plus marquée lorsqu’on analyse l’évolution de carrière au sein des écoles de management. En moyenne dans les 15 écoles, parmi les femmes, 32 % sont professeur assistant, 47 % professeur associé et seulement 21 % professeur senior. Alors que chez les hommes, la répartition est de 23 % professeur assistant, 40 % professeur associé et 37 % professeur senior. Il y a donc en moyenne beaucoup plus de professeurs seniors chez les hommes.</p>
<p>Dans toutes les écoles, la proportion de professeurs seniors chez les femmes est largement plus faible que chez les hommes. Et dans certaines écoles, cette différence est énorme. Une école affiche ainsi 18 % de seniors chez les femmes et 42 % chez les hommes, une autre 9 % chez les femmes contre 31 % chez les hommes.</p>
<p>La répartition des genres par rang fait également apparaître des inégalités criantes. En moyenne, la catégorie de professeur assistant se compose de 45 % de femmes, celle de professeur associé de 41 % de femmes et celle de professeur senior seulement de 25 % de femmes. Autrement dit, 75 % des professeurs seniors sont des hommes. Et là aussi, certaines écoles font apparaître des différences impressionnantes.</p>
<p>Trois écoles de l’échantillon ont plus de 80 % de leurs professeurs seniors qui sont des hommes, et l’une d’entre elles est à 91 %. L’école qui se rapproche le plus de la parité est seulement à 42 % de femmes au grade de professeur senior, et il n’y a que quatre écoles qui dépassent les 30 %. Les hommes sont donc plus représentés dans les grades les plus élevés. Plus le grade augmente, plus l’inégalité des sexes est marquée.</p>
<p>Les statistiques mettent en évidence une prépondérance masculine aux postes de pouvoir. Seulement 13 % des postes de direction d’école sont occupés par des femmes. Compte tenu de la tradition d’évaluation par les pairs qui prédomine dans le monde académique, la rareté de la présence des femmes au sommet de la hiérarchie managériale et académique conduit à penser qu’il y a un effet auto-alimenté du phénomène de plafond de verre.</p>
<p>La situation est identique partout dans le monde. <a href="https://www.aacsb.edu/-/media/aacsb/publications/data-reports/global-salary-survey/201819%20staff%20compensation%20demographics%20survey%20executive%20summary.ashx">L’étude</a> menée par AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business, l’organisme qui pilote l’une des deux prestigieuses accréditations tant recherchées par les écoles pour afficher une garantie de la qualité de leurs enseignements et nourrir leur réputation), qui porte sur la démographie du corps professoral dans 50 Business Schools de 25 pays différents, montre des résultats proches des nôtres. Sur une population de 33 275 enseignants, la proportion de femmes est de 38 % chez les professeurs assistants, 33 % chez les professeurs associés et seulement 22 % chez les professeurs seniors.</p>
<p>L’université française ne fait pas mieux. <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid139695/esri-chiffres-cles-de-l-egalite-femmes-hommes-parution-2019.html">Une étude</a> du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche montre que les femmes représentent 48 % des doctorants, 42 % des Maîtres de conférences, mais seulement 22,5 % des professeurs d’université. Et l’on ne trouve que 14,8 % de femmes dans la fonction de président d’université.</p>
<h2>Poids des stéréotypes</h2>
<p>Les explications à ce phénomène de blocage traditionnellement mises en avant se rapportent à l’articulation entre vie privée et vie professionnelle, mais également à des facteurs psychologiques liés au poids des stéréotypes. L’ambition et la compétitivité apparaîtraient toujours comme des qualités masculines et les femmes, ayant intériorisé ces stéréotypes, développeraient une moindre ambition professionnelle.</p>
<p>Il y aurait un « coût psychique » à surmonter pour s’imposer dans certaines carrières et un caractère sexué des stéréotypes associés au management. La conceptualisation du leadership est traditionnellement ancrée sur des compétences « dures » : l’affirmation de soi, la décision et la prise de risque. Les organisations seraient influencées par des normes dominantes et des modes managériaux calqués sur des modèles masculins.</p>
<p>Ces motifs s’appliquent au monde académique. Ainsi, une <a href="https://journals.openedition.org/pmp/4197">étude</a> met en avant trois facteurs principaux pour expliquer la faible représentation des femmes dans les plus hautes fonctions académiques :</p>
<ul>
<li><p>L’enseignement supérieur a longtemps été fermé aux femmes, plus présentes dans l’enseignement primaire et secondaire.</p></li>
<li><p>Les activités domestiques et familiales restent en majorité réalisées par les femmes, ce qui peut ralentir leur progression de carrière et limiter la possibilité pour elles de séjours à l’étranger, de participation à des projets de recherche internationaux, d’encadrement d’équipes de recherche…</p></li>
<li><p>Les femmes seraient davantage tournées vers la prise de responsabilités pédagogiques dans leurs institutions, au détriment de la recherche. Or c’est cette dernière qui prédomine dans les critères d’évaluation pour les promotions.</p></li>
</ul>
<p>Il faut nuancer fortement la question d’un moindre temps disponible pour le travail qui résulterait de l’investissement plus important des femmes dans la vie familiale. Dans les métiers académiques, il existe en effet une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail que dans la plupart des autres métiers.</p>
<p>Ainsi, si l’on retrouve de telles inégalités professionnelles dans le monde académique, c’est au niveau du poids des stéréotypes et de la reproduction de normes sociales influencées par des modèles masculins qu’il faut rechercher l’explication.</p>
<p>Mais l’influence masculine sur les normes, en particulier sur les critères d’évaluation pour l’octroi de promotion, est d’autant plus difficile à faire évoluer que la hiérarchie académique est dominée par les hommes. <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/dossiers/egalite-professionnelle/obligations-des-entreprises/egalite-professionnelle-dans-la-loi/">L’appareil législatif</a> déployé par le gouvernement au niveau des entreprises pourrait être une piste de solution s’il est adapté aux spécificités du monde académique.</p>
<p>Les organismes d’accréditation ou de classement des écoles et universités, qui influencent fortement leur réputation, peuvent également jouer un rôle important s’ils renforcent les critères liés à la parité. Si l’on souhaite voir la société évoluer vers la parité, il est important de pouvoir appliquer celle-ci aux institutions d’éducation et de formation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124237/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les écoles de management qui forment les cadres de demain offrent-elles les mêmes opportunités de carrière à leurs enseignants, hommes et femmes ? Les chiffres montrent que c’est loin d’être le cas.Frédéric Prévot, Professeur de Stratégie et Management International, Kedge Business SchoolStéphanie Lavigne, Directrice générale TBS, professeur de stratégie, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1210692019-08-26T18:49:35Z2019-08-26T18:49:35ZBusiness schools : en route pour l’uberisation des enseignants-chercheurs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/286023/original/file-20190729-43126-mpujmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C2%2C860%2C501&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines écoles créent des programmes doctoraux à l’intention des cadres en activité et font ponctuellement appel à des professeurs d’université pour les animer.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/481869205?src=DaKSpm7G4CLcFXN7JAYupw-1-3&studio=1&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis une <a href="https://www.ft.com/content/377f7054-81ef-11e4-b9d0-00144feabdc0#axzz3M8s3UwVa">interview</a> donnée fin 2014 par Maurice Lévy au <em>Financial Times</em>, l’expression « uberiser » fait florès. La question s’est même invitée dans les débats de la dernière élection présidentielle, c’est dire. Selon <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Uberisation">Wikipédia</a>, ce terme, tiré du nom de l’entreprise californienne de véhicules de tourisme avec chauffeurs, Uber, renvoie à</p>
<blockquote>
<p>« un phénomène récent dans le domaine de l’économie consistant en l’utilisation de services permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière quasi instantanée, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. Ce concept s’oppose en fait à celui connu depuis des générations, et particulièrement depuis les “trente glorieuses”, c’est-à-dire le monde fixe et réglementé du salariat ».</p>
</blockquote>
<p>L’<a href="https://www.vie-publique.fr/focus/decrypter-actualite/uberisation.html">uberisation</a> bouleverserait le modèle du salariat bien établi depuis les Trente Glorieuses dans des métiers de plus en plus variés. Même l’enseignement supérieur n’y échapperait pas. C’est ainsi que certains dirigeants de business schools, comme <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/education-9782212561234/">Bernard Belletante</a> d’EM Lyon, n’hésitent pas <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SbHo3DgZqRs">appeler de leurs vœux</a> l’uberisation des enseignants-chercheurs.</p>
<p>D’autres directeurs d’écoles en parlent lors de séminaires internes et la mettent en pratique à travers leurs sites Internet qui permettent à des vacataires indépendants de soumettre leurs offres de service.</p>
<h2>Critères académiques</h2>
<p>À en croire les avocats de l’uberisation des écoles de commerce, l’évolution est inéluctable. Au-delà du discours convenu sur le monde « qui change », et l’irruption des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ébranlent les modes classiques de transmission des savoirs, il existe de vraies raisons qui poussent les dirigeants de ces écoles vers une uberisation de leur corps enseignant.</p>
<p>La première est économique. Si l’on rapporte son salaire à l’heure de cours, un professeur permanent coûte cher. Notons qu’historiquement les écoles de commerce n’avaient quasiment pas de corps professoral permanent et faisaient appel à des professionnels de la gestion et à des professeurs de faculté, notamment en droit et en économie.</p>
<p>C’est avec la nécessité de développer la recherche académique, du fait des exigences des <a href="https://www.letudiant.fr/etudes/ecole-de-commerce/les-labels-des-ecoles-de-commerce-19662.html">agences d’accréditation</a> internationales (AACSB, AMBA, EQUIS), que ces écoles se sont mis à recruter des enseignants-chercheurs permanents au début des années 2000.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-triple-a-des-ecoles-de-commerce-des-accreditations-entre-assurance-qualite-affaire-et-accusations-86246">Le triple A des Écoles de Commerce : des accréditations entre assurance-qualité, affaire, et accusations</a>
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<p>Mais cette politique se heurte aux contraintes de son financement. En effet, contrairement aux universités publiques, ces écoles doivent s’autofinancer et le coût de cette recherche se répercute sur les <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2016/11/15/ecoles-de-commerce-jusqu-ou-se-poursuivra-la-hausse-des-frais-de-scolarite_5031686_4401467.html">tarifs</a> demandés aux étudiants (de 13 000 à 16 000 euros/an, soit en moyenne 45 000 euros pour 3 années). L’autre levier consiste à augmenter les effectifs étudiants pour accroître les ressources financières.</p>
<h2>Internationalisation</h2>
<p>Le deuxième facteur qui pousse ces écoles à s’uberiser est leur internationalisation. En effet, en ouvrant des campus un peu partout dans le monde, il devient de plus en plus nécessaire de recruter pour des missions ponctuelles des intervenants sur place ou de les faire venir d’ailleurs. Ces intervenants peuvent être des consultants ou des professeurs d’universités étrangères.</p>
<p>Avec une marque reconnue à l’international grâce aux classements du <em>Financial Times</em> et avec la triple couronne (<a href="https://www.aacsb.edu/">AACSB</a>, <a href="https://www.mbaworld.com/accreditation">AMBA</a> et <a href="https://efmdglobal.org/accreditations/business-schools/equis/equis-accredited-schools/">EQUIS</a>) il n’est pas trop difficile d’attirer des intervenants titulaires de PhD venant du monde entier. Intervenir dans de telles écoles constitue un plus dans le CV.</p>
<p>L’uberisation peut même aller plus loin que l’animation de cours ou de séminaires. Il est ainsi possible de créer des programmes doctoraux à l’intention des cadres en activité (Executive DBA) sans professeurs permanents en ayant recours à des professeurs d’université qui cherchent à sortir ponctuellement de leur cadre institutionnel et arrondir leurs fins de mois.</p>
<p>On peut citer à cet égard le <a href="https://www.business-science-institute.com/">Business Science Institute</a> du professeur Michel Kalika qui fait appel à plus de 100 professeurs d’université d’Europe, mais également d’Amérique du Nord, et d’Asie. D’autres business schools s’engagent dans cette voie qui permet de limiter au minimum les coûts fixes.</p>
<p>Le dernier facteur qui pousse à l’uberisation est d’ordre sociétal. Le travail indépendant correspond aujourd’hui à une demande d’autonomie. La possibilité de fractionner le travail « à la tâche » (<a href="https://theconversation.com/la-gig-economy-vers-une-economie-a-la-tache-mondialisee-70982"><em>gig economy</em></a>) offre une multiplicité de choix aux consultants et enseignants pour structurer leur activité professionnelle indépendamment d’une relation salariale à une école.</p>
<h2>Parades</h2>
<p>Plusieurs freins risquent néanmoins de ralentir la course à l’uberisation des business schools. Le premier est d’ordre réglementaire. En effet, dans l’état actuelle de la réglementation, pour délivrer un diplôme reconnu par l’État au niveau master (comme le programme Grande école), les écoles doivent pouvoir justifier qu’au moins 50 % des enseignements sont réalisés par des professeurs permanents.</p>
<p>Ceci constitue à l’évidence une limite à l’utilisation d’enseignants vacataires uberisés. Une parade revient à recruter des enseignants non chercheurs faisant un maximum d’heures de cours et encadrant de nombreux vacataires.</p>
<p>L’autre frein vient des exigences des agences d’accréditation qui surveillent la production de recherche des business schools. Seuls les articles signés par les professeurs permanents au nom de l’école sont pris en compte dans leurs évaluations. Il faut donc bien conserver un minimum de professeurs permanents pour justifier d’une activité de recherche.</p>
<p>Afin de booster cette production, on incitera les enseignants de l’école à nouer des partenariats avec des collègues étrangers. Ces derniers participent de fait à l’uberisation de la business school. Autre parade complémentaire : spécialiser certains enseignants sur la recherche uniquement en les délivrant au maximum des charges d’enseignement.</p>
<h2>Segmentation</h2>
<p>Enfin, le dernier frein, et certainement le plus fort, est celui de la perte d’identité. Comment en effet développer une identité forte et un savoir spécifique sans professeurs permanents attachés à l’institution ? Bref, comment « faire école » avec uniquement des vacataires uberisés ? C’est ici qu’on retrouve la spécialisation des établissements en fonction de leur public.</p>
<p>Les établissements les plus prestigieux chercheront à développer des enseignements spécifiques à partir des recherches de leurs professeurs permanents, alors que les autres se contenteront de délivrer des enseignements standards sur la base de manuels écrits par les autres et délivrés par des vacataires.</p>
<p>Ceci étant, pour les étudiants qui ne chercheront qu’à accumuler des savoirs validés par des tests de compétence spécialisés (par exemple la comptabilité, la gestion commerciale ou des achats, etc.) ces écoles sans chercheur répondront à cette demande.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-alerte-sur-lenseignement-superieur-de-gestion-francais-84296">Débat : alerte sur l’enseignement supérieur de gestion français</a>
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<hr>
<p>Si on prend au sérieux le risque d’uberisation, il devient urgent pour les enseignants-chercheurs en management de se positionner clairement par rapport à cette évolution. Le pire serait de vouloir s’en tenir au vieux modèle de l’universitaire qui fait un peu de tout : de l’enseignement (beaucoup parfois), de la recherche (souvent insuffisamment) et de l’administration (souvent obligé).</p>
<p>Dans le monde des business schools, les enseignants-chercheurs vont devoir se spécialiser : devenir des chercheurs reconnus au plan international pour justifier leur traitement ou alors devenir d’excellents pédagogues capables de développer des cours innovants et de coacher des équipes d’enseignants vacataires ubérisés.</p>
<p>Certains choisiront la voie du travail indépendant et chercheront à développer leur notoriété à partir des réseaux sociaux. Ce faisant, ils accompagneront l’uberisation des business schools.</p>
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<p><strong>Droit de réponse de Michel Kalika, Président du Business Science Institute</strong></p>
<p>Notre collègue, le Professeur Michel Albouy souligne dans son papier le risque de l’Ubérisation de l’enseignement supérieur et cite comme exemple le Business Science Institute, organisation académique en réseau spécialisée au plan international sur un programme d’Executive Doctorate in Business Administration pour managers – organisation que je dirige. </p>
<p>Le concept d’Ubérisation renvoie à une organisation en réseau où les ressources sont externalisées (arbitrage classique entre hiérarchie et marché), où le système d’information joue un rôle central dans la gestion des processus, où le service de qualité est évalué et où la logique financière (rentabilité, stratégie low-cost) est prépondérante. </p>
<p>L’exemple cité du du Business Science Institute illustre les limites de la comparaison et le risque de contre-sens : les professeurs d’Universités et de Grandes Ecoles ne sont pas des chauffeurs de taxi et un processus de suivi de thèse sur 3 ans ne peut pas être comparé à une course de taxi de 30 minutes.</p>
<p>L’idée de la création du Business Science Institute remonte à 2012 à un moment où, pour des raisons tout à fait légitimes, l’université dans laquelle nous étions en poste ne souhaitait pas développer à l’international un programme de DBA par définition très consommateur de ressources académiques rares dans les universités. </p>
<p>Le facteur clé de succès d’un DBA dépend en effet en premier lieu de la ressource professorale disponible : un candidat manager entre dans le programme avec son sujet et le rôle du pilote du programme est d’identifier un professeur compétent, intéressé par le sujet et s’engageant à être réactif face aux demandes de soutien de managers internationaux exigeants. </p>
<p>L’idée de la constitution du réseau académique que nous avons partagé avec quelques collègues au départ (plus de 100 actuellement) était donc de répondre à une demande de managers en activité recherchant un encadrement doctoral. Cette organisation académique en réseau compte aujourd’hui plus de 140 doctorants-managers, a fait soutenir une cinquantaine de thèses et publié plus de 20 ouvrages en français, anglais, allemand et chinois, écrits par des professeurs et des docteurs de DBA. </p>
<p>Qu’est-ce qui explique le développement du Businesss Science Institute ? D’abord le fait que les institutions académiques traditionnelles avaient un intérêt limité pour un marché de niche, coûteux en termes de suivi professoral, exigeant une réactivité forte (y compris le week-end et pendant les vacances) et une agilité. Ensuite, un tel projet repose avant tout sur les professeurs, la confiance qu’ils ont dans le projet et leurs motivations. </p>
<p>Les professeurs ou HDR qui s’impliquent pendant trois ans dans un suivi de thèse à distance rigoureux, dont la soutenance est autorisée par deux rapporteurs professeurs et se déroule devant un jury de 5 à 6 collègues ne sauraient être comparés aux vacataires visant à arrondir leurs fins de mois ! Il y a là un véritable contresens. </p>
<p>L’implication des collègues professeurs qui, de tout temps, ont eu des activités extérieures (enseignement, consulting, etc., comme d’ailleurs les professeurs de médecine (à l’hôpital) ou de droit (souvent avocats) semble répondre à deux caractéristiques : la volonté d’être en contact avec des doctorants-managers leur apportant des opportunités de terrain riches permettant des publication de cas, d’articles et la possibilité d’utiliser les espaces de liberté d’une organisation en réseau basée sur la confiance où ils peuvent en dehors de la hiérarchie se réaliser pour le bénéfice des doctorants-managers. </p>
<p>Ce qu’apporte ce type d’organisation académique en réseau a d’ailleurs été bien compris par des institutions traditionnelles puisque des partenariats ont été conclu avec plusieurs institutions universitaires françaises et étrangères et une Grande Ecole bénéficiant des trois accréditations internationales (EQUIS, AACSB, AMBA). </p>
<p>En conclusion, la nouvelle forme d’organisation académique en réseau que représente le Business Science Institute a eu cinq impacts : 1) répondre à une demande du marché, 2) créer des partenariats avec des institutions académiques traditionnelles, 3) répondre aux besoins de collègues visant à s’investir dans les relations avec des managers, 4) permettre à des managers de créer de la connaissance et 5) stimuler un marché où seules deux institutions organisaient jusqu’à présent un DBA mais où maintenant les créations de DBA sont légions. </p>
<p>La comparaison avec le marché des taxis trouve donc là sa limite ! Accordons cependant à notre collègue que dans les deux cas la nouvelle forme d’organisation en réseau académique ne se développe que si elle répond de manière efficiente à une attente et que, quelle que soit la forme organisationnelle, le Professeur, directeur de thèses est au cœur de l’institution.</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/121069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les écoles de management doivent développer leur recherche et se distinguer à l’international, le tout avec des ressources contraintes. Dans ce cadre, le recours à des profs indépendants se banalise.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1198392019-07-17T21:23:32Z2019-07-17T21:23:32ZÀ quoi servent les classements universitaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/284119/original/file-20190715-173360-19lqdcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C986%2C553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campus de l'Université de Stanford (États-Unis), sur la deuxième marche du podium du QS 2020.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/418900891?src=D_W_1nsgjHLFMFAs2coekg-1-1&studio=1&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Chaque année, les <em>rankings</em> des universités fleurissent, suscitant le même émoi que la parution des grands guides gastronomiques. Qui sera dans le « top 50 » ? Avons-nous progressé ? Où en sont les universités voisines (amies, néanmoins concurrentes) ? Ces interrogations agitent les responsables des établissements d’enseignement supérieur.</p>
<p>En fait, ces classements tiendraient davantage des grandes bourses mondiales que sont le Dow Jones ou le CAC 40 que du Michelin ou du Gault-Millau. En effet – car c’est bien le modèle dominant –, les universités sont évaluées en fonction de leurs produits (les formations et les résultats de la recherche), de la qualité de leur personnel et de leur capacité à attirer les financements, ce qui se traduit par la qualité (intellectuelle et financière) et la quantité de la clientèle (comprenez les étudiants) qui franchiront les portes de l’établissement.</p>
<p>Dans ce grand marché de l’éducation, les rankings viennent périodiquement dessiner une cartographie de l’éducation à usages multiples, à l’adresse des étudiants, des chercheurs, des responsables d’université et des décideurs politiques.</p>
<p>Signalons d’emblée qu’ils ne sont pas les seuls repères, puisque se multiplient aujourd’hui les labels et accréditations de toutes sortes, souvent spécialisés par domaines, qui certifient la qualité de l’enseignement dans certaines filières. Celles qui s’occupent des grandes écoles de commerce, comme <a href="https://www.aacsb.edu/">AACSB</a> ou <a href="https://www.letudiant.fr/etudes/ecole-de-commerce/les-labels-des-ecoles-de-commerce-19662/le-label-equis-european-quality-improvement-system-17109.html">EQUIS</a>, sont les plus connues.</p>
<h2>Quatre sources phares</h2>
<p>Les jugements portés sur les rankings en Europe, notamment dans les pays latins, sont souvent sévères. Il faut dire que, globalement, les <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/classement-mondial-qs-pour-la-premiere-fois-la-france-est-eliminee-du-top-50-des-universites_25e5a8b8-9293-11e9-908c-e04cf7f68362/">universités françaises</a>, belges, italiennes ou espagnoles, n’y brillent guère.</p>
<p>Trois classements jouissent d’une audience mondiale :</p>
<ul>
<li><p><a href="http://www.shanghairanking.com/ARWU2018.html">Academic Ranking of World Universities (ARWU), Shanghai</a></p></li>
<li><p><a href="https://www.timeshighereducation.com/world-university-rankings">Times Higher Education, World University Rankings (THE-WUR)</a></p></li>
<li><p><a href="https://www.topuniversities.com/university-rankings/world-university-rankings/2019">QS – World University Rankings (QS-WUR)</a></p></li>
</ul>
<p>Tous mesurent la qualité de la recherche (parfois de l’enseignement) en se fondant essentiellement sur des indices bibliométriques, des données quantitatives fournies par les universités, sur des enquêtes de notoriété et sur la présence de personnalités dont l’excellence a été reconnue par l’obtention de prix prestigieux (Nobel, médaille Fields).</p>
<p>Si quelques critères sont spécifiques à certains classements, la différence se fait surtout sur leur pondération :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283026/original/file-20190708-51253-t22se9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comparatif des critères de classement.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Partout, on voit que la notoriété est un élément important, pesant lourdement sur le résultat final (respectivement 50 %, 33 % et 40 %). La recherche ensuite est un facteur déterminant par rapport à l’enseignement. Enfin l’internationalisation est directement prise en compte par le QS-WUR, à hauteur de 30 %.</p>
<p>La recherche est essentiellement évaluée par des indicateurs bibliométriques (<em>Web of Science</em> ou <em>Scopus</em>). Première réflexion, tous les domaines ne sont pas couverts. Les sciences humaines sont moins représentées ; de manière générale, les publications en anglais se taillent la part du lion. C’est particulièrement vrai dans le domaine des sciences et techniques et des sciences du vivant.</p>
<p>Seconde réflexion, les revues font elles-mêmes l’objet d’un ranking, au sommet duquel trônent <em>Nature</em> et <em>Science</em>, dont le classement, largement influencé par les grands éditeurs commerciaux (Elsevier, Springer, Wiley, etc.), est lui-même critiqué (par exemple, Scopus est directement contrôlé par Elsevier, par ailleurs partenaire du classement QS-WUR !).</p>
<p>Les rankings classent les universités en bloc, ce qui n’a pas beaucoup de sens. Aussi a-t-on vu apparaître des classements par domaines, ce qui affine un peu l’analyse, sans répondre toutefois aux critiques que l’on peut faire sur l’usage des <a href="https://www.hepi.ac.uk/wp-content/uploads/2016/12/Hepi_International-university-rankings-For-good-or-for-ill-REPORT-89-10_12_16_Screen-1.pdf">indicateurs bibliométriques</a>).</p>
<p>À ces trois rankings très médiatisés est venu s’ajouter un quatrième, dont on parle moins, <a href="https://www.umultirank.org/about/methodology">U-Multirank</a>, soutenu par l’Union européenne. Ce classement se positionne ouvertement comme une alternative aux rankings traditionnels auxquels est reproché – fort justement – de ne se préoccuper que des universités de recherche à vocation internationale.</p>
<p>U-Multirank n’entend pas produire un palmarès des meilleures universités. Il cherche plutôt à situer chaque établissement en fonction de cinq grands critères : enseignement et apprentissage, recherche, transfert de connaissances, orientation internationale, et engagement régional.</p>
<h2>Risques de dérives</h2>
<p>En dehors de l’émotion passagère lors de leur publication, à quoi peuvent bien servir les rankings ? On distinguera ici, à tout le moins, quatre catégories de « consommateurs » : les étudiants, les chercheurs, les responsables d’université et les décideurs politiques.</p>
<p>Si les étudiants de premier cycle choisissent le plus souvent leur université en fonction d’un critère de proximité géographique, la perspective change en master et en doctorat. De fait, la notoriété d’un établissement, l’accréditation de certaines formations apparaissent comme une garantie d’un diplôme de qualité, qui sera reconnu et valorisé sur le marché de l’emploi.</p>
<p>Les chercheurs en début de carrière sont guidés dans leurs choix par des considérations fort semblables. Faire partie d’une équipe renommée est un atout pour la construction du CV personnel, une promesse aussi d’un accès plus facile à des publications bien « rankées ». Pour un enseignant-chercheur, contribuer au ranking de son institution signifie en fait améliorer son propre ranking. Ceci l’amènera donc à porter son attention sur ce qui sert à marquer des points, ce qui peut déboucher sur des stratégies de publication.</p>
<p>En dehors du choix de la revue (importance du facteur d’impact), des dérives plus inquiétantes se font jour. Ainsi, pour accroître le nombre de citations, il est plus intéressant de publier des « guidelines » dans un domaine général ou un article sur un thème à la mode que de s’intéresser à des sujets pointus et originaux qui ne touchent qu’un nombre restreint de spécialistes. La pression des rankings pourrait ainsi en venir à conditionner le choix des thèmes de recherche.</p>
<p>L’intérêt de l’enseignant-chercheur à soigner son ranking est parfois motivé par le souci de rejoindre à terme un établissement prestigieux. Une sorte de mercato scientifique se met ainsi progressivement en place où des chercheurs de valeur essaient de rejoindre des établissements de renom, et où des universités moyennes essaient d’améliorer leur classement en recrutant des chercheurs renommés.</p>
<p>Les responsables d’universités, présidents et recteurs, peuvent faire un usage interne et externe des rankings. En dépit des critiques – justifiées – qu’on peut leur adresser, les rankings sont tout de même l’indicateur de quelque chose. On peut donc les utiliser comme des thermomètres. Cela posé, de même qu’on peut être gravement malade avec une température normale à 36,7°, de même une température élevée n’indique pas forcément (même rarement) la nature précise du mal.</p>
<p>Le classement invite donc à se poser des questions, sans qu’on sache toujours très bien lesquelles. Il y aura d’autant plus intérêt à le faire qu’il est possible d’analyser la tendance sur plusieurs années : classement stable, en hausse ou en baisse.</p>
<p>En externe, les rankings entrent dans la stratégie des universités pour nouer des partenariats, attirer des étudiants et des financements. Il sera donc stratégique de s’allier avec des universités mieux classées pour bénéficier d’un effet d’entraînement, ou à tout le moins avec des établissements situés dans la même zone de classement. L’analyse de la composition des réseaux d’universités qui viennent récemment de recevoir le label d’université européenne est révélateur des stratégies mises en place par les institutions.</p>
<h2>Panel de stratégies</h2>
<p>Si les universités font régulièrement la moue devant les résultats des rankings – surtout si elles ne sont pas dans le haut du classement –, la plupart sont tout de même bien forcées de s’en préoccuper. Pour ce faire, il faut d’abord comprendre les paramètres du calcul et évaluer la maîtrise que l’on peut en avoir. Le tableau ci-dessous vise à donner une idée de la marge de manœuvre possible :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283028/original/file-20190708-51297-1e8o869.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Enjeux et difficultés des classements.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les universités ne maîtrisent pas de la même manière tous les paramètres qui entrent en compte dans les classements. Par exemple, les institutions ont la main sur le recrutement des enseignants-chercheurs, beaucoup moins sur l’encadrement (ratio staff/étudiants) dans la mesure où les contraintes financières limitent fortement les ambitions, et elles n’ont que très peu de prise sur les enquêtes de notoriété.</p>
<p>Une institution peut donner une orientation forte en matière de publication, mais ce sont en définitive les chercheurs qui s’aligneront ou non sur cette politique. Dans ce dernier cas, on pourrait assister à des conflits potentiels. Prenons par exemple l’« Open Access », qui vise, entre autres choses, à contrer la suprématie (financièrement ingérable) des grands groupes de l’édition scientifique.</p>
<p>La valorisation des publications en Open Access par une institution pourrait aller à l’encontre des préoccupations des individus, soucieux de la construction de leur carrière personnelle, ce qui passe toujours par la publication dans des revues à haut facteur d’impact, lesquelles sont contrôlées par les grands éditeurs (<a href="http://www.academieroyale.be/fr/les-publications-toutes-publications-detail/oeuvres-2/science-ouverte-defi-transparence/">Rentier 2019</a>).</p>
<p>On peut escompter que certaines mesures auront un effet assez rapide sur les classements, tandis que d’autres, plus structurelles, ne peuvent produire des résultats qu’à moyen, voire à long terme. C’est typiquement le cas des recrutements des nouveaux chercheurs. En revanche, les enquêtes de notoriété peuvent être influencées par une communication ciblée de la part des universités et par un lobbying plus agressif.</p>
<p>Enfin, un mot pour terminer sur l’influence des rankings sur les décideurs politiques. Dans la mesure où les classements cumulés de toutes les universités d’un pays peuvent donner une idée générale du niveau national de la recherche et de l’enseignement, les gouvernements gardent un œil sur les rankings, même s’il est difficile de se prononcer sur leur influence sur les politiques nationales.</p>
<p>En conclusion, en dépit de leur faible valeur scientifique, il est illusoire d’imaginer que les rankings vont (rapidement) disparaître du paysage académique. Les intérêts financiers à promouvoir certains modèles d’université, certaines formes de recherche sont trop importants pour être facilement contrecarrés.</p>
<p>Promouvoir d’autres types de classement, d’autres formes d’évaluation pourrait utilement contrebalancer le pouvoir excessif des rankings mondiaux. Mais il y faudrait mettre beaucoup de moyens et de compétence si l’on veut rendre justice à tous les types d’activités – pas uniquement la recherche – qui font une université.</p>
<p>Est-on vraiment prêt à fournir cet effort pour dégager un modèle original d’université, celui d’une université au carrefour de la science, de la culture et de la société ? C’est là un défi majeur posé à la classe politique européenne si elle veut être à la hauteur des attentes de la société (voir <a href="http://www.academieroyale.be/fr/les-publications-toutes-publications-detail/oeuvres-2/l-universite-croisee-chemins/">Winand 2018</a>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Winand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le classement de Shanghai 2019 vient de paraître. Que mesure vraiment ce type de palmarès : qualité de la recherche, enseignement ou notoriété ? Et face à leur influence, quelle stratégie développer ?Jean Winand, Premier vice-recteur et professeur d'égyptologie, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1200442019-07-16T17:01:12Z2019-07-16T17:01:12ZÉcole de commerce : la réalité virtuelle renouvelle les cours de marketing<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283114/original/file-20190708-51278-k6jxm3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C956%2C520&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">89% des étudiants de Paris School of Business qui ont pu intégrer la réalité virtuelle à leurs cours se sont déclarés satisfaits de l'expérience.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Apprentissage immersif, expérientiel, « action learning »… les méthodes pédagogiques innovantes ont fleuri au cours de ces dernières années de sorte qu’on ne parle désormais plus d’apprentissage mais d’expérience d’apprentissage. Changeant de posture, l’étudiant et l’enseignant s’inscrivent désormais, tous deux, dans une démarche de co-construction de la connaissance et de la compétence.</p>
<p>Quelles seraient les vertus de ces innovations pédagogiques ? Dans quelle mesure seraient-elles plus efficaces que les méthodes traditionnelles ? À ce titre, doit-on nécessairement opposer innovation pédagogique et méthodes traditionnelles d’apprentissage ? N’y aurait-il pas en définitive complémentarité entre les deux modalités d’apprentissage ?</p>
<p>Afin d’apporter un éclairage sur ces questions, le département marketing de Paris School of Business a réalisé une expérimentation basée sur l’intégration de la réalité virtuelle dans les processus d’apprentissage. En effet, cette dernière, permet à ses utilisateurs de vivre une expérience sensorielle unique, en les immergeant dans un environnement avec lequel ils vont pouvoir interagir.</p>
<p>Transposée à la pédagogie, la réalité virtuelle permet aux étudiants de s’immerger virtuellement dans un environnement dont ils vont devoir décrypter les principales caractéristiques et concepts-clés. Ces dernières années ont vu se développer l’apprentissage expérientiel dans les universités, écoles, entreprises, organismes de formation entre autres. En effet, en vertu du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%B4ne_de_l%27apprentissage">cône de l’apprentissage de Dale</a>, il semblerait que les individus retiennent généralement 10 % de ce qu’ils ont lu contre 50 % de ce qu’ils ont vu ou entendu.</p>
<h2>Travail de groupe</h2>
<p>Cette expérience d’intégration de la VR dans les enseignements du département marketing a concerné 215 étudiants du programme « Grande École », de la première à la troisième année. Au sein de chacune des classes concernées, des groupes de travail ont été constitués pour générer une atmosphère propice aux échanges – autour, le cas présent, de l’évaluation d’un point de vente Franprix.</p>
<p>L’intégration de la réalité virtuelle ou de toute autre technique immersive ne peut se suffire à elle seule et nécessite, de la part des enseignants, de penser et de construire une véritable scénarisation pédagogique, cohérente et au service de l’acquisition de la connaissance et de la compétence.</p>
<p>Aussi, à l’issue de l’expérimentation de la réalité virtuelle par les étudiants, des ateliers de travail collaboratif ont été mis en place et ont ainsi permis aux enseignants de guider les étudiants dans la co-construction de la connaissance et des concepts clés mobilisés au cours de la séance.</p>
<p>Le caractère original et novateur de cette expérience pédagogique a principalement consisté à mettre en place un plan expérimental permettant de mesurer l’impact de l’utilisation de la VR sur l’expérience d’apprentissage des étudiants, entendue à la fois comme l’acquisition des connaissances mais également des compétences. Pour ce faire, deux modalités d’apprentissage ont été testées.</p>
<p>La première modalité avait pour objectif d’évaluer les connaissances acquises par les étudiants suite à l’expérience VR, et portait notamment sur la maîtrise, par ces derniers, des éléments caractéristiques du point de vente, de la structuration et du fonctionnement du merchandising (agencement spatial des rayons, organisation des produits dans les rayons, propreté du magasin…), mais aussi de l’argumentaire de vente. Pour ce faire, le niveau de connaissance des étudiants a été testé par le biais d’une comparaison avant/après utilisation de la VR.</p>
<p>La seconde modalité avait quant à elle pour objectif d’évaluer l’aptitude des étudiants à réaliser une étude de marché et à définir une problématique marketing. Cette modalité a été testée à l’aide d’un comparatif pré/post VR.</p>
<h2>Complémentarité des apprentissages</h2>
<p>À l’issue de chaque expérience VR, un plan expérimental a été mis en place, permettant ainsi de mesurer l’impact de l’utilisation de la VR sur l’expérience d’apprentissage des étudiants aussi bien en termes d’acquisition de connaissances (modalité 1), qu’en termes de développement de compétences (modalité 2).</p>
<p>S’agissant de l’évaluation des connaissances, la comparaison de moyennes effectuée a permis de mettre en évidence l’impact positif de l’association entre le cours traditionnel et l’utilisation de la VR. Ces premiers résultats mettent en exergue l’idée selon laquelle il existerait une complémentarité entre apprentissage traditionnel et apprentissage immersif.</p>
<p>L’association de ces deux méthodes pédagogiques permet semble-t-il, aux étudiants, de mieux appréhender la connaissance. La comparaison de moyennes réalisée dans le cadre de l’évaluation des compétences montre une nette amélioration de la qualité du travail rendu suite à l’utilisation de la réalité virtuelle.</p>
<p>L’apprentissage immersif tel que proposé par la réalité virtuelle est ainsi mis au service de l’expérience pédagogique dans la mesure où il permet d’accroître la performance pédagogique. Outre l’impact en termes d’acquisition des connaissances/compétences par les étudiants, l’étude s’est également intéressée à la mesure de la satisfaction de ces derniers.</p>
<h2>Perception positive</h2>
<p>Dans quelle mesure l’intégration de la réalité virtuelle dans les enseignements peut-elle contribuer à innover l’offre pédagogique proposée aux étudiants ? Comment cette pratique peut-elle être perçue, par ces derniers ? Quelle est son influence sur l’amélioration des méthodes pédagogiques et, in fine, la satisfaction globale des étudiants durant leur apprentissage ?</p>
<p>Ces questions sont fondamentales car elles nous permettent de mieux évaluer le ROI (retour sur investissement) pour les étudiants, les entreprises et les établissements de formation, au travers de l’implémentation de la réalité virtuelle dans les enseignements.</p>
<p>Dans le cas précis du projet d’innovation pédagogique entrepris par Paris School of Business, l’objectif était de mesurer l’impact de l’utilisation de la réalité virtuelle sur la satisfaction des étudiants durant l’expérience d’apprentissage. Pour ce faire, un protocole expérimental, fondé sur différents scénarios « utilisation de la réalité virtuelle versus son absence » et une étude quantitative ont été élaborés.</p>
<p>En effet, un questionnaire en ligne, incluant des questions issues des écrits scientifiques spécialisés et portant sur la satisfaction perçue, a été administré auprès de 145 étudiants du programme grande école. Les étudiants devaient notamment indiquer leur degré de satisfaction à l’égard de l’expérience d’utilisation de la réalité virtuelle durant les enseignements en répondant à la question suivante « je suis globalement satisfait de l’expérience d’utilisation de la réalité virtuelle dans le cadre du cours » et mesurée sur une échelle de graduations allant de 1 (« pas du tout d’accord ») à 5 (« tout à fait d’accord »).</p>
<p>Les résultats statistiques sont intéressants. Ils montrent que la majorité des étudiants (89 %) étaient satisfaits de cette expérience d’innovation pédagogique. Les étudiants estiment que l’utilisation de la réalité virtuelle (versus son absence) améliore significativement leur satisfaction. Ceci témoigne de la sensibilité avérée des étudiants pour ce type d’innovation.</p>
<p>Ainsi, à l’heure où les établissements de formations (écoles de commerce, universités…) cherchent désormais à produire des expériences pédagogiques novatrices, ludiques, constructives, dynamiques et sources de satisfaction, le déploiement de la réalité virtuelle tout au long du processus d’apprentissage peut compléter les autres dispositifs pédagogiques (interactions en face à face, ouvrages, cours traditionnels…).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120044/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’intégration de la réalité virtuelle ou de toute autre technique immersive nécessite, de la part des enseignants, de penser et de construire une véritable scénarisation pédagogique.Héger Gabteni, Professeur associé - Responsable de l'Innovation pédagogique, PSB Paris School of BusinessChiraz Aouina-Mejri, Enseignant chercheur, PSB Paris School of BusinessKarim Errajaa, Docteur, Professeur-Chercheur, Responsable du département Thesis and Project Capston, PSB Paris School of BusinessSafraou Imen, Professeur Associé-Responsable du Département Marketing, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1197732019-07-08T18:30:58Z2019-07-08T18:30:58ZEntre croissance verte et décroissance, enseigner l’économie circulaire en école de commerce<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282484/original/file-20190703-126376-y4kx3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=75%2C37%2C4931%2C3381&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’économie circulaire est un concept qui polarise, entre les tenants d’une croissance verte qui l’instrumentalisent, et ceux de la décroissance qui la jugent contre-productive.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2MjE3OTQxOCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMzc4NjM0NjU0IiwiayI6InBob3RvLzM3ODYzNDY1NC9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiVTB5N203eUFBZTAzQlhyZXFQdm9zQ3VrOGVFIl0%2Fshutterstock_378634654.jpg&pi=33421636&m=378634654&src=mYOrGtjpF9XERt6WW1iXwg-1-58">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le concept d’économie circulaire rencontre un très fort engouement ces dernières années auprès des acteurs publics, associations professionnelles, organisations non-gouvernementales et entreprises privées. En France, un <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/le-projet-de-loi-economie-circulaire-durcit-le-ton-face-aux-industriels-1025179">projet de loi est actuellement en discussion sur le sujet</a>, avec pour objectif de multiplier les filières de récupération et d’accentuer les démarches d’éco-conception afin de prévenir les déchets en amont.</p>
<p>Au vu de l’ampleur du défi écologique auquel nos sociétés sont confrontées, le pari de l’économie circulaire repose sur la nécessité et la possibilité de repenser l’économie en <a href="https://theconversation.com/the-circular-economy-building-an-economy-on-the-template-of-nature-115663">s’inspirant de la nature</a> : c’est ce qu’on appelle le biomimétisme. Il s’agit d’évoluer <a href="https://theconversation.com/the-circular-economy-four-million-business-models-and-counting-115664">vers des modèles plus soutenables</a> sans pour autant faire le deuil de l’économie de marché, en réduisant l’empreinte énergétique et environnementale, les pollutions, le gaspillage et les déchets, ou en rallongeant la durée de vie des produits.</p>
<h2>Les sirènes de la croissance verte</h2>
<p>En matière d’économie circulaire, on assiste à une polarisation des approches entre deux positions difficilement conciliables. Le vif succès rencontré par le concept d’économie circulaire dans les milieux d’affaires s’inscrit dans le paradigme de la « croissance verte », au risque de basculer dans une utilisation très instrumentale du concept.</p>
<p>Cette vision célèbre l’entrepreneur, moteur de l’innovation, du progrès technologique et de la « disruption », capable de dépasser les rigidités bureaucratiques établies par les acteurs en place.</p>
<p>Dans la même veine, le progrès technologique et le marché sont censés apporter les réponses les plus efficaces aux enjeux actuels. Les investissements en R&D et le fonctionnement libre du marché apparaissent comme les moteurs de l’innovation et du progrès. D’un point de vue politique, il s’agit alors de favoriser la main invisible du marché, en limitant l’État à un rôle de soutien aux secteurs entrepreneuriaux de la high et de la green tech. Il s’agit de prévenir toute intervention réglementaire contraignante, telle qu’une taxe.</p>
<p>Enfin, au sein des entreprises établies, les démarches d’économie circulaire restent conditionnées à une recherche de rentabilité économique ou de contribution stratégique. Malgré son intérêt managérial, cette vision comporte de nombreuses limites : le marché n’intègre que très imparfaitement les contraintes de disponibilité ou de renouvellement des ressources, ou dans une temporalité qui n’a rien à voir avec les rythmes de renouvellement des ressources naturelles. Lorsque la technologie offre une solution à certains problèmes environnementaux, elle tend aussi à en créer de nouveau, déplaçant les problèmes sans offrir une solution absolue.</p>
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<h2>Les apôtres de la décroissance</h2>
<p>Aux antipodes de cette vision optimiste, la perspective de la décroissance tend à considérer que le capitalisme est « par nature » incompatible avec le respect de l’environnement. Face aux risques d’effondrement, cette approche pointe le décalage extrême entre l’urgence environnementale d’une part, l’inertie réglementaire et la dictature du « business as usual » d’autre part.</p>
<p>Tandis que le <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/10/08/ce-qu-il-faut-retenir-du-rapport-du-giec-sur-la-hausse-globale-des-temperatures_5366333_1652612.html">GIEC alerte sur le délai de 10 ans</a> pour contenir un réchauffement dans des proportions maîtrisables (c’est-à-dire au-dessous de deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle), les réponses apportées par les entreprises et les acteurs politiques semblent en profond décalage.</p>
<p>Dans cette perspective, le concept même d’économie circulaire est un oxymore et participe d’une mystification. L’horizon apparaît globalement sombre, tant l’effondrement des écosystèmes qui supportent nos sociétés semble difficilement évitable au vu de l’inertie de nos systèmes sociaux, économiques et politiques.</p>
<p>L’issue résiderait dans le dépassement de la firme, du modèle capitaliste et de la société de consommation, via la décroissance et le retour vers des modèles non marchands plus locaux, ainsi que la redéfinition du progrès et du bien public.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"917133621663846400"}"></div></p>
<p>Devant cette polarisation des discours, comment enseigner l’économie circulaire en école de management ? S’agit-il d’embrasser sans retenue la posture managérialiste et de les orienter vers une vision apaisée qui concilie écologie et économie de marché ? Quelle place accorder aux discours résolument critiques à l’égard de l’entreprise et des technologies ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1145468595373322241"}"></div></p>
<h2>Une troisième voie est-elle possible ?</h2>
<p>Depuis quatre ans, nous avons développé des enseignements en économie circulaire au sein d’ESCP Europe. Notre parti pris pédagogique est de rendre compte mais aussi de dépasser ces deux postures, afin que les étudiants prennent conscience de la complexité de ces enjeux et du rôle des entreprises, des réglementations et des technologies. Nous avons souhaité tisser une passerelle entre ces deux visions opposées, en réintroduisant du débat, et en nous efforçant d’articuler le rôle du politique avec les dynamiques d’innovation.</p>
<p>Notre approche se caractérise par trois traits distinctifs. Tout d’abord, chaque édition du cours est construite autour d’un secteur particulier – le secteur agro-alimentaire et le gaspillage alimentaire en 2019, par exemple. Au-delà de la relation classique entre professeurs et étudiants, nous mobilisons au sein du cours un acteur privé (entreprise établie ou start-up) ainsi qu’un organisme institutionnel (ex : Ademe ou éco-organismes), afin de croiser les regards d’acteurs différents sur un même objet.</p>
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<p>Ensuite, nous adoptons une approche résolument multidisciplinaire, en croisant les différents champs du management – stratégies, opérations, marketing, finance – mais en abordant aussi des débats d’ordre philosophique : le rapport au progrès, les relations homme/nature, le rôle social de la technique. Cette multiplicité d’ancrages disciplinaires permet aux étudiants de comprendre les différences de point de vue, les contradictions et la complexité de ces questions.</p>
<p>Enfin, nous cherchons à combiner cette démarche réflexive avec une approche tournée vers l’innovation et l’action. Pour ce faire, les partenaires de cet enseignement soumettent à nos étudiants des problématiques d’innovation. Sur 10 semaines, les étudiants décortiquent les différentes facettes d’un problème donné, interrogeant les choix stratégique ou opérationnel d’un entrepreneur, dressant une comparaison internationale d’un enjeu d’économie circulaire, ou questionnant les orientations réglementaires d’un état ou d’une collectivité locale. Au-delà du travail de diagnostic, les étudiants proposent des solutions, certes partielles, aux modèles linéaires et insoutenables largement généralisés.</p>
<p>Cette expérience pédagogique en cours, renforcée par la <a href="https://www.escpeurope.eu/circular-economy-sustainable-business-models-chair">chaire économie circulaire</a> tente de s’attaquer aux grands défis que doivent intégrer nos institutions académiques. Face au caractère collectif et multidisciplinaire de ces enjeux, ce témoignage est aussi un appel à des initiatives inter-institutions : à côté des gestionnaires, la mobilisation doit inclure des ingénieurs, des économistes, des politistes, des agronomes… pour transformer collectivement nos systèmes linéaires et court-termistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’économie circulaire confronte des visions très différentes du progrès : croissance verte contre décroissance. Comment enseigner ce concept en tension ?Aurélien Acquier, Professor - Strategy, Organizations & Society - Scientific Co-Director of the Deloitte Chair "Circular Economy & Sutainable Business Models", ESCP Business SchoolValentina Carbone, Professor of Supply Chain Management and scientific co-director of the Deloitte Chair "Circular Economy & Sutainable Business Models", ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1185482019-06-18T20:50:56Z2019-06-18T20:50:56ZPour des écoles de commerce adaptées à la « génération climat »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278932/original/file-20190611-32347-1tfiu7z.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=102%2C15%2C1051%2C721&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour être en phase avec les nouvelles générations d’étudiants, les écoles de commerce doivent adapter leur enseignement et leur mode de fonctionnement aux enjeux climatiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">HEC débats/Facebook</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/ces-trois-jeunesses-qui-se-mobilisent-pour-le-climat-113297?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1552616424">mobilisation des lycéens pour le climat</a> au cours des derniers mois l’annonçait. La poussée du vote écologiste lors des élections européennes le confirme : les jeunes montrent une attente très forte à l’égard des responsables politiques pour accélérer la transition écologique.</p>
<p>En France, 28 % des 25-34 ans et 25 % des 18-24 ans ont en effet opté pour la liste <a href="https://theconversation.com/la-surprise-verte-117904">Europe Écologie Les Verts</a>. De même en Allemagne, 27 % des 25-34 ans et 34 % des 18-24 ans ont jeté leur dévolu sur les Verts.</p>
<p>Si cette génération s’adresse prioritairement aux responsables politiques, les acteurs économiques ne peuvent ignorer cette mobilisation plus large. Un nombre croissant d’investisseurs et d’entreprises revoient ainsi leurs modèles économiques, leur stratégie et leur offre de biens ou services afin de tenir compte de ces enjeux.</p>
<p>L’enseigne Philips, après avoir réduit son empreinte carbone de 40 % entre 2007 et 2015, s’est engagée à diminuer celle de ses offres à <a href="https://www.signify.com/fr-fr/our-company/news/press-release-archive/2015/20151208-cp-philips-lighting-cop21-neutralite-carbone">zéro d’ici à 2020</a>. L’entreprise a surtout transformé son modèle commercial, selon les principes de l’économie de la fonctionnalité : celle-ci consiste à remplacer la vente du bien par celle de la vente de l’usage du bien. Ce qui permet de <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/leconomie-fonctionnalite">découpler la valeur ajoutée</a> de la consommation d’énergie et de matières premières.</p>
<p>De son côté, l’assureur Generali a annoncé en novembre 2018 que l’entreprise excluait dorénavant tout nouvel investissement <a href="https://institutionnel.generali.fr/environnement-generali-se-desengage-charbon">dans les activités liées au charbon</a> et n’assurerait plus aucun nouveau client, ni aucune nouvelle construction, dans ce secteur.</p>
<p>Les écoles de commerce, qui forment les futurs acteurs économiques, doivent se montrer à la hauteur de ces enjeux. Face à des étudiants qui aspirent à devenir acteurs de la transition écologique, les aident-elles à trouver le sens qu’ils recherchent pour leur carrière ? Satisfont-elles, dans tous les secteurs, les besoins des entreprises en quête de leaders capables de conduire ce changement ?</p>
<h2>Petits pas insuffisants</h2>
<p>La réponse est malheureusement négative, même si des progrès importants ont été réalisés au cours de la dernière décennie. Dans les écoles de commerce du monde entier, on a vu fleurir quantité de recherches, de cours et de programmes spécialisés sur le développement durable et la responsabilité sociétale des entreprises.</p>
<p>Aussi utiles soient-elles, ces initiatives – souvent impulsées par des membres de la faculté, voire des étudiants – sont en général de nature incrémentale : elles démontrent qu’il peut être rentable de prendre en compte d’autres objectifs que la seule performance économique au profit des actionnaires et comment les entreprises peuvent commencer à réduire leurs impacts négatifs sur l’environnement.</p>
<p>Mais, sauf rares exceptions, elles ne questionnent pas les fondements des modèles économiques sous-jacents, ni les compétences que les managers doivent développer. Or, face à la crise climatique, une approche plus disruptive est indispensable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131378459731738627"}"></div></p>
<h2>Revoir systématiquement le contenu des enseignements</h2>
<p>La solution n’est pas d’ajouter aux programmes des écoles de commerce des cours, souvent optionnels, sur la responsabilité sociétale de l’entreprise. Il s’agit de revoir de manière systématique les objectifs d’apprentissage de ces programmes et de chacun des cours qui les composent. Et ce afin de s’assurer qu’ils contribuent à respecter – ou mieux, à dépasser – l’objectif défini lors de la COP21 : limiter le réchauffement climatique à 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle.</p>
<p>Ainsi, un cours de stratégie (qui vise à apprendre aux étudiants la manière de construire un avantage concurrentiel) doit nécessairement intégrer cette ambition environnementale à côté du critère de performance économique. De même, un enseignement de management des ressources humaines requiert forcément d’aborder la manière dont le système d’évaluation et de rémunération des managers favorise leur contribution à la performance environnementale.</p>
<p>Quelques initiatives en ce sens existent : citons par exemple le cours d’économie du programme « Grande École » d’Audencia Business School qui vient d’être complètement refondu à l’initiative d’un jeune membre de la faculté pour mettre la transition écologique au cœur des modèles théoriques enseignés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1106457886287429637"}"></div></p>
<h2>Développer des recherches ciblées</h2>
<p>Dans le domaine de la recherche aussi, il s’agit d’évaluer l’impact des projets et des publications sur la transition écologique, plutôt que de ne considérer que les classements des revues scientifiques. Celles-ci se concentrent en effet sur la reconnaissance par les pairs sans tenir aucun compte de leur utilité pour les entreprises et la société en général.</p>
<p>Il est temps que les écoles s’efforcent d’évaluer le contenu des recherches produites par leur faculté, en incitant à développer des solutions innovantes pour que les entreprises et aux autres organisations atteignent les objectifs de la COP21.</p>
<p>Exeter Business School a ainsi décidé de ne plus évaluer les membres de la faculté selon le nombre de publications académiques et la qualité des revues, mais selon le contenu des différentes publications et leur contribution au niveau social. Une telle démarche permettrait aussi de convaincre un nombre plus important d’entreprises et d’acteurs publics à financer les recherches des écoles de commerce, alors qu’elles sont souvent considérées comme trop éloignées de leurs préoccupations.</p>
<p>Bien entendu, dans un souci de cohérence, il apparaît indispensable que les écoles de commerce revoient également leur propre fonctionnement. Il leur incombe de se montrer exemplaires en matière de transition écologique, qu’il s’agisse de la gestion de leurs bâtiments, de leurs achats ou de leur politique de déplacements.</p>
<h2>Dépasser les classements</h2>
<p>Malheureusement, les classements – qui un fort impact sur les stratégies des écoles de commerce – ne valorisent pour l’instant pas l’engagement en faveur de la transition énergétique : ils continuent à mesurer des critères quantitatifs, tels que le salaire de sortie des étudiants, le budget de l’école, le nombre d’articles publiés par la faculté ou la nationalité de celle-ci… sans s’intéresser à leur impact sur la transition énergétique.</p>
<p>Or, ces critères peuvent être considérés comme un frein à des changements plus profonds au sein de ces écoles et pourraient amener certains diplômés à ne pas choisir les emplois les mieux rémunérés ; ou certains membres de la faculté à ne pas publier dans les revues scientifiques les mieux classées. On peut à cet égard saluer l’évolution du classement du <em>Figaro</em> qui, pour son édition 2019, intègre plusieurs critères inédits relatifs à la responsabilité sociétale des entreprises.</p>
<p>En attendant une évolution d’autres classements, et face à l’urgence climatique, les dirigeants au sein de ces établissements doivent prendre leurs responsabilités et assumer des choix justes, en adéquation avec les attentes des jeunes générations et des entreprises.</p>
<p>Les dirigeants des écoles de commerce peuvent pour cela s’inspirer des entreprises qui ont décidé de mettre la transition écologique au cœur de leur modèle et de leur stratégie, abandonnant le cours en bourse comme seul critère de performance. Ainsi, tous les directeurs du Groupe Danone et tous les directeurs généraux des filiales ont depuis 2010 un objectif de <a href="https://www.danone.com/content/dam/danone-corp/publications/publicationsfr/2010/2010%20Danone_Rapport_Developpement_Durable.pdf">réduction d’impact carbone</a> intégré dans leur bonus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>André Sobczak est titulaire de la Chaire RSE d'Audencia Business School financé par le Groupe Eram, le Groupe Galeries Lafayette, KPMG, Nantes Métropole et Sodexo. Il est vice-président de Nantes Métropole en charge de la RSE.</span></em></p>Face à l’urgence climatique, le rôle de l’enseignement supérieur et notamment des écoles de commerce est fondamental. Mais ces établissements n’apparaissent pas aujourd’hui à la hauteur des enjeux.André Sobczak, Directeur académique & titulaire de la chaire RSE, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.