tag:theconversation.com,2011:/id/topics/economie-collaborative-26681/articleséconomie collaborative – The Conversation2023-02-02T19:01:04Ztag:theconversation.com,2011:article/1973712023-02-02T19:01:04Z2023-02-02T19:01:04ZÉconomie du partage : Pourquoi Airbnb et Abritel ont-ils intérêt à avoir des loueurs et locataires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503449/original/file-20230106-10468-t24k4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7348%2C4912&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jouer les deux rôles aident à comprendre les inquiétudes de son vis-à-vis.</span> </figcaption></figure><p>Airbnb, Blablacar ou encore Ouicar sont autant d’acteurs de l’économie du partage qui ont bouleversé le marché des échanges de services depuis le début des années 2000. Ces plates-formes collaboratives, de notoriété internationale, jouent notamment un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01820276/">rôle de tiers de confiance</a> dans le cadre d’une relation impliquant des particuliers qui souhaitent mettre une ressource à disposition et ceux qui symétriquement vont en bénéficier. C’est le cas du covoiturage ou de la location de logement.</p>
<p>Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296317301509">services collaboratifs</a> permettent ainsi à tout un chacun d’être soit consommateur, lorsqu’on achète le service, soit prestataire, lorsqu’on le fournit. Certains utilisateurs peuvent également alterner entre ces deux rôles. Une famille peut ainsi proposer sa maison dans le Vercors à la location pendant qu’elle profitera de l’appartement d’un autre particulier à Londres. On parle là d’« interchangeabilité ».</p>
<p>Il nous est apparu que les entreprises de l’économie du partage ont tout intérêt à la favoriser. Dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296320301855#preview-section-snippets">recherches</a>, nous montrons notamment comment elle vient catalyser la confiance que les utilisateurs s’accordent entre eux.</p>
<h2>Se mettre à la place de l’autre</h2>
<p>Nous avons ainsi comparé les comportements des utilisateurs qui jouent chacun des deux rôles (les utilisateurs interchangeables) avec ceux des personnes qui se cantonnent à un seul. Il s’agissait notamment de voir si oui ou non les premiers échangeaient et participaient plus.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de 222 personnes ayant participé au moins une fois à un service de location de courte durée <em>via</em> une plate-forme de type Airbnb ou Abritel. Chaque participant devait indiquer s’il avait été impliqué dans ce genre de service en tant que consommateur, prestataire, ou s’il avait joué les deux rôles.</p>
<p>Le répondant devait ensuite renseigner son <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103108000723">« degré de proximité sociale perçue »</a> vis-à-vis des autres utilisateurs de ce type de plate-forme, ce que l’on obtient avec des questions du type « les autres utilisateurs sont-ils des personnes semblables à vous ? » Puis nous l’interrogions sur son <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/isre.1040.0015">niveau de confiance</a> vis-à-vis des autres utilisateurs, par exemple, en lui demandant si d’après lui il s’agit de personnes honnêtes. Enfin, chacun devait préciser son intention de participer à ce type d’échanges collaboratifs dans le futur.</p>
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<p>Les résultats de notre enquête montrent que les individus ayant été à la fois consommateurs et prestataires ont tendance à percevoir les autres utilisateurs de la plate-forme comme plus proches d’eux socialement que les individus ayant joué un seul des deux rôles. Ce résultat s’explique par le fait que celles et ceux qui ont endossé les deux rôles tendent à avoir plus d’informations sur les deux types de situations, aller chez un inconnu et recevoir chez soi un inconnu. Ils développent ainsi une plus grande capacité à se mettre à la place de l’autre.</p>
<h2>Complémentaires aux notes et aux avis</h2>
<p>Dit autrement, qui fait preuve d’interchangeabilité peut, lorsqu’il est consommateur se former une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103110002490">représentation plus concrète</a> de ce qu’est un hôte ou un loueur d’un logement, et vice versa, ce qui revient à favoriser la proximité sociale perçue. Nos résultats montrent, de plus, que ces personnes développent une plus grande confiance envers les utilisateurs des plates-formes collaboratives, et cela favorise, <em>in fine</em>, leur intention d’y avoir à nouveau recours.</p>
<p>Ce résultat ne semble pas neutre pour les entreprises de mise en relation. Bien qu’elles jouent le rôle de tiers de confiance, les utilisateurs peuvent parfois être réticents à faire confiance à un inconnu, notamment lorsqu’il s’agit de faire un trajet en voiture avec lui ou de lui prêter son logement. L’enjeu pour les plates-formes collaboratives qui souhaitent développer davantage ce modèle économique est ainsi de favoriser la confiance entre utilisateurs à différents stades de l’expérience de service.</p>
<p>Parmi les leviers qui existent pour favoriser cette confiance, il existe déjà les avis, les notes et les vérifications effectuées par l’entreprise qui met consommateurs et prestataires en relation. Nous suggérons, grâce aux résultats de cette recherche, un autre moyen d’augmenter cette confiance, à savoir inciter les consommateurs à l’interchangeabilité, et donc à « passer de l’autre côté du miroir ». Cela, en augmentant la proximité sociale perçue des participants, permet en retour d’augmenter la confiance vis-à-vis des autres utilisateurs, et ainsi de favoriser l’intention d’utiliser des services collaboratifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197371/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce qui freine à proposer sa maison ou à se rendre dans celle d’un autre c’est la confiance. Et savoir ce que cela fait d’être à la place de l’autre avec lequel on échange permet de la développer.Stéphanie Nguyen, Maître de Conférences en sciences de gestion (Marketing), Aix-Marseille Université (AMU)Mohamed Didi Alaoui, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Côte d’AzurSylvie Llosa, Professeur en management des services, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1704712021-10-26T18:27:09Z2021-10-26T18:27:09ZLeboncoin, Craigslist, Vinted… comment les plates-formes du marché de l’occasion peuvent-elles renforcer la confiance ?<p>L’épidémie de Covid-19 a entraîné une perturbation sans précédent du commerce dans la plupart des secteurs. Elle semble avoir partie liée avec des changements dans le comportement du consommateur, qui a de plus en plus envie de consommer autrement et d’une manière plus responsable.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’on assiste à <a href="https://www.toute-la-franchise.com/vie-de-la-franchise-A32456-le-marche-de-l-occasion-un-secteur-en-plein-boom-economique.html">l’essor de la consommation collaborative</a>. Les achats d’occasion qui en sont une des formes affichent des chiffres record. En 2020, ce marché a généré environ <a href="https://www.xerfi.com/blog/Occasion-un-pari-risque-pour-les-enseignes-traditionnelles_1091">7,4 milliards d’euros en 2020</a> dans l’hexagone.</p>
<p>La même année, à l’échelle mondiale, les seules ventes de vêtements d’occasion ont représenté 27 milliards de dollars. Selon le bureau Statista, ce chiffre va doubler en 2023 et atteindre même les <a href="https://www.statista.com/statistics/826162/apparel-resale-market-value-worldwide/">77 milliards de dollars en 2025</a>.</p>
<p>Il est également à noter que, sur le marché de l’occasion, plus de la moitié des transactions ont été <a href="https://www.statista.com/statistics/1115462/weekly-market-share-fashion-e-commerce-france-coronavirus/">réalisées en ligne</a>. Son essor a, en effet, été impulsé par des sites web dédiés à la seconde main, aussi bien généralistes, comme Leboncoin en France ou Craigslist aux Etats-Unis, que spécialisés comme Vinted.</p>
<p>Ces plates-formes jouent le rôle d’intermédiaires et mettent en relation des particuliers acheteurs avec des vendeurs de biens sans forcément intervenir dans les termes de la transaction.</p>
<p>Ils ne permettent cependant pas toujours aux utilisateurs d’être à l’abri d’arnaques ou de mauvaises expériences. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0040162521003759">Nos travaux</a> se demandent ainsi notamment comment une plate-forme et un vendeur en ligne peuvent susciter la confiance de futurs acheteurs.</p>
<h2>Des risques se superposent</h2>
<p>L’association 60 millions de consommateurs recense plusieurs <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/attention-aux-arnaques-60-millions-de-consommateurs-alerte-les-clients-de-vinted-1353225">formes de fraudes</a> sur les sites de vente d’occasion comme la réception d’un produit non conforme, de produits de luxe contrefaits, la proposition de produits avec des vices cachés… Côté vendeurs, on souffre des acheteurs malhonnêtes qui revendiquent indûment des remboursements sous prétexte de réception de produits non conformes à la description.</p>
<p>Plusieurs utilisateurs s’indignent de la non-réactivité des plates-formes en cas de litige. Une utilisatrice rapporte par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Soit je ne recevais aucune réponse, soit on me répondait à côté. »</p>
</blockquote>
<p>Face à ces dangers, la question de la confiance s’avère donc capitale pour assurer le bon déroulement des transactions. Elle revêt davantage d’importance que sur un site de vente classique car plusieurs types de risques se superposent : ceux inhérents à la fois aux achats de seconde main, ceux liés à la consommation collaborative et enfin ceux découlant d’un achat en ligne.</p>
<p>Pour ce qui est de la seconde main, la confiance est un préalable pour que les acheteurs soient sûrs de l’origine, de la qualité et de la valeur du produit d’occasion. C’est aussi un prérequis pour la réussite des échanges entre des individus qui, le plus souvent, ne se sont jamais rencontrés auparavant et qui souhaitent collaborer. Elle est d’autant plus importante en l’absence de réglementation claire qui régit les transactions, surtout si les choses se déroulent en ligne.</p>
<h2>Réputation, utilisation, certification</h2>
<p>Nous avons donc tenté de comprendre l’impact des caractéristiques des plates-formes de redistribution collaborative sur la formation des niveaux de confiance accordés tant au vendeur qu’au site Internet. Les caractéristiques étudiées sont la facilité d’utilisation de la plate-forme, son caractère ludique, la réputation du vendeur et la reconnaissance par les tiers.</p>
<p>La facilité d’utilisation traduit l’effort nécessaire pour apprendre à utiliser le site. Le caractère ludique a trait au sentiment de plaisir du consommateur lors de son achat. La réputation du vendeur décrit le niveau d’honnêteté et de sincérité du vendeur qui se reflète sur la plate-forme. La reconnaissance par les tiers renvoie à la présence d’une certification par un organisme de confiance qui se porte garant de sa crédibilité.</p>
<p>Les résultats de l’enquête menée auprès d’un panel d’acheteurs d’occasion en ligne montrent que <strong>la réputation du vendeur</strong> a une influence positive à la fois sur la confiance à l’égard du vendeur et de la plate-forme. Ceci revient à penser que les consommateurs font une sorte d’extrapolation. Ils peuvent penser qu’une plate-forme recensant des vendeurs avec une bonne réputation est une plate-forme digne de confiance.</p>
<p>Pour ce qui est de <strong>la facilité d’utilisation et du caractère ludique du site</strong>, ils semblent surtout avoir une influence sur la confiance à l’égard du vendeur. Nous pouvons expliquer cela par le fait que la majorité des consommateurs maîtrisent assez bien l’environnement électronique, ce qui fait que le facteur est moins déterminant pour ce qui est de la confiance envers la plate-forme. Aux yeux du consommateur, être facile d’utilisation peut signifier qu’il est facile de trouver un « bon vendeur » avec un « bon produit », facile de le contacter et de conclure l’affaire.</p>
<p>La <strong>reconnaissance des tiers</strong> reste enfin un facteur déterminant de la confiance à l’égard de la plate-forme. Les consommateurs seront plus enclins à faire confiance à une organisation qui fait des efforts considérables afin d’obtenir une certification.</p>
<h2>Construire une marque forte</h2>
<p>Dans le même sens, les résultats de l’étude montrent aussi que la confiance dans la plate-forme détermine la confiance dans le vendeur. Il y a là un « transfert de confiance ». Avant de croire un vendeur, l’utilisateur doit faire confiance à la plate-forme qui héberge son annonce. Elle agit comme un intermédiaire pour compenser le manque de confiance qui peut se présenter dans le cadre d’un achat d’occasion en ligne.</p>
<p>Compte tenu de cette hiérarchie de confiance, il est important pour les plates-formes de construire une marque forte qui permet de réduire les risques liés aux achats d’occasion en ligne. Cela pourrait être obtenu grâce à des campagnes de communication mettant en évidence sa capacité à prémunir les utilisateurs de tout risque de fraude. Des méthodes comme la sélection de membres fiables, devant se conformer à un code de conduite, faute de quoi ils sont rayés, peuvent ainsi être mises en avant.</p>
<p>Compte tenu de l’impact positif de la facilité d’utilisation de la plate-forme sur la confiance dans le vendeur, notre étude les invite aussi à investir dans des algorithmes avancés permettant aux utilisateurs de trouver facilement l’annonce qui répond le mieux à leurs besoins. L’impact positif du plaisir sur la confiance dans le vendeur pourrait aussi être renforcé par des mécanismes de « gamification ». Il s’agit par exemple de mettre en œuvre un système de « badges » que les utilisateurs peuvent gagner en effectuant diverses tâches. Ils pourraient en outre attester du sérieux et de la crédibilité du vendeur.</p>
<p>Autant d’actions qui semblent de plus en plus requises pour accompagner les mutations du marché et sécuriser les achats d’occasion en ligne qui vont bientôt dépasser les achats du neuf selon plusieurs experts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yousra Hallem ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux risques cumulés d’une vente en ligne et d’un achat d’occasion, le design d’un site, les certifications qu’il reçoit et la réputation des vendeurs semblent déterminants.Yousra Hallem, Enseignant-chercheur, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1545112021-04-01T21:00:47Z2021-04-01T21:00:47ZComment transformer un fournisseur en partenaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/383724/original/file-20210211-24-1rupnao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C59%2C955%2C600&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’avionneur Airbus, qui a externalisé des activités stratégiques chez certains fournisseurs, maintient une grande proximité avec ces partenaires privilégiés.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Aapsky / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.campusfonderiedelimage.org/pushstartup/wp-content/uploads/2016/01/Economie_collaborative_vecteur_influence.pdf">La croissance durable dans une économie collaborative</a> est un moyen essentiel pour de nombreuses entreprises de se différencier, d’améliorer leur image de marque et de conquérir de nouveaux marchés. La croissance durable est le résultat d’une prise de conscience du potentiel de création de valeur des marchés durables et d’une transformation profonde des entreprises vers des stratégies commerciales plus sociales et environnementales. La collaboration au sein d’une communauté apparaît ainsi comme une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09600031111175825/full/html">solution pour faire face à la crise</a>, comme nous l’avions montré dans un travail de recherche publié en 2011.</p>
<p>Une croissance durable signifie que le développement des entreprises ne contribue pas à réduire les ressources naturelles et à mettre en danger les générations futures. Les entreprises peuvent saisir l’opportunité multidimensionnelle qui implique des préoccupations économiques, sociales et environnementales pour créer une <a href="https://www.academia.edu/8698435/la_revue_qui_relie_praticiens_et_acad%C3%A9miques_sur_la_th%C3%A9matique_du_management_des_Achats">valeur multipartite durable</a> pour les clients, les fournisseurs, les employés, les investisseurs, les autorités locales, la société et la planète.</p>
<h2>Devenir le client préféré du fournisseur</h2>
<p>Cette démarche de croissance durable implique de transformer ses fournisseurs stratégiques en partenaires. Pour cela, il faut mener une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/12507970.2017.1392262">politique d’achats durables</a>, c’est-à-dire avoir une relation équilibrée qui prenne en compte les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. L’objectif est donc de devenir le client préféré et privilégié de ces fournisseurs, dans une <a href="https://www.academia.edu/3694804/1er_N_de_la_revue_Excellence_HA">relation collaborative</a>, en élaborant une stratégie collective autour de valeurs communes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les achats durables, un enjeu majeur pour les entreprises. Interview d’Armelle Weisman, présidente et membre de Réseau Entreprendre Paris (Xerfi canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/1900-v1-n1-mi05593/1072646ar/abstract/">management de la performance fournisseur</a> consiste à mesurer et piloter des indicateurs de performance pour accompagner les fournisseurs dans l’amélioration continue de la qualité de leurs prestations. Ces indicateurs vont bien au-delà de la qualité, des coûts et des délais. Ils intègrent l’innovation, le développement durable, le relationnel et les risques.</p>
<p>L’objectif est non seulement d’éviter une dégradation des performances de ces fournisseurs, mais surtout de stimuler une amélioration significative. Si le fournisseur s’améliore sur certains critères, cela lui permettra d’être plus compétitif et d’avoir plus de clients, d’où une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Damien_Talbot/publication/277889704_Faut-il_etre_proche_pour_controler_Effets_des_proximites_sur_le_controle_inter-organisationnel/links/5575c41b08ae75363751a0fa/Faut-il-etre-proche-pour-controler-Effets-des-proximites-sur-le-controle-inter-organisationnel.pdf">reconnaissance et une confiance de sa part</a> envers l’entreprise qui aura permis cette progression.</p>
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<figcaption><span class="caption">Frédérique, supplier performance manager (manager de la performance des fournisseurs) chez Safran, fabricant de moteurs pour l’industrie aéronautique, présente son métier (Safran, 2021).</span></figcaption>
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<p>Malgré des carnets de commandes pleins, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01260678/">certains fournisseurs peuvent avoir des problèmes de trésorerie</a> et des difficultés à payer des factures. Les entreprises responsables s’assurent du paiement dans les temps des fournisseurs afin de leur donner de la visibilité et d’établir une relation de confiance.</p>
<p>Des paiements peuvent même être anticipés pour donner plus de flexibilité et de sérénité au fournisseur. <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2018-5-page-64.htm">Ces comportements vertueux de certaines entreprises</a> contribuent significativement à la satisfaction de leurs fournisseurs qui, en retour, leur rendront des services précieux et les privilégieront systématiquement.</p>
<p>Les acheteurs doivent donc mettre en place des dispositifs d’évaluation de cette satisfaction et actionner les bons leviers pour l’améliorer continuellement. <a href="https://www.researchgate.net/profile/Natacha_Trehan/publication/278773024_Enrichir_l%E2%80%99analyse_des_relations_client-fournisseur_par_la_motivation_le_cas_d%E2%80%99un_equipementier_automobile/links/58bd0641aca27261e528dcf9/Enrichir-lanalyse-des-relations-client-fournisseur-par-la-motivation-le-cas-dun-equipementier-automobile.pdf">Cette évaluation inversée</a>, utilisée par les entreprises d’équipement électrique Thales et Legrand, ou encore la banque Caisse d’épargne, envoie le signal d’une équité entre les acteurs et d’un engagement réciproque. Les fournisseurs doivent disposer de canaux de communication pour exprimer leur perception de la relation et les axes d’amélioration à des interlocuteurs attentifs et proactifs.</p>
<h2>Intégrer le fournisseur à sa stratégie</h2>
<p>Même les plus grandes entreprises internationales <a href="https://books.google.com.br/books?hl=fr&lr=&id=82dhDwAAQBAJ">ne peuvent plus se contenter d’essayer d’innover seule</a>. Reconnaître et valoriser l’expertise des fournisseurs est indispensable pour bénéficier de leurs idées, de leurs connaissances, de leurs compétences et de leurs ressources. Intégrer un fournisseur à sa stratégie, ce n’est pas l’informer de ce qu’on a décidé de faire, mais <a href="https://www.cairn.info/les-grands-auteurs-en-logistique-et-supply-chain--9782847698770-page-197.htm">l’impliquer dans les décisions très en amont</a> et choisir ensemble les solutions les plus prometteuses pour atteindre des objectifs communs.</p>
<p>Au début des années 2010, le groupe pétrolier et gazier Total a dû revoir en profondeur la gestion de la relation avec ses fournisseurs. Bien que l’entreprise soit dans une situation confortable, de nombreux freins à l’innovation se manifestent, dont un manque d’intégration des partenaires externes. Les managers peuvent croire que la réputation et la puissance économique vont attirer les fournisseurs les plus innovants, mais la taille, la complexité, et la rigidité des processus du groupe apparaissent comme des menaces.</p>
<p>Total a donc entamé une campagne de sensibilisation interne à l’innovation, et une démarche auprès des fournisseurs stratégiques pour les rassurer sur le respect de leur identité et reconnaître la valeur de leur expertise. Le groupe se met alors en position d’écouter les suggestions d’entreprises beaucoup moins grandes, puissantes et anciennes. Total met à disposition ses moyens pour les aider à accélérer leur développement et à faire aboutir leurs projets. L’entreprise s’engage donc dans une stratégie d’innovation collaborative ouverte qui permet de capter des compétences rares et de créer de la valeur technologique durable.</p>
<p>De même, alors qu’Airbus a externalisé des activités stratégiques chez certains fournisseurs, <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/328025243.pdf">l’avionneur maintient une grande proximité avec ces partenaires privilégiés</a>, comme nous l’avions observé en 2015. Ils sont associés aux réflexions en amont et collaborent aux projets de R&D comme coconcepteurs et coproducteurs. Airbus n’est pas en mesure de développer seul les technologies qui feront le succès des avions de demain. Des relations pérennes basées sur la confiance et les gains mutuels sont donc primordiales.</p>
<p>Autre exemple : en 2017, le spécialiste du meuble Ikea a cocréé Kungsbacka, la <a href="https://www.ikea.com/fr/fr/this-is-ikea/sustainable-everyday/kungsbacka-les-portes-de-cuisine-faites-de-bouteilles-en-plastique-pub6b8613a0">première façade de cuisine fabriquée à 100 % à partir de déchets</a>, en partenariat avec le fournisseur italien 3B et le designer suédois Form Us With Love. L’entreprise suédoise récupère ainsi des bouteilles en plastique et du bois industriel pour en faire un produit qualitatif garanti 25 ans, esthétique et original avec ses formes élégantes, et bon marché grâce aux coûts de production réduits.</p>
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<figcaption><span class="caption">La réalisation de Kungsbacka (Ikea, 2018).</span></figcaption>
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<p>La collaboration à long terme reste donc la meilleure façon de stimuler la performance et de créer de la valeur durable à la fois économique, environnementale et sociétale. En 2017, nous avions montré l’intérêt d’une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/12507970.2017.1393241">gestion collaborative de la fonction achats</a> qui peut être observée dans de grandes entreprises pionnières et très matures telles que Airbus, mais aussi le constructeur PSA, l’équipementier électrique Schneider Electric, ou encore le groupe agroalimentaire Nestlé.</p>
<p>Ces entreprises ont choisi de considérer leurs fournisseurs stratégiques comme des extensions et de partager avec eux leurs connaissances, compétences, outils, idées, projets, investissements, opportunités, risques, succès, échecs, innovations et brevets dans une <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01971793/">entreprise étendue interorganisationnelle</a>. Cette fusion des acteurs et mutualisation des actifs permet à chacun de se transcender et d’accomplir ce qui aurait été inimaginable autrement.</p>
<p>Patagonia est un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02364177/document">modèle de croissance durable et de collaboration avec ses fournisseurs</a>. Quand l’alpiniste Yvon Chouinard crée cette marque de vêtements techniques de sport en 1972, sa principale préoccupation n’est <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprises-et-histoire-2006-4-page-116.html">pas le profit</a> mais l’excellence dans la qualité, la protection de la nature et le respect de l’environnement.</p>
<p>Les prix de vente plus élevés que ceux de ses concurrents se justifient en grande partie par le coût des matières premières, comme le coton biologique et les tissus techniques <a href="https://www.lexception.com/fr-fr/magazine/patagonia-la-mode-%C3%A9thique-responsable-et-durable">codéveloppés en partenariat avec les fournisseurs</a> avec lesquels des relations à long terme sont établies. La durée de contractualisation moyenne est supérieure à 15 ans, contre 2 à 3 ans pour concurrents. C’est une des raisons pour lesquelles la non-qualité est 10 fois moins importante que la moyenne du marché.</p>
<h2>Un espace numérique de travail mutualisé</h2>
<p>La collaboration avec des partenaires externes nombreux et hétérogènes nécessite d’utiliser un espace de travail virtuel qui centralise les échanges et coordonne les actions en temps réel et en permanence. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296320308031">Des systèmes d’information intelligents</a>, qui font l’objet de nos recherches les plus récentes, intègrent des outils d’aide à la décision, de pilotage stratégique, de gestion des connaissances, de prévisions et de création. Ces outils, à l’image de la plate-forme collaborative Bluescape, sont mutualisés entre les membres des équipes projets multifonctionnelles et interorganisationnelles qui, malgré leur diversité, parviennent à travailler efficacement ensemble.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eZmuRm_U7Fg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de la plate-forme Bluescape (Bluescape, 2020).</span></figcaption>
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<p>L’analyse de données massives est au cœur de ces systèmes d’information qui favorisent la mise en œuvre d’une <a href="https://aisel.aisnet.org/mcis2010/6/">stratégie de création de valeur durable</a>. L’intelligence artificielle aide les acheteurs à sélectionner les meilleurs partenaires, les projets les plus disruptifs, les technologies les plus prometteuses, et les ressources à mobiliser pour atteindre les objectifs fixés dans les temps.</p>
<p>Dans des marchés gigantesques, extrêmement compétitifs, complexes, et instables, la capacité à faire plus que survivre et se soumettre aux circonstances est cruciale. L’intelligence artificielle aide les entreprises et leurs partenaires <a href="https://theconversation.com/comment-lia-aide-lentreprise-a-sourcer-piloter-et-innover-dans-ses-achats-122501">à anticiper, à s’adapter et même à orienter les marchés</a> en fonction de leurs intérêts pour créer des disruptions et obtenir un avantage concurrentiel décisif et durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise accélère le développement d’une économie collaborative fondée sur une croissance durable. Les fournisseurs y jouent un rôle essentiel, à condition d’en faire des partenaires.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1412952020-06-24T21:18:08Z2020-06-24T21:18:08ZTémoignage : comment la généralisation du télétravail pénalise les malvoyants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343446/original/file-20200623-188921-yxhfjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6763%2C4474&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'accessibilité numérique et la sensibilisation au handicap restent des problématiques mal considérées dans les entreprises aujourd'hui. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/visually-impaired-man-wireless-earphones-600w-1579965649.jpg">LightField Studios / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Une récente <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/04/30/teletravail-une-opportunite-pour-reduire-les-inegalites-liees-aux-handicaps_1786933">tribune</a> publiée dans le journal Libération présentait le télétravail comme une opportunité pour réduire les inégalités liées aux handicaps et expérimenter de nouvelles relations au travail plus égalitaires et inclusives.</p>
<p>En effet, en enlevant les contraintes liées aux déplacements, et à l’inverse en rajoutant parfois des contraintes d’environnement aux travailleurs à domicile, le télétravail peut permettre une meilleure égalité entre les personnes en situation de handicap et les personnes valides.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1255946486002724867"}"></div></p>
<p>Cependant, comme toujours en matière de handicap, tout dépend du type d’invalidité. Nous présentons ici le témoignage de Sylvain*, ingénieur en informatique et déficient visuel, qui perd doucement pied dans un environnement de plus en plus visuel.</p>
<h2>Malentendus et frustrations</h2>
<p>Sylvain est le « mouton à cinq pattes » dont rêverait tout directeur des ressources humaines cherchant à améliorer son taux de travailleurs handicapés. Atteint de cécité partielle à l’âge de 16 ans, il fera un rapide passage à l’Institut national des jeunes aveugles (INJA) le temps d’apprendre le braille avant de reprendre une scolarité « normale » : bac scientifique, classe préparatoire, grande école d’ingénieurs.</p>
<p>Il travaille ensuite dans plusieurs grands groupes. En parallèle de son activité d’ingénieur en recherche et développement, il effectue également un doctorat en informatique et quelques années plus tard, obtient son habilitation à diriger les recherches.</p>
<p>Dans son entreprise, l’adaptation au poste consiste en un terminal Braille qu’il utilise peu, car peu compatible avec les outils informatiques et mettant trop en évidence sa différence. Sans canne blanche ni lunettes aux verres épais, son handicap visuel est quasi invisible.</p>
<p>Dans ces conditions, il est difficile d’expliquer aux collègues qu’à distance normale d’un écran, il distingue seulement dans la largeur trois caractères en police 11, ou que sa vitesse de lecture d’un article scientifique est d’une page par heure.</p>
<p>Frustrations et malentendus sont son quotidien. Lorsqu’un chauffeur de bus lui dit qu’il aimerait bien lui aussi avoir une carte d’invalidité pour bénéficier de la gratuité dans les transports. Lorsque son manager lui refuse une note de frais dépassant le plafond autorisé de quelques euros : il n’avait pu lire la carte du restaurant et avait suivi les conseils du serveur ; ou lorsqu’un déplacement seul à l’étranger, où il se perd dans la ville (c’était avant Google maps), se solde par une forte migraine. Il prend sur lui et s’efforcera d’éviter les déplacements.</p>
<p>Le télétravail apparaît dans ce cas comme une aubaine. Mais de nouvelles contraintes apparaissent rapidement avec l’usage permanent de la « visio » quand justement la vue, on ne l’a que très peu et avec la popularité des méthodes collaboratives, où la pression sociale exercée par le groupe peut être importante.</p>
<h2>Sensibiliser ses collègues, une épreuve</h2>
<p>Membre d’une équipe agile de développeurs informatiques, le « mob programming » – ce mode de programmation collaboratif où un membre de l’équipe est au clavier et note les instructions données par les autres – tourne vite au cauchemar pour Sylvain.</p>
<p>Certes, ses collègues ont connaissance du problème de vue et sont de bonne volonté, mais dans le feu de l’action, ils l’oublient souvent.</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde utilise un langage peu descriptif parce qu’il y a des curseurs, qui font qu’on peut dire “là sous la souris… ”. Je ne sais pas s’ils ont changé de ligne dans le même fichier, ou s’ils ont changé de fenêtre. »</p>
</blockquote>
<p>Sylvain suggère plusieurs actions pour lui permettre de collaborer à l’égal de ses collègues et les sensibiliser à ses difficultés. Il propose tout d’abord de s’exprimer en tenant compte de ses contraintes. « Aucun effet, on revient à la situation précédente en moins de deux minutes. Personne n’est capable de tenir l’effort ».</p>
<p>Il les invite ensuite à s’essayer au mob en aveugle, c’est-à-dire sans écran, en expliquant le plus explicitement possible les choses : « ils ont tenu une heure ou deux, après ils étaient épuisés, ce qui est cohérent ».</p>
<p>Enfin, il leur propose d’installer l’application Eye view, développée par la Fédération des aveugles de France, qui simule les effets des principales maladies de l’œil : « les seuls retours que j’ai eus, c’est ceux qui m’ont dit qu’ils n’arrivaient pas à l’installer ».</p>
<p>Finalement, Sylvain trouvera deux adaptations avec l’accord tacite de ses collègues :</p>
<blockquote>
<p>« Je travaille en binôme plutôt qu’en mob. L’avantage c’est que, quand il y en a un qui a un problème, l’autre voit tout de suite qu’il parle dans le vide et que ça ne réagit pas. Et aussi, je prends le clavier parce que quand je suis perdu, j’arrête de taper. »</p>
</blockquote>
<p>Dans les méthodes agiles, le développement s’accompagne de « rétros », ces réunions d’amélioration continue qui permettent de faire le point sur ce qui a fonctionné et ce qu’il faut modifier. L’outil utilisé, non sans ironie appelé « miro » (miro.com), est uniquement visuel.</p>
<blockquote>
<p>« Je n’arrive pas à lire les post-its (virtuels). Ils me disent “Il faut nous le dire, on te lira”, mais je préférerais qu’ils changent d’outil et qu’ils me parlent ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343450/original/file-20200623-188916-xuu8pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans l’informatique, les méthodes de gestion de projet dites « agiles » utilisent beaucoup d’outils visuels.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/scrum-task-board-on-dark-600w-1337303492.jpg">Pixel-Shot/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quant à la nouvelle manager, arrivée dans l’équipe juste avant le confinement :</p>
<blockquote>
<p>« Elle prend des nouvelles tous les 7 à 10 jours pour voir comment ça va. Je pense qu’elle ne sait pas le gérer et qu’elle est bien embêtée d’avoir quelqu’un dont le moral ne va pas très fort ».</p>
</blockquote>
<h2>Renforcer l’inclusion des travailleurs handicapés</h2>
<p>La généralisation du télétravail soulève la question de l’accessibilité numérique, l’un des chantiers menés par l’<a href="https://www.avh.asso.fr/fr">association Valentin Haüy</a> (AVH) d’aide aux aveugles et malvoyants. Manuel Pereira, responsable du pôle accessibilité numérique, souligne la difficulté de son rôle de sensibilisation auprès des entreprises :</p>
<blockquote>
<p>« La déficience visuelle est un handicap lourd. À compétences égales, une entreprise va être tentée de recruter un handicap plus léger pour se simplifier la vie ».</p>
</blockquote>
<p>Il plaide pour faire de l’accessibilité numérique un prérequis dans les appels d’offres, et rappelle que la prise en compte de l’accessibilité fait partie des critères de référencement et de visibilité des moteurs de recherche :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a tout un écosystème à sensibiliser, il faut intégrer les marchés, les services Achats, les DSI (directions des systèmes d’information)… Comment voulez-vous qu’un directeur des systèmes d’information qui n’a jamais entendu parler d’accessibilité ait cette fibre dans son travail ? »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1271384156413530113"}"></div></p>
<p>Si le témoignage de Sylvain est difficilement généralisable à l’ensemble des situations de handicap, il permet d’interroger l’ergonomie des outils et des méthodes de travail du point de vue de l’inclusion. Il questionne aussi l’importance croissante du management visuel.</p>
<p>Les méthodes agiles, inspirées du « lean management » (système d’organisation visant l’amélioration de la performance en se focalisant sur les processus), revendiquent en effet l’affichage de post-its et tableaux en tout genre qui permettent de saisir en un clin d’œil l’avancement d’un projet.</p>
<p>Quant au travail collaboratif, socle des méthodes agiles, il est paré de toutes les vertus : intelligence collective, créativité, engagement. En aplatissant les hiérarchies au sein de l’équipe, en mettant en valeur l’autonomie et la compétence de chacun, l’agilité peut créer une surenchère à la performance et faire ressortir les faiblesses de ceux qui n’arrivent pas à être aussi efficaces.</p>
<p>Ainsi, les fameuses entreprises libérées, qui misent sur la responsabilisation des collaborateurs, en n’étant pas adaptées à tous les profils, constituent parfois des <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2017-3-page-161.htm?contenu=resume">sources de mal-être</a>.</p>
<p>De façon plus générale, ce témoignage souligne aussi la difficulté à sensibiliser au handicap à tous les niveaux de l’entreprise. Le seul indicateur du taux de travailleurs handicapés est insuffisant pour juger de l’inclusion dans les situations concrètes de travail.</p>
<hr>
<p><em>*Le prénom a été changé</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Corbett-Etchevers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le travail à distance mais aussi l’essor des méthodes collaboratives renforcent les inégalités, comme l’illustre le cas de Sylvain, informaticien et déficient visuel.Isabelle Corbett-Etchevers, Enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1347992020-04-09T19:20:57Z2020-04-09T19:20:57ZSauver des vies avec des masques Decathlon : le pouvoir de l’innovation frugale<p>Le 25 mars dernier, l’entreprise Decathlon a indiqué sur sa <a href="https://twitter.com/Decathlon/status/1244658225032630274%22">page Twitter</a> avoir été sollicitée par « des centres de recherche, des hôpitaux et des universités dans plusieurs pays » souhaitant utiliser ou adapter son masque Easybreath.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326015/original/file-20200407-91406-6ikvck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue 3D du masque Easybreath.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/Decathlon/status/1242754554497818624/photo/1">Compte Twitter de Decathlon</a></span>
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<p>Celui-ci, initialement dédié au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Snorkeling">snorkeling</a> (plongée avec masque et tuba), a comme particularité d’être un masque intégral permettant une respiration naturelle par le nez et/ou par la bouche. En réponse, Decathlon a tout d’abord partagé ses plans 3D et ses informations techniques avec les projets qui semblaient les plus sérieux et les plus avancés.</p>
<p>Cinq jours plus tard, le spécialiste français du sport a même décidé de <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-decathlon-retire-ses-masques-de-plongee-easybreath-de-la-vente-pour-les-offrir-aux-soignants_3892995.html%22">bloquer les ventes</a> de son masque « afin de mettre l’intégralité de ses stocks à disposition des personnels soignants et de secours », comme on peut le constater sur la <a href="https://www.decathlon.fr/p/masque-de-snorkeling-en-surface-easybreath-bleu/_/R-p-1616">page produit</a> du site decathlon.fr.</p>
<h2>Quand innovation rime avec « débrouillardise »</h2>
<p>Il peut paraître étonnant de voir ainsi un simple masque de plongée transformé en appareil médical. Pareil détournement d’un produit pour un usage autre que celui auquel il était initialement destiné n’est cependant ni surprenant, ni nouveau. Il s’agit ici d’un cas d’innovation « frugale ».</p>
<p>Une innovation est dite frugale lorsque son processus d’innovation et de production induit une économie significative dans l’utilisation de ressources rares. En d’autres termes : faire plus et/ou mieux pour satisfaire un usage donné, mais avec moins de ressources (financières, matérielles, énergétiques, etc.). Cela explique que, le plus souvent, les innovations frugales reposent plus sur de la « low-tech » que sur de la haute technologie, puisque la maîtrise des coûts en est une dimension essentielle.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=876&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=876&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=876&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1101&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1101&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326010/original/file-20200407-18916-1ey6ajc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1101&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Livre écrit par Navi Radjou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://frugalinnovationhub.com/en/books.html">Frugal innovation hub</a></span>
</figcaption>
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<p>Cette maîtrise des coûts est liée au contexte dans lequel le concept d’innovation frugale a vu le jour, et non pas à un objectif de maximisation des profits. En effet, ce concept découle du terme « jugaad », un mot hindi que Navi Radjou, auteur d’un <a href="https://frugalinnovationhub.com/en/books.html">ouvrage sur l’innovation frugale</a>, traduit par « une solution innovante, improvisée, née de l’ingéniosité et de l’intelligence » (ce que l’on traduirait spontanément en français par « le système D »).</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652617322606%22">Les travaux</a> sur ce type d’innovation sont ainsi issus d’observations menées dans des pays en développement, confrontés à des tensions importantes sur les niveaux de ressources mobilisables. En réponse à ces tensions, les habitants n’ont généralement pas d’autre choix que d’être ingénieux pour maximiser l’usage des maigres ressources à leur disposition.</p>
<p>L’innovation frugale s’attache donc avant tout à l’usage d’une ressource et à la valeur qu’un utilisateur peut en retirer – ladite ressource pouvant d’ailleurs être un produit déjà existant qui serait transformé, ou dont l’emploi dévierait de sa vocation première. La réutilisation d’un pot de confiture vide pour y ranger des clous est ainsi un exemple élémentaire d’innovation frugale.</p>
<p>Moins élémentaire, mais tout aussi frugal, est l’appareil d’électrocardiogramme (ECG) MAC 400 développé par General Electric. Basé sur des composants et algorithmes existants dont la fiabilité et la précision étaient reconnues, cet appareil était une version simplifiée vendue à 800 dollars (contre 2 000 dollars pour les appareils ECG traditionnels), produisant des ECG au coût unitaire de 1 dollar (contre 5 à 20 dollars habituellement).</p>
<p>Le MAC 400 avait initialement été conçu pour répondre aux contraintes locales indiennes (appareil portable pour aller dans les villages, consommant moins d’électricité, moins coûteux à l’usage), permettant à des gens qui en étaient exclus de bénéficier de diagnostics, puis de soins, de meilleure qualité. Mais ses caractéristiques firent qu’il répondit aussi à une demande dans des pays développés, où des médecins de ville s’en équipèrent, créant pour General Electric un tout nouveau marché que l’entreprise n’avait pas anticipé.</p>
<h2>Innover en allant à l’essentiel</h2>
<p>Les innovations frugales sont donc des solutions « assez bonnes » (sous-optimales) qui reposent sur des ressources limitées et moins coûteuses pour faire face à la rareté de ces dernières. Analysant plusieurs cas d’innovations frugales, <a href="http://dx.doi.org/10.1108/JBS-11-2013-0111">notre travail de recherche</a> en a identifié quatre caractéristiques, auxquelles répond l’adaptation du masque de Decathlon.</p>
<p>Tout d’abord, elles doivent être abordables, pour qu’un grand nombre de personnes puissent se permettre de les acheter.</p>
<p>Ensuite, elles doivent être de qualité et proposer un bon niveau de performance, eu égard aux besoins des clients/utilisateurs. Troisièmement, elles doivent avoir un niveau élevé <a href="https://www.usabilis.com/definition-utilisabilite-usabilite/">d’utilisabilité</a>, c’est-à-dire être faciles à comprendre et à utiliser.</p>
<p>Ces trois premières caractéristiques impliquent que les innovations frugales ne proposent aux clients que les fonctionnalités vraiment essentielles à leurs yeux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1245348703763935232"}"></div></p>
<p>Enfin, ces innovations doivent être soutenables, c’est-à-dire permettre une création de valeur économique et sociale (dans le cas des masques qui nous intéresse ici, la création de valeur économique passe cependant aux oubliettes, en raison du contexte de crise sanitaire et de mobilisation pour y faire face).</p>
<h2>Un élan collaboratif mondial</h2>
<p>Néanmoins, le masque Easybreath n’est en tant que tel pas ou peu utilisable pour venir en aide aux malades. Afin de le relier aux respirateurs artificiels pour ventiler les patients en détresse respiratoire, un raccord de connexion entre le masque et les tubes hospitaliers standards est nécessaire. Or, un tel raccord n’existe bien sûr pas et doit être créé. Entre alors en jeu un processus d’innovation ouverte, à l’origine de l’innovation frugale décrite précédemment.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/w4Csqdxkrfw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Transformer un masque de plongée en respirateur : mode d’emploi (Cristian Fracassi, 21 mars 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jpim.12148">L’innovation ouverte</a> correspond à la combinaison de connaissances en provenance d’une entreprise et de connaissances qui lui sont extérieures (créées ou mobilisées par d’autres acteurs que l’entreprise ou ses employés). Une innovation ouverte résulte donc d’un processus collaboratif entre différents acteurs.</p>
<p>C’est exactement ce qu’il s’est passé pour ce masque. L’idée de l’utiliser ainsi provient du Docteur Renato Favero, ancien médecin-chef de l’hôpital de Gardone Val Trompia (province de Brescia en Italie). Il a contacté la société <a href="https://www.corriere.it/tecnologia/20_marzo_23/coronavirus-l-azienda-bresciana-che-ha-trasformato-maschera-snorkeling-un-respiratore-cdf7d0e2-6d14-11ea-ba71-0c6303b9bf2d.shtml">Isinnova</a>, récemment très médiatisée pour sa production de valves respiratoires avec des imprimantes 3D, afin qu’elle puisse produire ces fameux raccords de connexion.</p>
<p>Isinnova a pu s’appuyer sur les explications du Docteur Favero et sur les plans du masque mis à disposition par <a href="https://www.lequipe.fr/Aussi/Actualites/Des-masques-de-decathlon-au-service-des-hopitaux/1122487">Decathlon</a> pour concevoir et produire ce raccord (nommé « Valve Charlotte », du nom de la femme du président-directeur général d’Isinnova), qu’ils ont breveté d’urgence pour éviter toute spéculation sur ce composant – brevet laissé <a href="https://www.isinnova.it/easy-covid-19-fr/">libre d’utilisation</a> pour que tous les hôpitaux puissent en bénéficier.</p>
<p>Cela a généré un élan collaboratif mondial, de nombreux détenteurs d’imprimantes 3D (entreprises ou individus) se proposant de contribuer à la production de ces valves. Celles-ci sont non certifiées médicalement. Cela signifie que leur utilisation implique la signature d’une décharge par les patients.</p>
<p>En étant abordable, facile d’utilisation et ayant démontré un niveau de performance adéquat en situation d’urgence, la solution visant à associer la valve Charlotte au masque Decathlon a tout d’une innovation frugale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134799/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Plé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la pénurie de matériel médical, des projets collaboratifs ingénieux émergent avec pour objectif la production d’appareils indispensables à moindre coût.Loïc Plé, DIrecteur adjoint en charge de la Pédagogie et du Développement Académique, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1302242020-02-17T18:14:01Z2020-02-17T18:14:01ZLes stratégies d’écosystème des grandes entreprises en Asie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/315324/original/file-20200213-10995-1d2gzh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7616%2C3970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les grandes entreprises mettent en place des stratégies d’écosystèmes d’innovation pour préserver leur leadership économique et technologique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/large-group-businessperson-business-technology-concept-1055216327">Metamorworks / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Comment une entreprise peut-elle générer des innovations radicales ? Pour répondre à cet enjeu, les grandes entreprises deviennent les chefs d’orchestre de nouveaux écosystèmes capables de soutenir leur recherche de ruptures.</p>
<p>Elles ne cherchent pas seulement à travailler avec des start-up mais tentent aussi de travailler avec tous les talents qui peuvent contribuer à atteindre cet objectif. Elles s’emploient à impulser de nouveaux cadres collaboratifs. Les nouveaux écosystèmes sont plus diversifiés. Ils couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur tant pour explorer les idées nouvelles que pour en exploiter les conséquences.</p>
<p>L’Asie représente un terrain de jeu particulier car de grandes entreprises y ont créé de nouveaux écosystèmes sur les <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/DansNotreJargon-la-Deep-Tech-40252"><em>deep techs</em></a> : big data, IA, etc. Une compétition larvée s’exerce entre firmes occidentales et asiatiques pour construire leurs sphères d’influence. Une <a href="http://innovasia.newpic.fr">étude</a> réalisée par la <a href="http://www.newpic.fr/02home.html">chaire newPIC</a> de <a href="https://www.psbedu.paris/">PSB</a> et cofinancée par <a href="https://www.bpifrance-lelab.fr/">BPIfrance le Lab</a> et <a href="http://www.innovationfcty.fr/">Innovation Factory</a> a analysé ces stratégies.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1215548195641659393"}"></div></p>
<h2>Faire émerger un écosystème créatif</h2>
<p>En Asie, les grandes entreprises ont deux objectifs quand elles mobilisent leur <a href="https://www.metiseurope.eu/2017/01/15/le-rle-des-open-labs-dans-les-processus-cratifs-des-organisations/"><em>open lab</em></a> : accélérer les projets de start-up et créer un réseau d’acteurs prêts à développer des projets novateurs en relation avec les <em>business units</em> de l’entreprise.</p>
<p>Des villes comme Singapour illustrent bien ces nouvelles dynamiques : Unilever y a créé la <a href="https://www.theunileverfoundry.com/">Foundry</a> ; la banque DBS y a installé <a href="https://www.dbs.com/innovation/dbs-innovates/spaces-dax.html">DBS Dax</a> ; et Thales y anime un <a href="https://www.aviationtoday.com/2014/10/14/thales-opens-innovation-hub-in-singapore-to-design-asia-centric-products/"><em>innovation hub</em></a> spécialisé.</p>
<p>Les open labs ont vocation à faire émerger de nouveaux modes de collaboration autour de thématiques prioritaires pour l’entreprise. La <a href="https://www.theunileverfoundry.com">Foundry d’Unilever</a> permet d’illustrer ces éléments. Elle se situe au cœur d’un nouvel écosystème sur le « big data » et l’intelligence artificielle. Elle repense la logistique, le commerce électronique et les technologies de l’agriculture en lien avec les problèmes alimentaires de demain.</p>
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<figcaption><span class="caption">« What is the Unilever Foundry ? » (The Unilever Foundry, juillet 2015).</span></figcaption>
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<p>Sur ces thématiques, l’open lab permet de mobiliser une variété d’acteurs dans la durée. Les employés de l’entreprise pourront interagir avec des acteurs qu’ils ne côtoient pas usuellement dans leurs activités opérationnelles : étudiants, associations, start-up de la tech, investisseurs, représentants du gouvernement (local ou national), sous-traitants et, aussi, d’autres grandes entreprises opérant dans des secteurs qui partagent des préoccupations similaires.</p>
<p>Comment animer ces écosystèmes ? Les open labs proposent une variété d’événements qui se déroulent dans leurs espaces physiques, facilitant de nouvelles rencontres. L’agencement et la localisation du lieu physique jouent un rôle majeur : convivial et facile d’accès pour tirer parti de la proximité physique, il doit ouvrir la porte à des rencontres improbables et permettre de développer des liens forts. Le foisonnement et la concentration des open labs génèrent une dynamique d’innovation qui, au final, transforme la ville de Singapour en un point focal d’attractivité et d’innovation sur certaines thématiques.</p>
<p>Certains open labs d’entreprises vont même jusqu’à proposer des services de coworking : ils monétisent leurs espaces sous forme de « flex office » ouvert à une variété d’acteurs qui peuvent y développer librement leurs projets.</p>
<p>La démarche va même jusqu’à les y laisser travailler avec leurs propres partenaires à la condition que ceux-ci ne soient pas des concurrents directs. Pour les personnes qui utilisent ce service, l’open lab d’entreprise est finalement un moyen d’accélérer des projets en participant à une communauté qui partage des préoccupations communes.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le rôle essentiel des plates-formes d’innovation en régions » avec Valérie Mérindol (Xerfi Canal, avril 2018).</span></figcaption>
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<p>Ceux qui acceptent de participer aux activités de l’open lab sont conscients que les éventuelles opportunités d’exploitation de leur projet auront toutes les chances de s’inscrire dans le cadre de la stratégie globale de l’entreprise qui héberge l’open lab si le projet devient un succès.</p>
<p>Un entrepreneur installé à la Foundry d’Unilever précise :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas une obligation. […] On peut bien entendu quitter le lieu librement si on se rend compte que le projet d’exploration ne fait plus sens avec la stratégie d’entreprise. […] Mais quand on participe à ce type d’open lab, on a tous en tête qu’une des options se trouve précisément dans le partenariat avec le grand groupe. »</p>
</blockquote>
<h2>La structuration d’écosystèmes territoriaux</h2>
<p>Certaines entreprises vont parfois beaucoup plus loin et structurent l’ensemble d’un écosystème en relation (directe ou implicite) avec des acteurs institutionnels régionaux. Cela conduit à gérer l’implantation physique sous la forme d’un « tech park ».</p>
<p>C’est le cas d’Alibaba à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang en Chine à 180 km de Shanghai. Cette <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/blablacar-est-une-licorne-une-quoi_1716931.html">licorne</a> structure un nouvel écosystème dédié à l’intelligence artificielle et au « big data » en lien, au départ, avec les <a href="https://solutions.lesechos.fr/com-marketing/c/marketing-faire-difference-entre-b2b-b2c-6782/">solutions de distribution</a> en B2B, B2C et B2B2C, et qui s’élargit sur les <em>smart cities</em>. L’Innovation Center d’Alibaba anime un réseau d’échanges créatifs avec des espaces de coworking et d’autres open labs qui s’implantent dans les districts de la ville.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315300/original/file-20200213-11040-gs9tsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jack Ma, PDG « emblématique » de l’entreprise de e-commerce Alibaba.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/bangkok-thailandapr7jack-ma-founder-giant-alibabameets-1077118370">Feelphoto/Shutterstock</a></span>
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<p>Les pouvoirs publics locaux et régionaux accompagnent cette évolution par un plan de développement économique qui aménage le territoire, fait sortir de terre des quartiers ultramodernes, des bâtiments dédiés aux entreprises ou aux personnes, et tous les services attendus par les porteurs de projets et les start-up. La ville de Hangzhou a été totalement transformée en l’espace de dix ans.</p>
<p>La démarche repose aussi sur un concours mondial de start-up organisé par Alibaba, dont la finale se déroule à Hangzhou avec tous les acteurs privés, publics et les financeurs de leur réseau. Les dotations du concours sont le plus souvent limitées à des moyens de s’intégrer dans l’écosystème local, en plus de l’accès à des services informatiques (dont le cloud d’Alibaba) et à des possibilités de tester les idées ou les prototypes sur les usagers locaux, en utilisant les données d’Alibaba ou en travaillant avec les acteurs de leur chaîne d’approvisionnement.</p>
<p>Alibaba anime aussi un campus de formation (en particulier à l’entrepreneuriat) et facilite la mise en relation des start-up avec un réseau d’investisseurs privés, sans jamais investir directement à ce stade. La force de cet écosystème repose sur le rôle d’Alibaba en tant qu’acteur local. Les start-up sont incitées à s’installer à proximité de son <em>innovation center</em> pour intégrer leurs produits ou services à l’offre d’Alibaba ou pour entrer dans sa chaîne d’approvisionnement. L’enjeu est toujours de renforcer l’écosystème d’innovation de la ville d’Hangzhou en y ramenant les talents et les compétences critiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314969/original/file-20200212-61929-xiznsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Finale du concours mondial de start-up organisé par Alibaba à Hangzhou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.alibabacloud.com/fr/startup/create-2018#guid-1257215">Alibaba</a></span>
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<p>Le concours de projets et de start-up organisé au niveau mondial conduit à installer une dynamique « glocale », globale et locale, qui renforce cet écosystème sur tout les sujets « deep techs » (intelligence artificielle, biotechs, etc) et prépare la concurrence avec les autres firmes comme Amazon ou Google.</p>
<p>Le concours <a href="https://www.alibabacloud.com/fr/start-up">« Create@Alibaba Cloud Startup Contest »</a> repose sur des finales régionales organisées un peu partout dans le monde (Paris et Berlin sont parmi les plus anciennes villes organisatrices). Le fonds d’investissement géré par un des seize associés fondateurs d’Alibaba illustre également cette stratégie « locale ».</p>
<p>Ces exemples ne sont pas uniques. Les grandes entreprises ont bien compris qu’un écosystème peut être autant une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/smj.821">source de contraintes que d’opportunités pour innover</a>. Elles travaillent pour en faire une force. Les grandes entreprises internationales mettent en place des stratégies d’écosystèmes d’innovation pour élaborer les capacités clés capables de préserver leur leadership économique et technologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mérindol a reçu des financements pour réaliser ce projet de recherche de Bpifrance le LAB et Innovation Factory.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David W. Versailles a reçu des financements de Bpifrance le Lab et Innovation Factory pour réaliser ce projet</span></em></p>Les entreprises n’innovent pas seules, en particulier dans un environnement où les opportunités de marché s’accélèrent. Pour faire face, elles renouvellent les écosystèmes dans lesquels elles opèrent.Valérie Mérindol, Enseignant chercheur en management de l'innovation et de la créativité, PSB Paris School of BusinessDavid W. Versailles, Chair professor, strategic management and management of innovation, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1316902020-02-16T16:31:52Z2020-02-16T16:31:52ZLes compétences collaboratives au service de la paix économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/315043/original/file-20200212-61947-rsj9mu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La paix économique est « une orientation pour laquelle une entreprise (...) créent de la richesse au profit du bien commun et de l’épanouissement de l’ensemble des parties prenantes dans le cadre plus vaste de leur responsabilité sociale et humaine » selon Dominique Steiler.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-man-suit-tie-standing-his-461657866">ImageFlow / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les transformations organisationnelles, notamment induites par la <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-croissance-transformation-entreprises">loi Pacte</a> en France, découlent tant de l’évolution des objectifs (voire des missions) des entreprises que de celle des moyens mis en œuvre pour contribuer à l’atteinte de ces derniers. Elles requièrent une évolution importante des compétences des entreprises et amènent à repenser la place de ces dernières dans la société.</p>
<p>Les compétences individuelles y sont, généralement, bien appréhendées et développées. Les compétences collectives, mobilisées en interne lorsque l’on collabore avec des collègues ou en contexte interorganisationnel lorsque l’on coopère avec des concurrents, des clients ou des fournisseurs, demeurent trop souvent délaissées ou oubliées.</p>
<p>Pourtant, la mutation des compétences individuelles occasionnée par la loi Pacte, bien que nécessaire, s’avère insuffisante, voire vouée à l’échec, si une profonde réflexion sur les transformations organisationnelles ne l’accompagne pas.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rsceZ6JraMU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Zoom sur les relations collaboratives avec les fournisseurs » avec Hugues Poissonnier (GEM, 29 nov. 2017).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le rôle clé des compétences émotionnelles</h2>
<p>Les transformations organisationnelles s’appuyant sur l’émergence de nouvelles solutions technologiques (robotisation, numérisation, digitalisation) reposent avant tout sur une évolution des compétences humaines.</p>
<p>Plus précisément, les compétences relationnelles et émotionnelles apparaissent comme de plus en plus indispensables à l’heure où la collaboration à l’intérieur de l’organisation, mais aussi entre cette dernière et ses partenaires extérieurs, s’impose comme l’une des principales clés de succès.</p>
<p>Bien sûr des exemples de plus en plus nombreux montrent que le curseur de la collaboration est parfois poussé un peu trop loin. Des cas de <a href="https://www.clubic.com/pro/actualite-e-business/actualite-808214-travail-collaboratif-overdose.html">burn-out collaboratif</a> apparaissent, témoignant de l’importance du bon équilibre entre travail individuel et collectif.</p>
<p>Mais de la start-up à la très grande entreprise, le sens de l’histoire est bien celui qui consiste à s’appuyer de plus en plus sur le développement des compétences dites sociales des personnes, notamment les <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/03/19713-de-lacheteur-manager-ressources-externes-developper-competences-emotionnelles-mieux-collaborer/">compétences émotionnelles</a>. Ces dernières sont celles qui supportent la collaboration, rares étant désormais les tâches et activités pouvant être exercées seules, sans contribution de plusieurs collègues et/ou partenaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315061/original/file-20200212-61958-1816rpc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cinq compétences émotionnelles de base.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.erudit.org/en/journals/ncre/2016-v19-n1-ncre03146/1040665ar.pdf">Doeck, 2016</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des organisations « florissantes » reposant sur davantage d’autonomie</h2>
<p>Si les compétences individuelles, grâce à la formation et aux nouvelles expériences vécues, progressent et accompagnent les changements, les compétences collectives, notamment organisationnelles, s’avèrent souvent plus difficiles à faire évoluer.</p>
<p>Ces dernières reposent sur la collaboration en interne et une vision plus transversale de la performance. Les références théoriques ne manquent pourtant pas pour donner de bonnes idées et des exemples concrets de pratiques vertueuses. Des organisations au fonctionnement original sont ainsi régulièrement qualifiées de « libérées », « nutritives » ou <a href="https://www.mindfulness-at-work.fr/images/pdf/Envies_de_changer_2.pdf">« florissantes »</a>.</p>
<p>Elles se caractérisent par ces points communs essentiels : davantage d’autonomie et de liberté données au salarié pour une contribution élargie, reposant pour l’essentiel sur ce qu’il est possible d’appeler le « dépassement de fonction », aux performances de l’organisation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=737&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=737&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315064/original/file-20200212-61952-v0ry5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=737&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Modèle type de l’entreprise florissante.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mindfulness-at-work.fr/images/pdf/Envies_de_changer_2.pdf">Grenoble Ecole de Management</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Si le management suit, dans un souci de cohérence, devenant plus participatif, bienveillant, voire « slow », les conditions peuvent être réunies pour casser les silos qui caractérisent encore trop souvent nos organisations, publiques ou privées, petites ou grandes. Mais c’est précisément à cet endroit que le bât blesse. La difficile montée en maturité organisationnelle freine les transformations que les évolutions des compétences individuelles rendraient possibles.</p>
<h2>Soigner ses fournisseurs et rendre son écosystème plus résilient</h2>
<p>Que dire alors des compétences interorganisationnelles, qui permettent de mieux travailler ensemble ? Et bien que c’est peut-être là que se trouve un levier non négligeable de réussite de la transformation des organisations. C’est notamment l’une des retombées indirectes, sorte de bénéfice induit, de la démarche visant à mieux collaborer avec ses fournisseurs ou, plus généralement, ses partenaires extérieurs.</p>
<p>Elle contribue en effet, et sans effort démesuré, à instaurer une culture de collaboration plus forte en interne chez chacun des partenaires. Si la collaboration en interne facilite la collaboration avec les partenaires extérieurs et rend possible un véritable « management des ressources externes » (le nouveau nom que l’on donne, de plus en plus, à la fonction achats), l’inverse, et de nombreux travaux récents le montrent, est également vrai.</p>
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<figcaption><span class="caption">« De la fonction achats au management stratégique des ressources externes » avec Hugues Poissonnier (Xerfi Canal, avril 2018).</span></figcaption>
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<p>Il s’agit même de l’un des principaux bénéfices induits par la mise en œuvre de véritables relations collaboratives et responsables avec les fournisseurs. De Tefal, qui pratique avec ses fournisseurs le mécénat de compétence, à Armor-Lux qui a su développer une culture collaborative forte entre ses fournisseurs étrangers et les usines situées en France pour gagner en agilité, en passant par le groupe Safran dont les multiples innovations s’appuient essentiellement sur la qualité croissante des échanges entre les différents services en interne et les fournisseurs, nombreux sont les exemples de diffusion de bonnes pratiques de collaboration en interne lorsque celles-ci sont initiées avec les fournisseurs.</p>
<h2>Une paix économique aux nombreuses vertus</h2>
<p>Tout le monde a donc décidément bien tout à gagner à œuvrer en faveur de relations inter-entreprises pacifiées et plus harmonieuses : les donneurs d’ordres (si on continue à les appeler ainsi malgré le caractère de moins en moins pertinent de l’appellation), mais aussi évidemment leurs fournisseurs et, par extension, l’ensemble de l’écosystème économique.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Oser la paix économique plutôt que l’hypercompétition » avec Dominique Steiler (XerfiCanal, 8 mars 2018).</span></figcaption>
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<p>Le groupe ARaymond, leader mondial de la fixation pour l’industrie, Schmidt Groupe, qui fabrique et commerciale des meubles, ou Outilacier, distributeur responsable de matériel et outillage pour les entreprises, contribuent ainsi, chacun à leur manière à renforcer la résilience de leur écosystème économique en tirant bénéfice de la qualité des relations avec leurs fournisseurs.</p>
<p>La paix économique ainsi promue ne cesse de voir ses multiples intérêts cachés apparaître au grand jour et se trouver validés par des pratiques vertueuses aux retombées renforcées. Outre une meilleure capacité à innover ensemble (entre organisations), elle contribue en effet à une meilleure résilience de l’écosystème et de ses membres et permet aux personnes de travailler dans une sérénité propice au développement des compétences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux compétences individuelles, les compétences collectives se développent peu dans les organisations. Ces dernières sont pourtant clés pour pacifier les relations entre organisations.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166952019-05-07T18:53:04Z2019-05-07T18:53:04ZLes chauffeurs Uber en grève: quelles conditions de travail à l'ère de la précarité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273127/original/file-20190507-103060-1chhbwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chauffeurs du géant Uber prévoient une journée nationale d'action pour protester contre leurs conditions de travail. À Montréal, les chauffeurs appellent à une grève d'un jour. </span> <span class="attribution"><span class="source">Dan Gold/Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des dernières semaines, Uber aurait diminué les revenus de ses chauffeurs et augmenté les prix et ce, <a href="https://www.marketwatch.com/story/uber-ipo-5-things-you-need-to-know-about-potentially-the-biggest-ipo-in-years-2019-04-12">afin de gagner la faveur des marchés financiers avant son premier appel public à l'épargne </a> jeudi, le 9 mai, le plus important depuis des années. </p>
<p>Les chauffeurs ont réagi, eux qui ne s'attendent pas à récolter les bénéfices de l'introduction en bourse d'Uber. Dans plusieurs grandes villes américaines, ils ont déclaré qu'ils éteindraient leurs applications durant deux heures, aujourd'hui, le 8 mai, <a href="https://www.reuters.com/article/us-uber-ipo-strike-new-york/ride-hailing-drivers-in-new-york-to-strike-ahead-of-uber-ipo-idUSKCN1S922A">dans le cadre d'une Journée nationale d'action coordonnée</a>. L'initiative a fait boule de neige dans le monde, dont ici au Canada. À Montréal, aujourd'hui, <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2019/05/07/des-chauffeurs-duber-veulent-perturber-le-service-mercredi-a-montreal">les chauffeurs montréalais d’Uber iront plus loin que leurs collègues américains</a>: ils « vont désactiver leurs applications toute la journée dans l’ensemble de la région métropolitaine », peut-on lire dans un communiqué émis aujourd'hui.</p>
<p>Uber est l'une des entreprises les plus prospères <a href="https://theconversation.com/la-gig-economy-vers-une-economie-a-la-tache-mondialisee-70982">de la « gig » économie, soit l'économie dite « collaborative », à la pièce, du partage, ou précaire</a>, selon les points de vue. Elle s'étend maintenant à un large éventail d'industries, dont les courriers, le covoiturage, les médias et bien d'autres. </p>
<p>Sur papier, travailler dans cette économie dite collaborative a l'air très bien. </p>
<p>Les travailleurs ont des horaires flexibles et peuvent habituellement faire leurs heures quand et comme bon leur semble. Ils peuvent compléter leur revenu à partir d'un emploi existant, gagner de l'argent entre deux emplois ou même travailler à temps plein. Les entreprises ont des coûts de main-d'œuvre moins élevés parce qu'elles n'ont pas à dépenser en indemnités de vacances, de maladie et dans d'autres avantages sociaux. Elles n'ont pas non plus à investir dans la sécurité des travailleurs, qui est laissée à leur propre discrétion.</p>
<p>Et surtout, les employeurs n'ont pas à s'inquiéter de payer leurs travailleurs lorsqu'il n'y a pas de demande pour leur service. Si personne n'a besoin d'un chauffeur en ce moment même, Uber n'a effectivement aucun coût à défrayer. Ce manque de sécurité du revenu est l'une des principales causes de la tension croissante entre les travailleurs et les entreprises. Dans l'économie collaborative, les entreprises traitent en toute légalité les travailleurs comme des entrepreneurs indépendants plutôt que comme des employés permanents. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=130%2C122%2C4672%2C3009&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des voitures sur le pont Queensboro à New York. Les chauffeurs du géant Uber organisent une journée nationale d'action pour protester contre leurs conditions de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP/Frank Franklin II)</span></span>
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<p>Une récente <a href="https://www.wired.com/story/feds-rule-companys-gig-workers-contractors/">lettre d'opinion sur les travailleurs contractuels rédigée par le département du Travail des États-Unis</a> confirme que cela ne devrait pas changer de sitôt. Les conséquences sont importantes: cela signifie que les travailleurs n'ont pratiquement aucune sécurité, que ce soit en termes d'emploi ou de salaire. </p>
<h2>Peu ou pas de présence syndicale</h2>
<p>Les avantages sociaux, la sécurité et la protection de l'emploi sont des conditions de travail que les syndicats ont gagnés et maintenus. Les syndicats sont peu ou pas présents dans l'économie collaborative, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/mar/22/uber-lyft-ipo-drivers-unionize-low-pay-expenses">malgré des demandes en ce sens</a>, notamment en raison de l'opposition des entreprises. Il y a un fait indéniable révélé par toute une littérature économique: <a href="https://www.jstor.org/stable/2171852?seq=1#metadata_info_tab_contents">la présence d'un syndicat fait augmenter les salaires des travailleurs, en particulier pour les emplois peu qualifiés</a>. </p>
<p>Une autre <a href="https://doi.org/10.1093/qje/qjr058">étude</a> - encore plus pertinente pour l'économie du partage - s'est penchée sur les résultats en bourse des entreprises du secteur privé aux États-Unis pendant trois décennies. Elle a constaté que la présence d'un syndicat diminue considérablement la valeur à long terme des actions des entreprises cotées en bourse. </p>
<p>Ainsi, non seulement des entreprises comme Uber veulent éviter la syndicalisation de leurs travailleurs pour maintenir les salaires à un bas niveau, mais avec leur arrivée en bourse, actuelle ou à venir, elles ont probablement aussi un œil sur la valeur future de leurs actions.</p>
<h2>Les avantages de l'action collective</h2>
<p>Les grèves du 8 mai ont été initiées notamment par <a href="https://drivers-united.org/">« Rideshare Drivers United »</a> un groupe de chauffeurs Uber et Lyft « qui construisent (une) organisation pour lutter pour la dignité de notre travail et une vie meilleure ». Ils sont aidés par des organisation de défense comme <a href="https://www.gigworkersrising.org/">Gig Workers Rising</a>. Ces groupes qui organisent la grève jouent le rôle traditionnellement joué par les syndicats. </p>
<p>Organiser une grève est difficile. Supposons que vous êtes un chauffeur Uber à Los Angeles, le 8 mai, et que vous vous attendez à ce que tous les autres chauffeurs éteignent leurs applications dans le cadre de la Journée d'action. </p>
<p>Vous pourriez faire beaucoup plus d'argent que normalement en étant le seul chauffeur Uber disponible à Los Angeles. Dans <a href="http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=978067674537514">son ouvrage classique publié en 1965 sur le sujet</a>, Mancur Olson explique pourquoi les grands groupes souffrent de ce type de problème de « parasitisme », ce qui explique pourquoi les petits groupes ont plus de facilité à organiser et à influencer la politique. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chauffeurs de taxi à Montréal ont organisé une grève d'une journée le mois dernier pour protester contre un projet de loi qui, selon eux, mettrait leur industrie en faillite. Les chauffeurs d'Uber ont pris la part du lion ce jour-là.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Ryan Remiorz</span></span>
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<p>Alors que les travailleurs de l'économie collaborative pourraient potentiellement bénéficier d'un syndicat, le moment pourrait difficilement être pire. Aux États-Unis, l'affiliation syndicale <a href="https://www.economist.com/united-states/2018/07/19/how-the-decline-of-unions-will-change-america">est en baisse depuis des décennies</a>, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-630-x/11-630-x2015005-fra.htm">tout comme au Canada.</a></p>
<h2>Un rôle pour le gouvernement ?</h2>
<p>En l'absence d'une organisation efficace pour défendre les intérêts de ses travailleurs, le modèle d'affaires qui fait le succès d'Uber présente des défis complexes pour les législateurs.</p>
<p>Les travailleurs de l'économie collaborative font des investissements coûteux qui les lient à l'emploi qu'ils choisissent. Dans le cas d'Uber, cela signifie acheter une voiture et payer les coûts associés à l'assurance, au respect des normes de sécurité, etc. En revanche, Uber n'est pas lié à un conducteur en particulier de la même manière. Il en résulte que de nombreux travailleurs de l'économie collaborative ne sont plus qu'à un doigt d'une situation financière précaire, voire catastrophique. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des manifestations anti-Uber de chauffeurs de taxi comme celle-ci à Varsovie, en Pologne le 8 avril 2019, ont eu lieu dans plusieurs villes à travers le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>La sécurité financière des travailleurs de l'économie collaborative n'est pas le seul enjeu des politiques gouvernementales. Les entreprises comme Uber continuent d'accroître leur présence. Grâce à son propre succès, Uber a également accéléré de manière significative le déclin de l'industrie du taxi. </p>
<p>Certains chauffeurs proches de l'âge de la retraite ont vu leurs plans s'effondrer à mesure que la valeur des permis de taxi a chuté. L'impact sur la santé mentale de ces travailleurs a été si important <a href="https://www.nytimes.com/2018/12/02/nyregion/taxi-drivers-suicide-nyc.html">que le suicide chez les chauffeurs est maintenant une tendance perceptible</a>. À Québec, <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/taxi-desespoir-en-direct-a-la-tele-pour-un-chauffeur-video-c0687ace5faaa338ec4218f74720f891">un chauffeur a essayé d’attenter à sa vie en direct à la télévision</a>.</p>
<p>Les chauffeurs de taxis <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1159892/taxi-proprietaires-moyens-pression-greve-lundi-montreal-quebec">ont fait des grèves tant à Montréal qu'à Québec, en mars,</a> à la suite du dépôt, par le ministre québécois des Transports, François Bonnardel, d'un projet de loi qui prévoit une forte déréglementation de l'industrie du taxi et une régularisation des activités d'Uber ou d'entreprises similaires.</p>
<p>La libre concurrence sur le marché, l'esprit d'entrepreneuriat et l'innovation sont sans aucun doute une grande source de bien-être pour les consommateurs. Il n'en va pas toujours de même pour les travailleurs. Les décideurs politiques feraient bien d'agir tandis que la situation peut encore être gérée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116695/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arvind Magesan a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
</span></em></p>Les chauffeurs d'Uber, l'une des entreprises les plus prospères de l'économie dite collaborative, ferment leurs applications lors d'une journée de protestation, afin de dénoncer leur précarité.Arvind Magesan, Associate Professor of Economics, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1077232018-12-10T20:38:57Z2018-12-10T20:38:57ZLa crowd-logistics, nouvelle frontière de l’économie collaborative<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248479/original/file-20181203-194941-uy8hfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C21%2C4764%2C3202&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De plus en plus de startups s'appuient sur les ressources de « la foule » pour proposer des services logistiques innovants. </span> <span class="attribution"><span class="source">Indypendenz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cette contribution est issue de l’article <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jbl.12164">« The Rise of Crowd-logistics : a new way to co-create value »</a>, paru en décembre 2017 dans le Journal of Business Logistics, et qui a reçu en 2018 le <a href="https://consultinfrance.fr/a-la-une/prix-academique-de-recherche-management-9eme-edition/">Prix académique de la recherche en management</a> décerné par Consult'in France en partenariat avec la FNEGE du meilleur article dans la catégorie « transformation digitale ».</em></p>
<hr>
<p>L’une des conséquences de l’émergence de la nouvelle économie collaborative et digitale est le développement de pratiques de <a href="https://www.wired.com/2006/06/crowds/"><em>crowdsourcing</em></a> (production participative) observables dans de nombreux secteurs d’activité, de l’hôtellerie (Couchsurfing, Airbnb), à la rédaction d’articles encyclopédiques (dont Wikipedia est sans nul doute le plus célèbre exemple). Certaines activités – autrefois réalisées par l’entreprise – sont alors confiées à Monsieur Tout-le-Monde (la « foule »). Jusqu’à présent, l’accent a été mis par les chercheurs et les journalistes sur deux types de pratiques : le crowdfunding, qui consiste à tirer parti des ressources de la foule pour financer des projets, notamment culturels (<a href="https://blog.fundly.com/crowdfunding-statistics/">34 milliards de dollars</a> ont été collectés en 2017) et la crowd-innovation, qui vise à utiliser les ressources intellectuelles de la foule dans une optique de créativité et de coproduction de connaissances (le groupe Pepsico a par exemple en 2012 reçu plus de 10 millions de suggestions pour sa campagne <a href="http://www.pepsico.com/live/content/topic/do-us-a-flavor">« Do us a Flavor »</a> de recherche de nouveau parfum pour les chips Lay’s).</p>
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<p>Aujourd’hui, un troisième type de pratique s’installe : la crowd-logistics (la logistique par la foule)</p>
<h2>Un meilleur usage des ressources logistiques</h2>
<p>Dotée de ressources financières et intellectuelles, la foule d’individus peut en effet aussi se prévaloir de ressources logistiques : des bras pour déplacer des meubles, des caves et des garages pour stocker des marchandises, des véhicules pour les transporter, etc. Largement sous-utilisées, ces ressources peuvent être activées pour mettre en œuvre de nombreux services logistiques. Une opportunité qui est exploitée depuis quelques années par de nombreuses startups émergeantes partout dans le monde. Aux États-Unis, <a href="https://www.deliv.co/">Deliv</a> permet par exemple aux consommateurs de plus de 1 400 villes américaines d’accéder à des services de livraison plus rapides et moins chers depuis de nombreux distributeurs (épicerie, produits de grande consommation, produits pharmaceutiques, etc.).</p>
<p>En France, <a href="https://www.costockage.fr/">Costockage</a> cherche à tirer parti des garages et caves inoccupées pour proposer aux habitants des villes des services de stockage peu chers et de proximité. En milieu urbain, de nombreuses initiatives concernent le marché de la livraison de repas, portées aussi bien par des géants comme Uber que par de nouveaux entrants.</p>
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<h2>Qu’est-ce que la crowd-logistics ?</h2>
<p>La crowd-logistics opère au travers de plates-formes collaboratives et d’applications numériques qui connectent tant les individus que les entreprises à la foule (qui voyage, se déplace, détient des espaces de stockage, etc.). Elle propose un meilleur usage de ressources logistiques distribuées et sous-exploitées en mobilisant des individus pour réaliser ad-hoc des services logistiques basiques.</p>
<p>Trois spécificités de la crowd-logistics peuvent être mises en avant :</p>
<ul>
<li><p>La première est le fait qu’elle repose non sur des professionnels de la logistique mais sur des amateurs ;</p></li>
<li><p>La seconde est qu’elle diffère fortement de la logistique traditionnelle qui utilise des infrastructures spécifiques (entrepôts, camions, bateaux, etc.) tandis qu’elle mobilise des ressources distribuées au sein de la foule et, par nature, non dédiées à la logistique ;</p></li>
<li><p>Enfin, la dernière spécificité est que la crowd-logistics est permise par le développement du digital et des applications mobiles auprès des particuliers. Elle ne s’appuie donc pas sur les systèmes d’information qui sous-tendent traditionnellement les processus logistiques des entreprises (ERP, EDI, etc.).</p></li>
</ul>
<h2>Quatre types de crowd-logistics pour co-créer de la valeur</h2>
<p>Quatre grands types de services logistiques peuvent être rendus par la crowd-logistics : <em>crowd local delivery</em>, <em>crowd storage</em>, <em>crowd freight shipping</em>, et <em>crowd freight forwarding</em> (livraison de proximité par la foule, stockage par la foule, transport par la foule, expédition par la foule). Ces différents types de services logistiques mobilisent des ressources variées et formulent des propositions de valeur différentes aux clients. Par exemple, le crowd storage s’appuie sur des ressources immobilières comme les caves, les garages, les espaces ou pièces vacantes au sein des logements pour proposer un service de stockage de proximité aux citadins des grandes villes. Le crowd freight forwarding mobilise des ressources liées à la mobilité – un trajet en avion par exemple – pour rendre accessibles à bas prix certains produits qui ne sont pas disponibles dans un pays ou pour assurer le transit de marchandises (petits colis). Chaque service de crowd-logistics contribue ainsi différemment à créer de la valeur logistique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248769/original/file-20181204-34128-1s5my9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les quatre types de crowd-logistics.</span>
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<h2>L’impact disruptif de la crowd delivery</h2>
<p>Si des initiatives et startups se développent autour des quatre services précédemment cités, le segment qui semble potentiellement le plus disruptif est celui de la crowd delivery, soit les livraisons de proximité que peuvent effectuer les individus lambda sur leurs trajets domicile-travail par exemple. Les consommateurs en milieu urbain sont en effet fortement demandeurs de services de livraison qui soient à la fois peu coûteux, personnalisés et rapides. C’est justement ce genre d’offre que proposent les startups de la crowd local delivery en jouant sur la foule pour être plus compétitives que les prestataires logistiques traditionnels. Elles offrent ainsi aux marques – qui de plus en plus souhaitent s’inscrire dans une logique de distribution omnicanale – une modalité flexible, moderne et attractive.</p>
<p>Les ressources à la base de ces services sont très largement disponibles et peu spécifiques : en ville, tout le monde se déplace tout le temps et peut facilement transporter un colis d’un point A à un point B. Sur ce segment particulier de la crowd-logistics, certaines entreprises comme <a href="https://www.deliv.co/">Deliv</a>, <a href="https://postmates.com/">Postmates</a>, <a href="https://www.instacart.com/">Instacart</a> ont d’ailleurs déjà atteint une taille considérable. Ainsi, <a href="https://www.lsa-conso.fr/livraison-alimentaire-instacart-leve-200-millions-de-dollars-pour-contrer-amazon,280436">Instacart</a> a jusqu’ici levé 900 millions de dollars (notamment auprès de Sequoia Capital et de Andreessen Horowitz), en atteignant une valorisation de 4,2 milliards de dollars, selon Bloomberg.</p>
<h2>La crowd-logistics, menace pour les acteurs en place…</h2>
<p>Ces nouvelles formes de logistique, portées par de nouveaux acteurs et opérées par des amateurs, sont-elles de nature à révolutionner le poids des acteurs en place ? Probablement pas ! Une grosse partie de la logistique d’approvisionnement, industrielle et en BtoB échappe aux offres de ces start up et s’appuie sur des prestataires traditionnels, dotés de moyens physiques et informationnels importants.</p>
<p>Leur observation est néanmoins pertinente à plus d’un titre. En effet, ces startups de crowd local delivery captent une part du volume d’activité des entreprises de livraison autrefois dévolu aux prestataires de services logistiques (PSL) traditionnels. Une entreprise comme <a href="https://www.instacart.com/">Instacart</a> cherche ainsi aujourd’hui à se positionner comme un nouvel intermédiaire entre les consommateurs et les distributeurs traditionnels (<a href="https://www.costco.fr/">Costco</a>, etc.). Le risque pour ces derniers est alors de perdre le lien stratégique direct qu’ils entretiennent avec les consommateurs et d’être transformés en de simples fournisseurs au sein desquels les utilisateurs d’<a href="https://www.instacart.com/">Instacart</a> iraient faire les courses pour le compte des clients !</p>
<h2>… ou source d’inspiration ?</h2>
<p>Pour l’ensemble des acteurs concernés, la crowd local delivery constitue surtout un gisement d’opportunités ou, tout du moins, une source d’inspiration. Les prestataires traditionnels pourraient par exemple chercher à intégrer dans leur offre des services de livraison par la foule. Ils le peuvent d’autant plus que ceux qui se positionnent comme des <a href="https://infologistique.fr/2012/02/12/4pl-origines-avantages-et-inconvenients/">4PL</a> (organisateur de solutions logistiques pilotant des ressources – flottes, entrepôts, etc. – détenues par d’autres prestataires) ont par définition les compétences nécessaires à l’orchestration des ressources logistiques.</p>
<p>Dans ce cadre, <a href="https://www.logistics.dhl/fr-fr/home.html">DHL</a> a par exemple brièvement <a href="http://www.dhl.com/en/press/releases/releases_2013/logistics/dhl_crowd_sources_deliveries_in_stockholm_with_myways.html#.XAU54S17R0s">testé un service</a> de ce type en Suède. Les distributeurs considèrent également ces nouvelles modalités de service logistique à la loupe. <a href="https://www.leroymerlin.fr/">Leroy Merlin</a> a ainsi testé sur la région lilloise de nombreuses <a href="https://www.lsa-conso.fr/leroy-merlin-et-ikea-s-appuient-sur-trusk-pour-le-dernier-kilometre,289266">startups</a> spécialisées dans la logistique du dernier kilomètre via des expériences pilotes.</p>
<h2>Les modèles de crowd-logistics : réguler pour assurer la pérennité ?</h2>
<p>Ces nouveaux modèles ne sont pas tous pérennes. De nombreuses initiatives de crowd delivery n’ont ainsi pas trouvé le modèle économique leur permettant de garantir la rentabilité à terme de leurs opérations. D’autres évoluent souvent vers une hybridation avec les modèles traditionnels. <a href="https://www.colisweb.com/fr">Colisweb</a>, start-up lilloise de crowd local delivery précisait sur son site Internet à sa création mobiliser la foule pour effectuer ses livraisons. Elle s’est pourtant rapidement positionnée vers le recours aux entreprises locales ou <a href="https://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/1185175-stuart-colisweb-deliveree-coursiers-ship-from-store/">chauffeurs-livreurs indépendants</a>.</p>
<p>Le recours à la foule pose indubitablement de nombreuses questions sociales. Ces services, supposés constituer « des compléments de revenu », s’inscrire dans une société d’échanges volontaires, ou encore mobiliser les individus sur leurs trajets habituels, ont en réalité tendance à être assurés à titre <a href="https://www.la-croix.com/Economie/France/livreurs-repas-velo-reclament-nouveaux-droits-2018-07-10-1200953896">quasi professionnel</a>.</p>
<p>Sauf que les individus concernés ne bénéficient pas des statuts professionnels adéquats, des rémunérations conventionnelles, de la protection à laquelle ils pourraient prétendre. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agit d’une nouvelle forme de <a href="https://maze.fr/actualite/05/2016/entre-liberte-precarite-succes-coursiers-freelance/">précarité</a> sous couvert de flexibilité et d’émancipation individuelle.</p>
<p>Sur le plan environnemental, les conséquences ne sont pas nécessairement meilleures. La crowd local delivery, pratiquée de manière dévoyée par des semi-professionnels, loin d’utiliser des trajets d’ores et déjà pratiqués, rajoute à la multiplicité des derniers kilomètres possibles et augmente donc encore un peu plus les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Enfin, ces systèmes, pour séduisants qu’ils apparaissent, s’inscrivent dans une évolution plus globale de notre société : le « tout, tout de suite », glorifié par le géant Amazon, (le « Everything now » chanté par Aracade Fire), et dont on peut largement questionner les impacts.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M_nQgE7VMCI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/107723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’économie collaborative a récemment investi le champ de la logistique, donnant naissance à des innovations qui intéressent beaucoup les opérateurs traditionnels.Aurélien Rouquet, Professeur de logistique et supply chain, Neoma Business SchoolChristine Roussat, Maître de Conférences, Université Clermont Auvergne (UCA)Valentina Carbone, Professor of Supply Chain Management and scientific co-director of the Deloitte Chair "Circular Economy & Sutainable Business Models", ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1077312018-12-02T20:40:58Z2018-12-02T20:40:58ZLe rachat de Ouibus par BlaBlaCar, ou le grand bouleversement dans l’offre de mobilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247520/original/file-20181127-76749-1xkeaxk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C180%2C4470%2C3309&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2017, 7,1 millions de voyageurs ont eu recours aux services de bus longue distance, soit une hausse de 14,5 % par rapport à l’année précédente. </span> <span class="attribution"><span class="source">Fortgens Photography / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’ouverture à la concurrence du marché des bus longue distance en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030978561&categorieLien=id">août 2015</a>, les opérateurs recherchent une taille critique pour devenir rentables. Dès la création de ce nouveau marché, la stratégie développée par les nouveaux entrants consistait à pratiquer des tarifs attractifs de manière à induire de la demande pour ce nouveau mode de transport souffrant d’un manque de reconnaissance en France. En 2017, <a href="http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2018/07/rapport-annuel-sur-le-transport-routier-de-voyageurs-et-gares-routieres.pdf">7,1 millions de voyageurs</a> ont eu recours aux services de bus longue distance, soit une hausse de 14,5 % par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Dès l’ouverture de ce nouveau marché s’est manifestée une clientèle plutôt jeune, familiale ou encore retraitée, sensible au prix. L’évolution des habitudes de consommation joue également, avec l’exemple des « Millenials » qui privilégient l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-188904-opinion-comment-les-Millennials-bousculent-les-codes-de-leconomie-collaborative-2222960.php">économie collaborative</a>. Plus récemment, pendant les mouvements de <a href="http://www.europe1.fr/economie/flixbus-ouibus-isilines-la-greve-a-la-sncf-profitent-aux-cars-macron-3695591">grève de la SCNF</a> du printemps 2018, ce nouveau mode de transport a pu séduire une clientèle plus professionnelle.</p>
<p>Du côté des opérateurs, un « club des cinq » s’est rapidement constitué après l’ouverture du marché des bus longue distance, avec comme acteurs principaux Ouibus (ancien IDBus), filiale de la SNCF, Flixbus, un opérateur allemand leader sur son marché national, Isilines-Eurolines, qui appartient au groupe français Transdev, Megabus, du groupe anglais Stagecoach et, enfin, Starshipper, qui rassemble des autocaristes indépendants principalement basés dans le sud-ouest de la France. Quelques mois plus tard, en juillet 2016, Flixbus et Ouibus annonçaient déjà le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/30/autocar-le-rachat-de-megabus-par-flixbus-scelle-la-concentration-du-secteur_4961175_3234.html">rachat de Megabus et de Starshipper</a> respectivement. Ces acquisitions ont permis aux deux groupes de consolider leurs positions de marché et de pouvoir étendre géographiquement leurs dessertes.</p>
<h2>L’acquisition comme une stratégie d’entrée sur un nouveau marché</h2>
<p>Dans un marché encore en maturation (trois ans seulement), la politique tarifaire des opérateurs ne s’est pas encore totalement stabilisée (même si on avoisine les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X16300750">5 centimes du km par passager</a>) et tend récemment à s’accroître en dehors même des rachats qui ont pu être effectués. En termes de positionnement tarifaire, les services des bus sont proches des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X16300750">prix pratiqués par le covoiturage</a>, représentés par le leader BlaBlaCar, le récent <a href="https://theconversation.com/rachat-de-ouibus-lambitieux-pari-de-blablacar-107380">acquéreur de Ouibus</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1065838629573021696"}"></div></p>
<p>Un rapide coup d’œil à l’évolution récente des modes de transport ou des offres de mobilité montre que les consommateurs sont de plus en plus enclins à mettre en concurrence les différents modes ou à les utiliser de manière complémentaire pour assurer un déplacement « porte-à-porte ». L’avènement des technologies du numérique, de la programmation et du développement d’applications sur smartphones rendent dorénavant possibles ce type de combinaisons. Ce système tend, dans sa version ultime, au concept de <em>mobility as a service</em> (<a href="https://www.revuetec.com/revue/maas-mobility-as-a-service/">MaaS</a>). Il désigne l’intégration, sur une seule application, de la plupart des offres de mobilité en combinant transport public et mobilité à la demande, avec un système de facturation unique. Des expériences concluantes, en milieu urbain, ont été déjà menées en <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600164446138-la-vente-de-ouibus-symbole-de-la-revolution-des-transports-2222923.php">Europe du Nord</a> (Finlande et Suède notamment).</p>
<p>C’est dans cette voie-là que s’insère BlaBlaCar. Le 12 novembre dernier, le spécialiste du covoiturage a annoncé son intention <a href="https://theconversation.com/rachat-de-ouibus-lambitieux-pari-de-blablacar-107380">d’acquérir 100 % de Ouibus</a>. Le montant de la transaction n’a pas été révélé, mais une levée de fonds de 101 millions d’euros est nécessaire de la part du leader du covoiturage pour financer l’opération. L’objectif de l’acquisition est d’entrer sur un nouveau marché, avec un opérateur déjà visible, et de lui faire profiter de son développement international et de sa gestion de la data.</p>
<h2>Un rachat pour développer des synergies</h2>
<p>Des synergies vont être développées au sein du groupe fusionné. Tout d’abord, le passage complet à un business model de type plate-forme, à l’instar de Flixbus qui ne possède <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/autocars-macron-flixbus-sera-rentable-en-2018-avant-ouibus-631762.html">aucun bus en propre</a>, réduira sans aucun doute le coût d’exploitation des lignes de bus. Il s’agit de devenir un intermédiaire entre passagers et autocaristes indépendants reposant sur de la sous-traitance et des partenaires extérieurs.</p>
<p>Ensuite, une gestion encore plus flexible du réseau sera rendue possible. Déjà l’offre de lignes de bus pouvait facilement varier et sans coût important en fonction de la saison et d’événements spéciaux (ex. : saison de ski, Euro-2016). Dorénavant, l’offre pourrait varier de manière encore plus saisonnière qu’aujourd’hui, avec par exemple des lignes creuses en bus remplacées par du covoiturage du jour au lendemain.</p>
<p>Enfin, le groupe pourra proposer aux consommateurs une offre « train + covoiturage » grâce au partenariat créé avec la SNCF qui entre de façon minoritaire dans le capital de BlaBlaCar. À partir de l’été 2019, <a href="https://www.journaldugeek.com/2018/11/18/blablacar-sempare-volant-cars-ouibus/">oui.sncf, la plate-forme voyages de la SNCF, combinera train, autocar, puis à terme covoiturage</a>. La stratégie de la SNCF vise à faire de sa plate-forme « un véritable <a href="https://www.bfmtv.com/economie/blablacar-va-racheter-ouibus-la-filiale-d-autocars-de-la-sncf-1564839.html">assistant personnel</a> de mobilité », intégrant même des solutions de transport d’autres acteurs de la mobilité concurrents. Selon cette même logique d’intermodalité, un <a href="http://www.brefeco.com/actualite/logistique-transport/apres-blablacar-ouibus-signe-avec-hop-air-france">partenariat Ouibus et Hop</a> avait d’ailleurs été récemment conclu pour préacheminer par bus des passagers pour des lignes aériennes assurées par Hop ! Un package « bus + avion » sera alors proposé.</p>
<h2>La logique de consolidation étendue au ferroviaire</h2>
<p>D’un côté, le business model d’une plate-forme consistant à ne pas posséder les autocars rend l’entrée sur ce nouveau marché plus aisée. Il n’est pas nécessaire d’investir dans des infrastructures de réseau, ni dans des autocars. Les <em>sunk costs</em> (coûts irrécupérables), issus de la <a href="http://www.oeconomia.net/private/cours/concurrence/seance5.pdf">théorie des marchés contestables</a>, ne sont pas élevés. D’un autre côté, il ne faut pas sous-estimer les actifs intangibles nécessaires à la performance sur le marché, notamment la gestion du big data. Les investissements doivent se faire sur les algorithmes d’optimisation du <em>matching</em> (appariement) de la plate-forme et une gestion en temps réel de la demande et de l’offre (à titre d’exemple, Flixbus emploie 150 développeurs uniquement <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/actu/0212038608649-flixbus-la-start-up-devenue-n-1-des-cars-macron-face-a-sncf-et-transdev-309303.php">pour analyser le marché allemand</a>). Les actifs spécifiques du secteur deviennent la puissance de traitement des données au service de la plate-forme et de l’utilisation client.</p>
<p>Une ombre au tableau apparaît néanmoins, la gestion et la localisation des gares routières au sein des villes. <a href="http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2017/08/Etude-th%C3%A9matique-r%C3%A8gles-acc%C3%A8s-gares-routi%C3%A8res.pdf">L’ARAFER a publié une étude à ce propos qui montre l’hétérogénéité des situations</a>, laissant bien souvent à la charge des consommateurs le « dernier kilomètre » jusqu’au domicile.</p>
<p>En cédant sa filiale <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600135719914-le-plan-de-blablacar-pour-redresser-ouibus-2221390.php">déficitaire</a> des bus, la SNCF recentre son offre sur le ferroviaire avec notamment sa stratégie low-cost qui rencontre un <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/tgv-ouigo-succes-sncf-dans-low-cost-161744">vif succès</a> auprès des consommateurs. Le groupe prépare ainsi l’<a href="http://www.arafer.fr/actualites/ouverture-a-la-concurrence-ferroviaire-larafer-alimente-le-debat-et-reaffirme-le-role-essentiel-de-son-avis-conforme-sur-la-tarification-ferroviaire/">ouverture à la concurrence</a> des transports ferroviaires de voyageurs en France, prévue pour 2021 en ce qui concerne les lignes à grande vitesse, et en 2023 pour les services conventionnés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Flixtrain, la nouvelle marque de Flixbus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cineberg/Shutterstock</span></span>
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<p>De manière intéressante, Flixbus est entré sur le marché allemand du ferroviaire en proposant <a href="https://www.railjournal.com/in_depth/flixtrain-shakes-up-german-long-distance-market">sa marque FlixTrain</a> suivant le même business model de plate-forme. L’intermodalité semble donc bien être la clé stratégique pour se faire une place dans un paysage en pleine consolidation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée du spécialiste du covoiturage sur le marché des bus longue distance marque une nouvelle étape dans la consolidation d’un secteur encore en maturation.Thierry Blayac, Professeur d'Economie, Centre d'Economie de l'Environnement de Montpellier (CEE-M), Université de MontpellierPatrice Bougette, Maître de conférences en sciences économiques, CNRS, GREDEG, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1036932018-09-23T19:20:59Z2018-09-23T19:20:59ZL’économie collaborative est-elle bonne pour l’environnement ? Conversation avec Aurélien Acquier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237501/original/file-20180921-88806-o7uco4.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C4%2C1328%2C748&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aurélien Acquier (ESCP Europe) dans l'émission Fenêtres Ouvertes sur la Gestion</span> </figcaption></figure><p>Vous avez pu lire un excellent texte signé <a href="https://theconversation.com/profiles/aurelien-acquier-277530">Aurélien Acquier</a>, <a href="https://theconversation.com/profiles/damien-demailly-277573">Damien Demailly</a> et <a href="https://theconversation.com/profiles/valentina-carbone-277575">Valentina Carbone</a> dans The Conversation France : <a href="https://theconversation.com/leconomie-collaborative-est-elle-source-de-progres-environnemental-61543">« L’économie collaborative est-elle source de progrès environnemental ? »</a>.</p>
<p>Ce texte rappelle un acquis essentiel des sciences de gestion : elles sont aussi – pour ne pas dire d’abord… – les sciences qui traitent de l’art de composer collectivement avec les tensions et les paradoxes, en situations toujours complexes.</p>
<p>Pour poursuivre la réflexion, on ne saurait donc que conseiller de jeter également un coup d’œil au numéro 270 de la Revue Française de Gestion et à son dossier spécial titré : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-1.htm">« Management des paradoxes »</a>… évidemment.</p>
<p>Bon visionnage !</p>
<p><strong>L’interview d’Aurélien Acquier</strong></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zxJemsi82rM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>Présentation d’Aurélien Acquier</strong></p>
<p>Docteur ès sciences de gestion de Mines ParisTech–PSL Research University et titulaire d’une Habilitation à Diriger les Recherches délivrée à l’IAE de Paris–Paris 1 Panthéon Sorbonne, <a href="https://theconversation.com/profiles/aurelien-acquier-277530/articles">Aurélien Acquier</a> est Professeur à ESCP Europe.</p>
<p>A la frontière entre stratégie et théorie des organisations, ses <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Acquier-Aur%C3%A9lien--27289.htm">travaux</a> portent sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) en lien avec la régulation des organisations complexes (chaînes de valeur globales, firmes multinationales, économie collaborative). Il est l’auteur de nombreux articles dans les revues internationales les plus réputées, dont la <a href="https://www.cairn.info/resultats_recherche.php?searchTerm=Aur%C3%A9lien+Acquier&ID_REVUE=RFG">Revue Française de Gestion</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103693/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les sciences de gestion traitent de l’art de composer collectivement avec les tensions et les paradoxes, en situations toujours complexes. Démonstration.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/958042018-05-21T21:57:27Z2018-05-21T21:57:27ZQuelle politique européenne pour les tiers lieux méditerranéens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219738/original/file-20180521-14950-1y1i6x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C149%2C2000%2C1176&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Restitution finale du projet COWORKMed à Zagreb, avril 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">COWORKMed</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le projet <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/">COWORKMed</a> est un partenariat européen de recherche pluridisciplinaire, qui vise à mieux comprendre l’enjeu et la portée des espaces de coworking dans les territoires de cinq pays européens : France (région PACA), Espagne (Catalogne), Italie (région Toscane), <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/fileadmin/user_upload/Sites/Social_and_Creative/Projects/COWORKMED/2.2.2_Greece.pdf">Grèce</a> et Croatie. Le projet a débuté en décembre 2016 pour s’achever en avril 2018.</p>
<h2>Définir, recenser et cartographier</h2>
<p>Porté par l’<a href="https://www.avitem.org/fr/projet/coworkmed-recherche-sur-l%E2%80%99innovation-sociale-des-clusters-de-coworking">AVITEM</a> (Agence des Villes et Territoires Méditerranéens Durables) et <a href="https://ied.eu/">plusieurs partenaires européens</a> – Barcelona Activa SA SPM (Espagne), IRIS Research Institute s.r.l (Italie), Conseil Régional Sud Provence-Alpes-Côte-D’azur (France), Zagreb Development Agency (Croatie), Barcelona International Business Incubator (Espagne) – le premier objectif du projet a été de définir la notion d’espace de coworking. Après de nombreux échanges, notamment quant à la place de la notion de territoire, les partenaires se sont accordés sur la définition suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Un espace de coworking est un espace physique dont l’objet est de construire et de mettre en œuvre une dynamique communautaire entre des usagers souhaitant bénéficier des relations collaboratives, ouvertes et durables. Pour atteindre ces objectifs, les espaces de coworking organisent des évènements et des activités favorisant les échanges et les apprentissages mutuels et en développant des interactions avec d’autres centres ou services. »</p>
</blockquote>
<p>À partir de cette définition, les partenaires ont cherché à <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/fileadmin/user_upload/Sites/Social_and_Creative/Projects/COWORKMED/3-3-1_-_Coworkmed_Census.pdf">recenser</a> les espaces de coworking grâce à la mise en œuvre d’une cartographie collaborative. Plus de 320 espaces de coworking ont été identifiés sur les territoires du projet COWORKMed, avec une forte concentration en Catalogne (plus de 150 espaces). La création de ces espaces est récente (depuis 2012) et majoritairement portée par des acteurs privés (66,7 %). Ces espaces représentent 2,3 % des espaces de coworking à travers le monde (COWORKMed, 2018).</p>
<p>Ce <a href="https://livemap.getwemap.com/iframe.php?emmid=6326&token=JOQ39BO9ZT34EQAI4TVUH9ULS#/search@43.72552940054183,9.552607327980922,6">travail de recensement</a> a permis de prendre conscience de l’extrême diversité des espaces de coworking, qui se déploient sous des formes multiples : fab lab, maker spaces, living labs, tiers lieux, business factory, laboratoires d’innovation publique, etc. Les partenaires du projet ont par conséquent décidé de ne pas figer la notion de coworking pour la laisser ouverte à de nouvelles opportunités, en lien notamment avec le développement des tiers lieux. Le nombre de tiers lieux devrait en effet croître dans les prochaines années en lien avec la croissance continue des indépendants, la transformation des économies (économie de la connaissance, économie collaborative, économie numérique…) et l’émergence d’un cadre incitatif et normatif favorisant le <a href="http://www.lemonde.fr/emploi/article/2017/09/12/la-reforme-du-code-du-travail-favorise-le-teletravail_5184562_1698637.html">télétravail</a>.</p>
<iframe width="100%" height="600" src="https://livemap.getwemap.com/iframe.php?emmid=6326&token=JOQ39BO9ZT34EQAI4TVUH9ULS#/search@43.72552940054183,9.552607327980922,6)" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<h2>Identifier les externalités et les besoins des tiers lieux</h2>
<p>Un second objectif de l’étude consistait à identifier les bénéfices socioéconomiques, environnementaux et territoriaux de <em>coworking spaces</em>. Des rapports ont été produits démontrant de la capacité des tiers lieux à augmenter la production et la performance des entreprises, des salariés et des collaborateurs. Ils autoriseraient également un accroissement de la qualité de vie, tout en stimulant les transformations du marché du travail, [ les <a href="https://coworkmed.interreg-med.eu/">collaborations et les processus d’innovation</a>. D’autres études ont cherché à objectiver l’apport des tiers lieux sur la réduction des distances de déplacement domicile-travail, les émissions de gaz à effet de serre ou la diminution de la charge des transports publics en période de forte affluence.</p>
<p>Pour accroître cet impact des tiers lieux sur les territoires, l’étude COWORKMed a aussi fait part de la nécessité de structurer une action publique en faveur de la création et du développement des tiers lieux. Les porteurs de projet ont souvent exprimé des besoins en termes de régulation, de mise en réseau et d’accompagnement financier et méthodologique. Du point de vue des méthodes, les responsables des coworking spaces et les acteurs publics semblent insuffisamment outillés pour mesurer les externalités des tiers lieux. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hvCFQ09nCD0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les études produites sur les externalités s’appuient encore davantage sur des hypothèses que sur des données quantitatives et qualitatives, à même d’évaluer et d’objectiver les phénomènes observés. Par ailleurs, des besoins en termes de structuration des réseaux de tiers lieux sont apparus, afin de mutualiser les ressources et d’accroître la visibilité et l’attractivité des espaces de coworking. Il semble indispensable d’accompagner le développement des réseaux de tiers lieux à l’image des réseaux <a href="https://fr-fr.facebook.com/eucoworknet/">European Coworking Network</a>, Cowocat (Associaci – Coworking de Catalunya) ou <a href="https://arize-leze-europe.org/coworking-pyrenees-en-cours/">Cowopy</a> (Coworking Pyrénées). Précisons que ces deux derniers réseaux ont été eux-mêmes des projets européens à « durée limitée ».</p>
<p>Enfin, l’étude a démontré de la nécessité d’accroître l’ancrage des tiers lieux dans leurs écosystèmes territoriaux et d’innovation. La performance des tiers lieux est selon l’économiste Raphaël Suire fortement dépendante de leur capacité à s’encastrer dans les territoires. Une perspective qui reste à conforter et à coupler avec l’enjeu du maillage des territoires et de développement de tiers lieux dans les circonscriptions de plus faible densité (espaces ruraux et périurbains). À l’exception de la région PACA, les tiers lieux des régions CoWorkmed sont, pour plus de 80 % d’entre eux, implantés dans les agglomérations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219735/original/file-20180521-14987-y5hpsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Restitution finale du projet COWORKMed à Zagreb, avril 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Préfigurer une action publique européenne</h2>
<p>À travers l’organisation de différents ateliers à Zagreb, Florence, Marseille et Barcelone, un troisième objectif du projet COWORKMed a consisté à penser une action publique européenne favorable aux tiers lieux. Quelle politique publique mettre en place pour accompagner des espaces multifonctionnels et intermédiaires, fonctionnant souvent avec des modes d’organisation horizontaux ? De ce point de vue, quatre grands chantiers ont été identifiés :</p>
<ul>
<li><p>Accompagner la création et le développement de coworking spaces dans les territoires de faible densité (aide à l’amorçage des projets, subventions à l’investissement attribuées après appels à projets et en complément d’aides régionales, etc.). L’effet levier des espaces de coworking pour le développement de ces territoires peut s’avérer déterminant et notamment du point de vue de la réduction des déplacements domicile-travail, et de la revitalisation de territoires périphériques et de centre-bourgs (faire vivre des services de proximité en retenant/attirant les travailleurs indépendants, salariés ou néo-ruraux sur les territoires).</p></li>
<li><p>Accompagner la création et le développement de réseaux de coworking spaces et de tiers lieux à l’échelle méditerranéenne, afin de mieux connecter les tiers lieux entre eux et avec leurs écosystèmes territoriaux et d’innovation, les outiller (mutualisation des méthodes), les rendre davantage lisibles et visibles par une communication commune et ciblée, et stimuler la demande par des actions des lobbying (par exemple, la sensibilisation des employeurs aux pratiques du télétravail). À terme, une réflexion sur la création d’un label « tiers lieux méditerranéens » pourrait être ouverte.</p></li>
<li><p>Faire des tiers lieux des supports d’une politique publique européenne plus agile et plus proche des territoires et des citoyens. Les tiers lieux peuvent constituer des espaces privilégiés pour co-construire et tester de nouvelles politiques publiques européennes. Par ailleurs, une réflexion pourrait être ouverte quant à l’usage des espaces de coworking par les agents de l’Union européenne et ses partenaires, afin d’intégrer une culture des tiers lieux au sein même des administrations de l’UE (travail collaboratif, gouvernance horizontale, culture numérique…).</p></li>
<li><p>Lancer un appel à projet européen pour soutenir les espaces de coworking et les tiers lieux ayant un impact direct sur les transitions, qu’elles soient économiques, numériques, écologiques, sociales, organisationnelles ou encore territoriales.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219737/original/file-20180521-14957-8srxk4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Workshop organisé à Marseille le 20 février 2018 au Mars Medialab.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>On le voit, ces différents chantiers ont été pensés dans le cadre d’une action publique européenne facilitatrice et non prescriptrice. L’état d’esprit des tiers lieux semble en effet peu compatible avec la conception d’une politique publique verticale et descendante, où l’acteur public aurait un rôle central en termes d’impulsion, de coordination, de labélisation, de financement et d’arbitrage. </p>
<p>L’enjeu est moins d’affirmer une politique de planification top-down d’espaces de coworking, qu’une action publique à-même de créer les conditions d’émergence et de développement de coworking spaces, et de s’inscrire dans « intervention de type environnementale », pour reprendre une formule de Michel Foucault. Un autre enjeu est de traiter de manière concomitante les questions d’innovation sociale et organisationnelle au sein de l’UE et celles que l’UE promeut sur les territoires à travers ses politiques publiques. À cet égard, l’usage régulier des tiers lieux par les agents de l’UE, pourrait permettre d’accompagner l’Union européenne dans la transformation de ses postures et de ses modes de faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95804/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Besson est Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Université Grenoble Alpes</span></em></p>Plus de 320 espaces de coworking ont été identifiés sur les territoires du projet COWORKMed.Raphaël Besson, Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/886632017-12-11T21:15:39Z2017-12-11T21:15:39ZUber va-t-il mourir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197979/original/file-20171206-907-f1hz3f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Travis Kalanick, le controversé fondateur d'Uber (en juin 2016 en Norvège) au temps de sa splendeur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/strelka/26910440103/in/album-72157666833330583/">Strelka Institute/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le titre de cet article n’est pas un effet de manche mais une question, légitime, que de plus en plus d’observateurs se posent. Il est indéniable qu’Uber (la plateforme bien connue de voitures avec chauffeurs) va mal. Au-delà de ses déboires avec les régulateurs de nombreuses villes (comme <a href="http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/10/13/uber-fait-appel-du-retrait-de-sa-licence-a-londres_5200498_1656994.html">Londres</a> ou Québec), des plaintes de ses chauffeurs pour <a href="http://www.leparisien.fr/economie/video-un-premier-groupe-de-chauffeurs-de-vtc-porte-plainte-contre-uber-14-04-2017-6853278.php">salariat déguisé</a>, d’un vol de données concernant ses clients et chauffeurs, d’<a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/14/la-blague-sexiste-de-ce-dirigeant-duber-lui-a-coute-son-poste_a_22191943/">accusations de sexisme</a> au sein de l’entreprise, ou encore des frasques de Travis Kalanick, son ancien PDG, ce que les investisseurs reprochent avant tout à la compagnie c’est son incapacité à boucher l’énorme trou financier qu’elle n’a cessé de creuser depuis sa création.</p>
<p>Uber a encore perdu près de <a href="https://www.reuters.com/article/us-uber-profitability-results/uber-second-quarter-bookings-increase-loss-narrows-idUSKCN1B32FW">3 milliards de dollars en 2016</a> et son incroyable capacité à lever des fonds (environ 15 milliards de dollars depuis 2009) semble se tarir devant son manque patent de rentabilité.</p>
<p>Derrière le baobab Uber se cache la forêt des plateformes de l’économie du partage, qui tiennent des places de marché dites « de pair à pair » (<em>peer-to-peer</em> ou P2P en anglais, d’où l’appellation également de « plateformes P2P »). C’est une forêt où beaucoup d’arbres sont plantés (les idées ne manquent pas et les capitaux pour les arroser, non plus), où certains arbres poussent très vite mais, pour la plupart, disparaissent (pensez, par exemple, à <a href="http://www.ipdigit.eu/2017/02/take-eat-easy-1-une-histoire-a-partager/">Take Eat Easy</a> dans le secteur de la livraison de repas), et qui se transforment, au final, en larges clairières où ne subsiste qu’un très petit nombre de grands arbres aux racines peu profondes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198000/original/file-20171206-915-spiyq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Véhicule Uber.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/84607132@N07/34455903696/in/photolist-UuKvK7-21hUZ2d-6YDxbf-nWthrr-nWbhF4-2fDFYJ-qKUfw7-4MAz6g-SLh6GF-oCQSVi-P93zBJ-ek6WtR-qNcnj8-sJCFqq-nmYi8e-WMmbGJ-SfQR7u-qvCVwG-J8DNE5-RnBh3W-r4Qg8T-HesHtW-nWb6H2-bPMAe2-yQ7rqX-f1DJAB-FE92zn-6fgN1q-CRyQh3-6Fr9ib-Y8Nn4W-6fcxFT-YSZB8C-td3cqr-trHD92-Y7dJhS-FJ4CHA-FEuu4R-PLubGL-vDeVKq-ZZR4JP-yYWbqG-xjxmjo-Fnw2mj-CTHQph-xYWSKL-GMhj1X-vmGDSg-yhggMF-xYXGJ9">BrennanF30/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À y regarder de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas qu’Uber qui est malade. En fait, c’est tout le modèle d’affaires des plateformes P2P qui subit les assauts de trois maux profonds : (1) la réaction des firmes conventionnelles ; (2) la concurrence d’autres plateformes P2P ; (3) le piège de la fuite en avant.</p>
<h2>Réaction des firmes conventionnelles</h2>
<p>Voyant leurs parts de marché se réduire, les firmes conventionnelles ont déployé de nouvelles stratégies pour contrer l’entrée de plateformes P2P ou, à tout le moins, pour en minimiser l’impact négatif. <a href="http://bit.ly/2Ax3gwI">Matzler et coll. (2015)</a> répertorient et illustrent les principales stratégies mises en œuvre :</p>
<ul>
<li><p>vendre l’usage du produit plutôt que le produit lui-même ;</p></li>
<li><p>aider les clients à revendre leurs biens ; exploiter les ressources et capacités inutilisées ;</p></li>
<li><p>offrir un service de réparation et de maintenance ;</p></li>
<li><p>utiliser l’économie P2P pour cibler de nouveaux clients ; développer un nouveau modèle d’affaires via l’économie P2P.</p></li>
</ul>
<p>Les firmes conventionnelles bénéficient aussi (à juste titre, diront-elles) des réactions des régulateurs qui, peu à peu, adaptent les cadres légaux avec l’objectif de mettre firmes conventionnelles et nouveaux entrants sur un pied d’égalité.</p>
<h2>Concurrence entre plateformes P2P</h2>
<p>Souvent, ce n’est pas une mais plusieurs plateformes P2P qui tentent de s’installer sur un même marché. La concurrence à laquelle les plateformes P2P se livrent est singulière en ce sens qu’elle porte simultanément sur plusieurs « versants » : les plateformes concurrentes doivent en effet se battre pour attirer à la fois des producteurs et des consommateurs, tout en sachant que les uns ne viennent pas sans les autres et inversement.</p>
<p>Les effets externes positifs qui existent entre les versants exacerbent donc la concurrence : en attirant un producteur supplémentaire, non seulement la plateforme attire davantage de consommateurs mais souvent, elle réduit aussi la capacité de sa rivale à faire de même (dans la mesure où le producteur attiré par l’une ne peut plus être attiré par l’autre).</p>
<p>Chaque participant a donc énormément de valeur aux yeux des plateformes concurrentes et l’on comprend que dans un tel contexte, la concurrence risque de faire place rapidement à une position dominante : dès qu’une plateforme gagne du terrain par rapport à ses concurrentes, son avance croît naturellement en raison des effets de réseau positifs (une plateforme qui a plus de consommateurs, attire plus de producteurs, ce qui attire encore plus de consommateurs et ainsi de suite).</p>
<p>Il est donc fort probable que le gagnant emporte tout, ne laissant que des miettes aux perdants (des services de niche ou des zones géographiques limitées).</p>
<h2>Le piège de la fuite en avant</h2>
<p>Qu’une plateforme P2P se batte contre une firme conventionnelle ou contre une autre plateforme P2P, sa principale stratégie à court terme consiste à… grandir. Il faut atteindre ce qu’il est convenu d’appeler une « masse critique » d’utilisateurs, c’est-à-dire cette taille à partir de laquelle la croissance se nourrit d’elle-même grâce aux effets de réseau.</p>
<p>Mais, comme le notent <a href="https://hbr.org/2016/04/network-effects-arent-enough">Hagiu et Rothman (2016)</a>, il est dangereux de vouloir grandir trop vite et à tout prix. En se braquant sur le nombre de participants qu’elle attire, la plateforme risque de négliger la qualité du service d’intermédiation qu’elle offre ; elle se met alors à la merci d’une plateforme entrante qui aura appris des erreurs de son aînée et sera ainsi mieux à même de proposer des transactions mutuellement bénéficiaires aux participants.</p>
<p>La stratégie de croissance rapide est également très coûteuse à court terme. C’est en fait un pari sur l’avenir : la plateforme s’endette aujourd’hui pour attirer des participants, en espérant pouvoir rentabiliser cet investissement demain, une fois qu’elle aura atteint une position dominante. Pour que ce pari soit gagnant, il faut convaincre les bailleurs de fonds qu’il s’agit là d’une prophétie autoréalisatrice.</p>
<p>Le discours tenu par les start-up peut se résumer à ceci : « C’est précisément parce que vous me financez moi plutôt que mes rivaux que je vais dominer le marché et, ainsi, rentabiliser votre investissement ».</p>
<p>Le défi pour les bailleurs de fonds est alors de miser sur le bon cheval. En outre, ils doivent espérer que leur cheval ne remportera pas, au final, une victoire à la Pyrrhus, c’est-à-dire qu’il s’est certes débarrassé de ses rivaux mais sans pouvoir lui-même être rentable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198002/original/file-20171206-907-a3hh1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">William Shu, fondateur de Deliveroo à une conférence RISE Hong Kong le 1 juin 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RISE/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<h2>Vers une « uberisation 2.0 » ?</h2>
<p>Demeure donc cette question lancinante : comment atteindre le seuil de rentabilité ? Évincer les concurrents du marché ne suffit pas (même si c’est indéniablement un avantage) ; il faut aussi empêcher l’entrée de nouveaux concurrents et le retour en force des entreprises conventionnelles qui parviennent à appliquer les nouvelles recettes dans leurs vieilles casseroles.</p>
<p>Or, pour augmenter leurs marges, les plateformes P2P n’ont pas 36 solutions : elles peuvent réduire leurs coûts et/ou augmenter leurs prix. Mais ces deux stratégies n’ont guère de chances de fonctionner.</p>
<p><strong>Du côté des coûts</strong>, les possibilités semblent limitées : il ne reste plus grand-chose à améliorer en termes de logistique et les prestataires de services ne peuvent décemment plus être pressurés davantage (comme l’attestent les manifestations des chauffeurs d’Uber ou des livreurs de Deliveroo).</p>
<p><strong>Du côté des prix</strong>, l’horizon ne semble pas beaucoup plus dégagé. Les consommateurs des places de marché P2P se révèlent très sensibles aux prix. Par exemple, <a href="https://www.visioncritical.com/resources/new-rules-collaborative-economy/">Owyang et Samuel (2015)</a> ont sondé plus de 50 000 utilisateurs américains et canadiens de plateformes P2P : 68 % des sondés donnent les prix bas comme une des raisons principales qui les poussent à utiliser ces plateformes.</p>
<p>Il y a donc fort à parier qu’une augmentation des prix générerait la désertion de bon nombre de consommateurs, qui entraîneraient dans leur sillage de nombreux prestataires de service vu les effets externes qui sont à l’œuvre sur ces plateformes. Un cercle vicieux s’engagerait donc, qui mettrait encore plus en danger la rentabilité des plateformes.</p>
<p>Bien malin qui peut prédire l’avenir mais il apparaît difficile de soutenir à terme un modèle de plateforme « pur et dur » (c’est-à-dire centré exclusivement sur l’intermédiation, sans véritable activité de production ni actif physique).</p>
<p><strong>S’oriente-t-on dès lors vers des modèles hybrides</strong> où des entreprises combineraient l’intégration verticale pour certaines opérations et des fonctions d’intermédiation pour d’autres ? Des tentatives de ce genre s’observent déjà, à l’initiative soit de plateformes entrantes soit de firmes conventionnelles.</p>
<p>Ainsi, Deliveroo revient vers une organisation plus intégrée en investissant dans des cuisines industrielles, Airbnb <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/airbnb-co-developpe-son-premier-projet-immobilier-en-floride.N600243">co-développe des projets immobiliers</a>, et Uber investit dans des projets de véhicules autonomes ou <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/030849551317-uber-et-la-nasa-vont-creer-des-taxis-volants-2128777.php">volants</a>. Dans l’autre sens, AccorHotels opère une transformation digitale et se pose de plus en plus comme une plateforme offrant des services aux hôteliers.</p>
<p>On peut donc penser que <strong>le salut est dans la convergence entre entreprises conventionnelles et plateformes P2P</strong>. Reste à savoir si Uber parviendra à se réinventer de la sorte ou s’il finira par disparaître corps et âme, entraînant dans sa chute des investisseurs qui réfléchiront sans doute à deux fois avant de miser à nouveau sur les plateformes de l’économie du partage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Belleflamme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des limites de l’économie de plateformes P2P et des risques de bulle autour de quelques-unes des stars de cette nouvelle nouvelle économie.Paul Belleflamme, Professor of economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/863872017-10-26T19:44:03Z2017-10-26T19:44:03ZLiberté, sécurité, dignité : au-delà du salariat et du précariat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/192006/original/file-20171026-13315-pvd90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deliveroo.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/30828137843/6ec0196b82/">Taylor Herring/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Alors que les débats sont vifs sur les évolutions du droit du travail protégeant les salariés en CDI, une part significative des actifs n’est plus concernée. C’est depuis longtemps le cas des chômeurs, c’est de plus en plus celui des travailleurs formellement indépendants mais économiquement dépendants quand l’essentiel de leur activité dépend d’un donneur d’ordre ou d’une plateforme comme Uber ou Deliveroo.</p>
<p>Comme dans la fable « Le loup et le chien », on nous suggère souvent que les actifs devraient faire un choix entre la liberté risquée du loup indépendant et la sécurité soumise du chien salarié. Le professeur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Supiot">Alain Supiot</a> a montré l’intérêt d’<a href="http://bit.ly/2z7Fqrs">enrichir cette vision</a> en ajoutant aux dimensions de liberté et de sécurité celle de la responsabilité. Adaptant son idée, deux jeunes fonctionnaires du Corps des mines viennent de publier un ouvrage (<a href="http://www.la-fabrique.fr/fr/publication/salariat-modele-depasse/"><em>Le salariat, un modèle dépassé</em></a>) où ils analysent les relations de travail en fonction des trois dimensions que sont la liberté, la sécurité et la dignité, elles-mêmes caractérisées selon plusieurs critères.</p>
<h2>De quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Les auteurs de l’ouvrage, <a href="https://www.pressesdesmines.com/author-book/chevallier/">Alexandre Chevallier</a> et <a href="https://www.pressesdesmines.com/author-book/milza/">Antonin Milza</a> rappellent d’abord que le salariat n’est pas en voie de disparition. Il n’a au contraire jamais rassemblé plus d’actifs. 90 % de ceux-ci sont aujourd’hui salariés et cette proportion est à peu près stable depuis 25 ans, alors qu’ils n’étaient que 65 % en 1950 et 85 % en 1980.</p>
<p>Cependant la nature même du salariat évolue. Moins d’un actif de 15-25 ans sur deux (45 %) est employé en CDI alors que c’était le cas des trois quarts (77 %) dans les années 1980. Les contrats courts ou à temps partiel se multiplient, des formes de CDI plus précaires (CDI intermittent ou CDI de chantier) et la pluriactivité se développent. Les entreprises externalisent une part croissante de leurs tâches à des sous-traitants offrant des conditions de travail moins attrayantes et des situations plus précaires.</p>
<p>Le statut alternatif de travailleur indépendant ou de micro-entrepreneur recouvre lui-même des réalités très diverses, de la profession libérale très lucrative pour ceux qui détiennent une compétence recherchée, à la seule alternative au chômage pour des personnes défavorisées et précaires, en passant par des compléments de ressources pour salariés souhaitant améliorer leur situation financière.</p>
<h2>La grille d’analyse proposée</h2>
<p>Les auteurs proposent 11 critères d’analyse des situations de travail.</p>
<p>La <strong>liberté</strong> est caractérisée par l’absence de subordination (à un chef qui donne des ordres), l’indépendance économique (par rapport à un seul employeur ou client) et l’autonomie opératoire (liberté de la manière de réaliser la prestation demandée).</p>
<p>On voit donc que malgré leur indépendance formelle, un chauffeur de VTC ou un livreur cycliste sont assez peu libres, sauf – un peu – du choix de leurs horaires de travail.</p>
<p>La <strong>sécurité</strong> peut s’apprécier au niveau de la garantie d’un revenu stable, de l’assurance contre le chômage, de la couverture du risque de maladie (frais médicaux et revenu de substitution), de la garantie d’une retraite et de l’accès au logement.</p>
<p>Enfin, la <strong>dignité</strong> consiste en la capacité de développer son potentiel et de se former, la participation à un collectif créateur de lien social et le fait d’être au service d’une mission porteuse de sens.</p>
<p>Les actifs sont plus ou moins sensibles à ces divers critères, les employeurs plus ou moins capables et désireux de proposer une situation de travail attractive à l’aune de ces onze critères.</p>
<p>La multiplication des types de contrat de travail ou de relations contractuelles, en France et dans le reste de l’Europe, rompt avec le système bipolaire qui opposait naguère la sécurité et la dépendance hiérarchique du salariat à la liberté sans sécurité du travailleur indépendant.</p>
<h2>Comment construire des rapports de travail équilibrés ?</h2>
<p>Pour les auteurs, on peut construire des rapports de travail équilibrés soit par des approches horizontales, en améliorant les statuts existants sur certains critères, soit par des approches verticales, en rendant la satisfaction d’un critère indépendante du statut du travailleur.</p>
<p>Un exemple d’approche horizontale améliorant la situation des indépendants est l’option des <a href="https://www.economie.gouv.fr/ess/cooperative-dactivites-et-demplois-cest-quoi">coopératives d’activité et d’emploi</a> comme <a href="http://www.coopaname.coop/">Coopaname</a>, qui apportent un cadre plus sécurisé à l’exercice d’une activité indépendante (assurance contre le chômage, la maladie et la vieillesse), facilitent certaines tâches, apportent conseils et appuis, permettent de participer à une aventure collective, au prix de de la mutualisation d’une part des revenus.</p>
<p>Des approches horizontales améliorant la situation des salariés sur certains critères peuvent consister à les faire participer à la gouvernance des entreprises ou à leur donner plus d’autonomie sur la manière de réaliser leur contribution, ou encore à donner à l’entreprise un objet social qui prime sur ses objectifs économiques.</p>
<p>Les approches verticales consistent à créer des droits universels. C’est ce qui s’est passé avec la couverture maladie universelle (indépendante du statut d’emploi). C’est ce que cherche à mettre en place le gouvernement avec une protection universelle contre le chômage. C’est ce qui sous-tend l’idée d’un revenu contributif. C’est ce qu’un système d’assurance des bailleurs contre les loyers impayés pourrait réaliser en matière d’accès au logement.</p>
<h2>Enrichir les représentations pour faciliter un dialogue fécond</h2>
<p>Dans le domaine de la <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/strategie-d-entreprise/">stratégie d’entreprise</a>, de nombreux consultants se sont couverts de gloire en proposant à leurs clients diverses matrices d’analyse. L’intérêt de celles-ci était d’enrichir la discussion en permettant de considérer plusieurs dimensions d’une question. Par exemple, le secteur dans lequel j’envisage d’investir ou le marché que je vise est-il prometteur (marché en développement, activité à forte marge…) et ai-je des atouts spécifiques pour mieux y réussir que mes concurrents (maîtrise des savoir-faire et des ressources nécessaires) ?</p>
<p>Combiner ces dimensions permet d’enrichir la discussion (c’est tentant mais nous n’avons pas les moyens, nous pouvons y aller mais cela n’est pas très intéressant, etc.) et de prendre de meilleures décisions.</p>
<p>De la même manière, considérer de multiples critères d’analyse d’une relation de travail permet d’aller au-delà de compromis frustrants entre sécurité et autonomie et de réfléchir à des formes de relation plus satisfaisantes à la fois pour les employeurs et donneurs d’ordres et pour les travailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil est délégué de La Fabrique de l'industrie, qui a publié l'ouvrage commenté dans cette chronique. La Fabrique de l'industrie est laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie.</span></em></p>Définir le cadre de son activité professionnelle ne se limite pas à choisir entre être un salarié soumis aux ordres de la hiérarchie ou un travailleur indépendant dépourvu de toute protection.Thierry Weil, Membre de l'Académie des technologies, Professeur au centre d’économie industrielle, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/856182017-10-18T21:26:21Z2017-10-18T21:26:21ZVu du Moyen Âge : quand la reine Bérengère créait des compromis pour lutter contre le « Nimby »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/190399/original/file-20171016-30957-vm721c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Guillaume de Saint-Pathus, _Vie et miracles de saint Louis_, XIVe siècle, France
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://visualiseur.bnf.fr/ConsulterElementNum?O=IFN-08007169&E=JPEG&Deb=1&Fin=1&Param=C FR 5716 fol. 288">Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 5716 fol. 288</a></span></figcaption></figure><p>La longue opposition populaire au projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes souligne la capacité d’un grand nombre d’acteurs à se mobiliser sur la durée pour s’opposer à un aménagement jugé néfaste. Au Moyen Âge aussi, les gens savent râler… mais les pouvoirs publics étaient également capables d’inventer des solutions.</p>
<h2>Pas chez moi</h2>
<p>Selon un <a href="http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1996_num_154_1_450820_t1_0289_0000_001">petit exemplum</a> – récit utilisé dans un sermon – du XIII<sup>e</sup> siècle, la reine Bérengère de Navarre, veuve de Richard Cœur de Lion, fonde un jour une abbaye. Tous les aristocrates médiévaux le font, c’est un peu comme fonder un musée quand on est président : une façon de convertir son patrimoine économique en patrimoine social, culturel et symbolique. En l’occurrence, les moines s’installent, l’abbaye se porte bien, c’est parfait. Mais, tout près de l’abbaye, il y a un moulin à eau qui appartient à la reine, et il fait beaucoup de bruit, ce qui dérange les moines pendant leurs prières ou pendant qu’ils travaillent au scriptorium. Les moines ne cessent de se plaindre à la reine, qui est très embêtée : elle ne veut pas contrarier les moines, mais si elle ferme le moulin les paysans vont mourir de faim…</p>
<p>Cette opposition des moines à un aménagement important recoupe complètement un phénomène contemporain : le <a href="https://pmp.revues.org/7000">Nimby</a>, un acronyme qui signifie « not in my backyard », littéralement « pas dans mon arrière-cour ». C’est un mot qui renvoie à l’opposition, en actes ou en paroles, à un projet que l’on soutient en soi mais que l’on ne veut pas près de chez soi. Aujourd’hui, les moulins à eau sont moins fréquents… Mais l’exemple typique est celui des éoliennes : tout le monde (ou presque) aime ça en théorie car elles permettent de produire de l’énergie très propre de façon économique, mais personne (ou presque) n’en veut à côté de sa maison.</p>
<p>Il y a tout un tas d’autres syndromes un peu similaires, avec des acronymes amusants, comme BANANA (<em>build absolutely nothing anywhere near anything</em>), NIMFOS (<em>not in my field of sight</em>), PUMA (peut-être utile, mais ailleurs) ou encore PITBY (<em>put it in their backyard</em>)… Tous recoupent des formes d’oppositions locales à des aménagements, et traduisent la difficile articulation des intérêts privés et publics.</p>
<h2>Convaincre en partageant</h2>
<p>La reine Bérengère demande de l’aide à ses conseillers, et l’un d’eux trouve la solution : « donnez-leur le moulin, et désormais, toutes les fois qu’ils l’entendront marcher, ils se frotteront les mains ». Les moulins, au Moyen Âge, appartiennent en effet le plus souvent à un seigneur, qui prélève une part de la récolte à chaque fois que les paysans veulent s’en servir : ce sont donc des lieux extrêmement rentables qui participent pleinement de la construction des économies seigneuriales. Bérengère suit l’avis de son conseiller, et en effet cela fonctionne. Le bruit du moulin est toujours aussi pénible, mais les moines y entendent désormais la continuelle fabrication de leurs bénéfices.</p>
<p>Significativement, c’est exactement ce qu’a fait le Danemark avec les éoliennes. Depuis une dizaine d’années, le pays s’est en effet lancé dans des investissements massifs afin de favoriser une transition énergétique rapide. Au cœur du modèle, les éoliennes : en janvier dernier, le pays produisait un peu plus de 40 % de sa consommation d’électricité grâce à ces gigantesques moulins à vent, un record mondial. Elles deviennent de moins en moins chères, de plus en plus performantes, mais elles restent très bruyantes. Autrement dit, à chaque aménagement, on risque de se heurter à l’opposition frontale des voisins.</p>
<p>Du coup, le Danemark a utilisé et généralisé la « solution Bérengère ». À chaque éolienne construite, au moins 20 % du capital de celle-ci doit être proposé à la population locale. Pour le dire autrement, ça veut dire que les riverains possèdent forcément une partie de toutes les éoliennes. Du coup, ils perçoivent soit directement une partie de l’énergie produite, soit une partie des bénéfices réalisées par l’éolienne. Et, exactement comme nos moines médiévaux, ils ne râlent plus en entendant le bruit des éoliennes, mais se frottent les mains en pensant à l’argent que cela leur rapporte.</p>
<h2>Mettre en commun l’énergie</h2>
<p>Dans les deux cas, on retrouve bien à la base le même geste du pouvoir central, qui accepte de se dessaisir d’une partie de sa propriété pour inclure les riverains dans un aménagement. Il ne s’agit pas seulement d’acheter leur adhésion, mais aussi de les intéresser, au sens propre du terme : forcément, lorsqu’on possède une partie d’éolienne et qu’on touche de l’argent chaque mois, on va se renseigner sur son fonctionnement, on va en parler autour de soi, on va soutenir ce genre de projet ailleurs. Participer à, pour mieux faire partie de.</p>
<p>On reconnaît derrière la politique du Danemark les ressorts de ce que l’on appelle l’économie participative ou collaborative. Grâce à des pratiques de crowdfunding, les citoyens peuvent participer directement au financement de projets d’aménagement. On retrouve ce genre de projets participatifs en Allemagne, dans les Pays-Bas, en Scandinavie. Et en France, avec l’exemple du parc éolien du <a href="http://www.asso-ler.fr/la-route-des-energies-renouvelables/le-parc-eolien-du-haut-des-ailes-2/">Haut des Ailes</a>, financé en deux ans par l’investissement d’une centaine de locaux, pour un taux d’intérêt de… 7 % par an. À ce stade, investir dans l’énergie en commun est bien plus rentable que n’importe que PEL ou plan d’épargne retraite !</p>
<p>De tels projets devraient se multiplier dans les prochaines années et offrir de belles opportunités d’investissement. Mais, plus globalement, l’exemple de la reine Bérengère rappelle deux choses. D’abord que cette économie collaborative n’est pas qu’une pure création contemporaine : depuis très longtemps, on a su inventer des façons d’associer les acteurs locaux à de grands aménagements afin d’obtenir leur soutien. Ensuite, que la gestion de l’énergie gagne à être collectivisée : cela profite à tous. Des moulins d’hier aux éoliennes de demain, c’est (encore) <a href="https://www.actes-sud.fr/demain-un-nouveau-monde-en-marche">à nous de jouer</a> !</p>
<hr>
<p><em>Retrouvez l’auteur de cet article sur le blog <a href="https://actuelmoyenage.wordpress.com/">Actuel Moyen Âge</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85618/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Besson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au XIIIᵉ siècle, l’opposition des moines à un aménagement important près de leur abbaye recoupait un phénomène contemporain : le Nimby ou « not in my backyard » (« surtout pas chez moi »).Florian Besson, doctorant en histoire médiévale et ATER, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/854942017-10-10T12:49:55Z2017-10-10T12:49:55ZVidéo : Capitalisme de plate-forme, le grand bond en arrière<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189579/original/file-20171010-17680-z2idyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5vWZ1KOv0yg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Aurélien Acquier (ESCP Europe) interviewé sur Xerfi Canal par Thibault Lieurade.</span></figcaption>
</figure>
<p><strong>Interview autour de l’article d’Aurélien Acquier publiée sur The Conversation France</strong></p>
<p>Si l’on s’en tient à l’âge des protagonistes, l’essor des plates-formes « pair-à-pair » est indubitablement un phénomène récent. En moins d’une décennie, des entreprises telles qu’Uber (créée 2009), Airbnb (2008), BlaBlaCar (2006) sont venues transformer en profondeur les marchés que des grandes entreprises du secteur hôtelier et des transports avaient construits et occupés depuis plus d’un siècle.</p>
<p>Pourtant, ces jeunes organisations remettent sur le devant de la scène un très vieux modèle organisationnel, une forme d’organisation préindustrielle que l’on croyait balayée par la première révolution industrielle : le « domestic system ». Les conséquences économiques et sociales <a href="https://theconversation.com/retour-vers-le-futur-quand-le-capitalisme-de-plate-forme-nous-renvoie-au-domestic-system-preindustriel-72917">sont loin d'être négligeables</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Acquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Uber, Airbnb et les autres remettent à jour un très vieux modèle, une forme d’organisation préindustrielle que l’on croyait balayée par la première révolution industrielle. Interview vidéo.Aurélien Acquier, Professeur - Stratégie, Organisations et Société, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/845422017-09-27T22:46:23Z2017-09-27T22:46:23ZPeut-on ubériser une boulangerie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/187197/original/file-20170922-17267-e09hs1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Boulangerie</span> </figcaption></figure><p>Les réussites récentes de BlaBlaCar, Airbnb et Uber interrogent l’économie « classique » et on peut se poser la question s’il est possible de transformer une activité existante afin de l’adosser à une plate-forme multiface. En effet, la majorité des acteurs de cette nouvelle économie se basent sur une plate-forme numérique qui met en relation des groupes d’utilisateurs complémentaires qui s’apportent mutuellement de la valeur et ce sont en général de nouvelles entreprises qui ont bénéficié de levers de fonds conséquents.</p>
<p>Il n’est donc pas simple pour une activité traditionnelle de transformer son modèle d’affaires, de trouver de nouveaux financements pour développer ce type de plate-forme numérique et de concevoir un modèle d’affaires qui identifie dans son cœur d’activité des groupes complémentaires en termes de création de valeur.</p>
<h2>Au cœur de la nouvelle économie : les plates-formes multifaces</h2>
<p>Derrière Airbnb, se cache une plate-forme multiface, un dispositif technologique qui facilitent la mise en relation de deux ou plusieurs groupes de consommateurs ou utilisateurs interdépendants (qui représentent les faces) et dont la présence et les activités s’apportent mutuellement de la valeur.</p>
<p>La plate-forme utilise le plus souvent des technologies numériques (logiciel, Internet, application mobile…) pour faciliter la mise en connexion et baisser les coûts de recherche et de mise en relation. Les modèles d’affaires qui s’appuient sur ces plates-formes s’appellent ainsi des modèles d’affaires multiface car ces modèles définissent des transactions de valeurs entre les faces. Le problème dans ce type de modèle d’affaires est de définir quels types de valeurs pour chaque face et quels types de facturation.</p>
<p>De plus, ces plates-formes ne deviennent intéressantes pour les utilisateurs que quand il y a un nombre important d’utilisateurs par face. Imaginez une plate-forme de covoiturage avec seulement quelques propositions de voyages, elle aurait du mal à attirer des voyageurs, et du coup, sans clients potentiels, les conducteurs ne se précipiteraient pas pour proposer des voyages.</p>
<p>C’est le problème de l’œuf et de la poule avec la question de savoir comment atteindre le seuil à partir duquel le service deviendra intéressant pour tous les groupes d’utilisateurs, enclenchant ainsi ce qu’on appelle des effets de réseaux positifs et des rendements croissants d’adoption.</p>
<h2>Étude de cas : la boulangerie</h2>
<p>Prenons l’exemple d’une boulangerie, ou plutôt d’un réseau de boulangerie tel qu’on en trouve de plus en plus dans nos villes et zones commerciales. Elle pourrait commencer par développer une plate-forme Internet autour de ses activités traditionnelles pour informer les clients des nouveautés et des promotions, et leur permettre de commander et réserver des produits en ligne.</p>
<p>Avec une telle plate-forme, la boulangerie peut très rapidement tester de nouvelles offres et explorer ainsi les besoins latents de ses clients. Les informations clients lui permettront aussi de trouver des pistes pour reformuler sa proposition de valeur. En effet, est-ce vraiment utile d’ouvrir tôt le matin alors que le pic de clientèle est entre midi et deux, et l’après-midi ? Mieux vaut ouvrir plus tard et se concentrer sur le cœur de métier de la boulangerie et abandonner la pâtisserie coûteuse en main d’œuvre.</p>
<p>Du coup, la pâtisserie pourrait être externalisée aux traiteurs et restaurateurs qui trouveraient ainsi dans la boulangerie un nouveau canal pour écouler leurs produits ou surplus de production. La plate-forme deviendrait une plate-forme de mise en relation entre les clients de la boulangerie et des prestataires externes, en livraison directe ou dans le réseau de boulangerie. On crée alors une face supplémentaire.</p>
<p>Et pourquoi ne pas aller plus loin en permettant à des particuliers, passionnés de pâtisserie, de partager leurs créations ? On créerait ainsi une autre face pour enrichir l’offre. La mise en place d’une telle activité n’est évidemment pas sans problème, il faudrait assurer la sécurité sanitaire, vérifier la qualité des productions, et s’assurer de la bonne livraison.</p>
<p>Toutefois, on voit bien avec ce principe qu’il est possible de faire de la plate-forme et du réseau de boulangerie, un lieu de mis en relation entre des groupes qui potentiellement ne se rencontrent pas naturellement, faisant ainsi de la plate-forme multiface de boulangerie un écosystème à partir duquel peut se développer de multiples activités.</p>
<p>Reste la question du prix et du modèle de revenu. Dans une telle situation, le prix des produits de boulangerie serait fixé par le boulanger et les autres produits par les prestataires avec un pourcentage reversé à la plate-forme. Toutefois, la plate-forme permet de jouer facilement sur les prix. Par exemple, le pain pourrait être plus ou moins cher en fonction des heures de la journée.</p>
<p>Ou encore, on peut imaginer d’y associer des partenaires à vocation sociale et qu’en cas de ventes pour une association le chiffre d’affaires lui soit directement attribué. L’enjeu est de comprendre quelle est la valeur produite par chaque face et quelle est la propension à payer de chaque face.</p>
<h2>Une nouvelle stratégie générique ?</h2>
<p>Nous voyons avec cet exemple que la mise en place d’un modèle d’affaires multiface n’est pas seulement possible que pour les entreprises californiennes et les start-up. En commençant à numériser ses activités, en reformulant sa proposition de valeur, en ouvrant son modèle d’affaires, en mettant en relation ses clients actuels et potentiels en groupes complémentaires en termes de valeur, et en fixant des prix adaptés à l’apport en valeur et à la propension à payer de ses clients, une entreprise avec une activité « classique » peut tout à fait ubériser son activité.</p>
<p>Au-delà des débats actuels sur l’ubérisation qui posent des questions importantes sur ses conséquences économiques et sociales, les plates-formes multifaces remettent en question les fondamentaux du management stratégique et la façon dont une entreprise peut créer de nouvelles richesses économiques. La concurrence ne se fait plus seulement sur les coûts et la différentiation mais aussi sur la capacité à connecter et à se placer au centre d’un réseau de clients et de partenaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle Uber pose de nombreuses questions sociétales et économiques. Mais comment fonctionne ce modèle basé sur une plateforme multiface ? Application au cas de la boulangerie.Guy Parmentier, Maître de conférences HDR à Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementRomain Gandia, Maître de conférence, Organizational Studies, Business Administration à l'Université Savoie Mont Blanc, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/831212017-09-11T21:10:34Z2017-09-11T21:10:34ZLes plates-formes d’innovation : des communautés porteuses de nouvelles relations de travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184979/original/file-20170906-18486-hx1i85.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1024%2C708&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fab lab au sein d'une bibliothèque contemporaine à South Shields au Royaume-Uni.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/135302410@N02/33923572260/in/photolist-TFHb9U-WGqHgh-R922yJ-SN4jo4-QSmqfa-Ts5zar-SZhG1b-KAEztS-U2KAXH-KAEzgC-KjTPnb-KDafwx-KjTLrb-KAEyBG-JPCeX2-KAEz2j-KL2cJg-KjTLQh-JPCePB-KAEy2J-KAEwJJ-KAEwUJ-KL2ckv-KH8atm-JPsmR3-TfnKXf-TrJ57W-TrJ59Q-SN4jLZ-TrJ9r7-SN4jU4-TrJ5Gd-JPsmHN-KL2bqz-KL2bDR-KjTMuy-KH8b51-KAExXq-KjTM8S-KjTMm7-KjTLY3-KAEwwQ-U2KwU2-TQcGDZ-U2KBhR-TrJ7kJ-U2KwP2-U2Kx4k-TrJ94U-TrJ8eY">Julia Chandler/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La digitalisation de l’économie offre aujourd’hui de nouvelles opportunités pour l’innovation. Elle oblige aussi à une accélération du développement des projets, voire à une transformation des modes de travail. Ces opportunités émergent en mobilisant de nouveaux outils technologiques (<em>data analytics</em>, visualisation, imprimantes 3D…) ou se matérialisent en construisant de nouveaux <em>business models</em>.</p>
<p>De nouveaux acteurs économiques émergent dans cette perspective. Qu’on les appelle <a href="http://www.newpic.fr/02group2015openlabsdownload.html"><em>fab lab</em>, <em>open labs</em>, <em>makerspaces</em>, <em>coworking spaces</em></a> ou encore incubateurs, ces nouveaux lieux d’innovation se multiplient aujourd’hui un peu partout en France. Ils répondent à un besoin concret : gagner en flexibilité et en transdisciplinarité. Ils utilisent les outils du monde des <em>makers</em> pour matérialiser plus vite les idées. Ces nouveaux lieux sont à la mode mais leur fonctionnement et leur valeur ajoutée sont encore mal compris.</p>
<p>Dans une <a href="http://www.newpic.fr/02proj2016openlabsidf.html">étude récente</a> cofinancée par l’<a href="http://www.innovationfcty.fr/">Innovation Factory</a>, <a href="http://www.bpifrance-lehub.fr/">Bpifrance le Hub</a> et <a href="https://www.parisandco.com/">Paris&Co</a>, nous avons analysé et comparé une quinzaine de lieux d’innovation en île-de-France.</p>
<h2>Au-delà du foisonnement, une définition commune</h2>
<p>La plupart des lieux ne coïncident pas avec les grilles traditionnelles qui distinguent <em>fab lab</em>, <em>coworking spaces</em>, <em>hacker spaces</em>, ou encore accélérateurs et incubateurs. Ces grilles sont incomplètes car elles ont tendance à les réduire à une activité unique. Elles ne reflètent ni l’étendue des services proposés, ni les dynamiques qu’ils suscitent.</p>
<p>Les nouveaux lieux sont portés par des entrepreneurs et/ou des associations. Ils reposent toujours sur des démarches ouvertes et collaboratives. Leur dynamique repose sur une communauté d’individus qui partagent les mêmes valeurs et expérimentent au quotidien de nouvelles démarches d’innovation. Le lieu physique est primordial car il cristallise la rencontre et l’émergence de nouveaux modèles de collaboration.</p>
<p>Au final, ces lieux représentent de véritables plates-formes d’innovation dans lesquelles les modes de travail se différencient nettement des organisations classiques et cette logique a été mis en évidence par de nombreux autres chercheurs sur <a href="https://theconversation.com/les-tiers-lieux-2-0-une-nouvelle-facon-dapprehender-le-monde-76723">The Conversation France</a>.</p>
<p>La vie quotidienne permet d’y avoir des collègues de travail, mais pas de lien hiérarchique. Les rencontres, les échanges, les centres d’intérêt commun et une curiosité partagée pour la nouveauté vont permettre de faire avancer les projets de chaque membre (ou équipe).</p>
<p>Le fonctionnement des plates-formes permet de casser les silos au quotidien, à la fois à l’intérieur de la plate-forme et dans l’écosystème. La flexibilité et l’agilité permettent de mixer les compétences. Cela se manifeste dans la mobilisation de méthodes d’idéation ou de prototypage rapide.</p>
<p>Ces méthodes sont par essence inclusives : tout le monde peut y participer, même ceux qui ne font pas formellement partie du projet, qui pensent ne pas détenir de compétences justifiant leur présence, ou qui veulent seulement promouvoir une thématique qui leur tient à cœur. C’est le principe même des <em>hold-ups</em> pratiqués chez <a href="http://www.sensespace.cc/">Makesense</a>.</p>
<h2>Trois catégories principales de plates-formes</h2>
<p>Ces plates-formes se distinguent pour l’essentiel par leur orientation <em>business</em>, <em>social business</em> ou <em>not for profit</em>.</p>
<p><strong>Les plates-formes <em>business oriented</em></strong> peuvent être généralistes ou thématiques, c’est-à-dire qu’elles proposent de renouveler les modèles économiques dans un monde numérique, elles peuvent proposer des modèles d’organisation alternatifs dans un secteur spécifique.. Reposant sur un modèle d’organisation différent de celui d’une agence de création, Digital Village permet à ses membres de conserver leurs statuts d’indépendants tout en bénéficiant d’une mutualisation de moyens.</p>
<p>Certaines plates-formes se définissent par les dynamiques collectives qu’elles impulsent au sein d’écosystèmes existants ou en devenir. C’est le cas du <a href="http://www.lecargo.paris/">Cargo</a> et de <a href="http://www.residencecreatis.fr/">Creatis</a> qui se situent à l’intersection entre contenu numérique et activités culturelles, ou du <a href="http://welcomecitylab.parisandco.paris/">Welcome City Lab</a> qui situe son activité entre contenu numérique et tourisme urbain</p>
<p><strong>Les plates-formes <em>social-business oriented</em></strong> cherchent à concilier la performance économique avec les enjeux associés au développement durable, ou à la création (ou au renouvellement) de biens collectifs. C’est le cas de La Ruche, de Makesense ou encore de <a href="https://liberte.paris/">Liberté Living Lab.</a> Leur objectif est de faire entrer l’économie sociale et solidaire comme une référence pour le développement de toutes activités.</p>
<p><strong>Les plates-formes <em>not-for-profit oriented</em></strong> portent des modèles alternatifs qui visent à réformer des activités existantes. Ainsi, <a href="https://lapaillasse.org/">La Paillasse</a> se donne mission de faire de la science autrement de manière plus ouverte et partagée fondée sur des dynamiques d’<em>open source</em> sans préalable de diplôme ou de titre. <a href="http://www.electrolab.fr/">Electrolab</a>, un <em>hacker space</em> spécialisé dans l’électronique, veut redonner envie aux citoyens de s’engager dans la technologie « par le faire ».</p>
<h2>Des plates-formes construites par et pour une communauté</h2>
<p>Au-delà de la mission qui reste spécifique à chaque plate-forme, les communautés qui s’y développent partagent des valeurs précises : réciprocité, bienveillance, collaboration, entrepreneuriat et passion. La culture entrepreneuriale est omniprésente dans la communauté et se trouve aussi chez ceux qui ont été à l’origine de la plate-forme et de la communauté. Ces communautés sont de tailles diverses (quelques dizaines à plusieurs centaines voire milliers de membres dans le cas du <a href="https://paris.numa.co/en/">NUMA</a>) mais elles sont toutes caractérisées par la diversité : diversité de projets, diversité sociale, diversité de compétences, diversité générationnelle et/ou diversité culturelle.</p>
<p>La diversité y constitue un atout stratégique car elle permet de décaler les points de vue et d’offrir une richesse dans l’expertise.</p>
<blockquote>
<p>« Le fait d’avoir une communauté hétérogène est très vertueux parce que du coup les [membres] sont complémentaires et [ils] se donnent des coups de main entre eux. » (Laurent Queige, Welcome City Lab).</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184674/original/file-20170905-28095-1rwg2bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">_La diversité des communautés dans les plates-formes d’innovation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bpifrance Le Hub, Innovation Factory, Paris&Co</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour la plupart des plates-formes, les communautés entretiennent des relations de collaboration fondées sur la réciprocité. Cela n’exclut pas pour autant les relations marchandes. Les membres y intègrent les codes permettant de passer d’un modèle de relation à l’autre. La dynamique est le plus souvent guidée par la nature du projet et les types de contributions. Les relations collaboratives sont fondées sur « le don contre don ». Ces relations sont asynchrones, sans contrepartie directe ou monétaire.</p>
<p>Certaines relations collaboratives prennent parfois la forme de troc : une activité ou un conseil en échange d’un autre service, la mutualisation de certains outils, un « dépannage » technique. La contrepartie tire parti d’une autre compétence, parfois sur un plan totalement différent. Le plus souvent, la démarche fait partie des valeurs promues par le lieu et de la norme de comportement. Dans certains cas, elle permet d’obtenir des réductions sur le tarif de l’hébergement dans l’espace de coworking.</p>
<p>Dans les plates-formes, la communauté s’ouvre aussi sur les relations marchandes car les connexions entre membres font émerger des opportunités d’affaires. Cela peut survenir entre les membres de la communauté ou avec une entreprise de l’écosystème, ou autour d’un événement tenu dans le lieu.</p>
<p>Dans certains cas, les relations business occupent une place centrale parce que les artisans d’<a href="http://www.icimontreuil.com/">ICI Montreuil</a> ou les indépendants du web de <a href="http://digital-village.fr/">Digital Village</a> viennent réaliser leurs activités au sein de ces plates-formes. La solidarité entre ces acteurs existe mais la dynamique repose aussi sur le fait que les demandes des clients requièrent de plus en plus une combinaison de leurs expertises.</p>
<p>Comment font les individus pour gérer le passage d’un modèle de relations à l’autre ? La nature du projet et le temps consacré dictent leurs choix. Dans l’échange, chacun se rend compte assez vite si le projet en question apporte ou pas quelque chose. Lorsque l’échange se manifeste par un conseil ou une aide ponctuelle rapide, les relations de dons contre dons ou de troc s’imposent. Dans les autres cas, le troc ou les relations marchandes s’imposent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mérindol a reçu des financements de l'Innovation Factory et le HUB BBIfrance </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David W. VERSAILLES a reçu des financements de Innovation Factory et Bpifrace le Hub pour cette recherche. </span></em></p>Analyse des plates-formes d’innovation au travers de leurs missions, la diversité de leurs communautés,et leurs modes de travail.Valérie Mérindol, Enseignant chercheur en management de l'innovation et de la créativité, PSB Paris School of BusinessDavid W. Versailles, Chair professor, strategic management and management of innovation, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/789772017-06-26T19:40:52Z2017-06-26T19:40:52ZLes entreprises de la nouvelle économie sont-elles vraiment plus efficaces ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175486/original/file-20170625-13441-11ou43a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des salariés-entrepreneurs et des architectures ouvertes : un modèle efficace, mais est-il pérenne ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/153792/">VisualHunt</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em> </p>
<hr>
<p>Les entreprises de la nouvelle économie sont souvent montrées en exemple pour leur croissance à deux chiffres et leur capacité à <em>disrupter</em> les marchés. Aux États-Unis on peut citer bien entendu des entreprises comme Google, Facebook, Uber et Airbnb. Mais la France n’est pas en reste : <a href="https://stripe.com/fr">Stripe</a> ou <a href="http://www.trainline.fr">Trainline</a> (anciennement Captain Train), pour ne citer qu’eux, offrent des exemples réussis de la nouvelle économie.</p>
<p>De nombreux experts revendiquent l’efficacité de leur mode de travail, fondé en partie sur une approche en réseaux par rapport aux entreprises dites traditionnelles. Toutefois, peu d’entre eux définissent clairement les caractéristiques qui en font vraiment des modèles d’organisation à part. Encore moins nombreux sont ceux qui identifient les limites de leur modèle.</p>
<p><a href="http://www.institut-entreprise.fr/les-publications/innover-en-entreprise-de-lincantation-laction">L’étude</a> que j’ai récemment rédigée pour l’Institut de l’Entreprise à partir des travaux de l’observatoire de l’innovation composé de dirigeants issus des entreprises traditionnelles et de la nouvelle économie offre quelques pistes de réflexion à ces questions complexes.</p>
<p>Les éléments différentiant sont au nombre de deux : la politique de ressources humaines qui accorde une place clé aux « salariés-entrepreneurs » et une organisation fondée sur des architectures dites ouvertes. Les limites du modèle sont le résultat à la fois de la taille et de l’âge de l’entreprise. Finalement ces nouveaux modèles pourraient être transitoires pour aboutir finalement à des modèles d’organisation bien connus sous le nom <a href="http://amp.aom.org/content/27/4/287.short">d’entreprises ambidextres</a>.</p>
<h2>Les ressources humaines et la place du salarié-entrepreneur</h2>
<p>La fonction RH constitue une prérogative centrale du dirigeant d’entreprises dans la nouvelle économie car elle est considérée comme clé pour créer de la valeur et permettre à l’entreprise de changer rapidement d’échelle. Contrairement à une idée reçue, les processus de recrutement sont draconiens, y compris lorsque ces entreprises sont encore des start-up. Pour TrainelineEU et Stripe, chaque candidat est soumis à plusieurs entretiens croisés, avec differents collaborateurs de l’entreprise. Jean‑Daniel Guyot de TrainlineEU précise :</p>
<blockquote>
<p>« Les leviers de la croissance de l’entreprise ? Des salariés qui adhèrent avant tout à la mission et à la vision de l’entreprise… Il faut embaucher des personnes talentueuses qui avancent vite sans que l’on ait besoin de leur dire quoi faire. »</p>
</blockquote>
<p>Le recrutement repose bien entendu sur la recherche d’individus qui sont compétents dans un domaine technique (codage, marketing expérimental, design, etc.) mais plus encore il se fonde sur la recherche de personnalités : des individus créatifs, qui ont un comportement entrepreneurial et en même temps qui sont humbles et ouverts à la collaboration. Il s’agit donc d’éviter de recruter un expert qui, « dans sa tour d’ivoire », ne saurait pas collaborer. Dans le cadre des travaux de Institut de l’Entreprise, Gaël Gilbert de Google France déclare : </p>
<blockquote>
<p>« Google reçoit des millions de CV… l’un des enjeux de [la sélection] reste la capacité du candidat à s’adapter à la culture d’innovation de Google… si l’individu a des compétences techniques remarquables mais que son comportement n’est pas en lien avec celle de l’entreprise… on ne le prend pas et cela s’applique à tous les types de postes. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi les firmes de la nouvelle économie ne recherchent pas de salarié-manageurs mais des salariés-entrepreneurs c’est-à-dire des individus qui ont un niveau d’autonomie et une capacité à s’engager sur des projets à risques supérieurs à la moyenne. La relation entre l’entreprise et les employés en est complètement bouleversée. Il s’agit d’individus qui adhèrent (pour un temps donné) à la mission générale de l’entreprise parce que celle-ci est cohérente avec leur projet professionnel.</p>
<p>Autre différence fondamentale : l’absence de référence à des cursus de carrière figés et prédéfinis. Cela est vrai pour les start-up comme pour les grandes entreprises leaders dans le domaine comme Facebook ou Google. Pour cette dernière, la notion de « faire carrière chez Google » n’a jamais existé. De fait l’entreprise est jeune et donc la pyramide des âges est peu marquée.</p>
<p>Toutefois la manière d’envisager les parcours n’est pas prescrite à l’avance. Tout dépend des projets et de la créativité dont fera preuve le salarié. Cette dynamique permet de ne pas le brider et d’offrir des perspectives d’évolutions qui sont variées et liées aux projets développés. Cette logique s’applique à tous les salariés quelles que soient leurs fonctions.</p>
<h2>Architecture organisationnelle ouverte : fluidité des échanges, flexibilité pour agir</h2>
<p>Autre élément clé des entreprises de la nouvelle économie est l’adoption d’une architecture organisationnelle ouverte. Celle-ci implique tout d’abord la fluidité des échanges et d’accès à l’information : transparence des mails (à l’exception des décisions relevant des levées de fonds et des recrutements), réunions hebdomadaires sur ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans l’entreprise avec prise de paroles non bridées.</p>
<p>L’architecture dite ouverte se traduit aussi par la volonté de toujours repérer les idées nouvelles et préserver la motivation des salariés en les aidant à les concrétiser sein de l’entreprise. « Chaque salarié peut apporter quelque chose et on la [direction] lui fait confiance » précise Guillaume Princen chez Stripe qui a organisé une initiative dénommée Crazy Ideas : chacun peut proposer des idées nouvelles « un peu folles » liées ou non à son activité immédiate et dont le management étudie la faisabilité.</p>
<p>Constat clé : dans ce mode d’organisation, le manageur ne décide pas à la place des salariés dans la conduite des projets mais il est le garant du maintien d’une architecture ouverte qui permet au salarié d’exprimer tout son talent. Au cœur des architectures ouvertes, lutter contre la bureaucratisation et la constitution de silos représente l’une des préoccupations premières du management.</p>
<h2>Un modèle pérenne ? Pas si sûr…</h2>
<p>L’entreprise est le fruit de son histoire, des individus qui la composent. Son mode d’organisation n’est jamais figé et constitue le résultat d’une adaptation continue à son environnement.</p>
<p>La question n’est aujourd’hui pas de savoir si le modèle d’organisation des firmes de la nouvelle économie est efficace (il l’est) mais plutôt s’il peut s’inscrire dans la durée et à quelle échelle.</p>
<p>Ce modèle s’applique aisément à des structures petites et récentes : finalement Google existe depuis un peu plus de 15 ans et aujourd’hui en tant que grande entreprise préserver ce modèle d’organisation requiert un effort et des <a href="http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-4-page-107.html">initiatives constantes du management</a>… Le modèle n’est pas un acquis et comme toute grande structure, la bureaucratisation et la rationalisation des activités et des processus représentent une tendance naturelle… Un certain degré de rationalisation peut même être souhaitable lorsque l’entreprise répond à des besoins de masse…</p>
<p>L’exemple de <a href="https://www.softbank.jp/en/">Softbank</a> qui a acquis récemment Aldebaran en France, fleuron de la robotique, illustre cette vision : l’organisation doit finalement toujours (d’une manière ou d’une autre) être duale (ou ambidextre) c’est-à-dire avoir un modèle lui permettant d’être flexible, ouvert et innovant et un modèle lui permettant de rationaliser, exploiter et réduire les coûts. La question se situe donc avant tout dans la capacité de l’entreprise à trouver le bon « mix » et les passerelles entre des activités de nature différente, enjeu qui concerne aussi… les entreprises des secteurs dits traditionnels. Les firmes de la nouvelle économie n’échappent pas à cette réalité… Finalement le modèle décrit plus haut risque bien dans de nombreux cas de ne constituer d’une étape de développement.</p>
<p>Pour preuve les entreprises de plateformes type Airbnb, Uber ou BlaBlaCar. Si ces entreprises en réseaux gèrent une variété plus grande de relations contractuelles, leur choix organisationnel n’est finalement pas si novateur. Tout d’abord, le cœur de la plateforme est constitué d’un nœud de salariés-entrepreneurs qui travaillent dans une dynamique d’architecture ouverte pour concevoir les nouvelles fonctionnalités autour de la plateforme.</p>
<p>Le deuxième niveau est constitué par des opérateurs de la plateforme, c’est-à-dire les salariés qui assurent sa mise en œuvre opérationnelle, et travaillent de manière beaucoup plus contrôlée et en silos. Le troisième cercle est associé à des clients directs (relation <em>B to B</em>) entre des particuliers (parfois entrepreneurs) qui utilisent les services de la plateforme pour s’adresser aux « clients » finaux. Les relations avec l’opérateur sont souvent prescrites et standardisées. Chaque cercle concentrique au sein du réseau est, pour l’entreprise, une manière de gérer les silos et donc de gérer le « mix » entre exploration et exploitation. À bien observer ces entreprises, seul le cœur du réseau (qui concerne un nombre limité d’individus) fonctionne selon un nouveau principe d’organisation fondé sur le salarié-entrepreneur et l’architecture ouverte…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78977/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mérindol est co-responsable de la chaire newPIC de Paris School of Business. Elle a été rapporteur de l'observatoire de l'innovation de l'Institut de l'entreprise en 2015-2016.</span></em></p>On les dit « inspirantes » pour leur croissance rapide et leur capacité d’innovation radicale. Mais leur modèle est-il pérenne ? Analyse de leurs différences… et de leurs limites.Valérie Mérindol, Enseignant chercheur en management de l'innovation et de la créativité, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/780132017-06-20T19:14:08Z2017-06-20T19:14:08ZNon, la pédagogie et le travail collaboratifs n’ont pas que des avantages !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174287/original/file-20170618-18169-qu4kdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Collaboratif…</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Le recours à des techniques de créativité et d’apprentissage collaboratifs de diverses natures a littéralement explosé ces dernières années : tableau blanc physique ou virtuel, Post-its, pâte à modeler, maïs soufflé, boîtes en carton, prototypage 3D, etc. Les outils et supports utilisés sont variés, permettant de multiples niveaux d’abstraction et/ou de matérialisation des idées exprimées en groupe.</p>
<p>Ayant participé à de très nombreuses séances de ce type, et en ayant moi-même organisé dans le cadre de mes cours, je souhaite partager ici quelques réflexions vis-à-vis de l’enthousiasme apparemment généralisé entourant ces méthodes collaboratives. Avant d’aller plus loin, j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit en aucune manière de ne pas en reconnaître les avantages, mais qu’il est nécessaire prendre du recul à leur égard, afin d’éviter ou de limiter les déceptions liées à leur usage.</p>
<h2>Les limites de ces modèles</h2>
<p>Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques limites que ces expériences personnelles m’ont permis d’identifier :</p>
<ul>
<li><p>Le risque est important d’aboutir à un « consensus mou », peu créatif et porteur de peu d’apprentissages mutuels pour les membres du groupe. Cela peut être dû à une faible diversité dans le groupe (profils, objectifs, âges, formations, etc. trop proches).</p></li>
<li><p>Les sessions collaboratives peuvent donner lieu à des discussions à bâtons rompus sur des sujets divers et variés, parfois fort éloignés de l’objet initial de la session. Potentiellement positif pour la créativité, cela porte aussi le risque d’absence de résultat.</p></li>
<li><p>L’animation reposant sur des activités rythmées par tranches de 10 à 40 minutes minimise le risque précédent. Mais cette cadence peut poser problème si plusieurs équipes participent à une même séance de travail collaboratif. Chacune ayant ses modes de fonctionnement et d’avancement propres, il arrive que l’une d’elles soit coupée en plein avancement de ses travaux, afin de respecter le timing imposé à tous.</p></li>
<li><p>Alors que les lieux et supports matériels utilisés ont un rôle essentiel dans les activités collaboratives, l’usage (quasi) systématique d’<em>open spaces</em> peut nuire à l’activité collective en raison du niveau sonore qui y règne, troublant la concentration individuelle et les échanges. L’acoustique des salles joue un rôle crucial, hélas souvent insuffisamment pris en compte.</p></li>
<li><p>Enfin, l’apprentissage mutuel résultant des échanges nécessite 1°) une explication <em>ex-ante</em> de ce que vont faire les participants et de ce que l’on attend d’eux, puis 2°) une explicitation <em>ex-post</em> de ce qui a été fait et de la manière dont cela a été fait (phase réflexive sur les apprentissages et les actions individuelles et collectives). Or, les séances collaboratives jouent souvent sur la divulgation d’un minimum de règles (ou leur divulgation progressive au fur et à mesure de leur déroulement) pour laisser émerger les modes de fonctionnement propres aux groupes, ou sur l’absence de débriefing et d’explicitation approfondie pour laisser les participants procéder eux-mêmes à cette analyse.</p></li>
</ul>
<p>Il convient donc de questionner ces pratiques collaboratives, et certainement de tempérer le discours ambiant qui, dans le milieu de l’enseignement ou de l’entreprise, tend à en faire un <em>one best way</em>, sorte d’alpha et d’oméga de la créativité, de l’apprentissage et/ou de la réalisation de projets.</p>
<p>Pour caricaturer à l’extrême, « l’on ne saurait être plus créatif (ou performant) que si l’on collabore » semble être devenu un mantra qui ne souffre (presque) aucune contestation.</p>
<h2>Le collaboratif ne s’applique pas partout</h2>
<p>Pourtant, il est nécessaire d’attirer l’attention tant des formateurs, que des professionnels qui les appliquent en entreprise, sur les limites de ces pratiques. En effet, les influences réciproques entre méthodes pédagogiques et modes de travail en entreprise ont tendance à alimenter une spirale du travail collaboratif sans prendre toute la mesure de ses limites.</p>
<p>Celui-ci ne semble pas adapté à toutes les situations. La temporalité du projet (son niveau d’avancement à travers différentes phases), les types de participants et la nature des projets paraissent être trois facteurs contingents qui requièrent d’alterner dynamique collective et dynamique individuelle, afin d’accroître les chances d’atteindre les objectifs poursuivis. En d’autres termes, il s’agit de prendre de la distance <a href="https://theconversation.com/innovations-manageriales-le-point-de-vue-des-dirigeants-69601">vis-à-vis d’une innovation managériale dont la dimension contingente est souvent omise</a>.</p>
<ul>
<li><p><strong>La temporalité du projet</strong> : le travail collaboratif, ou co-élaboratif, ou co-créatif (la liste des adjectifs désignant ces projets est potentiellement longue, mais toujours « co ») n’est pas forcément pertinent à tous les stades d’avancement d’un projet ou d’un processus d’apprentissage. En effet, certains peuvent nécessiter un éclatement ponctuel du groupe, le temps que chacun mûrisse sa réflexion, <a href="http://www.huffingtonpost.com/laura-huckabeejennings/collaborative-overload-st_b_11351186.html">approfondisse ses recherches</a>, etc. Or, les méthodes collaboratives, empreintes de l’inspiration californienne de vitesse et d’instantanéité, oublient parfois cette temporalité, dictant d’aller plus vite en groupe que de se presser chacun de son côté.</p></li>
<li><p><strong>Le type de participants</strong> : Au cours d’une session de travail collaboratif, certains membres du groupe peuvent avoir besoin de s’isoler pour réfléchir. Ce recul temporaire peut être un puissant levier au service du groupe. Or, l’accent mis sur les avantages de la collaboration est actuellement si aigu qu’il peut provoquer une auto-censure des membres ressentant ce besoin. Ou à l’inverse, donner aux autres l’impression que la personne qui s’est temporairement « exclue » du groupe n’a cure du projet collectif – ce alors que ce comportement correspond à une grande implication ! Enfin, « forcer » les gens à collaborer peut amener des individus à agir contre nature, ou à mal vivre cette façon de travailler. Par exemple, les personnes introverties ne prenant pas la parole peuvent cependant contribuer de mille autres manières (cf. le <a href="https://www.amazon.fr/Quiet-power-introverts-world-talking/dp/0141029196">livre</a> et le <a href="https://www.ted.com/talks/susan_cain_the_power_of_introverts?language=fr">Ted Talk</a> de Susan Cain sur le « pouvoir des introvertis »).</p></li>
<li><p><strong>La nature du projet</strong> : <a href="http://calnewport.com/blog/2015/03/27/isaac-asimovs-advice-for-being-creative-hint-dont-brainstorm/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+StudyHacks+%28Study+Hacks%29">tous les projets ne se prêtent pas forcément à un travail collaboratif</a>. Du moins, 1/rien ne garantit que le résultat collaboratif sera supérieur au travail individuel quel que soit le type de projet, ni que 2/le type de collaboration ou les méthodes collaboratives doivent être identiques d’un projet à un autre.</p></li>
</ul>
<p>Pour prendre un exemple peut-être simpliste, même si un écrivain se nourrit de ses échanges avec une multitude de personnes diverses, il reste <em>in fine</em> seul créateur de son œuvre. Par ailleurs, la « puissance » d’un groupe peut aussi étouffer l’intuition d’un individu dont est issu un projet. À moins de disposer d’une conviction chevillée au corps et/ou d’une grande capacité de persuasion, si une seule personne porte une intuition dans un groupe, elle peut se retrouver mise en minorité par le groupe qui ne partage pas les mêmes grilles d’analyse, est moins visionnaire ou préfère des solutions plus « conventionnelles ». On en revient au risque de « consensus mou » évoqué plus haut.</p>
<p>Enfin, n’oublions pas les coûts organisationnels et individuels induits par l’excès de collaboration. Ceux-ci ont été mis en avant en 2016 dans un article de la <em>Harvard Business Review</em>, justement intitulé <a href="https://hbr.org/2016/01/collaborative-overload">« Collaborative Overload »</a>, et une <a href="https://hbr.org/2017/03/collaboration-overload-is-a-symptom-of-a-deeper-organizational-problem">étude publiée en 2017 par le cabinet Bain & Company</a>. De la même manière, la <a href="https://www.wsj.com/articles/beware-collaboration-tool-overload-1489370400">surabondance d’outils</a> dont l’objet est de simplifier la collaboration devient un véritable problème, qui touche tant les entreprises que le milieu de l’enseignement.</p>
<h2>Une nouveauté à remettre en perspective</h2>
<p>Au final, il s’agit ici de faire prendre du recul quant à un enthousiasme peut-être (certainement ?) exagéré, empêchant tout équilibre entre dynamique individuelle et dynamique collective, source de potentielles déconvenues. De même que dans le milieu de la formation, le <em>blended learning</em>, mix entre l’e-learning et le « bon vieux cours présentiel » (lui-même devenu protéiforme) semble avoir montré sa supériorité sur chacune de ces deux modalités prises individuellement, combiner travail collectif et travail individuel semble le meilleur moyen d’apprendre (seul et collectivement) et de mener des projets.</p>
<p>Cela peut paraître une évidence, mais ce ne serait pas la première fois que l’enthousiasme collectif, quasi-mimétique, vis-à-vis de la « nouveauté » en ferait oublier les limites et les inconvénients. Rappelant cela, cet article met également en avant quelques éléments de contextualisation facilitant l’identification de situations où la recherche de l’équilibre individuel/collectif est indispensable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78013/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Plé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des limites et inconvénients de la pédagogie et du travail collaboratifs présentés comme la panacée. Et plaidoyer pour une combinaison entre approche individuelle et collaborative.Loïc Plé, DIrecteur adjoint en charge de la Pédagogie et du Développement Académique, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/767232017-05-15T19:08:46Z2017-05-15T19:08:46ZLes tiers lieux 2.0, une nouvelle façon d’appréhender le monde ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169207/original/file-20170514-3678-3tbzub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C107%2C2038%2C1367&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Makespace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/9425952261/609f085dcf/">LaurieJ/Visual Hunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Pourquoi parle-t-on de tiers lieux ? Dans le premier chapitre de son ouvrage <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Great_Good_Place.html"><em>The Great Good Place</em></a>, paru en 1989 le sociologue américain Ray Oldenburg souligne ce qu’il nomme le « problème de lieux » aux États-Unis (« problem of place in America ») ; la vie des Américains est fragmentée et partagée entre le lieu de travail (<em>second place</em>) et celui de résidence (<em>first place</em>).</p>
<p>Il n’existe pas de lieux intermédiaires, des lieux de socialisation informelle permettant de vivre en communauté. Ceci a, selon Oldenburg, des répercussions sur la démocratie mais aussi la santé publique et la productivité des travailleurs américains.</p>
<h2>Les tiers lieux : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Il manque donc un lieu informel d’exercice de vie publique à savoir un lieu se situant entre le lieu de travail et celui de résidence, un troisième lieu, un tiers lieu (<em>third place</em>). Pour Oldenburg, le tiers lieu prend, par exemple, la forme du café en France. C’est le lieu de l’exercice d’une vie publique à l’instar de l’agora athénienne.</p>
<p>Selon le même auteur, le tiers lieu a plusieurs caractéristiques remarquables : c’est un terrain neutre (ni chez soi, ni chez quelqu’un d’autre) qui égalise les statuts sociaux et où l’activité principale est la conversation.</p>
<p>Le tiers lieu se doit d’être facile d’accès. Le tiers lieu n’existe vraiment que par ses habitués. Ainsi, le tiers lieu attire plus par ceux qui le fréquentent que par ses qualités intrinsèques d’autant que ce lieu garde une apparence plutôt simple ; ni le lieu, ni les habitués ne cherchent à se distinguer.</p>
<p>Quoi qu’il en soi l’ambiance générale est plutôt joyeuse et conviviale notamment par opposition à l’ambiance au travail. En définitive le tiers lieu est une maison loin de la maison (<em>a home away from home</em>) où l’on peut être soi-même.</p>
<p>Oldenburg dresse une liste de tiers lieux dès le titre de son ouvrage : <em>The Great Good Place : Cafes, Coffee Shops, Bookstores, Bars, Hair Salons and Other Hangouts at the Heart of a Community</em>.</p>
<p>Tous ces lieux contribueraient à revivifier les communautés, à dynamiser la vie politique, à contrebalancer le délitement des liens sociaux. Ils seraient un lieu d’expression de la démocratie, un espace public où les idées peuvent circuler librement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167744/original/file-20170503-21649-1h8pdza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Makers.</span>
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<h2>De nouveaux tiers lieux à l’ère du numérique ?</h2>
<p>L’espace public a trouvé une nouvelle dimension à l’ère numérique notamment à travers les réseaux sociaux. Pour autant l’importance de la dimension physique des tiers lieux n’a pas disparu. Dans la lignée du mouvement des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_maker"><em>makers</em></a> des <em>fabrication laboratories</em> (fab labs) ont vu le jour inspirés par le cours du professeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) Neil Gershenfeld : <em>How to Make (Almost) Anything</em>.</p>
<p>En France, le <a href="http://wiki.fablab.is/wiki/Main_Page">wiki des fab labs</a>, en répertorie 99, un record mondial. Un fab lab se doit de respecter quatre critères définis par la <a href="http://fabfoundation.org/about-us/">FabFoundation</a> : accessibilité, adhésion à la <a href="http://fab.cba.mit.edu/about/charter/">charte des fab labs</a> (du MIT), mise à disposition de machines (découpeuse laser, imprimante 3D, etc.) et contribution au réseau international des fab labs.</p>
<p><em>Makerspace</em>, <em>hackerspace</em>, <em>hacklab</em> sont des appellations qui renvoient à des réalités voisines (mise à disposition de matériel, fonctionnement sur un principe de communauté de pratiques, éthique valorisant la liberté d’accès, la collaboration, l’autonomie, la solidarité). Les <a href="http://hackerspaces.org">hackerspaces</a> sont plutôt orientés vers le partage de ressources et de savoirs liés à l’informatique (software et/ou hardware).</p>
<p>Le <a href="https://wiki.hackerspaces.org">wiki des hackerspaces</a> recense plus de 1 271 hackerspaces actifs dans le monde. Quant aux <a href="http://blog.coworking.com/about/">espaces de coworking</a> qui rompent l’isolement du travailleur indépendant naissent à San Francisco en 2005. Le site <a href="http://coworking.com">coworking.com</a> souligne les valeurs du mouvement coworking : <em>community, openness, collaboration, sustainability, et accessibility</em>. Toujours selon ce site plus de 10 000 espaces de coworking sont répertoriés dans le monde.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167746/original/file-20170503-21641-3rx7qy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Ces différents lieux partagent les spécificités qui caractérisent les tiers lieux selon l’approche d’Oldenburg (accessibilité, convivialité, égalitarisme, discussion). Ces spécificités ne peuvent être rencontrés, comme il se doit, ni dans le lieu de résidence, ni dans le lieu de travail.</p>
<p>Pourtant les personnes travaillent dans ces nouveaux tiers lieux. Mais l’on ne fait pas que travailler, on se forme, à la programmation dans les hackerspaces, à l’utilisation de nouvelles machines (découpeuse laser, imprimante 3D) dans les fab labs et à beaucoup d’autres choses car la démarche d’apprentissage est au cœur de ces nouveaux tiers lieux comme elle était au cœur du premier fab lab du MIT.</p>
<p>L’apprentissage entre égaux suppose la collaboration. Cette dernière est facilitée par la structuration de communautés (d’usagers, de coworkers, d’adhérents, etc.). Se côtoyer ne suffit pas, encore faut-il adhérer à un minimum de valeurs communes que certains qualifient de « californiennes » (méritocratie, liberté d’entreprendre, liberté d’accès) et d’autres comme relevant d’une éthique de hacker/maker (décrite par Michel Lallement, dans l’<em>Age du faire</em>, 2015).</p>
<p>On forme ainsi des communautés réunies par une volonté plus ou moins exprimée d’expérimenter, de tester, de bricoler (selon la formule de Claude Lévi-Strauss tirée de La Pensée sauvage) de nouvelles façons de faire. Dans le développement de logiciel on dirait « forker » c’est-à-dire de prendre un chemin de traverse (de ce nouvel embranchement naît une fourche – <em>fork</em> en anglais). Dans le langage usuel, on parlerait plutôt d’innover.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=577&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=577&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=577&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=725&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=725&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167747/original/file-20170503-21612-15e9avc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=725&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Des tiers-lieux 2.0 ?</h2>
<p>Internet a profondément changé les tiers-lieux. Le Web 1.0 était une collection de pages interconnectées sur Internet qu’il était possible uniquement de lire. Le <a href="http://darcyd.com/fragmented_future.pdf">Web 2.0</a> a tout changé. Les évolutions techniques ont permis aux utilisateurs-lecteurs de devenir producteurs de contenu (d’être proactif), de former des communautés et de collaborer. La proactivité (l’autonomie), la construction de communautés et la collaboration semblent être aujourd’hui la norme dans ces nouveaux tiers lieux, que l’on peut qualifier de « 2.0 ». Côtoyer ces tiers lieux 2.0 ouvre des perspectives.</p>
<p>Ni tout à fait chez soi, ni tout à fait un lieu de travail (traditionnel). Un entre-deux qui reflète la manière dont la conception du travail change chez des travailleurs dont la matière première à utiliser/transformer est avant tout le savoir et qui sont, qui plus est, souvent natifs du monde numérique (<em>digital native</em>). Ces travailleurs ne peuvent plus se satisfaire des formes organisationnelles héritées du taylorisme.</p>
<p>Quoi de mieux alors que des organisations qui fonctionnent comme des espaces de rencontre, de mise en réseau et dont les valeurs croisent celles des tiers lieux canoniques (espace d’expression démocratique) avec celles de l’éthique hacker (méritocratie, liberté, confiance, coopération, réciprocité, collaboration, ouverture, autonomie, responsabilité). Nous retrouvons ici une approche de l’organisation qui se centre sur les individus et en particulier leur liberté, leur responsabilité, leur bien être au travail et ce, dans une ambiance joyeuse où l’on peut être soi-même.</p>
<p>Tout n’est sans doute pas parfait dans les tiers-lieux 2.0. Ils ne révolutionnent pas de fond en comble notre manière de penser. Ils sont juste les témoins actifs de changements de société et nous permettent d’ancrer physiquement nos questionnements en matière <a href="https://theconversation.com/du-collaboratif-a-luniversite-les-academiques-doivent-ils-devenir-des-makers-71494">d’apprentissage et d’éducation</a>, <a href="https://theconversation.com/les-tiers-lieux-quelles-opportunites-pour-comprendre-et-transformer-les-pratiques-de-travail-75650">d’avenir du travail</a>, de <a href="https://theconversation.com/les-collectifs-artistes-comme-heterotopies-organisationnelles-un-modele-a-suivre-66373">management des organisations</a> ou même <a href="https://theconversation.com/la-politique-ne-se-fait-pas-a-la-corbeille-doit-elle-se-faire-dans-les-tiers-lieux-76648">d’exercice de la politique</a>.</p>
<p>Ils font, en tout cas, l’objet d’une attention croissante des chercheurs qui les voient pour ce qu’ils sont, un <a href="https://collaborativespacesstudy.wordpress.com">très convivial et très puissant laboratoire d’idées</a>.</p>
<p>Pour en savoir plus sur ces travaux et réflexions, nous vous invitons à lire la note de synthèse publiée par le groupe RGCS sur ce sujet, <a href="https://collaborativespacesstudy.files.wordpress.com/2016/10/synthese_des_recherches_rgcs_2015_2016_vff.pdf">« Nouvelles pratiques de travail : la fin du clivage salariat-entrepreneuriat ? »</a> ainsi que l’article <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01512929">« Que peut-on apprendre des tiers lieux 2.0 ? »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Vallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En quoi les tiers lieux 2.0 questionnent fondamentalement notre façon de concevoir le monde.David Vallat, Maître de conférences en économie, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/771972017-05-15T19:08:37Z2017-05-15T19:08:37ZPeut-on gouverner l’économie collaborative ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168615/original/file-20170509-10997-f2sn7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C215%2C638%2C417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les bureaux d'Airbnb à Dublin.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/designmilk/13614462323">Designmilk/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il existe un fossé considérable entre le droit et les pratiques liées à l’économie collaborative, alors que cette dernière est célébrée (de manière quasiment unanime) et consacrée par les médias.</p>
<p>Se pose alors la question du rôle de l’État, apprenti sorcier en matière de régulation de l’économie 2.0 ou économie collaborative. Cette économie rencontre un certain succès dans la <a href="https://www.afm-marketing.com/fr/content/janvier-2017-retours-sur-les-rencontres-dautomne-de-lafm">communauté scientifique</a> et <a href="http://ouisharefest.com/">dans la société</a>.</p>
<p>L’économie collaborative prône un partage des ressources et la décentralisation (via des réseaux de pairs) ; elle repose <a href="http://www.fondation-dauphine.fr/actualite/2016/10/les-mecanismes-de-confiance-dans-l-economie-de-partage">sur la confiance</a> et permet de créer du lien social. Le développement de cette « nouvelle » économie s’appuie sur le déploiement d’Internet et plus particulièrement du web 2.0 qui fournit des <a href="https://books.google.fr/books/about/What_s_Mine_Is_Yours.html?id=LiC2foFeXQYC&redir_esc=y">« outils de collaboration massive »</a> dont les réseaux de p2p font partie.</p>
<p>Enfin, elle se caractérise par des modalités d’échanges (partage, don, échange) simultanés.</p>
<p>L’économie collaborative propose également la substitution de l’usage à la propriété. Concrètement, cela signifie qu’il importe moins de posséder un bien que d’avoir accès à son usage. Enfin, elle est alimentée par une <a href="https://books.google.fr/books/about/To_Save_Everything_Click_Here.html?id=fdggBahA1qsC&redir_esc=y">idéologie du partage perçue comme positive</a>. Prenons par exemple le cas du co-voiturage, dont la promotion repose sur un triple argument : convivialité, économie pour l’usager et écologie.</p>
<p>L’échange sous toutes ses formes est le maître mot de l’économie collaborative. Tout (ou presque) peut se prêter, se louer, se troquer : de la machine à laver au repas chez l’habitant. Enfin, <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-24-juillet-2015">elle remet en cause les formes traditionnelles du modèle capitaliste traditionnel</a> et Chesky, le président-directeur général d’Airbnb de noter :</p>
<blockquote>
<p>« Le chômage et les inégalités sont au plus haut, mais nous sommes assis sur une mine d’or […]. Nous avons appris à créer nos propres contenus, mais nous pouvons désormais tous créer notre propre emploi et, pourquoi pas, notre propre secteur d’activité. »</p>
</blockquote>
<h2>Les limites de l’économie collaborative</h2>
<p>Seul problème dans ce tableau idyllique : cette économie grandit dans un cadre légal flou ou dont le sens peut être érodé, et elle s’encastre dans une « nouvelle matérialité », celle du web, permettant de contourner la loi et difficile à appréhender par le législateur. Dans notre travail de recherche portant sur la loi Hadopi, nous avons repéré les mécanismes d’érosion du sens de la loi dans cette « nouvelle matérialité » virtuelle au travers du cas du téléchargement illégal en montrant comment :</p>
<ul>
<li><p>Cette « nouvelle » matérialité déconnecte les sanctions prévues par la loi Hadopi des pratiques associées (celle du téléchargement et du streaming) ;</p></li>
<li><p>La loi Hadopi est jugée passéiste et dépassée (par opposition à la pratique) ;</p></li>
<li><p>La pratique de téléchargement illégal est rattachée à des principes moraux jugés supérieurs (comme le partage, l’accès).</p></li>
</ul>
<p>Des chercheurs comme <a href="https://books.google.fr/books/about/To_Save_Everything_Click_Here.html?id=fdggBahA1qsC&redir_esc=y">Morozov</a> et <a href="http://piketty.pse.ens.fr/fr/capital21c">Piketty</a> ont également souligné le versant sombre de l’économie collaborative. D’abord celle-ci implique l’utilisation des ressources, des compétences des consommateurs (leur temps, leurs biens) dans un cadre légal flou voire hors du salariat, dans lequel les employeurs ne sont que des intermédiaires techniques. C’est le cas notamment pour des entreprises comme Uber (les particuliers peuvent convertir leur voiture en taxi).</p>
<p>L’économie collaborative entraîne ensuite la transformation des ressources individuelles en bien productif. C’est le cas par exemple d’Uber (voiture) et d’Airbnb (appartement). Elle transforme aussi des données personnelles des individus qui peuvent être exploitées <a href="https://droitdupartage.com/">à des fins commerciales</a>.</p>
<p>Enfin, l’économie collaborative repose sur la croyance qu’elle est une solution pour la réduction des inégalités, privilégiant l’accès sur la possession de biens. Mais si l’usage prime pour les uns, alors la possession n’aura logiquement que plus de valeur pour les autres.</p>
<h2>La nécessité d’un encadrement</h2>
<p>L’économie collaborative, si elle génère un grand nombre de projets et d’initiatives louables et qu’il faut encourager, nécessite selon nous d’être encadrée et accompagnée par l’État. Des pratiques liées à cette nouvelle économie voient le jour à travers l’infrastructure matérielle du web 2.0, qui permet de mettre en relation les utilisateurs et les délestent de contraintes spatiales et temporelles. Se pose alors la question de la régulation de ces pratiques. Doivent-elles être soumises à une législation spécifique ? Quels arbitrages établir quand la loi d’un pays en contredit une autre ? Comment réguler ce qui s’apparente à des initiatives spontanées d’ouverture et de partage ?</p>
<p>Appliquer à cette économie 2.0 les lois existantes ne permet pas de résoudre les contradictions de la diversité des législations nationales. Quant à l’autorégulation, prônée par les acteurs de cette économie collaborative et les <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-numerique-2002-2-page-239.htm">libertariens tenants de l’indépendance du cyberspace</a>, elle n’offre pas de possibilité d’arbitrage ou de sanction.</p>
<p>Le pluralisme normatif, la dimension technique et l’extra-territorialité de l’économie collaborative prêtent à des controverses, dont la résolution impose de recourir à un <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2014-4-page-29.htm">« laboratoire institutionnel de la gouvernance mondiale »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alix Poels ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Auréolée de succès et d’une image positive, l’économie collaborative se développe dans un cadre juridique trop flou. Comment y remédier ?Alix Poels, Sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/770292017-05-08T06:00:25Z2017-05-08T06:00:25ZLe crowdlending, un secteur en construction<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167484/original/file-20170502-17251-uw1pv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Crowdlending.</span> </figcaption></figure><p>En février dernier, <em>UFC Que Choisir</em> a publié un <a href="http://bit.ly/2qnVNeW">rapport très critique</a> à l’encontre des plateformes de financement participatif sous forme de prêt rémunéré ou « crowdlending ». L’association de consommateurs reproche notamment aux plateformes une stratégie de communication qui vanterait des rendements affichés bien supérieurs aux rendements réels. L’association critique également le processus de sélection des projets par les plateformes qui ne permettrait pas de limiter les risques pris par les contributeurs.</p>
<p>La principale association du secteur, Financement Participatif France (FPF), a contesté, dans un <a href="http://bit.ly/2lW250v">communiqué de presse</a>, la méthodologie utilisée par <em>UFC Que Choisir</em> ainsi que son manque de transparence, et elle a proposé son propre état des lieux. Cependant, le mal était déjà fait, la presse nationale titrait massivement des mots clés alarmistes, qualifiant le crowdlending de <a href="http://bit.ly/2pCW5O6">« secteur vérolé »</a> ou de <a href="http://bit.ly/2qyOrl1">« miroir aux alouettes »</a>,</p>
<p>C’est bien la première fois que le secteur du crowdlending fait l’objet d’un tel rapport à charge contestant son utilité économique et son éthique. Jusqu’ici, le crowdlending, et le financement participatif en général qui comprend également le crowdequity et le crowdgiving, étaient associés aux <a href="http://bit.ly/2qnHbvX">valeurs humanistes</a> de l’<a href="http://bit.ly/1Q529CJ">économie collaborative</a>, et non à la corruption qu’a pu connaître la finance classique.</p>
<p>Quels sont les enjeux liés à la réception du rapport d’<em>UFC Que Choisir</em> par les acteurs du secteur, et notamment par FPF ?</p>
<h2>Qu’est-ce que le financement participatif sous forme de prêt ?</h2>
<p>Revenons sur le secteur lui-même. Le crowdlending est avant tout un outil de collecte de fonds opéré via une plateforme Internet. Il permet à un ensemble de contributeurs (souvent des particuliers) de choisir collectivement et de financer, sous forme de prêt, directement et de manière traçable des projets identifiés. Les porteurs de projet sont des particuliers, des TPE ou des PME. Il peut s’agir par exemple de financer des actifs immatériels, de la recherche et du développement, du BFR. Il peut s’agir également de s’inscrire dans des schémas de cofinancement avec des acteurs financiers plus traditionnels, banques ou fonds d’investissement.</p>
<p>Parce qu’il s’appuie sur les plateformes de pair à pair, on considère que le crowdlending fait partie de l’économie collaborative ou digitale. Parmi les causes de l’émergence de ce type de financement, on trouve la contestation du système bancaire traditionnel, mais aussi de manière plus positive, l’espoir d’incarner une vision éthique de la finance, de la société et des relations humaines.</p>
<h2>Quels sont les risques de ce secteur et où en est sa régulation ?</h2>
<p>La réalisation de cette vision dans les pratiques des plateformes se confronte aux risques théoriques de comportements déviants et de fraudes de certains acteurs : qu’il s’agisse des contributeurs (blanchiment d’argent…), des porteurs de projets (détournement d’argent…) ou des plateformes (maquillage des risques de défaut…).</p>
<p>Concrètement, et comme toute activité financière, le crowdlending présente un certain nombre de risques opérationnels. Ces risques ont largement fait l’objet de discussions au niveau sectoriel, et ce depuis l’émergence du secteur en novembre 2013. Le premier de ces risques opérationnels est lié à la bonne évaluation de la solvabilité des projets mis en ligne et à la communication adaptée qui doit en découler. Les PME présentent en effet un risque de défaut qu’il n’est pas toujours aisé d’evaluer et sur lequel les contributeurs doivent être sensibilisés de manière claire, directe et franche.</p>
<p>Face à ces risques, la réglementation a mis en place deux types de règles. D’une part des seuils maximums d’investissement par projet et par particulier qui obligent les contributeurs à diversifier leurs portefeuilles pour limiter l’impact d’un éventuel défaut de paiement. D’autre part les plateformes sont soumises à des obligations de communication sincère et transparente quant aux risques liés aux projets. Cette seconde règle soulève des difficultés : comment s’assure-t-on de la sincérité de l’information transmise par une plateforme ? Des informations sur des ratios obligatoires, par exemple le taux de défaillance des projets sur les 36 derniers mois, doivent être publiés par chaque plateforme dans un rapport annuel. La pertinence de certains de ces ratios obligatoires est contestée, souvent à juste titre, par les plateformes, et pour l’instant, aucune sanction formelle ne semble avoir été prise lorsque l’une d’entre elles n’a pas respecté ces normes de publication.</p>
<p>Mais au-delà des risques, se pose aussi la question de l’éthique du financement participatif.</p>
<h2>Les questions d’éthique dans le crowdlending</h2>
<p>Le <a href="http://lemde.fr/1TQ4ojH">cas Lending Club</a> aux États-Unis est l’exemple type des enjeux éthiques du crowdlending. Au-delà des conflits d’intérêts reprochés au fondateur et président de la plateforme de crowdlending Lending Club, c’est sa <a href="http://bit.ly/2p3XDgO">stratégie sous-jacente qui pose un problème</a>. En effet, sans en informer le conseil d’administration, ni les clients, la plateforme s’est mis à faire de la gestion d’actifs et non plus du crowdlending. En cherchant des rendements toujours plus élevés, c’est la philosophie même du financement participatif qui a été trahie, et le lien de confiance avec les prêteurs qui a été mis en danger.</p>
<p>Cette question de la confiance est essentielle dans un secteur naissant, où la transparence n’est pas toujours parfaite, et où seule la confiance du consommateur, des associations, des régulateurs et des législateurs permet au marché de se développer. De plus, contrairement aux banques il n’y a pas de rencontre physique entre les emprunteurs et les prêteurs.</p>
<p>Le fonctionnement même du financement participatif repose sur la réputation, la confiance et donc l’éthique. Ce secteur émergent est ainsi potentiellement placé sous la menace de risques réputationnels importants, avec un effet de « mouton noir » très fort. En effet si une plateforme fait n’importe quoi, c’est tout le secteur qui en pâtit, parce que le secteur est émergent, fragile et appréhendé comme un tout par les pouvoirs publics.</p>
<p>Ce sont particulièrement ces risques de « mouton noir » qui ont poussé en France les acteurs du financement participatif à se rassembler pour se <a href="http://bit.ly/2pCFfPk">structurer et s’auto-réguler dans une « méta-organisation »</a> (organisation dont les membres sont des organisations), Financement Participatif France.</p>
<h2>Le rôle de Financement Participatif France</h2>
<p>En cherchant à assurer l’éthique du secteur et des pratiques, Financement Participatif France a endossé la tâche difficile de créer et protéger collectivement la confiance dans ce nouveau secteur financier. Les régulateurs, les associations de consommateurs et les banques sont très réticents à accorder leur confiance à des acteurs qu’ils ne connaissent pas et dont ils peuvent craindre des écarts de comportement. C’est sans doute l’une des interprétations possibles du rapport d’UFC Que Choisir.</p>
<p>Une des actions importantes de FPF pour créer cette confiance a été la rédaction d’un <a href="http://bit.ly/2qszn9n">code de déontologie</a> commun à tous les membres de FPF, et régulièrement mis à jour. La création d’une fonction de déontologue au sein de FPF a aussi été essentielle pour ce dialogue collectif sur l’éthique du secteur, et pour sa structuration. Enfin, FPF a mis en place un « collège de l’écosystème » qui représente diverses parties prenantes du financement participatif : des particuliers, des banques, des cabinets de conseil, le <a href="http://www.reseau-entreprendre.org/">réseau entreprendre</a>… Cet organe de représentation a été très important pour éviter le nombrilisme des plateformes. À noter qu’UFC Que Choisir n’en fait pas partie et que le manque de dialogue entre ces deux acteurs a sans doute contribué à ce que le rapport d’UFC Que Choisir présente des erreurs factuelles parfois substantielles.</p>
<p>Sur un autre aspect, FPF a largement contribué à la création de capacités collectives au niveau du secteur, grâce à une diffusion implicite des bonnes pratiques par des ateliers destinés aux plateformes. Pour aller plus loin, FPF pourrait aussi à l’avenir encourager la rédaction d’un guide de bonnes pratiques, organiser des formations sur des sujets spécifiques d’éthique et de transparence.</p>
<p>Mais aujourd’hui, le rapport d’<em>UFC Que Choisir</em> pose de façon encore plus pressante la question de l’avenir de FPF et de son rôle dans le contrôle des plateformes. Le premier problème soulevé par cette question est celui des ressources financières de FPF qui sont limitées. FPF repose aujourd’hui principalement sur quelques bénévoles, un stagiaire et un salarié.</p>
<p>Le second problème est lié à la délégation à FPF d’un pouvoir spécifique d’enquête sur les plateformes d’une part, et de sanction des plateformes, d’autre part. Il n’est pas certain que ni les plateformes ni les membres du conseil d’administration de FPF soient disposés à ce que soit mise en œuvre une telle délégation. Cette possibilité d’agrément n’est par ailleurs prévue que pour les plateformes qui dépendent de l’AMF, et non pas pour celles qui dépendent de l’ACPR et qui étaient les premières visées par le rapport d’<em>UFC Que Choisir</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77029/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Crowdlending et financement participatif commencent à être critiqués en France. Un signe que leur développement doit sans doute être mieux expliqué et mieux régulé.Héloïse Berkowitz, Chercheure associée, École polytechniqueAntoine Souchaud, Doctorant, Labex ReFi, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/769582017-05-02T21:43:44Z2017-05-02T21:43:44ZComprendre l’entrepreneuriat à l’aune de l’agir entrepreneurial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167467/original/file-20170502-17248-134a9kb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/152362/">VisualHunt</a></span></figcaption></figure><p><em>L’ouvrage de Christophe Schmitt, <a href="http://bit.ly/2p0lXjJ">« L’Agir entrepreneurial. Repenser l’action des entrepreneurs »</a> a reçu le Prix du Meilleur Ouvrage en Management de la <a href="http://bit.ly/2oEIPoW">FNEGE</a> (dont The Conversation France est partenaire) dans la catégorie essais.</em></p>
<hr>
<p>Ces dernières années, l’entrepreneuriat, notamment en France, a beaucoup évolué. Cela se traduit en l’occurrence par un lexique ayant intégré de nouveaux mots comme <em>lean startup</em>, financement participatif (<em>crowdfunding</em>) ou encore espaces collaboratifs (espaces de coworking). L’émergence de ce nouveau lexique n’est pas neutre. Il traduit un changement paradigmatique important dans le domaine de l’entrepreneuriat. En effet, traditionnellement, l’entrepreneuriat s’est inscrit dans un paradigme de la décision selon lequel tout ce qui importait était en lien avec les décisions à prendre.</p>
<p>L’objectif de l’essai que j’ai rédigé est de faire évoluer la perspective autour de la décision en entrepreneuriat vers l’agir entrepreneurial. L’idée n’est pas de passer de la décision à l’action. C’est bien plus que cela. Il s’agit de considérer l’activité humaine dans son ensemble, en y incorporant la décision et l’action. L’agir entrepreneurial nous invite à nous affranchir de la logique linéaire dans laquelle l’entrepreneuriat s’était enfermé autour de la relation décision ⇒ action.</p>
<p>D’ailleurs, des actions peuvent précéder des décisions et des actions peuvent avoir lieu sans forcement de décision rationnelle ou même consciente. L’objectif est de revenir à la façon dont l’entrepreneuriat s’est construit à travers le temps pour comprendre la rupture actuelle proposée par des pratiques novatrices.</p>
<p>Cette construction permet d’éclairer notamment les décisions politiques, les méthodes d’accompagnement mises en place tout comme les méthodes d’enseignement de l’entrepreneuriat. Ainsi la façon dont l’action a été envisagée dans les réflexions en entrepreneuriat conditionne-t-elle fortement la représentation que nous avons pu avoir de celui-ci.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HC8QCaRaevc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Entretien avec Christophe Schmitt.</span></figcaption>
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<h2>Les trois agir qui ont structuré l’entrepreneuriat</h2>
<p>Étonnamment, l’idée d’entrepreneuriat ne s’est pas construite sur la notion d’action. En effet, l’entrepreneuriat a été considéré soit par rapport à celui qui fait l’action, l’entrepreneur, soit par rapport aux conséquences de son action. En se construisant autour d’une hypothèse implicite de séparation entre l’action, ses conséquences et son auteur, l’entrepreneuriat a fait la part belle à la partie visible de l’iceberg de l’entrepreneuriat.</p>
<p>Ainsi, dans un premier temps, c’est l’agir rationnel qui a vu le jour pour permettre de comprendre l’entrepreneuriat. Il répond à la question « Que fait l’entrepreneur ? » On trouve des traces de son émergence principalement à travers les réflexions des classiques que sont Cantillon et Say. Cet agir est tourné vers la prise de décision rationnelle. De plus, il a amené et amène encore à s’intéresser à l’impact économique des décisions prises par l’entrepreneur dans la société.</p>
<p>Cet agir a permis aussi de développer des politiques économiques afin de stimuler le développement économique. Le voilà bientôt complété par l’agir normatif, lequel s’intéresse principalement à l’entrepreneur. Celui-ci n’est pas qu’un être rationnel, il est aussi un acteur social.</p>
<p>Ici, l’apport des psychologues à partir des années 70 s’inscrit autour de la question « Qui est l’entrepreneur ? » La réponse à cette question renvoie aux travaux portant sur les compétences entrepreneuriales et l’intégration du rôle social de l’entrepreneur dans la société. Cet agir a généré des outils et des démarches pour évaluer les compétences de l’entrepreneur et favorisé le développement de l’idée de la nécessité d’ancrer l’entrepreneur dans des réseaux économiques.</p>
<p>Ces dernières années, pour leur part, ont vu l’émergence d’une réflexion autour de la notion d’effectuation développée par <a href="http://bit.ly/2pwXKCP">Sarasvathy</a>. Sans sortir du paradigme de la décision, loin s’en faut, l’effectuation se propose de répondre à la question « Comment décide l’entrepreneur ? » Il s’agit de l’agir cognitif. Le passage du « quoi » au « comment » permet d’ouvrir la boîte noire de l’entrepreneur pour comprendre ses mécanismes de décision. La principale valeur ajoutée des réflexions portant sur l’effectuation est le fait de sortir de l’abstraction de l’<em>Homo economicus</em> dans laquelle la réflexion en entrepreneuriat s’est enfermée depuis ses origines. Toutefois, l’action reste toujours la conséquence de décisions prises.</p>
<h2>L’agir entrepreneurial pour comprendre l’action entrepreneuriale</h2>
<p>À travers l’agir entrepreneurial, l’objectif est d’aller plus loin et de dépasser le paradigme dans lequel s’est construit l’entrepreneuriat à travers les trois agir évoqués précédemment. Car, il convient de changer la perspective et de considérer que la décision et l’action sont l’avers et le revers d’une même pièce : l’agir entrepreneurial.</p>
<p>Dans cette perspective, il s’agit, avant tout, de considérer l’entrepreneuriat de façon systémique à travers une situation reliant trois dimensions : l’entrepreneur (Moi), le projet entrepreneurial de l’entrepreneur et l’écosystème de l’entrepreneur. Cette situation peut se résumer autour de la question « Comment agit l’entrepreneur ? ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167361/original/file-20170501-17316-1wabbaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>On retrouve ici les différentes dimensions de l’entrepreneuriat qu’il convient d’aborder non de façon séparée, mais bien en interaction et non une fois que l’action est finie mais bien pendant que l’action se fait. Ainsi, en entrepreneuriat, ce n’est pas la création d’entreprise qui est le plus important mais le chemin pris pour y parvenir.</p>
<p>Paradoxalement, nous avons pu mettre en évidence que moins on parle de création d’entreprise aux entrepreneurs plus ils y parviennent. Cela peut s’expliquer par le fait que la création d’entreprise n’est pas l’objectif final de l’entrepreneur. En effet, le projet entrepreneurial qu’il porte est, à bien des égards, plus important à ses yeux. Ce projet doit être envisagé comme un artefact permettant la traduction du dessein de l’entrepreneur en un dessin auprès des acteurs de son écosystème (client, fournisseur, financeur, accompagnateur…).</p>
<p>Dans cette perspective, le projet entrepreneurial contient les valeurs, la vision de l’entrepreneur, son intentionnalité et, plus encore, sa posture au monde. L’agir entrepreneurial s’inscrit donc dans une perspective phénoménologique. On voit ici toute l’importance de la <a href="http://bit.ly/2pxncrY">théorie de la traduction de Callon et Latour</a> pour permettre de communiquer avec des personnes ayant des intérêts et des objectifs différents de ceux de l’entrepreneur.</p>
<h2>Intérêts et apports de l’agir entrepreneurial pour comprendre l’entrepreneuriat</h2>
<p>S’intéresser à l’agir entrepreneurial revient à changer notre paire de lunettes pour aborder l’entrepreneuriat. Nous passons d’une posture où le plan d’affaires ou business plan est considéré comme le sacro-saint des outils en matière d’entrepreneuriat permettant une planification des conséquences des actions prises par l’entrepreneur à la nécessité de repenser la posture d’accompagnement en matière d’entrepreneuriat.</p>
<p>Alors que l’entrepreneuriat à travers l’agir rationnel, l’agir normatif et l’agir cognitif s’est intéressé essentiellement à la création d’entreprise, il convient de considérer aujourd’hui par le biais de notions telles que <em>lean startup</em>, les espaces collaboratifs ou encore le financement participatif, que le chemin pris par les entrepreneurs pour construire leurs actions et/ou prendre des décisions est essentiel pour comprendre l’entrepreneuriat.</p>
<p>Dans ce sillage, les expérimentations menées <a href="http://peel.univ-lorraine.fr/">dans le cadre du PeeL</a> ont permis notamment de mettre en évidence qu’il est important d’aider l’entrepreneur à se construire une représentation cohérente de son projet entrepreneurial afin de pouvoir la communiquer aux acteurs de son écosystème. Alors qu’en entrepreneuriat les politiques en la matière, l’accompagnement ou encore l’enseignement se sont largement focalisés sur les phases en aval de l’entrepreneuriat autour de la création d’entreprise, il conviendrait désormais de s’intéresser plus aux phases en amont qui conditionnent largement la réussite des projets entrepreneuriaux.</p>
<p>Cela peut se traduire en l’occurrence par des financements pour permettre de passer les premiers caps au lieu de financer uniquement la phase où l’entrepreneur est près de créer, de générer de la confiance et de l’estime de soi auprès de l’entrepreneur lors de ses premières actions ou encore d’aider l’entrepreneur à construire du sens à partir de son idée en essayant de comprendre l’intentionnalité qui l’amène à entreprendre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Schmitt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le chemin pris par les entrepreneurs pour construire leurs actions et/ou prendre des décisions est essentiel pour comprendre l’entrepreneuriat.Christophe Schmitt, Professeur des Universités en entrepreneuriat, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/736362017-03-01T21:34:39Z2017-03-01T21:34:39ZL’entrepreneuriat-alterné : en finir avec le mythe d’une société post-salariale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158751/original/image-20170228-29929-sx5r1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Espace de co-working (Hub Vilnius). Il n'y a plus d'un côté les salariés et de l'autre les entrepreneurs... </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mindaugasdanys/5869798689/in/album-72157626920269679/">Mindaugas Danys/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, plus collaborative, plus communautaire. Cela conduit notamment à l’émergence de nouvelles pratiques de travail indissociables de nouvelles spatialités et temporalités pour les managers.</p>
<p>Au sein du réseau académique <a href="http://bit.ly/1AnFHhI">RGCS</a>, créé il y a deux ans, des chercheurs en management, en économie et en sociologie ont analysé ces nouvelles relations au travail et à l’espace de travail dans le contexte de l’économie collaborative. À la différence des recherches qui comparent les évolutions conjointes de l’entrepreneuriat et du salariat (et qui avancent parfois la disparition de l’un au profit de l’autre), ils ont choisi de questionner les catégories mêmes du débat sur les transformations du travail.</p>
<p>Leurs travaux montrent que les nouveaux statuts du travailleur sont plus cumulés ou alternés qu’il n’y paraît, en particulier dans le contexte des espaces collaboratifs. La distinction des deux catégories dans le temps et dans l’espace doit vraisemblablement être davantage questionnée par les chercheurs, les consultants comme les managers.</p>
<h2>Demain tous salariés <em>et</em> entrepreneurs !</h2>
<p>Au moment d’orienter sa carrière, il semblerait qu’il faille systématiquement choisir entre « être un salarié » ou « devenir un entrepreneur ». Pourquoi cette prétendue scission ? Contrairement à ce que nous pousse à croire notre pensée occidentale, habituée à classer les éléments en catégories exclusives, il s’agit là d’un ensemble de pratiques non dualistes. Pour le comprendre, nous devons sortir des schémas de pensée qui opposent, pour aller vers des approches intégratives et inclusives qui embrassent les possibles. Car c’est de cela dont il s’agit au fond, de l’émergence d’une société du travail plus libertaire, fondée sur la possibilité de cumuler les options de vie et les possibles bifurcations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158752/original/image-20170228-29945-1qzove5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Espace de co-working (Hub Vilnius).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mindaugasdanys/5870370996/in/album-72157626920269679/">Mindaugas Danys/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ces deux formes de travail ne peuvent en effet que s’enrichir et constituent ainsi une « boucle vertueuse » dans le processus de développement des compétences individuelles. Les recherches menées en 2015 et 2016 par RGCS montrent ainsi que certains étudiants voient l’entrepreneuriat comme une nouvelle compétence transversale à acquérir pour… séduire les entreprises et développer de l’employabilité ! Il s’agit alors de « Devenir entrepreneur pour devenir salarié », une logique inversée que résumait en ces termes une ancienne étudiante ingénieure.</p>
<p>Ainsi, à l’instar du cycle de vie, se fait jour un cycle du travail alternant (ou cumulant pour certains, notamment ceux que l’on qualifie de <a href="http://bit.ly/2lPzhIE">« slashers »</a> et qui sont déjà <a href="http://bit.ly/2bLbZQ4">plus de deux millions en France</a>) des périodes de salariat et d’expériences entrepreneuriales. Ces deux modes de travail sont en effet liés par une préoccupation commune à l’égard de la gestion du temps (la <a href="http://bit.ly/2lk4qk1">question du temps de travail</a> est d’ailleurs souvent clivante en la matière)… mais semblent se distinguer sur le <a href="http://bit.ly/2mAvZaH">sentiment du bonheur au travail</a>.</p>
<p>Face à cette problématique d’épanouissement professionnel et dans une quête grandissante de sens et de créativité au travail, ce modèle d’hybridation s’observe aussi en entreprise où les managers doivent être plus intrapreneurs et <a href="http://bit.ly/2fnm4FJ"><em>makers</em></a> que jamais.</p>
<p>C’est au cœur des <a href="http://bit.ly/2m2X7kF">espaces collaboratifs</a> que cette boucle du salariat-entrepreneuriat alterné semble la plus prégnante. En effet, ces lieux regroupent à la fois des entrepreneurs, des salariés « excubés », des salariés en transition (en déplacement loin de leur zone de travail habituelle), des salariés en situation de télétravail ou (pour les <em>maker spaces</em> et les <em>fab labs</em>) de simples bricoleurs de passage. L’enjeu est alors de faire cohabiter ces populations aux attentes hétérogènes. Le développement d’un <a href="http://bit.ly/2luMSm1">« sens de la communauté »</a> est alors crucial afin de favoriser des logiques d’entre-aide et des modes de régulation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158754/original/image-20170228-29906-pxkb0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Espace de co-working (Hub Vilnius).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mindaugasdanys/5869644031/in/album-72157626920269679/">Mindaugas Danys/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>L’importance du hacking en matière de management, de politiques publiques et d’ouverture</h2>
<p>Les recherches du réseau RGCS montrent que les <em>hackers spaces</em> et certains <em>maker spaces</em> offrent des modes de gouvernance et de régulation (loin du chaos) pouvant être intéressants pour les managers comme pour les politiques publiques.</p>
<p>Dans une dynamique d’autogestion et sans hiérarchie, les <em>hackers</em> se régulent par et avec la communauté. Ces espaces constituent des <a href="http://bit.ly/2lkjr5c">mondes intermédiaires</a> où s’élaborent de nouvelles <em>agora</em> qui multiplient les opportunités d’échanges collectifs et de jugements croisés.</p>
<p>Ils représentent des modèles d’ouverture, sur les autres et sur le monde, fondés sur le partage de connaissances, de procédures… très inspirants pour les démarches d’innovation ouverte des entreprises. Et plus loin que cela, ils s’inscrivent dans un mouvement social où la production d’un bien commun et le « faire ensemble » dépassent l’impératif d’innovation, perçu par certains comme une idéologie. L’ambition collective côtoie souvent l’ambition sociétale dans ces espaces qui s’inscrivent à contre-courant de la consommation effrénée et passive. Prolonger la durée de vie des objets, réindustrialiser un territoire voire régénérer toute une économie sont les idéaux affichés de nombreux <em>makers</em> et <em>hackers</em> rencontrés.</p>
<p>Quand le réalisme cède la place à l’idéalisme, nous pouvons entrevoir la possibilité d’une société plus épanouissante et résiliente.</p>
<h2>Mouvements collaboratifs : muse ou contre-culture ?</h2>
<p>De ce point de vue, les mouvements collaboratifs sont autant des muses que des contre-cultures pour la refonte des pratiques de travail.</p>
<p>En ce sens, ils incitent les entreprises à s’engager dans la voie de la « non-conformité constructive », c’est-à-dire vers la recherche de comportements déviants au profit de l’entreprise, source de créativité et de nombreux bénéfices (dont la création d’une <a href="http://bit.ly/2mGLkFF">« culture de l’originalité »</a>). Bien sûr, on peut s’interroger sur la finalité (être au service de la transformation de l’entreprise). La plupart des <em>hackers</em> indépendants que nous avons rencontrés se sont dits plutôt au service de valeurs et d’une communauté. L’importation des pratiques de <em>hacking</em> dans un environnement <em>corporate</em> est cependant une véritable innovation dans son esprit (on s’éloigne plus que jamais d’un contrôle hiérarchique et planifié de l’organisation).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158755/original/image-20170228-29924-1q5kw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vu dans l’espace de co-working Hub Vilnius.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mindaugasdanys/5869641537/in/album-72157626920269679/">Mindaugas Danys/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cette contre-culture pousse à la déconstruction de nos raisonnements pour les faire entrer dans des logiques intégratives, concentriques, communautaires. Le symbole du cercle est d’ailleurs emblématique de l’ère collaborative qui unit consommateurs et producteurs, salariés et entrepreneurs, <a href="http://bit.ly/2mGJRPS">sachant et apprenant</a>, politiques et citoyens, etc. Cette forme est d’ailleurs au cœur de certains espaces collaboratifs. C’est le cas de l’<a href="http://bit.ly/2m2WrMf"><em>hacker space</em> C-Base</a> à Berlin dont la mythologie des lieux s’inscrit dans un système de sept cercles concentriques tous reliés entre eux. Le groupe décisionnaire se nomme d’ailleurs le <em>« Circle »</em>.</p>
<h2>Faire évoluer nos politiques publiques pour accompagner l’hybridation</h2>
<p>Dans le temps (entrepreneuriat-alterné), dans l’espace (pour les <em>slashers</em>), au sein de certains types de communautés et de modes de gouvernance mêlant salariés et entrepreneurs (excubation, transition, <em>open innovation</em>, nouvelles formes de <em>community management</em>) ou encore dans la relation aux mouvements sociaux collaboratifs (de plus en plus importés dans un cadre organisationnel), les deux mondes interagissent, se nourrissent.</p>
<p>Les ambitions des individus, le <a href="http://bit.ly/2lSkefx">retour des communautés et la transformation de la société</a> (comme retour d’une vision isonomique et horizontale du collectif) nous incitent ainsi à dépasser de vaines dichotomies afin de mieux comprendre et de prendre en compte les nouvelles pratiques de travail. L’économie collaborative, c’est peut-être ça. Autant qu’une révolution pour aujourd’hui, la capacité à penser et repenser les catégories d’hier comme celles de demain.</p>
<p>Mais cette révolution de nos schémas de pensée doit naturellement s’accompagner d’une transformation de nos systèmes éducatifs, économiques et sociaux. La question n’est donc pas de savoir si nous tendons à évoluer vers une société avec <a href="http://bit.ly/1vE7rQD">plus d’indépendants</a> que de salariés mais de savoir comment accompagner ce potentiel d’hybridation entre ces deux formes de travail qui émerge. Cela pose en particulier, pour les politiques publiques, la question du revenu (et non salaire) universel et celle de la fluidité du contrat (engagement ?) de travail.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158756/original/image-20170228-29924-j62wud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans l’espace de co-working Hub Vilnius.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mindaugasdanys/5870201324/in/album-72157626920269679/">Mindaugas Danys/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’idée d’une « entité à durée déterminée », d’une « firme-apprentissage » est relativement contre-intuitive (tant d’ailleurs pour les politiques que pour les managers ou les académiques). Il s’agit pourtant d’une possibilité qui peut créer des externalités positives pour la société dans son ensemble.</p>
<p>Comment les politiques publiques qui ont contribué à rendre possible ce genre de trajectoires (par le statut d’étudiant-entrepreneur, par le regroupement des universités et la création d’espaces de savoirs partagés : <em>labs</em>, hubs, incubateurs, accélérateurs…) peuvent désormais en accompagner leur développement ?</p>
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<p><em>Pour en savoir plus sur ces travaux et réflexions, nous vous invitons à lire la note de synthèse publiée par le groupe RGCS sur ce sujet, <a href="http://bit.ly/2mpdglE">« Nouvelles pratiques de travail : la fin du clivage salariat-entrepreneuriat ? »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73636/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président du réseau académique et think tank RGCS (Research Group on Collaborative Spaces). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Fabbri est vice-présidente du réseau académique et think tank RGCS (Research Group on Collaborative Spaces)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amélie Bohas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des courbes sur l’évolution du nombre de salariés et d’entrepreneurs. Une réflexion sur l’ hybridation du salariat et de l’entrepreneuriat par les acteurs du collaboratif.Amélie Bohas, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université (AMU)François-Xavier de Vaujany, Professeur, PSL-Université Paris-Dauphine (DRM), Université Paris Dauphine – PSLJulie Fabbri, Professeur en stratégie et management de l'innovation, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.