tag:theconversation.com,2011:/id/topics/egalite-21597/articleségalité – The Conversation2023-02-15T23:10:23Ztag:theconversation.com,2011:article/1991402023-02-15T23:10:23Z2023-02-15T23:10:23ZL’uniforme peut-il vraiment favoriser l’égalité entre les élèves ?<p>Début 2023, les députés se sont récemment penchés sur la question de savoir s’il fallait <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">rendre l’uniforme obligatoire à l’école</a>. Si la proposition de loi <a href="https://lcp.fr/actualites/uniforme-ecole-rassemblement-national-echoue-rendre-obligatoire-160476">a été rejetée par les représentants français</a>, la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/12/brigitte-macron-favorable-au-port-de-l-uniforme-a-l-ecole_6157560_3224.html">première dame Brigitte Macron</a> avait apporté son soutien à l'idée. « Cela gomme les différences, on gagne du temps », avait-elle déclaré. </p>
<p>Ces perceptions des avantages de l’uniforme sont largement répandues – mais sont-elles vraiment fondées ? Expliquant être « partagé sur la question de l'uniforme et pas encore convaincu que c'est une solution qui permettrait de tout régler », le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a néanmoins annoncé <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/uniforme-a-l-ecole-groupes-de-niveau-au-college-stigmatisation-des-eleves-en-difficulte-le-8h30-franceinfo-de-gabriel-attal_6198180.html">« une expérimentation de grande ampleur »</a> pour évaluer l'impact de l'uniforme sur le climat scolaire et le travail des élèves.</p>
<p>Par rapport à la France, le Royaume-Uni a une <a href="https://www.exeterpress.co.uk/products/a-cultural-history-of-school-uniform">longue histoire</a> de l'uniforme scolaire, qui précède l’enseignement primaire universel. Cette tradition est renforcée par les représentations de l’école dans les médias populaires britanniques, à travers des films comme <em>St Trinian’s</em> et <em>Harry Potter</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">Uniforme à l’école, l’éternel débat ?</a>
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<p>Pour comprendre si l’uniforme scolaire a des bénéfices, nous devons avant tout nous arrêter sur les objectifs qu’ils sont censés atteindre. C’est ainsi qu’avec des étudiants de l’université d’Aberdeen, j’ai mené une <a href="https://blog.eera-ecer.de/author/dr-rachel-shanks/">recherche sur l’uniforme scolaire</a> dans les 357 écoles secondaires publiques d’Écosse. Dans 96 % de ces établissements secondaires, l’uniforme est obligatoire et l’analyse de leurs politiques montre que diverses raisons sont invoquées pour le justifier, l’accent étant porté sur <a href="https://doi.org/10.1080/01596306.2021.1931813">l’intérêt des élèves</a>.</p>
<p>La raison la plus fréquemment mise en avant est que l’uniforme favorise une éthique, une identité, une fierté et un sentiment d’appartenance. Citons ensuite le renforcement de la sécurité et la réduction de l’absentéisme scolaire, ainsi que la réduction de la concurrence et des discriminations entre élèves ou l’amélioration de l’employabilité. Les écoles ont également déclaré que l’uniforme profiterait à la réputation de l’école et améliorerait les conditions de travail des élèves.</p>
<p>Le <a href="https://www.gov.scot/publications/school-uniform-guidance-consultation/">gouvernement écossais</a> a récemment déclaré : « Il est reconnu que l’uniforme scolaire joue un rôle important dans l’implication des élèves à l’école, dans la promotion d’un sentiment d’identité et d’appartenance. » Toutefois, il n’est pas possible de déterminer si l’uniforme à lui seul a de tels effets dans la mesure où son introduction coïncide souvent avec d’autres changements tels que l’arrivée d’un nouveau chef d’établissement ou d’une nouvelle équipe de direction au sein d’un établissement.</p>
<h2>Gommer les différences ?</h2>
<p>Passant en revue les travaux sur la question, l’<a href="https://educationendowmentfoundation.org.uk/education-evidence/teaching-learning-toolkit/school-uniform">Education Endowment Foundation</a> n’a pas trouvé de lien entre port de l’uniforme et progrès dans les apprentissages. Selon une autre <a href="https://doi.org/10.3389/phrs.2021.1604212">étude d’ensemble de ces recherches</a>, aucun lien n’a été établi non plus entre uniforme et résultats scolaires.</p>
<p>Invoquée par les écoles écossaises, la sécurité est un argument qui avait déjà été mobilisé aux États-Unis où, dans les années 1990, il s’agissait de réduire la présence des gangs et la violence dans les écoles. En faisant porter à tous les mêmes vêtements, personne ne pourrait savoir qui appartenait à quel groupe ni qui soutenait telle ou telle équipe, pensait-on alors.</p>
<p>Aucune donnée britannique ne permet néanmoins de confirmer que le port de l’uniforme réduirait les tensions. Et les recherches menées aux États-Unis ont montré que, si les <a href="https://doi.org/10.1177/0013124503255002">enseignants percevaient les écoles</a> comme plus sûres, cela n’avait pas d’incidence sur le ressenti des élèves au quotidien.</p>
<p>Dans plus de 50 des écoles que nous avons étudiées, les élèves s’entendaient dire que le port de l’uniforme les préparait à leur future vie professionnelle dans la mesure où il <a href="https://doi.org/10.1177/09075682221108838">reproduirait l’environnement de travail</a>. Cependant, les emplois où l’on porte un uniforme ne sont pas les plus nombreux et, sur de plus en plus de lieux de travail, les codes vestimentaires se sont également assouplis aujourd’hui.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.ssph-journal.org/articles/10.3389/phrs.2021.1604212/full">l’uniforme aurait un impact négatif sur les filles</a>, les jeunes issus d’une minorité ethnique ou religieuse et les jeunes de sexe différent. Les tenues qu’on leur impose vont à l’encontre de leurs besoins, les filles se sentant moins à l’aise pour bouger en jupe, par exemple.</p>
<h2>Le coût de l’uniforme</h2>
<p>Selon une idée assez répandue, l’uniforme mettrait tous les élèves sur un pied d’égalité, empêchant la concurrence et la discrimination <a href="https://doi.org/10.1177/0907568203010001003">vestimentaire entre les élèves</a>, tout en améliorant la discipline de manière plus globale et en réduisant potentiellement les brimades.</p>
<p>Cependant, au lieu de créer des situations d’équité, <a href="https://doi.org/10.1163/27730840-54010003">certaines réglementations en matière d’uniformes font le contraire</a>. Les tenues peuvent <a href="https://www.childrenssociety.org.uk/information/professionals/resources/the-wrong-blazer">coûter plus cher</a> que les <a href="https://abdn.pure.elsevier.com/files/219977936/Shanks_2022_School_Clothing_Grant_in_Scotland_Policy_Briefing.pdf">aides financières</a> accordées aux familles pour leur permettre de faire face à cet achat.</p>
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<p>En Écosse, dans le secondaire, il existe une subvention nationale minimale de 150 £ par an, mais la <a href="https://www.childrenssociety.org.uk/information/professionals/resources/the-wrong-blazer">Children’s Society</a> a estimé que l’uniforme coûterait 337 £ par an en 2020. Le port de vêtements d’occasion peut être stigmatisé, c’est pourquoi les <a href="https://edinburghuniform.org/">banques scolaires</a> distribuent plutôt des uniformes neufs.</p>
<p>De nombreuses écoles ont conclu des accords exclusifs avec des fournisseurs, ce qui peut <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/468358/School_uniform_open_letter.pdf">rehausser le prix de l’uniforme</a>. Parmi les écoles de notre étude, près de 20 % avaient ce type d’<a href="https://doi.org/10.1163/27730840-54010003">accord exclusif</a>. Certaines fournissent aussi une liste d’articles recommandés pour la classe et les cours de sport, en parallèle d’une série d’interdictions. L’interdiction de ces articles courants rend l’uniforme plus coûteux et oblige à constituer des banques d’uniformes.</p>
<p>Le <a href="https://cpag.org.uk/scotland/CoSD/toolkit">Cost of the School Day</a> de l’organisation caritative Child Poverty Action Group aide par exemple les écoles à mettre en place des politiques d’uniformes accessibles à toutes les familles. Et, en effet, quand un uniforme est demandé, il importe qu’une aide financière suffisante soit accordée aux familles pour les aider à couvrir ce coût. Toutefois, il n’existe pas de base de recherche solide sur laquelle s’appuyer pour justifier l’intérêt d’un uniforme obligatoire à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rachel Shanks ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faut-il imposer un uniforme aux élèves ? Si la question fait débat en France, la tradition est bien ancrée dans les écoles outre-Manche et leur expérience permet d’en évaluer les bénéfices supposés.Rachel Shanks, Senior Lecturer in Education, University of AberdeenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1844972022-06-28T17:02:11Z2022-06-28T17:02:11ZLes allocations étudiantes au Danemark, un modèle à suivre ?<p>La crise sanitaire que nous venons de traverser amène à nous interroger collectivement sur le modèle de financement des études. Les jeunes les <a href="https://theconversation.com/avoir-20-ans-en-2020-quand-le-covid-19-revele-les-inegalites-entre-les-jeunes-148292">plus précaires</a>, notamment ceux qui doivent travailler en parallèle de leurs études pour les financer, sont ceux qui ont potentiellement été les plus touchés par la crise sanitaire.</p>
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<p>Cette situation concerne un nombre important d’étudiants, puisqu’en France 23 % des étudiants exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire sans aucun lien avec leurs études (calculs réalisés à partir de l’étude publiée par <a href="http://www.ove-national.education.fr/publication/activite-remuneree-2020/">l’Observatoire de la vie étudiante</a> en 2020).</p>
<p>À rebours du modèle français dans lequel les étudiants ne payent pas de frais d’inscription – mais ne sont pas non plus aidés financièrement à hauteur du coût de leurs études par l’État – existent deux autres <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2015-2-page-119.htm">modèles de financement des études</a>. D’un côté, nous trouvons le modèle libéral, qui caractérise les pays anglo-saxons (États-Unis, Angleterre, Australie, etc.) dans lequel les étudiants doivent s’acquitter de frais d’inscription importants, où ils peuvent s’endetter pour financer leurs études et dans lequel il existe à la fois des bourses sur critères sociaux et académiques. De l’autre côté, nous trouvons le modèle social-démocrate dans lequel les étudiants ne payent pas de frais d’inscription et reçoivent des allocations pour financer leurs études.</p>
<h2>Modèle par répartition</h2>
<p>Dans ces deux modèles de financement de l’enseignement supérieur, libéral et social-démocrate, les taux d’accès et de réussite dans le supérieur sont relativement plus élevés que dans les pays du modèle dit conservateur, caractérisant notamment la France. La part des dépenses consacrée à l’enseignement supérieur y est également plus importante (mesurée en pourcentage du PIB, dépenses publiques et privées confondues).</p>
<p>Se retrouvant pris entre deux modèles antagonistes, l’un reposant sur le financement collectif et la solidarité intergénérationnelle – via notamment l’impôt sur le revenu – et l’autre sur les contributions individuelles des étudiants – via notamment le recours au crédit – le modèle français ne parvient pas à garantir des chances d’accès et de réussite des étudiants similaires à ceux des pays du nord de l’Europe.</p>
<p>Si la France a récemment fait le choix d’instaurer des <a href="https://theconversation.com/hausse-des-frais-dinscription-en-fac-une-tendance-contre-productive-111545">frais d’inscription</a> dans plusieurs établissements et filières sélectives, ainsi que pour les étudiants extra-communautaires, il est possible de prendre exemple sur ce qui se fait dans les pays scandinaves pour mettre en place un modèle de financement de l’enseignement supérieur par répartition – par analogie avec le système des retraites et par opposition à un système par capitalisation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/attirer-les-meilleurs-etudiants-etrangers-genese-dune-politique-selective-108010">Attirer les « meilleurs » étudiants étrangers : genèse d’une politique sélective</a>
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<p>Un tel choix de société a justement été fait il y a plusieurs décennies au Danemark. Jusqu’au début des années 1960, le financement des parcours de formation était réservé aux étudiants méritants et issus d’une catégorie sociale défavorisée, celui-ci étant alors composé de bourses et de prêts d’une somme modeste. Le système a connu un premier bouleversement en 1970 avec la création d’une agence nationale chargée des bourses et des prêts.</p>
<p>Dans les années 1980, à la suite de la suppression des prêts subventionnés en 1975 (qui furent par la suite réintroduits en 1982), les dettes des étudiants ainsi que la durée des études ont augmenté sensiblement. Pour réduire l’échec à l’université et l’ensemble des problèmes lié à l’augmentation de la dette, le gouvernement décide, en 1988, de mettre en place un système de bourses universelles. Celles-ci sont assorties de conditions de réussite.</p>
<p>À partir de 1993, le montant de l’allocation dépend des conditions de vie de l’étudiant mais est indépendant du revenu des parents. Ce système est combiné à des prêts subventionnés par l’État et à la suppression des prêts bancaires. Bien que ce système ait ensuite connu de nombreuses réformes, sa philosophie est restée inchangée.</p>
<h2>Égalité des chances</h2>
<p>Si le revenu des étudiants n’excède pas 1820 euros, ceux-ci perçoivent une bourse (versée durant 12 mois) d’un montant allant de 130 à 362 euros par mois s’ils vivent chez leurs parents et de 840 euros s’ils ne vivent plus chez leurs parents (les chiffres sont issus de <a href="https://www.education.gouv.fr/eurydice-reseau-europeen-sur-les-systemes-educatifs-3182">Eurydice</a> – 2021). Des compléments sont octroyés aux étudiants qui deviennent parents, à ceux qui sont parents célibataires ou à ceux qui sont en situation de handicap.</p>
<p>Historiquement, le calcul de l’allocation délivrée aux étudiants s’est fait sur la base du <a href="https://www.jstor.org/stable/1503432">budget réel des étudiants</a> en tenant compte des besoins des étudiants dans de nombreux domaines (logements, nourriture, vêtement, assurances, sport, téléphone, etc.).</p>
<p>Pour preuve, pendant la crise sanitaire, les étudiants ont eu le droit à un complément de bourse d’un montant de 130 euros versé en octobre 2020. De plus, les étudiants bénéficient de nombreuses réductions dans les transports publics, pour la culture, pour les dépenses de santé et d’assurance, de déductions d’impôts, de places en résidences universitaires, etc.</p>
<p>Un tel système permet alors aux étudiants de se consacrer pleinement à leurs études, sans avoir besoin de travailler à côté de leurs études pour les payer. Le financement de l’enseignement supérieur au Danemark permet aux étudiants de <a href="https://www.cairn.info/devenir-adulte--9782130557173.htm">trouver leur voie</a> en privilégiant l’autonomie et l’égalité des chances. Il permet aux jeunes de mieux se projeter dans leur avenir.</p>
<p>À l’opposé d’une logique en termes d’investissement individuel entraînant des retombées monétaires, l’éducation est vue dans ce pays comme un investissement qui bénéficie à la société dans son ensemble et dont les retombées sont non seulement individuelles, mais avant tout collectives. Les étudiants eux-mêmes participent à ce financement collectif dans la mesure où leurs bourses sont sujettes à imposition.</p>
<p>Un tel système est-il transposable en France ? Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue que les <a href="http://data.uis.unesco.org/">caractéristiques démographiques</a> des deux pays ne sont pas les mêmes, le Danemark comptant moins de 310 000 étudiants en 2019, quand la France en comptait plus de 2 685 000. Nous avons étudié la <a href="https://journals.openedition.org/ei/6233">faisabilité d’un tel modèle</a> dans le cas français en termes financiers. Si le coût que cela représenterait pour les finances publiques est important (24 milliards d’euros par an), il relève avant tout d’un choix de société.</p>
<p>Néanmoins, il est important de garder en tête que les caractéristiques des systèmes d’enseignement supérieur des deux pays sont différentes. D’une part, il existe au Danemark une sélection à l’entrée à l’université. Et, d’autre part, la bourse est délivrée sous conditions de réussite. Ces deux garde-fous sont à ne pas omettre si l’on souhaite importer dans le débat public français l’idée d’une allocation d’études pour les étudiants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léonard Moulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les études sont conçues au Danemark comme un investissement qui bénéficie à la société dans son ensemble, d’où un modèle de financement de l’enseignement supérieur par répartition.Léonard Moulin, Research fellow, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1846902022-06-15T18:27:31Z2022-06-15T18:27:31ZTémoignage : Des jurys tirés au sort pour mieux recruter les enseignants-chercheurs ?<p>Le recrutement des enseignants-chercheurs a été <a href="https://kiosque.bercy.gouv.fr/alyas/search/print/lettre-daj/3433">qualifié de concours</a> par le Conseil d’État (CE, 25 février 2015, Université de Nice Sophia-Antipolis, Req n°374002). Dès lors, le principe d’égalité des candidats à un concours, découlant lui-même du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics, implique que les candidats doivent être traités de manière identique tout au long du processus de sélection.</p>
<p>Par-delà des modalités dérogatoires encore embryonnaires, il s’agit de se demander si les procédures nationales permettent de garantir la qualité scientifique des recrutements d’enseignants-chercheurs mais aussi l’égalité des candidats devant des concours de la fonction publique et donc questionner l’endo-recrutement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recrutements-academiques-les-quotas-de-genre-tremplins-pour-legalite-115592">Recrutements académiques : les quotas de genre, tremplins pour l’égalité ?</a>
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<p>Les enseignants-chercheurs sont des fonctionnaires recrutés par les universités au terme d’un processus exigeant. Leur parcours est d’abord soumis à l’évaluation et la validation préalable du <a href="https://theconversation.com/les-universites-en-france-et-leurs-sections-disciplinaires-liberte-ou-contrainte-scientifique-97843">CNU</a> (conseil national des universités), instance collégiale de professeurs d’université et maîtres de conférences qui jugent si le profil du candidat répond bien aux critères définis sur le plan national. Puis, celui-ci peut postuler auprès des universités en fonction des besoins que celles-ci expriment, à travers la publication de fiche de postes.</p>
<p>Des comités de sélection (COS) sont alors élaborés par un président de COS, professeur de l’université qui recrute, et validés par les instances de l’Université. Les membres du COS sont des enseignants-chercheurs de la discipline ou des disciplines requises par le poste. Les règles de constitution de ces COS imposent des impératifs de quorum de genre et des impératifs de quorum de rattachement (la moitié au moins des membres du COS ne doivent pas être membres de l’université qui recrute).</p>
<p>Ces règles ont pour objectif de limiter le « localisme » (tendance à privilégier les candidats venant de l’université qui recrute) et le clientélisme cooptatif des recrutements. Le COS procède à une pré-sélection sur dossiers puis à des auditions des candidats présélectionnés. Sur le papier, tout semble réuni pour une équité des recrutements. Le CNU apparait comme un garant de la qualité des parcours et le COS garant de l’adaptation du candidat aux besoins. Mais le diable est dans les détails et plusieurs questions demandent à être ouvertes : qui définit la fiche de poste ? Qui choisit les membres du COS ?</p>
<h2>Des failles aux garanties d’égalité</h2>
<p>Les postes mis au recrutement sont supposés répondre aux besoins de formation des composantes et aux besoins de recherche des laboratoires, matérialisés par la fiche de poste.</p>
<p>Les présidents de COS ont des moyens d’action importants : définir les membres du COS, composition ensuite validée par une instance de l’Université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Ils attribuent à chaque membre du COS les candidats sur lesquels ils doivent rédiger un rapport au regard du dossier envoyé par le candidat.</p>
<p>Dans une session première, le COS décide alors des candidats retenus pour audition. A l’issue des auditions, le COS dresse un classement des candidats pouvant prétendre à occuper le poste. L’instance décisionnaire de l’université entérine ou pas cette liste. Il est assez rare qu’elle ne soit pas entérinée.</p>
<p>Les garanties d’égalité des candidats sont-elles respectées ?</p>
<p>Des failles existent. Ainsi, pour créer un écran de respectabilité à des pratiques non éthiques, un des moyens le simple est d’utiliser la définition des besoins grâce à une fiche de poste correspondant à un seul candidat. La fiche de poste est alors tellement spécifique que seul un candidat local prédéfini pourra y satisfaire : les postes que le jargon universitaire appelle les « postes à moustache ».</p>
<p>La seconde faille tient aux moyens d’action importants des présidents de COS : la définition des membres du COS, composition généralement validée par une instance de l’université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Le choix des membres du COS mais aussi le pouvoir d’attribution des rapports de chacun des candidats à deux rapporteurs, membres du COS deviennent alors des moyens opaques d’infléchir la décision finale du jury.</p>
<h2>Des « endo-recrutements »</h2>
<p>L’ambition de la réforme de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU) était de s’attaquer à la variante locale du clientélisme en prévoyant la condition d’extériorité posée à l’article L. 952-6-1. Le principe de cooptation collégiale par les pairs, règle universitaire, devrait-il être mieux encadré ? L’esprit de la loi est-il respecté ?</p>
<p>Selon le professeur Charles Fortier dans <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02224783/"><em>Recrutement universitaire : accélérer le changement (AJFP 2015)</em></a> reste caractérisé par une « fermeture du marché » et une « domination des pratiques clientélistes, qui portent atteinte non seulement à l’égalité entre les candidats, mais à l’objectivité du recrutement (pour reprendre le critère wébérien du bon recrutement) ». Il indique que l’une des dysfonctions tient au fait que les membres extérieurs sont proposés, pour chaque concours, par les ressortissants locaux de la discipline considérée, et que dès lors « rien ne pouvait exclure qu’ils fussent choisis au gré des relations personnelles selon les enjeux en cause. » Le dispositif s’avère <a href="https://docplayer.fr/37886335-Charles-fortier-dir-universite-universites-coll-themes-et-commentaires-serie-actes-dalloz-2010-461-pages.html">au mieux « insuffisant et au pire contre-productif »</a></p>
<p>Son argumentaire résonne avec <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2012-2-page-126.htm">celui d’Olivier Beaud</a> : avec une commission ad hoc, le fameux comité de sélection, rien ne peut empêcher que l’on compose un comité en fonction du résultat que l’on veut obtenir : après les profils de postes dits « à moustache », voici désormais les « comités de sélection à moustache ». Tout est donc calibré pour recruter la personne déjà identifiée que l’on veut recruter, sur un profil prédéterminé. Cette personne étant, comme par hasard, issue soit de l’université ou de l’établissement qui recrute… sans compter sur les réseaux et <a href="https://www.village-justice.com/articles/contentieux-recrutement-des-universitaires-responsabilite-des-universites,35743.html">conflits de territoire de pouvoirs</a> au sein des laboratoires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jusquou-peut-on-invoquer-la-liberte-academique-174623">Jusqu’où peut-on invoquer la liberté académique ?</a>
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<p>Selon une <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/trajectoire-professionnelle-des-enseignants-chercheurs-recrutes-en-2016-83230">note d’information de la DGRH</a> du ministère de l’enseignement supérieur, publiée en juin 2017, respectivement 20 % des maîtres de conférences (MCF) et 44 % des professeurs des universités (PR) ont été endo-recrutés et les données n’ont que peu évolué depuis 2000 : il s’agit de MCF qui ont passé leur thèse dans l’établissement où ils sont recrutés et, pour les professeurs, il s’agit de MCF exerçant préalablement au moment du recrutement, déjà en fonction dans ce même établissement.</p>
<p>Mais ces données masquent une partie importante des pratiques… et la question de la définition de la notion et donc des chiffres de l’endo-recrutement des universités mériterait une vraie analyse approfondie. Certes, les formes de détournement de pouvoir sont parfois difficiles à prouver mais il est de la mission des universitaires de penser cette question… En tout état de cause, la liberté universitaire ne peut pas être un paravent derrière lequel se cacheraient ceux qui ne respectent pas la déontologie universitaire.</p>
<h2>Tirer au sort le jury de recrutement ?</h2>
<p>Face aux deux facteurs principaux d’opacité, que peut-on faire ? Le <a href="https://www.cyu.fr/bonheurs-bien-etre-organisation-numerique-habitabilite-education-universalite-relations-savoirs">laboratoire BONHEURS-EA 7517</a> de CY PARIS Université a décidé une procédure expérimentale pour recruter un MCF. Tout d’abord, la définition de la fiche poste a été large, pour permettre à de nombreux candidats de postuler : ce qui était requis était d’enrichir par ses travaux le projet scientifique du laboratoire, ce qui permettait à des candidats de disciplines différentes, d’objets de recherche différents de poser sa candidature en argumentant sur ce qu’il pourrait apporter l’équipe de recherche. Aucun « profil à moustache », donc et de fait 68 candidats ont postulé pour ce poste.</p>
<p>Ensuite le second levier était la constitution du COS. Nous avons donc :</p>
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<li><p>intégré plus de membres extérieurs qu’intérieurs dans le COS (en l’espèce 6 intérieurs et 10 extérieurs)</p></li>
<li><p>tiré au sort les membres extérieurs du COS</p></li>
<li><p>attribué les dossiers aux rapporteurs selon une règle alphabétique</p></li>
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<p>Ce tirage au sort avait pour enjeu d’éviter que le COS ne soit constitué de « proches » du président ou du laboratoire.</p>
<p>La première difficulté était d’établir une base de tirage au sort à savoir les universitaires des disciplines cernées par le recrutement. Aucune institution (ministères, Conseil national des universités, Direction générale de l’enseignement scolaire) n’a pu nous la communiquer.</p>
<p>Nous avons donc dû établir cette base de tirage au sort par nos moyens de recherche une liste de d’enseignants-chercheurs (EC), constituée à partir des sites des laboratoires français de sciences de l’éducation en y intégrant tous les membres sauf en ôtant les émérites et les MCF stagiaires qui ne peuvent pas être membres de COS. Elle n’était pas exhaustive, faute d’avoir accès à une telle liste nationale, notamment les enseignants-chercheurs dans des laboratoires d’autres disciplines, introuvables par des moyens « artisanaux » mais elle était conséquente (730 noms d’enseignants-chercheurs).</p>
<p>Nous avons aussi intégré une collègue d’une université étrangère (roumaine) que nous ne connaissions pas, dont la thématique de travail était la même que celle de note laboratoire et dont l’université est partenaire de la nôtre, collègue repérée par le service relations internationale de notre université.</p>
<p>Le tirage au sort à proprement parler a été réalisé par le vice-président de la recherche de notre université. Il a nécessité deux étapes : un premier tirage au sort n’a pas obtenu assez d’acception de participation des enseignants-chercheurs (trois, seulement un PR et deux MCF ont accepté immédiatement) : ce taux de refus important par les « tirés au sort » mériterait à analyse.</p>
<p>Le COS définitif a été constitué par un second tirage identique. Le recrutement a ensuite eu lieu selon la modalité d’une audition avec leçon.</p>
<p>Aucun système de recrutement n’est parfait. Le label européen HRS 4R (« Human Resources Strategy for Researcher ») vise notamment à améliorer les pratiques des organismes et établissements de recherche en matière de recrutement. Ce label impose des conditions d’ouverture des concours et d’équité des candidats notamment un code de conduite pour le recrutement des chercheurs et en appellent aux États membres pour assurer que les employeurs des chercheurs améliorent les méthodes de recrutement. Il s’agit de créer un système de recrutement qui soit plus transparent, ouvert, équitable et reconnu au niveau international, en tant que condition préalable à un véritable marché européen du travail pour les chercheurs.</p>
<p>Le tirage au sort des membres du COS pourrait-il se généraliser ? La toute nouvelle ministre de l’enseignement supérieur pourrait peut-être s’emparer de cette question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Beatrice Mabilon-Bonfils ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour lutter contre les biais de sélection pour les postes d’enseignants-chercheurs, un laboratoire de recherche vient de tester de nouvelles modalités de recrutement. Explications.Beatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1701342021-10-19T18:46:49Z2021-10-19T18:46:49ZBac 2022 : faut-il encadrer les évaluations du contrôle continu ?<p>Digne d’une véritable « série » télévisuelle, le feuilleton du contrôle continu au bac vient de s’enrichir d’un nouvel épisode. Chaque lycée est chargé de ce qui s’apparente à un « devoir », à rendre avant les prochaines vacances : construire et rédiger un « projet d’évaluation au sein de l’établissement », afin de cadrer le calendrier et les modalités de contrôle continu dans les matières qui seront évaluées de cette manière sur l’année 2021-2022.</p>
<p>En effet, la tentative d’instaurer des épreuves spécifiques de contrôle continu (<a href="https://theconversation.com/debat-le-bac-et-la-guerilla-des-e3c-quels-sont-les-vrais-enjeux-132792">E3C</a>, ou « épreuves communes ») ayant échoué sous les coups de boutoir de mouvements d’opposition, puis de la pandémie, le ministre a tranché en faveur du contrôle continu simple, ou strict : ce sont les notes données par les enseignants en cours d’année qui seront prises en compte, à hauteur de 40 %, dans le « nouveau baccalauréat » version 2022.</p>
<p>Des enseignants et des responsables syndicaux <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/10/11/bac-2022-les-lycees-se-mettent-en-ordre-de-marche-sur-le-controle-continu_6097939_3224.html">s’interrogent sur la pertinence</a> de cette nouvelle exigence de cadrage. Faut-il s’en réjouir, ou la déplorer ? Que révèle-t-elle exactement ?</p>
<h2>Assurer l’égalité de traitement des candidats</h2>
<p>On peut se féliciter du choix d’accorder un poids significatif au contrôle continu, pour lutter contre le bachotage, et ôter au bac sa dimension d’« épreuve couperet », tout en reconnaissant que le contrôle continu simple soulève un problème important. Comme le reconnaît le « <a href="https://eduscol.education.fr/document/5470/download">Guide de l’évaluation</a> des apprentissages et des acquis des élèves », que le ministère vient de mettre à disposition des équipes éducatives, il soulève la question de « l’égalité de traitement des élèves ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1437652329394757632"}"></div></p>
<p>La liberté pédagogique des enseignants incluant <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/accueil/380-le-defi-d-une-evaluation-a-visage-humain.html">leurs pratiques d’évaluation</a>, la diversité de celles-ci pourrait déboucher sur des évaluations n’étant en rien comparables, et tranchant de la valeur des élèves de façon très inégale. On pourrait alors parodier <a href="https://www.franceculture.fr/personne/blaise-pascal">Pascal</a> : plaisante évaluation, que les portes d’une classe bornent !</p>
<p>Il faut donc concilier le droit à la liberté d’enseigner, des uns (les enseignants/évaluateurs), avec le droit à un traitement juste et égalitaire, des autres (les candidats). Les notes retenues pour le bac doivent avoir été produites dans des conditions qui les rendent d’égale valeur au sein d’un même établissement, et, si possible, entre établissements différents. C’est à cette fin que le ministère propose comme outil le « projet d’évaluation de l’établissement », qui veut être un cadre assurant l’égalité de traitement des candidats.</p>
<h2>Des évaluations à valeur certificative</h2>
<p>La difficulté est de proposer un outil qui ne soit pas un carcan administratif, mais un cadre facilitateur. On peut tenter d’en juger à travers trois questions :</p>
<ul>
<li><p>Sur quoi le « projet d’évaluation » doit-il porter ?</p></li>
<li><p>Comment sera-t-il élaboré ?</p></li>
<li><p>À qui est-il destiné ?</p></li>
</ul>
<p>Le « Guide » du ministère spécifie d’une façon claire le champ concerné par le « projet ». Il s’agit essentiellement de fixer le choix des évaluations qui entreront dans la constitution de la moyenne de trimestre ou de semestre. En indiquant « leur nature, leur contenu, leur fréquence et leur notation ». Le Guide précise que « les notes retenues pour le calcul des moyennes (au moins trois par trimestre) correspondent à des travaux donnés à tous les élèves d’un même groupe classe et validant les mêmes connaissances, compétences et capacités ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-le-bac-a-t-il-encore-un-avenir-163323">Débat : Le bac a-t-il encore un avenir ?</a>
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<hr>
<p>Ce souci d’« harmonisation » vaut pour toutes les évaluations effectuées par les enseignants. Mais – point capital – le « projet » à écrire ne concerne que l’évaluation à fonction (à valeur) certificative. La cadre que les enseignants construiront ne concernera que les évaluations à prendre en compte pour le bac, et pas les évaluations diagnostiques, ou formatives, à visée pédagogique, dont ils restent, individuellement, les seuls maîtres.</p>
<h2>Un cadre construit par les acteurs pour éclairer les acteurs</h2>
<p>Les réponses que l’on peut apporter aux deux autres questions vont dans le même sens. Car, d’une part, si le choix des évaluations à prendre en compte est « le fruit d’une décision de l’enseignant », celle-ci est « prise de façon privilégiée en équipe pédagogique ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426955/original/file-20211018-30-xwglk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Au lycée Pasteur de Strasbourg, première épreuve commune du baccalauréat 2021, le 17 juin 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédérick Florin/AFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est une « réflexion collective » qui permet « de s’accorder sur les objets évalués, la nature et le nombre des évaluations, les coefficients, les critères retenus, les situations diverses d’évaluation et les modalités de calcul de la moyenne ». Dans l’idéal, il y aura construction participative de l’outil.</p>
<p>Et, d’autre part, le projet d’évaluation de l’établissement, qui sera donc contraignant pour les enseignants/évaluateurs du bac, est destiné à faire l’objet d’une « communication transparente et anticipée aux élèves et à leurs représentants légaux ». L’outil a pour vocation d’éclairer les acteurs (membres de la communauté éducative, élèves, et familles), en leur faisant connaître en toute clarté les règles du jeu qui auront été adoptées pour l’évaluation certificative.</p>
<h2>Des exigences toujours difficiles à concilier</h2>
<p>Finalement, la question du cadrage des évaluations certificatives révèle la difficulté, pour l’évaluation scolaire, de concilier des exigences en partie contradictoires. On est toujours sur un fil, à la recherche d’un équilibre, difficile à trouver.</p>
<p>Équilibre entre des exigences de liberté (pédagogique), et de cadrage (national). Équilibre entre des exigences de rigueur (méthodologique), et de simplicité (le processus doit être clair et compris par tous). Équilibre entre des exigences de certification (formation diplômante), et de soutien d’apprentissage (le bac doit être aussi une occasion et un instrument de progression). Équilibre entre des exigences de progressivité (suivre le développement des apprentissages), et de bilan sommatif (à l’heure du jugement final).</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Vigneault">Gilles Vigneault</a> aurait pu le chanter : qu’il est difficile d’évaluer, si l’on veut (et il le faut !) respecter les exigences fondamentales d’objectivité et de justice ! L’essentiel est d’en avoir conscience, pour ne jamais perdre de vue la nécessité de rechercher toujours les dispositifs qui offriront la meilleure balance entre leurs atouts, et leurs dangers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les notes des bulletins scolaires seront prises en compte, à hauteur de 40 %, dans le bac version 2022. Pour harmoniser le traitement des candidats, le ministère a publié un « guide de l’évaluation ».Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1693842021-10-17T15:53:48Z2021-10-17T15:53:48ZHandicap psychique au travail : comment l’adaptation est-elle pensée en milieu protégé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424967/original/file-20211006-19-iquhwd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=462%2C165%2C1581%2C1195&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aménager une place pour chacun et l’accompagner fait partie des missions des Esat, comme ici à Poissy dans les Yvelines.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Nicolas Duprey / CD 78 - Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec <a href="https://www.francetvinfo.fr/jeux-paralympiques/jeux-paralympiques-2021-la-france-explose-son-objectif-de-medailles-des-novices-deja-victorieux-et-quelques-deceptions-le-bilan-des-bleus-a-tokyo_4760811.html">54 médailles dont 11 en or</a>, la France s’est montrée relativement brillante cet été aux jeux paralympiques de Tokyo. Les athlètes s’y sont affrontés dans des disciplines spécifiques (non disputées aux Jeux olympiques) ou dans des disciplines déjà existantes mais aménagées. Pour ces dernières, les règles s’adaptent aux différentes catégories de handicap reconnus par les fédérations, non sans <a href="https://www.la-croix.com/Sport/Jeux-paralympiques-casse-tete-categories-handicaps-2021-08-25-1201172173">débats</a> autour des types de handicap concernés et des évolutions proposées.</p>
<p>Ces débats font écho aux questionnements sur l’inclusion dans le monde de l’entreprise. Employeurs, managers, et collègues se trouvent souvent confrontés au dilemme du devoir de s’adapter ou non.</p>
<p>Nos travaux, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09585192.2021.1893787">publiés</a> et à venir, s’intéressent en particulier aux établissements ou service d’aide par le travail (Esat) et au rapport qu’ils entretiennent avec les handicaps psychiques. Mises en place pour des handicaps mentaux, ces structures semblent s’adapter sous différents modes à ce public particulier.</p>
<h2>Affaires d’identités</h2>
<p>Faire évoluer une organisation selon les identités des travailleurs est une question qui se pose fréquemment pour les dirigeants d’entreprise et cela ne concerne pas que le cas du handicap. Faut-il par exemple prévoir des aménagements des horaires pour permettre une <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/05/25856-quelle-attidude-adopter-face-a-la-religion-au-travail/">pratique religieuse</a> ?</p>
<p>Deux approches organisationnelles se distinguent, l’une appelée « identity-blind » (aveugle vis-à-vis des identités), l’autre « identity-conscious » (consciente des identités).</p>
<p>La première met en avant des pratiques égalitaires qui ignorent les différences identitaires. Son <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/256746">principe fondateur</a> est de traiter tout le monde de la même manière afin de respecter le principe de non-discrimination. La deuxième considère au contraire que les différences ne peuvent être ignorées et doivent être prises en compte par souci d’équité. Des aides, des adaptations et des supports d’accompagnement complémentaires peuvent être proposés aux personnes concernées.</p>
<p>Dans le cadre du handicap, les adaptations, appelées aménagements, sont un droit que toute personne déclarée en situation de handicap peut faire valoir. L’article L5213-6 du Code du travail stipule notamment :</p>
<blockquote>
<p>« Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. »</p>
</blockquote>
<p>L’intégration du handicap dans les organisations est donc souvent traitée selon l’approche « identity conscious ».</p>
<h2>Précaution ou attention</h2>
<p>Mettre en place ou non des adaptations ? La réponse à cette question est une évidence pour les Esat. Aménager une place pour chacun fait partie intégrante de la mission de ces organisations. À leurs yeux, le travail reste un <a href="https://www.cairn.info/naitre-grandir-vieillir-avec-un-handicap--9782749252919-page-219.htm">outil d’accompagnement et de développement</a> de la personne handicapée.</p>
<p>Dans nos travaux, nous considérons la manière dont les Esat peuvent ou non développer une approche consciente du handicap psychique, un handicap dont l’importance s’accroît. Il est la conséquence de diverses maladies (psychose, schizophrénie, troubles bipolaires ou névrotiques…) et se caractérise par une altération de la cognition, des capacités de communication et de compréhension des autres.</p>
<p>Trois types de pratiques émergent de nos observations et des entretiens que nous avons réalisés. Les premières se montrent <strong>conscientes du handicap, mais ignorent les différences spécifiques du handicap psychique</strong>. Cette absence s’explique par les caractéristiques structurelles des Esat qui historiquement ont été créés pour le handicap intellectuel, le handicap psychique venant ainsi perturber le fonctionnement existant. L’absence de ressources et de personnel sensibilisé à cette catégorie particulière est aussi parfois soulignée. Durant un entretien, un accompagnateur nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« Si nous n’avons pas de formation pour expliquer pourquoi on fait des cas particuliers, les autres travailleurs peuvent penser “lui, il fait ce qu’il veut” »</p>
</blockquote>
<p>Par précaution, l’indifférenciation des pratiques reste donc parfois de mise.</p>
<p>Un deuxième groupe adopte des <strong>pratiques conscientes prenant spécifiquement en compte le handicap psychique</strong>. Il s’agit de protéger les travailleurs, en permettant par exemple l’aménagement de temps d’isolement. Le handicap psychique demande également de porter une attention particulière au suivi de traitements médicamenteux.</p>
<p>Ces points de vigilance permettent de profiter des particularités de fonctionnement du handicap psychique, qui contrairement aux handicaps intellectuels, se caractérise par des capacités de réflexion préservées. Les professionnels tentent notamment des pratiques de montée en responsabilisation, tout en demeurant attentifs à la vulnérabilité des personnes. Une psychologue raconte par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois, il est possible de leur donner des petites responsabilités, même managériales, sans pour autant trop s’appuyer sur eux ».</p>
</blockquote>
<h2>Espace de la « dernière chance »</h2>
<p>Viennent enfin <strong>des pratiques dépassant l’adaptation à la catégorie de handicap</strong> et s’adaptant à la manière dont l’individu réagit spécifiquement à sa maladie. Le handicap psychique renvoie en effet à une multitude de situations et nécessite parfois de s’affranchir de toute généralisation pour revenir à la prise en compte de l’individu.</p>
<p>Trois particularités du handicap psychique rendent nécessaire cette approche individualisée : l’absentéisme de ces personnes qui gêne la qualité de l’accompagnement fourni en Esat, l’impact fort de la vie privée sur le travail et la fluctuation de la maladie.</p>
<blockquote>
<p>« Lorsqu’ils ne viennent pas travailler, nous ne pouvons plus rien faire. Le problème avec le handicap psychique, c’est qu’on ne voit que le haut de l’iceberg. Peut être que quelque chose s’est passé à la maison qui explique la situation, mais on ne peut pas savoir », <em>explique un moniteur.</em></p>
</blockquote>
<p>Face à ces comportements, les postures managériales se complexifient. Les professionnels sont par exemple contraints de s’enquérir de la vie privée des personnes pour pouvoir poursuivre l’accompagnement et de dépasser les frontières classiques du rôle managérial. Les crises, qui arrivent lorsque la personne est dépassée par son environnement et qui peuvent conduire à des accès émotionnels et de violence, poussent aussi les professionnels dans leurs retranchements. Ces derniers vont mettre en place toutes les actions possibles pour maintenir la personne dans l’Esat, vu, dans ces situations, comme un espace de la « dernière chance ».</p>
<p>L’utilisation des pratiques individualisées reste, par ailleurs, davantage issue de l’initiative des professionnels que de celle de l’organisation. Elle demeure nécessaire pour poursuivre la mission d’accompagnement de l’Esat, bien qu’elle frôle parfois les limites de la légalité.</p>
<h2>Adaptation de l’organisation ou des individus ?</h2>
<p>La coexistence de ces trois types de pratiques dans ces milieux protégés invite à poursuivre la réflexion sur l’inclusion du handicap psychique, toujours très stigmatisé, sur le marché du travail classique. Bien qu’ils ne soient a priori pas conçus pour ce type de handicap, les Esat développent des pratiques plus ou moins « conscious » qui permettent de faire face à l’inattendu et de mieux intégrer les travailleurs.</p>
<p>Cette recherche montre aussi que lorsque l’organisation ne peut s’adapter, la seule approche possible est de considérer l’individu et ses besoins propres. Cela impose aux professionnels de développer une attention, une posture compréhensive et à ajuster leurs actions en fonction de la situation rencontrée.</p>
<p>Si ces pratiques managériales méritent d’être connues, elles sont pour autant discutables. En effet, elles naissent de l’absence d’une réponse au niveau de l’organisation. C’est parce que l’organisation n’est pas idéale que les professionnels sont contraints à être flexibles. Le support étant limité, les organisations fonctionnent grâce au dévouement des professionnels.</p>
<p>Or, si le dévouement des professionnels semble a priori vertueux, il peut aussi les conduire à l’épuisement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans les établissements ou service d’aide par le travail (Esat), les professionnels doivent souvent dépasser les frontières classiques du rôle managérial.Sarah Richard, Enseignant-chercheur en RH, directrice de bachelor à l'EM Strasbourg, Université de StrasbourgAmy Church-Morel, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Savoie Mont BlancCélia Lemaire, Maître de conférences HDR en sciences de gestion, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594902021-07-27T18:22:02Z2021-07-27T18:22:02ZDossier IA : Quand la relation homme-machine devient une question de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396349/original/file-20210421-19-1g9mm79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C908%2C3239%2C2164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’IA a-t-elle un genre&nbsp;?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/khHs6rdee7I">Maximalfocus </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce dossier rassemble les articles publiés dans « La Grande Conversation du week-end » du samedi 17 avril 2021, avec des articles des rubriques Science + Technologie, Éducation, et Économie + Entreprises.</em></p>
<hr>
<p>Avez-vous remarqué que vos assistants virtuels sont souvent des assistantes ? Ce phénomène est largement considéré comme reflétant les biais de notre société.</p>
<p>La question du genre des IA est aussi une question sur les relations entre hommes et machines. Dans son analyse basée sur ses recherches en psychologie sociale, Sylvie Borau de la TBS Business School souligne que <a href="https://theconversation.com/les-robots-feminins-sont-les-plus-humains-pourquoi-159004">nous voyons les robots féminisés comme plus humains</a> que leurs équivalents masculins.</p>
<p>Pour Agnès Helme-Guizon, Céline Ternon de l’UGA et Florence Sèdes de l’Université de Toulouse III – Paul Sabatier, ce sont également les biais du secteur de l’informatique, un domaine particulièrement masculin, qui sont en cause. Elles nous expliquent qu’une égalité femmes-hommes dans le monde de l’IA permettrait de dépasser les stéréotypes <a href="https://theconversation.com/pourquoi-est-il-important-davoir-une-egalite-femmes-hommes-dans-le-monde-de-lia-157619">que nous transmettons lorsque nous concevons les programmes informatiques et les bases de données qui permettent aux machines d’appréhender notre monde</a>.</p>
<p>Les biais en IA sont un problème qui dépasse largement le genre. Thierry Poibeau (ENS) explique ce qu’est un biais et <a href="https://theconversation.com/emploi-securite-justice-dou-viennent-les-biais-des-ia-et-peut-on-les-eviter-154579">revient sur la notion d’objectivité</a>, tandis que Christophe Pérignon (HEC Paris) explique comment on peut <a href="https://theconversation.com/un-de-programme-sexiste-comment-detecter-et-corriger-les-biais-des-ia-156874">mesurer l’équité d’un point de vue statistique</a>.</p>
<p>Enfin, deux analyses se penchent sur la formation des jeunes. Elyès Jouini et Clotilde Napp de l’Université Paris Dauphine, avec Georgia Thebault de l’EHESS et Thomas Breda de l’École d’économie de Paris, montrent que les choix de formations restent à l’heure actuelle <a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">déterminés par les stéréotypes de genre</a>, et non par le degré d’égalité femme-homme dans la société.</p>
<p>Plus enthousiasmant, Chantal Morley de l’Institut Mines-Télécom revient aussi sur l’histoire de la discipline depuis les années 50. En effet, bien que les années 80 aient marqué un tournant dans les filières de la formation en informatique en façonnant notre culture populaire et nos stéréotypes, il ne faut pas oublier qu’en informatique, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">bien des pionniers… furent des pionnières</a>.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/les-robots-feminins-sont-les-plus-humains-pourquoi-159004">Les robots féminins sont les plus humains. Pourquoi ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396348/original/file-20210421-23-1nd1m2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pourquoi percevons-nous les robots féminins comme plus humains que les robots masculins ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rafael Matigulin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les robots et les assistants virtuels intelligents sont souvent dotés d’attributs féminins. Pour freiner ce biais, nous devons d’abord mieux comprendre les racines profondes de ce phénomène.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/pourquoi-est-il-important-davoir-une-egalite-femmes-hommes-dans-le-monde-de-lia-157619">Pourquoi est-il important d’avoir une égalité femmes-hommes dans le monde de l’IA ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396347/original/file-20210421-15-vx6aot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Y a-t-il un lien entre les stéréotypes véhiculés par l’IA et le manque d’égalité dans le secteur ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/femme-femmes-cerveau-code-codage-5477735/">chenspec, Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Intégrer des femmes dans les équipes de développement pourrait permettre une IA plus égalitaire, moins sujette aux stéréotypes de genre que nous lui transmettons et qu’elle perpétue.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/emploi-securite-justice-dou-viennent-les-biais-des-ia-et-peut-on-les-eviter-154579">Emploi, sécurité, justice : d’où viennent les « biais » des IA et peut-on les éviter ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396345/original/file-20210421-21-1cjtajh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les IA apprennent à partir de bases de données qui sont rarement représentatives ou complètes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/silhouette-human-head-made-dots-particles-1716922363">local_doctor, Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une IA peut-elle être neutre ? Pourquoi des discriminations émergent-elles et dans quels cas ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/un-de-programme-sexiste-comment-detecter-et-corriger-les-biais-des-ia-156874">« Un $ % de programme sexiste » : comment détecter et corriger les biais des IA</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396343/original/file-20210421-19-1i55fv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Si un algorithme est formé à partir d’un ensemble de données biaisées de décisions passées prises par des humains, il hériterait et perpétuerait les préjugés de ces humains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/3d-rendering-robot-learning-solving-problems-680929729">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une recherche propose une méthode pour éliminer les injustices générées par l’intelligence artificielle qui peuvent mettre à mal les entreprises.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396339/original/file-20210421-13-rlw5s3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus nombreuses que les hommes dans l’enseignement supérieur, les femmes sont moins nombreuses à choisir les sciences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/doctor-research-chemical-observes-3822863/">Image by mohamed Hassan /Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La sous-représentation des femmes dans les filières liées aux mathématiques est plus forte dans les pays les plus développés et les plus égalitaires. Un paradoxe lié aux stéréotypes de genre.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">Pourquoi les filles ont délaissé l’informatique</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396338/original/file-20210421-21-1k7linn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les années 1980, les femmes, pourtant pionnières dans le secteur, se sont peu à peu retirées du marché de l’emploi informatique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Quels sont les biais qui détournent les filles des métiers du numérique, alors que des mathématiciennes et des programmeuses ont largement contribué à l’invention de l’ordinateur moderne ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retrouvez les articles publiés à l’occasion de « La Grande Conversation du week-end » du samedi 17 avril 2021, intitulée « L’IA a-t-elle un genre ? ».Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceAurélie Djavadi, Cheffe de rubrique EducationElsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633222021-06-23T20:01:03Z2021-06-23T20:01:03ZC-32 : moderniser la Loi sur les langues officielles pour mieux protéger la francophonie canadienne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408002/original/file-20210623-19-1gjs344.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3982%2C2826&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles, a déposé le projet de loi C-32 sur la réforme de la Loi sur les langues officielles le 16 juin 2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Patrick Doyle</span></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement fédéral, par l’entremise de la ministre Mélanie Joly, a récemment déposé le <a href="https://www.parl.ca/LegisInfo/BillDetails.aspx?billId=11420727&Language=F">projet de loi C-32 visant la modernisation de la Loi sur les langues officielles</a> (LLO), vieille de 51 ans. Le projet de loi introduit des mesures ambitieuses pour atteindre l’égalité réelle entre le français et l’anglais.</p>
<p>Il s’agit de la plus importante proposition de réforme sur le statut du français et de l’anglais au Canada depuis l’adoption, en 1982, de la Charte des droits et libertés, qui a inscrit les principales dispositions de la LLO de 1969 dans la Constitution canadienne. La dernière grande réforme remonte à 1988.</p>
<p><a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/o-3.01/page-1.html">La Charte et la LLO</a> proclament toutes deux que « le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et qu’ils ont un statut et des droits et privilèges égaux […] dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reforme-de-la-loi-sur-les-langues-officielles-un-pari-prometteur-mais-perilleux-155926">La réforme de la Loi sur les langues officielles : un pari prometteur, mais périlleux</a>
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<p>En réalité, bien sûr, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-630-x/11-630-x2018001-fra.htm">comme Statistique Canada le rapporte régulièrement</a>, l’anglais domine partout alors que le français est en déclin, <a href="https://www.ledroit.com/actualites/le-declin-du-francais-se-poursuit-constate-statistique-canada-324385600e8254b653334ad0bc88e02e">y compris au Québec</a>.</p>
<p>À l’instar de la nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/organisation/publications/publications-generales/egalite-langues-officielles.html">politique linguistique publiée au mois de février</a>, le projet de loi C-32 se fonde sur le constat indéniable « que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais » et que le gouvernement fédéral doit en faire plus pour protéger le français.</p>
<p>En ce sens, le projet de loi C-32 concorde avec les principes bien établis en matière de droits de la personne : les différentes réalités exigent un traitement différencié afin que l’égalité réelle (par opposition à l’égalité formelle) puisse être réalisée. Une approche explicitement asymétrique aux langues officielles constitue un changement législatif remarquable et salutaire.</p>
<p>En tant que chercheur et professeur s’intéressant aux droits linguistiques des communautés de langues officielles minoritaires et des peuples autochtones, j’estime que le projet de loi C-32 atteint son objectif de favoriser une « égalité réelle » entre les deux langues officielles.</p>
<h2>En faire davantage pour le français</h2>
<p>Atteindre une égalité réelle entre les langues officielles, c’est donner un coup de pouce au français. À cette fin, le projet de loi C-32, qui fait plus de 55 pages, introduit une gamme de mesures ambitieuses visant à soutenir les communautés francophones et leurs institutions, à améliorer l’accès à l’immersion française et, plus généralement, à renforcer l’exemplarité du gouvernement fédéral en matière de bilinguisme officiel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-malaise-francais-dans-la-fonction-publique-federale-153506">Le « malaise français » dans la fonction publique fédérale</a>
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<p>Par exemple, la loi obligerait désormais le gouvernement à adopter une politique d’immigration francophone favorisant la vitalité des communautés minoritaires francophones, en mettant l’accent sur le recrutement d’enseignants francophones pour les programmes d’immersion, de langue seconde et de français. L’objectif ici, exprimé dans le préambule que propose le projet de loi C-32, est d’améliorer les possibilités pour tous les Canadiens d’acquérir les deux langues officielles et de favoriser une plus grande cohésion sociale à l’échelle du pays.</p>
<p>De nombreux changements sont sensés et opportuns, comme l’exigence d’une révision périodique de la LLO tous les dix ans et le renforcement des pouvoirs d’exécution du commissaire aux langues officielles. De plus, le projet de loi C-32 reconnaît les démarches de réappropriation et de revitalisation linguistique entreprises sous l’égide de la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/I-7.85/page-1.html">Loi sur les langues autochtones</a>.</p>
<h2>Le secteur privé interpellé</h2>
<p>L’une des propositions les plus ambitieuses est l’application de la LLO aux entreprises privées relevant de la compétence fédérale (comme les banques, les entreprises de transport et de télécommunication) qui exercent leurs activités au Québec et dans les régions du Canada à forte présence francophone, telles que le Nouveau-Brunswick et l’Est de l’Ontario.</p>
<p>Ces dispositions du projet de loi C-32 sont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1801485/projet-loi-langues-entreprises-gouvernement-federal">calquées sur le projet de loi 96 déposé en mai à Québec</a> visant, entre autres, à assujettir les entreprises fédérales à la Loi 101. Ces projets de loi parallèles ont le même objectif : protéger le français en dehors du secteur public et normaliser son utilisation comme langue de travail et de service dans un plus grand nombre de milieux.</p>
<p>Au Québec et dans d’autres régions francophones, les employeurs et les entreprises de compétence fédérale seraient tenus de communiquer avec les travailleurs et les consommateurs dans la langue officielle de leur choix.</p>
<p>La reconnaissance du fait que le secteur privé ait un rôle à jouer dans la promotion de la sécurité linguistique est un développement opportun. Il reste cependant à voir si cette mesure saura satisfaire le <a href="http://www.blocquebecois.org/2020/11/24/declin-du-francais-le-bloc-quebecois-veut-etendre-la-loi-101-aux-entreprises-de-competence-federale/">Bloc québécois</a> et les autres partis de l’opposition qui privilégient la proposition législative québécoise.</p>
<h2>Une Cour suprême bilingue</h2>
<p>Une autre proposition phare est d’abroger la disposition de la LLO qui exempte actuellement la Cour suprême du Canada de l’obligation d’assurer que les juges saisis d’un appel puissent comprendre les deux langues officielles sans l’aide d’un interprète. Cette mesure codifie la pratique actuelle du gouvernement qui consiste à ne nommer que des juges bilingues et alignerait la Cour suprême sur les autres cours et tribunaux fédéraux.</p>
<p>Certaines critiques allégueront qu’une telle mesure fera obstacle aux candidats autochtones et racialisés. En revanche, la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1802385/trudeau-mahmud-jamal-juge-cour-supreme">nomination récente du juge Mahmud Jamal</a> – la première personne non blanche à être nommée au plus haut tribunal du pays – démontre éloquemment que la diversité et le bilinguisme sont loin de s’exclure mutuellement au Canada.</p>
<h2>Les périls de la politique partisane</h2>
<p>Bien que le projet de loi C-32 contienne plusieurs des <a href="https://www.journaldequebec.com/2021/02/17/mon-plan-pour-proteger-et-renforcer-la-langue-francaise">propositions avancées par le chef du parti conservateur Erin O’Toole pour protéger le français</a>, il va beaucoup plus loin et sa portée ambitieuse allumera assurément l’opposition. Par exemple, le projet de loi C-32 reconnaît la CBC/Radio-Canada comme une institution fédérale phare qui promeut la vitalité des deux langues officielles dans tout le pays, une mesure qui vise probablement à contrecarrer le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1765516/erin-otoole-cbc-crtc">plan de Erin O’Toole d’affaiblir considérablement le radiodiffuseur national</a>.</p>
<p>Une autre disposition potentiellement litigieuse est celle qui enchâsse le Programme de contestation judiciaire dans la LLO. Le Programme, qui finance les litiges contre le gouvernement relatifs au droit à l’égalité et aux droits linguistiques, a été <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/323207/contestation-judiciaire">aboli par les conservateurs en 2006</a> avant que les libéraux ne le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1015421/gouvernement-federal-retablissement-programme-contestation-judiciaire">rétablissent et l’élargissent en 2017</a>.</p>
<p>Si le gouvernement déclenche une élection au cours des prochaines semaines, <a href="https://www.nationalobserver.com/2021/06/23/news/trudeau-says-parliament-toxic-election-rumours-persist">comme le veut la rumeur</a>, le projet de loi C-32 mourra au feuilleton. Le cas échéant, le <a href="https://www.francopresse.ca/actualites/politique/beaucoup-de-bonnes-petites-choses-mais-un-moment-mal-choisi-et-des-oublis-considerables-pour-c-32-17e3a6bd4c729377c2541a7024463e8b">gouvernement s’est engagé à le déposer derechef</a> dès l’ouverture de la prochaine session parlementaire.</p>
<p><a href="https://www.theglobeandmail.com/opinion/editorials/article-under-justin-trudeau-official-bilingualism-as-we-know-it-is-over/">Certains médias anglophones</a> critiquent la surenchère sur le français qu’opère le projet de loi C-32. En revanche, les réformes proposées reflètent largement les <a href="https://fcfa.ca/projet-de-loi-c-32-un-pas-substantiel-en-avant-pour-la-francophonie-et-pour-le-canada/">aspirations des communautés francophones et acadiennes</a>. Sa mise en œuvre est réalisable si les partis arrivent à s’entendre sur l’importance de faire primer la sécurité linguistique des communautés minoritaires sur la bisbille partisane.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163322/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Larocque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Atteindre une égalité réelle entre les langues officielles, c’est donner un coup de pouce au français. À cette fin, le projet de loi C-32 introduit des mesures ambitieuses.François Larocque, Professor, Research Chair in Language Rights, Faculty of Law, Common Law Section | Professeur, Chaire de recherche Droits et enjeux linguistiques, Faculté de droit, Section de common law, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1576192021-04-16T13:44:11Z2021-04-16T13:44:11ZPourquoi est-il important d’avoir une égalité femmes-hommes dans le monde de l’IA ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394463/original/file-20210412-15-u5k15g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=373%2C0%2C1540%2C982&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Y a-t-il un lien entre les stéréotypes véhiculés par l’IA et le manque d’égalité dans le secteur ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/femme-femmes-cerveau-code-codage-5477735/">chenspec, Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Avez-vous remarqué que les assistants virtuels se prénomment Alexa (Google), Siri (Apple) ou Cortana (Microsoft) ? Et que la version initiale de Siri répondait « <a href="https://en.unesco.org/Id-blush-if-I-could">I’d blush if I could</a> » (« je rougirais si je le pouvais ») quand la question ne pouvait être interprétée. Connaissez-vous <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/ELIZA">Eliza</a> ? Une pionnière, l’IA ancêtre des agents conversationnels ou <em>chatbots</em> capable de « dialoguer » avec les humains dès 1964. Avez-vous entendu parler de <a href="https://www.hansonrobotics.com/being-sophia/">Sophia</a> de Hanson Robotics, annoncée comme l’humanoïde la plus avancée et réputée figurer le futur de l’IA ? Dotée d’un visage (quasi) humain, elle est invitée sur les plateaux de télé pour partager son quotidien, et a même été faite citoyenne d’Arabie saoudite.</p>
<p>Alors que dans l’industrie et dans l’armée les robots portent plutôt des noms masculins (Syrano, <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/shark-nouveau-champion-francais-des-robots-militaires_651463">Barakuda</a>), les IA de type « assistant personnel », comme les GPS, parées d’attributs féminins, rendent service, sont à l’écoute, répondent poliment. Y aurait-il un lien entre ces représentations stéréotypées et le manque d’égalité aujourd’hui dans le secteur de l’IA ?</p>
<p>De nombreux acteurs se penchent sur la question de l’égalité femmes-hommes dans le numérique, par exemple l’<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b1016_rapport-information,">Assemblée Nationale</a>, la <a href="https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/gender-equality/gender-equality-strategy_fr">Commission Européenne</a> ou l’<a href="http://www.unesco.org/new/fr/culture/gender-and-culture/gender-equality-and-culture/the-report">UNESCO</a>. C’est également une préoccupation forte des <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid141320/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid141320/lancement-de-4-instituts-interdisciplinaires-d-ia-3ia-et-ouverture-de-deux-appels-a-projets-complementaires.html">Instituts interdisciplinaires de l’intelligence artificielle</a> créés en 2019, qui ont notamment organisé une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HK8LDm3mLmA">table ronde commune</a> le 8 mars 2021 afin de sensibiliser les communautés de l’IA (universitaires et industriels) à ces questions, en dressant un état des lieux des inégalités femmes-hommes et un panorama des initiatives menées au sein de ces instituts interdisciplinaires.</p>
<h2>L’intelligence artificielle, une technologie à l’usage de tous les domaines sociétaux, et pourtant à dominante masculine</h2>
<p>L’IA cherche à reproduire le fonctionnement du cerveau humain. On peut la <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/nouvelles-technologies/essentiel-sur-intelligence-artificielle.aspx,21-11-2017">définir comme</a> « un ensemble d’algorithmes conférant à une machine des capacités d’analyse et de décision lui permettant de s’adapter intelligemment aux situations en faisant des prédictions à partir de données déjà acquises ».</p>
<p>L’IA n’est pas un métier en soi, mais une technologie utilisée dans différents domaines – santé, communication, bâtiment, marketing, industrie, juridique – et qui fait appel à plusieurs spécialités – mathématiques, informatique, sciences cognitives notamment.</p>
<p>Dresser un tableau exact de la situation comparée des femmes et des hommes en IA n’est pas aisé. Toutefois, on peut citer la <a href="https://www.monster.fr/recruter/conseil-en-ressources-humaines/marche-emploi/statistique-emploi/emploi-numerique-et-mixite-7-chiffres-a-retenir/">moyenne de 20 % de femmes</a> dans les écoles d’ingénieurs et les métiers du numérique, ainsi que les 29 % de femmes dans les métiers de la <em>data science</em> et de l’IA, ainsi qu’un taux de femmes inférieur à 20 % parmi les spécialistes de l’IA <a href="https://www.weforum.org/reports/gender-gap-2020-report-100-years-pay-equality">au niveau mondial en 2019</a>. En 2018, les femmes représentaient environ 10 % des effectifs de Google et Facebook aux <a href="https://www.wired.com/story/artificial-intelligence-researchers-gender-imbalance/">postes techniques et scientifiques</a>.</p>
<h2>Les bénéfices associés à l’égalité femmes-hommes dans les équipes de développement de l’IA</h2>
<p>Une <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/utiliser-ia-societe-egalitaire">IA égalitaire</a>, développée par des équipes mixtes, pourrait se révéler un levier fondamental pour la mixité.</p>
<p>Une IA égalitaire qui serait utilisée pour le recrutement proposerait indifféremment des femmes et des hommes pour les postes à responsabilités. Elle enseignerait en se comportant de la même manière avec les garçons et les filles et proposerait des livres de cuisine ou des jeux de réflexion sans cibler un genre en particulier. Les outils dotés d’une IA égalitaire contribueraient à lever les biais de genre et au respect des droits de toutes et tous à tous les moments de la vie : de l’école à l’entreprise, à la banque, chez le médecin comme face à un site Internet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-de-programme-sexiste-comment-detecter-et-corriger-les-biais-des-ia-156874">« Un $ % de programme sexiste » : comment détecter et corriger les biais des IA</a>
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<p>Or, il est aujourd’hui reconnu que les IA véhiculent les stéréotypes et reproduisent la discrimination, que ce soit par exemple par la <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/intelligence-artificielle/intelligence-artificielle-la-reconnaissance-faciale-est-elle-misogyne-et-raciste_121801">reconnaissance faciale</a>, la <a href="https://siecledigital.fr/2020/03/25/la-reconnaissance-vocale-nexclurait-pas-le-racisme/">reconnaissance vocale</a> ou encore la <a href="https://www.lesnouvellesnews.fr/quand-lintelligence-artificielle-au-service-de-la-pub-aggrave-les-discriminations/">communication ciblée</a>, du fait principalement des données utilisées pour entraîner ces IA. Par exemple, les systèmes de reconnaissance faciale sont plus performants sur des visages à peau blanche que sur des visages à la peau plus sombre, et sur des visages d’hommes que de femmes, car les données d’apprentissage contiennent essentiellement des visages d’hommes à peau blanche. De même, les moteurs de reconnaissance faciale chinois ont d’excellentes performances sur les visages de leurs compatriotes uniquement. Ces exemples soulignent l’importance cruciale des bases d’apprentissage, sur lesquelles ces systèmes « apprennent » en termes de qualité, d’exhaustivité et de représentativité.</p>
<p>Intégrer des femmes dans les équipes de développement pourrait permettre l’inclusion de données et de points de vue propres aux femmes en raison des effets de l’« appartenance groupale » <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2009-1-page-61.htm">sur les émotions et les comportements</a>. En effet, il est démontré depuis plus de 50 ans que l’appartenance groupale induit des biais positifs au sein du groupe et sur la discrimination intergroupe.</p>
<p>De même, plus les « fabricants de l’IA » seront diversifiés, sur le plan de l’origine ethnique, culturelle, du niveau ou type d’étude, plus de points de vue différents pourront être pris en compte, ce qui favorisera la création de bases d’apprentissage plus représentatives de la société, et permettra ainsi de mieux garantir la bonne robustesse et fiabilité des algorithmes d’IA.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emploi-securite-justice-dou-viennent-les-biais-des-ia-et-peut-on-les-eviter-154579">Emploi, sécurité, justice : d’où viennent les « biais » des IA et peut-on les éviter ?</a>
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<p>Ainsi, la mixité et la diversité au sens large des équipes pourraient conduire à une IA plus inclusive et plus égalitaire, en plus des <a href="https://www-cairn-info.sid2nomade-1.grenet.fr/revue-management-et-avenir-2008-4-page-18.htm">bénéfices connus</a> de la mixité des équipes, que sont une meilleure performance et une productivité et une créativité accrues.</p>
<h2>Les filles sont les grandes absentes des filières du numérique</h2>
<p>Depuis la réforme du baccalauréat, 3,7 % d’élèves de première <a href="https://www.education.gouv.fr/la-rentree-2020-les-eleves-de-terminale-precisent-leur-choix-de-parcours-307016">ont choisi la spécialité NSI</a> (« Numérique et Science informatique »), parmi lesquels à peine 10 % de filles. Après le bac, moins de 15 % d’étudiants ingénieurs en informatique sont des étudiantes, à comparer avec les 40 % et plus de femmes dans les <a href="https://www-cairn-info.sid2nomade-1.grenet.fr/revue-carrefours-de-l-education-2004-1-page-42.htm">années 70</a>. Ce mouvement de désintérêt des filles pour les carrières scientifiques en général et du numérique en particulier, <a href="https://journals.openedition.org/ticetsociete/955?gathStatIcon=true&lang=fr">amorcé dans les années 80</a>, <a href="https://www.le-passeur-editeur.com/les-livres/essais/les-oubli%C3%A9es-du-num%C3%A9rique/">perdure</a> malgré des initiatives menées par un grand nombre d’acteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>La création de la spécialité NSI a mené à la <a href="https://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid137910/creation-capes-numerique-sciences-informatiques.html">création d’un CAPES</a> et d’une agrégation d’informatique. Ces débouchés potentiels pourraient rendre les filières informatiques plus attractives pour les filles. La multiplicité des métiers impactés par l’IA doit aussi être une opportunité pour faire connaître les approches « métiers » qui en découleront, en termes de défis citoyens, sociétaux, inclusifs, éthiques et exemplaires en termes de protection des données, de la vie privée et des libertés.</p>
<p>Une raison de ce désintérêt pourrait être les <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/les-femmes-ne-sinteressent-pas-aux-sciences-vraiment-20210210_ULZNLP7N25EWJLTLKKWXQKYANU/">stéréotypes de genre</a>. Véhiculés par tous les acteurs de la société, française et européenne en général, ces stéréotypes (comme « les filles ne sont pas faites pour les maths ») sont acquis et acceptés par les filles dès l’école <a href="https://www.terrafemina.com/article/les-fillettes-se-considerent-moins-intelligentes-que-les-garcons-des-6-ans_a326818/1">élémentaire</a>. À cet égard, les contre-exemples de certains pays, comme Oman ou la Malaisie, où respectivement 75 % et 62 % des <a href="https://fr.unesco.org/sites/default/files/usr15_is_the_gender_gap_narrowing_in_science_and_engineering_fr.pdf">diplômés en sciences sont des femmes</a>, montrent bien que non seulement il s’agit bien de préjugés ancrés dans la société et non de caractère essentialiste, mais aussi qu’il est possible d’œuvrer pour inciter les filles à se tourner vers les métiers scientifiques et numériques.</p>
<h2>Favoriser l’égalité entre les sexes face aux sciences numériques à tous les âges de la vie</h2>
<p>L’éducation pourrait contribuer à améliorer la féminisation du numérique.</p>
<p>À l’école primaire, les <a href="https://www.fondation-lamap.org/fr/psc">Partenaires scientifiques pour la classe</a> organisent par exemple des interventions en classe réunissant élèves, professeurs et scientifiques autour de la pratique scientifique et technologique, éveillant ainsi l’intérêt de tous les enfants, filles et garçons, pour la démarche d’investigation et les métiers liés.</p>
<p>Pour les enseignants et enseignantes, <a href="https://aniti.univ-toulouse.fr/">l’Institut Interdisciplinaire d’IA de Toulouse</a> propose un dispositif centré sur l’IA pour leur permettre de réaliser des ateliers de sensibilisation auprès de leurs classes. Par ailleurs, les Maisons pour la science, qui contribuent au développement professionnel des professeurs des écoles et des collèges, proposent des formations spécifiques en <a href="https://www.maisons-pour-la-science.org/node/1480528">lien avec l’IA</a> ou sur les <a href="https://maisons-pour-la-science.org/node/17492">stéréotypes de genre</a>.</p>
<p>Des expositions comme la <a href="https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/la-science-taille-xx-elles">Science taille XXelles</a>, visant le grand public, les parents et les enfants, dressent le portrait de ces femmes scientifiques et permettent non seulement d’afficher la mixité de tous les métiers, mais aussi à des jeunes filles de s’identifier à ces <a href="https://blog.adatechschool.fr/qui-sont-vraiment-nos-role-modeles/">rôles modèles</a>.</p>
<p>L’IA hérite de la situation d’inégalité et de discrimination du domaine numérique et des formations et métiers de l’informatique. L’égalité femmes-hommes est un des objectifs parmi les <a href="https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/">17 Objectifs Développement Durables de l’ONU</a>. Au-delà de l’équilibre des genres, la responsabilité sociétale démontre la nécessité de considérer la question de l’inclusion en luttant contre les inégalités sociales, les discriminations. L’IA, domaine de compétence nouveau, en pleine maturation, doit s’emparer de ce défi en devenant inclusive.</p>
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<p><em>Cet article a été coécrit par <a href="https://www.linkedin.com/in/marjorie-allain-moulet-b2718b57/ ?originalSubdomain=fr">Marjorie Allain-Moulet</a>, Responsable R&D IA et data chez CS GROUP et Coordinatrice industrielle du 3IA de Toulouse ANITI</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Helme-Guizon est membre du bureau scientifique de MIAI@UGA (Multidisciplinary Institute of Artificial Intelligence) de l'université de Grenoble Alpes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Céline Ternon est chargée de mission Égalité Femmes-Hommes à Grenoble INP Institut d’ingénierie et de management, Université Grenoble Alpes, Vice-Présidente de l'association Parité Science et membre de Femmes & Sciences. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florence Sèdes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Intégrer des femmes dans les équipes de développement pourrait permettre une IA plus égalitaire, moins sujette aux stéréotypes de genre que nous lui transmettons et qu’elle perpétue.Agnès Helme-Guizon, Professeure des Universités, Marketing social, Grenoble IAE Graduate School of ManagementCéline Ternon, Maitresse de Conférences, Grenoble INP, Université Grenoble Alpes (UGA)Florence Sèdes, Professeure des Universités en Informatique - Vice Présidente en charge de la Responsabilité Sociétale de l'Université, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1560622021-03-07T19:28:59Z2021-03-07T19:28:59ZLes « zones blanches » de la parité en politique : la nouvelle loi sera-t-elle efficace ?<p>Dans les 10 plus grandes villes françaises, cinq femmes ont été élues ou réélues maires : Anne Hidalgo pour Paris, Michèle Rubirola pour Marseille, Jeanne Barseghian à Strasbourg, Martine Aubry à Lille, Johanna Rolland à Nantes. Cette actualité, fortement médiatisée, ne saurait masquer la réalité.</p>
<p>À l’issue des dernières élections municipales et communautaires, les femmes représentent selon un <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/bulletin-dinformation-statistique-bis-1">récent rapport</a>, 19,8 % des maires et 11,2 % des président·e·s d’Etablissement public de coopération intercommunale – regroupement de communes permettant l’exercice en commun de certaines de leurs compétences. Il existe 1253 EPCI pour environ 35 000 communes en France. Le rapport note une légère progression par rapport à 2014, mais cela reste très faible. Par ailleurs, si les conseils municipaux des communes de plus de 1 000 habitants sont désormais paritaires depuis 2014, les femmes représentent 37,6 % des élu·e·s des communes de moins de 1 000 habitants.</p>
<p>Pour l’ensemble des communes, seulement un tiers des 1ers adjoint·e·s sont des femmes. Enfin, elles représentent 35,8 % des élu·e·s des EPCI et n’y occupent qu’un quart des sièges de vice-président·e·s.</p>
<p>Ce sont, d’après la formule du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, les « zones blanches » de la parité en politique, soit les espaces politiques où les femmes et les hommes ne sont numériquement pas à égalité.</p>
<p>Une nouvelle loi est prévue d’ici la fin de l’année pour tenter de les combler. Il s’agira notamment de renforcer la parité dans les communes de moins de 1000 habitants, dans les exécutifs locaux et dans les conseils communautaires.</p>
<p>Cette nouvelle réforme arrivera deux ans après la loi <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/268675-loi-du-27-decembre-2019-engagement-dans-la-vie-locale-loi-sur-les-maires">« Engagement et proximité »</a> promulguée le 27 décembre 2019 qui, tout en apportant un certain nombre d’avancées, avait repoussé le cœur du débat en prévoyant une modification du code électoral avant le 31 décembre 2021 afin d’« étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements ».</p>
<h2>Les avancées de la loi « engagement et proximité » en 2019</h2>
<p>La loi « engagement et proximité », contient plusieurs avancées concernant la place des femmes dans les municipalités.</p>
<p>D’abord la liste des adjoint·e·s dans les communes de plus de 1 000 habitants devra dorénavant être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe de sorte que si le 1<sup>er</sup> adjoint est un homme, le second soit une femme et ainsi de suite.</p>
<p>Ensuite, plusieurs mesures relatives à la conciliation des sphères de vie ont été votées : prise en charge des frais de garde des personnes à charge pour les élus locaux, généralisation du congé électif de 10 jours pour faire campagne, augmentation du crédit d’heures pour les élu·e·s salarié·e·s, formation obligatoire pour les élus des communes de moins de 3 500 habitants…</p>
<p>Ces mesures importantes devraient permettre de dépasser un certain nombre de pesanteurs <a href="https://theconversation.com/maires-ou-sont-les-femmes-131078">socio-psychologiques</a> relatives à la conciliation des sphères de vie ou au sentiment d’incompétence qui pèsent majoritairement sur les femmes lorsqu’il s’agit d’investir le champ politique.</p>
<p>Cependant, l’abaissement du seuil d’application du scrutin de liste paritaire aux communes de plus de 500 habitants, qui aurait permis de rendre la parité obligatoire dans 7 000 communes supplémentaires, n’a pas été adopté.</p>
<p>Proposée par le gouvernement, la mesure a souffert de plusieurs oppositions, notamment du Sénat et d’une partie des maires. Le principal argument soutenait la difficulté à constituer des listes complètes, faute de candidat·e·s, dans les communes les plus petites.</p>
<h2>Des binômes pour valoriser les femmes</h2>
<p>La commission des lois de l’Assemblée Nationale travaille actuellement sur le sujet, via la Mission Flash menée par Élodie Jacquier-Laforge (Dem, Isère) et Raphaël Schellenberger (LR, Haut-Rhin) dans le but de préparer la prochaine réforme.</p>
<p>Les enjeux sont nombreux pour ce nouveau texte qui permettra de légiférer pour la 4<sup>e</sup> fois en 20 ans sur la parité en politique.</p>
<p>D’abord, pour répondre au problème de la sur-masculinisation des têtes d’exécutif (maires et présidents d’EPCI), est évoquée l’idée des « tickets paritaires ». Il s’agirait d’élire un binôme femme/homme aux fonctions de maire/1<sup>er</sup> adjoint ou président/1<sup>er</sup> vice-président.</p>
<p>L’idée est sur la table depuis quelques années. Si son adoption ne permettrait pas de faire la parité dans l’immédiat parmi les maires et les président·e·s d’EPCI, la mesure aurait pour conséquence de faire « monter » des femmes à des postes de n°2 qui, on le sait, prédisposent à prendre la tête de l’exécutif à moyen terme.</p>
<h2>La question du seuil d’application</h2>
<p>Ensuite, le sujet du seuil d’application du scrutin de liste paritaire anime les débats à chaque nouvelle réforme portant sur la parité.</p>
<p>De fait, les 25 000 communes de moins de 1 000 habitants ne sont pas concernées par la contrainte paritaire. Et les femmes y sont moins représentées qu’ailleurs. Cela étant, la difficulté à constituer des listes dans les communes les plus petites est une réalité. En 2014, 64 communes n’avaient pas de candidats, dont 63 de moins de 1000 habitants. C’était le cas de plus de 100 communes en 2020. Des travaux ont montré que l’obligation de constituer des listes entraînait, dans les petites communes, une raréfaction de l’offre électorale et, conséquemment, un désintérêt des électeurs avec une <a href="https://books.openedition.org/septentrion/102754">augmentation du vote blanc et nul</a>.</p>
<p>Ainsi, l’extension du scrutin de liste à toutes les communes pourrait entrainer un phénomène de « listes uniques » dans les plus petites d’entre-elles et ainsi porter atteinte au <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2013-667-dc-du-16-mai-2013-communique-de-presse">principe constitutionnel</a> de pluralisme des courants d’idées et d’opinions.</p>
<p>Le risque de censure par le Conseil Constitutionnel est donc bien présent, à moins d’assouplir le mode de scrutin pour garantir le pluralisme.</p>
<p>En revanche, l’idée de pouvoir présenter des listes incomplètes ou d’abaisser le nombre de conseiller municipaux pour les plus petites communes permettrait d’atteindre le double objectif de pluralité et de parité.</p>
<p>Enfin, concernant les intercommunalités, le principal problème vient du mode de désignation des conseillers communautaires. Dans les communes de moins de 1000 habitants, ceux-ci sont désignés parmi les conseillers municipaux élus, en suivant l’ordre du tableau en commençant par le maire.</p>
<p>Comme ces communes envoient en général un seul représentant à l’intercommunalité et que celui-ci doit être le maire – qui est un homme dans 80 % des cas–, les conseils communautaires ne peuvent mécaniquement pas être paritaires. Ainsi, à défaut de modifier le mode de désignation des représentants intercommunaux, les EPCI comprenant de nombreuses communes de moins de 1000 habitants n’atteindront pas la parité.</p>
<h2>Résistances et biais de genre</h2>
<p>Quoi que ces mesures apportent d’un point de vue quantitatif, la répartition du travail municipal reste genrée. Un maire d’une petite commune de Gironde se livrait en entretien :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai rien contre les femmes, ça permet des fois quand on fait des choix de tapisserie, même pour tout hein, elles ont des goûts, ça apporte un plus. […] J’ai une femme adjointe, elle s’occupe de tout ce qui est bulletins municipaux. Les repas, le traiteur, tout ça, les menus, alors on voit ensemble et puis après elle affine quoi ». [Marcel D, maire, 300 habitants].</p>
</blockquote>
<p>Si ce schéma paraît particulièrement rétrograde, l’analyse détaillée des délégations des adjoint·e·s fait apparaître des logiques stéréotypées du point de vue du genre. Par exemple, 4,5 % des délégations à la voirie et aux travaux sont attribuées à des femmes. À l’inverse, elles occupent 85 % des délégations aux affaires sociales.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386457/original/file-20210225-23-e345ze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Délégations municipales selon le sexe des adjoint-e-s élu-e-s en 2014 en Gironde (n=1360).</span>
<span class="attribution"><span class="source">V.Marneur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Avec toute la bonne volonté du monde, le législateur ne pourra pas faire évoluer les choses sur ce point, qui relève de tendances de fond de la société française. Mais légiférer pour faire progresser numériquement la parité ne peut qu’aller dans le sens d’une meilleure répartition des responsabilités entre les sexes et participer d’une évolution des représentations vers plus d’égalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156062/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Marneur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France, de nombreuses « zones blanches » persistent, où les femmes et les hommes ne sont numériquement pas à égalité dans les espaces politiques. La nouvelle loi peut-elle y remédier ?Victor Marneur, politiste, chercheur associé au centre Emile Durkheim, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1564232021-03-04T19:10:32Z2021-03-04T19:10:32ZLe procès Sarkozy montre aussi comment l’État se préserve des affaires néfastes à son économie<p>Le 1<sup>er</sup> mars dernier, le Tribunal correctionnel de Paris a <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/03/01/nicolas-sarkozy-condamne-a-trois-ans-de-prison-dont-un-an-ferme-dans-l-affaire-des-ecoutes_6071580_823448.html">condamné</a> Nicolas Sarkozy à trois ans de détention, dont un ferme, pour corruption et trafic d’influence. À l’appui de cette sanction, les juges ont souligné que ces infractions avaient porté « gravement atteinte à la confiance publique en instillant dans l’opinion publique l’idée selon laquelle » la justice pouvait « faire l’objet d’arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts privés ».</p>
<p>La sévérité de cette sanction est à mettre en rapport avec le caractère inédit du dossier. Ce serait la première fois dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République qu’un jugement fondé sur des écoutes téléphoniques établirait qu'un ancien chef de l’État a promis à un magistrat de la Cour de cassation de jouer de son influence pour lui permettre d’être nommé à un poste prestigieux en échange de son aide pour mettre un terme à des procédures judiciaires le visant, et ce afin d’obtenir une décision plus favorable.</p>
<p>Nicolas Sarkozy ayant fait appel de son jugement <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/nicolas-sarkozy-je-conserve-ma-determination-pour-que-triomphent-le-droit-et-la-justice-2021030">qui pose à ses yeux</a> « la question de la partialité de certains magistrats », sa condamnation n’est toutefois pas définitive et aucun rebondissement n’est à exclure puisqu’il a déjà bénéficié de deux non-lieux dans des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/03/01/le-point-sur-les-douze-affaires-de-nicolas-sarkozy-une-condamnation-deux-non-lieux-et-plusieurs-dossiers-ouverts_6071603_4355770.html">procédures</a> dirigées contre lui.</p>
<p>Son procès a toutefois le mérite de mettre en lumière une conséquence de la mondialisation qui n’est pas toujours bien perçue par le grand public et les responsables politiques eux-mêmes.</p>
<p>Le jugement s’inscrit dans une évolution d’ensemble dont la finalité est d’assurer la neutralité de l’action publique dans le champ économique, de façon à ne pas perturber le bon fonctionnement du marché dont dépend désormais la prospérité du pays et, à travers elle, le progrès social.</p>
<p>Le rapport qu’entretient le personnel politique avec la justice n’a en effet évolué ces dernières années que parce qu’une certaine rationalité économique a rejoint les critiques de l’opinion publique contre l’<a href="https://theconversation.com/chef-de-letat-ministres-parlementaires-et-si-limmunite-etait-levee-153690">immunité-impunité</a> supposée de ceux qu’il est convenu d’appeler les décideurs publics par comparaison avec les décideurs du secteur privé : les chefs d’entreprise.</p>
<h2>Les Français et la passion de l’égalité</h2>
<p>Parce qu’ils ont « la passion de l’égalité » comme l’écrivait Tocqueville, les Français ont régulièrement exprimé à travers l’histoire leur aspiration à une responsabilité effective des gouvernants. Déjà au IX<sup>e</sup> siècle la théorie du gouvernement « spéculaire » – entendu comme un gouvernement <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/sp%C3%A9culaire">miroir de la société</a> – soutenait que le chef de l’État se devait d’être exemplaire et vertueux pour <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=15351&razSqlClone=1">mériter son titre et être obéi de tous</a>.</p>
<p>Sous la Révolution, les cahiers de doléances de la noblesse d’<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k49516q/f744.item">Amiens</a> ont assigné aux États généraux le soin de demander que :</p>
<blockquote>
<p>« les ministres et tous les administrateurs soient responsables envers la nation de leur gestion et jugés suivant la rigueur des lois ».</p>
</blockquote>
<p>Encore en 1870, le décret supprimant la garantie des fonctionnaires – qui interdisait de poursuivre les agents publics sans l’autorisation préalable du Conseil d’État – a été « l’un des mieux accueillis » par <a href="https://data.bnf.fr/fr/date/1872/publications/page97">« l’opinion publique »</a>. Ces attentes sont à l’origine directe de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’après lequel : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».</p>
<p>L’idée a toutefois longtemps prévalu que cette responsabilité devait être <a href="https://www.puf.com/content/Le_sang_contamin%C3%A9">davantage politique</a> que pénale : en l’absence d’infractions volontaires ou d’enrichissement personnel, la sanction des contrevenants devait être la perte (ou la non-conquête) du pouvoir, pas la prison.</p>
<p>Derrière cette solution se trouvait le souvenir des abus des cours de justice de l’Ancien droit. Entre les mains de la noblesse de Robe, ces tribunaux étaient hostiles à la Révolution. C’est pourquoi les Révolutionnaires de 1789 s’en étaient davantage remis à la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif et à l’éthique des élus de la Nation pour prévenir ou sanctionner l’arbitraire du personnel politique.</p>
<p>La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen énonce pour cette raison ce que la loi peut faire afin que les gouvernants sachent à tout instant <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789">ce qu’ils ne peuvent pas faire</a> :</p>
<blockquote>
<p>art. 5 : « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société » ;</p>
<p>art. 8 : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ;</p>
<p>art. 12 : la force publique est « instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée »…</p>
</blockquote>
<h2>Le retour de la déontologie</h2>
<p>Ces garanties demeurent, la déontologie ayant même fait son <a href="https://www.lgdj-editions.fr/livres/la-deontologie-politique/9782275052151">grand retour</a> avec le vote des lois <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028056223/">organique</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028056315/">ordinaire</a> du 11 octobre 2013, sur la transparence de la vie publique (qui renforcent la prévention des conflits d’intérêts dont les élus pourraient se rendre coupables dans l’exercice de leurs fonctions).</p>
<p>Mais elles ont également montré leurs limites, les élus étant souvent réticents à condamner leurs pairs, par peur de représailles. « Je ne souhaite pas », disait pour cette raison le Premier ministre Lionel Jospin au moment où le député Montebourg proposait de renvoyer le président Chirac devant la Haute cour de justice, <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/175656-declaration-de-m-lionel-jospin-premier-ministre-en-reponse-une-ques">« que les affaires soient utilisées dans le débat public »</a>.</p>
<p>Les difficultés qu’ont longtemps eu les victimes à déclencher elles-mêmes les poursuites devant le juge pénal combinées avec le pouvoir du garde des Sceaux de donner des instructions individuelles aux parquets dans les dossiers « sensibles » faisaient qu’en pratique les <a href="https://www.lgdj.fr/la-protection-des-decideurs-publics-face-au-droit-penal-9782275033129.html">condamnations restaient rares</a>.</p>
<p>D’où le sentiment d’injustice chez certains citoyens. Celui-ci a fini par nourrir des réformes d’ampleur dans les années 1990 à la suite de différents scandales politico-financiers visant le Parti socialiste (PS) (affaires <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1992/08/13/l-affaire-urba-gracco-le-financement-occulte-du-ps-m-marcel-dominici-depose-une-plainte-visant-m-henri-emmanuelli_3897758_1819218.html">Urba</a> ou <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/06/03/l-affaire-du-carrefour-du-developpement-scandale-a-voix-basse_3115158_1819218.html">carrefour du développement</a>) ou la droite (<a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/affaire-karachi-notre-enquete">affaire de Karachi</a> par exemple).</p>
<p>Mais ces réformes n’ont toutefois pu aboutir que parce que les attentes de l’opinion publique ont conjugué leurs effets avec une certaine rationalité économique avec laquelle on ne fait pas toujours bien le lien.</p>
<p>Cette rationalité, c’est celle qui préconise de faire de l’interdépendance économique des Nations – dont les dirigeants politiques doivent être les artisans autant que les garants – le facteur de la paix dans le monde. Tout comportement déviant doit pour cette raison être prévenu (par la déontologie) et à défaut sanctionné (par le droit pénal) pour ne pas compromettre le bon fonctionnement du <a href="https://www.legitech.lu/shop/product/l-action-economique-des-collectivites-publiques-153#attr=150,282,12786">marché global</a>.</p>
<h2>Assurer le bon fonctionnement du marché quoi qu’il en coûte</h2>
<p>Fondé sur le souvenir de la <em>pax romana</em> qui a duré plus de 1000 ans <a href="http://www.sudoc.abes.fr/cbs/xslt/DB=2.1/SET=3/TTL=2/CMD?ACT=SRCHM&MATCFILTER=Y&MATCSET=Y&NOSCAN=Y&PARSE_MNEMONICS=N&PARSE_OPWORDS=N&PARSE_OLDSETS=N&IMPLAND=Y&ACT0=SRCHA&screen_mode=Recherche&IKT0=1004&TRM0=Schnapper+Richardot&ACT1=*&IKT1=4&TRM1=&ACT2=*&IKT2=1016&TRM2=&ACT3=*&IKT3=1016&TRM3=&SRT=RLV&ADI_TAA=&ADI_LND=&ADI_JVU=1971&ADI_MAT=B&ADI_MAT=T&ADI_MAT=F&ADI_MAT=O&ADI_MAT=A&ADI_MAT=M&ADI_MAT=N&ADI_MAT=G&ADI_MAT=V&ADI_MAT=I&ADI_MAT=K&ADI_MAT=Y&ADI_MAT=X&ILN_DEP_BIB=DEP&NOT_USED_ADI_BIB=">sous l’Antiquité</a>, le projet d’une paix par le commerce entre États a régulièrement été défendu par d’éminents auteurs depuis les Temps modernes.</p>
<p>En 1623, le moine Emeric de La Croix insistait dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meric_Cruc%C3%A9"><em>Le Nouveau Cynée</em></a> sur l’importance d’assurer la « liberté du commerce par tout le monde » avant qu’Emmanuel Kant ne fasse, en 1795, du respect du droit des gens au niveau international un instrument de son Projet de <a href="https://www.livredepoche.com/livre/pour-la-paix-perpetuelle-9782253067504">paix perpétuelle</a> et que Victor Hugo ne prédise, dans son célèbre <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626419f/f437.image">discours</a> du 21 août 1849 au Congrès de la paix, qu’« un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce ».</p>
<p>C’est cette finalité qui sous-tend le projet de la <a href="https://www.un.org/fr/sections/history-united-nations-charter/1941-atlantic-charter/index.html">Charte de l’Atlantique</a> du 14 août 1941, co-écrite par Roosevelt et Churchill, de faire de « l’accès et la participation », de « tous les États », « au commerce et aux matières premières indispensables à leur prospérité » et de « la plus entière collaboration entre toutes les nations » le moyen de prévenir un nouveau conflit mondial à l’avenir. C’est de ce fait lui qui inspire les accords du <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/38311-accord-general-sur-les-tarifs-douaniers-et-le-commerce-gatt">GATT</a> en 1947, le lancement de la construction européenne en <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Axy0022">1951</a> et <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Axy0023">1957</a> ou encore la création de l’OMC en <a href="https://www.wto.org/indexfr.htm">1995</a>.</p>
<p>Or, sa mise en œuvre a franchi une nouvelle étape au tournant des années 1990 lorsque la multiplication des scandales politico-financiers précités a montré combien les personnalités politiques pouvaient, par leur comportement, fausser le bon fonctionnement du marché, en avantageant de façon occulte certains opérateurs économiques.</p>
<h2>Un renforcement de la juridiction pénale</h2>
<p>Il est pour cette raison devenu important à cette date de lutter contre la corruption au moment qui plus est où l’effondrement de l’URSS permettait une libéralisation accrue des échanges entre États. Six conventions pénales internationales adoptées entre 1996 et 2003 sous l’égide de l’OCDE, de l’UE ou encore du <a href="https://www.lgdj.fr/la-probite-publique-en-droit-penal-9782731411201.html">Conseil de l’Europe</a> ont ainsi contribué à renforcer en France le rôle de la juridiction pénale contre la corruption et à alimenter, ce faisant, le phénomène de <a href="https://www.lgdj.fr/la-protection-des-decideurs-publics-face-au-droit-penal-9782275033129.html">judiciarisation</a> de la vie politique.</p>
<p>Alors que le juge était relégué depuis la Révolution au rang de simple autorité, il s’est depuis le tournant des années 90 imposé comme un véritable contre-pouvoir.</p>
<p>La création en <a href="https://www.tribunal-de-paris.justice.fr/75/le-pnf">2013</a> d’un Parquet national financier (PNF) participe de cette même évolution, puisqu’il vise à protéger les intérêts économiques fondamentaux de la Nation.</p>
<p>Ce n’est ainsi pas par hasard si Jacques Chirac a dans ce contexte été le premier ancien président de la République à avoir fait l’objet de poursuites à raison de faits d’abus de confiance et de détournement de fonds commis lorsqu’il était <a href="https://www.universalis.fr/evenement/15-decembre-2011-condamnation-de-jacques-chirac-dans-le-proces-des-emplois-fictifs">maire de Paris et président du RPR</a>.</p>
<p>On comprend de même mieux pourquoi les faits contre Nicolas Sarkozy ont été instruits par le PNF et pourquoi le tribunal a considéré que les infractions qui lui étaient reprochées justifiaient à ses yeux de la prison ferme, dès lors qu’elles fragilisaient la confiance de tout un chacun – simple particulier ou opérateur économique – envers le bon fonctionnement de l’institution judiciaire – si importante pour le règlement des litiges commerciaux.</p>
<h2>Les garanties de l’État de droit</h2>
<p>Reste à savoir si le jugement du tribunal est ou non juridiquement fondé. Régulièrement la droite s’estime victime de <a href="https://www.valeursactuelles.com/societe/enquete-le-vrai-pouvoir-des-juges-rouges-41518">« juges rouges »</a> réputés proches de la gauche lorsque ses leaders se trouvent condamnés et les magistrats à l’origine du jugement n’échappent pas à ces critiques. Ce reproche n’est toutefois par propre à la droite puisque certaines personnalités de gauche dénoncent en retour, à l’image de Jean‑Luc Melenchon, tout aussi régulièrement une « justice aux ordres » de la majorité du moment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1366457530017320960"}"></div></p>
<p>À chaque fois, il s’agit ainsi de prendre l’opinion publique à témoin pour lui faire constater le caractère <a href="https://www.franceinter.fr/politique/nicolas-sarkozy-condamne-ces-adversaires-d-antan-qui-soutiennent-pas-si-innocemment-l-ancien-president">injuste</a> de la décision rendue.</p>
<p>Au nom des principes de l’État de droit, la judiciarisation de la vie politique s’accompagne toutefois d’un renforcement des garanties offertes à la personne poursuivie, pour s’assurer que chacun ait droit à ce que son affaire soit tranchée par un tribunal indépendant et impartial (art. 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme de 1950).</p>
<p>Non seulement le juge est tenu de respecter le droit au respect de la présomption d’innocence des <a href="https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2011/CEDH001-104857">personnes mises en cause</a>, mais il se doit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000032642007/2020-10-12">d’instruire à charge ET à décharge</a> les faits qui lui sont soumis. Sans compter que les justiciables bénéficient de plusieurs voies de recours.</p>
<p>Outre que le double degré de juridiction leur permet de faire appel de leur condamnation avant éventuellement de se pourvoir en cassation, il leur est également loisible de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme comme Nicolas Sarkozy en a l’intention. Ce sont ces garanties qui lui ont par le passé permis de bénéficier de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/03/01/le-point-sur-les-douze-affaires-de-nicolas-sarkozy-une-condamnation-deux-non-lieux-et-plusieurs-dossiers-ouverts_6071603_4355770.html">deux non-lieux</a>.</p>
<p>S’il convient donc de laisser la justice suivre son cours, le jugement rendu n’est qu’une pièce d’un puzzle plus grand dont le but ultime est de rendre confiance aux opérateurs du marché dans le bon fonctionnement des institutions. De ce point de vue les critiques qui l’ont accompagné comme l’appel qui a été interjeté doivent être perçus comme le signe de leur vitalité et non comme celui de la déliquescence de notre démocratie.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur a récemment publié <a href="https://www.legitech.lu/shop/product/l-action-economique-des-collectivites-publiques-153#attr=150,282,12786">L’action économique des collectivités publiques : ses enjeux, son droit, ses acteurs</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Bottini a reçu des financements de la Mission de recherche droit et justice et du LexFEIM de l'Université Le Havre-Normandie, le laboratoire de recherche en droit auquel il est affilié. Il est membre de la FondaFIP, le think thank des Finances publiques, et de l'Observatoire de l'éthique publique. Il a récemment publié 'L'action économique des collectivités publiques: ses enjeux, son droit, ses acteurs' et 'Le service public du développement économique'.</span></em></p>Le procès de Nicolas Sarkozy a le mérite de mettre en lumière une conséquence de la mondialisation : ne pas fragiliser les États par des affaires politico-financières.Fabien Bottini, Qualifié aux fonctions de Professeur des Universités en droit public, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1526392021-01-07T20:12:50Z2021-01-07T20:12:50ZInsertion professionnelle des personnes handicapées : les dilemmes de la communication<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377003/original/file-20210104-21-4lfjfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=77%2C71%2C1612%2C1005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une vidéo de la campagne Duodays datant de 2018&nbsp;présente le double témoignage d’un salarié en Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) et du manager qui l’a accueilli.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran Dailymotion</span></span></figcaption></figure><p>En France, la communication publique en faveur de l’emploi de personnes en situation de handicap se heurte notamment à l’objectif politique de 6 % d’emploi sous menace de sanctions financières des organisations contrevenantes. Ce système d’obligation est controversé pour ses effets pervers. Des entreprises réservent surtout aux personnes handicapées des emplois peu gratifiants, à faible niveau de compétences et de responsabilités, ou sans possibilité d’évolution de carrière. Des salariés seraient aussi incités par leur entreprise à déclarer et faire reconnaître un handicap en vue de bénéficier d’aides publiques.</p>
<p>Nos récentes <a href="http://blog.protagoras.be/protagoras/index.php/les-cahiers-protagoras/">recherches</a> suggèrent que les modalités d’incitation et de coercition en faveur de l’emploi de personnes en situation de handicap inciteraient les dirigeants d’entreprise, les managers et les recruteurs à penser cet emploi comme une contrainte pénible plutôt qu’une opportunité pour améliorer l’organisation globale du travail et la qualité de vie au travail de chacun, d’où le choix d’une communication publique axée sur des considérations gestionnaires plutôt que des valeurs morales, des jugements éthiques ou des sentiments comme l’empathie ou la pitié. Il n’est pourtant pas anodin de privilégier dans l’argumentation la performance au détriment de l’émotion.</p>
<p>L’analyse des campagnes de communication pour l’intégration des personnes handicapées souligne la rareté des émotions dicibles en entreprise, ainsi que les normes très contraignantes qui dictent les « bonnes manières » d’exprimer des émotions. Le handicap reste un sujet compliqué à aborder pour un communicant. Au mieux, il suscite peu d’intérêt. Au pire, chacun s’identifie douloureusement ou coupablement aux personnes handicapées privées d’emploi, et la tentation est grande de détourner les yeux.</p>
<h2>Une rhétorique principalement gestionnaire</h2>
<p>Le corpus de notre étude inclut les supports de communication audiovisuels diffusés en 2018 par deux partenaires, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (<a href="https://www.agefiph.fr/">Agefiph</a>) et le secrétariat d’État aux personnes handicapées, sur les plates-formes YouTube et Dailymotion. </p>
<p>Nous avons, entre autres, étudié la campagne <a href="https://www.duoday.fr/">« Duodays »</a>, qui montre principalement des interviews croisées de salariés handicapés et de leurs collègues ou managers valides ; un documentaire sur la visite d’un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) par la secrétaire d’État auprès du premier ministre chargée des personnes handicapées ; et la lecture filmée d’un discours politique à deux voix.</p>
<p>Dans les films du corpus, les arguments économiques priment et les émotions négatives sont oblitérées au profit d’une joie souvent artificielle et d’un <em>happy end</em> systématique. Il s’agit de prouver, images, portraits et interviews à l’appui, que le handicap n’est pas un frein à l’emploi. Ces films nient la réalité des difficultés que les personnes handicapées doivent surmonter, et limitent leur capacité à faire naître l’empathie, la compassion ou l’admiration. Ils dressent le portrait d’un salarié idéal, car efficace, courageux à la tâche et enthousiaste.</p>
<p>Afin de récuser toute idée d’assistanat, ils montrent des personnes atteintes de handicaps légers, qui travaillent et qui sont autonomes par rapport à leur entourage et vis-à-vis de la société. Conformément aux logiques managériales, elles sont valorisées parce que responsables de leur destin et du succès de leur insertion professionnelle. Heureuses de travailler, les personnes handicapées interviewées participent à soulager la mauvaise conscience des valides.</p>
<p>La plus grande campagne en nombre de films produits et diffusés est la campagne « Duodays » qui représente toujours des binômes de salariés, le plus souvent une personne handicapée et son collègue ou son manager valide, interviewés ensemble. Ces films sont le résultat d’un lourd travail de sélection des images et de montage comme en attestent les nombreuses découpes. Dans les interviews, les personnes en situation de handicap ont toujours le plus grand temps de parole.</p>
<p>La mise en scène n’est pas neutre, la personne en situation de handicap est plutôt face caméra tandis que le valide est généralement de trois quarts. L’attitude protectrice de ce dernier, qui acquiesce et sourit d’un air entendu n’est pas condescendante. Elle élève la personne handicapée en dignité puisque c’est vers elle que le regard doit se diriger.</p>
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<p>La vidéo de la campagne ci-dessus consiste en un double témoignage d’un salarié en ESAT désigné par son seul prénom et ayant effectué un « stage » d’une journée chez Naturalia et du manager qui l’a accueilli. Elle fait exception par l’émotion qu’elle véhicule. Le manager d’un jour présenté nommément insiste sur la banalité du processus d’intégration dont Sébastien a bénéficié, sur son autonomie et sa compétence et sur les bénéfices personnels qu’il a tirés de cette expérience.</p>
<p>Sébastien évoque son envie de travailler en entreprise plutôt qu’en ESAT et sa confiance nouvellement acquise. Il mentionne un « déclic pour faire de la vente », des missions où il « se sent à l’aise » et « capable de faire beaucoup de choses ». Cette vidéo dénote quand le responsable du magasin Naturalia de Sceaux explique avec spontanéité et émotion, en cherchant ses mots, qu’il a accueilli Sébastien dans son magasin, mais qu’il a aussi passé une journée avec lui dans son ESAT :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai passé une journée très agréable, avec des gens qui avaient plein d’amour dans leurs yeux, une envie de partager, de faire découvrir. »</p>
</blockquote>
<p>Cette partie de la vidéo illustre le dilemme de la communication pour l’emploi des personnes handicapées et le difficile équilibre à trouver entre des arguments gestionnaires et émotionnels car on ne recrute pas un salarié parce qu’il « a de l’amour dans les yeux ».</p>
<p>Deux vidéos ont été diffusées à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées de novembre 2018. Celle qui traite de « l’insertion par le travail pour les personnes handicapées » ressemble à un documentaire qui entend dévoiler « Les coulisses d’un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) qui permet aux personnes handicapées une insertion sociale et professionnelle ».</p>
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<p>Ce film documentaire n’évoque pas la performance, mais des salariés dont le handicap n’est jamais précisé et qui sont manifestement heureux de travailler et de recevoir la ministre : « nos travailleurs se sont tout de suite proposés pour recevoir la ministre et vivre des moments avec elle de quotidien ». Les salariés handicapés de cet ESAT constituent bien des personnages cinématographiques idéaux de par leur zèle quand ils accueillent la secrétaire d’État et quand ils expriment sans inhibition, et uniquement par leurs expressions faciales, leur bonheur de travailler.</p>
<p>La deuxième vidéo de « Lancement de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées » montre les deux ministres Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées auprès du premier ministre Édouard Philippe, et Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, qui prononcent face caméra en plan américain et en alternance un discours décrivant les mesures gouvernementales prises et appelant à l’emploi des personnes handicapées.</p>
<p>Un passage du discours cible clairement les chefs d’entreprise désignés comme principaux responsables de la discrimination qui perdure : « Parce que les entreprises qui devraient accueillir 6 % de personnes handicapées, eh bien elles n’en accueillent que 3,6 % ! Aujourd’hui, un demandeur d’emploi qui est en situation de handicap a deux fois plus de risques de rester au chômage », rappelle Muriel Pénicaud.</p>
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<p>La ministre insiste aussi sur « la dimension de changement de regard », qui implique de « voir les personnes en situation de handicap non pas comme un problème, mais comme une chance pour des entreprises, qui cherchent des talents. Une manière subtile de désigner, à nouveau, les destinataires du message : les managers, les recruteurs et les employeurs.</p>
<h2>Effacer l’émotion</h2>
<p>Ces campagnes de communication visent en priorité les dirigeants d’entreprises, les recruteurs et les managers, mais aussi tous les salariés susceptibles de peser sur les politiques d’embauche et de maintien dans l’emploi de collègues en situation de handicap. Il est donc important de ne pas donner prise à d’éventuelles jalousies. Les films de communication de plaidoyer pour l’emploi de personnes en situation de handicap semblent ainsi conjurer les politiques de discrimination positive et de compensation, soit le fait d’apporter aux employés handicapés les moyens spécifiques dont ils ont besoin pour travailler « normalement ». Ils véhiculent au contraire la promesse d’employés handicapés vecteurs de performance accrue dans une logique gagnant-gagnant.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">« Entretien d'embûches », le premier épisode de Modes d'emploi, une série de tutoriels pour sensibiliser au handicap invisible dans l'emploi (APF France en partenariat avec l'Agefiph).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces films ne culpabilisent pas les chefs d’entreprise, les recruteurs et les managers. Ils ne dénoncent jamais la cohérence limitée entre leurs comportements vis-à-vis des demandeurs d’emploi handicapés et les normes et valeurs morales qu’ils entendent désormais défendre dans le cadre de la Responsabilité sociétale des entreprises (égalité, équité, non-discrimination, respect, tolérance, indulgence, humanisme, développement personnel).</p>
<p>Ces campagnes pourraient mobiliser des émotions telles que l’empathie, la compassion, l’admiration ou encore l’angoisse existentielle, par effet d’identification, mais il n’en est rien. Dans l’ensemble de ces films, le ressort persuasif de l’émotion n’est là que sur un mode mineur, loin derrière l’argument de la rentabilité des politiques inclusives d’emploi de personnes handicapées.</p>
<p>L’émotion se manifeste sous la forme d’une sérénité tranquille pour les handicapés et d’une bienveillance discrète aux accents paternalistes pour leur entourage professionnel. Ces campagnes de plaidoyer en faveur de l’emploi des personnes handicapées illustrent bien un dilemme rhétorique classique : l’art du plaidoyer réside dans un dosage savant entre noblesse d’une argumentation rationnelle et puissance persuasive d’une vulgaire émotion.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=numero&no_revue=968&no=66792">article de recherche</a> intitulé « Rationalités gestionnaire et pathémique dans les films de communication publique en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap » publié dans « Les Cahiers Protagoras » en 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucile Desmoulins travaille pour une Université française, elle est fonctionnaire de par son statut de maitresse de conférences. Elle n'a pas reçu de financements spécifiques pour travailler sur cette étude. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Robert Nardone et Zineb B. Serghini ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les films institutionnels insistent sur la rentabilité économique des politiques d’emploi de personnes en situation de handicap. Mais peut-on convaincre sans émouvoir ?Lucile Desmoulins, Maitresse de conférences en Sciences de l'information et de la communication, laboratoire DICEN-Idf, Université Gustave EiffelRobert Nardone, Docteur Histoire des sciences et des techniques. Enseignant-chercheur; Laboratoire HT2S-Cnam, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Zineb B. Serghini, Docteure en Sciences de l’information et de la Communication. Enseignante-chercheure à la faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Institut Catholique de Lille., Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1469382020-09-28T18:20:36Z2020-09-28T18:20:36ZEt si les coûts des congés maternité et paternité étaient mutualisés ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/360016/original/file-20200925-24-1gvr03z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3598%2C2643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’après l’IGAS, 7 pères sur 10 prennent aujourd’hui le congé paternité.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1044871">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le passage de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/22/la-duree-du-conge-paternite-en-france-va-etre-doublee_6053210_3224.html">14 à 28 jours</a> du congé paternité à partir de juillet 2021, annoncé le 23 septembre par le président de la République, Emmanuel Macron, n’a pas fait que des heureux. Des <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/24/le-patronat-partage-face-a-l-allongement-du-conge-paternite_6053429_823448.html">organisations patronales</a> s’inquiètent en effet du coût de cette mesure, en particulier pour les PME. Aujourd’hui, seuls les trois jours de <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2266#:%7E:text=Dur%C3%A9e,des%20dispositions%20conventionnelles%20le%20pr%C3%A9voient.">« congé de naissance »</a> sont à la charge de l’employeur ; les 11 jours de congés paternité sont pris en charge par la branche famille de la Sécurité sociale. Il devrait en être de même pour les 25 jours du futur congé paternité.</p>
<p>Toutefois, la Sécurité sociale prend en charge les salaires uniquement jusqu’à un certain plafond. Des conventions collectives et des accords collectifs de grandes entreprises prévoient que l’employeur mette la main à la poche pour que les salariés au-dessus de ce plafond ne connaissent pas de baisse de salaire pendant leur congé paternité.</p>
<h2>L’inquiétude des employeurs</h2>
<p>Mais ce sont surtout les coûts indirects des 28 jours d’absence des pères qui inquiètent les dirigeants de PME : si les congés paternité sont plus prévisibles que les arrêts maladie, ils peuvent tout de même être source de désorganisation, en particulier s’ils coïncident avec un pic d’activité. Et puis l’allongement de leur durée va encore plus exiger le remplacement des absents par le recours à l’intérim, aux CDD, aux heures supplémentaires des collègues, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1308761159286300679"}"></div></p>
<p>Des pères subissent déjà aujourd’hui des <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/09/24/l-entreprise-acteur-determinant-du-conge-paternite_6053477_1698637.html">pressions de leur employeur</a> pour ne pas prendre l’intégralité du congé paternité ou bien ils y renoncent d’eux-mêmes de peur d’être mal vus. D’après un <a href="http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article701">rapport</a> de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), si 70 % des pères prennent ce congé en moyenne, ce taux passe de 88 % chez les pères fonctionnaires à 48 % chez les pères en CDD. L’allongement du congé paternité risque d’accroître les pressions et les inégalités.</p>
<p>Quant aux congés maternité, ils poussent certains employeurs à des <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/egalite-professionnelle-discrimination-et-harcelement/article/la-protection-contre-les-discriminations">pratiques discriminatoires</a> à l’encontre des femmes en âge de procréer : non-recrutement, absence de promotion, écart salarial, etc. Les femmes enceintes sont ainsi nombreuses à craindre la réaction de leur hiérarchie à l’annonce de leur grossesse.</p>
<p>C’est pourquoi des <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/video-allongement-du-conge-paternite-l-egalite-femmes-hommes-on-ne-l-aura-pas-avec-28-jours-regrette-l-association-parents-feministes_4115807.html">associations féministes</a> militent pour un congé paternité obligatoire strictement égal au congé maternité afin que le coût soit identique pour les employeurs. Ce qui devrait réduire les discriminations envers les femmes.</p>
<p>Personnellement, je propose d’aller plus loin en mutualisant le « risque » de parentalité.</p>
<h2>Vers un nouveau système ?</h2>
<p>Un <a href="https://theconversation.com/le-bonus-malus-un-remede-contre-les-arrets-maladie-au-travail-123186">système de bonus/malus</a> a du sens pour les accidents de travail, car l’employeur en est en partie responsable : à lui de faire de la prévention et de mettre en place des plans d’action pour les réduire. En revanche, cela n’a guère de sens que les employeurs soient financièrement responsables du « risque » de parentalité.</p>
<p>Pourquoi une entreprise dont les salariés font beaucoup d’enfants devrait-elle être pénalisée par rapport aux autres ? Cette situation encourage les discriminations et décourage les initiatives en faveur de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, puisqu’elles pourraient donner envie aux salariés d’avoir plus d’enfants.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360017/original/file-20200925-16-1ia9kuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le congé maternité est fixé à 16 semaines, soit quatre fois plus que le nouveau congé paternité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1604616">Stecy2001/PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il faudrait donc mutualiser les coûts des congés maternité et paternité, sur le modèle de l’assurance maladie. La branche famille de la Sécurité sociale pourrait mieux compenser les coûts liés à la parentalité grâce à un système de solidarité : l’État ainsi que les employeurs dont les salariés font peu d’enfants prendraient en charge une partie des coûts des employeurs dont les salariés font plus d’enfants.</p>
<p>Ce système aurait de nombreux avantages : un moindre impact des absences de leurs salariés pour les PME ; une moindre pression sur les parents donc un meilleur exercice de leur droit aux congés maternité/paternité ; moins d’inégalités entre les hommes et les femmes à la fois à la maison et au travail. De plus, qui sait si ce système ne créerait pas un mini baby-boom et si les managers ne se mettraient pas à accueillir l’annonce d’une grossesse avec le sourire, comme il se doit ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146938/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Monneuse est directeur du cabinet de conseil "Poil à Gratter". Il reçoit des financements du Fonds de recherche du Québec. </span></em></p>Un système sur le modèle de l’assurance maladie permettrait de limiter l’impact des absences pour les entreprises tout en réduisant les inégalités entre les femmes et les hommes.Denis Monneuse, Chercheur à l'Université du Québec à Montréal, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466262020-09-22T20:40:28Z2020-09-22T20:40:28Z« En France, nous sommes très performants dans le soin, mais beaucoup moins en matière de prévention »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359415/original/file-20200922-18-1e678nm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1194%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épidémie de Covid-19 a révélé la marge de progression française en matière de santé publique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jeff Pachoud / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Jeudi 24 septembre, la Conférence des présidents d’université et les Conférence des doyens de facultés de médecine et de formations de santé organisent un colloque sur le thème <a href="http://ortus-sante.fr/wp-content/uploads/2020/09/PROGRAMME-DU-COLLOQUE-SORBONNE.pdf">« Médecine, santé et science au cœur de la société »</a>. Dans le cadre de cet événement, Manuel Tunon de Lara, président de la commission santé de la Conférence des présidents d’université et président de l’université de Bordeaux, dresse un rapide état des lieux de la santé publique en France.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : L’épidémie de Covid-19 a braqué les projecteurs sur la « santé publique ». Que recouvre cette expression ?</strong></p>
<p><strong>Manuel Tunon de Lara :</strong> Si on voulait simplifier à l’extrême, la santé publique est la santé du collectif. Elle est à mettre en regard avec la santé de l’individu.</p>
<p>Historiquement, la médecine a d’abord été tournée vers le soin de l’individu : il s’agissait de réparer le corps. Aujourd’hui encore, les métiers de soin et les formations qui y préparent sont axés sur la santé de la personne. Cependant, la santé de la collectivité ne peut pas être appréhendée de la même façon.</p>
<p>Un exemple : si on s’intéresse aux indicateurs de santé, on constate clairement que dans notre pays, on vit globalement plus vieux qu’avant. Cela s’explique par les progrès accomplis pour soigner les individus. Mais si on se penche sur le pourcentage de gens qui vieillissent en bonne santé, on s’aperçoit qu’on a beaucoup moins progressé.</p>
<p>En tant que médecin, toute la question est d’arriver à tirer parti des enseignements collectifs pour les appliquer ensuite à l’individu, grâce à des leviers tels que la prévention, l’éducation sanitaire ou la prise en compte des grands facteurs de risque (tabac, mauvaise alimentation, etc.), aujourd’hui très bien identifiés.</p>
<p><strong>TC : Quels sont les résultats de la France dans ce domaine ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Notre pays est loin de figurer parmi les premiers. Nos résultats ne sont pas très bons, car nous n’évitons pas la survenue de certaines pathologies liées à des facteurs de risque évitables. En France, en matière de santé, 95 ou 96 % du budget est destiné aux soins individuels (certes plus coûteux), et le reste à la prévention. Or les pays qui ont des politiques plus ambitieuses en matière de prévention y consacrent plus de 10 % de leur investissement en santé.</p>
<p>En termes de santé publique, les systèmes de santé des pays d’Europe du Nord, où il existe une forte tradition de suivi des populations, font souvent référence. Il ne faut cependant pas oublier que cela nécessite un investissement et que l’impôt y est très élevé. En outre, il faut avoir conscience que la recherche, l’innovation, et la formation en santé publique ne font pas tout : les aspects politiques sont aussi très importants. Il existe d’excellentes écoles de santé publique aux États-Unis, et pourtant la prévalence de maladies comme l’obésité y est très élevée, les inégalités de soin y sont très grandes. Ces indicateurs de la santé des populations ne sont probablement pas représentatifs du niveau scientifique des institutions académiques…</p>
<p>On a assisté au même type de paradoxe dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 : les pays dont la recherche en santé publique est la plus reconnue, qui ont les meilleures universités dans le domaine, n’ont pas forcément géré la crise de façon exemplaire, vraisemblablement parce qu’il leur a manqué le chaînon politique.</p>
<p><strong>TC : La crise sanitaire liée au coronavirus SARS-CoV-2 a-t-elle été un révélateur des faiblesses de notre pays en matière de santé publique ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Il est certain que la crise engendrée par la pandémie de Covid-19 a révélé les forces et les faiblesses des États. Cependant, il ne faut pas noircir le tableau en ce qui concerne la France : cette crise a également révélé ses forces.</p>
<p>Certes, il y a eu différents problèmes comme la gestion des stocks de masques ou la multiplication non organisée de certains essais cliniques. Mais nous avons aussi été capables de multiplier très rapidement les lits en réanimation, ou d’aménager en un temps record le transfert de malades d’un bout de la France à l’autre, en toute sécurité. Cette performance illustre un paradoxe : en France, nous pouvons être très performants dans le soin, mais beaucoup moins en matière de prévention ou d’éducation sanitaire.</p>
<p><strong>TC : Comment l’expliquer ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> La France a été un grand pays dans le domaine de la santé, en particulier pour tout ce qui était en rapport avec le soin hospitalier et la recherche médicale. Son système de santé, basé sur une forte redistribution sociale, a longtemps été vu comme un exemple dans le monde entier. De nombreux professionnels se sont construits sur cette base de valeur très importante, et on trouve aujourd’hui encore dans notre pays énormément de compétences, y compris en santé publique. Toutefois, bien que notre pays redéploie beaucoup de ressources, les inégalités dans le domaine de la santé demeurent assez fortes et nous n’avons pas une culture de santé publique.</p>
<p>L’un des problèmes est que les compétences sont dispersées dans le domaine académique, et que l’on n’a pas forcément, dans le domaine de la recherche et de l’innovation ou de la formation, les organisations qu’il faudrait, comme des écoles universitaires de santé publique en lien avec leur territoire. Quand vous faites de la recherche en physique sur l’énergie, les résultats obtenus dans les laboratoires universitaires sont ensuite transférés vers les agences nationales ou vers des entreprises du secteur privé. Le fruit des connaissances produites par la recherche finit entre les mains d’opérateurs qui ensuite sont capables de transformer l’innovation en une forme de développement : économique, social…</p>
<p>C’est ce qui manque en santé publique. Le transfert de la recherche vers les agences sanitaires et les agences régionales de santé (ARS) doit être organisé.</p>
<p><strong>TC : Le Ségur de la santé va-t-il permettre de remettre les choses à plat ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Ces problèmes ont été évoqués, cependant l’impression qui s’en dégage jusqu’à présent est que les problématiques liées à la recherche et à la formation d’une façon générale, et en santé publique plus particulièrement, ne constituent pas pour l’instant un objectif fort du Ségur. C’est assez compréhensible : l’urgence était d’abord la revalorisation salariale des acteurs, et la réinjection de moyens dans l’hôpital public. Mais il ne faudrait pas oublier cette question essentielle : quelles actions va-t-on mettre en place en termes de santé publique ?</p>
<p>Chaque territoire devrait pouvoir disposer d’une école universitaire de santé publique, en relation forte avec l’ARS, le réseau hospitalier, le groupe hospitalier de territoire. Y seraient réunies les compétences de recherche et de formation. Ce dernier point est important : il ne s’agit pas de former uniquement des médecins.</p>
<p><strong>TC : L’interdisciplinarité est importante ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Elle est essentielle. La santé publique repose sur des bases diverses : l’épidémiologie, la biostatistique, le management et les politiques de santé, les sciences sociales et les sciences du comportement.</p>
<p>On le constate à nouveau avec la crise que nous venons de vivre, il ne s’agit pas seulement de produire des connaissances, de diffuser de l’information : il faut s’assurer qu’elle est perçue correctement, et si ce n’est pas le cas, comprendre pourquoi. Certaines conséquences des crises sanitaires dépassent le cadre purement « santé ». Le confinement, par exemple, a eu des répercussions sur le plan économique, il a modifié les relations sociales, familiales, accru l’isolement, le décrochage scolaire… Là encore, les sciences sociales, les sciences du comportement sont indispensables pour appréhender correctement ces sujets.</p>
<p>En outre, de nouveaux métiers devront aussi accompagner la santé dans le futur. Des sujets de santé publique mobilisant d’autres compétences que celles des actuels professionnels de santé émergent, notamment en ce qui concerne les conséquences des changements environnementaux.</p>
<p><strong>TC : Au-delà du manque de financement, la santé publique ne souffre-t-elle pas d’un déficit d’image, à l’ère de la médecine personnalisée et du diagnostic de précision ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Effectivement, aujourd’hui la santé publique est un peu le parent pauvre de la médecine en termes d’image. Les internes la choisissent souvent en dernier.</p>
<p>On peut les comprendre : si vous pensez que santé publique est synonyme d’un métier administratif ou de management alors que votre passion, c’est le soin, ce n’est pas très engageant. Pourtant les sujets dont on parle en ce moment en santé publique sont passionnants et ont une résonance auprès des jeunes générations.</p>
<p>Par ailleurs, je pense qu’il ne faut pas opposer l’approche collective de la santé et l’approche individuelle. Je suis pneumologue, je connais bien la problématique du cancer du poumon. Jusqu’à récemment, cette maladie était toujours mortelle, les résultats étaient catastrophiques. Mais depuis quelques années, on arrive à guérir des malades, grâce à des approches de médecine personnalisée et d’immunothérapie dont la nature est adaptée en fonction de la présence, chez le malade, de certains gènes. C’est une approche très coûteuse, mais elle sauve des vies. Une approche de santé publique réussie, qui parviendrait à diminuer drastiquement la consommation de tabac dans le pays, permettrait d’éviter un grand nombre de cancers du poumon, et donc de diminuer le coût direct et indirect de la maladie, ce qui permettrait d’allouer davantage de moyens à la médecine de soin et de compenser le surcoût du progrès médical.</p>
<p>On le voit avec cet exemple, les investissements dans le domaine de la santé publique et du soin sont liés, et leur relation est particulièrement intéressante à explorer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manuel Tunon de Lara ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’épidémie de Covid-19 l’a durement rappelé : dans notre pays la santé publique reste le parent pauvre des investissements en santé, surtout dédiés au soin. Comment améliorer la situation ?Manuel Tunon de Lara, Professeur des Universités - Praticien Hospitalier, France UniversitésLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1459642020-09-21T19:14:11Z2020-09-21T19:14:11ZLe confinement a-t-il joué en faveur d’un plus long congé paternité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359016/original/file-20200921-16-302os8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C22%2C4985%2C3270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le confinement en France a permis à de nombreux pères de plus s'impliquer auprès de leurs nouveaux-nés. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/adorable-bebe-coffre-coffre-fort-2133/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les mesures de confinement strictes imposées en France entre mi-mars et mi-mai 2020 ont conduit de nombreux pères avec un nouveau-né à passer bien plus de temps à leur domicile qu’ils ne l’avaient prévu (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/000436391?idbank=000436391#Tableau">environ 110 000 naissances</a> sur la période).</p>
<p>Pour eux, et tout particulièrement pour ceux au chômage partiel, l’expérience du confinement a pu se rapprocher de celle d’un congé de paternité de deux mois.</p>
<p>Deux mois, c’est quatre fois plus que les deux semaines habituellement destinées aux pères en France. L’Hexagone permet en effet aux pères de prendre trois jours de congés de naissance et onze jours consécutifs de congé paternité utilisables jusqu’aux quatre mois de l’enfant – week-ends et jours fériés inclus. La réforme annoncée récemment par le gouvernement - et qui entrerait en vigueur en juillet 2021 - devrait permettre de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/22/la-duree-du-conge-paternite-en-france-va-etre-doublee_6053210_3224.html">doubler</a> les nombres de jours attribués aux pères.</p>
<p>Pour une partie de ses défenseurs, la réforme permettrait de mieux répartir les charges familiales occasionnées par l’arrivée des enfants sur les carrières professionnelles des mères et des pères.</p>
<h2>Le confinement, déjà un allongement du congé paternité </h2>
<p>Pour les parents qui ont connu une naissance au printemps 2020, le confinement s’apparente à une expérience de ce que pourrait être l’allongement du congé de paternité en France. Comprendre comment les pères avec un nouveau-né ont vécu le confinement et ce qu’ils ont fait durant cette période offre des pistes pour repérer les potentiels effets d’une telle réforme.</p>
<p>Dans cet objectif, nous avons conduit des entretiens approfondis auprès de pères ayant connu une naissance juste avant ou pendant le confinement (de mi-février à mi-avril), <a href="https://www.sciencespo.fr/osc/fr/node/2124.html">dans le cadre d’une recherche sur le congé de paternité</a>.</p>
<p>Nous nous concentrons ici sur le cas de sept pères pour qui l’activité professionnelle fut très fortement réduite (3) voire totalement arrêtée (4). Ce petit échantillon permet d’explorer de manière fine leurs différents vécus. Exerçant des métiers diversifiés (cuisinier, électricien, chef de chantier, ingénieur, cadre de la publicité, réceptionniste d’hôtel, instituteur), leurs témoignages nous donnent de premières indications sur comment s’est passé l’accueil d’un enfant dans un tel contexte.</p>
<h2>Confiné avec bébé : une chance dans son malheur ?</h2>
<p>Vivre une naissance au cœur de la pandémie n’est pas une expérience à idéaliser. Le moment de l’accouchement, en particulier, fut compliqué par la <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/je-n-ai-pas-envie-d-accoucher-seule-en-pleine-epidemie-de-coronavirus-les-femmes-enceintes-angoissent_3876831.html">restriction des visites à la maternité</a>. La plupart du temps, les pères interrogés n’ont été autorisés qu’en salle de naissance et pour les deux premières heures de vie de l’enfant.</p>
<p>L’absence de proches a pu contribuer à faire vivre un fort sentiment d’isolement aux mères, en particulier celles incapables de se déplacer pour communiquer leurs douleurs et inquiétudes à un personnel médical très occupé.</p>
<p>Après la naissance, beaucoup furent obligées de prendre en charge leur nourrisson sans leur conjoint durant les trois à cinq jours à la maternité alors qu’elles se remettaient à peine de leur accouchement. Du côté des pères interviewés, la séparation avec leur enfant quelques heures seulement après sa naissance a pu être vécue comme une véritable épreuve.</p>
<p>Si les pères ont évoqué les inquiétudes et la fatigue accumulée par leurs conjointes liées à leur absence à la maternité, ils ont d’un autre côté souligné les aspects positifs du confinement une fois l’enfant au domicile.</p>
<p>Malgré leurs potentielles préoccupations sanitaires et financières, ils ont insisté sur la manière dont leur présence au quotidien leur a permis de profiter de leur nouveau-né en le voyant grandir au jour le jour à un âge où l’enfant change très rapidement.</p>
<p>Pierre, chef de chantier dont l’activité se réduisit à 2 heures par jour, déclare ainsi que le confinement fut :</p>
<blockquote>
<p>« une chance… si on peut dire. Ça m’a permis de le voir s’éveiller, de passer des moments avec lui qui auraient été impossibles autrement ».</p>
</blockquote>
<h2>Une présence accrue qui favorise l’investissement auprès du bébé</h2>
<p>La présence renforcée des pères a pu faciliter l’accueil du nouveau-né et le repos de leur partenaire. En particulier, le confinement a donné la possibilité aux interviewés de « vivre au rythme du bébé », c’est-à-dire de calquer l’organisation quotidienne (sommeil, tâches du quotidien…) aux besoins et appels du bébé.</p>
<p>Cette liberté dans le contrôle du temps s’est révélée avantageuse dans la gestion de la fatigue, les nuits pouvant être éprouvantes pour les parents avec un nourrisson se réveillant toutes les trois ou quatre heures. Souvent, la nécessité de préserver le sommeil du père parce qu’il travaille est une raison évoquée pour expliquer la plus grande implication des mères dans les tâches parentales nocturnes. En l’absence d’activité professionnelle, les parents purent davantage se relayer la nuit.</p>
<p>Pour certains pères interrogés, vivre de près les premiers moments du bébé amène d’ailleurs à une meilleure prise de conscience de l’ampleur du travail de soins et de la disponibilité nécessaire aux nouveau-nés, comme pour Rayane :</p>
<blockquote>
<p>« Tu restes plus longtemps, donc tu vois ce que sont les galères pour se lever le soir, que tu ne peux même pas faire ta douche tranquille… »</p>
</blockquote>
<p>L’investissement des pères dans les tâches familiales a pu être d’autant plus renforcé que certains couples se sont retrouvés coupés d’aide extérieure.</p>
<p>Les mesures de distanciations sociales ont pu empêcher la venue de proches (souvent des femmes qui ont déjà eu un enfant) initialement prévue pour aider les premiers temps dans l’apprentissage des tâches parentales et la gestion des tâches domestiques. En l’absence de la (belle) mère, (belle) sœur ou de l’amie, certains pères interrogés ont donc pris la relève.</p>
<h2>Ce que veut dire – et ne veut pas dire – « être présent »</h2>
<p>La plupart des pères interrogés ont spontanément associé le confinement à un congé de paternité étendu. La majorité manifeste une certaine fierté à être restés avec leur enfant durant ses premiers mois, comme Christophe qui remarque : « j’ai fait plus fort que les Suédois ! » (en Suède les pères doivent prendre un congé d’au minimum 60 jours, extensibles jusqu’à 480 jours).</p>
<p>Ces réactions révèlent les attentes sociales qui les entourent. Être un bon père, c’est selon leurs mots « être présent » pour l’enfant. En ce sens, faire une coupure professionnelle de deux mois pour l’arrivée du bébé est socialement valorisant.</p>
<p>« Être présent » peut néanmoins revêtir des significations très différentes. Pour deux interviewés, il s’agit expressément d’accomplir les tâches parentales autant que leur partenaire.</p>
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<img alt="Un jeune père lit une histoire à son bébé" src="https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359028/original/file-20200921-20-ep38ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les études montrent qu’une grande majorité de pères s’impliquent plutôt dans les activités ludiques ou récréatives..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/homme-amour-gens-personnes-3536630/">Nappy/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour les autres, l’importance de la présence paternelle réside plus généralement dans l’idée de faire partie du quotidien de l’enfant pour nouer un lien. Dans ces derniers cas, les pères se considèrent comme des « seconds » ou des « suppléants » qui aident leur conjointe à s’occuper du bébé.</p>
<p>Pour ces pères, l’état de fatigue de leur conjointe lié à l’accouchement requière qu’ils fournissent des efforts exceptionnels dans l’accomplissement des tâches domestiques quotidiennes et la prise en charge du nouveau-né. Ils inscrivent plutôt cet investissement dans une logique temporaire et circonstancielle que dans une routine durable.</p>
<p>En effet, les mères posséderaient selon ces pères une compréhension innée et inégalable des besoins de l’enfant, expertise face à laquelle ils se positionnent en solution de secours. Pour Robin par exemple, sa compagne s’occuperait davantage des « tâches essentielles » (liées au soin de l’enfant) du fait de son « instinct maternel », tandis que son rôle de père consisterait d’abord à s’investir dans les jeux.</p>
<p>La manière dont les pères dirigent leur investissement parental prioritairement dans les activités ludiques ou récréatives est un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01215143/">résultat bien établi en sociologie</a>.</p>
<h2>Des imaginaires forts toujours présents</h2>
<p>L’expérience du confinement n’apparaît pas avoir automatiquement bouleversé cette logique. Ainsi, tous les pères interrogés n’ont pas investi de la même manière le temps libéré par le confinement en fonction de leurs croyances et de leurs représentations sociales préalables sur les rôles que doivent jouer femmes et hommes.</p>
<p>En levant les barrières structurelles restreignant la présence des pères dans les premiers mois de l’enfant, le confinement a esquissé comment l’allongement du congé de paternité pourrait être une première étape vers plus d’investissement des hommes dans les tâches parentales et faciliterait l’accueil du bébé.</p>
<p>Dans le même temps, les témoignages montrent aussi que le confinement n’a pas systématiquement remis en cause les représentations de la mère comme principale responsable de l’enfant, laissant entrevoir les potentielles limites de l’allongement du congé à un mois du point de vue de l’égalité femmes-hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145964/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche a bénéficié du soutien apporté par l’ANR et l’État au titre du programme d’investissements d’avenir dans le cadre du LABEX LIEPP (ANR-11-LABX-0091, ANR-11-IDEX-0005-02) et de l’IdEx Université de Paris (ANR-18-IDEX-0001</span></em></p>Comprendre comment les pères avec un nouveau-né ont vécu le confinement et ce qu’ils ont fait durant cette période offre des pistes pour repérer les potentiels effets d’une telle réforme.Alix Sponton, Doctorante en sociologie, INED, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451332020-08-28T14:02:13Z2020-08-28T14:02:13ZLes femmes arrivent ! Les nouveaux postes – prestigieux – de Chrystia Freeland et de Kamala Harris sont dans l’air du temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355346/original/file-20200828-23-18hivhp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chrystia Freeland est devenue ministre des Finances après la démission de Bill Morneau à la suite de l’affaire UNIS (WE).</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Adrian Wyld</span></span></figcaption></figure><p>Deux nominations, qui ont eu lieu la semaine dernière, font éclater le plafond de verre en Amérique du Nord.</p>
<p>Aux États-Unis, la sénatrice Kamala Harris, ancienne procureure générale de Californie, <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/583962/joe-biden-choisit-kamala-harris-comme-colistiere">a été nommée colistière de Joe Biden</a>, candidat démocrate à la présidence âgé de 77 ans. Il s’agit de la troisième femme à être nommée à ce poste et, en tant que fille de parents indiens et jamaïcains, de la première femme racisée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aGzJr_andDA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le discours de Kamala Harris après sa nomination comme colistière.</span></figcaption>
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<p>Et <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2020-08-18/chrystia-freeland-devient-la-premiere-femme-ministre-des-finances.php">Chrystia Freeland est devenue la première femme ministre des Finances</a> au Canada. J’avais rêvé que je serais celle qui briserait ce plafond de verre lorsque j’étais la porte-parole officielle de l’opposition en matière de finances pour le NPD. Cela n’a pas été le cas, mais je suis heureuse pour Mme Freeland. Il y a eu déjà des femmes à la tête des finances dans des gouvernements provinciaux, mais cela ne s’était encore jamais produit au fédéral. Ces changements offrent de l’espoir aux filles et aux jeunes femmes de partout dans le monde.</p>
<p>Mais les transformations se font très lentement. Si l’on observe la situation dans le monde, on constate que parmi les dirigeants mondiaux élus, <a href="https://www.statista.com/statistics/1058345/countries-with-women-highest-position-executive-power-since-1960/">il n’y a que 16 femmes</a>, soit environ 10 %. Ni le Canada ni les États-Unis n’ont jamais eu une femme à la tête du pays. Les conseils d’administration des entreprises ne sont pas beaucoup plus performants : <a href="https://www.catalyst.org/research/women-in-management/">17 % des PDG dans le monde sont des femmes</a>.</p>
<p>Kamala Harris et Chrystia Freeland prennent tous deux leur fonction pendant une période trouble, ce qui amène certains à se demander <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/covid-19-les-pays-diriges-par-des-femmes-gerent-ils-mieux-la-crise-355335">pourquoi est-ce en temps de crise qu’on met de l’avant les femmes</a> ? Et la réponse semble être parce qu’elles font alors preuve d’une grande efficacité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-il-y-a-de-femmes-au-gouvernement-plus-la-population-est-en-sante-109697">Plus il y a de femmes au gouvernement, plus la population est en santé</a>
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<h2>Un souffle nouveau</h2>
<p>L’administration américaine actuelle a mal géré la pandémie de Covid-19, et le pays est devenu celui qui a connu le <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/2020/coronavirus-covid-19-pandemie-cas-carte-maladie-symptomes-propagation/">plus grand nombre de cas et de morts</a>. Les manifestations en <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2020/07/03/us/george-floyd-protests-crowd-size.html">lien avec le mouvement Black Lives Matter</a> ont dénoncé le profilage racial des forces de l’ordre et la persistance du privilège blanc dans le monde politique, économique et social ainsi que dans les entreprises. Aux États-Unis, on craint que les <a href="https://www.thestar.com/news/world/2020/08/23/justified-fear-jeffrey-toobin-on-what-donald-trumps-re-election-would-mean-for-us-democracy.html">fondements de la démocratie ne soient menacés</a> par les actions du président Trump.</p>
<p>Kamala Harris insuffle de <a href="https://www.ajc.com/life/opinion-kamala-harris-the-hope-excitement-and-trepidation-of-black-america/72FEOKMJTNGE3MAY2RXTQYLLJQ/">la vie, un changement générationnel, de l’énergie et de l’enthousiasme</a> dans la campagne démocrate pour reconquérir la présidence. Elle devrait motiver les électeurs progressistes, jeunes, racisés et les femmes à se rendre aux urnes pour détrôner le président actuel. Sa nomination comme colistière est inédite, mais si elle devait passer à l’étape suivante, à savoir la présidence, elle pourrait bien aider les États-Unis à se remettre complètement de leur humeur maussade et de leur instabilité.</p>
<p>Ici, au Canada, il est regrettable que le gouvernement libéral soit embourbé dans <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/grenier-trudeau-ethics-we-1.5645464">son troisième scandale éthique</a>. Le premier ministre Trudeau, déjà reconnu coupable deux fois de violation de règles d’éthique, souhaitait désespérément changer le cadre politique, mais au moment même où le gouvernement publiait des milliers de documents sur l’affaire UNIS (WE), <a href="https://www.ledevoir.com/politique/canada/584315/le-ministre-bill-morneau-demissionne">Bill Morneau, ministre des Finances, donnait sa démission</a>. Chrystia Freeland, ancienne journaliste et auteure, l’a alors remplacé tout en gardant son poste de vice-première ministre.</p>
<p>Mme Freeland a démontré son talent de négociatrice lors du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1407996/aceum-alena-chrystia-freeland-libre-echange-amerique-nord-mexique-etats-unis">renouvellement de l’accord ALENA</a> et en tant que responsable des Affaires intergouvernementales. Elle est brillante, compétente et expérimentée. Elle peut faire un très bon travail aux finances, et beaucoup la voient comme une future première ministre – il est donc triste que d’autres la considèrent comme un <a href="https://www.politico.com/news/2020/08/18/chrystia-freeland-canada-first-female-finance-minister-398251">paravent politique</a>.</p>
<h2>Envoyez la cavalerie</h2>
<p>Il ne fait aucun doute que Mesdames Harris et Freeland sont toutes les deux solides, compétentes et à la hauteur de leurs nouvelles fonctions. C’est peut-être le meilleur moment pour faire appel aux femmes afin de remédier à tout ce qui cloche en politique. Certains affirment que si l’on compare le bilan des dirigeantes depuis le début de la pandémie, <a href="https://www.forbes.com/sites/avivahwittenbergcox/2020/04/13/what-do-countries-with-the-best-coronavirus-reponses-have-in-common-women-leaders/#367bed313dec">elles obtiennent de très bons résultats</a>, surtout si on les compare aux hommes forts qui sont à la tête de différents pays.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pandemie-les-femmes-font-elles-de-meilleures-leaders-137048">Pandémie : les femmes font-elles de meilleures leaders ?</a>
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<p>Le Canada, même avec un <a href="https://theconversation.com/trudeaus-new-cabinet-gender-parity-because-its-2019-or-due-to-competence-126646">cabinet égalitaire</a>, se classe 61e au monde pour la représentation des femmes dans les parlements nationaux. C’est une honte et nous devons élire davantage de députées qui correspondent à la grande diversité canadienne.</p>
<p>Si on regarde dans le monde entier, on remarque qu’il existe une nouvelle génération de femmes dirigeantes comme <a href="https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/2020-08-18/nouvelle-zelande-ardern-qualifie-de-fausse-la-declaration-de-trump-sur-le-virus.php">Jacinda Ardern, en Nouvelle-Zélande</a>, ou <a href="https://www.courrierinternational.com/article/politique-sanna-marin-la-finlande-entre-les-mains-de-femmes-trentenaires">Sanna Marin et sa coalition de cinq jeunes femmes</a> dirigeantes de parti en Finlande, qui ont fait preuve d’excellentes qualités de meneuses.</p>
<p>Que ce soit au Canada, aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou en Finlande, nous espérons que la prochaine génération n’aspirera pas seulement au pouvoir pour elle-même, mais qu’elle permettra une meilleure représentation pour les années à venir. Qu’on puisse cesser de chercher à briser le plafond de verre et parler enfin d’une véritable égalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145133/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Peggy Nash Peggy est membre du NDP et membre du conseil d'administration de l'Institut Broadbent.</span></em></p>Les femmes occupent de plus en plus de postes de direction à haute visibilité. Cela reflète leur capacité à gérer efficacement, comme l’ont démontré Chrystia Freeland et Kamala Harris.Peggy Nash, senior Advisor to the Dean of Arts, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1416282020-07-01T17:44:42Z2020-07-01T17:44:42Z« Privilège blanc » : quels mots pour quelles luttes ?<p>Fin mai 2020, le meurtre de George Floyd lors d’une interpellation par des policiers de Minneapolis suscite de vastes manifestations, aux États-Unis et ailleurs. En France, cet homicide dénoncé comme raciste trouve un écho particulier, alors que le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/10/violences-policieres-le-comite-adama-maintient-la-pression-sur-le-gouvernement_6042363_3224.html">Comité pour Adama</a> appelle à différents rassemblements au cours du mois de juin. Ces protestations, qui revendiquent un égal traitement pour toutes les vies humaines, croisent un mouvement de dénonciation des <a href="https://selp.eu/non-classe/violences-policieres/">violences policières</a>, notamment depuis la répression des manifestations de « gilets jaunes ».</p>
<p>Une expression se fait alors remarquer dans différentes tribunes signées par des intellectuels, mais également dans des messages postés sur les réseaux sociaux, ou au cours d’interviews de personnalités politiques : « privilège blanc ».</p>
<p>Dans le présent article, il ne s’agit pas de retracer <a href="https://www.franceculture.fr/societe/privilege-blanc-origines-et-controverses-dun-concept-brulant">l’histoire de l’expression</a>. Il s’agit encore moins de trancher sur le bien-fondé du terme « privilège blanc » : le linguiste cherche avant tout à analyser des enjeux, et à soulever des questions posées par la langue et ses usages, dans des contextes historiques déterminés.</p>
<h2>« Privilège blanc » : une expression conflictuelle</h2>
<p>Dès son surgissement, ce terme fait l’objet de débats. <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/lettres-d-interieur/lettres-d-interieur-04-juin-2020">L’écrivaine Virginie Despentes</a> prend la défense de ce mot lors d’une lettre ouverte où elle interpelle ses « amis blancs qui ne voient pas où est le problème ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Qo-sUWFZ4Z0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dans cette lettre, rédigée après la manifestation en soutien à Adama Traoré, Virginie Despentes s’adresse à « ses amis blancs qui ne voient pas où est le problème », elle dénonce le déni du racisme et explique en quoi « être blanc » constitue un privilège.</span></figcaption>
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<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/16/l-expression-de-privilege-blanc-n-est-pas-denuee-de-pertinence-pour-penser-le-contexte-francais_6042984_3232.html">sociologue Claire Cosquer</a> estime que, malgré ses limites, l’expression « privilège blanc » n’est pas totalement dénuée de pertinence pour penser le contexte français. À l’opposé, des féministes telles que <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-d-ali-baddou/l-invite-d-ali-baddou-12-juin-2020">Caroline Fourest</a> ou <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/elisabeth-badinter-privilege-blanc-racises-c-est-la-naissance-d-un-nouveau-racisme_2128325.html">Elisabeth Badinter</a> se rejoignent pour rejeter fermement le terme « privilège banc », dont elles estiment qu’il conduit à abandonner un idéal universaliste au profit de revendications catégorielles et identitaires.</p>
<h2>Le langage, une arme pour combattre les inégalités ?</h2>
<p>Avant d’être un objet de polémiques dans les médias français, l’expression « privilège blanc » est un terme qui accompagne des combats pour l’égalité et la justice, contre des discriminations systémiques et un racisme institutionnalisé. Elle est un <a href="http://www.slate.fr/story/95643/antiracisme-privilege-blanc">terme revendiqué</a>, en lien avec des prises de position. En ce sens, l’expression « privilège blanc » témoigne d’un phénomène très caractéristique des usages du langage : tout engagement est inextricablement lié à des mots, dont les acteurs politiques et sociaux s’emparent pour promouvoir leur cause et défendre un point de vue.</p>
<p>Les <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/slogan/">slogans</a> (« Justice pour Adama », « Police partout, justice nulle part », etc.), dont on connaît bien la fonction de ralliement et d’interpellation dans l’espace public, participent bien entendu de cet usage mobilisateur du langage. À côté des formes traditionnelles du slogan, sont apparus certains usages du hashtag qui en reprennent le double objectif de mise en visibilité et de mobilisation. Ainsi en est-il de <a href="https://www.contretemps.eu/black-lives-matter-keeanga-yamahtta-taylor/"><em>#BlackLivesMatter</em></a>, dans ce même domaine de la lutte des afro-américains pour la justice et l’égalité, ou de <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/metoo/"><em>#MeToo</em></a> dans le domaine des luttes féministes.</p>
<p>Mais, plus largement, au-delà des slogans et des hashtags, c’est le vocabulaire dans son ensemble qui fait l’objet d’un travail permanent dans l’action collective et les mobilisations sociales.</p>
<p>Certains collectifs féministes promeuvent des termes qui visent à mettre en relief les différentes formes de domination qui pèsent sur les femmes, et à faire prendre conscience de la <a href="https://www.agirparlaculture.be/luttes-feministes-et-batailles-semantiques-anne-cha">dimension construite</a> des relations entre les femmes et les hommes. Sont alors mis en avant, par exemple, des mots tels que « féminicide », « charge mentale », « mansplaining » (mecsplication), « manspreading » (étalement masculin) et « womancrossing ».</p>
<p>Tous ces termes, dont certains sont des emprunts à l’anglais, et qui ont dans tous les cas une dimension néologique (nouvelle forme, nouveau sens, etc.), visent à penser les objets de la lutte, et à faciliter la prise de conscience. L’ensemble de ce travail sur le vocabulaire et les concepts est considéré comme indissociable de l’action elle-même. Et, en effet, s’engager sur une cause passe nécessairement par le <a href="https://www.agirparlaculture.be/alice-krieg-planque-lutter-au-sujet-du-langage-fait-partie-du-combat-ideologique/">fait de travailler les mots</a> qui sont en rapport avec cette cause.</p>
<p>Mais le sens des mots échappe souvent à ses utilisateurs : les expressions, les mots d’ordre, les formules, les slogans circulent, prenant au passage des inflexions nouvelles dont il est difficile d’évaluer la portée et les effets.</p>
<p>C’est en partie la trajectoire du terme « privilège blanc », dont il n’est pas certain qu’il conserve dans l’espace discursif français des années 2020 les vertus de conscientisation et d’émancipation que projetaient à travers lui les <a href="https://laviedesidees.fr/Racisme-structurel-et-privilege-blanc.html">militants antiracistes américains des années 1970-80</a>.</p>
<h2>Le poids des mots dans la lutte contre les discriminations</h2>
<p>La langue, comme système de signes pris dans des usages, n’est pas neutre, qu’il s’agisse de l’expression « privilège blanc » ou d’autres. Le sens des mots n’est jamais stable, ni fixé une bonne fois pour toutes : les mots changent de sens en fonction de ceux qui les utilisent, en fonction des époques, en fonction de leur succès dans l’espace public, en fonction des événements qu’ils désignent à un moment donné, etc.</p>
<p>Ici, cette circulation du sens est doublée d’une traduction d’une langue à l’autre, ce qui rend les significations encore plus touffues, confuses et problématiques. Le terme « privilège blanc » résonne étrangement en France, et, dans tous les cas, il résonne très différemment de la manière dont « white privilege » (ou « white skin privilege ») peut faire sens aux États-Unis. Il en est de même dans le domaine des luttes féministes, où « male privilege » fait sens dans les discours militants anglophones, alors que « domination masculine » est plus aisément compréhensible en France – même si, bien sûr, par définition, il ne signifie pas exactement la même chose.</p>
<p>Un mot prend place dans un contexte historique donné. Aux États-Unis, l’organisation et les jugements sociaux s’inscrivent aujourd’hui encore dans le prolongement d’un <a href="https://theconversation.com/la-mort-de-george-floyd-et-celle-du-reve-americain-139750">système esclavagiste puis ségrégationniste</a> qui formalisait les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/les-interminables-combats-pour-legalite-aux-etats-unis-24-le-supremacisme-blanc-le-mal-persistant-de">droits supérieurs accordés aux blancs</a>. La situation française, marquée par l’héritage colonial, ne saurait être réellement éclairée par le passé ségrégationniste américain.</p>
<p>Par ailleurs, un mot arrive dans les discours avec une certaine signification. En langue française, un <a href="http://atilf.atilf.fr/tlf.htm">« privilège »</a> est notamment un avantage exorbitant, un droit exceptionnel, une prérogative injustifiée : un « privilège » est alors quelque chose qu’il faut abolir. Or, sur le thème qui nous occupe ici, le « privilège » serait plutôt ce qui devrait être généralisé à tous. La sémantique de la langue française semble ainsi peu propice à l’accueil du terme « privilège blanc ».</p>
<p>De surcroît, un mot est souvent marqué par l’histoire de ses usages. Dans le lexique politique français, le mot « privilège » renvoie notamment à « l’abolition des privilèges » votée <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/histoire-revolution-il-passe-nuit-4-aout-1789-5603/">dans la nuit du 4 août 1789</a>, par laquelle l’Assemblée constituante met fin au système féodal. Là encore, le parallèle a tout l’air d’une mauvaise rencontre : l’expression « abolition des privilèges » vient télescoper l’expression « privilège blanc », occasionnant une difficulté supplémentaire d’acclimatation de ce mot au cadre français.</p>
<h2>Quand le choix des expressions fait débat</h2>
<p>Le terme « privilège blanc », parce qu’il met en avant le seul critère racial, élude la multitude d’autres critères (âge, sexe, accent, orientation sexuelle, état de santé, etc.), qui dans certaines situations peuvent être plus déterminants.</p>
<p>La notion <a href="https://avril21.eu/2018/12/04/les-mobilisations-feministes-sur-internet-entre-luttes-anti-hegemoniques-et-reproduction-des-rapports-sociaux-de-domination/"><em>d’intersectionnalité</em></a>, qui malgré ses limites rappelle au moins que différents types de discriminations peuvent s’entrecroiser et se superposer, est ainsi contrariée par la notion de « privilège blanc », qui semble poser la couleur de peau (« blanchité », « whiteness ») comme facteur ultime d’explication des rapports sociaux.</p>
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<figcaption><span class="caption">Existe-t-il un privilège blanc en France ? La question, qui fait encore débat, est étudiée par Ary Gordien, chercheur au CNRS.</span></figcaption>
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<p>L’expression « privilège blanc », comme d’autres formulations avant et après elle, pourrait au moins avoir le mérite de susciter le débat.</p>
<p>Récemment encore, plusieurs rapports et résultats d’enquête, comme le rapport annuel de la <a href="https://www.cncdh.fr/fr/publications/rapport-2019-sur-la-lutte-contre-le-racisme-lantisemitisme-et-la-xenophobie">CNCDH</a>, le rapport de <a href="https://www.hrw.org/fr/report/2020/06/18/ils-nous-parlent-comme-des-chiens/controles-de-police-abusifs-en-france">Human Rights Watch</a> et l’étude du <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2020/06/discriminations-et-origines-lurgence-dagir">Défenseur des Droits</a>, ont rappelé à quel point des discriminations systémiques marquent insidieusement les rapports sociaux. Dans une multitude de contextes (emploi, logement, relations avec la police, etc.), « l’égalité » que proclame la devise républicaine est de toute évidence un horizon vers lequel des efforts considérables doivent encore être menés.</p>
<p>Il reste à savoir si l’expression « privilège blanc », avec ses effets de sens clivants et sa rhétorique identitaire, est la plus à même de porter les combats pour l’égalité dans la solidarité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Krieg-Planque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>D’où vient l’expression « privilège blanc » ? Est-elle la plus à même de porter les combats pour l’égalité et la solidarité ? Réponses de linguiste.Alice Krieg-Planque, Maîtresse de conférences en Sciences de l'information et de la communication, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1383842020-05-24T17:14:40Z2020-05-24T17:14:40ZChercheurs vs managers de la recherche : la guerre des mots<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336176/original/file-20200519-152320-10tupgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C371%2C5483%2C3303&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chercheurs et managers de la recherche ne parlent pas la même langue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/which-comes-chicken-egg-dilemma-concept-282143516">Crystal Eye Studio/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La crise actuelle nous montre que nous avons besoin d’une recherche de qualité. Mais avant que débute le confinement, le monde de la recherche était justement divisé sur la stratégie à adopter. Suite à la proposition de loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche, des chercheurs ont manifesté contre des mesures qui accentueraient la <a href="https://theconversation.com/la-recherche-a-lepreuve-de-la-mise-en-concurrence-131514">mise en compétition</a>.</p>
<p>Ils ont été particulièrement choqués par la déclaration du PDG du CNRS appelant à :</p>
<blockquote>
<p>«Une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies.» (Antoine Petit, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/la-recherche-une-arme-pour-les-combats-du-futur-1150759">Les Échos</a>)</p>
</blockquote>
<p>En analysant quatre mots, j’explicite ici un enjeu implicite des échanges entre «chercheurs» et «managers» : les deux camps ne parlent pas la même langue. Ici, chercheur et manager sont davantage deux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Id%C3%A9al-type">idéaux types</a> que de vraies personnes. «Manager» désigne de façon générique le gouvernement et les hauts responsables de la recherche ; mais souvent, le chercheur est aussi manager d’une équipe. Le clivage de langue traverse un tel chercheur, ce qui rend sa position parfois intenable.</p>
<h2>Compétition</h2>
<p>Le manager répète que la compétition – une traduction de l’anglais <em>competition</em>, qui signifie plutôt «concurrence», fondée sur la rareté des ressources – améliore la recherche en faisant émerger les meilleurs chercheurs et projets et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/18/antoine-petit-nous-avons-un-imperieux-besoin-d-une-grande-loi-ambitieuse-et-vertueuse-sur-la-recherche_6023322_3232.html">augmenter «l’attractivité»</a> de la <a href="http://www.cnrs.fr/en/node/4435">recherche et de l’enseignement supérieur</a> français. Les chercheurs répliquent que leur milieu est déjà hypercompétitif : rares sont les professions où une centaine de candidats visent un même poste alors que le salaire d’entrée est de <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/10/14/le-blues-des-chercheurs-francais_6015488_1650684.html">63 % de la moyenne de l’OCDE</a>, et les taux d’acceptation sont très bas, <a href="https://anr.fr/fr/resultats-de-laapg/aapg-2018/">15 % pour les projets proposés à l’ANR</a>. Ils répondent à côté.</p>
<p>En disant «compétition», le manager pense à un ensemble hiérarchisé de compétitions à différents niveaux : entre chercheurs, laboratoires, universités, et même <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/18/antoine-petit-nous-avons-un-imperieux-besoin-d-une-grande-loi-ambitieuse-et-vertueuse-sur-la-recherche_6023322_3232.html">entre nations</a> et <a href="https://www.lesechos.fr/2017/09/retrouver-lambition-de-la-rupture-181872">entre USA, Europe et Chine</a>. Une compétition économique garantie par <em>l’innovation</em> technologique définit ici le rôle de la recherche. À cette condition seulement les niveaux de compétition peuvent s’imbriquer les uns dans les autres.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-recherche-a-lepreuve-de-la-mise-en-concurrence-131514">La recherche à l’épreuve de la mise en concurrence</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Or pour le chercheur, la compétition relève davantage de ce que Nietzsche <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/OEuvres-philosophiques-completes/Ecrits-posthumes">appelait</a> <em>l’agôn</em> chez les Grecs homériques. Dans cette joute, chacun tente d’être meilleur que l’autre, aidant ainsi l’autre à se dépasser. Le chercheur est idéalement dans l’émulation, mais, parce que la critique fait partie de la vie interne de la science et améliore <em>in fine</em> nos connaissances. Là où le manager n’a que l’<em>excellence</em> à la bouche, le chercheur penche plutôt pour l’<em>exigence</em>, laquelle est mise au service d’un but ou d’une <a href="https://agone.org/bancdessais/lesvicesdusavoir/">norme</a> précis, dont l’atteinte doit apaiser la joute. Pour l’universitaire, la norme est simplement la vérité. Or la norme de la compétition entre États, en ce qui concerne la recherche, est l’innovation, moteur de la croissance. L’innovation n’atteint jamais l’équilibre qui clôt pour Nietzsche le cycle de <em>l’agôn</em>.</p>
<p>L’écart entre les deux normes fait que, pour le chercheur, il n’existe pas une seule grande pyramide de compétitions emboîtées les unes dans les autres, mais simplement celle qu’il joue avec ses pairs, dans le cadre de collaborations. Le parasitage de la norme du chercheur par la norme du manager entraîne une extension des <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/malscience-nicolas-chevassus-au-louis/9782021175950">mauvaises pratiques</a>, par exemple <a href="https://www.cairn.info/revue-zilsel-2018-2-page-153.htm?contenu=resume">fraude, plagiat, et prolifération des journaux dits «prédateurs»</a>.</p>
<p>Enfin, la compétition internationale indexée sur la croissance contredit les verdicts de la science, selon lesquels la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/29/l-objectif-de-croissance-economique-serait-incompatible-avec-une-sortie-de-la-crise-ecologique_6021038_3232.html">poursuite de la croissance</a> <a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment">ruinera nos écosystèmes</a>.</p>
<h2>Évaluation</h2>
<p>Le manager classe les chercheurs selon leurs contributions relatives à la grande compétition internationale, afin de distribuer honneurs et finances. Ce classement doit être linéaire, comme l’arrivée d’un concours hippique : il faut donc un seul critère, de préférence quantitatif. Il est fourni par la <a href="https://www.cairn.info/revue-zilsel-2018-2-page-139.htm">bibliométrie</a>.</p>
<p>Le chercheur aussi évalue les autres, plus précisément leurs articles, à travers la <em>peer-review</em>. Toutefois, ces «évaluations» ne sont qu’homonymes. Le «referee» considère en principe le contenu d’un article scientifique au regard de ce qu’il connaît dans la discipline, et en apprécie avec rigueur la véracité, l’originalité et l’intérêt. Pareille évaluation est immanente au processus de recherche, elle est un prolongement du travail intérieur du chercheur.</p>
<p>L’évaluateur du management applique des grilles ou barèmes extrinsèques à un contenu, par exemple le facteur d’impact des revues (un indice évaluant le nombre de citations suscitées par les articles de la revue en question), dont la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2013.00291/full">connexion</a> avec l’évaluation immanente est lointaine. Cet évaluateur considère des listes de publications pour établir un classement sans considérer les apports à la discipline en tant que science ; il peut déléguer la tâche à un logiciel.</p>
<h2>Égalité</h2>
<p>Le manager répète que les chercheurs <a href="https://www.themeta.news/interview-a-petit/">ne sont pas égaux</a>. De fait, les universités et laboratoires ne sont pas égaux en termes de financement. L’inégalité de dotation des grandes écoles et des universités est importante : en moyenne <a href="https://www.challenges.fr/emploi/combien-coute-un-etudiant-a-l-etat_40375">21 000 euros par an et par étudiant pour les premières et 8 000 euros par an et par étudiant pour les secondes</a>). Cette inégalité conduit initialement à des inégalités entre chercheurs dans ces structures, puisqu’ils ne disposent pas de moyens comparables. Mais hormis cette inégalité «triviale», que signifierait l’égalité ?</p>
<p>L’<a href="https://academic.oup.com/pq/article-abstract/60/239/264/1499628">inégalité mesurée</a> est toujours un <em>fait social</em>, et non un fait naturel : les inégaux ne sont jamais inégaux par leurs seules propriétés intrinsèques, mais également en vertu de traits de leur environnement social, puisque les institutions fournissent inégalement aux chercheurs des ressources et du soutien. Et surtout, l’inégalité n’existe que si l’on valorise une dimension, sur laquelle on va l’estimer : vitesse pour les sprinters, sagacité pour les joueurs d’échec, bibliométrie pour les chercheurs. Décider si deux <em>personnes</em> sont égales ou inégales consisterait à comparer <em>tous</em> leurs traits, et agréger les égalités ou les inégalités concernant chacun de ces traits : aucune méthode n’existe pour pondérer ces traits. Dire les gens «égaux» ou «inégaux» est simplement la proclamation d’un droit – le droit à être également traité. Hormis ces deux sens – égalité proclamée en droit, (in)égalités de fait sur <em>une</em> seule caractéristique objective – le terme n’a pas d’usage.</p>
<p>Pour le manager, l’inégalité, mesurée en ressources et statut, évalue l’intensité de la compétition, qui améliorerait «l’efficacité» de la recherchesuivant la norme de la croissance et de l’innovation. Le système a intérêt à entretenir l’inégalité : les dispositifs de financement «au mérite» intensifient des petites inégalités de départ, en donnant toujours plus à ceux qui ont déjà un peu plus, ou en créant une discontinuité importante entre un premier recalé et un dernier reçu alors que leurs performances sont quasiment identiques.</p>
<h2>Autonomie</h2>
<p>Le chercheur et le manager parlent tous deux d’une chose au moins depuis 2009 – l’autonomie des Universités. En 2009, la loi LRU a donné aux Universités françaises une certaine indépendance, comme <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24651-cid54338/autonomie-les-benefices-pour-les-universites.html">l’autonomie budgétaire et la possibilité de créer des fondations</a>.</p>
<p>Pour le manager, les universités autonomes sont des universités qui payent leurs professeurs – alors qu’auparavant l’État disposait de la masse salariale. Elles sont en compétition les unes contre les autres sur le marché de la connaissance, alors que la compétition entre Peugeot et Nissan advient sur le marché du véhicule automobile – mais les règles et les dynamiques de la compétition sont les mêmes. Pour gagner cette compétition, l’Université autonome devrait pouvoir recruter les enseignants les plus «excellents» au sens de l’évaluation indiquée ci-dessus, donc les rémunérer au maximum pour les attirer, et attirer les meilleurs étudiants, auxquels on ferait alors payer des sommes conséquentes pour le droit à entendre ces professeurs – une <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/06/30/20002-20150630ARTFIG00399-les-universites-vont-devoir-faire-plus-d-economies.php">revendication sensible</a> depuis quelques années.</p>
<p>L’autonomie, pour le monde académique, <a href="https://www.boutique-dalloz.fr/les-libertes-universitaires-a-l-abandon-p.html">signifie plutôt</a> l’indépendance du savoir universitaire à l’égard de l’église et de ses croyances, de l’état et de ses idéologies : la norme de connaissance ne doit être soumise ni à la vérité révélée ni au marché. Publiques et gratuites, les universités en France sont déjà autonomes au sens du chercheur : sans besoin l’argent des étudiants, elles n’ont pas à s’engager à suivre des normes extrinsèques à la connaissance pour maximiser leurs gains.</p>
<p>L’autonomie n’est toutefois pas la «tour d’ivoire» unanimement moquée : parce que l’État garantit les universités, il est légitime de penser que les universitaires doivent des comptes au public. Dans des universités gratuites ouvertes à tous, un tel retour est réalisé par l’enseignement puis par la diffusion des savoirs. Pareil devoir de retour n’a rien à voir avec l’idée que les normes de la recherche seraient celles de la compétition économique et de la croissance.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Alice Lebreton Mansuy, Philippe Jarne et <a href="http://www.cogitamus.fr/">Camille Noüs</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Huneman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Évaluation, compétition, autonomie et égalité sont quatre pierres d’achoppements dans les relations entre chercheurs et managers de la recherche.Philippe Huneman, Directeur de recherche CNRS, Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368722020-05-13T18:57:00Z2020-05-13T18:57:00ZLe moment est venu de créer un revenu d’existence en démocratisant la monnaie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334369/original/file-20200512-82357-1r1b19k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C484%2C8930%2C6240&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si nous changions radicalement notre vision de l'argent ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Xeo_7HSwYsA">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le président Macron, dans son discours du lundi 13 avril, a conclu sur les mots du Conseil National de la Résistance « nous retrouverons les jours heureux ». Or, le Covid-19 l’a révélé au monde entier, nous ne pourrons retrouver les jours heureux qu’en changeant radicalement de société.</p>
<p>Pour remédier à la crise économique et sociale consécutive à la pandémie du Covid-19, de nombreuses initiatives, en France, mais aussi <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/chronique-eco-du-vendredi-17-avril-2020">d’autres pays occidentaux</a>, proposent l’instauration rapide d’un « revenu d’existence ». L’objectif est de distribuer un revenu de base pour, à la fois, limiter les situations d’extrême pauvreté et aussi éviter une trop forte contraction de la demande.</p>
<p>En tant que spécialistes de l’économie sociale et solidaire, nous proposons le revenu d’existence RECRE, permettant à la fois de dépasser le capitalisme et de <a href="https://www.cairn.info/defaire-le-capitalisme-refaire-la-democratie--9782749266305-page-259.html">renouveler la démocratie</a>.</p>
<p>Le RECRE est le versement mensuel, individuel et inconditionnel d’un revenu permettant de vivre dans la dignité sans obligation de travailler.</p>
<p>Cette proposition va plus loin que les initiatives de revenu universel lues dans la presse. Elle veut promouvoir une démocratie radicale, c’est-à-dire, selon le <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Le-public-et-ses-problemes">philosophe John Dewey</a>, de donner la possibilité à tous ceux qui le souhaitent de participer activement à la solution des problèmes qu’ils rencontrent.</p>
<p>La singularité de ce revenu c’est de reposer sur la création monétaire et non pas sur le principe de la redistribution. Pour comprendre son fonctionnement, nous partirons de l’exemple des <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-1-page-81.htm">Systèmes d’Échanges Locaux</a> (SEL).</p>
<h2>Qu’est ce qu’un SEL ?</h2>
<p>Un SEL est une association à but non lucratif où les membres échangent certains biens, connaissances ou savoir-faire à l’aide d’une monnaie qui leur est propre (le Piaf par exemple pour le <a href="http://www.seldeparis.org">SEL de Paris</a>). Il ne s’agit pas d’un simple troc mais d’une réciprocité multilatérale. Djamila aide Marc dans la réparation d’un vélo et reçoit en échange X unités monétaires, elle peut donc à son tour faire garder ses enfants par Eric en lui donnant ses X unités.</p>
<p>Actuellement, le SEL de Paris est le plus grand qui compte environ 400 adhérents. Dans d’autres lieux le cercle peut être plus restreint et compter quelques dizaines d’adhérents.</p>
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<figcaption><span class="caption">Fonctionnement d’un SEL en Lorraine.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les règles de fonctionnement (Combien vaut le service ? Quel est le niveau de débit acceptable ?…) sont entièrement délibérées par les adhérents.</p>
<p>De ce fait, ces règles varient d’un groupe à l’autre mais on retrouve la même conception de la monnaie : un pur nombre qui permet la production et la mesure de l’activité. Ainsi, ces expériences citoyennes permettent de révéler trois choses sur la monnaie :</p>
<ul>
<li><p>La monnaie est un élément central d’une solidarité démocratique. Certes, elle revêt, en régime capitaliste, une dimension spéculative, mais comme le souligne <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/bibliotheque-des-savoirs/la-subsistance-de-l-homme">l’anthropologue Karl Polanyi</a>, elle est aussi une abstraction indispensable aux échanges économiques que l’on doit préserver d’une logique prédatrice. C’est, en effet, une construction sociale indispensable à la formation d’une communauté politique (dans un SEL, les membres de l’association) et au développement de l’activité économique.</p></li>
<li><p>La monnaie n’est pas une marchandise parmi d’autres, c’est un enregistrement comptable préalable à l’activité économique. On retrouve ainsi, la <a href="https://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1999_num_35_1_1265">théorie schumpetérienne</a> de la monnaie créance qui permet aux banques de créer ex-nihilo de la monnaie à l’occasion d’un crédit à l’entrepreneur innovant. Cependant, différence notable avec l’économie capitaliste, cette création, dans un SEL, n’est pas gérée par une banque privée ou par une banque centrale, bras armé de l’État, mais autogérée par les adhérents.</p></li>
<li><p>La monnaie nombre, créée de toutes pièces, permet d’engager la production par la distribution de revenus. Ces revenus sont dits primaires car ils découlent directement de la production effectuée par les acteurs. De ce fait, ils obtiennent des droits de tirage sur la richesse globale sans passer par les fourches caudines et donc conditionnelles des règles de la redistribution (prestations sociales : revenus secondaires). Un SEL peut ainsi décider de distribuer de la monnaie pour permettre à ceux qui n’ont pas de revenu d’entrer dans l’échange.</p></li>
</ul>
<h2>Une solidarité démocratique nouvelle</h2>
<p>Ces trois enseignements sont à la base de RECRE. Il s’agit, tout d’abord, d’instaurer un revenu universel par création monétaire favorisant une solidarité démocratique entre tous les habitants du territoire. Cette création monétaire se fait au nom d’une valeur commune : le droit pour tous de vivre dans la dignité.</p>
<p>Il s’agit, également, d’initier une gestion démocratique de la <a href="https://theconversation.com/pas-de-transition-sans-une-nouvelle-approche-de-la-monnaie-pour-une-monnaie-deliberee-59476">monnaie</a> en soumettant ses règles de fonctionnement à la délibération de tous. La monnaie cesse d’être un bien public géré par le système bancaire privé.</p>
<p>Notre proposition suppose donc deux choses : premièrement la reconnaissance de la monnaie comme bien commun favorisant les activités économiques jugées utiles par la communauté. Ce qui suppose, d’une part, de reconnaître et d’encourager légalement les monnaies autonomes de type SEL et les <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2012-2-page-67.htm">monnaies sociales non complémentaires</a> par exemple les monnaies locales.</p>
<p>Cela suppose, d’autre part, de généraliser les banques éthiques et revenir au principe fondateur des banques coopératives et mutualistes : créer de la monnaie pour et par les sociétaires qui sont à la fois les clients et les décideurs.</p>
<p>Deuxièmement, et c’est sans doute le plus essentiel mais aussi le plus compliqué, démocratiser les institutions monétaires pour que la monnaie devienne pleinement un bien public.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9eBBIYWeUxs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La NEF une banque éthique et coopérative.</span></figcaption>
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<p>Il convient alors, tout d’abord, de redonner à l’État la possibilité d’utiliser la monnaie indépendamment des banques et de leur logique de rentabilité des fonds prêtés à court terme. Concrètement, la banque centrale doit non seulement pouvoir financer directement l’État (ce qui est pour l’instant interdit dans le cadre l’union monétaire européenne) mais plus fondamentalement redevenir un outil au service de la politique et cesser d’être un outil de contrôle des dépenses publiques.</p>
<p>On pourrait ainsi instituer la distribution d’un revenu d’existence à tous les habitants d’un territoire en utilisant la monnaie au nom de la dignité humaine.</p>
<p>Il s’agit dans le même temps d’opérer un contrôle démocratique sur les institutions bancaires par exemple en réservant des minorités de blocage à des citoyens élus dans les directoires des banques centrales. Dans le cadre de cette proposition de démocratisation du système monétaire que l’on vient d’esquisser, RECRE serait un revenu distribué en monnaie officielle. Dans l’idéal ce revenu se matérialiserait en euro si on imagine une réinvention de l’Union européenne.</p>
<p>Enfin, dernière caractéristique, il ne s’agit pas d’un revenu secondaire alimenté par l’imposition, mais d’un revenu primaire, à savoir un droit de tirage déterminé – par des procédures délibératives – sur la production globale.</p>
<h2>Une nouvelle forme de distribution du revenu</h2>
<p>Par rapport à la proposition des présidents de département, RECRE n’est pas une prestation sociale mais bien une nouvelle forme de distribution du revenu. Il ne s’agit pas, non plus, contrairement <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20180913.OBS2310/ce-que-l-on-sait-du-revenu-universel-d-activite-propose-par-macron.html">au projet d’Emmanuel Macron</a>, de « revenu universel d’activité », de limiter l’État social en rassemblant toutes les prestations dans un versement social unique puisque RECRE peut être complémentaire de la protection sociale existante.</p>
<p>Ce revenu primaire ne se substitue pas d’avantage au salaire minimum, c’est au contraire un revenu supplémentaire, indépendant de l’activité individuelle. Ce n’est pas non plus, une mesure temporaire, le fameux « hélicoptère monétaire » consistant pour la banque centrale à distribuer de la monnaie aux ménages pour <a href="https://theconversation.com/lhelicoptere-monetaire-le-dernier-recours-des-politiques-economiques-134672">qu’ils consomment</a>.</p>
<p>C’est au contraire un revenu permanent versé de la naissance à la mort. Enfin, ce n’est pas une aumône philanthropique destinée aux plus pauvres mais une reconnaissance effective de l’égale dignité de chacun. Toutes ces caractéristiques nouvelles en font un puissant outil de transformation sociale permettant de fonder, sur d’autres bases intellectuelles, le débat public.</p>
<h2>Remettre en cause la centralité du travail</h2>
<p>Le RECRE permet une rupture radicale avec l’imaginaire productiviste qui emprisonne nos sociétés dans les contraintes du marché.</p>
<p>Il offre à tous ceux qui se sentent proches de la décroissance d’assumer leur choix sans pour autant sombrer dans la pauvreté. La monnaie n’est plus au service de la croissance et de l’accumulation du capital mais au service de la dignité humaine.</p>
<p>Par ailleurs le RECRE remédie à la dégradation du salariat (précarité, « bullshits jobs »…) et, plus fondamentalement, il ose remettre en cause la centralité du travail dans l’existence. Il n’est plus nécessaire de travailler pour vivre dans la dignité. Enfin, il s’attaque, en plus du salariat, à l’autre pilier du capitalisme : la propriété.</p>
<p>Le revenu n’est plus, dans cette perspective, uniquement lié à l’activité individuelle et à la possession de titres de propriété (action, terre, immobilier, brevet…). Une partie du revenu est lié, via la création monétaire, à un droit de tirage égalitaire sur un patrimoine commun (connaissances, techniques, nature…).</p>
<h2>Une rupture avec la démocratie libérale actuelle</h2>
<p>Enfin le RECRE permet une rupture profonde avec la démocratie libérale représentative actuelle.</p>
<p>Les droits de l’homme ne sont plus uniquement conçus comme des libertés détachées des réalités économiques. Le droit à la dignité humaine s’ancre dans un droit économique soit recevoir un revenu permettant de vivre décemment. Il susciterait aussi, ainsi que l’ont montré de nombreux philosophes politiques, comme <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2002-2-page-285.htm">Carnelius Castoriadis</a>, l’engagement des citoyens dans le projet démocratique.</p>
<p>Car délibérer prend du temps et nécessite, comme le souligne <a href="https://calmann-levy.fr/livre/condition-de-lhomme-moderne-9782702112755">Hannah Arendt dans son analyse de la démocratie grecque</a>, d’être libéré des contraintes du travail. Dès lors, le RECRE, en réduisant les inégalités concrètes, rend plus effectif l’égalité de droit qui est à la base de la démocratie.</p>
<p>Au final, le RECRE est une révolution intellectuelle qui combat les autoritarismes de marché et les choix arbitraires de l’État. Ainsi, il apporte les moyens économiques favorables à l’avènement d’une démocratie radicale. Tout comme l’énonçait le programme du Conseil National de la Résistance en son temps, c’est en instaurant un « ordre social plus juste » que l’on peut espérer retrouver les jours heureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La singularité d’une mise en place d’un revenu RECRE est de reposer sur la création monétaire et non pas sur le principe de la redistribution.Éric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Daniel Goujon, Maître de conférences en sciences économiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1349272020-03-27T17:40:09Z2020-03-27T17:40:09ZÊtre toujours du côté des « opprimé·e·s » : relire le philosophe Paulo Freire en temps de crise éthique<p>Plusieurs articles alimentent depuis plus d’une semaine différentes réflexions autour de l’idée de triage des patients. Il faut pourtant rester extrêmement prudent face à cette question. C’est ce que peut nous aide à mettre en lumière l’éthique de la critique du philosophe et pédagogue <a href="https://theconversation.com/les-enseignements-de-paulo-freire-un-pedagogue-toujours-actuel-73079">Paulo Freire</a>.</p>
<h2>De la dignité de la personne humaine</h2>
<p>Dans sa contribution <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/reponse_ccne_-_covid-19_def.pdf">Covid-19 du 13 mars 2020</a>, le Conseil Consultatif National d’Éthique reprend le principe qu’il avait déjà souligné dans son <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/avis_106.pdf">avis 106</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Néanmoins, les décisions qui seront prises, “quelle qu’en soit la nature, doivent répondre à l’exigence fondamentale du respect de la dignité humaine”, c’est-à-dire que la valeur individuelle de chaque personne doit être reconnue comme absolue. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ce que rappelle un <a href="https://news.un.org/fr/story/2020/03/1065132?123">groupe d’experts de l’ONU</a> concernant la gestion de la crise sanitaire :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde, sans exception, a droit à des interventions vitales et cette responsabilité incombe au gouvernement. La rareté des ressources […] ne devrait jamais être une justification pour discriminer certains groupes de patients. »</p>
</blockquote>
<p>Il est nécessaire de rappeler que le droit international depuis 1948, article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que : « Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits » et affirme ainsi le principe de dignité de la personne humaine. Ce principe a valeur constitutionnelle depuis 1994 en lien avec le <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/19234-les-questions-de-bioethique">droit de la bioéthique</a> en France.</p>
<h2>Lutter contre toute forme de marchandisation de l’être humain</h2>
<p>L’importance du principe de dignité de la personne humaine a été fort bien montré entre autres par le philosophe Lucien Sève, <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2020/03/24/la-mort-du-philosophe-marxiste-lucien-seve_6034266_3382.html">décédé cette semaine du Covid-19</a>, ancien membre du Comité Consultatif National d’Éthique, et notamment <a href="https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2009-2-page-27.htm">auteur</a> de l’ouvrage <a href="https://www.payot.ch/Detail/quest_ce_que_la_personne_humaine_-lucien_seve-9782843031328"><em>Qu’est-ce que la personne humaine ?</em></a>.</p>
<p>Il s’agissait en particulier pour lui de lutter contre toute forme de marchandisation de l’être humain. De ce fait, il est important de bien rappeler que le principe premier qui oriente la bio-éthique en France n’est pas l’utilitarisme, mais le respect de la dignité humaine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entretien avec Lucien Sève, philosophe marxiste (<em>L’Humanité</em>, 2018).</span></figcaption>
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<p>L’importance accordée à la dignité de la personne humaine est également au cœur de la philosophie de Paulo Freire comme le souligne cet <a href="https://iresmo.jimdofree.com/2019/06/27/r%C3%B4le-de-l-%C3%A9ducation-dans-l-humanisation/">extrait</a>, issu d’un résumé des conférences tenues à Santiago sous le parrainage de l’OEA, du Gouvernement chilien et de l’Université du Chili :</p>
<blockquote>
<p>« Si nous le [l’être humain] considérons comme une “chose”, notre action éducative se déroule en termes mécanistes, entraînant une domestication croissante de l’être humain. Si nous le regardons comme une personne, notre action sera chaque fois plus libératrice. »</p>
</blockquote>
<p>Paulo Freire est ainsi reconnu comme un des grands inspirateurs de la <a href="https://books.openedition.org/pupo/3831?lang=fr">pédagogie des droits humains</a>.</p>
<h2>Se méfier du fatalisme néolibéral</h2>
<p>La particularité de l’éthique de Paulo Freire est d’inscrire celle-ci dans la prise en compte des conditions sociohistoriques. Pour Paulo Freire, si l’être humain n’est pas déterminé, il est conditionné par sa situation sociohistorique. Son approche éthique s’inscrit dans ce que certains <a href="https://www.acelf.ca/c/revue/pdf/XXIX_2_266.pdf">auteurs nord-américains</a> appellent l’éthique de la critique qui se situe dans la continuité de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Francfort">École de Francfort</a>, un groupe de philosophes marxistes hétérodoxes allemands.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323579/original/file-20200327-146699-17g2qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au sein de l’École de Francfort, on trouvait notamment Max Horkheimer (au premier plan, à gauche), Theodor Adorno (au premier plan, à droite), et Jürgen Habermas en arrière-plan, à droite, en 1965 à Heidelberg.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Francfort#/media/Fichier:AdornoHorkheimerHabermasbyJeremyJShapiro2.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Paulo Freire a invité à se méfier du « fatalisme néolibéral » comme il l’écrit dans <a href="https://www.cairn.info/pedagogie-de-l-autonomie--9782749236391.htm"><em>Pédagogie de l’autonomie</em></a>. Cela signifie qu’avant d’en arriver à penser que nous sommes dans une situation de pénurie de ressources de soins qui imposent un triage des patients, il faut réellement s’assurer que toutes les ressources possibles ont été mises à disposition.</p>
<p>Par exemple, il y a eu des propositions telles que de recourir aux cliniques privées : d’après le président de la Fédération de l’hospitalisation privée, Lamine Gharbi, ces dernières seraient <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-les-cliniques-privees-demandent-etre-requisitionnees-6789549">sous-utilisées</a>. Ou encore renforcer la mise en place d’innovations comme les <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-un-tgv-medicalise-a-transporte-vingt-premiers-malades-pour-soulager-les-hopitaux-du-grand-est_3886333.html">TGV médicalisés</a>.</p>
<h2>Les ressources du volontarisme politique</h2>
<p>Un des travers de l’éthique peut être d’avoir une réflexion détachée des conditions sociales. Or il ne faut pas négliger les ressources du volontarisme politique. On l’a vu la <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-chine-ouvre-un-hopital-en-10-jours-contre-le-coronavirus-04-02-2020-2361114_24.php">Chine a construit un hôpital neuf en 10 jours</a> tout comme la <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200318.OBS26235/les-russes-construisent-un-hopital-prefabrique-pour-les-malades-du-coronavirus-comme-en-chine.html">Russie</a>, qui a opté pour cette solution. Certains <a href="https://www.lyonmag.com/article/106557/coronavirus-une-intersyndicale-de-l-hopital-edouard-herriot-reclame-un-depistage-systematique">syndicats en France</a> demandent la réquisition des usines capables de fabriquer des respirateurs artificiels.</p>
<p>Il faut être attentif à ne pas rendre inévitables les situations de pénuries en cas de catastrophes humanitaires. Elles ont pu être le fait de choix politiques malencontreux pris bien auparavant ou quelques semaines avant. De même, les ressources dont disposent un pays pour faire face à une catastrophe sanitaire ne peuvent pas être vues comme limitées en soi ne serait ce que parce qu’elles peuvent être accrues par l’aide internationale. On a vu ainsi des malades français transportés dans des hôpitaux allemands.</p>
<p>Il faut bien évidemment distinguer le triage lié au refus de l’obstination déraisonnable (ou acharnement thérapeutique) d’un triage qui est la conséquence d’une pénurie de moyens liés à des choix politiques. C’est ce que rappelle le CCNE dans son avis de mars 2020 :</p>
<blockquote>
<p>« L’émergence de l’épidémie Covid-19 se déroule aujourd’hui dans des conditions de tension dans les structures hospitalières publiques qu’il ne faut pas sous-estimer, liées à des restrictions budgétaires, des fermetures de lits et une insuffisance du nombre de personnels soignants, conduisant à des pratiques qualifiées parfois de « dégradées ». Des moyens pérennes supplémentaires sont désormais une absolue nécessité, plus particulièrement pour faire face à la crise sanitaire en cours. »</p>
</blockquote>
<h2>Principes de justice et risques de discriminations</h2>
<p>On a pu lire dans des articles de presse ces derniers temps accolés au terme de « triage » celui de <a href="https://theconversation.com/triage-medical-quelle-justice-face-a-lexigence-democratique-134442">« justice »</a> ou de <a href="https://www.espace-ethique.org/ressources/editorial/covid-19-des-choix-ethiques-redoutables-attendent-les-equipes-medicales">« juste »</a>.</p>
<p>Là encore, il faut faire preuve de la plus grande prudence comme le rappelle l’usage par le CCNE non pas de la notion de critères justes, mais d’une situation qui conduit au choix de critères toujours « contestables » :</p>
<blockquote>
<p>« Ainsi, lorsque des biens de santé ne peuvent être mis à la disposition de tous du fait de leur rareté, l’équité qui réclame une conduite ajustée aux besoins du sujet se trouve concurrencée par la justice au sens social qui exige l’établissement des priorités, parfois dans de mauvaises conditions et avec des critères toujours contestables. »</p>
</blockquote>
<p>En affirmant qu’il peut y avoir des critères de triage « justes » en soi, on risque d’affaiblir l’idéal d’égale dignité des personnes. Il n’est jamais juste au regard de ce principe d’établir des critères de qui a le droit de vivre ou de qui a le droit de mourir. On peut tout au plus parler de degrés d’injustice : il s’agit de trouver des critères qui sont les moins injustes. Mais, il n’y a pas de critères justes au regard du principe absolu d’égale dignité des personnes humaines. Ainsi, le critère de l’âge ou du « score de fragilité » peuvent conduire à une forme de discrimination des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap et/ou atteintes de polypathologies.</p>
<p>Paulo Freire assigne un rôle aux éthiciens et aux éthiciennes, celui d’être toujours du côté des « opprimé·e·s ». Cela signifie que leur rôle actuellement doit être avant tout de visibiliser la situation des personnes en risque de subir des discriminations et de faire l’objet d’inégalités de traitement et non pas de justifier le triage des patients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Irène Pereira est membre du Syndicat Sud Education, de la Fondation Copernic et de la LDH. </span></em></p>En affirmant qu’il peut y avoir des critères de triage « justes » en soi, on risque d’affaiblir l’idée d’égale dignité des personnes.Irène Pereira, Professeur de philosophie, chercheuse en philosophie et sociologie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1344422020-03-25T19:24:29Z2020-03-25T19:24:29ZTriage médical : quelle justice face à l’exigence démocratique ?<p>Le 17 mars 2020, face à la multiplication des cas graves de patients atteints du coronavirus, la Fédération hospitalière de France caractérisait la saturation de certains services de réanimation en parlant de <a href="https://www.fhf.fr/Presse-Communication/Espace-presse/Communiques-de-presse/La-FHF-appelle-les-Francais-a-une-union-sanitaire-sacree-seul-moyen-d-eviter-la-catastrophe-sanitaire-qui-se-profile">« médecine de guerre »</a>. Dans un contexte marqué par l’urgence et la limitation des ressources, l’expression renvoie à la nécessité d’opérer des sacrifices si tous les malades ne peuvent être soignés. Le même jour, un document intitulé <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-les-hopitaux-se-preparent-prioriser-l-acces-aux-soins-en-cas-de-saturation-6784722">« Priorisation de l’accès aux soins critiques dans un contexte de pandémie »</a> était justement présenté à la Direction générale de la Santé afin de guider les médecins dans leurs choix. En <a href="http://www.siaarti.it/SiteAssets/News/COVID19%20-%20documenti%20SIAARTI/SIAARTI%20-%20Covid19%20-%20Raccomandazioni%20di%20etica%20clinica.pdf">Italie</a>, en Belgique, en Angleterre, en Espagne ou encore aux États-Unis, les réflexions similaires abondent par précaution.</p>
<p>C’est en effet à la responsabilité des soignants qu’est traditionnellement associé le triage, perçu comme un dilemme relevant de l’éthique médicale au sens plein du terme. Il est toutefois nécessaire de rappeler que cette grille d’analyse ne saurait être exclusive quand les nations sont confrontées à une épidémie de cette ampleur. Parce que cette crise est un phénomène « total », la pratique, située en bout de chaîne, doit être replacée dans le contexte d’une responsabilité collective. L’acceptation démocratique de ces choix tragiques ne peut se faire qu’au prix d’une compréhension générale des enjeux. À ce titre, ils deviennent un problème de « justice distributive » mettant en conflit, au sein de tous les pays, plusieurs paradigmes concurrents.</p>
<h2>Une pratique polymorphe</h2>
<p>Le triage médical est une pratique polymorphe. Premièrement, sous la forme du « triage médical d’urgence », il s’effectue quotidiennement dans tous les hôpitaux. Des besoins très différents sont évalués pour réguler au mieux l’accès aux soins dans le temps sans mettre en péril la vie des patients, et le rationnement des ressources, quand il existe, est pensé comme une exception. Parallèlement, les équipes de réanimation possèdent leurs propres critères d’éligibilité. Elles distinguent entre les patients pour lesquels tout acte de soin est d’ores et déjà inutile, ceux qui peuvent seulement supporter une partie du traitement et ceux pour lesquels il est possible de tout mettre en œuvre.</p>
<p>Deuxièmement, le <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-centre-georges-canguilhem-2014-1-page-1.htm">« triage de catastrophe »</a> se distingue par sa rareté et le fait qu’il assume par nature la contrainte de ne pouvoir sauver tous les patients en mesure d’être soignés. Il caractérise notamment les situations de « guerre » ou post-attentats. Le degré de gravité des blessures et les chances de survie sont ici évalués pour éviter les morts « précoces » qui surviennent juste après le drame.</p>
<p>Troisièmement, la crise actuelle se présente comme un dépassement de ce cadre. <a href="https://www.espace-ethique.org/d/4208/4266">Comme l’indique Emmanuel Hirsch</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La situation n’a rien à voir directement avec une “médecine des catastrophes”. La mobilisation à la suite d’un acte terroriste est circonstanciée, les dispositifs poussent au maximum les capacités mises en œuvre dans le cadre de plans déjà expérimentés. »</p>
</blockquote>
<p>Si la temporalité et l’ampleur du défi semblent inédites, le passage de l’évaluation compassionnelle du patient selon ses besoins à l’inscription rationnelle de son cas au sein d’un équilibre collectif indexé sur les ressources disponibles est entériné. À ce titre, les critères des équipes de réanimation perdurent mais sont pensés dans la gestion d’un nombre plus important de cas. Alors qu’aujourd’hui seules les personnes incapables de supporter la réanimation sont exclues par le tri, une sélection entre des patients pour lesquels celle-ci serait utile est désormais envisagée.</p>
<hr>
<p>
<em>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coronavirus-et-triage-de-catastrophe-faudra-t-il-choisir-qui-sauver-et-qui-laisser-mourir-133422">Coronavirus et triage de catastrophe : faudra-t-il choisir qui sauver et qui laisser mourir ?</a>
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</em>
</p>
<hr>
<h2>Face au Covid-19, le triage médical est nécessairement un enjeu politique</h2>
<p>Dans ce contexte, il est essentiel de dépasser l’idée que le tri des patients, parce qu’il se déroule dans le huis clos médical, serait dépourvu de toute dimension politique. La tâche à venir pour les médecins est connue et suscite des questions légitimes de la part de citoyens. La solidarité nationale, donnée essentielle qui repose notamment sur l’égalité supposée entre les individus, l’attachement à la vie humaine et l’exigence de transparence, est mise au défi.</p>
<p>Pour être accepté, le tri doit par conséquent être le plus juste possible et renouer avec sa promesse originelle. Fondé sur les valeurs de l’égalité, rejetant les déterminants sociaux qui favorisent les injustices, le triage médical comporte théoriquement une dimension démocratique. Or, alors que le passage à la pratique fait craindre la permanence de structures de domination – <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-centre-georges-canguilhem-2014-1-page-1.htm">origine, classe sociale</a> – et témoigne d’une absence de consensus quant aux critères à retenir, le politique devient le garant du fonctionnement d’un système que la crise va éprouver et dont il sera également comptable en termes de résultats. Au cœur de diverses traditions nationales, il fait figure d’arbitre ultime de la hiérarchisation des valeurs qui doivent guider la gestion de cette crise, comprise comme un enjeu de santé publique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dTmUw6oxKB0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Lors de son passage à l’émission <em>Le Grand Jury</em> sur RTL le 22 mars dernier, le ministre de la Santé a dit « ne pas pouvoir exclure » un tri des patients.</span></figcaption>
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<h2>Sauver le plus grand nombre ? Le pari utilitariste</h2>
<p>À l’image d’autres questions de justice distributive, la répartition des biens de santé est ainsi traversée par une tension entre l’<a href="http://www.histophilo.com/utilitarisme.php">utilitarisme</a> et l’égalitarisme compris dans un sens large, c’est-à-dire entre la volonté de privilégier l’intérêt du plus grand nombre et celle de traiter tous les individus de manière équitable ou égale.</p>
<p>La vocation utilitariste est traditionnellement associée au triage médical en ce qu’il a souvent pour but explicite de favoriser une efficacité indexée sur la préservation du plus grand nombre de vies. C’est d’ailleurs l’esprit du texte remis à la Direction générale de la Santé le 17 mars. Celui-ci incite à l’utilisation du « score de fragilité », un indicateur qui classe les individus selon leur état de santé préalable et l’évolution attendue après leur contamination par le Covid-19. Le message implicite est clair : il convient de privilégier les patients présentant les meilleures chances de survie.</p>
<p>Cette conception purement « arithmétique » des vies sauvées a néanmoins ses limites et se trouve parfois complétée par une logique « qualitative » qui prend en compte d’autres paramètres. Plusieurs exemples, de nature hypothétique, permettent d’illustrer l’intérêt de cette démarche et le fait qu’aucun critère ne saurait être incontesté : choisirait-on réellement de privilégier une personne de 75 ans avec 40 % de chances de survie au détriment d’une personne de 30 ans qui, en raison de facteurs de comorbidité, n’en possèdent que 30 % ? En outre, les « années sauvées » ne constituent-elles pas un critère pertinent qui justifierait de traiter en priorité une personne de 20 ans dotée d’une soixantaine d’années d’espérance de vie moyenne en “bonne santé”, contre trois personnes de 80 ans et dotées respectivement de cinq années, soit quinze au total ?</p>
<p>Selon le modèle de l’indice <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/valeurs-individus-qaly-securite-31752/">QALY</a> (quality-adjusted life year), les personnes les plus âgées bénéficient par d’exemple d’un score souvent plus faible et sont considérées comme moins prioritaires que d’autres individus qui requièrent moins de soins dans l’absolu. Cette approche est notamment <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK274319/">développée en Angleterre</a> dans des contextes non épidémiques et pour des raisons économiques (coûts – bénéfices). Il n’est ainsi pas rare de voir naître la polémique dans le pays quand un patient en stade terminal se voit refuser l’accès à un protocole de soins qui lui permettrait un « sursis ». Le coût de la démarche n’est alors pas jugé « acceptable » en comparaison avec une utilisation alternative de la même ressource – y compris pour des actes moins urgents.</p>
<h2>La permanence de l’aspiration égalitaire</h2>
<p>Cet écart entre la situation critique des individus et la hiérarchisation en termes de priorité – assimilant la justice à la capacité de maximiser à la fois les chances de survie du plus grand nombre et la qualité de ces années sauvées – engendre diverses critiques qui empruntent respectivement aux notions d’équité et d’égalité. La première affirme, dans une optique proche du triage médical d’urgence, la primauté des malades les plus gravement atteints. Elle renoue avec les manifestations originelles de la pratique du tri qui insistaient plus sur l’exigence d’équité que sur celle de maximisation des ressources. C’est ainsi que <a href="https://theconversation.com/le-baron-larrey-ce-genie-a-qui-lon-doit-lambulance-et-la-serie-mash-62131">Dominique Jean Larrey</a>, chirurgien en chef de l’armée napoléonienne, fondait son tri uniquement sur la sévérité de la blessure et estimait que la justice consiste à soigner prioritairement ceux qui en ont le plus besoin à l’instant T.</p>
<p>La seconde critique se réclame du principe d’égal accès au traitement. De ce point de vue, le triage devrait restaurer l’égalité stricte entre les personnes dans l’accès aux ressources. Excluant par exemple le facteur discriminant de l’âge, la logique se fonde cette fois sur une perspective individuelle et se trouve justifiée par le fait que chaque personne valorise à parts égales sa vie. Dès lors, quand on doit choisir malgré tout, une prédilection est donnée aux critères perçus comme étant les plus neutres (tirage au sort, « premier arrivé, premier servi »).</p>
<p>Sans souscrire à ces raisonnements alternatifs dont la justesse est discutable, ces réticences ont le mérite de nous obliger à préciser la teneur de l’option utilitariste si elle devait se manifester dans des cas extrêmes. La maximisation de l’intérêt du plus grand nombre n’est pas incompatible avec certaines aspirations égalitaires. C’est ainsi que les origines n’ont aucune influence sur les choix menés ou qu’aucun patient déjà sous respiration artificielle avec des chances <em>raisonnables</em> de survie ne sera “débranché” au profit d’une autre personne qui bénéficie d’un pronostic encore meilleur. Quant à l’âge avancé, il ne doit pas être perçu comme un critère de discrimination sociale mais comme une variable du diagnostic médical. Il est vrai que certains patients très âgés ne sont pas en mesure de supporter la réanimation en elle-même et que le tri déjà pratiqué trouve ici une forme de logique. Ainsi comprise, la pratique bénéficie d’une légitimité accrue en ce qu’elle témoigne de sa prise en compte de valeurs cardinales au sein des sociétés et ne se résume pas à l’application de critères bruts de discrimination.</p>
<h2>Rendre le triage acceptable démocratiquement</h2>
<p>Plusieurs écueils perdurent néanmoins pour rendre le tri acceptable démocratiquement. Tout d’abord, gardons à l’esprit que les modèles n’épuiseront pas la diversité du réel. Les praticiens resteront confrontés à ce sentiment de solitude face à certains cas d’exception quand, pour les proches des malades, toute mort restera inacceptable.</p>
<p>Ensuite, un effort politique est à mener pour susciter une concorde la plus large possible et préserver le corps médical. La prise de parole de l’exécutif, incarnation de la souveraineté démocratique, peut ainsi être un outil de légitimation du triage. Elle doit également rappeler que le respect de la dignité des patients est impératif en toutes circonstances, et ce jusqu’à l’accompagnement en soins palliatifs.</p>
<p>Enfin, pour limiter les dommages futurs, la réflexion sur la justice distributive doit être élargie. Une pensée utilitariste encore plus poussée pourrait par exemple insister sur l’« utilité sociale » des soignants – combien de vies sont-elles sauvées quand nous préservons la santé et l’activité d’un médecin ? – et viserait à leur protection en amont (prévention des risques) et en aval (soins). Il semblerait alors indispensable de repenser l’allocation des biens nécessaires à l’action efficace de ce personnel, à l’image des tests de dépistage et des <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/masques-face-a-la-penurie-priorite-confirmee-aux-soignants_142666">masques de protection</a>. Dans ce cas comme ailleurs, les manques sont le <a href="https://theconversation.com/la-france-en-penurie-de-masques-aux-origines-des-decisions-detat-134371">produit de choix politiques globaux</a>, effectués en amont, et qui créent les conditions d’une rareté dont nous payons à présent collectivement le prix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Dignat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ampleur de l’épidémie pourrait contraindre les soignants à effectuer des choix tragiques. À quels principes éthiques ces choix obéiraient-ils ?Etienne Dignat, Doctorant en théorie politique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1332572020-03-23T18:47:03Z2020-03-23T18:47:03ZPourquoi la décentralisation à la française ne marche pas ?<p>Aux examens de la fonction publique, un texte ne peut être ignoré. Il s’agit de <em>Qu’est-ce qu’une Nation</em> <a href="http://www.iheal.univ-paris3.fr/sites/www.iheal.univ-paris3.fr/files/Renan_-_Qu_est-ce_qu_une_Nation.pdf">d’Ernest Renan</a>, considéré comme le texte fondateur de la conception de la Nation à la Française. On y apprend qu’une « province » doit avoir son mot à dire concernant la façon dont elle s’autogouverne. Cela contredit le centralisme français ? Non. Il s’agit d’une idée qu’on retrouve dans la constitution telle qu’elle est depuis 2003, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527579&cidTexte=LEGITEXT000006071194&dateTexte=20030329">selon laquelle</a> « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».</p>
<p>Aujourd’hui, un <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2203_projet-loi">projet de loi constitutionnelle</a> enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale vise à répéter encore une fois le même principe avec d’autres mots : il souhaite introduire dans la constitution un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/22035-collectivites-locales-deputes-droit-differenciation">droit à la différenciation</a> entre collectivités territoriales.</p>
<h2>La France, l’un des pays les plus centralisé</h2>
<p>Pourtant, malgré la répétition inlassable de ce même principe, la France reste, avec le Royaume-Uni, un des grands pays européens les plus centralisé. Les indicateurs internationaux, tels que le <a href="https://www.arjanschakel.nl/index.php/regional-authority-index">Regional Authority Index</a> montrent que la France est l’une des grandes démocraties au monde qui s’est le moins décentralisée pendant ces trente dernières années.</p>
<p>La dotation générale de fonctionnement aux collectivités territoriales depuis 2012 a baissé d’environ <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/455909/baisse-des-dotations-une-si-longue-histoire">10 milliards d’euros</a>. Les élus locaux montrent par leurs actions et par leurs paroles un malaise à cause des nombreuses contraintes législatives et réglementaires. En témoigne <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Rapport%20Enquete%20maires%208_11_19-1.pdf">l’enquête du CEVIPOF auprès des maires de juillet 2019</a>.</p>
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<p>Sept maires sur dix estiment que l’État veut reprendre la main sur l’action des municipalités. Ces affirmations sont cohérentes avec le fait que, sur la période 2014-2018 qui correspond aux quatre premières années de leur mandat, <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/2018/08/09/01002-20180809ARTFIG00259-vague-inedite-de-demissions-chez-les-maires-de-france.php">1 021 maires ont démissionné</a>.</p>
<p>Cela constitue un record historique et c’est un chiffre presque deux fois plus élevé qu’au mandat précédent sur une période identique.</p>
<h2>Décalage de principes</h2>
<p>Comment se fait-il que nous n’y arrivions pas ? Le décalage entre des principes constitutionnels fortement décentralisateurs et une réalité toujours jacobine est lié à la façon dont la loi encadre ces principes.</p>
<p>En effet, si les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=8957B128FE76820527FE394B05D08200.tplgfr37s_2?idSectionTA=LEGISCTA000006095833&cidTexte=JORFTEXT000000571356&dateTexte=20030329">articles 72, 72-1 et 72-2</a> de notre Constitution accordent une grande liberté aux collectivités territoriales, ils ne font pas moins de 14 fois référence à la nécessité de se conformer aux conditions prévues par la loi.</p>
<p>Par exemple, l’alinéa 2 de l’article 72 précise que les collectivités s’administrent librement « dans les conditions prévues par la loi ». De même, l’alinéa 3 ouvre la possibilité aux collectivités de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, mais toujours « lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu ». Ce ne sont que deux exemples parmi les quatorze qui offrent des opportunités pour aller vers une plus forte décentralisation, mais qui ont besoin, pour cela, que la loi suive l’esprit du texte constitutionnel.</p>
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<h2>Un code des collectivités de 1583 pages</h2>
<p>C’est le code général des <a href="http://codes.droit.org/CodV3/collectivites_territoriales.pdf">collectivités territoriales</a> qui régule et encadre ces principes constitutionnels. La simple taille de ce document tel qu’on le trouve sur Internet (1583 pages) permet de comprendre l’ampleur du problème.</p>
<p>Ainsi, aujourd’hui, les collectivités territoriales s’administrent librement dans les limites définies dans 1583 pages plus annexes. Lorsque des compétences sont déléguées au niveau local – par exemple lors du transfert aux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/gestion-des-milieux-aquatiques-et-prevention-des-inondations-gemapi">gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations</a> – elles sont accompagnées d’un ensemble d’instructions sur comment gérer cette compétence et comment la financer.</p>
<p>On pourrait penser que déléguer une compétence à une collectivité territoriale accroît la décentralisation. Mais cela n’est vrai que lorsqu’on délègue également la liberté de choisir comment la collectivité exerce, finance et transforme cette compétence. Autrement, les collectivités ne seront pas autonomes, mais de simples administrations soumises aux ordres du pouvoir central.</p>
<h2>Identifier les verrous stratégiques</h2>
<p>Pourtant la solution est selon nous, assez simple. Nous venons de la détailler dans un rapport en libre accès pour le think tank <a href="https://www.generationlibre.eu/le-pouvoir-aux-communes/">GénérationLibre</a>. Elle n’exige pas de bouleverser le code des collectivités territoriales et encore moins de modifier notre constitution.</p>
<p>Elle consiste simplement à identifier les verrous stratégiques qui permettent aux collectivités d’obtenir plus d’autonomie à leur initiative. Autrement dit, qui leur permettent de déroger au code général des collectivités territoriales lorsqu’elles souhaitent exercer des nouvelles compétences dont elles ne disposent pas aujourd’hui.</p>
<p>L’avantage de cette approche est que ces modifications ne produisent pas un changement sensible dans l’immédiat, dans la mesure où beaucoup de collectivités territoriales ne sont aujourd’hui pas prêtes à assumer un grand nombre de compétences supplémentaires, notamment en matière fiscale.</p>
<p>Elle produirait, en revanche, une évolution incrémentale des pratiques qui permet de rendre nos collectivités territoriales progressivement plus autonomes.</p>
<p>L’article qui nous concerne est le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000028528557&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20140129">L.1111-8-1</a> introduit par la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 – art. 1. Il porte sur les conditions qui régissent la délégation de compétences entre l’État et les collectivités territoriales.</p>
<p>Ce texte est basé sur deux principes : premièrement,</p>
<blockquote>
<p>« l’État <em>peut</em> déléguer par convention à une collectivité territoriale […] qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses compétences ».</p>
</blockquote>
<p>Deuxièmement, ces compétences</p>
<blockquote>
<p>« <em>ne</em> peuvent habiliter les collectivités territoriales […] à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement ».</p>
</blockquote>
<h2>Plus de marges pour innover et expérimenter</h2>
<p>Ces principes peuvent être modifiés afin d’être plus conformes à l’esprit de notre constitution. Il s’agit premièrement de transformer le caractère facultatif de l’attribution de compétences par l’État en caractère obligatoire. Ainsi, l’État <em>doit</em> (et non <em>peut</em>) déléguer une compétence à une collectivité qui lui en fait la demande. Cette modification permet à chaque collectivité territoriale de choisir quelles compétences elle souhaite exercer.</p>
<p>Deuxièmement, les collectivités doivent pouvoir être habilitées à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement lorsqu’elles obtiennent une délégation des compétences. Sans cette deuxième condition, cette délégation de compétence se bornerait à une gestion administrative et ne permettrait pas aux collectivités d’innover et d’expérimenter comme notre constitution les encourage à le faire. Ainsi, il suffirait de supprimer le mot « ne » dans l’énonciation du second principe.</p>
<p>Une telle modification, accompagnée d’ajustements mineurs, permettrait aux collectivités de choisir les compétences qu’elles souhaitent exercer et la façon dont elles souhaitent le faire.</p>
<h2>Cette décentralisation est-elle vraiment souhaitable ?</h2>
<p>Devant un tel enjeu, c’est le moment de se demander sérieusement si la décentralisation est souhaitable.</p>
<p>Plus de 30 ans d’études sur cette question sont unanimes : oui, la décentralisation est souhaitable, du moins dans des pays avec un niveau de développement économique avancé comme la France. Elle produit plus de légitimité, car les décisions y sont prises au plus près des habitants. Cela est aussi vrai en France. Selon le sondage un <a href="https://www.amf.asso.fr/documents-enquete-juillet-2019les-attentes-franais-vis-vis-leurs-maires-proximite-reconduction/39532">sondage du Cevipof en 2019</a>, 71 % des Français font ainsi confiance au maire de leur commune, contre 49 % à leur conseiller régional et 40 % à leur député.</p>
<p>Plus généralement, la décentralisation fiscale produit un <a href="http://www.socialcapitalgateway.org/sites/socialcapitalgateway.org/files/data/paper/2017/03/20/rredistributionlighartetal2015-ngovernmentwetrust-theroleoffiscaldecentralizationejpe.pdf">accroissement de la confiance</a> dans les services publics, dans le parlement et dans les partis politiques.</p>
<p>En outre, d’un point de vue économique, la décentralisation est associée à une plus grande efficience et un plus grand développement. L’obstacle principal à surmonter repose sur l’économie d’échelle que les systèmes centralisateurs permettent. Le renoncement à cet avantage produit, cependant, la possibilité de mieux adapter l’économie d’un territoire à ses caractéristiques et de bénéficier davantage des retours d’expérience d’autres territoires.</p>
<p>Si les avantages produits par une économie d’échelle sont substantiels dans un pays pauvre, ils deviennent marginaux dans un pays riche, si bien que les <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/208190/1/IDB-WP-1037.pdf">pays développés et très décentralisés s’en sortent mieux économiquement</a>.</p>
<h2>Egalité réelle des territoires</h2>
<p>Pour finir, il y a la question de l’égalité entre territoires. Une idée répandue consiste à penser que la centralisation favorise l’égalité entre territoires. <a href="http://eprints.lse.ac.uk/33244/1/sercdp0025.pdf">Les analyses</a> qui comparent plusieurs pays riches du monde nous disent pourtant le contraire : la décentralisation favorise davantage l’égalité entre régions, à travers un mélange d’émulation et de solidarité.</p>
<p>À l’inverse, l’égalisation des règlements ne produit pas égalisation des conditions. Certains règlements pénalisent des territoires et en avantagent d’autres. De plus, la centralisation permet à une région (celle de la capitale) d’avoir un pouvoir disproportionné par rapport aux autres.</p>
<p>Ainsi, par exemple, l’Ile de France <a href="http://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Region-et-institutions/Portrait-de-la-region/Chiffres-cles/Les-chiffres-de-la-region-Ile-de-France/Economie/#titre">produit à elle seule 30 % des richesses de la France</a> ce qui est impensable dans un système décentralisé.</p>
<p>Donc, oui, comme nos chercheurs, nos constituants et nos élus le savent, la décentralisation est souhaitable. Il est temps de s’en occuper sérieusement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133257/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raul Magni-Berton (et ses co-auteures) a reçu un financement du think tank GeneratonLibre pour écrire le rapport cité dans cet article, qui a été reversé à l'association Institut de Recherche Territoire Démocratique (IRTD) pour ses recherches sur la promotion de la démocratie directe et l'autonomie locale. Raul Magni-Berton est par ailleurs membre des associations Dauphiné démocratique (qui promeut ces deux objectifs) et du Collectif Cortecs (qui promeut la pensée critique).</span></em></p>Malgré le vœu pieux de décentraliser les pouvoirs, la France reste l’un des grands pays européens les plus centralisés. Et si l’on modifiait un peu le code général des collectivités territoriales ?Raul Magni-Berton, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Grenoble, UMR Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1338972020-03-17T21:08:07Z2020-03-17T21:08:07ZLa femme est-elle l’avenir du management ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/320877/original/file-20200316-27670-19avfkz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C395%2C5456%2C3337&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes parviendraient, entre autres, à dénouer les conflits plus facilement que les hommes. </span> <span class="attribution"><span class="source">Fizkes / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À l’heure où les entreprises déplorent le <a href="https://theconversation.com/pourquoi-un-tel-desamour-de-la-fonction-manageriale-89507">manque d’engouement pour la fonction managériale</a> et où les jeunes générations attendent des comportements de managers différents de celui de la génération précédente, la femme serait-elle l’avenir du management ?</p>
<p>Pour les nouvelles générations, un manager dont l’autorité n’est que statutaire a en effet peu de chance de réussir. Les jeunes souhaitent à la fois un manager qu’ils respecteront pour sa compétence et qui développera leurs propres compétences.</p>
<p>On est passé d’une autorité du statut et du contrôle qui ne se discutait pas à une autorité de la compétence avec un management inspirant. Cela nécessite une posture d’accompagnant authentique, respectueux, honnête, humble, transparent, proche. Bref, un management bienveillant et inspirant… Une transformation qui représente un véritable challenge pour les entreprises !</p>
<p>Or, la nouvelle <a href="https://www.edhec.edu/en/news/etude-femmes-carriere-quels-sont-leurs-atouts-et-leurs-motivations-fevrier-2020-edhec-newgen">étude</a> de l’EDHEC NewGen Talent centre, qui a examiné près de 66 000 tests de personnalité et de motivation, relève des comportements professionnels de femmes authentiques, flexibles, sensibles et altruistes. Autrement dit, des attitudes qui sont autant d’atouts face à ces nouvelles attentes managériales…</p>
<p>La force de cette étude tient à l’originalité de sa méthodologie. Il ne s’agit pas d’un questionnaire spécifique pour les femmes sur leur capacité et volonté de manager induisant forcément des biais mais de l’examen des réponses à des tests passés par des individus pour mieux se connaître.</p>
<h2>Intelligence émotionnelle</h2>
<p>Les femmes inspirent confiance : attachées à faire preuve de transparence (+12 %) et d’authenticité, les femmes sont 13 % plus enclines à faire preuve d’objectivité dans le cadre professionnel que les hommes. Les femmes, plus sincères, bénéficient donc plus facilement de la confiance de leur hiérarchie et de leurs collaborateurs. En outre cette tendance se renforçant avec l’expérience, cette confiance facilite leur capacité à manager.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320873/original/file-20200316-27670-1bv3ywp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://careers.edhec.edu/sites/careers/files/etude_edhec.pdf">EDHEC NewGen Talent Centre</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elles sont par ailleurs meilleures médiatrices en situation de conflits. En effet, elles sont plus à même à trouver un terrain d’entente et 13 % plus flexibles que les hommes au travail. Cette plus grande facilité à dénouer les conflits est sans doute renforcée par leur extraversion plus importante que les hommes (+8 %). Une extraversion qui tend à augmenter légèrement avec l’âge et sera essentielle en situation de négociation managériale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320874/original/file-20200316-27643-1h62iv3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://careers.edhec.edu/sites/careers/files/etude_edhec.pdf">EDHEC NewGen Talent Centre</a></span>
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<p>En comparaison avec les hommes, les femmes sont 38 % plus enclines à faire preuve de sensibilité émotionnelle au travail. Pouvant se montrer aussi bien calmes et distantes que passionnées en fonction de la situation, les femmes accèdent plus facilement à leurs émotions. Cette inclination leur permet ainsi de faire preuve d’une grande intelligence émotionnelle et de plus d’empathie qualités essentielles pour manager, notamment les nouvelles générations qui plébiscitent un feedback régulier sur leur travail.</p>
<p>Enfin, sur un plan comportemental, les femmes sont plus instinctives lorsqu’il faut prendre des décisions. Elles appréhendent mieux les situations et n’hésitent pas à faire appel à leur intuition. Couplée à leurs expériences passées, cette inclination pourra faciliter la fluidité des décisions managériales.</p>
<h2>Les femmes veulent-elles vraiment manager ?</h2>
<p>Là où les hommes ont une préférence plus marquée pour la compétition, les femmes recherchent davantage les situations stables. Elles déclarent préférer la stabilité professionnelle (+17 % par rapport aux hommes) à l’évolution professionnelle. Si cette attitude ne favorise pas toujours leur progression de carrière, elle traduit aussi une plus grande loyauté et fidélité à leur entreprise, essentiel pour assumer un rôle managérial.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320872/original/file-20200316-27692-15l13py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://careers.edhec.edu/sites/careers/files/etude_edhec.pdf">EDHEC NewGen Talent Centre</a></span>
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<p>Elles ont également plus tendance à tirer le meilleur de leur situation professionnelle et, à ce titre, ont valeur d’exemple pour les jeunes générations qui ont tendance à une forme d’impatience lorsque tout n’est pas parfait dans leur poste.</p>
<p>Si les femmes sont à la recherche de directives claires et de feedbacks de la part de leur hiérarchie, elles sont aussi plus ouvertes à la critique et à la remise en question, caractéristique intéressante pour un management modernisé. Elles acceptent aussi plus facilement un environnement très structuré ce qui est rassurant pour les grandes organisations qui peinent encore à se libérer.</p>
<p>Enfin en termes d’intégration et d’esprit d’équipe, les femmes adoptent de préférence un comportement altruiste (+14 % par rapport aux hommes). Elles sont donc des atouts pour accueillir, intégrer et faire contribuer les nouveaux collaborateurs préoccupation essentielle des dirigeants mondiaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320871/original/file-20200316-27670-1uihm1f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://careers.edhec.edu/sites/careers/files/etude_edhec.pdf">EDHEC NewGen Talent Centre</a></span>
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<p>En conclusion, si cette étude peut conforter les femmes dans leur capacité à manager, elle doit également convaincre les entreprises de leurs motivations à prendre ces responsabilités et résoudre ainsi cette crise des vocations managériales. La femme est l’avenir du management.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’<a href="https://www.edhec.edu/en/news/etude-femmes-carriere-quels-sont-leurs-atouts-et-leurs-motivations-fevrier-2020-edhec-newgen">étude</a> intitulée « Femmes et carrières : quels sont leurs atouts et leurs motivations ? » publiée en février 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manuelle Malot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les personnalités féminines correspondent davantage aux attentes des jeunes générations vis-à-vis de leurs managers.Manuelle Malot, Directrice Carrières et Prospective, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1329102020-03-05T19:01:51Z2020-03-05T19:01:51ZPourquoi la mixité scolaire filles/garçons n’est pas obligatoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318371/original/file-20200303-66052-lm3akz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mixité filles/garçons des classes est devenue la norme dans les années 1960. (Ici, classe de maternelle à Angers, avril 2019)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/angers-maine-et-loire-france-april-1380496145">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Même dans les établissements publics ou les établissements privés sous contrat, la <a href="http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/revue-francaise-de-pedagogie/RF171-1.pdf">mixité scolaire</a> n’est pas légalement obligatoire.</p>
<p>On ne parle pas en l’occurrence de la quasi non mixité de fait qui peut exister dans certaines filières de lycées professionnels où le taux de filles peut approcher les 99 % (par exemple 96 % en sciences médico-sociales) ou bien où le taux de garçons approche également les 99 % (par exemple 93 % en sciences et techniques industrielles)</p>
<p>Par non mixité, on entend la possibilité délibérée de séparer les filles et les garçons à l’intérieur de structures scolaires qui ne sont pas statistiquement saturées les unes par des filles, les autres par des garçons, comme c’est le cas en primaire ou au collège.</p>
<p>Bien au contraire, en mai 2008, au nom d’une prétendue directive européenne, le gouvernement français a fait adopter par le Parlement, dans un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018877783">texte de loi</a> destiné en principe à lutter contre les discriminations, un <a href="https://www.lexpress.fr/education/la-mixite-a-l-ecole-divise-a-nouveau_502735.html">article</a> qui permet d’organiser « des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ».</p>
<p>Le contexte parlementaire dans lequel cela s’est fait vaut de s’y arrêter. Alors qu’aucune des directives européennes qui étaient à transposer dans ce texte de loi ne touchait au champ de l’enseignement, qui reste une compétence foncièrement nationale, le gouvernement a prétendu que cet article était une exigence de la Commission européenne et qu’on ne pouvait donc s’y soustraire.</p>
<p>L’artifice ayant été éventé, tous les groupes parlementaires du Sénat ainsi que la délégation aux droits des femmes furent d’accord pour supprimer cette disposition du projet de loi. Mais contre toute attente, lors de la discussion du texte en séance publique, le gouvernement <a href="https://www.liberation.fr/france-archive/2008/05/22/la-mixite-a-l-ecole-ecornee-en-douce_72294">maintint sa position</a> et exigea de sa majorité de s’y plier. Ce qui fut fait, séance tenante… Voilà qui rompait, en principe, et par principe, avec toute une évolution qui a eu lieu dans les années 1960 et 1970.</p>
<h2>Loi Haby</h2>
<p>C’est par le décret du 3 août 1963 que la mixité devient le régime normal des collèges d’enseignement secondaire (CES) institués par la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/enseignement-pour-tous-24">réforme Capelle-Fouchet</a> la même année. Par la circulaire du 15 juin 1965, la mixité devient ensuite le régime normal des établissements d’enseignement élémentaire nouvellement créés. Puis les décrets d’application du 28 décembre 1976 de la <a href="http://blog.educpros.fr/claudelelievre/2015/07/10/la-loi-haby-a-ete-promulguee-il-y-a-quarante-ans-deja/">« loi Haby »</a> du 11 juillet 1975, qui instaure le collège unique, assurent l’obligation de mixité de l’enseignement, de la maternelle au bac.</p>
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<figcaption><span class="caption">La mixité scolaire remise en question (France 2, archive INA).</span></figcaption>
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<p>On peut par ailleurs mesurer l’évolution doctrinale de l’Eglise catholique en l’occurrence. Si, en 1929, l’encyclique <em>Divini illius Magistri</em> du pape Pie XI avait réaffirmé la position traditionnelle de l’Eglise qui condamnait formellement la coéducation des filles et des garçons, considérée comme nocive parce que fondée sur la négation du péché originel, en 1958, on peut constater un certain assouplissement. Selon le seul document canonique paru à cette époque, à savoir l’<em>Instruction de la S.C. des Religieux sur la coéducation</em>, la <a href="https://books.google.fr/books?id=3J-ODwAAQBAJ&pg=PT57&lpg=PT57&dq=Instruction+de+la+S.C.+des+Religieux+sur+la+co%C3%A9ducation">coéducation</a> proprement dite ne peut toujours pas être approuvée en soi d’une façon générale, mais des écoles catholiques mixtes peuvent être instituées.</p>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/24577193?seq=1">Un pas décisif</a> est franchi lorsque, dans le contexte conciliaire de Vatican II, le Comité national de l’Enseignement catholique français se déclare favorable à la mixité scolaire « dans un monde moderne qui met de plus en plus en relations les garçons et les filles ». La note de juin 1966 du Secrétariat général de l’Enseignement catholique français appelle même à mettre en œuvre une « véritable coéducation » :</p>
<blockquote>
<p>là où, pour des raisons purement administratives, on se contente de faire vivre ensemble garçons et filles sans mettre en œuvre ni une coinstruction ni une coéducation, il en résulte pour les jeunes plus d’inconvénients que d’avantages : responsables et éducateurs, qui s’orientent vers la mixité des établissements, ont le devoir grave de mettre en œuvre une véritable coéducation qui réponde aux exigences pédagogiques précises de cette situation nouvelle.</p>
</blockquote>
<h2>Résistances</h2>
<p>On ne sera donc pas autrement étonné que la principale organisation scolaire catholique qui résiste à mettre en œuvre une mixité entre filles et garçons dans les classes soit une organisation anti-conciliaire, <a href="https://www.pug.fr/produit/1751/9782706145643">comme le souligne</a> l’historien de l’éducation Bruno Poucet, s’interrogeant sur « L’enseignement privé scolaire hors contrat : refuge ou refus d’école » :</p>
<blockquote>
<p>La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (catholiques intégristes en dissidence avec l’Eglise catholique conciliaire) estime être porteuse de la « tradition ». Elle est depuis les années 1970 à l’origine de la création d’environ 35 écoles et de 15 collèges, ce qui représente 4000 à 5000 élèves […]. Ces écoles rejettent la mixité dès l’âge de 10 ans […]. Elles refusent le principe de la laïcité et en appellent à la résistance à la sécularisation de la société française.</p>
</blockquote>
<p>Puis Bruno Poucet montre que l’on a en quelque sorte le pendant de cela avec les courants juifs ultra-orthodoxes :</p>
<blockquote>
<p>Le réseau juif s’est essentiellement développé en région parisienne à partir des années 1980 : les attentats, l’antisémitisme, la volonté d’entre-soi social, de réussite scolaire, la place donnée au religieux ont renforcé le poids des écoles juive. Ce sont les courants juifs ultra-orthodoxes des haredi et des loubavitch qui ont développé ce type d’établissements (15 groupes scolaires regroupant environ 8000 élèves).</p>
<p>Certaines particularités font d’elles des cousines germaines des établissements catholiques de « tradition » : absence de mixité dès le CP, tenue vestimentaire distincte entre garçons (costume noir, port obligatoire de la kippa) et filles (jupes longues)</p>
</blockquote>
<p>Mais le développement actuel des écoles hors contrat (en lien partiel avec un certain développement de la non mixité dans certaines classes) ne se limite pas à ces écoles catholiques d’obédience non-conciliaires ou ultra-orthodoxes.</p>
<h2>Nouvelles demandes ?</h2>
<p>Selon Diane Roy – la responsable de la communication de la Fondation pour l’école qui promeut le développement des établissements privés hors contrat – citée dans <em>Le Monde</em> du <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/03/02/la-non-mixite-a-l-ecole-une-option-pedagogique-encore-taboue_6031545_4497916.html">3 mars 2020</a> : « la demande d’établissements où la mixité est aménagée est, aujourd’hui, plus forte que l’offre ». Il y aurait dans ce secteur du « hors contrat », « 1530 établissements accueillant environ 75000 élèves ; et seulement 39 structures n’accueillant que des filles et 48 que des garçons ».</p>
<p>On doit remarquer que le <a href="https://www.education.gouv.fr/l-etat-de-l-ecole-2019-11246">secteur</a> hors contrat, même s’il reste foncièrement marginal puisqu’il ne rassemble actuellement que 0,8 % des élèves, est cependant en forte croissance relative puisqu’il ne rassemblait que 0,2 % des élèves en 2010, 0,4 % en 2015, et 0,6 % en 2017. Il a quadruplé en une décennie, marque d’une certaine tendance au séparatisme.</p>
<p>Le Président de la République vient de pointer du doigt le séparatisme. Celui-ci peut prendre de multiples formes, plus ou moins légitimées, dont les écoles hors contrat et la non mixité scolaire. Or cette <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20080519.RUE4259/ecole-separer-filles-et-garcons-c-est-de-nouveau-possible.html">non mixité scolaire</a> – ne l’oublions pas – est désormais parfaitement légale depuis 2008 y compris dans les établissements publics ou sous contrat, même si, dans le secteur public, la non mixité est perçue très généralement comme un choix à contre-courant du « vivre ensemble » défendu par l’école de la République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La non mixité est généralement perçue comme un choix à contre-courant du « vivre ensemble » défendu par l’école de la République. Mais elle reste légale. Explications historiques.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1314902020-02-10T13:44:24Z2020-02-10T13:44:24ZDossier : Handicap, un défi pour la société<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314437/original/file-20200210-109891-dmmha1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1022%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Rentrée scolaire en 2016 dans un lycée de Caluire-et-Cuire (région lyonnaise), en pointe sur la question de l'inclusion</span> <span class="attribution"><span class="source">AFP/Philippe Desmazes</span></span></figcaption></figure><p>« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté ». Voilà <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&categorieLien=id">ce que proclamait en 2005</a> la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.</p>
<p>Quinze ans après, la réalité du terrain correspond-elle vraiment à ces principes ? Alors qu’Emmanuel Macron doit présider <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/handicaps/emmanuel-macron-tres-attendu-mardi-lors-d-une-conference-nationale-du-handicap-6726171">ce mardi 11 février</a> la Conférence nationale du handicap, le <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/lalerte-de-47-associations-sur-le-handicap-il-est-temps-de-taper-du-poing-sur-la-table-3948329">collectif Handicaps</a> fédérant 47 associations pointe des inégalités persistantes au quotidien.</p>
<blockquote>
<p>« Chaque jour, des enfants ne peuvent accéder à une école, des travailleurs doivent quitter leur entreprise car les logiciels utilisés ne sont pas adaptés, des personnes ne peuvent aller où elles veulent en raison de multiples obstacles »,</p>
</blockquote>
<p>énumère-t-il dans une tribune publiée dans le <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/lalerte-de-47-associations-sur-le-handicap-il-est-temps-de-taper-du-poing-sur-la-table-3948329"><em>Journal du dimanche</em></a>, tandis que Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, répond que la méthode du gouvernement « porte ses fruits ».</p>
<p>Dans ce contexte, nous vous proposons de relire les analyses de nos auteurs sur l’école inclusive, l’accès au marché du travail et le discours sur la différence. Un recul de la recherche précieux pour comprendre que les écueils ne résident pas seulement dans les moyens mais aussi dans les mentalités.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-france-est-elle-vraiment-en-marche-vers-lecole-inclusive-118724">La France est-elle vraiment en marche vers l’école inclusive ?</a></h2>
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<span class="caption">En 2006, l’ONU posait ainsi un « droit à l’éducation sans discrimination », clé de voûte morale de l’idéal inclusif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>En 2004, il y avait 37 000 élèves en situation de handicap dans le secondaire. Ils sont aujourd’hui 140 000 environ. Mais derrière les chiffres se pose la question de leur réelle intégration.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/lecole-inclusive-peut-elle-profiter-a-tous-les-eleves-129830">L’école inclusive peut-elle profiter à tous les élèves ?</a></h2>
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<span class="caption">Les enfants scolarisés dans une classe inclusive seraient moins enclins aux préjugés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Une école ouverte à tous, est-ce une chance pour les jeunes souffrant de handicap ? Peut-être. Mais les autres élèves peuvent aussi en tirer des bénéfices, comme le montre un panorama de la recherche.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/recherche-de-stage-et-demploi-faut-il-reveler-son-handicap-119367">Recherche de stage et d’emploi : faut-il révéler son handicap ?</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C997%2C652&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290884/original/file-20190904-175686-1htvdug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En entretien, certains jeunes évoquent les compétences que l’expérience du handicap leur a permis d’acquérir.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-woman-signing-contracts-handshake-manager-716763781?src=-1-35">Shutterstock</a></span>
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<p>En déclarant leur handicap, les jeunes ont droit à des aménagements de poste. Mais certains redoutent d’être stigmatisés. Le point à l’occasion de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/ils-sont-malades-de-longue-duree-et-ils-travaillent-88066">Ils sont malades de longue durée et ils travaillent</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196503/original/file-20171127-2046-1pziph4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dix millions de personnes, en France, exercent un emploi malgré un cancer, un diabète, le VIH ou une hépatite.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/kI6sy-WqPQA">adelin preda/Unsplash</a></span>
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<p>Dix millions de personnes exercent un emploi tout en étant suivies pour une affection longue durée. Un management humaniste permettrait de mieux les intégrer et serait profitable à tous les salariés.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/integration-des-personnes-autistes-un-atout-pour-lentreprise-91592">Intégration des personnes autistes : un atout pour l’entreprise</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/207010/original/file-20180219-116330-1p2x2vb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La capacité des personnes autistes à voir le monde différemment peut constituer un atout pour les entreprises qui savent les valoriser.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/223542643?src=8SFPW1kmJ2oiAeENFu1CAA-1-28&size=huge_jpg">Shutterstock</a></span>
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<p>Les personnes autistes ont des qualités à part. Certaines entreprises l’ont compris, et se sont adaptées pour valoriser leur potentiel via des business models innovants, dont tout le monde sort gagnant.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/favoriser-le-retour-au-travail-apres-un-cancer-ou-un-handicap-encore-un-gros-effort-75441">Favoriser le retour au travail après un cancer ou un handicap : encore un (gros) effort</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/163200/original/image-20170329-8557-13ro15z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femmes ont davantage de difficultés que les hommes à garder leur emploi à la suite d’un cancer ou de la survenue d’un handicap.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/collections/163765/people-working?photo=fMD_Cru6OTk">Cathryn Lavery/Unsplash</a></span>
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<p>Il est plus difficile de garder son emploi après un cancer ou un handicap, ou d’en retrouver un. Les propositions des candidats à la présidentielle sont trop modestes au vu de l’ampleur du phénomène.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-les-contes-parlent-de-handicap-aux-enfants-117118">Comment les contes parlent de handicap aux enfants</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C997%2C618&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280763/original/file-20190621-61743-s9m9v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Derrière le merveilleux des péripéties de leurs héros, les contes peuvent interroger la différence et l’intégration sociale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/fine-art-photo-young-girl-reading-1169753608?src=KOjtQnACtlEW8ndOJcjkiQ-1-28&studio=1">Shutterstock</a></span>
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<p>Si la plupart des contes s’achèvent heureusement, ils abordent aussi sous couvert de merveilleux les questions de handicap et de différence qui préoccupent les enfants. Trois exemples de classiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
A l'occasion de la Conférence nationale du handicap, retrouvez les analyses de nos auteurs sur l'école inclusive et l'accès au marché du travail des personnes souffrant de handicap.Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé + Médecine, The Conversation FranceAurélie Djavadi, Cheffe de rubrique EducationThibault Lieurade, Chef de rubrique Economie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1276442019-11-26T19:33:27Z2019-11-26T19:33:27ZLa « clause du grand-père » : une mesure vraiment inédite ?<p>Enterrée la « clause du grand-père » ? Cette notion est apparue ces dernières semaines dans le débat français sur la <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/519">réforme des retraites</a>. Elle renvoie au fait qu’une nouvelle mesure ou disposition en matière de conditions de travail ou d’emploi ne s’applique qu’aux nouveaux entrants sur le marché du travail, rompant de fait avec le principe <a href="https://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/bulletin_droit_travail_2230/bulletin_droit_travail_2008_2779/travail_2_2873/etudes_2874/egal_salaire_12051.html,">« à travail égal, salaire égal »</a>, et pourrait-on ajouter dans le cas présent « retraite égale ».</p>
<p>Or cette clause a particulièrement divisé la classe politique y compris au sein de la majorité depuis quelques derniers jours. Certains soutiennent son application, d’autres, comme le ministre de l’Action et des comptes publics <a href="https://www.capital.fr/votre-retraite/reforme-des-retraites-la-clause-du-grand-pere-definitivement-enterree-par-darmanin-1356009">Gérard Darmanin</a> y sont particulièrement hostiles.</p>
<p>Le Haut-Commissaire aux retraites Jean‑Paul Delevoye s’y est farouchement opposé tout en concédant une transition (moins longue) entre ancien et nouveau régimes. Le président Emmanuel Macron, pour sa part, laisse encore la porte ouverte, envisageant cette solution comme une manière de calmer les mécontents (les salariés en poste) tandis que les salariés visés, qui pourraient se mobiliser, ne sont pas encore arrivés sur le marché du travail.</p>
<p>Particulièrement discutée à propos des entreprises à statut dont les salariés bénéficient de régimes spéciaux (RATP et SNCF notamment), elle conduirait à ce que le « régime universel de retraite » voulu par le gouvernement ne concerne que les salariés embauchés après 2020, et n’entre donc en application que dans la deuxième moitié du XXI<sup>e</sup> siècle !</p>
<p>C’est par exemple ce qu’a envisagé la <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/retraites-cfdt-cheminots-reclame-l-application-clause-grand-pere-a-201773">CFDT-cheminots</a>, dont l’organisation syndicale est l’une des rares à ne pas être opposée à la réforme.</p>
<h2>Une pratique ayant déjà cours en France</h2>
<p>Dans le débat français actuel, la paternité de cette disposition a été attribuée à Alain Minc, conseiller spécial de l’Élysée qui en aurait été le <a href="https://www.marianne.net/politique/reforme-des-retraites-la-clause-du-grand-pere-encore-une-riche-idee-signee-alain-minc">« concepteur »</a>.</p>
<p>Le terme renvoie en fait à des pratiques ayant déjà cours en France, et plus encore dans d’autres espaces nationaux, auxquelles nous nous intéressons dans le cadre d’un <a href="https://www.escpeurope.eu/fr/news/la-chaire-dsce-lance-huit-projets-de-recherche-en-2018">projet de recherche</a> mené avec des collègues australiens, danois et québécois.</p>
<p>Traduction de l’anglais, <a href="https://www.investopedia.com/terms/g/grandfatherclause.asp">« grandfather clause »</a>, l’expression tend à s’imposer du fait de son caractère imagé.</p>
<p>Mais d’autres sont employées pour renvoyer à cette reconnaissance, dans les accords collectifs négociés dans les entreprises notamment, d’une <a href="https://www.cairn.info/la-faveur-et-le-droit--9782130577676-page-357.htm">différence de traitement entre salariés</a>, fondée sur leur date d’embauche : « clauses de disparités de traitement », « clauses orphelines », « clauses de droits acquis », « clauses d’antériorité » ou encore « two-tier provisions » en anglais qui instaurent des dispositifs de faveur, dont l’étendue est très difficile à mesurer.</p>
<p>En France, des situations de ce type ont pu découler des <a href="https://www.cairn.info/du-monopole-au-marche--9782707136176.htm">privatisation des entreprises nationales</a> : à la Poste ou à Orange (ancien France Télécom), et bientôt à la SNCF, cohabitent des fonctionnaires ou salariés « sous statuts » embauchés avant les privatisations et des salariés de droit privé embauchés après, avec des <a href="https://ledroitouvrier.cgt.fr/IMG/pdf/200909_doctrine_poirier.pdf">dispositions différentes</a>.</p>
<p>De telles clauses se retrouvent également dans quelques entreprises privées. Un délégué syndical d’une grande société d’électronique française nous explique ainsi que suite à la négociation d’un accord d’entreprise, les salariés occupant un même poste ne bénéficient pas des mêmes grilles salariales selon leur date d’embauche :</p>
<blockquote>
<p>« Les gens qui étaient embauchés au 1<sup>er</sup> janvier 2017 avaient 600 euros de moins à l’embauche avec les mêmes diplômes et le même coefficient (que ceux embauchés le 1<sup>er</sup> décembre 2016). »</p>
</blockquote>
<p>Ce qui se joue alors, c’est bien une différence dans les conditions de travail et d’emploi pour des salariés exerçant la même tâche dans la même entreprise. Ces disparités de traitement s’appliquent aux grilles salariales principalement, mais peuvent aussi concerner les primes, les congés ou les évolutions de carrière.</p>
<p>La question devrait retenir d’autant plus l’attention, en France, alors que la négociation collective d’entreprise a été fortement encouragée par les récentes réformes en matière de droit du travail : la jurisprudence a en effet contribué depuis 2008 à étendre la « présomption de justification » des inégalités de traitement entre salariés, lorsqu’elles figurent dans un accord d’entreprise signé par l’employeur et par les représentants syndicaux. Lorsque ces disparités sont instaurées par la voie de la négociation, elles tendent donc à être considérées comme justifiées, et légales (un <a href="https://www.dalloz-revues.fr/Revue_de_Droit_du_Travail-cover-80116.htm">arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation d’avril 2019</a> est toutefois venu freiner cette extension).</p>
<h2>Détour québécois pour penser les inégalités en France</h2>
<p>Si ces clauses restent encore peu visibles et peu étudiées en France, elles sont au contraire répandues outre-Atlantique, aux États-Unis historiquement, et de plus en plus au Québec, en dépit d’une législation qui a cherché à les maîtriser.</p>
<p>Dans un contexte de forte décentralisation des relations de travail au niveau des entreprises et établissements, les employeurs sont parvenus à imposer aux syndicats d’accepter des dégradations dans les conditions de travail et d’emploi tout en ne les faisant peser que sur les futurs entrants.</p>
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<figcaption><span class="caption">La « clause du grand-père » est bien répandue au Québec, conférence de Mélanie Laroche, CRIMT-RS (Université de Montréal).</span></figcaption>
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<p>Ainsi au Québec, on estime qu’environ <a href="https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/mars-2017/pourquoi-les-disparites-de-traitement-dans-les-conventions-collectives/">14 % des accords collectifs signés dans les entreprises</a> portent de telles dispositions, une situation qui s’observe également dans le <a href="https://scfp.ca/fiche-dinformation-clauses-orphelines-comment-les-reconnaitre-et-les-combattre-lors-des-negociations">secteur public</a>. L’analyse du cas français à l’aune de la situation québécoise interroge alors doublement.</p>
<p>Première question : à qui profite l’inégalité ? Au Québec comme en France, il n’est pas si facile de démêler quel groupe de salariés est le plus avantagé : partir du principe que les anciens sont systématiquement mieux traités que les nouveaux ne fonctionne pas toujours. Par exemple, dans les anciennes entreprises publiques, si les fonctionnaires sont protégés contre les licenciements ils bénéficient en revanche d’une grille salariale souvent moins favorable.</p>
<p>Au Québec, où la pénurie de main-d’œuvre se fait nettement sentir dans plusieurs régions ou secteurs d’activité, la « disparité de traitement » peut être utilisée, à leur avantage, pour attirer ou fidéliser de nouveaux salariés. Le calcul des avantages et désavantages des uns et des autres est donc complexe et multifactoriel.</p>
<h2>Rejouer la fracture entre générations ?</h2>
<p>Deuxième point, celui du collectif de travail. Comment construire une solidarité, terreau de l’appartenance collective à une entreprise, dans ces conditions de disparité ?</p>
<p>Certains, sans s’opposer par principe à ces clauses, mettent ainsi en avant le <a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/l-avenir-des-retraites/reforme-des-retraites-il-est-temps-que-le-gouvernement-donne-des-gages-srv2_1076563">« risque de désunion interne »</a> qu’elles portent.</p>
<p>Dans les entreprises dans lesquelles nous enquêtons, en France, au Québec ou en Australie, s’expriment ainsi des formes de jalousie et de concurrence entre ces groupes de travailleurs aux tâches identiques mais aux conditions différentes, ainsi qu’une difficulté pour ceux déjà en poste à se mobiliser pour ceux qui ne sont pas encore là.</p>
<p>Ces inégalités sont alors régulièrement justifiées par les clichés véhiculés sur une supposée jeune génération de salariés, la « génération Y », dont les aspirations seraient différentes (travailler moins, bouger plus, changer de projet, avoir plusieurs vies professionnelles). Bien que <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2019-3.htm">largement déconstruites</a> par les travaux sociologiques, de telles représentations nourrissent l’idée que les jeunes, d’une part, ne méritent plus que l’on se mobilise pour eux et, d’autre part, ne se mobiliseront pas eux-mêmes.</p>
<p>La « clause du grand-père » aurait-elle pu limiter les oppositions ? Rien n’est moins sûr. Alors que les mobilisations étudiantes se préparent dans les universités pour dénoncer la précarité et revendiquer de meilleures conditions de vie et d’études, la réforme des retraites est bien présente à l’esprit, des plus jeunes y compris, dont les <a href="https://www.europe1.fr/societe/les-etudiants-sur-le-pied-de-guerre-veulent-faire-la-jonction-avec-la-grande-greve-du-5-decembre-3931926">organisations</a> se sont jointes aux appels à manifester le 5 décembre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet de recherche d'Elodie Béthoux est financé par la chaire Dialogue social et Compétitivité des entreprises de l’ESCP-Europe. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le projet de recherche de Camille Dupuy est financé par la chaire Dialogue social et Compétitivité des entreprises de l’ESCP-Europe. </span></em></p>Derrière le débat de la « clause du grand-père », c’est bien la différence dans les conditions de travail et d’emploi pour des salariés exerçant la même tâche dans la même entreprise.Elodie Béthoux, Maîtresse de conférences en sociologie, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayCamille Dupuy, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.