tag:theconversation.com,2011:/id/topics/infirmiers-37302/articlesinfirmiers – The Conversation2024-03-04T17:00:07Ztag:theconversation.com,2011:article/2236702024-03-04T17:00:07Z2024-03-04T17:00:07ZLes métiers très féminisés du soin et du lien : pourquoi il est urgent de les reconnaître à leur juste valeur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575958/original/file-20240215-22-zd1sk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5800%2C3881&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pas toujours facile de prendre du temps pour chaque patient quand les tâches sont aussi nombreuses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La crise sanitaire a mis en lumière l’importance sociale et sociétale des métiers du soin et du contact humain. Pourtant ces métiers, majoritairement exercés par des femmes, demeurent sous-valorisés, les tâches, les responsabilités et les difficultés auxquelles elles font face demeurant invisibilisées.</p>
<p>En 1983, la loi Roudy établissait le principe d’une <a href="https://theconversation.com/egalite-salariale-entre-les-femmes-et-les-hommes-que-dit-le-droit-177593">rémunération égale pour un travail de valeur égale</a>. Cependant, après quarante ans, cet objectif n’est toujours pas atteint. En France, les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047789?sommaire=6047805">femmes continuent à percevoir des salaires inférieurs à ceux des hommes</a>. Et cette disparité s’explique en partie par le fait que les métiers les plus féminisés font l’objet de salaires plus faibles.</p>
<p>Afin de mieux comprendre le quotidien de ces métiers, leurs responsabilités, leurs conditions de travail, leurs rémunérations et leurs aspirations, nous avons mené une <a href="https://ires.fr/publications/cgt/investir-dans-le-secteur-du-soin-et-du-lien-aux-autres-un-enjeu-degalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/">recherche</a> fondée sur leurs témoignages. Entre décembre 2021 et mars 2022, nous avons lancé pour l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), une consultation en ligne intitulée « Mon travail le vaut bien », en collaboration avec des syndicats et des associations professionnelles. Près de 7 000 salariés y ont participé, issus de quinze professions liées aux soins et au lien aux autres (aides-soignantes, infirmières, AESH, aides à domicile, etc.). Elles représentent près de 4 millions de personnes en France.</p>
<h2>Des métiers couteaux-suisses</h2>
<p>Ils et elles ne forment pas un groupe homogène, et présentent des différences en termes de statuts, de missions et de qualifications, évoluant dans divers environnements professionnels tels que les hôpitaux, les écoles, les Ehpad, au domicile des personnes ou bien chez elles. Pourtant, malgré cette diversité, ils et elles partagent de nombreux points communs.</p>
<p>Ces quinze professions partagent tout d’abord une gestion de charges émotionnelles intenses, des contraintes organisationnelles strictes et des fortes exigences physiques et mentales. Elles exigent une grande polyvalence, obligeant à jongler entre plusieurs tâches simultanément. Une infirmière témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Les interruptions de tâches sont notre quotidien : écouter les patients, répondre au téléphone, distribuer les médicaments… Et il faut tout faire en même temps ! »</p>
</blockquote>
<p>Au-delà des activités centrales de ces métiers, nous avons demandé aux enquêtés de nous donner un exemple de tâches réalisées en dehors de leur fonction. Le nuage de mots suivants en synthétise les réponses. Les activités administratives et de gestion ressortent en premier, viennent ensuite des tâches de soin, effectuées par des professionnelles du lien, par exemple une aide à domicile qui va aider à la prise de médicaments, ou inversement des métiers du soin qui vont devoir prendre en charge des activités d’entretien ou de surveillance.</p>
<h2>Des métiers pressés et pressants</h2>
<p>Répondre à toutes ces tâches exige du temps, une ressource qui manque cruellement pour la très grande majorité de ces métiers. Cela contraint parfois les professionnels à sacrifier la qualité des services ou à effectuer des choix entre les soins et les interactions sociales. Ils doivent également composer avec des interruptions constantes, jonglant d’une urgence à l’autre. Leur travail réel implique une capacité d’adaptation et une réorganisation continue de leurs activités. Une aide-soignante souligne l’intensité de son travail :</p>
<blockquote>
<p>« Je dois donner à manger à plusieurs personnes polyhandicapées tout en animant le repas et en prenant moi-même mon repas ».</p>
</blockquote>
<p>Certaines activités notamment administratives et de gestion entrent également en conflit avec l’essence même de ces métiers, générant une pression particulière. De plus, s’engager dans le quotidien des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ou très jeunes, implique souvent des horaires de travail atypiques : débuter tôt le matin, finir tard le soir, travailler la nuit ou les week-ends.</p>
<p>Les professions des soins et des relations humaines sont par ailleurs soumises à de nombreuses contraintes physiques similaires à de nombreux travailleurs manuels et qui ont aussi un impact sur leur santé. Elles sont amenées à porter des charges lourdes, maintenir des positions inconfortables, effectuer des gestes répétitifs et font face au bruit. Elles sont aussi exposées à des produits potentiellement dangereux, à la saleté et à une proximité physique constante avec d’autres individus. La plupart des salariés de ces professions sont amenés à devoir gérer des situations agressives, apaiser des personnes en détresse, être confrontés à l’isolement, être contraints de cacher leurs émotions ou encore avoir peur, des activités qui font partie des <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/lexposition-de-nombreuses-contraintes-liees-aux-conditions-de">principaux risques psychosociaux</a> identifiés dans la recherche scientifique.</p>
<h2>Des compétences minimisées</h2>
<p>Le travail émotionnel et les responsabilités liées à l’humain ne reçoivent pas toujours la reconnaissance méritée car ils sont trop souvent associés à des qualités « naturelles », voire « féminines ». La comparaison menée dans une autre partie de l’étude Ires entre des ingénieurs hospitaliers (profession à prédominance masculine, nécessitant un diplôme de niveau bac+5) et des sages-femmes (profession à prédominance féminine, également à bac+5) montre que les ingénieurs gagnent en fin de carrière près de 500 euros de plus par mois ; les énormes responsabilités humaines des sages-femmes semblant ainsi bien moins reconnues que les connaissances techniques des ingénieurs.</p>
<p>Les responsabilités liées à l’humain sont ainsi souvent sous-estimées car considérées comme allant de soi. Elles semblent pourtant fondamentales : 90 % des répondants exerçant des métiers du soin et du lien doivent garantir la confidentialité des données, notamment médicales, 95 % contribuent à la sécurité et à la protection des personnes, et 97 % veillent à la santé ou au bien-être des individus.</p>
<p>Et globalement, les qualifications requises ne sont pas toujours mises en avant. Les répondants mentionnent fréquemment l’absence de fiche de poste : le travail est peu normé, et se prête alors à un ajout de tâches ou de responsabilités, les obligeant souvent à faire le travail d’autres collègues ou d’autres corps de métier. En outre, l’apprentissage des connaissances et des compétences humaines et sociales reposent sur une <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-et-emploi-2018-3-page-31.htm">grande pratique</a>. Les professionnels prennent sur leur temps personnel pour compléter leurs connaissances, comme le souligne une AESH qui mentionne devoir effectuer des « recherches sur Internet sur les handicaps concernant le ou les enfants » dont elle a la charge.</p>
<h2>Entre grande fierté et manque de reconnaissance</h2>
<p>Malgré tout, la fierté du travail prédomine pour la grande majorité des répondants, animés du sentiment que leur travail est utile aux autres et qu’il porte des valeurs fortes.</p>
<p>Parallèlement 92 % des professionnels estiment être mal payés, surtout parmi les bas salaires. Ce constat est à la fois subjectif et objectif. Les <a href="https://ires.fr/publications/cgt/investir-dans-le-secteur-du-soin-et-du-lien-aux-autres-un-enjeu-degalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/">résultats</a> de François-Xavier Devetter, lui aussi chercheur à l’Ires, montrent la sous-rémunération de ces métiers, en les comparant avec les salaires moyens correspondant au niveau de diplôme réel de celles et ceux qui les exercent. Les faibles salaires sont alors la première raison pour ne pas recommander son métier, comme cette assistante maternelle qui doute :</p>
<blockquote>
<p>« Est-il recommandable de travailler 56 heures par semaine pour 3,25 € de l’heure ? »</p>
</blockquote>
<p>Cette réalité crée une situation paradoxale : d’un côté, le désir de promouvoir une profession socialement utile et dont on est fier, et de l’autre, ne pas la recommander car les salaires y sont bien en deçà de ce qu’ils devraient être.</p>
<p>Ces travailleurs du soin et du lien font l’objet de peu d’études approfondies. Les nôtres mettent en lumière le manque de reconnaissance de ces professions, qui revendiquent à la fois une vraie revalorisation des salaires et l’augmentation des effectifs. <a href="https://ires.fr/publications/cgt/investir-dans-le-secteur-du-soin-et-du-lien-aux-autres-un-enjeu-degalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/">L’ensemble de l’étude Ires</a> montre l’urgence d’investir dans ces métiers du soin et du lien aux autres ; à la fois pour « faire société » mais aussi car il s’agit d’un enjeu central pour l’égalité entre les femmes et les hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'étude, à l'origine de cet article, a reçu des financements de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L'étude, à l'origine de cet article, a reçu des financements de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES).</span></em></p>Une enquête portant sur près de 7 000 professionnels du soin et du lien aux autres montre des personnes fières de leur utilité sociale mais qui ne recommandent pas leur métier.Rachel Silvera, Économiste, maîtresse de conférences, co-directrice du réseau MAGE, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLouis-Alexandre Erb, Doctorant en économie des inégalités, Université Paris-EstSéverine Lemière, Maîtresse de conférences en Sciences de gestion, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873322023-04-12T13:41:26Z2023-04-12T13:41:26ZCinq façons de composer avec l’épuisement professionnel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/477918/original/file-20220805-23-oqjck0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C29%2C3865%2C2586&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les travailleurs de la santé ont été confrontés à un épuisement excessif durant la pandémie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>En raison de la pandémie – et des technologies qui nous rendent joignables en tout temps et en tout lieu, le travail est devenu une activité perpétuelle. Ajoutez à cela les pressions pour créer et livrer la marchandise toujours plus rapidement, et il devient difficile de prendre du recul.</p>
<p>Pas surprenant, donc, que beaucoup d’entre nous se sentent <a href="https://theconversation.com/were-all-exhausted-but-are-you-experiencing-burnout-heres-what-to-look-out-for-164393">épuisés</a>. L’épuisement professionnel – qui frappe souvent davantage les <a href="https://doi.org/10.1111/gwao.12567">femmes que les hommes</a> – est partout. Parmi les personnes particulièrement <a href="http://dx.doi.org/10.1136/postgradmedj-2020-137980">touchées durant la pandémie</a>, on trouve les <a href="https://theconversation.com/teacher-burnout-hits-record-high-5-essential-reads-185550">enseignants</a> et les <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/healthcare-workers-burnout-1.6492889?cmp=rss">travailleurs de la santé</a>.</p>
<p>Nous savons que l’épuisement professionnel existe <a href="https://www.forbes.com/sites/nazbeheshti/2021/04/15/the-pandemic-has-created-a-new-kind-of-burnout-which-makes-well-being-more-critical-than-ever/?sh=4742fe702f01">et que grand nombre d’entre nous le vivent</a>. Alors, comment s’en sortir ?</p>
<p>L’épuisement professionnel est un problème grave qui mérite toute notre attention. Mes travaux de recherche sur les personnes en emploi dans diverses organisations et leurs méthodes de travail m’aident à mieux comprendre comment prendre en charge des problèmes fréquents et répandus comme l’épuisement professionnel.</p>
<h2>1. Poser des limites</h2>
<p>Les gens ont besoin de <a href="https://doi.org/10.1111/eci.12494">limites</a> et y ont droit. Personne n’est obligé de se consacrer au <a href="https://theconversation.com/does-being-away-from-your-smartphone-cause-you-anxiety-the-fact-that-it-makes-you-available-24-7-could-be-the-reason-166329">travail 24 heures sur 24, sept jours sur sept</a>, et encore moins de se soumettre aux pressions sociales qui nous y poussent.</p>
<p>Il est essentiel de se reposer pour garder la santé, tout comme il est important de maintenir une bonne hygiène de <a href="https://doi.org/10.1016%2Fj.slsci.2015.09.002">sommeil</a>, de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4214609/">bonnes habitudes alimentaires</a>, une <a href="https://doi.org/10.1186/1471-244x-14-118">bonne forme physique</a> et une bonne <a href="https://doi.org/10.1308/rcsann.2020.0040">qualité de vie</a>.</p>
<p>Par ailleurs, lorsque nous ne tenons pas compte de nos limites, cela peut aussi avoir des répercussions sur <a href="https://doi.org/10.1177/1077558719856787">notre entourage</a>. Par exemple, l’épuisement professionnel chez les membres du personnel infirmier se traduit par des soins aux patients de moindre qualité et à un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijnurstu.2021.103933">engagement plus faible</a> au travail. Nos proches peuvent également en souffrir. En apportant le stress du travail à la maison, <a href="https://doi.org/10.1037/ocp0000298">nous devenons plus colériques, sommes moins présents pour nos proches et devenons plus renfermés</a>.</p>
<h2>2. S’en tenir aux engagements contractuels</h2>
<p>Vérifiez votre contrat de travail ou votre convention collective. Tentez d’évaluer le plus exactement possible ce à quoi l’on s’attend de vous et tenez-vous-en à cela. Avis aux amoureux et amoureuses de leur travail : <a href="https://workwontloveyouback.org/">il ne vous aimera pas en retour</a>.</p>
<p>Si vous avez droit à des vacances, prenez-les. Le même principe s’applique aux congés de maladie : si vous y avez droit, n’hésitez pas à en profiter pour prendre du repos quand vous ne vous sentez pas bien.</p>
<h2>3. S’accorder la priorité</h2>
<p>Vous devez connaître vos traits de personnalité, <a href="https://theconversation.com/je-suis-accro-au-travail-mais-je-me-soigne-la-pleine-conscience-au-secours-des-workaholics-185042">avoir conscience</a> de la manière dont vous passez vos journées, et de ce que vous voulez vraiment.</p>
<p>Demandez-vous pourquoi vous travaillez et ce que vous souhaitez en tirer. À quoi convenez-vous de renoncer pour y arriver, et que refusez-vous de sacrifier au profit du travail ? Qu’est-ce que vous ne voudriez pas regretter plus tard ?</p>
<p>Prenez le temps de réfléchir à ces questions et d’évaluer si votre vie s’accorde avec vos priorités. Vos journées reflètent-elles vos préférences ? Si non, pour quelles raisons et de quelles façons ?</p>
<p>Pensez à ce que vous pouvez changer, essayez de passer vos journées différemment et observez le résultat. Si une chose semble mieux fonctionner, intégrez-la dans votre rituel quotidien ; sinon, essayer autre chose.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une personne aux cheveux longs est assise, la tête posée sur un bureau" src="https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472391/original/file-20220704-22-wrluud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’épuisement n’est pas un problème isolé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Abbie Bernet/Unsplash)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>4. Parler d’épuisement au travail</h2>
<p>Il y a une limite à ce que l’on peut faire sur le plan personnel pour gérer l’épuisement, qui est <a href="https://www.psychologies.com/Travail/Souffrance-au-travail/Burn-out/Interviews/Le-burn-out-est-le-signal-d-un-dysfonctionnement-collectif">loin d’être un problème isolé</a>.</p>
<p>Comme employés, nous devons remettre en question, repenser et réformer les organisations qui engendrent une surcharge de travail – non seulement il est important d’avoir ces conversations avec soi, ses proches et sa famille, <a href="https://www.forbes.com/sites/pauladavis/2021/06/22/how-to-talk-about-burnout-at-work/">mais aussi d’en parler au travail</a>.</p>
<p>Les organisations devraient souhaiter s’attaquer à l’épuisement professionnel. Aller à l’opposé serait contre-productif étant donné que l’épuisement entraîne un <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.l4774">plus grand roulement du personnel et des pertes de revenu, en plus d’être associé à un taux de productivité plus faible</a>. Les organisations sont toutefois difficiles à réformer.</p>
<p>Souvent, elles ne peuvent ou ne veulent pas voir en <a href="https://www.mckinsey.com/mhi/our-insights/addressing-employee-burnout-are-you-solving-the-right-problem">quoi cela constitue un écueil</a>. Elles tendent à vouloir régler un problème de nature collective ou systémique en <a href="https://doi.org/10.1037/cpb0000090">proposant des solutions individuelles</a>. Or, ce n’est pas en offrant des cours de yoga et des programmes de mieux-être que l’on diminue la surcharge de travail.</p>
<p>Si vous avez l’énergie et la volonté de vous attaquer à la surcharge de travail au sein de votre organisation, commencez doucement. Parlez-en d’abord à des collègues en qui vous avez confiance afin de connaître et de partager vos expériences respectives. Cela peut contribuer à sensibiliser votre milieu de travail à l’épuisement professionnel en tant que problème collectif.</p>
<h2>5. Reconnaître que le problème ne concerne pas uniquement autrui</h2>
<p>Un rôle important incombe aux cadres, car ce sont eux qui ont le pouvoir de changer les choses, et les ressources pour le faire. Si leurs employés s’épuisent au travail, c’est qu’ils jugent la situation acceptable.</p>
<p>Les dirigeants responsables devraient s’enquérir de la situation de leurs employés au regard des risques d’épuisement. Ils devraient <a href="https://theconversation.com/tackling-burnout-how-to-deal-with-stress-and-safety-in-the-workplace-161852">comprendre</a> en quoi leur entreprise contribue à l’épuisement professionnel. Il peut s’agir de s’informer sur la façon <a href="https://doi.org/10.1016/j.outlook.2020.06.008">dont est organisé le travail</a> ou <a href="https://doi.org/10.1093/jamia/ocy145">dont les technologies de l’information influent sur le travail</a>, ou encore <a href="https://doi.org/10.1080/10401334.2019.1638263">du soutien qui est offert – ou non – à leurs employés</a>.</p>
<p>Les cadres <a href="https://theconversation.com/corporate-leadership-why-the-tone-at-the-top-has-moral-consequences-172134">donnent le ton</a> et proposent un modèle de ce qui est acceptable – comme la surcharge de travail ou le besoin de prendre du temps pour soi. Au bout du compte, si la surcharge de travail s’inscrit dans la culture de l’entreprise, on doit reconnaître que le problème réside dans l’organisation elle-même.</p>
<p>L’épuisement professionnel est un problème grave qui requiert toute notre attention.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187332/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudine Mangen a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>L’épuisement professionnel est un problème grave qui mérite toute notre attention. Cet article propose quelques conseils pratiques pour faire face aux problèmes liés à l’épuisement professionnel.Claudine Mangen, RBC Professor in Responsible Organizations and Associate Professor, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1992132023-02-06T18:09:27Z2023-02-06T18:09:27ZRéforme de l’accès aux soins : comment le projet pourrait générer une crise de confiance, et comment l’éviter ?<p>Ces dernières années, notre système de santé s’est vu bousculé par nombre de mouvements sociaux et de crises. Pour satisfaire les acteurs concernés tout en préservant l’intérêt du public, des compromis ont régulièrement été recherchés.</p>
<p>C’est ainsi qu’en 2021, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043421566">loi n° 2021 502</a> approuvée par l’Assemblée nationale a posé un angle d’amélioration de notre système de santé. L’objectif, double, était principalement d’améliorer la confiance et de simplifier l’accès aux soins – deux chantiers phares.</p>
<p>Toutefois, la réflexion devant aboutir à ses applications concrètes est toujours en cours.</p>
<h2>Quel projet pour l’accès aux soins par la confiance ?</h2>
<p>Pour apporter des solutions concrètes à la problématique d’inégalité d’accès aux soins de santé, la députée Stéphanie Rist (Renaissance), également médecin rhumatologue, porte une <a href="http://www.senat.fr/leg/ppl22-263.html">nouvelle proposition de loi (n°362)</a> dédiée à « l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».</p>
<p>Adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, elle a été déposée au Sénat pour une <a href="http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-263.html">première lecture prévue le 14 février 2023</a>.</p>
<p>L’idée est de faciliter l’accès aux soins en accordant, d’une part, plus de confiance aux infirmiers de pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et, d’autre part, en créant le corps des assistants bucco-dentaires.</p>
<p>Plus concrètement, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038554429">après trois ans d’ancienneté en qualité d’infirmiers</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037219055">deux années d’études supplémentaires</a>, les IPA devraient pouvoir réaliser des actes médicaux et prendre en charge des patients sans que ces derniers ne leur aient été confiés par un médecin. Cela concerne actuellement <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ22080109S.html">près de 1 700 professionnels en 2023 (935 en 2021)</a>.</p>
<p>Les patients, quant à eux, devraient pouvoir facilement et directement les consulter sans passer par l’étape de leur médecin traitant. De quoi développer l’accès au soin.</p>
<p>Au regard de la <a href="https://theconversation.com/les-medecins-une-ressource-strategique-103449">pénurie de médecins</a>, de la démographie médicale et de l’évolution des besoins en soins de santé publique, cette réforme semble apporter des éléments de réponse…</p>
<p>Il est toutefois important de réfléchir à ses conséquences possibles. En effet, si l’objectif est ici de doter ces professionnels de santé de prérogatives élargies, <a href="https://sante.gouv.fr/metiers-et-concours/les-metiers-de-la-sante/les-fiches-metiers/article/medecin-generaliste">diagnostic, prescription et suivi médical restent les devoirs fondamentaux des médecins généralistes</a>. Au risque de voir émerger des conflits.</p>
<h2>Quelques cas concrets</h2>
<p>En effet, même si les domaines de compétences et d’expertises de chaque catégorie de professionnels seront clairement définis, le fait que des patients puissent s’orienter vers un infirmier de pratique avancée sans l’autorité du médecin pourrait entraîner diverses formes de crises de confiance à plusieurs niveaux :</p>
<ul>
<li><p><strong>Au niveau des patients.</strong> Les patients pourraient émettre des doutes quant à la qualité des soins reçus si diagnostic et traitement sont réalisés par les infirmiers de pratique avancée et non un médecin. Imaginons que nous nous rendions chez un IPA pour vomissements ; une gastro-entérite est diagnostiquée et le traitement en relation est prescrit. Cependant les vomissements persistent et une consultation auprès du médecin traitant est prise. Celui-ci diagnostique une obstruction intestinale et recommande une intervention chirurgicale immédiate. La crainte d’avoir été mal diagnostiqué à l’origine par l’IPA est réelle.</p></li>
<li><p><strong>Entre IPA et médecins généralistes.</strong> Un IPA pourrait être amené à traiter un patient souffrant de maladie chronique sans consulter son médecin traitant. Ce dernier, en examinant par la suite le dossier de son patient, pourrait décider de changer le traitement prescrit s’il lui semble inadéquat – la nouvelle loi ne remettant pas en cause son autorité et son expertise supérieure. Même après discussion, l’IPA pourrait ressentir un sentiment de dévalorisation et se remettre en question quant à sa légitimité.</p></li>
<li><p><strong>Envers l’ensemble du système de santé et de la communauté médicale.</strong> Si, d’une part, les patients ne se sentent pas en sécurité lors de leur prise en charge et que, d’autre part, des discordances se font régulièrement entre médecins et IPA, cette troisième forme de crise de confiance peut s’installer. Les médecins peuvent résister à cette évolution des pratiques afin de protéger leur expertise. Les patients, pris entre deux catégories de professionnels, pourraient ne plus réussir à avoir confiance en la qualité des soins fournis par le nouveau système de santé.</p></li>
</ul>
<p>Faire appel aux infirmiers de pratique avancée pour décongestionner l’accès aux soins est ainsi certainement une démonstration de confiance envers ces praticiens expérimentés… mais cela pourrait ainsi générer d’autres problématiques de confiance. D’où l’importance d’y réfléchir en amont afin de limiter au maximum les risques.</p>
<h2>Confiance dans les relations de soins : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Souvent définie comme une <a href="https://doi.org/10.2307/258792">acceptation de se rendre vulnérable aux actions d’autrui</a>, la confiance est une représentation de la relation reposant sur des croyances positives, qui fait régulièrement appel aux notions de risques et d’incertitude. Dans les relations de soins, la <a href="https://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_2002_num_20_4_2771">question de la confiance est essentielle</a> puisqu’elle va être le ciment favorisant leur bon aboutissement.</p>
<p>À chaque fois que la confiance sera écorchée dans la relation de soins, il sera plus difficile d’atteindre l’objectif poursuivi – en l’occurrence obtenir de bons résultats de santé. La confiance des patients est particulièrement importante dans la mesure où elle va notamment favoriser <a href="https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780195176360.003.07">l’observance, la continuité des soins, la qualité perçue des soins, la satisfaction du patient</a>, etc.</p>
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<img alt="Une patiente, sur son lit d’hôpital, est entourée d’une infirmière et d’un médecin" src="https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508309/original/file-20230206-27-ilmot5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le parcours de soin est aujourd’hui intégré des patients, qui connaissent les fonctions des différents professionnels de santé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RODNAE Productions/Pexel</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Afin de prévenir la potentielle crise de confiance étudiée ici, il est important d’en connaître les causes. Diverses sources peuvent être identifiées : un manque de confiance en la capacité de l’IPA à diagnostiquer et prescrire des soins adéquats sans la supervision d’un médecin, et une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044248288">mauvaise compréhension des responsabilités et compétences respectives de ces deux professionnels</a>. De même, les débats suscités par ce projet de réforme entre médecins et infirmiers peuvent également alimenter les doutes.</p>
<h2>Quelles explications à ces crises de confiance ?</h2>
<p>La confiance du patient s’appuie sur des croyances positives vis-à-vis du professionnel de santé. Et l’un des principaux facteurs sur lequel elle va se reposer est sa compétence. Son intégrité, sa bienveillance ou encore l’ancienneté de leur relation pouvant aussi entrer en jeu.</p>
<p>Actuellement, si la compétence de l’infirmier en pratique avancée n’est généralement pas remise en cause dans un parcours de soins coordonné et organisé par le médecin, c’est peut-être en raison du rôle de garant joué par ce dernier. Le patient va accorder sa confiance à l’IPA parce qu’il a confiance en son médecin, dont il connaît les compétences : il peut s’agir d’une sorte de <a href="https://doi.org/10.1016/j.infsof.2013.11.001">confiance par contagion</a>. Le même patient aurait-il la même confiance sans cette « caution » ?</p>
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<p>Une telle hésitation pourrait s’expliquer par le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044248288">manque d’informations sur les capacités des infirmiers de pratique avancée</a>. Sachant que le médecin est le seul formé (années d’études, connaissances scientifiques poussées, etc.) pour établir un diagnostic clinique et traiter des patients, ces derniers peuvent émettre des doutes quant aux aptitudes des IPA dans ces domaines clés malgré leur expérience. Un facteur fondamental du développement de la confiance interpersonnelle est alors remis en cause : la compétence ou la capacité.</p>
<p>Autre point jouant en la défaveur des IPA : l’<a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/devoirs-droits/serment-dhippocrate">existence du serment d’Hippocrate</a> et du <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/">Conseil national de l’Ordre des médecins</a> peuvent bénéficier à l’image des médecins, en donnant une impression d’intégrité, de contrôle des pratiques. <a href="https://www.espaceinfirmier.fr/actualites/160211-chaque-infirmiere-devra-preter-serment-sur-le-code-de-deontologie.html">Code de déontologie et Ordre national des infirmiers</a> ne disposent pas de la même visibilité auprès du grand public.</p>
<p>Par ailleurs, si l’on s’en remet à notre dernier <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2023-1-page-31.htm">travail de recherche mené auprès de patients publié dans la revue Question(s) de Management</a>, <a href="https://www.theses.fr/s226065">d’autres paramètres plus organisationnels et conjoncturels peuvent également entrer en jeu</a>. En effet, l’un des facteurs pouvant favoriser la confiance des patients est l’examen clinique, parfois réalisé à l’aide d’installations techniques et médicales adéquates. Sa réalisation dans de bonnes conditions représente un gage de la qualité des soins. Les IPA seront-ils suffisamment équipés et formés à ce niveau ?</p>
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<img alt="La confiance repose sur différents types de facteurs" src="https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508304/original/file-20230206-19-ecp2yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Typologie des facteurs de la confiance : individuels, liés à la relation et contextuels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brice Isseki</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quels leviers d’actions ?</h2>
<p>Pour prévenir ces crises de confiance, il est important de prendre des mesures idoines dès la phase de projet. La conduite d’une campagne renforcée de communication et de vulgarisation visant à sensibiliser l’opinion publique sur les compétences des IPA est indispensable.</p>
<p>Il serait également nécessaire de rappeler à une grande échelle, le périmètre et les conditions d’exercice de ces professionnels de santé dans le système.</p>
<p>Enfin, rappeler le rôle central du médecin dans le diagnostic est une forme de prévention incontournable : elle permettra à chacun de trouver sa place dans un parcours de soin renouvelé, et ainsi d’éviter des querelles de compétence qui n’ont pas lieu d’être et qui, au final, desserviraient toutes les parties : professionnels et patients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brice ISSEKI ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une proposition de loi prévoit de développer les compétences des infirmiers de pratique avancée afin de faciliter l’accès aux soins des patients. Une idée qui pose des questions de confiance.Brice ISSEKI, Docteur en sciences de gestion et du management, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1915692023-01-20T14:25:17Z2023-01-20T14:25:17ZComment les gestionnaires du réseau de la santé peuvent favoriser des lieux de travail psychologiquement plus sûrs<p>La crise du personnel des soins de santé au Canada semble s’aggraver de jour en jour, avec des <a href="https://www.nytimes.com/2022/09/14/world/canada/nurse-shortage-emergency-rooms.html">fermetures de salles d’urgence</a>, une <a href="https://theconversation.com/with-family-doctors-heading-for-the-exits-addressing-the-crisis-in-primary-care-is-key-to-easing-pressure-on-emergency-rooms-189199">pénurie de médecins de famille</a> et des <a href="https://www.wellesleyinstitute.com/wp-content/uploads/2020/09/Waiting-for-Long-Term-Care-in-the-GTA.pdf">délais d’attente élevés pour accéder aux soins de longue durée</a>. </p>
<p>Au cœur du problème se trouve un personnel soignant physiquement et mentalement épuisé par les milieux peu sécuritaires dans lesquels on lui demande de travailler depuis des années, et qui se sont considérablement détériorés pendant la pandémie de Covid-19. </p>
<p>Les dirigeants du secteur de la santé ont un rôle clé à jouer dans la conception de lieux de travail psychologiquement plus sûrs pour favoriser le bien-être de nos professionnels de la santé. Pour créer des milieux plus sûrs, il faut des décideurs qui comprennent comment des années de restrictions des ressources, d’environnements malsains, <a href="https://doi.org/10.1186/s12913-020-05084-x">d’abus de la part des patients</a>, <a href="https://doi.org/10.3389/fpubh.2021.750529">sans oublier une pandémie</a>, ont contribué à l’épuisement professionnel et à l’insatisfaction que l’on constate chez les travailleurs.</p>
<h2>Risques physiques et émotionnels</h2>
<p>Avant même la pandémie de Covid-19, les travailleurs de la santé canadiens souffraient déjà d’<a href="https://www.cma.ca/sites/default/files/2018-11/nph-survey-f.pdf">épuisement professionnel et de dépression</a>. La pandémie a détérioré des environnements de travail déjà précaires, les exposant non seulement à un virus mortel, mais aussi à une <a href="http://doi.org/10.1001/jama.2021.2701">montée de la violence physique et verbale</a>, entraînant une <a href="https://www.cma.ca/sites/default/files/2022-08/NPHS_final_report_FR.pdf">hausse des taux d’épuisement professionnel et de dépression</a>.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que les travailleurs de la santé soient de plus en plus nombreux à quitter la profession, <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/nurses-canada-overtime-pandemic-burnout-1.6545963">ce qui exacerbe encore davantage les conditions de travail de ceux qui restent</a>. </p>
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<img alt="Un ambulancier portant une visière de protection et une veste jaune fluo longe une file de patients sur des civières dans un couloir d’hôpital" src="https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486636/original/file-20220926-21-w3atsc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les enjeux ne se limitent pas à un seul groupe de travailleurs de la santé ni à un seul type de lieu de travail ; les préposés aux bénéficiaires, le personnel infirmier, les médecins, les ambulanciers exerçant dans les hôpitaux, les soins de longue durée, les cliniques de soins primaires et les services d’urgence font tous état d’épuisement professionnel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette</span></span>
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<p>Les enjeux ne se limitent pas à un seul groupe de travailleurs de la santé ni à un seul type de lieu de travail ; les préposés aux bénéficiaires (PAB), le personnel infirmier, les médecins, les ambulanciers exerçant dans les hôpitaux, les soins de longue durée, les cliniques de soins primaires et les services d’urgence font tous état d’épuisement professionnel. <a href="https://clri-ltc.ca/files/2021/02/PSW_Perspectives_FinalReport_Feb25_Accessible.pdf">Les PAB actifs dans le domaine des soins de longue durée dénoncent</a> des milieux de travail dangereux sur le plan physique et émotionnel, des ratios personnel/patients insuffisants et des environnements irrespectueux.</p>
<p>Nous savons que la <a href="https://www.mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/drupal/Workforce_Psychological_Safety_in_the_Workplace_ENG.pdf">santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail</a> sont directement liées à la productivité, à la rétention, à l’absentéisme, aux conflits professionnels et au succès opérationnel global du lieu de travail. Les dirigeants, gestionnaires et superviseurs canadiens du secteur de la santé sont exceptionnellement bien placés pour aider les organisations de soins de santé à créer des environnements de travail où le personnel se sent soutenu et en sécurité. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Panneau extérieur affichant « Recrutement de PAB -- nombreux quarts de travail -- avantages »" src="https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486638/original/file-20220926-879-z9tmaw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les PAB actifs dans le domaine des soins de longue durée dénoncent des milieux de travail dangereux sur le plan physique et émotionnel, des ratios personnel/patients insuffisants et des environnements irrespectueux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Frank Gunn</span></span>
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<p>Notre équipe de recherche a récemment été financée par la <a href="https://commissionsantementale.ca/">Commission de la santé mentale du Canada</a> pour examiner les facilitateurs et les obstacles rencontrés par les organisations de soins de santé dans la création d’environnements de travail sûrs. Nous avons sondé et interviewé des <a href="https://commissionsantementale.ca/resource/exploration-de-deux-facteurs-de-securite-psychologique-pour-les-travailleurs-de-la-sante/">centaines de travailleurs de la santé, toutes disciplines, tous lieux de travail et toutes provinces confondus</a>. Voici ce qu’ils nous ont dit : </p>
<ul>
<li><p>Beaucoup d’attention est accordée au renforcement de la résilience du personnel soignant, mais sans lui donner le temps et l’espace nécessaires pour le faire. Les organisations peuvent aider en garantissant les congés des travailleurs. </p></li>
<li><p>Des travailleurs de la santé nous ont dit que des ressources organisationnelles à long terme telles que des champions du mieux-être, des éthiciens et des indemnités de maladie efficaces pour tout le personnel soignant (par exemple, des prestations qui couvrent les services de consultation) contribueraient à soutenir leur bien-être. </p></li>
<li><p>Des politiques et des procédures opérationnelles appropriées et transparentes liées aux soins cliniques ou aux ressources humaines, qui régissent l’ensemble d’une organisation, contribuent à instaurer un climat de travail équitable et sûr. Les gestionnaires peuvent appuyer davantage leurs travailleurs en s’assurant que ces politiques et procédures sont appliquées et suivies de manière cohérente.</p></li>
<li><p>Les organisations devraient recruter et épauler des dirigeants efficaces, compatissants et authentiques. Il est essentiel de former des dirigeants du secteur des soins de santé qui sont compétents et se montrent à la hauteur dans leur environnement stressant ; il convient de les encourager et de les récompenser. Les gestionnaires ont également été mis à rude épreuve au cours des dernières années et ont besoin d’être soutenus par leur organisation. </p></li>
<li><p>Moins de 50 % des travailleurs de la santé de notre étude ont déclaré exercer dans un climat éthique. Par exemple, de nombreux soignants n’ont pas accès aux soutiens nécessaires pour résoudre les dilemmes éthiques. Les organisations de soins de santé ont tout intérêt à se concentrer sur ce point ; en cultivant un environnement de travail éthique, elles démontrent à leurs employés leur volonté de les protéger de la détresse morale. </p></li>
<li><p>Des professionnels de la santé nous ont dit que la transparence et les communications efficaces sont essentielles et renforcent la confiance dans leurs dirigeants. </p></li>
</ul>
<p>L’avenir de notre système de santé dépend du recrutement et de la rétention de travailleurs de la santé passionnés, dévoués et hautement qualifiés. Chaque travailleur de la santé, dans chaque lieu de travail, dans chaque province, a besoin d’une organisation qui valorise et privilégie sa santé et sa sécurité psychologiques. </p>
<p>Pour le rapport complet, veuillez visiter : <a href="https://commissionsantementale.ca/resource/exploration-de-deux-facteurs-de-securite-psychologique-pour-les-travailleurs-de-la-sante/">CSMC – Exploration de deux facteurs de sécurité psychologique pour les travailleurs de la santé</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191569/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’avenir de notre système de santé dépend du recrutement et de la rétention d’un personnel soignant et hautement qualifié. Il est essentiel de créer des environnements où ils se sentent soutenus et en sécurité.Angela Coderre-Ball, Assistant Professor (Adjunct), Family Medicine, Queen's University, OntarioColleen Grady, Associate Professor, Family Medicine, Queen's University, OntarioDenis Chênevert, Professor and director of healthcare management hub, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1738522021-12-16T20:09:48Z2021-12-16T20:09:48ZUne troisième voie pour améliorer le système de santé français ?<p>Malgré une crise sanitaire qui n’en finit pas, le thème de la santé peine à s’imposer dans une campagne électorale engluée dans des problématiques identitaires et sécuritaires. Les sondages structurels (non électoraux) mettent pourtant la santé au premier rang des préoccupations des Français – selon le baromètre CSA en 2020, dès 2016 selon le baromètre BVA.</p>
<p>Afin d’éclairer et de susciter le débat, le CES (Collège des économistes de la santé) vient de publier un ouvrage collectif intitulé <a href="https://eska-publishing.com/fr/gestion-et-economie/1133231-le-systeme-de-sante-francais-aujourd-hui-brochee.html"><em>Le système de santé français aujourd’hui. Enjeux et défis</em></a> (éditions ESKA). Cet ouvrage réunit 30 contributeurs, économistes de la santé français, et ambitionne d’analyser les principaux défis auxquels notre système de santé fait face.</p>
<p>De façon dépassionnée, et sur la base d’une littérature académique nationale et internationale, le Collège tente également de proposer des pistes de recommandations pour rendre le système plus efficient et plus juste. Ces solutions contribueraient à renforcer un modèle original dans le paysage mondial, représentant une forme de troisième voie, ni étatique, ni privatisé, avec la juste balance qui semblait caractériser le système de santé français jusqu’ici.</p>
<h2>La pandémie : révélatrice des insuffisances du système de santé français</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 a souligné, parfois avec cruauté, certaines insuffisances de notre système. Elle a d’abord mis en lumière l’absence d’une stratégie territorialisée de gestion du risque sanitaire et l’incapacité de prendre des décisions adaptées à un niveau infranational.</p>
<p>La crise exacerbe la rigidité d’un système de soins trop centralisé, spécialiste de la prise en charge de malades chroniques à l’hôpital public et sous-équipé, sous-entraîné pour une « course de fond ». Elle jette aussi le doute sur la médecine libérale, qui finalement a très peu participé à la réponse sanitaire.</p>
<p>Mais la pandémie a aussi révélé une véritable capacité d’adaptation des professionnels de santé, à l’hôpital et en ville, et des industriels pharmaceutiques : les processus d’innovation thérapeutique et technologique ont été accéléré, avec le succès constaté d’une production de vaccins à l’échelle internationale, bien que la distribution effective de ces vaccins dans les pays du Sud reste encore à réaliser.</p>
<p>Les défis sont donc de taille et préexistaient bien avant les premières manifestations de cette pandémie. Y figurent en bonne place : l’accès aux soins primaires sur tout le territoire, le manque de coordination entre médecine de ville et hôpital, d’une part, et entre acteurs du soin et de la sphère médico-sociale, d’autre part ; le déficit de prévention et le délaissement relatif de la santé publique (comparé à d’autres pays) ; les inégalités sociales de santé et d’accès aux soins ou encore la surconsommation de tabac et d’alcool.</p>
<h2>Quelles recommandations ?</h2>
<p>Les contributeurs de l’ouvrage ciblent sept grands chantiers :</p>
<ul>
<li><p>Repenser l’organisation du financement des dépenses de santé,</p></li>
<li><p>Améliorer la couverture du risque santé et du risque dépendance,</p></li>
<li><p>Réorganiser en profondeur l’offre de soins,</p></li>
<li><p>Développer les systèmes d’information en santé,</p></li>
<li><p>Réfléchir au budget à consacrer à l’innovation médicale,</p></li>
<li><p>Définir une stratégie de santé publique plus ambitieuse et plus systémique,</p></li>
<li><p>Accroître la place de l’évaluation (médico-) économique dans les décisions en santé.</p></li>
</ul>
<p>Tout d’abord, l’organisation du financement des dépenses de santé devrait être repensée et décentralisée. Repensée dans une logique plus inclusive et moins segmentée des différents sous-objectifs nationaux des dépenses d’assurance maladie (soins de ville, établissements de santé…) ; décentralisée en vue d’une organisation des soins et d’une définition <em>ex ante</em> du budget tenant compte des besoins de la population locale.</p>
<p>Les périmètres respectifs des paniers de soins couverts d’une part par l’Assurance maladie obligatoire, d’autre part par les organismes complémentaires doivent être redéfinis afin que ces derniers ne couvrent pas les mêmes soins que l’assurance publique et que soient réduits les frais de gestion. On parle de « grande sécu »… Au minimum, les complémentaires santé devraient évoluer vers des assurances dites plutôt « supplémentaires », agissant sur un panier de soins privés restreint et surtout distinct du panier de soins publics.</p>
<p>Par ailleurs, le système de financement de la dépendance pourrait relever d’une logique assurantielle clairement établie, couvrant le risque-dépendance selon son niveau de sévérité, mais indépendamment du niveau de l’aide informelle reçue dans l’environnement familial et du mode de prise en charge choisi.</p>
<p>Il importe également de continuer à réduire les barrières financières qui subsistent pour l’accès aux soins de spécialistes, aux soins dentaires et d’optique et également aux soins préventifs.</p>
<p>L’objectif de réduction des inégalités sociales de santé nécessite de mener une politique publique ambitieuse, globale et coordonnée, pour faire face aux déterminants multiples de ces inégalités dont certains interviennent tôt dans les itinéraires personnels (éducation, revenu, épisodes de précarité, conditions de travail, recours au dépistage, comportements à risque, accès aux soins, etc.).</p>
<h2>Réorganiser l’offre de soins sur plusieurs volets</h2>
<p>Concernant le système de paiement tout d’abord. Celui des médecins reste massivement fondé sur le paiement à l’acte. Des systèmes de paiement au forfait liés à la qualité des soins ou au suivi des patients pourraient être généralisés dans tous les secteurs (hôpital, en ville, en médico-social).</p>
<p>Le développement de nouveaux modes de rémunération plus coopératifs, comme des paiements forfaitaires collectifs associant la ville et l’établissement de santé, devrait être renforcé. Ils accompagnent en effet une meilleure coordination entre la ville et l’hôpital et correspondent davantage au développement des nouvelles pratiques, notamment celles aujourd’hui permises par la télémédecine.</p>
<p>La lutte contre les zones sous-dotées ensuite. La suppression récente du <em>numerus clausus</em> et l’arrivée de médecins formés à l’étranger qui s’installent (parfois) dans les zones difficiles sont des outils potentiels d’amélioration de l’accessibilité aux soins à saisir. Toutefois, il importe de développer encore les connaissances, à la fois sur les déterminants des choix d’installation des médecins formés dans les universités françaises, mais également sur les logiques d’installation et de maintien des médecins étrangers dans les zones sous-denses.</p>
<p>Des incitations financières existent depuis de nombreuses années, mais ne semblent pas avoir eu d’influence réelle sur les installations dans les zones prioritaires. L’ouvrage questionne la mise en place de mesures incitatives améliorant l’attractivité des zones sous-denses, monétaires et non-monétaires (accompagnement au développement de modes d’exercice en groupe pluriprofessionnel, coopération entre professionnels de santé notamment entre généraliste et infirmiers).</p>
<p>Le développement des systèmes d’information en santé (à l’hôpital, en ville et à leur intersection) constitue également un enjeu fort. Deux leviers sont notamment proposés : le développement d’un système d’information en médecine de ville, comparable à celui à l’hôpital, et la mise en place d’un large éventail d’indicateurs de qualité relatifs à l’ensemble des soins (dans le secteur hospitalier, médico-social et ambulatoire) et non plus uniquement centrés sur le processus de soins hospitaliers.</p>
<p>Il importe de généraliser l’utilisation du dossier médical partagé et aussi la collecte de résultats de santé et d’expériences rapportées par les patients, pour que les professionnels de santé soient sensibilisés à l’importance d’utiliser de telles mesures et en tirent le meilleur parti, sans crispations négatives.</p>
<h2>Mieux évaluer pour mieux exploiter l’innovation médicale</h2>
<p>De façon générale, elle est susceptible de modifier en profondeur l’organisation de notre système de santé (accès aux soins, télémédecine, dispositifs de e-santé).</p>
<p>Trois types d’innovations sont analysées dans l’ouvrage : la médecine génomique, l’e-santé et les médicaments innovants. Le rôle des économistes est de proposer des méthodologies permettant d’évaluer ces innovations. Il semble ainsi souhaitable de développer des analyses fondées sur les préférences sociétales et de recourir plus fréquemment à l’évaluation médico-économique, par exemple pour définir une valeur de référence à comparer au prix demandé par les industriels, particulièrement les nouveaux entrants du secteur, venant du numérique, qui pourraient parfois avoir tendance à surestimer la plus-value médicale de leurs produits.</p>
<p>Sur un autre sujet, les dispositifs expérimentaux, visant à réduire les inégalités sociales de santé, à améliorer la répartition des médecins sur le territoire ou à accroître les comportements de prévention, sont actuellement insuffisamment développés.</p>
<p>Enfin, mobiliser de façon plus systématique l’évaluation économique et médico-économique comme outil d’aide à la décision en santé est un des messages clés de cet ouvrage. Le recours plus systématique à des méthodes d’évaluation des politiques ou interventions publiques de santé permettrait d’évaluer leur effet causal, par exemple dans le cadre d’essais randomisés, et de promouvoir les dépenses de santé efficientes.</p>
<p>Une fois encore, ces solutions contribueraient à renforcer un modèle hybride, ni étatique, ni privatisé, qui fait l’originalité du système de santé français de par le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Notre système de santé fait face à de nombreux défis, soulignés par la pandémie de Covid. Comment le rendre meilleur ? Un collège de trente experts propose des pistes concrètes.Thomas Barnay, Professeur de sciences économiques (en disponibilité) / Visiting Professor, Health Care Policy Department, Harvard Medical School and French Harkness Fellow in Health Care Policy and Practice (The Commonwealth Fund) (2021-2022), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Anne Laure Samson, Professeur d'économie, Chercheure au LEM, Université de Lille, Université de LilleBruno Ventelou, Chercheur CNRS-AMSE, économie, santé publique,, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1679552021-09-21T19:33:23Z2021-09-21T19:33:23ZContraindre ou inciter, l’épineuse gestion des déserts médicaux<p><em>Les gouvernements successifs ont tous buté sur le problème des déserts médicaux. Comment faire reculer ces zones géographiques où l’accès aux soins est difficile ? De quels outils disposent les décideurs pour y parvenir ? Certaines solutions ont-elles déjà fonctionné ? Spécialiste du droit de la santé, Guillaume Rousset nous propose quelques pistes de réflexion.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Avant tout, peut-être faut-il se poser la question de ce que l’on appelle « désert médical » ?</strong></p>
<p><strong>Guillaume Rousset :</strong> L’expression « désert médical » <a href="https://www.medecin-occitanie.org/inegalites-territoriales-versus-desertification-medicale/">relève davantage de la formule médiatique</a> que d’un concept scientifique ou académique. </p>
<p>Plusieurs aspects me semblent problématiques. Tout d’abord le mot désert renvoie à une idée « d’aridité de tout » : on a en tête l’image d’Épinal du village de campagne qui, après avoir vu fermer son école, sa poste, son épicerie, se voit privé de son cabinet médical. Certes, un certain nombre de territoires ruraux sont confrontés à ce type de situation, mais il s’agit en réalité d’une problématique qui concerne tous les territoires, pas uniquement les campagnes. Des déserts médicaux peuvent se développer dans les centres de certaines villes, ou dans les territoires périurbains, malgré une densité de population importante et un tissu économique (commerces) conséquent.</p>
<p>En outre, la question n’est pas uniquement territoriale. Celle du temps se pose également : je peux habiter dans une ville où exerce un spécialiste, si je dois attendre plusieurs mois pour avoir un rendez-vous, alors je rencontre également des difficultés d’accès aux soins. Autre problème : l’accès à certains équipements comme les dispositifs d’imagerie par exemple. En outre, dans le cas de l’accès à la télémédecine, la problématique des déserts médicaux rencontre celle des déserts numériques.</p>
<p>Tout cela souligne la diversité de la notion, qui ne se résume pas à l’accès aux consultations ou à la présence sur le territoire de professionnels de santé.</p>
<iframe title="Carte de la densité des médecins généralistes en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-sG4Bp" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sG4Bp/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="844" width="100%"></iframe>
<p><br></p>
<p>Par ailleurs, le mot « médical » est réducteur. Il évoque le seul médecin généraliste (même si, selon le Code de la santé publique, les professions médicales sont : médecin, sage-femme et odontologiste). Bien entendu, on manque avant tout de généralistes, qui sont les médecins du quotidien. Mais toutes les professions de santé sont concernées par ces questions de densité insuffisante, y compris les professions paramédicales : masseurs kinésithérapeutes, infirmières ou même les pharmaciens d’officine…</p>
<p>Pour toutes ces raisons, il vaut mieux employer le terme « inégalités territoriales de santé », au même titre qu’il existe des inégalités économiques ou sociales de santé. </p>
<p>D’ailleurs, les travaux les plus récents <a href="https://www.bnds.fr/revue/rgdm/rgdm-80/l-acces-aux-soins-des-personnes-les-plus-demunies-quand-les-inegalites-territoriales-se-cumulent-aux-inegalites-socio-economiques-de-sante-10824.html">montrent que les inégalités territoriales de santé se croisent aussi avec inégalités socio-économiques</a>. Les personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité économique sont souvent plus à risque de se retrouver dans un territoire qui est par ailleurs un « désert médical ». Qui plus est, elles manquent parfois des moyens qui leur permettraient d’accéder aux soins, tel qu’un véhicule pour se déplacer au cabinet médical ou un ordinateur pour accéder aux services de télémédecine.</p>
<p><strong>TC : Comment la perception de la situation des déserts médicaux a-t-elle évolué ces dernières années ?</strong></p>
<p><strong>GR :</strong> La question des inégalités territoriales de santé est une question qui me paraît de plus en plus médiatisée. C’est devenu le cheval de bataille de diverses personnalités politiques, car elle permet de répondre à certaines préoccupations de la population de manière forte. Les citoyens se mobilisent également. </p>
<p>Un exemple frappant est la création de l’« Association des citoyens contre les déserts médicaux », qui a vu le jour dans la Sarthe. Après avoir envoyé en début d’année un courrier au Premier ministre, resté sans réponse, ses représentants ont formé un recours auprès du Conseil d’État.</p>
<p>Selon eux, l’existence de déserts médicaux est contraire à un certain nombre de règles législatives mais aussi constitutionnelles, notamment l’alinéa 11 du préambule de la constitution de 1946 qui précise que la Nation garantit à tous <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946">« la protection de la santé »</a>. </p>
<p><strong>TC : Quelles sont les origines des déserts médicaux</strong></p>
<p><strong>GR :</strong> Ces dernières années, plusieurs éléments ont été avancés pour les expliquer. La conception de la vie professionnelle par les jeunes médecins a évolué, ils n’ont plus forcément envie d’exercer leur métier de façon solitaire, ils privilégient davantage le travail collectif et les interactions avec les autres professionnels, que ce soit à l’hôpital ou dans une maison de santé pluriprofessionnelle.</p>
<p>En outre, la majorité des médecins nouvellement diplômés aujourd’hui sont des femmes. C’est un fait neutre, qui n’est ni positif ni négatif. Cependant, le constat est qu’en l’état actuel de la société, ce sont encore essentiellement les femmes qui s’occupent des enfants durant les premières années. Exercer seule, dans un cabinet en libéral, est plus compliqué que de s’installer avec d’autres professionnels ou de choisir le salariat. </p>
<iframe title="Carte de la densité des infirmiers en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-WVgM0" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WVgM0/7/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="806" width="100%"></iframe>
<p>Troisième point : le rapport à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle a changé. On trouve de moins en moins de médecins désireux de travailler 70 heures par semaine, même contre un revenu est plus important. Une fois encore, on constate que les agendas moins chargés sont privilégiés, quand bien même cela passe par un exercice en cabinet collectif ou à l’hôpital. </p>
<p>Enfin, certains avancent parfois l’idée que les médecins privilégient désormais les installations dans des structures collectives pour échapper à ce qu’ils perçoivent comme une certaine forme d’alourdissement administratif. </p>
<p><strong>TC : Comment les autorités envisagent-elles de remédier au problème ?</strong></p>
<p><strong>GR :</strong> Historiquement, deux tendances se sont dessinées. La première était fondée sur la notion d’incitation. Il s’agissait de donner envie aux professionnels de s’installer sur un territoire en déficit, via des incitations financières ou matérielles : prime d’installation, exonération fiscale, exonération sociale. Certains maires sont allés jusqu’à démarcher des médecins roumains, parce que francophones, pour les inciter à venir s’installer en France.</p>
<p>Cette approche présente l’avantage de la liberté d’installation (laquelle est protégée par la loi depuis 2010). Malheureusement, la Cour des comptes a souligné le fait qu’elle n’est pas suffisamment efficace en regard des sommes investies. En effet, le dispositif trouve rapidement ses limites : difficile de convaincre un professionnel de s’installer sur un territoire où ses proches ne pourront pas trouver d’emploi, où il lui sera difficile de scolariser ses enfants au-delà de l’école primaire, et où la vie culturelle ou sociale n’est pas celle à laquelle il aspire…</p>
<p>Une deuxième approche a donc été envisagée, plus coercitive, via le contrat santé solidarité. L’Agence régionale de santé invitait les médecins à venir s’installer en territoire sous-dense. S’ils acceptaient, le contrat était signé. S’ils refusaient, ils devaient payer une pénalité de 3000 €. Si la loi a bien été votée 2009, la contestation des médecins a été si intense que la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, s’est engagée à ne jamais prendre les décrets d’application de la mesure. Puis, en 2010, la loi Fourcade a supprimé la pénalité, ce qui vidait la mesure de sa substance.</p>
<p>On le voit, politiquement s’attaquer à la liberté d’installation des médecins est compliquée. En outre, la question de la coercition est complexe. Celle-ci pourrait en effet avoir l’effet inverse de celui escompté, si par exemple elle amenait à détourner les médecins de l’exercice de la médecine libérale.</p>
<p>Les choses se sont passées différemment dans le cas des infirmières. L’Assurance-maladie a négocié avec les syndicats, dans le cadre de la convention, pour mettre en place ce que l’on appelle le conventionnement sélectif. S’il demeure possible de s’installer n’importe où sur le territoire, dans les zones où il y a trop d’infirmiers, pour être conventionné (et donc voir ses actes remboursés par la sécurité sociale) il faut s’installer à la place de quelqu’un qui part. Cette coercition qui ne dit pas son nom a été acceptée en contrepartie une revalorisation des tarifs.</p>
<p>Entre incitation et coercition, une troisième voie existe, qui est celle de l’accompagnement. Le meilleur exemple en est les maisons de santé pluriprofessionnelle. Outre une incitation financière, ce modèle propose aux soignants de travailler au sein d’un collectif médical associant médecins généralistes, masseur-kinésithérapeute, infirmier, éventuellement une sage-femme, un psychologue et dans l’idéal une pharmacie. Le tout autour d’un projet de soins. On crée ainsi une dynamique collective d’interdisciplinarité. </p>
<p>Cette approche se développe depuis une dizaine d’années et rencontre un certain succès. Il a été montré qu’elle améliore l’accès aux soins. Mais elle repose sur un soutien financier fort des pouvoirs publics et ne fonctionnerait pas sans cela. Ce qui n’est pas forcément négatif : on peut considérer qu’il s’agit de sommes investies, dans le cadre de la mission de protection de la santé des populations qui incombe à l’État.</p>
<p>Malheureusement, cette approche ne fonctionne pas partout : il existe des endroits où même en collectif, les professionnels de santé refusent de s’installer. C’est probablement le cœur de la question : les inégalités territoriales de santé ne sont qu’une facette d’un problème plus large d’aménagement du territoire. Il semble illusoire d’espérer les réduire sans s’en saisir globalement. Comment exiger des personnels soignants qu’ils s’installent dans des territoires ruraux ou périurbains où les pouvoirs publics ont parfois fermé la poste, l’école, et les services publics et où les commerces ont baissé le rideau ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167955/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
L’expression « déserts médicaux » est peu appropriée pour décrire les inégalités territoriales de santé. Ce constat posé, quelles solutions existent ? Et lesquelles ont déjà fait leurs preuves ?Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé + Médecine, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1680032021-09-15T10:18:30Z2021-09-15T10:18:30ZCrise des paramédicaux : des hôpitaux « magnétiques » pour attirer et retenir les soignants ?<p><em>Mal considérés, mal payés, peu écoutés, surchargés de travail… Les paramédicaux, infirmiers et infirmières en tête, sont depuis plusieurs années dans une situation professionnelle difficile, qui se traduit par le nombreux burnouts et réorientations professionnelles. Comment changer la situation ? Odessa Dariel, professeure en sciences infirmières à l’École des Hautes Études en Santé publique (EHESP) nous présente plusieurs pistes qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : À quelles problématiques sont confrontés les responsables d’hôpitaux concernant les personnels paramédicaux ?</strong></p>
<p><strong>Odessa Dariel :</strong> Avant l’épidémie de Covid, les principaux enjeux ayant trait aux personnels paramédicaux auxquels étaient confrontées les organisations de santé, en particulier les hôpitaux, étaient liés aux insuffisances d’effectifs. La masse salariale étant le poste de dépenses le plus important, et les paramédicaux représentant le gros des personnels, ce sont souvent eux qui faisaient les frais des restrictions budgétaires.</p>
<p>Il faut savoir qu’à l’exception de quelques services comme la réanimation, la néonatalogie ou certains services d’oncologie, il n’existe pas vraiment de régulation concernant le nombre d’effectifs par patient. De ce fait, les responsables des autres services n’ont pas de base sur laquelle argumenter lorsqu’il s’agit de faire une demande d’effectifs supplémentaires.</p>
<p>Dans certains États des États-Unis, où j’ai été formée, les effectifs sont réglementés. Même dans les États sans réglementation fixant le ratio infirmier/patient, il n’est pas coutume, dans un service médicochirurgical, d’avoir plus de sept patients par infirmière. En France, certaines doivent parfois <a href="http://www.syndicat-infirmier.com/Effectifs-infirmiers-ratios-ou-rationnement.html">en gérer le double</a> ! Certes, on peut argumenter en disant que les métiers sont différents outre-Atlantique. Cependant, devoir s’occuper d’un trop grand nombre de patients complique la prise en charge et les soins.</p>
<p><strong>TC : Cette situation est délétère pour les patients et pour les soignants ?</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Oui, car l’impact se fait sentir non seulement sur la qualité des soins, mais aussi sur le sens du travail accompli. Les soignants sont obligés de se limiter aux aspects techniques des soins et n’ont plus de temps pour le reste : les échanges avec le patient, tout ce qui relève du « care », « prendre soin ».</p>
<p>C’est un problème à plusieurs niveaux. Du point de vue des soignants qui ont l’impression de travailler « à la chaîne », et de sacrifier une partie de leur éthique de travail, tout d’abord. Cela limite aussi les capacités de détection des signaux précoces qui peuvent précéder la détérioration d’un patient. </p>
<p>Il faut bien avoir conscience que la majorité du temps, les interlocuteurs des patients sont les personnels paramédicaux. Ce sont les yeux et les oreilles du médecin, en quelque sorte, qui les voit plus rarement. Si leur charge de travail ne leur permet plus de détecter ces problèmes en amont, cela peut être préjudiciable au patient.</p>
<p><strong>TC : Au-delà de ces problématiques d’effectifs, se pose aussi la question de la reconnaissance…</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Effectivement, la reconnaissance et la valorisation des personnels paramédicaux constituent des enjeux importants pour l’image et l’attractivité de la profession.</p>
<p>La question du salaire est centrale. Ces métiers, qui impliquent d’importantes responsabilités, sont physiquement et émotionnellement éprouvants. Or les salaires des paramédicaux ne sont pas à la hauteur de ces enjeux. Ils ne reflètent pas l’importance de leur travail pour la société. Quelque part, perdure l’idée qu’il s’agit de vocations que l’on exerce comme un sacerdoce.</p>
<p>Un autre problème est que les paramédicaux sont rarement inclus dans les groupes de travails ou consultés (au niveau du ministère, des commissions parlementaires…). Ce manque de formation au milieu politique fait que leurs plaidoyers sont peu relayés.</p>
<p>Enfin, leur reconnaissance professionnelle au sein même du système de santé est souvent insuffisante. Il ne s’agit pas de caricaturer, bien sûr, mais en France on reste dans une culture très hiérarchique où les paramédicaux sont surtout des exécutants. Aux États-Unis, les patients sont davantage pris en charge par des équipes, pas uniquement par le médecin. La recherche en sciences infirmières et la plus-value de ses savoirs sont reconnues, permettant aux infirmiers dans les services hospitaliers de contribuer pleinement aux décisions cliniques concernant les soins prodigués aux patients.</p>
<p>Les choses commencent à changer très progressivement en France, notamment avec le statut d’infirmière en pratique avancée, la reconnaissance des sciences infirmières, etc. On voit aussi arriver une nouvelle génération de médecins qui exprime un réel intérêt pour le travail en équipe, et prend la mesure de la valeur ajoutée de ces échanges avec les professions paramédicales.</p>
<p>Mais tous ces problèmes font que l’on se retrouve actuellement avec un problème de recrutement et de fidélisation des personnels paramédicaux. Après leur formation, un certain nombre de personnes abandonnent l’idée de travailler dans le domaine sanitaire, en partie en raison de leur expérience dans le milieu hospitalier lors de leurs stages.</p>
<p><strong>TC : La crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 a-t-elle aggravé les choses ?</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Il est probablement un peu tôt pour dire si elle va susciter un engouement (dû à une reconnaissance accrue de l’importance de la santé et la santé publique) ou au contraire détourner les jeunes de ces métiers, suite à la constatation que les discours des décideurs politiques ne se traduisent pas en actions concrètes pour améliorer les conditions de travail. </p>
<p>En effet, pour faire face à la première vague de l’épidémie, des enveloppes budgétaires ont été débloquées, et on a laissé plus de latitude en matière d’organisation du travail, ce qui a eu pour conséquence de permettre de soigner différemment. On espérait que cette situation allait perdurer dans le « monde d’après » que tous appelaient de leurs vœux. Malheureusement, pour l’instant il semblerait que les anciens problèmes soient de retour…</p>
<p>Dans ce paysage sombre, des innovations sont néanmoins porteuses d’espoir. Certes, la question des budgets est centrale, mais même dans un cadre contraint, il est possible d’employer les financements de façon à améliorer les conditions de travail et de soins.</p>
<p><strong>TC : Quelles pistes sont explorées pour y parvenir ?</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Je travaille actuellement sur un projet de recherche qui évalue la mise en place d’un modèle hollandais qui a très bien fonctionné aux Pays-Bas, le modèle Buurtzorg. Il s’agit de repenser le modèle des soins à domicile. Actuellement, le patient voit défiler divers soignants qui viennent effectuer chacun un seul soin (infirmière, aide-soignant, auxiliaire de vie…). Le modèle Buurtzorg vise à remédier à ce morcèlement en faisant prendre en charge les soins à domicile dans leur globalité par une équipe autogérée. Cette approche est davantage propice au développement d’une relation soignants-soigné. Il s’agit de passer du temps avec le patient et de prendre le temps de le connaître et de tisser des liens avec sa famille, son entourage, les services à proximité – en créant un réseau de soutien qui permet aux patients d’avancer vers d’avantage d’autonomisation.</p>
<p>Ce modèle, basé sur un forfait à l’heure plutôt qu’une tarification à l’acte, est notamment expérimenté dans les Hauts de France grâce à des financements débloqués dans le cadre de l’Article 51.</p>
<p>L’autre approche consiste à explorer la possibilité d’adapter au contexte français les certains stratégies promues par les « <a href="https://www.anfh.fr/sites/default/files/fichiers/matthieu_sibe_isped_0.pdf">Magnet hospitals</a> » (« hôpitaux magnétiques ») étatsuniens. Forgé par l’Association des Infirmiers Americains (American Nurses Association) dans les années 1980 pour faire face à la pénurie de soignants, le concept de « magnet hospital » vise à mettre en place une organisation de soins destinée à « aimanter » les soignants. L’objectif est d’attirer et de garder ces professionnels en créant les conditions de leur épanouissement.</p>
<p>Plusieurs axes sont développés pour y parvenir :</p>
<ul>
<li><p>Le leadership infirmier</p></li>
<li><p>Le travail en équipe collaboratif et interprofessionnel</p></li>
<li><p>La recherche : il s’agit de baser les pratiques professionnelles sur des données probantes, et de développer une culture de recherche au sein de la structure de soin.</p></li>
<li><p>La reconnaissance explicite du métier infirmier au sein de l’organisation</p></li>
</ul>
<p>Aux États-Unis, le label Magnet prend la forme d’une (coûteuse) accréditation commerciale délivrée par l’<a href="https://www.nursingworld.org/organizational-programs/magnet/">American Nurses Credentialing Center</a>, filiale de l’ANA. Les hôpitaux « Magnet recognized » attirent non seulement les professionnels, mais aussi les patients, qui sont certains de la qualité des soins qu’ils recevront dans ces centres de soins.</p>
<p>Il ne s’agit pas de transposer cette accréditation commerciale en France, mais plutôt d’en tirer les points forts pour les adapter au concept français : la qualité de vie au travail, le recentrage sur le travail infirmier, l’implication des soignants au sein de comités dédiés à l’identification de diverses problématiques et à la formulation de solutions (expérience patient, éthique…). Une fois les moyens attribués à la mise en œuvre de ces solutions, leur évaluation doit aussi être envisagée.</p>
<p>Cette approche permet non seulement aux soignants de reprendre la main sur leurs propres pratiques professionnelles de soin, mais aussi de valoriser leur investissement. En outre, l’accréditation <em>Magnet</em> se mettant en place sur plusieurs années, les solutions envisagées ne peuvent être de court terme. C’est une façon d’orienter les choix, même dans une situation budgétaire contrainte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168003/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Odessa Dariel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment renforcer l’attractivité des métiers paramédicaux, mis à rude épreuve par la pandémie de Covid-19 ? Odessa Dariel, Professeure en sciences infirmières, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1676762021-09-15T10:06:14Z2021-09-15T10:06:14ZEn carte : les inégalités de soin en France<p>Ces dernières années, plusieurs éléments ont été avancés pour expliquer l’origine des « déserts médicaux », expression qu’on devrait plutôt remplacer par <a href="https://www.medecin-occitanie.org/inegalites-territoriales-versus-desertification-medicale/">« inégalités territoriale de santé »</a>.</p>
<p>La conception de la vie professionnelle par les jeunes médecins a évolué, ils n’ont plus forcément envie d’exercer leur métier de façon solitaire, ni désireux de travailler 70 heures par semaine, même si le revenu est plus important. Ils privilégient davantage le travail collectif et les interactions avec les autres professionnel, que ce soit à l’hôpital ou dans une maison de santé pluriprofessionnelle.</p>
<p>Ces inégalités territoriales de santé ne sont qu’une facette d’un problème plus large d’aménagement du territoire. D’ailleurs, les <a href="https://www.bnds.fr/revue/rgdm/rgdm-80/l-acces-aux-soins-des-personnes-les-plus-demunies-quand-les-inegalites-territoriales-se-cumulent-aux-inegalites-socio-economiques-de-sante-10824.html">travaux les plus récents</a> montrent que les inégalités territoriales de santé se croisent aussi avec inégalités socio-économiques. Les personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité économique sont souvent plus à risque de se retrouver dans un territoire qui est par ailleurs un « désert médical ». Elles manquent d’ailleurs parfois des moyens qui leur permettraient d’accéder aux soins, tel qu’un véhicule pour se déplacer au cabinet médical ou un ordinateur pour accéder aux services de télémédecine.</p>
<p>Comment exiger des personnels soignants qu’ils s’installent dans des territoires ruraux ou périurbains où les pouvoirs publics ont fermé la poste, l’école, et les services publics et où les commerces ont fermé… ?</p>
<hr>
<iframe title="Carte de la densité des médecins généralistes en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-sG4Bp" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sG4Bp/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="844" width="100%"></iframe>
<iframe title="Carte de la densité des infirmiers en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-WVgM0" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WVgM0/7/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="806" width="100%"></iframe>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/167676/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les inégalités territoriales de santé ne sont qu’une facette d’un problème plus large d’aménagement du territoire.Benoît Tonson, Chef de rubrique Science, The Conversation FranceLionel Cavicchioli, Journaliste scientifique, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1588262021-05-05T13:58:33Z2021-05-05T13:58:33ZL’IA gagne du terrain en santé. Comment les ordres professionnels peuvent-ils l’encadrer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396162/original/file-20210420-23-boybjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=82%2C14%2C4910%2C3285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les promesses de l’Intelligence artificielle (IA) incluent l’amélioration de la performance diagnostique en imagerie médicale, par exemple, pour diverses tumeurs ou maladies.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les professionnels de la santé – médecins, infirmières, pharmaciens et tous les autres – seront aux premières loges des transformations majeures qui découleront du déploiement de l’intelligence artificielle (IA). Dans ce contexte, l’IA soulève des enjeux déontologiques que les ordres professionnels devront examiner.</p>
<p>Le secteur de la santé est considéré comme l’un des plus effervescents et prometteurs sur le plan des <a href="https://theconversation.com/comment-lia-va-transformer-le-systeme-de-sante-109496">développements en IA</a>, suscitant de ce fait des <a href="https://www.forbes.com/sites/insights-intelai/2019/02/11/ai-and-healthcare-a-giant-opportunity/?sh=556fd7e64c68">investissements</a> considérables.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lia-va-transformer-le-systeme-de-sante-109496">Comment l’IA va transformer le système de santé</a>
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<p>Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6616181/">promesses</a> de l’IA, dont certaines produisent déjà des effets positifs, incluent l’amélioration de la performance diagnostique médicale (en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30562242/">imagerie médicale, par exemple, pour diverses tumeurs ou maladies</a>), l’optimisation de l’allocation des ressources (lits aux soins aigus, ressources humaines, équipement médical) et l’accélération du processus de découverte des médicaments.</p>
<h2>Des avantages et des risques</h2>
<p>À l’inverse, certains <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3733964">risques</a> associés à l’IA existent bel et bien, comme ceux des biais et de la discrimination à l’égard de groupes d’individus (par exemple, une sous-évaluation diagnostic du cancer de la peau par des IA pour les personnes noires). Ces biais peuvent être liés à la sous-représentation de ces groupes dans les données utilisées pour entraîner l’IA ou en raison de certains préjugés des concepteurs d’IA, qui se répercutent dans les paramètres de l’algorithme.</p>
<p>Dans le contexte de la Covid-19, <a href="https://thefuturesociety.org/wp-content/uploads/2020/12/Responsible-AI-in-Pandemic-Response.pdf">différentes initiatives d’IA à l’échelle mondiale</a> ont rapidement été mises en place pour soutenir les professionnels de la santé, les patients, les gestionnaires et les <a href="https://observatoire-ia.ulaval.ca/recension-app-tracage/">autorités de santé publique</a> dans leurs efforts de lutte contre la pandémie. À titre d’exemples, l'IA a été utilisée pour faciliter l’évaluation des risques d’exposition au virus, accélérer le diagnostic des cas de Covid et pour contrer la désinformation en temps de pandémie.</p>
<p>L’IA est maintenant considérée comme une option incontournable de l’arsenal permettant de répondre aux défis contemporains des systèmes de santé ; conséquemment, elle détient un <a href="https://www.mckinsey.com/industries/healthcare-systems-and-services/our-insights/transforming-healthcare-with-ai">potentiel transformateur</a> de taille pour ce secteur d’activité, incluant la pratique de ses professionnels. Il convient alors de développer un encadrement déontologique adéquat pour soutenir l’utilisation de cette technologie par ceux-ci, en plus de s’assurer qu’ils disposent d’informations et de formations appropriées à ce sujet.</p>
<h2>De nouvelles normes</h2>
<p>En collaboration avec des ordres professionnels de la santé au Québec, nous avons mis sur pied un groupe de travail sur les enjeux normatifs liés à l’IA pour les professions de la santé et des relations humaines. Ce groupe a notamment pour mandat de proposer de nouvelles normes de pratique à établir pour guider ces professionnels.</p>
<p>Avec ce projet, nous analysons, d’une part, l’impact de l’IA sur les obligations déontologiques des professionnels de la santé et, d’autre part, nous réfléchissons à la manière d'adapter ces obligations à cette réalité technologique. Par exemple, <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/intelligence-artificielle-et-sante">l’un des enjeux souvent cités est celui de la « boîte noire »</a>. Lorsqu’un système d’IA génère une recommandation diagnostique ou thérapeutique, alors que le professionnel n’est pas en mesure de comprendre le fonctionnement de l’algorithme sous-jacent, comment doit-il composer avec ses obligations déontologiques ? Comment peut-il justifier ses interventions suivant les normes cliniques applicables et donner une information adéquate au patient ?</p>
<p>Les ordres professionnels de la santé auront ensuite l’occasion de se positionner sur ces avenues de réformes, pour en valider la pertinence selon leurs contextes spécifiques et pour les prioriser en fonction de leurs besoins.</p>
<h2>Protéger le public</h2>
<p>Rappelons tout d’abord que les ordres professionnels ont pour principale mission de protéger le public. Pour y parvenir, ils sont appelés à contrôler l’exercice de la profession par leurs membres, en instaurant un cadre réglementaire et en exerçant des responsabilités de vérification, d’enquête et de poursuites en matière disciplinaire.</p>
<p>Les ordres doivent adopter un code de déontologie. Ils peuvent également publier différents documents à caractère normatif pour atteindre leur objectif (guides d’exercice ou lignes directrices) en plus de contribuer à la sensibilisation et à la formation de leurs membres sur différents enjeux.</p>
<p>En plus des ordres professionnels, d’autres intervenants jouent un rôle important dans l’encadrement réglementaire en matière d’IA dans le domaine de la santé, dont Santé Canada et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, sans compter les autres autorités gouvernementales en matière de protection des renseignements personnels. L’ensemble de ces intervenants forment une mosaïque complexe d’activités de réglementation qui influent sur le déploiement de l’IA au sein du système de santé.</p>
<h2>La boussole de l’IA responsable</h2>
<p>Dans le cadre de notre groupe de travail, nous avons développé une grille d’analyse pour définir les impacts potentiels de l’IA eu égard aux objets usuels de la législation et de la réglementation professionnelles. Parmi ces objets se trouvent l’« admission à la pratique », l’« assurance responsabilité professionnelle », la « tenue de dossier », la « qualité et la sécurité de la pratique », la « qualité de la relation professionnelle », le « consentement » et l’« indépendance professionnelle », entre autres.</p>
<p>Ensuite, en nous appuyant sur la <a href="https://www.declarationmontreal-iaresponsable.com/la-declaration">Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA</a>, qui édicte dix principes pour une IA responsable, nous évaluons ceux qui sont susceptibles d’être interpellés par ces obligations professionnelles. Enfin, une fois ce repère normatif identifié, soit la « boussole de l’IA responsable », nous proposons des réflexions et interventions à considérer par le système professionnel québécois pour s’ajuster aux effets – tant les bénéfices que les risques – qui découlent de l’IA.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394895/original/file-20210413-15-1h6dp7d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Grille d’analyse des enjeux liés au recours à des systèmes d’intelligence artificielle (SIA) par les professionnels de la santé et des relations humaines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marco Laverdière et Catherine Régis</span></span>
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</figure>
<p>Dans un contexte où l’encadrement juridique de l’IA est souvent décrié pour sa faible capacité à suivre la rapidité des développements technologiques, l’intérêt des ordres professionnels à agir rapidement pour favoriser une intégration maîtrisée et responsable de l’IA dans la pratique des professionnels de la santé mérite d’être salué. Cet encadrement constitue une composante importante pour appuyer l’innovation en santé. En effet, l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=xgyupgb5OYQ">incertitude quant aux conséquences juridiques</a> liées au recours à une pratique innovante constitue un frein à son utilisation par les professionnels.</p>
<p>L’identification des attentes et des balises à l'égard de l’utilisation de l’IA par les professionnels de la santé permettra non seulement de mieux protéger le public, mais aussi d’outiller ces professionnels dans une pratique en constante évolution et de plus en plus complexe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158826/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je reçois du financement du programme des Chaires de recherche du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada, du Conseil de recherches en sciences humaines et du Fonds Georg Stellari.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>En plus de ses activités académiques à l'Université de Sherbrooke et à l'Université de Montréal, Marco Laverdière occupe les fonctions de directeur général et de secrétaire de l'Ordre des optométristes du Québec. / In addition to his academic activities at Université de Sherbrooke and Université de Montréal, Marco Laverdière serves as the executive director and secretary of the Ordre des optométristes du Québec.</span></em></p>L’IA est maintenant une option incontournable dans l’arsenal des outils de diagnostic en santé. Il faut développer un encadrement déontologique adéquat pour soutenir son utilisation.Catherine Régis, Professeure titulaire, Faculté de droit, Chaire de recherche du Canada en droit et politiques de la santé, Centre de recherche en droit public, Université de MontréalMarco Laverdière, Avocat, enseignant et chercheur associé en droit et politiques de la santé / Lawyer, lecturer and research associate in Health Law and Policy, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1500932020-11-19T23:30:13Z2020-11-19T23:30:13ZLes infirmières dans l’Arctique québécois : une intégration professionnelle de l’extrême<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369269/original/file-20201113-13-qyki8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C850&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plus d’offrir des soins classiques, les infirmières doivent gérer de nombreuses situations d’urgence.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.needpix.com/photo/967841/health-evaluation-bless-you-nurse-free-pictures-free-photos-free-images-royalty-free-free-illustrations">Needpix</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où les hôpitaux approchent d’une saturation de leurs capacités, il est fort probable que de nombreuses infirmières soient appelées en renfort, notamment dans les services de réanimation. Dans un contexte sous tension, nous nous sommes demandé comment elles arrivaient à s’adapter et à prendre leurs marques une fois en situation.</p>
<p>L’exemple des infirmières travaillant dans les villages inuits de l’Arctique québécois que nous avons suivies lors d’un travail de <a href="http://biblos.hec.ca/biblio/theses/2017NO18.pdf">thèse</a>, est à ce sujet éclairant. En effet, elles offrent des soins infirmiers classiques mais doivent aussi gérer de nombreuses situations d’urgence et de traumatologie.</p>
<h2>Les 5 stratégies d’onboarding</h2>
<p>Parce que le rôle de l’organisation est assez faible, l’essentiel de l’onboarding (ou capacité à s’intégrer et à tenir son rôle dans une organisation) repose sur les infirmières elles-mêmes. Nous avons observé cinq objectifs essentiels que les infirmières tentent d’atteindre, que nous qualifions de stratégies d’onboarding. Les deux dernières sont particulièrement saillantes dans ce contexte extrême et rarement mises en avant jusqu’ici.</p>
<p><strong>Apprendre son rôle</strong></p>
<p>La première stratégie vise de manière naturelle l’apprentissage du rôle, principalement dans sa dimension technique. Plusieurs pratiques sont associées à cette stratégie comme lire (« il a fallu apprendre par certains livres ou manuels »), demander (« les autres infirmiers étaient très ouverts, ça leur faisait plaisir de répondre à mes questions »), valider (« on cherche l’opinion des autres pour valider les nôtres »), suivre les attentes des autres (« c’est elle une [infirmière] qui va gérer. Je vais faire ce qu’elle me demande de faire pour l’aider et la soutenir »), et observer (« je regardais l’autre infirmière [d’expérience] agir avec elle et j’ai un peu essayé de copier son approche par mimétisme »).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369281/original/file-20201113-19-1nzdeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ville d’Ivujivik dans l’Arctique québécois, où les infirmières de l’étude ont pratiqué..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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<p>Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est qu’au-delà de l’apprentissage technique du rôle, le changement du contexte social crée le besoin de découvrir, de comprendre le fonctionnement de la communauté avec laquelle les infirmières interagissent (« je vais à l’église, je discute avec les Inuit, je vais pêcher avec eux, je me fais un devoir de tout goûter. J’essaie de m’intégrer à mon village »).</p>
<p><strong>Aménager son rôle</strong></p>
<p>L’apprentissage n’étant pas toujours suffisant pour faire face aux situations rencontrées, des tentatives d’aménagement du rôle sont mises en place en répartissant le travail selon les compétences disponibles (« ça m’est arrivé de ne pas me sentir à l’aise [avec un patient], l’autre infirmière a pris les choses en main »), en modifiant une répartition classique des rôles notamment avec les médecins (« avec le médecin, tu peux suggérer des choses, ils te laissent aller, on a de la latitude »), ou encore en changeant les procédures de travail (« beaucoup d’Inuit ne mangent pas trois fois par jour. Alors pour les diabétiques, leur demander de manger trois fois par jour et de prendre des collations, ça n’a pas de sens. Alors, on regardait les guidelines et on se disait : qu’est-ce que cette patiente est capable de faire ? »).</p>
<p><strong>Créer son réseau de soutien</strong></p>
<p>Comme pour l’apprentissage du rôle, on retrouve ici une double composante dans la création de réseau. Si, comme pour tous les salariés, le réseau interne est clé (« c’est important de ne pas rester seul, il faut s’entourer de mentors… »), on retrouve pour ces infirmières une volonté d’élargir ce réseau dans la communauté inuit afin de s’appuyer sur elle pour réaliser leurs missions (« cet été, pendant une semaine, on avait des patients qui faisaient des convulsions, probablement du THC contaminé. J’ai appelé la mairesse, elle m’a dit “ je m’en occupe ” et une semaine après on n'avait plus de cas »).</p>
<p><strong>Gérer son image</strong></p>
<p>Les infirmières doivent également gérer leur image auprès des différents acteurs qui les entourent à deux niveaux : avec le personnel soignant en ayant de la crédibilité médicale (« avec le médecin au téléphone, tout est dans la présentation du cas, si tu ne le présentes pas d’une façon solide, t’es fait ! ») et avec le patient, la famille et la communauté en ayant une crédibilité communautaire (« parfois même si tu as un médecin dans le village, la famille veut te parler à toi parce qu’ils te connaissent. Avec les années dans la communauté, tu vas devenir plus un pivot »).</p>
<p><strong>Absorber le choc</strong></p>
<p>Les expositions à des situations médicales et sociales difficiles peuvent être vécues comme choquantes à cause du stress, de la fatigue ou de l’environnement pouvant parfois paraître hostile. Ces situations fréquentes sont des enjeux majeurs de leur processus d’onboarding et la durée de leur parcours professionnel dans le Nord en dépend.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369270/original/file-20201113-17-y4242g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les conditions de vie extrêmes de l’Arctique québécois, comme ici à Puvirnituq, exposent les infirmières à des situations médicales et sociales difficiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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</figure>
<p>Il s’agit de reconnaître et d’absorber ces chocs, par une palliation physiologique et psychologique. La palliation physiologique consiste par exemple à profiter des grands espaces pour se ressourcer (« la toundra, je m’y sens bien : c’est ma “toundra thérapie” »), et à alterner les périodes hyperactives en situation et les périodes de coupure par un système de rotation, avec une alternance entre missions et vacances qui ressourcent (« les vacances sont essentielles, elles aident à se ressourcer et à recharger ses batteries »).</p>
<h2>Besoins sous-jacents</h2>
<p>La palliation psychologique se traduit ici de deux manières distinctes : la prise de distance (« je ne suis pas sans émotion, mais depuis le temps, j’ai appris que [ces problèmes] ne m’appartiennent pas. En ce sens, je dois être objectif, je ne dois pas être empathique ») et la rationalisation (« j’offre ce que je peux offrir [comme soins] et c’est déjà suffisant. J’offre déjà beaucoup »).</p>
<p>Et c’est justement parce qu’elles sont capables de mettre en place ces stratégies de palliation que les infirmières peuvent continuer à pratiquer dans ce contexte particulier (« c’est la capacité de rationaliser les choses, ou non, qui fera la différence et qui leur permet, ou non, de pratiquer plus longtemps »).</p>
<p>Cette plongée dans l’univers des infirmières de l’Arctique québécois nous a permis de révéler 5 stratégies d’ajustement qui traduisent autant de besoins sous-jacents des nouvelles recrues. Certaines témoignent du côté « extrême » des situations vécues, mais peuvent se retrouver dans de nombreux contextes professionnels à des degrés divers.</p>
<p>Au-delà de l’intérêt intrinsèque de l’étude, ces résultats constituent donc une grille de lecture des pratiques d’onboarding quant à leur capacité à répondre aux besoins clés des nouvelles recrues. Cela ne signifie pas que les pratiques d’onboarding doivent se limiter à cela, mais qu’elles doivent inclure une réponse à ces besoins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150093/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céleste Fournier a reçu des financements du Fonds de Recherche du Québec- Société et Culture (FRQSC), de l'Equipe FUTUR (FRQSC) et de HEC Montréal.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Serge Perrot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les soignantes envoyées auprès des populations inuit témoignent notamment d’un choc à absorber pour s’adapter à un environnement pouvant parfois paraître hostile.Serge Perrot, Professeur de Management, Université Paris Dauphine – PSLCéleste Fournier, Enseignant-chercheur, IGS-RHLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1455862020-10-01T15:21:53Z2020-10-01T15:21:53ZCulture du silence en santé : la loyauté envers la population doit primer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/360644/original/file-20200929-22-ifuckd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=92%2C0%2C5515%2C3741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La culture du silence dans le secteur de la santé expose les soignants à de nombreuses conséquences professionnelles, psychologiques et même légales.</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dénonciation, divulgation, signalement, alerte. Les déclinaisons de l’alerte éthique sont nombreuses et le phénomène des « lanceurs d’alerte » <a href="https://www.ctvnews.ca/canada/accountability-group-calls-for-covid-19-transparency-whistleblower-protection-1.4952862">attire l’attention dans le domaine de la santé depuis quelques années</a>. Certains auteurs estiment que cette pratique est une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26342060/">fonction importante, voire essentielle, du travail des professionnels de la santé pour protéger les patients</a>. Elle se confronte toutefois à une culture du silence importante au sein des institutions de santé.</p>
<p>Notre équipe de recherche, <a href="https://nursingobs.com/fr/recherche/">l’Observatoire Infirmier</a>, étudie le processus d’alerte éthique chez le personnel infirmier. Malgré que ce phénomène soit présent au Québec, il est encore peu documenté et semble s’être amplifié depuis le début de la pandémie de Covid-19. Notre étude tente actuellement de comprendre les particularités de ce phénomène.</p>
<h2>Le conflit de loyauté des soignants</h2>
<p>L’alerte éthique en santé est <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nhs.12667">décrite comme un processus menant à la divulgation d’actes ou de situations moralement ou légalement répréhensibles pouvant nuire ou causer du tort aux patients</a>. Les lanceurs d’alerte sont souvent perçus comme une menace par l’organisation ciblée, malgré que le processus de divulgation soit le résultat d’une réflexion éthique approfondie de la part de la personne témoin de ces actes ou de ces situations.</p>
<p>Bien souvent, le processus d’alerte éthique crée un conflit de loyauté chez le soignant, pris entre son employeur et son patient. Ce processus s’appuie également sur l’exploration des stratégies de divulgation possibles, qu’elles soient internes ou externes à l’organisation, et sur l’estimation des nombreuses conséquences d’agir ou non. Ces conséquences s’étendent au-delà de la peur <a href="https://www.lavoixdelest.ca/actualites/un-avis-disciplinaire-seme-la-colere-77afcd5ce4a2d1ad335a5e1dad3f728a">bien réelle</a>, des <a href="https://www.theguardian.com/society/2018/oct/02/nhs-whistleblowing-protection-tribunal-junior-doctors">représailles</a>. L’alerte éthique a aussi d’importantes conséquences sur le bien-être psychologique de la personne et sur la dynamique des équipes de soin.</p>
<p>Au Canada et au Québec, de <a href="http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showDoc/cs/D-11.1">récents changements législatifs</a> ont été réalisés afin d’offrir une protection minimale aux lanceurs d’alerte dans le secteur public. De tels mécanismes sont aussi implantés ailleurs dans le monde, notamment <a href="https://www.nationalnursesunited.org/whistleblower-protection-laws-for-healthcare-workers#:%7E:text=The%20Occupational%20Safety%20%26%20Health%20Act,unsafe%20conditions%20in%20the%20workplace.&text=You%20can%20find%20more%20information,an%20OSHA%20whistleblower%20complaint%20here.">dans certains états américains</a> et plus récemment en <a href="https://www.icelandreview.com/politics/legislation-protecting-whistleblowers-passed-in-iceland/">Islande</a>.</p>
<p>Malgré ces changements, le domaine de la santé et des services sociaux semble toujours faire l’objet d’une importante culture du silence, dont la présence a par ailleurs été <a href="https://www.ledevoir.com/culture/medias/578172/chsld-il-n-y-a-plus-d-omerta-dit-la-ministre">reconnue par l’ex-ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360643/original/file-20200929-22-n8c22i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carolyn Strom arrive à la Cour d’appel de la Saskatchewan à Regina, le mardi 17 septembre 2019. Mme Strom a été reconnue coupable de faute professionnelle par la Saskatchewan Registered Nurses Association en 2016 et s’est vu infliger une amende de 26 000 $ pour avoir critiqué les soins donnés à son grand-père.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Michael Bell</span></span>
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<p>Cette culture du silence expose les soignants à de nombreuses conséquences professionnelles, psychologiques et même légales. Le cas de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1305430/carolyn-strom-infirmiere-appel-saskatchewan-tribunal">Carolyn Strom</a>, sans doute le plus médiatisé, illustre bien les risques qu’encourent les professionnels de la santé lorsqu’ils font état de situations problématiques dans l’espace public.</p>
<p>Après avoir critiqué les soins prodigués à son grand-père par l’intermédiaire des médias sociaux, <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/we-should-all-be-watching-the-carolyn-strom-appeal-1.5284566">cette infirmière clinicienne de la Saskatchewan a été reconnue coupable d’inconduite professionnelle et condamnée à verser une somme de 26 000$ par son Ordre professionnel</a>, en plus de devoir se soumettre à une formation en éthique. La cause de Carolyn Strom est actuellement entendue par la Cour d’appel de la Saskatchewan.</p>
<h2>Une pratique dérangeante et nécessaire</h2>
<p>Un argument souvent évoqué contre la pratique de l’alerte éthique concerne le <a href="https://educaloi.qc.ca/capsules/agir-avec-loyaute-envers-son-employeur/#:%7E:text=Le%20devoir%20de%20loyaut%C3%A9%20se,de%20son%20travail%20ou%20ailleurs.&text=Un%20ancien%20employ%C3%A9%20doit%20lui,soit%20plus%20%C3%A0%20son%20emploi">devoir de loyauté envers l’employeur</a>, qui exige du personnel soignant qu’il fasse preuve d’honnêteté et de jugement dans l’exercice de ses fonctions, en plus de placer les intérêts de l’employeur avant les siens. Si ce devoir de loyauté est à première vue compatible avec l’exercice d’une fonction dans le secteur privé, il y a toutefois lieu de prendre conscience de ses effets délétères pour les employés du secteur public.</p>
<p>Comme <a href="http://www.contact.ulaval.ca/article_blogue/les-chsld-et-le-devoir-denvergure/">l’indiquait récemment le professeur Louis-Phillippe Lampron</a> à propos de la culture du silence en santé et du devoir de loyauté : « la mission première des institutions et organismes publics n’est pas la rentabilité, mais plutôt la dispense de services publics à la population. Ainsi, contrairement aux entreprises privées, ces institutions appartiennent à l’ensemble de la population et ont une obligation de reddition de comptes à son endroit. »</p>
<p>Dans le domaine de la santé et des services sociaux plus particulièrement, une telle loyauté est aussi partagée entre l’employeur et le patient qui, faut-il le rappeler, est bien souvent dans une situation de vulnérabilité. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26342060/">La défense des intérêts et des droits du patient constitue par conséquent une fonction essentielle et centrale à l’exercice de plusieurs professions de la santé, que cela concerne par exemple les soins infirmiers ou le travail social</a>.</p>
<p>Argumenter en faveur du devoir de loyauté du personnel soignant envers l’organisation évacue l’importance des problématiques structurelles qui expliquent et maintiennent la culture du silence, en plus d’évacuer la responsabilité morale des soignants envers le bien-être de la population.</p>
<h2>Autonomie et responsabilité morale</h2>
<p>Pour plusieurs professionnels de la santé, la pandémie de Covid-19 aura agi comme catalyseur de l’alerte éthique et les aura menés à <a href="https://doi.org/10.18192/aporia.v12i1.4840">divulguer publiquement un large éventail de situations préoccupantes comme la surcharge de travail, le manque de ressources et les contraventions aux normes de prévention et de contrôle des infections</a>. Ce mouvement a été facilité par la création de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1732263/denonciation-infirmieres-chaudiere-appalaches-syndicat-cisss?fbclid=IwAR0xYB2s1B29Fiup1pBH5e0PDc76Wp7vTlUFPulwfmshTHolGHneqF8Qrmk">plateformes</a> et de <a href="http://www.fiqsante.qc.ca/jedenonce/accueil/">registres publics</a> par certains regroupements syndicaux, qui visent à faciliter le processus d’alerte éthique.</p>
<p>Le processus d’alerte éthique en santé semble ainsi radicalement <a href="https://doi.org/10.1111/nhs.12667">transformé par l’usage grandissant des médias sociaux et des nouvelles technologies de l’information et des communications</a>. Un dernier exemple concerne l’utilisation croissante de <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/m%C3%A8me/10910896">mèmes</a> diffusés par l’intermédiaire des médias sociaux, qui révèlent avec ironie la <a href="https://scontent-yyz1-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-9/80802608_124510095692070_5949257195110531072_n.jpg?_nc_cat=109&_nc_sid=110474&_nc_ohc=V7dP0OrskkQAX_oAFax&_nc_ht=scontent-yyz1-1.xx&oh=9e5ee231bd932dff996d3186b18df9ab&oe=5F97D1D2">précarité du système de santé</a> ou les <a href="https://scontent-yyz1-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-9/81621473_132452964897783_300597279214010368_n.png?_nc_cat=106&_nc_sid=8024bb&_nc_ohc=0_qScQY0vJYAX_TwP2T&_nc_ht=scontent-yyz1-1.xx&oh=794f18cc320362f11006b5c5fa684196&oe=5F9B53FF">problèmes de pénurie de personnel</a>.</p>
<p>Ces alertes éthiques sont autant d’arguments en faveur de la reconnaissance de l’autonomie morale du personnel soignant, actuellement atrophiée par la culture du silence caractérisant l’organisation des soins et des services de santé. La reconnaissance d’une telle autonomie morale ne peut se réaliser qu’en considérant l’alerte éthique comme un indicateur de transparence et de responsabilité des organismes publics, dont les établissements de santé, envers la population. Sur ce point, la reconnaissance et la valorisation de la liberté de parole du personnel soignant semblent essentielles afin de mieux protéger l’intégrité, la qualité et la sécurité des services publics de santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145586/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Pariseau-Legault est membre de l'Observatoire infirmier. Il fait partie d'une équipe de recherche ayant reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour un projet de recherche intitulé "Négocier la culture du silence: Une étude qualitative de la (non-)dénonciation chez le personnel infirmier au Québec" et portant sur l'alerte éthique en santé. </span></em></p>L’alerte éthique en santé est essentielle afin d’assurer la sécurité des personnes soignées. Confrontés à la culture du silence, les lanceurs d’alerte s’exposent toutefois à de lourdes conséquences.Pierre Pariseau-Legault, Professeur agrégé au département des sciences infirmières de l'Outaouais. Infirmier clinicien en psychiatrie et santé mentale, Université du Québec en Outaouais (UQO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466262020-09-22T20:40:28Z2020-09-22T20:40:28Z« En France, nous sommes très performants dans le soin, mais beaucoup moins en matière de prévention »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359415/original/file-20200922-18-1e678nm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1194%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épidémie de Covid-19 a révélé la marge de progression française en matière de santé publique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jeff Pachoud / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Jeudi 24 septembre, la Conférence des présidents d’université et les Conférence des doyens de facultés de médecine et de formations de santé organisent un colloque sur le thème <a href="http://ortus-sante.fr/wp-content/uploads/2020/09/PROGRAMME-DU-COLLOQUE-SORBONNE.pdf">« Médecine, santé et science au cœur de la société »</a>. Dans le cadre de cet événement, Manuel Tunon de Lara, président de la commission santé de la Conférence des présidents d’université et président de l’université de Bordeaux, dresse un rapide état des lieux de la santé publique en France.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : L’épidémie de Covid-19 a braqué les projecteurs sur la « santé publique ». Que recouvre cette expression ?</strong></p>
<p><strong>Manuel Tunon de Lara :</strong> Si on voulait simplifier à l’extrême, la santé publique est la santé du collectif. Elle est à mettre en regard avec la santé de l’individu.</p>
<p>Historiquement, la médecine a d’abord été tournée vers le soin de l’individu : il s’agissait de réparer le corps. Aujourd’hui encore, les métiers de soin et les formations qui y préparent sont axés sur la santé de la personne. Cependant, la santé de la collectivité ne peut pas être appréhendée de la même façon.</p>
<p>Un exemple : si on s’intéresse aux indicateurs de santé, on constate clairement que dans notre pays, on vit globalement plus vieux qu’avant. Cela s’explique par les progrès accomplis pour soigner les individus. Mais si on se penche sur le pourcentage de gens qui vieillissent en bonne santé, on s’aperçoit qu’on a beaucoup moins progressé.</p>
<p>En tant que médecin, toute la question est d’arriver à tirer parti des enseignements collectifs pour les appliquer ensuite à l’individu, grâce à des leviers tels que la prévention, l’éducation sanitaire ou la prise en compte des grands facteurs de risque (tabac, mauvaise alimentation, etc.), aujourd’hui très bien identifiés.</p>
<p><strong>TC : Quels sont les résultats de la France dans ce domaine ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Notre pays est loin de figurer parmi les premiers. Nos résultats ne sont pas très bons, car nous n’évitons pas la survenue de certaines pathologies liées à des facteurs de risque évitables. En France, en matière de santé, 95 ou 96 % du budget est destiné aux soins individuels (certes plus coûteux), et le reste à la prévention. Or les pays qui ont des politiques plus ambitieuses en matière de prévention y consacrent plus de 10 % de leur investissement en santé.</p>
<p>En termes de santé publique, les systèmes de santé des pays d’Europe du Nord, où il existe une forte tradition de suivi des populations, font souvent référence. Il ne faut cependant pas oublier que cela nécessite un investissement et que l’impôt y est très élevé. En outre, il faut avoir conscience que la recherche, l’innovation, et la formation en santé publique ne font pas tout : les aspects politiques sont aussi très importants. Il existe d’excellentes écoles de santé publique aux États-Unis, et pourtant la prévalence de maladies comme l’obésité y est très élevée, les inégalités de soin y sont très grandes. Ces indicateurs de la santé des populations ne sont probablement pas représentatifs du niveau scientifique des institutions académiques…</p>
<p>On a assisté au même type de paradoxe dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 : les pays dont la recherche en santé publique est la plus reconnue, qui ont les meilleures universités dans le domaine, n’ont pas forcément géré la crise de façon exemplaire, vraisemblablement parce qu’il leur a manqué le chaînon politique.</p>
<p><strong>TC : La crise sanitaire liée au coronavirus SARS-CoV-2 a-t-elle été un révélateur des faiblesses de notre pays en matière de santé publique ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Il est certain que la crise engendrée par la pandémie de Covid-19 a révélé les forces et les faiblesses des États. Cependant, il ne faut pas noircir le tableau en ce qui concerne la France : cette crise a également révélé ses forces.</p>
<p>Certes, il y a eu différents problèmes comme la gestion des stocks de masques ou la multiplication non organisée de certains essais cliniques. Mais nous avons aussi été capables de multiplier très rapidement les lits en réanimation, ou d’aménager en un temps record le transfert de malades d’un bout de la France à l’autre, en toute sécurité. Cette performance illustre un paradoxe : en France, nous pouvons être très performants dans le soin, mais beaucoup moins en matière de prévention ou d’éducation sanitaire.</p>
<p><strong>TC : Comment l’expliquer ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> La France a été un grand pays dans le domaine de la santé, en particulier pour tout ce qui était en rapport avec le soin hospitalier et la recherche médicale. Son système de santé, basé sur une forte redistribution sociale, a longtemps été vu comme un exemple dans le monde entier. De nombreux professionnels se sont construits sur cette base de valeur très importante, et on trouve aujourd’hui encore dans notre pays énormément de compétences, y compris en santé publique. Toutefois, bien que notre pays redéploie beaucoup de ressources, les inégalités dans le domaine de la santé demeurent assez fortes et nous n’avons pas une culture de santé publique.</p>
<p>L’un des problèmes est que les compétences sont dispersées dans le domaine académique, et que l’on n’a pas forcément, dans le domaine de la recherche et de l’innovation ou de la formation, les organisations qu’il faudrait, comme des écoles universitaires de santé publique en lien avec leur territoire. Quand vous faites de la recherche en physique sur l’énergie, les résultats obtenus dans les laboratoires universitaires sont ensuite transférés vers les agences nationales ou vers des entreprises du secteur privé. Le fruit des connaissances produites par la recherche finit entre les mains d’opérateurs qui ensuite sont capables de transformer l’innovation en une forme de développement : économique, social…</p>
<p>C’est ce qui manque en santé publique. Le transfert de la recherche vers les agences sanitaires et les agences régionales de santé (ARS) doit être organisé.</p>
<p><strong>TC : Le Ségur de la santé va-t-il permettre de remettre les choses à plat ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Ces problèmes ont été évoqués, cependant l’impression qui s’en dégage jusqu’à présent est que les problématiques liées à la recherche et à la formation d’une façon générale, et en santé publique plus particulièrement, ne constituent pas pour l’instant un objectif fort du Ségur. C’est assez compréhensible : l’urgence était d’abord la revalorisation salariale des acteurs, et la réinjection de moyens dans l’hôpital public. Mais il ne faudrait pas oublier cette question essentielle : quelles actions va-t-on mettre en place en termes de santé publique ?</p>
<p>Chaque territoire devrait pouvoir disposer d’une école universitaire de santé publique, en relation forte avec l’ARS, le réseau hospitalier, le groupe hospitalier de territoire. Y seraient réunies les compétences de recherche et de formation. Ce dernier point est important : il ne s’agit pas de former uniquement des médecins.</p>
<p><strong>TC : L’interdisciplinarité est importante ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Elle est essentielle. La santé publique repose sur des bases diverses : l’épidémiologie, la biostatistique, le management et les politiques de santé, les sciences sociales et les sciences du comportement.</p>
<p>On le constate à nouveau avec la crise que nous venons de vivre, il ne s’agit pas seulement de produire des connaissances, de diffuser de l’information : il faut s’assurer qu’elle est perçue correctement, et si ce n’est pas le cas, comprendre pourquoi. Certaines conséquences des crises sanitaires dépassent le cadre purement « santé ». Le confinement, par exemple, a eu des répercussions sur le plan économique, il a modifié les relations sociales, familiales, accru l’isolement, le décrochage scolaire… Là encore, les sciences sociales, les sciences du comportement sont indispensables pour appréhender correctement ces sujets.</p>
<p>En outre, de nouveaux métiers devront aussi accompagner la santé dans le futur. Des sujets de santé publique mobilisant d’autres compétences que celles des actuels professionnels de santé émergent, notamment en ce qui concerne les conséquences des changements environnementaux.</p>
<p><strong>TC : Au-delà du manque de financement, la santé publique ne souffre-t-elle pas d’un déficit d’image, à l’ère de la médecine personnalisée et du diagnostic de précision ?</strong></p>
<p><strong>MTdL :</strong> Effectivement, aujourd’hui la santé publique est un peu le parent pauvre de la médecine en termes d’image. Les internes la choisissent souvent en dernier.</p>
<p>On peut les comprendre : si vous pensez que santé publique est synonyme d’un métier administratif ou de management alors que votre passion, c’est le soin, ce n’est pas très engageant. Pourtant les sujets dont on parle en ce moment en santé publique sont passionnants et ont une résonance auprès des jeunes générations.</p>
<p>Par ailleurs, je pense qu’il ne faut pas opposer l’approche collective de la santé et l’approche individuelle. Je suis pneumologue, je connais bien la problématique du cancer du poumon. Jusqu’à récemment, cette maladie était toujours mortelle, les résultats étaient catastrophiques. Mais depuis quelques années, on arrive à guérir des malades, grâce à des approches de médecine personnalisée et d’immunothérapie dont la nature est adaptée en fonction de la présence, chez le malade, de certains gènes. C’est une approche très coûteuse, mais elle sauve des vies. Une approche de santé publique réussie, qui parviendrait à diminuer drastiquement la consommation de tabac dans le pays, permettrait d’éviter un grand nombre de cancers du poumon, et donc de diminuer le coût direct et indirect de la maladie, ce qui permettrait d’allouer davantage de moyens à la médecine de soin et de compenser le surcoût du progrès médical.</p>
<p>On le voit avec cet exemple, les investissements dans le domaine de la santé publique et du soin sont liés, et leur relation est particulièrement intéressante à explorer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manuel Tunon de Lara ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’épidémie de Covid-19 l’a durement rappelé : dans notre pays la santé publique reste le parent pauvre des investissements en santé, surtout dédiés au soin. Comment améliorer la situation ?Manuel Tunon de Lara, Professeur des Universités - Praticien Hospitalier, France UniversitésLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418142020-07-09T17:02:02Z2020-07-09T17:02:02ZSystème de santé : Pourquoi est-il si difficile de répondre aux attentes des soignants ?<p>Les travaux du <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de-la-sante-une-grande-concertation-avec-les-acteurs-du-systeme-de-sante/">« Ségur de la santé »</a>, animé par Nicole Notat, ont abouti le 13 juillet 2020 à la signature d’un accord entre les organisations syndicales, Jean Castex, Premier ministre et Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. </p>
<p>Ledit accord peut-être qualifié d’historique, puisqu’il alloue 8,2 milliards d’euros afin de revaloriser la rémunération des sages-femmes, des personnels non médicaux des établissements de santé et des EHPAD, des internes et étudiants en santé, ainsi que des praticiens qui font le choix de l’hôpital public. Les rémunérations des salariés paramédicaux tels que les infirmiers et les aides soignants et non médicaux (brancardiers, techniciens, etc.) seront également revalorisées de 160 à 180 euros selon les établissements de santé. C’est moins que les 300 euros réclamés par les syndicats, mais 15000 postes supplémentaires devraient être créés, ce que certains syndicalistes considèrent comme une compensation.</p>
<p>Ces mesures ne semblent pas suffisantes pour satisfaire l’ensemble des soignants, si l’on en juge par la « journée de mobilisation et de grève nationale » prévue le 15 octobre pour réclamer « des embauches massives immédiates » et une « revalorisation significative des salaires » dans le secteur de la santé apportera une première réponse. Rien d’étonnant, car s’il existe une relative concorde pour estimer nécessaire une « refonte » de notre système de santé, les solutions permettant de faire consensus sont beaucoup plus rares. </p>
<p>Nous allons essayer d’en comprendre les raisons.</p>
<h2>Pourquoi un Ségur de la santé ?</h2>
<p>Alors que la France, comme tous les pays du monde, a été et reste confrontée à une crise sanitaire dont les impacts sont <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20200426-la-grippe-hong-kong-la-premi%C3%A8re-pand%C3%A9mie-moderne">d’une rare ampleur dans l’époque moderne</a>, le Ségur de la santé s’est fixé comme objectif de rénover notre système de santé pour le rendre plus efficient et adaptable au bénéfice de tous : patients, soignants, élus. Si l’objectif est louable, sa mise en œuvre s’avère diablement complexe.</p>
<p>En effet, notre système de santé repose sur de nombreux intérêts différents. Depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs s’efforcent de concilier des objectifs pas toujours convergents : attractivité des métiers et maîtrise du budget de la Sécurité sociale, libre choix du médecin et développement d’un dossier médical partagé qui ne voit pas le jour, maintien d’une offre de proximité et concentration des moyens dans de gros établissements de santé d’excellence, coexistence d’une offre publique et d’un secteur libéral…</p>
<p>En 2018, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277750?sommaire=4318291">part de la santé</a> dans la richesse nationale s’élevait à 11,7 %. En la matière, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_d%C3%A9penses_de_sant%C3%A9">France se place</a> dans le peloton de tête des classements mondiaux. La marge de manœuvre est donc étroite. Très étroite même, si l’on considère qu’avec le Danemark et la Belgique, elle figure parmi les pays dont les prélèvements obligatoires sont les <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/impots-fiscalite/malgre-la-baisse-d-impots-la-france-garde-son-titre-de-championne-du-monde-des-prelevements-6641975">plus importants</a>.</p>
<h2>Des établissements de santé sous tension</h2>
<p>Depuis de très nombreuses années, les mouvements sociaux se succèdent dans les établissements de santé. Qu’il s’agisse des hôpitaux publics ou des cliniques privées, très rares sont les établissements qui n’y ont pas été confrontés. En l’espace d’un mois, en <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/toulouse-mouvement-greve-au-chu-prend-ampleur-1733243.html">septembre/octobre 2019</a>, la plupart des établissements de santé de l’agglomération de Toulouse, qu’ils soient publics ou privés, avaient par exemple été confrontés à des <a href="https://www.ladepeche.fr/2019/10/14/clinique-croix-du-sud-la-greve-gagne-tous-les-services-la-moitie-des-operations-annulees,8479562.php#:%7E:text=La%20moiti%C3%A9%20du%20personnel%20de,mat%C3%A9riels%20et%20une%20revalorisation%20salariale.&text=Le%20service%20de%20r%C3%A9animation%20compte,en%20re%C3%A7oit%20pas%20de%20nouveaux">grèves</a>. On pourrait multiplier ce type d’exemple à travers la France. Les services des urgences ont également connu des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/16/pres-de-cinq-mois-apres-le-debut-du-mouvement-un-tiers-des-services-d-urgence-sont-en-greve_5500068_3224.html">mouvements sociaux très importants</a> à compter du premier semestre 2019.</p>
<p>Derrière ces événements, on retrouve très souvent le même ras-le-bol : épuisement du personnel, conditions de travail très difficiles, rappels de salariés à domicile empiétant sur leur vie personnelle, rythme de travail infernal, violences contre les soignants, salaires bloqués… Avec un coupable tout désigné : la tarification à l’activité (T2A), <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/02/13/qu-est-ce-que-la-t2a-qui-cristallise-les-tensions-a-l-hopital_5256264_1651302.html">objet de mécontentement dans les établissements de santé</a>.</p>
<p>Mise en place progressivement en 2004, cette tarification finance les séjours et l’activité réalisés dans les établissements de santé. Jusque là, rien de choquant. Le souci est ailleurs. Pour contenir l’évolution des dépenses de santé et d’une demande de soins qui ne cesse d’augmenter, sous l’effet conjugué du progrès médical et du vieillissement de la population, les pouvoirs publics ont mis en place un système d’ajustement redoutable : la régulation prix/volume.</p>
<h2>La recherche de gains de productivité</h2>
<p>Ainsi, pour faire face à l’augmentation continue de l’activité avec son corollaire inflationniste (plus l’activité augmente plus le chiffre d’affaires augmente), les tarifs des séjours ont régulièrement baissé chaque année depuis l’instauration de la T2A. La conséquence est limpide. Pour pouvoir maintenir leurs ressources, les établissements de santé ont été contraints d’améliorer la productivité : faire plus avec moins ou autant.</p>
<p>C’est ce qui explique, par exemple, le lancement par le ministère de la Santé du programme PHARE (Performance hospitalière pour des achats responsables) en 2011. L’objectif était louable : <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/performance-des-etablissements-de-sante/phare-11061/">réaliser des économies</a> sur les achats relevant du « bon sens ».</p>
<p>De même, les pouvoirs publics (ministère de santé) ont demandé au début des années 2010 aux établissements de santé de <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/comment-faire-des-economies-lhopital-le-mode-demploi-choc-dun-think-tank-liberal">revoir leur nombre de lits</a> en développant l’ambulatoire. L’idée, en soi, était judicieuse. Il s’agissait de développer une activité ambulatoire correspondant à la fois aux souhaits des patients (qui rentrent et sortent dans la journée) et aux évolutions des pratiques médicales (une <a href="https://www.allodocteurs.fr/se-soigner/chirurgie/chirurgie-ambulatoire/prothese-de-la-hanche-une-hospitalisation-express_15643.html">opération de prothèse de hanche</a> qui nécessitait une hospitalisation de trois semaines il y a 20 ans peut désormais s’effectuer en ambulatoire).</p>
<p>Mais derrière cette prouesse médicale, se cache une autre réalité : la fermeture de services d’hospitalisation de nuit, l’augmentation de la productivité au bloc opératoire, la nécessaire polyvalence des soignants.</p>
<p>Si tous ces objectifs pouvaient et peuvent s’entendre, la vitesse de mise en œuvre a été certainement trop rapide. En 2017 Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé déclarait même : « à l’hôpital, nous sommes arrivés au bout d’un système ».</p>
<h2>Une reconnaissance insuffisante</h2>
<p>Durant la crise sanitaire, les Français ont manifesté leur reconnaissance envers les professionnels de santé en se réunissant tous les soirs à 20 h, pour témoigner leur gratitude par des applaudissements.</p>
<p>Une unanimité a vu le jour à propos de la nécessaire revalorisation des carrières des soignants en « première ligne ». On pense aux infirmier·e·s (1 700 euros bruts mensuels en début de carrière) et aux aides-soignant·e·s (1 333 euros bruts mensuels en début de carrière). D’autant plus qu’au vu des <a href="https://www.leparisien.fr/societe/les-infirmieres-francaises-sont-elles-si-mal-payees-17-05-2020-8318796.php#:%7E:text=La%20France%2C%20un%20des%20mauvais%20%C3%A9l%C3%A8ves%20de%20l%E2%80%99Europe&text=En%20France%2C%20une%20infirmi%C3%A8re%20dans,autour%20de%202400%20euros%20nets">comparaisons internationales</a>, leur rémunération est inférieure à celle de leurs homologues européens.</p>
<p>Derrière ces professions paramédicales, et alors que 30 % des postes sont vacants dans les hôpitaux publics, les médecins sont aussi en embuscade. Comment rendre leur métier plus attractif ? En revalorisant les rémunérations. Mais la concertation est très axée sur le secteur hospitalier, autour de quatre piliers (transformation et revalorisation des métiers, investissement, simplification et enjeux territoriaux). Ce qui interpelle tout le secteur libéral (<a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/liberal/assurance-maladie/segur-de-la-sante-la-medecine-de-ville-ne-veut-pas-un-strapontin">médecins de ville</a>, infirmiers et infirmières libérales), dont les membres craignent d’être les <a href="https://www.laprovence.com/article/hub-sante/5999748/infirmiers-liberaux-les-oublies-du-segur-de-la-sante">grands oubliés du Ségur de la santé</a>.</p>
<p>Ajoutez à toutes ces problématiques les défis de la démographie médicale et des déserts médicaux, l’égal accès aux soins sur tout le territoire, la démocratie sanitaire, et vous obtenez un décalage potentiel entre les ambitions des différents protagonistes. Autrement dit, il est certain que toutes les attentes ne pourront pas être satisfaites. </p>
<p>Alors que le système de santé doit faire face à la montée de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 et à la crise sanitaire qui en résulte, toute la question est de savoir si les mesures prévues par le « Ségur de la santé » permettront de mettre fin aux nombreux mouvements sociaux qui continuent d’émailler le paysage social des établissements de santé. L’avenir nous le dira.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141814/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Jaspard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Ségur vise à rendre notre système de santé plus efficient pour les patients, les soignants, les décideurs… Une tâche compliquée, tant il faut concilier des objectifs divergents.Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1409042020-06-21T20:22:27Z2020-06-21T20:22:27ZEhpad : les ressources humaines, grand chantier de l’après Covid-19<p>Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont été amenés à faire évoluer leurs modes de fonctionnement et à mettre en place des outils de gestion à visée performative pour tenter de répondre à l’injonction de « faire plus et mieux avec moins », <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2018-1-page-59.htm">imposée par les pouvoirs publics</a>.</p>
<p>La gestion de ces établissements s’avère dorénavant plus procédurale et repose sur des normes techniques et des outils de pilotage financier alors qu’elle était plus intuitive et portait sur la relation humaine.</p>
<p>Or, la recherche montre que cette <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9780333739754">managérialisation</a> des Ehpad bouleverse les soignants et impacte leur motivation et leur santé au travail. La crise sanitaire liée au Covid-19 a rendu plus visible leur souffrance.</p>
<p>De nouveaux défis liés à la gestion des ressources/relations humaines apparaissent donc dans ces structures. Les 56 entretiens réalisés dans sept Ehpad avec des salariés et des managers nous ont permis d’en identifier cinq : la gestion des tensions de rôle, la construction d’une relation managériale réussie, la gestion de la santé au travail, le recrutement et la fidélisation des aides-soignants et enfin le management des équipes pluridisciplinaires.</p>
<h2>Des managers sous tension</h2>
<p>La fonction managériale en Ehpad s’est progressivement structurée parallèlement à l’évolution de l’environnement réglementaire du secteur médico-social. Alors que les premiers managers ont inventé les outils d’intervention sociale et d’accompagnement contemporains, ceux d’aujourd’hui appliquent la déclinaison locale de politiques publiques.</p>
<p>Ils sont dorénavant soumis à des normes gestionnaires et à des indicateurs standardisés. Les métiers de direction et d’encadrement deviennent plus complexes humainement, plus compliqués techniquement et plus denses temporellement.</p>
<p>Ainsi, de nombreux managers notent que le manque de temps et de moyens les empêche de remplir convenablement leurs missions. Ils se confrontent donc à des tensions de rôle dans le sens où il leur semble impossible de répondre aux attentes de toutes les parties prenantes internes et externes de l’Ehpad de façon satisfaisante.</p>
<blockquote>
<p>« Avant que je parte (en arrêt-maladie), je n’étais quasiment plus du tout dans les couloirs, j’étais dans mon bureau et je gérais les problématiques qui s’amoncelaient sur mon bureau » (Infirmière coordinatrice).</p>
</blockquote>
<p>Il s’avère donc nécessaire d’aider et de former les managers à la gestion du temps et des priorités, de leur donner plus d’autonomie et de liberté dans la prise de décision et de leur allouer plus de moyens pour améliorer les conditions de travail des soignants et la qualité de la prise en soins des résidents.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257823546824429569"}"></div></p>
<p>La qualité de la relation coconstruite entre les soignants et leurs managers, appelée relation managériale, s’avère déterminante de la motivation et de la santé au travail.</p>
<p>En effet, les soignants, pour faire face à leur environnement de travail de plus en plus contraignant, sollicitent le soutien social de leurs managers : proximité relationnelle, écoute, dialogue et reconnaissance. « On a besoin de communiquer avec la direction pour se soulager » ; « quelqu’un qui est proche de nous, qui sait nous écouter quand on dit quelque chose », déclarent deux aides-soignantes.</p>
<p>Les modes de gestion et de communication internes adoptés par les Ehpad s’avèrent donc déterminants de la qualité de la relation managériale.</p>
<p>Toutefois, de nombreux managers privilégient une gestion normative et économique d’établissement afin de se conformer aux directives des autorités de tutelle (Agence régionale de santé, Conseil départemental). Leur gestion repose sur une stratégie de réduction de coûts et sur un panel d’outils d’évaluation et de contrôle.</p>
<p>Ces managers se concentrent sur la réalisation des activités administratives et financières et semblent négliger l’animation de leurs équipes. La communication avec ces dernières s’avère souvent descendante par le biais de notes de service ou de réunions. Les interactions et les échanges sur le travail se font donc rares.</p>
<p>Les soignants déclinent ce mode de gestion fondé sur une logique purement économique et « marchande ». Ils contestent également les modes de communication formels qui instrumentalisent le dialogue et les empêchent de s’exprimer sur leur travail.</p>
<p>Ils remettent donc en cause la légitimité de leurs managers et adoptent <em>ipso facto</em> des comportements de retrait comme l’absentéisme. « Il n’y a plus de confiance en la direction. Les soignants ont beaucoup de frustration » selon une infirmière.</p>
<p>Afin d’établir une relation managériale réussie, les managers sont invités à privilégier une relation de proximité avec les soignants et à développer des comportements managériaux positifs comme la bienveillance. Ainsi, les outils de gestion à visée performative pourraient être accompagnés par une organisation du travail plus humaine favorisant un mode de fonctionnement collaboratif au service du résident.</p>
<h2>Préserver la santé au travail des soignants</h2>
<p>Les soignants sont exposés à des situations de travail susceptibles d’engendrer de la souffrance et du mal-être au travail telles que l’intensification du travail, les conflits de valeurs et la charge émotionnelle forte.</p>
<p>L’intensification du travail est générée par :</p>
<ul>
<li><p>la réduction des effectifs soignants qui s’explique par <a href="http://www.senat.fr/rap/r17-341/r17-341_mono.html">l’insuffisance de la dotation de soins</a> attribuée par l’agence régionale de santé (ARS) ;</p></li>
<li><p>l’absentéisme, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2889932?sommaire=2889938">renouvellement des effectifs</a> (turn-over) et le déficit d’attractivité du secteur ;</p></li>
<li><p>l’évolution des profils de résidents marqués par l’accroissement de leur <a href="https://theconversation.com/malaise-dans-les-ehpad-une-question-de-moyens-mais-pas-seulement-93761">niveau de dépendance</a> ;</p></li>
<li><p>la complexification du travail liée au <a href="https://www.cairn.info/revue-%40grh-2017-1-page-31.htm">niveau d’exigence</a> des autorités de tutelle en matière de qualité et de sécurité des soins.</p></li>
</ul>
<p>Les conflits de valeurs s’expliquent par le fait que les soignants se trouvent exposés à une <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2018-5-page-181.htm">relation ambivalente</a> dans la construction de leur relation d’emploi. Ils ont une implication au métier « forte », avec la volonté d’assurer un meilleur accompagnement des résidents.</p>
<p>Néanmoins, leur désir du « travail bien fait » entre frontalement en conflit avec la logique de performance économique. Cette situation ambivalente heurte les valeurs des soignants.</p>
<p>Enfin, ces derniers sont confrontés à des situations de travail à forte charge émotionnelle. Ils sont en en effet confrontés en permanence à la maladie et à la mort et doivent faire face à un stress important lié au comportement des proches des résidents qui deviennent de plus en plus exigeants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1272878233432854528"}"></div></p>
<p>Ainsi, le climat social délétère (conflits et clivages entre fonctions et avec les managers) constaté dans nombre d’Ehpad peut engendrer des sentiments de frustration, de déception ou de détresse psychologique chez les soignants.</p>
<blockquote>
<p>« Pouvoir prendre du temps avec les résidents, ça leur (aux soignants) manque. Il y a une espèce de frustration personnelle par rapport au travail que vous avez l’impression de mal accomplir » (Infirmière coordinatrice)</p>
</blockquote>
<p>Les Ehpad devraient donc mettre en place des actions et des outils de gestion des ressources humaines adaptés (développement des <a href="https://www.cairn.info/revue-negociations-2013-1-page-57.htm">espaces de discussion sur le travail</a>, par exemple) afin de préserver la santé au travail des soignants.</p>
<h2>Aide-soignant, un métier peu attractif</h2>
<p>De nombreux Ehpad éprouvent des difficultés à recruter et à fidéliser des aides-soignants formés et diplômés pour répondre aux besoins de prise en soins spécifiques et complexes.</p>
<p>Les postulants aux concours d’entrée des instituts de formation ne semblent pas en nombre suffisant pour garantir des promotions complètes. Le manque d’attractivité de ce métier, lié principalement à des conditions de travail difficiles, à des rémunérations peu stimulantes et à un manque de considération du travail accompli, semble se traduire par un désinvestissement de la filière dès la formation initiale.</p>
<p>Par ailleurs, cette dernière ne s’est pas adaptée à l’évolution des besoins du terrain et les aides-soignants recrutés manquent de connaissances sur la prise en soins des personnes atteintes de troubles cognitifs majeurs.</p>
<blockquote>
<p>« On se demande où sont les personnes qui sortent des écoles aides-soignantes et qui ne sont jamais embauchées… je ne sais pas, mais en tout cas, quand elles sont embauchées, elles ne restent pas. » (Directrice)</p>
</blockquote>
<p>La mise en place d’une politique de gestion des carrières personnalisée mêlant gestion des compétences, formations et possibilités d’évolution professionnelle s’avère nécessaire pour tenter d’attirer et de fidéliser les aides-soignants.</p>
<h2>Le management des équipes pluridisciplinaires</h2>
<p>Pour garantir une meilleure prise en soins des résidents, les Ehpad se dotent d’experts dans des domaines variés, avec notamment l’entrée de nouveaux métiers dans les établissements comme ceux d’ergothérapeute et de psychomotricien.</p>
<p>Plusieurs cultures professionnelles sont donc amenées à travailler ensemble pour apporter une réponse à la fois globale et personnalisée à chaque résident : culture administrative, culture médicale et paramédicale, culture hôtelière, culture sociale.</p>
<p>La diversité des métiers et des cultures constitue incontestablement une richesse susceptible de répondre à la globalité des besoins des résidents, mais néanmoins, il s’avère nécessaire de mettre en place une organisation du travail facilitant la coordination et la coopération entre les différentes fonctions (gestion par projet, par exemple) afin d’éviter des clivages et des conflits entre fonctions observés dans de nombreux Ehpad.</p>
<hr>
<p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-lepidemie-de-covid-19-incite-a-remettre-a-plat-la-gestion-de-lhopital-139409">Débat : L’épidémie de Covid-19 incite à remettre à plat la gestion de l’hôpital</a>
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</p>
<hr>
<p>Au regard de ces nouveaux défis de gestion des ressources/relations humaines, les Ehpad sont invités à mettre en place, sur la base de négociations et de concertation, notamment sur l’organisation du travail, les conditions de travail et la gestion des carrières et des rémunérations, avec les différentes parties prenantes (pouvoirs publics, salariés…) de nouvelles stratégies de gestion des ressources humaines (GRH) plus adaptées aux besoins et aux valeurs des soignants.</p>
<p>La crise sanitaire liée au Covid-19 a en effet montré combien la GRH se révèle déterminante de la performance des Ehpad et de la sécurité et de la santé des résidents. Le management du quotidien devrait donc dorénavant être au service de l’humain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Khaled Sabouné ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise sanitaire a révélé au grand jour les conditions de travail difficiles au sein de ces établissements soumis à des normes de management visant la standardisation et la performance.Khaled Sabouné, Maître de Conférences, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1405892020-06-16T20:50:20Z2020-06-16T20:50:20ZTravailler au temps du Covid-19 : les inégalités femmes-hommes en chiffres<p>Les femmes occupent majoritairement les métiers en contact avec le public et ont de fait été davantage exposées aux risques de contamination depuis le début de la crise sanitaire. De plus, elles ont aussi subi une hausse de la charge de travail pendant le confinement, tandis que la fermeture des écoles s’est traduite pour 43 % d’entre elles par plus de 4 heures de tâches domestiques supplémentaires.</p>
<p>Les femmes ont donc été particulièrement exposées aux risques face à la crise sanitaire, comme le montre les <a href="https://nvo.fr/lugict-cgt-publie-une-etude-inedite-sur-les-conditions-de-travail-en-confinement/">conclusions de l’enquête</a> de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT publiée le 5 mai dernier sur les conditions de travail et l’exercice de la responsabilité professionnelle durant le confinement (34 000 réponses, tous statuts et secteurs professionnels y compris 60 % d’individus non syndiqués).</p>
<h2>Dégradation des conditions de travail</h2>
<p>Si les femmes n’ont pas été plus nombreuses que les hommes à travailler en présentiel, elles sont bien plus nombreuses à y déclarer exercer des activités « essentielles » dans les secteurs en première ligne face au Covid-19 : santé, commerces, agroalimentaire et services à la personne notamment. En effet, elles déclarent à 70 % que leur activité habituelle est essentielle pour le pays contre 60 % des hommes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des réponses selon le genre et pour les salariés en présentiel, à la question « Quelle est la part de votre activité habituelle que vous estimez essentielle pour le pays en période de crise sanitaire ? ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">données enquête</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au sein de ces secteurs à prédominance féminine, le travail s’est intensifié, ce qui explique que les femmes ont été davantage concernées par la hausse de la charge de travail (36 % contre 29 % pour les hommes). De même, 55 % des femmes ont constaté le changement du contenu de leur travail avec la crise (contre 43 % chez les hommes) et 24 % d’entre elles ont vu leur temps de travail augmenter (contre 20 % chez les hommes).</p>
<p>Le changement de contenu du travail est bien plus marqué en présentiel, quand il s’agit d’une activité essentielle ou liée à la demande : il a fallu revoir davantage les procédures (respect des consignes liées au Covid-19 comme la désinfection, etc.) dans les fonctions du commerce, du soin ou des services à la personne notamment.</p>
<p>Par ailleurs, les femmes qui occupent des postes d’ouvrières, employées et agentes de la fonction publique ont été majoritairement concernées par l’activité professionnelle sur site permettant d’assurer la continuité des activités de service public et privées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265734737387233286"}"></div></p>
<p>Or, dans ces contextes, des facteurs de risque ont été constatés, comme le fait de manipuler des équipements potentiellement contaminés ou de côtoyer de nombreux collègues. Ainsi, les risques de contamination directe ont concerné tout particulièrement les femmes en présentiel.</p>
<p>En effet, elles restent particulièrement présentes dans le secteur de la santé, au contact avec du public (59 % des femmes et 53 % des hommes) et se sont plus souvent rendues sur des lieux en présence de personnes atteintes du Covid-19 (43 % contre 35 % des hommes). Elles ont aussi plus souvent l’obligation d’utiliser les transports en commun pour aller travailler (14 % contre 11 % des hommes).</p>
<p>Face à ces risques, les mesures de protection et de prévention de l’employeur ont été jugées insuffisantes. Cela se traduit par une anxiété : 45 % des femmes (contre 41 % des hommes) ont déclaré partir au travail « la boule au ventre » par crainte de contracter ou de transmettre le virus.</p>
<p>De fait, les femmes en présentiel subissent une forte charge émotionnelle liée au Covid-19 : elles sont 18 % (14 % pour les hommes) à subir des agressions verbales en lien avec la crise et surtout 42 % (26 % chez les hommes) à devoir gérer des conflits ou des personnes en détresse.</p>
<h2>Une charge mentale accrue pour les femmes</h2>
<p>Selon <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/metiers-temps-corona">France Stratégie</a>, 3,9 millions d’emplois sont exposés à un risque d’hyperconnectivité avec la crise du Covid-19. D’après notre enquête, près d’un quart des répondant·e·s dit qu’aucune mesure n’a été mise en place par l’employeur : pas d’équipement informatique, de téléphone, ou de logiciel (fait souligné surtout pour les enseignant·e·s, métier majoritairement occupé par les femmes).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-bureau-a-encore-de-beaux-jours-devant-lui-139676">Le bureau a encore de beaux jours devant lui…</a>
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<p>Mais, notre enquête indique que les hommes ont été plus nombreux à bénéficier de prise en charge financière des frais de connexion, de téléphone et des logiciels (17 % des hommes contre 13 % des femmes). Ils ont déclaré aussi plus souvent avoir un droit à la déconnexion (23 % des hommes contre 20 % des femmes) et ils ont été moins confrontés à un manque d’accompagnement régulier par la hiérarchie (34 % des hommes contre 37 % des femmes).</p>
<p>Le télétravail a donc provoqué la dégradation des conditions de travail : les femmes sont plus nombreuses à déclarer ne pas disposer d’un endroit au calme pour télétravailler (26 % pour les femmes et 20 % pour les hommes). On distingue une corrélation avec la garde d’enfants puisque 44 % des femmes ayant des enfants de moins de 16 ans indiquent ne pas pouvoir travailler au calme, chiffre qui atteint seulement 31 % chez les hommes.</p>
<p>Pour 82 % des parents de jeunes enfants, il n’y a pas eu de réduction de charge de travail du fait de la présence d’enfants. Mais les femmes font plus souvent face à la double contrainte de télétravailler tout en devant s’occuper de leurs enfants durant le confinement (87 % contre 76 %). Cela s’explique notamment par le fait qu’elles vivent plus fréquemment seules avec des enfants, et qu’en couple, leur conjoint travaille lui davantage sur site.</p>
<p>De plus, d’après l’<a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/enquetes/article/activite-et-conditions-d-emploi-de-la-main-d-oeuvre-pendant-la-crise-sanitaire">enquête</a> Acemo-Covid de la Dares d’avril 2020, pendant le confinement, à situation égale d’accès au télétravail, ce sont en majorité les femmes (70 %) qui ont pris un congé maladie pour garde d’enfant.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Situation de travail principale selon le genre des répondants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">enquête Acemo-Covid de la DARES</span></span>
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<p>Faute de moyens techniques et ergonomiques mis à leur disposition par l’employeur, 55 % des femmes et 35 % des hommes ont déclaré l’apparition de douleurs musculo-squelettiques. Les risques pour la santé mentale augmentent également. Si en moyenne les salarié·e·s disent percevoir un sentiment d’autonomie et de liberté (42 % d’entre eux), c’est moins le cas des femmes (38 % pour elles et 47 % des hommes, surtout dans les grandes entreprises du privé).</p>
<p>Enfin, 38 % des télétravailleuses (et 29 % des télétravailleurs) se plaignent d’une anxiété inhabituelle. Les parents devant garder leurs enfants tout en télétravaillant sont plus fréquemment anxieux (38 %), un chiffre aggravé pour les femmes (44 % contre 34 % pour les hommes), qui s’explique sans doute par une charge mentale plus forte.</p>
<p>Cette donnée confirme un <a href="https://empreintehumaine.com/wp-content/uploads/2020/04/SONDAGE-OPINIONWAY-POUR-EMPREINET-HUMAINE-de%CC%81tresse-psychologique-des-salarie%CC%81s-franc%CC%A7ais-lurgence-dagir-Communique%CC%81-de-Presse-20-avril-2020-1.pdf">sondage</a> mené du 31 mars au 8 avril 2020 auprès d’environ 2 000 salariés : les femmes en télétravail sont plus nombreuses en détresse élevée : 22 % sont dans ce cas pour 14 % chez les hommes. Une différence que l’enquête explique par une charge mentale alourdie et un cumul des rôles plus important chez les femmes salariées.</p>
<h2>Une vie familiale sous tension</h2>
<p>Parmi les parents d’enfants de moins de 16 ans qui continuent à travailler, 43 % des femmes et 26 % des hommes disent passer plus de 4 heures supplémentaires par jour à s’occuper de leurs enfants. Cette situation affecte davantage les femmes en télétravail (47 % alors que le chiffre se maintient à 26 % pour les hommes) qui, dès lors que leur emploi était télétravaillable, n’avaient pas droit à un arrêt « garde d’enfants ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Temps supplémentaire consacré par jour aux enfants selon le genre et la situation professionnelle durant le confinement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">données enquête</span></span>
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<p>De plus, le confinement a généré des tensions et des violences dans le couple : 20 % des répondants disent que le confinement a généré des tensions dans leur couple. Ce chiffre est encore plus élevé pour les couples dont les deux conjoints sont à la maison, en inactivité ou en télétravail (23 %).</p>
<p>Le fait d’avoir des enfants de moins de 16 ans est un facteur aggravant, probablement du fait de la tension quotidienne liée à la répartition des tâches ménagères supplémentaires afférentes. Ainsi quand les deux conjoints sont au domicile et qu’ils ont au moins un enfant de moins de 16 ans, 28 % déclarent des tensions contre 18 % pour les couples sans enfant de moins de 16 ans.</p>
<p>Pire, 14 % des répondant·e·s ayant signalé des tensions parlent également de violences (physiques et/ou verbales). Quand les deux conjoints sont en inactivité confinés à la maison, ce taux atteint 18 %.</p>
<p>Au global, ce sont 2 % des répondant·e·s qui nous ont signalé que le confinement avait généré des violences (physiques ou verbales) de la part de leur conjoint·e.</p>
<hr>
<p><em>Sophie Binet, co-secrétaire générale de l’UGICT-CGT, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis Erb est chargé d'étude à la Dares.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rachel Silvera ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une enquête récente de l'UGICT-CGT, les femmes, en première ligne pendant le confinement, ont été particulièrement exposées aux risques sanitaires et psychosociaux.Rachel Silvera, Économiste, maîtresse de conférences, co-directrice du réseau MAGE, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLouis-Alexandre Erb, Doctorant en économie des inégalités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1386892020-05-27T18:16:03Z2020-05-27T18:16:03ZLe syndrome du héros combattant : attention à la chute !<p>Le Covid-19 est arrivé en France dans un contexte hospitalier fortement dégradé où les conditions de travail sont extrêmement difficiles et où le sentiment de non-reconnaissance de la part des citoyens et plus encore des pouvoirs publics est de plus en plus prégnant. Tout ceci <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2017-1-page-155.htm">contribue à un malaise grandissant du personnel soignant</a>. Et pourtant, face à cette crise sanitaire sans précédent, les personnels hospitaliers font front et se mobilisent sur le terrain, jour après jour, au service de toute la nation.</p>
<p>On redécouvre ces femmes et ces hommes qui bataillent à leurs risques et périls pour les autres : les oubliés d’hier deviennent les héros d’aujourd’hui. Ils font l’objet de nombreux hommages, de la part de Français anonymes, mais aussi au plus haut sommet de l’état. Le discours très martial du Président de la République, le 16 mars dernier (« Nous sommes en guerre »), annonçant le début du confinement généralisé de la population, a fait basculer les soignants dans le rôle de héros combattants. Au plus dur de la crise sanitaire, chaque soir, les Français les ont applaudis de leur fenêtre à 20 heures, marque d’une reconnaissance pour ces travailleurs de l’ombre qui forcent l’admiration. Et chaque jour, les médias ont également relayé les messages de soutien de toute la population.</p>
<h2>Perte de ressources psychologiques</h2>
<p>Pourtant, endosser le costume du héros combattant peut s’avérer dangereux à court et à long terme pour ces soignants. Ils vivent au quotidien une situation extrêmement stressante et sont déjà fragilisés par les combats passés. Leur colère face au manque de moyens n’a pas été entendue par les pouvoirs publics comme en témoignent les <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2019/12/16/les-personnels-hospitaliers-maintiennent-la-pression-sur-le-gouvernement_6023082_1651302.html">mouvements de protestation</a> du personnel hospitalier en fin d’année 2019.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337974/original/file-20200527-20241-l9ql09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un graffiti de l’artiste Fake à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://streetartnews.net/2020/03/fakes-new-mural-super-nurse-available-for-free-download.html">Street Art News</a></span>
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<p>Le héros combattant dans la mythologie est un surhomme, un demi-dieu qui se distingue par ses exploits, par son courage extraordinaire, sa grande abnégation et son sens du sacrifice ; il part au combat et souffre en silence sans demander aucune aide.</p>
<p>Bien que le corps médical fasse preuve d’abnégation et de courage, leur quotidien se traduit aussi par : la peur éprouvée pour soi et sa famille, le stress induit par les pénuries de matériel de protection, la brutalité de cette maladie qui engendre un afflux exponentiel de malades et des réorganisations au jour le jour, la crainte d’avoir à pratiquer des choix non conformes à leurs valeurs, les incivilités et les violences d’une partie de la population, la fatigue qui s’accumule dans un quotidien devenu anxiogène à l’extrême. Tout cela contribue à épuiser leurs ressources psychologiques.</p>
<p>Cette approche du héros combattant peut sembler valorisante et encourageante à court terme mais risque, sans des conditions de soutien fort et de moyens supplémentaires, de ne pas compenser la perte de ressources personnelles que ces circonstances extrêmes provoquent, avec des conséquences à court et à long terme sur la <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-de-gestion-et-d-economie-de-la-sante-2019-2-page-135.htm">santé psychologique des soignants</a>.</p>
<p>La théorie de la Conservation des Ressources (COR) d’<a href="https://psycnet.apa.org/buy/1989-29399-001">Hobfoll (1989)</a> nous permet une lecture éclairée de cette situation. Elle indique que les individus s’efforcent continuellement d’obtenir, de conserver, de protéger et d’encourager les ressources auxquelles ils tiennent (par exemple la santé, la famille, etc.). Le stress advient quand ces dernières sont menacées ou réellement perdues ou que les événements ne permettent pas de gagner de nouvelles ressources malgré un effort individuel important.</p>
<p>La disponibilité et l’accès à ces ressources permettent à l’individu d’atteindre ou de maintenir ses objectifs. Les situations qui mettent à mal l’accès à ces ressources génèrent du stress et peuvent avoir des conséquences à plus long terme sur la santé psychologique des individus. Il est donc important de <a href="https://guilfordjournals.com/doi/abs/10.1521/psyc.2012.75.3.227">mettre en place des conditions qui permettent au corps médical de protéger et d’alimenter leur réservoir de ressources</a>, conditions qu’Hobfoll appelle des <em>resource caravan passageways</em>.</p>
<p>Lorsque les individus vivent dans des contextes enrichis et stables, ils possèdent un terrain fertile pour développer de plus riches réseaux de ressources et pour entretenir leurs « caravanes de ressources » (autrement dit leur réservoir de ressources) ; alors que dans des circonstances délétères, les individus peuvent peiner ou échouer à les développer ou à les entretenir.</p>
<h2>La reconnaissance ne suffit pas</h2>
<p>À l’aune de cette théorie, il y a donc un risque fort chez ces soignants, qui vivent une situation inédite où leurs ressources centrales sont continuellement menacées (santé, famille, sens de la vie), de générer chez eux un sentiment de stress chronique pouvant avoir des conséquences sur leur santé. Ici, la ressource « reconnaissance » ne constitue pas à elle seule une arme de résistance contre le stress. Elle va permettre à court terme de tenir mais elle ne suffira pas si elle n’est pas accompagnée d’autres ressources matérielles, financières et humaines qui permettraient de compenser la perte de ressources vécue par nos soignants.</p>
<p>Ceci est d’autant plus prégnant que suite à des circonstances de stress chronique, les personnes ont tendance à voir <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-orgpsych-032117-104640">leur pool de ressources de plus en plus épuisé et seront plus vulnérables pour combattre les futures pertes</a>. Hobfoll met l’accent sur la primauté de la perte : les individus sur-pondèrent la perte de ressources et sous-pondèrent le gain. En d’autres termes, chaque individu possède une sensibilité à la perte, à savoir que les réponses émotionnelles sont plus marquées lors d’expériences négatives que d’expériences positives. Il est donc important de mettre en place des conditions pérennes pour maintenir un niveau de ressources disponibles, au risque de voir émerger un mal-être au travail plus accru, quand la lumière des projecteurs s’éteindra sur ces métiers.</p>
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<p>Le plan massif d’investissement pour l’hôpital et de revalorisation des carrières annoncé au cœur de la crise, le 25 mars dernier, par le président de la République, doit donc mettre en place des conditions durables qui fournissent, enrichissent et protègent les ressources des soignants. Ceci pourrait constituer un début de réponse à l’interpellation devenue virale du neurologue François Salachas en février dernier « Vous pouvez compter sur moi, l’inverse reste à prouver… ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au cœur de la crise sanitaire, les soignants sont confrontés à la maladie mais également à des risques importants pour leur santé psychologique.Florence Nande, Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche (ATER) - Laboratoire MRM et IUT de Nîmes, Université de MontpellierMarie-Laure Weber, Doctorante en Sciences de Gestion, laboratoire MRM, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1365102020-04-19T17:57:19Z2020-04-19T17:57:19ZRémunération des soignants : l’attractivité financière des carrières n’est pas au niveau<p>Dans son allocution du lundi 13 avril, le président de la République Emmanuel Macron, s’engageant déjà dans un premier bilan de la crise sanitaire, a questionné l’échelle des valeurs actuellement attribuées à certains métiers, renvoyant à leur « utilité commune ».</p>
<p>Le chef de l’État a invité chacun à se rappeler que « notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Parmi ceux-ci figurent évidemment une bonne partie de nos 1,6 millions de soignants, et notamment les quelque <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_cc_2018_02_16_a_web_pages_hd.pdf">660 000 infirmiers et 390 000 aides-soignants</a>.</p>
<p>D’un point de vue économique, parler d’échelle de valeurs (sociales) renvoie à la question de l’échelle des rémunérations. Qu’en est-il de la situation des soignants aujourd’hui ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328292/original/file-20200416-140735-voijfi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/health_glance-2017-58-fr.pdf?expires=1587016120&id=id&accname=guest&checksum=3C25CF585EADB495F35BE4E073877032">OCDE (2017)</a></span>
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<p>Selon les données de l’OCDE publiées en 2017, le salaire des infirmiers des hôpitaux publics serait par exemple <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/health_glance-2017-58-fr.pdf?expires=1587016120&id=id&accname=guest&checksum=3C25CF585EADB495F35BE4E073877032">particulièrement bas</a>, en moyenne 5 % en deçà du salaire moyen national, classant la France parmi les 5 derniers pays sur les 29 pays développés considérés.</p>
<p>Pour autant, afin de pouvoir répondre précisément à la question que nous nous posons, un certain nombre de « précautions » doivent être prises, du même ordre que celles invoquées quand il s’agit d’évaluer l’efficacité d’un médicament.</p>
<p>On entre en effet ici dans une perspective d’évaluation du rendement des diplômes, ou plus généralement des investissements en capital humain (mesurés par le niveau d’éducation initiale et le nombre d’années d’expérience en emploi), qu’il convient d’effectuer toutes choses égales par ailleurs.</p>
<h2>Des avantages qui ne perdurent pas</h2>
<p>La valeur relative attribuée à un métier, mesurée au travers de sa rémunération, doit s’apprécier à niveaux de diplômes équivalents. Pour cela, l’analyse économique propose d’étudier les différences compensatrices de salaires. Ce raisonnement doit par ailleurs se tenir en « contrôlant » des différences de temps de travail et des éventuels bonus de rémunérations directement associés à certaines conditions de pénibilité des tâches effectuées à son poste de travail. L’ensemble de ces contrôles est destiné à mesurer effectivement une valeur relative « nette ».</p>
<p>Ensuite, une approche en termes de cycle de vie semble également opportune, car les choses ne sont pas immuables : un métier peut bénéficier à un certain stade de la carrière des individus d’une rémunération supérieure à la moyenne, qui ne perdure pas, voire même qui se traduise en une sous-valorisation pour des niveaux d’expérience différents.</p>
<p>Les premières estimations obtenues, lorsque l’on tient compte au mieux de ces différents effets, permettent de construire un panorama un peu plus précis de la carrière des soignants.</p>
<p>En France, le niveau de diplôme le plus élevé obtenu par nos soignants durant leur formation initiale est assez large et couvre l’ensemble du spectre des niveaux de diplômes produits par notre système éducatif.</p>
<p>Néanmoins, 30 % disposent d’un niveau de diplôme correspondant à l’enseignement supérieur de cycle court, principalement des infirmiers ; vient ensuite un « deuxième bataillon » un peu moins diplômé, ayant obtenu un diplôme d’enseignement secondaire professionnel sans accès direct à l’enseignement supérieur (29 %).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328297/original/file-20200416-140750-pio81.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">SRCV 2014-2016 (Insee) -- calculs EDHEC Business School</span></span>
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<p>En début de carrière, pour les diplômés de l’enseignement supérieur court, et en se concentrant sur les soignants travaillant à temps complet, la rémunération est supérieure de 19 % à la moyenne obtenue pour un niveau de diplôme équivalent.</p>
<p>Lorsque l’on prend en considération ensuite le fait qu’une partie du salaire ne rémunère pas directement le statut de « soignant », mais plutôt la pénibilité liée au métier, notamment le travail de nuit, cet avantage salarial est légèrement inférieur, mais sensiblement du même ordre.</p>
<h2>Malus salarial</h2>
<p>Pour le « deuxième bataillon », cet avantage apparent en début de carrière est de l’ordre 7 % quand on se concentre sur les personnes travaillant à temps complet et n’est pas significativement différent de 0 % quand on tient compte des différences de conditions de travail.</p>
<p>Ce panorama du salaire des soignants en début de carrière serait presque rassurant : le fait d’être « mobilisable » et « dévoué » lors de crises sanitaires comme l’épidémie de Covid-19 donnerait lieu à un bonus salarial… au moins pour les infirmiers.</p>
<p>Cependant, selon nos estimations, ce bonus disparaît rapidement au fil de la carrière, se transformant même en un malus conséquent. Pour les infirmiers, le bonus a disparu au bout de 12 ans ; et au bout de 20 ans de carrière, on estime que ces soignants ont un salaire inférieur de 16 % aux autres salariés à temps plein, toutes choses égales par ailleurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328298/original/file-20200416-140745-nforo2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">SRCV 2014-2016 (Insee) -- calculs EDHEC Business School</span></span>
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<p>Pour le « deuxième bataillon » également, l’avancée dans la carrière se traduit par un malus salarial que l’on peut estimer à 18 % à 20 ans de carrière. Le fait que nos soignants poursuivent leurs missions et ne désertent pas l’hôpital au bout de quelques années peut s’expliquer, soit par le fait qu’ils sont « piégés » dans leur carrière, soit par l’existence de motivations intrinsèques à leur travail. Ce serait alors dans la réalisation même de leur travail que nos soignants trouveraient une rémunération non monétaire, contrebalançant ce malus salarial.</p>
<p>Que cet équilibre s’explique par le fait d’être piégé dans sa carrière ou par des motivations intrinsèques, il nous paraît très dangereux de reprendre après la crise du Covid-19 le <em>business as usual</em>. À cet égard, l’allocution du Président de la République, mettant en avant l’utilité commune de certains métiers, et invitant à repenser l’échelle des rémunérations nous semble rassurante si elle ne se limite pas à un effet d’annonce.</p>
<p>Les seuls bravos adressés aux soignants, qui en méritaient bien avant l’épidémie de Covid-19, ne suffiront pas. Gageons qu’au sortir de la crise sanitaire que nous traversons, les paroles seront suivis d’actes et que de nouveaux moyens seront alloués à l’hôpital. En attendant, le premier ministre Édouard Philippe a annoncé, le 15 avril, le versement en mai prochain d’une prime d’un montant situé <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-edouard-philippe-annonce-une-prime-de-500-1500-euros-pour-les-soignants-6808823">entre 500 et 1 500 euros</a> pour les personnels investis dans la gestion de l’épidémie de coronavirus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Après 20 ans de carrière, les salaires se situent à un niveau inférieur de 16 % par rapport à ceux des autres diplômés de l’enseignement supérieur court.Arnaud Chéron, Directeur EDHEC Economics, EDHEC Business SchoolPierre Courtioux, Economiste, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1340582020-03-18T20:46:39Z2020-03-18T20:46:39ZLes images chocs de patients peuvent aider à alerter sur le danger du coronavirus<p>Alors que l’épidémie du coronavirus gagne du terrain en France, une des questions fondamentales est celle de la communication. En effet, alors que de nombreux Français semblent avoir sous-estimé la menace dans un premier temps, et que certains <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200317.OBS26175/ca-ne-va-pas-m-empecher-de-sortir-des-parisiens-sceptiques-face-au-confinement.html">semblent encore la sous-estimer</a>, se pose la question de la communication à adopter pour faire prendre conscience aux Français et Françaises l’enjeu sanitaire et pour les inciter à mobiliser contre le virus.</p>
<p>Les communications actuelles, fondées principalement sur des discussions statistiques, peuvent contribuer à rendre le problème très abstrait, voire lointain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239740356981403648"}"></div></p>
<p>Une des pistes de communication possible pour rendre le problème plus concret serait de montrer aux citoyens des images, afin qu’ils visualisent davantage les risques auxquels nous faisons face. Les risques diffus et lointains ont en effet de grandes chances d’être sous-estimés, et reconnecter les Français avec des images médicales pourrait les sensibiliser et les mobiliser davantage.</p>
<p>Ce recours aux images est soutenu par plusieurs travaux d’économie comportementale. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6765870/">Certains travaux</a> ont ainsi montré l’efficacité de l’exposition aux images pour les fumeurs de cigarettes. De même, exposer la population à des photos de patients souffrant du coronavirus en service de réanimation ou des services d’urgence pourraient aider à faire prendre conscience du risque sanitaire.</p>
<p>Toutefois, à notre connaissance, il n’existe pas encore de preuve empirique claire sur la question de la perception dans ce sens dans le cas du coronavirus.</p>
<p>Ainsi, pour répondre à cette question de l’efficacité des images chocs dans le contexte actuel, nous avons procédé à une expérimentation en ligne le mardi 17 mars 2020, dont nous vous livrons les résultats ci-dessous.</p>
<h2>Expérience</h2>
<p>L’objectif de cette expérience est de mesurer l’impact de montrer des images de patients en réanimation suite à une infection au coronavirus ou de services d’urgence lors d’appels au confinement sur la volonté déclarée de respecter le confinement.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons procédé comme suit : nous avons défini plusieurs questions nous permettant de mesurer le niveau de conscience des citoyens sur la question du coronavirus. Certains items sont positivement liés à un niveau de conscience élevé, alors que d’autres sont négativement corrélés.</p>
<p>Voici les questions :</p>
<blockquote>
<p>Sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 7 (tout à fait d’accord), dans quelle mesure êtes-vous d’accord avec les affirmations suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Le coronavirus est une des plus graves crises sanitaires que notre pays ait affrontées ce dernier siècle. (Item 1 : positif)</p></li>
<li><p>De manière générale, il y a trop de discussions sur le sujet du coronavirus : il y a des problèmes plus importants. (Item 2 : négatif)</p></li>
<li><p>Il est important de procéder à de la distanciation sociale : rester à plus d’un mètre de toutes les personnes que nous côtoyons. (Item 3 : positif)</p></li>
<li><p>Le virus est sûrement moins dangereux que ce que les médias et les responsables politiques nous disent. (Item 4 : négatif)</p></li>
<li><p>Il est important de rester confiné chez soi et de ne sortir qu’en cas d’extrême nécessité. (Item 5 : positif)</p></li>
</ul>
</blockquote>
<p>Avant de répondre à ces questions, les participants ont été exposés à un bref texte d’introduction. Nous avons comparé les réponses à ces questions pour trois groupes de participants qui ont été exposés à (i) un texte sans image, (ii) un texte avec une image d’un service d’urgence, ou (iii) un texte avec une image d’un patient en réanimation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=217&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=217&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321289/original/file-20200318-37419-132ymcn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=217&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Images retenues pour l’enquête.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Prise de conscience</h2>
<p>L’expérience a été réalisée sur la plate-forme en ligne « Prolific » auprès d’un échantillon de 301 participants habitant au Royaume-Uni parlant anglais et étant nés au Royaume-Uni. L’expérience a été faite mardi 17 mars 2020 entre 17h et 19h heure française.</p>
<p>Prolific est une plate-forme de recrutement de participants rémunérés pour des enquêtes en ligne. Il s’agit d’un outil régulièrement utilisé par le milieu universitaire (plus de 3 000 chercheurs et 500 institutions) qui offre une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103116303201">meilleure qualité de réponse que le concurrent historique Amazon MTurk</a>.</p>
<p>Nous avons construit un score de souci pour le coronavirus. Nous avons trouvé que les individus qui ont répondu au questionnaire sans image sont relativement moins soucieux du coronavirus que ceux confrontés à des images de réanimation ou d’hôpital, et que ces différences sont significatives. Ceci signifie que les images de réanimation ou d’hôpitaux génèrent un surcroît de souci significatif pour le coronavirus.</p>
<p>En explorant les questions de manière individuelle, il apparaît que les images (i) augmentent les chances que les participants considèrent la crise comme une des plus graves crises sanitaires auxquels notre pays a fait face ce dernier siècle (item 2), et (ii) diminuent la propension à considérer que les médias et responsables politiques exagèrent la crise (item 4).</p>
<p>Il semblerait donc qu’il s’agisse que les images induisent une prise de la conscience du danger.</p>
<p>En outre, nous avons posé plusieurs questions de contrôle sur un écran après les items présentés ci-dessus pour voir si l’image modifiait la perception des risques : risques personnels (probabilité d’être infecté, taux de mortalité pour soi-même) et risques collectifs (taux de mortalité pour ses proches, taux de mortalité pour les plus fragiles).</p>
<p>Nous observons une augmentation de la perception des risques quand les images sont présentes, mais cette augmentation n’est pas significative.</p>
<h2>Des réactions émotionnelles plus puissantes</h2>
<p>Pourquoi les images de patients en réanimation ou d’hôpitaux devraient-elles inciter les individus à supporter des coûts (le confinement) pour éviter une propagation du virus ?</p>
<p>Le biais de sympathie, tel que l’effet de la victime identifiée, devrait <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0749597810000361">augmenter ces comportements prosociaux</a>. Les victimes identifiées semblent susciter des réactions émotionnelles plus puissantes que les victimes statistiques, ce qui <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1022299422219">augmente la probabilité de fournir de l’aide</a>.</p>
<p>Si l’on voit une personne en réanimation, sachant que cette personne a été saine ; l’effet de sympathie augmente parce que la sympathie est plus grande si l’on considère l’état actuel d’une victime comme un déclin par rapport à un état de référence (par exemple, l’état avant le virus).</p>
<p>La communication autour du coronavirus peut être donc plus effective en montrant des images d’hôpitaux ou de personnes en réanimation. Ceci augmente significativement les préoccupations des citoyens pour le coronavirus, possiblement en augmentant leur perception des risques. Nous conseillons ainsi d’utiliser largement ces images dans les communications des médias et du gouvernement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134058/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angela Sutan a reçu des financements de l'ISITE UBFC à travers le dispositif Coach International.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Espinosa a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (ANR) et l'Université Rennes 1 pour ses études sur l'économie de l'alimentation végétale.</span></em></p>Une expérience montre que les individus exposés aux scènes dans les services de réanimation se mobilisent davantage contre l’épidémie.Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Romain Espinosa, Chargé de recherche en économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054632018-11-05T19:58:25Z2018-11-05T19:58:25ZInnovation organisationnelle à l’hôpital : s’appuyer sur l’évolution des fonctions infirmières<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243639/original/file-20181102-83632-1jblz29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C795%2C6886%2C4085&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Suisse, le « case manager », assisté d’un data manager, prend en charge les soins des patients tout au long du parcours.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Dotshock/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’innovation organisationnelle en établissements de santé ? La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a fait un premier pas dans ce sens avec la création d’un fonds pour l’innovation organisationnelle <a href="https://www.directions.fr/Veille-juridique/dernieres-infos/usagers/2018/5/Le-cadre-des-innovations-organisationnelles-en-matiere-de-sante-se-precise-2051325W/">doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros en 2018</a>. Alors que les hôpitaux publics et les cliniques privées vont se saisir de cette opportunité pour expérimenter de nouveaux parcours de soins et de nouvelles coopérations, quelles leçons peut-on tirer des expériences à l’étranger (notamment dans le monde francophone) ?</p>
<h2>L’innovation organisationnelle : un enjeu pour l’avenir</h2>
<p>Si, en général, l’innovation est d’abord entendue comme thérapeutique ou technologique, aujourd’hui les <a href="http://gestions-hospitalieres.fr/innover-imiter-disparaitre/">établissements de santé se doivent également de transformer leurs organisations</a>, et notamment les métiers de la santé et du soin.</p>
<p>L’article 51 de la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-des-patients-et-des-usagers/article-51-10918/">loi de financement de la sécurité sociale de 2018</a> prouve combien l’innovation organisationnelle est essentielle à notre système de santé. Le dispositif de financement prévu dans le texte vise en effet à encourager et soutenir les expérimentations d’organisations innovantes dans l’objectif : d’améliorer l’accessibilité des services de santé aux usagers ; de fluidifier leur parcours médical et de soin tout en veillant à une meilleure utilisation des ressources, financières bien sûr mais aussi humaines (expertise des professionnels) et techniques (dernières innovations techniques de diagnostic et de traitement) ; le tout en assurant un <a href="https://www.ars.sante.fr/linnovation-en-sante-lengagement-des-agences-regionales-de-sante">suivi de qualité</a>.</p>
<p>L’innovation organisationnelle doit ainsi être pensée de manière ouverte, comme le montrent les travaux du professeur américain d’innovation Henry Chesbrough : conçue de manière collaborative et ouverte autour du partage de connaissances, elle est vectrice de nouvelles solutions particulièrement intéressantes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/02tCs3oKovc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Video du World Economic Forum.</span></figcaption>
</figure>
<p>Des indices d’une telle prise de conscience et d’actions concrètes se développent dans tous les univers de la santé, comme en témoignent la <a href="http://www.pascaline-sante.com/services/reseau-social-professionnel/">constitution de réseaux de professionnels</a>, instaurant un espace d’échange et de dialogue propice à aller plus loin.</p>
<h2>Une nécessaire évolution des ressources humaines</h2>
<p>Les innovations thérapeutiques ou technologiques évoquées plus haut imposent souvent une adaptation des services hospitaliers, notamment dans les champs du management et de l’allocation des ressources humaines. Les habitudes de travail sont parfois bouleversées et de nouveaux métiers peuvent apparaître. Les professionnels de santé en place acquièrent ainsi de nouvelles compétences ; certains doivent accepter une délégation de tâches et/ou un exercice en équipe pluridisciplinaire. De nouvelles synergies entre métiers et entre services peuvent se former.</p>
<p>Tous ces changements, qui modifient le quotidien et les habitudes, ne se réalisent ni naturellement ni spontanément. La directrice générale de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (<a href="http://www.anap.fr/accueil/">Anap</a>), Sophie Martinon, a d’ailleurs encouragé les acteurs du monde de la santé au changement. « Tout le monde est habilité à proposer des innovations organisationnelles et ensuite à les porter. Tout le monde est légitime. Il n’y a pas de monopole, et puisque ces innovations ont un impact dans le quotidien, elles doivent s’ancrer et être pragmatiques », a-t-elle ainsi insisté dans une récente <a href="https://www.apmjob.com/news/357/">déclaration officielle</a>.</p>
<p>Le métier infirmier, notamment, connaît des <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/mayenne-53100/mayenne-le-metier-d-infirmier-est-en-pleine-evolution-5973776">transformations importantes</a>, illustrant la nécessité d’une innovation dans les organisations de santé. La Suisse et le Québec fournissent des exemples très concrets à cet effet, montrant l’intérêt, pour les établissements de santé, d’innover en matière de coordination de soins.</p>
<h2>En Suisse, le « case manager »</h2>
<p>Les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ont notamment expérimenté, dans leur <a href="https://www.hug.ch/cancerdusein">Centre du Sein</a>, la fonction de <a href="https://www.hug.ch/centre-du-sein/case-manager-du-centre-du-sein">« case manager »</a>. Celui-ci, assisté d’un data manager, prend en charge les soins des patients tout au long du parcours, depuis la prévention jusqu’à la guérison en passant par le dépistage, le diagnostic et l’ensemble des soins liés à cette pathologie.</p>
<p>La fonction est confiée à une infirmière expérimentée qui n’a pas de contact direct avec la patiente (selon la volonté expresse des médecins), mais qui assure la coordination de l’ensemble du parcours de la patiente à partir du premier appel. Le data manager, quant à lui, collecte les données médicales et de soins des patientes à des fins analytiques et de « benchmarking » (comparatif). Cette fonction est proche, en France, de celle d’un <a href="https://cadres.apec.fr/Emploi/Marche-Emploi/Fiches-Apec/Fiches-metiers/Metiers-Par-Categories/Sante-social-culture/Medecin-DIM">médecin DIM (Département d’Informations Médicales)</a>. Mais, alors que le data manager assure, pour une seule pathologie, la collecte des données médicales des patientes à des fins analytiques, le médecin DIM français code et collecte ces informations pour l’ensemble des prises en charge d’un hôpital.</p>
<p>En Suisse, le case manager a alors accès en temps réel à toute l’information et organise le parcours dans l’établissement ainsi qu’en dehors, à partir d’un dossier médical partagé. Ses domaines d’intervention sont délimités en amont par l’organisation et les médecins qui lui attribuent toutes compétences pour définir les rendez-vous médicaux, transmettre les comptes rendus de suivi et compléter le dossier médical partagé. Ce modèle de case manager est essentiellement focalisé sur la dimension organisationnelle du suivi du patient. La transmission des informations médicales au patient restent dans les attributions des médecins et des personnels soignants.</p>
<h2>L’infirmière pivot au Québec</h2>
<p>Toujours en cancérologie, mais cette fois-ci outre-Atlantique, la fonction d’infirmière pivot, <a href="https://fqc.qc.ca/fr/information/l-oncologie-au-quebec/rencontre-avec-l-infirmiere-pivot-en-oncologie-ipo">mise en œuvre au Québec</a>, est en partie similaire à celle de case manager mais présente quelques spécificités. Les travaux de la <a href="https://www.usherbrooke.ca/campagne-majeure/projets/chaire-de-recherche-sur-lamelioration-de-la-qualite-et-la-securite-des-soins-aux-personnes-atteintes-de-cancer/">Chaire sur l’amélioration de la qualité et la sécurité des soins aux personnes atteintes de cancer</a> de l’Université de Sherbrooke définissent avec précision cette fonction dans le domaine de la cancérologie. Comme dans l’exemple suisse, l’infirmière pivot intervient dans le suivi des patients dès leurs premiers contacts avec l’établissement pour du dépistage ou pour de la prise en charge après diagnostic médical.</p>
<p>En revanche, elle est en contact direct avec les patients et leurs familles afin d’évaluer leurs ressources et leurs besoins de santé. Elle les informe sur les différents aspects de la maladie, sur les traitements et ses conséquences, et sur le suivi à court, moyen et long terme. Enfin, comme le case manager, elle assure la coordination et la continuité des soins entre tous les intervenants. Le modèle de l’infirmière pivot recouvre à la fois des dimensions informationnelles et organisationnelles du parcours de soin, ce qui peut renforcer la fluidité du parcours à la condition que son rôle soit accepté par tous les acteurs.</p>
<h2>En France, des freins à comprendre afin de mieux les dépasser</h2>
<p>Ces deux exemples viennent éclairer la réflexion en cours sur la coordination des soins dans le système de santé français. Dans ce cas précis, il reste néanmoins quelques obstacles importants, mais non irréductibles, à la diffusion progressive des innovations organisationnelles en matière de coordination des parcours de soins et de santé :</p>
<ul>
<li>Le système de formation des cadres de santé en France reste centré sur les services médicaux, même si des expériences de <a href="https://chu-clermontferrand.centredoc.fr/?lvl=cmspage&pageid=6&id_rubrique=76">rapprochement entre Institut de Formation des Cadres de Santé (IFCS) et écoles de management</a> ont vu le jour dernièrement afin de construire des programmes de formation orientés vers le management et la coordination de l’ensemble des acteurs du parcours d’un patient. La création, à partir de la rentrée universitaire 2018, des <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/acces-territorial-aux-soins/article/la-pratique-avancee-417776">diplômes d’Infirmières en Pratique Avancée (IPA)</a> marque également la volonté du ministère de la Santé d’aller vers le renforcement des personnels de coordination dans les activités sanitaires.</li>
</ul>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="470" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x6w1ieq" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<ul>
<li><p>Les moyens financiers des établissements de santé publics demeurent contraints par une surreprésentation de l’indicateur « activité » dans les modes de gestion des structures. La coordination des soins représentant, avant toute chose, une charge supplémentaire, il conviendra de convaincre les gestionnaires des établissements qu’elle peut avoir à long terme un effet sur la réduction des coûts et/ou sur l’augmentation de l’activité rémunérée.</p></li>
<li><p>L’organisation du système de santé fonctionne encore largement sur le modèle des bureaucraties professionnelles dans lesquelles la standardisation des qualifications reste le mode d’ajustement privilégié (Mintzberg, 1982). Ceci tend à d’abord favoriser la coordination entre les professionnels des spécialités médicales ou médico-techniques (par exemple : la cancérologie, l’imagerie médicale, la médecine de ville, la pharmacie, etc.) même si des efforts importants ont été accomplis pour réduire le cloisonnement professionnel, notamment dans le milieu de la cancérologie.</p></li>
</ul>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org//">« Santé publique »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105463/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Mériade a reçu des financements de la Fondation de l'Université Clermont Auvergne et du Cancéropole Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Rochette a reçu des financements de de la Fondation de l'Université Clermont Auvergne et du Cancéropole Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Albert-Cromarias et Catherine Dos Santos ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Quelles leçons peut-on tirer des expériences menées dans différentes zones francophones en matière de coordination des soins ?Laurent Mériade, Enseignant chercheur en sciences de gestion - Titulaire de la chaire de recherche "santé et territoires" - IAE, Université Clermont Auvergne (UCA)Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolCatherine Dos Santos, Professeur de Management Stratégique, ESC Clermont Business SchoolCorinne Rochette, Professeure des universités en management public et de la santé HDR, Titulaire de la chaire de recherche Santé et territoires, IAE- Université Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/895042018-07-17T19:46:38Z2018-07-17T19:46:38ZHôpital : quand les soignants inventent eux-mêmes des solutions à leur mal-être<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227198/original/file-20180711-27021-rpqw8b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C75%2C3144%2C1977&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les échanges au sein de l'équipe soignante sont un moyen efficace de lutter contre la souffrance au travail. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/doctors-medical-consultation-group-confer-clinic-1120416473?src=jpufyLu5nRA2ZIUyDISKHQ-1-83">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Suicides d’infirmières, démissions en bloc de médecins urgentistes à bout de nerfs, grèves pour protester contre l’état des conditions de travail des soignants à l’hôpital font régulièrement la une des médias ces dernières années. En 2016, l’<a href="http://www.actusoins.com/275693/augmentation-taux-dabsenteisme-hopitaux.html">Agence Technique de L’Information sur l’Hospitalisation</a> révélait que l’absentéisme, de plus en plus fort, s’établissait ainsi à 27 jours en moyenne par an pour le personnel non médecin.</p>
<p>« La fatigue, l’épuisement, c’est le quotidien aujourd’hui à l’hôpital », <a href="https://www.la-croix.com/France/Hopital-infirmiers-tirent-sonnette-alarme-2016-09-14-1300788919">s’inquiètait Frédéric Valletoux</a>, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Les hôpitaux vont mal, et la santé de leur personnel, <a href="https://theconversation.com/ehpad-hopital-prendre-soin-de-ceux-qui-nous-soignent-et-puis-quoi-encore-74653">pas beaucoup mieux</a>.</p>
<p>Et si les mieux placés pour trouver des solutions à ce mal-être étaient les soignants eux-mêmes ? Les travaux que nous avons menés récemment dans les hôpitaux et dans les cliniques montrent que les initiatives prises dans les unités de soin sont souvent les plus efficaces.</p>
<h2>Une intensification du travail, davantage d’absentéisme</h2>
<p>Les réformes de l’hôpital et de son financement se sont succédées depuis 30 ans. Elles ont modifié profondément l’organisation du travail des agents. Cela ne se fait pas, en effet, sans mettre sous pression des services déjà affectés par une intensification du travail qui a été encore plus forte entre 2003 et 2013 qu’au cours de la décennie précédente (<a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2014-049.pdf">Algava et coll., 2014</a>).</p>
<p>À ces éléments s’ajoutent des contraintes très fortes liées aux nombreuses absences. Le personnel manque ; pour assurer les soins malgré tout, il faut rappeler les agents sur leurs temps de repos. Les métiers de l’hôpital sont de plus soumis à de très fortes contraintes émotionnelles. Le tout produit une perte de sens, dans une activité où cela est plus que nécessaire.</p>
<p>Face à ces difficultés, les managers ne restent pas les bras croisés. Les résultats de la recherche menée par notre équipe dans des hôpitaux publics et des cliniques privées en 2016 attestent <a href="http://www.chaires-iae-grenoble.fr/commun/pdf/documents/RapportLaPreventionDesRisquesPsychosociaux163213.pdf">que ces établissements mettent en place des actions de prévention des risques psychosociaux</a> sans pour autant qu’il soit possible d’en évaluer l’efficacité.</p>
<p>Il s’agit d’enquêtes globales sur les conditions de travail, de diagnostics plus ou moins exhaustifs réalisés en collaboration avec des intervenants publics ou privés, de formations diverses et variées (méditation en pleine conscience, sensibilisation aux risques psychosociaux, gestion du stress…) ou encore de chartes de bon fonctionnement. Certaines structures offrent la possibilité de se détendre pendant les pauses, avec des salles de sport ou des fauteuils massants…</p>
<h2>Usure, lassitude, perte de sens</h2>
<p>Néanmoins, la situation ne semble pas évoluer sur le terrain. Dans toutes les institutions étudiées au cours de notre recherche, les soignants continuent à être soumis aux mêmes contraintes, avec les mêmes conséquences : absentéisme, lassitude, épuisement (ou <em>burn-out</em>), usure, perte de sens, sentiment de mal faire leur travail.</p>
<p>Les actions de prévention des risques psychosociaux s’inscrivent avant tout, aujourd’hui, dans des plans de communication. Il s’agit de « montrer que l’on fait », pour redorer une image écornée. L’effet pervers est que cela décourage les « bonnes volontés », et notamment celle des représentants du personnel qui ne souhaitent pas être perçus comme « des complices de la direction ».</p>
<p>Il faut dire aussi que l’hôpital, de plus en plus, ressemble à un monstre. Les établissements hospitaliers sont regroupés dans des pôles et des métiers qui sont autant de « mondes » différents. Les démarches de prévention venues d’en haut se heurtent à cette complexité. Les actions sont peu adaptées aux particularités de chaque métier et de chaque unité de soins. Les directions rencontrent alors des difficultés pour en assurer le suivi. Pour le personnel, ces actions apparaissent totalement artificielles. Ces démarches déconnectées du terrain « glissent » alors sur l’organisation, sans modifier l’activité au quotidien.</p>
<h2>Le « bricolage » de solutions au sein des services</h2>
<p>Dans un sursaut de survie, c’est au sein des services qu’émergent des solutions qui parviennent à limiter la souffrance au travail. Certains cadres de santé tentent d’améliorer eux-mêmes les conditions de travail de leurs collaborateurs. Comme si, face aux contraintes de l’hôpital et à l’inefficacité des démarches de prévention institutionnelles, le « bricolage » local, sous l’impulsion de l’encadrement, devenait le moyen ultime pour les soignants de se protéger d’un système délétère.</p>
<p>On peut ainsi donner l’exemple de ce service de gériatrie qui a totalement modifié le processus de toilette des patients d’une part en combinant tâches effectuées par un seul soignant et tâches en binômes et d’autre part en menant une réflexion sur les outils de la toilette (taille des serviettes, conditionnement du savon…) et sur les horaires pour améliorer à la fois la qualité du soin, mais aussi la relation au patient.</p>
<p>De plus, nombre de cadres de santé tentent de remettre en place des temps de parole, de réorganiser les moments de transmission entre équipes de jour et équipes de nuit pour les rendre plus efficaces. Ils créent aussi de nouveaux moments d’échanges où chacun peut s’exprimer et partager ce qu’est aujourd’hui le cœur de son métier et de ses difficultés.</p>
<h2>Des échanges de services et des arrangements réciproques</h2>
<p>Cette relation informelle est faite de soutien et d’arrangements réciproques. Face aux difficultés à gérer les emplois du temps et l’absentéisme, il s’agit de trouver des solutions qui conviennent à l’ensemble des parties. On assiste souvent à des échanges de services autour des plannings de chacun. Néanmoins, ces solutions sont éminemment dépendantes des cadres qui les portent, donc fragiles.</p>
<p>Les mécanismes d’entraide s’étendent aussi aux relations entre cadres de santé au sein d’un même établissement et plus particulièrement d’un même pôle. Des prêts de matériel ou de personnel peuvent s’opérer entre services, des patients peuvent être hébergés temporairement dans un service ami. Ces phénomènes reposent avant tout sur les bonnes relations entre les cadres concernés.</p>
<p>Enfin, les soignants prennent aussi la main, hors de toute intervention hiérarchique, pour trouver eux-mêmes des solutions. Ils créent parfois de nouvelles règles, pour réaliser les soins dans de meilleures conditions (comme par ex. mettre en œuvre à deux des soins devant être <em>a priori</em> être réalisés seuls ou réciproquement). Ils peuvent aussi forger de nouveaux espaces de communication, comme un groupe Facebook de leur équipe pour la transmission des consignes et les échanges de planning.</p>
<h2>Reproduire ce qui est réussi dans un service</h2>
<p>Nous pensons qu’à partir de ces expériences, il reste de la place pour une action concrète de la part des managers. À eux de faire l’inventaire des initiatives locales, dans leur établissement, et de tenter de reproduire ce qui est réussi dans un service au sein des autres.</p>
<p>Les managers peuvent aussi aider à reconstruire les collectifs de travail. Le développement d’espaces de discussion sur le travail semble, de ce point de vue, une piste essentielle d’action, comme montré dans deux études publiées <a href="http://www.chaires-iae-grenoble.fr/commun/pdf/documents/ArticleDetchessahar2013Negociations143650.pdf">en 2013</a> et <a href="http://www.chaires-iae-grenoble.fr/commun/pdf/documents/GRH_EDD184010.pdf">en 2017</a>. Cependant, pour atteindre pleinement son efficacité, la discussion doit s’ancrer dans les pratiques quotidiennes de travail et donner lieu à de vrais débats. Il reste donc, à l’hôpital, à donner suffisamment de ressources aux managers pour qu’ils puissent animer pleinement de telles rencontres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet de recherche sur la prévention des RPS à l'hôpital a reçu un soutien financier de la DGAFP (Directions Générale de l'Administration et de la Fonction Publique).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>La recherche sur la prévention des RPS à l'hôpital a reçu un soutien financier de la DGAFP (Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique). Elle est membre de l'Association Francophone de la Gestion des Ressources Humaines.</span></em></p>À l’hôpital, le personnel souffre à cause de conditions de travail de plus en plus difficiles. Mais il prend des initiatives originales et efficaces pour se protéger de l’épuisement.Emmanuel Abord de Chatillon, Professeur, Chaire Management et Santé au Travail, CERAG, INP Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementNathalie Commeiras, Professeur des Universités en Gestion des Ressources Humaines, Montpellier Recherche Management (MRM), Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/903282018-02-21T18:50:14Z2018-02-21T18:50:14ZInfections nosocomiales, erreurs médicales, complications : comment rendre les hôpitaux plus sûrs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/206217/original/file-20180213-118385-czpghc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=65%2C6%2C4198%2C2868&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un bloc opératoire, à l'hôpital pour enfants de la reine Fabiola, à Bruxelles. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/y5hQCIn1c6o">Piron Guillaume/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Des efforts ont été faits pour rendre les hôpitaux plus sûrs au cours des 15 dernières années. En France, comme dans les autres pays industrialisés. Le personnel soignant a été incité à se laver systématiquement les mains avec du gel hydro-alcoolique entre deux patients pour éviter les <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/un-patient-sur-dix-developpe-une-infection-apres-une-chirurgie-digestive/">infections dites nosocomiales</a> (contractées à l’hôpital). Les chirurgiens ont adopté le principe de la <em>checklist</em> avant l’intervention, à la manière des pilotes d’avion, pour éviter par exemple d’opérer le patient du mauvais côté.</p>
<p>Malgré les moyens importants mis en œuvre, 5% des patients hospitalisés dans notre pays contractent une infection nosocomiale, soit un patient sur 20, selon <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/Accueil-Presse/Tous-les-communiques/Infections-associees-aux-soins-ou-en-sommes-nous-en-2017-Nouvelles-donnees-nouvelle-organisation">une nouvelle étude</a> réalisée en 2017 par l'agence Santé Publique France et rendue publique le 4 juin. La proportion reste stable par rapport à la précédente enquête, celle de 2012.</p>
<p>A l'échelle mondiale, un séjour d’hospitalisation sur dix voit survenir au moins un « <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/qualite-des-soins-et-pratiques/securite/article/les-evenements-indesirables-graves-eig-associes-aux-soins">événement indésirable grave associé aux soins</a> », selon <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2569153/">une méta-analyse publiée en 2008</a> qui fait toujours référence aujourd’hui. Infections nosocomiales, erreurs médicales, complications : les risques n’ont pas été réduits, comme le montrent les études réalisées en <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/documents-de-travail/serie-etudes-et-recherche/article/enquetes-nationales-sur-les-evenements-indesirables-graves-associes-aux-soins">France</a>, aux <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4552927/">Pays-Bas</a> ou aux <a href="http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsa1004404">États-Unis</a>.</p>
<p>Alors que faire ? On peut par exemple mobiliser les nouvelles technologies. Cette piste a été explorée lors du <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20180117005781/fr/">sommet mondial sur la sécurité des patients</a>, le 23 février à Londres. On peut ensuite améliorer très largement la culture du risque chez les professionnels de santé, médecins, infirmières ou sages-femmes. Enfin on peut ouvrir davantage l’hôpital aux non-soignants, et profiter de leur expérience ou de leur savoir-faire pour limiter les erreurs humaines.</p>
<h2>Une médecine de plus en plus complexe</h2>
<p>Il faut dire que la médecine, à force de prouesses scientifiques et technologiques, est devenue plus complexe. Elle demande donc des modes d’organisation de plus en plus sophistiqués. La <a href="https://patientsafetymovement.org/about/">Fondation nationale pour la sécurité des patients</a>, aux États-Unis, a montré dans <a href="http://www.npsf.org/page/freefromharm">son rapport d’experts de 2015</a> que les résultats décevants des programmes d’amélioration de la sécurité des patients tenaient à la sous-estimation de cette complexité.</p>
<p>En 1999, déjà, Cyril Chantler, professeur de médecine spécialiste de la question au King’s College de Londres, notait <a href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(99)01075-2/fulltext">dans la revue <em>The Lancet</em></a> : « La médecine était simple, inefficace et relativement sûre, elle est maintenant complexe, efficace et potentiellement dangereuse ». La sécurité est devenue une gageure, plus encore dans une période <a href="http://www.springer.com/br/book/9782817802947">où les moyens octroyés à l’hôpital sont comptés</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, les médecins, infirmières et autres professionnels de santé apparaissent parfois démunis face au défi consistant à améliorer la sécurité des patients. En paraphrasant le célèbre aphorisme de Georges Clemenceau – « La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires » – on pourrait s’interroger : la gestion des risques associés aux soins serait-elle une chose trop importante pour la confier uniquement aux professionnels de santé ?</p>
<p>L’approche des risques dans les hôpitaux s’inspire actuellement de celles développées dans d’autres secteurs comme l’aviation ou le nucléaire. Mais les soins constituent un domaine plus complexe encore que ceux-là. Le temps au bout duquel une procédure devient caduque y est de <a href="http://annals.org/aim/fullarticle/736284/how-quickly-do-systematic-reviews-go-out-date-survival-analysis">5 ans en moyenne</a>, contre 15 à 20 ans dans l’aviation ou le nucléaire. La santé des patients est, par nature, plus imprévisible que la fission nucléaire… L’industrie du logiciel présenterait sans doute plus de ressemblances avec les soins. En effet, ce type d’activité est soumis à une évolution d’une grande rapidité, qui requiert une agilité importante pour ceux qui y prennent part.</p>
<h2>Une résistance importante des professionnels à modifier leurs pratiques</h2>
<p>Des disciplines comme les sciences humaines, les sciences de gestion, les sciences des données et de l’information ou les sciences de l’ingénieur pourraient beaucoup apporter à la gestion des risques à l’hôpital. Elles peuvent aider à l’identification des facteurs organisationnels et humains <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1055294/">qui entrent en jeu dans les soins</a> et débouchent, parfois, sur des erreurs médicales. Elles peuvent aussi proposer des actions plus efficaces pour les réduire.</p>
<p>Dans la communauté médicale, il existe – peut-être encore plus que dans d’autres communautés – une résistance importante au changement. Ainsi, les médecins ont été la seule profession à « rechigner » quand il a fallu modifier les pratiques de lavage des mains pour limiter la transmission des bactéries, selon une <a href="http://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(00)02814-2.pdf">étude publiée en 2000</a>, réalisée à l’hôpital universitaire de Genève.</p>
<p>Le principe de la <em>checklist</em>, avant et après chaque opération chirurgicale, n’a pas été, non plus, forcément bien accueilli. Cette procédure consiste à vérifier plusieurs points clés, notamment à compter instruments et compresses au début, puis à les recompter à la fin, pour éviter d’en oublier dans le corps du patient. Elle a été rendue obligatoire par la haute autorité de santé le <a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1122272/fr/check-list-au-bloc-operatoire">1ᵉʳ janvier 2010</a>. Une étude réalisée juste après, entre le 11 et le 29 janvier 2010, a montré que les manquements à cette procédure tenaient en bonne partie à un comportement inapproprié de <a href="http://qualitysafety.bmj.com/content/21/3/191.long">la part des chirurgiens et des anesthésistes</a>. Récemment encore, une patiente opérée dans une clinique de Marseille <a href="http://www.leparisien.fr/societe/compresses-oubliees-dans-le-corps-d-un-patient-comment-une-telle-erreur-est-elle-possible-24-01-2018-7520757.php">a découvert que plusieurs compresses avaient été oubliées</a> lors de son ablation de l’utérus.</p>
<h2>L’apport de sciences « dures » comme les mathématiques</h2>
<p>L’interdisciplinarité est une condition fondamentale de la bonne gestion des risques associés aux soins. Elle requiert de chaque personne impliquée une connaissance de sa propre discipline, mais aussi de ce que sont les autres disciplines.</p>
<p>Les sciences humaines et de gestion doivent pouvoir être mobilisées, afin de choisir les bons leviers pour changer les comportements des professionnels de santé. Les sciences de l’ingénieur, qui a un attrait particulier pour analyser les processus de production, également. Les sciences « dures » comme les mathématiques permettent, elles, une analyse plus pertinente des données de soins disponibles.</p>
<p>Il ne s’agit pas là de se livrer à du <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-faut-en-finir-avec-le-medecin-bashing-73541">« médecin-bashing »</a>, mais de suggérer des voies d’amélioration dans la gestion des risques associés aux soins, encore trop peu développée dans les hôpitaux.</p>
<h2>Une réelle ouverture de la recherche hospitalo-universitaire aux non-médecins</h2>
<p>Actuellement, la recherche hospitalo-universitaire sur la sécurité des patients est essentiellement menée par des médecins. L’ouvrir davantage aux non-médecins, par exemple aux infirmiers, sages-femmes, pharmaciens ou biologistes, apparaît essentiel aujourd’hui. L’accès à des postes de professeur des universités–praticien hospitalier (PU-PH) ou de maître de conférence–praticien hospitalier (MCU-PH) pour ces profils différents est prévu <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000689714">par la loi</a>, à raison d’un poste sur trois. Cependant, dans les faits, cette proportion reste bien plus faible.</p>
<p>La sécurité des patients relève, au sein de la section « médecine » du Conseil national des universités (CNU), de la <a href="http://www.cpcnu.fr/web/sous-section-4601">sous-section 46.01</a> intitulée « épidémiologie, économie de la santé et prévention ». En 2017, sur les neuf postes ouverts de PU-PH et MCU-PH, un seul était accessible à des profils non médicaux. Et à ce jour, aucun infirmier ou sage-femme n’a jamais été nommé dans cette sous-section. Pourtant des membres de ces professions possèdent les pré-requis pour pouvoir y accéder. Mais ces profils se heurtent encore au corporatisme médical, que ce soit au plan national ou au niveau local dans les facultés de médecine.</p>
<h2>Plus de 40 % de complications évitables</h2>
<p>La production des soins est devenue si complexe que les hôpitaux se retrouvent dans l’incapacité d’appliquer des processus standardisés pour l’ensemble des situations rencontrées, ainsi que l’a montré un <a href="http://www.healthpolicyjrnl.com/article/S0168-8510(14)00104-3/fulltext">article publié en 2014</a>. En développant une forme de <a href="https://theconversation.com/sante-bientot-le-sur-mesure-dans-les-soins-79885">sur-mesure</a>, on pourrait tenir compte de la nature imprévisible de la situation qui se présente pour un patient donné. Le développement d’approches capables de s’adapter à cette instabilité est un défi majeur pour les hôpitaux.</p>
<p>Les marges de progrès sont importantes. Dans les pays industrialisés, plus de 40 % des complications liées aux soins dans les hôpitaux seraient évitables, selon une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2569153/">méta-analyse publiée en 2008</a>.</p>
<p>D’après une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3332004/">autre méta-analyse</a>, de 2012, on retrouve dans près d’un cas sur trois une « défaillance active » de la part d’un professionnel de santé. Il s’agit soit d’une erreur de sa part, soit d’un facteur lié à sa personne, comme son inexpérience ou une attitude inadaptée. Si les erreurs sont humaines, il existe ailleurs qu’à l’hôpital un savoir-faire qui permettrait sans aucun doute d’aider les professionnels de santé à en réduire le nombre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90328/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Januel a reçu des financements de Université Sorbonne Paris Cité. </span></em></p>Une proportion importante des complications pourrait être évitée, lors des soins à l’hôpital. Le point sur les pistes d’amélioration, à l’occasion du sommet mondial sur la sécurité des patients.Jean-Marie Januel, Professeur titulaire de la chaire d'excellence en Management de la santé, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/857822017-10-26T19:48:25Z2017-10-26T19:48:25ZComment en finir avec les violences à l’hôpital ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/191683/original/file-20171024-30605-1xv0won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Salle d'attente d'un hôpital. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/blur-image-background-waiting-area-hospital-739817014?src=7JWKLFPdCbh0P2O2XgYlnw-6-58">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La scène se passe, comme les suivantes, dans le service de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/personnes-agees-29529">gériatrie</a> d’un hôpital dont nous tairons le nom. La famille d’un homme âgé se plaint auprès de l’équipe soignante qu’il soit déclaré en fin de vie, une échéance inéluctable dont ses proches ont pourtant été prévenus. Venus en nombre, les membres de la famille séquestrent le médecin dans son bureau, le brutalisent et le menacent de mort.</p>
<p>Un autre jour, dans un couloir, des patients déambulent, livrés à eux-mêmes tandis que le personnel est occupé à de multiples tâches. Une patiente pousse brusquement une autre femme, dont le seul tort était de se trouver sur sa route. Bilan, une fracture du col du fémur pour la seconde. Quelque temps auparavant, une patiente atteinte d’une forme de démence avait mordu une soignante au cours de la toilette. Un aide-soignant avait été agressé verbalement par les membres d’une famille qui lui reprochaient de ne pas intervenir sur le champ auprès de leur proche. Il en va ainsi, de la violence à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/hopital-23258">hôpital public</a>.</p>
<p>Les soignants continuent, envers et contre tout, à brandir comme un étendard leurs valeurs d’altérité, d’humanisme et d’abnégation. Mais cette attitude bravache cache mal leur résignation ou leur découragement, sur fond de pénurie de personnel. Que proposer pour faire vivre des valeurs mises à mal par le climat de violence actuel ? Il faut sortir d’un management hospitalier fondé sur des référentiels d’entreprise, sur la culture du chiffre, qui l’entretient. Le singulier, l’écoute, le non mesurable sont au cœur des métiers « du prendre soin » et doivent être revalorisés.</p>
<h2>L’hôpital, lieu d’accueil et de soins ?</h2>
<p>À l’hôpital, les violences institutionnelles, managériales, physiques, psychiques et sociales se combinent. En effet, les établissements de santé sont partie intégrante d’une société dont les valeurs cultes sont l’autonomie, le jeunisme, la vitesse, l’argent. Dès lors, le défi est immense pour ceux qui travaillent auprès des exclus du fait de l’âge, des multiples pathologies ou de la pauvreté, comme je le fais en tant que psychiatre. On « prend sa garde » la peur au ventre, à cause du niveau d’exigence croissant des familles mais aussi de la hiérarchie. On doit s’accommoder du sentiment de mal faire les jours où « on n’est pas en nombre ».</p>
<p>On le sait, l’hôpital est le lieu d’accueil de toutes les souffrances. C’est le lieu des vulnérabilités ontologiques, autrement dit humaines, de la naissance de l’individu à la fin de sa vie. La porte d’entrée dans l’établissement est bien souvent celle des urgences. Les équipes y sont débordées par ce qu’on appelle la « bobologie », des problèmes médicaux mineurs. Les délais d’attente y exacerbent le sentiment d’injustice, chacun étant convaincu que « sa » douleur doit être soulagée en priorité. S’y ajoutent le sentiment d’insécurité et l’angoisse des uns et des autres.</p>
<p>Les vocations, pourtant, ne manquent pas. Les <a href="http://www.letudiant.fr/static/uploads/mediatheque/EDU_EDU/1/5/74315-130218-edl-formation-en-soins-infirmiers-original.pdf">instituts de soins infirmiers</a> font le plein ; il y a pléthore d'étudiants en première année de médecine, malgré un <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/02/23/les-doyens-des-facs-de-medecine-redemandent-la-suppression-du-numerus-clausus_5084300_4401467.html">numérus clausus</a> condamnant un candidat sur 10 à renoncer au final à cette formation. De même pour les étudiants en psychologie, très nombreux, pour lesquels la sélection intervient tard, <a href="http://www.reseaupsychologues.eu/NON-a-la-Selection-a-l-entree-en-Master-1-Psychologie-des-la-rentree-2017-Le-collectif-des-etudiants-de-Psychologie_a4158.html">essentiellement au niveau Master</a>.</p>
<h2>Le besoin d’une personne qui vous tient la main</h2>
<p>Les <a href="http://www.souffrance-et-travail.com/media/pdf/Rapport_Hopital_2012.pdf">rapports alarmants</a>, les missions et les livres portant sur la souffrance des soignants se succèdent, sans effet. Il en est de même pour la maltraitance en institution, qu’il s’agisse de personnes handicapées ou de personnes âgées, comme souligné dans les <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/09/14/ehpad-les-deputes-s-alarment-des-conditions-de-travail_5185588_3224.html">conclusions de la mission parlementaire sur les Ehpad</a> rendues publique en septembre. Et pour cause : la solution est dans la présence humaine. Quand vous êtes âgé, malade et dépendant, c’est d’une personne qui vous tient la main et dit des mots qui soignent dont vous avez besoin. Pas d’algorithmes, de robots intelligents ou d’interfaces sophistiquées.</p>
<p>Parmi les livres marquants, citons <a href="https://www.chapitre.com/BOOK/estryn-behar-madelei/stress-et-souffrance-des-soignants-a-l-hopital,1589971.aspx"><em>Stress et souffrance des soignants à l’hôpital</em></a> (Editions Estem) du Dr Madeleine Estryn-Béhar paru en 1999 ; <a href="https://www.infirmiers.com/pdf/prevention-sante/stress-souffrance-violence-milieu-hospitalier.pdf"><em>Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier</em></a> (Editions MNH) de la psychologue Aline Mauranges, en 2010 ; et le tout dernier, au mois de mars, <a href="http://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=500599"><em>Omerta à l’hôpital</em></a> (Editions Michalon) coordonné par Valérie Auslender, médecin généraliste attachée à Sciences Po à Paris.</p>
<p>Dans ce dernier livre, l’auteur montre comment la formation des soignants à l’hôpital peut parfois ressembler à une descente aux enfers. C’est cette maltraitance qu’une centaine d’élèves infirmiers, aides-soignants ou internes en médecine, ont accepté de lui raconter.</p>
<p>En France, cinq internes se sont suicidés entre novembre 2016 et juin 2017, et 700 ont fait une tentative de suicide. Les syndicats d’étudiants en médecine et de jeunes médecins <a href="https://theconversation.com/epuisement-depression-suicide-comment-proteger-les-etudiants-en-medecine-79720">tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme</a>. Commentant une étude réalisée par plusieurs syndicats de jeunes médecins début 2017, Leslie Grichy, vice-présidente de l’Intersyndicat national des internes (ISNI), affirmait : </p>
<blockquote>
<p>« [Ces résultats] sont pires que ce à quoi l’on s’attendait […] 66,2 % des jeunes soignants déclarent souffrir d’anxiété et 27,7 % de dépression […]. 23,7 % ont eu des idées suicidaires, dont 5,8 % dans le mois précédent l’enquête. »</p>
</blockquote>
<h2>Supporter, jusqu’à l’insupportable ?</h2>
<p>Le mot souffrance vient de deux mots latins. Le préfixe <em>sub</em>, qui signifie « en dessous », et le verbe <em>ferre</em>, qui signifie « porter ». Le mot évoque ainsi l’image d’un support, qui porte le poids de tout ce qui se trouve dessus. Jusqu’à l’insupportable ?</p>
<p>Les valeurs humanistes sont au cœur du soin. « L'homme couché oblige l'homme debout », comme le rappelle le <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2017-3-page-109.htm">préambule des ordonnances hospitalières de 1995</a>. Quand ces valeurs sont tordues, mises à mal, voire anéanties par des réformes successives menées sans concertation avec les acteurs du soin, alors la maltraitance des soignants et des soignés n’est pas loin. La démobilisation s’installe. Les soignants se ferment aux injonctions paradoxales produites par l’évaluation et l’accréditation, exigeant de faire mieux avec toujours moins de moyens humains. De leur côté, les dirigeants, les directeurs et chefs de pôle mettent en place un mécanisme de défense bien connu depuis Freud, le déni.</p>
<p>Plus de 400 praticiens et membres du personnel soignant de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont exprimé leur désarroi et leur indignation face à la dégradation de l'hôpital public, le 19 septembre, dans une <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/sites/qdm/files/public/asset/document/0._lettre_ouverte_v17-1.pdf">lettre ouverte à la ministre de la Santé</a>. Ils dénoncent, entre autres, l'incapacité à hospitaliser près de chez eux des patients faibles, qui doivent être réorientés vers des établissements plus éloignés. Sur ce point, un praticien <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2017/09/22/bourgoin-jallieu-medecins-et-personnels-de-lhopital-selevent-contre-un-management-destructeur-_850538">cité par <em>Le Quotidien du médecin</em></a> rapporte une phrase entendue d’un directeur d’hôpital : « Les gens prennent bien leur voiture pour aller à Ikea, ils peuvent bien aller à un hôpital plus loin. »</p>
<p>Il faut le rappeler, les médecins ne sont pas là pour que leur activité génère des bénéfices, ni pour faire le travail d’un secrétariat, ni pour se battre afin d’accéder à un ordinateur forcément mutualisé – car il n’y en a pas assez pour chaque soignant.</p>
<p>Ils sont là pour écouter et examiner les patients, prendre le temps d’asseoir leur diagnostic et d’expliquer leurs traitements. Avec les équipes soignantes, ils sont là pour assurer une continuité dans les soins entre le généraliste et l’hôpital, pour recevoir les familles, ou encore les « personnes de confiance » désignées par les patients en fin de vie. Ils sont là pour encadrer et enseigner aux plus jeunes. Ils sont là pour aussi se former pour mieux soigner.</p>
<p>Et si la modernité consistait à amener les équipes dirigeantes et les équipes soignantes à parler le même langage, celui des valeurs du soin ? Car c’est la violence qui fait irruption quand qu’il n’y a plus de mots à partager.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes a reçu des financements ces trois dernières années (pour des formations, participations à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Astra-Zeneca, Otsuka Pharmaceutical et Novartis Pharma.</span></em></p>L’hôpital est devenu le lieu de nombreuses violences, contre les soignants et contre les patients. Le management doit être revu afin de renouer avec les valeurs humanistes qui définissent le soin.Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/772102017-09-04T20:42:27Z2017-09-04T20:42:27ZTendinites, douleurs à l’épaule chez les femmes : et si c’était le travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173626/original/file-20170613-25839-8ly7rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des tensions excessives dans l'exercice de son métier peuvent être source de troubles musculo-squelettiques. Ici une infirmière aide un homme âgé à se lever.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/nurse-aged-care-elderly-nursing-homes-72925843">Lisa S/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Douleur à l’épaule, tendinite au coude, engourdissement des doigts, bursite du genou : ces maux sont courants chez les femmes actives. Bien souvent elles incriminent leur âge, ou pensent présenter une vulnérabilité toute personnelle. Sans s’interroger sur leurs conditions de travail. Or ces maux qui touchent les articulations, les muscles et les tendons surviennent rarement par hasard ou par accident.</p>
<p>Les <a href="http://www.inrs.fr/risques/tms-troubles-musculosquelettiques/ce-qu-il-faut-retenir.html">troubles musculo-squelettiques</a> (TMS), de leur nom officiel, sont généralement liés à des gestes répétitifs, des postures inconfortables ou des tensions excessives. Ces problèmes sont bien connus des caissières de supermarché, par exemple, qui manipulent les articles à longueur de journée. Aujourd’hui, on ne leur demande plus de déplacer les packs d’eau, simplement de scanner l’étiquette. Mais dans beaucoup d’autres métiers exercés par les femmes, l’apparition de ces troubles n’a pour l’instant provoqué aucune remise en cause de la manière de travailler.</p>
<p>L’analyse fine des études disponibles permet de penser que les TMS sont sous-diagnostiqués, en France, chez les femmes. Ils résultent souvent d’un manque de réflexion sur l’adaptation du poste à la morphologie féminine. Et sont moins facilement reconnus au titre de maladie professionnelle, car les grilles d’analyses des situations de travail sont conçues essentiellement à partir de l’expérience des hommes.</p>
<h2>Infirmière de nuit, dans un service en sous-effectif</h2>
<p>Pour montrer à quel point la cécité est collective sur ce sujet, prenons le cas récent de cette soignante, Cécile (son prénom a été changé), âgée de 47 ans, qui a 20 ans d’ancienneté en milieu hospitalier. Avant d’intégrer l’hôpital public, elle travaillait comme aide à domicile pour les personnes âgées. Cécile est infirmière de nuit dans un service de gériatrie. La charge de travail est élevée, le service en sous effectif chronique. Le matériel nécessaire n’est pas toujours disponible. En raison de ces conditions de travail dégradées, il y a un fort taux de <em>turnover</em> dans l’équipe.</p>
<p>Cécile souffre d’une tendinite à l’épaule depuis deux mois. Elle s’ouvre auprès de son supérieur de ses difficultés à déplacer seule les patients âgés pour leur prodiguer les soins. Quand elle évoque cette douleur, elle en parle comme une pathologie liée à l’âge, à l’usure physique. Son encadrement met donc cette pathologie sur le compte d’une fragilité individuelle et ne pousse pas la réflexion plus loin.</p>
<p>Cécile prend des médicaments antidouleur et s’organise avec une collègue avec qui elle s’entend bien pour soulever à deux les patients les plus lourds. Mais cela ne suffit pas. Sa douleur à l’épaule augmente. Elle est arrêtée par son médecin durant plus de trois semaines. Au moment de reprendre son poste, elle voit le médecin du travail qui lui délivre une « restriction d’aptitude ». Ce document indique qu’elle ne peut désormais faire son travail que partiellement. Elle ne pourra plus être seule pour soulever les patients lourds.</p>
<h2>Des facteurs de risque inconnus de la liste officielle</h2>
<p>Sa pathologie n’est pas reconnue pour autant comme une maladie professionnelle, car les contraintes liées à son travail d’infirmière ne figurent pas dans la liste officielle des facteurs d’un risque de TMS. La législation française prévoit en effet des <a href="http://www.inrs-mp.fr/mp/cgi-bin/mppage.pl?rgm=1">« tableaux » descriptifs pour chaque maladie</a>, détaillant la nuisance prise en compte, les maladies ou symptômes liés à cette nuisance et le type de tâches exposant l’individu à celle-ci.</p>
<p>Cécile en vient à penser que son épaule est moins solide que celle des autres soignants. Son supérieur trouve désormais que les problèmes de santé de Cécile lui posent problème pour répartir équitablement la charge de travail au sein de l’équipe. Quant au médecin du travail, il estime que la pathologie de cette salariée relève de caractéristiques personnelles inadéquates. Ainsi, tous s’accordent pour dire que Cécile ne fait pas les bons gestes dans les tâches qui lui incombent. Personne ne remet en cause l’organisation du travail dans le service, ni les contraintes relatives à l’exercice du métier d’infirmière. Et encore moins les tableaux descriptifs des maladies professionnelles…</p>
<p>Les cas comme celui de Cécile ne sont pas pris en compte dans les statistiques. Globalement, en Europe, les femmes obtiennent moins de reconnaissance en maladie professionnelle de leurs TMS que les hommes, comme le montre les <a href="http://pistes.revues.org/4889">cas de l’Italie et de la Suisse</a> ou les travaux de <a href="https://www.etui.org/fr/L-ETUI/Personnel/Laurent-Vogel">Laurent Vogel</a>, chercheur à l’Institut syndical européen (ETUI) et à l’université Paris 13.</p>
<h2>Trop peu de femmes dans les cas reconnus en maladie professionnelle</h2>
<p>En France, le nombre de cas de <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/tms/comprendre-troubles-musculosquelettiques">troubles musculo-squelettiques</a> reconnus en maladie professionnelle était en 2012 presque aussi élevé chez les femmes (26 438 cas) que chez les hommes (27 577 cas), selon l’étude réalisée par Florence Chappert et Patricia Therry, chercheuses à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Mais les femmes, plus vulnérables à ces troubles, devraient logiquement se trouver en plus grand nombre. Preuve que beaucoup de cas de TMS restent, chez elles, invisibles.</p>
<p>En France, comme ailleurs, la majorité des maladies professionnelles reconnues chez les femmes <a href="http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2016-081.pdf">sont des TMS</a>. Ces troubles sont en effet bien repérés aujourd’hui dans certains métiers comme femme de ménage, caissière, ouvrière de confection ou de montage de petits éléments. Mais une étude réalisée en 2009 par la chercheuse de l’université d’Ottawa (Canada) Katherine Lippel montre que les statistiques d’indemnisation des maladies professionnelles ne reflètent pas toutes les atteintes d’origine professionnelle. On peut donc penser que les cas reconnus ne sont que la partie émergée de l’iceberg des douleurs musculo-squelettiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178325/original/file-20170715-5265-1pmgum6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les troubles musuculo-squelettiques sont désormais bien repérés chez les caissières.</span>
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<p>Les femmes et les hommes ne sont pas touchés par les TMS dans les mêmes circonstances. Car ils n’occupent pas, bien souvent, les mêmes emplois. Prenons l’exemple du <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/comprendre-syndrome-canal-carpien">syndrome du canal carpien</a>, cette compression d’un nerf provoquant des douleurs au poignet. Chez les hommes, il touche 70 % des travailleurs dans les métiers de manutentionnaire, ouvrier en milieu industriels, artisan et agriculteur, selon une <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/art.22222/abstract;jsessionid=A6433BD9CEC89ED7763EED0D4AC6757E.f03t04">étude de 2006</a>. Chez les femmes, il touche 70 % des travailleurs dans les métiers d’ouvrière d’assemblage de matériel, agricultrice et d’employée de commerce.</p>
<h2>Douleurs aux épaules pour les femmes, lombaires pour les hommes</h2>
<p>Il arrive, bien évidemment, qu’une tâche identique soit confiée aux hommes et aux femmes. Mais ils ne l’accomplissent pas de la même façon et ne peinent pas au même moment, en raison de leurs différences de morphologie et de physiologie. Dans le milieu de l’élevage par exemple, la traite des vaches expose les femmes à des douleurs au niveau des épaules lors du port des tuyaux à lait. Les hommes, eux, sont sujets à des douleurs lombaires lorsqu’ils se baissent pour placer les manchons trayeurs sur les pies de la vache.</p>
<p>Les femmes vont se préserver de cette douleur en modifiant leurs déplacements dans l’étable pour porter les tuyaux sans se fatiguer, tandis que les hommes vont chercher à se positionner différemment, par exemple en pliant les genoux pour ne pas forcer sur les muscles du dos. J’ai présenté ces résultats le 13 février à Bruxelles lors du <a href="https://www.etui.org/Events/His-and-Hers-occupational-hazards-health-justice-and-prevention-actors">colloque sur travail et genre</a> organisé par l’Institut syndical européen (ETUI). Ils ont permis de mettre en place, avec la Mutualité sociale agricole, des formations spécialement destinées aux agricultrices.</p>
<p>La plupart des études sur la santé au travail ne prennent pas suffisamment en compte les effets de genre dans le risque et la prévention des TMS. Ainsi, les stéréotypes se construisent sur une connaissance biaisée des liens entre santé, travail et genre. Cela conduit à des erreurs de diagnostic de la part du médecin, à une cécité de l’employeur et de la salariée elle-même, comme dans le cas de Cécile.</p>
<h2>Mieux répérer les contraintes au travail pour les femmes</h2>
<p>Et si on cherchait <a href="https://pistes.revues.org/4882?lang=fr">à mieux connaître les véritables contraintes au travail pour les femmes</a>. Beaucoup de facteurs de pénibilité reconnus concernent majoritairement les hommes : vibrations, bruit, chaleur, froid, expositions aux toxiques, radiations, charges lourdes, travail de nuit. D’autres facteurs, généralement à l’œuvre chez les femmes, sont moins repérables : la répétitivité, l’impossibilité d’interrompre son travail, un travail sous la pression avec des émotions qu’on empêche de s’exprimer – notamment dans les activités de service.</p>
<p>Encore aujourd’hui, les troubles musculo-squelettiques chez les femmes sont trop vite mis sur le compte des hormones, de l’approche de la ménopause ou des tâches qu’elles accomplissent en plus à la maison, après leur journée de travail. Le défi sera de mieux comprendre, demain, la spécificité du travail des femmes dans cette répartition « genrée » de l’exposition au risque des TMS. Et de mettre en œuvre une prévention adaptée et équitable pour tous, hommes et femmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Caroly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les femmes sont plus exposées aux troubles musculo-squelettiques que les hommes. Mais elles ne font pas toujours le lien avec leur travail quand la douleur survient.Sandrine Caroly, Enseignant chercheur en ergonomie, laboratoire Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/798852017-08-27T19:41:03Z2017-08-27T19:41:03ZSanté : bientôt le « sur mesure » dans les soins ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/179188/original/file-20170721-18141-32x3jh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les patients pourraient bénéficier de soins davantage adaptés à leurs besoins et à leurs particularités, y compris à l'hôpital. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/staff-busy-lobby-area-modern-hospital-479614822?irgwc=1&utm_medium=Affiliate&utm_campaign=Hans%20Braxmeier%20und%20Simon%20Steinberger%20GbR&utm_source=44814&utm_term=">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Vous êtes lassé d’atterrir dans des chambres d’hôtel qui se ressemblent toutes ? Des groupes hôteliers, dans différents pays, vous laissent désormais le choix du mobilier et de la décoration. Vous souhaitez un ordinateur avec davantage de mémoire et un processeur plus puissant, une chemise taillée sur mesure ? Tout se « customise » et même… la santé !</p>
<p>La personnalisation s’impose partout et devient le cœur de la relation de service. Dans ce flot d’expériences, il est un service pour lequel l’effort de personnalisation apparaît particulièrement justifié : celui des soins apportés à notre santé. Il semble logique que, lorsque nous sommes malades, nos besoins, demandes et préférences <a href="http://catalyst.nejm.org/healthcare-built-order-customized-care/">soient pris en compte</a> par les professionnels rencontrés dans les établissements, les cabinets de ville, ou même à notre domicile.</p>
<p>Or, des <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168851014001043?via%3Dihub">études menées</a> dans ce domaine montrent que si des dispositifs innovants se développent, ils souffrent d’en être seulement au stade expérimental. Ils peuvent pourtant être développés à grande échelle, si plusieurs conditions sont réunies.</p>
<p>Le soin personnalisé repose d’abord sur une capacité à définir des profils distincts de patients. Un savoir-faire qui existe déjà dans d’autres domaines, par exemple la grande distribution. Cet effort de catégorisation, qui relève du management de la « relation client », permet aux enseignes d’identifier vos préférences afin de vous faire des propositions ciblées. En santé, un tel effort est généralement entrepris à partir de classifications selon des critères cliniques.</p>
<h2>Des traitements selon le profil génétique des patients</h2>
<p>La médecine personnalisée développée grâce à la recherche clinique a notamment renouvelé l’exercice en mettant au point des traitements spécifiques selon le profil génétique des patients, par exemple dans le <a href="http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1006304#t=article">cancer</a>. De manière plus large, les prises en charge peuvent être adaptées en fonction de la vulnérabilité sociale des patients. C’est déjà le cas pour les personnes âgées, dont le suivi s’adapte à leur <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-des-patients-et-des-usagers/le-parcours-sante-des-aines-paerpa/article/le-dispositif-paerpa">degré d’autonomie</a></p>
<p>Cependant l’effort pourrait être amplifié afin de répondre à d’autres demandes. Par exemple, on pourrait proposer le recours aux médecines complémentaires aux patients qui les apprécient, une meilleure prise en compte des pratiques religieuses ou des coutumes locales. De même, les besoins d’information varient selon les patients – une personne en isolement social, notamment, requiert un suivi plus rapproché – et en tenir compte permettrait de mieux organiser leur prise en charge.</p>
<p>Dans cette catégorisation systématique des patients, l’<a href="https://theconversation.com/la-sante-numerique-redonne-t-elle-vraiment-du-pouvoir-au-patient-78084">e-santé</a> peut jouer un rôle majeur. Le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) permet de personnaliser des services sans coût faramineux. Un large volume de données peut être traité afin d’apporter en temps réel des réponses adaptées aux différentes catégories de bénéficiaires. Certaines applications commencent ainsi à proposer des suivis « sur-mesure » pour des patients diabétiques, ajustant la quantité d’insuline délivrée en fonction de l’alimentation ou de l’activité physique.</p>
<h2>Un portail Internet pour les patients traités pour un cancer</h2>
<p>Les TIC sont également de nature à encourager les échanges entre les équipes soignantes et les patients via des portails et des applications dédiées, facilitant leur accompagnement personnalisé dans, et hors les murs de l’hôpital. Par exemple, dans le cancer, un portail nommé Capri, <a href="https://www.gustaveroussy.fr/fr/capri">développé par l’institut Gustave Roussy</a> à Villejuif (Val-de-Marne), rend actuellement possible pour les patients l’échange d’information à distance avec des professionnels de santé sur leur traitement de chimiothérapie orale. Cela leur permet de mieux gérer les effets indésirables et d’ajuster plus précisément les doses.</p>
<p>Pour autant, il ne s’agit pas, pour le patient, de se contenter de relations virtuelles. La relation de face-à-face avec le soignant contribue elle aussi à la qualité d’un service personnalisé et met en jeu sa satisfaction, sa confiance et son engagement. Les professionnels l’oublient parfois… mais les patients sont particulièrement attentifs à leur « manière d’être », à l’empathie qu’ils peuvent témoigner, à leur clarté d’expression et leur capacité d’écoute.</p>
<p>De tels comportements, s’ils accompagnent l’expertise clinique, indiquent au patient que la spécificité de sa situation est reconnue et son vécu, pris en considération. Dans un contexte d’urgence, cela peut se révéler plus compliqué et l’appui des TIC se montrer fort utiles. Mais la plupart du temps, l’engagement des soignants dans une relation plus personnelle tient davantage à un changement de culture au sein des structures concernées. Les infirmières, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28276090">particulièrement impliquées dans ces relations de face-à-face</a>, peuvent jouer un rôle-clé dans la mesure où leur formation tient compte de ces aspects.</p>
<h2>Des conciergeries dans des hôpitaux</h2>
<p>Dans le même esprit, des réseaux et établissements de santé ont développé des <a href="http://www.hopital.fr/Actualites/Des-services-de-conciergerie-arrivent-a-l-hopital">conciergeries</a> visant à répondre aux besoins pratiques des patients, comme envoyer ses vêtements au teinturier, se faire déposer des journaux ou faire venir un coiffeur.</p>
<p>La personnalisation permet, aussi des économies. Chaque action vis-à-vis d’un patient étant plus adaptée, elle limite des gestes ou services inutiles. Par exemple, des menus personnalisés ont permis de réduire d’un tiers la quantité de nourriture distribuée dans certains établissements de santé, <a href="https://www.researchgate.net/publication/280924218_Essential_Requirements_for_the_Parameterization_of_Food_Waste_in_Hospitals">limitant le gaspillage</a> et améliorant la satisfaction des patients.</p>
<p>Un autre exemple ? Des applications ont été développées pour aider les patients à gérer leur traitement plus efficacement. C’est particulièrement utile pour les patients dits « complexes », car sujet à de nombreux soins et traitements simultanés. La capacité d’anticiper leurs besoins et de leur offrir des réponses organisationnelles adaptées peut conduire à une meilleure efficience, limitant notamment <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00520-017-3611-1">leurs venues aux urgences</a>.</p>
<p>Les patients plébiscitent les approches plus personnalisées, puisqu’elles prennent en compte leurs besoins réels. Les bénéfices de ces stratégies ont déjà été démontrés dans d’autres secteurs économiques. Si une paire de jeans ou un séjour de vacances peut être conçu à la demande, pourquoi une logique similaire ne s’appliquerait-elle pas aux soins ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Minvielle a reçu ces trois dernières années des financements (rémunérations en tant qu'orateur ou participant à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Pfizer, Janssen-Cilag et Novartis Pharma.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span> </span></em></p>Dans une époque où on peut commander des jeans adaptés à sa morphologie, il est temps de personnaliser davantage les soins. Ce serait bénéfique pour les patients, mais aussi pour le système de santé.Etienne Minvielle, Médecin de santé publique, professeur de management, École des hautes études en santé publique (EHESP) Mathias Waelli, Maître de conférences, sciences de gestion, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/746532017-03-29T19:40:02Z2017-03-29T19:40:02ZEhpad, hôpital : prendre soin de ceux qui nous soignent… et puis quoi encore ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/203894/original/file-20180129-89582-10ja6xi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les professionnels de santé sont particulièrement exposés au burn-out. Mais les patients préfèrent souvent les voir comme des super héros.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/elder-retired-woman-assisted-by-nurse-487030090?src=xSK0mWEkVE3Nq8XH0hLvGQ-1-60">shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les soignants sont là pour soigner ; qu’ils ne viennent pas nous ennuyer avec leurs problèmes personnels… encore moins lorsqu’on a besoin d’eux ! C’est ce que pensent encore la plupart des patients. Les professionnels de la santé sont pourtant plus exposés <a href="https://theconversation.com/fr/topics/burn-out-36403">au burn-out</a> que d’autres, mais leurs appels à l’aide sont peu entendus. </p>
<p>On l'a mesuré à la sidération provoquée par le <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/suicide-du-cardiologue-de-pompidou-un-homicide-involontaire-">geste fatal d’un médecin à l’Hôpital européen Georges Pompidou</a> (HEGP) en 2015, ou celui de cette infirmière qui s’est suicidée en 2017 dans son bureau d’un <a href="http://www.20minutes.fr/paris/2026535-20170307-paris-infirmiere-suicide-lieu-travail-hopital-cochin">autre hôpital parisien</a>. Cette fois, c'est <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/greve-ehpad-mardi-aides-soignants-maltraites-maltraitants-1410679.html">l'épuisement des aides-soignants</a> qui s'invite dans l'actualité, à travers une <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Social/professionnels-grand-age-nouveau-greve-2018-03-12-1200920157">nouvelle grève dans les établissements pour personnes âgées</a>, les Ehpad, le 15 mars, dans toute la France. </p>
<p>Si la société est peu disposée à ouvrir les yeux sur les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-faut-en-finir-avec-le-medecin-bashing-73541">fragilités des soignants</a>, il faut reconnaître que les torts sont largement partagés. Car les soignants, en réalité, se plaignent rarement, que ce soit en maison de retraite ou à l'hôpital. Les témoignages rassemblés par un médecin, Valérie Auslender, dans son livre <a href="http://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=500599">Omerta à l’hôpital</a> (Michalon), font figure d’exceptions. Une centaine d’élèves infirmiers, aides-soignants ou internes en médecine y révèlent en effet les maltraitances infligées par leur hiérarchie. Signe d’un changement des mentalités dans la nouvelle génération ?</p>
<h2>Le silence des médecins</h2>
<p>Plus encore que les autres soignants, les médecins respectent un devoir de réserve digne des militaires, alors que rien ne les y oblige, eux, dans leur statut. De fait, on leur interdit d’avoir besoin d’aide et encore plus, d’en demander. Ce silence est imposé par des normes culturelles implicites, très contraignantes, qui « formatent » les praticiens. Il participe de l’acculturation qui transforme un individu lambda en médecin, comme je le montre <a href="http://www.jle.com/download/med-306120-soigner_les_soignants_la_formation_implicite_des_medecins_et_leurs_fragilites--WNg1VX8AAQEAAE@F5JkAAAAB-a.pdf">dans une étude de 2015 consacrée aux non-dits de la formation des médecins</a>.</p>
<p>Ces normes sont constituées par un ensemble de comportements évidents aux yeux des étudiants et des enseignants mais non explicités, décrit dans la littérature scientifique comme un « cursus caché » (en anglais, <em>hidden curriculum</em>).</p>
<p>Venant compléter la formation officielle universitaire et clinique, ces commandements peignent les contours du « bon » médecin. Le « bon » médecin ne se trompe pas, il n’hésite pas, il ne se dispute pas avec ses collègues ni avec ses patients et il ne se fatigue pas, même s’il travaille 30 heures d’affilée sans dormir. Surtout, il n’est pas sujet aux émotions malgré sa proximité avec les souffrances des patients et les soins qu’il est amené à leur prodiguer. Autant de règles non écrites qui l’empêchent de reconnaître les signes d’un épuisement professionnel.</p>
<h2>Les premiers cas décrits de burn-out</h2>
<p>Les métiers du soin sont pourtant <a href="http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4291799_57fc91cb05698.syndrome-d-epuisement-professionnel---m-christophe-dejours-cnam--m-francois-bourdillon-sante--11-octobre-2016">les premiers dans lesquels les cas de burn-out ont été décrits par les chercheurs</a>, dès 1974. On tend à l’oublier, dans une époque où chacun se considère menacé par ce syndrome, quelle que soit sa profession. Le burn-out est en effet <a href="https://theconversation.com/le-burn-out-sera-t-il-reconnu-comme-maladie-professionnelle-73465">devenu un sujet de conversation, de réflexion et de revendication</a>.</p>
<p>Les travaux se multiplient pour en améliorer la compréhension, la définition et la prise en charge. L’Assemblée nationale a ainsi créé une mission d’information sur le burn-out, qui <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/14/commissions-permanentes/commission-des-affaires-sociales/missions-d-information/mission-d-information-sur-l-epuisement-professionnel">a rendu son rapport</a> le 15 février 2017.</p>
<p>Avant de revenir sur le problème spécifique des soignants, il convient de comprendre comment le diagnostic de burn-out est posé. Cet état est apprécié, le plus souvent, par une <a href="http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=FRPS%2026">grille d’évaluation</a> aussi controversée que largement utilisée, le Maslach Burnout Inventory (MBI). L’outil comporte trois dimensions qu’on peut retrouver associées chez un même individu, avec pour chacune des taux forts, moyens ou bas : l’épuisement émotionnel ; une dépersonnalisation ou la déshumanisation faisant percevoir les personnes pour et avec qui on est censé travailler comme des objets, voire des problèmes ; une baisse de l’accomplissement personnel dans l’exercice de sa profession.</p>
<h2>Les généralistes plus touchés que les autres</h2>
<p>Il existe donc trois niveaux pour chacun des trois critères, d’où de multiples combinaisons possibles, produisant des tableaux assez différents. La parfaite santé est représentée par un taux faible dans les trois registres. Et la pathologie avérée, par un taux fort dans les trois. Entre ces deux extrêmes, les scientifiques qui étudient le phénomène peuvent placer le curseur à des niveaux variables.</p>
<p>Ces différences de paramétrage sont probablement en cause dans la grande variabilité des chiffres de burn-out énoncés. Si le chercheur se fixe comme critère un taux élevé pour seulement un critère sur les trois possibles, les résultats atteignent parfois des proportions de burn-out supérieures à 50 % de la population étudiée. S’il exige des taux élevés pour les 3 critères, on trouve encore des chiffres importants mais sans doute plus réalistes, inférieurs à 10 %.</p>
<p>Quel que soit l’instrument de mesure, les soignants se montrent particulièrement touchés. Déjà en 2007, <a href="http://www.urml-idf.org/upload/etudes/etude_070723.pdf">dans l’étude</a> que j’ai menée auprès de 10 000 médecins libéraux d’île-de-France (parmi les 24 000 recensés par l’Union régionale des médecins libéraux), 53 % d’entre eux se déclaraient menacés par le burn-out. Le chiffre montait à 60,8 % pour les généralistes.</p>
<p>L’enquête nationale réalisée auprès de médecins et de pharmaciens hospitaliers par des chercheurs de l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu, l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21123828">étude SESMAT</a>, publiée en 2011, a montré une proportion de burn-out de 42,4 %.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5751%2C3440&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/163094/original/image-20170329-1677-1b0gc4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Médecins, infirmiers, aide-soignants, toutes les professions du soin sont menacées par l'épuisement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/closeup-portrait-young-depressed-woman-healthcare-214672921">Shutterstock</a></span>
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<h2>7 % de burn-out chez les internes</h2>
<p>Une étude nationale, menée <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23561789">en 2010 auprès de tous les étudiants internes en médecine générale</a>, a suscité une forte participation (les deux tiers), permettant d’analyser 4 050 réponses sur un total de 6 349 internes. Les résultats ont montré un fort épuisement émotionnel chez 16 % d’entre eux ; une forte dépersonnalisation chez 33,8 % ; un faible accomplissement personnel chez 38,9 %. Les scores sur ces trois critères atteignaient le niveau fort chez 7 % de ces internes.</p>
<p>Rappelons que les médecins ont un risque de suicide 2,3 fois plus élevé que les autres professions, selon l’étude réalisée par le Dr Yves Léopold, publiée en 2008 dans la revue de formation médicale <em>Le Concours médical</em>.</p>
<p>Enfin une étude réalisée dans 12 pays européens et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18622012">publiée en 2008 par une équipe britannique</a>, l’étude EGPRN, a montré que l’intensité du burn-out chez les médecins généralistes n’est pas une particularité française. Chez les praticiens interrogés, 43 % déclarent un fort épuisement émotionnel, 35 % une forte dépersonnalisation et 32 % une forte baisse de l’accomplissement personnel. Au total, 12 % déclarent un score fort dans les trois dimensions. Surtout, on observe des variations selon les pays, suggérant que le contexte national joue sur la santé mentale des médecins. Et qu’en améliorant l’un, on peut améliorer l’autre.</p>
<h2>Le bien-être des soignants, condition de la qualité des soins</h2>
<p>Au-delà du risque pour les soignants eux-mêmes, le burn-out met en péril la qualité de leur travail et la sécurité des patients. Comme l’indique le sociologue canadien Jean Wallace <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19914516">dans une revue de la littérature scientifique</a>, le bien-être des médecins est aussi une condition à la qualité des soins, malheureusement rarement retenu parmi les indicateurs surveillés par les autorités sanitaires.</p>
<p>Du burn-out des soignants peuvent découler des erreurs médicales, comme je le montre dans l’ouvrage <a href="http://www.springer.com/br/book/9782817802947"><em>L’erreur médicale, le burn-out et le soignant</em></a> (Springer). La prévention des accidents médicaux passe, aussi, par la prévention de l’épuisement professionnel, à l’hôpital comme dans les cabinets de ville.</p>
<p>Il est trop tôt, encore, pour juger des résultats des initiatives prises par le précédent gouvernement à ce sujet. Dans les suites du suicide du médecin à l’HEGP, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) s’était en effet vue confier une mission sur les « risques psychosociaux des personnels médicaux », qui a débouché en 2016 sur un <a href="http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article567">volumineux rapport</a>.</p>
<h2>Un plan pour la qualité de vie au travail</h2>
<p>Dans la foulée, le 5 décembre 2016, la ministre de la Santé d'alors, Marisol Touraine, avait exposé sa <a href="http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_qvt_05122016.pdf">Stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail des soignants</a>. Avec un sous-titre éloquent, <a href="https://www.mutualite.fr/actualites/marisol-touraine-plan-prendre-soins-soignants/">« prendre soin de ceux qui nous soignent »</a>. Après avoir exposé son plan pour l’hôpital, elle avait détaillé le 21 mars 2017 les <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/20460-Marisol-Touraine-au-chevet-des-professionnels-de-sante-liberaux">mesures prévues pour les professionnels de ville</a>.</p>
<p>Mais le burn-out reste trop souvent réduit, actuellement, à la seule notion d’épuisement physique. On le voit avant tout comme une immense fatigue face à la surcharge de travail, en oubliant ses dimensions émotionnelle et relationnelle. Ces dernières sont pourtant celles qui donnent valeur et sens à l’activité professionnelle, en particulier chez les soignants. Car l’exercice de la médecine clinique ne se conçoit pas sans humanité, sans désir d’aider le patient, donc sans une implication émotionnelle plus ou moins facile à doser.</p>
<p>En niant cet aspect du problème, l'aide-soignant, l'infirmier ou le médecin épuisé risque de se mettre à considérer ses patients comme des objets et d’altérer, du même coup, son accomplissement personnel. Il met ainsi en péril ce qui constitue l’essence même de son métier. <a href="http://conf.eaph.aapml.fr/">« Etre un docteur et rester une personne »</a>, pour reprendre l’intitulé d'un colloque organisé en 2017 à Paris par l’<a href="http://www.eaph.eu/">Association européenne pour la santé des médecins</a> (European Association for Physician Health, EAPH), n’est pas une option ; c’est une nécessité. « Prendre soin de ceux qui nous soignent » en est une autre, si les patients souhaitent être bien suivis et ainsi, se respecter eux-mêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74653/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Galam est membre de l'EAPH (European Association for Physician Health) et coordonnateur de l'AAPML (Association d'Aide Professionnelle aux Médecins Libéraux) qui ont organisé le colloque "Etre un docteur et rester une personne".
Il a reçu 350 euros en mars 2015 de l'association Preuves et Pratiques pour une intervention en congrès sur l'agressivité en consultation. </span></em></p>Les patients ne sont pas disposés à entendre la lassitude ou l'épuisement du personnel de santé. La grève nationale dans les établissements pour personnes âgées vient leur rappeler cette réalité.Eric Galam, Professeur en médecine générale, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.