tag:theconversation.com,2011:/id/topics/jeux-video-23270/articlesjeux vidéo – The Conversation2024-03-21T15:42:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2244002024-03-21T15:42:25Z2024-03-21T15:42:25Z« Super Mario Bros », « Assassin’s Creed », « Uncharted »… les jeux vidéo au cinéma, un pari gagnant ?<p>En 2023, <em>Super Mario Bros</em>, le film inspiré du jeu éponyme Nintendo s’est hissé au top du box-office en France avec <a href="https://www.senscritique.com/liste/le_box_office_france_2023/3370432">7 359 264 entrées</a>. C’est un cas spécifique d’une pratique bien connue et couramment utilisée sur le marché du divertissement : l’adaptation d’un contenu narratif d’un média vers un autre, une stratégie performante à bien des égards.</p>
<h2>L’adaptation d’un contenu, une stratégie gagnante ?</h2>
<p>Le cas le plus courant est l’adaptation d’un livre au cinéma, et qui a prouvé son efficacité depuis les origines de ce média. D’un point de vue commercial, les adaptations cinématographiques de livres rapportent 53 % de plus que les films issus de scénarios originaux et <a href="https://www.forbes.com/sites/adamrowe1/2018/07/11/why-book-based-films-earn-53-more-at-the-worldwide-box-office/">70 % des 20 films les plus rentables au monde sont basés sur des livres</a>.</p>
<p>Côté audiences, l’adaptation d’une histoire qui a bien fonctionné et a conquis une large cible assure l’attrait d’un public captif qui voudra certainement la revoir sur un autre média permettant d’en enrichir l’expérience. L’attrait pour la répétition est visible dès l’enfance. Dès notre plus jeune âge, nous écoutons ou regardons des récits (contes, histoires racontées par nos aînés, livres et films). <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/18/4/425/1814263">Laura Perachio</a> montre que les enfants préfèrent la fidélité à l’interprétation créative. Ils aiment revivre une histoire qu’ils connaissent déjà. Ils y recherchent une expérience prévisible qui les rassure car ils en connaissent les personnages, le climax et le dénouement.</p>
<h2>Transposer une histoire sans la dénaturer</h2>
<p>Le processus d’adaptation d’un jeu vidéo au cinéma (ou l’inverse) peut être analysé sous l’angle du concept d’extension de marque, bien connu en marketing. <a href="https://www.meltwater.com/fr/blog/extension-de-la-marque">L’extension de marque</a> consiste à développer et commercialiser de nouveaux produits sous le nom d’une marque existante, mais dans de nouvelles catégories. Par exemple Nutella (marque mère, catégorie des pâtes à tartiner) lance des biscuits (extension de la marque vers une nouvelle catégorie, les <a href="https://www.nutella.com/fr/fr/produits/nutella-biscuits">biscuits</a>. L’objectif est de faire levier sur la notoriété, l’image et la confiance associées à la marque existante, afin de pénétrer de nouveaux marchés. Il est essentiel que l’extension de marque soit cohérente avec les valeurs de la marque mère, ceci pour éviter toute confusion ou dilution de son image. Cette cohérence, appelée « fit » entre marque mère et extension, facilite le transfert des valeurs de la marque vers l’extension. En retour, cela renforce la crédibilité de la marque mère et crée une connexion positive avec le public cible.</p>
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<p>Les <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/adaptation-des-films-de-cinema-en-jeux-video-une-analyse-statistique">chiffres</a> montrent que cette forme d’extension de marque rencontre un fort succès <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/adaptation-des-films-de-cinema-en-jeux-video-une-analyse-statistique">dans le cas de jeux vidéo adaptés au cinéma</a>.</p>
<h2>Pourquoi la synergie entre jeux vidéo et cinéma opère ?</h2>
<p>D’abord, au fil des années et des avancées technologiques, nous observons une convergence technique entre ces deux médias. Les jeux vidéo, comme le cinéma, recherchent le réalisme dans les cadrages, les plans ; utilisent de vrais acteurs par capture de mouvement pour rendre les animations des personnages plus <a href="https://www.gameher.fr/blog/le-realisme-dans-le-jeu-video">réalistes</a> ; des <a href="https://idealogeek.fr/evolution-graphismes-jeux-video/">graphismes haute définition</a> ; incluent des <a href="https://www.gameher.fr/blog/les-cinematiques-dans-les-jeux-video">cinématiques</a> (scènes pendant lesquelles le joueur ne joue pas, servant à avancer la narration, introduire un personnage, booster l’immersion).</p>
<p>Ensuite, l’adaptation de jeux vidéo au cinéma capitalise sur des audiences captives qui sont déjà fidèles à l’univers du jeu et seront certainement les premières à se rendre en salle, ce qui réduit le risque associé au lancement du film. De plus, la transposition de l’univers d’un jeu vidéo en format film élargit la base des publics, car le film est un format court, grand public et plus facile d’accès. Habituellement, un jeu vidéo dure plusieurs dizaines d’heures (<a href="https://howlongtobeat.com/?q=assassin%27s%2520creed">143h</a> pour finir <em>Assassin’s Creed Odyssey</em> ; <a href="https://howlongtobeat.com/?q=mario%2520kart">52h</a> pour finir <em>Mario Kart Delux</em>, voire des années pour les jeux saga (<a href="https://www.guinnessworldrecords.com/world-records/longest-running-role-playing-game-franchise">33 ans 123 jours</a> pour le jeu <em>Dragon Quest</em>), alors que le format court du film permet une immersion immédiate dans l’univers.</p>
<p>Le film <em>Assassin’s Creed</em> de 2016 ne visait pas obligatoirement une rentabilité immédiate mais plutôt des objectifs de promotion de la licence par une plus large <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/512657/le-film-assassin-s-creed-n-est-pas-fait-pour-rapporter-beaucoup-d-argent-selon-ubisoft.htm">diffusion de la marque</a> auprès des audiences non acquises à la licence et à l’univers du jeu.</p>
<p>Il est important de souligner qu’il existe une <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/adaptation-des-films-de-cinema-en-jeux-video-une-analyse-statistique">asymétrie dans le processus d’adaptation</a>, une majorité de jeux vidéo étant adaptés en films alors que peu de films sont adaptés en jeux vidéo.</p>
<p>Même si les maisons de production cinématographique et les éditeurs de jeux vidéo semblent coopérer avec succès, il est déterminant que l’adaptation soit validée par les spectateurs.</p>
<h2>Un accueil mitigé</h2>
<p>La réponse est nuancée. Par exemple, le film <em>Uncharted</em>, adapté de l’immense succès de la série de jeux sur PlayStation, est un <a href="https://cinefilms-planet.fr/uncharted/">succès commercial</a> avec un budget de production estimé à 120 millions de dollars et 400 millions de dollars de recettes au box-office mondial, mais l’évaluation du public est mitigée : note <a href="https://www.imdb.com/title/tt1464335/?ref_=nv_sr_srsg_0_tt_8_nm_0_q_uncharted">6,3/10 sur IMDb</a>.</p>
<p>Le film <em>Super Mario Bros</em>, quant à lui, avec un budget de production de 100 millions de dollars, a dépassé le <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/cinema-le-film-super-mario-a-depasse-le-milliard-de-dollars-de-recettes-dans-le-monde-1467231">milliard de dollars de recettes</a> dans le monde et a été plus favorablement évalué par le public : <a href="https://www.imdb.com/title/tt6718170/?ref_=nv_sr_srsg_0_tt_3_nm_5_q_mario">7/10 sur IMDb</a>.</p>
<p>Le public qui consomme au cinéma un contenu narratif provenant d’un autre média arrive avec des attentes que l’adaptation doit satisfaire. Mais ces attentes sont ambivalentes. Les spectateurs veulent retrouver parfaitement préservée une histoire déjà connue et appréciée, tout en vivant une expérience suffisamment différente, nouvelle et enrichie. L’adaptation doit donc progresser sur une ligne de crête particulièrement étroite, avec d’un côté la fidélité à la source, et de l’autre l’enrichissement créatif. Par exemple, le film <em>Super Mario Bros</em> est resté très fidèle à l’univers coloré du jeu, aux protagonistes, tout en proposant une histoire plus complexe avec une vraie recherche sur le personnage de la princesse Peach forte et indépendante qui se défend seule avec ses prises de catch, avec des éléments créatifs propres au média cinématographique, comme les voix d’acteurs connus, une musique qui rappelle les thèmes du jeu mais qui est remixée avec des trouvailles musicales comme la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Haxd9R8fdH0">déclaration d’amour de Bowser à Peach au piano</a>.</p>
<p>Le lien entre jeux vidéo et cinéma continuera à se renforcer dans l’avenir. Au niveau mondial l’industrie du jeu vidéo <a href="https://www.syfy.com/syfy-wire/video-games-2020-revenues-outpace-movies-sports">dépasse celle du cinéma en termes de recettes</a>. Elle affiche une croissance constante et une base de joueurs en augmentation continue.</p>
<p>Cette coopération est donc clairement un « GG » (<a href="https://www.journaldunet.fr/guides-d-achat/guide-du-jeu-video/1502821-gg-jeu-video-definition-traduction-exemple/">« Good Game » dans le jargon des gamers)</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224400/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment s’explique la recette gagnante des adaptations au cinéma de jeux vidéo à succès ?Guergana Guintcheva, Professeur de Marketing, EDHEC Business SchoolPhilippe Aurier, Professeur de marketing, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2237752024-03-14T18:59:25Z2024-03-14T18:59:25ZL’e-sport, facteur d’inclusion et d’ascension sociale ?<p>Le jeu vidéo est la plus jeune industrie culturelle, mais aussi la plus importante, avec un marché <a href="https://www.leparisien.fr/economie/le-jeu-video-un-marche-plus-important-que-ceux-du-cinema-et-la-musique-reunis-22-10-2023-O544EA2EZ5AVTCHNL5IJOKY4FM.php">supérieur à ceux de la musique et du cinéma réunis</a>. La professionnalisation de ce divertissement a donné lieu à une nouvelle activité économique : l’e-sport.</p>
<p>Les compétitions internationales de jeux vidéo attirent une audience considérable, que ce soit via le streaming online ou lors d’événements physiques. En France, <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-05-19/plus-de-10-millions-de-personnes-pratiquent-ou-regardent-l-e-sport-mais-est-ce-vraiment-un-sport-a12f0d93-5b15-45ff-892e-366b10faa39d">10,8 millions de personnes pratiquent ou regardent l’e-sport</a>, en faisant un <a href="https://theconversation.com/le-jeu-video-counter-strike-un-eldorado-pour-investisseur-193885">secteur prometteur pour les investisseurs</a> et les annonceurs. <a href="https://www.sports.gouv.fr/faire-de-la-france-une-grande-nation-de-l-esport-et-donner-une-nouvelle-impulsion-la-strategie-1639">La France souhaite renforcer sa présence</a> en soutenant l’écosystème national et en créant de nouvelles grandes compétitions.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://theconversation.com/le-sport-discipline-populaire-mais-en-crise-214331">pratique de l’e-sport</a> garde une image élitiste et excluante. Le coût et la qualité du matériel nécessaire en font une discipline réservée aux classes sociales les plus élevées – un PC de gamer coûte plusieurs milliers d’euros, sans parler du clavier, du micro, de la caméra… Mais depuis 2020, l’e-sport sur mobile, bien plus accessible, <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/11/gaming-games-consels-xbox-play-station-fun/">a atteint plus de 51 % du marché mondial</a>, dépassant à lui seul tous les autres supports réunis : PC, console, arcade, cloud et réalité virtuelle. Bien qu’<a href="https://afjv.com/news/11292_etude-mediametrie-2023-francais-jeux-video.htm">elles représentent 53 % des pratiquants réguliers de jeux vidéo en France</a>, seulement 10 % des joueurs professionnels sont des femmes, dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/autres-sports/e-sport-malgre-le-sexisme-les-femmes-plus-que-jamais-pretes-a-s-imposer-20230704">environnement qui peut parfois s’avérer sexiste</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">CS :GO, LoL, Fortnite : pourquoi il y a si peu de femmes dans l’e-sport ?</span></figcaption>
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<p>Pourtant, dans certains pays en développement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296323007415">l’e-sport est un moyen de favoriser la diversité</a>, de valoriser les communautés, et de permettre l’ascension sociale. Bien que les ressources et les infrastructures y soient moins importantes, <a href="https://www.esportsearnings.com/countries">neuf des vingt pays qui dominent l’e-sport en termes de revenus sont des pays émergents</a> : la Chine, la Russie, le Brésil, l’Ukraine, la Thaïlande, la Pologne, Taïwan, les Philippines, et la Malaisie. Près de la moitié des revenus mondiaux de l’e-sport proviennent de ces pays émergents. Cet article se focalise sur les pratiques au Brésil et en Inde.</p>
<h2>L’e-sport mobile dans les favelas du Brésil</h2>
<p>Au Brésil, l’accès à Internet est à la fois coûteux et très rudimentaire en périphérie des grandes villes et le matériel informatique coûte plus cher que dans les pays occidentaux avec un salaire minimum proche de 200 euros. Grâce au jeu mobile, le Brésil est le deuxième pays au monde juste après les États-Unis qui a le <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/twitch-users-by-country">plus de spectateurs uniques mensuels sur Twitch avec 16,9 millions</a>. Les adolescents des favelas et des quartiers populaires voient dans l’e-sport un moyen de sortir de la pauvreté. Ils forment des communautés de joueurs où ils s’entraident pour progresser et s’efforcent de créer un écosystème favorable dans lequel ils pourront générer des revenus.</p>
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<p>Le <a href="https://ff.garena.com/en/">jeu <em>Free Fire</em></a> qui rassemble 71 % des joueurs brésiliens est le <a href="https://sambadigital.com/free-fire-brazils-hottest-video-game/">plus populaire car son fonctionnement ne nécessite qu’un smartphone ordinaire</a> et une connexion Internet stable. Ce jeu de <em>battle royale</em> qui mêle survie et tir selon la mécanique du <em>last man standing</em> (dernier survivant) et qui <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">ressemble beaucoup à <em>Fortnite</em></a> s’appuie sur une base de <a href="https://afkgaming.com/mobileesports/guide/how-many-fans-does-free-fire-have-in-the-world">plus de 196 millions de joueurs actifs mensuels</a> et 13 millions quotidiens pour concurrencer des jeux puissants sur mobile comme <em>Call of Duty</em> et <em>PUBG</em> (anciennement <em>PlayerUnknown’s Battlegrounds</em>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer des championnats du monde de <em>Free Fire</em> 2023.</span></figcaption>
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<p><a href="https://liquipedia.net/freefire/Liga_Brasileira_de_Free_Fire">La ligue professionnelle brésilienne de <em>Free Fire</em></a> est très active et produit de nombreux champions, dont le <a href="https://liquipedia.net/freefire/Nobru">streamer Nobru</a>, vainqueur du championnat du monde en 2019, qui compte <a href="https://www.instagram.com/nobru/">15 millions de followers sur Instagram</a> et <a href="https://www.youtube.com/@NobruTV">autant sur YouTube</a>. Cerol, autre célèbre joueur de <em>Free Fire</em>, a été élu meilleur streamer du pays en 2019. Mais les nouveaux rois de <em>Free Fire</em> sont les membres de <a href="https://loud.gg/">l’équipe brésilienne Loud</a>, qui en plus d’être leader sur Twitch, est le premier collectif e-sport au monde à atteindre le milliard de vues sur YouTube. Cette entreprise qui a connu une croissance fulgurante a été créée par le champion <a href="https://www.linkedin.com/in/brunobcoliveira/">Bruno « PlayHard » Bittencourt</a>, <a href="https://www.linkedin.com/in/jean-ortega-296303118/">Jean Ortega</a>, et <a href="https://www.linkedin.com/in/matthew-h-130990185/">Matthew Ho</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1735314056746013103"}"></div></p>
<p>PlayHard a recruté les meilleurs jeunes joueurs de <em>Free Fire</em> et convaincu les parents et les marques du potentiel de l’e-sport pour développer Loud. PlayHard souhaite favoriser une meilleure visibilité de la population noire sous-représentée parmi les streamers et créateurs de contenus. Il a particulièrement <a href="https://ge.globo.com/esports/valorant/noticia/2023/01/04/c-valorant-loud-entrara-no-cenario-feminino-com-quarteto-ex-b4.ghtml">encouragé les jeunes femmes à devenir pro-gameuses</a>, ayant perçu le fort potentiel commercial de l’e-sport féminin. En 2023, Loud a annoncé la <a href="https://www.meioemensagem.com.br/marketing/organizacoes-esports-inclusao">formation d’une équipe inclusive</a> composée de femmes cisgenres et transgenres, et de personnes non binaires. Loud est aussi à l’initiative de nombreuses actions humanitaires dans les favelas pour fournir du matériel informatique aux enfants et aux jeunes et leur proposer des formations aux nouvelles technologies numériques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Brésil, l’e-sport détrône le football dans les favelas.</span></figcaption>
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<p>Avec la même vision, <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">AfroGames est le premier centre d’entraînement pour athlètes e-sport au monde à être basé dans une favela</a>. Dans la zone nord de Rio de Janeiro, des centaines de jeunes vont se former pour devenir streamers et pro-gamers. Exclus de la société et immergés dans un environnement où la criminalité est la norme, ils voient dans l’e-sport un <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">moyen de gagner leur vie honnêtement et de retrouver espoir dans l’avenir</a>. <a href="https://forbes.com.br/forbes-tech/2023/05/com-foco-em-integrar-jovens-da-periferia-aos-games-afrogames-expande-alem-do-rio/">AfroGames est soutenue par plusieurs marques</a> comme la compagnie aérienne GOL, la boutique de jeux en ligne Nuuvem et le fabriquant de mémoire informatique Kingston. Plusieurs autres associations et académies d’e-sport se sont développées pour détecter et accompagner les meilleurs talents de l’e-sport brésiliens comme <a href="https://loja.fluxo.gg/">Fluxo</a>, <a href="https://neverest.gg/">Neverest</a>, et <a href="https://intz.com.br/">INTZ</a>.</p>
<h2>Le défi de l’inclusion par le jeu vidéo en Inde</h2>
<p>L’Inde est aujourd’hui le <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/economy/indicators/india-becomes-the-most-populated-a-dividend-or-a-damper/articleshow/99619028.cms">pays le plus peuplé du monde</a>, ayant dépassé la Chine en 2022, avec 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 370 millions de jeunes entre 10 et 25 ans. L’Inde souffre d’un niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/31/c-est-une-perte-de-temps-desillusionnes-et-frustres-nombre-d-indiens-quittent-le-marche-du-travail_6139659_3234.html">Le taux de chômage des jeunes dépasse 40 %</a>. Même les titulaires d’un master ont du mal à trouver un emploi et, lorsqu’ils y parviennent, le salaire est très bas, ce qui les empêche de subvenir à leurs besoins. Les taux d’équipement en ordinateurs et consoles sont très faible, mais il y a <a href="https://tech.hindustantimes.com/tech/news/india-to-have-over-800-million-smartphone-users-by-2022-cisco-study-story-nnYnDOiY6nulyiKRaZRsDP.html">800 millions d’utilisateurs de smartphones</a>, ce qui explique que l’e-sport soit essentiellement mobile.</p>
<p>Comme au Brésil, les <a href="https://esportsinsider.com/2023/06/esports-around-the-world-india">jeux de battle royale tels que <em>Free Fire</em>, <em>Fortnite</em> et <em>PUBG Mobile</em>, sont les plus populaires</a>, ainsi que <em>Call of Duty</em>, <em>Valorant</em>, <em>DOTA 2</em> et <em>League of Legends</em>. La pandémie de Covid-19 a stimulé l’usage des smartphones et le recours aux jeux vidéo comme passe-temps. De nombreux jeunes ayant perdu leur job étudiant ont transformé cette épreuve en opportunité en devenant entrepreneurs ou champions d’e-sport. Ainsi, en Inde les <a href="https://www.statista.com/statistics/1263250/india-esports-revenue-by-category/">revenus de l’e-sport ont plus que doublé entre 2021 et 2023</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Free Fire India, la version spécialement conçue pour l’Inde.</span></figcaption>
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<p>L’un des avantages de l’Inde dans le domaine de l’e-sport est que le coût de l’accès à Internet est l’un des plus bas au monde. YouTube y est très puissant avec environ 450 millions d’utilisateurs actifs. En plus des <a href="https://fr.babbel.com/fr/magazine/guide-des-langues-parlees-en-inde">22 langues officielles, plus de 200 langues autochtones</a> et des milliers de dialectes y sont parlés. Les marques souhaitent accéder à des ambassadeurs capables de promouvoir leurs produits dans les principales langues et à travers différentes communautés. Cela rend les streamers et les champions d’e-sports particulièrement intéressants d’un point de vue marketing, car ils peuvent <a href="https://www.game-insiders.com/blog/diversite-et-inclusion-dans-le-marketing-de-jeux-video-quelles-strategies-pour-un-marche-plus-inclusif">générer un taux d’engagement très élevé de manière inclusive</a> en termes de genre, de caste, de religion, et d’origine sociale.</p>
<p>C’est ce que propose <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7R4rzPBvlYU">Tushaar Garg, le fondateur et PDG de StreamO</a> et Irony Esports. Expert en marketing sportif, il a travaillé pour plusieurs institutions, dont l’<em>Indian Premier League Cricket</em>, la plus grande ligue sportive d’Inde. En août 2020, il crée StreamO, une entreprise visant à développer de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/blogs/voices/gender-inclusivity-in-the-gaming-sector-for-a-healthy-workplace-culture/">nouveaux espaces de rencontre inclusifs</a> centrés sur le jeu vidéo, à faciliter la formation de communautés de super fans de champions d’e-sport, à aider à monétiser le contenu des créateurs dédiés au jeu vidéo et à connecter les marques avec des publics jeunes ayant un haut niveau d’engagement.</p>
<p><a href="https://www.streamo.media/brands">Ces marques incluent</a> Amazon Prime, Netflix, Hyudai, Intel, Sony, Spotify et Puma. Plus de 5200 youtubeurs travaillent avec StreamO, ce qui représente plus de 100 millions d’abonnés. Grâce à StreamO, les streamers peuvent multiplier leur monétisation entre 10 et 20, selon la taille de leur communauté, ce qui leur permet de devenir eux-mêmes entrepreneurs, de développer leur structure, et d’avoir un impact positif sur la société et l’économie.</p>
<h2>Des modèles à suivre</h2>
<p>Bien que l’e-sport ne soit pas un exemple d’inclusivité en France et plus généralement dans les pays occidentaux, il est remarquable de constater que dans des pays comme le Brésil et l’Inde, des entrepreneurs audacieux utilisent le jeu vidéo comme un levier pour favoriser le développement social et la diversité. Malgré un manque de moyens et une maturité moins élevée, les efforts qui sont menés pour mettre en œuvre ces bonnes pratiques favorisent une société plus juste et plus inclusive dans ce secteur en plein essor.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pratique de l’e-sport peut paraître élitiste et excluante. Pourtant, les initiatives inclusives en faveur de la diversité se multiplient, surtout dans les pays émergents.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199832024-01-24T17:16:20Z2024-01-24T17:16:20ZRéguler les pratiques numériques des ados : un défi pour les parents ?<p>Durant l’adolescence, les amis et camarades de classe ou de loisirs – les « pairs » de l’enfant – prennent une place de plus en plus importante dans sa vie, ce qui vient déstabiliser l’équilibre des relations qu’il entretient avec ses parents. Ces personnes du même âge lui offrent d’autres points de repère et ont une influence croissante sur ses goûts, l’incitent à développer de nouveaux modes de sociabilités, <a href="https://www.cairn.info/La-culture-des-individus--9782707149282.htm">marqueurs d’une émancipation vis-à-vis des parents</a> ainsi qu’une <a href="https://www.cairn.info/l-enfance-des-loisirs--9782110975454.htm">autonomisation culturelle</a>.</p>
<p>Les produits issus des industries culturelles, composants essentiels des cultures juvéniles, deviennent des <a href="https://shs.hal.science/file/index/docid/910789/filename/CulturesLyceennes.pdf">signes d’appartenance</a> dont il faut être porteur. Parmi eux, les outils numériques constituent des supports privilégiés de divertissement, de sociabilité, d’informations par lesquels les adolescents se conforment aux attentes du groupe et individualisent leurs pratiques. Pour les jeunes, la <a href="https://www-cairn-info.distant.bu.univ-rennes2.fr/la-culture-de-la-chambre--9782110975409.htm">chambre</a> devient un espace privilégié pour développer des activités à l’abri du regard des adultes.</p>
<p>Face à ces conduites émancipatrices, les parents s’efforcent d’accompagner les transitions tout en cherchant à garantir la réussite scolaire, l’épanouissement de leurs enfants et l’équilibre familial. Selon la familiarité qu’ils ont avec le numérique, ils sont plus ou moins sensibles ou perméables aux <a href="https://www-cairn-info.distant.bu.univ-rennes2.fr/les-enfants-et-les-ecrans--9782725643816.htm">paniques morales autour des « dangers des écrans »</a> circulant dans l’espace public.</p>
<h2>Le numérique, outil de connaissance et divertissement</h2>
<p>La <a href="https://www.gouvernement.fr/efran-les-22-laureats">recherche Idée, opération soutenue par l’État dans le cadre du volet e-FRAN du Programme d’investissement d’avenir</a>, opéré par la Caisse des Dépôts (portant sur un échantillon socialement et géographiquement hétérogène de plus de 800 parents bretons d’élèves de cinquième), indique que 75 % des parents valident l’idée que les messageries, les réseaux sociaux numériques ou les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a> empêchent leur adolescent de faire des choses plus intéressantes. Environ un tiers considère même qu’ils ont un effet négatif sur son comportement.</p>
<p>En revanche, ils sont plus de 70 % à considérer qu’il est important que leur adolescent puisse avoir accès à Internet quand il fait ses devoirs. Les parents tendent ainsi à opposer un « numérique » légitime comme outil de connaissance à un « numérique » plus abêtissant, voire néfaste, dans ses usages plus spécifiquement juvéniles et souhaitent tous réguler ces pratiques.</p>
<p>Les données de la recherche <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-11-INEG-0010">INEDUC</a> financée par l’Agence nationale de la recherche (ANR) nous ont permis d’identifier les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/efg/2018-n31-efg04728/1061777ar/resume/">dynamiques familiales autour des pratiques d’écrans des adolescents</a>. Pour les parents, leur régulation est d’autant plus ardue que les ados cherchent à préserver leur espace de liberté et de décompression. Ils sont souvent seuls au domicile au retour de l’école. Les parents s’interrogent alors sur leurs activités, le respect des règles concernant les écrans, les devoirs faits en leur absence. Mais la réponse est peu évidente : faut-il couper la connexion Internet au risque d’entraver l’accès aux devoirs désormais en ligne <em>via</em> les ENT, la collaboration entre pairs et l’accès à des informations en ligne ?</p>
<p>Les parents subissent la pression de leurs ados pour qui l’intégration au groupe des pairs comporte des passages obligés : équipement de plus en plus précoce en smartphone, accès aux jeux vidéo plébiscités et aux réseaux sociaux numériques. Les parents hésitent à les interdire de peur de marginaliser leur ado du groupe de pairs.</p>
<p>Au final, les parents adoptent des stratégies de régulation à partir de leurs objectifs éducatifs, des contraintes auxquelles ils font face, de leurs représentations des pratiques numériques juvéniles et de leur proximité avec la culture numérique.</p>
<h2>Gérer les équipements et le temps d’écran</h2>
<p>Les stratégies de régulation mises en place par les parents se déploient dans quatre domaines, le premier étant celui de l’équipement. Il existe une différenciation socioculturelle des appareils disponibles au sein du foyer, détenus en propre par les adolescents ou partagés. Dans les milieux populaires, les parents équipent plus tôt leurs enfants en appareils numériques à des fins de loisirs (consoles, tablettes, smartphone). L’équipement familial en ordinateur dépend en revanche souvent de l’entrée au collège de l’aîné, quand il est en général présent dans les milieux favorisés, indépendamment de la scolarité des enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/smartphones-pourquoi-vos-enfants-ont-tant-de-mal-a-se-deconnecter-179966">Smartphones : pourquoi vos enfants ont tant de mal à se déconnecter</a>
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<p>Aussi, la plupart des parents équipent leurs enfants d’un téléphone portable pour des raisons de sécurité, pour qu’ils soient joignables à tout moment ou parce que, de guerre lasse, ils cèdent au fait que « tout le monde en a un ». L’équipement est néanmoins plus souvent discuté et retardé dans les familles favorisées.</p>
<p>La gestion du « temps d’écran », deuxième domaine sur lequel portent les stratégies des parents, cristallise actuellement, dans une perspective protectionniste, une partie des discours publics. Elle est aussi la principale source de conflit et de négociation entre parents et adolescents. Des différences s’observent néanmoins entre les familles : quand certains parents font confiance à leurs ados et contrôlent faiblement le temps qu’ils passent devant les écrans, d’autres le contrôlent fortement et s’aident d’outils de contrôle parental.</p>
<p>Mais pour la plupart des familles, le contrôle reste souple, essentiellement axé sur les heures d’endormissement : les discours parentaux lient questions de santé et exigences du travail scolaire pour imposer leurs limites. Enfin, si l’ensemble des familles expriment des difficultés à gérer les temporalités, certaines adoptent un certain « laisser-faire », particulièrement lorsque les conditions sociales d’existence, par exemple la monoparentalité ou des horaires de travail décalés, compliquent les possibilités de supervision. De façon générale, les temps de pratiques numériques sont plus contraints dans les familles favorisées, les adolescents y étant aussi plus nombreux à multiplier les activités extra-scolaires encadrées.</p>
<h2>Une difficulté à contrôler les contenus sur mobiles</h2>
<p>La régulation des temporalités s’articule à celle de la localisation des appareils d’autant que les appareils mobiles peuvent être utilisés dans différentes pièces du domicile. Là aussi, il existe des différences entre les familles qui autorisent les usages dans la chambre, celles qui les tolèrent pendant un temps donné et celles qui exigent que les appareils soient utilisés depuis une pièce commune.</p>
<p>Les adolescents de milieux populaires ont un accès plus important aux appareils dans leur chambre : la taille de l’habitat et de la fratrie joue un rôle sur les régulations des espaces d’accès, en particulier lorsque les enfants partagent la même chambre. Dans les familles favorisées, l’accessibilité des appareils depuis un espace partagé permet aux parents de pratiquer une surveillance discrète. Elles sont aussi nombreuses à autoriser les écrans dans les chambres en privilégiant le contrôle du temps à celui du lieu.</p>
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<p>Les contenus consommés par les ados (vidéos, séries, jeux vidéo) et ceux qu’ils partagent sur les réseaux sociaux sont également régulés, non sans difficultés. Les contenus autorisés sont plutôt définis par défaut, par les interdictions. Ce constat d’ordre général effectué à partir des données INEDUC est retrouvé dans des recherches plus récentes portant sur les <a href="https://journals-openedition-org.scd-proxy.univ-brest.fr/sociologie/10319">pratiques de lecture sur écran</a>.</p>
<p>Mais quand certains parents interdisaient le visionnage de contenus comme la téléréalité ou des séries jugées violentes sur la télévision familiale, il leur est difficile de contrôler ce que regardent leurs ados sur les supports mobiles. Les interdictions se situent désormais plutôt au niveau de l’accès, ou non, à certains réseaux sociaux (Snapchat, Tik Tok, par exemple) davantage associés par les parents à des dangers potentiels en termes de contenus.</p>
<p>Par ailleurs, alors que le cyberharcèlement et les contenus choquants ou pornographiques inquiètent les parents de tous milieux sociaux, les stratégies de régulation passent aussi par des discours d’accompagnement et des discussions.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-11-INEG-0010">Inégalités éducatives et construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie – INEDUC</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barbara Fontar a reçu des financements de l'ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Agnès Grimault-Leprince a reçu des financements de l'ANR et de la Caisse des Dépôts (volet e-FRAN du Programme d’investissement d’avenir).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mickaël Le Mentec a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR). </span></em></p>À une époque où les écrans sont omniprésents, comment réguler leur place dans la vie des ados ? Au-delà de la gestion des équipements, le contrôle parental passe beaucoup par l’accompagnement.Barbara Fontar, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université Rennes 2Agnès Grimault-Leprince, Maîtresse de conférences Sociologie, Université de Bretagne occidentale Mickaël Le Mentec, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197742024-01-11T16:42:26Z2024-01-11T16:42:26ZGTA VI, le jeu vidéo le plus attendu de tous les temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568112/original/file-20240106-21-35m25l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C2560%2C1586&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lucia et Jason, les « héros » de GTA VI</span> <span class="attribution"><span class="source">Wall.alphacoders.com</span></span></figcaption></figure><p>Sortie le 5 décembre 2023 et cumulant 150 millions de visualisations en trois semaines, la première <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QdBZY2fkU-0">bande-annonce du jeu vidéo <em>Grand Theft Auto VI</em></a> est devenue iconique pour les gamers du monde entier, impatients d’expérimenter ce jeu considéré comme le plus attendu de tous les temps. Cette bande-annonce est la <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/gta-vi-la-bande-annonce-bat-deja-des-records-et-devient-la-troisieme-video-la-plus-vue-de-youtube-en-24-heures-06-12-2023-YGGVCZ32HJBAJDHSVECJDHDQHE.php">vidéo la plus regardée de YouTube en 24 heures</a>, avec environ 93 millions de vues, hors vidéos musicales, seuls deux clips du groupe sud-coréen BTS ayant fait mieux.</p>
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<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du jeu vidéo <em>GTA VI</em>.</span></figcaption>
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<p>Ce trailer de <em>GTA VI</em> est aussi le <a href="https://www.gamingdeputy.com/fr/gta-6-etablit-le-record-de-la-bande-annonce-youtube-la-plus-appreciee/">plus liké de YouTube, jeux vidéo, séries et films confondus</a>, ce qui démontre la satisfaction et l’enthousiasme des fans. Ceux-ci sont à l’affût de la moindre information concernant le jeu et de nombreuses rumeurs circulent qu’il est parfois très difficile de vérifier. Déjà en septembre 2022, quand un hacker de 18 ans <a href="https://www.tf1info.fr/culture/jeu-video-gta-vi-fuite-massive-le-hacker-qui-a-pirate-gta-6-de-rockstar-games-condamne-a-vie-a-la-prison-hopital-2280232.html">a fait fuiter 90 vidéos de <em>GTA VI</em></a> sur des forums, cela a produit des débats sans fin et des <a href="https://www.lacremedugaming.fr/actus/news/gta-6-ca-va-trop-loin-encore-une-fois-182626.html">spéculations parfois très farfelues</a>.</p>
<h2>Un gameplay élaboré et addictif dans un univers sulfureux</h2>
<p>L’origine de <em>GTA</em> remonte à 1987 avec la <a href="https://www.rockstarmag.fr/rockstar-games-lhistoire-dune-vision-audacieuse-du-jeu-video/">création du studio DMA Design</a> par David Jones, ingénieur informatique et programmeur de 22 ans. Lui et son équipe créeront rapidement plusieurs jeux populaires dont <a href="https://www.jeuxvideo.com/jeux/jeu-55575/"><em>Lemmings</em></a>. Avec le <a href="https://www.sportskeeda.com/gta/news-an-original-gta-creator-mike-dailly-wins-lifetime-achievement-award-scottish-game-awards">développeur Mike Dailly</a>, ils se lancent le défi de programmer une ville virtuelle, un monde ouvert parallèle dans lequel s’affrontent policiers et gangsters. Cependant, après plusieurs semaines de tests, les développeurs réalisent que jouer les policiers qui respectent les règles n’est pas très amusant et décident de centrer le jeu sur les gangsters.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage de la BBC dans les locaux de DMA Design en 1996.</span></figcaption>
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<p>En 1995, David Scott Jones présente <em>Race’n Chace</em> aux frères <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/arnaques-crimes-et-putaclic/dan-et-sam-houser-gta-c-est-vraiment-plus-fort-que-toi-5400879">Sam et Dan Houser de BMG Interactive</a> qui voient le potentiel d’un jeu sur des criminels réservé aux adultes et acceptent de lancer le jeu mais sous le nom <em>Grand Theft Auto</em>. Ils recrutent le publiciste <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/1463315/gta-payer-pour-avoir-mauvaise-presse-une-bonne-strategie.htm">Max Clifford pour avertir les médias et les politiques</a> de la prochaine sortie d’un jeu violent et immoral ce qui crée un énorme bad buzz et donne une image sulfureuse à <em>GTA</em> dont la promotion est faite massivement et gratuitement par la presse.</p>
<p>Interdit aux moins de 18 ans, <em>Grand Theft Auto</em> sort le 28 novembre 1997 sur PC, PlayStation, Sega Saturn, Nintendo 64 et Gameboy Color. Grâce au scandale, à son univers et à ses qualités techniques, il dépasse les <a href="https://www.senscritique.com/liste/les_ventes_de_la_saga_gta/321420">deux millions d’exemplaires vendus</a>. Les joueurs peuvent incarner un des huit personnages de criminels et accomplir des missions de plus en plus difficiles et lucratives pour la mafia de Liberty City, version fictive de New York. Ils sont ensuite envoyés à San Andreas (San Francisco) et à Vice City (Miami).</p>
<p><a href="https://www.versionmuseum.com/history-of/grand-theft-auto">Les prochaines versions de <em>GTA</em></a> seront de plus en plus sophistiquées et violentes, les joueurs étant incités à causer un maximum de destruction et de carnage avec de nouvelles armes et de nouveaux véhicules. Véritable <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/hype-tech/gta-iii-fete-ces-20-ans-retour-sur-le-jeu-qui-a-change-l-histoire-de-la-franchise-5425307">révolution dans le monde du jeu vidéo, <em>GTA III</em></a>, conçu spécialement pour bénéficier des capacités de la PlayStation 2, marquera le passage de la franchise à la 3D avec une sophistication narrative et un design visuel bien supérieurs. Les libertés sont encore plus importantes dans un monde <a href="https://www.micromania.fr/fanzone/la-liberte-guidant-le-joueur-inevitable-avenement-de-open-world.html">aux possibilités et aux vies infinies et un jeu qui n’a pas de fin</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0VxoWT0MyLE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de <em>GTA III</em>, évalué 97/100 sur Metacritic.</span></figcaption>
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<p>La franchise <em>GTA</em> a grandement <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp60972-depuis-quand-on-joue-en-monde-ouvert/">contribué au développement des mondes ouverts</a>, où les personnages peuvent aller n’importe où au lieu de suivre un chemin imposé, et faire n’importe quoi au lieu d’être limités à certaines actions. Cela incite les joueurs à se défouler en commettant des crimes et des infractions qui ne font pas partie des missions de base, alimentant le <a href="https://www.slate.fr/tribune/78450/jeu-video-violence-liberte-expression">débat sur la relation entre violence virtuelle et réelle</a>.</p>
<p>Après plusieurs acquisitions successives, les éditeurs du jeu intègrent le <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp50038-rockstar-games-lhistoire-des-createurs-de-gta-et-red-dead-redemption/">groupe Take-Two Interactive sous le nom de Rockstar Games</a>, division pilotée par les frères Houser. Ils produiront ensemble toutes éditions de <em>GTA</em> à partir de la troisième jusqu’au départ de Dan en 2020. <a href="https://www.bfmtv.com/tech/gaming/gta-vi-rockstar-games-donne-rendez-vous-debut-decembre-pour-devoiler-le-prochain-grand-theft-auto_AV-202311080579.html">Sam est toujours aujourd’hui le président de Rockstar Games</a> et producteur exécutif de <em>GTA VI</em>. <a href="https://www.linkedin.com/in/david-jones-79557023/?original_referer=https%3A%2F%2Fwww%2Egoogle%2Efr%2F">David Jones partira en 2000</a> fonder plusieurs entreprises successives de gaming : Realtime Worlds, nWay, Reagent Games, et Denki.</p>
<h2>Les performances extraordinaires de <em>GTA V</em></h2>
<p>Contrairement à ce que son nom indique, <em>GTA V</em> est le septième volet principal de la série de jeux vidéo <em>Grand Theft Auto</em>, et la quinzième version au total. Au moment de sa sortie en 2013, <em>GTA V</em> est le <a href="https://www.statista.com/chart/1466/most-expensive-video-games-of-all-time/">jeu le plus cher jamais produit</a>, avec un budget de 265 millions de dollars. Le jeu <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02184494/document">conçu comme un film</a> se déroule à Los Santos, copie virtuelle impressionnante de Los Angeles, dans une ambiance qui mélange toujours hip-hop, réseaux criminels, et parodie de la société américaine.</p>
<p>Malgré ce coût de développement considérable, <a href="https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000012084.html"><em>GTA V</em> est le produit culturel le plus rentable de tous les temps</a> loin devant le deuxième, le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/cinema-le-phenomene-avatar-en-quatre-chiffres-fous-1888650">film <em>Avatar</em></a> de James Cameron. <a href="https://www.take2games.com/ir/news/rockstar-games-announces-grand-theft-auto-vi-coming-2025">Vendu à plus de 190 millions d’exemplaires</a>, il a généré plus de huit milliards de dollars de revenus, dont un milliard dans les trois premiers jours. Au total, 410 millions d’unités de jeux de la série <em>GTA</em> se sont écoulées toutes versions confondues.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4TALT6QGXUc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le triomphe de <em>GTA V</em>, un jeu produit comme un long métrage.</span></figcaption>
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<p>Cependant, <em>GTA V</em> n’est pas le jeu vidéo le plus vendu, arrivant deuxième derrière <em>Minecraft</em> et ses 300 millions d’exemplaires. Il faut également préciser que le <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">phénomène mondial <em>Fortnite</em></a>, sorti en 2017 et qui rassemble 236 millions de joueurs actifs mensuels, <a href="https://www.demandsage.com/fortnite-statistics/">a généré 26 milliards de dollars de revenus</a> à fin 2022. Cependant, c’est grâce aux microtransactions d’achats d’objets virtuels issus d’une multitude de franchises, et non grâce à la vente du jeu lui-même qui est gratuit.</p>
<p>Il peut paraître surprenant qu’un jeu vidéo réservé à un public averti et dont l’univers est assez excluant devienne à la fois une <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/09/16/gta-v-un-bad-boy-chez-les-blockbusters_3478050_651865.html">véritable référence et un blockbuster</a>. La popularité de <em>GTA V</em> a été amplifiée par l’explosion du streaming, des milliers de viewers se rassemblant sur les <a href="https://actustream.fr/articles/Top-10-streamers-GTA-V-Twitch">chaînes Twitch</a> et YouTube dédiées au jeu. En septembre 2023, les lives ont été visionnés par <a href="https://www.statista.com/statistics/1247955/gta-v-unit-sales-worldwide-total/">152 000 spectateurs simultanés</a> en moyenne. <a href="https://gta5.tv/quel-est-le-menu-de-mode-le-plus-creatif-pour-jouer-a-gta-5-sur-pc">Les modes créatifs de <em>GTA V</em></a> permettent de personnaliser son avatar, de créer ses propres aventures, de réaliser un film, ou de simuler une vie virtuelle.</p>
<p><em>GTA V</em> est un <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/le-jeu-gta-v-est-le-produit-culturel-le-plus-rentable-de-tous-les-temps-39866820.htm">jeu à la longévité exceptionnelle</a> qui a été adapté sur trois générations de consoles différentes : les PlayStation 3 et Xbox 360, puis les PlayStation 4 et Xbox One, et la dernière génération des <a href="https://theconversation.com/ps5-en-rupture-mondiale-desastre-ou-genie-marketing-150692">PlayStation 5</a> et Xbox Series X/S. Pour ce dernier lancement en 2020, soit sept ans après la sortie du jeu, 20 millions de copies ont été vendues. Cette dernière mise à jour <a href="https://www.pcgamer.com/gta-5s-latest-hyper-realistic-visual-overhaul-mod-is-breathtaking/">bénéficie de graphismes hyperréalistes</a> avec des effets d’ombres, de reflets, de transparence et de textures révolutionnaires. <em>GTA V</em> est encore aujourd’hui un des jeux qui rassemble le plus d’utilisateurs mensuels juste derrière <em>Fortnite</em> et <em>Call of Duty</em>.</p>
<h2><em>GTA VI</em>, un phénomène de société avant sa sortie</h2>
<p><em>GTA VI</em> sera un retour aux sources : le <a href="https://www.gamingbible.com/news/platform/gta-6-new-vice-city-footage-leaks-blows-fans-minds-449912-20230815">jeu se déroule à Vice City</a>, dans la région de Leonida, ville inspirée de Miami en Floride déjà présente dans la première version. Rockstar Games surfe aussi sur la fascination suscitée par <em>Grand Theft Auto : Vice City</em> sorti en 2003, et <em>Grand Theft Auto : Vice City Stories</em> sorti en 2014. En plus de conquérir une nouvelle génération de gamers, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/retrogaming-remasters-et-remakes-quand-les-jeux-video-s-emparent-de-la-nostalgie-6879769"><em>GTA VI</em> cherche à capitaliser sur la nostalgie</a> des adultes qui ont joué à d’anciennes versions de <em>GTA</em> pendant leur adolescence.</p>
<p>La bande-annonce de <em>GTA VI</em> fait référence à de nombreux faits divers, aux déviances de la société américaine, et à des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=mtGWI1k0qhs">mèmes de la culture geek</a> comme la femme aux deux marteaux, l’alligator dans la piscine, le twerk sur le toit d’une voiture, l’homme nu poursuivi par un policier, le joker de Floride et l’Oldsmobile jaune devant l’Avalon Hôtel de Miami. Le nombre considérable de visualisations est sans doute en partie dû aux personnes qui ont cherché à identifier tous les <em>Easter eggs</em> cachés dans la vidéo.</p>
<p><em>GTA VI</em> semble centré sur un personnage féminin, <a href="https://www.jeuxvideo.com/news/1822826/gta-6-qui-sont-jason-et-lucia-les-deux-personnages-jouables.htm">Lucia, qui sera associée à Jason dans une version moderne de « Bonnie and Clyde »</a>. Ce sera donc une première pour <em>GTA</em> d’avoir un personnage féminin jouable, et même une éventuelle romance entre les deux protagonistes en fonction des choix du joueur. La relation prosociale établie avec ces personnages se poursuivra sur les réseaux sociaux, ces personnages paraissant développés pour être également des <a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">influenceurs virtuels</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9WeLuddYhoo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comparaison graphique entre <em>GTA V</em> et <em>GTA VI</em>.</span></figcaption>
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<p>Il faudra attendre au moins un an et l’année 2025 pour jouer à <em>GTA VI</em>, c’est-à-dire 12 ans après le lancement de <em>GTA V</em>. L’éditeur Rockstar Games aurait développé spécialement une <a href="https://www.tomshardware.fr/gta-6-un-nouveau-moteur-graphique-pour-un-rendu-encore-plus-realiste/">nouvelle version de son moteur de jeu</a>, le Rockstar Advanced Game Engine 9 (RAGE 9), qui permettrait d’obtenir un <a href="https://www.rockstarmag.fr/gta-6-les-ameliorations-apportees-par-la-nouvelle-version-du-rockstar-rage-exclue-rockstar-mag/">niveau de réalisme jamais vu jusqu’à présent</a> :</p>
<ul>
<li><p>une qualité de netteté et de précision des paysages de près comme de loin qui rend le jeu extrêmement immersif ;</p></li>
<li><p>une chronologie spécifique avec une alternance de jours et de nuits, de levés et de couchés de soleil ;</p></li>
<li><p>des effets de lumière saisissants, en particulier la nuit avec les éclairages artificiels ;</p></li>
<li><p>une véritable météorologie avec pluies, vents, nuages, et éclairs, ainsi que leurs conséquences respectives sur l’environnement ;</p></li>
<li><p>une physique de l’eau, de la vapeur, de la boue et du sable simulée en temps réel ;</p></li>
<li><p>une très forte densité d’animaux : chiens, chats, cerfs, flamants roses, dauphins, alligators, tortues de mer… ;</p></li>
<li><p>une déformation ultra précise et spécifique des véhicules lors des accidents ;</p></li>
<li><p>une multiplication des personnages-non-joueurs photo-réalistes animés par intelligence artificielle qui interagissent entre eux ;</p></li>
<li><p>le corps et les vêtements des personnages sont beaucoup plus soignés, en particulier la peau, les cheveux, les yeux, les accessoires et les bijoux.</p></li>
</ul>
<p><a href="https://www.bbc.com/worklife/article/20231214-gta-6-grand-theft-auto-vi-could-smash-revenue-records"><em>GTA VI</em> pourrait coûter deux milliards de dollars</a> de développement, soit huit fois plus que <em>GTA V</em> et vingt fois plus que <em>GTA IV</em>. Rockstar Games consacre donc des moyens colossaux à la création de <em>GTA VI</em> qui deviendrait le jeu le plus coûteux devant <em>Red Dead Redemption II</em> qui a nécessité 500 millions de dollars d’investissement et qui a été développé par… Rockstar Games. <em>GTA VI</em> pourrait bien rapporter un milliard de dollars en 24 heures et même être rentable dès la première semaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sa sortie n’est prévue qu’en 2025, et pourtant Grand Theft Auto VI est déjà un phénomène se société qui promet de surpasser les éditions précédentes.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188452023-12-21T17:43:43Z2023-12-21T17:43:43ZLa nouvelle jeunesse des consoles et jeux vidéo rétro<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566842/original/file-20231220-29-gb7fkk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1125%2C868&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La console Atari 2600+, une véritable icône vintage.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=_6m6WlyiQSs">Youtube, capture d'écran. </a></span></figcaption></figure><p>Tandis que des jeux vidéo dernière génération seront certainement plébiscités lors des traditionnels cadeaux de fin d’année, une console de jeu ancienne s’est retrouvée dans l’actualité jeux vidéo de l’automne 2023 : la société Atari commercialise la 2600+, une <a href="https://www.theguardian.com/games/2023/nov/16/atari-2600-review-a-perfect-1970s-pop-cultural-relic">réédition officielle</a> de la console éponyme (également appelée VCS pour Video Computer System) initialement sortie en 1977 aux États-Unis.</p>
<p>Le <a href="https://youtu.be/_6m6WlyiQSs?si=Of8RQYiHcEK85jTY">trailer officiel</a> annonçait le « retour d’une icône ». La nouvelle mouture, <a href="https://mag.mo5.com/245359/atari-remet-au-gout-du-jour-son-atari-2600/">techniquement très différente de l’originale</a>, et compatible avec les téléviseurs d’aujourd’hui, imite le design de la console ainsi que le joystick d’origine. Compatible avec les cartouches d’époque, sa sortie est accompagnée de la promotion d’un <a href="https://mag.mo5.com/242673/atari-sort-un-nouveau-jeu-pour-atari-2600/">jeu inédit</a> récemment édité en cartouche.</p>
<p>Comment saisir l’intérêt actuel pour de vieilles consoles, alors que de nombreux jeux sont accessibles de façon dématérialisée et que dans le domaine du jeu vidéo, comparativement à d’autres industries culturelles, l’évolution technologique est <a href="https://hal.science/hal-03889395/document">originellement omniprésente</a> et fortement valorisée ?</p>
<h2>Une vague de rééditions de consoles « cultes »</h2>
<p>L’Atari 2600 a un statut particulier dans l’histoire du jeu vidéo, <a href="https://direct.mit.edu/books/book/3178/Racing-the-BeamThe-Atari-Video-Computer-System">analysé par des spécialistes des plates-formes de jeux</a>. Première console à cartouche à avoir touché un si large public (27 M. d’unités distribuées dans le monde), elle a influencé la <a href="https://nickm.com/if/platform_vcs_ijwcc08.pdf">créativité des game designers</a>, initié des genres et <a href="https://www.dailymotion.com/video/x105img?playlist=x3zy9c">impulsé la popularisation du médium</a>. Son histoire tumultueuse est aussi liée à des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17547075.2009.11643295">titres notoirement médiocres</a> et aux difficultés économiques du secteur au début des années quatre-vingt.</p>
<p>Dans l’actuelle dynamique de <a href="https://journals-openedition-org.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/gc/1393">patrimonialisation</a> du jeu vidéo, elle est régulièrement présentée dans les expositions sur l’histoire du médium, et conservée dans la <a href="https://gallica.bnf.fr/html/und/objets/consoles%20de%20jeux%20vid%C3%A9o%20anciennes/les%20consoles%20%C3%A0%20cartouches?mode=desktop">collection Charles Cros</a> de la Bibliothèque Nationale de France.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566844/original/file-20231220-27-s7yjp3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’Atari 2600 originale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Atari-2600-Wood-4Sw-Set.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette réédition s’inscrit également dans le sillage d’une longue série de recréations officielles de consoles de salon populaires, initiée par la NES Classic Mini de Nintendo en 2016, distribuée à <a href="https://time.com/4759594/nes-classic-millions-sales/">plus de 2 M. d’exemplaires dans le monde</a>. À l’instar d’autres secteurs industriels, ce type de produit relève d’une forme de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2014-2-page-31.htm">retromarketing</a>, qui innove en puisant dans le patrimoine d’une marque, en misant sur une promesse d’authenticité et en tentant d’exploiter la nostalgie des premières générations de consommateurs.</p>
<h2>Entre patrimonialisation et « retrogaming »</h2>
<p>L’attachement pour les consoles anciennes n’est pas toutefois pas réductible à cette stratégie récente, il constitue également depuis plusieurs décennies l’une des facettes d’une culture vidéoludique aux multiples appropriations.</p>
<p>L’accès aux jeux anciens est en effet rendu possible dès les années 1990 par des communautés de passionnés rompues à la programmation et au hacking, qui ont permis, par des moyens alternatifs comme <a href="https://books.google.fr/books?id=dka8EAAAQBAJ&lpg=PA1980&ots=o86lTB0kiz&dq=simon%20dor%20emulation&lr&hl=fr&pg=PA1980#v=onepage&q=simon%20dor%20emulation&f=false">l’émulation logicielle</a> (programme imitant le fonctionnement de machines anciennes), de collecter, archiver et diffuser largement des jeux classiques, <a href="https://hal.science/hal-01489305">participant ainsi à une dynamique de patrimonialisation informelle du jeu vidéo</a>.</p>
<p>Les pratiques culturelles relatives à ces jeux, généralement regroupées sous le terme <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jaakko-Suominen/publication/279339023_Return_in_Play_The_Emergence_of_Retrogaming_in_Finnish_Computer_Hobbyist_and_Game_Magazines_from_the_1980s_to_the_2000s/links/55924b7b08ae15962d8e5725/Return-in-Play-The-Emergence-of-Retrogaming-in-Finnish-Computer-Hobbyist-and-Game-Magazines-from-the-1980s-to-the-2000s.pdf">« retrogaming »</a> – pratique de jeu, collection, archivage, partage d’informations et activités créatives – ont atteint une plus large audience sur les <a href="https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/plateforme-contributive-culturelle/">plateformes contributives</a> YouTube et DailyMotion dès leur lancement dans les années 2000.</p>
<p>Dans le cadre de <a href="https://hal.science/hal-03004139">recherches en sciences de l’information et de la communication</a> sur les médiations et les médiatisations du jeu vidéo ancien, nous avons observé à travers des corpus de vidéos la façon dont les contributeurs amateurs ont entretenu l’aura de ces consoles « cultes », comme l’Atari 2600.</p>
<h2>Des vidéos pour connaître l’aspect des jeux des anciennes consoles</h2>
<p>C’est à travers ses jeux qu’une console et ses spécificités peuvent être appréhendés. Des vidéos de type longplay présentent des jeux dans leur intégralité, sans commentaires, permettant de découvrir en mouvement les contenus et l’<a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780203700457-3/abstraction-video-game-mark-wolf">esthétique particulière</a> des débuts.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/l_lJ-ONcMEs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un exemple de longplay de Pitfall sur Atari 2600 (Activision, 1982), un des premiers jeux de plate-forme multiécrans, sur la chaîne World of Longplays.</span></figcaption>
</figure>
<p>D’autres types de vidéos, commentées par les vidéastes, permettent de découvrir une console et ses jeux à travers une <a href="https://lcn.revuesonline.com/article.jsp?articleId=36665">hétérogénéité d’informations émanant d’une expérience subjective enregistrée</a>. Ces productions, articulant souvenirs, émotion, créativité et réflexivité, s’inscrivent dans la variété des <a href="https://www.septentrion.com/FR/livre/?GCOI=27574100484050">expressions nostalgiques contemporaines</a>.</p>
<p>Des vidéastes confirmés ont ainsi consacré dans les débuts de leurs chaînes des vidéos à l’Atari 2600, symbolisant pour eux l’origine du jeu vidéo, comme Joueur du Grenier (qui en produisant des contenus humoristiques sur des jeux rétro est devenu l’un des vidéastes les plus populaires en France) ou encore le vidéaste Hooper. Ce dernier, également pionnier de l’exploration des ludothèques anciennes, a connu cette console à l’époque, et lui a consacré une <a href="https://www.hooper.fr/review/atari-2600-atari-2600-1-5">série de vidéos</a> hommage. Le youtubeur Metal Jesus Rocks (États-Unis, 9 M. d’abonnés), a présenté dans sa série des hidden gems (perles cachées) une <a href="https://youtu.be/qRqCbifUaD0?si=RfPZoWM1gGLJIcaX">sélection de jeux</a> qu’il estime intéressants à découvrir aujourd’hui, réhabilitant a posteriori le catalogue de la machine.</p>
<p>D’autres vidéastes d’audience plus modestes, appartenant à des générations ultérieures, essayent pour la première fois ces classiques en 2023 en enregistrant leurs réactions, comme le test du jeu <a href="https://youtu.be/TpMFdedsmGg?si=RoAISLT61pzqntO_">Adventure</a> (Atari inc., 1979, l’un des premiers jeux d’aventures graphiques), par la chaîne New Game Plus. La vidéaste Erin plays a aussi récemment présenté une série de jeux, incluant des parties à deux joueurs avec le vidéaste Mike Mattei, lors d’une session en <a href="https://youtu.be/eNcLadPQYMA?si=pTrst2UX-ui51Y2h">direct sur Twitch</a>.</p>
<h2>De la collection à l’écran : préserver, exposer… et rejouer</h2>
<p>D’autres vidéos, privilégiant les prises de vue réelles, concernent <a href="https://doi.org/10.14428/rec.v46i46.47553">l’environnement matériel du jeu vidéo ancien</a> à travers l’activité de collection. Il ne s’agit pas seulement de pièces « sous vitrine » mais également de conserver des machines en état de fonctionnement, et des exemplaires de jeux originaux pour privilégier une expérience vintage en quête d’une « expérience d’époque » soucieuse de la matérialité.</p>
<p>La chaîne « Le jeu c’est sérieux » <a href="https://youtu.be/UoUGV5G-skw?si=OV8ctlJYxrY0XUif">détaille par exemple le packaging et la notice puis le contenu du jeu</a> <a href="https://youtu.be/UoUGV5G-skw?si=OV8ctlJYxrY0XUif">Joust</a> (Williams electronics, 1983). L’utilisation du matériel d’origine permet à ces connaisseurs de retrouver la <a href="https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/805">sensation recherchée dans l’interface d’origine</a> : le vidéaste de « Old School is Beautiful » considère par exemple que le <a href="https://youtu.be/YQrbsIt8hyM?si=VJdXr2bcWXAQFTZn">joystick est indissociable de l’expérience des jeux Atari 2600</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UoUGV5G-skw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Certains fans ne se limitent pas aux cadres de l’expérience d’époque, en modifiant une console ou en créant de nouveaux logiciels. Ces appropriations permettent d’envisager la pratique du jeu vidéo également <a href="https://www.openscience.fr/Quand-la-culture-d-innovation-fait-ecran-a-la-culture-technique">sous l’angle d’une culture technique</a>, aussi bien en termes de fonction, d’usage que d’appropriation et de rapport de pouvoir.</p>
<p>Le vidéaste Doc Mc Coy propose par exemple un <a href="https://youtu.be/c6IW8jtL8L4?si=sTsUMUwsTUZi9oDy">tutoriel en vidéo pour apprendre à modifier une VCS</a> en installant une carte dédiée afin d’optimiser la qualité d’affichage. Par ailleurs, de nombreux <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/revue-reseaux-2020-6-page-143.htm">programmeurs amateurs</a> créent de nouveaux jeux (comme les « homebrews », créations inédites non officielles, ou les « rom hacks », modifiant des jeux existants) sur ces machines qui ne sont plus exploitées commercialement, en relevant le défi des contraintes techniques. La chaîne canadienne « The New Retro Show » consacre depuis plusieurs années des <a href="https://youtu.be/ceBBD_cNcq8?si=-6ZZjS4D5l0ftb9U">vidéos aux nombreux jeux développés pour la VCS</a>.</p>
<p>Ces contributions apparaissent ainsi incontournables dès lors que l’on s’intéresse à une console ancienne : leurs auteurs ont contribué à entretenir une continuité avec le passé, et à alimenter la mémoire collective du jeu vidéo. Si de telles machines ont continué à fonctionner, à faire entendre leurs sonorités analogiques, le cliquetis de leurs manettes et à afficher leurs graphismes minimalistes, c’est aussi le fait de joueurs et joueuses qui ont su dépasser le statut de consommateurs pour partager en ligne une culture vidéoludique désolidarisée de l’actualité commerciale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Urbas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment saisir l’intérêt actuel pour le « retrogaming », alors que dans le domaine du jeu vidéo, l’évolution technologique est omniprésente et fortement valorisée ?Boris Urbas, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167222023-11-27T15:14:39Z2023-11-27T15:14:39ZVoici pourquoi les jeux vidéo compétitifs doivent être pris plus au sérieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559683/original/file-20231115-25-zcd5l2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C980%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aujourd’hui, l’industrie du sport électronique représente plusieurs milliards de dollars à l’échelle mondiale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Jouer à des jeux vidéo de manière compétitive, est-ce vraiment sérieux ? </p>
<p>Cette question ne se pose pas pour les milliers d’adeptes du jeu <a href="https://www.leagueoflegends.com/en-us/"><em>League of Legends</em></a> qui ont convergé en Corée du Sud en octobre dernier pour assister aux championnats du monde (<a href="https://youtu.be/tHMcncCS-XE?si=KFfNbrcjaTSCaCB6"><em>Worlds 23</em></a>) de ce jeu ultra populaire. Le grand prix ? Un <a href="https://lol.fandom.com/wiki/2023_Season_World_Championship">montant de 2 225 000 $ US</a>. </p>
<p>Nous sommes spécialistes en droit des jeux vidéo. Cet événement, encore très méconnu du grand public, est l’occasion pour nous de montrer pourquoi les jeux vidéo compétitifs devraient être pris plus au sérieux. </p>
<h2>Le sport électronique, un phénomène social, culturel et économique mondial</h2>
<p>La notoriété des ligues de sports nord-américaines telles que la NHL ou la NFL n’est plus à faire. Ni celle des grandes compétitions sportives traditionnelles comme la coupe du monde de football ou les Jeux olympiques. Or, on ne peut en dire autant des compétitions de jeux vidéo. Et pourtant, il existe tout un monde de compétitions professionnelles dans l’univers des jeux vidéo qui, tout comme dans les sports traditionnels, possède des ligues, des compétitions internationales bien établies, son lot d’athlètes célèbres et ses <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/jeux-video/e-sport-des-salles-remplies-et-des-fans-conquis-la-pratique-reunit-de-plus-en-plus_5838317.html">hordes d’admirateurs</a>. C’est ce qu’on appelle des sports électroniques, ou esports.</p>
<p>Les sports électroniques peuvent être décrits aussi simplement que des jeux vidéo qui sont pratiqués dans un environnement compétitif.</p>
<p>Bien qu’il ne bénéficie pas toujours du même niveau de reconnaissance que son homologue sportif traditionnel, le sport électronique est un secteur qui s’est largement développé <a href="https://youtu.be/B_59wZ27ROE?si=4OWyy6Klh40POwwJ">ces 10 dernières années</a> et qui attire régulièrement des <a href="https://www.statista.com/statistics/490480/global-esports-audience-size-viewer-type/">millions de téléspectateurs simultanés</a>. </p>
<p>Une très grande variété de jeux sont aujourd’hui pratiqués de manière compétitive. Dans les jeux comme <a href="https://lolesports.com/"><em>League of Legends</em></a> ou <a href="https://www.dota2.com/home"><em>Dota</em></a>, deux équipes de joueurs s’affrontent dans des arènes de combat en ligne multijoueurs (MOBA). Ces jeux d’action-stratégie s’apparentent à des jeux d’échecs survitaminés dans lesquels l’objectif est de détruire la base adverse. </p>
<p>Il existe également de nombreux jeux de tir à la première personne comme <a href="https://valorantesports.com/"><em>Valorant</em></a>, <a href="https://pro.eslgaming.com/csgo/proleague/"><em>CSGO</em></a>, <a href="https://overwatchworldcup.com/en-us/"><em>Overwatch</em></a> ou encore <a href="https://www.fortnite.com/competitive"><em>Fortnite</em></a>, qui sont très populaires. </p>
<p>Bref, dans le domaine du sport électronique, il y en a pour tous les goûts, y compris pour celles et ceux qui préfèrent la <a href="https://www.ea.com/fr-fr/games/fifa/compete/fgs-23">pratique (virtuelle !) des sports traditionnels</a>. </p>
<h2>Un secteur en plein essor</h2>
<p>En termes d’audience et de popularité, le esport est un secteur qui, au cours des 10 dernières années, a <a href="https://www.insiderintelligence.com/insights/esports-ecosystem-market-report/">commencé à dépasser les sports traditionnels</a>. La pandémie de Covid-19 a contribué à ce phénomène. </p>
<p>Le esport a également vu l’émergence de superstars de renommée internationale telles que <a href="https://youtu.be/wU-1ZaT0hIg?si=vLKp_Krn37NSmKFV">Faker</a>, un athlète souvent considéré comme le plus grand joueur de <em>League of Legends</em> de tous les temps en raison de son <a href="https://www.scmp.com/sport/china/article/3236384/asian-games-2023-south-koreas-league-legends-esports-gold-without-goat-faker-earns-military-service">succès compétitif</a> massif et constant au cours de la dernière décennie. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1544343462476402688"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.fortunebusinessinsights.com/esports-market-106820">l’industrie</a> du esport représente plusieurs <a href="https://www.statista.com/statistics/490522/global-esports-market-revenue/#:%7E:text=The%20term%20%E2%80%9CeSports%E2%80%9D%20is%20characterized,over%201.38%20billion%20U.S.%20dollars.">milliards de dollars à l’échelle mondiale</a>. </p>
<p>Dès lors, le esport sera-t-il un jour reconnu au même titre que les sports traditionnels, voire organisés lors d’événements tels que les Jeux olympiques ? </p>
<p>On peut le penser, dans la mesure où cette pratique se démocratise et s’est vue ajouter au programme de grandes compétitions régionales et internationales récemment. Présents dans le cadre d’évènements de démonstration aux <a href="https://olympics.com/en/news/esports-historic-medal-debut-19th-asian-games-hangzhou-schedule-live">Jeux asiatiques depuis 2018</a>, plusieurs jeux ont rejoint le programme officiel lors des <a href="https://olympics.com/en/news/asian-games-2023-overall-medal-table-complete-list">Jeux asiatiques de 2023 organisés à Hangzhou en Chine</a>. À cette occasion, la <a href="https://www.koreatimes.co.kr/www/nation/2023/10/600_360240.html">Corée du Sud a remporté la médaille d’or</a> dans la compétition de <em>League of Legends</em>, ce qui a permis à Faker d’obtenir une <a href="https://www.reuters.com/sports/korean-gamers-cusp-gold-avoiding-military-service-2023-09-28/">rare exemption du service militaire obligatoire sud-coréen</a>. Cette dérogation démontre la reconnaissance dont jouissent aujourd’hui les athlètes de esports dans certains pays. </p>
<p>En ce qui concerne l’inclusion des esports dans les Jeux olympiques, les jeux vidéo ont été inclus dans le cadre du <a href="https://olympics.com/en/esports/"><em>Olympic e-sport Series</em></a> en 2023. Un évènement organisé par le comité international olympique (CIO).</p>
<p>Ce comité, qui cherche régulièrement à rajeunir l’image des Jeux olympiques et à attirer de nouveaux publics, a par ailleurs engagé des réflexions sur la <a href="https://olympics.com/cio/news/annonce-par-le-president-du-cio-dans-son-allocution-d-ouverture-de-la-141e-session-du-cio-a-mumbai-de-son-intention-de-creer-des-jeux-olympiques-d-e-sport">création de Jeux olympiques d’esports</a>. </p>
<h2>Des opportunités de carrières, mais peu d’infrastructures de soutien</h2>
<p>Tout comme les sports traditionnels, l’opportunité de s’impliquer dans le sport électronique n’est pas réservée qu’aux joueurs professionnels qui compétitionnent sur la scène. </p>
<p>Comme pour tout événement compétitif, une équipe professionnelle de gestion et de soutien sont des éléments essentiels pour obtenir les meilleures performances. </p>
<p>Le développement des sports électroniques ouvre ainsi un <a href="https://esportslane.com/esports-job-profiles-non-gaming/">vaste champ de possibilités de carrières</a> pour les amateurs de jeux : organisateurs et gestionnaires d’événements, journalistes, nutritionnistes <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/791808/jeux-olympiques-rio-athletes-preparation-psychologique">consultants en préparation mentale</a>, physiothérapeutes et même avocats pour organiser les relations entre tous ces acteurs.</p>
<p>Cependant, malgré la popularité et l’immense potentiel des sports électroniques, le développement d’infrastructures et de programmes demeure très insuffisant au Canada. Ce manque est surtout flagrant au sein des institutions d’éducation, lieux qui comptent pourtant de nombreux jeunes amateurs de sport électronique. </p>
<p>Idéalement, les infrastructures adaptées aux sports électroniques devraient inclure des ordinateurs performants, une salle dédiée aux sports électroniques, une équipe de soutien, des compétitions intercollégiales et, surtout, une atmosphère qui promeut l’inclusion et la participation de tous dans les sports électroniques.</p>
<p>Certaines institutions postsecondaires ont tout de même créé des espaces dédiés aux esports sur leur campus. Ces espaces contribuent au recrutement des étudiants. C’est le cas par exemple du <a href="https://www.stclaircollege.ca/news/2022/nexus-esports-arena-unveiled-opening-don-france-student-commons">St. Clair College en Ontario</a> qui a créé, en 2022, un espace flambant neuf et à la pointe de la technologie – avec un budget de 23 millions de dollars. </p>
<p>De son côté, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a investi $100,000$ en équipement pour créer un <a href="https://globalnews.ca/news/3001912/ubc-esports-club-opens-online-gaming-lounge/">salon dédié aux sports électroniques</a>. </p>
<p>D’autres organisations, comme la <a href="https://www.osea.gg/fr">Fédération ontarienne des associations scolaires de sports électroniques (FOASSE)</a>, vise à promouvoir activement l’intégration d’un programme de esports dans le curriculum scolaire. </p>
<p>Dans un futur proche, si ces efforts s’amplifient, nous pouvons imaginer que les jeunes amateurs de esports auront la chance de jumeler leurs passions pour les jeux vidéo avec une carrière professionnelle – qu’il s’agisse de la compétition de haut niveau ou toute autre carrière dans le champ des jeux vidéo.</p>
<h2>La santé des pratiquants</h2>
<p>Au-delà de la croissance et de la popularité fulgurante du secteur ces dernières années, tout n’est pas rose au royaume du esport.</p>
<p>D’une part, le quotidien des athlètes professionnels du esport n’est pas de tout repos. En effet, leur <a href="https://gaming.gentside.com/jeux-video/consoles-et-pc/league-of-legends-decouvrez-l-emploi-du-temps-millimetre-de-faker_art28843.html">emploi du temps</a> est particulièrement chargé et ils passent une grande partie de leur journée à <a href="https://youtu.be/uyF6ZwtLonM?si=IcG1dt7zjtHxtKZR">s’entraîner</a> ou à <a href="https://www.youtube.com/@T1_Faker">produire du contenu en ligne</a>. </p>
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<p>Les saisons sont particulièrement éprouvantes et les carrières des joueurs peuvent être, sauf exception, très courtes. Ces dernières années, de plus en plus de joueurs se sont ouverts à propos de leurs problèmes de <a href="https://www.esports.net/news/industry/hidden-struggles-of-esports-athletes-mental-health-crisis/">santé mentale</a>. D’autres ont tout simplement <a href="https://www.rtbf.be/article/esport-nouvelle-polemique-autour-du-burn-out-dun-joueur-11159774">disparu des radars</a>, après avoir fait une percée tonitruante sur la scène professionnelle. </p>
<p>Des recherches et du soutien en lien avec les conditions de travail des athlètes sont nécessaires afin de s’assurer qu’ils <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/franceinfo-esport/des-chercheurs-italiens-compilent-toute-la-litterature-scientifique-sur-la-sante-des-joueurs_5678096.html">ne mettent pas en danger leur santé</a> et qu’ils ne soient pas exploités par les équipes et les ligues professionnelles. </p>
<h2>Prévention et traitement des phénomènes de dépendance</h2>
<p>La pratique du esport peut également entraîner chez les joueurs professionnels, les aspirants athlètes ou le grand public, des effets délétères découlant d’un temps de jeu et/ou de dépenses excessifs. </p>
<p>Ces phénomènes sont encouragés et exacerbés par la présence de mécanismes ou stratégies appelés <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/301007767.pdf"><em>Dark patterns</em></a>, largement utilisés dans <a href="https://www.darkpattern.games/">certains jeux vidéo</a>. </p>
<p>Ces <em>Dark Patterns</em> peuvent être temporels, en encourageant les joueurs à s’investir pendant une période prolongée. Des récompenses pour progresser dans le jeu peuvent par exemple être offertes aux joueurs qui jouent de manière régulière, à tous les jours. </p>
<p>Les <em>Dark patterns</em> peuvent également être monétaires, en maximisant les dépenses que les joueurs vont effectuer dans un jeu. On parle par exemple de mécanismes qui permettent de payer pour débloquer du contenu esthétique ou certaines parties supplémentaires d’un jeu. </p>
<p>Face à ces mécanismes, il est primordial de surveiller et d’encadrer les pratiques des compagnies de jeux vidéo qui y ont recours. </p>
<h2>Le train est en marche</h2>
<p>Le sport électronique est une pratique relativement récente qui a pris une ampleur incroyable durant les 10 dernières années. Or, ce développement est largement passé inaperçu pour une large partie du grand public. </p>
<p>Le esport est néanmoins en mesure d’offrir des <a href="https://youtu.be/mP3fGkpmVM0?si=x6d7Pk9xr7BPOPTz">événements d’envergure</a> qui n’ont rien à envier aux plus grands événements sportifs traditionnels. Ce serait une erreur de sous-estimer le esport, tant il attire les foules et les talents. </p>
<p>Au contraire, il est important d’accompagner et de soutenir celles et ceux qui aspirent à travailler dans ce domaine. </p>
<p>Et il importe surtout de s’intéresser sérieusement aux défis et problèmes auxquels le esport aujourd’hui confronté, dans sa pratique professionnelle et amateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216722/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le sport électronique est une pratique dont l’univers est souvent méconnu, voire méprisé. Il s’agit pourtant d’un phénomène global d’une ampleur incroyable, actuellement en pleine croissance.Thomas Burelli, Professeur en droit, Section de droit civil, Université d’Ottawa (Canada), membre du Conseil scientifique de la Fondation France Libertés, L’Université d’Ottawa/University of OttawaHaoran Liu, Reaserch Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaMarie Dykukha, Research Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143312023-10-15T13:31:51Z2023-10-15T13:31:51ZL’e-sport, discipline populaire mais en crise<p>Avec de plus en plus d’événements sur le sol français, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2686182">l’e-sport</a> (pratique compétitive du jeu vidéo) semble s’installer durablement sur le territoire national. Pour le <a href="https://www.letelegramme.fr/t-plus/tout-ce-quil-faut-savoir-sur-le-major-de-counter-strike-a-paris-competition-majeure-de-lesport-5474680.php"><em>BLAST TV Major Counter Strike</em></a> au printemps et les <a href="https://www.montpellier.fr/evenement/26826/3624-montpellier-accueille-les-2023-lec-season-finals-montpellier-occitanie-du.htm"><em>LEC Season Finals 2023</em></a> début septembre, deux événements internationaux majeurs de la discipline, Paris et à Montpellier ont accueilli des dizaines de milliers de spectateurs, sans compter un large public en ligne.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/topics/e-sport-95516">e-sport</a> semble même être pris très au sérieux par le gouvernement français, qui a annoncé, en marge des <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-olympiques-2024-144556">Jeux Olympiques 2024</a>, un <a href="https://www.sortiraparis.com/loisirs/gaming/articles/285606-les-trackmania-games-passent-par-paris-a-l-ete-2024">événement esport autour du jeu de course Trackmania</a>. En attendant peut-être que des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/jeux-video/l-e-sport-va-t-il-devenir-un-sport-olympique_6075576.html">médailles olympiques</a> récompensent les plus grands as des manettes. Depuis septembre 2023, le CIO s’est doté d’une commission travaillant sur le sujet, avec à sa tête le français David Lappartient, président de l’Union cycliste internationale. Le parlement a également récemment voté un <a href="https://twitter.com/denis_Masseglia/status/1714692506036666600">abaissement de la TVA à 5,5%</a> pour les billeteries e-sport, alignant ce taux avec celui appliqué aux autres événements sportifs et culturels.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1569044716678676481"}"></div></p>
<p>L’e-sport, ce sont des revenus estimés à plus de 1,38 milliard de dollars en 2022, 5 %, de plus par rapport à 2021. C’est aussi plus de 530 millions de spectateurs dans le monde. Cependant, malgré ces chiffres positifs, la dynamique semble ralentir, et de récents événements laissent penser qu’il pourrait bientôt se retrouver dans une situation complexe au niveau économique. De nombreux problèmes liés à la durabilité et à la viabilité du système ont également été <a href="https://www.ijesports.org/article/94/html">mis en avant</a> ainsi que des <a href="https://www.theses.fr/2022BORD0143">pistes de réflexions</a> pour y faire face à l’instar de celles issues de nos travaux.</p>
<h2>Des structures non rentables</h2>
<p>La structuration même de ce marché est à la source de nombreuses difficultés. Différents acteurs, notamment, sont parties prenantes du secteur, avec des rapports de force totalement déséquilibrés.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>D’un côté nous retrouvons les éditeurs de jeux vidéo, tels que Riot Games, Valve ou Epic Games. On pourrait très schématiquement les comparer à des fédérations sportives ayant la propriété intellectuelle de leur sport : ils peuvent, à tout moment, modifier toutes les règles et pratiques mises en place dans leurs compétitions.</p>
<p>De l’autre côté, nous avons les équipes e-sportives, les joueurs, les organisateurs de tournois et les communautés de fans qui s’adaptent aux règles des éditeurs afin de survivre dans l’écosystème. Enfin, il existe des parties prenantes extérieurs, principalement les sponsors et les médias, qui sont là pour financer les équipes, tournois, et joueurs dans un objectif de visibilité ou d’image de marque, permettant ainsi aux structures en place de survivre.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les LEC Season Finals 2023 se tenaient récemment à Montpellier.</span></figcaption>
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<p>À l’heure actuelle, les équipes e-sportives, même les plus importantes, ne sont pour une grande majorité d’entre elles pas rentables d’un point de vue financier. Elles ont besoin de levées de fonds et d’une forte présence des sponsors afin de survivre. Vitality, l’une des plus grosses structures e-sportives françaises avait par exemple levé <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Esport-vitality-leve-50-millions-d-euros-et-officialise-son-equipe-counter-strike/1308629">50 millions d’euros</a> sur trois ans début 2022 afin de continuer à se développer sur la scène du jeu d’action <em>Counter Strike : Global Offensive</em>.</p>
<p>Si les promesses d’une future rentabilité semblaient suffire à attirer de nombreux sponsors dans les plus grosses équipes jusqu’il y a peu, la crise Covid et le manque de vision à moyen terme semblent désormais les décourager. Certains sponsors et investisseurs n’hésitent d’ailleurs pas à couper leurs financements. L’exemple le plus frappant est celui de BMW qui a annoncé <a href="https://esports-news.co.uk/2022/12/15/bmw-pulls-esports-sponsorships/">se retirer progressivement</a> de l’e-sport en début d’année 2023 alors qu’ils étaient <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Esport-bmw-debarque-en-force/1127708">hautement investis</a> à travers 5 des plus grosses structures internationales depuis 2019 (G2 et Fnatic en Europe, T1 en Corée du Sud, Cloud 9 en Amérique du Nord et Fun Plus Phoenix en Chine).</p>
<p>D’autres grosses structures, telles que TeamSoloMid et 100 Thieves, deux structures américaines évaluées en 2021 à plus de 400 millions de dollars chacune selon <a href="https://www.forbes.com/sites/brettknight/2022/05/06/the-most-valuable-esports-companies-2022/?sh=d483484599fc">Forbes</a> en 2022, ont par ailleurs mis fin à <a href="https://www.dexerto.com/league-of-legends/reginald-explains-tsm-employee-exodus-we-were-not-headed-in-the-right-direction-2095142/">plusieurs contrats</a> à la suite de problèmes financiers. Evil Genius, l’une des plus grosses équipes américaines, a même délocalisé certaines de ses opérations en Amérique du Sud afin de survivre. En France, LDLC OL, association historique de l’e-sport en France liée à l’Olympique lyonnais, a, quant à elle, annoncé l’<a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Ldlc-ol-va-arreter-l-esport/1397092">arrêt total de toutes ses opérations dans l’esport</a> en mai 2023.</p>
<h2>Trois pistes de reconfigurations</h2>
<p>Alarmistes en apparence, ces cas pourraient aussi être les premiers indicateurs d’une révision entière du système. Les éditeurs, propriétaires des jeux, semblent détenir des clefs de réponse possibles pour permettre une stabilité économique des grosses équipes. En effet, alors que dans les sports traditionnels les droits médias représentent la majorité des revenus des équipes et des ligues, ils sont quasiment inexistants dans l’e-sport. Les tournois sont majoritairement diffusés sur des plates-formes de streaming où l’accès est gratuit. Les éditeurs pourraient alors opter pour une meilleure redistribution de l’argent généré par les jeux et indirectement les compétitions, afin d’assurer la pérennité des équipes et de leurs ligues.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tour-de-france-une-mecanique-economique-bien-huilee-208683">Tour de France : une mécanique (économique) bien huilée</a>
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<p>Un autre élément de solution pourrait provenir des communautés e-sportives elles-mêmes. Les spectateurs semblent de plus en plus s’organiser en groupes de supporters, à l’instar du sport classique. Ils semblent prêts à consommer et à s’organiser pour soutenir leurs équipes et joueurs favoris. Pour répondre à leurs attentes et de les pousser à s’engager plus encore, les équipes pourraient réfléchir ainsi des expériences innovantes afin de s’assurer une forme de revenus fixes. Il s’agit notamment de soigner le fait d’être perçu comme un sport. Comme nous le montrons dans nos <a href="https://www.theses.fr/2022BORD0143">travaux</a>, cela renforce, pour les marques, l’engagement du consommateur, la valeur perçue, et l’intention d’achat de produits liés.</p>
<p>Enfin, la structuration même des équipes semble devoir être révisée afin d’assurer leur pérennité. Par exemple, malgré la crise, ENCE, une structure e-sportive finlandaise, a réussi à dégager un <a href="https://esportsinsider.com/2023/05/finnish-esports-organisation-ence-profitability">bénéfice</a> d’environ 1 million d’euros en 2022. Ce bénéfice est, selon le PDG, largement dû aux constantes performances de la structure sur <em>Counter Strikes</em> et a une bonne gestion de sa masse salariale. La crise pourrait donc être une opportunité pour les équipes e-sports de réintroduire des salaires en phase avec le marché et les bénéfices de l’e-sport. Des éditeurs tels que Riot Games, qui développe notamment les arènes de bataille de League of Legends, <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Esport-league-of-legends-la-lfl-se-penche-sur-le-salary-cap/1407085">réfléchissent</a> par ailleurs à implémenter un plafonnement des salaires dans certaines de leurs compétitions afin d’éviter des rémunérations trop importantes ne permettant pas une rentabilité des équipes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Reynald Brion ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré des revenus qui se chiffrent en milliard, très peu d’équipes e-sportives s’avèrent rentables. Des pistes de réflexion existent néanmoins pour reconfigurer la discipline.Reynald Brion, Assistant Professor in Marketing, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2108502023-08-03T21:33:28Z2023-08-03T21:33:28ZBarbie, un phénomène marketing qui gagne également… Animal Crossing<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540814/original/file-20230802-25-zfrooo.PNG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C834%2C407&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un défilé Barbie reconstitué sur Animal Crossing et partagé sur Instagram</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/CvVyFglpzZG/">megs.crossing / Instagram</a></span></figcaption></figure><p>Star à l’écran avec le <a href="https://www.cnbc.com/2023/07/26/barbie-box-office-dominates-monday-tuesday.html">démarrage record</a> du <a href="https://theconversation.com/le-film-barbie-est-il-vraiment-feministe-210261">film éponyme</a>, saviez-vous que Barbie l’était par la même devenue sur… <em>Animal Crossing</em> ? Ce jeu de simulation de vie permet aux joueurs de créer et personnaliser leur propre île. Depuis la sortie de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2oOzWcbVf1c">bande-annonce</a> du <a href="https://theconversation.com/topics/cinema-20770">long métrage</a> réalisé par Greta Gerwig, plusieurs créateurs partagent sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> des designs de <a href="https://twitter.com/CrisCrossing26/status/1684637336649203714">vêtements</a>, des visites de leur île ou bien encore des tutoriels visant à reproduire la maison de rêve de la <a href="https://shopping.mattel.com/fr-fr/pages/barbie">poupée Mattel</a>.</p>
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<p>Barbie ne saurait être la seule à avoir investi <em>Animal Crossing</em> : <a href="https://twitter.com/StarWarsAC"><em>Star Wars</em></a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=knRXG3bUaoE"><em>Toy Story</em></a> et d’autres héros de films iconiques sont également à l’honneur. Certains joueurs ont recréé des tenues inspirées d’Elsa et d’Anna de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_nzr2jpkXyw"><em>Reine des Neige</em></a> ; d’autres, à partir de l’univers de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Z9_oa0JGkRU"><em>Harry Potter</em></a> ont reconstitué la salle commune de Gryffondor ou d’autres lieux emblématiques de Poudlard. Côté série, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=96wUyHreNIk"><em>Mercredi</em></a>, <a href="https://www.reddit.com/r/AnimalCrossing/comments/tflg3m/my_take_on_central_perk_and_monica_rachels/"><em>Friends</em></a>, ou les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GPtc9WB5iaw"><em>Simpsons</em></a> inspirent aussi les joueurs. Preuve de la plasticité de l’univers <em>Animal Crossing</em>, même des scènes emblématiques de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=u7BlAHoIYYo"><em>Game of Thrones</em></a> ont été répliquées.</p>
<p>Objet de nos <a href="https://www.cairn-int.info/journal-decisions-marketing-2023-1-page-161.htm">recherches</a>, récemment publiées dans la revue <em>Décisions Marketing</em>, le jeu n’a pas qu’une dimension ludique lorsqu’il se rapproche de pareils univers. Nintendo et les producteurs audiovisuels ont aussi à y gagner.</p>
<h2>La mode, omniprésente dans <em>Animal Crossing</em></h2>
<p>Avec plus de <a href="https://www.actugaming.net/nintendo-a-vendu-plus-de-125-millions-de-switch-563417/">42,2 millions d’unités vendues</a> au 31 mars 2023, <em>Animal Crossing : New Horizons</em> se place derrière Mario Kart 8 Deluxe au deuxième rang des <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a> les plus vendus du géant nippon Nintendo. La mode y joue un rôle essentiel et constitue l’un des aspects les plus appréciés des joueurs. La personnalisation de leur avatar, également appelé « villageois », constitue en effet l’un des aspects saillants du jeu. Ils peuvent en choisir l’apparence et obtenir tout au long de leur aventure de nombreux vêtements et accessoires.</p>
<p><em>Animal Crossing</em> offre également aux joueurs la possibilité de concevoir et de personnaliser leurs propres vêtements. Grâce à l’outil de création de motifs, ils peuvent dessiner leurs designs et les appliquer sur différents vêtements, créant ainsi des tenues originales et personnalisées. La mode permet aux joueurs de créer un avatar unique, reflet de leur look avéré, rêvé ou fantasmé. Elle joue également un rôle important dans les interactions sociales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257067960914468869"}"></div></p>
<p>En visitant les îles d’autres joueurs ou en accueillant des visiteurs sur leur propre île, les joueurs peuvent échanger des vêtements et accessoires, <a href="https://www.instagram.com/p/CvSfkTntHe0/">organiser des défilés</a> ou des séances de shopping. Dans cette dynamique de partage, nombreux sont ceux qui partagent leurs créations en ligne sur des réseaux sociaux comme Instagram ou celui qu’il faut maintenant appeler <a href="https://theconversation.com/twitter-devient-x-un-sabordage-pour-mieux-relancer-le-reseau-social-210424">« X »</a>.</p>
<p>Comme nous l’expliquions dans une <a href="https://theconversation.com/marques-de-vetements-bijoux-cosmetiques-mais-que-font-elles-toutes-sur-animal-crossing-193998">précédente contribution à The Conversation</a>, l’intérêt pour la mode de la communauté <em>Animal Crossing</em> a naturellement attiré l’attention des marques qui y réalisent des <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2022/04/rfg305.11-34/rfg305.11-34.html">placements de produits</a>. Certaines comme <a href="https://www.rosbeef.fr/gmo-x-animal-crossing">Gémo</a> ou <a href="https://www.uniqlo.com/my/en/spl/ut/animal-crossing-new-horizons/special">Uniqlo</a> n’ont pas manqué d’intégrer le jeu pour y déployer des collections virtuelles inspirées de leurs produits réels. C’est aussi via la mode que des productions audiovisuelles font leur apparition dans le jeu vidéo.</p>
<h2>Joueurs, Nintendo, producteurs : tous gagnants</h2>
<p>Bien que les outils de personnalisation du jeu vidéo soient puissants, ils présentent aussi des limites, sources de défis en particulier lorsqu’il s’agit de reproduire des icônes comme Barbie : gare à la <a href="https://www.leseclaireuses.com/news/weird-barbie-tendance-tiktok-gkx.html">Barbie bizarre</a> ! La taille des motifs et le nombre de couleurs étant restreints, la reproduction fidèle de certains vêtements constitue une véritable prouesse. Le challenge est d’autant plus grand que les personnages du jeu vidéo ont un style graphique spécifique et une morphologie bien éloignée de celle de l’icône de la mode. Ces difficultés graphiques ne sauraient néanmoins contrarier les joueurs rodés au style « kawaii » de l’univers d’<em>Animal Crossing</em>.</p>
<p><em>Animal Crossing : New Horizons</em> leur offre une toile vierge pour exprimer leur amour pour leurs séries et films préférés. La convergence du monde du jeu vidéo et de l’industrie du divertissement cinématographique et télévisuel ouvre ainsi aux joueurs la possibilité de laisser libre cours à leur créativité. Cela leur donne l’occasion de vivre une expérience immersive où ils peuvent incarner leurs personnages favoris, créer des décors emblématiques et partager leur passion auprès de la communauté du jeu. Ils deviennent alors des acteurs clés dans la promotion et la réinterprétation des films et séries.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-film-barbie-est-il-vraiment-feministe-210261">Le film « Barbie » est-il vraiment féministe ?</a>
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<p>Nintendo y trouve là aussi son intérêt. Pour la multinationale, l’intégration par les joueurs des productions audiovisuelles constitue une opportunité supplémentaire d’attraction et de fidélisation. Cela renforce l’engagement envers le jeu et crée une communauté vivante et créative autour de celui-ci. Les reproductions de séries, émissions TV et films célèbres peuvent attirer l’attention des réseaux sociaux et des médias : cela augmente la visibilité du jeu et de Nintendo.</p>
<p>Quant aux producteurs, ils tirent eux aussi parti de cette pratique qui accroît la visibilité de leurs produits. Des collaborations spéciales, comme des événements croisés ou des objets promotionnels, peuvent être envisagées. Dans ce registre, la promotion de la série <a href="https://www.netflix.com/fr/title/81277950">Enola Holmes</a> est emblématique. C’est, par exemple, depuis <a href="https://www.instagram.com/acnhfashion/">son compte Instagram</a> que la créatrice Nicole Cuddihy a assuré la promotion des costumes qu’elle a réalisés en lien avec la célèbre série de Netflix.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CF2uoNhJlba","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>La reproduction de leurs créations dans un jeu populaire comme <em>Animal Crossing</em> peut servir de promotion indirecte aux séries, films ou autres émissions TV. Cela peut attirer l’attention de nouveaux publics et prolonger l’intérêt pour ces contenus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Renault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le jeu Animal Crossing : New Horizons, développé par Nintendo, est devenu un véritable espace de résonance pour les films et séries. Barbie ne fait pas exception.Sophie Renault, Professeur des Universités en Sciences de Gestion et du Management, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2054332023-05-22T16:37:34Z2023-05-22T16:37:34ZAvec « Elden Ring », le jeu vidéo est-il devenu un art à part entière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527540/original/file-20230522-29-dho4t2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C0%2C1467%2C864&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le jeu Elden Ring n’impose aucun récit linéaire et donne une liberté d’exploration totale au joueur. Avec un minimum de passages obligés et aucun objectif manifeste, il gagne le prix du « meilleur jeu » aux Game Awards 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">Elden Ring, capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Le magazine <em>Time</em> a récemment publié sa liste des <a href="https://time.com/collection/100-most-influential-people-2023/">100 personnalités les plus influentes du monde en 2023</a>. Dans la catégorie « Innovateurs », on découvre un nom inconnu du grand public : <a href="https://time.com/collection/100-most-influential-people-2023/6269962/hidetaka-miyazaki/">Hidetaka Miyazaki</a>, créateur de jeux vidéo, dont le très célébré <em>Elden Ring</em>, paru en 2022. Avec la sortie le 12 mai 2023 de la <a href="https://www.liberation.fr/culture/jeux-video/zelda-tears-of-the-kingdom-hyrule-the-world-20230518_VSNBLWMCORH5JNOQ74GVU24LYM/?redirected=1">suite du très innovant <em>Zelda Breath of the Wild</em></a>, cette distinction confirme le jeu vidéo comme une catégorie artistique et culturelle à part entière.</p>
<h2>Une industrie culturelle majeure</h2>
<p>Le jeu vidéo domine désormais l’industrie du divertissement, et génère des revenus qui dépassent ceux des industries cinématographique et musicale. Cette croissance s’est accélérée avec la pandémie de Covid-19 pour atteindre <a href="https://newzoo.com/games-market-reports-forecasts">197 milliards de dollars en 2022</a>, et la tendance devrait se poursuivre, ce que traduit la <a href="https://theconversation.com/la-Covid-19-naura-pas-raison-de-lessor-de-le-sport-148933">croissance exponentielle du secteur du e-sport</a>. La France a ainsi compté près de <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/L-esport-un-secteur-en-pleine-croissance/1394463">11 millions de consommateurs et de pratiquants d’e-sport en 2022</a> (près d’un Français sur six) donnant lieu à la formulation par le gouvernement d’une véritable <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/fr/numerique/politique-numerique/strategie-esport-2020-2025">stratégie nationale en la matière</a>, visant à faire du pays le leader européen du secteur.</p>
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<img alt="Chiffre d’affaires de l’industrie du jeu vidéo 2018-2020" src="https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527198/original/file-20230519-17-bnnf4v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Newzoo, Billboard et IFPI ; compilé par Statista.com</span></span>
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<h2>La mauvaise réputation</h2>
<p>Pourtant, le jeu vidéo continue de souffrir de sa mauvaise réputation. Pour certains, il s’agit d’un divertissement sans grand intérêt artistique, une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/limite-du-temps-de-jeux-video-en-chine-une-mesure-de-sante-publique-tres-politique-9792162">distraction qui phagocyte l’attention des jeunes</a> pour les détourner d’activités plus productives, telles les arts « majeurs » (peinture, littérature, cinéma…) ou les études. Le jeu vidéo est ainsi souvent incriminé comme <a href="https://www.francesoir.fr/societe-culture-medias/faut-il-limiter-le-temps-de-jeux-video-pour-eviter-lechec-scolaire">antécédent de l’échec scolaire</a>, voire de la <a href="https://www.leprogres.fr/societe/2015/12/10/jeux-video-la-mauvaise-reputation">violence physique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-son-dans-lexperience-videoludique-117856">Le son dans l’expérience vidéoludique</a>
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<p>La littérature scientifique sur cette question montre une <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1611617114">association faible et variable</a>, voire <a href="https://www.nature.com/articles/s41380-018-0031-7">nulle</a> entre pratique de <a href="https://theconversation.com/ultraviolences-dans-le-jeu-video-catharsis-ou-mimesis-70713">jeux vidéos violents</a> et comportement agressif. Les études montrent aussi que la pratique (raisonnée) des jeux vidéos peut contribuer au <a href="https://theconversation.com/jeu-et-apprentissage-un-couple-indissociable-99646">développement cognitif</a> des joueurs, <a href="https://psycnet.apa.org/manuscript/2017-52625-001.pdf">par exemple sur le plan de la cognition spatiale et des capacités d’attention</a>.</p>
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<p>Si les jeux vidéo méritent en partie leur mauvaise réputation, c’est peut-être pour leur pauvreté artistique – en particulier sur mobile. Du fait de leur modèle économique, beaucoup ne visent qu’à retenir l’attention du joueur pour la monétiser, dans cette logique désormais ubiquitaire sur les réseaux sociaux. En résultent des jeux addictifs <a href="https://www.strategemarketing.com/jeux-video-comment-creer-et-monetiser-un-jeu-mobile/">générant revenus publicitaires et ventes liées</a>.</p>
<p>Contre ce modèle, la démarche artistique se concentre du côté des jeux sur ordinateur ou console de salon (type PlayStation). Ces jeux disposent parfois de budgets colossaux, ce qui leur permet d’engager des acteurs pour créer des scènes cinématiques réalistes – c’est le cas par exemple dans <em>God of War Ragnarok</em>, sorti en 2022, où le joueur incarne un ancien dieu grec de la guerre devenu père qui évolue dans un monde violent et voué à la destruction. Des jeux dans lesquels les bandes originales sont signées par des compositeurs talentueux, tel Nobuo Uematsu pour la série de jeux <em>Final Fantasy</em>.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’acteur Christopher Judge revient sur son incarnation du personnage de Kratos dans le jeu <em>God of War Ragnarok</em>.</span></figcaption>
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<p>Mais dans ce registre, même les jeux les plus ambitieux ne font que traduire dans une démarche « active » (manette en main) des mécaniques déjà bien balisées dans le monde du cinéma. L’horizon ultime de l’œuvre vidéo-ludique à succès se définit ainsi par une narration palpitante et facile d’accès, servie par des cinématiques dignes des meilleures productions hollywoodiennes, et procure une sensation grisante de puissance incarnée par un héros charismatique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527187/original/file-20230519-15-371l6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le jeu God of War Ragnarok reprend de nombreux codes du cinéma et a notamment gagné les prix « meilleur scénario » et « meilleur acteur » aux Game Awards 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2><em>Elden Ring</em> : le jeu où l’on meurt, encore et encore</h2>
<p>Le dernier jeu en date d’Hidetaka Miyazaki (célébré dans <em>Time</em> magazine), <em>Elden Ring</em>, est un énorme succès commercial. Avec 20 millions de copies écoulées en moins d’un an, il a remporté la distinction du meilleur jeu de l’année lors de la cérémonie des <em>Game Awards</em> 2022 à Los Angeles. Disposant d’un budget conséquent et doté d’un univers développé en collaboration avec George R. R. Martin – célèbre pour son œuvre <em>Le trône de fer</em> – le jeu coche a priori toutes les cases du blockbuster fondé sur des recettes faciles et éprouvées.</p>
<p>Et pourtant, l’œuvre est sans concession. Signe de la montée en maturité du genre, elle ne cherche ni à reproduire les codes du cinéma, ni à séduire son public par la facilité. Facilité au sens propre d’abord : le jeu est d’une difficulté extrême, souvent frustrant et très punitif. Et, contrairement à l’usage moderne, le joueur ne peut pas choisir son niveau de difficulté. C’est ainsi qu’en moyenne – c’est-à-dire en incluant les acheteurs ayant abandonné le jeu à un stade précoce – un <a href="https://www.bandainamcoent.com/news/elden-ring-battle-scars-infographic">joueur d’<em>Elden Ring</em> « meurt » environ 450 fois au cours de son aventure</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527296/original/file-20230519-7659-83km89.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Malenia, l’un des très nombreux boss optionnels du jeu <em>Elden Ring</em>, est considéré comme l’un des plus difficiles jamais crées.</span>
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<h2>Un scénario impressionniste</h2>
<p>L’auteur n’a pas non plus opté pour la facilité sur le plan narratif. Le scénario du jeu pourrait faire l’objet d’un ouvrage de plusieurs centaines de pages, avec une narration à l’opposé des codes classiques hollywoodiens. À la manière d’un peintre impressionniste, Miyazaki procède « par touches », en éclatant son scénario au gré du jeu, le dissiumulant dans la description du plus petit objet ramassé au hasard des pérégrinations du joueur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=653&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=653&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=653&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527218/original/file-20230519-23-8o1jzk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=820&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le scénario d’<em>Elden Ring</em>, très riche, doit être reconstitué par le joueur en lisant les descriptions des objets qu’il trouvera au fil de ses pérégrinations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
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<p>Pour mieux appréhender la démarche artistique subversive de l’auteur, on peut se fier <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Tu7bkJjMB3g">aux réactions indignées</a> de certains commentateurs face au succès populaire du titre : en art, lorsqu’on fait hurler les tenants d’un certain classicisme, c’est parfois qu’on tient une formule qui fera date.</p>
<p>La difficulté, passe encore. Mais certains s’indignent : des interactions avec des personnages au visage figé (c’est-à-dire non animé), des descriptions d’objets qu’il faut lire au fil de menus interminables, un univers auquel personne ne comprend rien… Comment un jeu si obscur peut-il rencontrer un tel succès ?</p>
<h2>Un parti pris : difficulté, complexité, liberté</h2>
<p><em>Elden Ring</em> joue cette carte de la rupture à dessein, sans chercher à faire l’unanimité. Non qu’il ne se soucie pas de la technique : il sait impressionner quand c’est nécessaire, et il le fait souvent.</p>
<p>Le monde proposé, totalement ouvert, tient tout à la fois du grandiose et du gigantisme. Tout ce que le joueur voit à l’horizon, il peut espérer l’atteindre. Mieux encore, le joueur peut décider de parcourir cet univers dévasté dans l’ordre qu’il souhaite. Très peu de passages obligés, aucun « point d’intérêt » manifeste. On peut s’approprier l’œuvre comme on veut.</p>
<p>Dans ce domaine, <em>Elden Ring</em> reprend la mécanique du jeu en monde ouvert introduite par <em>Zelda Breath of the Wild</em>, sorti en 2017, dont le principe novateur était de laisser au joueur une liberté d’action totale. Contrairement par exemple à un <em>Assassin’s Creed</em>, aucun cheminement prédéterminé ne s’impose au joueur par le biais de zones rendues inaccessibles, combinées à des objectifs explicitement représentés à l’écran.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Zelda Breath of the Wild</em> a révolutionné le jeu vidéo en monde ouvert.</span></figcaption>
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<p>De la même manière, <em>Elden Ring</em> n’innove pas totalement sur le plan de son niveau de difficulté extrême. Cette exigence, qui confine parfois à l’élitisme, est en réalité consubstantielle à l’approche de Miyazaki, déjà présente en 2011 dans son premier jeu d’auteur, <em>Dark Souls</em>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DmgLO83ROuc">initialement jugé injouable et mauvais</a>.</p>
<p>Et c’est justement en comparant <em>Elden Ring</em> avec <em>Zelda Breath of the Wild</em> et la série des <em>Dark Souls</em> que l’on comprend pourquoi le jeu fera date.</p>
<p>D’un côté, le jeu <em>Zelda Breath of the Wild</em> ne développe qu’un scénario minimal, lequel se résume à quelques lignes servant de prétexte au plaisir de l’exploration. De l’autre, là où les <em>Dark Souls</em> n’attiraient qu’un public de niche, averti et exigeant, <em>Elden Ring</em>, en mettant son monde ouvert au service d’une narration atypique, mais néanmoins passionnante, réussit à accrocher le joueur à son univers sombre et punitif, où la frustration est plus souvent la règle que l’exception.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uxwdq9G8DCo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption"><em>Elden Ring</em> propose une narration cryptique et invite je joueur à reconstituer par lui-même le contexte dans lequel s’inscrit son aventure.</span></figcaption>
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<p>C’est donc l’innovation sur le plan de la technique narrative qui représente la contribution majeure d’<em>Elden Ring</em> au jeu vidéo. Cette narration, il faut aller la chercher à la manière d’un archéologue : explorer, spéculer sur la base des éléments récoltés, chercher à reconstruire le grand récit dans lequel s’inscrit notre quête… Sure ce plan, aucun doute : l’auteur réussit un coup de maître.</p>
<p>Car le XXI<sup>e</sup> siècle est celui des réseaux sociaux, et la nébuleuse scénaristique d’<em>Elden Ring</em>, éclatée dans le cadre d’un monde ouvert librement explorable, a donné lieu à l’émergence d’une énorme communauté sur Internet : les gens débattent, argumentent, se passionnent…</p>
<p>Analogue peut-être aux communautés spécialistes de l’univers de <em>Stars Wars</em> dans le monde du cinéma, ou du <em>Seigneur des Anneaux</em> dans le domaine de la littérature, cette communauté cherche à interpréter et à mettre en relation les indices récoltés au fil de l’aventure afin de reconstituer l’histoire de l’univers dans lequel le joueur évolue.</p>
<p>Dans le monde du jeu vidéo, il y aura un avant et un après <em>Elden Ring</em>, et l’on retiendra probablement Hidetaka Miyazaki comme l’un des auteurs qui aura mené le genre à sa pleine maturité artistique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Hergueux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Scénario exigeant, narration originale, liberté d’action et esthétique très soignée : à l’image d’« Elden Ring », certains jeux vidéos récents changent la donne.Jérôme Hergueux, French National Center for Scientific Research (CNRS), École polytechnique fédérale de Zurich, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037152023-05-02T10:44:21Z2023-05-02T10:44:21ZApprendre à gérer un budget grâce… au jeu vidéo FIFA ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520585/original/file-20230412-28-z6rxhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1366&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À manipuler la monnaie virtuelle du jeu, il est possible d’acquérir de nombreuses compétences de gestion.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Footy.com / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le rôle des monnaies virtuelles est devenu central dans les <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a>. Ces unités de compte qui peuvent être gagnées, achetées ou échangées dans les univers virtuels présentent désormais un impact économique important. Même si elles ne sont pas considérées comme des devises, elles peuvent néanmoins influencer la façon dont les joueurs interagissent les uns avec les autres et même la façon dont les divertissements sont conçus.</p>
<p>Côté joueurs, elles sont souvent nécessaires pour avancer dans une aventure, en achetant des biens virtuels, des équipements, des personnages, des décorations ou autres améliorations. Pour les éditeurs, elles sont une source de revenus devenue essentielle et intégrée aux modèles économiques. C’est d’ailleurs souvent sous cet angle qu’elles sont évoquées dans les médias : les « lootboxes », « coffres à butin » ou « achats intégrés » sont largement <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/jeux-video-lootboxes-jeunes-joueurs/">critiqués</a> comme une source d’addiction à la dépense et comme une transformation des jeux en ligne en jeux d’argent. </p>
<p>Plusieurs firmes ont dû ainsi répondre devant la justice, tel <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/attaque-pour-vente-de-loot-boxes-dans-fortnite-et-rocket-league-epic-games-trouve-un-arrangement-n160781.html">Epic Games</a> qui a notamment développé Fortnite. La Belgique a ainsi légiféré pour <a href="https://www.ouest-france.fr/gaming/jeux-video-ufc-que-choisir-met-en-demeure-ea-games-fifa-d-afficher-les-prix-de-ses-loot-box-d9ae4162-e253-11ec-a665-c765ae49fc18">interdire ces microtransactions</a>.</p>
<p>On ne peut cependant limiter l’analyse des monnaies virtuelles à ces risques. Et s’il s’agissait aussi, de même que ces loisirs enseignent la <a href="https://theconversation.com/concentration-patience-strategie-ces-competences-que-les-jeux-videos-permettent-de-developper-130808">patience</a>, d’un moyen de socialiser les joueurs à l’argent numérique, de permettre en apprentissage en gestion dans un contexte ludique ? C’est ce que nous suggérons dans nos travaux prochainement publiés dans la revue <em>Réseaux</em> à partir d’un des jeux les plus populaires au monde, <a href="https://theconversation.com/topics/fifa-21439">FIFA</a>.</p>
<p>Ils s’inscrivent notamment dans la continuité des études de la sociologue américaine Viviana Zelizer qui montre qu’il existe une <a href="https://journals.openedition.org/lectures/270#:%7E:text=6Viviana%20Zelizer%20remarque%20que,rejetant%20les%20sentiments%20du%20donateur.">« signification sociale de l’argent »</a>. Elle démontre que les fonds ne sont pas utilisés de la même manière en fonction de leur provenance. Par exemple, un billet reçu à un anniversaire servira à un projet spécial ; des criminels expliquent qu’ils ne mettront pas dans le panier de la quête à l’église de l’argent issu de leurs activités sombres.</p>
<h2>Les cartes dans FIFA, un véritable marché</h2>
<p>FIFA et son mode compétitif en ligne <em>FIFA Ultimate Team</em> (FUT) suscitent la controverse pour ses monnaies. Dans FUT, il s’agit de constituer son équipe de rêve, de préférence plus rapidement que les autres joueurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1009&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1009&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1009&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1268&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1268&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520549/original/file-20230412-28-o440sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1268&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Ce mode en ligne serait néanmoins devenu un « pay-to-win », terme péjoratif pour qualifier une partie où c’est celui qui paie qui gagne. Il est par exemple possible d’acquérir des packs de footballeurs aléatoires, avec l’espoir d’y trouver un sportif qui renforcera l’équipe du joueur et dont la valeur dans FUT aurait été trop importante pour se le procurer.</p>
<p>Trois monnaies sont utilisables dans ce jeu : les crédits, les points FIFA et les jetons. Les premiers tombent en récompense de matchs remportés ou en spéculant sur les cartes du jeu ; ils permettent d’acheter des cartes de sportifs. Les points FIFA achetables en euros ou en dollars servent, eux, à obtenir des packs de cartes. Les jetons, enfin, permettent d’accéder à des modes de jeu spécifiques.</p>
<p>Toutes ces ressources participent à un marché qui regroupe au plus fort de l’année plusieurs millions de cartes. Il constitue le cadre de nombreuses transactions entre joueurs, réalisées en crédits, via un dispositif proposé par l’éditeur qui régule les enchères entre joueurs, les cours des cartes via différentes promotions et plus largement la masse monétaire en crédit via une taxe de 5 % de crédit par transaction. Cette activité, nommée achat-revente, est une pratique centrale du mode FUT.</p>
<h2>Des concepts de gestion pour être compétitif</h2>
<p>Derrière, c’est néanmoins pour les joueurs tout un processus d’apprentissage. Manipuler ces monnaies engage des logiques d’efficience, d’éthique et de gestion émotionnelle. Les joueurs cherchent à maximiser l’utilisation de leurs crédits pour améliorer leur équipe et ainsi gagner des matchs.</p>
<p>Les crédits sont, aux yeux des joueurs, durement gagnés et considérés comme mérités. Pour certains, ils ne devront d’ailleurs pas être gaspillés dans des packs sur un coup de tête. Des techniques pour gagner des crédits plus rapidement sont partagées sur les réseaux sociaux et forums, transmises par des influenceurs qui présentent autant des astuces propres au jeu que les mécanismes financiers du marché qui impactent les cours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1645823838922461184"}"></div></p>
<p>Les points FIFA, eux, ne supposent pas de compétences à acquérir. Ces achats sont plus ou moins reconnus comme légitimes. Ils sont pour certains un capital investi en début de jeu pour aller plus vite, pour d’autres, juste de la triche. Dans les deux cas, l’enjeu est d’adopter des usages en accord avec les normes des autres joueurs. Comme nous avons pu l’entendre :</p>
<blockquote>
<p>« Accepter des points FIFA comme cadeau de Noël ou d’anniversaire, ça passe »</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit aussi de se plier aux normes de l’éditeur : faire de l’achat-revente oui, obtenir des crédits de manière illégale, c’est l’exclusion.</p>
<p>Une fois les crédits obtenus, reste à les utiliser pour construire la meilleure équipe possible. Ici joue la mobilisation de concepts gestionnaires et financiers qui permettront aux joueurs d’être compétitifs : offre et demande, fixation de prix et équilibre, spéculation, gestion des risques, taxe, régulation, fraude ou encore rôle de l’information. La notion la plus centrale reste celle de la valeur des cartes : elle va guider toutes les décisions.</p>
<p>Celle-ci est liée aux <a href="https://theconversation.com/comment-les-jeux-video-de-football-influencent-la-realite-et-inversement-87117">performances</a> des footballeurs dans la réalité, renforçant le lien entre le jeu et le stade. Certains joueurs tentent même de développer des stratégies d’investissement sur la durée de vie du jeu, planifiant tant leur équipe que les moyens à acquérir pour en disposer.</p>
<h2>Des compétences à faire valoir</h2>
<p>D’autres compétences importantes se développent via les monnaies virtuelles des jeux vidéo, comme le contrôle de soi, même si elles n’en sont pas le seul objet. Pour les monnaies virtuelles, les joueurs apprennent à mettre en place des garde-fous, comme s’interdire de dépasser un certain montant financier dépensé dans le jeu par mois ou année.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-fortnite-est-il-un-jeu-dargent-125092">Podcast : Fortnite est-il un jeu d'argent ?</a>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Ce contrôle de soi est central autant pour lutter contre la tentation face à l’argent et aux packs, que dans la maîtrise à garder face à la toxicité d’autres joueurs et à la frustration des défaites. Plus généralement, il s’inscrit dans la maîtrise de l’engagement important que suppose la pratique de ce loisir sérieux où il faut à la fois « jouer le jeu » pleinement pour rester compétitif et de ne pas « trop tomber dans le jeu » jusqu’à en perdre le goût. En cela, le cas de FUT permet d’observer une socialisation conjointe à l’argent et au jeu.</p>
<p>Tout cela suggère le rôle des jeux vidéo dans la socialisation à l’argent et l’intérêt de reconnaître les compétences, par exemple en gestion, que les joueurs y développent et parfois étendent hors du jeu. Celles-ci restent encore peu visibles et vues peu légitimes car acquises dans un contexte ludique. Les monnaies dans les jeux vidéo apparaissent pourtant porteuses d’apprentissages, qu’il convient de mieux reconnaître et intégrer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les monnaies virtuelles comme celles utilisées dans le célèbre jeu de football apparaissent porteuses d’apprentissages, qu’il convient de mieux reconnaître et intégrer.Sarah Maire, Assistant Professor in Accounting and Control, Ph.D., IÉSEG School of ManagementCaterina Trizzulla, Maître de conférences en Marketing, Université de LorraineRenaud Garcia-Bardidia, Professeur des universités en Sciences de Gestion, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2018542023-04-12T21:48:06Z2023-04-12T21:48:06ZPratiquer un e-sport impacte aussi la santé : quels sont les risques et comment les limiter<p>Les « sports électroniques » ou <em>e-sport</em> sont une <a href="https://theconversation.com/los-e-sports-han-venido-para-quedarse-99569">activité de plus en plus populaire</a> parmi les jeunes (et les adultes) du monde entier. Chaque jour, des millions de personnes se connectent simultanément à des jeux vidéo en ligne et se coordonnent ou s’affrontent dans des parties qui requièrent de <a href="https://bmjopensem.bmj.com/content/5/1/e000606">l’adresse, de la stratégie et des réflexes rapides</a>.</p>
<p>Cependant, comme pour toute pratique ayant une composante physique, le fait de passer trop de temps dans la même position ou à effectuer des mouvements répétitifs peut avoir des répercussions négatives sur la santé physique et mentale. Le joueur de jeux vidéo, ou <em>gamer</em>, est lui aussi concerné par ces risques. Comment les prévenir ?</p>
<h2>Une pratique en plein essor</h2>
<p>Les sports électroniques impliquent des équipes ou des joueurs individuels. Ces dernières années, ils <a href="https://theconversation.com/la-Covid-19-naura-pas-raison-de-lessor-de-le-sport-148933">ont connu une croissance exponentielle</a>, tant au niveau récréatif que professionnel. Ces événements, qui prennent toujours plus d’ampleur et peuvent être suivis virtuellement par des millions de spectateurs dans le monde, ont des <a href="https://theconversation.com/esport-lavantage-competitif-de-la-data-et-de-lia-172921">sponsors et des communautés de fans</a> qui soutiennent leurs équipes et joueurs préférés.</p>
<p>Du fait d’enjeux toujours plus grands, certaines compétitions de <em>e-sport</em> ont désormais une structure comparable à celle des sports « classiques » et ont obtenu la <a href="https://theconversation.com/los-e-sports-han-venido-para-quedarse-99569">reconnaissance des organisations sportives traditionnelles</a>, telles que divers <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Sport-virtuel-avec-l-olympic-esport-series-le-cio-continue-a-tatonner/1383406">comités olympiques nationaux</a> et la <a href="https://iesf.org/">Fédération internationale d’e-sport</a>. Les trophées sont souvent accompagnés d’une récompense financière substantielle.</p>
<p>Et, comme pour les pratiques sportives classiques, être doté des certaines compétences et d’une grande concentration mentale ne suffit pas : les participants ont besoin de nombreuses heures de préparation et d’entraînement pour évoluer, devenir plus performants, etc. Les joueurs qui intègrent certains clubs professionnels sont ainsi soumis à des <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/03/20/e-sport-dans-les-coulisses-des-entrainements-de-l-equipe-vitality-au-stade-de-france_6073851_4408996.html">entraînements et des suivis de leur hygiène de vie comme tout athlète</a>. Mais malgré la prise de conscience en cours, tous ne bénéficient pas d’un tel support logistique et physique.</p>
<p>Or, si l’on ne tient pas compte des exigences des compétitions et des <a href="https://journals.lww.com/acsm-csmr/fulltext/2020/12000/gamer_s_health_guide__optimizing_performance,.10.aspx">risques ergonomiques ou autres risques dérivés possibles</a>, ou simplement si l’on pratique à domicile, même installé dans une position confortable, cela peut, sur le long terme, avoir des conséquences sur certains paramètres physiques du <em>gamer</em>.</p>
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<h2>L’importance d’une posture correcte</h2>
<p>Selon l’<a href="https://iea.cc/about/what-is-ergonomics/">International Ergonomics Association</a> (IEA), le terme <em>ergonomie</em> désigne l’étude scientifique de la relation entre les êtres humains et leur environnement, dans le but de réduire le stress et de prévenir les blessures.</p>
<p>Dans le cas présent, les sports électroniques à un certain niveau exigent des heures d’entraînement (voire de compétition) devant un écran : ce qui peut exposer à différents types de blessures physiques si les recommandations en termes de postures ne sont pas (ou mal) prises en compte. Des joueurs non professionnels réguliers, engagés dans des campagnes au long cours ou autre, peuvent également être concernés. L’environnement dans lequel le jeu est pratiqué est donc très important.</p>
<p>Quels sont les <a href="https://www.irbms.com/e-sport/">principaux risques</a> auxquels nous devons être attentifs ?</p>
<ul>
<li>En premier lien aux douleurs musculaires et articulaires. Si le joueur n’est pas assis correctement ou passe trop d’heures dans la même position, tête baissée, il peut subir une pression constante sur le cou, la colonne vertébrale et les épaules, qui restent contractées. Les coudes, les poignets et les mains souffrent également des mouvements répétitifs tels que cliquer sur la souris ou bouger constamment les mains ou les bras. Répétés des milliers de fois, ces gestes n’ont rien d’anodin.</li>
</ul>
<p>À long terme, la raideur des articulations peut entraîner des lésions telles que des contractures et des inflammations types <a href="https://theconversation.com/tendinites-a-quoi-sont-elles-dues-comment-les-eviter-119554">tendinites</a> (au niveau du pouce et du poignet notamment) ou le syndrome du canal carpien <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/comprendre-syndrome-canal-carpien">que les joueurs professionnels ne connaissent que trop bien</a>, entraînant engourdissement, fourmillement, perte de sensibilité, etc.</p>
<ul>
<li>D’autre part, l’exposition prolongée à la lumière des écrans peut fatiguer les yeux et entraîner une sécheresse oculaire, une fatigue oculaire, des maux de tête et une vision floue. Avec notamment pour conséquence des <a href="https://apdev.org.pe/agotamiento-en-gamers-como-prevenirlo-y-prolongar-tu-carrera/">problèmes de sommeil (du fait l’excitation de la rétine) et une fatigue extrême</a>.</li>
</ul>
<p>Cela peut dans certains cas affecter la santé mentale, avec un risque accru de <a href="https://repository.eafit.edu.co/bitstream/handle/10784/31933/Jose_Henrique_Rizo_Acosta_2022.pdf">dépression, d’anxiété voire de divers troubles émotionnels</a>. Des problèmes dits <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7044624/"><em>gaming disorder</em>, ou de dépendance aux jeux vidéo</a>, ont déjà été identifié à l’échelle mondiale. Le risque de burn-out existe également.</p>
<h2>Exercices, pauses et autres recommandations</h2>
<p>Il existe de nombreux conseils et protocoles de prévention mis en place pour développer une pratique plus sûre et moins traumatisante pour le corps. Des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=degYaAE0Ehs">exercices d’échauffement</a>, de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7q--fFYWJ60">prévention</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AIE83KMAtBY">exercices de récupération</a> sont ainsi disponibles sur diverses plates-formes numériques, sous forme de vidéos ou d’infographies didactiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/degYaAE0Ehs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Toutefois, les dernières revues qui rassemblent et synthétisent les informations publiées sur ce sujet ne permettent pas de déterminer clairement quelles sont les meilleures interventions.</p>
<p>Ce sur quoi elles s’accordent, c’est que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9288077/">faire des sessions de plus de trois heures d’affilée peut avoir des conséquences négatives</a> – ce qui peut facilement arriver sur des parties longues. Il est donc nécessaire de se rappeler de quelques conseils de base et de s’astreindre à quelques exercices avant, pendant et après :</p>
<ul>
<li><p>Échauffez-vous : mobilisez vos articulations pour préparer votre corps à la séance. Faites également travailler vos yeux, qui vont rester longtemps fixés à l’écran.</p></li>
<li><p>Faites des pauses actives entre les matchs ou les entraînements : levez-vous de votre fauteuil, marchez, sollicitez vos muscles ; quittez l’écran des yeux pendant au moins dix minutes.</p></li>
<li><p>Effectuez des exercices de renforcement et de mobilité en dehors des séances de jeu, afin que votre corps soit plus adapté à tous ces gestes.</p></li>
<li><p>Hydratez-vous (avec de l’eau). Café ou autres vont augmenter l’excitation, pas améliorer les performances. Pensez également à manger.</p></li>
<li><p>Utilisez des équipements ergonomiques (fauteuil, écrans, souris) qui tiennent mieux dans la main. Il existe également des repose-pieds. Ils peuvent améliorer le confort lors de l’entraînement ou de la compétition et limiter les traumatismes articulaires.</p></li>
</ul>
<p>Bien qu’il existe de nombreux exemples d’exercices et d’entraînement partagés en ligne, il est préférable de les faire valider par un spécialiste pour être sûrs qu’ils sont adaptés aux jeux pratiqués et aux besoins physiques spécifiques du joueur.</p>
<p>Il est important que les joueurs de jeux vidéo utilisent des équipements ergonomiques, fassent des pauses régulières et effectuent des exercices préparatoires à leur sport : ce qui va bénéficier à leur endurance et leurs performances.</p>
<p>En cas de douleur ou de gêne persistante, il est recommandé de consulter un médecin ou un physiothérapeute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201854/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Parties longues, répétées… et des douleurs au cou, aux poignets qui se font sentir. Pas besoin d’être un joueur professionnel de jeux vidéo pour connaître ces désagréments. Comment se prémunir ?Daniel Sanjuán Sánchez, Fisioterapeuta y personal docente investigador en la Facultad de Ciencias de la Salud en Universidad San Jorge, profesor asociado en la Facultad de Enfermería y Fisioterapia en la Universitat de Lleida. Miembro del grupo de investigación iPhysio, Universidad San JorgeJosé Manuel Burgos Bragado, Personal Docente e Investigador de la Facultad de Ciencias de la Salud, Universidad San JorgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014132023-03-09T18:43:08Z2023-03-09T18:43:08ZPourquoi les mondes imaginaires sont-ils de plus en plus populaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514256/original/file-20230308-18-7b1gg1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C13%2C1262%2C705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre appétence pour les mondes imaginaires est corrélée à notre quête de nouveauté. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=132663.html">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques décennies, nous sommes témoins d’un engouement mondial pour les mondes imaginaires. Des mondes fictifs tels que ceux que l’on retrouve dans les romans, les films, les mangas, les séries télévisées et les jeux vidéo ne cessent de gagner en popularité et en complexité. Des univers aussi riches et élaborés que ceux de <em>Star Wars</em>, <em>One Piece</em>, <em>Zelda</em>, <em>Game of Thrones</em>, <em>Elden Ring</em>, <a href="https://theconversation.com/le-quidditch-ce-sport-reel-venu-dharry-potter-64534"><em>Harry Potter</em></a> ou encore le <em>Seigneur des Anneaux</em> attirent chacun des millions de fans à travers le monde. Pourquoi tant de succès, et pourquoi aujourd’hui, et non pas plus tôt ?</p>
<p><a href="https://www.routledge.com/Building-Imaginary-Worlds-The-Theory-and-History-of-Subcreation/Wolf/p/book/9780415631204">Les mondes imaginaires existent certes depuis très longtemps</a> : l’<em>Odyssée</em>, écrite il y a presque 3000 ans, se situe souvent dans des îles qui n’existent pas, mais inspirées d’îles existantes, comme l’île des Cyclopes (ainsi nommée en hommage au texte d’Homère), au large de la Sicile. Homère n’a fait qu’y imaginer des cyclopes. En comparaison, J.-K. Rowling a inventé des territoires magiques dissimulés au sein du monde réel, avec de nombreuses descriptions précises de lieux imaginaires. Et Georges Lucas, avec <a href="https://theconversation.com/lascension-des-hero-nes-dans-star-wars-une-victoire-feministe-130222"><em>Star Wars</em></a>, a inventé des centaines de planètes.</p>
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<span class="caption">L’exploration selon le jeu vidéo Zelda.</span>
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<p>Des écrivains tels que Jules Verne et <a href="https://theconversation.com/pourquoi-edgar-allan-poe-est-lecrivain-prefere-des-incompris-198552">Edgar Allan Poe</a> ont aussi créé des univers fictifs, dès le XIX<sup>e</sup> siècle. Cependant, leurs écrits développent une intrigue qui a la primeur sur le monde créé. L’univers imaginaire est plutôt un prétexte à des aventures, pas une invention en soi. Tolkien, au début du XX<sup>e</sup> siècle, a inventé un monde avec une géographie, une végétation, des espèces, un langage et des civilisations. <a href="https://www.fabula.org/actualites/68668/a-besson-constellations-des-mondes-fictionnels-dans-l-imaginaire-contemporain.html">Ce monde imaginaire, complet, autonome, et cohérent</a>, a du sens indépendamment de l’histoire de la quête de Frodon par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-langues-elfiques-de-tolkien-plus-populaires-que-lesperanto-71388">Les langues elfiques de Tolkien, plus populaires que l’espéranto</a>
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<p>C’est depuis Tolkien, et surtout ces dernières décennies, que ces mondes imaginaires sont devenus aussi complexes et riches et se sont répandus. Pourquoi sont-ils devenus si populaires ? Nous posons l’hypothèse selon laquelle la curiosité joue un rôle central dans ce phénomène culturel d’ampleur.</p>
<h2>La curiosité pour des environnements nouveaux</h2>
<p>Dans une de ses lettres, J.R.R. Tolkien écrivait lui-même qu’une partie de l’attrait du <em>Seigneur des Anneaux</em> « repose sur le sentiment intrinsèque de récompense que nous éprouvons en regardant au loin une île non visitée ou les tours d’une ville lointaine ». Une intuition partagée par Shigeru Miyamoto, le créateur de <em>Zelda</em>, l’un des jeux vidéo les plus vendus au monde, dans lequel on peut incarner Link et explorer librement Hyrule, un monde d’inspiration médiévale. Miyamoto disait qu’il voulait créer « un univers de jeu qui transmette le même sentiment que celui que l’on ressent lorsqu’on explore une nouvelle ville pour la première fois ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alice-a-lasile-60457">Alice à l’asile</a>
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<p>L’intuition de ces deux créateurs de mondes imaginaires a été indirectement confirmée par des études récentes en sciences cognitives. Le cerveau de <a href="https://www.researchgate.net/publication/245765584_Conserved_role_of_dopamine_in_the_modulation_of_behavior">toute espèce mobile</a> est en effet doté <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9658025/">d’un système dopaminergique, qui est associé à la motivation et à la récompense</a>. Des recherches en neurosciences montrent que ce système est aussi activé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16880131/">lorsque nous découvrons de nouveaux objets</a> ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29218570/">lorsque nous décidons</a> d’explorer un nouvel environnement. Il nous incite à chercher des informations nouvelles qui seront mobilisées dans le futur. Tous les animaux sont curieux de nouveaux environnements, même si le degré de curiosité diffère d’une espèce à l’autre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514501/original/file-20230309-16-1lbjmm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jeu inspiré de la saga Harry Potter nous plonge dans des mondes imaginaires.</span>
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<p>C’est un des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21702807/">systèmes cognitifs les plus anciens</a> dans l’histoire évolutionnaire de la cognition animale, car il était nécessaire à la navigation dans l’espace. Cela explique pourquoi, quand des éthologues leur présentent un objet nouveau et un objet familier, des espèces aussi différentes que les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10071-017-1103-9">dauphins</a> ou les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10329-019-00731-2">macaques</a> observent plus longtemps les objets nouveaux – une mesure commune de la curiosité.</p>
<h2>Un avantage dans l’évolution</h2>
<p><a href="https://psycnet.apa.org/record/1992-98504-016">Cette curiosité pour des environnements nouveaux est un comportement adaptatif</a>. Au cours de l’histoire de notre espèce, la curiosité humaine a évolué en réponse aux exigences de survie et de reproduction. Les humains qui ont développé une curiosité accrue ont été mieux équipés pour explorer leur environnement et découvrir de nouvelles ressources. Cette capacité a permis à ces individus de survivre plus longtemps et donc de se reproduire davantage, menant à la lente propagation des gènes associés à cette curiosité accrue dans la population.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514502/original/file-20230309-1177-8ywoca.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le héros face à l’inconnu, une mise en scène visuelle qui attise notre curiosité dans Avatar.</span>
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<p>La curiosité se nourrit de promesses d’informations nouvelles. C’est pour cela que les environnements nouveaux sont si fascinants pour nos cerveaux : la vision d’un monde imaginaire est un indice qui nous informe qu’une grande quantité d’informations reste à découvrir. Il faut noter que cette curiosité pour les environnements nouveaux est activée même si l’environnement nouveau est fictionnel, car le mécanisme qui nous pousse à découvrir de nouveaux environnements n’a pas évolué dans un contexte où la fiction existait. Nous savons bien sûr faire la différence entre la réalité et la fiction, mais <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2022.786770/full">nos préférences héritées de l’évolution ne prennent pas en compte cette frontière : elles s’intéressent à toutes sortes d’informations</a>.</p>
<p>La promesse de découvertes nous attire dans les affiches promotionnelles des fictions dans lesquelles un personnage fait face à un large panorama d’un monde imaginaire, prêt à l’explorer. Nous aimons cette idée qu’il reste du chemin à parcourir. Des psychologues ont par exemple montré que des <a href="https://www.researchgate.net/publication/249624135_Environmental_PreferenceA_Comparison_of_Four_Domains_of_Predictors">photographies de paysage sont en moyenne plus appréciées quand elles indiquent visuellement la présence d’opportunités de découverte</a> – avec, par exemple, l’image d’une forêt au loin et un chemin sinueux qui disparaît dans les arbres.</p>
<h2>La variation de la curiosité</h2>
<p>Si la curiosité a été sélectionnée au cours de l’évolution, le degré de curiosité n’est ni fixe, ni toujours le même. On voit très bien qu’autour de nous, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0092656617301149">certaines personnes sont plus exploratrices que d’autres</a>. Un des facteurs qui expliquent ces différences est la génétique : la curiosité <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2190/h8h6-qykr-keu8-gaq0?journalCode=icaa">fait partie intégrante de notre personnalité</a>, qui est en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X15002171">partie déterminée par notre patrimoine génétique hérité de nos parents</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514503/original/file-20230309-121-hzogbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818. Un avant-goût romantique du boom des fictions pleines de mondes imaginaires des 20ᵉ et XXIᵉ siècle ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Cependant, un autre facteur important détermine le niveau de curiosité des individus. Il est important de noter que la curiosité a des conséquences qui peuvent être néfastes pour un organisme – par exemple, si l’exploration ne paye pas, le temps passé à explorer est perdu. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X15002055">ces conséquences ne sont pas aussi négatives pour l’organisme selon s’il se trouve dans un environnement pauvre en ressources ou dans un environnement riche en ressources</a>.</p>
<p>L’évolution a donc façonné le système de la curiosité pour être flexible en fonction de l’environnement dans lequel se trouve un organisme, pour gérer ses « coûts » et ses « bénéfices ». Les scientifiques en écologie comportementale appellent cette flexibilité la <a href="https://www.edge.org/response-detail/27196">plasticité phénotypique</a>.</p>
<p>Dans des environnements prospères et donc prévisibles, les individus ont accès à davantage de ressources et sont donc moins susceptibles de faire l’expérience d’une pénurie ou d’un danger immédiat. Par conséquent, ils peuvent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513821000271">se permettre d’être plus explorateurs et curieux, en prenant des risques</a> pour rechercher de nouvelles opportunités et expériences qui peuvent être bénéfiques à long terme.</p>
<p>En revanche, dans des environnements plus pauvres et plus imprévisibles, les risques associés à l’exploration sont plus élevés, car un échec peut entraîner des dommages importants. Dans de tels environnements, les individus devraient être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513821000143">plus motivés à se concentrer sur l’exploitation de leur environnement pour satisfaire leurs besoins immédiats</a>, plutôt que de prendre des risques pour explorer de nouvelles opportunités.</p>
<p>Des études ont confirmé que chez des espèces aussi différentes que les <a href="https://www.researchgate.net/publication/27270675_The_Significance_of_Ecological_Factors_for_Exploration_and_Neophobia_in_Parrots">perroquets</a> et les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Sofia-Forss-2/publication/279631853_Contrasting_Responses_to_Novelty_by_Wild_and_Captive_Orangutans/links/5a532cd30f7e9bbc10568f28/Contrasting-Responses-to-Novelty-by-Wild-and-Captive-Orangutans.pdf">orangs-outangs</a>, les individus qui ont été nourris ou ont un accès direct à de la nourriture sont plus curieux que les autres, toutes choses égales par ailleurs.</p>
<p>Chez les humains, des études montrent que les habitants de sociétés dotées d’un produit intérieur brut par habitant plus élevé (qui bénéficient donc de meilleures conditions de vie, en matière d’alimentation, d’accès au soin, et d’accès à l’éducation) sont en <a href="https://www.sociostudies.org/journal/articles/2189446/">moyenne plus ouverts à de nouvelles expériences</a>. D’autres études montrent que les individus vivant dans des familles qui bénéficient de meilleures conditions de vie <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28238826/">sont plus curieux</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/08902070221078479?journalCode=erpa">ont moins de chance de voir leur niveau de curiosité décroître</a> en grandissant, et que cela peut expliquer les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rstb.2021.0345">différences de capacités d’apprentissage qu’on observe entre des pays qui n’ont pas le même niveau de développement économique</a>.</p>
<h2>L’attrait pour les mondes imaginaires</h2>
<p>Nous avons ainsi formulé <a href="https://www.edgardubourg.fr/_files/ugd/9c54f0_80037d57932f446ba20010547087a5fc.pdf">l’hypothèse selon laquelle le succès culturel récent des mondes imaginaires s’explique par l’amélioration des conditions de vie</a> au cours des dernières décennies. Cette amélioration des conditions de vie <a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/6CBACB4C2DFB11F5A13D3B4A5E9E2EB4/S0140525X1800211Xa.pdf/psychological-origins-of-the-industrial-revolution.pdf">aurait mené à des changements de mentalité majeurs</a>. Notamment, comme l’environnement des individus devient plus prévisible et plus sûr, les coûts liés à la curiosité pour des environnements nouveaux diminuent. Cette évolution des mentalités pourrait donc expliquer l’accroissement de la popularité et de la richesse des mondes imaginaires. Bien sûr, explorer des mondes imaginaires ne comporte aucun risque en soi, mais, encore une fois, la frontière entre la réalité et la fiction importe peu en la matière. Seule compte la sensibilité de nos préférences : il faut être curieux des environnements nouveaux dans la vie réelle pour trouver attrayants les mondes imaginaires dans les fictions.</p>
<p>Nous avons d’abord montré, dans une <a href="https://psyarxiv.com/d9uqs">étude à paraître</a>, que le niveau de curiosité des individus est en effet corrélé à leur préférence pour les mondes imaginaires : les personnes plus exploratrices aiment davantage les mondes imaginaires, les personnes moins exploratrices les aiment moins. Nous avons ensuite regardé l’évolution des mondes imaginaires dans les romans et les films : environ 10 % des films produits et 10 % des romans parus développent un monde imaginaire au début du XX<sup>e</sup> siècle, contre environ 20 % d’entre eux aujourd’hui. Cela correspond à une augmentation de 100 % en un siècle, dans les deux médias. Cette augmentation suit l’augmentation permanente du niveau de richesses des pays industrialisés tout au long du XX<sup>e</sup> siècle. Bien que cette association ne prouve pas l’existence d’un lien causal, elle tend à confirmer notre hypothèse selon laquelle la popularité croissante de ces mondes imaginaires s’explique en partie par la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie, qui augmenterait naturellement la motivation de lecteurs et lectrices, et des téléspectateurs et téléspectatrices, à explorer ces nouveaux mondes.</p>
<p>Nos recherches s’inscrivent dans un projet plus global qui vise à une meilleure compréhension de notre attrait pour les fictions, grâce à notre compréhension de la psychologie humaine. Par exemple, en comprenant d’où vient la peur et comment cette émotion fonctionne, on peut <a href="https://academic.oup.com/book/4159">mieux comprendre notre attrait pour les films d’horreur et les attractions effrayantes</a>.</p>
<p>Inversement, ces recherches peuvent aussi mener à une meilleure compréhension de la psychologie, grâce aux fictions. Par exemple, <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-022-01292-z">tracer l’histoire de la représentation de l’amour dans les textes littéraires permet de mieux comprendre l’histoire du sentiment amoureux et les facteurs de ses fluctuations</a>, dont les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691614561683">bases psychologiques et biologiques sont désormais bien connues</a>.</p>
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<p><em>Cet article est issu d’un <a href="https://cognition.ens.fr/fr/news/semaine-du-cerveau-2023-lens-16860">cycle de conférences proposées par l’ENS-PSL dans le cadre de la 25ᵉ édition de la Semaine du cerveau</a>, du 13 au 17 mars 2023. À cette occasion, des chercheuses et chercheurs proposent des interventions sur le thème « pensée et émotions : du réel à l’imaginaire ». Retrouvez Edgar Dubourg le 14/03 à 18h30 pour la conférence : « Comment expliquer notre fascination pour les mondes imaginaires ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edgar Dubourg a reçu des financements de l'École Normale Supérieure-PSL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Baumard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du CNRS et de l'université PSL. </span></em></p>La curiosité joue un rôle central dans notre engouement pour des univers fictifs riches et innovants.Edgar Dubourg, Doctorant en études cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLNicolas Baumard, Chercheur en études cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1943892022-12-18T18:07:29Z2022-12-18T18:07:29ZApprendre à faire des choix dans un monde incertain<p>Depuis 2020, le monde a changé et d’aucuns disent qu’il est devenu <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=GWn4AgAAQBAJ">incertain</a>. Les règles du jeu ont en tout cas changé, et celles-ci ne sont plus claires. Comment l’être humain et la société peuvent-ils jouer avec ces nouvelles règles – ou cette absence de règles ? Et comment le fonctionnement propre aux jeux peut-il nous éclairer sur cette nouvelle situation ?</p>
<p>Rappelons d’abord que les règles sont une caractéristique fondamentale du jeu et que ce sont elles qui permettent au joueur d’être inventif. Roger Caillois l’écrit dès 1958 : « Le terme de jeu combine alors les idées de limites, de liberté et d’invention. ». Qu’il ait à deviner des mots sans en prononcer d’autres (dans le cas de <a href="https://www.regledujeu.fr/taboo/">Taboo</a>) ou qu’il doive dessiner un concept dans un temps donné (dans le cas de <a href="https://www.regles-de-jeux.com/regle-du-pictionnary/">Pictionary</a>), c’est parce qu’il est contraint que le joueur devient créatif. C’est parce qu’il y a des règles qu’il doit se dépasser pour réussir à l’emporter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mad-skills-au-coeur-des-metiers-de-demain-181505">Les « mad skills », au cœur des métiers de demain ?</a>
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<p>Outre son usage dans les séances de brainstorming, de créativité, dans les services innovation des entreprises, cette caractéristique du jeu se retrouve dans de nombreux domaines. En littérature, <a href="https://www.oulipo.net/">l’OuLiPo</a> en a fait sa ligne de conduite : poser des règles pour solliciter la créativité. L’exemple le plus connu est celui de Georges Perec qui écrit un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-disparition-de-georges-perec-un-tour-de-force-litteraire-7902013">roman entier sans la lettre « e »</a>. Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields, le « Nobel » des mathématiques, évoque, lui aussi, cet équilibre entre règles et liberté dans son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=crM1Z-x-o_Q">TedX sur la naissance des idées</a>.</p>
<p>Pendant les périodes de confinement, nous avons d’ailleurs pu constater au quotidien combien la créativité humaine était exacerbée par les contraintes. Denis Cristol en a d’ailleurs recensé <a href="https://cursus.edu/fr/21730/quand-le-confinement-nous-pousse-a-la-creativite">quelques exemples</a>, qu’ils soient inventifs, drôles, solidaires, musicaux, voire médicaux ou issus de la EdTech.</p>
<h2>Les règles et la liberté de choisir</h2>
<p>Au-delà de la créativité, la contrainte liée aux règles confronte le joueur à la prise de décision. A chaque tour, en effet, il est sommé de faire des choix. Au Monopoly, il devra décider s’il achète ou non telle rue ou telle avenue par exemple. Dans des jeux plus vastes comme <a href="https://latoiledesjeux.com/jeu-catan/">Catan</a>, <a href="https://www.regles.com/jeux/carcassonne.html">Carcassonne</a>, <a href="https://www.rprod.com/fr/games/7-wonders">Seven Wonders</a>, <a href="https://www.risk-encyclopedia.com/risk-quelle-version-choisir/">Risk</a>, les règles sont plus nombreuses et les joueurs sont donc encore plus libres car ils peuvent élaborer des stratégies très différentes. Chaque partie sera l’occasion de tester une autre manière de jouer.</p>
<p>Le jeu permet alors de voir – action après action – les conséquences des choix des participants. Ces <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PMj8Q4ViKzs">feedbacks immédiats</a> permettent de visualiser les stratégies mises en place. Ils accroissent la motivation du joueur et sa capacité à <a href="https://community.khoros.com/t5/Khoros-Communities-Blog/The-Magic-Potion-of-Game-Dynamics/ba-p/19260">progresser</a>.</p>
<p>Cette caractéristique intrinsèque du jeu qui permet à la fois de choisir et de visualiser les conséquences de ses choix a donc une influence sur le déroulement du jeu. Par extension, si le jeu inclut un scénario avec des personnages, il sera possible d’influencer le déroulement du scénario. L’univers du jeu vidéo s’en est d’ores et déjà saisi. C’est le cas du studio Quantic Dream qui propose à ses joueurs des <a href="https://www.lepoint.fr/high-tech-internet/quantic-dream-on-a-invente-une-experience-interactive-unique-19-06-2018-2228628_47.php#11">choix qui influencent le cours de l’histoire</a>.</p>
<p>Dans <em>Detroit : Become Human</em> l’auteur et directeur du studio, David Cage, a réalisé un scénario de plus 5000 pages afin d’obtenir un récit complexe avec plus de 65 000 possibilités. Le scénario change en fonction des décisions, des dialogues et des choix moraux du joueur. Au-delà de l’expérience du joueur, ce jeu vidéo pose des questions sur les relations, humain/robot.</p>
<h2>De la nécessité de retrouver des règles (du jeu)</h2>
<p>Appliqué à des sujets cruciaux, le jeu permet donc aux participants d’en découvrir les conséquences. Cette caractéristique explique notamment l’usage exponentiel du « serious game » dans les domaines de la pédagogie, de la formation, de la sensibilisation <a href="https://theconversation.com/le-jeu-peut-il-nous-sauver-136813">aux sujets complexes actuels</a>.</p>
<p>Les joueurs peuvent ainsi visualiser les conséquences de leur agissement sur la planète par exemple comme dans <a href="https://www.changegame.org/">Change Game</a> réalisé par la fondation Euro-Mediterranean Center on Climate Change (CMCC). Ils peuvent aussi réfléchir à leur choix et à leur éthique au travers de jeux tels que <a href="https://www.grenoble-em.com/are-you-sure">Are You Sure</a> ou <a href="https://www.grenoble-em.com/serious-game-finethics">Finethics</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/neurosciences-vos-decisions-vous-les-prendrez-avec-ou-sans-emotions-76277">Neurosciences : vos décisions, vous les prendrez avec ou sans émotions ?</a>
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<p>Vous l’aurez compris, dans un jeu, c’est en fait la règle qui rend l’être humain créatif et c’est la multiplicité des règles qui lui donne la liberté de faire des choix et d’établir une stratégie.</p>
<p>Ce qui explique, par exemple, que le Morpion soit un jeu qui lasse vite et dont on se détourne par ennui. Ce jeu qui n’est composé que d’une seule règle (aligner trois signes identiques en ligne sur la grille) n’est pas assez contraignant pour inciter le cerveau à se dépasser et ne sollicite donc pas sa créativité. Il ne comprend pas non plus assez de règles pour permettre d’effectuer d’établir une stratégie.</p>
<p>Dans un monde devenu incertain, les règles floues, inattendues, en apparence inexistantes, sont donc forcément déstabilisantes pour l’être humain. Peut-être qu’il nous faudra projeter de nouvelles règles à l’image de <a href="https://redteamdefense.org/decouvrir-la-red-team">Red Team</a>, apprendre à lire entre les lignes, à repérer les signaux faibles ; user peut-être de la prospective pour détecter les nouvelles règles et apprendre à jouer avec.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194389/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Patroix ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un monde de plus en plus incertain, le jeu est un outil précieux pour accompagner la prise de décision et apprendre à peser les conséquences de nos choix.Isabelle Patroix, Docteur en littérature, Playground Manager, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1943122022-11-17T17:17:45Z2022-11-17T17:17:45ZNapoléon vs Marie-Antoinette : les stéréotypes de genre dans la narration des jeux vidéo<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495877/original/file-20221117-23-81htdn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C2291%2C1263&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image issue du jeu « Assasin's Creed : unity »</span> </figcaption></figure><p>Bien des récits, dans l’univers culturel dominant, imposent encore un regard biaisé par l’intermédiaire d’histoires dans lesquelles, le plus souvent, les personnages masculins sont actifs, puissants, dominants, alors que les personnages féminins sont passifs, souvent sexualisés, ont besoin de protection <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/c-est-quoi-le-male-gaze--beae7f9e-7c01-4c4c-8e21-6839e44565bb">et sont l’objet du regard masculin</a>.</p>
<p>Les jeux vidéo, reconnus comme le 10<sup>e</sup> art par le ministère de la Culture en 2006, n’échappent pas aux stéréotypes de genre. En 2019, seulement 5 % des jeux vidéo offraient aux joueurs/joueuses la possibilité d’incarner des personnages féminins (Statista, 2019).</p>
<p>Une explication possible, sans que cela soit une justification, repose sur la structure de l’industrie du jeu vidéo où les développeurs sont majoritairement des hommes (61 % en 2021, Statista). De plus, les stéréotypes de genre sont reproduits dans les publicités pour les jeux vidéo qui mettent majoritairement en scène des hommes, comme on le voit <a href="https://www.ea.com/fr-fr/games/fifa/compete/fgs-22">dans la bande d’annonce de EA Sports FIFA 22 Global Series</a>. De façon similaire, l’industrie de l’e-sport met majoritairement en lumière les joueurs professionnels masculins.</p>
<h2>Les stéréotypes de genre</h2>
<p><a href="https://psycnet.apa.org/record/1995-97464-000">Les stéréotypes</a> sont « un ensemble de croyances partagées à propos des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi des comportements, propres à un groupe de personnes ». Ils représentent des raccourcis pour catégoriser des groupes d’individus, génèrent un jugement à leur égard et peuvent être utilisés pour légitimer une hiérarchie et une inégalité entre les groupes sociaux. Les stéréotypes de genre sont des croyances quant aux attributs des femmes et des hommes qui se retrouvent dans les représentations des personnages des jeux vidéo. Par exemple, les personnages féminins sont moins présents en nombre, plus souvent sexualisés et présentés comme des personnages « non essentiels » ou « passifs » du jeu.</p>
<p>Le storytelling véhiculé par la culture populaire contribue à légitimer la hiérarchie de genre.</p>
<p>Traditionnellement, les récits sont des cadres importants de la légitimation sociale et cognitive. <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/morphologie-du-conte-vladimir-propp/9782757850251">Vladimir Propp (1920) a étudié</a> 100 contes populaires russes et a répertorié 7 stéréotypes de personnages (héros, princesse, méchant, donateur, répartiteur, aide, faux héros). La princesse est toujours décrite comme belle, de bonne humeur, mais faible et passive. Elle est la récompense pour le héros qui l’épouse à la fin de sa quête.</p>
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<p>Nous nous sommes intéressés à l’impact du storytelling genré sur la perception des joueurs/joueuses des stéréotypes de genre. Nous avons étudié deux titres de jeux vidéo à succès (RPG – Role Playing Games), publiés respectivement en 2007 et 2015, toujours très plébiscités par les gamers aujouord’hui : <em>Assassin’s Creed</em> (éditeur Ubisoft) et <em>The Witcher</em> (éditeur CD Projekt Red). Nous avons utilisé la méthode de « webscraping » (deux programmes en python nous ont permis d’explorer les scripts des deux jeux vidéo sur les pages fandom) et nous avons mené 31 entretiens entre janvier et avril 2022 avec des joueurs/joueuses. Les résultats montrent que la narration dans les deux jeux étudiés reproduit les stéréotypes de genre :</p>
<ul>
<li>En accordant plus de temps de parole dans les dialogues aux personnages masculins qui sont aussi plus nombreux (figure 1 & 2) :</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495838/original/file-20221117-19-564zur.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Proportion des personnages masculins et féminins et leur temps de parole respectif dans le script du jeu (Assassin Creed 2007).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=179&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=225&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=225&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495839/original/file-20221117-13-isvb20.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=225&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Proportion des personnages masculins et féminins et leur temps de parole respectif dans le script du jeu (The Witcher 2015).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>En attribuant un éventail de professions plus diversifié aux personnages masculins (64 professions différentes), alors que les personnages féminins n’occupent que jusqu’à 14 professions différentes.</p></li>
<li><p>En représentant les héros dans des rôles situés au sommet de la hiérarchie professionnelle et dotés de positions de pouvoir, dominantes et valorisantes telles que chevalier, prêtre, dentiste, artiste, barde, poète, marchand, garde, forgeron, armurier, soudeur, guerrier. En comparaison, les héroïnes sont confinées à des rôles de la sphère du soin aux autres (guérisseuse, infirmière, serveuse) ou très imprégnés par le regard masculin en tant qu’objets sexuels (courtisane, prostituée).</p></li>
</ul>
<h2>Un storytelling perçu comme une vision « historique » de la société</h2>
<p>Un autre résultat nous a frappé : les joueurs/joueuses interviewés confient qu’ils « acceptent » les stéréotypes de genre dans la narration parce qu’ils considèrent que les scripts de jeux vidéo proposent un récit factuel de l’histoire. Les concepteurs de jeux vidéo coopèrent très souvent avec des historiens, afin de rendre les récits plausibles et visuellement cohérents, d’où une possible confusion entre fiction et faits historiques ; pour autant, ils ne cherchent pas à représenter l’histoire de façon documentaire, et les jeux vidéo appartiennent au domaine de l’imaginaire.</p>
<p>En raison de cette ambivalence, la référence à des faits « historiques » (ou d’une certaine perception de ces faits) est l’un des arguments employés par les joueurs interrogés pour justifier la représentation différenciée des femmes et des hommes dans la narration des jeux vidéo, comme l’illustre ce verbatim :</p>
<blockquote>
<p>« A l’époque de Napoléon, aucune femme n’est connue pour avoir fait de grandes choses. [Dans les jeux vidéo] il y a plus de personnages masculins, c’est une transcription de l’histoire. Quand vous rencontrerez Napoléon en [tant que personnage dans le jeu], il sera plus impressionnant que Marie-Antoinette pour ce qu’il a fait historiquement. Pour moi, il ne s’agit pas d’une discrimination, mais de faits. Les personnages historiques sont représentés [dans les jeux vidéo] comme dans la réalité. »</p>
</blockquote>
<p>Les résultats de cette recherche soulignent l’importance des récits de jeux et leur impact sur la légitimation des rôles de genre dans la société, de même qu’une certaine méconnaissance de l’histoire avec un grand H – autant <a href="https://editions-iconoclaste.fr/livres/les-grandes-oubliees/">celle des grandes figures historiques féminines</a> (en politique, en arts ou en sciences), que celle des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/sorcieres-9782355221224">discriminations liées au genre</a>.</p>
<p>Comment, à travers le jeu vidéo, changer les mentalités façonnées par des stéréotypes et représentations genrés ancrés dans la société ?</p>
<h2>Vers des personnages féminins dans les rôles principaux</h2>
<p>Le storytelling de jeu offre des possibilités illimitées aux développeurs de jeux en termes d’univers fictifs où des protagonistes féminines fortes peuvent être introduites dans des rôles principaux. <em>The Last of Us</em> (editeur Sony Computer Entertainment) et <em>Horizon : Zero Dawn</em> (editeur Sony Interactive Entertainment) sont deux exemples de jeux dans des mondes fictifs avec des personnages féminins dans des rôles principaux. Les deux jeux ont été classés comme des best-sellers.</p>
<h2>Développer des protagonistes féminines sans objectiver leur corps</h2>
<p>Ces dernières années, des changements positifs ont été observés en termes de représentation égale des sexes par les éditeurs dans le récit du jeu. Une illustration frappante de cette tendance est l’évolution physique de Lara Croft dans la licence Tomb Raider de 1996 à 2015 où le corps de la protagoniste n’est plus dénudé et moins sexualisé dans la dernière édition (figure 3).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495840/original/file-20221117-25-n0bjnn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">fandom pages</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le storytelling dans le divertissement, le cinéma ou les jeux vidéo peut intégrer des messages sociétaux importants dans le but d’influencer positivement sur les connaissances, les attitudes, les représentations et les comportements. Les éditeurs de jeux vidéo doivent faire preuve de responsabilité sociale pour contribuer à une éducation de leur public au sujet de l’égalité des sexes et plus globalement de la diversité et l’inclusion (ex. la représentation des minorités).</p>
<h2>Faciliter l’accès des femmes à l’industrie du jeu vidéo</h2>
<p>Afin d’inciter les femmes à rejoindre l’industrie du jeu vidéo (y compris à des postes clés) et de sensibiliser les professionnels de l’industrie aux enjeux l’égalité et de la diversité, quelques initiatives émergent, comme le lancement par le <a href="https://www.sell.fr/">Syndicat des éditeurs de logiciels de jeux vidéo en France</a> d’une série de documentaires sur le thème « Art & Jeux vidéo » où la parole est donnée à plusieurs femmes travaillant dans l’industrie du jeu. En racontant leurs histoires professionnelles réussies, elles influencent la façon dont l’industrie est représentée en termes de possibilités de carrière pour les femmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194312/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La Chaire Diversité et Inclusion que je dirige a déjà reçu des financements de la part d'entreprises privées comme Orange, Dassault Systèmes ou Crédit Agricole</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guergana Guintcheva, Isis Beloslava Daudé et Laura Lacombe ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>A travers les types de personnages et les récits, les jeux vidéos véhiculent encore de nombreux stéréotypes de genre, même si des évolutions apparaissent.Guergana Guintcheva, Professeur de Marketing, EDHEC Business SchoolHager Jemel-Fornetty, Associate professor, EDHEC Business SchoolIsis Beloslava Daudé, Étudiante MSc Computer Science - Cybersecurity, EPFL – École Polytechnique Fédérale de Lausanne – Swiss Federal Institute of Technology in LausanneLaura Lacombe, Chargée d'études Diversité et Inclusion, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939982022-11-14T16:54:10Z2022-11-14T16:54:10ZMarques de vêtements, bijoux, cosmétiques… Mais que font-elles toutes sur « Animal Crossing » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494263/original/file-20221108-19-48fhal.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C720&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visite de l’univers _Uniqlo_ sur _Animal Crossing_ par l’avatar de l’auteur arborant un haut The&nbsp;Conversation.
</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Phénomène culturel rassemblant des joueurs de toutes générations, <em>Animal Crossing : New Horizons</em> est l’un des plus beaux succès dans la sphère des jeux vidéo ces dernières années. Sorti le 20 mars 2020 pour la console Nintendo Switch, soit seulement trois jours après l’annonce d’un premier confinement – timing idéal – le cinquième opus de la série a <a href="https://www.statista.com/statistics/1112631/animal-crossing-new-horizons-sales/">immédiatement suscité l’engouement</a>. Il est le <a href="https://www.nintendo.co.jp/ir/en/finance/software/index.html">deuxième jeu le plus vendu</a> de la galaxie Nintendo derrière Mario Kart 8 Deluxe.</p>
<p>Via leur avatar, les joueurs emménagent sur une île paradisiaque peuplée d’adorables animaux anthropomorphes. Ils s’adonnent à diverses activités dont ils ont pu, en période de confinement, être privés : faire du shopping, rendre visite à des amis, organiser des évènements comme des fêtes d’anniversaire ou des mariages…</p>
<p>Régulièrement appréhendé comme une échappatoire à la vie réelle, <em>Animal Crossing</em> constitue paradoxalement une forme de métaphore de la vie et de sa mécanique capitaliste. Cueillette de fruits, ramassage de coquillages ou bien encore pêche sous-marine constituent autant d’opportunités de s’enrichir. En échange de son « travail », le joueur reçoit des « clochettes », monnaie virtuelle permettant d’accéder à différents types de biens, de développer sa garde-robe ou bien encore de rembourser l’emprunt inhérent aux agrandissements successifs de sa maison.</p>
<p>Jeu de type « bac à sable » (<em>sandbox</em> en anglais), <em>Animal Crossing</em> propose des outils créatifs des plus intuitifs permettant aux utilisateurs de personnaliser leur univers. C’est en particulier le cas des habits portés par leur avatar. Les joueurs se sont rapidement saisis des fonctionnalités de conception graphique pour créer des designs de vêtements et les partager aux autres. Conscientes de l’aura médiatique d’<em>Animal Crossing</em>, beaucoup de marques en ont profité pour y faire des placements produit, objet de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2022-4-page-11.htm">derniers travaux</a>.</p>
<h2>Un terrain de jeu pour les marques</h2>
<p>C’est l’enseigne Gémo qui, la première en France, a développé une opération marketing sur le jeu. En période de confinement, la marque ne souhaitait plus diffuser le catalogue présentant sa nouvelle collection. Il y avait en effet un hiatus entre le contexte sanitaire très anxiogène et les mannequins déambulant en toute insouciance sur les visuels du catalogue. <a href="https://www.rosbeef.fr/gmo-x-animal-crossing">Rosbeef !</a>, l’agence de communication collaborant avec Gémo, a alors reproduit plusieurs vêtements de l’enseigne et organisé un défilé en ligne relayé sur les réseaux sociaux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2rOa8pAAs4g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans cette mouvance, plusieurs marques ont créé une île dédiée à leur univers que les joueurs peuvent aller visiter : Uniqlo, H&M ou encore Ted Baker. Outre les marques de vêtements, on y retrouve également des marques de cosmétiques ou accessoires de beauté comme Gucci Beauty, <a href="https://weare.lush.com/fr/press-releases/une-ile-lush-dans-le-jeu-animal-crossing-new-horizons/">Lush</a>, <a href="https://www.gillettevenus.com/en-us/animal-crossing">Gillette Venus</a>, ou bien encore des marques de bijoux à l’instar de <a href="https://uk.pandora.net/en/pandora-me/discover-the-collection/visit-pandora-island/">Pandora</a>.</p>
<p>Même Ally, société fournissant des services financiers, a généré une île en phase avec sa mission : aider les gens à mieux gérer leur argent. L’île elle-même est le reflet d’un catalogue de symboles de richesse ou, plus précisément, de ce qu’une bonne gestion financière serait (subliminalement) susceptible d’apporter : maison, piscine ou autre terrain de golf. Ce faisant, l’opération fait parfaitement écho à la perspective matérialiste du jeu : consommer, accumuler, s’endetter.</p>
<h2>Mayonnaise, pompes à insuline et rasoirs</h2>
<p>S’il peut s’agir pour les marques de mettre en avant de nouveaux produits, la dynamique globale correspond également à une stratégie de communication institutionnelle : promouvoir l’image et les valeurs de marque. Quelques cas en sont assez emblématiques.</p>
<p>La marque de produits alimentaires <a href="https://twitter.com/HellmannsCanada/status/1295425158270914560">Hellmann’s</a> a, par exemple, mené une opération visant à sensibiliser les joueurs à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il s’est agi de transformer les déchets alimentaires virtuels (en l’occurrence les navets sur lesquels les joueurs spéculent) en vrais repas pour des personnes dans le besoin. La collecte de 25 000 navets avariés a permis à la marque de mayonnaise de financer, via l’association caritative FareShare, 50 000 repas.</p>
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<p>Parmi les leaders mondiaux de la technologie des pompes à insuline, Insulet Corporation a déployé des stands d’associations et autres activités en lien avec le diabète sur l’île <a href="https://www.omnipod.com/omnipodbay">« Omnipod Bay »</a>. Des tenues inclusives ont également été proposées : les joueurs ont ainsi eu l’opportunité de doter leur avatar de vêtements sur lesquels figurent des pompes à insuline ou bien encore des sacs d’accessoires utiles à la gestion de la maladie.</p>
<p>Dernier exemple : en écho à la campagne « c’est ma peau et j’en suis fière », la marque Gillette Venus au cœur de <a href="https://www.annales.org/gc/2022/gc147/2022-03-05.pdf">l’une de nos recherches</a> a proposé un catalogue de designs de vêtements permettant à des beautés différentes de se sentir incluses. Acné, vitilogo, cellulite ou bien encore vergetures y ont été représentés dans les différentes tonalités de carnation de peaux présentes sur le jeu.</p>
<h2>Et Nintendo en profite</h2>
<p>La singularité de ces opérations réside dans le fait que le placement produit n’est pas ici le fruit d’une concertation, d’une négociation <em>ex ante</em> entre le support média et les annonceurs : Nintendo n’est pas partie prenante aux opérations de placement produit. Le géant nippon ne souhaite officiellement pas s’y associer mais formule tout de même quelques <a href="https://www.nintendo.co.jp/animalcrossing_announcement/en/index.html">recommandations aux marques</a> : respecter la classification du jeu (accessible aux enfants de plus de trois ans), ne pas proposer de contenu vulgaire, discriminatoire ou offensant, ne pas tirer de bénéfice financier direct de la vente de designs ou guider les joueurs vers un site marchand.</p>
<p>Atypique, cette forme de placement donne le pouvoir au joueur, on parle d’« empowerment ». Le joueur est seul maître des opérations marketing qu’il souhaite éventuellement découvrir ou des designs de marques qu’il souhaite intégrer dans son univers virtuel. Il n’est ainsi pas en proie à une forme d’invasion publicitaire, source potentielle d’irritation. Ici, le placement produit n’est pas subi comme il l’est traditionnellement dans les médias, il est agi.</p>
<p>Au-delà des mises à jour du jeu vidéo proposées par Nintendo, via ces opérations, les marques offrent aux joueurs un renouvellement et un enrichissement constants de l’expérience vidéoludique. Créatrice de valeur, chaque proposition initiée par les marques et nouveau contenu généré par les joueurs participent au succès du jeu vidéo dont le modèle d’affaires a des similitudes avec celui d’un réseau social.</p>
<p>Plus les joueurs d’<em>Animal Crossing</em> sont nombreux, plus les marques ont intérêt à y déployer une opération marketing. Chemin faisant, plus les marques y sont présentes et relaient médiatiquement les opérations qu’elles déploient, plus Nintendo fidélise voire attire de nouveaux joueurs. Un coup de génie ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Renault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le jeu vidéo à succès offre une vitrine pour des placements de produit d’un nouveau genre.Sophie Renault, Professeur des Universités en Sciences de Gestion et du Management, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938852022-11-14T16:54:05Z2022-11-14T16:54:05ZLe jeu vidéo « Counter-Strike », un eldorado pour investisseur ?<p>Si vous ignorez ce qu’est <em>Counter-Strike : Global Offensive</em>, demandez donc à vos adolescents. Créé en 2012, ce jeu vidéo de « tir à la première personne » voit s’affronter deux équipes de cinq. L’objectif est d’éliminer l’équipe adverse ou de désarmer la bombe qu’elle a déposée dans le jeu.</p>
<p>Avec une longévité exceptionnelle, des compétitions <a href="https://theconversation.com/fr/topics/e-sport-95516"><em>e-sport</em></a>, et 25 millions d’utilisateurs mensuels à travers le monde qui en ont forgé le mythe, il reste en 2022, soit dix ans après sa sortie, le 3<sup>e</sup> jeu vidéo planétaire le plus joué dans le monde (hors jeux sur mobiles) derrière <em>Minecraft</em> et <em>League of Legends</em>, d’après <a href="https://www.alucare.fr/top-5-des-jeux-video-les-plus-joues-au-monde/">divers classements</a>. Son développeur, la société Valve, le diffuse sur sa propre plate-forme, Steam, sur laquelle, pour une des toutes premières fois, fut créé un marché communautaire d’achat et de vente de ce que l’on appelle des « Skins » entre les utilisateurs du jeu.</p>
<p>Les <em>Skins</em> sont des « décorations » des objets du jeu : armes, vêtements, autocollants… Générés par les concepteurs, et gagnés par les joueurs, ils peuvent ensuite être revendus et achetés sur ce marché.</p>
<p>Notre étude à paraître dans la revue américaine <em>Journal of Alternative Investments</em> en montre l’incroyable rentabilité en comparaison des actifs plus traditionnels, mais au prix des risques non négligeables.</p>
<h2>300 000 dollars pour un AK-47</h2>
<p>Le fonctionnement des <em>Skins</em> est simple : vous créez un compte sur le jeu, vous ouvrez un portefeuille avec un minimum de 5 euros, et vous pouvez déposer vos ordres d’achat et de vente sur lesquels la plate-forme prélèvera 5 % de commission. Nulle monnaie ne peut cependant sortir du marché communautaire, seulement y entrer. Aussi, pour échanger les <em>Skins</em> contre de la monnaie réelle, il vous faudra rejoindre des sites indépendants qui s’octroient des commissions variables (de 0 à 10 %).</p>
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<p>Une <a href="https://trepo.tuni.fi/bitstream/handle/10024/117606/a_statistical_analysis_of_steam_2019.pdf">enquête</a> menée en 2019 avait montré qu’une partie importante des utilisateurs du jeu s’intéresse moins au jeu lui-même qu’au rendement que l’on peut obtenir des achats et ventes de <em>Skins</em>. En février 2018, le célèbre <em>Skin</em> « AWP Dragon Lore Souvenir » s’est ainsi vendu pour plus de <a href="https://gamewave.fr/csgo/un-collectionneur-vend-une-awp-dragon-lore-plus-de-61-000-s/">61 000 dollars</a>. Cette année, sa nouvelle version le « AWP Souvenir Dragon Lore Factory New » a avoisiné les <a href="https://gaming.gentside.com/csgo/les-skins-csgo-les-plus-chers_art22569.html">280 000 dollars</a>. Les <a href="https://gaming.gentside.com/csgo/les-skins-csgo-les-plus-chers_art22569.html">300 000 dollars</a> ont même été dépassé par l’AK-47 « ST MW 661 ».</p>
<p>Pour importantes soient-elles, ces sommes offrent-elles une forme de rentabilité ? Il est d’abord nécessaire de comprendre les caractéristiques formant la valeur des Skins. Le type d’arme, son ancienneté, sa réputation dans le jeu et lors des compétitions <em>E-sport</em>, notamment, sont à prendre en compte. Ces caractéristiques étant contrôlées, on peut alors observer l’évolution des prix dans le temps.</p>
<p><iframe id="HoyBh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HoyBh/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En matière d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-20236">investissement</a>, les rendements doivent néanmoins être comparés aux risques. Est-on à l’abri d’une baisse soudaine des prix ?</p>
<h2>Des investissements attractifs malgré le risque</h2>
<p>Plus le rendement d’un placement devient instable, plus vous pourriez être confronté à un rendement bas au moment où vous avez besoin de vendre. Or, si en matière de rendement, les <em>Skins</em> font mieux que l’or, les actions, l’art, l’immobilier ou les vins fins, c’est au prix d’un bien plus grand risque.</p>
<p><iframe id="Feyoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Feyoq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’un dans l’autre, certains <em>Skins</em> gardent tout de même un intérêt certain. Les Stickers, les mitrailleuses et les pistolets mitrailleurs notamment ont des rendements nets du risque plus élevés que beaucoup des autres actifs. Par ailleurs, leurs variations s’avèrent peu corrélées aux variations des autres types de placement, ce qui offre une perspective intéressante pour diversifier son portefeuille et limiter les risques.</p>
<p>Notons enfin que ces investissements doivent être de courte durée. Aucun de nous ne sait ce qu’il adviendra de leur valeur lorsque disparaîtra le jeu dont ils sont aujourd’hui inséparables, à moins que les plates-formes ne garantissent leur éternité par un système de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jetons-non-fongibles-nft-116655">jetons non fongibles (des « <em>NFTs</em> »)</a>. Rares sont en effet les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a> dont l’âge excède la décennie. Quant à votre éthique d’investisseur, gageons qu’elle pourrait bien, en ces temps violents, être heurtée par la fureur des armes…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur le marché communautaire du jeu, les transactions atteignent des sommes record, aux risques et périls des échangeurs.Benoît Faye, Full Professor Inseec Business School, Chercheur associé LAREFI Université de Bordeaux Economiste des marchés du vin, de l'art contemporain et Economiste urbain, INSEEC Grande ÉcoleÉric Le Fur, Professeur, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917912022-10-13T19:13:37Z2022-10-13T19:13:37ZCe que la science-fiction peut nous apprendre du métavers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489589/original/file-20221013-13-4oevdn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C7%2C2307%2C1164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image issue du film « Ready player one », 2018. </span> <span class="attribution"><span class="source">Youtube, capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction <a href="https://www.washingtonpost.com/history/2022/06/30/snow-crash-neal-stephenson-metaverse/"><em>Le Samouraï virtuel</em>, publié en 1992</a>, le terme de métavers fait son grand retour depuis l'annonce de Meta à l'automne 2021, Mark Zuckerberg étant décidé à <a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">investir massivement dans les mondes virtuels</a>.</p>
<p>Cet univers, pour l'instant largement fantasmé, sera-t-il le levier d'une rupture anthropologique, ou restera-t-il un discours total visant à promouvoir une série d'investissements dont les effets seront, au mieux, le prolongement des développements récents des cultures digitales?</p>
<p>Les débats actuels portent sur le caractère effectif de la transformation annoncée et sur sa possible réalisation ; à l'instar de chaque bulle spéculative récente (voiture autonome, voyages spatial, singularité technologique ou technosolutionniste vert pour nommer les opérations en cours et récentes de l'économie). Et comme pour ces dernières, les imaginaires sont le terrain sur lequel une part importante de la création d'un marché potentiel se joue <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674088825">via un processus de création d'attentes et de vraisemblance</a>. En témoignent les récentes publicités dans les gares françaises de l'entreprise Meta illustrant sous une forme idéalisée un futur positif du métavers pour différentes situations à forte valeur sociale (apprendre la médecine, étudier l'histoire…)</p>
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<h2>Quels imaginaires?</h2>
<p>Chercher à comprendre les imaginaires traitant des métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction (films, séries, bandes dessinées, comics, animé, mangé, jeux vidéo, œuvres d'art numériques et mèmes), s'avère à ce titre particulièrement important pour clarifier les débats en cours et espérer élaborer un narratif pacifié.</p>
<p>À cette fin, nous avons tenté de comprendre quelles sont les représentations disponibles de cet objet dont les usages et le périmètre sont encore très flous dans la réalité. De <em>Ready Player One</em> à <em>La Matrix</em> en passant par des sources plus artistiques telles qu'Hyper-reality, nous faisons l'hypothèse qu'en l'absence d'une existence formelle des métavers, ce sont les imaginaires qui structurent les visions sociales des possibles consommateurs, mais aussi des concepteurs eux-mêmes, impactant ainsi les développements à venir comme source et comme levier pour promouvoir des narratifs privilégiés par les acteurs en présence.</p>
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<h2>Quand la réalité rattrape la fiction</h2>
<p>Premier élément de preuve : les imaginaires ne sont pas neutres, ils présentent des formes de constance qui balisent un territoire particulièrement limité. Prenons la couleur du métavers. En identifiant des dizaines de milliers de photos rendues disponibles sur des sites dédiés aux arts visuels (de Artstation à Pinterest) puis en procédant à une analyse de type UMAP afin de classer les photos par couleur, on découvre ainsi que le bleu et le violet sont très majoritaires. Et ceci malgré le fait que rien dans les enjeux d'usage ou techniques réels ne viennent justifier ces couleurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cartographie d'une dizaine de milliers de photos liées au metavers et agrégation par proximité colorielle.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le métavers des imaginaires est ainsi structuré et fini, ce qui justifie de s'y intéresser, et ce pour principalement deux raisons. Tout d'abord, parce que les fictions présentées permettent de créer ce que l'on appelle des «attentions fictionnelles» qui vont ensuite coordonner l'innovation et qui permettent de générer des attentes au sein d'un marché qui n'existe pas encore. Les travaux de Jens Beckert cités plus haut vont dans ce sens. De ce point de vue, les métavers, par l'ampleur du projet et son caractère à bien des égards programmatique, s'inscrit clairement dans cette logique.</p>
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<p>Ensuite, il fait partie des domaines ou des liens explicites sont réalisés entre la science-fiction et le développement technologique. C'est le principe de ce que nous appelons le «loop looping», qui s'applique à de nombreux domaines (par exemple avec la <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/CP_161.pdf">bombe atomique</a> ou la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02196073/">sphère de Dyson en physique</a>), mais qui est rarement mis en avant. Ici, il est explicité par les acteurs du projet même, qui font volontiers référence à cette préhistoire dans la science-fiction <a href="https://medium.com/the-philosophical-inn/four-shocking-quotes-from-mark-zuckerberg-that-if-you-read-them-will-change-the-way-you-see-c519a903624d">comme une source de stimulation positive</a> : la réalité serait en train de rattraper la fiction.</p>
<p>Selon quelles logiques ces imaginaires sont-ils structurés ? Quels «chemins de dépendances» ont-ils créé et comment préciser la nature de ce territoire fini au sein duquel des futurs possibles se dessinent ? Pour tenter d'avancer en ce sens, nous avons collecté 150 sources, du manga au jeu vidéo en passant par les films et les nouvelles, afin de tenter d'appréhender ce qui y est raconté et identifier les aspects les plus structurants.</p>
<h2>Un métavers spectaculaire</h2>
<p>Le premier élément de l'analyse que nous extrayions concerne le type de technologies qui sert à intermédier l'expérience. Là où un blockbuster tel que <em>Ready Player One</em> présente des joueurs immergés grâce à un casque de réalité virtuelle, les imaginaires nous proposent bien plus souvent des mondes extrêmes, à <em>La Matrix</em> au sein desquels le joueur est totalement déconnecté du monde réel.</p>
<p>Viennent ensuite les projections de type holographique ou de réalité augmentée qui ont l'avantage d'être de jolis artefacts lorsqu'ils sont représentés dans des films.</p>
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<p>Ce caractère spectaculaire, qui n'est pas sans rappeler les publicités fort esthétiques de Meta, masquent en réalité le long processus de domestication de toute technologie telle que des ajustements devront avoir lieu, quoi qu'il arrive, vis-à-vis de ce modèle particulièrement immersif. Il permet toutefois de poser un certain nombre de questions et débats sur ces lignées d'immersion totale, en particulier au regard de la perte des repères ou de la démultiplication des identités très bien mises ne scène dans le film récent <em>Everything Everywhere All at once</em>.</p>
<p>Lorsque l'on met en perspective les technologies proposées avec le type d'usages qui en sont faits, on se rend rapidement compte qu'elles sont fortement intriquées. Le recours à l'hologramme est principalement utilisé pour communiquer ou partager de l'information, tandis que les propositions immersives servent d'échappatoire à la vie réelle ou sont des propositions de type ludiques. La RA ou la RV ont quant à elles des usages beaucoup plus diversifiés que les deux autres technologies.</p>
<p>En ce qui concerne les usages, on constate que le fait d'offrir une réalité alternative pour y vivre ou aller jouer a toujours été récurrent dans les imaginaires. En ce qui concerne la communication, il s'agit d'une pratique qui arrive sur le tard, mais prend son essor à partir des années 2010, accompagnement le développement dans la vie réelle en imaginant simplement de nouveaux supports et usages.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des usages avec le temps.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Que nous racontent ces deux approches ? Du point de vue méthodologique, elles permettent la démarche permet de comprendre les grandes tendances vers lesquels nos imaginaires nous orientent. À ce titre, elle permet d'éclairer les grandes tendances et leurs évolutions.</p>
<p>Ces éléments, mis en perspective avec les annonces régulières des acteurs du métavers, permettent de mettre en perspective la manière dont ce dernier peut réellement advenir, et notamment les lignées faibles et fortes. Si la vision caricaturale et extrême de Meta se retrouve bien dans les enjeux de communication, de jeu et vie courante présents dans les imaginaires, de nombreux petits usages, pourtant prometteurs dans la réalité sont moins présents dans cette analyse quantitative. Sous «remote control», on trouve par exemple toutes les approches visant à mettre en place de la téléopération, du contrôle à distance voir de la production ou de l'apprentissage à distance, qui sont une part moins présentée, mais pour autant clé des usages potentiels du métavers.</p>
<p>Autre limitation de l'approche quantitative : la difficulté à appréhender les contextes et usages présentés de manière fine. À titre d'exemple, le film <em>Virtual Revolution</em> met en scène un monde où des joueurs profitent d'un revenu minimum garanti, et passent leur vie dans le métavers. Ce revenu est payé par les sociétés de production de jeux vidéo qui y trouvent un intérêt et qui remplacent ainsi en partie un état décrépi. Ces spéculations économiques sont passionnantes, mais impliquent de s'immerger totalement pour appréhender les usages et critiques présentés.</p>
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<p>On constate aussi des évolutions temporelles en termes d'usages : de la sexualité à la guerre, les métavers imaginaires préfigurent des usages réels encore en gestation. C'est ainsi que l'analyse des récits imaginaires d'un phénomène technologique peut servir de levier aux nécessaires débats sociaux qui devront avoir lieu pour décider de manière informée des défis qui se jouent dans cette course aux attentions fictionnelles : à la fois prendre du recul avec les évidences que certains tentent d'imposer, et la mise au goût du jour de possibles futurs délaissés, pourtant capables de nous aider à inventer de nouvelles perspectives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191791/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Minvielle est membre du comité d'orientation de La Fabrique de la Cité, et co-fondateur du Collectif Making Tomorrow (agence de prospective par le design qui conseille entreprises et collectivités).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Wathelet est membre fondateur du collectif Making Tomorrow, agence de prospective par le design qui conseille entreprises et collectivités. </span></em></p>Comprendre les imaginaires associés aux métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction permet de mieux comprendre ce qui se joue aujourd'hui.Nicolas Minvielle, Spécialiste du design et de l'innovation, AudenciaOlivier Wathelet, Chercheur intervenant à La Cambre, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854352022-07-04T18:42:42Z2022-07-04T18:42:42ZPour promouvoir « Stranger Things », Netflix étend le récit au-delà des écrans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469814/original/file-20220620-18-s7n642.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C1182%2C815&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'affiche de la saison 3 de _Stranger Things_. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Netflix ne manque pas d’originalité et d’imagination lorsqu’il s’agit de <a href="https://ultv.univ-lorraine.fr/video/1216-frederic-aubrun-et-thomas-bihay-le-transmedia-storytelling-au-coeur-de-la-strategie-de-netflix-les-cas-de-13-reasons-why-et-de-stranger-things/?old_url=true">promouvoir ses séries à partir de stratégies dites de « transmédia storytelling »</a>.</p>
<p>La promotion de la quatrième saison de <em>Stranger Things</em> (diffusée à partir du 27 mai 2022) ne déroge pas à la règle, la plate-forme de streaming ayant notamment misé sur un dispositif d’immersion dans « The Upside Down » (« le monde à l’envers »), qui constitue le cœur narratif de la série. L’occasion pour nous de revenir sur la manière dont les éléments narratifs centraux des séries de Netflix sont réinvestis dans des stratégies promotionnelles qui reposent sur leur déploiement au-delà de leur univers fictionnel.</p>
<h2>Immerger dans l’univers fantastique de la série</h2>
<p>Depuis le lancement de <em>Stranger Things</em>, Netflix étend son récit au-delà des écrans à des fins promotionnelles, en faisant notamment de « The Upside Down » un pilier d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=BoKEAzxi3a8">activation de marque</a>. Il s’agit de susciter l’engouement du public pour la saison à venir ou en cours à partir d’expériences immersives lors desquelles il s’imprègne de l’ambiance de la série tout en découvrant des éléments clés de son intrigue.</p>
<p>Le portail <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QehwOg6n3JQ">World Lens</a> développé par la plate-forme l’illustre très bien. Accessible via l’application Snapchat, il permet au spectateur de visiter une pièce centrale de l’histoire de la série, le salon-chambre de la maison de protagonistes dans lequel des créatures surgissent d’un univers parallèle dès la première saison. Il s’agit d’une expérience de réalité augmentée qui donne accès au fameux « monde à l’envers ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Portal World Lens Snapchat.</span></figcaption>
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<p>Selon <a href="https://www.fabula.org/actualites/l-dolezel-heterocosmica-fiction-and-possible-worlds_800.php">Lubomir Dolezel</a>, les mondes fictionnels sont artificiels et présentent une incomplétude qui peut être alimentée par une infinité de récits connexes à leur trame centrale. Selon lui, il existe trois types de textures : la texture explicite qui désigne ce qui est déjà déterminé dans la fiction (donc, les événements, sujets ou encore objets qui apparaissent explicitement à l’écran), celle implicite qui construit le domaine indéterminé (c’est-à-dire l’ensemble des événements, personnages ou encore objets qui pourraient se produire ou exister dans les interstices ou en parallèle de ce qui apparaît déjà à l’écran) et, enfin, la texture zéro qui construit le domaine du vague.</p>
<p>Il s’agit pour Netflix, avec ce portail, de puiser dans ce que l’on appelle la texture explicite de l’univers fictionnel de la série.</p>
<p>À partir d’une <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-logiques-immersives">« narration augmentée »</a>, Netflix donne accès à des éléments narratifs complémentaires qui se nourrissent de la texture explicite de l’univers fictionnel de <em>Stranger Things</em>, puisque les spectateurs reconnaissent ce lieu clef de l’intrigue.</p>
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<p>Plusieurs « Easter eggs » (des fonctions cachées) sont disposés dans les pièces visitées. Les joueurs/spectateurs peuvent les activer en interagissant avec chacune d’elles ou via l’application Shazam, puisque la musique du générique de la série déclenche l’ensemble d’entre elles. Elles renvoient à des scènes précises de la première saison, ce qui contribue à immerger les spectateurs dans l’univers fictionnel, tout en leur rappelant des scènes et événements centraux de la série. Par exemple, si les spectateurs cliquent sur le mur du salon à un endroit précis, le bras d’une créature en surgit, comme dans l’un des premiers épisodes.</p>
<h2>Des stratégies sophistiquées</h2>
<p>Pour d’autres séries, comme <em>13 Reasons Why</em>, Netflix va plus loin et joue sur les <a href="https://ultv.univ-lorraine.fr/video/1216-frederic-aubrun-et-thomas-bihay-le-transmedia-storytelling-au-coeur-de-la-strategie-de-netflix-les-cas-de-13-reasons-why-et-de-stranger-things/?old_url=true">textures explicite et implicite</a>. Lors de la diffusion de la première saison, Netflix a lancé une opération digitale connectée à l’univers narratif de la série pour créer une expérience immersive dans l’univers de l’héroïne via la mise en place d’un site mobile, 13reasons.fr. </p>
<p>Au cours de cette saison, le spectateur assistait au suicide d’Hanna Baker, un événement faisant partie intégrante de la texture explicite et qui sera repris dans de nombreuses autres extensions narratives promotionnelles. Le site mobile a alors puisé son originalité dans la texture implicite liée à ce suicide, puisque le public a pu y découvrir tout un pan inexploré des raisons qui ont mené le personnage principal à cette décision tragique. En s’y connectant avec leur mobile, les spectateurs découvraient le contenu du téléphone de l’héroïne, qui est évoqué mais non montré dans la série.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"849251282909106180"}"></div></p>
<h2>Disséminer l’univers fictionnel dans la réalité</h2>
<p>Pour valoriser ses séries, Netflix investit également des lieux réels. Pour promouvoir la quatrième saison de <em>Stranger Things</em>, la plate-forme s’est une fois encore appuyée sur la texture explicite de la série, en plaçant l’univers fictionnel au cœur de sa stratégie de transmédia storytelling, à partir notamment de l’installation de différentes failles surnaturelles au sein de grandes villes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-serie-watchmen-reinvente-la-genese-du-super-heros-146610">Comment la série « Watchmen » réinvente la genèse du super-héros</a>
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<p>Ces failles représentent des portails vers le monde à l’envers, qui semble dès lors désormais accessible depuis la réalité. Ceci prolonge alors l’expérience de marque au-delà des écrans. Dans la même perspective, la fiction pénètre aussi dans la réalité à travers d’autres opérations de <em>street marketing</em> qui interpellent le public, comme l’installation d’un portail tentaculaire de 20 mètres de long sur la plage australienne de Bondi.</p>
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<span class="caption">Exemple de portail installé sur la plage australienne de Bondi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<span class="caption">Exemple de portail installé sur la plage australienne de Bondi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>La semaine précédant le lancement de cette dernière saison, Netflix a proposé aux fans un jeu de piste dans le cadre d’une campagne de promotion, dans les rues de Londres. On pouvait y voir des affiches publicitaires vantant des produits, services ou villes emblématiques de l’univers de la série. Ces affiches contenaient des indices menant vers un lieu londonien où serait caché le portail vers le monde à l’envers. Par exemple, dans une annonce vantant Lenora Hills, California, une ville de la série, l’énigme contenait des mots en lettres majuscules irrégulières : « Realm » et « Peached » – un anagramme de « Dereham Place », le site de Shoreditch, à l’est de Londres – où les fans pouvaient trouver une faille vers « The Upside Down ». </p>
<p>Un jeu de lecture-décodage à partir des connaissances des fans s’est instauré, dans stratégie de ludicisation de <a href="https://www.researchgate.net/publication/360647100_Mediologie_narratologie_et_production_de_sens_du_webdocumentaire">plus en plus présente dans les productions culturelles, médiatiques</a> ou <a href="https://journals.openedition.org/entrelacs/1876">dans les productions publicitaires</a> – on parle d’« advergaming ». Au moment du lancement de la quatrième saison, les fans qui avaient trouvé les réponses ont pu accéder au portail, à travers une grande porte qui semblait avoir été percée par un Demogorgon (une référence à un monstre du jeu « Donjons et Dragons »). Après avoir traversé un tunnel sombre avec une lampe de poche, ils découvraient une étrange pizzeria, qui est un lieu central dans la série.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1529100176320778241"}"></div></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1529824797340749824"}"></div></p>
<p>Toute la stratégie de transmédia storytelling repose ici sur la réappropriation de l’esthétique de la série dans l’espace urbain ou des espaces naturels à partir de la dissémination de décors, personnages (enquêteurs paranormaux, créatures, protagonistes…) ou encore d’autres référents comme la chaîne « Surfer Boy Pizza », qui est omniprésente dans la saison 4.</p>
<p>Cette stratégie n’est pas exclusive à cette dernière saison, puisque lors de la New York Comic-Con, une convention consacrée à la bande dessinée, aux jeux vidéo et à d’autres productions culturelles et médiatiques, des taxis vélos – de la marque de vélo mise en avant dans la série – avaient convoyé le public avec des conducteurs déguisés en Dustin, personnage phare de la série. De même, des affiches de <em>Stranger Things</em>, des téléviseurs cathodiques, des vélos ou encore des bornes d’arcade similaires à ceux de la série avaient envahi certaines stations du métro parisien.</p>
<h2>Recycler l’imaginaire des années 1980</h2>
<p>La culture médiatique contemporaine réinvestit sans cesse des éléments issus d’autres genres et médias : c’est ce que Philippe Marion nomme le <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/853e/d231964b4eab28216de820ab74d690aa0186.pdf">« recyclage médiatique »</a>.</p>
<p>Dans le cas de <em>Stranger Things</em>, cette logique repose sur de multiples références explicites et implicites aux années 1980 et, plus particulièrement, à la culture geek et aux jeux, productions culturelles, comportements ou encore tenues vestimentaires des adolescents de cette décennie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-generiques-de-series-170824">De l’importance des génériques de séries</a>
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<p>Le jeu « Stranger Things : The Game », publié sous application Android pour promouvoir la deuxième saison, est symptomatique de ce recyclage médiatique, tout comme de l’advergaming. Il reprend l’esthétique des jeux d’arcade de l’époque et invite les joueurs à revivre les épreuves traversées par les personnages dans six lieux de l’intrigue comme la ville d’Hawkins, un laboratoire de recherche ou encore une forêt du monde à l’envers. Ils y découvrent quelques pans de la saison en avant-première, dont de nouveaux personnages, ce qui n’a pas entravé leur plaisir de la visionner.</p>
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<figcaption><span class="caption">Stranger Things : The Game.</span></figcaption>
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<p>À travers ce développement d’univers narratifs sur différents supports médiatiques et dans l’espace urbain, le caractère promotionnel du discours de Netflix tend à s’effacer au profit de la création d’un écrin médiatique. Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-communication-et-management-2021-2-page-5.htm">stratégie de « dépublicitarisation »</a> du discours promotionnel accompagne souvent le lancement des séries originales Netflix et des saisons suivantes, démontrant par-là même son emprise tentaculaire sur les imaginaires, à travers tous les moyens possibles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les éléments narratifs des séries de Netflix sont réinvestis dans des stratégies promotionnelles qui reposent sur leur déploiement au-delà de leur univers fictionnel.Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleThomas Bihay, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication - Département Infocom, laboratoire GERiiCO (ULR 4073), Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821892022-05-23T19:57:39Z2022-05-23T19:57:39ZQuand boire des pixels devient possible<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464837/original/file-20220523-21-zm0qct.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C7%2C1245%2C710&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d'écran du jeu proposé avec l'achat d'une canette de soda. </span> <span class="attribution"><span class="source">YouTube</span></span></figcaption></figure><p>Tandis que l’on assiste à l’avènement des métavers et des NFT, les frontières entre le monde digital et le monde matériel se brouillent davantage avec le lancement début mai d’une édition limitée de Coca-Cola au « goût de pixels » : le Coca-Cola Byte. <a href="https://us.coca-cola.com/store/coca-colar-zero-sugar-byte">Selon la marque</a>, le produit « invite à explorer le goût que pourraient avoir les pixels avec une expérience Coca d’une nouveauté rafraichissante nouveauté tout en étant délicieusement familière ». Ainsi, pour la somme de 14,77 dollars, il est possible de s’offrir deux canettes de la boisson et un sticker « commémoratif » (terme employé par la marque sur son site).</p>
<h2>Quel est le goût d’un pixel ?</h2>
<p>Selon le <a href="https://us.coca-cola.com/support/byte-faq">site de la marque</a>, le soda propose une expérience gustative offrant « une mise en bouche lumineuse évoquant le démarrage d’un jeu vidéo suivie d’un goût rafraîchissant qui en fait un parfait compagnon de jeu ». Le ton est donné : la boisson s’adresse aux adeptes des jeux vidéo et adopte les codes et le vocabulaire du « gaming ».</p>
<p>L’achat du coffret donne accès à un mini-jeu en réalité augmentée développé pour l’occasion et le lancement s’accompagne d’un espace aux couleurs du produit crée dans le jeu <a href="https://www.epicgames.com/fortnite/en-US/creative/island-codes/pixel-point-8565-0287-3178">Fortnite</a>. De façon plus empirique, le Coca-Cola Byte propose un goût proche de son plus classique cousin, le Coca Zero, tout en étant plus pétillant.</p>
<p>Ce lancement de produit, aussi intrigant soit-il, relève avant tout d’une démarche marketing. Coca-Cola s’approprie le langage et les codes du digital pour s’adresser à une cible (vraisemblablement celle des gamers) et s’en attirer les faveurs. Il n’est évidemment pas réellement question de connaître soudain le goût des pixels mais de découvrir l’interprétation que la marque en fait dans le cadre d’une opération marketing. Pourtant, le simple fait qu’une marque envisage « le goût des pixels » comme une proposition attrayante et compréhensible ne peut que nous interroger sur les frontières entre le monde digital et le monde matériel.</p>
<h2>Hybridation du monde digital et du monde matériel</h2>
<p>En donnant la possibilité de « goûter des pixels », le Coca-Cola Byte illustre une hybridation dans les codes du digital et de la matérialité. On observe en effet un nombre croissant d’incursions d’un monde dans l’autre et la frontière entre les deux semble plus poreuse que jamais.</p>
<p>Avec le développement de la présence d’Internet dans nos vie quotidiennes s’est mise en place une digitalisation croissante d’éléments jusqu’alors matériels. C’est notamment ce que l’on nomme la consommation virtuelle digitale (<a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/10253860903562130">Digital Virtual Consumption</a>), qui nous a amenés à remplacer peu à peu nos albums de photos de famille par des dossiers sur nos ordinateurs, nos collections de DVDs par des fichiers de films, puis des abonnements à des plates-formes de streaming et même nos relevés bancaires par des e-mails.</p>
<p>Jusque récemment, ces objets digitaux étaient considérés comme ayant fondamentalement moins de valeur que des objets matériels. Le développement rapide et massif du phénomène des jetons non fongibles (<a href="https://theconversation.com/nft-du-marche-de-lart-au-metavers-177199"><em>non-fungible tokens</em></a>, ou NFT) vient profondément remettre en question cette hypothèse d’une valeur toujours inférieure des objets digitaux. En garantissant à l’objet digital une unicité et en lui accordant le statut d’œuvre d’art, les NFT donnent à des objets digitaux une valeur (symbolique et monétaire) bien supérieure à certaines œuvres d’art bien matérielles.</p>
<p>Mais la digitalisation ne passe pas seulement par la transformation d’objets matériels en objets digitaux. On observe également l’intervention du digital au sein même du monde matériel, par le biais de la réalité augmentée notamment, qui en transforme la perception. On se souvient par exemple du phénomène de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/07/06/un-an-apres-son-lancement-phenomene-pokemon-go-est-toujours-bien-vivant_5156846_4408996.html">Pokémon Go</a> qui a pris une ampleur inattendue pendant l’été 2016 (et qui, malgré un net ralentissement, bénéficie encore aujourd’hui d’une large communauté d’adeptes) en amenant des millions de personnes, dans le monde entier, à guetter l’apparition de créatures virtuelles dans des lieux bien réels, à travers l’objectif révélateur de leur smartphone. Ainsi, avec la réalité augmentée, des éléments virtuels apparaissent sous nos yeux, dans le monde matériel. Dans un esprit similaire, il est aujourd’hui possible de se rendre dans une boutique physique pour réaliser des achats virtuels.</p>
<p>L’entreprise Meta a ainsi ouvert un <a href="https://about.fb.com/news/2022/04/meta-retail-store/">Meta Store</a> début mai en Californie pour permettre aux utilisateurs du métavers Horizon World lancé par la maison mère de Facebook d’acheter des accessoires virtuels pour leurs avatars.</p>
<h2>Goûter à l’immatériel</h2>
<p>Le Coca-Cola Byte, lui, va à l’encontre de ces deux types d’hybridation du monde digital et du monde matériel. Jusque-là, il a été question de digitaliser le monde matériel ou d’importer le digital en son sein. Avec ce lancement de produit, la marque propose une tout autre démarche : celle de rendre le digital sensible, de lui donner une dimension sensorielle. </p>
<p>En offrant aux consommateurs et consommatrices de goûter à l’immatériel, Coca-Cola propose une expérience de brouillage sensoriel et de matérialisation du digital. Certes, il s’agit avant tout d’une démarche commerciale mais il est aussi possible d’y voir les éléments d’un questionnement plus profond. Digital, virtuel, immatériel, numérique versus physique, réel, matériel, analogue… Est-il encore pertinent de penser ces deux mondes comme étant opposés ? Il convient peut-être aujourd’hui de repenser ces concepts pour mieux en saisir la porosité et les nombreuses hybridations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kenza Marry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel est le goût de ce qui relève de l’immatériel ? Le marketing de Coca-Cola, qui lance un nouveau produit destiné aux gamers, éclaire notre rapport au monde virtuel.Kenza Marry, Docteure en sciences de gestion - Laboratoire NIMEC, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1767152022-05-04T18:41:11Z2022-05-04T18:41:11ZL’apiculture dirigée par les données et les modèles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460077/original/file-20220427-16-mxbd1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2047%2C1354&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouvelles technologies pourraient aider les apiculteurs à mieux gérer leurs ruchers.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/boklm/3355146870/">Nicolas Vigier/flickr</a></span></figcaption></figure><p>Les abeilles participent de façon notable à la biodiversité. La pollinisation est en effet une étape indispensable du cycle de vie des plantes, et les abeilles y contribuent pleinement. Cependant, les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la biodiversité annoncent la disparition des insectes pollinisateurs, et en particulier celle des abeilles domestiques (comme l’<em>Apis mellifera</em> résidant en Europe). Cette disparation serait catastrophique pour l’humain : on estime que près de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02801092/document">35 % de notre alimentation</a> dépend des services de pollinisation rendus par les abeilles !</p>
<p>Le syndrome d’effondrement des colonies (en anglais <em>colony collapse disorder</em> ou CCD, c’est-à-dire l’abandon systématique des ruches) est un phénomène devenu récurrent chez les colonies d’abeilles domestiques. Une diminution importante des colonies d’abeilles est ainsi signalée dans le monde entier ; elle pourrait causer jusqu’à <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/pourquoi-les-abeilles-disparaissent">90 % de pertes des ruches</a>. Concernant les abeilles mellifères, les causes peuvent être multiples : toxicologiques, parasitaires, virales, voire même prédatrices, avec l’apparition ces dernières années du frelon asiatique (<em>Vespa velutina</em>) puis du frelon oriental (<em>Vespa orientalis</em>) dans l’hexagone.</p>
<p>En élevant des abeilles, les apiculteurs jouent un rôle clé dans la sauvegarde de l’espèce. Pour les y aider, ils disposent aujourd’hui de solutions moins invasives pour le suivi et la prédiction de l’état de santé des ruches. En particulier, cet article se focalise sur deux de nos travaux de recherche, qui utilisent des technologies de l’internet des objets (en anglais <em>Internet of things</em> ou IoT) associées à l’intelligence artificielle, à des modèles informatiques et à des simulations, ceci afin d’aider les apiculteurs dans leurs pratiques métiers.</p>
<h2>Comportement des abeilles à l’entrée de la ruche</h2>
<p>La première clé de suivi et de prédiction de la santé de la ruche est la modélisation du comportement des abeilles ; elle permet de repérer les forces ou les faiblesses de la ruche, causées par les maladies, les famines ou les prédateurs. On peut ainsi comprendre ce qui se passe à l’intérieur de la ruche en observant <a href="https://www.lapi.fr/livres/859-au-trou-de-vol-h-storch.html">ce qui se passe à l’extérieur</a>. Pour cela, l’image et la vidéo sont des sources d’information riches à exploiter, non destructives, et qui constituent un enjeu scientifique et écologique fort. Néanmoins, la modélisation de trajectoire n’avait pas encore été développée, ce qui a motivé notre travail.</p>
<p>Nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02187412">premiers travaux</a> ont ainsi porté sur la détection des abeilles, ainsi que la modélisation de leurs trajectoires. L’idée était de capter individuellement les trajectoires de vol des abeilles, puis de caractériser le rythme de l’activité globale devant la ruche afin d’en déduire des observations qui seront consolidées et mises à disposition des scientifiques pour être croisées avec des données apicoles (famine, prédateur, sécheresse…).</p>
<p>En pratique, il s’agissait de capturer le mouvement des abeilles avec une caméra fixe et non-invasive, filmant les entrées et les sorties des insectes. À l’aide d’un capteur de haute résolution et de haute fréquence d’acquisition, des techniques de traitement des images permettent d’isoler l’abeille de l’arrière-plan.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le trajet de deux abeilles, représentées par 3 points temporels" src="https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 : Centre du corps (point vert) et déplacements (trait rouges, bleu, violet et jaune) de deux abeilles, calculés à partir de plusieurs images.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Magnier, Gregory Zacharewicz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ensuite, les compteurs d’abeilles sont extraits de chaque image de la vidéo, permettant de détecter le centre de chaque abeille (les points verts sur les abeilles de la figure 1). Puis, l’orientation de chaque abeille est représentée par une ellipse (liées à la forme d’une abeille). L’orientation et la taille des ellipses dans l’image permettent de calculer les déplacements des abeilles entre les différentes images d’une vidéo (traits bleu et rouge pour l’abeille 1 et traits jaune et violet pour l’abeille 2).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Courbe de trajectoires de deux abeilles qui se croisent. Dans l’image de gauche, le croisement est cohérent. Dans l’image de droite, l’une des trajectoires s’arrête pendant que l’autre revient en arrière pour faire une fourche" src="https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Tracé de trajectoires incohérentes (à gauche) et cohérentes (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Magnier, Gregory Zacharewicz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, il est plus aisé de suivre dans les vidéos ces objets de tailles constantes et mêmes orientations plutôt que des objets déformables. Cette technique évite également de confondre des abeilles et de calculer des trajectoires aberrantes, comme illustrées dans la figure 2.</p>
<p>Différents tracés sont ainsi enregistrés. La figure 3 est un résultat sur une vidéo contenant 1755 images. Elle montre des trajectoires d’abeilles rentrant dans la ruche (traits verts), en sortant (rouge), ou passant simplement devant (bleu). Les trajectoires mal identifiées sont également indiquées en bleu. À partir de ces données, il sera ensuite possible d’étudier et classer le comportement des abeilles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dizaines de traits colorés qui se croisent, sans pattern évident" src="https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 3 : Suivi des trajectoires d’abeilles devant la ruche, établie à partir de 1 755 images. Traits verts : abeilles rentrant dans la ruche ; traits rouges : abeilles sortant de la ruche ; traits bleus : abeilles passant devant la ruche et trajectoires mal identifiées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Magnier, Gregory Zacharewicz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>À l’avenir, le comportement des abeilles pourra être interprété de manière plus approfondie en complétant l’étude par un apprentissage automatique des données et une méthode semi-supervisée de l’IA.</p>
<h2>Caractéristiques physiques de la ruche</h2>
<p>La deuxième clé d’aide à la décision pour l’apiculteur est l’analyse de la santé interne de la ruche. Ici les travaux de notre équipe utilisent des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03273924/document">balances connectées</a> combinées avec les données issues de plusieurs capteurs (comme l’humidité relative et la température interne) pour analyser l’évolution du poids de chaque ruche, ainsi que des vidéos de l’activité sur la planche d’envol (telles que présentées ci-dessus).</p>
<p>Le projet BeePMN – mené par notre équipe en partenariat avec l’USEK au Liban, ConnectHive en France et l’Atelier du miel au Liban – contribue à la caractérisation physique de l’état de la ruche à partir des données de ruchers provenant de bases de données partagées. Nous avons proposé une méthodologie basée sur la reconnaissance de motifs caractéristiques dans les données de poids enregistrées par un pèse-ruche. Un motif peut être une augmentation du poids, puis un plateau suivi d’une chute de poids qui correspondrait à un départ d’abeilles (par essaimage par exemple).</p>
<p>Par la suite, les données collectées ont été évaluées et traitées grâce à des algorithmes, ce qui a permis de découvrir des <a href="https://www.mdpi.com/1424-2818/13/7/296">motifs récurrents</a> associés aux événements survenant dans la ruche.</p>
<h2>L’apiculture connectée</h2>
<p>Couplés à d’autres données, ces deux exemples pourront à terme être intégrés à un système de suivi généralisé d’une ruche. Des modèles informatiques (présentés en figure 4) sont déclenchés automatiquement par une série d’alertes prédéfinies, qui invitent l’apiculteur à passer à l’action. Par exemple, l’information pour l’apiculteur du besoin de nourrir les abeilles peut être déclenchée par le passage du poids en dessous d’une valeur de référence lors d’une période particulière en automne ou en hiver.</p>
<p>Concrètement, comme les tâches apicoles ne peuvent pas être automatisées et que l’intervention humaine est obligatoire, le système proposé se contentera d’aider et guider l’apiculteur à planifier et exécuter plus précisément plusieurs tâches pertinentes : l’élevage et la reproduction de nouvelles colonies, l’alimentation des colonies, l’ajout de hausses (partie supérieure de la ruche pour récolter du miel), la planification des opérations sanitaires, le contrôle des parasites (comme le varroa), la planification d’opérations telles que l’hibernation, etc. L’apiculteur pourra ainsi facilement surveiller sa colonie, effectuer ses tâches routinières, répondre aux alertes en cas de dysfonctionnements éventuels et prévoir ses besoins futurs en fournitures.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Diagramme de décision pour estimer s’il faut nourrir la ruche ou non en fonction de son poids et de l’environnement, et envoyant une alerte à l’apiculteur via son smartphone si la réponse est positive" src="https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 4 : Ruches, capteurs, IA et smartphones/tablettes forment un système de suivi généralisé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gregory Zacharewicz, Baptiste Magnier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces modèles sont basés sur des règles métier construites avec l’aide d’experts du domaine. Il est également envisagé que ces règles métiers puissent ultérieurement évoluer grâce aux apports de la communauté d’apiculteurs utilisant le système.</p>
<p>Enfin, tout ce qui précède sera orchestré et présenté au sein d’une interface conviviale sur smartphone ou tablette, basée sur les principes de la <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/gamification">gamification</a>.</p>
<p>Cette contribution améliorera l’expérience des apiculteurs amateurs et professionnels, en réduisant les risques d’exploitation d’un rucher et ouvrira la porte à d’autres entrées disponibles (phénomènes météo détaillée, cartes de floraison, humidité, comportement des colonies d’abeilles, etc.) pour étendre les capacités des simulations. Enfin, l’apport des dernières générations des techniques numériques, et en particulier la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03648045">simulation</a>, devrait ouvrir la voie à une apiculture de plus grande précision, afin de minimiser les traitements invasifs et de synthèse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregory Zacharewicz a reçu pour L'IMT Mines Ales des financements de Campus France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Magnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’utilisation de capteurs connectés couplés à des modèles informatiques peut permettre de suivre l’activité d’un rucher, donnant ainsi de précieuses indications aux apiculteurs.Gregory Zacharewicz, Professeur de l'Institut Mines Telecom, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomBaptiste Magnier, Associate professor, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810862022-04-18T15:46:10Z2022-04-18T15:46:10ZDétecter plus tôt Alzheimer grâce à un jeu vidéo<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458418/original/file-20220418-24-j2faic.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1147%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image extraite du jeu vidéo Sea Hero Quest.</span> </figcaption></figure><p>Un jeu vidéo pour l’aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer ? Je ne sais pas vous, mais quand je lis ce genre de titre j’ai tendance à lever les yeux au ciel. C’est vrai qu’à l’heure où les soignants sont poussés à bout par les effets croisés d’une pandémie et de la dégradation de leurs conditions de travail, proposer de les aider avec un jeu vidéo ressemble au mieux à un vœu pieu, au pire à une provocation…</p>
<p>Pourtant, le projet Sea Hero Quest, développé par nos équipes de recherche en collaboration avec des soignants a pour objectif de répondre à un vrai besoin exprimé par ces derniers.</p>
<p>L’idée est de développer un test capable d’évaluer le sens de l’orientation pour détecter le plus tôt possible la maladie d’Alzheimer, dont la désorientation spatiale est un symptôme précoce. Rassurez-vous, ce n’est pas parce que vous pensez avoir un mauvais sens de l’orientation que vous êtes plus à risque de développer une démence. De nombreux facteurs culturels et démographiques comme l’âge, le genre, le niveau d’éducation, ou encore les habitudes de sommeil influencent nos capacités à nous repérer.</p>
<p>Et c’est justement un problème pour les médecins : comment savoir si M. Martin a un mauvais score à son test d’orientation spatiale parce qu’il développe une démence ou s’il a toujours été comme cela ? Une solution est de comparer les performances de M. Martin à celles d’autres personnes ayant les mêmes caractéristiques démographiques. Cela permettrait de s’assurer que ses mauvaises performances ne sont pas liées qu’à son profil, mais sont bien potentiellement pathologiques. Comparer le comportement du patient à celui de milliers de personnes lui ressemblant rendrait le test beaucoup plus précis, taillé sur mesure.</p>
<h2>4 millions de participants à l’étude scientifique</h2>
<p>Mais pour faire toutes ces comparaisons, il faut une base de données avec du monde, beaucoup de monde. Bien plus que les quelques dizaines de participants recrutées habituellement dans les études en neuroscience ou en psychologie. Avec Sea Hero Quest, nous avons mis à profit une fraction des milliards d’heures hebdomadaires passées par les humains à jouer à des jeux vidéo. Nous avons, en collaboration avec le studio de <em>game design</em> <a href="https://glitchers.com/">Glitchers</a>, développé un jeu vidéo d’orientation spatiale sur smartphones et tablettes. Le joueur incarne le capitaine d’un petit bateau devant résoudre des labyrinthes aquatiques de plus en plus complexes. Ces épreuves virtuelles correspondent à des tâches classiques de la littérature scientifique, que nous avons rendues ludiques. S’ils le veulent bien, les joueurs peuvent aussi répondre à quelques questions sur leur profil démographique. Selon <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0213272">nos résultats</a>, les performances à ce jeu sont bien prédictives des performances spatiales dans le monde réel, et non pas le simple reflet des compétences en jeux vidéo. Ouf.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CcM6Yu9d4pM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du jeu vidéo Sea Hero Quest VR.</span></figcaption>
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<p>Cela a marché au-delà de nos espérances. Entre 2016 et 2019, plus de 4 millions de joueurs de tous les pays du monde ont téléchargé et joué à Sea Hero Quest. A ce moment-là, nous sommes éberlués, hypnotisés par le flux de données s’amassant sur nos serveurs. Si on avait voulu tester autant de participants de manière « classique », directement dans notre labo, ça aurait pris 1000 ans et coûté 100 000 000 d’euros.</p>
<p>Un tel jeu de données est inédit en sciences comportementales. Au-delà de l’aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer, il permet de répondre à des questions jusqu’alors irrésolues. Par exemple sur la différence entre les hommes et les femmes en termes de navigation spatiale. De nombreuses études scientifiques ont fait état d’un avantage pour les hommes à certaines tâches d’habileté spatiale, mais on n’a jamais très bien compris d’où venait cette différence. Grâce au jeu de données de Sea Hero Quest, on a pu estimer l’ampleur de cette <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(18)30771-1">différence entre les sexes</a> dans 53 pays. On a remarqué que cette dernière était proportionnelle à l’égalité entre les hommes et les femmes du pays dans lequel on se place, telle que mesurée par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Global_Gender_Gap_Report">Rapport mondial sur l’écart entre les femmes et les hommes</a> du Forum économique mondial. Ce rapport compare l’accès des hommes et des femmes à l’emploi, à la santé, à l’éducation, et aux instances politiques. Il y a ainsi peu de différences de genre en termes de navigation spatiale dans les pays scandinaves, beaucoup plus en Égypte ou en Arabie saoudite. Cela signifie que la dimension socioculturelle joue un rôle important dans ces différences cognitives entre les genres.</p>
<p>Et Sea Hero Quest est un outil parfait pour l’investiguer.</p>
<h2>Notre sens de l’orientation dépend de l’endroit où l’on a grandi</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04486-7">article</a> paru la semaine dernière à la Une de la revue Nature, nous nous sommes intéressés à un autre facteur culturel : l’influence de l’endroit où l’on grandit sur notre sens de l’orientation à l’âge adulte. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235215461500039X">On sait que</a> si on fait grandir une souris dans une cage « enrichie » avec des jeux et des labyrinthes, cela a un impact sur la forme de son cerveau et sur ses fonctions cognitives comparées à une souris qui aurait grandi dans une cage plus simple. Mais comme il est interdit de mettre des enfants dans des cages, ce résultat n’a jamais été reproduit chez les humains.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1511730788718501893"}"></div></p>
<p>Grâce au jeu Sea Hero Quest, nous pouvons comparer les fonctions cognitives de personnes ayant grandi dans une multitude d’endroits. Nous avons tout d’abord remarqué que les joueurs ayant grandi en ville ont en moyenne un moins bon sens de l’orientation que ceux ayant grandi en dehors des villes, indépendamment de leur âge, genre, ou niveau d’éducation. Mais là encore, l’ampleur de cette différence varie beaucoup d’un pays à l’autre. Dans certains pays comme les USA, l’Argentine ou le Canada, vivre dans une ville est vraiment préjudiciable, alors qu’en France, en Roumanie ou en Inde, il n’y a pas de différence significative entre ville et campagne. Mais d’où viennent ces variations d’un pays à l’autre ?</p>
<p>Les pays où les différences sont les plus fortes comportent davantage de villes avec un plan quadrillé, comme Chicago, Buenos Aires ou Toronto. Et de fait, il est bien plus simple de s’orienter dans ces villes que dans les rues tourmentées de Paris, Prague ou New Delhi. En grandissant dans une ville quadrillée, on exerce moins son sens de l’orientation qu’en grandissant à la campagne, où les réseaux de routes sont moins organisés et les distances à parcourir plus importantes, et ça se ressent à l’âge adulte.</p>
<p>La période clef qui façonne durablement notre sens de l’orientation est l’enfance, lorsque notre cerveau est en plein développement. A l’inverse, le lieu où vivent les joueurs au moment où ils jouent n’est pas statistiquement lié à leurs compétences spatiales. Ça ne veut pas dire qu’il est impossible de s’améliorer en tant qu’adulte, mais ça demande plus de travail !</p>
<p>« L’Homme n’est que la silhouette de son paysage natal » a dit le poète Shaul Tchernichovsky, et ce résultat ne lui donne pas tort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Coutrot a reçu des bourses de recherche publiques et financées par l'association Alzheimer's Research. </span></em></p>Sea Hero Quest, ce jeu vidéo pensé par des scientifiques, a été téléchargé plus de 4 millions de fois et a permis de mesurer nos capacités d’orientation.Antoine Coutrot, Chargé de Recherche CNRS, INSA Lyon – Université de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1760632022-04-12T18:28:08Z2022-04-12T18:28:08ZJeux vidéo : à quels risques s’exposent vraiment les plus jeunes ?<p>Les questions les plus médiatisées autour des usages du numérique évoquent des paniques morales qui menaceraient particulièrement les jeunes. Les plus récentes portent sur <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-code-a-change/sommes-nous-vraiment-en-train-de-fabriquer-des-cretins-digitaux">l’allongement du temps d’écran qui rendrait « crétin</a> ». Cette conséquence découlerait de l’implantation des principes de l’économie de l’attention <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/04/24/tristan-harris-l-homme-qui-veut-empecher-la-tech-de-degrader-l-humain_5454443_3234.html">au cœur des réseaux socionumériques</a>. Ces services en ligne sont conçus pour retenir l’utilisateur, afin d’enregistrer le maximum de données sur son activité pour construire des catégories comportementales très fines. Cela favoriserait l’enfermement de l’utilisateur dans ses préférences.</p>
<p>On comprend aisément le défi de retenir l’utilisateur sur un service de communication aux fonctionnalités relativement simples : envoyer un message, recommander un article, etc. Mais dans l’industrie des jeux vidéo, l’activité ludique au cœur du service est a priori plus stimulante. La capture de l’attention est mieux garantie par les game designers, depuis longtemps passés experts de la retenue des joueurs. La <a href="https://journals.openedition.org/quaderni/190">médiatisation des paniques morales qui en découlent est donc advenue très tôt</a>. À ce titre, la recherche sur les jeux vidéo permet de prendre un peu de recul sur les discours actuels autour de la rétention débilitante ou de l’addiction pathologique.</p>
<p>Les jeux en ligne permettent notamment de débattre de risques émergents et moins pathologisants. Ceux-ci sont liés à la mise au travail des joueurs pour produire des contenus de jeu, à la gestion de leur attention et à la monétisation des contenus du jeu. Cet engagement des vidéojoueurs, notamment des enfants, peut parfois engendrer des risques psychosociaux ou une surexploitation économique de leur temps. Nous verrons dans la suite en quoi ces questionnements sur les risques sont liés à deux réagencements, entre le modèle économique du jeu en ligne et sa conception logicielle.</p>
<h2>L’incitation à produire des contenus vidéoludiques retient le joueur</h2>
<p>À partir des années 2000, la démultiplication de l’offre de jeux entérine l’entrée dans une ère de <a href="http://ses-perso.telecom-paristech.fr/auray/2011AurayRFSEIllimite.pdf">consommation en régime d’abondance</a>. L’accroissement de la concurrence pousse les industriels à adopter des modèles économiques basés sur la rétention des joueurs : ils payent désormais mensuellement un abonnement, puis se font acheteurs réguliers de contenus « monétisés » : bonus, équipements ou modifications visuelles.</p>
<p>Deux risques socioéconomiques en découlent : d’une part l’allongement du temps de jeu pour rentabiliser son abonnement ou ses bonus à validité temporaire. D’autre part, l’apparition de difficultés à maîtriser ses micro dépenses de contenus « monétisés » faites au fil du jeu.</p>
<p>Pour tenter d’accentuer cette « capture », les jeux en ligne tirent déjà profit depuis les années 1990 du « modding » qui consiste pour un joueur expert à modifier un jeu vidéo et à en étendre de fait la durée de vie. Le « mod » produit est par exemple un changement de l’apparence des personnages, de nouvelles possibilités de jeu, ou même de nouvelles géographies inédites.</p>
<h2>La gestion de l’attention et la valorisation économique des contenus du jeu produisent de nouveaux risques</h2>
<p>Dans les années 2010, les jeux en ligne sont repensés suivant le modèle de <a href="https://theconversation.com/souvrir-ou-ne-pas-souvrir-tel-est-le-dilemme-du-jeu-video-85063">plateformes en ligne fonctionnant comme des marchés bifaces</a> : une face regroupe les joueurs producteurs de contenus, une autre face regroupe les joueurs consommateurs. Le processus de « captation de valeur » des clients répartis sur les deux versants du marché est plus facile à maîtriser pour l’entreprise. Ce modèle permet également de mieux identifier les risques encourus par les joueurs sur chaque versant.</p>
<h2>Les risques pour les joueurs-consommateurs</h2>
<p>Sur le versant des joueurs consommateurs de contenus, le modèle hybride un accès « pay to play » par abonnement qui offre des privilèges avec un accès « free to play » gratuit et sans avantage.</p>
<p>Ce dernier subventionne l’entrée rapide et en masse de joueurs, afin d’accentuer l’effet d’entraînement social – l’effet « de réseaux »– pour écraser les plates-formes concurrentes qui n’arrivent alors plus à capter ces joueurs déjà sédentarisés ailleurs. Trois formes de risques existent sur ce versant du marché.</p>
<p>Un premier risque psychosocial s’accentue sur ces plates-formes. Grâce à l’analyse constante des données d’activité des joueurs, les plates-formes personnalisent en permanence les expériences de jeu. Deux comportements de jeu sont alors stimulés à l’extrême : d’un côté un encouragement constant à <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00955889">explorer la nouveauté, souvent à découvrir des équipements de jeu inconnus et plus rares</a> (armes, protections, consommables, etc.) Une dispersion extrême de l’attention est donc possible.</p>
<p>De l’autre, une incitation aux activités très répétitives de « farming », c’est-à-dire produire de manière ininterrompue une grande quantité d’équipements de jeu. Avec l’espoir de les échanger contre d’autres, plus rares et plus efficaces. Une focalisation prolongée de l’attention sur une activité quasi-mécanique est possible.</p>
<p>Ces deux mécanismes de design retiennent efficacement le joueur, mais peuvent lui faire courir un risque psychosocial. Il est le produit d’une difficulté à interrompre l’activité de jeu et d’une frustration à ne jamais arriver à ses fins.</p>
<p>Deuxièmement, un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01911888">risque socioéconomique est associé au « farming »</a>. Un joueur désargenté mais spécialiste de la collecte d’équipements en jeu peut échanger ces richesses contre des crédits de temps d’abonnement d’un autre joueur, il est donc capable de prolonger son abonnement sans jamais payer. Se maintenir gratuitement dans le jeu demande d’y exercer une activité de collecte particulièrement chronophage souvent adoptée par des enfants sans argent de poche ou de classe populaire. Avec de possibles empiètements sur d’autres temps de vie.</p>
<p>Un troisième et dernier risque d’ordre socioéconomique et psychosocial peut survenir lorsque l’escroquerie d’autres joueurs est autorisée. L’arnaque intervient souvent à l’instant de l’échange des <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02570713">monnaies virtuelles, des équipements, voire des personnages de jeu</a>. Cette déviance peut de facto être tolérée, car certaines entreprises sont réticentes à punir des joueurs-arnaqueurs qui sont aussi leurs clients. Cette perte de capital économique est souvent perçue comme étant d’autant plus grande que la victime est jeune et a pu passer du temps à jouer. Un risque psychosocial peut aussi survenir chez des joueurs qui perdent brusquement tout ou partie des équipements rares accumulés sur leur personnage, parfois au prix de plusieurs années de jeu.</p>
<h2>Les risques pour les producteurs de contenus</h2>
<p>Depuis un certain temps, les entreprises mettent à disposition des joueurs un logiciel de création de contenus gratuits ou payants et plus ou moins performants. Deux types de contributeurs coexistent alors sur le versant des producteurs.</p>
<p>Premièrement, des contributeurs plus âgés et expérimentés, dont certains exercent des métiers liés au numérique. Ils travaillent plus volontiers en équipe et créent des contenus de jeu payants. Quelques équipes chevronnées mettent à profit leurs week-ends ou leur temps de chômage pour produire la majorité des contenus plébiscités par les joueurs et empocher le gros des revenus reversés par la plate-forme. Ici figure par exemple pour Roblox le nombre de joueurs pour les 100 mods les plus joués et qui sont <a href="https://roblox.fandom.com/wiki/List_of_places_with_the_most_visits">principalement payants</a>.</p>
<p><a href="https://www.casilli.fr/2019/01/10/en-attendant-les-robots-un-ouvrage-aussi-vertigineux-que-rigoureux-mediapart-10-janv-2019/">Dans la lignée des travaux sur le digital labor</a>, un risque de précarisation du travailleur est identifié ici, car les contenus sont élaborés par des contributeurs sans contrat de travail.</p>
<p>Deuxièmement, on identifie des contributeurs bénévoles, souvent plus jeunes et peu expérimentés, dont certains sont des enfants. Ils produisent l’essentiel des modifications du jeu. Cette production bénévole induit deux effets de rétention.</p>
<p>Le premier suit une logique de saupoudrage : la multitude de « mods » gratuits remporte une d’adhésion limitée au cercle restreint des proches. Par exemple, les amis d’école du producteur de contenus. Mais la somme des contenus atteint beaucoup de joueurs.</p>
<p>Le second effet de rétention découle d’une minorité de « mods » gratuits qui rencontrent de manière imprévisible un vif succès auprès du plus grand nombre, suivant une <a href="https://www.wired.com/2004/10/tail/">dynamique de « longue traîne »</a>.</p>
<p>Un débat s’ouvre ici autour de la définition d’un nouveau risque socioéconomique : il vise souvent les quelques contenus gratuits qui remportent un succès imprévu.</p>
<p>Dans leur cas, dès lors que l’activité bénévole encouragée permet de retenir un nombre incalculable de joueurs qui vont payer plus longtemps l’entreprise, ne doit-on pas <a href="https://five.fibreculturejournal.org/fcj-025-precarious-playbour-modders-and-the-digital-games-industry/">parler d’exploitation d’un travail gratuit</a> ? Ou bien considère-t-on sans s’appesantir sur les rares succès d’ampleurs que la passion légitime le rattachement désintéressé de tous les joueurs engagés <a href="https://journals.openedition.org/traces/6201">dans des logiques productives</a> ?</p>
<h2>Des risques qui dépassent le design attentionnel</h2>
<p>La nature des risques encourus par les joueurs en ligne s’avère donc largement déborder les questions de design attentionnel. Tous ces risques sont à la croisée des choix de game design et des choix de modèles économiques des jeux. Il semble donc nécessaire de réguler ces deux éléments conjointement.</p>
<p>Le cas des enfants producteurs de contenus rémunérés illustre la démarche à suivre. Leurs contenus à succès représentent une part minime en proportion de toutes les contributions de joueurs. Mais leur décompte total augmentera avec la massification de publics de plates-formes de jeux équipées d’outils de « modding » destinés aux enfants. À ce titre, l’exemple de la popularisation fulgurante de Roblox auprès des enfants américains <a href="https://www.liberation.fr/lifestyle/hightech/roblox-les-dangers-dun-jeu-denfant-20220129_N7L3AMVSN5CM7JJ7DKIGXHG4ZM/">devrait être analysé avec attention</a>.</p>
<p>Enfin, on peut mettre en regard un changement législatif de 2017 en France. Il concerne les enfants influenceurs qui font la promotion de marques sur Instagram ou YouTube. L’exception <em>d’emploi d’enfants</em> jusqu’ici en vigueur dans le milieu du spectacle et de la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/exploitation_commerciale_image_enfants">publicité leur est désormais ouverte</a>. Il reste à s’assurer que ce modèle soit suffisamment protecteur et à demander au législateur dans quelle mesure il serait transposable aux activités rémunératrices des jeunes participants à des jeux vidéo en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176063/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Vétel est membre de l'Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH). </span></em></p>De plus en plus souvent, les joueurs sont mis à contribution pour produire des contenus de jeu et à les monétiser.Bruno Vétel, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1799662022-04-11T21:07:29Z2022-04-11T21:07:29ZSmartphones : pourquoi vos enfants ont tant de mal à se déconnecter<p>Avant même la pandémie, près des <a href="https://www.pewresearch.org/internet/2020/07/28/parenting-approaches-and-concerns-related-to-digital-devices/">trois quarts des parents</a> s’inquiétaient de l’usage que font <a href="https://doi.org/10.1016/j.chb.2020.106618">leurs enfants de leurs téléphones mobiles</a> et des effets néfastes de ces appareils sur eux et sur leurs relations familiales. Mais si les enfants ne parviennent pas à lâcher ces appareils, ce n’est ni vraiment leur faute ni celle de leurs parents. Chaque fois qu’un parent tente de persuader son enfant d’arrêter un jeu en ligne ou de mettre de côté son appareil, ce n’est pas tant à lui qu’il s’affronte qu’à l’invisible armée de <a href="https://psmag.com/environment/captology-fogg-invisible-manipulative-power-persuasive-technology-81301">spécialistes du comportement</a> qui rendent les nouvelles technologies si addictives.</p>
<p>Les créateurs d’applications et de jeux s’appuient sur les connaissances d’experts en <a href="https://www.humanetech.com/youth/persuasive-technology">design persuasif</a>, un champ d’études en psychologie dont l’objectif est de comprendre comment créer des technologies dont il est quasiment impossible de se passer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>Mais la prudence est de mise quand on s’adresse aux enfants, comme le psychologue <a href="https://richardfreed.com/">Richard Freed</a> et moi-même l’expliquons dans <a href="https://connect.springerpub.com/content/sgrehpp/23/2/89">notre analyse</a> des questions éthiques soulevées par le design persuasif ciblant les enfants et les adolescents.</p>
<h2>Design persuasif</h2>
<p>Pour faire simple, on peut dire que, pour altérer nos comportements, le design persuasif allie <a href="https://www.sciencedirect.com/book/9781558606432/persuasive-technology">psychologie comportementale et technologie</a>. Il est possible d’en résumer les principes à <a href="https://behaviormodel.org">trois mécanismes clés</a> qui, combinés, peuvent pousser quelqu’un à modifier son comportement : créer une forte motivation, réclamer peu d’efforts et inciter fréquemment l’utilisateur à pratiquer l’activité concernée.</p>
<p>Ces principes peuvent être utilisés à des fins productives et utiles, par exemple encourager les gens à <a href="https://doi.org/10.3389/frai.2020.00007">marcher davantage</a> ou <a href="https://doi.org/10.3389/fnut.2021.661449">manger davantage de fruits et légumes</a>. Cependant, le design persuasif est couramment employé dans le but de leur faire <a href="https://arxiv.org/abs/2106.02604v2">passer davantage de temps</a> sur une application ou un jeu. Ils sont ainsi exposés à davantage de publicités et sont plus susceptibles de faire des achats proposés dans le jeu, ce qui assure des revenus supplémentaires au créateur de l’application.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C2448%2C1678&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340315/original/file-20200608-176542-n430vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">S’ils sont enclins à transgresser les règles, les adolescents sont aussi très influencés par les comportements numériques de leurs parents.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/gadget-addiction-concept-flat-vector-illustration-1505734745">Shutterstock</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/adolescents-quelques-cles-pour-eviter-laddiction-au-smartphone-139928">Adolescents : quelques clés pour éviter l’addiction au smartphone</a>
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<p>Les adultes sont eux aussi influencés par le design persuasif. C’est pourquoi ils <a href="https://doi.org/10.1386/jdtv.9.1.69_1">passent des heures</a> à regarder des séries en streaming, parcourir le <a href="http://dx.doi.org/10.4018/978-1-4666-7373-1.ch010">fil d’actualité de leurs réseaux sociaux</a> et <a href="https://www.researchgate.net/publication/263561793_Persuasive_Game_Design_A_model_and_its_definitions">jouer aux jeux vidéo</a>.</p>
<p>Mais du fait de la plasticité de leur cerveau, les enfants sont <a href="https://dx.doi.org/10.1007/s40429-015-0079-2">particulièrement vulnérables</a> aux stratégies du design persuasif. L’extrême excitation des enfants lorsqu’ils reçoivent des autocollants ou des cadeaux – réels ou virtuels – s’explique par le fait que le striatum ventral, le centre du plaisir dans le cerveau, est <a href="https://doi.org/10.1177%2F0963721413480859">plus réactif à la dopamine</a>), la molécule de la satisfaction, <a href="https://doi.org/10.1038/nn.2558">chez les enfants</a> que chez les adultes.</p>
<p>Cette excitation pousse les enfants à répéter leur comportement pour éprouver à nouveau cette satisfaction, encore et encore. Dans un <a href="https://www.commonsensemedia.org/research/the-common-sense-census-media-use-by-tweens-and-teens-2019">sondage de 2019</a> sur le temps passé par les adolescents sur les écrans, trois types d’utilisateurs intensifs ont émergé, tous influencés par le design persuasif : les <a href="https://www.elsevier.com/books/persuasive-technology/fogg/978-1-55860-643-2">utilisateurs des réseaux sociaux</a>, les <a href="https://www.gamedeveloper.com/design/behavioral-game-design">amateurs de jeux vidéo</a> et ceux qui <a href="https://medium.com/the-data-nudge/how-netflix-uses-data-to-keep-you-binge-watching-personalize-your-viewing-experience-894c99a1e2b4">regardent des contenus en streaming</a>.</p>
<h2>Signaux sociaux d’acceptation</h2>
<p>Les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook, TikTok et Snapchat sont <a href="https://www.pewresearch.org/internet/2020/07/28/parenting-approaches-and-concerns-related-to-digital-devices/">conçus pour maximiser</a> les résultats du design persuasif. En proposant des boutons « j’aime » et des émoticônes en forme de cœur, ces sites permettent de recevoir des signaux sociaux d’acceptation et d’approbation, ce qui <a href="https://www.pewresearch.org/internet/2018/11/28/teens-and-their-experiences-on-social-media/">motive énormément les adolescents</a>. Faire défiler les pages de ces sites requiert un effort minimal. Enfin, les applications sollicitent régulièrement l’attention des utilisateurs en <a href="https://doi.apa.org/doi/10.1037/xhp0000100">les bombardant de notifications</a> et d’invitations.</p>
<p>Snapchat, par exemple, encourage ses utilisateurs à envoyer des « snaps » au moins une fois toutes les 24 heures pour <a href="https://support.snapchat.com/en-US/i-need-help?start=5695496404336640">rester en mode Snapstreak</a> (« Ça chauffe »). Par <a href="https://doi.org/10.1016/j.chb.2016.05.083">peur</a> de manquer les réactions ou les mises à jour de leurs amis, les adolescents se connectent de <a href="http://dx.doi.org/10.12998/wjcc.v9.i19.4881">plus en plus fréquemment</a>) aux réseaux sociaux.</p>
<p>En ce qui concerne les jeux vidéo, Fortnite fait savoir aux joueurs qu’ils sont sur le point de battre un adversaire. Cela active un phénomène cognitif appelé <a href="https://psycnet.apa.org/doi/10.1111/j.1360-0443.2010.03050.x">« near miss »</a> (« raté de peu »), qui les incite à poursuivre la partie, car ils étaient si proches de la victoire qu’ils ont des chances de l’emporter la fois suivante. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des manières dont le design persuasif est passé du système des <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2012.00621">jeux d’argent pour adultes</a> aux <a href="https://doi.org/10.1111/dmcn.13754">jeux vidéo numériques</a> ciblant les enfants et les ados.</p>
<h2>Questions d’éthique</h2>
<p>En tant que chercheuse en psychologie, je m’inquiète de voir que des <a href="https://www.microsoft.com/en-us/research/group/xbox-research/people/">psychologues aident les concepteurs de technologies</a> à mettre en application des principes psychologiques qui poussent les enfants et les adolescents à passer davantage de temps sur une application, un jeu ou un site Internet.</p>
<p>En parallèle, d’autres psychologues font des recherches sur les dangers liés à ces activités, y compris <a href="https://doi.org/10.1177/2167702617723376">l’anxiété</a>, la <a href="https://doi.org/10.1136/bmjopen-2018-023191">dépression</a>, les <a href="https://doi.org/10.1001/jama.2018.8931">troubles de l’attention</a> et <a href="https://doi.org/10.1542/peds.2016-1758k">l’obésité</a>. D’autres encore ont ouvert des centres de thérapie pour <a href="https://www.netaddictionrecovery.com/video-game-addiction-treatment/">soigner les addictions aux jeux vidéo</a> et autres troubles mentaux associés à un usage excessif et problématique des nouvelles technologies, comme <a href="https://virtual-addiction.com">l’anxiété et la dépression</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-amities-des-adolescents-sont-elles-hackees-par-les-reseaux-sociaux-127882">Les amitiés des adolescents sont-elles « hackées » par les réseaux sociaux ?</a>
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<p>De mon point de vue, les principes d’un champ de recherche ne doivent pas à la fois engendrer un problème et œuvrer à le résoudre. L’American Psychological Association, la plus grande association professionnelle de psychologues des États-Unis, a un <a href="https://www.apa.org/ethics/code">code d’éthique</a> qui interdit à ses membres de nuire ou d’accepter tout travail allant à l’encontre du bien-être des personnes, et leur rappelle d’être particulièrement vigilants dans leurs interactions avec les jeunes, qui n’ont pas encore atteint leur pleine maturité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1232709212393951234"}"></div></p>
<p>J’estime donc que les psychologues ont l’obligation de protéger les enfants de l’influence de la technologie persuasive. Les chercheurs qui collaborent avec les concepteurs de réseaux sociaux et de jeux pensent peut-être qu’ils ne font qu’aider ces entreprises à créer des produits dynamiques et attrayants. Mais ils se voilent la face quant aux nombreux risques psychologiques qu’entraîne l’utilisation desdits produits.</p>
<p>Les parents et leurs enfants ont raison de s’inquiéter de la manière dont les jeux, les vidéos et les réseaux sociaux manipulent les jeunes esprits. Les psychologues pourraient faire l’effort de leur expliquer comment leur cerveau se développe, et comment le design persuasif exploite ce processus. Cela aiderait les familles à cesser de se disputer au sujet du temps passé sur les écrans et à prendre conscience que la plus grande menace ne vient pas des appareils électroniques en eux-mêmes, mais des entreprises qui conçoivent ces appareils et ces applications de manière à nous rendre dépendants.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Meghan Owenz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Chaque fois qu’un parent tente de persuader son enfant de lâcher son smartphone, ce n’est pas tant à lui qu’il s’affronte qu’à l’invisible armée de concepteurs de ces technologies addictives.Meghan Owenz, Assistant Teaching Professor of Rehabilitation and Human Services, Penn StateLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1722672022-02-14T14:28:19Z2022-02-14T14:28:19ZLe métavers, une contrée numérique aux mille facettes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440129/original/file-20220110-27-kf3qnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C988%2C553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il importe de souligner les avantages et dangers du métavers, surtout dans le contexte où une entreprise privée en prendrait le contrôle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’annonce de Facebook de créer une maison-mère au nom de Meta et de mettre en place un <a href="https://about.fb.com/news/2021/10/facebook-company-is-now-meta/">métavers</a>, ce mot est soudainement devenu à la mode, malgré les confusions entre divers dispositifs, notions et technologies.</p>
<p>En tant que chercheuse en étude du jeu depuis 20 ans, je propose d’apporter un éclairage sur la définition, les origines, certains dangers et points positifs de ce type d’univers numérique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-metavers-de-facebook-prison-ou-revolution-171997">Le métavers de Facebook : prison ou révolution ?</a>
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<h2>Définir le métavers</h2>
<p>Le métavers est un monde en ligne, complet en soi, au sein duquel l’utilisateur se promène et interagit via un personnage appelé avatar, soit une représentation numérique de soi. Ce monde peut être réaliste ou entièrement fictionnel, mais présente la caractéristique principale d’être ouvert et persistant, c’est-à-dire qu’il évolue même en l’absence de l’utilisateur. Diverses activités peuvent y prendre place, de la socialisation au divertissement, en passant par le commerce, le travail, les arts et l’éducation. Il s’agit, en quelque sorte, d’une ville, une contrée ou même un pays représentés numériquement et habités par des résidents avatoriels.</p>
<p>Bien qu’il soit nécessairement informatique et connecté à l’internet, le métavers n’est pas associé à un support précis : il peut se dérouler sur un écran plat, avec un casque ou des lunettes de réalité virtuelle ou même éventuellement en réalité augmentée, avec des capteurs tactiles, des combinaisons, etc. Le métavers n’est pas principalement défini par une technologie, mais plutôt par l’étendue, les activités et la qualité du monde représenté.</p>
<h2>Historique du métavers</h2>
<p>Le terme a été créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/172832/snow-crash-by-neal-stephenson/">Snow Crash (1992)</a>. Le métavers le plus abouti et le plus célèbre est probablement <a href="https://www.secondlife.com">Second Life</a>, développé en 2003 par Linden Lab. Ce monde en ligne, qui n’est pas à proprement parler un jeu vidéo, permet de personnaliser un avatar avec lequel l’usager interagit avec les autres habitants ou avec les objets numériques : bâtiments, places publiques, vêtements, etc. Une économie entière s’y est développée où des items sont conçus puis revendus pour de l’argent sonnant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468673713512067078"}"></div></p>
<p>Des institutions y ont eu pignon sur rue et diverses activités culturelles, politiques et même sexuelles s’y sont déroulées : par exemple, le cinéaste Peter Greenaway y a mené un <a href="https://secondlife.jeuxonline.info/actualite/24593/">projet de création</a>, une manifestation a eu lieu contre un parti français d’extrême droite <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/elections-2007/20070112.OBS6813/manifestation-virtuelle-anti-fn-sur-second-life.html">qui y avait ouvert une vitrine</a> et même un <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2006/05/02/jeroen-degroot-le-sexe-dans-second-life-est-un-jeu-de-role_766746_651865.html">service d’escortes y est apparu</a>. L’utilisateur de Second Life a ainsi pu s’y construire une « seconde vie » au sein de ce métavers.</p>
<p>Bien que le terme ne soit pas vraiment utilisé pour parler des mondes vidéoludiques, les jeux vidéo ont eu une influence considérable sur l’évolution des métavers. Depuis l’apparition des jeux vidéo en ligne jusqu’aux jeux vidéo massivement multijoueurs tels que le célébrissime <a href="https://ww.worldofwarcraft.com">World of Warcraft (2004)</a>, le concept de métavers se développe au fil des avancées technologiques, des créations des concepteurs et des appropriations sociales.</p>
<p>D’univers entièrement consacrés au jeu, ces mondes deviennent des lieux de socialisation, de commerce et même de diffusion artistique. Par exemple, des vedettes musicales y performent désormais des concerts devant des millions de fans, chacun via leur avatar, créant ainsi de nouveaux lieux socioculturels : Travis Scott a attiré <a href="https://www.theverge.com/2021/9/28/22699014/fortnite-soundwave-series-music-concerts-mohamed-hamaki-creative-mode">12 millions de spectateurs dans le jeu <em>Fortnite</em></a> et le concert du rapper Lil Nas X a réuni <a href="https://www.theverge.com/2020/11/16/21570454/lil-nas-x-roblox-concert-33-million-views">33 millions de fans dans <em>Roblox</em></a>.</p>
<h2>Le métavers de Facebook</h2>
<p>L’industrie vidéoludique est devenue, depuis les vingt dernières années, <a href="https://www.statista.com/statistics/292056/video-game-market-value-worldwide/">l’une des plus lucratives de toutes les productions culturelles</a>. Conséquemment, l’entreprise Facebook y a sans doute flairé une occasion d’affaires en profitant de cet attrait pour les jeux vidéo ainsi que du développement de technologies très immersives comme la réalité virtuelle (RV). Facebook a d’ailleurs acquis <a href="https://www.oculus.com">Oculus Rift</a>, une marque de casque de RV, en 2014.</p>
<p>Or, l’intention de Facebook de créer <a href="https://www.about.facebook.com/fr/meta">« son propre » métavers</a> est directement liée à son modèle économique : la collecte massive de données personnelles pour vendre des profils à des entreprises publicitaires (<a href="https://www.statista.com/statistics/268604/annual-revenue-of-facebook/">86 milliards de dollars en 2020</a>).</p>
<p>La question de la surveillance de masse est centrale à la compréhension des dangers du métavers tel qu’envisagé par Mark Zuckerberg, puisque l’objectif est de centraliser toutes nos activités quotidiennes à un seul endroit appartenant à Facebook : l’utilisateur communiquerait avec ses proches, assisterait à des réunions d’affaires, visionnerait des séries ou magasinerait aux enseignes qui s’y installeraient.</p>
<p>C’est un peu comme si M. Zuckerberg devenait propriétaire de Montréal ainsi que de votre lieu de travail, votre maison, votre chambre à coucher, votre brosse à dents… Pour le moment, ce métavers demeure encore marginal et, d’un point de vue vidéoludique, peu innovateur, mais l’objectif, pour la prochaine décennie, est d’améliorer le concept <a href="https://www.statista.com/statistics/264810/number-of-monthly-active-facebook-users-worldwide">pour que les 2,9 milliards d’utilisateurs de Facebook migrent vers cette plate-forme</a>.</p>
<h2>Pour un métavers public et commun</h2>
<p>Si le métavers de Facebook représente une vision dystopique du futur, il n’en demeure pas moins que les mondes en ligne présentent de nombreux points positifs. À l’image du <a href="https://www.w3.org">World Wide Web</a>, qui est un consortium à but non lucratif visant à garder le web le plus accessible possible pour tous, un métavers public, commun et non-propriétaire aurait des avantages, notamment en termes d’accessibilité et de diffusion de contenus diversifiés : des pièces présentées par des théâtres, des formations et des conférences offertes par des écoles, des projections d’œuvres par des artistes ou même des expositions organisées par des musées.</p>
<p>Une plus grande équité culturelle serait alors possible pour des populations à mobilité réduite ou vivant dans des régions éloignées.</p>
<p>Par ailleurs, même si de nombreux chercheurs soulèvent les risques associés à une <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/sante/effets-ecrans-que-dit-la-science/">surconsommation des écrans, particulièrement chez les enfants</a>, une utilisation équilibrée du métavers aurait également des avantages propres à la socialisation en ligne, ce que connaissent depuis bien longtemps les joueurs de jeux vidéo !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172267/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maude Bonenfant a reçu des financements du CRSH et du FRQ. </span></em></p>Bien que la question de la surveillance de masse soit centrale à la compréhension des dangers du métavers tel qu’envisagé par Facebook, cet univers numérique comporte également certains avantages.Maude Bonenfant, Professeure titulaire en communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765202022-02-07T20:28:43Z2022-02-07T20:28:43ZEn rachetant Activision, Microsoft tente de s’ouvrir les portes du « métavers »<p>Microsoft montre un appétit à la hauteur de son gigantisme. L’entreprise a annoncé le 18 janvier dernier l’acquisition d’Activision, un pionnier de l’édition de jeu vidéo qui figurait au <a href="https://www.gameinformer.com/b/features/archive/2013/02/26/activisionaries-how-four-programmers-changed-the-game-industry-forever.aspx">premier rang des entreprises du secteur</a>. Chiffrée à 68,7 milliards de dollars, c’est la <a href="https://www.reuters.com/technology/microsoft-buy-activision-blizzard-deal-687-billion-2022-01-18/">plus importante acquisition</a> en 100 % numéraire (c’est-à-dire « en cash », sans utiliser des actions comme monnaie) de l’histoire, reléguant au second plan le rachat record du géant Monsanto par Bayer il y a 6 ans.</p>
<p>Côté Microsoft, il s’agit de sa plus grosse opération, représentant plus de deux fois et demie la valeur de sa <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/18/microsoft-to-buy-activision.html">prise de contrôle de LinkedIn</a> en 2016. Cela démontre l’importance qu’il accorde au secteur du jeu vidéo. Et c’est compréhensible quand on sait qu’il s’agit d’un immense marché de 3 milliards de joueurs actifs (soit 40 % de la population mondiale !), qui pèse près de <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide">200 milliards de dollars de ventes annuelles</a>.</p>
<p>Malgré une telle acquisition, Microsoft reste encore loin de dominer le secteur. Il passera simplement de <a href="https://www.business-standard.com/podcast/companies/microsoft-s-plunge-into-the-world-of-gaming-122012400059_1.html">6,5 % à 10,7 % de parts de marché</a> et se hissera seulement à la <a href="https://news.microsoft.com/2022/01/18/microsoft-to-acquire-activision-blizzard-to-bring-the-joy-and-community-of-gaming-to-everyone-across-every-device/#:%7E:text=Microsoft%20will%20acquire%20Activision%20Blizzard,revenue%2C%20behind%20Tencent%20and%20Sony">troisième position</a> derrière son concurrent direct Sony et le leader chinois Tencent. La consolidation de sa position dans le jeu vidéo est certes une raison du rachat, mais il est fort probable que les objectifs de Microsoft se situent au-delà de ce secteur.</p>
<p>C’est en mobilisant une approche stratégique fondée sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-fran%C3%A7aise-de-gestion-2010-5-page-87.htm">ressources</a> et les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1744-2117(2010)0000005012/full/html">compétences</a>, qui fait l’objet de nos recherches, que nous pouvons mieux comprendre le mouvement concurrentiel de Microsoft. Le développement de pièces maitresses doit mener la firme de Redmond du jeu vidéo au « métavers », ce fameux monde virtuel en 3D qui devrait constituer <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/bitcoin/on-vous-explique-ce-qu-est-le-metavers-l-internet-du-futur-qui-fait-rever-la-tech_4757523.html">« l’Internet du futur »</a>.</p>
<h2>Fédérer une communauté</h2>
<p>Pour les géants du secteur, le succès dans les jeux vidéo repose sur le développement et le contrôle de franchises, ces suites de jeux devenus des blockbusters à partir desquels on peut créer contenus médias et produits dérivés. Avec l’acquisition d’Activision, ce sont par exemple Diablo ou Call of Duty, comptant parmi les <a href="https://www.senscritique.com/liste/Jeux_les_plus_vendus_de_tous_les_temps/987556">séries les plus vendues de tous les temps</a>, qui tombent dans l’escarcelle de Microsoft.</p>
<p>La stratégie était déjà bien amorcée depuis 2009 avec l’acquisition de Rare, puis couronnée de succès grâce à la prise de contrôle de Mojang (créateur du célébrissime Minecraft) en 2014. Elle s’est très nettement accélérée ces dernières années avec le rachat de 7 studios en 2018 et 2019 et l’acquisition de Bethesda et ses 8 studios en 2021 pour <a href="https://www.theverge.com/2022/1/19/22890225/microsoft-xbox-activision-blizzard-aqcuisition-game-studios">7,5 milliards de dollars</a>. Au total, Microsoft possède aujourd’hui <a href="https://news.microsoft.com/2022/01/18/microsoft-to-acquire-activision-blizzard-to-bring-the-joy-and-community-of-gaming-to-everyone-across-every-device/">30 studios</a>.</p>
<p>Posséder un large catalogue de jeux à succès est déterminant car les bénéfices de l’industrie ne reposent plus sur la vente de jeux mais sur la gestion des accès via les abonnements à des plates-formes. Entrent aussi en jeu les achats intégrés (items, ressources, monnaie de jeu, costumes de personnages, accès à du contenu ou des extensions de jeu, etc.) et la collecte et l’exploitation des données des joueurs. C’est ce que l’on appelle le jeu à la demande (GOD : game on demand), un peu comme Netflix et la VOD, mais pour les jeux.</p>
<p>Microsoft, via sa plate-forme Xbox Game Pass, fédère une communauté de 25 millions d’abonnés qu’il faut attirer et satisfaire en proposant un catalogue toujours plus étoffé. Avec le rachat d’Activision, Microsoft accède à un ensemble représentant une base de <a href="https://theconversation.com/microsoft-buys-activision-blizzard-with-the-video-game-industry-under-new-management-whats-going-to-change-175433">400 millions de joueurs actifs</a> répartis dans 190 pays.</p>
<h2>Conquérir de nouveaux segments de marché</h2>
<p>L’opération apporte un autre atout déterminant : l’accès au jeu sur mobile. Activision avait en effet racheté, pour 5,9 milliards de dollars en 2016, le studio King, créateur du célébrissime Candy Crush, un des jeux sur mobile les plus <a href="https://www.gamekult.com/actualite/sur-mobile-pubg-mobile-honor-of-kings-et-genshin-impact-sont-les-jeux-les-plus-rentables-en-2021-3050845253.html">rentables</a>. Ce segment, sur lequel Microsoft était peu présent, compte aujourd’hui pour <a href="https://www.statista.com/statistics/292751/mobile-gaming-revenue-worldwide-device/">52 % des ventes du secteur</a>, loin devant les jeux pour console (28 %) et pour PC (20 %). C’est donc une avancée concurrentielle importante pour Microsoft dont la stratégie reposait jusqu’à présent essentiellement sur les jeux pour console.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En mettant la main sur Activision, Microsoft s’adjuge des jeux sur mobiles parmi les plus téléchargés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pexels/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Microsoft se renforce également sur le segment spécifique du jeu en ligne multi-joueurs, Activision possédant notamment World of Warcraft, un des leaders en la matière. En s’offrant par la-même la Major League Gaming, Microsoft entre enfin en force sur le marché du e-sport, dont la valeur est estimée à 1 milliard de dollars et qui regroupe une communauté active de plus de <a href="https://www.esports.net/news/the-billion-dollar-opportunity-of-esports/">200 millions de fans</a>. À tout cela s’ajoute un avantage en termes d’internationalisation des activités car Activision se trouve bien implanté sur le marché chinois, le <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide#global-comparison">plus important du secteur</a> en volumes de ventes.</p>
<p>L’acquisition d’Activision permet à Microsoft de renforcer ses activités, d’accéder à de nouveaux segments de marché et de réaliser des synergies en combinant les compétences de création de contenu d’Activision avec ses propres capacités technologiques et de distribution. Il s’agit là de consolider une position face à des concurrents de diverses natures.</p>
<h2>Se positionner en diffuseur incontournable</h2>
<p>La presse spécialisée a annoncé tout récemment l’intention de Sony de lancer le <a href="https://www.dexerto.com/gaming/everything-we-know-about-project-spartacus-playstations-game-pass-rival-1739608/">projet Spartacus</a>. Le créateur de la console Play Station, numéro deux du secteur des jeux vidéo, souhaite développer un service visant à concurrencer le Game Pass de Microsoft en fusionnant ses deux offres Play Station Now (jeu en ligne ou à télécharger) et Play station Plus (jeux multi-joueurs en ligne). Car si l’entreprise japonaise est en effet devant Microsoft en ventes de consoles, elle reste en retard sur les offres d’abonnement.</p>
<p>Face à la montée de son concurrent direct, Microsoft a tout intérêt à rendre son propre catalogue de jeux le plus large possible pour accroître l’attractivité de sa plate-forme. Mais le contrôle du marché des consoles n’est sans doute pas l’objectif de Microsoft, qui vend depuis des années ses consoles Xbox à perte. La stratégie de Microsoft semble reposer surtout sur le développement du Game Pass. Dans ce secteur, les concurrents se nomment plutôt Apple, Google et Amazon.</p>
<p>Les deux premiers contrôlent non seulement les accès au jeu mobile via l’App store et le Google store mais ils se développent également directement dans le jeu avec <a href="https://www.apple.com/newsroom/2021/04/apple-arcade-expands-its-award-winning-catalog-to-more-than-180-games/">Apple Arcade</a> et <a href="https://www.businessinsider.com/how-does-stadia-work?r=US&IR=T">Google Stadia</a>. De son côté, <a href="https://www.theverge.com/2021/9/22/22686351/amazon-games-christoph-hartmann-twitch-luna-new-world">Amazon ne cache pas ses ambitions</a> : le géant de la distribution en ligne a déjà créé son premier jeu, New World, a développé Amazon Prime Gaming, qui propose mensuellement une <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/amazon-prime-gaming-jeux-gratuits-mois-39865480.htm">sélection de jeux offerts</a>, a lancé l’année dernière un service de cloud gaming, <a href="https://www.businessinsider.com/guides/tech/luna-amazon-cloud-gaming-streaming-service-ubisoft-2020-9?r=US&IR=T">Luna</a>, et possède la plate-forme <a href="https://www.investopedia.com/investing/how-does-twitch-amazons-video-game-streaming-platform-make-money/">Twitch</a>.</p>
<p>Avec l’acquisition d’Activision, Microsoft se positionne lui-même comme un diffuseur incontournable dans le cloud gaming en associant un catalogue attractif à son Game Pass. Il étoffe et fidélise sa communauté de joueurs, qui est sans doute la ressource la plus précieuse et celle qui lui ouvre les portes du métavers.</p>
<h2>Se distinguer de Meta</h2>
<p>Facebook est récemment devenu Meta et Marc Zuckerberg a présenté en détail son projet de métavers, un espace virtuel permettant des interactions sociales et commerciales en utilisant la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Dans sa conférence d’annonce de l’acquisition d’Activision, Satay Nadella, le PDG de Microsoft, a lui aussi précisé, à plusieurs reprises, ses intentions de devenir un acteur majeur en la matière. Il s’est positionné clairement contre Méta en proposant une vision autoproclamée plus ouverte du métavers.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SlgBPIhqD84?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>À la suite de ses diverses tentatives ratées de pénétrer le secteur des réseaux sociaux en rachetant <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/09/14/rejet-de-l-offre-de-microsoft-pour-racheter-tiktok_6052048_4408996.html">TikTok</a>, <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/3026191-20210421-discord-fin-negociations-rachat-microsoft">Discord</a> ou <a href="https://www.challenges.fr/monde/microsoft-pinterest-les-raisons-d-un-flirt-sans-lendemain_751088">Pinterest</a>, le jeu vidéo semble être la voie principale qu’il choisit finalement pour accéder au métavers. Tout comme Méta, Microsoft a développé étape par étape les pièces maitresses composant l’architecture du métavers. Citons ici son casque de réalité augmentée Hololens, sa plate-forme de réalité virtuelle Horizon World, la deuxième plus grande plate-forme cloud avec Azure, des investissements dans les cryptomonnaies, le développement d’avatar 3D pour l’application de visioconférences Teams, ses réseaux sociaux spécialisés LinkedIn et GitHub, et, surtout, sa plate-forme de collaboration virtuelle holographique Mesh.</p>
<p>Ces éléments certes nécessaires ne permettent cependant pas à Microsoft de se distinguer franchement de Meta. La firme créée par Bill Gates et Paul Allen peut en revanche se différencier grâce à sa position de force dans les jeux. Ils sont une porte d’entrée privilégiée dans le métavers non seulement parce qu’ils en seront une des applications principales, mais aussi parce qu’il y a là un formidable intégrateur de communauté en ligne.</p>
<h2>En pleine confiance</h2>
<p>Les planètes se sont même alignées de façon heureuse pour Microsoft. Le tourbillon dans lequel Activision est entrainé avec les accusations de sexisme et de harcèlement sexuel en son sein l’a très certainement fragilisé et rendu plus facile à acquérir pour Microsoft. Et l’annonce peut être effectuée dans un timing parfait, quelques semaines à peine après le lancement de Meta</p>
<p>Il reste encore à passer de l’annonce à la réalisation de l’acquisition, prévue pour 2023. Une étape importante en sera la validation par les autorités de régulation de la concurrence. Et à ce niveau, les planètes ne semblent plus vraiment alignées car la Federal Trade Commission et le Département de la Justice aux États-Unis ont annoncé ce même 18 janvier, quelques heures à peine après l’information du rachat d’Activision par Microsoft, qu’elles souhaitaient <a href="https://www.vox.com/recode/22893117/microsoft-activision-antitrust-big-tech">renforcer les lois anti-trust</a> et porter une attention toute particulière aux Big Tech.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1489652729836412931"}"></div></p>
<p>Microsoft, qui a longtemps été marqué par le traumatisme de son procès anti-trust et ses amendes record qui ont <a href="https://www.vox.com/recode/22893117/microsoft-activision-antitrust-big-tech">failli entrainer son démantèlement</a> il y 20 ans, semble néanmoins aujourd’hui en pleine confiance, comme en témoigne son PDG Satya Nadella. La firme a même accepté d’inclure dans le contrat d’acquisition des <a href="https://www.nytimes.com/2022/01/19/business/dealbook/microsoft-activision-deal.html">pénalités de 3 milliards de dollars</a> qui seraient versées à Activision si l’affaire ne devait pas être conclue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Prévot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La firme fondée par Bill Gates et Paul Allen s’attache des compétences techniques et humaines, mais se donne aussi les moyens d’anticiper la concurrence en misant notamment sur le jeu.Frédéric Prévot, Professeur de Stratégie et Management International, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.