tag:theconversation.com,2011:/id/topics/marche-pour-les-sciences-38025/articlesMarche pour les sciences – The Conversation2017-04-21T10:47:21Ztag:theconversation.com,2011:article/764772017-04-21T10:47:21Z2017-04-21T10:47:21ZCe 22 avril, défendre la liberté de la recherche pour défendre nos droits<p>À 48 heures du premier tour de la présidentielle, pourquoi est-il si important de soutenir la « Marche pour les sciences », cette manifestation mondiale des scientifiques qui se tiendra demain, samedi 22 avril ? Cette question mérite que l’on s’y attarde tant il existe un lien fort entre ces rendez-vous.</p>
<p>La question de la place de la science et des scientifiques dans nos sociétés progressistes et démocratiques doit être sans cesse soulignée… et encore davantage à la veille d’une élection qui témoigne de divisions et de tensions profondes au sein de la société française.</p>
<p>Après la victoire de Trump aux États-Unis, c’est aujourd’hui la France qui est menacée par une aggravation de la fracture entre scientifiques et citoyens. Or il faut faire barrage aux climatosceptiques et à tous ceux qui sèment le doute en rejoignant demain cette initiative mondiale en faveur des sciences.</p>
<h2>Réconcilier science et société</h2>
<p>Ce 22 avril, les scientifiques du monde entier relaieront donc la grande manifestation initiée par leurs confrères américains en réponse aux multiples prises de position antiscience du président Trump, notamment <a href="http://www.reuters.com/article/us-usa-trump-epa-climatechange-idUSKBN15906G">à propos du changement climatique</a>.</p>
<p>La position du président Trump à ce sujet est en effet devenue insupportable pour tous ceux engagés depuis des années dans les sciences du climat et, plus généralement, pour tous les chercheurs et enseignants qui réfléchissent aux différentes manières de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2016/jul/11/president-trump-would-be-a-climate-catastrophe?CMP=share_btn_tw">lutter contre le changement climatique et de s’y adapter</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"830006189450788864"}"></div></p>
<p>La victoire du candidat républicain a fait naître une vague de méfiance à l’égard des scientifiques : outre le fait que Trump souhaite couper et limiter drastiquement les budgets de recherche dans ce domaine, il a également mis en doute les capacités et les connaissances des spécialistes.</p>
<p>Cette tentative de diabolisation des résultats scientifiques vise à remettre en cause tout ce qui a été obtenu depuis plus de trente ans, tant au niveau des négociations internationales que sur le plan des <a href="http://columbiaclimatelaw.com/climate-deregulation-tracker/trump-issues-executive-order-on-climate-change/">actions politiques et des législations nationales</a> en matière climatique.</p>
<p>Éviter une telle situation en France passe par un intérêt renouvelé au rôle que joue la science dans le pays et à la manière dont le problème du changement climatique a été porté à la conscience du grand public grâce à des travaux scientifiques.</p>
<h2>L’exemple du changement climatique</h2>
<p>Le changement climatique s’est imposé comme un problème majeur grâce aux rapports du GIEC ; ces derniers ont impulsé <a href="https://www.ipcc.ch/ipccreports/1992%20IPCC%20Supplement/IPCC_1990_and_1992_Assessments/French/ipcc_90_92_assessments_far_full_report_fr.pdf">dès les années 1990</a> la rédaction de la <a href="http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">Convention-cadre des Nations unies</a> pour le changement climatique qui fixe le cadre de la gouvernance climatique mondiale.</p>
<p>Si l’on savait depuis le XIX<sup>e</sup> siècle qu’un changement climatique existait et qu’il était en partie imputable aux activités humaines, il aura fallu attendre <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000122-le-changement-climatique/introduction">plus d’un siècle</a> pour que des mesures concrètes soient prises. Si ces dernières demeurent encore relativement timides et insuffisantes – et que nous sommes encore loin d’avoir intégré la nécessité de changer de paradigme environnemental et économique –, reste que des progrès politiques et législatifs décisifs dans le domaine de la lutte contre le changement climatique ont été réalisés. Et cela grâce à l’engagement des scientifiques qui <a href="http://www.law.uvic.ca/demcon/2013%20readings/Chakrabarty%20-%20Climate%20of%20History.pdf">depuis les années 1930 écrivent</a>, publient et tentent de partager leurs découvertes pour nous alerter et nous inciter à agir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"518063032652795904"}"></div></p>
<p>Dans le récent Accord de Paris, né des négociations internationales sur le climat menées fin 2015 lors de la COP21, l’ambition de maintenir le réchauffement en dessous de la barre des 2 °C constitue ainsi une <a href="http://unfccc.int/bodies/body/6645.php">retranscription a minima</a> des recommandations des experts <a href="http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/part3/les-negociations-climatiques-vingt-ans-d-aveuglement">du GIEC depuis plus de dix ans</a>. Et cette ambition devra être <a href="http://unfccc.int/files/meetings/marrakech_nov_2016/application/pdf/auv_cp22_i4_eif.pdf">régulièrement révisée par chaque pays</a> signataire de l’Accord en suivant les avancées des spécialistes.</p>
<h2>Ces travaux scientifiques qui protègent les droits</h2>
<p>Il faut souligner ici que les travaux scientifiques sur le climat <a href="http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2007_num_59_3_19541">ne se destinent pas aux seuls rapports</a> sur lesquels s’appuient les négociations internationales. Ils servent à la société tout entière, car tout citoyen peut, s’il le veut, agir devant les tribunaux nationaux et réclamer justice en s’appuyant sur la recherche en cours pour forcer les gouvernements <a href="http://www.journaldelenvironnement.net/article/climat-les-etats-dans-le-box-des-accuses,81183">à passer à l’action</a> en matière climatique.</p>
<p>C’est en effet grâce aux rapports scientifiques que le changement climatique a pu <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-la-societe-civile-multiplie-les-actions-en-justice-74191">devenir un objet de litiges</a>, forçant ainsi les États à <a href="http://www.urgenda.nl/en/climate-case/">honorer leurs engagements</a> internationaux et à <a href="https://www.ourchildrenstrust.org/us/federal-lawsuit/">reconnaître des droits</a> « constitutionnels et fondamentaux » à « un environnement sain » et à « un climat soutenable et vivable ».</p>
<p>Ce sont les expertises scientifiques libres, établies de manière indépendante et accessible, qui ont permis aux juges de plus d’une trentaine des pays d’affirmer que le changement climatique <a href="https://www.theguardian.com/environment/2016/oct/18/norway-faces-climate-lawsuit-over-oil-exploration-plans">viole les droits</a> de l’homme à un environnement sain et à un climat lui permettant de continuer à vivre sur notre planète.</p>
<p>Et c’est surtout grâce aux études scientifiques que nous avons compris – car les juges l’ont également établi dans maintes décisions emblématiques depuis peu – que si nous possédons le droit à un climat sain, nous avons aussi un devoir envers les <a href="https://www.ourchildrenstrust.org/federal-proceedings">générations futures</a> pour leur permettre de vivre de conditions durables. Ce sont ces droits et ces devoirs que les scientifiques nous ont permis d’inscrire à jamais dans nos systèmes juridiques. Et c’est pour cela que nous devons faire de ce 22 avril un moment fort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76477/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marta Torre-Schaub ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La « Marche pour les sciences » qui aura lieu aussi en France demain est l’occasion de rappeler qu’en travaillant à l’avancée des connaissances les scientifiques aident les citoyens.Marta Torre-Schaub, Chercheur au CNRS-HDR juriste, spécialiste du changement climatique et du droit de l'environnement et la santé, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/764082017-04-21T08:20:08Z2017-04-21T08:20:08ZPourquoi nous marcherons ce samedi pour les sciences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166153/original/file-20170420-21495-481ai4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les échanges et les rencontres entre chercheurs de toutes nationalités sont la condition au progrès médical et scientifique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/group-scientists-research-laboratory-working-under-561799828?src=S_D3zIThave8ejFBGTPKwg-1-20">Kzenon/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Cette année, le jour de la Terre qui se tient le 22 avril prend un sens particulier. En effet, partout dans le monde des <a href="http://www.marchepourlessciences.fr/">Marches pour les sciences</a> sont organisées. Cet évènement a été initié aux États-Unis pour défendre l’indépendance et la liberté de la recherche. En France, on marchera dans toutes les grandes villes, et même à Civray (Vienne) ou à Saint Remy de Provence (Bouches-du-Rhône).</p>
<p>L’indépendance et la liberté, ces deux piliers de la science, sont essentielles non seulement pour les chercheurs mais aussi pour l’ensemble des citoyens. C’est seulement en garantissant l’une et l’autre que la recherche avance sous toutes ses formes, fondamentale, translationnelle (l’art d’appliquer concrètement les découvertes fondamentales) et clinique (impliquant les patients). Aussi le décret migratoire adopté par Donald Trump au lendemain de son élection constituerait, <a href="https://theconversation.com/decret-anti-immigration-de-trump-une-attaque-contre-la-science-74176">s’il devait être appliqué</a>, une entrave au progrès médical et scientifique.</p>
<p>Il faut, au contraire, favoriser toujours plus les échanges à travers la planète, via des collaborations entre les équipes et le partage des résultats de leurs travaux. Qu’ils soient pionniers ou qu’ils soient dérangeants, ces résultats apportent tous une pierre à un édifice en construction. Tant qu’ils suscitent le débat, ils constituent un moteur essentiel de l’avancement des connaissances.</p>
<p>Tout au long de notre carrière en tant que chercheur, nous tissons des réseaux entre scientifiques de tous les pays. Et cela commence dès nos études, quand nous mettons le premier pied dans un laboratoire. Nous y croisons non seulement des mentors qui nous permettent de nous construire professionnellement, mais aussi de nombreux collègues de la même discipline et d’autres, avec lesquels nous serons amenés à interagir par la suite. De ces rencontres naissent des idées, de nouvelles pistes s’ouvrent.</p>
<h2>Un « oui » par retour de fax</h2>
<p>Après ma thèse sur la plasticité du génome, soutenue à Paris en 1988, je me suis focalisée sur un aspect spécifique du sujet qui m’a conduit à envisager un départ à l’étranger. J’avais en effet identifié, aux États-Unis, un chercheur en épigénétique que mon projet d’expérimentation sur les œufs de xenope (une grenouille très étudiée en biologie du développement) pouvait intéresser. Avec un peu de culot, j’ai envoyé par fax – c’était l’ère pré-Internet – le descriptif de mes travaux à Alan Wolffe, biologiste qui venait de créer son équipe au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/National_Institutes_of_Health">National Institutes of Health</a> (NIH) à Bethesda, siège des institutions chargées de la recherche biomédicale publique. J’étais jeune, un peu effrayée par l’aventure, j’ai timidement proposé de venir trois mois seulement et obtenu un « oui » enthousiaste par retour de fax.</p>
<p>Nous ne nous étions jamais rencontrés et à mon arrivée à l’aéroport, Alan Wolffe a brandi en signe de reconnaissance… un poster d’œufs de xenope ! Lui même était britannique et dans son laboratoire frayait un mélange de chercheurs de nombreuses nationalités, bulgare, russe, japonais. J’y suis restée finalement plusieurs années, avant de revenir en France et d’intégrer l’unité de l’Institut Curie dirigée par Ethel Moustacchi, spécialiste en génotoxicologie (l’étude du potentiel toxique des substances chimiques pour l’ADN).</p>
<p>Décédée récemment, Ethel Moustacchi avait vu le jour au Caire, de parents grecs. Elle était arrivée en France pour y poursuivre ses études supérieures. Figure de l’excellence dans son domaine, elle m’a beaucoup inspirée, notamment par sa conviction que la recherche était tout sauf un métier solitaire. Nos chemins se sont longtemps mêlés, puisque j’ai pris sa suite à la tête de l’unité, en 1994.</p>
<h2>Se confronter à d’autres manières de raisonner</h2>
<p>Dans le même état d’esprit, ouvert et curieux des autres cultures, des chercheurs de tous les pays travaillent ou ont travaillé à mes côtés : Britanniques, Italiens, Allemands, Espagnols, Irlandais, Grec, Portugais, Roumains, Australiens, Algériens, Chiliens, Brésiliens, Américains, Russes, Indiens… Car la démarche scientifique consiste à toujours remettre en cause nos certitudes. Comment mieux s’y prendre qu’en se confrontant sans cesse à d’autres manières de raisonner et d’aborder la vie ?</p>
<p>Le récent bouleversement politique aux États-Unis nous a fourni une préfiguration de ce que serait un monde où des barrières se dresseraient à la place des frontières. Début avril, je me suis rendue à Santa Fe (Nouveau-Mexique), où je co-organisais un <a href="http://www.globaleventslist.elsevier.com/events/2017/04/keystone-symposia-genomic-instability-and-dna-repair/">congrès sur le thème de l’instabilité génomique et de la réparation de l’ADN</a>. Pour la première fois, prendre l’avion pour l’Amérique se transformait en une épopée nécessitant de redoubler de précautions.</p>
<p>Les services du CNRS ont en effet invité tous leurs chercheurs partant, comme moi, pour les États-Unis, à leur communiquer la destination et le motif de leur voyage, afin de pouvoir réagir rapidement si l’un d’eux se trouvait bloqué par les douanes américaines. Cette mesure a été prise suite aux ennuis rencontrés par l’historien Henry Rousso, <a href="http://www.huffingtonpost.fr/henry-rousso/muslim-ban-donald-trump-etats-unis/">retenu pendant 10 heures</a> le 22 février à l’aéroport de Houston. Ainsi, je suis partie pour Santa Fe avec en poche la liste des numéros de téléphone de l’ambassade de France aux États-Unis et des consulats, fournie par le CNRS.</p>
<p>Une fois sur place, dans le centre de congrès, les orateurs se sont succédé à la tribune, comme pour n’importe quel symposium… à un détail près. La plupart ont mentionné l’appel à la Marche pour les sciences du 22 avril (dans sa version anglophone <a href="https://www.marchforscience.com/">March for science</a>). Une manière de manifester leur volonté de défendre une science ouverte par nature sur le monde et leur solidarité avec les chercheurs <a href="http://www.france24.com/fr/20170306-etats-unis-trump-nouveau-decret-migratoire-six-pays-irak-visas-carte-verte">des pays visés par le décret migratoire</a>. Pendant les pauses, les discussions allaient bon train, mélangeant sujets scientifiques et inquiétudes liées aux incertitudes politiques.</p>
<h2>Des coups portés contre les valeurs du questionnement et de tolérance</h2>
<p>Il y a, bien sûr, le financement de la recherche aux États-Unis qui pourrait être directement menacé, comme l’indique une proposition portant sur une <a href="http://www.sciencemag.org/news/2017/03/trump-wants-2018-nih-cut-come-overhead-payments">coupe budgétaire de 18 % pour les NIH</a>. Mais ce qui suscitait le plus d’émoi, c’était les coups portés <a href="https://theconversation.com/decret-anti-immigration-de-trump-une-attaque-contre-la-science-74176">contre les valeurs du questionnement et de tolérance</a> inhérentes à la démarche scientifique.</p>
<p>Cette même préoccupation existe en France, et entraîne des initiatives. En mars, le Collège de France a lancé un <a href="http://www.college-de-france.fr/site/programme-pause/">Programme d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil</a>, Pause. Il permet aux établissements de recherche d’obtenir des aides financières pour accueillir dans leurs équipes les chercheurs obligés de fuir leur pays d’origine en raison d’une situation politique critique. Un astrophysicien syrien vient ainsi de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sciences/l-astrophysicien-ali-sammuneh-de-l-enfer-d-alep-a-l-observatoire-de-paris_111910">commencer à travailler à l’Observatoire de Paris</a>.</p>
<p>Pour ma part, je n’oublie pas que j’exerce mon métier <a href="https://curie.fr/page/notre-histoire">dans les lieux mêmes où Marie Curie, double prix Nobel, a poursuivi ses travaux</a> sur la radioactivité, juste avant et après la Première Guerre mondiale. Venue de Pologne, cette femme, exilée, est devenue une scientifique qui a parcouru l’Europe et voyagé jusqu’aux États-Unis. Elle a accueilli le monde entier dans son Institut du radium, où elle a découvert les vertus thérapeutiques de cet élément pour lutter contre le cancer. Marie Curie n’était pas un professeur Cosinus enfermé dans son laboratoire mais une citoyenne engagée. Son histoire me parle à une époque où la capacité d’écouter les autres se fait plus rare et où promouvoir la diversité devient critique.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166151/original/file-20170420-20050-1pfstif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un des slogans des organisateurs français de la Marche pour les sciences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.marchepourlessciences.fr/a-propos/pancartes-et-slogans/">www.marchepourlessciences.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La recherche a ceci de particulier que la réussite des individus dépend à la fois de leur capacité à coopérer et de leur volonté d’entrer dans la compétition au niveau international. Dans la communauté scientifique, l’esprit critique est une force qui permet de réviser sans arrêt les modèles et les théories sur lesquels nous nous appuyons. Ainsi, nous progressons ensemble, communiquant sur nos propres avancées et nous inspirant de celles des autres. Samedi, avec tous ceux qui nous rejoindront à la Marche pour les sciences, défendons une culture d’ouverture et de questionnement, celle de tous les possibles pour demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Almouzni a reçu des financements de la Ligue contre le cancer, FRM, ANR, ERC. </span></em></p>Aux Etats-Unis comme en France, le contexte politique s'est tendu. Dans un monde d'incertitudes, les valeurs d’ouverture et de tolérance incarnées par la recherche méritent d'être mieux défendues.Geneviève Almouzni, Biologiste spécialiste en épigénétique, directrice du centre de recherches, Institut CurieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/741762017-03-12T20:23:35Z2017-03-12T20:23:35ZDécret anti-immigration de Trump : « une attaque contre la science »<p>Beaucoup de choses ont été écrites au sujet du <a href="http://edition.cnn.com/2017/03/06/politics/trump-travel-ban-iraq/">décret anti-immigration</a> signé par le président des États-Unis Donald Trump et interdisant l’entrée aux États-Unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmane, soit plus de 200 millions d’individus.</p>
<p><a href="http://edition.cnn.com/2017/01/28/politics/text-of-trump-executive-order-nation-ban-refugees/">Ce premier décret</a> a été <a href="https://www.nytimes.com/2017/02/09/us/politics/appeals-court-trump-travel-ban.html">invalidé par la Cour suprême des États-Unis</a>, mais Donald Trump s’applique à le réinstaurer sous une autre forme. Pendant ce temps, des universitaires sont <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2017/02/26/u-s-detains-and-nearly-deports-french-jewish-historian/?utm_term=.9c9c047a539f">retenus et interrogés dans les aéroports américains</a>, tandis que d’autres <a href="https://www.scientificamerican.com/article/how-the-fallout-from-trumps-travel-ban-is-reshaping-science1/">se demandent s’ils doivent annuler leur voyage prévu vers les États-Unis</a>.</p>
<p>Au-delà des effets que ce décret a sur les vies de nombreux individus du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, il entraîne également de sérieuses répercussions pour la science.</p>
<p>L’interdiction de voyages mise en place par Donald Trump fait partie intégrante d’une idéologie plus large, en guerre avec la pensée critique et rationnelle. C’est dans cette perspective que la communauté scientifique se sent la plus concernée.</p>
<h2>Une attaque contre les scientifiques</h2>
<p>Les États-Unis sont aujourd’hui la <a href="https://www.scientificamerican.com/article/global-science-best-countries-science-scorecard/?WT.mc_id=SA_printmag_2012-10">plaque tournante de la recherche mondiale</a> et une des sources principales de scientifiques et d’ingénieurs de talent. Il est difficile d’estimer le pourcentage de scientifiques actifs dans le monde formé aux États-Unis, mais il est établi qu’environ 30 à 50 % des scientifiques et ingénieurs formés aux États-Unis titulaires d’un doctorat <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK11500/">sont d’origine étrangère</a>.</p>
<p>Nombre de ces individus très talentueux retournent dans leur pays d’origine pour soutenir le développement sur le terrain. Beaucoup d’entre eux restent aux États-Unis pour devenir des chercheurs, des ingénieurs, des médecins ou des entrepreneurs soutenant ainsi l’économie américaine.</p>
<p>Cela peut sembler anecdotique, mais il est utile de réfléchir au fait que si le <a href="http://www.usatoday.com/story/tech/columnist/baig/2015/11/16/steve-jobs-biological-father-syrian-migrant-some-note/75899450/">père ou la mère d’un futur Steve Jobs</a> souhaitait entrer aux États-Unis aujourd’hui, il en serait peut-être empêché. Comme l’a souligné un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK11499/">panel de scientifiques et d’experts en sécurité</a> après les attaques du 11 septembre, les États-Unis ont autant, voire plus, besoin de l’afflux de personnes que le reste du monde a besoin de pouvoir entrer sur le territoire américain.</p>
<p>Il est particulièrement éclairant de se rappeler que déjà, en 1996, <a href="http://isites.harvard.edu/fs/docs/icb.topic803549.files/Week%209-November%203/Smith_Future.pdf">21 % des membres de l’Académie des sciences américaine</a> étaient d’origine étrangère… et cela sans prendre en compte les enfants de parents immigrés, nés aux États-Unis, membres de l’Académie.</p>
<p>Aux États-Unis se tiennent des conférences scientifiques parmi les plus importantes au monde, comme les <a href="http://www.grc.org/">Gordon Conferences</a>, là où sont échangées certaines des plus grandes idées qui détermineront le futur de notre monde. Ce n’est donc pas une surprise si l’Association européenne de biologie moléculaire (European molecular biology organisation) a vivement critiqué l’interdiction de voyages et <a href="http://www.embo.org/science-solidarity">créé une plateforme</a> sur laquelle ses membres peuvent proposer d’accueillir leurs collègues victimes de cette interdiction. Au 10 mars, 1022 scientifiques – parmi eux, bon nombre de Français – avaient déjà proposé l’accès à leur laboratoire, à un microscope, à de l’ADN de drosophile (une mouche, modèle privilégié pour réaliser des études génétiques) ou juste… un lit ! Des centres de recherche ont aussi manifesté leur solidarité, à l’image de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM) auquel j’appartiens. Son invitation à été adressée à <a href="http://icm-institute.org/fr/actualite/chercheurs-de-licm-faveur-dune-recherche-dela-frontieres-aujourdhui-demain/">« tous les collègues qui ont besoin d’un lieu d’accueil pendant cette période difficile »</a>.</p>
<p>De nombreux scientifiques se demandent désormais s’ils doivent <a href="http://www.sciencemag.org/news/2017/02/scientists-urge-boycott-us-meetings">boycotter les conférences</a> et refuser de prendre la parole aux États-Unis, en soutien à leurs collègues bannis. D’autres pensent que cela serait contre-productif, et le débat fait rage. Les deux camps ont d’excellents arguments et la réponse n’est pas simple.</p>
<p>Ce qui est clair, c’est que les politiques isolationnistes et discriminatoires se poursuivent. Un boycott scientifique aurait d’importantes justifications morales et politiques, comparables à celles d’autres mouvements de boycott protestant contre les politiques discriminatoires partout dans le monde.</p>
<h2>Une attaque contre la science</h2>
<p>Ce décret anti-immigration est profondément nocif pour les échanges et les progrès scientifiques aux États-Unis et probablement dans le monde entier, et pas uniquement parce qu’il est sans doute <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2017/mar/02/donald-trump-travel-ban-terrorism-data">basé sur des données erronées</a>. Mais la philosophie et celle de l’administration Trump qui le sous-tend fait peser une menace plus grande encore.</p>
<p>Si le terme <a href="http://www.independent.co.uk/news/world/americas/kellyanne-conway-sean-spicer-alternative-facts-lies-press-briefing-donald-trump-administration-a7540441.html">« fait alternatifs »</a>, utilisé pour légitimer des contre-vérités, est un excellent sujet <a href="https://www.youtube.com/watch?v=o_zZY7lgfzo">pour des billets humoristiques</a>, l’idéologie sous-jacente est, elle, loin d’être amusante.</p>
<p>D’un point de vue scientifique, tout cela est tragique. La science est précisément le processus consistant à générer des faits – ce que nous appelons des « données ». En science, il n’y a pas de « faits alternatifs ». Il peut y avoir des interprétations différentes d’un même fait, mais pas de faits alternatifs.</p>
<p>Sans confiance dans les faits, il ne peut y avoir de débat significatif sur l’interprétation des résultats et donc, pas de progrès. C’est un fait que la <a href="https://www.ipcc.ch/">planète se réchauffe</a>. C’est un fait que l’activité humaine <a href="https://theconversation.com/introducing-the-terrifying-mathematics-of-the-anthropocene-70749">contribue de manière significative à ce réchauffement</a>. Les scientifiques peuvent débattre sur la façon d’appréhender ces changements et sur le modèle qui prédit le mieux les effets futurs. En revanche, ils ne sont pas en désaccord sur les faits.</p>
<p>La science est bien plus que l’accumulation de données. Le processus d’analyse et de discussion à partir des données en fait partie intégrante. Un processus permettant une pensée rationnelle, l’ouverture du débat et l’évolution de la compréhension des choses, et non la mise en avant de préférences personnelles, de partis pris individuels et de positionnements idéologiques.</p>
<p>Et ce n’est pas le monopole des gens en blouse blanche, qui utilisent un langage bizarre et boivent trop de café. La science est la prérogative de toutes les personnes sur cette planète. Elle soutient la liberté d’exploration, le respect pour le débat constructif et la reconnaissance d’une idée supérieure basée sur des preuves.</p>
<p>C’est ce que l’attitude et les mots de l’actuelle administration américaine cherchent à discréditer.</p>
<p>L’interdiction de voyages imposée à certains par l’administration américaine n’est qu’un symptôme d’une attaque plus large et plus dangereuse des valeurs fondamentales de la pensée rationnelle, de la formation d’opinions basées sur des preuves et de débats productifs.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=697&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=697&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=697&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=876&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=876&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159323/original/image-20170303-29032-1yhitfp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=876&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ibn Al-Haytham, père de la méthode scientifique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sopianwar</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est particulièrement ironique que nous soyons témoins d’attaques envers des faits et des populations provenant du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, quand le père de la méthode scientifique n’est autre que le grand scientifique et mathématicien <a href="http://www-history.mcs.st-andrews.ac.uk/Biographies/Al-Haytham.html">Ibn Al-Haytham</a>, originaire d’une région correspondant à l’Irak actuel.</p>
<p>Ce n’est pas non plus une coïncidence que cette attaque compte parmi ses victimes les <a href="https://www.nytimes.com/2017/01/21/us/politics/trump-white-house-briefing-inauguration-crowd-size.html">médias</a> et l’<a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2017/02/08/donald-trump-dismisses-travel-ban-hearing-politics-us-waits/">autorité judiciaire</a>.</p>
<p>Les valeurs mentionnées plus haut sont fondamentales pour la recherche scientifique. Elles font également partie intégrante de la démocratie d’aujourd’hui, du respect de la dignité humaine et de l’égalité. En tant que telles, elles doivent être défendues par nous tous et plus particulièrement, par les scientifiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74176/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bassem Hassan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France et en Europe, la communauté scientifique s’organise pour accueillir les collègues qui seraient bloqués par l’interdiction de voyager aux États-Unis. Et s’inquiète de la portée du décret.Bassem Hassan, Neuroscientifique, directeur de l'équipe Développement du cerveau, Institut du Cerveau (ICM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.