tag:theconversation.com,2011:/id/topics/nouvelle-caledonie-27901/articlesNouvelle-Calédonie – The Conversation2023-12-05T16:53:22Ztag:theconversation.com,2011:article/2179732023-12-05T16:53:22Z2023-12-05T16:53:22ZChangement climatique et politique migratoire : l’accord Australie-Tuvalu, un modèle pour la France et ses territoires du Pacifique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562167/original/file-20231128-21-q9upvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5304%2C2974&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les neuf îles qui constituent l'archipel de Tuvalu seront englouties au cours des prochaines décennies.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/undpclimatechangeadaptation/52387326768">TCAP/PNUD</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Lors de sa visite officielle en Australie le 4 décembre, la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, s’est dite <a href="https://apnews.com/article/french-colonna-australia-tuvalu-climate-change-b77617344c2deff169a1e1144d2f7adf">ouverte à examiner toute demande de réinstallation</a> émanant de petites nations du Pacifique Sud confrontées à la montée des eaux, s’alignant ainsi sur l’exemple de l’accord passé le 10 novembre dernier entre l’Australie et Tuvalu. Cet accord, conclu en marge de la 52<sup>e</sup> édition du <a href="https://www.forumsec.org/2023/11/09/reports-piflm52-communique-of-the-52nd-pacific-islands-leaders-forum-2023/">Forum des îles du Pacifique</a>, pourrait donc bien avoir des implications pour la France et ses territoires du Pacifique.</p>
<p>L’accord entre l’Australie et Tuvalu a été baptisé « Union Falepili ». Le terme « falepili », emprunté à la langue tuvaluane, incarne l’idée de « soutien mutuel entre voisins ». Souvent qualifié d’<a href="https://lepetitjournal.com/melbourne/rechauffement-climatique-australie-traite-historique-tuvalu-372713">historique</a> ou de fondateur, <a href="https://www.dfat.gov.au/geo/tuvalu/australia-tuvalu-falepili-union-treaty">ce traité</a> ouvre une voie migratoire innovante pour les Tuvaluans confrontés à l’élévation du niveau de la mer. Il souligne une prise de conscience croissante des vulnérabilités uniques des nations insulaires face au changement climatique, tout en établissant un modèle de coopération bilatérale pour aider ces populations.</p>
<h2>Pourquoi il est inexact de parler d’asile climatique d’un point de vue juridique</h2>
<p>Tuvalu, un archipel de neuf îles de faible altitude situé dans le Pacifique central, abrite environ 11 200 habitants. Ces îles sont parmi les plus exposées aux effets dévastateurs du changement climatique, en particulier à l’augmentation alarmante du niveau de la mer. Le pacte entre les deux nations reconnaît explicitement cette vulnérabilité et propose une réponse tangible : l’attribution chaque année de 280 visas de résidence permanente en Australie aux citoyens de Tuvalu.</p>
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<p>L’Union Falepili illustre un engagement sans précédent de Canberra envers les citoyens de Tuvalu, sévèrement impactés par la montée des eaux. Il survient dans un contexte où l’existence même de Tuvalu est en péril, et s’inscrit dans un cadre complexe de défis environnementaux et juridiques. Il est à noter que lors de la COP 27, le ministre des Affaires étrangères de Tuvalu, Simon Kofe, a fait forte impression en annonçant la <a href="https://theconversation.com/tuvalu-menace-detre-englouti-par-les-eaux-cree-son-double-digital-195133">création d’une réplique numérique de son pays dans le Métavers</a>, envisageant ainsi une forme de survie virtuelle face à la menace d’une submersion réelle de son territoire.</p>
<p>Cependant, et contrairement aux qualificatifs employés dans nombre de médias nationaux et internationaux, il est essentiel de souligner que le type de visa offert par ce traité ne tend pas à donner <em>l’asile climatique</em> aux populations des Tuvalu car l’accord ne reconnaît pas, au sens juridique, les populations déplacées en tant que <em>réfugiés climatiques</em>.</p>
<p>Cette notion, de <a href="https://www.oxfamfrance.org/migrations/vers-une-augmentation-croissante-du-nombre-de-refugies-climatiques/">plus en plus évoquée dans les débats publics et académiques</a>, désignerait des individus et communautés obligés de quitter leur lieu de vie habituel en raison des effets directs ou indirects du changement climatique. Bien que de plus en plus pertinente et fréquemment utilisée dans le discours public, la catégorisation des réfugiés climatiques n’est pas encore reconnue dans le droit international. Elle n’est également pas évoquée dans les termes du traité de l’Union Falepili.</p>
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<p>En effet, selon la <a href="https://www.unhcr.org/fr/en-bref/qui-nous-sommes/la-convention-de-1951-relative-au-statut-des-refugies">Convention de 1951 relative au statut des réfugiés</a>, un réfugié est défini comme une personne qui fuit la persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques. Bien que l’interprétation de cette définition par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ait été étendue pour inclure les personnes fuyant des conflits armés généralisés, le changement climatique n’est donc pas (encore) reconnu comme un motif de persécution légitime en droit international. En conséquence, les populations déplacées de force par des catastrophes ou changements climatiques ne bénéficient donc pas de protection et d’assistance de la communauté internationale au regard du droit d’asile international.</p>
<p>En l’état actuel, faute d’un cadre juridique international établi et d’une jurisprudence correspondante, les concepts d’asile et de réfugiés climatiques demeurent des notions non reconnues en droit.</p>
<p>Bien que le terme de « réfugié climatique » n'ait pas de signification juridique, il existe certainement des réfugiés dont la situation est <a href="https://johnmenadue.com/a-different-kind-of-climate-movement-the-kaldor-centre-principles-on-climate-mobility-pic/">aggravée à cause du changement climatique</a>. Comme le révèle une <a href="https://disasterdisplacement.org/wp-content/uploads/2017/08/03052016_FR_Protection_Agenda_V1.pdf">étude de l’Initiative Nansen</a>, le changement climatique ne provoque pas à lui seul des déplacements, mais exacerbe d’autres facteurs sociaux, économiques, culturels et politiques qui incitent les gens à quitter leurs foyers. Il amplifie les risques et les vulnérabilités, et rend les catastrophes plus fréquentes et/ou intenses. Ce phénomène engendre donc une multitude de mouvements, qu’ils soient forcés ou volontaires, temporaires ou permanents, à l’intérieur d’un pays ou au-delà des frontières – qui peuvent survenir dans le contexte du changement climatique et des catastrophes qu’il provoque.</p>
<p>Les complexités juridiques entourant ces termes sont illustrées par des affaires telles que celle de Ioane Teitiota en 2015. <a href="https://www.france24.com/fr/20131017-habitant-kiribati-reclame-statut-refugie-climatique">Ioane Teitiota</a>, un habitant de Kiribati, une nation insulaire du Pacifique, a sollicité l’asile en Nouvelle-Zélande, arguant que la montée du niveau de la mer et d’autres conséquences du changement climatique menaçaient sa vie et celle de sa famille. Toutefois, la Cour suprême de Nouvelle-Zélande a rejeté sa demande, estimant que les conditions de vie à Kiribati, bien qu’extrêmement difficiles, ne relevaient pas de la persécution au sens de la Convention de 1951.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"623368107676053504"}"></div></p>
<p>Cette décision a été ultérieurement confirmée par le <a href="https://www.ohchr.org/en/treaty-bodies/ccpr">Comité des droits de l’homme des Nations unies</a> en 2020, qui a cependant reconnu que le changement climatique pouvait entraîner des violations des droits humains si les personnes fuyant les effets du changement climatique étaient renvoyées dans leur pays d’origine (le concept de <em>refoulement</em>, proscrit en droit international) après avoir quitté leur territoire. Cette reconnaissance a été souvent interprétée comme pouvant <a href="https://theconversation.com/refugies-climatiques-une-decision-historique-du-comite-des-droits-de-lhomme-de-lonu-131348">ouvrir la voie à une future intégration des réfugiés climatiques dans le droit international</a>.</p>
<p>En effet, selon cette décision et comme reconnu par le HCR, compte tenu des évolutions du droit et de la menace climatique, les personnes qui fuient dans le contexte des effets néfastes du changement climatique et des catastrophes <a href="https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=617aafa24">peuvent avoir des raisons valables de prétendre au statut de réfugié</a> en vertu de la Convention de 1951 précédemment mentionnée. Il faudrait pouvoir justifier, entre autres, d’une peur fondée de subir des persécutions liées au changement climatique, si ce dernier interagit avec des vulnérabilités inhérentes, ou si les effets néfastes du changement climatique ou des catastrophes interagissent avec les conflits et la violence.</p>
<h2>Une avancée notable tout de même</h2>
<p>Bien que l’accord bilatéral entre l’Australie et Tuvalu ne s’inscrive pas encore dans une reconnaissance juridique des réfugiés climatiques, il marque néanmoins une avancée notable, créant un précédent international dans la mesure où il reconnaît concrètement cette problématique, et accorde aux Tuvaluans le droit de migrer en Australie avec des privilèges substantiels, tels que l’accès à l’éducation et au marché du travail.</p>
<p>Cette initiative traduit dans les faits une expansion de la politique migratoire australienne, visant à répondre de manière ciblée aux défis des déplacements forcés liés à l’environnement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage de la chaîne publique australienne ABC sur l’Union Falepili.</span></figcaption>
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<p>Compte tenu de la complexité de la reconnaissance, en droit international, du changement climatique comme motif de persécution, le centre Kaldor de droit international des réfugiés, basé à Sydney, et qui à salué les termes de l’Union Falepili, privilégie l’expression « mobilité climatique » pour décrire ce phénomène et élaborer des réponses politiques et juridiques adaptées. À cet égard, le centre a élaboré 13 <a href="https://www.unsw.edu.au/content/dam/pdfs/unsw-adobe-websites/kaldor-centre/2023-11-others/2023-11-Principles-on-Climate-Mobility_v-4_DIGITAL_Singles.pdf">Principes sur la mobilité climatique</a>, destinés à soutenir et à protéger les communautés affectées par la migration forcée liée aux problèmes environnementaux et à assurer leur sécurité, leurs droits et leur dignité tout en préservant leur patrimoine culturel et en favorisant une approche collaborative et durable.</p>
<h2>Des enjeux multiples</h2>
<p>Au-delà des réflexions sur la dichotomie voies migratoires/voies d’asile, cet accord entre les deux nations du Pacifique soulève donc également des questions essentielles, notamment concernant la préservation de l’identité culturelle de Tuvalu, tout en interrogeant la responsabilité des pays développés face aux communautés les plus touchées par les effets dévastateurs du changement climatique.</p>
<p>Une analyse réaliste indique que, si les termes actuels de cet accord perdurent, Tuvalu pourrait se retrouver entièrement dépeuplé dans les 40 prochaines années, ses habitants se réinstallant progressivement en Australie, par force bien plus que par choix, car comme le rappelle Jane McAdam, directrice du centre Kaldor, <a href="https://theconversation.com/australias-offer-of-climate-migration-to-tuvalu-residents-is-groundbreaking-and-could-be-a-lifeline-across-the-pacific-217514">la grande majorité des Tuvaluans ne souhaitent pas quitter leur pays pour l’Australie</a>.</p>
<p>Selon certaines prédictions, il est également concevable que la vie sur l’île de Tuvalu devienne invivable bien avant cette échéance. Comme le rappelait le premier ministre des Tuvalu <a href="https://webtv.un.org/en/asset/k1g/k1ggc33eht">à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2022</a> et selon un rapport du GIEC, les Tuvalu risquent d’être totalement submergés au cours de ce siècle et inhabitables d’ici 20 à 30 ans. Comment une diaspora progressivement relocalisée peut-elle préserver son héritage culturel à l’étranger ? Comment aborder les pertes et dommages associés à la mobilité climatique ? Cet accord, dans sa mise en œuvre pratique, et pour la première fois, met en lumière des défis cruciaux en termes de responsabilité, de souveraineté et d’identité culturelle, nécessitant une réflexion approfondie et une action soutenue de la part de la communauté internationale.</p>
<p>De plus, il souligne les <a href="https://press.un.org/fr/2023/ag12497.doc.htm">obligations des États à l’égard des changements climatiques</a>. En tant que grande <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/l-australie-decidee-a-continuer-a-extraire-son-charbon-malgre-les-avis-scientifiques-20210909">exportatrice de combustibles fossiles</a> et pays dont l’empreinte carbone est conséquente, l’Australie fait l’objet de critiques régulières concernant sa politique climatique et l’impact, direct ou indirect, de celle-ci sur les migrations forcées. Ce traité pourrait être interprété comme une reconnaissance de sa part des répercussions du changement climatique sur les nations insulaires, représentant une avancée vers une prise de conscience et une action environnementale plus résolues.</p>
<h2>Un accord au service des intérêts géopolitiques de Canberra ?</h2>
<p>Toutefois, l’accord bilatéral entre les deux nations revêt également une dimension géopolitique majeure, dépassant le simple cadre de l’assistance et intégrant des aspects de sécurité et de présence stratégique. L’Australie se voit ainsi octroyer des droits étendus sur le territoire des Tuvalu, y compris des droits d’accès, de présence, de survol, ainsi que le droit de s’opposer à des décisions en matière de sécurité qui pourraient contrarier ses intérêts. L’Union Falepili s’insère donc dans une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/influence-l-asile-climatique-le-cadeau-pas-si-desinteresse-de-l-australie-aux-citoyens-des-iles-tuvalu">stratégie géopolitique australienne</a> plus large, visant à renforcer sa présence dans une région qui est géopolitiquement importante. Cette approche reflète non seulement les préoccupations sécuritaires de l’Australie, mais aussi son désir d’étendre son influence dans le Pacifique, une zone qui attire de plus en plus l’attention de grandes puissances mondiales.</p>
<p>Cette dimension centrale du traité <a href="https://islandsbusiness.com/news-break/australia-deal-with-tuvalu/">soulève des interrogations</a> quant aux motivations réelles de Canberra. Bien que largement salué par la communauté internationale, il fait également l’objet de critiques, notamment concernant les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/24/l-asile-climatique-propose-par-l-australie-aux-habitants-des-tuvalu-suscite-la-controverse_6202058_3244.html">intentions altruistes</a>, de l’Australie, puisque révélant une tentative de cette dernière de contrebalancer l’influence chinoise, tout en améliorant ses propres capacités de sécurité et de défense dans le Pacifique.</p>
<h2>Un modèle pour la France et ses collectivités du Pacifique ?</h2>
<p>L’Union Falepili illustre donc l’interconnexion croissante entre les enjeux climatiques et les stratégies géopolitiques à l’échelle mondiale. Pas de <em>réfugiés</em> ni <em>d’asile climatique</em> donc, mais plutôt une <em>mobilité climatique</em> matérialisée par des accords bilatéraux mutuellement bénéfiques. Cette initiative pourrait donc inspirer d’autres nations comme la France, si l’on en croit Catherine Colonna.</p>
<p>Cependant, la ministre a souligné qu’elle préférerait « voir le changement climatique être contrôlé et maîtrisé », ajoutant qu’« une action préventive est peut-être meilleure que de prendre certaines mesures correctives quand il est trop tard ». Elle a par ailleurs rappelé que la taille du continent australien était bien plus propice à l’accueil de petits nombres de déplacés climatiques que le sont, par exemple, les collectivités de Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, dont le système social et écologique pourrait se trouver mis à mal par un éventuel afflux de déplacés.</p>
<p>Autre point intéressant : en se concentrant sur une relocalisation envisageable dans les îles du Pacifique environnantes, la ministre semble pour l’instant écarter toute forme de mobilité climatique vers la France métropolitaine. Il est pourtant important de souligner que ces territoires insulaires sont eux aussi <a href="https://www.lemonde.fr/planete/visuel/2023/06/27/ouvea-le-paradis-qui-ne-veut-pas-devenir-un-enfer_6179430_3244.html">confrontés aux défis du changement climatique</a>. Il est particulièrement manifeste en <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/polynesie-francaise/la-surelevation-des-nouveaux-fare-en-bord-de-mer-est-obligatoire-pour-eviter-la-submersion-1358246.html">Polynésie française</a>, en <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/nouvelle-caledonie-la-montee-des-eaux-menace-l-archipel_5971037.html">Nouvelle-Calédonie</a>, ainsi qu’à <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/polynesie-francaise/la-surelevation-des-nouveaux-fare-en-bord-de-mer-est-obligatoire-pour-eviter-la-submersion-1358246.html">Wallis et Futuna</a>, où le risque de submersion marine ne cesse d’augmenter. Cette situation critique incite les autorités à adopter des mesures préventives, notamment en imposant des surélévations dans les constructions, et à mener des opérations de restauration des écosystèmes marin et côtier afin de faire face à cette menace grandissante.</p>
<p>Que les accords de mobilité climatique restent à l’état de propositions ou deviennent une réalité prochaine en France et/ou dans ses territoires insulaires, ils soulignent l’urgence d’une réponse globale et coordonnée. Cette approche est essentielle pour affronter efficacement les multiples aspects de cette crise climatique, en prenant en compte non seulement ses conséquences géopolitiques, mais aussi ses répercussions sociétales et humanitaires. Cela met en lumière la nécessité d’une stratégie intégrée et multidimensionnelle pour gérer ces enjeux complexes et interconnectés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217973/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Malafosse est affiliée au centre Kaldor de droit international des réfugiés</span></em></p>L’Australie va permettre aux habitants de Tuvalu, archipel voué à disparaître à cause de la montée des eaux, de migrer progressivement vers son territoire. Décryptage d’un accord aux multiples enjeux.Camille Malafosse, Doctorante, University of New South Wales, UNSW SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183982023-11-30T16:50:02Z2023-11-30T16:50:02ZPénuries face à la crise, les stratégies contrastées des habitants de Nouvelle-Calédonie et de l’Hexagone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561306/original/file-20231123-27-sitlgi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C1280%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Nouméa, l'habitude des rayons vides</span> <span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/16/l-avenir-incertain-de-l-autorite-de-la-concurrence-de-la-nouvelle-caledonie_6158071_823448.html">économie de comptoir</a>. Marquée par les monopoles et un niveau d’importation élevé, la <a href="https://theconversation.com/topics/nouvelle-caledonie-27901">Nouvelle-Calédonie</a> en possède aujourd’hui toutes les caractéristiques. Une Autorité de la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> n’y existe que depuis 2018, et la succession de sa première présidente, arrivée au terme de son mandat, le 31 décembre 2022 a pris 4 mois.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/290549-emmanuel-macron-26072023-nouvelle-caledonie">discours prononcé à Nouméa le 26 juillet 2023</a>, le président Macron est revenu sur les difficultés économiques de la Nouvelle-Calédonie. Sur un plan social, il a souligné les inégalités qui fragmentent l’île, malgré un niveau de PIB par habitant comparable à l’hexagone. Il a aussi déploré la dépendance de l’île aux importations qui comptent pour plus de 80 % de sa consommation : un vrai point faible en temps de crise.</p>
<p>C’est le consommateur calédonien qui subit de plein fouet les conséquences de la dépendance aux importations, de l’<a href="https://unc.hal.science/hal-03196605/">irrégularité des arrivées de marchandises</a> par bateau et de la faible concurrence. Deux distributeurs se partagent près de 80 % du marché.</p>
<p>Comme le <a href="https://www.ieom.fr/nouvelle-caledonie/actualites/la-lettre-de-l-ieom/avril-2021/actualites-economiques-locales/article/l-engorgement-du-fret-maritime-mondial-engendre-une-hausse-des-prix-du-fret">souligne</a> l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), l’établissement public français chargé de l’émission monétaire dans les collectivités d’outre-mer françaises du Pacifique (en Francs pacifiques), la reprise sur le trafic maritime mondial à la suite de la crise sanitaire a généré un engorgement du fret maritime mondial, engendrant une hausse des prix et un manque de place dans les containers, des bateaux surchargés, et des ports congestionnés. C’est aussi ce qu’a récemment rappelé la présidente du FMI au cours d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/12/pour-la-directrice-du-fmi-kristalina-georgieva-nous-avons-trop-longtemps-insiste-sur-les-benefices-de-la-mondialisation_6199727_3234.html">entretien</a> avec le journal <em>Le Monde</em> : les chaînes d’approvisionnement sont brisées par les crises qui se succèdent.</p>
<p>Dans ce contexte, le consommateur ultra-marin paie significativement plus cher que dans l’Hexagone les produits de consommation courante. Les prix en Nouvelle-Calédonie sont de près d’un <a href="https://www.isee.nc/economie-entreprises/economie-finances?highlight">tiers plus élevés</a>. L’archipel est, avec la Polynésie française, le territoire où l’écart de niveau des prix à la consommation avec la France métropolitaine a été le plus important en 2022. En outre, les <a href="https://www.facebook.com/groups/119798275379153/permalink/917069762318663/">ruptures de stock de nombreux biens de consommation courante</a> ou durables sont bien plus nombreuses. Les rayons parfois vides des supermarchés de Nouméa ou les échanges sur les réseaux sociaux des consommateurs témoignent de l’étendue et de l’accroissement récent du phénomène.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1498909764834586627"}"></div></p>
<p>Au-delà de posts sur les réseaux sociaux, comment le consommateur réagit-il à cette situation ? Les Français de Nouvelle-Calédonie adoptent-ils les mêmes stratégies d’adaptation face aux ruptures de stock et aux pénuries de produits de consommation que ceux de l’Hexagone, distants de 17 000 km ?</p>
<h2>Des ruptures de stock mal acceptées dans l’Hexagone</h2>
<p>Une série d’entretiens menés dans les deux hémisphères nous ont permis de constater des différences d’attitude et de comportement entre les deux populations. Les consommateurs utilisent trois stratégies d’adaptation selon le caractère d’urgence de leur achat. Si l’une d’entre elles est bien commune à tous, les deux autres divergent largement.</p>
<p>Les consommateurs de l’Hexagone disposent d’une offre disponible importante en Europe. Face à une situation de rupture de stock, ils n’hésitent pas à faire jouer l’offre et la demande en cherchant « autre chose » :</p>
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<p>« Quand j’ai fait mon choix, c’est pour tout de suite ; si ce n’est pas disponible, je passe à autre chose ! »</p>
</blockquote>
<p>Si chercher une alternative constitue leur première stratégie, la seconde consiste à attendre, mais seulement à condition que le magasin fournisse une date précise de retour en stock. La troisième, c’est l’abandon pur et simple. Les consommateurs métropolitains acceptent en fait mal une incertitude liée au manque de stock. Ils préfèrent des solutions immédiates qu’ils recherchent individuellement.</p>
<h2>En Nouvelle-Calédonie, la débrouillardise avant tout</h2>
<p>Les consommateurs calédoniens, plus habitués aux pénuries, en ressentent moins de frustration. Ou du moins témoignent-ils d’une forme de résignation. Leur première stratégie consiste à dédramatiser et plaisanter de la situation :</p>
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<p>« Celui qui devient à cran à cause du matériel, il faut pas qu’il vienne en Nouvelle-Calédonie ! »</p>
</blockquote>
<p>La deuxième stratégie, propre aux consommateurs calédoniens, consiste à planifier leurs achats en fonction du coût d’un achat local ou dans l’hexagone :</p>
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<p>« Les taxes douanières sont un gros frein, si j’ai l’occasion d’aller en France, je préfère l’acheter là-bas. »</p>
</blockquote>
<p>La troisième stratégie, enfin, consiste à faire appel à son réseau : ils utilisent les plates-formes numériques pour être informés des livraisons ou trouver des opportunités de dons ou de vente de seconde main :</p>
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<p>« On est alerté sur les opportunités et quand il y en a une, on y va ! »</p>
</blockquote>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561107/original/file-20231122-23-l75c1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des annonces fréquentes d’arrivée de nouveaux produits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Facebook</span></span>
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<p>Cette débrouillardise permet d’éviter le marché en utilisant des circuits parallèles :</p>
<blockquote>
<p>« On connaît du monde et les gens, quand ils font un vide dressing, ils le mettent sur Facebook. »</p>
</blockquote>
<p>Un groupe Facebook réunissant plus de 11 000 personnes s’intitule ainsi « Savez-vous où… ? » « “Savez-vous où… ?” est un groupe calédonien où tout le monde partage ses informations et ses meilleurs contacts sur “où trouver quoi ” ! »</p>
<h2>Défiance envers le marché ?</h2>
<p>Les consommateurs métropolitains continuent à avoir confiance dans les mécanismes de régulation du marché et dans la loi de l’offre et la demande. Ils les utilisent pleinement : comparaisons des offres, négociations des frais de port. Ils évoluent dans un marché ouvert, l’Europe, avec très peu de monopoles, et savent faire jouer la concurrence. Ils n’ont aucun doute quant à l’efficacité des interactions entre l’acheteur et le vendeur.</p>
<p>Les consommateurs calédoniens nourrissent, eux, une certaine défiance envers l’économie de marché :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois on a l’impression qu’on est comme des enfants qu’on oblige à consommer certains produits et qu’on prive de certains autres. »</p>
</blockquote>
<p>L’exemple de Nestlé le montre bien. L’entreprise sous-traitait jusqu’au mois de mars la production des produits Nestlé dessert et Crunch sur l’île, garantissant leur disponibilité sur place. Après que le groupe a décidé de <a href="https://radiococotier.nc/2023/03/19/desormais-ce-sera-biscochoc-ou-biscochoc/">ne plus produire localement</a>, ces produits arrivent désormais au compte-goutte, car ils sont soumis aux quotas d’importation. Les consommateurs commentent avec une dérision amère :</p>
<blockquote>
<p>« Mais dis donc, la dictature se passe bien en Nouvelle-Calédonie ? »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=558&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561095/original/file-20231122-22-ijbp88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Changement de chocolatier principal sur l’île.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://radiococotier.nc/2023/03/19/desormais-ce-sera-biscochoc-ou-biscochoc/?fbclid=IwAR3QJF0mLyEbvulWCMmluB2A9uxq66WOgUK6wS-DgDH5zQMw6j5eLG9HfT8">Facebook</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un commentaire s’agace :</p>
<blockquote>
<p>« Ça commence a doucement nous fatiguer toutes ces histoires… 😡 et taxe par ci, taxe par la… quotas, etc. Déjà que la vie devient plus chère de jour en jour, on n’a même plus le choix de ce que l’on veut manger… »</p>
</blockquote>
<p>Beaucoup mettent en place des stratégies d’évitement de l’économie de marché. Ils créent leurs propres circuits parallèles :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut aller au Marché des femmes tous les derniers dimanches au Centre Jean-Marie Tjibaou »</p>
</blockquote>
<p>C’est une logique « Consumer to Consumer (C to C) ».</p>
<h2>Le long terme et le collectif</h2>
<p>Outre une incertitude différemment acceptée, notre recherche souligne des différences culturelles notables entre consommateurs métropolitains et calédoniens. Elles concernent notamment le rapport au temps, bien étudié par l’anthropologue <a href="https://www.letemps.ch/economie/carrieres/rapport-temps-varie-selon-culture">Edward T. Hall</a>. Celui-ci définit deux modèles opposés : polychronique et monochronique. Dans une culture polychronique comme celle de la Nouvelle-Calédonie, le temps est vécu comme un continuum. Les Calédoniens ont plus de tolérance vis-à-vis des retards. Ils leur arrive fréquemment de lancer cette boutade aux métropolitains trop impatients :</p>
<blockquote>
<p>« Vous, vous avez la montre ; Nous, on a le temps ! »</p>
</blockquote>
<p>L’individualisme des consommateurs métropolitains s’oppose par ailleurs au collectivisme des Calédoniens. Les métropolitains valorisent la liberté et le libre-échange alors que les Calédoniens font preuve d’un esprit collectif et adhèrent à des valeurs de solidarité, à l’image de leur devise :</p>
<blockquote>
<p>« Terre de parole, Terre de partage »</p>
</blockquote>
<p>En conclusion de son <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/290549-emmanuel-macron-26072023-nouvelle-caledonie">discours de Nouméa du 26 juillet 2023</a>, le président Macron a rappelé la devise qui unit tous les citoyens de la République française « liberté, égalité, fraternité », et a invité la population à construire ensemble un modèle social et économique plus juste, avec moins d’inégalités flagrantes pour les habitants de Nouvelle-Calédonie. Mais cet appel peut-il être entendu par des Calédoniens qui ont une perspective temporelle flexible et des valeurs plus collectivistes ? La force du collectif calédonien peut-elle compenser les difficultés issues de l’éloignement de ces îles du Pacifique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une boutade calédonienne exprime leur différence d’attitude face aux pénuries par rapport à des Hexagonaux désirant des alternatives immédiates « Vous, vous avez la montre ; Nous, on a le temps ! »Delphine Canonge-Dumas, Doctorante en sciences de gestion, Université de Nouvelle-Calédonie, laboratoire de recherches juridique et économique (LARJE), IAE FranceVirginie de Barnier, Professeure agrégée des universités en sciences de gestion, Université de Nouvelle-Calédonie, laboratoire de recherches juridique et économique (LARJE), IAE FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147422023-10-16T17:02:50Z2023-10-16T17:02:50ZDéwé Gorodey : l’héritage d’une figure majeure de Nouvelle-Calédonie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553988/original/file-20231016-17-85xdy5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C928%2C615&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Déwé Gorodey, alors en charge de la condition féminine au gouvernement.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/disparition-de-dewe-gorodey-une-personnalite-politique-et-culturelle-de-la-nouvelle-caledonie-s-en-est-allee-1312336.html">Marguerite Poigoune / NC la 1ère</a></span></figcaption></figure><p>L’hiver 2023 en Nouvelle-Calédonie a été marqué par des événements significatifs, <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-caledonie-se-rappelle-au-bon-souvenir-de-la-strategie-indo-pacifique-210485">dont la visite d’Emmanuel Macron</a>, ravivant l’attention sur la situation politique de la région. L’avenir de cette collectivité française d’outre-mer reste incertain <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/un-an-apres-le-referendum-du-12-decembre-2021-retour-sur-une-annee-tres-politique-1348376.html">après un troisième référendum contesté par les indépendantistes en décembre 2021</a>.</p>
<p>Cette actualité géopolitique nous offre l’occasion d’explorer la vie et l’héritage de Déwé Gorodé ou Gorodey, une figure éminente de la Nouvelle-Calédonie, écrivaine et femme politique, <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2022/08/15/mort-de-dewe-gorodey-figure-de-la-litterature-et-de-l-independantisme-de-nouvelle-caledonie_6138049_3382.html">disparue il y a un an</a>.</p>
<p>Déwé Gorodey, <a href="https://gouv.nc/actualites/17-08-2022/lhommage-dewe-gorodey">ayant occupé des postes gouvernementaux</a>, notamment ceux de la culture, de la condition féminine et de la citoyenneté, a acquis une influence politique significative en Nouvelle-Calédonie. Parallèlement, en tant qu’écrivaine, elle a contribué à l’épanouissement de la littérature kanak en Nouvelle-Calédonie et au sein du monde francophone, sous le nom de Déwé Gorodé, comme le souligne le journaliste des <em>Nouvelles Calédoniennes</em> <a href="https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/maj-reactions-dewe-gorodey-la-fin-des-luttes">Yann Mainguet</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Quand la femme politique se transforme en auteure, Déwé Gorodey abandonne une lettre pour devenir Déwé Gorodé. »</p>
</blockquote>
<p>Déwé Gorodé a grandi imprégnée de la culture française et des récits de sa famille kanak, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=xX0VS2vO3FM">notamment de son père écrivain</a>. Son éducation politique a été influencée par ses études en France, juste après mai 68, où elle s’est inspirée des luttes étudiantes et des idées de la négritude et de Karl Marx, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7Y7Gz1NS57o">motivant à s’engager contre les inégalités en Nouvelle-Calédonie</a>. Deux causes en particulier ont revêtu une considérable importance à ses yeux : l’identité kanake et la défense des femmes.</p>
<h2>Quête de reconnaissance de l’identité kanak</h2>
<p>Déwé Gorodey a été une figure influente du mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie. Son engagement pour l’indépendance s’est manifesté par sa participation aux <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/il-y-cinquante-ans-naissance-foulards-rouges-744867.html">Foulards rouges</a> dès 1973, puis au <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/palika-40-ans-de-lutte-pour-l-independance-379437.html">Parti de Libération Kanak (Palika)</a> en 1976, qui a rejoint le <a href="https://www.france-politique.fr/wiki/Front_de_Lib%C3%A9ration_Nationale_Kanak_et_Socialiste_(FLNKS)%20(FLNKS)">Front de libération nationale kanak et socialiste</a> en 1984.</p>
<p>Elle a d’ailleurs été <a href="https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/maj-reactions-dewe-gorodey-la-fin-des-luttes">emprisonnée au Camp-Est en 1974 et 1977</a> pour ses activités politiques. Son combat était motivé par la quête de la reconnaissance de l’identité kanak, incluant la <a href="https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Culture-kanak-entre-transmission-et-heritage">préservation des langues indigènes</a>, qu’elle a promue une fois au gouvernement, avec la <a href="https://alk.nc/academie-des-langues-kanak/conseil-d-administration">mise en place de l’Académie des Langues kanakes</a>.</p>
<p>Son œuvre littéraire, intrinsèquement liée à son engagement politique, a d’abord pris la forme de poèmes engagés, écrits lors de son incarcération au Camp-Est, regroupés en 1985 dans le recueil <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1987/09/DOUSSET_LEENHARDT/40293"><em>Sous les cendres des conques</em></a>. Cet ouvrage, ainsi que ses autres recueils de poésie et récits fictifs, défendent la cause kanak dans les idées énoncées, mais aussi dans le style de l’auteure : elle entrelace son écriture en langue française de termes <a href="https://www.alk.nc/langues/paici">paicî</a>, sa langue maternelle. Ses écrits ont un impact significatif pour la littérature francophone océanienne, car comme l’indique <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uMZYlU9_uxA">Virginie Soula</a>, Maître de conférences à l’Université de Nouvelle-Calédonie :</p>
<blockquote>
<p>« [Déwé Gorodé est] d’abord le premier écrivain kanak […] elle est la première à se lancer dans une carrière littéraire […] de manière pleinement assumée. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, l’auteure a toujours cherché à dépeindre la réalité de la société telle qu’elle est, en opposition à ce qu’elle juge comme « une prostitution et une folklorisation de la culture kanak » d’après les termes de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=N21g8sEbteQ">Patrice Godin</a>, anthropologue. Ses nouvelles et romans offrent des récits sans embellissement, reflétant les expériences de son peuple, comme illustré dans des œuvres telles que <a href="https://www.calameo.com/read/001508557499444ba9255">Tâdo, Tâdo, wéé ! ou « No more baby »</a>. Ce roman met en scène le personnage de Tâdo, femme kanak qui s’engage activement dans les mouvements indépendantistes, tout en luttant pour trouver sa place au sein d’une société profondément patriarcale, parfois au prix de sacrifices personnels. Tâdo est l’un des nombreux exemples de figures féminines courageuses auxquelles Déwé Gorodé veut rendre hommage.</p>
<h2>Un combat pour les femmes</h2>
<p>L’écrivaine a été une voix importante pour la cause féministe. Ses écrits ont mis en avant des femmes luttant contre la colonisation et la violence perpétrée par les hommes. Son premier roman, <a href="https://presencekanak.com/2022/11/22/lepave-de-dewe-gorode/"><em>L’Épave</em></a>, publié en 2005, traite de manière poignante de la violence sexuelle. En choisissant des femmes abusées et soumises comme protagonistes, cette œuvre a eu un impact sur la prise de conscience des violences faites aux femmes en Nouvelle-Calédonie, comme le signale <a href="https://www.postcolonial.org/index.php/pct/article/view/1199/1300">Raylene Ramsay</a>, chercheure à l’université d’Auckland. En effet, selon <a href="https://journals.openedition.org/eps/195?file=1">l’étude menée en 2002-2003</a> par les chercheures Christine Hamelin et Christine Salomon à l’Inserm de Saint-Maurice, il est très rare que les femmes kanak ayant déclaré avoir subi une agression sexuelle le signalent à la police.</p>
<p>En tant que femme politique, Déwé Gorodey a œuvré activement pour éliminer les problèmes qu’elle a dénoncés dans ses écrits. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1fvGLMyz3cs">Elle a soutenu la sensibilisation aux violences faites aux femmes</a>, réalisée par Salomon et Hamelin, plaidé pour une <a href="https://www.dnc.nc/dewe-gorodey-femme-engagee/">meilleure représentation politique des femmes</a>, et cherché à surmonter les obstacles liés à la coutume dans le cadre de sa collaboration avec le <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/quelle-place-pour-le-senat-coutumier">Sénat coutumier</a>. Cette institution, composée uniquement d’hommes, créée suite à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000555817">l’Accord de Nouméa</a>, est un vestige des usages patriarcaux de la société kanak. <a href="https://www.lnc.nc/article/societe/il-reste-encore-beaucoup-a-faire">Malgré les défis rencontrés</a>, le Sénat coutumier <a href="https://gouv.nc/actualites/08-03-2022/le-senat-coutumier-sengage-en-faveur-des-femmes">a récemment montré des signes d’évolution vers un engagement en faveur des femmes</a>. Tout au long de sa vie, Déwé Gorodé/Gorodey a eu un impact significatif sur la société kanak et calédonienne, ce qui lui a valu <a href="https://gouv.nc/actualites/09-11-2009/dewe-gorodey-medaillee">d’être nommée Chevalier des Arts et des Lettres</a>.</p>
<h2>Vers l’apaisement</h2>
<p>Bien qu’indépendantiste convaincue, Déwé Gorodey a été en faveur de l’unité après les <a href="https://www.mncparis.fr/uploads/accords-de-matignon_1.pdf">Accords de Matignon-Oudinot</a> en 1988 et de Nouméa en 1998. Elle a contribué à transformer la date du 24 septembre, jour de deuil pour les Kanaks en raison de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par les Français en 1853, en une <a href="https://www.lnc.nc/article/societe/150-ans-d-histoire-et-un-destin-commun">journée de célébration et de partage entre les communautés</a>, rebaptisée <a href="https://www.lnc.nc/article/nord/koumac/une-citoyennete-a-definir">« journée » ou « fête de la citoyenneté » depuis 2014</a>.</p>
<p>Elle a joué un rôle actif dans la création du <a href="https://maisondulivre.nc/silo/">Salon International du Livre océanien</a> (SILO) en 2003, cherchant à rapprocher les différentes communautés de Nouvelle-Calédonie. De même, son écriture est devenue plus ouverte à l’Autre, illustrée par sa collaboration avec d’autres auteurs. Elle a ainsi écrit avec <a href="https://auventdesiles.pf/auteur/kurtovitch-nicolas/">Nicolas Kurtovitch</a>, écrivain calédonien d’origine européenne, l’ouvrage <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/dire-le-vrai_0-1195866_9782841701216.html"><em>Dire le vrai</em></a> en 1997, soit un an avant la signature de l’Accord de Nouméa, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UxswBk9HvzA">comme le signale Hamid Mokkadem</a>, professeur agrégé de philosophie en Nouvelle-Calédonie.</p>
<p>Ce modèle de collaboration s’est reproduit avec <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/festival-voix-vives-de-sete-la-nouvelle-caledonie-entre-poesie-et-politique_3362289.html">Imasango, auteure métissée</a>, pour <a href="https://www.babelio.com/livres/Imasango-Se-donner-le-pays-paroles-jumelles/872750"><em>Se donner le pays. Paroles jumelles</em></a>, publié en 2016. L’un des derniers poèmes de ce livre, « L’accord de Nouméa », se conclut de manière positive quant à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, comme le montrent les deux derniers vers :</p>
<blockquote>
<p>« d’un pays de dialogue aux couleurs arc-en-ciel<br>
d’un seul peuple en devenir sur les sentiers de la paix »</p>
</blockquote>
<p>Ces mots reflètent son optimisme à l’approche du <a href="https://www.interieur.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/3e-referendum-dautodetermination-en-nouvelle-caledonie">premier référendum d’autodétermination en 2018</a>.</p>
<p>Un an après la disparition de Déwé Gorodé, que peut-on dire de son héritage ? Bien que ses aspirations à l’indépendance et à l’unité n’aient pas été pleinement réalisées de son vivant, son influence demeure considérable. Elle a joué un rôle majeur dans la promotion de la culture kanak, officiellement reconnue par l’État français grâce aux Accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa, comme en témoigne le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/290549-emmanuel-macron-26072023-nouvelle-caledonie">discours d’Emmanuel Macron à Nouméa en juillet 2023</a>. Son plaidoyer contre les non-dits et son engagement en faveur des droits des femmes, bien avant l’émergence du mouvement #MeToo, attestent de sa pertinence et de son dévouement pour la justice et la réconciliation, des valeurs toujours cruciales pour la Nouvelle-Calédonie aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214742/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angeline Greugny ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Figure influente du mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie et voix fervente de la cause féministe, Déwé Gorodé a disparu il y a un an. Retour sur le parcours d’une femme engagée.Angeline Greugny, Doctorante en Sciences du Langage, Didactique des Langues, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2112432023-08-20T19:59:58Z2023-08-20T19:59:58ZEmmanuel Macron en Indo-Océanie : vers une diplomatie insulaire et climatique ?<p>En se rendant dans le Pacifique Sud et au Sri Lanka du 24 au 29 juillet 2023, Emmanuel Macron a mis en avant une <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/290557-emmanuel-macron-27072023-indopacifique">approche française renouvelée pour la région</a>.</p>
<p>Cinq ans après son précédent voyage et l’annonce d’une stratégie indo-Pacifique ambitionnant d’incarner une troisième voie, s’agit-il d’un aggiornamento géopolitique pour solder les comptes de <a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">l’AUKUS</a>, cet accord de coopération militaire signé en 2021 entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis au grand dam de Paris ?</p>
<h2>L’insularité, nouveau levier d’influence ?</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-caledonie-se-rappelle-au-bon-souvenir-de-la-strategie-indo-pacifique-210485">Après Nouméa</a>, Emmanuel Macron s’est rendu au Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Sri Lanka : ce fut la première visite d’un président français <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/polynesie-francaise/relations-etat-pays-la-zone-pacifique-francaise-a-tout-prix-1418702.html">dans les États insulaires proches des territoires français</a>, qu’il s’agisse de la Nouvelle-Calédonie ou de la Réunion. De son côté, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a effectué une <a href="https://fj.ambafrance.org/Deplacement-de-Catherine-Colonna-a-Suva-25">visite remarquée aux Fidji</a>. La dénonciation de <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jul/27/emmanuel-macron-vanuata-visit-pacific-imperialism">« nouveaux impérialismes »</a>, la défense des « souverainetés », l’urgence climatique ont dominé les prises de parole.</p>
<p>Le périple présidentiel a accordé la première place à la <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/polynesie-francaise/emmanuel-macron-en-nouvelle-caledonie-suivez-le-discours-du-chef-de-l-etat-depuis-la-place-de-la-paix-en-nouvelle-caledonie-1416548.html">Nouvelle-Calédonie</a>, à la mesure des enjeux que représente le territoire pour appuyer la qualité d’État résident que la France met en avant pour revendiquer son identité indo-pacifique. Plus significativement, ces visites dans l’arc mélanésien voulaient rendre compte de son intégration dans une aire culturelle et politique spécifique grâce à la Nouvelle-Calédonie. <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/asie-visions/caledonie-depasse-caledonie-ancrage-regional-perspectives">Cette dernière, qui dispose d’un statut différencié</a>, pourrait d’ailleurs, à terme, voir la mise en place d’un fédéralisme insulaire augurant de nouvelles relations avec la France. L’espace océanien offre de multiples exemples d’associations entre autonomie et fédéralisme.</p>
<p>Si Emmanuel Macron a fait amende honorable au Vanuatu, ancien condominium franco-britannique, en reconnaissant le passé colonial de la France, il reste pour lui délicat d’exploiter le registre de « l’indépendance des peuples ». Non seulement les relations avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, désormais dirigées par des forces indépendantistes, restent complexes, mais le colonialisme constitue un souvenir vivace dans la région. À l’instar du Vanuatu, les îles Salomon et la Papouasie-Nouvelle-Guinée n’ont obtenu leur indépendance qu’à la fin des années 1970.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1684468093337346051"}"></div></p>
<h2>Engagés pour la sécurité environnementale</h2>
<p>La visite d’Emmanuel Macron intervient alors qu’il est devenu difficile pour la France de continuer à promouvoir une approche indo-pacifique à dominante stratégique. L’espace international est devenu plus contrasté. Les affiliations et les loyautés se recomposent à la lueur de clivages révélés par la guerre en Ukraine et le <a href="https://theconversation.com/polynesie-francaise-et-oceanie-quelles-strategies-chinoises-140463">durcissement de la rivalité Chine-États-Unis</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.iris-france.org/177282-emmanuel-macron-en-oceanie-recalibrer-les-ambitions-indopacifiques-de-la-france-a-laune-dun-ancrage-neo-caledonien-national-et-regional/">« réengagement » de la France dans la région</a> se fait à l’échelle de sa géographie insulaire et d’un agenda reflétant les mêmes vulnérabilités que ses voisins îliens. La France choisit ainsi le positionnement d’un « acteur engagé » aux côtés des premiers ministres vanuatuan Ishmael Kalsakau et papouasien James Marape, pour coopérer plus efficacement contre le réchauffement climatique, les catastrophes climatiques et défendre la biodiversité. Les pays océaniens ont été les premiers à ratifier l’accord de Paris sur le climat en 2015 et <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-ce-nouveau-front-ouvert-par-les-petits-etats-insulaires-a-lonu-203135">restent très mobilisés</a>. Le président Macron entend défendre avec eux <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20230728-en-papouasie-emmanuel-macron-mise-sur-la-pr%C3%A9servation-de-l-environnement">l’idée de contrats reposant sur des rémunérations</a> contre services environnementaux. Une initiative dont la Papouasie-Nouvelle-Guinée devrait bénéficier en premier pour la défense de ses forêts primaires.</p>
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<p>Cette diplomatie climatique innovante met quelque peu entre parenthèses le narratif indo-pacifique national jusqu’ici construit sur la thématique de la « France-puissance », au demeurant <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/reconceptualiser-politique-etrangere-securite-francaise-indo-pacifique-2023">largement questionné</a>. Celui-ci s’accorde mal avec la réalité de sa présence et les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/28/dans-l-indo-pacifique-les-armees-francaises-confrontees-a-leurs-limites-capacitaires_6183644_3210.html">limites de ses moyens économiques et militaires face à des pays comme la Chine</a>,ou les États-Unis.</p>
<p>La France a su démontrer par des déploiements ponctuels de bâtiments de guerre et d’avions de combat Rafale qu’elle était capable de projeter rapidement des capacités militaires en Indo-Pacifique. Les 13 milliards d’euros alloués par la loi de programmation militaire aux Outre-mer serviront avant tout à moderniser les équipements existants, incluant quatre patrouilleurs pour l’Océanie, et à augmenter les effectifs. Ceci permettra à la base militaire de Nouméa de renforcer son rôle d’assistance humanitaire en cas de catastrophe naturelle, d’aide à la surveillance maritime et à la formation régionales.</p>
<h2>Prévenir l’érosion de la présence française dans une Océanie très convoitée</h2>
<p>La tournée présidentielle devra cependant être suivie d’actions transformatives et entretenue par d’autres visites de haut niveau. À l’heure où la France a vu la <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/revue-de-presse-afrique/20220902-%c3%a0-la-une-la-guerre-d-influence-3-0-en-afrique-la-france-contre-attaque">mobilisation intense des réseaux sociaux et des médias locaux</a> miner sa position en Afrique, elle peut craindre qu’un scénario similaire se mette en place dans le Pacifique Sud. Ériger Nouméa en pôle de sécurité environnementale et maritime, et redéployer l’Agence française de développement dans la région cherche à prévenir toute « surprise stratégique ».</p>
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<p>Alors que les pays occidentaux ont longtemps exercé une grande influence en Océanie, la <a href="https://foreignpolicy.com/2022/06/05/china-south-pacific-solomon-islands-security-deals-us-australia/">Chine a fait de réels progrès</a>. Pékin a courtisé assidûment les élites politiques, investi dans des infrastructures indispensables au Vanuatu, aux Fidji, Tonga et en Papouasie-Nouvelle- Guinée, et est devenu un acteur économique significatif. Toutefois, sa stratégie a acquis une dimension sécuritaire qui inquiète.</p>
<p>En juillet dernier, Pékin a accueilli le premier ministre salomonais pour une visite d’État, poursuivant le développement des relations avec cet archipel stratégiquement important. Pékin a en effet signé un <a href="https://www.abc.net.au/news/2022-04-19/china-and-solomon-islands-sign-security-pact-says-chinese-foreig/101000530">accord de coopération avec les Salomon</a> en avril 2022, autorisant des escales techniques de ses bateaux et l’envoi potentiel de forces de police chinoises.</p>
<p>Le nouvel activisme diplomatico-militaire américain dans les îles du Pacifique est une autre réalité avec laquelle la France doit composer. En 2022, les États-Unis ont lancé l’initiative <a href="https://www.state.gov/joint-statement-on-partners-in-the-blue-pacific-foreign-ministers-meeting/">« Partners in the Blue Pacific »</a> afin de renforcer la résilience climatique des États insulaires et les aider à protéger leurs vastes espaces maritimes. Récemment, ils ont signé un <a href="https://theconversation.com/the-us-signs-a-military-deal-with-papua-new-guinea-heres-what-both-countries-have-to-gain-from-the-agreement-206159">accord de défense avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée</a>, ouvert de nouvelles <a href="https://edition.cnn.com/2023/05/10/asia/us-opens-tonga-embassy-intl-hnk/index.html">ambassades aux Îles Salomon et à Tonga</a>, renouvelé les accords de libre association avec les <a href="https://www.abc.net.au/news/2023-05-16/us-federated-states-of-micronesia-palau-china-pact/102350178">États Fédérés de Micronésie et Palau</a>.</p>
<h2>Rester mobilisé aux côtés des États insulaires</h2>
<p>Les dirigeants du Pacifique ont une opinion mitigée de l’attention renouvelée et relativement récente qu’ils suscitent. D’une part, ils s’en réjouissent car ils peuvent l’utiliser à leur avantage. D’autre part, ils craignent que l’intensification de la concurrence géopolitique nuise à la cohérence régionale et à leur « Pacific Way ». Ils ne considèrent pas les <a href="https://carnegieendowment.org/2023/03/28/understanding-indo-pacific-island-way-pub-89384">relations avec les États-Unis et la Chine comme un choix binaire</a>, et ils veulent éviter de devenir les pièces d’un échiquier dominé par des puissances plus importantes.</p>
<p>La France doit tenir compte de ces éléments. Il est tentant pour Emmanuel Macron de dénoncer comme il l’a fait les <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20230727.OBS76263/au-vanuatu-macron-denonce-les-ingerences-et-les-nouveaux-imperialismes-en-oceanie.html">« ingérences » et les « nouveaux impérialismes »</a>. Mais il lui faut démontrer qu’il apprécie les partenariats avec les États insulaires pour leurs valeurs propres et l’action diplomatique qu’ils peuvent conduire ensemble sur le climat, la biodiversité, l’exploitation des fonds marins et non uniquement dans une logique de concurrence géopolitique avec les États-Unis ou la Chine. La COP 28 prévue à Dubaï en décembre prochain constituera un test des capacités de mobilisation de la France aux côtés de ses nouveaux alliés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211243/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans une Océanie très convoitée, le président Macron cherche à prévenir l’érosion de la présence française. Le point sur les leviers employés.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104852023-07-27T19:37:28Z2023-07-27T19:37:28ZLa Nouvelle-Calédonie se rappelle au bon souvenir de la stratégie Indo-Pacifique<p>Du 24 au 26 juillet 2023, Emmanuel Macron s’est rendu en Nouvelle-Calédonie pour la deuxième fois en tant que président de la République. Cinq ans auparavant, en mai 2018, c’est depuis cette collectivité française d’outre-mer que le chef de l’État avait <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/05/05/discours-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-sur-la-nouvelle-caledonie-a-noumea">formalisé</a> une stratégie indo-pacifique française, et précisé le rôle clé que la Nouvelle-Calédonie serait amenée à jouer dans cette région.</p>
<p>Ainsi que le président <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nHzw-39oYuM">l’a rappelé</a> lors de son discours :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons conforter la Nouvelle-Calédonie comme une puissance océanienne et un levier de rayonnement international et Indo-Pacifique de la France. »</p>
</blockquote>
<p>En effet, l’archipel mélanésien est une pierre angulaire de la stratégie française dans la zone. Située en plein cœur du Pacifique océanien, théâtre d’une rivalité sino-américaine croissante, la Nouvelle-Calédonie est également le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/nouvelle-caledonie-top-5-producteurs-mondiaux-nickel-849722.html">quatrième producteur mondial de nickel</a> et dispose d’une vaste zone économique exclusive potentiellement riche en matière première.</p>
<p>Si depuis 2018 la nouvelle nomenclature Indo-Pacifique est devenue un <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/fr_a4_indopacifique_022022_dcp_v1-10-web_cle017d22.pdf">leitmotiv</a> du discours diplomatique français, en 2023 à Nouméa, il fut moins question de projet géopolitique que d’évolution statutaire et de réforme constitutionnelle.</p>
<h2>Un processus de décolonisation inachevée ?</h2>
<p>La Nouvelle-Calédonie est un archipel sous souveraineté française situé dans le Pacifique Sud, à 1 200 km à l’est-nord-est des côtes australiennes et à 1 500 km au nord-nord-ouest de la Nouvelle-Zélande. Peuplée par des populations mélanésiennes depuis plus de 3 000 ans (les Kanaks), la Grande terre, l’île principale de l’archipel, est mise en lumière dans le monde occidental par le navigateur britannique James Cook en 1774, et proclamée Française en 1853 <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/nouvelle-caledonie-165-ans-dune-histoire-mouvementee">sous la pression des frères maristes</a> alors en pleine guerre des clochers dans le Pacifique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539577/original/file-20230726-17-u6wb0g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de la Nouvelle-Calédonie.</span>
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<p>D’abord <a href="https://www.lhistoire.fr/la-nouvelle-cal%C3%A9donie-%C2%AB-une-colonisation-pas-comme-les-autres-%C2%BB">discriminé</a> par l’autorité coloniale, à travers la spoliation des terres et un régime civil inique, le peuple kanak va progressivement accéder aux droits civiques. Mais il reste largement en marge du développement économique, provoqué par le <a href="https://www.mncparis.fr/uploads/Nickel_MNC.pdf">boom du nickel des années 1960</a>. Les indépendances successives dans le Pacifique Sud (îles Samoa 1962, Nauru 1968, Fidji et Tonga 1970, îles Salomon 1975, Vanuatu 1980) contribuent au développement d’une conscience identitaire et à l’émergence de revendications nationales kanak, sous la houlette notamment de leaders politiques tels que Jean-Marie Tjibaou.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean-Marie Tjibaou : son combat pour une Nouvelle-Calédonie indépendante (Franceinfo INA).</span></figcaption>
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<p>De 1984 à 1988, la situation politique s’envenime marquant le début des « événements », appellation pudique pour <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/documentaire-waan-yaat-sur-une-terre-de-la-republique-eclaire-un-episode-sanglant-des-evenements-de-nouvelle-caledonie-1399278.html">qualifier une situation de guerre civile</a>.</p>
<p>Le paroxysme des tensions est atteint en 1988 lorsque quatre policiers français sont assassinés par des militants indépendantistes, et 26 autres pris en otage sur l’île d’Ouvéa. Une opération de libération menée par l’armée française se soldera par la mort de 19 militants indépendantistes et de deux militaires français.</p>
<p>La médiation de Michel Rocard aboutit à la signature des <a href="https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Actions-de-l-%C3%89tat/Elections/Elections-2020/REFERENDUM-2020/Les-etapes-du-processus-institutionnel">accords de Matignon en juin 1988</a>, prévoyant la mise en place d’un statut de transition de dix ans qui devait se solder par un référendum et un rééquilibrage économique. L’accord de Nouméa de 1998 repousse l’échéance électorale de vingt ans et institutionnalise une forte autonomie de la collectivité, avec des transferts de compétences inédits sous la V<sup>e</sup> République, rapprochant la France d’une organisation quasi fédérale, dans laquelle l’État partage avec la Nouvelle-Calédonie différentes compétences législatives, juridictionnelles et administratives.</p>
<p>Parallèlement au combat mené pour réformer les normes juridiques françaises et locales, la Nouvelle-Calédonie est réinscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU depuis 1986 (<a href="https://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?OpenAgent&DS=A/RES/41/41&Lang=F">résolution 4141</a>).</p>
<h2>Trois référendums, deux volontés de « vivre ensemble »</h2>
<p>En 2018, conformément aux accords de Nouméa, les Calédoniens étaient invités à se prononcer par voie de référendum pour répondre à la question suivante : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » En cas de réponse négative, deux autres référendums pouvaient être organisés dans un délai de 4 ans. Ce fut le cas. Lors des deux premières échéances (2018, 2020), une majorité de « Non » l’a emporté, mais les résultats furent plus serrés que ne l’avait prédit les sondages (56,67 % en 2018 et 53,26 % en 2020, soit 10 000 voix d’écart).</p>
<p>La corrélation entre l’appartenance communautaire et le vote fut quasi parfaite. Les Kanaks ont voté pour l’indépendance, les autres communautés ont voté contre.</p>
<p>Les statistiques ethniques <a href="https://www.isee.nc/population/recensement/communautes">étant autorisées</a> en Nouvelle-Calédonie, cette ethnicisation du vote <a href="https://outremers360.com/politique/expertise-referendum-en-nouvelle-caledonie-la-double-impasse-electorale-par-pierre-christophe-pantz">a été démontrée</a>.</p>
<p>Pour le 3<sup>e</sup> référendum du 12 décembre 2021, les principaux partis indépendantistes avaient appelé au boycott en raison du contexte sanitaire de la crise du Covid. Les résultats (96,5 % « NON ») ont donc été fragilisés d’une abstention massive.</p>
<p>Processus référendaire en Nouvelle-Calédonie :</p>
<p>Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539578/original/file-20230726-27-fjupaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">résultats des referendums.</span>
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<p>Ainsi, le processus référendaire qui devait déboucher sur une évolution statutaire consensuelle s’apparente désormais comme le début d’une période de confrontation politique. L’ethnicisation du vote est une réalité, même si elle va à l’encontre du destin commun prôné par l’État depuis 1988.</p>
<p>Les partis indépendantistes ont déjà contesté la légitimité démocratique du dernier referendum auprès d’organisations internationales (ONU, Forum des îles du Pacifique, Groupe de fer-de-lance mélanésien).</p>
<p>Et maintenant ? Telle était la question que pouvait se poser le président Macron avant d’atterrir à Nouméa le 24 juillet 2023.</p>
<h2>« Ne pas jeter la poussière sous le tapis »</h2>
<p>L’accord de Nouméa reste évasif en cas de choix de maintien au sein de la République française à l’issue des trois referendums. Les spécialistes de droit constitutionnel débattent des dispositions à adopter. Le statut actuel est-il devenu caduc ou les dispositions prévues par les accords sont irréversibles ?</p>
<p>Le principal point d’achoppement concerne la restriction du corps électoral pour les scrutins locaux et référendaires à toute personne installée sur le territoire après 1994. Cette revendication historique des partis indépendantistes exclut près de 34 000 personnes, soit 17 % de l’électorat. Un seul point semble faire l’unanimité : une révision constitutionnelle <em>a priori</em> inévitable.</p>
<p>Emmanuel Macron <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/emmanuel-macron-a-nouvelle-caledonie-la-1ere-je-vais-ouvrir-des-chemins-d-avenir-mais-il-faut-le-faire-de-facon-consensuelle-1416461.html">l’a annoncé</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les provinciales 2024 se tiendront. Ensuite il faudra de toute façon un changement de la Constitution […]beaucoup avant moi avaient poussé la poussière sous le tapis […] Procrastiner et faire du sur place, ce n’est pas être respectueux. »</p>
</blockquote>
<p>Il faut donc inventer un nouveau statut et renouer le fil du dialogue avant les prochaines élections provinciales prévues en 2024. Vaste projet, surtout que les partis des <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/04/12/nouvelle-caledonie-independantistes-et-loyalistes-se-croisent-de-nouveau-a-matignon_6169125_823448.html">deux camps</a> refusent pour l’instant de se parler. Et que certains élus indépendantistes ont <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/emmanuel-macron-en-nouvelle-caledonie-pourquoi-l-uc-n-a-pas-participe-a-la-reunion-avec-le-president-1416680.html">refusé</a> de rencontrer le Président. </p>
<h2>Dissonances franco-françaises en Indo-Pacifique ?</h2>
<p>La vie n’est donc pas un vaste océan tranquille pour Emmanuel Macron dans le Pacifique océanien. Car la Nouvelle-Calédonie n’est pas la seule complexité française de la région. Ainsi, les habitants de Polynésie française <a href="https://thediplomat.com/2023/05/french-polynesias-new-pro-independence-leadership/">ont élu</a> en 2023 une assemblée et un président indépendantiste.</p>
<p>De surcroît, le voyage présidentiel qui devait mener Emmanuel Macron dans un autre archipel français, Wallis-et-Futuna, <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/wallisfutuna/emmanuel-macron-ne-viendra-finalement-pas-a-wallis-et-futuna-1414658.htm">fut annulé brusquement</a>, sans raison officielle, mais officieusement en raison d’une grève qui dure depuis deux mois.</p>
<p>Le président a néanmoins poursuivi son périple dans le grand océan, entre autres, pour promouvoir la francophonie au Vanuatu et protéger les forêts en Papouasie-Nouvelle-Guinée.</p>
<p>Dans le Pacifique français, stratégie internationale de l’État et réalités politiques locales ne s’articulent pas toujours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210485/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La situation en Nouvelle-Calédonie reflète les points de tensions et les rapports de force ethniques que doit appréhender la diplomatie française dans l’Indo-Pacifique.Paco Milhiet, Visiting fellow au sein de la Rajaratnam School of International Studies ( NTU-Singapour), Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2051032023-06-19T17:49:07Z2023-06-19T17:49:07ZLes oiseaux marins de retour sur l’île Surprise, terrain d’étude du bout du monde des scientifiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532723/original/file-20230619-25-l44kho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne de l’île Surprise.</span> <span class="attribution"><span class="source">Armée de l’Air en Nouvelle-Calédonie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les scientifiques sont formels, le paradis existe ! Exactement comme on se l’imagine : une île tropicale digne des plus belles cartes postales, avec ses cocotiers, son fin sable blanc, sa mer bleu-turquoise et ses colonies d’oiseaux marins. <a href="https://mer-de-corail.gouv.nc/fr/decouverte-du-parc/atolls-dentrecasteaux">Ce petit territoire situé au milieu de l’océan Pacifique</a>, et joliment nommé l’île Surprise, a de quoi faire rêver… Ou plutôt avait. Car, il y a deux siècles, des humains l’ont « découverte ».</p>
<p>Originellement protégée par sa très petite taille, (une bonne dizaine d’îles de sa dimension pourraient aisément tenir dans Central Park, à New York) et son isolement presque total (il faut compter 48 heures de bateau à partir de Nouméa, la capitale néo-calédonienne, pour s’y rendre), elle n’a cependant pas résisté longtemps…</p>
<p>Même rares, les visites répétées entre 1880 et 1930 pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guano">l’exploitation du guano</a>, n’ont pas tardé à s’accompagner de l’introduction involontaire de rats et de souris, qui ont trouvé l’île bien à leur goût. Climat tropical, nourriture à foison (les proies locales ne connaissant pas les rats, elles ne s’en protègent pas), des plantes, des insectes, des reptiles, des œufs et des oisillons à ne plus savoir qu’en faire, et quelques noix de coco pour le dessert. Cerise sur le gâteau, aucun prédateur pour gâcher ce tableau idyllique !</p>
<p>Si bien qu’en quelques années, les colonies d’oiseaux ont commencé à décliner ; une espèce de râle aptère, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs, a même totalement disparu.</p>
<h2>Un terrain d’études pour les scientifiques</h2>
<p>C’est dans ce contexte, au début des années 2000, que l’Association pour la sauvegarde de la nature néo-calédonienne (<a href="https://assoce.fr/waldec/W9N1001284/ASSOCIATION-POUR-LA-SAUVEGARDE-DE-LA-NATURE-NEO-CALEDONIENNE-ASNNC-">ASNNC</a>) a contacté le CNRS et l’Université Paris-Saclay pour lancer un programme d’élimination de la population de rats envahissants dans le but de protéger les espèces locales menacées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un rat noir" src="https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532722/original/file-20230619-23-kl6otb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rat noir introduit sur l’île Surprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Louis Chapuis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est ainsi que ce petit joyau de biodiversité du bout du monde est devenu, plus de deux décennies durant, le terrain d’étude et de restauration pour une foule de scientifiques et de gestionnaires de la biodiversité.</p>
<p>Impliquant de nombreux partenaires (CNRS, Université Paris-Saclay, IRD, MNHN, Inrae, ministère des Armées, Province Nord et plusieurs associations), elle a vu passer des dizaines d’experts en provenance de Nouvelle-Calédonie, de France métropolitaine, d’Espagne, de Nouvelle-Zélande et de Grande-Bretagne.</p>
<p>Les travaux qui ont découlé de ces observations ont donné lieu à plusieurs études théoriques et appliquées. Certaines décortiquaient le régime alimentaire des <a href="https://www.theses.fr/2006PA112357">rats sur l’île</a>, d’autres portaient sur les étonnants équilibres au sein les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10530-011-0065-0">communautés de fourmis</a>. D’autres encore expliquaient pourquoi éradiquer les rats faisait courir à l’écosystème le risque d’une <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s10530-008-9397-9.pdf">explosion de souris</a>, jusqu’ici contrôlées en une toute petite population localisée par la forte compétition des rats.</p>
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<p>D’autres enfin montraient comment les rats, pourtant prédateurs terrestres, <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-2664.2007.01438.x">pouvaient déceler à l’avance</a> l’éclosion des nids de tortues marines, et se déplacer juste à temps sur les plages pour se gorger des bébés tortues qui tentaient de rejoindre les flots.</p>
<p>Mais la plus attendue sans doute de ces études vient d’être publiée, début 2023, <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cobi.14042">à propos de l’état des colonies d’oiseaux marins</a>, 15 années après l’éradication des rats.</p>
<h2>Après l’éradication des rongeurs</h2>
<p>Pour être en mesure de quantifier un effet de l’élimination des prédateurs envahissants, les chercheurs ont dû procéder dès 2002 à une minutieuse cartographie quantitative de l’ensemble de l’écosystème : quelles espèces étaient présentes, où, en quelles quantités ? Quelles espèces étaient liées à quelles autres ?</p>
<p>Une fois cette compréhension du système bien maîtrisée, pouvait-on alors envisager d’intervenir, en éliminant la population des rongeurs envahissants, ce qui eut lieu en 2005.</p>
<p>Ensuite, le suivi des différentes espèces dut se poursuivre sur le long terme, annuellement et pendant 5 ans, puis de manière plus espacée jusqu’à aujourd’hui. Il s’agissait d’une étape cruciale, à la fois pour surveiller que les rongeurs avaient bien tous été éliminés, et pour suivre la lente récupération des populations d’oiseaux affectés.</p>
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<img alt="Une tente sur une plage de l’île Surprise" src="https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532721/original/file-20230619-21-4a5amn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campement de fortune sur l’île déserte pendant des sessions de terrain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Caut</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Infographie montrant les différentes phases d’intervention sur l’île Surprise" src="https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532724/original/file-20230619-15-js52lb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Infographie montrant les différentes étapes du suivi scientifique sur l’île Surprise.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ce sont les étapes d’études avant et après l’intervention – et même longtemps après – qui constituent l’une des originalités de cette étude, car elles ne sont que très rarement financées, et les gestionnaires de la biodiversité agissent souvent avec peu d’information sur la situation, ou sur l’efficacité de leurs actions.</p>
<p>À la faveur d’expéditions régulières 5 ans avant et jusqu’à 15 ans après l’éradication des prédateurs envahissants, les chercheurs ont été capables de suivre la dynamique de rétablissement de sept espèces d’oiseaux marins sur ce petit atoll : le fou brun, le fou à pieds rouges, le fou masqué, le noddi noir, le noddi brun, la frégate du Pacifique et la frégate ariel.</p>
<h2>Le retour des oiseaux</h2>
<p>Plus de 20 ans après avoir pris en 2002 la première mesure scientifique sur l’île Surprise, les modèles de dynamique des populations démontrent à quel point la biodiversité est résiliente : l’éradication des rongeurs a permis d’arrêter de façon nette le déclin des oiseaux marins, qui abondent aujourd’hui sur l’île.</p>
<p>Même s’il était déjà trop tard pour les oiseaux terrestres, comme le râle, décimés par le rat et si certaines espèces d’oiseaux marins (comme la sterne bridée) mettent plus de temps à récupérer, il n’y a pas eu besoin d’autres actions que de retirer les prédateurs envahissants ; l’écosystème a fait le reste.</p>
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<img alt="Des oiseaux marins en plein vol" src="https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532719/original/file-20230619-1854-bvpz2v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vol de fous bruns sur l’ïle Surprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Caut</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En très peu de générations d’oiseaux, l’île retrouve sa fonctionnalité et son visage paradisiaque d’avant sa découverte par les marins, comme l’illustrent les vidéos tournées avant et après le programme scientifique, donnant à voir une différence frappante.</p>
<p>La lente mais solide récupération des populations d’oiseaux donne un nouvel espoir à toutes les îles sur lesquelles les prédateurs introduits ont été éliminés. L’espoir de retrouver le paradis perdu…</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Courchamp ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au début des années 2000, ce petit joyau de biodiversité est devenu un terrain d’étude et de restauration à la suite d’un programme d’élimination d’une population de rats envahissants.Franck Courchamp, Directeur de recherche CNRS, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1738462021-12-16T20:11:18Z2021-12-16T20:11:18ZRéférendum en Nouvelle-Calédonie : un rendez-vous manqué dans le processus de décolonisation<p>Dimanche 12 décembre a pris fin un cycle de référendums d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. Celui-ci ponctue d’une manière à la fois inattendue et inachevée un processus de décolonisation négocié commencé en 1988 avec les Accords de Matignon-Oudinot, reconduits et concrétisés par l’Accord de Nouméa en 1998.</p>
<p>La question posée lors de ces référendums « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » était clairement binaire. Si les deux premiers référendums ont vu le camp indépendantiste progresser (de <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/dimanche-et-apres/resultats-du-referendum-en-nouvelle-caledonie">43,6 % en 2018</a>, à <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/sur-quelles-bases-discuter-au-lendemain-du-referendum-880812.html">46,74 % en 2020</a>), avec un taux de participation très élevé et en croissance (<a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/05/en-nouvelle-caledonie-deception-chez-les-vainqueurs-satisfaction-chez-les-vaincus_5378854_823448.html">80,62 % en 2018</a> et <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/sur-quelles-bases-discuter-au-lendemain-du-referendum-880812.html">85,64 % en 2020</a>), le troisième référendum a quant à lui fait l’objet d’un <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/referendum/nouvelle-caledonie/les-partisans-du-oui-demandent-d-une-seule-voix-le-report-du-referendum">appel à non-participation du camp indépendantiste</a> en raison de la crise sanitaire qui a rattrapé tardivement la Nouvelle-Calédonie. Sans surprise, le taux de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/12/les-bureaux-de-vote-pour-le-referendum-sur-l-independance-de-la-nouvelle-caledonie-ont-ouvert_6105720_823448.html">participation au dernier referendum</a> est donc peu représentatif (43,90 %) et voit le « non » à l’indépendance l’emporter de manière écrasante (96,49 %).</p>
<p>Les circonstances de la tenue de ce troisième référendum ont contribué à la déception ressentie par une partie de la population, eu égard au lourd héritage colonial auquel il était censé répondre. Il est urgent de repenser la forme politique et institutionnelle d’une décolonisation qui affiche pour projet un « destin commun » pour l’ensemble des Calédoniens sur la base de la reconnaissance de l’antériorité du peuple premier.</p>
<h2>De l’assujettissement colonial à un processus de décolonisation négocié</h2>
<p>« Découverte » par James Cook en 1774, la Nouvelle-Calédonie est déclarée colonie française en 1853. Se met peu à peu en place une politique de colonisation de peuplement, principalement pénale, qui se traduit pour le peuple autochtone, les Kanaks, par une forme radicale de ségrégation raciale et spatiale. Les Kanaks sont soumis à partir de 1887 à un régime juridique d’exception, inventé et appliqué en Algérie, appelé le <a href="https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_2004_num_17_66_1019">régime de l’Indigénat</a>, qui en fait des sujets de l’empire. Spoliés de leurs terres, ils sont <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/2788">cantonnés dans des réserves</a> et subissent un déclin démographique tel que l’administration coloniale n’exclue pas la possibilité de leur <a href="https://journals.openedition.org/eps/6197">extinction</a>.</p>
<p>Si les Kanaks accèdent progressivement à la <a href="https://theconversation.com/passe-colonial-et-reconstruction-de-lidentite-caledonienne-149219">citoyenneté française</a> à partir de 1946, le choix est fait de maintenir un <a href="https://outremers360.com/societe/nouvelle-caledonie-quest-ce-que-le-statut-civil-de-droit-coutumier">statut juridique « particulier » ou « coutumier »</a>. C’est autour de la revendication de leur particularité identitaire que se construisent les revendications nationalistes puis indépendantistes de <a href="https://books.google.be/books/about/Le_r%C3%A9veil_kanak.html?id=6AkztAEACAAJ&redir_esc=y">leaders kanaks dans la seconde moitié du XXᵉ siècle</a>.</p>
<p>Ces revendications répondent en particulier à la reprise en main coloniale de la France dans les années 1960 et à l’organisation d’une migration visant à minoriser les Kanaks au moment du boom du nickel des années 1967-1972. À cette stratégie étatique s’ajoutent les résistances des <a href="https://books.google.be/books/about/Exp%C3%A9riences_coloniales.html?id=1iFzAAAAMAAJ&redir_esc=y">descendants de colons</a> pour qui le lien avec l’État français reste essentiel d’un point de vue économique et identitaire.</p>
<p>Après des décennies de mobilisation politique pacifique de la part des Kanaks, traduite par de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02891218">forts taux de participation électorale</a>, le pays va entrer dans une période d’instabilité politique et de violence insurrectionnelle, appelée <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/10/30/quand-la-nouvelle-caledonie-s-embrasait_5207835_823448.html">« les Évènements »</a>, par analogie approximative avec la guerre d’indépendance en Algérie.</p>
<p>Le Front de Libération Nationale Kanak Socialiste (FLNKS), créé en septembre 1984, décrète un « boycott actif » des élections territoriales, que symbolise la destruction d’une urne à coups de machette par <a href="https://journals.openedition.org/jso/6936">Éloi Machoro en 1984</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20211211-en-nouvelle-cal%C3%A9donie-les-ind%C3%A9pendantistes-ont-d%C3%A9j%C3%A0-boud%C3%A9-les-urnes">référendum de 1987</a> organisé par le gouvernement Chirac, ouvert à toute personne ayant plus de 3 ans de résidence en Nouvelle-Calédonie, est également boycotté par les indépendantistes (98,3 % de non, 40,9 % d’abstention), car ils y voient à juste titre la volonté de la puissance coloniale de noyer démographiquement et électoralement la revendication d’indépendance.</p>
<p>Les tensions politiques culminent lors du <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/02/grotte-d-ouvea-la-republique-a-ete-devoyee-pour-des-raisons-de-basse-politique_1597407_3232.html">drame d’Ouvéa</a>, en 1988 qui reste, encore aujourd’hui, une <a href="https://www.lnc.nc/article/gros-plan/nouvelle-caledonie/gros-plan-les-enfants-des-evenements-decus">plaie ouverte</a> dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Mettant fin aux violences et jetant les bases institutionnelles d’une décolonisation négociée, les Accords de Matignon-Oudinot vont marquer le début d’une nouvelle séquence historique..</p>
<p>On ne peut que faire le rapprochement entre la situation de 1987 et l’appel à la « non-participation » des indépendantistes à ce troisième référendum d’autodétermination. Justement en raison de cette histoire récente traumatique, les tenants de la « non-participation » ont demandé à ce que la situation reste pacifique, en dépit d’un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/10/referendum-en-nouvelle-caledonie-un-deploiement-de-forces-disproportionne_6105585_823448.html">déploiement des forces françaises</a> très renforcé voire disproportionné.</p>
<p>L’héritage colonial de la Nouvelle-Calédonie est en fait présent à chaque pas du processus de décolonisation et s’inscrit dans un appareil institutionnel qui reconnaît la spécificité culturelle kanake, à savoir, ses « coutumes ».</p>
<p>Juridiquement, cela s’exprime par un <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/referendum-en-nouvelle-caledonie/grand-format-c-etait-la-france-mais-je-n-avais-plus-aucun-repere-voyage-au-coeur-de-la-nouvelle-caledonie-ce-caillou-tiraille-entre-deux-mondes_2986809.html">« tribunal coutumier »</a>, composé d’un magistrat de droit civil et <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/il-y-trente-ans-six-ans-instauration-assesseurs-coutumiers-638060.html">d’assesseurs coutumiers</a> qui prennent des décisions en fonction de la « coutume » pour toute la matière civile.</p>
<p>En termes de représentation institutionnelle, le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/09/crise-sanitaire-vie-politique-et-economique-le-poids-croissant-des-coutumiers-en-nouvelle-caledonie_6105272_823448.html">Sénat coutumier</a> est le « gardien de l’identité kanak » et mobilise son droit d’expression sur « tous les sujets concernant le pays et son avenir ». À ce titre, il s’est <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/referendum/nouvelle-caledonie/le-senat-coutumier-se-felicite-de-la-forte-abstention">aligné avec les partisans à la non-participation</a> au dernier référendum montrant un front indépendantiste uni entre leaders politiques et autorités coutumières.</p>
<h2>Un référendum qui a provoqué de nombreux remous</h2>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/09/29/avec-plus-de-100-morts-en-un-mois-flambee-de-covid-19-en-nouvelle-caledonie_6096428_823448.html">crise du Covid</a> a révélé qu’en dépit de la politique de « rééquilibrage » économique partie intégrante de la décolonisation négociée, de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/08/inegalites-sociales-en-nouvelle-caledonie-il-y-a-vraiment-deux-mondes-et-la-situation-s-aggrave_6105130_823448.html">lourdes inégalités socio économiques</a>, bien plus profondes qu’en France métropolitaine, subsistaient entre les différentes communautés du territoire.</p>
<p>Le Covid a provoqué environ 280 décès, une large part de ceux-ci concernent les communautés océaniennes, kanakes, wallisiennes, futuniennes et polynésiennes qui cumulent les facteurs de comorbidité. Pour cette raison, le Sénat coutumier a décrété début novembre un <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/le-senat-coutumier-decrete-un-deuil-kanak-d-une-annee-et-se-positionne-en-faveur-du-report-du-referendum-1149691.html">« deuil coutumier national »</a> d’un an, à partir du 6 septembre 2021.</p>
<p>Les deuils coutumiers sont des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/23/respectons-le-deuil-kanak-reportons-le-referendum-en-nouvelle-caledonie_6103237_3232.html">cérémonies complexes</a> consistant en l’échange de dons dont la temporalité peut s’étendre de quelques jours à plusieurs mois. C’est la raison pour laquelle un « <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/referendum/nouvelle-caledonie/les-partisans-du-oui-demandent-d-une-seule-voix-le-report-du-referendum">comité stratégique indépendantiste de non-participation</a> » a réuni plusieurs groupes indépendantistes pour demander le report du référendum.</p>
<p>La requête de report du référendum n’a été entendue ni par le gouvernement ni par le <a href="https://www-mediapart-fr.acces-distant.sciencespo.fr/journal/fil-dactualites/081221/nouvelle-caledonie-le-conseil-d-etat-rejette-la-demande-de-report-du-referendum">Conseil d’État</a>, ne laissant le choix aux partisans de l’indépendance que de se tourner vers des <a href="https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/nouvelle-caledonie-le-deplacement-a-lonu-dune-delegation-du-flnks-cree-la-polemique">instances internationales</a> – rappelons que la Nouvelle-Calédonie est <a href="https://www.un.org/dppa/decolonization/fr/nsgt">inscrite depuis 1986 sur la liste de l’ONU des pays à décoloniser</a>.</p>
<p>Face au refus du gouvernement français de reporter le référendum, ce même comité a appelé à une non-participation pacifique. Or, l’abstention de l’un des groupes fondamentaux dans les négociations de l’avenir institutionnel du territoire se relève être en totale contradiction avec l’esprit et la logique des Accords de Matignon et de Nouméa. Ceux-ci avaient placé au cœur du processus de décolonisation la reconnaissance et le respect de l’identité kanak dans le cadre d’une démarche basée sur le dialogue et la construction négociée de compromis acceptables dans le but de construire un « destin commun ».</p>
<p>De surcroît, le report du référendum confirme que l’État français a unilatéralement rompu le contrat tacite qui lie les trois partenaires des Accords de Nouméa (loyalistes, indépendantistes et gouvernement français) qui voulait que ce dernier conserve une neutralité (même de façade) en se positionnant ostensiblement en faveur d’une <a href="https://www.bing.com/videos/search ?q=emmanuel+macron+nouvelle+cal %c3 %a9donie&docid=20758443473158&mid=645A97FCA94A16BDCD6A645A97FCA94A16BDCD6A&view=detail&FORM=VIRE">continuité de la présence française en Nouvelle-Calédonie</a>.</p>
<p>La Nouvelle-Calédonie permet à la France de se positionner stratégiquement dans le Pacifique, notamment vis-à-vis des inquiétudes provoquées par la présence influente de la <a href="https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/nouvelle-caledonie-le-depute-philippe-gomes-met-en-garde-contre-logre-chinois">Chine en Océanie</a>. S’ajoute à cela <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/11/referendum-en-nouvelle-caledonie-l-economie-du-nickel-l-autre-enjeu-de-l-independance_6105694_823448.html">l’enjeu du nickel</a>, minerai dont la Nouvelle-Calédonie assure 8 % de la production mondiale et dont la gestion soulève des enjeux politiques importants en tant que pilier de l’économie calédonienne. Or cette dernière a été mise à rude épreuve par la crise du Covid, rendant d’autant plus visible le lourd héritage colonial de la <a href="https://www.france24.com/fr/ %C3 %A9missions/info- %C3 %A9co/20211210-r %C3 %A9f %C3 %A9rendum-en-nouvelle-cal %C3 %A9donie-l- %C3 %A9conomie-l-autre-enjeu-du-scrutin">dépendance économique</a> dans laquelle la Nouvelle-Calédonie se trouve vis-à-vis de la France.</p>
<h2>Les enjeux institutionnels à venir : La possibilité de sortir d’un débat polarisant ?</h2>
<p>Au-delà de la question du référendum, la Ligue des droits humains en Nouvelle-Calédonie rappelle que <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/referendum/nouvelle-caledonie/ldh-la-decolonisation-ne-sera-pas-close-le-12-decembre-2021">« la décolonisation ne sera pas close le 12 décembre 2021 »</a>. En effet, les institutions mises en place ces trente dernières années ne vont pas disparaître du jour au lendemain et il a été acté qu’au lendemain du référendum, quel que soit le résultat, une phase de transition institutionnelle de dix-huit mois (du 13 décembre 2021 au 30 juin 2023) est enclenchée.</p>
<p>L’Accord de Nouméa dont l’importance est incontestable n’en est pas moins une solution de transition et c’est seulement maintenant que la question des référendums a été évacuée que les discussions autour d’un avenir institutionnel durable peuvent être tenues. En effet <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/referendum/justice/nouvelle-caledonie/lea-havard-l-accord-de-noumea-n-aura-pas-disparu-le-13-decembre">Léa Havard, Maîtresse de conférence à l’Université de Nouvelle-Calédonie</a>, rappelle que « le grand défi des politiques et de l’État sera de concevoir un statut qui, non seulement corresponde aux aspirations locales, mais aussi qui rentre dans le cadre de la Constitution ». Cela passera nécessairement par une révision de la Constitution (Titre XIII) qui renvoyait jusqu’ici aux Accords de Nouméa. Cette « période d’instabilité juridique » peut être appréhendée avec inquiétude, ou bien (et ce n’est pas mutuellement exclusif) avec la volonté d’inventer un avenir institutionnel inclusif.</p>
<p>Rappelons que <a href="https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/content/download/8400/64716/file/Nouvelle-Cale %CC %81donie %20OUI-NON.pdf">contrairement à ce que le gouvernement français</a> et les partis loyalistes tendent à mettre en avant, le camp indépendantiste ne milite plus pour une indépendance-rupture depuis longtemps. La voie de sortie préférée qui pourrait convenir à tout le monde serait un projet <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/nouvelle-caledonie-la-decolonisation-par-referendum">d’État-association</a> qui maintiendrait des liens privilégiés avec la France, tout en remédiant à <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/100627-126-A/nouvelle-caledonie-le-referendum-ne-resoudra-rien/">l’asymétrie historique héritée de la colonisation</a>.</p>
<p>On peut se demander si les débats autour de ce dernier référendum ne seraient pas symptomatiques de l’impossibilité de régler un processus de décolonisation au XXI<sup>e</sup> siècle autour d’une alternative aussi binaire. La décolonisation requiert une volonté politique et un sens du dialogue inscrit dans la durée. Si les leçons de ce rendez-vous manqué parviennent à être comprises par toutes et tous, en particulier le constat d’un dialogue encore inabouti, la réflexion sur l’avenir des institutions mises en place ces trente dernières années pourra alors reprendre à nouveaux frais. Au pari sur l’intelligence tenté par Jean-Marie Tjibaou doit s’ajouter un pari, également risqué, sur l’imagination (politique, institutionnelle, juridique). Comme affirmé avec force et justesse par Louis Mapou, président du gouvernement calédonien dans son discours du 25 novembre 2021 : <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/politique/nouvelle-caledonie/louis-mapou-la-nouvelle-caledonie-ressemble-a-un-chantier-a-ciel-ouvert">« La Nouvelle-Calédonie ressemble à un chantier à ciel ouvert »</a>.</p>
<hr>
<p><em>Oona Le Meur mène des recherches sur le droit coutumier en Nouvelle-Calédonie. Son doctorat est encadré par l’École de droit de Sciences Po (Paris) et le Centre d’histoire du droit et d’anthropologie juridique de l’Université Libre de Bruxelles, sous la direction des Prof. Louis Assier-Andrieu et Barbara Truffin</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173846/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oona Le Meur a reçu des financements de Sciences Po (Paris) et de l'Université Libre de Bruxelles. </span></em></p>Le 12 décembre a pris fin un cycle de référendums d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. Il ponctue d’une manière à la fois inattendue et inachevée un processus de décolonisation commencé en 1988.Oona Le Meur, Doctorante en droit et anthropologie, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1737632021-12-16T20:11:10Z2021-12-16T20:11:10ZNouvelle-Calédonie : pourquoi le référendum sur l’indépendance pourrait provoquer l’instabilité dans la région et ternir l’image de la France<p>Les résultats du <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/13/referendum-en-nouvelle-caledonie-l-abstention-massive-confirme-les-clivages-qui-traversent-l-archipel_6105819_823448.html">référendum du 12 décembre</a> sont tombés. Le non à l’indépendance l’a emporté à 96,5 % mais plus d’un électeur sur deux ne s’est pas rendu aux urnes.</p>
<p>Les partis pro-indépendance avaient mis en avant l’impact de la pandémie sur la population kanak pour obtenir le report du troisième et dernier référendum. Il ne leur a pas été accordé.</p>
<p>La France a persisté à organiser la dernière des trois consultations sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie le 12 décembre, malgré les appels des leaders indépendantistes à <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/referendum/nouvelle-caledonie/les-partisans-du-oui-demandent-d-une-seule-voix-le-report-du-referendum">reporter le scrutin</a> et à <a href="https://www.rfi.fr/en/france/20211023-new-caledonia-s-separatists-call-for-boycott-of-december-independence-vote">« ne pas y participer »</a> (et donc à le <a href="https://www.france24.com/en/asia-pacific/20211021-new-caledonia-separatists-call-for-boycott-of-independence-r%C3%A9f%C3%A9rendum">boycotter</a>), en raison de la situation sanitaire dans la population kanak.</p>
<p>Cette décision met en péril le processus de paix engagé par la France il y a 30 ans dans ce territoire semi-autonome, et la stabilité de sa principale possession dans le Pacifique. Un tel boycott de la population kanak pourrait faire replonger le territoire dans l’agitation des années 1980, et avoir des conséquences sur la région.</p>
<h2>Pourquoi un autre référendum sur l’indépendance ?</h2>
<p>Le mouvement indépendantiste a pris de l’ampleur en Nouvelle-Calédonie dans les années 1970 et au début des années 1980, quand la <a href="https://press.anu.edu.au/publications/france-south-pacific#tabanchor">France est revenue sur</a> les dispositions relatives à l’autonomie qu’elle avait acceptées et <a href="https://dpa.bellschool.anu.edu.au/experts-publications/publications/7915/dp-202005-incompatible-struggles-reclaiming-indigenous">a encouragé l’immigration</a> issue d’autres régions françaises pour mettre en minorité les partisans de l’indépendance.</p>
<p>Dans les années 1980, la frustration des Kanaks a entraîné de violentes manifestations sur le territoire et le boycott du référendum sur l’indépendance en 1987. S’en sont suivies, quelques mois plus tard, des <a href="https://asiapacificreport.nz/2018/11/01/flashback-to-kanaky-in-the-1980s-blood-on-their-banner/">fusillades meurtrières</a> entre Kanaks et milices françaises à l’occasion des élections présidentielles françaises.</p>
<p>Les <a href="https://www.mncparis.fr/uploads/accords-de-matignon_1.pdf">accords de Matignon-Oudinot</a>, signés en 1988 par les groupes loyalistes et indépendantistes sous l’égide du gouvernement français, ont mis un terme à la violence. Ils ont été suivis, dix ans plus tard, par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000001944885">accord de Nouméa</a>, qui prévoyait trois référendums d’autodétermination.</p>
<p>Les deux premiers, organisés en 2018 et 2020 et marqués par un taux de participation record (plus de 80 %), se sont soldés par la victoire des opposants à l’indépendance, à une faible majorité. Cependant, la proportion des Kanaks favorables à l’indépendance est passée de <a href="https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Actualites/Archives/2018/Referendum-Retrouvez-ici-les-resultats-definitifs-de-la-consultation-du-4-novembre-2018">43,3 %</a> à <a href="https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Politiques-publiques/Elections/Elections-2020/REFERENDUM-2020/Les-resultats/Resultats-definitifs">46,7 %</a>. En 2020, l’écart entre les deux camps n’était plus que de 10 000 voix.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Voting at a polling station in Noumea" src="https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435734/original/file-20211205-15-1bcceuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un bureau de vote à Nouméa lors du référendum de 2018 sur l’indépendance.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mathurin Derel/AP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le troisième scrutin était annoncé serré, les deux camps courtisant les 25 000 personnes qui se sont abstenues en 2020 (sur un total de 180 000 inscrits). Cependant, la « non-participation » des Kanaks pourrait rendre le vote politiquement nul, comme ce fut le cas en 1987.</p>
<p>Le dernier scrutin devait se dérouler avant le mois d’octobre 2022. Les loyalistes, partisans du maintien dans le giron français, sont favorables à un vote anticipé afin de consolider leur majorité et de permettre une reprise rapide de l’économie.</p>
<p>Les indépendantistes préféraient un vote plus tardif pour optimiser leurs chances d’obtenir une majorité.</p>
<p>Pour éviter tout chevauchement avec les élections présidentielles de l’an prochain, le gouvernement français a décidé que le référendum se tiendrait ce 12 décembre, malgré l’opposition des partis indépendantistes.</p>
<h2>La France adopte une approche moins neutre</h2>
<p>Lors des deux premières campagnes, la France a fait preuve d’une scrupuleuse impartialité et invité des observateurs internationaux. Pour ce nouveau scrutin, en revanche, elle s’est montrée <a href="https://dpa.bellschool.anu.edu.au/experts-publications/publications/8208/dp-202103-uncertainties-new-caledonia-prepares-its-final">moins objective</a>.</p>
<p>Pour commencer, les discussions préparatoires à cette dernière consultation se sont tenues sans la participation de l’ensemble des principaux leaders indépendantistes. Ensuite, la <a href="https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Politiques-publiques/Elections/Elections-2021/REFERENDUM-2021/Les-consequences-du-oui-et-du-non/Le-document-sur-les-consequences-du-oui-et-du-non">brochure explicative du gouvernement français sur les conséquences du référendum</a> se positionnait clairement en faveur du non, au point que les loyalistes l’ont utilisé pour leur campagne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1464740285393428480"}"></div></p>
<p>Le gouvernement a également commandé et publié de manière ciblée des sondages d’opinion sur le rôle de la France en Nouvelle-Calédonie, tandis que les médias locaux soulignaient les potentiels effets négatifs de l’indépendance sur les services de santé, entre autres.</p>
<p>En visite à Tahiti en juillet, <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/07/28/discours-du-president-emmanuel-macron-depuis-papeete">Emmanuel Macron a parlé</a> en termes forts des menaces qui pèseraient sur les petites îles isolées du Pacifique si la France n’était plus là pour les protéger. Le dispositif de sécurité mis en place pour le scrutin de cette année est également plus important.</p>
<h2>Une impasse de mauvais augure avec les Kanaks</h2>
<p>L’impact de la pandémie de Covid a joué un rôle majeur dans le nouveau référendum.</p>
<p>Depuis le début de la pandémie, et jusqu’à l’arrivée du variant Delta au mois de septembre, la Nouvelle-Calédonie ne déplorait que peu de cas, et aucun décès. On dénombre désormais <a href="https://graphics.reuters.com/world-coronavirus-tracker-and-maps/countries-and-territories/new-caledonia/">près de 300 morts</a> liés à la Covid-19, la plupart dans la communauté kanake.</p>
<p>Invoquant les rites funéraires kanaks, qui demandent un long travail de deuil au sein de la communauté, les dirigeants indépendantistes ont demandé le report du vote du 12 décembre, en soulignant l’effet qu’ils pourraient avoir sur la campagne et la participation.</p>
<p>Le <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/covid/referendum/nouvelle-caledonie/le-senat-coutumier-decrete-un-deuil-kanak-d-un-an-et-demande-le-report-du-referendum">Sénat coutumier</a>, l’assemblée des aires coutumières kanak, a déclaré une période de deuil d’un an, et les leaders indépendantistes <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/referendum/covid/nouvelle-caledonie/si-le-scrutin-se-tient-le-12-decembre-nous-ne-serons-pas-la-le-13-pour-discuter-de-l-apres">ont menacé d’appeler à la « non-participation » des Kanaks</a>.</p>
<p>Le ministre français des outre-mer, Sébastien Lecornu, a néanmoins confirmé la date du 12 décembre. Il a déclaré que le système de vote non obligatoire permettait à chacun de choisir de participer ou non.</p>
<p>La réaction des Kanaks ne s’est pas fait attendre. Les leaders indépendantistes ont réaffirmé leur appel à la non-participation pacifique tout en évitant de parler de « boycott », terme associé au référendum de 1987 et aux violences qui l’ont émaillé. Ils ont toutefois reconnu que leurs 30 000 jeunes partisans kanak n’obéiraient pas forcément.</p>
<p>Ils ont également formé un <a href="https://www.lnc.nc/article/politique/referendum/nouvelle-caledonie/flnks-l-etat-veut-il-encore-decoloniser-la-nouvelle-caledonie">nouveau comité stratégique</a> en réaction à la décision de maintenir le vote. Pour l’un des leaders, cette décision <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/politique/covid/referendum/nouvelle-caledonie/pour-le-palika-le-maintien-du-referendum-au-12-decembre-s-apparente-a-une-declaration-de-guerre">« s’apparente à une déclaration de guerre contre les Kanaks »</a>.</p>
<p>Le 5 décembre, un groupe composé en grande partie de Kanak <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvelle-caledonie-le-conseil-d-etat-saisi-par-une-demande-de-report-du-referendum-1171426.html#xtor=EPR-1-%5BNL_1%C3%A8re%5D-20211205-%5Binfo-titre6%5D&pid=726375-1494324169-07d467e2">a demandé</a> en urgence au Conseil d’État de reporter le scrutin après les élections présidentielles d’avril.</p>
<p>Les partis indépendantistes ont déclaré qu’ils contesteraient le résultat si le référendum avait lieu et ne participeraient pas aux discussions sur l’avenir que la France souhaite tenir au lendemain du vote.</p>
<h2>Ce que signifie le référendum pour la région</h2>
<p>Si la Nouvelle-Calédonie est le théâtre d’instabilité et de violences, ou si le résultat du référendum est contesté, il y aura des répercussions sur la région.</p>
<p>Tout comme dans les années 1980, le rôle de la France dans le Pacifique sera à nouveau remis en cause. À l’époque, les gouvernements régionaux avaient attiré l’attention de la communauté internationale sur la façon dont la France traitait les demandes de décolonisation de ses territoires et sur ses essais nucléaires en Polynésie française, ce qui avait fini par conduire la France à revoir sa copie.</p>
<p>Après avoir révisé sa politique et entrepris des efforts diplomatiques, la France a <a href="https://www.aspi.org.au/report/australia-france-strategic-partnership">forgé de nouveaux partenariats</a> avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les gouvernements des îles du Pacifique. En fin de compte, le rôle que joue la France dans la région et sa vision de la zone Indopacifique sont conditionnés par sa façon de traiter ses territoires d’outre-mer.</p>
<p>Les dirigeants et les analystes de la région ont exhorté le gouvernement français à revoir sa gestion de ce scrutin décisif.</p>
<p>Aux Nations-Unies, le Groupe Fer de lance mélanésien, qui regroupe les îles Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu et la coalition pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, a lui aussi <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/nouvelle-caledonie/politique/referendum/covid/l-ambassadeur-de-papouasie-nouvelle-guinee-plaide-a-l-onu-pour-un-report-du-referendum">demandé le report du référendum</a>.</p>
<p>Le <a href="https://islandsbusiness.com/news-break/new-caledonia-referendum-3/">« Pacific Elders Group »</a> a, de son côté, écrit à Emmanuel Macron pour l’appeler à respecter le rituel de deuil kanak. Le <a href="https://www.rnz.co.nz/international/pacific-news/456145/vanuatu-backs-kanak-call-to-delay-vote-on-independence-in-new-caledonia">Premier ministre du Vanuatu, Bob Loughman</a> et le chef indépendantiste de la Polynésie française, <a href="https://www.lnc.nc/article-direct/politique/nouvelle-caledonie/oscar-temaru-lance-un-appel-aux-polynesiens-de-caledonie-pour-soutenir-les-freres-kanaks">Oscar Temaru</a>, ont également apporté leur soutien aux leaders indépendantistes.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/23/respectons-le-deuil-kanak-reportons-le-referendum-en-nouvelle-caledonie_6103237_3232.html">tribune</a> publiée fin novembre dans <em>Le Monde</em>, un collectif de spécialistes de l’histoire et de la société calédonienne ont exprimé leur inquiétude liée à la date du référendum.</p>
<p>Pour la France, l’Australie et le reste de la région, le référendum en Nouvelle-Calédonie risque fort de ne pas constituer, comme il aurait dû, un modèle démocratique pour l’avenir, mais plutôt un signe avant-coureur d’instabilité.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Catherine Biros pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denise Fisher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les partis pro-indépendance avaient demandé un report du troisième et dernier référendum en raison de l’impact de la pandémie sur la population autochtone kanak. Cette demande a été rejetée.Denise Fisher, Visiting Fellow, ANU Centre for European Studies, Australian National UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1681422021-10-26T18:28:52Z2021-10-26T18:28:52ZÀ Maré en Nouvelle-Calédonie, un jeu de rôles pour préserver les ressources en eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/421653/original/file-20210916-21-dsam6s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Session de jeu à Maré en août 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">IAC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/421655/original/file-20210916-13-1db4vrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trou d’eau dit de Pethoen à Maré.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IAC/Drouin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans la continuité de la <a href="https://davar.gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/pep_-_schema_dorientation_pour_une_politique_de_leau_partagee_de_la_nouvelle-caledonie.pdf">politique de l’eau partagée</a> (2019) et compte tenu des multiples enjeux de <a href="https://youtu.be/n28ke_SmHD0">préservation de la ressource en eau</a> dans l’archipel calédonien, l’Institut de recherche en agronomie calédonien (<a href="http://www.iac.nc/">IAC</a>) et <a href="https://www.inrae.fr/">l’Inrae</a> ont accompagné l’élaboration d’un jeu de rôles appelé <em>Tini ri rawa</em> (pour « l’eau sous la terre » en langue <a href="http://nengone.univ-nc.nc/">nengone</a>) autour de la vulnérabilité de la lentille d’eau douce de Maré.</p>
<p>Maré est une des deux îles Loyauté qui dispose d’une ressource en eau douce unique et souterraine entourée et flottant sur l’eau salée. Une <a href="https://www.linkedin.com/posts/enrique-waunie-60a16a131_un-colloque-sur-leau-et-lenvironnement-activity-6765754052920840192-uclD">ressource vulnérable</a> aux intrusions salines et aux pollutions provoquées par les activités humaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/421656/original/file-20210916-15-185vjk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma du système hydrologique de Maré (coupe nord-sud).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers14-03/010051919bis.pdf">IRD</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Au plus près des réalités calédoniennes</h2>
<p>Créé à partir du kit de modélisation participative <a href="https://www.youtube.com/watch?v=n404GMIxp7k">Wat-a-Game</a>, <a href="https://fb.watch/v/aa-MIDgV0/">Tini ri rawa</a> est un jeu de rôles calibré pour la province des Îles Loyauté ; il traduit les réalités locales quant aux pratiques, aux usages et aux représentations de l’eau.</p>
<p>La version aboutie du jeu a été initiée et coordonnée par une étudiante formée aux méthodologies de la participation, et testée et améliorée par des chercheurs/ingénieurs et des techniciens locaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/421657/original/file-20210916-27-wrto76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le plateau de jeu de Tini ri rawa.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IAC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir d’un plateau qui représente les <a href="https://arcg.is/vT4CX">zones de vulnérabilité de la lentille d’eau douce de Maré</a>, le jeu s’articule autour de cinq rôles – l’agriculteur, l’artisan, le prestataire touristique, l’habitant et le maire – qui doivent développer leurs activités en tenant compte de leurs impacts sur la ressource en eau (pratiques d’irrigation des cultures, récupération d’eau de pluie, toilettes sèches ou à chasse d’eau classique, etc.).</p>
<p>Détenteur de ressources en eau propre (eau de pluie ou du réseau d’eau potable), en eau sale (après usage) et en argent, chaque joueur doit cibler des enjeux environnementaux, sociosanitaires ou économiques pour rendre compte de sa stratégie d’action dans la zone de vulnérabilité de son choix.</p>
<p>Tout en restant neutre, l’animateur cherchera à provoquer des échanges entre les joueurs sur leurs pratiques, afin de développer une conscience collective et écologique.</p>
<p>Il pourra également, au cours du jeu, provoquer des évènements naturels et culturels (cyclone, raz de marée, mariage, etc.) qui contribuent à mener une réflexion collective sur les conséquences des choix des joueurs.</p>
<p>Durant les trois mois de préparation et de déploiement du jeu à Maré, les 83 participant·e·s nous auront permis d’éprouver la pertinence des divers éléments du jeu et d’entamer la capitalisation d’une série de données sur les pratiques de consommation et de préservation de la ressource en fonction des zones géographiques concernées.</p>
<h2>Une boussole pour l’action publique</h2>
<p>Ces données collectées ont été informatisées puis analysées grâce à des bases de données systématisées pour produire des graphiques révélateurs de tendances, en fonction des tranches d’âges, du genre et des tribus d’origines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/421658/original/file-20210916-23-itsg66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique représentant l’intérêt des participants à favoriser le dialogue entre les acteurs en fonction des zones de vulnérabilité desquelles ils sont originaires, données issues des questionnaires de satisfaction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IAC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À terme, et grâce à un échantillon plus représentatif, ces données pourraient contribuer à réorienter si nécessaire les politiques publiques.</p>
<h2>Vers la prise de conscience collective ?</h2>
<p>Les observations issues des sessions de jeu ont révélé des motivations réelles de la part de la population locale pour participer à la concertation et débattre des problématiques de gestion de l’eau.</p>
<p>Investis dans leurs rôles, les joueurs ont découvert d’autres groupes d’acteurs locaux, les amenant à reconsidérer leur relation à l’eau de manière plus globale. Se mettre à la place des autres, c’est prendre conscience de l’intérêt général à protéger la ressource en eau.</p>
<p>La session de jeu a également permis à chaque joueur en tant qu’individu, habitant et selon son rôle, d’avoir l’opportunité de pouvoir exprimer ses interrogations au-delà des pressions sociétales et culturelles usuelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/421659/original/file-20210916-29-1pb12py.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Session de formation des services civiques de la mairie de Maré, en décembre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mairie de Maré</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le plateau de jeu <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers09-03/010030400.pdf">constitue un monde virtuel</a> dans lequel les joueurs peuvent chercher des réponses au monde réel sans réveiller certains complexes liés au niveau de connaissance.</p>
<p>Un jeu de rôles reste toutefois très associé à celui qui l’anime. Tout au long de la partie, l’animateur est là pour créer l’émotion chez les joueurs. Il rythme, dynamise, parfois bloque le bon déroulement des tours, ce qui peut provoquer de la surprise et de la contrariété.</p>
<p>Plus la situation est complexe, et l’accès à la ressource difficile, plus les joueurs sont soudés et résolus à chercher des solutions.</p>
<h2>Un jeu pour jouer sur différents niveaux</h2>
<p>En transférant le jeu aux autorités locales, celui-ci est passé de projet scientifique exploratoire à outil de sensibilisation pour servir l’intérêt général. L’originalité de cette démarche réside dans le fait d’avoir adapté le jeu au contexte socioculturel de Maré, en collaborant étroitement avec des personnes-ressources locales lors de sa phase d’élaboration.</p>
<p>L’intérêt était de collecter les pratiques actuelles pour les confronter à celles attendues et envisagées par les spécialistes comme étant soutenables.</p>
<p>Ce principe se révèle pertinent pour les chercheurs autant que pour les usagers de l’eau, les données collectées à des fins de recherche constituant (presque) autant de données partagées entre les acteurs locaux de Maré, qu’ils soient simples usagers ou spécialistes.</p>
<hr>
<p><em>Julien Drouin (ingénieur agronome, Institut agronomique néo-calédonien) et Amo Katleena (ingénieure d’étude en SHS) sont co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168142/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le jeu décrit dans l’article a été développé dans le cadre du projet GOUvernance de l’eau sur Terres couTumièrEs. Un projet porté par l’IAC (Institut d’Agronomie néo-Calédonien) et financé par le CRESICA (Consortium pour la Recherche, l’Enseignement Supérieur et l’Innovation en Nouvelle-Calédonie). Plusieurs rapports d’études sont disponibles sur le site du CRESICA (cresica.nc/en/project/goutte).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Delphine Coulange ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jouer pour sensibiliser les communautés locales à la protection des ressources naturelles et pour adapter les politiques publiques.Delphine Coulange, Anthropologue, Institut agronomique néo-calédonienSéverine Bouard, Géographe, équipe « Territoires, acteurs et usages » (TERAU), Institut agronomique néo-calédonienLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1577372021-03-24T19:32:09Z2021-03-24T19:32:09ZNouvelle-Calédonie : quelle place pour le changement climatique dans les médias ?<p>Si le changement climatique est reconnu partout comme un phénomène majeur auquel les sociétés doivent et devront faire face, sa conceptualisation oriente les populations à agir et à s’engager dans des stratégies d’adaptation.</p>
<p>Comprendre les actions individuelles et collectives qui permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre permet souvent d’identifier les nombreux freins dans la perception des individus, <a href="https://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-01420366v2/document">freins bien documentés</a> : le <a href="https://theconversation.com/le-climatoscepticisme-quest-ce-que-cest-50414">climatoscepticisme</a>, dont les médias ont relayé en grande partie les discours ; la perception que les changements climatiques sont lointains en temps et en espace ; la technicité et l’inaccessibilité du discours entourant les changements climatiques ; la perception de l’absence de corrélation immédiate entre le quotidien des gens et ces changements.</p>
<h2>Les populations insulaires en première ligne</h2>
<p>Dans les territoires insulaires du Pacifique, les impacts sur la biodiversité et le niveau des eaux pour certaines îles ont attiré l’attention de médias spécialisés (à l’image de <a href="https://www.geo.fr/"><em>Géo</em></a> ou de <a href="https://www.nationalgeographic.fr/"><em>National Geographic</em></a>) et généralistes en métropole, de manière ponctuelle : les îles du Vanuatu, de Kiribati ou de Samoa, ont ainsi fait l’objet d’un traitement médiatique lorsque l’actualité politique s’y prêtait (réunions des pays du Pacifique, sommet sur le climat…).</p>
<p>Les <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-020-18740-x">effets</a> du changement climatique sur ces territoires ont été soulignés dans les recherches scientifiques, voire <a href="https://www.spc.int/sites/default/files/wordpresscontent/wp-content/uploads/2017/01/French_Vanuatu_Teachers_guide-climate_change.pdf">vulgarisés</a> dans un but pédagogique pour les communautés concernées.</p>
<p>Parmi les populations les plus exposées à ces dérèglements, à court, moyen et long termes, les plus vulnérables sont sans aucun doute les populations autochtones, et plus généralement les sociétés traditionnelles, dont les savoirs et les savoir-faire locaux sont de plus en plus mobilisés dans les programmes de développement et de conservation au nom de leur importance pour la préservation de certains écosystèmes, comme le <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers19-02/010065869.pdf">montrent des travaux de l’IRD</a>.</p>
<p>Le Vanuatu a ainsi été l’un des premiers pays <a href="https://www-cairn-info.proxy.univ-nc.nc/revue-annales-de-geographie-2012-3-page-219.htm?contenu=resume">à compter « ses premiers réfugiés climatiques »</a> sur la scène internationale. Ces populations exposées principalement à cause de leurs implantations sur les côtes littorales <a href="https://www.afd.fr/fr/actualites/agenda/peuples-autochtones-et-changement-climatique-du-local-linternational">focalisent de plus en plus l’attention des gouvernements</a> pour une sensibilisation internationale de ces savoirs traditionnels.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1374428042752270341"}"></div></p>
<p>C’est dans des contextes multiculturels que la transmission de ces savoirs scientifiques, voire autochtones, doit être adaptée et en adéquation avec les problématiques locales pour une meilleure sensibilisation.</p>
<p>Les médias ont donc ici un rôle important à jouer dans la prise de conscience et la compréhension du phénomène par les différents acteurs de la société civile. L’analyse de leur traitement peut nous éclairer sur la manière dont les problématiques du changement climatique émergent dans l’espace public.</p>
<p>Les journalistes constituent des passeurs de problèmes scientifiques, en vulgarisant l’information, tout en participant à véhiculer des représentations du changement climatique, selon leur ligne éditoriale et leurs sensibilités.</p>
<h2>L’exemple de la Nouvelle-Calédonie</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391260/original/file-20210323-2308-1xlmr1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’analyse des principaux médias de Nouvelle-Calédonie – que nous avons réalisée et dont nous partageons les résultats dans cet article – montre que le changement climatique est très peu abordé : sur les 768 articles sur l’environnement et le développement durable relevés, de janvier à septembre 2020 dans le quotidien <a href="https://www.lnc.nc/"><em>Les Nouvelles calédoniennes</em></a> et le média audiovisuel <em><a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/">NC la 1<sup>ere</sup></a></em>, seuls 5 % environ étaient consacrés au climat ; le recensement a été réalisé à partir des expressions « changement climatique », « réchauffement climatique ».</p>
<p>Or, un certain nombre de <a href="https://unc.nc/recherche/projet-falah/">recherches situées dans le Pacifique</a> inscrivent leurs travaux dans les problématiques du changement climatique. On comprend, à la lumière des résultats de notre étude sur les médias calédoniens, que la recherche sur cette question est très peu diffusée auprès de la population.</p>
<h2>Une approche internationale</h2>
<p>Lorsqu’on étudie de près les 37 sujets sur la thématique du « changement climatique » recensés pendant cette période – à l’aide du logiciel d’analyse textuelle <a href="http://www.iramuteq.org/">Iramuteq</a> – les deux tiers concernent les événements qui se déroulent hors territoire de Nouvelle-Calédonie et, de manière générale, des îles insulaires.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391256/original/file-20210323-2283-rmjmmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nuage de mots sur le changement climatique à partir des contenus diffusés dans Les Nouvelles calédoniennes et NC la 1ʳᵉ.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Akila Nedjar-Guerre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils relatent essentiellement les événements politiques de la scène internationale évoqués lors des grandes rencontres sur le climat. Le nuage de mots indique ainsi que les termes centraux, et donc les plus employés, portent sur la « Chine », « l’Europe », « Emmanuel Macron ».</p>
<p>L’analyse factorielle de correspondances à partir du logiciel montre, de son côté, que les discours sur le changement climatique s’articulent autour de trois grands champs lexicaux : la démographie mondiale ; les accords européens et la Chine ; Emmanuel Macron et la proposition de référendum.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/391254/original/file-20210323-12-1uw65uz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Résultats de l’analyse factorielle de correspondances.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Akila Nedjar-Guerre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une vision eurocentrée</h2>
<p>Autrement dit, le traitement médiatique du changement climatique ne permet pas aux Calédoniens d’appréhender le sujet du réchauffement autrement que par la vision métropolitaine et internationale des échanges politiques sur la question.</p>
<p>Les médias agissent non seulement par la mise en agenda des questions qui sont portées à l’attention du public (choix des sujets) mais ils participent aussi au cadrage de l’information. Une absence de spécialisation du journalisme sur la question environnementale dans les médias calédoniens participe à un traitement plus généraliste imprégné des discours internationaux, plus ou moins conscients de la part des rédactions.</p>
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<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climat-et-medias-lenjeu-de-la-formation-des-journalistes-84482">Climat et médias : l’enjeu de la formation des journalistes</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ceci se traduit par une mise en discours de la thématique où la figure du citoyen est principalement absente. C’est tout le paradoxe des journaux locaux dont la ligne éditoriale repose essentiellement sur la proximité avec leurs récepteurs, tant sur la dimension géographique du sujet que sur la prise en compte culturelle des représentations des publics dont la diversité ethnique caractérise la Nouvelle-Calédonie.</p>
<p>Dans un territoire où la diversité ethnique est importante (mélanésienne, européenne, polynésienne, asiatique) et où les représentations de l’environnement diffèrent selon les communautés, les principaux médias de la Nouvelle-Calédonie adoptent une vision eurocentrée dans la conceptualisation du changement climatique, éloignée des problématiques locales.</p>
<p>L’appel à une meilleure prise en compte des <a href="https://theconversation.com/en-nouvelle-caledonie-une-gestion-millenaire-de-leau-en-heritage-147057">savoirs locaux</a> dans la diffusion de la recherche et à une spécialisation des journalistes sur la question climatique pourront contribuer à transformer un concept abstrait en un phénomène plus perceptible et compréhensible par les populations du Pacifique.</p>
<hr>
<p><em>Valentin Némia, stagiaire financé par le CRESICA (Consortium pour la recherche, l’enseignement supérieur et l’innovation en Nouvelle-Calédonie) a contribué à l’élaboration des résultats sur lesquels s’appuie cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157737/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Akila Nedjar-Guerre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les territoires insulaires du Pacifique, le changement climatique menace concrètement les populations les plus vulnérables. Une réalité dont ne rendent pas compte les médias locaux.Akila Nedjar-Guerre, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, en délégation à l'Université de Nouvelle Calédonie, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1492192020-11-16T18:19:34Z2020-11-16T18:19:34ZPassé colonial et reconstruction de l’identité calédonienne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367197/original/file-20201103-13-1puxfcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1020%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On attend l'arrivée du président français pour une cérémonie à la mémoire des 19 indépendants kanaks tués lors de la prise d'otages de 1988, le 5 mai 2018, dans le territoire français d'outre-mer de la Nouvelle-Calédonie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ludovic Marin/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le 4 octobre dernier, 53,3 % des Calédoniens se sont prononcés contre l’indépendance de l’archipel. Ce deuxième référendum, prévu dans le cadre des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000555817/">accords de Nouméa</a> signés le 5 mai 1998, ravive les débats sur la souveraineté et la citoyenneté de ce territoire d’outre-mer.</p>
<p>Ce deuxième passage aux urnes nous donne l’occasion de revenir sur deux siècles d’une histoire mouvementée. De 1863 à 1999, 13 statuts juridiques ont en effet été appliqués à la Nouvelle-Calédonie. Cette instabilité institutionnelle entraînera différentes vagues d’immigration ainsi qu’une réduction de la moitié (45 000 à 27 000) de la population kanake entre 1866 et 1921.</p>
<h2>Du bagne calédonien…</h2>
<p>Découverte en 1774 par le navigateur britannique <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-de-la-societe-des-oceanistes-2018-2-page-529.htm">James Cook</a>, la Nouvelle-Calédonie est progressivement évangélisée, avant sa prise de possession par le contre-amiral Febvrier Despointes le 24 septembre 1853, sous les ordres de Napoléon III.</p>
<p>Dix ans plus tard et conformément à la <a href="https://criminocorpus.org/fr/reperes/legislation/textes-juridiques-lois-decre/textes-relatifs-a-la-deportati/acces-aux-textes/loi-du-30-mai-1854/">loi</a> du 30 mai 1854 sur l’exécution de la peine des travaux forcés, la Nouvelle-Calédonie devient une <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5490752k/f752.item">colonie pénale</a>. Au total, 22 542 transportés (condamnés à réaliser une peine de travaux forcés) et 3 796 relégués (multirécidivistes) sont envoyés à <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56522286.texteImage">18 000 kilomètres</a> de la métropole. À ces prisonniers de droit commun s’ajoutent 4 253 déportés à la suite des événements de la Commune de Paris. <a href="https://journals.openedition.org/criminocorpus/1089">Louise Michel</a> sera notamment exilée sept ans en Nouvelle-Calédonie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9j0FWeHZJZw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Nouvelle-Calédonie : la dernière colonie française.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’article 17 du code pénal de 1810 dispose que la peine de déportation « consiste à être transporté et à demeurer à perpétuité dans un lieu déterminé par le gouvernement, hors du territoire continental de l’Empire ». Le 23 mars 1872, l’Assemblée nationale ratifie les propositions du gouvernement d’Adolphe Thiers afin d’exiler les insurgés. Après cinq mois de traversée en cage sur des navires de guerre, les condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée débarquent sur la <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8491025p">presqu’île de Ducos</a> ; les déportés simples sont quant à eux exilés sur l’île des Pins.</p>
<p>Ce choix est vivement critiqué par le gouverneur Gaultier de la Richerie. La France avait en effet conclu quelques années plus tôt une convention avec le grand chef Vendegou de la tribu des Kouniés, habitants de l’île des Pins. L’île continuait d’être gouvernée par son chef tout en étant placée sous l’administration française. Les Kouniés étaient très attachés à leur terre et le gouverneur craignait leur réaction face à l’arrivée des déportés politiques. Il suggère alors de déplacer les membres de la tribu de la côte ouest vers la côte est afin de recevoir les déportés. </p>
<p>Si les Kouniés conservent plus de deux tiers du territoire, cet épisode est le premier d’une longue série d’expropriations. Ces spoliations engendrent plusieurs révoltes locales qui mènent à l’insurrection du 25 juin 1878 orchestrée par le grand chef Ataï contre les expropriations réalisées au profit des bagnards. Dépassant les divisions linguistiques, géographiques et sociales, les Kanaks s’organisent à grande échelle afin de s’opposer à la machine coloniale. La rébellion dure dix mois ; plus de 1 200 Kanaks sont tués, dont une grande partie de dirigeants.</p>
<h2>… au cantonnement de la population kanake</h2>
<p>La mise en place d’une <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/2788?lang=fr">politique de cantonnement</a> par le gouvernement français à la même époque alimente le climat insurrectionnel. Une réorganisation foncière est en effet envisagée afin de pallier le poids néfaste de la pénitentiaire sur la colonisation de peuplement. En reléguant les Kanaks dans des réserves indigènes, l’administration coloniale souhaite favoriser l’arrivée de nouveaux colons en leur attribuant les terres les plus fertiles.</p>
<p>Cette deuxième vague de migration aurait pour but de redynamiser le territoire en créant une société nouvelle mêlant « honnêtes » migrants et proscrits. Dans le cadre du <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes-2017-2-page-21.htm">régime de l’indigénat</a> imposé par la France à ses colonies par décret du 18 juillet 1887, un régime d’exception est établi en Nouvelle-Calédonie. Le code de l’indigénat distingue dès lors les citoyens français (métropolitains) et les sujets français (Kanaks et travailleurs immigrés). Soumis à la loi française, les <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1998_num_85_319_3652_t1_0172_0000_2">Kanaks</a> ne jouissent pas de la citoyenneté française et sont privés de la majeure partie de leurs libertés et droits politiques. Selon Isabelle Merle :</p>
<blockquote>
<p>« Le code a assujetti les autochtones aux travaux forcés, à l’interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts de capitation sur les réserves et à un ensemble d’autres mesures tout aussi répressives. […] En somme, on peut dire que le colonialisme pratique en Nouvelle-Calédonie s’apparentait à une sorte d’esclavage des populations autochtones : celles-ci furent dépouillées de toute leur identité. »</p>
</blockquote>
<h2>La reconquête identitaire</h2>
<p>En 1931, l’expérience controversée de la colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie s’achève avec la fermeture du dernier <a href="https://criminocorpus.org/fr/expositions/bagnes/nouvelle-caledonie-le-bagne-oublie/">centre pénitentiaire</a>. Il faut attendre l’avènement de la IV<sup>e</sup> République pour que la Nouvelle-Calédonie soit reconnue comme un territoire d’outre-mer. Si les Calédoniens, y compris les Kanaks, deviennent citoyens français, ce n’est qu’en 1957 que l’ensemble de la population mélanésienne accède au droit de vote.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/H9d09Mv7wCU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Il y a 30 ans, la sanglante prise d’otage d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans les années 1970, une nouvelle vague d’immigration creuse le fossé entre métropolitains et Kanaks, symbolisé par l’apparition d’un nouveau mot : <a href="https://www.persee.fr/doc/mots_0243-6450_1997_num_53_1_2446">Caldoche</a>. Plusieurs mouvements indépendantistes se cristallisent autour de revendications foncières ; le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLKNS) porte alors un projet d’accès à l’indépendance en revendiquant l’émancipation du peuple kanak. Il propose pour ce faire la création d’un État libre et souverain appelé Kanaky. En 1984, le FLNKS annonce la constitution d’un gouvernement provisoire en réaction au statut Lemoine. Les années 1984-1988 se caractérisent par plusieurs conflits politiques qui se soldent par la <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/assaut-grotte-ouvea-nouvelle-caledonie-grand-format-582367.html">tragédie d’Ouvéa</a>. Après cet épisode dramatique, le gouvernement français et les partis politiques séparatistes de Nouvelle-Calédonie négocient les Accords de Matignon. En 1998, une révision constitutionnelle est finalement organisée par les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000555817/">Accords de Nouméa</a> pour mettre en œuvre une « politique de destin commun » pour ces communautés :</p>
<blockquote>
<p>« La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité […]. Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun. »</p>
</blockquote>
<h2>La reconnaissance d’une citoyenneté calédonienne</h2>
<p>Une « citoyenneté calédonienne » et une souveraineté fondée sur un « destin commun » constituent le socle de ces Accords. Un transfert progressif des compétences non régaliennes est organisé de l’État français aux institutions calédoniennes, surveillées par un Haut-commissaire, nommé par décret présidentiel, dont les membres sont élus par les électeurs inscrits sur les listes provinciales. Telles sont les dispositions de l’article 188 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000393606/2020-11-10/">loi organique</a> du 19 mars 1999.</p>
<p>Selon les Accords, la pleine reconnaissance de l’identité kanake passe par l’élaboration de « lois du pays ». Elles sont adoptées par le Congrès et promulguées par le Haut-commissaire, avec le contreseing du président du gouvernement. Elles ont force de loi dans les domaines définis à l’article 99 de la loi organique, notamment le <a href="http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/la-coutume-judiciaire-en-nouvelle-caldonie-aux-sources-dun-droit-commun-coutumier/">statut civil coutumier</a>, le régime des terres coutumières et palabres coutumiers ou encore la délimitation des aires coutumières. Outre la reconnaissance d’une souveraineté « partagée », les accords prévoient l’organisation d’un référendum d’autodétermination 20 ans plus tard.</p>
<p>Le 4 novembre 2018, 56,7 % des habitants s’y sont opposés. Cette année, 11 000 votes supplémentaires se sont prononcés en faveur de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, bien que le non l’ait emporté. Les résultats par province nous interrogent par ailleurs sur l’efficience de la politique de destin commun. Ils révèlent la persistance de clivages, notamment géographiques, qui s’expliquent à travers le prisme de son histoire. Si le non l’emporte à 70,9 % dans la Province du Sud, 77,8 % des habitants de la Province du Nord et 84,3 % de la Province des Îles se sont prononcés en faveur de l’indépendance, territoires où vit une part importante de la population kanake. <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/second-referendum-le-bilan-positif-de-l-union-caledonienne-881420.html">L’Union calédonienne</a>, satisfaite de l’obtention de nouvelles voix en faveur de l’indépendance, a déjà formulé ses vœux en faveur de l’organisation d’un troisième référendum d’ici 2022.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149219/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clotilde Fontaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Nouvelle-Calédonie, un Territoire d’outre-mer dont les problématiques actuelles s’expliquent à travers le prisme de l’histoire du droit colonial.Clotilde Fontaine, Historienne du droit - Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche (ATER Postdoc), Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1459072020-11-01T17:00:03Z2020-11-01T17:00:03ZComprendre la pandémie de surpoids et d’obésité qui touche le Pacifique insulaire : l’exemple de la Nouvelle-Calédonie<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>La région pacifique subit une transition socio-économique très rapide qui bouleverse le mode de vie des populations insulaires et impacte lourdement leur santé. Aujourd’hui, sept des dix pays les plus touchés par l’obésité dans le monde se situent dans le Pacifique.</p>
<p>La Nouvelle-Calédonie n’est pas épargnée par cette pandémie : plus de 38 % des adolescents calédoniens sont aujourd’hui en surpoids ou obèses. Pourquoi ? Pour répondre à cette question, les chercheurs du <a href="https://lire.unc.nc/fr/cultures-et-comportements-alimentaires-des-adolescents-de-la-nouvelle-caledonie/">Laboratoire Interdisciplinaire en Recherche en Éducation (LIRE)</a> de l’Université de la Nouvelle-Calédonie ont mené une étude interdisciplinaire visant à mieux cerner le mode de vie des adolescents en associant des chercheurs de <a href="https://certop.cnrs.fr/">L’université de Toulouse Jean‑Jaures</a> et du <a href="https://www.sydney.edu.au/charles-perkins-centre/">centre Charles Perkins</a> de l’Université de Sydney.</p>
<h2>Une grande disparité</h2>
<p>La Nouvelle-Calédonie forme un archipel singulier au milieu du Pacifique Sud. Sa population présente de grandes disparités tant culturelles que socio-économiques. Sur ce territoire insulaire, en raison de la diversité des origines ethniques, les pratiques culturelles diffèrent d’une population à l’autre, même si elles s’inscrivent dans un cadre institutionnel commun, fortement marqué par des transferts économiques et culturels français issus de la période coloniale.</p>
<p>Deux modes de vie assez marqués coexistent. L’un est urbain, comparable à celui des pays occidentaux, et concerne une partie importante de la population, localisée en province Sud ou dans les agglomérations les plus importantes de province Nord. L’autre mode de vie est plutôt rural ou tribal. Il concerne notamment la partie de la population mélanésienne qui continue à cultiver les principales espèces horticoles qui formaient la <a href="https://www.nss-journal.org/articles/nss/abs/2010/03/nss10303/nss10303.html">base de l’alimentation traditionnelle en Océanie, principalement des tubercules</a>.</p>
<h2>Une alimentation singulière pour un territoire insulaire</h2>
<p>Plus de 90 % des adolescents de Nouvelle-Calédonie consomment <a href="https://lire.unc.nc/wp-content/uploads/sites/3/2020/09/LIRE-CA_rapport.pdf">trop d’aliments riches en graisse et en sucre</a>. Cette situation s’explique par le contexte particulier de ce territoire, où l’arrivée de certains produits alimentaires transformés tels que boissons sucrées ou produits manufacturés demeure relativement récente. Les aliments produits à l’extérieur de la Nouvelle-Calédonie transitent via le port de Nouméa et l’approvisionnement de certaines tribus isolées est parfois compliqué. C’est en particulier le cas dans les îles Loyauté et les zones rurales éloignées de la ville. Les prix pratiqués dans ces zones sont donc élevés à cause du surcoût dû au transport des marchandises. En outre, les approvisionnements peuvent s’avérer irréguliers.</p>
<p>La conséquence est que ces biens importés, fortement taxés et parfois compliqués à se procurer, ont acquis l’image de produits rares, réservés aux populations urbaines et aisées. Ils sont souvent perçus comme meilleurs que les autres et font l’objet d’intenses campagnes publicitaires accroissant leur désirabilité ce qui a favorisé l’acceptation rapide d’une nourriture industrielle. Par ailleurs, près de <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0214420">30 % des adolescents consomment régulièrement des boissons énergisantes</a> et près de 25 % des adolescents pensent que la consommation de boissons sucrées ne peut pas faire grossir. Les recherches montrent que cette perception erronée du danger d’une alimentation trop sucrée est <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/11/2/452">corrélée à la communauté culturelle et au statut socio-économique</a>, ce qui signifie qu’elle est donc <a href="https://www.mdpi.com/2227-9032/6/3/81">indirectement liée à la culture alimentaire familiale</a>.</p>
<p>Cette image positive des produits industriels a néanmoins tendance à se dégrader, car ils sont aujourd’hui associés non seulement au surpoids et à l’obésité, mais aussi <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/11/2/452">à la perte de référence culturelle</a>.</p>
<p>Soulignons enfin que l’insularité et les pratiques traditionnelles d’échanges favorisent également la consommation d’aliments de proximité tels que les tubercules, les fruits, les poissons, ou la viande de cerf. Ces aliments sont généralement produits dans les zones rurales ; les contraintes géographiques sont donc des facteurs déterminants pouvant expliquer les choix alimentaires, ou l’absence de choix.</p>
<h2>Activité physique et sédentarité</h2>
<p>L’étude des cultures alimentaires a montré que la consommation des boissons sucrées de type soda et d’aliments riches en gras et en sucre pouvait être liée à un <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanwpc/article/PIIS2666-6065(20)30025-0/fulltext">usage important des écrans</a>. En effet, la prise de poids est favorisée par la sédentarité, elle-même souvent associée à l’utilisation excessive des nouvelles technologies.</p>
<p>Dans ses recommandations internationales l’Organisation mondiale de la santé indique que les enfants et les adolescents âgés de 6 à 17 ans devraient faire 60 minutes ou plus d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse chaque jour, y compris de l’endurance tous les jours et des activités qui renforcent les os (comme la course ou le saut) – trois jours par semaine, et qui développent des muscles (comme grimper ou faire des pompes) – trois jours par semaine.</p>
<p>Or, en Nouvelle-Calédonie, la moitié des adolescents ne suit pas ces recommandations et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1010539517735414">a un impact sur leur condition physique</a>. Peu d’adolescents ont une activité physique régulière suffisante dans la journée : l’intensité d’exercice quotidien de <a href="https://mhealth.jmir.org/2019/12/e14854">plus de 85 % des filles et 75 % des garçons est insuffisant</a>. Il est donc urgent de promouvoir l’activité physique, afin d’augmenter leurs dépenses énergétiques.</p>
<h2>Facteurs psychologiques et mode de vie</h2>
<p>Outre les comportements alimentaires et l’activité physique qui composent le mode de vie, le sommeil joue également un rôle prépondérant dans l’émergence de l’obésité. En effet, lorsque le sommeil n’est pas optimal,la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanwpc/article/PIIS2666-6065(20)30025-0/fulltext">dépense énergétique est affectée</a> : les personnes privées de sommeil ont tendance à se sentir somnolentes et fatiguées pendant la journée, préférant ainsi les activités sédentaires aux activités physiques, ce qui diminue alors la dépense énergétique. La privation de sommeil a aussi un impact négatif sur le métabolisme : elle augmente le taux d’hormone de la faim (ghréline). Les personnes ont tendance à davantage manger, ce qui accroît l’apport énergétique, en particulier lorsque les aliments consommés sont pauvres en nutriments et riches en sucres ou en graisses. À ce jour, le mécanisme exact par lequel la durée du sommeil affecte le surpoids/l’obésité <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/12/7/2047">n’est pas complètement compris</a>.</p>
<p>Des travaux ont montré que 60 % des adolescents de 11 à 15 ans n’atteignent pas les recommandations internationales de 9h30 par jour le week-end <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352721815000157">et 80 % des adolescents la semaine</a>. Le rythme scolaire semble favoriser le manque de sommeil pour certains adolescents. Les adolescents des zones rurales et périurbaines se réveillent très tôt, car l’école commence entre 7h et 7h30. Lorsque le temps de transport scolaire est pris en compte, la durée du sommeil est de facto réduite, avec des heures de réveil entre 5h et 5h30, voire avant 5h chez certaines de ces familles. À ces rythmes observés lors d’une journée scolaire typique, s’ajoute le <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/12/7/2047/htm">mode de vie contemporain à la maison le soir</a> (regarder les médias, passer du temps devant les écrans…), qui peut aussi altérer la qualité et réduire le temps de sommeil.</p>
<p>De même, le rapport au corps et à son image peut influencer la prise inhabituelle de poids. Environ <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12889-016-3982-0">30 % des adolescents de poids normal et 50 % des adolescents en surpoids/obèses sous-estimaient leur poids</a>. C’est particulièrement le cas pour les garçons en surpoids issus des familles à faibles revenus. Les filles de poids normal des régions rurales sont aussi plus susceptibles de sous-estimer leur poids et de se considérer comme « trop minces ». Ces résultats montrent qu’en Nouvelle-Calédonie, la sous-estimation du poids est fréquente chez les adolescents en surpoids et obèse et moins fréquente chez ceux de poids normal.</p>
<h2>Favoriser une éducation à la santé adaptée au contexte multiculturel</h2>
<p>Comme toute autre « éducation à », l’éducation à l’alimentation vise le développement d’une autonomie critique chez l’adolescent, en liant étroitement la construction de savoirs et l’action en lien avec leur environnement socioculturel.</p>
<p>Même si l’éducation nutritionnelle proposée tend à accompagner vers des choix alimentaires liés à l’intériorisation de « normes sociales », ces dernières sont souvent européennes : peu d’outils adaptés au Pacifique insulaire existent et sont mis en place.</p>
<p>La majorité des adolescents calédoniens assimile généralement bien les normes véhiculées par les médias et les discours publics institutionnels tels que « cinq fruits et légumes par jour », ou « manger, bouger ». Ils savent bien distinguer les bons aliments des mauvais aliments pour la santé. Ainsi, comme le montre notre étude, la prise de conscience de ce qui est bon ou mauvais ne se traduit pas forcément par un changement de comportement.</p>
<p>Les attributs culturels et psychosociologiques ont donc une place déterminante dans l’approche éducative. Les facteurs liés à la surcharge pondérale sont nombreux et dépendent eux-mêmes de l’environnement du jeune adolescent : présence des médias, lieu de vie, culture communautaire et/ou familiale, choix personnels, disponibilité de l’offre alimentaire.</p>
<p>L’expérience personnelle ou familiale des adolescents est donc à prendre en considération et à mettre au centre des dispositifs d’éducation à la santé. Des démarches éducatives et pédagogiques engageantes, en interaction avec les acteurs du système scolaire (enseignants, médecins, infirmiers, chefs de cantine, administratifs) et les familles, peuvent avoir un rôle déterminant pour modifier les comportements alimentaires des adolescents.</p>
<p>L’étude des causes du surpoids et de l’obésité chez les adolescents néo-calédoniens est complexe, et requiert les efforts conjugués de spécialistes en éducation, socioanthropologie, biologie, physiologie de l’exercice, information-communication, nutrition, informatique et linguistique. Cette interdisciplinarité est le prix à payer pour collecter des informations scientifiques solides, sur lesquelles les équipes pédagogiques, éducatives et de santé pourront s’appuyer pour proposer un contenu éducatif et pédagogique adapté afin d’encourager les adolescents à s’engager vers des comportements sains correspondant à leurs divers modes de vie.</p>
<hr>
<p><em>Solange Ponidja a également contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145907/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Galy receives funding from Fondation Nestlé France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Akila Nedjar-Guerre, Christophe Serra-Mallol, Fabrice Wacalie, Guillaume Wattelez, Paul Zongo, Pierre Yves Le Roux, Stéphane Frayon et Émilie Paufique ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les pays les plus touchés au monde par l’obésité se situent dans le Pacifique. Comprendre pourquoi nécessite de s’intéresser à la diversité des territoires et des cultures des populations.Olivier Galy, Maître de Conférences en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives, Université de Nouvelle CalédonieAkila Nedjar-Guerre, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, en délégation à l'Université de Nouvelle Calédonie, CY Cergy Paris UniversitéChristophe Serra-Mallol, Maître de conférences en sociologie et anthropologie à l'Université Toulouse Jean Jaurès (UT2J), Université Toulouse – Jean JaurèsÉmilie Paufique, Doctorante STAPS, Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Education (LIRE), Université de Nouvelle CalédonieFabrice Wacalie, Enseignant chercheur en linguistique, Université de Nouvelle CalédonieGuillaume Wattelez, Ingénieur d'études statistiques, Université de Nouvelle CalédoniePaul Zongo, Docteur STAPS-Chercheur associé LIRE, professeur d'EPS à Lifou, Université de Nouvelle CalédoniePierre Yves Le Roux, professeur agrégé d’éducation physique et sportive, Laboratoire LIRE, Université de Nouvelle CalédonieStéphane Frayon, Docteur en endocrinologie, chercheur associé au laboratoire LIRE, Université de Nouvelle CalédonieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470572020-11-01T16:57:44Z2020-11-01T16:57:44ZEn Nouvelle-Calédonie, une gestion millénaire de l’eau en héritage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362630/original/file-20201009-13-zvfakl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2426%2C3195&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affluent de la Hienghène utilisé pour l'irrigation de tarodières traditionnelles cultivées en terrasses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Marine Pizette/IAC</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis 1790, la distribution de l’eau fait partie des <a href="https://davar.gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/la_repartition_des_competences_en_matiere_de_gestion_et_protection_de_la_ressource_en_eau.pdf">compétences communales</a> dans le <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/leau-et-lassainissement">système français de gestion de la ressource en eau</a>. Reposant sur une approche privilégiant les aspects techniques de la ressource, la gestion de l’eau en Nouvelle-Calédonie présente néanmoins quelques particularités qui lui sont propres.</p>
<p>En fonction du <a href="http://www.adraf.nc/component/cartographie/?zone=grande_terre&type=TC&Itemid=120&type=TP">statut du foncier</a> sur lequel s’écoule la ressource, l’eau dépend de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000393606&fastPos=2&fastReqId=1573911060&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte">cadres juridiques différents</a>, dont celui de la <a href="https://www.senat-coutumier.nc/phocadownload/userupload/nos_publications/charte.pdf">Coutume</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362631/original/file-20201009-15-17nk6eu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le statut juridique de la ressource en eau en Nouvelle-Calédonie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">//www.legifrance.gouv.fr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une gestion de l’eau en situation d’interculturalité</h2>
<p>En Nouvelle-Calédonie, des <a href="https://cresica.nc/projet/goutte">recherches</a> sont actuellement menées pour identifier les continuités et les ruptures des modes de gestion de l’eau sur les terres coutumières, qu’ils soient formels ou informels.</p>
<p>De l’histoire ancienne à nos jours, des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=H9vfsVhVnq4">représentations mélanésiennes</a> à l’appréhension techniciste de l’eau, cet article met en lumière quelques éléments de coutume qui influencent la gestion de l’eau, et la manière dont les relations entre les hommes, les techniques et la ressource ont façonné et façonnent encore cette gestion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362910/original/file-20201012-15-1n1krok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de la Nouvelle-Calédonie avec les deux communes cibles de l’étude, D. Coulange, IAC. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de l’étude ethnographique de deux communes calédoniennes, il montre l’importance des <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.916.3397&rep=rep1&type=pdf">positionalités</a> (différents rôles sociaux d’un individu) des acteurs de la gestion de l’eau, ainsi que le lien entre cette gestion et l’espace dans lequel elle s’opère.</p>
<h2>Une pratique millénaire</h2>
<p>D’après les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MnMsFTW7pwo">travaux archéologiques</a> menés sur l’île, l’eau aurait été maîtrisée il y a des millénaires pour l’irrigation des <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/2782?lang=en">tarodières</a> en terrasses. Ces grands ouvrages agricoles sophistiqués font appel à des savoirs locaux et à des représentations qui perdurent jusqu’à nos jours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360293/original/file-20200928-18-jo80f7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tarodières d’Honrôés à Bourail (1974).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://books.openedition.org/sdo/docannexe/image/586/img-5.jpg">A. Saussol, l’Héritage</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Déviée en amont d’un cours d’eau par un système de barrage en pierres, l’eau circulait ensuite dans des canaux creusés dans la terre. Le but était d’irriguer les cultures de taros organisées en escaliers dans les pentes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360295/original/file-20200928-20-jx93ou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Site de tarodières irriguées en terrasses à Hienghène (2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://dtsi-sgt.maps.arcgis.com/apps/webappviewer/index.html?id=da224a6ff1c24c029de4024d7ae8af26">Fond de carte Georep et adaptation Delphine Coulange</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Seuls certains Kanaks (peuple premier de Nouvelle-Calédonie) étaient légitimes à endosser les rôles coutumiers pour s’occuper de ce système d’irrigation, et/ou pour trouver les sources.</p>
<h2>Le concept de « positionalité » pour parler des acteurs de la gestion de l’eau sur terres coutumières</h2>
<p>Les parallèles techniques entre les modalités actuelles de distribution de l’eau potable dans les tribus étudiées et celui de l’eau d’irrigation des tarodières sont nombreux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=211&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=211&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=211&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360296/original/file-20200928-16-4msa7a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma comparé des systèmes de distribution d’eau douce superficiels, traditionnel (irrigation et eau potable) et contemporain (eau potable).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Coulange</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>L’écoulement de l’eau se fait en gravitaire, et les prises d’eau superficielles sont privilégiées. Avec des réservoirs aujourd’hui, ou des bassins à l’époque, l’eau est stockée avant d’être envoyée vers les parcelles et/ou les habitations.</p>
<p>Officiellement et traditionnellement, des individus précis sont chargés d’entretenir ces réseaux d’eau. Ici, le concept de « positionalité » permet de définir les dimensions sociale, coutumière et professionnelle de l’individu responsable de la gestion de l’eau. Traditionnellement et de manière informelle, ces acteurs sont choisis parmi les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00201035/document">clans terriens</a>, donc en fonction de leur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-ZFwtQuf66U">nom</a> et du lieu d’où ils viennent.</p>
<p>Formellement, ce sont des professionnels affiliés soit aux services de l’eau des mairies, soit à des entreprises privées selon le <a href="http://www.eau47.fr/delegation-de-service-public.html">mode de gestion</a> choisi par la mairie. Lorsque l’individu est autant légitime dans sa profession que dans son rôle coutumier, cela renforce la légitimité d’exercer sa fonction, son rôle. Les statuts professionnels et coutumiers s’articulent alors et fluidifient la gestion locale de l’eau.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360297/original/file-20200928-24-12b7mzl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma d’une typologie type de positionalités pour un individu sur terres coutumières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Coulange</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’inverse, des positionalités en « conflit » peuvent générer des difficultés de gestion.</p>
<h2>L’influence du territoire sur la définition des « positionalités »</h2>
<p>De la même manière que le rôle coutumier engage la légitimité d’un individu à gérer la ressource, le territoire circonscrit spatialement cette légitimité. Les rôles coutumiers sont associés à des noms de clans qui dépendent de lieux-dits spécifiques. L’individu, sorti de son territoire, ne peut exercer toutes les dimensions de son rôle.</p>
<p>Très <a href="https://journals.openedition.org/jso/7378">micro-localisés</a>, ces lieux déterminent l’identité kanak, puisque les clans se considèrent comme appartenant à ces lieux. La terre ne se possède pas, c’est elle et les ancêtres qui s’y trouvent qui possèdent les individus. L’eau se fraye ainsi un chemin sur les terres qui appartiennent aux ancêtres, elle est considérée comme « locataire de la terre » d’où elle jaillit et sur laquelle elle circule.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360298/original/file-20200928-20-2edtiy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photo d’un site de tarodières irriguées en terrasses à Hienghène.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marine Pizette/IAC</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://davar.gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/pep_-_synthese_du_schema_dorientation_de_la_pep_0.pdf">Une Politique de l’Eau Partagée (PEP)</a></h2>
<p>Depuis 2018 et la mise en construction de la PEP de la Nouvelle-Calédonie, l’idée principale est de répondre à la fois aux impératifs environnementaux et sanitaires mais également de respecter les représentations et usages culturels variés de l’eau. Le <a href="https://eau.nc/node/113">lien qui unit l’homme kanak à la ressource</a> est au cœur des questionnements en cours.</p>
<p>En prévision des aléas climatiques, et au vu de la répartition inégale de la ressource sur le territoire, les enjeux prioritaires sont la protection et la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8Qi8BDPMpbw">distribution équitable de la ressource en eau</a>, dans le respect des modes de gestion et des spécificités locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147057/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En Nouvelle-Calédonie, la gestion de l’eau prend en compte des coutumes anciennes du peuple kanak.Delphine Coulange, Anthropologue, Équipe Territoires, Acteurs et Usages (TERAU), Institut agronomique néo-calédonienCaroline Lejars, Agro-économiste, UMR Gestion de l'eau, Acteurs, Usages (UMR G-EAU), CiradSéverine Bouard, Géographe, Équipe Territoires, Acteurs et Usages (TERAU), Institut agronomique néo-calédonienLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1474752020-10-08T17:50:41Z2020-10-08T17:50:41ZNouvelle-Calédonie : les réseaux sociaux au cœur du militantisme politique<p>« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». Pour la deuxième fois consécutive, le peuple néo-calédonien vote au référendum d’autodétermination dans le cadre des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2002-1-page-39.htm">Accords de Nouméa</a>. Le premier référendum en 2018 avait conduit à la victoire du « non » à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/04/nouvelle-caledonie-un-taux-de-participation-au-referendum-de-41-81-a-la-mi-journee_5378556_823448.html">57 %</a> et avait montré une fracture territoriale et sociologique en lien avec une répartition ethnique du vote : en faveur du oui dans les îles et le Nord de la Nouvelle-Calédonie où il existe une part importante de la <a href="https://www.isee.nc/population/recensement/communautes">population Kanak</a> et pour le non dans le sud du territoire et particulièrement à Nouméa.</p>
<h2>Une expression politique identitaire</h2>
<p>La question de l’expression politique du vote et de ses configurations dans les différents partis se pose dans ce territoire multiculturel qui subit depuis plusieurs années une transition économique générant des inégalités socio-économiques et ethniques fortes dans le pays, comme le montre <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01374442/document">l’étude</a> de Samuel Gorohouna et Catherine Ris.</p>
<p>Les partis politiques réclamant l’indépendance définissent leurs projets et se positionnent dans une <a href="https://theconversation.com/en-nouvelle-caledonie-la-lutte-continuera-tant-quil-y-aura-des-kanak-106493">revendication identitaire</a> de reconnaissance du peuple Kanak croisée avec une volonté d’autonomie et d’émancipation vis-à-vis de la France sur la base d’un modèle multiculturel. En revanche, une incompréhension ou une incertitude des <a href="https://www.france24.com/fr/20201002-nouvelle-cal%C3%A9donie-les-enjeux-du-second-r%C3%A9f%C3%A9rendum-sur-l-ind%C3%A9pendance">enjeux de cette indépendance</a> et de ses impacts sur le devenir des calédoniens a créé une cristallisation de la question de l’indépendance principalement autour du clivage identitaire.</p>
<p>Pendant la campagne, les attributs identitaires représentés principalement par les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/10/nouvelle-caledonie-l-embleme-national-ne-devrait-pas-etre-approprie-par-un-camp-partisan-et-encore-moins-instrumentalise-dans-une-campagne-electorale_6051657_3232.html">drapeaux kanak ou français</a> ont été fortement présents dans l’espace public tant pour le <em>FLNKS</em>, parti principal indépendantiste, que pour l’union des partis loyalistes en faveur du non : meeting dans les villes des zones urbaines, péri-urbaines et rurales, défilés et cortèges de voitures avec les drapeaux, rencontres-débats avec la population sur tout le territoire.</p>
<p>Mais qu’en est-il de l’expression politique des partis et des militants sur Internet ? Sous quelles formes les discours des partis et les opinions se manifestent dans les réseaux sociaux ? Les <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1230">travaux d’Antonio Casili</a> ont montré que l’opposition entre monde réel et monde numérique est peu pertinente car les espaces informationnels s’articulent aux espaces matériels et particulièrement dans le militantisme.</p>
<h2>Une forte présence du parti indépendantiste sur Facebook</h2>
<p>Facebook est le réseau social qui est de loin le plus utilisé par les habitants du territoire, comme l’indique <a href="https://observatoire-numerique.nc/wp-content/uploads/2020/03/ONNC-R%C3%A9seaux-Sociaux-en-NC-CCI-2020.02.27.pdf">l’Observatoire du Numérique de Nouvelle-Calédonie</a> alors que l’usage de Twitter par les partis politiques est faible contrairement à la métropole. Les comptes Twitter sont parfois ouverts depuis quelques années (cas du <em>FLNKS</em>) mais non alimentés, voire parfois inexistants.</p>
<p>L’usage des réseaux sociaux par les partis renouvelle les moyens de faire campagne, de communiquer avec l’électeur et de le mobiliser.</p>
<p>Sur les <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/six-partis-groupes-politiques-habilites-campagne-referendaire-852026.html">six partis</a> autorisés à faire leur campagne pour le référendum, les trois d’entre eux que nous avons choisis d’étudier représentent globalement l’ensemble des positions sur l’échiquier politique : le parti indépendantiste <em>FLNKS</em>, <em>Calédonie Ensemble</em> (parti modéré) et <em>l’Union des loyalistes</em>, ces deux derniers en faveur du non. Avec un ancrage territorial historique assez fort, ils représentent à eux seuls la grande majorité des Calédoniens votants. Le choix d’étudier la communication numérique sur le réseau Facebook dans la semaine qui a précédé le vote a permis d’évaluer l’expression politique à sa plus forte intensité.</p>
<p>L’étude des pages officielles de ces partis sur le réseau Facebook indique des différences notables et assez révélatrices d’une part de la transition numérique en Nouvelle-Calédonie et d’autre part de ce qui est vécu comme vote identitaire dans le précédent référendum. Avec ses 135 posts dans la semaine du 27 septembre au 3 octobre, <em>FLNKS</em> se positionne largement au-dessus des loyalistes (25 posts) et de <em>Calédonie Ensemble</em> (20 posts).</p>
<p>L’augmentation considérable entre 2018 et 2020 des messages pendant la période qui précède le vote (6 posts seulement en 2018) montre une évolution de la maîtrise de la stratégie digitale du parti indépendantiste avec parfois une <a href="https://www.facebook.com/FLNKSOfficiel/?hc_ref=ARSGFBcmRmfg8R1v02qAlxB69IHBQ_yHGYEnB3z5he_M5-SRyxj8_HxOMGBJd7ObZU8&ref=nf_target&__tn__=kC-R">mise en scène</a> uniquement pour la diffusion numérique en lien avec leur positionnement politique. Par exemple, des militants filmés par un drone forment un « oui » pour l’indépendance.</p>
<p>Cet attrait pour l’utilisation des technologies numériques est saillant dans ce référendum de 2020 par le <em>FLNKS</em>. L’expression sur le réseau relève des modes d’occupation identiques à celui de l’espace public physique. Il en va de nombreuses vidéos des lieux de rencontres et des meetings, à des informations pratiques sur les modalités de transports des votants le jour du référendum, jusqu’à des retranscriptions de passages télévisés de représentants soutien des autres pays en faveur de l’indépendance.</p>
<p>L’usage intense du réseau Facebook pour communiquer avec le plus grand nombre a pour objectif d’orchestrer le <a href="https://www.cesep.be/PDF/ETUDES/ENJEUX/activisme.pdf">militantisme de terrain</a>. Avec ses 13353 abonnés sur Facebook, le parti indépendantiste révèle une communication active sur le numérique avec une augmentation des usages chez des internautes de plus en plus habiles à utiliser ces nouveaux outils : 1350 commentaires et 5460 partages des posts en une semaine pour obtenir l’adhésion et la mobilisation autour d’une cause.</p>
<p>Si le parti loyaliste diffuse beaucoup moins de messages sur leur page à un nombre plus restreint d’abonnés (8702), les commentaires et les partages en revanche, comparativement au nombre de messages, sont beaucoup plus nombreux (1249 et 4143). L’activité en ligne des internautes à travers les clics et commentaires est plus forte chez les personnes européennes constituant l’électoral principal de ce parti par rapport au parti indépendantiste tel qu’on peut l’observer. Les différences d’équipement technologique chez les militants entre ces deux partis traduites par des différences territoriales entre zones rurales et zones urbaines et probablement économiques peuvent expliquer en partie un engagement en ligne plus fort chez les loyalistes militants.</p>
<h2>Une communication numérique partisane</h2>
<p>L’analyse générale des commentaires postés sur les pages des trois partis montre qu’à partir des pages Facebook, Internet n’est ni collaboratif et ni interactif. La parole du militant est largement réduite dans la majorité des commentaires à une adhésion au discours du parti par des commentaires courts et brefs d’encouragements, de remerciements ou de <a href="https://www.cjc-online.ca/index.php/journal/article/view/2955/2671">revendications identitaires</a>, et avec l’usage très important d’émoticônes de drapeaux Kanaky ou français.</p>
<p>Les pages sont davantage une vitrine technique avec une offre d’actions en faveur du militantisme qu’un véritable espace d’échanges. Peu de discussions et de débats entre partisans du oui et du non, pour les trois partis étudiés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1237544235441614848"}"></div></p>
<p>Il en est de même pour la <a href="https://fr-fr.facebook.com/pg/CaledonieEnsembleNC/posts/?ref=page_internal">page Facebook de <em>Calédonie Ensemble</em></a>, dont le peu de commentaires (20) nous informe qu’en dehors de ces formes d’expression identitaire présentes dans les deux autres partis, le cœur du projet autour du « vivre ensemble » suscite très peu de réactions en ligne. On peut penser que les réseaux sociaux des partis sont les lieux des revendications les plus engagées et portent davantage sur des considérations partisanes que sur des positions modérées.</p>
<p>Si les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01119069/">études européennes</a> montrent que les citoyens peu investis politiquement sont aussi peu investis dans la participation en ligne, en revanche, l’engagement politique en Nouvelle-Calédonie et particulièrement dans les zones rurales peut s’exprimer sur le terrain même si les militants n’ont pas accès à Internet.</p>
<p>On ne peut nier les mutations induites par l’usage des réseaux sociaux dans un territoire en pleine transition numérique et leur impact sur les campagnes électorales.</p>
<p>Les nombreuses études politiques françaises et américaines montrent que les médias ne font pas l’élection et ne contribuent pas à modifier les choix des votes mais, en revanche, ils permettent aux partis de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22972300/">mobiliser</a> les internautes dans leurs propres camps pour accroître leur participation. Ceci est d’autant plus vrai sur le territoire calédonien que les votes sont déterminés avant tout par l’appartenance identitaire et par la perception que chacun se fait de sa place dans la Nouvelle-Calédonie si elle devenait indépendante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147475/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Akila Nedjar-Guerre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’expression politique passe de plus en plus par les réseaux sociaux ; qu’en est-il des partis indépendantistes et non-indépendantistes en Nouvelle-Calédonie dans le cadre du référendum de 2020 ?Akila Nedjar-Guerre, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, en délégation à l'Université de Nouvelle Calédonie, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1474732020-10-07T17:22:02Z2020-10-07T17:22:02ZQuelle citoyenneté calédonienne pour l’avenir ?<p>Indépendamment des résultats resserrés du référendum du dimanche 4 octobre 2020 <a href="https://theconversation.com/les-neo-caledoniens-voteront-ils-en-faveur-de-lindependance-cette-fois-ci-147282">référendum</a>, dans un contexte sanitaire et économique délicat, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie passera nécessairement par un débat profond sur l’invention d’une citoyenneté calédonienne. Une manière de revenir sur cette question primordiale du destin commun inscrite dans les <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/8727-les-accords-matignon-du-7-juin-1936">Accords de Matignon</a>, termes vagues évoquant à la fois une nécessité et la recherche d’un équilibre fragile entre communautés, jusque là sous un statut de collectivité d’outre-mers d’une autonomie d’un niveau jamais atteint dans l’histoire républicaine.</p>
<h2>L’affirmation d’une identité kanak</h2>
<p>Si le choix exprimé doit encore être entériné par la suite du processus de Matignon et un vote supplémentaire éventuel, l’enjeu d’une citoyenneté calédonienne ne peut pas se limiter à la <a href="https://www.cairn.info/revue-vacarme-2013-3-page-63.htm">reconnaissance de l’identité kanak</a>, même si cette nécessité et un préalable des <a href="https://www.cairkn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2002-1-page-39.htm">Accords de Nouméa</a>.</p>
<p>Un paradoxe, peu souligné dans les médias concernant la population kanak, est qu’elle est d’un côté dans une situation d’inégalités socio-économiques profondes malgré la <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/3855">politique de rééquilibrage</a> qui visait à les réduire dans les domaines économiques et sociales, entre province Nord et les îles Loyauté majoritairement kanaks et la province Sud, par exemple par une politique de <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2006-3-page-39.htm">discrimination positive</a> dans le domaine de l’éducation. De l’autre, qu’elle bénéficie d’une politique culturelle dont les réalisations tendent quasiment exclusivement à soutenir son affirmation identitaire, bien que d’autres communautés ethniques comme les wallis ou les vietnammiens, soient présentes sur l’archipel de longue date.</p>
<p>Si la politique de rééquilibrage a donné des résultats mitigés socialement et économiquement, elle semble avoir été beaucoup plus positive concernant la reconnaissance culturelle, politique et patrimoniale kanak, malgré le sentiment de frustration toujours vivace chez ces derniers puisque <a href="https://www.revolutionpermanente.fr/Les-Kanaks-votent-oui-a-l-independance-mais-le-non-l-emporte">97 % des partisans</a> du « oui » en 2018, mettent en avant la question identitaire pour motiver leur vote. Il faut d’ailleurs souligner une grande divergence générationnelle à l’intérieur même du vote kanak sur ces points.</p>
<p>Le processus de reconnaissance d’une culture kanak et de son patrimoine, malgré ses insuffisances, a connu des progrès considérables tout au long du XX<sup>e</sup> siècle. À tel point que l’on peut dire que c’est ce processus de patrimonialisation qui a homogénéisé une culture kanak très hétérogène au moment de l’arrivée des colons français en 1853. Une diversité tribale mélanésienne riche de <a href="https://journals.openedition.org/lengas/1179">30 langues vernaculaires</a>, composée de huit aires géographiques, sur un vaste territoire englobant l’île principale, le Caillou, et les 3 îles Loyautés.</p>
<p>La reconnaissance culturelle est un élément même du processus de Matignon effectué avec l’aide de l’État français, concrétisé par l’inauguration hautement symbolique du <a href="http://www.adck.nc/">centre Culturel Tjibao</a> en 1998, renforcé par <a href="https://www.alk.nc/">l’Académie des langues kanaks</a> en 2007, la rénovation du musée de Nouvelle-Calédonie et le conservatoire de l’Igname.</p>
<h2>Une région multiculturelle, une histoire commune</h2>
<p>Cette reconnaissance est à tel point avancée, qu’est apparu depuis quelques années la question d’un « <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/3855">rééquilibrage</a> dans l’autre sens » pourrait-on dire. Débat qui revendique une représentativité plus soutenue des <a href="https://www.nouvellecaledonie.travel/fr/population">cultures non kanaks</a> présentes sur l’archipel depuis plusieurs générations. Européennes bien sûr, mais également, wallis, tahitiennes, vietnamiennes, japonaises, malabars, javanaises. La nouvelle étape qui s’offre au peuple calédonien de ce point de vue culturel serait donc autant celle du rééquilibrage entre deux entités que celle de la culture commune.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YsZ9wke09Do?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Il ne s’agirait bien évidemment pas de nier les effets de la <a href="https://www.lhistoire.fr/la-nouvelle-cal%C3%A9donie-%C2%AB-une-colonisation-pas-comme-les-autres-%C2%BB">domination coloniale française et de ses violences</a>. Les dire et les commémorer pour mieux les dépasser certes, mais surtout, mettre en avant des éléments qui traversent les communautés et qui font histoire commune. Ces éléments ne manquent pas comme le souligne <a href="https://journals.openedition.org/jso/9178">Caroline Graille</a>, qui touchent simultanément toutes les communautés et ont marqué l’histoire et l’identité collective de l’archipel : des faits historiques anciens comme le naufrage de la Monique, plus récemment la <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/accords-poignee-mains-destin-commun-nouvelle-caledonie-598687.html">poignée de main</a> Tjibao-Lafleur que toutes les communautés ont su se réapproprier jusque dans les écoles et sur les murs de nombreuses communes, le patrimoine immatériel commun lié à l’histoire de la mine ou du café, et la reconnaissance d’artistes calédoniens à même de dépasser les clivages communautaires, comme Fly.</p>
<h2>Au delà des questions identitaires, des enjeux internationaux</h2>
<p>Reste que cette question identitaire ne pourra faire non plus l’économie de problématiser son lien historique à la France et de sa dépendance économique persistante, et ceux dans un contexte géopolitique tendu. Les enjeux locaux du référendum sont en effet indissociables des échelles régionales et internationales dans lesquelles l’avenir de la Nouvelle-Calédonie se joue tout autant, notamment, par exemple, suite à l’implantation d’une <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/04/30/les-occidentaux-inquiets-face-a-la-presence-de-la-chine-dans-le-pacifique-sud_5292434_3216.html">base militaire chinoise au Vanuatu</a>, État indépendant le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/02/la-chine-lorgne-la-nouvelle-caledonie-et-ses-reserves-de-nickel_6054537_823448.html">plus proche</a> de la Nouvelle-Calédonie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313380982393901056"}"></div></p>
<p>Le défi est de taille, mais il sera sans nul doute à nouveau aidé par le temps, au moment où toujours plus de personnes surtout des <a href="https://www.province-nord.nc/sites/default/files/parutions/Etre%20jeune%20en%20province%20Nord.pdf">jeunes</a>, ne se déclarent pas membres d’une communauté, mais soit métisse (23 000 personnes au recensement en 2014), soit calédonien (20 000 personnes au recensement de 2014 soit 15 % de la population).</p>
<p>Faire culture est toujours savoir évoluer selon un processus incertain, et de considérer ces jeunes calédoniens tournés à la fois vers l’Europe, l’Australie et l’Océanie qui nous rappellent que nous sommes au XXI<sup>e</sup> siècle et que la culture calédonienne est également inscrite dans le monde.</p>
<p>Pour construire une culture commune qui ne se cantonne pas à la réification d’éléments du passé avec ses crispations identitaires, mais qui sache également prendre en compte la créativité contemporaine calédonienne sous toutes ses formes. La politique culturelle devient alors un enjeu majeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147473/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vers quelle citoyenneté, la Nouvelle-Calédonie caractérisée par son multiculturalisme et un contexte social et historique complexe, doit-elle se tourner ?Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472822020-10-01T18:51:43Z2020-10-01T18:51:43ZLes Néo-Calédoniens voteront-ils en faveur de l’indépendance cette fois-ci ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361070/original/file-20201001-16-1ixnino.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C20%2C3468%2C2080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Mathurin Derel/AP</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-mercredi-30-septembre-2020">Le 4 octobre</a>, les habitants de la Nouvelle-Calédonie se rendront aux urnes. Pour la deuxième fois en deux ans, il leur sera demandé s’ils souhaitent continuer à être rattachés au territoire français ou s’ils veulent obtenir leur indépendance.</p>
<p>Lors du premier vote, en novembre 2018, <a href="https://theconversation.com/en-nouvelle-caledonie-la-lutte-continuera-tant-quil-y-aura-des-kanak-106493">57 % des électeurs</a> s’étaient prononcés en faveur du statut-quoi, c’est-à-dire le maintien de leur appartenance au territoire français. Alors que certains sondages préréférendaires suggéraient que 75 % des Néo-Calédoniens étaient favorables à la préservation de leur lien avec la France, on constate qu’il existe une part importante de la population (43 %) pour qui cet attachement ne relève pas d’une évidence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1311561548154966016"}"></div></p>
<p>Rappelons que ces référendums se déroulent dans le cadre de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2002-1-page-39.htm">l’Accord de Nouméa</a>, un accord signé par la France en 1998 qui permet aux Néo-Calédoniens de réaliser trois référendums sur l’indépendance. Si le « Non » l’emporte encore une fois cette année, un troisième référendum sera très probablement organisé en 2022.</p>
<h2>L’indépendance est-elle possible ?</h2>
<p>Les référendums ont lieu à des intervalles très rapprochés, pourtant un certain nombre de points importants ont changé. Les élections locales, qui se sont tenues l’année dernière, ont accentué la polarisation entre les partisans et les opposants de l’indépendance.</p>
<p>Dans le camp du « Non », une alliance de six groupes politiques s’est réunie sous l’égide des <a href="http://outremers360.com/politique/referendum-de-nouvelle-caledonie-les-loyalistes-une-alliance-de-six-partis-politique-pour-le-non-a-lindependance/">« loyalistes »</a>. Du côté des « Oui" », les partisans travaillent davantage à l’implication politique des jeunes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360721/original/file-20200930-22-1vssklb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des Néo-Calédoniens aux urnes en 2018 ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mathurin Derel/AP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, il semblerait que la « lutte » pour l’indépendance tient davantage à cœur l’ancienne génération des Kanaks et que les plus jeunes, nés après les violences des années 1980, lorsque les Kanaks se sont révoltés <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/nouvelle-caledonie-165-ans-dune-histoire-mouvementee">contre la domination française</a>, ne s’en soient pas vraiment appropriée.</p>
<h2>Réactions métropolitaines</h2>
<p>En France, le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/referendum-en-nouvelle-caledonie-le-depute-didier-quentin-demande-au-gouvernement-de-clarifier-sa-position-876016.html">nouveau premier ministre</a>, Jean Castex, ainsi que le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/sebastien-lecornu-homme-dialogue-face-enjeu-du-nickel-nouvelle-caledonie-851166.html">nouveau ministre de l’outre-mer</a>, Sébastien Lecornu, ne semblent pas particulièrement impliqués sur le sujet ni sur les problématiques liées à <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/5856">l’autodétermination</a> contrairement à <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvelle-caledonie-evoquee-emotion-edouard-philippe-lors-son-depart-matignon-850164.html">Édouard Philippe</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360719/original/file-20200930-20-aq3nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Emmanuel Macron en visite en Nouvelle-Calédonie quelques jours avant le vote de 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Theo Rouby/AP</span></span>
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</figure>
<p>Côté Nouvelle-Calédonie, certains estiment que la question n’est pas <a href="https://insidestory.org.au/new-caledonias-bleu-blanc-rouge-vote/">prioritaire</a> pour la France pour le moment.</p>
<p>Cependant, à quelques jours du vote, certains membres de la droite en France se sont prononcés avec vigueur contre l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. <a href="https://www.lepoint.fr/politique/marine-le-pen-exhortent-les-caledoniens-a-voter-non-a-l-independance-25-09-2020-2393528_20.php">Marine Le Pen</a> a même souligné qu’un vote en faveur de l’indépendance conduirait à l’incertitude et au danger. Elle fait ici référence, entre autres, à la convoitise chinoise pour les richesses de cette région.</p>
<p>Jean Castex a quant à lui déclaré qu’il rencontrerait les dirigeants politiques de la Nouvelle-Calédonie après le référendum.</p>
<h2>Quel avenir économique ?</h2>
<p>Un aspect essentiel du débat sur l’indépendance est de savoir quel avenir économique sera réservé à la Nouvelle-Calédonie. <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/nouvelle-caledonie/referendum-en-nouvelle-caledonie-le-flnks-veut-une-transition-de-3-ans-en-cas-d-independance-6927738">Magalie Tingal</a>, membre du Congrès provincial du Nord, rappelle ainsi que la France ne fournit actuellement que 10 % du budget du territoire.</p>
<p>Le niveau de développement reste néanmoins plus élevé que dans les pays voisins de Vanuatu et des îles Salomon – du moins en ce qui concerne la capitale Nouméa et ses alentours, du fait de la mainmise française.</p>
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<figcaption><span class="caption">Qui sont le Kanaks ?</span></figcaption>
</figure>
<p>Reste que le mouvement indépendantiste s’inquiète d’un manque d’équité dans la distribution des <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-decolonisation-conversation">ressources et services</a> sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones à prédominance kanake.</p>
<h2>La Covid-19 incitera-t-elle les électeurs à rester chez eux ?</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 affectera probablement aussi le niveau de contrôle du prochain vote.</p>
<p>En 2018, de nombreuses délégations d’observateurs internationaux en Nouvelle-Calédonie s’étaient déplacées pour le vote, mais cette présence sera cette fois-ci considérablement réduite. Il en va de même pour la couverture éditoriale du vote, notamment au sein des journaux internationaux.</p>
<p>Les observateurs électoraux, ainsi que les fonctionnaires venant de France pour administrer le vote ont été obligés de subir 14 jours de quarantaine à leur arrivée.</p>
<p>Plus important encore, on peut se demander si la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/05/30/coronavirus-le-referendum-sur-l-accession-a-la-pleine-souverainete-de-la-nouvelle-caledonie-reporte-au-4-octobre_6041236_823448.html">Covid-19</a> n’entraînera pas une réduction de la participation électorale, malgré le fait que la Nouvelle-Calédonie n’ait eu aucun cas de transmission communautaire.</p>
<p>En 2018, le taux de participation a été exceptionnellement élevé, plus de 80 %, ce qui explique sans doute un résultat si serré.</p>
<h2>La Chine, attentif voisin</h2>
<p>Les responsables australiens et néo-zélandais n’ont pas pris position à propos du référendum. Cependant, dans les milieux de la sécurité et de la stratégie, on craint qu’une Nouvelle-Calédonie indépendante (également appelée Kanaky par le peuple kanak) attire les intérêts chinois, ces derniers déjà très présents dans la région.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SoE-pZBAJ_M">récent webinaire organisé par l’Université Griffith</a>, les partisans de l’indépendance ont déclaré que celle-ci donnerait au peuple kanak plus de choix en matière de politique étrangère. Or la Chine est déjà le <a href="https://www.challenges.fr/france/la-nouvelle-caledonie-un-territoire-cle-contre-la-chine_623622">premier partenaire commercial de la Nouvelle-Calédonie</a> et il est vraisemblable de penser qu’il s’agit là d’un allié solide sur lequel une Nouvelle-Calédonie indépendante se concentrerait pour établir sa présence internationale en tant que nouveau pays.</p>
<h2>La décolonisation, une affaire inachevée</h2>
<p>La trajectoire de la Nouvelle-Calédonie vers une éventuelle indépendance s’inscrit également dans le cadre d’une discussion plus large qui se déroule dans le Pacifique sur la décolonisation et la souveraineté.</p>
<p>L’année dernière encore, les <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/bougainville-choisit-independance-780465.html">habitants de Bougainville</a> ont voté à une écrasante majorité en faveur de l’indépendance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360723/original/file-20200930-18-1veyxou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les gens font la queue pour voter lors du référendum de Bougainville l’année dernière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Post Courier/AP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il existe des appels en cours pour que les habitants de la Polynésie française aient la possibilité d’obtenir leur indépendance.</p>
<p>En Papouasie occidentale, la <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/01/29/les-activistes-papous-d-indonesie-se-battent-pour-leur-autodetermination_1472302_3216.html">lutte pour l’autodétermination</a> a fait l’objet d’un regain d’attention, le Premier ministre du Vanuatu ayant accusé l’Indonésie de fermer les yeux sur les <a href="https://news.un.org/fr/story/2018/12/1031161">« violations des droits de l’homme »</a> commises durant les manifestations pacifiques, organisées en Indonésie, pour commémorer la fête nationale de Papouasie occidentale, devant l’Assemblée générale des Nations unies.</p>
<p>Ces mouvements sont importants non seulement pour les populations qui vivent dans ces territoires, mais aussi pour la stabilité de la région de manière plus générale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147282/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tess Newton Cain est la chef de projet pour le Pacific Hub du Griffith Asia Institute</span></em></p>Le 2ᵉ référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie aura lieu le 4 octobre 2020. Quels pronostics pour quels résultats ?Tess Newton Cain, Adjunct Associate Professor, Griffith Asia Institute, Griffith UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1433042020-09-08T18:47:58Z2020-09-08T18:47:58ZQuand une statuette féminine devient ambassadrice de la culture kanak<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356907/original/file-20200908-18-15k3o59.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C694%2C460&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La statuette féminine kanak (ici au centre) est visible au musée du Quai Branly à Paris. </span> <span class="attribution"><span class="source">Marion Bertin/Musée du Quai Branly</span></span></figcaption></figure><p>En France, les débats portant sur la restitution des collections muséales acquises dans des contextes coloniaux s’intensifient avec la remise du <a href="http://restitutionreport2018.com/sarr_savoy_fr.pdf">Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain</a>, rédigé par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, au président de la République Emmanuel Macron en 2018.</p>
<p>Ce contexte crée parfois de vives polémiques et témoigne des rôles politiques et diplomatiques prêtés aux objets. Le patrimoine africain n’est pas le seul concerné, en rend compte une statuette féminine kanak en bois datant de la fin de XVIII<sup>e</sup> siècle ou du début du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Cette statue, haute de 19 centimètres, est visible au sein des collections du musée du quai Branly – Jacques Chirac (MQB-JC).</p>
<p>Son usage originel, de même que l’histoire et les conditions de sa collecte, sont incertains et manquent de précisions.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/352762/original/file-20200813-16-1d8thc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le navigateur français Antoine Raymond Joseph Bruny d’Entrecasteaux, portrait (1791) par Charles-Paul Landon, d’après un dessin d’Edme Quenedey (1756–1830).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Bruny_d%27Entrecasteaux#/media/Fichier:Antoine-Raymond-Joseph_Bruny_d%E2%80%99Entrecasteaux.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elle pourrait avoir été rapportée en France par Antoine Bruny d’Entrecasteaux (1737-1793), un des premiers Européens à accoster en Nouvelle-Calédonie en avril-mai 1793, où il acquiert quelques objets dans des circonstances inconnues, comme le rapporte l’historienne de l’art Sylviane Jacquemin dans <a href="https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1990_num_90_1_2870">l’ouvrage</a>, <em>De jade et de nacre</em> en 1990. Cette statuette intègre de manière plus certaine les premiers témoignages d’objets kanak conservés dans les collections nationales françaises.</p>
<p>Plus, tard, la statuette retourne à trois reprises à Nouméa : elle y est présentée dans des expositions en tant que symbole des premières collectes et rare témoignage de statuaire féminine kanak, dont aucun exemple n’est présent dans les collections publiques de la ville.</p>
<h2>Un patrimoine kanak hautement politique</h2>
<p>En Nouvelle-Calédonie, la culture et les objets du patrimoine kanak jouent un rôle déterminant dans l’affirmation politique autochtone qui émerge à partir des années 1970 dans le prolongement d’un mouvement indépendantiste, notamment pour le leader politique kanak Jean‑Marie Tjibaou (1936-1989).</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean‑Marie Tjibaou, pionnier de la lutte indépendantiste kanak (INA).</span></figcaption>
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<p>La définition d’un patrimoine kanak uni apparaît à cette époque. Elle fait suite à un rejet des cultures kanak par les colons, au départ et à la dispersion d’objets anciens et, pour certains, leur disparition locale.</p>
<p>De vives tensions entre partisans d’une Nouvelle-Calédonie française et aspirants à l’indépendance marquent les années 1980 et culminent entre 1984 et 1988, période nommée par euphémisme les <a href="https://journals.openedition.org/jso/1259#xd_co_f=MjgzYjBjYmVlYzk1ZjJjNWRlNzE1NjEzNjc4NjgzMTQ">« Événements »</a> durant laquelle se multiplient les affrontements.</p>
<p>Les accords politiques ultérieurs encadrés par l’État français placent la culture kanak au cœur des enjeux institutionnels et statutaires.</p>
<p>La reconnaissance culturelle est l’un des principaux socles des accords de <a href="http://www.mncparis.fr/uploads/accords-de-matignon_1.pdf">Matignon-Oudinot en 1988</a>, symboles d’un rééquilibrage politique, culturel et social : ils prévoient la création de <a href="http://www.adck.nc/presentation/lagence-de-developpement-de-la-culture-kanak/presentation">l’Agence de développement de la culture kanak</a> (ADCK) – afin de valoriser et de promouvoir les pratiques anciennes et contemporaines – et du <a href="http://www.adck.nc/">Centre culturel Tjibaou</a> (CCT), son principal instrument à Nouméa.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nB5VVdRgSvE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Une hâche vivante », explications par Nidoïsh Naisseline, ex grand chef à Maré, pour l’association Boutures de Paroles KANAK.</span></figcaption>
</figure>
<p>En prenant le nom de Tjibaou, le CCT s’inscrit dans la continuité de l’homme politique. L’accord de Nouméa, signé en 1998, consacre son premier point à « l’identité kanak » et souligne le devoir de l’État français de</p>
<blockquote>
<p>« favoriser le retour en Nouvelle-Calédonie d’objets culturels kanak qui se trouvent dans des musées ou des collections, en France métropolitaine ou dans d’autres pays ».</p>
</blockquote>
<p>Est également intégrée l’idée du « destin commun » entre les communautés du territoire en vue de leur autodétermination, défendue par Jean‑Marie Tjibaou.</p>
<p>Cette idée irrigue la gestion du patrimoine kanak, pensée autour de la coopération et de l’entente.</p>
<h2>Une circulation des objets dans une logique de représentation</h2>
<p>Plutôt qu’une demande de retours définitifs des objets, les différents acteurs concernés vont privilégier le développement de collaborations entre musées, afin de permettre la circulation des objets et le maintien d’une représentation kanak à travers le monde.</p>
<p>À l’aube de cette initiative figure le repérage des objets, débuté dans les années 1970 par l’ethnologue Roger Boulay à la demande de Jean‑Marie Tjibaou en vue de constituer un Inventaire du patrimoine kanak dispersé, rassemblant les objets conservés dans des musées internationaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/353635/original/file-20200819-22-f78lxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La statuette est représentée sous le numéro deux dans la légende. « Monuments des arts du dessin chez les peuples tant anciens que modernes, Denon, Vivant, 1747-1825 ; Duval, Amaury, 1760-1838.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archive.org/details/Monumentsdesartt1Deno/page/n57/mode/2up">Archive.org/Monuments des arts du dessin chez les peuples tant anciens que modernes</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les résultats initiaux sont présentés en 1990-1991 lors de l’exposition <em>De jade et de nacre</em>, qui se tient d’abord au musée territorial de Nouvelle-Calédonie (MNC) à Nouméa, puis au musée national des arts d’Afrique et d’Océanie à Paris, et permet le retour temporaire en Nouvelle-Calédonie de 250 objets kanak anciennement collectés dans diverses circonstances, dont cette statuette.</p>
<h2>Des retrouvailles symboliques</h2>
<p>Cette exposition est conçue comme une forme de <a href="https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1992_num_95_2_2627_t1_0280_0000_3">« retrouvailles »</a> par les populations kanak avec les objets, qui sont autant de représentants de leurs ancêtres et de leurs créations.</p>
<p>Elle est inaugurée par les autorités coutumières, statutairement habilitées à prendre la parole dans un contexte kanak, par une « coutume », une cérémonie de dons accompagnée de discours qui marquent l’accueil et la protection des objets exposés.</p>
<p>Cette cérémonie ouvre une alliance et un cycle d’échanges entre clans kanak et musées, notamment hexagonaux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ya1UBtAtyiA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La collection kanak du Musée de Cherbourg, Boutures de Paroles KANAK.</span></figcaption>
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<p>Les objets kanak sont alors investis d’une nouvelle fonction d’« ambassadeurs » culturels hors de Nouvelle-Calédonie, expression attribuée à Jean‑Marie Tjibaou et reprise en 1990 par l’autorité coutumière kanak, dont Octave Togna, le directeur de l’ADCK, dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6559503j?rk=21459">son discours d’inauguration</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ces objets représentent le sang, la pensée et la racine de nos pères. Ils ne sont que de passage ; c’est important si l’on veut faire connaître la culture kanak de par le monde et faire savoir qui sont les hommes de ce pays et à qui appartient le pied qui marche sur cette terre. C’est peut-être mieux que cela se passe ainsi. Nos ancêtres ont laissé partir ces choses et certains l’ont peut-être fait de bon cœur. Laissons-les être nos ambassadeurs. »</p>
</blockquote>
<p>Ce passage illustre les conceptions kanak de l’échange et du don, qui doivent être entourés de paroles qui leur donnent sens. Or, les renseignements sur les modalités de collecte sont rares et les paroles inconnues, ce qui explique la défiance à demander le retour définitif d’objets collectés par le passé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CuLlk-_DhHU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Fière aujourd’hui d’être kanak », Marie-Claude Tjibaou, veuve de Jean‑Marie Tjibaou, Boutures de Paroles – KANAK.</span></figcaption>
</figure>
<p>La statuette fait fort impression à Nouméa auprès du public kanak, où la statuaire de petite taille est oubliée et davantage assimilée à une production européenne. Les statuettes féminines sont également rares, ce qui ajoute à son importance.</p>
<h2>« Objet ambassadeur »</h2>
<p>L’expression « objet ambassadeur » porte en elle un devoir de représentation de la parole et de la culture kanak auprès d’interlocuteurs plus ou moins lointains, avec la possibilité d’un retour régulier auprès des descendants des populations qui les ont créés, en restant la propriété des musées qui les conservent.</p>
<p>Cette idée permet de valoriser la signification kanak des objets en même temps que leur appréciation par un public européen.</p>
<p>La statuette fait partie des objets remarquables investis de cette mission particulière, par son ancienneté et son histoire.</p>
<p>Elle est à nouveau exposée au CCT entre 1998 et 2001, lors de l’exposition inaugurale de la salle Bwenaado, « rassemblement coutumier » en langue cèmuhî, l’une des langues kanak parlée sur la côte est. Cette salle est exclusivement réservée aux retours temporaires du patrimoine dispersé et conservé dans des musées internationaux.</p>
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<figcaption><span class="caption">La cérémonie d’ouverture de l’exposition Kanak, l’art est une parole, NC La 1ʳᵉ, 2014.</span></figcaption>
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<p>Le troisième et dernier retour de la statuette en Nouvelle-Calédonie advient en 2014, lors de l’exposition <em>L’art est une parole</em>, organisée conjointement par le MQB-JC et le CCT sous le commissariat de Roger Boulay et d’Emmanuel Kasarhérou.</p>
<p>Cette statuette et sa trajectoire illustrent les conceptions kanak liées à l’échange, à la circulation et aux propriétés de représentation des objets, éclairant les choix de gestion contemporaine du patrimoine kanak. La circulation des objets permet <a href="https://journals.openedition.org/cel/5438">leur partage</a> entre des musées d’adoption et leur terre d’origine et la reconnaissance du droit culturel des Kanak à disposer de leur patrimoine dispersé.</p>
<h2>Une diplomatie muséale à explorer</h2>
<p>Le projet des « objets ambassadeurs » témoigne du <a href="https://journals.openedition.org/perspective/9059">rôle des collections muséales</a> dans la <a href="https://journals.openedition.org/culturemusees/783">géopolitique mondiale postcoloniale</a>.</p>
<p>Arrêtée en 2014 pour des raisons principalement budgétaires et logistiques, cette forme de diplomatie muséale trouve ses limites dans les financements.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Xig2QPDKXyo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le conservateur d’origine kanak Emmanuel Kasarhérou a pris la tête du musée du Quai Branly à Paris en mai 2020.</span></figcaption>
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<p>Une telle coresponsabilité, partagée entre musées d’accueil et territoires d’origine des objets, peut-elle être servir de modèle pour d’autres régions ?</p>
<p>Nommé à la tête du musée du Quai Branly–Jacques Chirac en mai 2020, en plein débat sur les possibilités de restituer certains objets du patrimoine africain, Emmanuel Kasarhérou entend <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/reouverture-du-musee-du-quai-branly-le-kanak-emmanuel-kasarherou-pret-a-relever-le-defi-07-06-2020-8331354.php">développer la circulation des collections du musée vers leur territoire d’origine</a>, tout en poursuivant les recherches de provenance afin de mieux connaître les circonstances d’acquisition des objets.</p>
<hr>
<p><em>Billet publié en collaboration avec le <a href="http://blogterrain.hypotheses.org/">blog de la revue Terrain</a>. Dans le numéro 73, <a href="https://journals.openedition.org/terrain/19542">« Homo diplomaticus »</a>, Terrain s’écarte de la diplomatie traditionnelle pour observer des pratiques émergentes, ou non occidentales, en prêtant une attention spéciale aux adaptations et aux inventions des vaincus</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Bertin a reçu des financements de l'École du Louvre et de l'Université de La Rochelle pour ses recherches de terrain menées en Nouvelle-Calédonie, au centre culturel Jean-Marie Tjibaou et au musée de Nouvelle-Calédonie.</span></em></p>En Nouvelle-Calédonie, la culture et les objets du patrimoine kanak jouent un rôle déterminant dans l’affirmation politique autochtone.Marion Bertin, Anthropologue et muséologue, École du Louvre, et Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1288792019-12-18T18:19:23Z2019-12-18T18:19:23ZTout quitter pour les îles : simple tocade ou véritable phénomène sociétal ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307391/original/file-20191217-58292-2styaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=63%2C15%2C5240%2C2966&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les petites îles attirent pour de multiples raisons, mais surtout car elles incarnent des lieux où il semble possible de retrouver une qualité de vie perdue. Raiatea, 2018 </span> <span class="attribution"><span class="source">Nathalie Bernardie-Tahir</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« J’étais traiteur, restauration-traiteur, à Paris. J’en avais marre de travailler comme un fou, d’employer des gens et puis à la fin du mois il me restait plus rien. Ça m’a un peu gavé donc j’ai tout laissé tomber et je suis parti avec mes économies. J’ai monté une rôtisserie, c’est marrant, une rôtisserie de poulets en Nouvelle-Calédonie. J’y suis resté six ans et puis après je suis venu ici, en Polynésie. » (S, Raiatea)</p>
</blockquote>
<p>Tout quitter pour vivre autre chose, autrement, autre part, sur une île… qui n’en a pas rêvé un jour sans jamais oser faire le pas ?</p>
<p>Si ce témoignage relève à première vue d’une tocade isolée, de l’exception qui confirme la règle, la multitude des expériences de ce genre observées dans un grand nombre d’îles, en Bretagne, en Méditerranée, dans la Caraïbe ou en Polynésie française laisse penser qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène.</p>
<p>Bien sûr, il serait caricatural d’y voir, pour l’heure, une lame de fond inversant le sens des mobilités dominantes longtemps polarisées par les centralités métropolitaines.</p>
<p>Pour autant, dans nos sociétés occidentales globalisées, hyper-métropolisées et hyper-connectées, des hommes, des femmes, des familles, sont de plus en plus nombreux à quitter les centres et à rompre avec des vies urbaines fébriles et turbulentes.</p>
<p>Ils font le choix d’un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/13/la-france-des-contre-societes-et-des-oasis_6022697_3232.html">projet de vie alternatif</a>, marqué par de nouvelles unités de temps et de lieu.</p>
<p>Ce ne sont plus désormais des opportunités d’emplois qui constituent le moteur de leur mobilité, mais d’abord et avant tout la recherche d’un environnement préservé et de relations humaines plus fortes.</p>
<h2>L’insularité, un puissant réservoir d’imaginaire</h2>
<p>Les îles, du moins certaines d’entre elles, offrent à cet égard un <a href="https://www.editionspetra.fr/livres/lusage-de-lile">terrain d’étude privilégié</a>.
De fait, après des décennies de déclin économique, de déprise démographique et de marginalisation sociale et politique, liés pour l’essentiel aux contraintes de l’isolement et de l’exiguïté, certaines petites îles sont aujourd’hui le théâtre d’une reprise sensible, expression d’un changement de regard des sociétés occidentales et d’une nouvelle forme d’attractivité territoriale.</p>
<p>Précisons d’emblée que ce mouvement de retour/renaissance n’est pas l’apanage des petits territoires insulaires et s’observe plus largement dans un grand nombre d’espaces ruraux <a href="https://www.theses.fr/2014LIMO0026">européens</a> ou <a href="http://www.theses.fr/2019LIMO0003">américains</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gENrutTpgeQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Il existe un regain pour les modes de vie alternatifs et autonomes en Europe ou aux États-Unis.</span></figcaption>
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<p>Pour autant, l’insularité forme un puissant réservoir d’imaginaire fondé sur une altérité objectivée par l’apparente discontinuité marine. En d’autres termes, l’île affiche une différence paraissant d’autant plus évidente et « naturelle » qu’elle se voit, matérialisée par la barrière marine qui la sépare du continent.</p>
<p>La topographie tend ainsi à essentialiser une topologie spécifique, faisant de l’île le lieu de toutes les utopies, au sens de l’étymologie grecque <em>u-topos</em> (sans lieu, nulle part) <a href="http://journals.openedition.org/clio/1762">explorée par Thomas More</a>.</p>
<p>La prégnance des représentations occidentales de l’idéalité insulaire joue ainsi incontestablement un rôle important dans ce renouveau des îles comme lieux où une nouvelle vie, plus harmonieuse et humaniste, est possible.</p>
<h2>La Polynésie française attire des profils variés</h2>
<p>La Polynésie française, sans doute plus encore que tout autre espace insulaire ou archipélagique, incarne, pour les non-Polynésiens, à la fois la distance, l’isolement, et une forte puissance représentationnelle.</p>
<p>Qui sont donc ces nouveaux « nomades des îles » rencontrés à Raiatea et à Tahaa dans l’archipel des Iles-Sous-Le-Vent, ou encore à Rurutu dans les Australes ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307177/original/file-20191216-124041-1jyp64l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des îles de Polynésie française.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nathalie Bernardie-Tahir</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les profils sont très variés, comme les <a href="https://www.unilim.fr/recherche/2017/11/13/envidiles/">enquêtes</a> menées dans le cadre du programme de recherche ENVId’îles ont pu le montrer : des profs du secondaire en contrat pour deux ou quatre ans, des personnels (para-)médicaux (infirmier·e·s, médecins, ostéopathes, kiné, sages-femmes…), des retraités, des plaisanciers au long cours qui, des années durant, ont sillonné les mers du monde avant de jeter l’ancre en Polynésie, des woofers, des entrepreneurs, des jeunes, des moins jeunes, des femmes, des hommes, seuls ou en famille…</p>
<p>Bien sûr, il y a dans leurs récits des fêlures personnelles, des ruptures ou accidents de la vie qui ont souvent précipité ces changements de cap et les ont conduits non seulement à tout quitter, mais aussi à s’installer le plus loin possible pour (se) reconstruire – la Polynésie étant de ce point de vue l’espace idéal aux antipodes de la Métropole.</p>
<p>Pour autant, quels que soient leur trajectoire personnelle et leur milieu social et professionnel, ils ont en partage un certain idéal : retrouver une qualité de vie perdue. Celle-ci se décline diversement.</p>
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<figcaption><span class="caption">S’expatrier en Polynésie française, un projet pas si fou que ça….</span></figcaption>
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<h2>Une nature fantasmée</h2>
<p>La recherche d’un environnement naturel préservé en constitue indiscutablement l’une des premières facettes. Pour la majeure partie d’entre eux, l’île se confond même avec la nature qui revêt tout à la fois une dimension esthétique forte et constitue un support de pratiques sportives réalisées pour une grande part dans le lagon et en mer.</p>
<blockquote>
<p>« Moi, je préfère me réveiller le matin et voir le lagon, prendre le kayak pour aller juste en face… les couleurs du lagon, ça va du bleu au vert… c’est beau. Je ramasse du bois flotté, des coquillages… Je préfère ça que de me réveiller dans mon 25m<sup>2</sup> à Paris. » (A, Raiatea).</p>
</blockquote>
<p>Retisser du lien social, repenser un vivre-ensemble à l’échelle familiale ou plus élargie participent également de ce nouveau projet de vie. Nombreux sont ceux qui évoquent la qualité des relations humaines tout d’abord entre les enfants et les parents (« voir ses enfants grandir » est une phrase récurrente), mais aussi avec les îliens ou avec les autres nouveaux arrivants au travers de nombreux moments festifs en fin de journée ou de semaine. Ce changement de vie passe aussi par une rupture – à des degrés divers, certes – avec la société de consommation, au profit d’une vie plus sobre.</p>
<blockquote>
<p>« On n’a pas du tout les mêmes besoins ici. Les besoins primaires c’est d’aller à la pêche, de manger, de se reposer, d’aller faire un petit tour au motu [petit îlot situé sur la barrière récifale, nda]. » (P, Raiatea).</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307201/original/file-20191216-124041-s7i6u3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rangiroa, Polynésie Française.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pom-angers/32947392238">Pom’/Flickr</a></span>
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<h2>Une sobriété plus ou moins choisie</h2>
<p>Délibérément choisie ou parfois aussi un peu subie, cette sobriété affichée est dans bien des cas la rançon d’un projet individuel ou familial qui passe souvent par une perte de revenus et un processus de déclassement économique.</p>
<blockquote>
<p>« On a beaucoup vécu sur la maison qu’on avait vendue. On avait acheté un petit appartement avec cet argent-là, plus le bateau, et l’argent de la location de l’appartement nous a permis de vivre assez chichement. Ce qui est intéressant aussi parce que tu vas beaucoup plus à l’essentiel. » (A, Raiatea)</p>
</blockquote>
<p>Ces petits territoires insulaires semblent donc continuer à servir de scène au déploiement de nouvelles utopies sociétales, dont il convient malgré tout de nuancer la portée et le périmètre et d’en souligner les apports et les déviances potentielles.</p>
<p>Celles-ci émanent en effet le plus souvent d’élites occidentales, disposant pour l’essentiel de forts capitaux sociaux et culturels. Ces groupes sociaux arrivent dans ces territoires avec des représentations et des positionnements spécifiques qui induisent des recompositions sociales et territoriales significatives.</p>
<p>Leurs divers investissements en font des acteurs à part entière de la vie locale, contribuant au développement de l’économie, à la dynamique associative ou encore à la protection environnementale.</p>
<p>Toutefois, leurs regards et leurs pratiques peuvent se révéler en décalage complet avec les modes de fonctionnement des îliens dont une majorité dispose de faibles capitaux économiques et sociaux. L’installation de ces nouveaux arrivants introduit ainsi de nouveaux rapports de domination sociale et politique qui invite à relire les nouvelles modalités de ce vivre ensemble à l’aune d’une réflexion nécessairement <a href="http://journals.openedition.org/norois/6077">critique et postcoloniale</a>.</p>
<p>Si les îles continuent de fasciner les occidentaux en mal de nature et de relations humaines, elles restent d’abord et avant tout des espaces de vie aux aspérités concrètes pour ceux qui les pratiquent au quotidien. « Ceux qui vivent dans l’île sont rarement ceux qui en rêvent » <a href="https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1990_num_19_2_2961">écrivait</a> Joël Bonnemaison (1990).</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre du colloque #Îles2019 du 14 au 19 octobre qui s’est tenu à Brest, Ouessant, Molène et Sein co-organisé par la Fondation de France, l’Université de Bretagne Occidentale et l’Association des Îles du Ponant. Premier réseau de philanthropie en France, la <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr">Fondation de France</a> réunit, depuis 50 ans et sur tous les territoires, des donateurs, des fondateurs, des bénévoles et des acteurs de terrain. À chacun, elle apporte l’accompagnement dont il a besoin pour que son action soit la plus efficace possible.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128879/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Bernardie Tahir est coordinatrice du programme de recherche ENVId’îles (2017-2020), soutenu par la Fondation de France, et qui s’attache à étudier les représentations et projets de vie des nouveaux arrivants dans les îles de Polynésie française.</span></em></p>Tout quitter pour vivre autre chose, autrement, autre part, sur une île… qui n’en a pas rêvé un jour sans jamais oser faire le pas ?Nathalie Bernardie Tahir, Professeure de géographie, Présidente de l'Université des Mascareignes (Maurice), Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068022018-11-29T19:47:20Z2018-11-29T19:47:20ZNouvelle-Calédonie : quelle neutralité des médias publics français ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247920/original/file-20181129-170253-h533qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">plateau edition speciale</span> </figcaption></figure><p>« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » La question a fait l’objet de nombreux articles traitant à la fois de l’historique du <a href="https://theconversation.com/nouvelle-caledonie-un-vote-suivi-de-tres-pres-dans-la-region-pacifique-106114">référendum</a> mais aussi des nombreuses négociations, des résultats (le « non » l’ayant emporté, relançant le débat sur les <a href="https://theconversation.com/en-nouvelle-caledonie-la-lutte-continuera-tant-quil-y-aura-des-kanak-106493">forces kanak</a> en place), la manière dont les médias se sont emparés de la question calédonienne a été plus rarement analysée.</p>
<p>Au-delà de la problématique des inégalités sur le territoire qui touchent principalement les populations kanak concernant le logement et le travail et des efforts réalisés par la France pour l’autonomisation du territoire depuis les accords de Nouméa, c’est la question du sens donné à la décolonisation qui est sous-jacente dans les discours des partis politiques relayés par les médias.</p>
<p>On peut ainsi s’interroger sur la neutralité des médias délocalisés sur le territoire calédonien dès lors que ces médias appartiennent à un groupe français, celui de France Télévisions. Comment ces médias peuvent-ils concilier leur devoir de service public en restant neutres sur la question de l’indépendance alors qu’ils appartiennent au pays colonisateur ?</p>
<h2>Un sujet non prioritaire</h2>
<p>Il faut tout d’abord noter que les médias en France laissent une place insuffisante à la Nouvelle-Calédonie et le peu d’articles proposés dans l’espace public montre un intérêt moindre pour ce territoire situé à plus de 16 000 km de la métropole.</p>
<p>En effet, de décembre 2017 à juin 2018, les grands médias généralistes de l’hexagone n’ont récemment accordé de l’intérêt pour cette question que lorsque l’agenda politique des représentants de l’État impliquait un déplacement sur le territoire : venue d’Édouard Philippe en décembre 2017 sur le caillou, de Manuel Valls en février 2018 et d’Emmanuel Macron en mai 2018.</p>
<p>Le focus exceptionnel sur le référendum montre un intérêt uniquement conjoncturel sans pourtant en faire un sujet prioritaire dans la hiérarchie de leurs actualités. Cette absence de traitement médiatique en amont du référendum est liée en partie à la distance géographique mais elle est aussi significative de l’idée que les pouvoirs politiques et médiatiques français se faisaient du résultat principalement acquis en faveur du « non ».</p>
<p>Ce peu d’informations a justifié notre analyse des médias calédoniens, seuls médias à informer les citoyens du territoire sur la nature et les enjeux du référendum, puisque les médias internationaux, et particulièrement la télévision, <a href="https://www.mediametrie.fr/television/communiques/l-audience-de-la-television-et-de-la-radio-en-nouvelle-caledonie-en-septembre-2018.php?id=1957">sont très peu suivis par les Calédoniens</a>. En tant que spécialiste en information et en communication, il m’était indispensable d’analyser ce traitement à la lumière de ce que j’ai pu observer dans la campagne référendaire médiatisée selon les choix proposés par les supports d’information. Ces derniers permettent-ils aux citoyens d’exercer pleinement leur choix sur cette question référendaire en fonction des informations qui leur sont proposées ?</p>
<h2>Les différentes sources médiatiques</h2>
<p>Pour mieux comprendre le débat public sur le référendum, il est nécessaire de rappeler les sources d’information qui s’offrent aux Calédoniens depuis quelques années. Deux médias dominent le paysage médiatique, l’un pour la télévision et la radio et l’autre pour la presse papier. Le premier, la chaîne Nouvelle-Calédonie la 1<sup>re</sup>, appartenant au groupe France Télévisions, fait une audience supérieure à la deuxième chaîne de télévision spécifique au territoire, <a href="https://www.caledonia.nc/">Calédonia</a> qui est une chaîne privée. Les chiffres de Médiamétrie parus en septembre 2018, cités plus haut, montrent la place de la chaîne publique parmi l’ensemble des médias audiovisuels qui diffusent en Nouvelle-Calédonie.</p>
<p>Quant à l’autre média, il s’agit du quotidien <a href="https://www.lnc.nc/"><em>Les nouvelles calédoniennes</em></a>, seul journal papier sur le territoire, très connu par les Calédoniens. La proximité que les habitants ont avec leur journal est la même relation que l’on peut observer avec certains quotidiens régionaux de l’hexagone et qui montre une certaine popularité du journal auprès des habitants.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du lancement de la chaîne Caledonia.</span></figcaption>
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<h2>La chaîne Nouvelle-Calédonie La 1<sup>re</sup></h2>
<p>Une analyse poussée a été menée au cours de l’année 2018 sur une grande majorité des médias généralistes de métropole et du caillou dont nous porterons notre attention sur certains éléments essentiels de celle-ci à partir des constats observés dans les médias de manière générale.</p>
<p>Notre intérêt porte avant tout sur la chaîne publique NC la 1<sup>re</sup> dont le poids est central dans le paysage audiovisuel en Nouvelle-Calédonie (télévision et radio) et parce qu’elle est une chaîne publique rattachée à France outre-mer traitant de l’actualité locale des DOM-TOM. En tant que chaîne locale, NC la 1<sup>re</sup>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020788471">se doit de répondre à un cahier des charges</a> qui garantit entre autres le respect du pluralisme et le débat démocratique et ceci est d’autant plus vrai que la société est multiple et plurielle.</p>
<p>Dans le contenu informatif proposé par la chaîne et tenant compte de l’adaptation de celle-ci au numérique, les formats sont variés tant sur le contenu (documentaire, émissions-débats, reportages d’actualités…) que sur la forme (articles de presse, séquences courtes filmées de leaders de partis, de paroles d’électeurs…). Une rubrique entière est dédiée au référendum sur le site <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/">Internet de la chaîne</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tSw-w-sPJD8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Walles Kotra, directeur exécutif en charge de l’outre mer à France Télévision, journaliste et Kanak, il s’est intéressé à l’évolution de la société calédonienne.</span></figcaption>
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<h2>Un traitement en faveur du « non »</h2>
<p>Cette ligne éditoriale de la rédaction a conduit à une interprétation des faits qui favoriserait les idées en faveur de la non-indépendance, et un dispositif acquis aux responsables des partis en faveur du non, rodés à la communication politique et maîtrisant les codes du débat médiatique.</p>
<p>Tout d’abord, la question du référendum telle qu’elle est posée induit forcément un cadre proposant deux réponses possibles. Or, les sujets ont été surtout anglés par une interprétation binaire de la question en partageant deux camps positionnés par le « oui » ou le « non » pour l’indépendance. Seuls les partis du « oui » et du « non » ont été invités sur les plateaux de télévision.</p>
<p>Ce cadre permet ainsi d’éviter tout questionnement sur le vote et sa légitimité. Si deux partis en faveur de l’indépendance (sur cinq partis en tout) s’expriment dans les médias en faveur du « oui », les voix qui remettent en cause la légitimité du référendum et appellent aux électeurs à ne pas voter sont très peu mentionnés dans les médias malgré le nombre important d’articles et de vidéos diffusés de manière générale.</p>
<p>Pourtant, le référendum est perçu comme « illégitime » par une petite partie de la population portée principalement par le parti travailliste, à cause de l’effacement de certains Kanaks de la liste de votants rendant minoritaire leur nombre sur l’ensemble des votants. Selon les informations issues du site Internet du parti travailliste, les Mélanésiens devraient être seuls à voter car ce choix doit revenir aux peuples originels du territoire.</p>
<p>« Ils légitiment leur présence en votant eux-mêmes à un référendum qu’ils organisent eux-mêmes » est une des phrases tenues dans les discours du parti travailliste lors d’une rencontre avec l’un des militants la veille du référendum.</p>
<p>« Eux » représentant les responsables des partis politiques et des instances dirigeantes acquis à la non-indépendance. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel qui détermine le temps attribué à chaque liste en fonction de la représentation des partis et groupements politiques au congrès avait d’ailleurs été saisi <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/parti-travailliste-veut-du-temps-antenne-defendre-ses-idees-politiques-636484.html">par le parti travailliste</a> pour que l’espace médiatique qui leur soit réservé soit plus important.</p>
<p>Le deuxième point à souligner est la nature du dispositif télévisuel qui est identique à celui des chaînes métropolitaines de France Télévisions et qui instaure, au sens foucaldien du terme, un certain type de <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Histoires/Surveiller-et-punir">rapports de force</a> entre les acteurs. Ce dispositif vise ainsi à produire des effets normatifs sur les individus par l’ensemble de ces éléments hétérogènes et par les valeurs que ces derniers véhiculent.</p>
<h2>Un déséquilibre entre les acteurs</h2>
<p>En premier lieu, il faut noter l’absence de comptage du temps de parole réservé à chacun des partis et instauré par le CSA permettant un équilibre « équitable » entre les partisans du « oui » et du « non » dans les émissions de débat télévisé. Seul un comptage du temps d’antenne des spots officiels audiovisuels <a href="https://www.csa.fr/Informer/Toutes-les-actualites/Actualites/Nouvelle-Caledonie-Au-coeur-de-l-organisation-de-la-campagne-audiovisuelle-officielle">a été réalisé</a>.</p>
<p>Par ailleurs, seul l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070239&idArticle=LEGIARTI000006353094&dateTexte=&categorieLien=cid">article L49 du code électoral</a> stipule qu’à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est « interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale », évitant aussi la diffusion des chaînes nationales sur le territoire calédonien.</p>
<p>Cette absence de représentativité des voix s’accompagne, parallèlement, d’une prise de partie explicite et implicite dans les articles et les réalisations audiovisuelles sur le référendum.</p>
<p>Si la chaîne principale publique montre des efforts ces dernières semaines pour garantir la représentativité des opinions, probablement dus au regard qu’auraient pu porter les observateurs internationaux (médiatiques et/ou politiques) tels que ceux venant s’assurer de la régularité du scrutin, elle ne reflète pas de la même manière l’ensemble des idées de la société en hiérarchisant et en privilégiant les opinions en faveur du non et les arguments déployés des partis œuvrant dans ce sens.</p>
<p>Un des exemples assez représentatifs concerne la parole donnée aux électeurs à travers de petites réalisations vidéo courtes et dont la multiplication des séquences en faveur du non (beaucoup plus importantes en terme de nombre) est assez révélatrice. En effet, sur 22 vidéos de personnes interrogées (12 Calédoniens vivant sur le territoire et 10 vivant en métropole), à peine 25 % des personnes soutiennent le oui à l’indépendance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247519/original/file-20181127-76752-1royuli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Femmes kanak, 2006. L’opinion des populations kanak n’est pas forcément bien représentée dans les médias y compris sur le territoire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f9/Femmes_kanak2.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p><a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/referendum-nouvelle-caledonie-parole-aux-caledoniens-hexagone-seconde-partie-638676.html">Ces séquences</a> qui donnent la parole tant aux électeurs d’origine européenne qu’aux citoyens kanaks montrent, entre autres, des Mélanésiens qui sont contre l’indépendance ou qui manifestent du doute pour celle-ci.</p>
<p>Nous pouvons imaginer la force des messages loyalistes lorsqu’ils sont portés par les électeurs kanaks eux-mêmes. Lorsque ceux-ci s’expriment pour le oui, leurs discours intègrent bien souvent la volonté du vivre ensemble, effaçant toute opinion considérée comme extrême par le média. D’une manière générale, les médias calédoniens ont polissé le débat en évitant toute position considérée comme critique du « destin commun », de la part des partis politiques autorisés à s’exprimer dans les médias, des journalistes eux-mêmes ou des futurs électeurs à travers leurs paroles choisies.</p>
<h2>Un débat cadré</h2>
<p>Le débat reste ainsi cadré par un certain consensus qui découle des accords de Nouméa et qui exclut toute position qui sortirait de ces accords.</p>
<p>Cette absence de neutralité passe aussi par l’utilisation des sondages réalisés sur le territoire depuis quelques mois donnant un score du « non » bien supérieur à celui du « oui ». Même si les études sociologiques n’ont pas prouvé l’influence directe auprès des électeurs sur leurs choix de vote, leurs références fréquentes par les pouvoirs politiques et les représentants des partis et relayées par les médias montrent que les résultats <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-fabrique-de-l-opinion-une-histoire-sociale-des-sondages-loic-blondiaux/9782020296977">étaient joués d’avance</a>.</p>
<p>Le dernier point concerne les débats politiques dont la communication est un élément fondamental du jeu politique car elle participe à l’information du public et à l’adhésion aux idées présentées par les différents représentants des partis.</p>
<p>Si l’image ne peut satisfaire à elle seule à l’exigence du jeu politique car il faut un discours derrière l’image pour s’assurer de sa bonne diffusion, elle devient essentielle dans l’exercice du pouvoir. Le charisme comme condition du leadership politique associé à l’éthos tel que le décrit <a href="https://journals.openedition.org/corpus/320">Patrick Charaudeau</a> sont des éléments importants dans la construction de la légitimité et de la crédibilité des représentants politiques dans la société occidentale.</p>
<h2>Légitimation de l’ordre établi</h2>
<p>Les médias qui sont des caisses de résonnance de la diffusion des idées dans la société sont incontournables et la maîtrise des codes de la communication médiatique favorise ceux qui sont rodés à l’exercice et dont les critères culturels correspondent à ceux du média dominant.</p>
<p>Cette différence entre les représentants des partis loyalistes et ceux des indépendantistes est forte et repose tant sur des aspects culturels liés à leur communauté d’appartenance que sur l’expérience acquise des médias traditionnels en Nouvelle-Calédonie ou en métropole.</p>
<p>Qu’il s’agisse des Républicains ou des représentants du groupe « Calédonie ensemble » dont le leader <a href="http://caledonie-ensemble.com/philippe-gomes/">Philippe Gomès</a> est un député de la République, la professionnalisation de leur statut politique marque la différence avec ceux des partis indépendantistes de culture kanak plutôt habitués au militantisme de terrain et peu invités au cours de l’année dans les plateaux de télévision.</p>
<p>Enfin, le recrutement social des journalistes de la chaîne publique locale – dont le curriculum vitae montre pour une très grande partie d’entre eux une formation journalistique en métropole- et leur capacité à <a href="https://www.telerama.fr/television/quel-avenir-pour-nouvelle-caledonie-la-1re-apres-le-referendum-dautodetermination,n5856307.php">s’imprégner de l’idéologie</a> des classes dominantes créent de manière consciente ou inconsciente, volontaire ou involontaire, une forme de légitimation de l’ordre établi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Akila Nedjar-Guerre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment les médias français peuvent-ils concilier leur devoir de service public en restant neutres sur la question de l’indépendance alors qu’ils appartiennent au pays colonisateur ?Akila Nedjar-Guerre, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, Cergy Pontoise, en délégation, Université de Nouvelle CalédonieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1071012018-11-27T20:22:11Z2018-11-27T20:22:11ZLe partage de la terre est-il encore un enjeu en Nouvelle-Calédonie ?<p><em>Cet article s’appuie sur les travaux de Céline Cassourret, Juliette Hebenstreit, Camille Sachot, Valentin Napoli, Sciences Po Paris (à paraître dans le <a href="https://cfuhabitat.hypotheses.org/">programme de recherches Communs fonciers urbains pour l’habitat</a>).</em></p>
<hr>
<p>Le référendum du 4 novembre 2018 a révélé qu’une majorité (56,4 %) de la population calédonienne était favorable au maintien de l’archipel dans la République française. Pourtant, les résultats du référendum montrent un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/04/nouvelle-caledonie-un-taux-de-participation-au-referendum-de-41-81-a-la-mi-journee_5378556_823448.html">clivage entre les régions</a> majoritairement kanak, qui ont voté « oui » à l’indépendance, et celles qui sont habitées par des Calédoniens d’origine européenne, qui ont voté non (carte 1). Ce clivage correspond aussi à des disparités socio-économiques : le taux de pauvreté est ainsi de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/03/en-nouvelle-caledonie-des-inegalites-entre-kanak-et-non-kanak-toujours-criantes_5378322_823448.html">52 % dans les îles Loyauté contre 9 %</a> dans la province Sud.</p>
<p>La question du statut des terres kanak et de leur usage reste une actualité brûlante en Nouvelle-Calédonie. Il faut se souvenir que l’identité de chaque Kanak se définit d’abord en référence à une terre, comme l’affirme l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000555817">accord de Nouméa</a> de 1998. Est-ce que les formes récentes de valorisation foncière permettront de réduire les inégalités et de contribuer au « destin commun » des populations de Nouvelle-Calédonie ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247275/original/file-20181126-140513-1l68zc5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cartographie de la répartition des voix lors le référendum de novembre 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_de_2018_sur_l%27ind%C3%A9pendance_de_la_Nouvelle-Cal%C3%A9donie#/media/File:Neukaledonien_Referendum_2018.svg">Furfur/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>La redistribution foncière ne fait pas tout</h2>
<p>Durant la <a href="https://journals.openedition.org/enquete/1571">période coloniale</a>, <a href="https://journals.openedition.org/enquete/1571">des réserves</a> ont été attribuées aux populations kanak (à partir de 1876). Cependant, celles-ci se situaient généralement dans les régions les plus difficiles à exploiter (montagnes, côte Est, îles..), et non sur les meilleurs terrains de la côte Ouest (carte 2). Elles ne couvraient que 8 % du territoire en 1914 selon les <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1992_num_79_295_3015_t1_0298_0000_1">travaux de l’historien Joël Dauphiné</a>.</p>
<p>Dans les années 1970, des mouvements kanak ont émis des revendications hors des réserves. Le gouvernement français a alors lancé en 1978 une <a href="http://www.adraf.nc/9-la-reforme-fonciere">réforme foncière</a>, qui s’est traduite par le rachat de terres par la puissance publique et leur restitution aux tribus mélanésiennes, constituées en Groupements de droit particulier local (GDPL) depuis 1999. Les GDPL sont des structures juridiques regroupant des individus de statut civil coutumier, dotées d’une personnalité morale. Il existe <a href="http://www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/bin/view/Nouvelle-Cal%C3%A9donie/GroupementdedroitparticulierlocalGDPLenNouvelle-Caledonie">341 GDLP fonciers</a> en 2017.</p>
<p>Cependant, la redistribution ne permet pas d’exploiter facilement le domaine coutumier. En effet, ces terres sont inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles (les 4 « i »), ce qui interdit en principe de les vendre, de les hypothéquer et même de les intégrer dans les documents d’urbanisme.</p>
<p>Mais les tenants du respect de la coutume ne sont pas forcément tenants d’un immobilisme. Selon le sociologue <a href="http://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:010017947">Patrick Pillon</a>,</p>
<blockquote>
<p>« Après la lutte politique, l’accession à l’indépendance passe désormais aux yeux du Front de Libération nationale kanak socialiste (FLNKS) par la gestion et l’aménagement du territoire. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246498/original/file-20181120-161630-sze1f8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les terres coutumières, Sciences Po Paris, données ISEE (2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Cassourret, Juliette Hebenstreit, Camille Sachot, Valentin Napoli</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>La conciliation entre coutume et droit commun</h2>
<p>Depuis le début des années 2000, des mécanismes ont été mis en place par les autorités publiques et coutumières afin de mettre en valeur les terres kanak tout en respectant leur statut juridique et leur mode de gouvernance.</p>
<p>À Dumbéa par exemple, troisième ville calédonienne au sud de l’agglomération de Nouméa, 135 hectares ont été attribuées par l’État au GDPL Waka en 1997. Celui-ci souhaitait construire des logements pour les jeunes du clan, mais face aux coûts de viabilisation élevés, le mandataire du GDPL a passé un accord avec le propriétaire voisin, non Kanak. Ce dernier étendait aux terrains coutumiers les travaux de terrassement prévus sur son domaine en échange du <a href="http://www.senat.fr/rap/r15-721/r15-721_mono.html#toc303">renoncement du GDPL</a> à la revendication potentielle de certaines de ses terres. Puis, un projet de <a href="http://www.ville-dumbea.nc/urbanisme-a-habitat/les-zac-de-dumbea/la-zac-dumbea-mer">zone d’aménagement concerté</a> (ZAC) s’est dessiné à proximité de l’espace géré par le GDPL. A cette occasion, la municipalité a acquis les terrains du propriétaire privé, mais le mandataire du GDPL a obtenu que celle-ci respecte les engagements antérieurs. La Province Sud a alors financé une partie des travaux et la construction d’une piste de desserte de 2,5 kilomètres, à hauteur de 584 000 euros. Le GDPL a apporté des fonds propres (84 000 euros) et les ménages bénéficiaires devaient ensuite chacun reverser une somme au GDPL. Ceux qui disposaient de faibles revenus pouvaient bénéficier du soutien du <a href="https://www.fsh.nc/">Fonds social de l’habitat</a>. Dans ce cas, le représentant du clan coutumier a donc procédé à une double négociation pour monter le projet, à la fois avec un propriétaire privé et avec les institutions publiques.</p>
<p>Dans la zone Voh-Koné-Pouembout (VKP), au nord, le GDPL Gou Me Wee a choisi une autre option, la mise à disposition de 400 hectares pour la construction de logements sociaux destinés à des personnes extérieures aux clans. La zone VKP est dynamique, elle attire de nouveaux habitants notamment autour de l’exploitation du nickel. Un projet de <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-nord/kone/115-logements-terres-coutumieres-koniambo-492169.html">115 logements sociaux</a> a été développé en 2006 par la <a href="http://www.sic.nc/accueil/">Société immobilière de Calédonie</a> (SIC) et le Fonds Social de l’Habitat avec l’appui de la province Nord.</p>
<p>Des conventions de mise à disposition du sol pour 30 ans ont été signées entre le GDPL, la SIC et le FSH, et celles-ci ont ensuite été enregistrées par l’officier public coutumier, qui est le garant de la conciliation entre coutume et droit commun. Les concessions n’impliquent pas de transfert de propriété : cela permet de préserver le lien à la terre pour la tribu kanak, comme le veulent la coutume et le statut juridique des « 4i » (inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles), tout en accueillant des aménagements modernes.</p>
<h2>Des nouvelles formes de développement économique</h2>
<p>Enfin, un troisième type de mise en valeur émerge, le développement économique. Sur les îles Loyauté, le GDPL Mejei Wetr est fondé à la fin des années 1990. Il créé une SARL en vue du développement de l’accueil de bateaux de croisière (220 000 croisiéristes par an). Puis, une société d’économie mixte est montée pour le projet touristique Easo (construction de pontons supplémentaires, de locaux, d’un village mélanésien). Ce projet reçoit le soutien financier de la commune de Lifou, de la Province des Îles et de l’État, qui viennent s’ajouter aux fonds propres du GDPL et à un emprunt bancaire. Les retombées économiques sont estimées à <a href="https://www.lnc.nc/article/iles/lifou/des-croisieristes-a-choyer">200 millions de francs pacifique (1,7 million d’euros) par an</a>, qui sont partagés entre une centaine de prestataires (commerces, activités de loisirs, hotellerie-restauration).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247276/original/file-20181126-140540-1pj8un3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Site touristique d’Easo sur les îles Loyauté.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Cassourret</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>D’autres GDPL installent sur des terres coutumières des zones d’activités (notamment le <a href="https://www.province-nord.nc/terres-coutumieres">GDPL Baco à Koné</a>), qui accueillent des entreprises exogènes (supermarchés, banques), mais aussi des sociétés dirigées par des Kanak. Ce type d’aménagement génère des revenus issus des loyers et de nouvelles offres d’emploi pour les communautés locales.</p>
<p>Les représentants coutumiers expliquent que l’objectif est d’améliorer l’autonomie des communautés, en créant de l’emploi et ainsi en limitant l’exode rural des jeunes vers centres urbains tels que le Grand Nouméa. En effet, depuis 1989, le <a href="http://www.isee.nc/population/demographie/migrations">solde migratoire est structurellement négatif</a> pour la région du Nord-Est de la Grande Terre et des îles Loyauté, tandis qu’il est structurellement positif pour le Grand Nouméa. Le taux de chômage est quant à lui de <a href="http://www.isee.nc/emploi-revenus/emploi-conditions-de-travail/emploi-chomage">36 % pour les 15-24 ans</a> en Nouvelle-Calédonie, contre 22 % en France métropolitaine.</p>
<h2>Des arrangements pour un « destin commun » ?</h2>
<p>Ces dispositifs innovants, développés depuis les années 2000, permettent de concilier coutume et droit commun afin de mettre en valeur les terres coutumières. Participent-ils d’un dialogue entre Kanak et Européens, allant dans le sens du « destin commun » de la société calédonienne, prôné par l’accord de Nouméa ?</p>
<p>D’un côté, on constate que les instances coutumières ont adopté une logique qui leur était étrangère il y a quelques décennies, en s’appropriant des outils d’aménagement jusqu’alors réservés à des acteurs européens sur des terres de droit privé. D’un autre côté, les mécanismes de gestion « en commun » n’ont pas disparu, les règles de décision par consensus au sein du groupe demeurent.</p>
<p>Dans certains cas, des blocages ou des ralentissements apparaissent, lorsque des projets menacent la préservation de lieux tabous ou lorsque la concertation avec les communautés kanak est perçue comme insuffisante. Le centre minier de Kouaoua a ainsi été <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/industrie-lourde/0600034085109-sortie-de-crise-pour-eramet-en-nouvelle-caledonie-2216656.php">bloqué pendant deux mois à l’été 2018</a> car un groupe de jeunes Kanak affirmait avoir été exclu des négociations entre l’entreprise et les autorités coutumières.</p>
<p>La question de la valorisation économique des terres est également débattue au sein des clans et des tribus : est-ce que la principale finalité pour les terres coutumières doit devenir celui de la création de rentes financières ? Est-ce que leur mise en valeur permettra l’inclusion sociale des plus vulnérables sur le temps long ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107101/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span> Irène Salenson coordonne le programme de recherche de l’AFD sur les communs fonciers urbains et l’inclusion sociale <a href="https://www.afd.fr/fr/page-programme-de-recherche/territoires-et-ecologie">https://www.afd.fr/fr/page-programme-de-recherche/territoires-et-ecologie</a> </span></em></p>En Nouvelle-Calédonie, la conciliation entre coutume et droit commun est désormais possible pour mettre en valeur les terres, mais les disparités socio-économiques demeurent.Irène Salenson, PhD, chargée de recherches, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1066472018-11-23T00:52:12Z2018-11-23T00:52:12ZMettre la sauvegarde des récifs coralliens à la portée des enfants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245592/original/file-20181114-194503-1sj4x6w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1276%2C823&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Atelier organisé en 2016 à Nouméa autour d’un jeu de cartes pour apprendre à connaître les récifs coralliens.</span> <span class="attribution"><span class="source">Catherine Sabinot/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les récifs coralliens sont les écosystèmes marins les plus riches et les plus productifs de la planète. Ils comptabilisent, en incluant les zones côtières auxquelles ils sont associés, plus de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X12000641">25 % des espèces marines</a> recensées pour moins de 0,1 % de la surface des océans – soit 600 000 km<sup>2</sup>, la taille de la France métropolitaine. Situés en zone intertropicale, 10 % d’entre eux se trouvent <a href="http://ifrecor-doc.fr/items/show/1032">dans les outremers français</a>.</p>
<p>À la base des récifs coralliens, on trouve le polype, animal de quelques millimètres qui a su édifier au fil des millénaires des constructions visibles de l’espace !</p>
<p>Les récifs coralliens jouent un rôle essentiel : d’un point de vue écologique, ils régulent les équilibres physico-chimiques du milieu marin, constituent les principaux puits de carbone des océans et protègent les côtes de l’érosion causée par les vagues. Sur le plan socio-économique, ils constituent à travers la pêche et le tourisme une source considérable de nourriture et de revenus.</p>
<h2>L’inquiétante dégradation des récifs</h2>
<p>Face à la dégradation des récifs coralliens ces dernières décennies, l’année 2018 a été déclarée <a href="http://www.ird.fr/la-mediatheque/dossiers-thematiques/les-recifs-coralliens-a-l-honneur">« année internationale des récifs coralliens »</a>, afin d’interpeller sur l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète.</p>
<p>Plusieurs grandes causes expliquent leurs dégradations à l’échelle mondiale, en particulier la croissance démographique et le développement socio-économique sur les zones littorales. Ces deux phénomènes s’accompagnent souvent de surpêche, de pollution marine ou encore de maladies coralliennes. Le développement urbain entraîne une fragilisation des sols, pouvant provoquer des arrivées massives de terre qui vont sédimenter sur les récifs. On peut également observer une eutrophisation des eaux récifales, c’est-à-dire leur enrichissement en sels nutritifs provenant des eaux usées, de l’agriculture ou de l’élevage.</p>
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<span class="caption">Blanchissement du corail en Nouvelle-Calédonie (2016).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean‑Michel Boré/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces perturbations anthropiques rendent ces zones beaucoup plus sensibles aux effets du changement climatique, à savoir le réchauffement et l’acidification des océans. L’ensemble de ces modifications a un impact significatif sur le bien-être et les moyens de subsistance de plus de <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.487.5715&rep=rep1&type=pdf">500 millions de personnes</a> dans le monde. Les pays du Sud, principalement, dépendent directement de ces écosystèmes et des biens et services qu’ils fournissent.</p>
<h2>Le récif corallien entre nos mains</h2>
<p>La gestion des récifs coralliens est donc essentielle sur les plans écologique et social, notamment à travers la mise en place d’aires marines protégées et la sensibilisation des citoyens à l’impact de nos actions sur l’écosystème marin.</p>
<p>Pour cela, il est nécessaire de bien connaître ce milieu, complexe par sa nature : la bioconstruction que réalisent les coraux offre des habitats à de multiples organismes – vertébrés, invertébrés, faune et flore micro et macroscopique. Le récif corallien est par ailleurs en forte interaction avec l’espèce humaine. Des approches alliant sciences naturelles et sociales sont donc indispensables pour appréhender la complexité de ce socioécosystème.</p>
<p>Partant de ce constat, nous avons développé il y a une dizaine d’années la <a href="http://www.icriforum.org/sites/default/files/ICRIGM31_Theme5_MARECO.pdf">mallette pédagogique « Mareco »</a> (« Le récif corallien entre nos mains »), avec l’aide d’une éducatrice, d’une artiste de la nature, d’une graphiste et d’une enseignante d’école primaire.</p>
<p>Le but de la mallette était de mettre les résultats de nos recherches au service de la sensibilisation et de l’éducation des jeunes générations à la biodiversité des récifs, à la perturbation des écosystèmes coralliens et à la nécessité d’une gestion concertée.</p>
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<h2>Polly le polype</h2>
<p>Développée à la base en version bilingue français-anglais, cette mallette contient trois jeux pédagogiques adressés à des enfants de 5 à 11 ans, voire plus. Un album de collage-coloriage introduit Polly, le polype, qui emmène les enfants à la découverte de son milieu de vie. Le récif corallien est présenté sous différents aspects : sa richesse, sa fragilité, les perturbations qu’il subit et sa conservation.</p>
<p>Un jeu de sept familles permet de découvrir la biodiversité du récif corallien grâce à des groups amusants – Miam-miam, Patouche, Collé-serré, Tromoche… Les six membres de la famille sont les algues, les cnidaires – famille des méduses –, les échinodermes – famille des étoiles de mer –, les mollusques, les crustacés et les vertébrés : ils permettent de découvrir de façon ludique les espèces associées aux écosystèmes coralliens.</p>
<p>Enfin, un jeu de plateau met en scène quatre usagers du récif corallien : le pêcheur, le touriste, le gestionnaire et le riverain. Tous ont pour but d’atteindre l’île centrale sans détruire le récif corallien ; les joueurs doivent s’entraider et prendre conscience qu’une gestion efficace reste basée sur la concertation entre les différents acteurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246014/original/file-20181116-194506-187gtvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La mallette Mareco se compose de trois jeux destinés aux enfants de 5 à 11 ans et d’un livret pédagogique pour les enseignants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<span class="caption">Les enfants apprennent à coopérer entre joueurs pour préserver le récif corallien (Thio, Nouvelle-Calédonie, 2016).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catherine Sabinot/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<span class="caption">Chez les enfants, les représentations du milieu marin varient en fonction des expériences directes ou indirectes liées aux récifs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Carrière/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Dessine-moi le récif</h2>
<p>La sensibilisation aux récifs coralliens n’est pas la mission première du chercheur : bien que la valorisation des produits de la recherche soit un aspect important de son métier, nous tenions à ce que ces investissements scientifiques revêtent une utilité sociale et l’acquisition de nouvelles connaissances. Nous avons donc incorporé la mallette comme outil de recherche dans un programme scientifique.</p>
<p>En 2014, nous avons lancé de nouvelles actions de recherche en sciences naturelles et sociales sur les questions relatives aux représentations des récifs coralliens, dont le programme <a href="http://umr-entropie.ird.nc/index.php/portfolio/projet-reso-ecorail">Reso-Ecorail</a>, basé sur une équipe interdisciplinaire composée de biologistes, d’une ethnoécologiste, d’une biostatisticienne et d’anthropologues de l’environnement.</p>
<p>Il combinait une campagne de sensibilisation utilisant notre boîte à outils, et une approche basée sur des dessins d’enfants pour documenter les connaissances écologiques des enfants, avant et après usage de la mallette. Les enfants devaient réaliser des dessins selon les consignes « Dessine-moi la mer » et « Dessine-moi le récif corallien » – cette dernière étape étant répétée après deux mois d’utilisation de la mallette pédagogique.</p>
<p>Ces actions ont été menées dans différents territoires français – Nouvelle-Calédonie, Réunion, Mayotte, sud de la France – et étrangers (principalement Madagascar). Ils ciblaient des écoles primaires aux contextes sociaux et culturels contrastés – urbain, rural et côtier.</p>
<p>Analysés à l’aide de méthodes statistiques, les dessins ont révélé une diversité de représentations chez les enfants issus de milieux socioculturels et d’écoles différents. Leur relation avec la nature et le milieu marin varie également en fonction des expériences directes et indirectes liées aux récifs. À Madagascar, par exemple, les enfants des villages en milieu côtier révèlent une grande connaissance des ressources marines exploitées, vendues ou consommées par les populations locales.</p>
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<h2>Rapprocher science et éducation</h2>
<p>En comparant les dessins des enfants avant et après l’utilisation de Mareco, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2018.00340/full">nous avons observé</a> que leurs représentations des récifs coralliens avaient significativement évolué. Leur connaissance de la biodiversité des récifs et de leur connexion avec l’environnement, en particulier, avait nettement progressé.</p>
<p>D’après ce constat, l’outil ludique peut donner des résultats très convaincants dans le transfert de connaissances scientifiques aux enfants. Les actions menées sur le terrain ont permis de sensibiliser plus de 500 enfants en milieu scolaire. Elles auront révélé les savoirs et méconnaissances des enfants sur les écosystèmes marins côtiers, pourtant proches de leurs lieux de vie.</p>
<p>Un impact indirect des interventions dans les écoles, mais non le moindre, aura été le rapprochement entre monde scientifique et monde éducatif. Le degré d’investissement et d’appropriation de la mallette par des professeurs des écoles a également joué un rôle primordial.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C114%2C2552%2C1636&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/245307/original/file-20181113-194494-9njsg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un enfant dessine une seiche sur le sable à Anakao (Madagascar) en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Georgeta Stoica/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>D’autres questions de recherche ont depuis émergé et de nouvelles collaborations se dessinent avec des spécialistes des sciences de l’éducation. Nous souhaiterions travailler sur des approches pédagogiques en lien avec les représentations de la nature chez les enfants, mais aussi sur la formation des maîtres à ces thématiques.</p>
<p>Au-delà de la recherche, une prise de conscience par les jeunes générations des défis environnementaux de demain est essentielle pour l’avenir des récifs coralliens. Dans cette optique, les processus d’apprentissage amusants, rigoureux, orientés vers l’action et socialement responsables, contribuent à former les enfants à devenir des citoyens éclairés, engagés dans la durabilité de leur environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106647/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Chabanet a reçu dans le cadre de ses recherches à l’IRD des financements de la Fondation de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jocelyne Ferraris a reçu dans le cadre de ses recherches à l’IRD des financements de la Fondation de France. </span></em></p>Retour sur une expérience scientifique et pédagogique, menée dans plusieurs pays, pour sensibiliser par le jeu les enfants à la préservation des récifs coralliens.Pascale Chabanet, Directrice de recherche, spécialiste des récifs coralliens, Institut de recherche pour le développement (IRD)Jocelyne Ferraris, Directrice de recherche en biostatistique appliquée à l’écologie marine, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1064932018-11-07T21:48:28Z2018-11-07T21:48:28ZEn Nouvelle-Calédonie, la lutte continuera tant qu’il y aura des Kanak<p>Le 4 novembre 2018, les citoyens calédoniens se sont nettement exprimés en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République lors d’un référendum d’autodétermination attendu <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/2018/05/02/01002-20180502ARTFIG00298-un-referendum-attendu-depuis-30-ans-sur-le-caillou.php">depuis trente ans</a>. Le scrutin a été marqué par la mobilisation massive des électeurs, un rapport de force moins marqué qu’attendu et le constat de clivages politiques et communautaires persistants. Au-delà des 56,7 % des voix obtenues par le « non » à l’indépendance, ce scrutin relance la réflexion quant au processus permettant la décolonisation d’une société.</p>
<h2>Une participation historique</h2>
<p>Après une campagne électorale qualifiée <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/02/nouvelle-caledonie-fin-d-une-campagne-referendaire-etonnament-calme_5377782_823448.html">d’étonnamment calme</a> pour ne pas dire peu passionnée, le premier élément de surprise tient à la participation exceptionnelle des électeurs : plus de 80 % des inscrits sur la liste référendaire se sont déplacés !</p>
<p>Ce taux de participation inédit dans l’<a href="https://journals.openedition.org/jso/1259?file=1">histoire politique de la Nouvelle-Calédonie</a> tient en partie à la mobilisation massive et attendue des anti-indépendantistes. Les plus forts taux de participation sont d’ailleurs enregistrés en Province Sud où vit la majorité de la population européenne de l’archipel et qui est très fortement loyaliste. La palme est remportée par <a href="http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/content/download/5123/39637/file/20181105R%C3%A9f%C3%A9rendum2018--R%C3%A9sultatscommunes.pdf">Farino</a>, ville du Sud, qui avec un taux de participation de près de 95 % a plébiscité le maintien dans la France avec près de 91 % des suffrages.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244151/original/file-20181106-74769-1uu2zql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À Farino, ville du Sud, un taux de participation de près de 95 % a été enregistré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.com/maps/place/Nouvelle-Cal%C3%A9donie/@-21.2187823,164.7827629,8z/data=!4m5!3m4!1s0x6c27e2693f1a32cb:0xf6d0f68fd5937aec!8m2!3d-20.904305!4d165.618042">Google Earth</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le scrutin témoigne également d’un engagement kanak fort en dépit de l’appel à l’abstention de certains partis indépendantistes et d’une jeunesse kanak pouvant apparaître désabusée à l’égard de la politique. À <a href="http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/content/download/5123/39637/file/20181105R%C3%A9f%C3%A9rendum2018--R%C3%A9sultatscommunes.pdf">Hienghène</a>, dans la Province Nord et fief du leader indépendantiste défunt Jean‑Marie Tjibaou, plus de 86 % de la population s’est ainsi mobilisée et le « oui » l’a emporté avec 94,75 % des voix. Notons toutefois une mobilisation en demi-teinte des électeurs quasi exclusivement kanak de la Province des Îles où la participation est inférieure à 59 %.</p>
<p>Cette participation exceptionnelle donne une légitimité démocratique incontestable au résultat du scrutin qui rejette à plus de 56 % l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Toutefois, l’écart entre le « oui » et le « non » est moins marqué que ne le prévoyaient les <a href="https://www.ncpresse.nc/Un-sondage-I-Scope-pour-Caledonia-donne-le-non-gagnant_a7141.html">sondages locaux</a> et que ne l’annonçaient les loyalistes.</p>
<h2>Une victoire du « non » moins éclatante qu’espérée</h2>
<p>Si les responsables loyalistes se sont félicités de la victoire sans appel du « non », il faut toutefois noter leur déception à l’égard du score obtenu, loin des 70 % espérés. Un résultat tranché leur aurait en effet donné un argument de poids pour écarter la possibilité donnée par l’accord de Nouméa d’organiser deux autres référendums si un tiers des membres du Congrès le demande.</p>
<p>En dépit de cette victoire nette pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, c’est donc bien le camp indépendantiste, fort de 43,30 % de suffrages, qui semble renforcé par ce scrutin.</p>
<p>Ce score témoigne que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) notamment a réussi à mobiliser ses partisans, à détourner son électorat de la tentation de l’abstention et à gagner quelques voix en dehors de sa base traditionnelle.</p>
<p>Au lendemain du scrutin, les propos des vaincus sont donc relativement optimistes et combatifs. Ainsi, après s’être félicité d’avoir déjoué les sondages, Roch Wamytan, président du groupe UNI-FLNKS au Congrès, appelle à aller jusqu’au bout du processus prévu par l’accord de Nouméa <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000555817&dateTexte=&categorieLien=id">signé le 5 mai 1998</a>, soit la demande d’un deuxième scrutin en 2020 voire, en cas d’échec, d’un troisième en 2022.</p>
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<figcaption><span class="caption">Roch Wamytan, président du groupe UNI-FLNKS au Congrès.</span></figcaption>
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<h2>Un archipel clivé</h2>
<p>Entre une victoire teintée de déception et une défaite porteuse d’espoir, les résultats du référendum signalent que les profonds clivages qui traversent historiquement la Nouvelle-Calédonie ne sont pas dépassés.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/05/en-nouvelle-caledonie-deception-chez-les-vainqueurs-satisfaction-chez-les-vaincus_5378854_823448.html">représentation spatiale des résultats du scrutin recouvre très largement celle de la répartition géographique et ethnique de la population de la Nouvelle-Calédonie</a>. Le sud de la Grande-Terre, province dans laquelle la population kanak est minoritaire, le rejet de l’indépendance l’a emporté avec 73,71 % des suffrages.</p>
<p>De façon quasi symétrique, en Province Nord qui est largement kanak et indépendantiste, 75,83 % des électeurs ont dit leur volonté de voir la Nouvelle-Calédonie accéder à la pleine souveraineté. Il en va de même dans la Province des Îles très majoritairement kanak et où le « oui » l’emporte avec plus de 82 % des suffrages.</p>
<p>Cette tension entre des populations allochtones très fortement loyalistes et une communauté kanak majoritairement indépendantiste n’est pas nouvelle et constitue le cœur du défi calédonien. L’accord de Nouméa écarte toutefois toute perspective de partition entre l’Est indépendantiste et l’Ouest loyaliste.</p>
<p>En dépit de trente années d’un climat apaisé depuis les Accords de Matignon-Oudinot (1988) et de Nouméa (1998), les positions politiques restent tranchées. Cela signifie aussi que les politiques de rééquilibrages socio-économiques entre les populations de l’archipel comme de rattrapage entre les provinces n’ont pas suffi à imposer la notion destin commun porté par l’accord de Nouméa.</p>
<p>Cette communauté de destin qui peut être lue comme une volonté de dépasser les clivages sociopolitiques de l’archipel par un clivage de classes ne s’est pas imposée, parce qu’en dépit d’efforts engagés, les inégalités sociales restent fortes entre les communautés.</p>
<p>Minorité démographique depuis les années 1960, les Kanak (40 % de la population totale lors du <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1560282">recensement de 2014</a>) demeurent aussi une minorité sociologique. Comme plusieurs travaux le démontrent, les Kanak restent davantage concernés par l’échec scolaire, <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2017-3.htm">sont moins diplômés de l’enseignement supérieur</a>, moins représentés dans les fonctions de cadres ou la fonction publique, et plus <a href="https://larje.unc.nc/wp-content/uploads/sites/2/2016/12/2016-2.pdf">discriminés pour l’accès au logement</a>… Autant d’éléments qui contribuent à maintenir une société à plusieurs vitesses ; des clivages socio-économiques qui s’expriment clairement au niveau politique.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Les trente années du processus visant la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République n’ont donc pas permis d’évacuer la question de l’indépendance du jeu politique calédonien. Les électeurs indépendantistes l’ont d’ailleurs affirmé à de multiples reprises durant la campagne référendaire : la lutte continuera tant qu’il y aura des Kanak.</p>
<p>Si le lendemain du scrutin est porteur d’espoir pour les indépendantistes, il ne faut pas oublier que cette mouvance est loin d’être unie et incarnée par un leader largement fédérateur. Le scrutin relance la donne politique, mais pour capitaliser sur le score obtenu et espérer progresser, les indépendantistes devront certainement renouveler en partie leur personnel vieillissant.</p>
<p>Ce besoin de renouvellement est également exprimé dans le camp adverse, notamment pas Sonia Backès qui a appelé à « l’union des loyalistes » et à leur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=m5CttdmAPBE">« renouvellement générationnel »</a>. Reste toutefois à déterminer la capacité des élites politiques calédoniennes à se remettre en cause et à se dégager des enjeux électoraux ; les élections provinciales de mai 2019 pourraient être un premier test.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sonia Backès a appelé à l’union des loyalistes.</span></figcaption>
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<p>Ce résultat témoigne enfin que la revendication de souveraineté du peuple autochtone n’est pas soluble dans le temps – ce qui questionne la capacité de la démocratie à y répondre. Au-delà, l’enjeu reste pour les acteurs du dossier calédonien à engager un processus de décolonisation qui ne se réduise pas à un processus statutaire mais qui s’attaque aux représentations et à l’hégémonie culturelles léguées par la colonisation.</p>
<p>Loin d’être une conclusion, le référendum du 4 novembre 2018 rebat la donne politique en Nouvelle-Calédonie. Reste à savoir si la percée des indépendantistes incitera l’ensemble des acteurs du dossier à réévaluer la façon de répondre à la demande de souveraineté kanak afin d’engager une décolonisation effective de l’archipel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106493/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Mohamed-Gaillard a reçu des financements de l’Ambassade de France en Australie pour un séjour de recherche (2014). </span></em></p>Au-delà des 56,70 % des voix obtenues par le non à l’indépendance en Nouvelle-Calédonie, ce scrutin relance la réflexion quant au processus permettant la décolonisation d’une société.Sarah Mohamed-Gaillard, Maître de conférences en histoire contemporaine, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1062742018-11-02T16:24:57Z2018-11-02T16:24:57ZEn Nouvelle-Calédonie, la longue tradition des chants de révolte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243709/original/file-20181102-83638-u47siy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C1%2C983%2C589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Black Sistaz</span> </figcaption></figure><p>Ce dimanche 4 novembre, les Néo-Calédoniens <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/11/02/il-ne-faut-pas-considerer-l-independance-de-la-nouvelle-caledonie-comme-une-rupture-avec-la-france_5378004_823448.html">se rendront aux urnes</a> afin de se prononcer sur l’indépendance de leur archipel.</p>
<p>Beaucoup d’Australiens, qui ont pour habitude d’y passer leurs vacances afin de goûter à la culture française au beau milieu du Pacifique, ignorent la lutte continue des Kanaks (les populations autochtones mélanésiennes) pour leur souveraineté, depuis leur colonisation par la France en 1853. Cette lutte a souvent été racontée à travers la musique.</p>
<p>Nos recherches portent sur le rôle de la musique dans les luttes politiques en Mélanésie, notamment en Papouasie occidentale et en Nouvelle-Calédonie. Dans toute la Mélanésie, la musique est non seulement un témoignage des cultures anciennes et vivantes, mais aussi une forme de célébration de la résistance, de l’action et de la résilience des populations autochtones.</p>
<h2>Chants de résistance</h2>
<blockquote>
<p>A l’instant, dans la rue je voyais mes enfants
<br>
Progresser en criant « Liberté ! »
<br>
Le lycée était nu, où sont-ils les enfants ?
<br>
Dans les rues, la ville manifestait</p>
</blockquote>
<p>Écrites en 1985, ces lignes, tirées de la chanson <em>Liberté</em> de Jean‑Pierre Swan – voix pionnière de la protestation kanak – font référence aux <em>événements</em>. Autrement dit, la guerre civile sanglante qui eut lieu en Nouvelle-Calédonie dans les années 1980, qui culmina avec le massacre de 19 Kanaks par les commandos français en 1988 et l’assassinat en 1989 du grand pacifiste mélanésien Jean‑Marie Tjibaou.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/quk1ufPrYpQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La résistance à la domination française s’est certes affaiblie au fil du temps, mais elle fut relancée en 1969 avec la formation des Foulards Rouges, un groupe politique qui combinait gauche anticoloniale et nationalisme culturel du Pacifique.</p>
<p>Les Foulards rouges étaient dirigés par Nidoish Naisseline, héritier d’un grand chef autochtone. L’arrestation et l’emprisonnement de ce leader en septembre 1969 ont déclenché une émeute et ont abouti à ce qu’on nomme le réveil Kanak, une période de résistance intense à l’occupation étrangère.</p>
<p>Ce mouvement a été immortalisé dans la chanson Jamulo Ataï, dont les paroles ont été écrites par Naisseline lui-même. Dans le titre, Jamulo correspond au surnom de Naisseline et Ataï au nom du chef de la résistance Kanak au XIXe siècle. En associant son nom à celui d’Ataï, Naisseline s’appropriait le prestige du grand leader.</p>
<p>Les paroles de la chanson évoquent justement cette quête d’indépendance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oDtiUKWXp9k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Près d’un siècle auparavant, en 1878, Ataï mena un soulèvement au cours duquel 1200 Mélanésiens furent massacrés. Ataï fut assassiné et sa tête envoyée en France en guise de trophée.</p>
<p>Au milieu des années 1980, le groupe funk-rock du musicien et intellectuel kanak Théo Menango, Yata (Ataï à l’envers) s’est inspiré de ces événements tragiques pour commémorer le héros assassiné dans une chanson où il est comparé au Christ, non sans provocation :</p>
<blockquote>
<p>Ataï le pur, le dur le grand saint
<br>
Comme le Christ ton sang a coulé
<br>
Ataï ton nom doit durer
<br>
Comme le Christ ton œuvre est immortelle
<br>
Ataï, oh, tu montres le chemin à suivre
<br>
Sur tes pas, la liberté !</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6FBzcZLb_6w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Traumatismes du passé</h2>
<p>L’implacable volonté de démanteler la culture kanak et de mettre un terme à la résistance anticoloniale a donné naissance dans les années 1980 au genre musical <em>kaneka</em>, qui combine l’attitude de fierté et de défense des droits des Noirs propres au reggae jamaïcain avec le rythme des instruments à percussion autochtones.</p>
<p>Un grand nombre de chansons <em>kaneka</em> évoquent des événements traumatisants et des injustices passées et présentes. En voici une sélection :</p>
<p><strong>« Ouvanu », par le groupe de kaneka Waan</strong>, commémore la décapitation par guillotine de 10 hommes kanaks à Ouvanu à Puébo, au nord de la Grande Terre (la grande île de Nouvelle Calédonie), sur ordre du gouverneur colonial, en 1868.</p>
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<p>La complainte <strong>« Loulou » du groupe <em>kaneka</em> Bwanjep</strong> fait référence à l’embuscade nocturne menée par des colons à Wan’yaat en 1984 afin de piéger plusieurs voitures où se trouvaient des Kanaks haut-placés, <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/2014/12/05/il-y-30-ans-les-dix-de-tiendanite-tombaient-dans-une-embuscade-212574.html">qui furent tués par balle</a>.</p>
<p>Parmi les dix victimes se trouvaient deux frères du leader visionnaire kanak Jean‑Marie Tjibaou. L’un d’eux était surnommé Loulou.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6N78wplvclo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>« Hommage à Eloi Machoro » par le groupe kaneka JDVK</strong>, célèbre Eloi Machoro, le militant kanak, connu pour avoir détruit des urnes lors des élections.</p>
<p>Il a été abattu en 1985 par la police à quelques kilomètres de l’endroit où le chef Atai était tombé, 110 ans plus tôt.</p>
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<p><strong>« Gossanah Iaai », interprété par le groupe kaneka Nodeak</strong> documente le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/assaut-grotte-ouvea-nouvelle-caledonie-grand-format-582367.html">massacre par les forces spéciales françaises</a> de 19 Kanaks dans les grottes de Gossanah à Ouvéa, sur les îles Loyauté, en 1988.</p>
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<h2>Un festival de musique</h2>
<p>Il y a un an, nous nous sommes envolés pour Lifou, sur les îles Loyauté, pour assister au Fest Mela, un week-end musical organisé à Hapetra par la superstar <em>kaneka</em> <a href="https://www.youtube.com/watch?v=BEpz_YColFo">Edou Wamai</a>, qui vit sur place.</p>
<p>Le festival était dirigé par les « Black Sistaz » un groupe de Papouasie occidentale basé à Melbourne, composé des trois filles des membres des « Black Brothers », célèbre groupe qui militait pour l’indépendance de la Papouasie occidentale dans les années 80.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243126/original/file-20181031-76402-1g4i1sa.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des membres de Kool Groove au Fest Mela, drapés dans le drapeau Kanak.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Michael Webb</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La liste des groupes locaux comprenait « Kool Groove » qui jouait un style local de musique folklorique à base de guitare. Drapés dans le drapeau kanak, les membres du groupe exprimaient leur fierté à l’égard de leur langue, de leur culture et de leur future nation.</p>
<p>Sur Lifou, nous avons été reçus par le chef d’Hapetra, qui a demandé que les « Black Sistaz » chantent pour lui. Elles ont accepté en interprétant une chanson émouvante <em>a cappella</em> de l’île de Biak (Papouasie occidentale).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243127/original/file-20181031-76384-l916if.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les Black Sistaz chantent pour le chef à Hapetra.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Michael Webb</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tandis que les nations mélanésiennes sont encore sous domination coloniale, les Papous de l’Ouest et les Kanaks considèrent que leurs destins sont intimement liés – chaque population pense que l’autres peut l’aider à atteindre la souveraineté sur son propre sol. Les musiciens kanaks ont également composé des chansons prônant l’indépendance de la Papouasie occidentale, comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nLmK5293jXg">« Free West Papua »</a> du groupe acoustique <em>kaneka</em> « Lyric Kanak Gong ».</p>
<p>En Mélanésie, lors de moments cruciaux où le destin des Premiers Peuples du Pacifique se joue, comme lors du référendum de cette semaine, les chansons peuvent rappeler les sacrifices passés et aider à imaginer des avenirs possibles.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Rosie Makalu, Eric Gawe et Nina Soler à Kanaky (Nouvelle Calédonie).</em></p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit de l'anglais par Sonia Zannad</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106274/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Webb reçoit des fonds de l'Australian Research Council.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Camellia Webb-Gannon reçoit des fonds de l'Australian Research Council. Elle coordonne le West Papua Project à l'Université de Sydney.</span></em></p>Les autochtones néo-calédoniens luttent pour leur indépendance depuis la colonisation française, en 1853. A travers des chants de révolte, ils célèbrent les héros de la résistance et racontent les traumatismes passés.Michael Webb, Lecturer in music education and ethnomusicology, University of SydneyCamellia Webb-Gannon, Lecturer, University of WollongongLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1061142018-11-01T21:18:19Z2018-11-01T21:18:19ZNouvelle-Calédonie, un vote suivi de très près dans la région Pacifique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243475/original/file-20181101-83654-2ngwsa.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C1192%2C788&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vote du 4 novembre intervient trente ans après la signature des accords de Matignon.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Une consultation historique va avoir lieu, <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-independence-vote-looms">ce dimanche 4 novembre 2018</a>, sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, le voisin le plus proche de la côte est de l’Australie.</p>
<p>Ce vote marque la dernière étape d’un processus politique engagé à la fin des années 1980 pour éteindre le conflit sur l’île, et qui a engendré trente années de stabilité et de croissance économique.</p>
<p>Le scrutin du 4 novembre, tout en permettant au gouvernement français de tenir son engagement, <a href="https://press.anu.edu.au/node/217/download">ravive des tensions locales profondément ancrées</a> et inaugure une période d’incertitude pour la Nouvelle-Calédonie elle-même, bien sûr, mais aussi pour la France, l’Australie et la région Pacifique toute entière.</p>
<h2>Pourquoi ce vote maintenant ?</h2>
<p><a href="http://bellschool.anu.edu.au/sites/default/files/publications/attachments/2017-12/dpa_ib2017_40_robertson.pdf">Lors du référendum sur la Constitution en 1958</a>, la vaste majorité des Calédoniens (98 %) ont voté en faveur du maintien de leur territoire au sein de la République française, en grande partie du fait de la promesse du gouvernement de l’époque de leur accorder davantage d’autonomie.</p>
<p>Toutefois, dans les années 1960 et 1970, au moment où les Calédoniens ont voulu engager des intérêts étrangers dans l’exploitation des mines de nickel, la France a renié une grande partie de ses engagements. Pour mener à bien le développement de cette industrie et pour assurer la prédominance de la population européenne sur celle des autochtones, <a href="http://histoirecoloniale.net/Nouvelle-Caledonie-le-reve-de.html">tout en préservant sa souveraineté</a>, Paris a encouragé l’immigration en provenance de l’hexagone et d’autres territoires de la République.</p>
<p>Durant la décennie 1980, la montée de la frustration chez les Kanaks a débouché sur des manifestations violentes, et un <a href="https://www.radionz.co.nz/international/pacific-news/361877/new-caledonia-labour-party-opts-out-of-independence-referendum">appel au boycott d’un vote sur l’indépendance en 1987</a>, puis sur une confrontation sanglante avec la gendarmerie <a href="http://articles.latimes.com/1988-05-06/news/mn-2981_1_sacred-cave">à Ouvéa</a> en 1988.</p>
<hr>
<p><iframe id="I5xCH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/I5xCH/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<p>Cet événement tragique, qui eut lieu alors que la politique française dans la zone Pacifique Sud faisait l’objet de vives critiques, conduisit Paris à changer de stratégie. Ce changement d’approche devait déboucher sur la signature <a href="http://www.mncparis.fr/uploads/accords-de-matignon_1.pdf">des accords de Matignon</a>, en 1988, avec les partisans et les opposants à l’indépendance. Ceux-ci établirent de <a href="https://ir.canterbury.ac.nz/handle/10092/4728">nouvelles institutions locales</a> et la création de trois provinces, dont deux peuplées majoritairement par les Kanaks. Ce document prévoyait aussi un vote sur l’indépendance en 1998.</p>
<p>Mais à l’approche de cette échéance, les deux parties convinrent que le risque de violence était trop élevé pour pouvoir organiser la consultation. Un nouvel accord fut alors signé (l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000555817">accord de Nouméa</a>), reportant le vote de vingt ans en échange de nouvelles délégations de pouvoir aux autorités locales.</p>
<p>Depuis lors, de <a href="http://politicsir.cass.anu.edu.au/centres/ces/research/publications/france-south-pacific-countdown-new-caledonia-review-implementation-noumea">nombreux progrès ont été accomplis</a> sur place. <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-slow-progress-defining-its-future">Deux nouvelles usines</a> ont été construites et une partie des revenus tirés de l’exploitation du nickel ont été redistribués en faveur des autorités locales.</p>
<p>Toutes les parties ont accepté de travailler main dans la main dans le cadre d’un « destin commun » incluant toutes les communautés de l’île. Et malgré certains appels en faveur d’un nouveau report du vote, en raison du risque supposé de violence, un accord a été trouvé pour sa tenue.</p>
<h2>A quoi peut-on s’attendre ?</h2>
<p>Le vote du 4 novembre est le début d’un processus qui peut durer jusqu’à quatre ans. Les Calédoniens ayant le droit à voter dans cette consultation (les autochtones et des résidents de longue date) sont appelés à répondre à la question suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »</p>
</blockquote>
<p>Si la réponse est négative, un deuxième vote pourrait intervenir en 2020 et, en cas de vote à nouveau négatif, un troisième en 2022. Si le « non » devait l’emporter au final, la France devrait alors lancer de nouvelles discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.</p>
<p>Selon de récents sondages, environ 60 % des électeurs ayant le droit de voter dans cette consultation pourraient se prononcer contre l’indépendance ce dimanche. <a href="http://dpa.bellschool.anu.edu.au/experts-publications/publications/6459/dp-201808-exploring-kanak-vote-eve-new-caledonias">Mais le doute subsiste</a>, à moyen terme, sur le vote des Kanaks, dont l’inscription se fait automatiquement sur les listes locales. Les dirigeants indépendantistes considèrent en effet qu’une hausse limitée de la population pourrait leur garantir un vote positif à l’horizon 2022.</p>
<p>La France s’est montrée proactive ces dernières années. Le dialogue mené avec tous les acteurs locaux a donné lieu à la publication de deux rapports, en <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-wrestles-its-future">2013</a> et en <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-prepares-future-two-steps-forward-one-step-back">2016</a>. Fin 2017, Paris a mis en place un Groupe de dialogue sur le chemin de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. <a href="https://www.radionz.co.nz/international/pacific-news/369401/french-pm-to-be-in-new-caledonia-just-after-vote">Le premier ministre, Édouard Philippe</a>, a déjà annoncé qu’il serait sur l’île, dès le lendemain du référendum, le 5 novembre, pour poursuivre les discussions.</p>
<p>Sur le plan politique, on assiste depuis 1998 à un processus de fragmentation des blocs pro et anti-indépendance. Les élections territoriales ont en effet révélé un soutien croissant de l’opinion aux partis indépendantistes, entamant d’autant la majorité qui perdure en faveur du maintien dans le giron de la France. De chaque côté, on distingue un bloc de partis modérés, qui cohabite avec une frange plus extrême, des indépendantistes radicaux et des pro-France inconditionnels.</p>
<p><a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-future-takes-shape">Un terrain d’entente</a> semble se dessiner entre les partis modérés de chaque côté du spectre sur un statut d’autonomie dans le cadre d’un partenariat avec la France. Mais la tenue de la consultation et le processus de dialogue politique sont quelque peu brouillés par les élections provinciales de mai 2019, qui pourraient bien modifier les rapports de force à la suite du premier vote sur l’indépendance.</p>
<p>Comme le soulignait récemment l’un des principaux artisans de l’accord de Nouméa, <a href="https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/referendum-2018/politique/l-annee-2019-va-etre-plus-decisive-que-le-referendum">Alain Christnacht</a>, la principale menace réside dans le retour de la violence. Celle-ci n’atteindrait sans doute pas les niveaux des années 1980, mais elle pourrait compromettre la stabilité et la croissance économique du territoire. Il a ajouté que toute solution « bâtie contre une très grande majorité des Kanaks serait certainement peu durable ».</p>
<h2>Comment pourraient réagir la France, l’Australie et les nations du Pacifique ?</h2>
<p>Paris, qui a promis l’organisation d’un vote totalement transparent et légitime, a tout intérêt, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/Etude_216.pdf">d’un point de vue stratégique</a>, à conserver dans son giron la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit de son joyau dans le Pacifique, et sa perte pourrait susciter un <a href="http://www.pina.com.fj/?p=pacnews&m=read&o=20277331535bce47e436db2e2a0946">effet d’entraînement en Polynésie et ailleurs</a>.</p>
<p><a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/french-choreography-pacific">Lors de sa visite sur place</a>, en mai 2018, le <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-sur-la-nouvelle-caledonie-a-noumea/">Président Macron a déclaré</a> que la France serait moins « belle » sans la Nouvelle-Calédonie et indiqué que la consultation du 4 novembre 2018 représentait un « choix souverain… dans la souveraineté nationale », autrement dit au sein de la République française.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"993074443592192001"}"></div></p>
<p>Il a également évoqué la <a href="https://www.afr.com/news/emmanuel-macrons-australiafranceindia-strategic-axis-a-bit-of-a-stretch-20180503-h0zkxy">nécessité</a> pour l’Australie, l’Inde, la France et la Nouvelle-Calédonie (sous souveraineté française) de former un nouvel « axe stratégique » dans la zone Inde-Pacifique afin de contrer la montée en puissance de la Chine.</p>
<p>Pour les États du Pacifique, qui sont parvenus à obliger la France à stopper <a href="https://www.theguardian.com/world/2013/jul/03/french-nuclear-tests-polynesia-declassified">ses essais nucléaires dans la région</a> et à modifier ses politiques de décolonisation, les enjeux demeurent importants, même si les positions des uns et des autres ont évolué.</p>
<p>Les États insulaires reconnaissent l’existence d’intérêts stratégiques pour la France dans cette zone du globe et l’importance de sa présence pour l’équilibre régional face à de nouveaux acteurs régionaux, telle que la Chine. La Nouvelle-Calédonie et deux autre territoires français du Pacifique ont été admis au sein du Forum des îles du Pacifique. Ils n’en scrutent pas moins avec attention la <a href="https://foreignminister.gov.au/releases/Pages/2018/mp_mr_180906a.aspx">mise en œuvre de l’accord de Nouméa</a> et envoient des observateurs pour surveiller la bonne tenue de la consultation de ce dimanche.</p>
<p>L’Autralie n’a pas exprimé de position officielle sur le résultat à venir de ce vote. Mais il est clair que la présence française dans la région représente un atout stratégique face à une Chine de plus en plus présente. Dès lors, <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/new-caledonia-independence-vote-looms">la déclaration récente de la France</a> concernant le maintien d’un engagement sur le long terme en Nouvelle-Calédonie, quel que soit le résultat du référendum de ce dimanche, apparaît pour le moins souhaitable aux yeux de Canberra.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit par Thomas Hofnung de The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denise Fisher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La présence française apparaît désormais souhaitable aux yeux des États du Pacifique, notamment pour l’Australie, pour contrebalancer une Chine qui monte en puissance.Denise Fisher, Visiting Fellow, Australian National UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/958192018-05-03T10:33:55Z2018-05-03T10:33:55ZLes enjeux calédoniens d’Emmanuel Macron<p>Le déplacement du <a href="http://www.europe1.fr/politique/que-va-faire-emmanuel-macron-en-australie-3638480">président Macron en Australie</a> cette semaine ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie met en lumière les intérêts de la France dans cette région peu connue du grand public. Placé sous le signe conjoint de <a href="http://www.lepoint.fr/politique/nouvelle-caledonie-memoire-et-symboles-estampilleront-la-visite-de-macron-29-04-2018-2214458_20.php">la mémoire et des enjeux d’avenir</a>, ce voyage est inédit à plus d’un titre.</p>
<p>Inédit, parce qu’il s’agit de la première visite officielle d’un chef d’État français en Australie dans un cadre strictement bilatéral. Certes, le président Hollande s’y était rendu en 2014 mais le déplacement était motivé par la réunion du <a href="https://www.qld.gov.au/about/events-awards-honours/events/g20">G20 à Brisbane</a>. Inédit, parce qu’aucun président français se rendant en Nouvelle-Calédonie n’avait auparavant fait étape en Australie tant la question calédonienne a pu peser <a href="https://www.peterlang.com/view/product/12024">sur les relations bilatérales</a>.</p>
<p>Ce voyage qui combine des enjeux de politique étrangère et ceux relevant du processus de décolonisation dans lequel <a href="http://www.lepoint.fr/politique/la-nouvelle-caledonie-des-accords-de-matignon-au-referendum-de-2018--19-03-2018-2203757_20.php">est engagée la Nouvelle-Calédonie</a>, témoigne des enjeux que représente l’Océanie pour la France.</p>
<h2>Entre mémoire et sécurité</h2>
<p>Organisée à la suite du déplacement d’<a href="https://theconversation.com/macron-a-la-maison-blanche-mariage-damour-ou-mariage-de-raison-95410">Emmanuel Macron aux États-Unis</a> et au cours de sa première année de présidence, cette visite témoigne de l’importance nouvelle dont la France s’empare du dossier australien.</p>
<p>Le rapprochement entre les deux pays est symbolisé et stimulé par le contrat conclu en 2016 par l’Australie avec Naval Group (ex-DCNS) concernant la <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/french-australian-submarine-deal-broader-political-and-strategic-context-mattered">livraison de 12 sous-marins d’attaque</a> entre 2030 et 2050.</p>
<p>Cette commande correspond à la nécessité pointée par le <em>Livre Blanc</em> de la Défense australienne de 2009 de <a href="http://www.defence.gov.au/WhitePaper/Links.asp">doter le pays de forces le rendant apte à affronter un danger émanant d’une grande puissance</a>. Le contexte géostratégique mouvant de l’Indo-Pacifique pousse l’Australie à penser à sa sécurité sans compter systématiquement sur l’alliance qui la lie aux <a href="https://www.smh.com.au/national/australia-s-future-submarine-and-our-strategic-risks-20180423-p4zb7f.html">États-Unis depuis 1951</a>.</p>
<p>Dans la foulée de ce contrat, la France et l’Australie ont approfondi leur <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/australie/evenements/article/declaration-conjointe-de-partenariat-strategique-rehausse-entre-la-france-et-l">partenariat stratégique</a>, en mettant en avant le souvenir des combats passés, le partage de valeurs communes et d’enjeux communs à court et à moyen terme.</p>
<p>Le 24 avril 2018, Malcom Turnbull, premier ministre australien, et Édouard Philippe, premier ministre français, <a href="http://www.lemonde.fr/culture/article/2018/04/25/dans-la-somme-les-australiens-ouvrent-un-centre-high-tech-sur-14-18_5290249_3246.html">ont ainsi inauguré le Centre Monash</a> qui fait vivre à Villers-Bretonneux la <a href="https://sjmc.gov.au/?lang=fr">mémoire de l’engagement australien</a> dans la bataille de la Somme (juillet 1916-novembre 1918).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216890/original/file-20180430-135825-1ivd966.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plaque à Villers-Bretonneux honorant les soldats australiens venus se battre et libérer le village durant la bataille de la Somme (1918).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Villers-Bretonneux_2.JPG">Weglinde-Gordon Lawson/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De part et d’autre, cette fraternité d’armes est présentée comme le socle du développement d’une relation rendue nécessaire par les défis communs auxquels sont confrontés les deux pays.</p>
<p>La France est présente dans l’Océan Pacifique par le biais de ses collectivités d’outre-mer. <a href="http://www.axl.cefan.ulaval.ca/pacifique/ncal1geo.htm">La Nouvelle-Calédonie</a>, distante de quelque 2 000 kilomètres des côtes australiennes, fait ainsi de la France le premier État frontalier de l’Australie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216892/original/file-20180430-135840-hlamx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte bathymétrique et topographique de la Nouvelle-Calédonie et de Vanuatu, Océanie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:New_Caledonia_and_Vanuatu_bathymetric_and_topographic_map-fr.jpg">Eric Gaba/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais durant près de trente ans, la politique nucléaire de la France en Polynésie française, et la gestion de la <a href="https://journals.openedition.org/jso/6647">revendication d’indépendance kanak</a> en Nouvelle-Calédonie ont constitué des sujets de <a href="https://www.peterlang.com/view/product/12024">tensions avec l’Australie</a>, particulièrement soucieuse de la stabilité de son environnement insulaire.</p>
<h2>La France, force stabilisatrice ?</h2>
<p>L’apaisement de la Nouvelle-Calédonie depuis les <a href="https://www.ac-noumea.nc/spip.php?article636">accords Matignon de 1988</a> et l’arrêt définitif des essais nucléaires français en 1996, ont changé la tonalité des relations franco-australiennes.</p>
<p>Historiquement, l’Australie fait dépendre sa sécurité immédiate de son environnement insulaire et est donc particulièrement soucieuse de la stabilité des îles du Pacifique sud-ouest dont fait partie la Nouvelle-Calédonie.</p>
<p>Si les relations globales entre Paris et Canberra ne butent plus sur des enjeux locaux, l’Australie observe toujours avec attention la situation calédonienne. La stabilité de cet archipel demeure une nécessité d’autant plus forte que la donne géopolitique de l’Océanie a fortement évolué ces dernières années. Face au poids de plus en plus marqué de nouveaux acteurs tels la Chine, l’Australie souhaite le maintien dans la région d’une l’influence française qu’elle juge stabilisatrice.</p>
<p>Autre échelle, celle de l’Indo-Pacifique. L’Australie et la France, puissances maritimes présentes dans les océans pacifique et indien, se veulent des acteurs forts de cet espace économique et stratégique en passe de supplanter le cadrage très continental de l’<a href="http://www.senat.fr/rap/r16-222/r16-222_mono.html">Asie-Pacifique</a>.</p>
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<p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/l-indo-pacifique-au-dela-du-slogan-94251">L’« Indo-Pacifique », au-delà du slogan</a>
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<hr>
<p>À l’échelle globale enfin, les deux pays sont engagés dans des dossiers communs tels le combat contre Daech, la lutte contre le réchauffement climatique ou le fondement des <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/australie/relations-bilaterales">relations internationales sur le droit.</a></p>
<p>Il ne faut pas oublier les perspectives économiques, notamment le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/0301323277391-brendan-berne-ambassadeur-daustralie-et-diplo-conomist-2156949.php">projet de zone de libre-échange</a> que l’Australie appelle de ses vœux.</p>
<p>La France perçoit globalement l’Australie comme un <a href="https://www.aspi.org.au/report/australia-france-strategic-partnership">« nouveau monde »</a> ; une puissance émergente avec laquelle elle entend bien approfondir ses relations.</p>
<h2>La Nouvelle-Calédonie, une visite à risques</h2>
<p>La poursuite du voyage présidentiel en Nouvelle-Calédonie intervient également à un moment fort de l’histoire de cet archipel engagé depuis trente ans sur la voie d’une décolonisation menée en accord avec la République.</p>
<p>Depuis l’accord de Nouméa (5 mai 1998), la Nouvelle-Calédonie est une collectivité d’outre-mer à statut particulier. Cet accord qui prolonge les Accords Matignon-Oudinot 1988, engage un partage de souveraineté entre la France et la Nouvelle-Calédonie par le transfert progressif et irréversible de compétences non-régaliennes au territoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Retour sur les accords signés par Michel Rocard en 1988, Ina Politique.</span></figcaption>
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<p>En outre, son préambule reconnaît une double légitimité : celle du peuple kanak – peuple autochtone – et celle des populations arrivées lors de la période coloniale. S’appuyant sur cette double légitimité, l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000555817">accord de Nouméa</a> définit une citoyenneté calédonienne attribuée sur un critère de résidence et dont découle l’inscription sur la liste électorale amenée à se prononcer le 4 novembre 2018.</p>
<p>Le <a href="https://www.lnc.nc/breve/emmanuel-macron-les-symboles-forts-de-sa-visite">programme annoncé de la visite</a>, sans surprise, marque la volonté de mener un dialogue équilibré.</p>
<p>Le président de la République devrait se rendre dans chacune des trois provinces de l’archipel. Dans la province Sud vit la majorité des communautés installées depuis le XIX<sup>e</sup> siècle. Cette population est constituée de descendants de colons européens, de travailleurs asiatiques et océaniens ou plus récemment par des métropolitains attirés par le <a href="http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers15-06/01890.pdf">« boom du nickel » des années 1969-72</a> ou par les conditions de vie de l’archipel.</p>
<p>Cette population est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1560282#titre-bloc-8">largement opposée à l’indépendance</a> contrairement à la population kanak, plus fortement indépendantiste, et qui est majoritaire dans la province Nord et celle des Îles. Ce clivage démographique s’exprime politiquement puisque les anti-indépendantistes dirigent la Province Sud tandis que les indépendantistes gèrent celles du Nord et des Îles.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=676&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=676&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216899/original/file-20180430-135851-3ihej8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=676&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation de l’archipel et des îles Loyautés dont Lifou, Mare, Ouvea et Tiga, 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Atlas_of_New_Caledonia#/media/File:Loyalty_Islands_map.png">NormanEinstein/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Ouvéa : l’île symbole de toutes les tensions</h2>
<p>C’est dans cette dernière province que va se jouer un temps sensible de la visite : en effet Emmanuel Macron a choisi de passer la matinée du 5 mai 2018 à Ouvéa.</p>
<p>Aucun de ses prédécesseurs ne s’est rendu dans cette île depuis que des indépendantistes y ont pris des gendarmes en otages en 1988. C’est aussi dans cette île que Jean‑Marie Tjibaou et Yeiwené Yeiwené, chefs de file du Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS), ont été abattus le 5 mai 1989, lors de la levée de deuil des 19 indépendantistes morts dans l’assaut du 5 mai 1988. Depuis, Ouvéa est une île meurtrie et symbole des tensions diverses qui traversent le territoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ouvéa, 1988, télévision française, INA.</span></figcaption>
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<p>À Ouvéa, la présence du Orésident Macron est loin de faire l’unanimité. <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2018/04/25/nouvelle-caledonie-la-venue-d-emmanuel-macron-s-annonce-compliquee_5290296_823448.html">Des voix s’opposent à sa venue</a> en ce jour de commémoration, estimant que la visite n’a pas été suffisamment préparée avec les autorités coutumières.</p>
<p>Quant aux anti-indépendandistes, une partie d’entre eux <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvelle-caledonie-preparation-du-referendum-tourne-au-clash-564293.html">ne pourrait que dénoncer</a> tout acte ou mot trop repentant sur la période coloniale de la part du chef de l’État.</p>
<p>À la veille du référendum d’autodétermination <a href="http://www.europe1.fr/politique/nouvelle-caledonie-a-un-an-du-referendum-une-societe-tres-clivee-3507554">prévu le 4 novembre</a>, Emmanuel Macron entend manifester l’impartialité de l’État dans le processus de décolonisation du territoire, une ambition qui sera jaugée au regard de ses gestes et de ses paroles. La transmission au gouvernement calédonien de l’acte de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, le 24 septembre 1853, entend ainsi <a href="http://www.liberation.fr/france/2018/04/29/macron-en-australie-puis-en-nouvelle-caledonie-a-six-mois-du-referendum-sur-l-independance_1646640">symboliser la souveraineté recouvrée du territoire sur son avenir</a>.</p>
<p>Le référendum n’est vraisemblablement qu’une étape de la relation entre la Nouvelle-Calédonie et la France. En cas de rejet de la pleine souveraineté le 4 novembre prochain, deux autres consultations pourraient être organisées en 2020 et 2022. En outre, rien n’exclut la poursuite des négociations entre l’État et les forces politiques du territoire pour la définition d’un nouveau type de relations institutionnelles entre la France et la Nouvelle-Calédonie.</p>
<p>Cette visite marquerait un tournant dans la relation jusqu’à présent asymétrique que Paris a longtemps entretenue avec l’Australie et la Nouvelle-Calédonie, et pourrait confirmer le rôle que Macron entend faire jouer à la France dans le Pacifique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Mohamed-Gaillard a reçu des financements de l’Ambassade de France en Australie pour un séjour de recherche (2014). </span></em></p>Placé sous le signe conjoint de la mémoire et des enjeux d’avenir, le voyage présidentiel en Australie et en Nouvelle-Calédonie est inédit.Sarah Mohamed-Gaillard, Maître de conférences en histoire contemporaine, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.