tag:theconversation.com,2011:/id/topics/offshore-27137/articlesoffshore – The Conversation2021-02-08T20:14:58Ztag:theconversation.com,2011:article/1546002021-02-08T20:14:58Z2021-02-08T20:14:58ZEntreprises offshores : le transfert ponctuel de personnel, une alternative à l’expatriation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382268/original/file-20210203-23-jtac6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’étude révèle que les entreprises devraient envisager un large éventail de types de transfert de personnel pour faciliter le transfert de connaissances depuis et vers le siège.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/kelantan-malaysia-may-05-2019-unidentified-1394568812">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le contexte de délocalisation, les difficultés de transfert de connaissances proviennent non seulement de la distance géographique et des problèmes de communication, mais aussi de ceux reliés à la culture et aux différences de fuseaux horaires qui rendent plus difficiles l’interaction des équipes onshores et offshores.</p>
<p>Il existe de nombreuses façons différentes de gérer et de transférer les connaissances d’une organisation à une autre. Cependant, même avec de bons programmes de formation, des employés hautement qualifiés et expérimentés, les entreprises doivent développer des processus appropriés afin de transférer les connaissances entre les membres des deux partis.</p>
<p>C’est pourquoi les entreprises comptent sur le transfert physique de personnel, consistant soit à envoyer un expatrié vers son centre offshore, soit à envoyer du personnel offshore vers le siège.</p>
<p>Dans ce contexte, nous avons exploré, dans une étude à paraître, comment une grande entreprise du secteur financier transférait ses connaissances, à travers le transfert physique de personnel. Nous avons mené une étude de cas approfondie d’une entreprise basée en Belgique, et ayant une implantation offshore en Pologne. Au total, 51 entretiens ont été menés sur les deux sites.</p>
<p>Dès l’arrivée des nouveaux employés recrutés au sein du centre offshore, ceux-ci sont immédiatement envoyés au siège en Belgique. Ils y suivent un programme de formation intensif leur permettant d’acquérir toutes les connaissances nécessaires afin d’exécuter leurs tâches correctement une fois retournés dans le centre offshore en Pologne.</p>
<h2>« Sous un angle différent »</h2>
<p>Outre le transfert de connaissances sur le poste, le transfert de personnel vers le siège a également aidé ces derniers à développer des relations de travail plus étroites avec les employés du siège. Ce transfert de connaissances relationnelles donne une approche en termes de mentalité : comment faire les choses, comment collaborer, communiquer avec vos collègues en Belgique ?</p>
<p>Comme en témoigne un employé dans notre étude :</p>
<blockquote>
<p>« Désormais, si les employés offshores ont une question, ils appelleront immédiatement quelqu’un en Belgique. Le comportement est différent, car maintenant ils connaissent personnellement les collègues belges. Ils savent aussi qui sait quoi en Belgique ».</p>
</blockquote>
<p>De plus, le fait de passer du temps avec les employés offshores au siège a aidé le personnel en Belgique à comprendre les habitudes et les valeurs de leurs homologues polonais. Un interviewé en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« La culture, les coutumes polonaises, la façon de travailler en Pologne… Je sensibilise mes collègues belges sur ces caractéristiques de façon plus directe ».</p>
</blockquote>
<p>Encore plus pertinent, les personnes interviewées pour cette étude ont également partagé avec nous le fait que :</p>
<blockquote>
<p>« Les employés offshore nous font réaliser des choses. […] Ils sont nouveaux, ils regardent les choses sous un angle différent. Nous (le personnel du siège) faisons les choses comme nous l’avons toujours fait ici en Belgique. […] Après un certain temps, ils (les employés offshores) sont encouragés à générer des idées sur la manière dont le processus peut être amélioré ou à proposer de nouvelles méthodes de travail ».</p>
</blockquote>
<p>Ce programme de transfert des employés offshores vers le siège a donc fortement encouragé les transferts de connaissances dans les deux sens, entre le siège et son centre offshore.</p>
<h2>Processus dynamique</h2>
<p>À la suite du programme, l’entreprise a lancé un autre programme de transfert physique de personnel au cours duquel un certain nombre d’employés du siège ont passé trois mois dans le centre offshore en Pologne en tant qu’expatriés à court terme, juste après le séjour de plusieurs mois des employés offshores au siège.</p>
<p>Ces « expatriés à court terme » ont pu expliquer une fois de plus ce qui n’était pas entièrement compris par les employés offshores à leur retour en Pologne :</p>
<blockquote>
<p>« Nous (les expatriés) questionnons les employés offshores chaque jour. Face à un problème, je peux par exemple demander “peux-tu m’expliquer pourquoi tu fais comme ça”. Certains vont me répondre “parce qu’on m’a dit de le faire”. Et plus vous les poussez, mieux vous définissez les causes profondes du problème qui, une fois identifiées, permettent d’envisager de nouvelles solutions. C’est vraiment notre rôle (de l’expatrié à court terme) ».</p>
</blockquote>
<p>Les données recueillies montrent également que les expatriés à court terme sont essentiels pour transférer les connaissances de la Pologne vers le siège. Un interviewé en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Il est vrai qu’en Belgique, si les gens sont là depuis plus de 20 ans pour faire la même tâche, ils ne remettront pas en cause le processus, ou très rarement. Maintenant, nous avons des gens (employés offshores) qui parfois détectent des pistes d’amélioration des procédures. Un nouveau venu polonais peut parfaitement contribuer activement à changer les méthodes de travail ».</p>
</blockquote>
<p>Dans cette étude, nous avons souligné que différents types de connaissances nécessitaient différentes pratiques de transfert de connaissances, soutenues par des formes diverses de transfert de personnel, afin que les membres de l’équipe offshore acquièrent les connaissances requises.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1318459116994633728"}"></div></p>
<p>En résumé, les résultats de l’étude soulignent que la création, la distribution et le partage des connaissances étant un processus dynamique, il nécessite une interaction intensive et continue. Il ressort de nos travaux de recherche que les entreprises devraient envisager un large éventail de types de transfert de personnel pour faciliter le transfert de connaissances depuis et vers le siège.</p>
<p>Nous montrons que le recours à des missions internationales bidirectionnelles plus courtes, en plus de l’expatriation à long terme, n’est pas seulement un moyen de compenser les inconvénients bien connus de l’expatriation à long terme (par exemple lié aux coûts de l’opération, et aux difficultés d’adaptation des expatriés à leur nouvel environnement), mais constitue aussi un moyen de faciliter le transfert de différents types de connaissances entre les deux parties, et à des moments différents. De plus, cette étude démontre que diverses formes de transfert de personnel sont utilisées de façon complémentaire pour transférer différents types de connaissances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Duvivier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les séjours courts d’employés du siège vers le site à l’étranger et inversement permettent de transférer des connaissances dans les deux sens à moindre coût.Florence Duvivier, Assistant Professor in Strategy and International Management, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1482272020-10-19T19:34:33Z2020-10-19T19:34:33ZDélocalisations : l’expatriation, un levier pour entretenir de bonnes relations avec le partenaire offshore<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/363920/original/file-20201016-17-1obmsz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C1022%2C577&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les services de centre d’appels font partie des activités que les entreprises françaises ont eu tendance à confier à des prestataires à l’étranger ces dernières années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CENTRE_D%27APPEL_B2S_ORANGE_AU_MAROC.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En délocalisant à l’étranger certains services (par exemple, des services informatiques, des centres d’appels, des services d’ingénierie), les entreprises bénéficient d’un meilleur accès aux compétences et à du personnel qualifié, aux opportunités d’apprentissage et à d’autres avantages en termes de coûts et de ressources.</p>
<p>Mais cette externalisation offshore comporte également des risques : par exemple, lorsque le travail effectué par un prestataire offshore ne répond pas aux attentes de l’entreprise cliente. Cette dernière peut en conséquence craindre qu’en raison de son manque d’expertise, et au vu de sa dépendance vis-à-vis de son prestataire offshore, ce dernier présente un comportement opportuniste.</p>
<p>Et malheureusement, en règle générale, se fier uniquement à un contrat ne suffit pas pour répondre au besoin de contrôle des entreprises clientes envers leurs prestataires offshores.</p>
<p>Les différences culturelles et linguistiques augmentent le risque de mauvaises communications et de malentendus. De plus, la distance géographique et les différences de fuseaux horaires rendent plus difficiles l’interaction et la coordination des équipes entre les deux parties.</p>
<p>Dans ce contexte, nous avons étudié comment le transfert physique de personnel entre les deux partis pouvait aider les entreprises clientes à garder le contrôle sur leurs activités délocalisées.</p>
<p>Nous avons mené une <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/ambpp.2017.15894abstract">étude</a> qualitative exploratoire des initiatives d’externalisation offshore de 32 entreprises clientes situées en Belgique, en examinant les pratiques utilisées pour contrôler les accords de délocalisation via le transfert physique de personnel, consistant soit à envoyer un expatrié vers le prestataire offshore, soit à envoyer du personnel offshore vers l’entreprise cliente.</p>
<h2>Informations de première main</h2>
<p>Cette enquête démontre d’abord que, généralement, le rôle des expatriés reste moins formel que la supervision directe de leur prestataire offshore ; à titre d’exemple, nous avons pu constater qu’un expatrié avait pu recueillir de manière informelle des informations de première main sur les tâches, les progrès réalisés, et les problèmes auxquels les équipes locales étaient confrontées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">D’après les études de l’auteur, le contact informel a permis à un expatrié de recueillir diverses informations..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/coffee-break-chat-group-attractive-business-365330063">George Rudy</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce type de phénomène facilite donc l’identification et la correction des comportements mal alignés par les employés offshores. Le contrôle exercé par l’expatrié améliore ainsi l’échange d’informations tacite, comme en témoigne un employé dans notre étude :</p>
<blockquote>
<p>« Un expatrié utilisait régulièrement la machine à café pour développer le contact informel en construisant un réseau… Et si vous restez à la machine à café assez longtemps, vous pouvez partager des connaissances inarticulées. Et c’est ce dont les expatriés ont vraiment besoin ».</p>
</blockquote>
<p>Ensuite, la présence d’expatriés a également été signalée comme un moyen important de transmettre les connaissances vers le prestataire à partir de formations, qui peuvent prendre des formes tacites et qui réduisent les problèmes d’asymétrie d’information, comme en témoigne un autre interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Si les expatriés demandent aux membres offshores “L’avez-vous compris ?” et qu’ils répondent oui, ils doivent aussi le démontrer de manière pratique. C’est une étape supplémentaire que nous avons franchie dans le processus de transfert des connaissances d’une manière bonne et efficace ».</p>
</blockquote>
<h2>Connaître chaque employé</h2>
<p>Les personnes interviewées pour cette étude ont également partagé avec nous le fait que les membres offshores appréciaient que les entreprises clientes envoient des expatriés. Ils considèrent cela comme un signe positif de considération et de reconnaissance du travail réalisé par leur entreprise.</p>
<p>La présence de ces expatriés montre l’engagement de l’entreprise cliente à accompagner les équipes locales, et en échange l’entreprise cliente bénéficie d’une plus grande fidélité et d’une motivation supplémentaire chez le personnel offshore ; ce qui, en retour, contribue à favoriser la confiance mutuelle pour aider le client à atteindre ses objectifs, explique un expatrié :</p>
<blockquote>
<p>« Nous gérons les employés offshores exactement comme nos employés, en utilisant leur prénom, en ayant le même type de relation que nous avons avec nos propres employés. Nous voulons passer du temps avec eux et les connaître un par un. Dès qu’il y a plus de relations personnelles, les gens sont plus heureux de travailler et se sentent mieux. De notre côté, nous savons qui peut faire quoi, ce qu’ils préfèrent faire. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, trouver des employés candidats à l’expatriation n’est pas toujours chose aisée. De plus, lorsque ceux-ci sont disponibles, ils s’avèrent généralement coûteux, et souvent ont du mal à s’adapter à leur nouvel environnement.</p>
<p>C’est pourquoi la solution de faire venir un employé de l’entreprise offshore dans l’entreprise, solution souvent proposée, apparaît comme une solution pertinente. D’autant plus que, si ce choix peut parfois être un peu forcé, il reste un bon moyen d’entretenir de bonnes relations entre les deux parties. L’accueil dans l’entreprise cliente des employés offshores crée en effet des liens personnels qui facilitent la communication entre les équipes, non seulement pendant la mission à l’étranger mais aussi après.</p>
<p>Un interviewé, appartenant à une entreprise qui accueille un représentant de son partenaire situé en Roumanie, en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« En Roumanie, les employés savent qu’il y a quelqu’un qui les comprend. Selon nos sources, les problèmes culturels et de communications ont diminué depuis son arrivée. Il reste en contact avec les gens en Roumanie pour connaître leurs problèmes, et les partage ensuite avec le siège social ».</p>
</blockquote>
<p>En résumé, les résultats de l’étude soulignent que les entreprises clientes doivent s’éloigner des mécanismes de contrôle formels et de l’utilisation exclusive d’expatriés, se concentrant plutôt sur la communication informelle, et construire une relation basée sur la confiance, la coopération et la reconnaissance.</p>
<p>Ces mécanismes permettent d’aligner le comportement des prestataires offshore sur le meilleur intérêt des clients, réduisant ainsi l’asymétrie d’information, en augmentant la motivation du personnel offshore et en renforçant la confiance entre les deux parties.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Duvivier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’envoi d’un représentant de l’entreprise cliente permet généralement de diminuer l’asymétrie d’informations au travers les échanges informels.Florence Duvivier, Assistant Professor in Strategy and International Management, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/883492017-12-06T21:24:55Z2017-12-06T21:24:55Z« L'omnishoring » dans la mode plus efficace que la relocatisation en termes d'innovation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196952/original/file-20171129-29143-1s83b3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reshore, offshore, multishore ?</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Après avoir été un modèle d’offshoring/délocalisation, l’industrie de la mode s’oriente vers le omnishoring, plutôt que vers le reshoring/relocalisation, pour garantir sa capacité d’innovation.</p>
<h2>Délocalisation et relocalisation dans le secteur de la mode</h2>
<p>Après une importante vague d’offshoring (ou délocalisation, c’est-à-dire fabrication en dehors du pays d’origine, souvent dans des pays lointains offrant de faibles coûts de production, comme la Chine), le modèle semble avoir atteint ses limites, notamment dans le secteur de la mode : <a href="http://www.strategie-aims.com/events/conferences/6-xviieme-conference-de-l-aims/communications/1692-acheter-a-bas-couts-ou-sapprovisionner-a-couts-eleves/download">coûts cachés en matière de logistique</a>, de qualité et de coordination, contrefaçon, impact négatif sur l’environnement, mauvaises conditions de travail et accélération de l’évolution des tendances.</p>
<p>La mode est un cas particulièrement intéressant à cet égard. En effet, c’est à la fois un secteur qui a beaucoup délocalisé en raison de l’abondante main-d’œuvre requise (notamment pour la partie <a href="https://www.economist.com/news/science-and-technology/21727058-robot-tailors-are-their-way-sewing-clothes-still-needs-human-hands-how?frsc=dg%7Ce">couture</a> qui n’a pas été automatisée) et un secteur dans lequel subsistent des pôles industriels (Prato en Italie et centres textiles à Londres, New York et Paris).</p>
<p>Une <a href="https://www.bcg.com/documents/file84471.pdf">étude du Boston Consulting Group</a> souligne une réduction de l’écart entre les coûts de main-d’œuvre en Chine et aux États-Unis du fait d’une hausse de ces coûts en Chine et de l’augmentation de la productivité aux États-Unis. Ce phénomène suggère une vague de reshoring (ou relocalisation, autrement dit retour de la fabrication aux États-Unis après sa délocalisation) dans de nombreux secteurs. La relocalisation est également devenue un concept en vogue en Europe et les avantages de la fabrication pour les pays européens sont largement mis en avant.</p>
<p>La délocalisation semble poser des problèmes s’agissant de la capacité d’innovation des entreprises. Des chercheurs du MIT (<a href="https://hbr.org/2012/03/does-america-really-need-manufacturing">Pisano et Shih, 2012</a>) proposent un cadre pour classer les secteurs selon leur type d’innovation (innovation purement attachée aux produits, innovation purement attachée aux processus, innovation intégrée aux processus et innovation fondée sur les processus). La mode est considérée comme un secteur où l’innovation est intégrée aux processus, ce qui signifie que création et fabrication doivent se faire au même endroit afin que les entreprises maintiennent leur capacité d’innovation. Par conséquent, Pisano et Shih recommandent d’implanter les deux activités dans le pays d’origine. L’innovation est présentée comme un argument supplémentaire en faveur de la relocalisation.</p>
<p>La numérisation, l’<a href="https://www.businessoffashion.com/articles/global-currents/is-the-old-sourcing-model-dead?utm_source=twitter.com&utm_medium=socialshare&utm_campaign=bof">automatisation</a> et les technologies et tendances liées à l’industrie 4.0 sont également décrites comme des phénomènes modifiant le paysage de la fabrication dans la mode, avec un mouvement vers des sites de production plus proches.</p>
<h2>Une réalité plus complexe : l’omnishoring</h2>
<p>Une analyse approfondie de 20 entreprises européennes du secteur de la mode (réalisée par Céline Abecassis-Moedas et Valérie Moatti dans le cadre de la <a href="http://www.escpeurope.eu/faculty-research/chairs-and-institutes-escp-europe/chair-for-fashion-and-technology-escp-europe-lectra/">Chaire ESCP Europe – Lectra « Mode et Technologie »</a>) esquisse une situation plus complexe.</p>
<p>Tout d’abord, il apparaît que les entreprises européennes perçoivent différemment les pays auprès desquels elles se fournissent selon qu’ils sont lointains (Asie) ou proches (Europe, Turquie ou Afrique du Nord). Cette vision remplace la dichotomie habituelle entre approvisionnement local et approvisionnement distant. La fabrication dans le pays d’origine est quasiment inexistante.</p>
<p>Aucune des entreprises n’a ainsi relocalisé sa production depuis des pays lointains. En revanche, elles ont été quelques-unes à rapprocher la production en la déplaçant de sites éloignés vers des sites plus proches (nearshoring). De fait, pour la plupart, ces entreprises fabriquent plus de la moitié de leurs volumes dans des destinations proches.</p>
<p>En réalité, toutes les entreprises gèrent un portefeuille complexe combinant des sites d’approvisionnement proches et lointains, soit en affectant des produits différents à des sites différents (jeans en Turquie, par exemple), soit en répartissant des produits similaires sur des sites différents selon le cycle de vie des produits (sites proches pour les petites séries au début de la saison, puis sites lointains pour les gros volumes et sites proches à nouveau pour les réassortiments en fin de saison).</p>
<p>C’est ce que nous appelons l’« omnishoring », qui correspond à un ensemble de plusieurs stratégies d’approvisionnement (proches et lointains) sélectionnés en fonction des produits et de leur degré d’innovation.</p>
<h2>Stratégies de coordination entre création et fabrication et stratégies de gestion de la distance</h2>
<p>D’autre part, si la nécessité de coordonner création et fabrication lorsqu’elles ne sont pas colocalisées se confirme, les entreprises utilisent diverses stratégies au-delà de la colocalisation dans le pays d’origine.</p>
<ul>
<li><p>Certaines entreprises ont développé une colocalisation inversée, dans le cadre de laquelle elles rapprochent la création de la production (plutôt que le contraire) : de grands acteurs de l’industrie de la mode en Europe ont ainsi déménagé (partiellement ou intégralement) leur service de création à Hong Kong ou en Chine.</p></li>
<li><p>Un autre mécanisme de coordination consiste à implanter le prototypage, phase précoce de la fabrication qui s’avère primordiale pour le processus d’innovation, non loin du lieu de la création, tandis que le reste de la fabrication peut s’opérer plus loin.</p></li>
<li><p>Certaines entreprises font fabriquer leurs produits dans des pays géographiquement éloignés, mais culturellement proches, qui parlent la même langue par exemple (en Thaïlande pour les entreprises britanniques par exemple).</p></li>
<li><p>D’autres procèdent à la fabrication dans des pays lointains, mais dans des usines internes ou via des partenariats solides, ce qui permet un plus grand contrôle et une meilleure coordination.</p></li>
<li><p>Enfin, la coordination peut passer par l’utilisation de technologies de fabrication et de communication (PLM, conception en 3D, etc.), le recours à des intermédiaires ou des déplacements réguliers et systématiques des designers dans les usines de production.</p></li>
</ul>
<p>Notre analyse fait donc apparaître une approche plus subtile de la notion de distance (au-delà de sa dimension purement géographique) et, par là même, concernant la manière dont cette distance est gérée.</p>
<p>Quatre stratégies de gestion de la distance entre création et production se dégagent :</p>
<ul>
<li><p>éliminer la distance grâce à la colocalisation ou à la colocalisation inversée,</p></li>
<li><p>fractionner la distance, en segmentant la fabrication avec le prototypage et le développement des produits d’un côté, et la production de gros volumes de l’autre,</p></li>
<li><p>limiter la distance géographique grâce à d’autres formes de proximité telles que la proximité culturelle ou institutionnelle (fabriquer dans ses propres usines dans des pays lointains, par exemple),</p></li>
<li><p>atténuer la distance en tirant parti des technologies.</p></li>
</ul>
<p>Le terme « omnishoring » recouvre un éventail complexe de destinations d’approvisionnement (proches et lointaines) et de modèles institutionnels (usines internes ou sous-traitantes) qui permet aux entreprises de gérer différents produits, saisons, séries, etc.</p>
<p>Cette étude relative au secteur de la mode démontre qu’il existe différentes manières de gérer la nécessaire colocalisation de la création et de la fabrication.</p>
<p>Ces stratégies peuvent par ailleurs alimenter la réflexion d’autres secteurs désireux de procéder à la fabrication en dehors de leur pays d’origine sans pour autant compromettre l’innovation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Abecassis-Moedas a reçu des financements de la Chaire Lectra Mode et Technologie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Moatti a reçu des financements de de la Chaire Lectra Mode et Technologie.</span></em></p>Après avoir été un modèle d’offshoring, l’industrie de la mode s’oriente vers le omnishoring, plutôt que vers le reshoring, pour garantir sa capacité d’innovation.Céline Abecassis-Moedas, Affiliate professor at ESCP Europe and Professor, Universidade Católica PortuguesaValérie Moatti, Professor, Lectra Fashion and Technology Chair, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/674272016-11-03T22:44:06Z2016-11-03T22:44:06ZCe flou juridique qui nuit à la lutte contre la pollution offshore<p>Depuis octobre, on peut voir en salle le film-catastrophe <em>Deepwater Horizon</em>, qui retrace le naufrage la <a href="http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/plateformes-petrolieres">plateforme pétrolière</a> du même nom dans le golfe du Mexique en 2010.</p>
<p>Deepwater Horizon (DWH) servait au forage et pouvait opérer à des profondeurs de 2 500-3 000 mètres. Elle avait été conçue pour résister à des tempêtes extrêmes, à une houle de 25 mètres et à des vents de 180 kilomètres-heure. Son explosion et sa disparition, le 22 avril 2010 à 83 miles marins des côtes de Louisiane, ont entraîné une fuite d’hydrocarbures estimée à 779 millions de tonnes – soit l’équivalent de 40 Erika ou de 3,5 <a href="http://wwz.cedre.fr/Nos-ressources/Accidents/Accidents/Amoco-Cadiz">Amoco Cadiz</a> – ainsi que la disparition de 11 membres d’équipage.</p>
<p>La cause de l’accident concerne une erreur dans la gestion des risques à bord. Et la conception même de la plateforme a joué comme un élément facilitateur de la catastrophe, en empêchant une partie de l’équipage de pouvoir être évacuée. Il faut enfin souligner un certain laxisme de la part de l’administration américaine qui n’a pas assuré correctement son rôle de contrôle.</p>
<p>Quel a été l’impact de cette catastrophe sur la réglementation des activités <em>offshore</em> ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-AYb4_aOJXU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le naufrage de l’Erika, rappel des faits (France 3 Bretagne, 2012).</span></figcaption>
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<h2>Un cadre juridique lacunaire</h2>
<p>Si la première plateforme <em>offshore</em> date de 1933, il aura fallu attendre la catastrophe de celle de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Piper_Alpha">Piper Alpha</a>, en 1988 au large de l’Écosse, pour qu’une méthode de gestion des risques – appelée <em>safety cases</em> – soit élaborée en la matière.</p>
<p>Cette méthode, d’abord imposée aux installations situées dans les eaux britanniques, a ensuite été appliquée par l’ensemble des opérateurs <em>offshore</em>.</p>
<p>La caractéristique principale de cette réglementation réside dans son absence de caractère prescriptif.</p>
<p>Si les objectifs de sécurité sont ambitieux, les moyens de les atteindre sont laissés, eux, à la seule appréciation de l’opérateur. Ce dernier doit donc prouver que son installation est sûre. Les <em>safety cases</em> ne représentent donc pas l’outil idéal ; ils auront toutefois permis de faire baisser le nombre de morts et d’accidentés sur les plateformes : 120 décès et blessés graves ont été <a href="http://www.hse.gov.uk/riddor/">comptabilisés</a> en 1991-1992 contre 54 pour 1999-2000.</p>
<p>On le voit, la méthode des <em>safety cases</em> comporte de sérieuses limites. Pourquoi dès lors ne pas faire appel à des conventions internationales de protection de l’environnement marin, comme il en existe en transport maritime ? C’est que de telles conventions n’existent tout simplement pas !</p>
<p>Ce n’est pourtant pas les tentatives qui ont manqué pour instaurer ce cadre, comme en témoignent la Convention de Londres (1976) ou le Rio Draft, projet du Comité maritime international <a href="http://www.comitemaritime.org/Home/0,271,1132,00.html">(CMI)</a> en 1977.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce de «Deepwater Horizon» (Lionsgate Movies, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Une action régionale ?</h2>
<p>Si les tentatives internationales n’ont pu aboutir, pourquoi alors ne pas se tourner vers des conventions régionales marines telles l’<a href="http://www.ospar.org/">Ospar</a> (Atlantique Nord-Est) ou la <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/note_convention_Barcelone.pdf">Convention de Barcelone</a> pour la Méditerranée ? Cette dernière comporte en effet des protocoles additionnels dont l’un porte sur l’exploitation des fonds marins. Entré en vigueur le 24 mars 2011, il est en sommeil depuis. La Convention Ospar traite, pour sa part, de la pollution <em>offshore</em>, mais pas à titre principal. De 1994 à 2004, plusieurs projets ont été à nouveau proposés par le CMI. Lors de la conférence du CMI à Vancouver en 2004, l’Organisation maritime internationale <a href="http://www.imo.org/fr/Pages/Default.aspx">(OMI)</a> a souligné le peu d’intérêt que ce texte présentait.</p>
<p>La situation actuelle se caractérise donc par une absence de convention internationale propre aux plateformes <em>offshore</em> ; des conventions régionales n’abordant ces questions qu’accessoirement ; des normes privées ne relevant que des opérateurs.</p>
<p>Le naufrage de Deepwater aura-t-il néanmoins permis de progresser vers une réelle prise en compte du risque <em>offshore</em> ?</p>
<h2>Des avancées aux USA et en Europe</h2>
<p>Depuis la catastrophe, les États-Unis ont réformé leur cadre réglementaire. L’administration chargée du développement et du contrôle des activités <em>offshore</em> a été restructurée et un comité consultatif a vu le jour pour proposer des améliorations nécessaires à la sécurité des forages. Une nouvelle réglementation a été introduite afin de réduire les erreurs humaines et organisationnelles et développer une culture du risque, en s’inspirant des <em>safety cases</em>.</p>
<p>L’Union européenne a, de son côté, adopté le 12 juin 2013 une <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013L0030&from=FR">directive</a> portant sur la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer. Celle-ci a été transposée en droit français en décembre 2015. Ce texte ne concerne que les opérations effectuées dans la mer territoriale et la ZEE (zone économique exclusive) des États-membres. C’est-à-dire que les opérations ayant lieu dans les eaux intérieures ou en haute mer ne le sont pas.</p>
<p>Trois éléments sont à retenir de cette directive : l’obligation pour l’exploitant de fournir un rapport sur les dangers majeurs et un programme de vérification indépendante ; le renforcement de la coopération en États membres ; la mise en place de dispositions pénales et d’une responsabilité qui peut être engagée du seul fait d’un dommage à l’environnement.</p>
<p>Quid des autres zones maritimes dans lesquelles des plateformes <em>offshore</em> opèrent sans réel contrôle de l’État côtier concerné, comme en Afrique de l’Ouest ou au Mexique ? Il serait rassurant de ne pas se contenter d’un film… aussi palpitant soit-il.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Lasmoles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion de la sortie de « Deepwater Horizon », qui revient sur le naufrage de la plateforme pétrolière de BP dans le Golfe du Mexique, où en est la réglementation des activités offshore ?Olivier Lasmoles, Professeur de droit, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/622442016-07-12T04:44:59Z2016-07-12T04:44:59ZLa Méditerranée, ce fragile eldorado des hydrocarbures<p>Au printemps 2016, Ségolène Royal <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Segolene-Royal-a-annonce-a-la.html">a annoncé</a> « un moratoire immédiat sur la recherche d’hydrocarbures en Méditerranée ». Cette décision est une suite logique à l’annonce, au mois de janvier, d’un refus total d’accorder toute nouvelle autorisation de recherche d’hydrocarbures <a href="http://www.ifpenergiesnouvelles.fr/Espace-Decouverte/Les-cles-pour-comprendre/Les-sources-d-energie/Les-hydrocarbures-non-conventionnels/Hydrocarbures-non-conventionnels-definitions#1">conventionnels</a>.</p>
<p>C’est donc au terme de plusieurs années d’indécision sur la question, de consultations publiques, de <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/forage-mediterranee-rhone-maritime-permis-15060.php4">manifestations pour ou contre</a> et de recours juridictionnels, que la ministre de l’Environnement a fermé définitivement la porte à ce serpent de mer politique, qu’on voyait réapparaître à l’occasion de certaines <a href="http://www.francetvinfo.fr/politique/eva-joly-participe-a-une-manifestation-contre-les-forages-en-mediterranee_265201.html">campagnes électorales</a>.</p>
<p>Il convient cependant de nuancer les effets de cette décision : seuls deux projets d’exploration étaient établis dans les eaux méditerranéennes françaises. Il s’agissait du permis de recherche « Rhône Maritime », au large des calanques marseillaises, et du projet de Centre d’essais et d’expertise en mer profonde, porté par la société Abyssea au large des îles d’Hyères.</p>
<p>Le premier avait d’ailleurs vu sa demande de renouvellement rejetée par le gouvernement à l’<a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/BMI09_2015.pdf">automne 2015</a>, ce qui laissait présager une possible diminution d’intérêts du gouvernement français sur l’éventuelle richesse en hydrocarbures des sols méditerranéens.</p>
<h2>Méga-gisements de gaz</h2>
<p>Si l’ambition du moratoire sur le sol français annoncé par la ministre est toute relative, l’intérêt de sa déclaration réside dans sa volonté d’en réclamer l’extension à l’ensemble de la Méditerranée.</p>
<p>Car si la France reste mesurée dans l’exploitation du sous-sol de ses eaux méditerranéennes, certains de ses voisins cherchent et exploitent abondamment les hydrocarbures <em>offshore</em>. La Méditerranée apparaît notamment comme un <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/02/l-incertain-eldorado-gazier-de-la-mediterranee-orientale_4743649_3234.html">nouvel eldorado gazier</a>, avec la découverte, ces dernières années, de gisements d’envergure, comme ce fut le cas en <a href="http://www.lepoint.fr/economie/egypte-decouverte-du-plus-grand-gisement-de-gaz-en-mediterranee-30-08-2015-1960475_28.php">2015 au large de l’Égypte</a>.</p>
<p>L’<a href="http://medtrends.org/sectors.php?sector=oil-extraction">Italie, l’Égypte, l’Espagne, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Grèce, la Lybie ou encore Israël</a> ont donc choisi de profiter de cette source de richesse longtemps insoupçonnée qui leur assurera indépendance énergétique et poids géopolitique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"740973851736219648"}"></div></p>
<p>Une course aux hydrocarbures a ainsi été lancée dans la dernière décennie, et quelques centaines de plateformes fleurissent aujourd’hui en Méditerranée, sans pour autant atteindre la densité observée en mer du Nord ou dans le Golfe du Mexique.</p>
<p>Israël, par exemple, longtemps dépendant énergétiquement, a mis à jour deux très importants gisements de gaz au large de ses côtes : le bien-nommé Léviathan, et Tamar ; ils devraient, pour la première fois, permettre au pays d’exporter du gaz. Le bassin du Levant révélant progressivement ses richesses, il y a là une nouvelle donnée géopolitique à prendre en considération dans cette région déjà asphyxiée par les conflits.</p>
<p>Notons que la découverte récente de plusieurs gisements en mer Méditerranée est principalement due à l’évolution des technologies, rendant de moins en moins difficiles les activités <em>offshore</em>. On fore de plus en plus loin et de plus en plus profond.</p>
<p>L’ancien secrétaire de l’Organisation maritime internationale <a href="http://www.imo.org/fr/Pages/Default.aspx">(IMO)</a>, Efthimios Mitropoulos a d’ailleurs qualifié l’exploitation d’hydrocarbures <em>offshore</em> d’une formule en 4D : <em>« Deep, Distant, Dangerous, Difficult »</em> (« Profond, lointain, dangereux et difficile »).</p>
<h2>Des risques avérés pour l’environnement marin…</h2>
<p>Ces activités, certes bénéfiques pour l’économie des États exploitants, ne sont pas sans risque pour l’environnement méditerranéen.</p>
<p>Au-delà d’une catastrophe possible, à l’image de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010 – dont les côtes de Louisiane paient encore le prix et qui a considérablement fragilisé la position économique de la compagnie pétrolière BP –, la pression environnementale quotidienne n’est pas anodine.</p>
<p>Les méthodes de recherche utilisent notamment des ondes qui pourraient être à l’origine de l’<a href="http://www.naturequebec.org/fichiers/Energie_climat/ME03-12-08_Impacts.pdf">échouage des cétacés</a>. La pollution sonore et lumineuse des plateformes désoriente d’autre part les animaux qui fuient alors la zone d’exploitation. Enfin, les rejets quotidiens de différentes substances, dus au fonctionnement normal d’une plateforme ou conséquences d’accidents mineurs, polluent les eaux.</p>
<p>Et certaines caractéristiques de la Méditerranée accentuent encore ces nuisances. En raison de sa topographie semi-fermée, la concentration de substances polluantes reste en effet élevée. De plus, l’activité sismique soutenue dans certaines régions, ainsi que la force des évènements météorologiques constituent des facteurs de risque supplémentaires qui peuvent fragiliser les plateformes, majorer un accident ou rendre plus difficiles les manœuvres de réaction à la catastrophe.</p>
<p>Il faut également rappeler que la Méditerranée abrite une biodiversité abondante, variée, mais fragile. L’impact d’un épisode polluant majeur représenterait donc une réelle catastrophe environnementale pour ce réservoir important de la biodiversité marine et côtière mondiale.</p>
<h2>…et pour l’homme, espèce côtière vulnérable</h2>
<p>Notons enfin qu’il ne s’agit pas uniquement de protéger un environnement dont certains refusent de se préoccuper. Une éventuelle dispersion d’hydrocarbures, salissant les plages et polluant les eaux, aurait des effets néfastes sur l’activité touristique, <a href="http://www.veilleinfotourisme.fr/l-omt-organise-une-conference-sur-la-qualite-des-destinations-de-la-mediterranee-145791.kjsp">très intense en Méditerranée</a>, ainsi que sur les pêches, artisanales ou industrielles.</p>
<p>Pour funeste rappel, BP a dû payer cinq milliards de dollars pour <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/07/02/maree-noire-de-2010-la-justice-americaine-et-bp-trouvent-un-accord-a-18-7-milliards-de-dollars_4667922_3222.html">« compenser les conséquences économiques »</a> de la catastrophe de Deepwater Horizon (2010). Une marée noire en Méditerranée toucherait durablement une population littorale dont les revenus résident principalement dans les bienfaits de la mer, de ses richesses et ses beautés…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62244/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clio Bouillard a reçu un financement de la région PACA. Elle est membre de l’association Expédition Med, qui lutte contre la pollution plastique en mer.</span></em></p>De nombreux pays misent sur l’exploitation des énergies fossiles dans leurs eaux méditerranéennes. Non sans risques pour les écosystèmes et les populations littorales.Clio Bouillard, Doctorante contractuelle, CERIC, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/583342016-05-02T04:38:54Z2016-05-02T04:38:54ZPétrole et gaz offshore, une activité insuffisamment encadrée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/120686/original/image-20160429-10488-1jfs1cq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C205%2C3249%2C2233&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avril 2010, la plateforme Deepwater Horizon explose, provoquant une marée noire dans le Golfe du Mexique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ideum/4711481781/in/photolist-83RTAa-83V1Jq-84FkB4-8bkzov-83SAcV-89HGfo-8brcLf-bN5Djz-bN5BLR-bN6hxK-7VhBrg-87beUJ-mbaadW-8kirep-8kirbt-8kirea-8kirdv-8kirf4-8kircT-8kmCGy-8kmCFq-8kmCJu-8kirbX-8kireR-mb9fyB-8gR3Wi-85pwUH-6HPouy-7WHPki-8ioH1a-8GZs8S-8apKyr-8apKHv-8apKsK-8apKMe-8ccTJV-8asZvw-8apKQV-87pFpc-8ajEZM-8o9gA7-8asZNN-94Jzd9-88BxF9-8o66Pk-mb9fwc-7YjyRU-8o66NV-8psVAr-8o66RH/">ideum/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/04/05/les-militants-pour-le-climat-protestent-contre-un-sommet-consacre-aux-forages-offshore_4895929_3244.html">Manifestation</a> contre une conférence organisée à Pau par des compagnies pétrolières et gazières, <a href="http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN0XE0O2">référendum en Italie</a> sur la durée des contrats accordés aux entreprises du secteur, annonce par la ministre française de l’Écologie <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2016-04-08_SR_Conference_nationale_Ocean.pdf">d’un moratoire</a> sur les permis d’hydrocarbures en Méditerranée et (triste) <a href="http://www.sciencemag.org/news/2016/04/six-years-after-historic-deepwater-horizon-spill-documentary-examines-science">anniversaire</a> de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique : avril 2016 aura vu les questions liées à l’exploration pétrolière et gazière offshore revenir subitement sur le devant de la scène.</p>
<p>Au-delà de ces évènements, où en est la réglementation internationale des activités pétrolières et gazières offshore ? Quelles leçons ont été tirées des accidents survenus en Australie (2009), aux États-Unis (2010), en Chine (2011) ou au Nigeria (2012) ?</p>
<h2>Forer toujours plus profond</h2>
<p>Du fait de la demande croissante d’énergie, les activités offshore se sont considérablement développées ces dernières décennies. Aujourd’hui, près d’un tiers du pétrole et un quart du gaz naturel consommés dans le monde proviennent de gisements sous-marins.</p>
<p>À l’avenir, les régions traditionnellement exploitées – comme le fameux <a href="http://projet-eyesea.reaco.fr/offshore/loffshore-de-demain-le-triangle-dor/">triangle d’or</a> Afrique de l’Ouest-golfe du Mexique-Brésil – devraient continuer à être profitables et de récentes découvertes laissent entrevoir un développement dans de nouvelles zones, l’<a href="http://www.gep-aftp.com/_upload/ressources/cocktail_gep-aftp_2012/s_matesco_gep_aftp_-_afrique_de_l__est_28-6-12.pdf">Afrique de l’Est</a> en particulier.</p>
<p>Autre caractéristique du secteur : son empreinte dans les eaux profondes et ultra-profondes. Alors qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les industriels foraient dans quelques mètres d’eau, il est aujourd’hui courant d’atteindre les 2, voire <a href="http://www.lemarin.fr/articles/detail/items/record-mondial-transocean-fore-sous-3-100-metres-deau.html">3 kilomètres</a> de profondeur.</p>
<h2>Des systèmes nationaux disparates</h2>
<p>À l’échelle nationale, les législations régissant les activités pétrolières et gazières offshore <a href="http://www.iddri.org/Publications/Collections/Analyses/Study0114_JR%20et%20al_offshore_FR.pdf">varient considérablement</a> d’un pays à l’autre. Certaines couvrent chaque étape du cycle de vie d’une plateforme, de sa phase d’exploration au démantèlement des installations, quand d’autres sont limitées à la phase de production stricto sensu.</p>
<p>Si certaines visent à prévenir les impacts environnementaux des forages, d’autres se consacrent uniquement à en faciliter le développement. Par ailleurs, l’application des législations nationales varie également d’un pays à l’autre. De nombreux États en développement manquent en effet des capacités nécessaires pour assurer un <a href="https://portals.iucn.org/library/efiles/edocs/2009-080.pdf">contrôle</a> effectif des activités offshore et imposer le respect des règles, lorsqu’elles existent.</p>
<p>Ainsi, les données sur les écosystèmes vulnérables sont souvent parcellaires, ce qui complique la prise en compte de la conservation de la biodiversité marine au moment de délivrer les permis de forage. Plus généralement, les administrations ont souvent une connaissance limitée de l’industrie offshore, le secteur étant à la fois extrêmement technique et opaque.</p>
<h2>L’absence de convention internationale</h2>
<p>Par ailleurs, malgré les dispositions pertinentes de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, aucune convention internationale n’a à ce jour été adoptée en matière de sécurité des activités offshore.</p>
<p>En 1977, un projet de convention sur les engins mobiles offshore a été élaboré par le Comité maritime international (CMI), mais n’a jamais été porté au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI), faute de volonté politique.</p>
<p>En 2010, au lendemain de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon (opérée par BP), l’opportunité d’élaborer un accord international est de nouveau évoquée, cette fois par la <a href="http://www.unep.org/wed/2010/english/PDF/PresidentMedvedev_WED.pdf">présidence russe du G20</a> ; au fil des réunions, l’ambition a toutefois décliné et le projet a été abandonné au profit du lancement d’un site Internet d’échanges de bonnes pratiques.</p>
<p>Quelques régions marines, comme la Méditerranée ou l’Atlantique du Nord-Est, se sont bien lancées dans l’élaboration de règles régionales pour compenser cette absence d’instrument international mais, d’une manière générale, ces initiatives restent à la fois <a href="http://www.iddri.org/Publications/Collections/Syntheses/PB0614_JR_offshore_FR.pdf">limitées et fragmentées</a>.</p>
<p>En conséquence, le cadre actuel de régulation des activités offshore fait courir de nombreux risques :<br>
• un risque de <strong>réglementations inadaptées</strong>, fragmentées ou inexistantes, débouchant sur une protection de l’environnement à plusieurs vitesses et, partant, un risque de dumping environnemental du fait de l’absence de règles équivalentes pour tous ;<br>
• un risque de <strong>non-application des accords</strong> nationaux et/ou régionaux, si les capacités des administrations nationales ne sont pas renforcées ;<br>
• un risque d’une <strong>réglementation reposant uniquement sur des normes privées</strong> ; or, au-delà des grandes entreprises qui ont parfois adopté des normes internes, notamment à travers l’Association internationale des producteurs de pétrole et de gaz (OGP), le secteur de l’offshore est également constitué de petites entreprises qui ne disposent d’aucun standard.</p>
<h2>Chute des prix du baril : une opportunité à saisir</h2>
<p>Depuis 2014, la filière offshore traverse une importante crise due à <a href="https://theconversation.com/le-petrole-sous-la-barre-des-30-dollars-voire-des-20-dollars-en-2016-53119">la chute</a> vertigineuse des prix du baril de pétrole : faute de rentabilité, l’exploration de certaines zones et l’exploitation de certains gisements ont été <a href="http://petrole.blog.lemonde.fr/2015/07/07/la-planete-petrole-senfonce-dans-la-crise-so-what/">repoussées ou annulées</a>.</p>
<p>Pour les investisseurs comme pour les autorités nationales, c’est là un moment propice pour dessiner les nouvelles orientations de ce secteur et repenser la stratégie énergétique globale, notamment à la lumière des engagements pris à Paris lors de la COP21. À cet égard, si l’adoption de moratoires dans certaines zones marines peut constituer une réponse appropriée, il reste cependant peu probable que l’ensemble de la communauté internationale suive cette approche et érige en principe général l’interdiction de tout forage en mer.</p>
<p>Dès lors, il convient parallèlement de s’atteler au renforcement des règles de sécurité de ces activités. L’industrie offshore est aujourd’hui l’une des activités maritimes les moins réglementées à l’échelle internationale. En comparaison, le transport maritime est soumis à des dizaines d’accords régionaux et internationaux couvrant à la fois les questions de sécurité et d’indemnisation en cas de pollution.</p>
<p>Saisissons donc l’opportunité offerte par la chute actuelle des prix du baril pour adopter des règles permettant de mieux assurer la protection du milieu marin et de mieux définir les régimes de responsabilité en cas d’accidents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Où en est la réglementation internationale des activités pétrolières et gazières au large des côtes ?Julien Rochette, Coordinateur du programme océans et zones côtières, IddriLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.