tag:theconversation.com,2011:/id/topics/panama-papers-26373/articlesPanama papers – The Conversation2021-10-08T15:26:56Ztag:theconversation.com,2011:article/1694382021-10-08T15:26:56Z2021-10-08T15:26:56ZRecevoir des millions pour cacher des billions : les Pandora Papers démasquent aussi les facilitateurs du crime financier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/425525/original/file-20211008-23697-x8c68q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C0%2C3072%2C2041&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les plus riches de ce monde seraient incapables de protéger leur fortune des autorités fiscales sans leurs complices.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Piqsels)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.icij.org/investigations/pandora-papers/about-pandora-papers-investigation/">L’enquête sur les Pandora Papers</a> du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) – une salle de presse et un réseau de journalistes sans but lucratif basés à Washington (D.C.) – a révélé qu’il existe toujours quelques paradis fiscaux pour ceux qui cherchent à cacher leur richesse.</p>
<p>Ceux dont on ne parle toutefois pas autant dans la couverture médiatique des Pandora Papers, ce sont les facilitateurs, ceux qui s’emploient à aider les mieux nantis à s’enrichir encore plus et à transmettre leur patrimoine en évitant ou en fraudant le fisc. Ils permettent ainsi aux criminels et aux cleptocrates de blanchir leurs avoirs mal acquis.</p>
<p>Ils ne sont peut-être pas aussi riches que leurs clients, mais ils reçoivent des millions pour cacher des billions.</p>
<h2>L’industrie de la défense de la richesse</h2>
<p>Il existe depuis longtemps une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13563467.2020.1816947">« industrie de la défense de la richesse »</a> bien établie formée de divers professionnels – conseillers, banquiers, avocats, comptables, notaires, agents immobiliers et autres – qui se servent de sociétés-écrans, de bureaux de gestion de patrimoine, de comptes à l’étranger et de fiducies pour aider les gens les plus riches du monde à protéger leur patrimoine des percepteurs d’impôts.</p>
<p>Ces « facilitateurs » hautement rémunérés aident les oligarques, les dictateurs et les criminels du monde entier.</p>
<p>Les médias grand public ont déjà <a href="https://ici.radio-canada.ca/dossier/1007919/pandora-papers">beaucoup parlé</a> des crimes, des abus et des méfaits financiers d’États étrangers malveillants et de riches particuliers, mais qu’en est-il des intermédiaires du système financier qui s’occupent des détails et qui fournissent les mécanismes d’évasion aux criminels ?</p>
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<img alt="Un groupe d’hommes autour d’un stand à journaux" src="https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424852/original/file-20211005-25-44kucm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des Kenyans lisent dans les journaux du matin une déclaration du président Uhuru Kenyatta en réponse à son inclusion parmi les 330 politiciens identifiés dans les Pandora Papers comme bénéficiaires de comptes financiers secrets.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Brian Inganga)</span></span>
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<p>Certains membres des élites paient des professionnels et des entreprises de renom pour leur ouvrir des portes politiques, faire pression contre des sanctions, mener des batailles juridiques ou blanchir de l’argent et des réputations. Ce faisant, ces institutions et ces particuliers repoussent les limites de la loi et portent atteinte aux principes de notre démocratie.</p>
<p>Selon le <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/in/Documents/finance/Forensic/in-forensic-AML-Survey-report-2020-noexp.pdf">rapport d’enquête 2020 de Deloitte sur la préparation à la lutte contre le blanchiment d’argent</a>, on estime que le montant total d’argent blanchi chaque année serait l’équivalent de 2 à 5 % du PIB mondial, soit entre 800 milliards et 2 billions de dollars US.</p>
<p>Les <a href="https://www.icij.org/investigations/fincen-files/">dossiers FinCEN</a> de l’ICIJ nous offrent un aperçu sans précédent d’un monde secret de banques internationales, de clients anonymes et, dans bien des cas, de criminalité financière.</p>
<p>Ils montrent comment les banques font aveuglément transiter de l’argent par leurs comptes pour des personnes qu’elles ne sauraient identifier, ne signalent qu’après plusieurs années des transactions qui présentent toutes les caractéristiques du blanchiment d’argent et font même affaire avec des clients impliqués dans des fraudes financières et des scandales de corruption publique.</p>
<h2>Les ravages de « l’argent occulte »</h2>
<p>La corruption et les malversations financières sont de par leur nature secrètes et souvent très complexes. <a href="https://www.opensecrets.org/dark-money/basics">L’argent occulte</a>, ou argent noir, (essentiellement, les sommes dépensées afin d’influencer les résultats politiques sans que soit divulguée la source de l’argent) achète <a href="https://www.opensecrets.org/news/2020/01/dark-money-10years-citizens-united/">l’accès aux tribunaux et aux politiciens</a>, rendant ainsi la société moins juste et moins équitable.</p>
<p>Ce qui distingue souvent les riches ordinaires des membres de <a href="https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-economique-et-financier/1198987-oligarchie-definition-traduction-et-synonymes/#:%7E:text=L%E2%80%99oligarchie%20est%20un%20r%C3%A9gime,classe%20sociale%20de%20la%20population.&text=Fr%C3%A9quente%20dans%20l%E2%80%99Antiquit%C3%A9%2C%20l,mais%20qui%20est%20souvent%20instable.">l’oligarchie</a>, c’est que les oligarques investissent dans la défense de la richesse. Ils utilisent leur pouvoir et leur richesse pour en accumuler encore plus, pour faire pression sur les politiciens et pour truquer les règles du jeu afin qu’elles leur conviennent.</p>
<p>L’un des défis de la lutte contre le crime financier est la course mondiale vers le bas qui se déroule entre les paradis fiscaux, chacun tentant d’attirer des clients en offrant des incitations plus lucratives et un plus haut niveau de confidentialité pour les entreprises. Les facilitateurs de l’industrie de la défense de la richesse élaborent et commercialisent des stratégies, des structures et des systèmes qui permettent d’éviter les obligations fiscales et les contrôles réglementaires.</p>
<p><a href="https://www.openownership.org/blogs/modelling-beneficial-ownership-data/">Les bases de données sur la propriété effective</a>, conçues pour lutter contre le blanchiment d’argent, sont des <a href="https://www.osler.com/en/blogs/risk/april-2021/canada-s-budget-introduces-long-awaited-beneficial-ownership-registry-to-combat-money-laundering">mesures de plus en plus populaires</a> dans le monde entier <a href="https://www.icij.org/investigations/panama-papers/five-years-later-panama-papers-still-having-a-big-impact/">depuis la publication des Panama Papers</a>, qui ont attiré l’attention de la communauté internationale sur les impacts sociaux de l’anonymat des entreprises.</p>
<p>Si cette tendance se poursuit, on peut espérer que le nombre toujours croissant de gouvernements qui instaurent des initiatives en matière de propriété effective et de transparence fiscale obligera les paradis extraterritoriaux restants, comme les Bermudes, les <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20191009005517/fr/">îles Caïmans</a> et Malte, à suivre le pas pour éviter d’être exclus du système financier mondial.</p>
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<img alt="Deux personnes marchent sur une plage de sble blanc" src="https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424855/original/file-20211005-20911-y7w6j9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des touristes marchent sur la Plage de sept milles de l’île Grand Caïman.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/David McFadden)</span></span>
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<h2>Des signes prometteurs</h2>
<p>Pendant ce temps, de nombreux territoires continuent d’échapper aux organismes d’application de la loi qui suivent les pistes de l’argent des fraudeurs fiscaux et des criminels.</p>
<p>Malgré des lacunes évidentes sur les plans de la réglementation et de son application, ainsi que l’absence apparente de volonté politique pour résoudre ces lacunes dans la pratique, certains signes encourageants laissent penser que les gouvernements du monde entier se sentent désormais contraints d’agir.</p>
<p>La demande mondiale pour la transparence et la responsabilité ne cesse de s’intensifier. À celle-ci s’ajoutent des <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/inequality/">appels à la lutte contre l’inégalité croissante de la richesse</a> ainsi que des <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/finances-personnelles/2020-09-27/l-investissement-responsable-a-la-cote.php">pressions de la part des investisseurs en vue de l’adoption de principes ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance)</a>.</p>
<p>Bien que ces facteurs contribuent à éveiller l’attention des hauts responsables politiques, la cynique réalité est que la motivation première de ces dirigeants n’est probablement rien d’autre que la sérieuse et alarmante <a href="https://www.oecd.org/fr/fiscalite/les-recettes-fiscales-dans-l-ocde-ont-diminue-legerement-avant-la-pandemie-de-covid-19-mais-une-baisse-bien-plus-importante-de-ces-recettes-est-a-prevoir-en-particulier-pour-les-impots-sur-la-consommation.htm">tendance à la baisse des recettes fiscales</a>. L’approbation du concept d’un <a href="https://www.eurotopics.net/fr/262345/g7-une-etape-decisive-vers-une-justice-fiscale-mondiale">taux d’imposition mondial minimum de 15 %</a> par les chefs politiques du G7 lors de leur sommet de juin 2021 est une indication claire qu’un vent de changement commence à souffler.</p>
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<img alt="Boris Johnson pose devant d’autres leaders du G7 sur une plage" src="https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424849/original/file-20211005-30173-ycuwu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les dirigeants des pays du G7 posent pour une photo à Cornwall, en Angleterre, en juin 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Leon Neal/Pool Photo via AP)</span></span>
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<p>Le modèle actuel n’est pas viable. Les réalités fiscales, ainsi que la pression et la nécessité politiques, obligeront les dirigeants à agir. Leurs discours sur l’inégalité de la richesse et le déséquilibre du pouvoir ne suffiront bientôt plus, car ils permettent à l’industrie de la défense de la richesse et à ses clients de contourner le système et d’éviter de payer leur juste part.</p>
<p>Une plus grande transparence et une plus grande responsabilité sont requises pour démasquer les facilitateurs et réduire les failles qui permettent aux criminels, aux riches particuliers et aux entreprises d’agir en toute impunité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169438/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Tassé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des « facilitateurs » grassement rémunérés, tels que des experts financiers, avocats ou comptables, aident les oligarques, les dictateurs et les criminels du monde entier à s’enrichir illégalement.Marc Tassé, Professor, Accounting, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/702592016-12-22T19:30:12Z2016-12-22T19:30:12ZQue fait l’Union européenne pour les PME ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151269/original/image-20161221-4078-mvzb8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Robot soudeur : les PME peuvent demander l'aide de l'Union européenne pour investir et innover.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DR.</span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
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<p>Dans un contexte de mondialisation et de très forte concurrence dans l’innovation, beaucoup de problèmes auxquelles les PME sont confrontées sont accrus : elles manquent de financements, sont parfois bloquées par la lourdeur de la réglementation et ont souvent du mal à exporter. On tire souvent à boulets rouges sur l’Union européenne, en se demandant « mais que fait-elle ? », à tort ou à raison ?</p>
<h2>L’innovation doit être une priorité européenne</h2>
<p>Les petites et moyennes entreprises représentent 99,8 % des entreprises européennes. En 2014, elles employaient 90 millions de personnes soit 67 % de l’emploi total. La quasi-totalité des PME sont des micro-entreprises employant moins de 10 personnes.</p>
<p>Dans l’Union européenne, les jeunes entreprises les plus actives sont celles dans le secteur des services à forte intensité de connaissances et basés dans des pays avec des conditions macro-économiques favorables. Sur les dernières années, elles ont été les principales créatrices net d’emplois sur le continent.</p>
<p>Dès lors, investir dans le potentiel d’innovation de ses PME semble indispensable pour l’UE afin de relancer la croissance économique, surtout lorsque l’on sait que les pays qui ont peu <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/R_%26_D_expenditure/fr">investi dans la recherche et développement et l’innovation</a> durant la crise ont connu un recul plus important de l’emploi et des taux de croissance parfois négatifs. De plus, comparée aux autres grandes économies mondiales, l’UE est à la traîne avec seulement 2,02 % de dépenses en R&D contre 4,04 % en Corée du Sud 3,38 % au Japon et 2,81 % aux États-Unis.</p>
<h2>L’Union européenne veut accélérer l’innovation dans les PME</h2>
<p>Aussi, assurer un cadre réglementaire, juridique et financier propice à l’entreprenariat doit être une priorité pour l’Union européenne, surtout lorsque l’on sait que les PME ont représenté 71,4 % de l’augmentation de l’emploi en 2014. C’est dans ce cadre que la Commission a décidé de mettre tout en œuvre pour relever le défi de la compétitivité et de l’emploi dans un contexte de sortie de crise économique et financière.</p>
<p>Chargée de piloter la mise en œuvre du <a href="http://ec.europa.eu/priorities/jobs-growth-and-investment/investment-plan_fr">plan Juncker</a> de 315 milliards d’euros – dont ¼ est prévu pour les PME et start-up européennes –, la Banque européenne d’investissement a pour objectif de redynamiser l’économie du Vieux continent. Les chefs d’entreprises peuvent, en particulier, compter sur l’action du <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/institutions-bodies/european-investment-bank_fr">Fonds européen d’investissement</a> (FEI) qui, pour la seule année 2014, a consacré 213 millions d’euros aux PME françaises en prises de participations et en garanties.</p>
<p>Les PME doivent se réjouir du Plan Juncker de relance de l’investissement. Celui-ci est de nature à amplifier l’action des investisseurs publics et de leurs partenaires bancaires tout en les dotant d’outils de financements nouveaux. Elles doivent également se réjouir de la mise en place du <a href="https://ec.europa.eu/growth/smes/cosme_fr">programme COSME</a> qui vise à renforcer la compétitivité et le développement durable des entreprises européennes, d’encourager une culture d’entreprise notamment auprès des jeunes, et de promouvoir la création et la croissance des PME.</p>
<p>Enfin, elles doivent également apprécier que 57 milliards d’euros, soit près de 20 % des financements provenant du <a href="http://ec.europa.eu/regional_policy/index.cfm/fr/funding/erdf/">Fonds européen de développement régional</a> (FEDER), sont spécialement consacrés aux PME pour la période 2014-2020.</p>
<p>Dernier coup de pouce à ce jour de Bruxelles, la Commission propose de faire converger l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Une harmonisation des systèmes fiscaux européens permettrait d’avoir des principes nationaux de taxation des entreprises qui soient uniformes. Le projet intitulé <a href="https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/company-tax/common-consolidated-corporate-tax-base-ccctb_fr">Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt sur les Sociétés</a> (ACCIS) aurait pour objectif notamment de lutter contre l’évasion fiscale. Le calcul des impôts étant le même pour toutes les sociétés, ils seraient payés là où les profits auraient été engrangés.</p>
<p>Avec l’affaire Luxleaks et le scandale des Panama papers, le contexte politique n’a jamais été aussi propice à l’adoption de cette proposition par le Parlement européen. Parallèlement, la Commission européenne souhaite proposer un mécanisme qui incitera les entreprises à réaliser des dépenses dans la R&D. Des déductions fiscales – sous la forme de déduction de ses revenus imposables variant de 125 à 200 % en fonction de la taille de l’entreprise – pourraient être appliquées pour les sociétés investissant dans l’innovation.</p>
<p>Les petites entreprises, fers de lance de l’activité économique de notre pays, doivent désormais s’approprier ces différents programmes. De son côté, l’Union européenne doit s’efforcer de communiquer davantage sur ceux-ci pour qu’ils soient plus largement utilisés. Les dispositifs communautaires sont malheureusement souvent trop méconnus ou font peur par la lourdeur administrative qui les accompagne, tout est là pourtant…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70259/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Union européenne a développé plusieurs programmes pour les PME ; à elles de se saisir de ces diverses opportunités pour investir et innover.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/656932016-09-23T04:43:42Z2016-09-23T04:43:42ZLe projet de loi « Sapin II » : une protection illusoire des lanceurs d’alerte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/138657/original/image-20160921-21701-13bhe6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation de soutien le 29 juin dernier.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/melanisettofrais/27948409646/in/photolist-JzGUtQ-JzGUoj-Jd1QtL-Jd1Qk9-Jd1Qeh-JtK5gU-JtK58Y-JtK4NE-JCLk4g-JCLjZt-HGAwhw-HGAweq-HGAwbQ-JCLjWc-GDqUZ2-GDqYy6-GxBsBc-GDqXhZ-GDqYBn-GDqYPr-GxBsS2-GDqYei-wZyXTn-vnayQz-GxBsTz-GDqYmx-GxBsNV-GxBskk-GDqXAp-GDqVaT-GxBtar-GDqXET-GDqXxt-GxBsDX-GDqX6M-GDqX1M-GDqXvp-GxBsqa-GDqWAD-GDqZdH-GDqYXx-GDqYS2-GDqYE8-GvcUJJ-GDqZ3c-GvcV4b-GDqYTp-GDqWN2-GDqVgp-GDqViP/Flickr">Mélanie Poulain / Flicr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Flux continu d’expériences concrètes, la politique est, rappelait le philosophe américain John Dewey, faite de tâtonnements, d’incertitudes et, in fine, d’erreurs. En matière de lancement d’alerte, des <a href="https://www.whistleblower.org/timeline-us-whistleblowers">dizaines d’années d’expériences et de débats dans le monde</a> permettent désormais d’apprendre des erreurs passées et d’entrevoir ce que pourrait être une protection efficace des « lanceurs d’alerte ».</p>
<p>En ce qui concerne la France, la publication d’un <a href="http://www.conseil-etat.fr/content/download/59086/527939/version/1/file/2016%20ce_etude_droit%20d%20alerte.pdf">rapport du Conseil d’État sur les lanceurs d’alerte</a>, doublée de l’annonce du dépôt d’une <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/14/propositions/pion3607/(index)">proposition de loi globale</a> dont les dispositions favorables aux lanceurs d’alerte ont été reprises dans le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl3939.asp">projet de loi dit « Sapin II »</a>, permettait d’oser croire à la mise en place prochaine d’une telle protection.</p>
<p>Las, les contours du texte tel qu’il a été adopté suite à l’échec de la commission mixte paritaire réunie le 14 septembre ne protégeraient aucun des « lanceurs d’alerte » dont les histoires tragiques ont été médiatisées depuis une dizaine d’années ! La principale insuffisance de la loi tient à la définition même du « lanceur d’alerte » retenue à son article 6B, qui prive d’efficacité concrète les mécanismes de protection pourtant institués dans ce même texte.</p>
<h2>Une conception restreinte du droit d’alerter</h2>
<p>La loi Sapin II, dans sa rédaction actuelle, entend limiter l’alerte au signalement d’un crime, d’un délit ou d’une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement. Or, cette notion paraît très en retrait des standards internationaux en la matière, puisque la <a href="http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cdcj/Whistleblowers/protecting_whistleblowers_fr.asp">recommandation de 2014 du Conseil de l’Europe sur la protection des lanceurs d’alerte</a> exige que le lancement d’alerte soit étendu à l’ensemble des signalements réalisés dans l’intérêt général. Sous l’empire d’une telle définition, Antoine Deltour le lanceur d’alerte des « Luxleaks » n’obtiendrait que difficilement protection : le système d’optimisation fiscale dénoncé n’était pas, en tant que tel, une violation manifeste du droit au moment où l’alerte avait été lancée.</p>
<p>Pire encore, la restriction du lancement d’alerte à ces hypothèses constitue une régression par rapport aux lois existantes puisque la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027324252&categorieLien=id">loi du 16 avril 2013</a> sur l’expertise et l’alerte en matière d’environnement étendait le lancement d’alerte à la dénonciation d’un « risque grave sur la santé publique ou sur l’environnement ». Or, la notion même de risque fait, en <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/risque">langue française</a>, référence à un danger à la fois inhérent à une situation ou activité, et dont la réalisation est probable – ce qui n’implique donc pas forcément qu’une norme juridique ait été violée.</p>
<p>Plus encore, il est même courant, dans nos sociétés industrielles, que le droit légitime l’exposition du public à des risques, car il ne s’agit pas de supprimer ceux-ci, mais de déterminer, par un calcul coût-avantages, ce qu’est un <a href="https://developpementdurable.revues.org/1274">« risque acceptable »</a> dans une société donnée. Sous l’empire d’une telle définition, il n’est nullement acquis que les nombreux <a href="https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2006-3-page-269.htm">chercheurs alertant sur des risques environnementaux et sanitaires</a> obtiendraient protection.</p>
<h2>« Shooting the messenger »</h2>
<p>Au-delà, exiger des lanceurs d’alerte que ceux-ci aient agi dans l’intérêt général et sans intérêt personnel nuit à l’objectif de leur protection. En effet, s’attacher aux intentions supposées du lanceur d’alerte permet aux organisations visées de focaliser l’attention publique sur le messager au détriment du message, phénomène que l’expression anglaise <a href="http://ilj.oxfordjournals.org/content/44/1/29.short">« shooting the messenger »</a> décrit à merveille.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=875&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=875&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=875&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1099&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1099&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138655/original/image-20160921-21723-v8mppn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1099&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 29 juin 2016, la justice luxembourgeoise a condamné Antoine Deltour à une peine de 12 mois de prison avec sursis. Le journaliste Édouard Perrin a été acquitté.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/melanisettofrais/27702944790/in/photolist-JtK51y-JzGUoj-Jd1QtL-Jd1Qk9-Jd1Qeh-JtK58Y-JtK4NE-JzGUtQ-JtK5gU">Mélanie Poulain/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour cette raison, la législation anglaise a supprimé l’exigence de « bonne foi » du lanceur d’alerte en le remplaçant par un <a href="http://www.pcaw.org.uk/files/PIDA%20REPORT%20FINAL.pdf">« test d’intérêt public »</a>. Celui-ci permet désormais de réduire de 25 % le montant des dommages et intérêts accordés aux lanceurs d’alerte ayant lancé l’alerte en vue d’en tirer un bénéfice personnel, sans que ceux-ci perdent pour autant toute protection. Au vu de ces expériences, le Conseil de l’Europe comme le Haut Commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies recommandent qu’une protection soit accordée aux lanceurs d’alerte pouvant se prévaloir d’une « croyance raisonnable » en la véracité des faits dénoncés – peu importent les intentions supposées de ceux-ci.</p>
<h2>La pureté dangereuse</h2>
<p>Ironie du sort, la législation française semble avoir pris pour parti de rejeter cette approche pragmatique et de s’approprier le pire des expériences étrangères en la matière, en définissant le « lanceur d’alerte » comme une personne physique qui « signale, dans l’intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi » un fait ou comportement contraire à la loi. Outre la « bonne foi », déjà présente dans les <a href="https://revdh.revues.org/752">lois sectorielles mises en place en 2013</a>, serait exigé du lanceur d’alerte que celui-ci ait en pleine conscience entendu agir dans l’intérêt général, mais également que son acte soit dépourvu de toute intention d’obtenir un gain personnel.</p>
<p>Or les termes d’« intérêt général », de caractère « désintéressé » et de « bonne foi » précités sont tous trois trop vagues et sujets à interprétation pour sécuriser réellement la situation juridique des lanceurs d’alerte, qui ne pourront en pratique jamais savoir avec certitude s’ils bénéficieront d’une protection. Il est important de souligner, à cet égard, que les <a href="http://openjurist.org/740/f2d/1323/curl-v-reavis-e-curl">juridictions fédérales américaines</a> ont reconnu de longue date que le fait de lancer l’alerte peut naturellement conduire à des comportements perturbateurs et à des controverses en raison de la <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11813350">pression sociale inouïe</a> s’exerçant sur les lanceurs d’alerte.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/138659/original/image-20160921-21687-1av8fxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campagne en faveur d’Edward Snowden à Berlin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cyzen/9211754914/in/photolist-f31DNA-f2Lghr-f31PsL-r9aZeQ-f2Lmjp-f2LpHF-f31qho-f2LnsZ-f31r7W-f2LddZ-f1W1Ma-f31Au9-irELqN-f2Lh5z-f31siq-f31z97-f2Lr4a-oPu6z1-oPtDWE-p6H2Sc-eMhkRC-wbTuJj-eXihFd-f7HSjq-qesnvN-ih5Uje-qeskvW-qU1BEH-rbtmkR-p6YmpB-oPu4hV-qU3o9P-f2yN36-p4WiAN-f1PVXi-oPth4a-f31JfN-fHTFtH-kow1PW-f1FAYH-fyJmmq-f31HaC-c1UTf-eJq7mP-fJbfrb-fcxyD4-f1g3YV-f1ab86-hycuoV-jDmWyM">Mike Herbst/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les expériences étrangères démontrent avec certitude qu’à trop vouloir exiger du lanceur d’alerte une pureté absolue de ses intentions, le risque est de faire de cette même protection une coquille vide. En résumé, la disposition dans sa rédaction actuelle s’apparente plus – l’humour en moins – au <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Zfu1mwyXlYI">Gloubi-Boulga</a> de Casimir, le monstre gentil de l’île aux enfants, qu’à une protection solide du lanceur d’alerte.</p>
<p>Or, à l’heure où les révélations « Luxleaks » et « Swissleaks » démontrent l’apport de la liberté d’expression des lanceurs d’alerte pour la démocratie, l’adoption d’une telle définition du lancement d’alerte ne manquera pas de décourager celles et ceux qui prennent des risques pour défendre la société.</p>
<p>À cela pourtant, une solution simple existe : la mise en œuvre de la Recommandation 2014 du Conseil de l’Europe, issue des « meilleures pratiques » internationales en la matière, placerait à bien peu de frais la France au rang des États dotés d’une législation modèle en matière de protection des lanceurs d’alerte. Des discours vertueux aux engagements concrets, il semble que la route est droite, mais la pente forte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65693/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Co-directeur d'un contrat de recherche sur la protection des «lanceurs d'alerte», Jean-Philippe Foegle a reçu des fonds de la région Île de France. </span></em></p>L’adoption de la définition du lancement d’alerte telle qu’elle apparaît dans ce texte ne manquerait pas de décourager celles et ceux qui prennent des risques réels pour défendre la société.Jean-Philippe Foegle, Doctorant contractuel en droit public, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/594302016-05-23T04:34:38Z2016-05-23T04:34:38ZStratégie et responsabilité : du Rana Plaza aux « Panama papers »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/122827/original/image-20160517-9476-18f4gfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dhaka: le Rana Plaza éffondré, le 13 mai 2013.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rijans/8731789941/in/photolist-eiAGWr-eiGqTL-cj4939-7QRufQ-nwKbjY-eiGqMq-7QXZW8-eiGpNY-nRZ5MS-9XHKqc-ei6hW1-phUuee-o5cyCh-qepKdR-o51Juk-qCmfqb-9FSUhf-nMQs4X-nmt1bT-dM6oWq-dLZNBe-nmt13r-nmt1yX-njq5D7-njq6Wh-ggWTbq-dLZPFF-sgF6Dv-njq5Aw-njq5Hf-njGvPt-njGvFH-njqewg-nhE679-njq5KQ-njJKUN-njq6kN-njGwQM-nhE5VN-njq6yJ-njGvMe-dM6oLd-nhE6k5-njJMgf-nmt15R-rjHH1G-nmt1CV-dLZPgR-njq5GJ-njqeHZ">Jaber Al Nahian/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 24 avril 2013, l’effondrement du Rana Plaza, un immeuble implanté à Savar, un quartier de Dacca, capitale du Bangladesh, a coûté la vie à plus de 1 100 ouvriers du textile et fait 2 500 blessés, devenant l’un des pires accidents industriels de l’histoire. Suite à la découverte d’étiquettes et de papiers enfouis sous les décombres, plus de 28 enseignes de vêtements à bas prix ont vu leur nom rattaché à celui des ateliers textiles qu’abritait le bâtiment sinistré. Cette catastrophe humaine a également mis à mal la réputation de nombreux grands noms du prêt-à-porter.</p>
<p>Le 3 avril 2016, la polémique soulevée par le scandale des Panama papers a secoué la planète entière et entaché la réputation de plusieurs chefs d’État, personnalités et responsables politiques – et de certains de leurs collègues et de leurs proches –, ainsi que celle de figures éminentes du monde des affaires, du sport et du divertissement. Il s’agit de l’une des plus importantes fuites de données à ce jour, avec près de 11 millions de documents rendus publics, dont certains datant des années 1970. Plus de 200 000 sociétés-écrans auraient été créées par Mossack Fonseca dans des paradis fiscaux offshore pour faciliter les transactions financières pendant que les détenteurs et les pourvoyeurs des fonds demeuraient sous couvert d’anonymat. Des centaines d’individus impliqués ont vu leur identité dévoilée.</p>
<h2>Des crises collectives</h2>
<p>Bien que radicalement différents, ces scandales présentent un important point commun : ils concernent l’un comme l’autre un grand groupe d’individus. En règle générale, les scandales touchent une seule entreprise, deux tout au plus : citons par exemple la société BP lors de l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon. Lorsque la crise est collective, en revanche, de multiples entités se retrouvent impliquées en même temps.</p>
<p>Dans un <a href="http://link.springer.com/article/10.1007/s10551-016-3160-4">récent article de recherche</a>, nous avons analysé comment les réactions des différentes entreprises face à l’effondrement du Rana Plaza ont terni la réputation de certaines sociétés. Nos conclusions viennent ici éclairer le débat autour des Panama papers.</p>
<p>La sagesse populaire veut que le meilleur moyen dont dispose une entreprise confrontée à une situation de crise pour redorer son blason consiste à prendre ses responsabilités et à dédommager les victimes. C’est sans aucun doute le cas lorsque la crise s’articule autour d’une seule organisation. Lorsque de multiples organisations se retrouvent impliquées, la dynamique est toutefois différente. Partant du principe qu’il existe un « syndrome du spectateur », nous suggérons que, lorsque la crise touche tout un groupe, plutôt que d’adopter un comportement prosocial, les entreprises ont tendance à attendre la réaction des autres ou tentent de se soustraire à leurs responsabilités en « se fondant dans la masse. »</p>
<h2>Toute une gamme de réactions</h2>
<p>Notre analyse des différentes réactions des entreprises suite à l’effondrement du Rana Plaza a montré que diverses stratégies à court terme avaient été adoptées. Quelques-unes ont immédiatement assumé et présenté leurs excuses tandis que d’autres, qui ont également reconnu leurs torts, ont tenté de se justifier ou de minimiser leur implication. D’autres encore ont nié toute responsabilité, n’ont fait aucune déclaration ou n’ont pas pris position.</p>
<p>De la même façon, les Panama papers ont donné lieu à des réactions variées. David Cameron a d’abord démenti pour finalement avouer avoir tiré des avantages financiers de la société fondée par son père, et a admis avoir mal géré la situation. Un aveu fait dans un contexte de justification : il avait vendu ses parts avant d’entrer en fonction. À l’extrême inverse, on voit des réactions comme celle de Gianni Infantino, le président de la FIFA, qui a nié toute implication du temps où il travaillait pour l’UEFA, ou celle de Jackie Chan, qui s’est « refusé à toute déclaration. » En réalité, nombreux ont été ceux à choisir de ne pas publier de communiqué ou à n’émettre qu’un bref et unique commentaire. Conséquence de cette stratégie consistant à nier toute responsabilité ou à ne fournir aucune explication, de nombreuses personnes deviennent invisibles alors même que l’attention se focalise sur d’autres.</p>
<h2>Assumer, attirer l’attention médiatique, payer</h2>
<p>Dans le sillage du Rana Plaza, nous avons remarqué que les entreprises qui s’étaient manifestées en reconnaissant leur rôle dans la crise et en endossant leur responsabilité étaient celles à avoir accaparé l’attention médiatique. Leur réputation s’en est trouvée considérablement mise à mal et elles ont également dédommagé les victimes dans des proportions plus importantes. En revanche, les entreprises ayant nié toute implication ou refusé toute déclaration ont été nettement moins médiatisées et ont versé aux victimes une indemnité financière moins élevée.</p>
<p>Comme dans le cas du Rana Plaza, seul un petit nombre d’individus liés aux Panama papers a fait l’objet d’une forte attention médiatique. Si les médias ne peuvent évidemment pas s’intéresser à toutes les personnes incriminées, quelques-unes ont occupé malgré elles le devant de la scène et se sont retrouvées sous les feux de l’actualité. Citons notamment les Premiers ministres britannique, pakistanais et islandais, dont les déclarations et les agissements ont été et continuent d’être repris et passés au crible dans les médias.</p>
<p>Nombre de ceux qui se sont retrouvés épinglés par les médias ont été contraints de faire face à la situation soit en démissionnant, à l’instar du premier ministre islandais, soit en publiant des documents financiers ou leurs déclarations d’imposition, comme David Cameron. Ces gens-là prennent leurs responsabilités et paient le prix de leurs actes. En définitive, la majorité des personnes désignées comme étant mêlées à ce scandale ont suscité une moins grande attention de la part des médias et semblent être retombées dans l’anonymat.</p>
<h2>Le coût élevé de la prise de responsabilité</h2>
<p>Nos conclusions tendent à démontrer que, lorsque la responsabilité est collective, malgré le grand nombre de coupables, tout le monde ne pâtit pas dans les mêmes proportions. Ceux qui réagissent « comme il faut » en assumant leurs responsabilités paient un plus lourd tribut, alors que bien d’autres s’en sortent relativement indemnes. Il semble que les médias aient un rôle important à jouer. On ne sait pas exactement ce qui les pousse à se concentrer sur telle ou telle entreprise en cas de crise collective, mais nous avançons que cela peut être lié à la réaction initiale suivant le début de la crise.</p>
<p>Par exemple, en assumant ses responsabilités, telle ou telle entreprise risque de se placer elle-même au cœur de l’actualité. Une chose est sûre : ceux qui occupent le devant de la scène médiatique se retrouvent en position de vulnérabilité et ne peuvent espérer laver leur réputation sans en payer le prix. Dans le même temps, d’autres individus tout aussi coupables ne font aucune déclaration ou nient avoir joué un rôle, suscitant un moindre intérêt médiatique. Relégués au second plan, ils ne sont pas inquiétés et se cachent en réalité derrière ceux qui avouent leurs torts et en paient les pots cassés.</p>
<p>Bien que nous ne préconisions pas de se soustraire à ses obligations morales dans ce genre de crise, il faut bien comprendre que ceux qui assument paient le prix fort et sont davantage médiatisés là où, malheureusement, d’autres individus tout aussi condamnables s’en tirent à bon compte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59430/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Après des catastrophes collectives comme le Rana Plaza ou les « Panama papers », les entreprises qui assument payent le prix fort et sont davantage médiatisées.Breeda Comyns, Enseignant-chercheur développement durable - Assistant Professor Corporate Social Responsibility, Kedge Business SchoolElizabeth Franklin-Johnson, Enseignant-Chercheur, stratégie - Research Fellow in Strategy, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/590962016-05-11T04:36:43Z2016-05-11T04:36:43ZQuatre raisons d’espérer dans la « polycrise » de l’Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/121863/original/image-20160510-20707-mhdn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’Europe plie, mais ne rompt pas.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/theo_reth/16202337168/in/photolist-qFKdmQ-9uhLp9-bsm26R-gwYka-b7T2L-RYp2E-drQ2mq-km5rRy-knG8s-RYoUE-RYoQ1-S1ncg-dAL7sC-6mH4Je-o2P6Uy-6mMeEC-dTVJ1z-3XkTw-5DkU-6mH4zZ-6mH5bi-jzoQf-4qUcs8-dyMsiN-6mH4tp-5rfKpk-6KnrKT-8BeMs9-jzoQe-nnSLS-4AAUNm-7DsZPb-5x5eJx-7QPRsg-7QPUZK-dkNKBh-b7T39-4qYgYq-7QSS1m-dyFYWn-qgnrGo-6KFk4A-4qUcoX-4qUcwi-6KnpEc-rPz9Gw-4e4ecL-4qUcsT-7QPv4k-6mH4nB">Theophilos Papadopoulos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce n’est plus une crise mais une <a href="http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2016/01/18/le-pessimisme-de-lintelligence-de-jean-claude-juncker/">« polycrise »</a> – morale, politique, institutionnelle, économique – que connaît l’Union européenne (UE). Drames des réfugiés, menace de Brexit, poussées populistes et extrémistes multiformes, difficultés économiques et sociales dans certains pays se conjuguent pour exercer des pressions centrifuges sur l’UE.</p>
<p>Alors que la réversibilité de la construction européenne n’avait jamais été pensée et envisagée, l’atmosphère est aujourd’hui au catastrophisme, l’UE est scrutée, moquée et condamnée comme un ensemble en train de s’effondrer sur lui-même, sans que ne soient pensés ni les causes et conditions de cet effondrement, ni les scénarios alternatifs d’une Europe pouvant aussi sortir transformée et renforcée de ces difficultés.</p>
<p>Les crises, lorsqu’elles ne débouchent pas sur des ruptures violentes et des catastrophes, peuvent être porteuses d’adaptations et d’innovations positives. Pourquoi ne pas espérer qu’il en soit ainsi de cette polycrise de l’UE ? Dans le marasme et le chaos européens ambiants, il existe des occasions à saisir, des raisons d’espérer.</p>
<h2>La question du sort des réfugiés et demandeurs d’asile se politise et s’européanise</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/echange-demandeurs-dasile-contre-refugies-57402">sort des réfugiés et demandeurs d’asile</a> a longtemps constitué un non-enjeu pour une majorité d’États membres et de citoyens de l’Union. S’il existait officiellement une politique européenne en matière d’asile, celle-ci se limitait en grande partie au dispositif technique de la règle dite de Dublin prévoyant que la demande d’asile devait être effectuée <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:l33153">dans le pays d’entrée dans l’Union</a>. Une règle contestée, devenue inapplicable face à la crise soulevée par l’afflux de réfugiés et demandeurs d’asile depuis 2014.</p>
<p>Celle-ci a européanisé, politisé et mis sur l’agenda une question des réfugiés et du droit d’asile autrefois considérée comme technique et nationale, et qui ne peut plus être ignorée ni gérée au niveau des seuls États. Cette prise de conscience s’opère aussi au niveau des opinions publiques, pour lesquelles la question des réfugiés et demandeurs d’asile est devenue un <a href="http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/PublicOpinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/surveyKy/2098">enjeu visible et important</a>. Une partie de la jeunesse européenne, par le prisme de sa sensibilité humanitaire, vit un éveil politique et européen sur cette question.</p>
<p>Enfin, si la crise des réfugiés a donné à voir <a href="https://theconversation.com/vivre-et-laisser-mourir-michel-foucault-avait-il-predit-la-crise-des-refugies-56061">des compromissions européennes et égoïsmes nationaux désastreux</a>, elle fait aussi émerger une plus grande sensibilité et une plus grande réactivité des médias et opinions sur ces enjeux autrefois méconnus ou tus, comme en attestent les vives réactions suite à un vote récent de la chambre des communes du Royaume-Uni <a href="http://www.theguardian.com/world/2016/apr/26/im-disgusted-people-respond-to-mps-vote-against-accepting-3000-child-refugees">sur le sort des mineurs</a>.</p>
<h2>On va enfin savoir ce que veulent les Britanniques</h2>
<p>Ayant affirmé dès le Traité de Maastricht de 1992 son refus de s’engager dans l’Union économique et monétaire, ne faisant pas partie des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes, le Royaume-Uni bénéficie déjà d’un <a href="https://theconversation.com/brexit-shocking-isnt-it-54877">statut particulier dans l’UE</a>. Il contribue ainsi à l’émergence d’une Europe à la carte, dans laquelle chacun vient prendre ce qui l’intéresse tout en s’abstrayant autant que possible des engagements contraires à ses intérêts immédiats.</p>
<p>Les gouvernements britanniques successifs ont soutenu une Europe du marché sans obligations fiscales, sociales et politiques poussées qui ressemble étrangement à l’UE d’aujourd’hui. Leur attachement à un projet européen plus approfondi, figurant pourtant dans les Traités européens, a toujours oscillé entre l’incertain et l’inconcevable.</p>
<p>Quant aux citoyens britanniques, si les sondages eurobaromètres attestent d’un attachement à la souveraineté nationale et d’une méfiance à l’égard des institutions européennes supérieurs à la moyenne de leurs homologues Européens, cela implique-t-il un rejet de l’appartenance à l’UE en tant que telle ? Difficile de le savoir.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/le-bruxit-de-david-cameron-55115">logique très binaire du référendum « In or Out » du 23 juin</a> permettra au moins de combler ces incertitudes et de placer les autorités britanniques devant leurs responsabilités. Cet épisode du Brexit, quelle qu’en soit l’issue, aura aussi permis de reposer la question de l’avenir du projet européen dans un contexte de visions différenciées entre États membres.</p>
<h2>États membres et opinions redécouvrent l’utilité des institutions et politiques européennes</h2>
<p>Des indignations et appels à la coordination entre Européens dans la crise des réfugiés ou au regard du <a href="https://theconversation.com/panama-papers-la-forteresse-de-loffshore-vacille-57252">scandale des « Panama papers »</a> démontrent certes les fragilités des politiques européennes. Mais ils soulignent aussi, paradoxalement, la nécessité d’une action concertée à l’échelle européenne, l’utilité potentielle du travail des institutions européennes pour faire émerger des compromis entre des positions nationales parfois hétérogènes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/121867/original/image-20160510-20707-5xi46w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le siège de l’UE à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/106447493@N05/15926493666/in/photolist-qgnrGo-6KFk4A-4qUcoX-4qUcwi-6KnpEc-rPz9Gw-4e4ecL-4qUcsT-7QPv4k-6mH4nB-4qUcsr-7QPNP2-5xNHet-75Bngf-7QPKRi-3BvVLG-7QSHuE-fbWjP1-nfR6sF-7QSJTJ-6mH4Rn-9yD1Ku-9cWdt-6mH4eZ-knGaW-8sdu63-mLbZHX-kEenvH-egk9y9-6gPTC-2hJ16L-dU2moC-b7T1r-7QPauH-4anxp6-knGbL-oh7yJ6-dmN9fy-dt2dTi-7y3GEX-7TErsx-g7TPT-7TErwz-6oDP4J-qqZCbx-67Gy3p-7wBKEx-8aZWcB-7QTopU-7QTqiY">Leon Yaakov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Ironie du sort, les États en appellent ainsi parfois aux institutions européennes pour leur faire des propositions qu’ils ont eux-mêmes bloquées, ou ne souhaitent pas mettre en œuvre. Les pressions récentes en faveur d’un renforcement de la transparence et de la coopération en matière fiscale et de la coopération entre États au regard du scandale des Panama papers, ont par exemple vue la Commission européenne formuler des propositions dont certaines avaient déjà été bloquées par les États membres au cours des dernières années.</p>
<p>Les reproches et appels faits à « l’Europe » pour une meilleure coordination dans la <a href="https://theconversation.com/laccord-union-europeenne-turquie-sur-les-migrants-un-troc-de-dupes-57601">prise en charge des réfugiés et demandeurs d’asile</a>, démontrent aussi, en filigrane, le coût de la non-Europe, de l’absence de politiques européennes sur des enjeux où l’interdépendance entre États européens est très forte.</p>
<h2>L’Europe ne peut plus être perçue et gérée comme un processus automatique et irréversible</h2>
<p>Les crises multiples de l’UE qui se coagulent aujourd’hui sont le résultat de tendances lourdes et non d’accidents de parcours ou d’éléments conjoncturels. La tonalité catastrophiste des diagnostics sur l’UE aujourd’hui, fait écho à une construction européenne pensée, vécue et considérée à tort comme un processus irréversible (pas de sortie ou de retour en arrière possible), et automatique (le marché intérieur entraînera une Europe politique, sociale, et fiscale, l’euro suscitera une convergence économique, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/121869/original/image-20160510-20749-fcylyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Devant la Banque centrale européenne, à Francfort.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/roofless/241914570/in/photolist-nnSLS-4AAUNm-7DsZPb-5x5eJx-7QPRsg-7QPUZK-dkNKBh-b7T39-4qYgYq-7QSS1m-dyFYWn-qgnrGo-6KFk4A-4qUcoX-4qUcwi-6KnpEc-rPz9Gw-4e4ecL-4qUcsT-7QPv4k-6mH4nB-4qUcsr-7QPNP2-5xNHet-75Bngf-7QPKRi-3BvVLG-7QSHuE-fbWjP1-nfR6sF-7QSJTJ-6mH4Rn-9yD1Ku-9cWdt-6mH4eZ-knGaW-8sdu63-mLbZHX-kEenvH-egk9y9-6gPTC-2hJ16L-dU2moC-b7T1r-7QPauH-4anxp6-knGbL-oh7yJ6-dmN9fy-dt2dTi">dasroofless/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Hypothèses de Brexit et de Grexit, possibles renoncements à l’espace Schengen rappellent que des « déseuropéanisations » sont aussi possibles et que l’UE n’a rien d’irréversible et doit prouver son intérêt et sa légitimité au quotidien. La crise de la zone euro hier et les questionnements sur l’espace Schengen aujourd’hui rappellent aussi que la construction européenne ne se fait pas toute seule : ces fleurons symboliques de la construction européenne sont dysfonctionnels car les États membres n’ont pas tenu compte de toutes leurs conséquences et implications. Ils n’ont pas mis en place les dimensions politiques qui devaient les accompagner.</p>
<p>Accumulations de défis politiques, forces centrifuges, replis populistes et nationalistes, incohérences politiques et morales renvoient l’image – fondée – d’une UE tétanisée par l’accumulation des injonctions contradictoires et ses propres faiblesses internes. Si une Europe est en train de disparaître, ce peut être celle de la gestion technique d’enjeux politiques, de la procrastination, de l’hypocrisie d’États membres prompts à européaniser leurs problèmes et nationaliser leurs atouts.</p>
<p>Une Europe plus politique, solidaire et consciente de ses responsabilités peut émerger de ce chaos.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59096/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Nivet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les crises, lorsqu’elles ne débouchent pas sur des ruptures violentes et des catastrophes, peuvent être porteuses d’adaptations et d’innovations positives.Bastien Nivet, Docteur en science politique (École de management), Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/580302016-04-19T04:40:53Z2016-04-19T04:40:53ZNuit de revanche à Brasilia<p>Les partisans de la destitution de la présidente du Brésil Dilma Rousseff voulaient faire du 17 avril 2016 une date historique qui s’insérerait dans les heures glorieuses du Congrès fédéral et repeindrait leur prise du pouvoir aux couleurs du haut fait démocratique. Ils n’ont qu’en partie réussi : ce 17 avril 2016 restera bien dans les annales politiques du Brésil, mais comme le jour de la honte, celui du triomphe de ce que ce pays a de plus sombre et de plus rétrograde.</p>
<p>Pour de très nombreux Brésiliens, en majorité très critiques à l’égard de la présidente et du Parti des Travailleurs, cette journée a été vécue avec écœurement, tristesse et humiliation et laissera des traces indélébiles. La procédure engagée contre Dilma Rousseff défie toute logique et toute justice. La présidente est impopulaire, certes, elle a commis dans tous les domaines des erreurs monumentales, son parti a fait prospérer la corruption systémique et mérite à coup sûr une bonne cure d’opposition. Mais Dilma Rousseff n’est à ce jour sous le coup d’aucune procédure judiciaire, contrairement à une cinquantaine de députés qui ont participé au vote d’hier et à leur président, Eduardo Cunha, mis en examen par la Cour Suprême pour – une paille ! – « corruption passive et blanchiment d’argent ».</p>
<p>Ses comptes en Suisse et ses sociétés off-shore dévoilées <a href="https://theconversation.com/panama-papers-la-forteresse-de-loffshore-vacille-57252">par les « Panama papers »</a>, le détail de ses pots-de-vin, s’étalent dans tous les journaux, mais l’immarcescible Eduardo Cunha, chef d’orchestre de la destitution, continue à détenir toutes les manettes qui garantissent son impunité et plongent le Brésil dans la plus grave crise politique de son histoire récente. Ce « chevalier blanc », auquel il faut reconnaître des talents de tacticien hors pair, s’apprête à devenir le deuxième personnage de l’État et à faire office de vice-président, quand <a href="http://www.bfmtv.com/international/bresil-qui-est-michel-temer-en-lice-pour-remplacer-dilma-rousseff-967705.html">Michel Temer</a>, lui-même impliqué dans le scandale Petrobrás, assumera la présidence de la République.</p>
<h2>L’anniversaire du petit dernier…</h2>
<p>Pendant plus de cinq heures, précédées par 42 heures de débats tout aussi lamentables, s’est jouée à la Chambre des députés une farce tragi-comique, tombant souvent dans l’abjection. Les 511 députés présents ont pris successivement la parole pour justifier et déclarer leur vote. Plus deux tiers d’entre eux, ostensiblement enrubannés dans les couleurs nationales, ont exceptionnellement abordé le sujet de la session, à savoir les bases juridiques autorisant la mise en accusation de Dilma Rousseff.</p>
<p>Les arguments en faveur de la destitution de la présidente sont affligeants pour le personnel politique brésilien et expriment le degré zéro de l’intelligence politique et de l’engagement démocratique. Dans un grand élan de selfie collective, plus des deux tiers des députés ont profité de leur trois minutes de notoriété pour souhaiter en direct l’anniversaire du petit dernier ou de leur vieille maman, invoquer leur Église évangélique, Dieu et leur famille, à évoquer sans rire leur lutte contre la corruption sous les yeux d’Eduardo Cunha, traité pour sa part de « gangster » et de « bandit » par quelques députés.</p>
<p>Pendant cette <a href="http://www.fetes-traditionnelles.fr/walpurgis/">nuit de Walpurgis</a> en plein Brasilia, au milieu des pancartes vertes et jaunes congédiant la présidente avec d’élégants « Ciao chérie », le député d’extrême droite Jair Bolsonaro a profité de la curée générale pour dédier son vote à la mémoire le colonel Ustra, tortionnaire patenté et bourreau personnel de Dilma Rousseff, prisonnière politique pendant la dictature militaire (1964-1985).</p>
<h2>Bipolarisation confinant à la guerre civile</h2>
<p>Ce détail effroyable est révélateur de ce qui se trame à Brasilia depuis la réélection de Dilma Rousseff en octobre 2014, de l’esprit de revanche, sinon de vengeance, qui a saisi les droites brésiliennes, écartées quatre fois de la présidence de la République par les urnes depuis la première élection de Lula, en 2001.</p>
<p>À bien des égards, la conspiration contre la présidente est le dernier épisode en date de la compétition à laquelle se livrent les deux principaux camps idéologiques du Brésil depuis les années 1950. Cette bipolarisation, qui confine parfois à la guerre civile, s’est traduite au XX<sup>e</sup> siècle par plusieurs coups d’État et tentatives (encore plus nombreuses) de coup d’État, mais aussi par le suicide du président Getúlio Vargas poussé à la démission en 1954, par vingt et un an de dictature civile et militaire, puis par une transition démocratique « par le haut » qui a garanti la permanence au pouvoir des conservateurs de 1985 au milieu des années 1990.</p>
<p>Les présidents Vargas (auquel sont attachées les premières grandes lois sociales), Kubitschek (le fondateur de Brasilia) et Goulart (le président renversé en 1964) ont pour point commun d’avoir été plébiscités par le suffrage universel direct et font l’objet d’attaques en règle, dénonçant à la fois la « corruption » de leur gouvernement et leur volonté supposée de transformer le Brésil en « république soviétique ». L’« antipétisme », qui englobe aujourd’hui tout ce qui ressemble de près ou de loin à la gauche, actualise l’anticommunisme tout aussi nébuleux d’autrefois.</p>
<h2>Hold-up en col blanc</h2>
<p>Depuis l’élection de Getúlio Vargas en 1950, la droite brésilienne – période du régime militaire incluse (1964-1985) – se méfie du présidentialisme et de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, auxquels les Brésiliens ont manifesté plusieurs fois leur attachement : lors de deux référendums en 1963 et 1993, à l’occasion des grandes (et vaines) mobilisations des Diretas-Já (« élections tout de suite ») en 1984, à la fin de la dictature militaire.</p>
<p>Les victoires électorales de la gauche, surtout quand elles se répètent, ne peuvent s’expliquer que par le « populisme », c’est-à-dire les politiques d’inclusion sociale, la fraude ou, pire, par l’immaturité de l’électorat. Une partie des couches supérieures est convaincue de longue date que la démocratie n’est pas adaptée à la plèbe brésilienne, en majorité pauvre et noire. Les élections de Lula en 2001 et 2005 et surtout celles de Dilma Rousseff, en 2010 et 2014, ont donné lieu à des propos racistes à l’encontre des États déshérités du Nordeste, bastions électoraux du Parti des Travailleurs.</p>
<p>Après la victoire serrée de Dilma Rousseff en octobre 2014, les vaincus des urnes ont fini par se convaincre qu’il fallait user d’autres moyens pour évincer des commandes le Parti des Travailleurs. Le hold-up en col blanc auquel on est en train d’assister en est l’expression.</p>
<p>La prochaine étape consistera probablement à priver Lula de son éligibilité. Malgré son image ternie, celui-ci reste en effet en tête des sondages en vue de 2018 ou d’élections anticipées, tandis que l’opposition, tout aussi entachée par les scandales, ne profite pas des malheurs de Dilma Rousseff dans les intentions de vote.</p>
<p>Si, aujourd’hui, un camp se réjouit de la chute du Parti des Travailleurs, une minorité importante est ulcérée par la mascarade du 17 avril, inquiète pour la démocratie, sceptique sur le sort des enquêtes en cours. Elle est également très pessimiste sur les chances du Brésil à se tirer rapidement de cette ornière et à reprendre le chemin de la croissance économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Armelle Enders ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Écartées quatre fois de suite de la présidence de la République par les urnes depuis la première élection de Lula, en 2001, les droites tentent de reprendre le pouvoir par d’autres moyens.Armelle Enders, Historienne, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/573012016-04-06T10:10:31Z2016-04-06T10:10:31Z« Panama papers » : l’union des journalistes fait la force<p>L’affaire dite <a href="https://panamapapers.investigativecenters.org/">des « Panama papers »</a> intervient après d’autres scandales révélés dans la presse internationale, avec souvent la terminaison en « leaks » comme marqueur d’une révélation de données de masse (comme « gate » est devenue la terminaison synonyme de révélation d’un secret politique à la suite de l’affaire du Watergate). Les Panama papers sont à la fois un symptôme économique, un défi technique et une réponse journalistique.</p>
<p>Symptôme d’une mondialisation économique et des dérives de la financiarisation du monde. Défi d’une investigation journalistique qui arriverait à prendre à bras le corps des données de masse (les fameux <em>big data</em>). Symbole de la capacité des journalistes et des médias à coordonner leurs efforts pour organiser un réseau d’investigation mondialisé à l’échelle des faits qu’ils ont à traiter. Resituons les étapes importantes de ce changement d’écosystème pour le journalisme d’investigation.</p>
<h2>Aux origines du Consortium d’investigation</h2>
<p>L’<a href="https://www.icij.org/">International Consortium of Investigative Journalism</a> (ICIJ) a été créé dès 1997 par le journaliste américain Chuck Lewis. Il était un des projets parmi d’autres développés au sein du <a href="https://www.publicintegrity.org/">Center for Public Integrity</a>. Ce centre a la particularité de mettre en réseau des individus venant de divers horizons, avec des profils complémentaires, au service de l’élucidation de faits ou de données. On peut donc retrouver unis pour une même enquête, des humanitaires, des développeurs informatiques, des journalistes, des hackers, des infographistes ou des data journalistes…</p>
<p>Il s’agit de soutenir de justes causes et de dénoncer certaines turpitudes (<em>watchdog journalism</em>), sous forme d’investigation collaborative : certains assurent le financement, d’autres le traitement des données, ou le recoupement des informations et la publication. Enfin, au sein de ce centre, des juristes, des experts peuvent intervenir pour aider l’équipe qui enquête ou s’apprête à publier.</p>
<p>Le CAR (<em>computer-assisted reporting</em>) s’y est développé pour profiter de la puissance des logiciels et des machines à calcul afin de traiter des données importantes. Mouvement qui se développe d’autant plus que s’amplifient les revendications pour l’<em>open data</em>, par des militants historiques de la transparence politique des élus et gouvernants. Il faut dès lors apprendre à trier, hiérarchiser, purger semi-automatiquement des bases qui croulent sous des données plus ou moins rangées et déchiffrables simplement.</p>
<p>Au sein de ce CPI, l’idée a émergé, à la fin des années 1990, qu’il faudrait pouvoir organiser un dispositif collaboratif international afin de traiter des phénomènes qui se jouent des frontières nationales au profit de logiques transnationales voire mondialisées (la corruption politique, la criminalité organisée, le terrorisme, la fraude fiscale, etc.). Mais, cette fois il s’agit de rassembler surtout des journalistes d’investigation de dizaines de pays et donc de médias concurrents pour les faire travailler ensemble.</p>
<h2>L’étape décisive Wikileaks</h2>
<p>Avec les révélations de <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/WikiLeaks">Wikileaks</a> en 2010, publiant des milliers de documents de l’armée américaine sur ses opérations en Afghanistan (en juillet) ou en Irak (en octobre) un nouveau coup d’accélérateur a été donné à ce type de collaboration journalistique, en association avec des développeurs informatiques et des « lanceurs d’alerte ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/117642/original/image-20160406-28935-1ut27uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Julian Assange en août 2014.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Julian_Assange_August_2014.jpg?uselang=fr">David G. Silvers/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Julian Assange est devenu très vite un symbole de ceux qui détiennent des informations sensibles voire choquantes et qui trouvent indispensable de les faire connaître au grand public, moyennant un travail de vérification, de hiérarchisation et de mise en sens, que seuls les journalistes peuvent alors effectuer.</p>
<p>C’est ainsi que les plus de 90 000 fichiers militaires, en lien avec la guerre en Afghanistan sur la période 2004-2009, ont été mis à la disposition d’un triumvirat médiatique composé du <em>Guardian</em>, du <em>New York Times</em> et du magazine allemand <em>Der Spiegel</em>. Et une fois ces documents publiés, d’autres médias ont pu s’en emparer pour approfondir le traitement que la collaboration des trois médias n’avait pu épuiser. C’est ainsi que, dans une logique start-up, le site d’information né en ligne, Owni.fr, qui entendait être pionnier en matière de data journalisme, créa une <a href="http://owni.fr/2010/07/26/wikileaks-la-plus-grande-fuite-de-renseignements-de-lhistoire-de-la-guerre/">application collaborative</a> pour accéder aux documents et permettre aux lecteurs d’aider à identifier l’importance relative de chaque pièce et d’apporter un éclairage expert s’ils le pouvaient sur ces <em>war logs</em> en Afghanistan.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/117660/original/image-20160406-29002-10ro585.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'application « warlogs ».d'Owni.fr.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://owni.fr/2010/07/27/warlogs-wikileaks-application-enquete-contributive-europeenne/">Owni.fr</a></span>
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<p>Ce travail fut remarqué par Julian Assange qui du coup, sollicita les programmeurs de ce dispositif, <a href="http://owni.fr/2010/10/22/julian-assange-wikileaks-irak/">comme l’a raconté Nicolas Kayser-Bril</a>, afin d’intégrer en amont une telle plateforme au moment de la parution, quelques mois après, de nouveaux war logs : sur l’Irak, contenant cette fois 400 000 documents. Changement d’échelle qui justifiait de penser un tel outil informatique pour s’y retrouver.
Puis il y a eu depuis, l’affaire Snowden, avec les révélations sur les écoutes de la NSA, les listings venus des banques (en Suisse ou au Luxembourg), etc. À chaque fois, on retrouve les éléments constitutifs de ce nouvel écosystème.</p>
<h2>Les quatre constituants d’un nouvel écosystème du journalisme d’investigation</h2>
<p>(1) Un changement de contexte politique et économique, fait de mondialisation, de financiarisation de l’économie, de défiance croissante vis-à-vis des gouvernants et d’exigence citoyenne accrue de transparence et de moralité.</p>
<p>(2) Un changement technologique, fait d’outils capables de compiler simplement et efficacement des milliers voire millions de données dans des espaces de stockage miniaturisés (donc faciles à exfiltrer discrètement par un individu qui a le droit d’y avoir accès) ; des dispositifs de surveillance de nos faits et gestes et de capture des données de communication qui sont de puissants pousse-au-crime d’espionnage et qui éveillent en retour moult inquiétudes et revendications de transparence sur ce qui est stocké ; des programmations informatiques fournissant une aide précieuse voire cruciale au tri de ces données de masse.</p>
<p>(3) Un changement des usages journalistiques, fait d’un revivalisme de la fonction de vérification des faits et des données (le fameux <em>fact checking</em>) ; d’un réenchantement de la mission démocratique des médias protégeant les lanceurs d’alerte et dénonçant les scandales cachés des personnalités publiques et des institutions ; d’une montée en régime des pratiques du data journalisme, héritier du CAR, où le flair journalistique s’associe au savoir-faire informatique.</p>
<p>(4) Un changement d’état d’esprit des entreprises médiatiques, fait d’un esprit de coopération inter-médias nationaux, pour trois raisons.</p>
<ul>
<li><p>D’abord, l’<a href="http://lemonde.fr/panama-papers/article/2016/04/03/panama-papers-comment-le-monde-a-travaille-sur-plus-de-11-millions-de-fichiers_4894836_4890278.html">ampleur des tâches d’investigation</a> mobilise, des mois durant, des bras et des cerveaux, alors que les logiques économiques poussent à les rentabiliser au maximum chaque jour. Répartir ses forces entre plusieurs médias c’est donc aussi répartir les coûts de cette investigation au long cours.</p></li>
<li><p>De plus, chacun comprend bien que l’impact médiatique d’une enquête collaborative sera bien plus grand, car l’investigation sera plus fouillée, et l’orchestration des révélations multiples dans plusieurs médias sera une formidable chambre d’écho.</p></li>
<li><p>Enfin, cette coopération inter-médias est internationale permet ainsi d’apporter une réponse journalistique à l’échelle des faits constatés (mondiale donc) tout en limitant les risques pour chaque média de représailles politiques ou juridiques au sein de son espace nationale, afin de le faire taire. À quoi bon interdire de publication des faits que les médias partenaires continueront de mettre à disposition des internautes curieux ? !</p></li>
</ul>
<p>Dans une période où il est de bon ton de se lamenter sur la fragilisation des entreprises de presse et de déplorer leurs difficultés à faire leur mue technologique et économique, pointons que la mise en œuvre de ce type de dispositifs collaboratifs, inter-médias, assistés par ordinateur et mondialisés est pourtant le signe tangible que les médias savent s’adapter à leur nouvel environnement pour que vivent le journalisme et l’investigation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Panama papers mettent en lumière les dérives de la financiarisation du monde, mais aussi la créativité des médias qui, en se rassemblant, sont en mesure d’exercer un rôle actif de contre-pouvoir.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/496902015-11-02T05:42:16Z2015-11-02T05:42:16ZL’alerte éthique et la dénonciation légitime d’un acte touchant l’intérêt général<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/100311/original/image-20151030-16519-hotst2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Snowden, symbole des lanceurs d'alerte.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/akrockefeller/10002044773/in/photolist-geR6rP-a8Yz9n-8uDnRg-NBEMf-ffYCJE-ffJori-ffYoSY-ffJ9Pt-ffYkzm-ffJ6qt-ffJ4Dx-ffJ2Nv-ffJ17a-ffYbKS-52hAdw-52hzUN-4Pa1Fs-9Xq2HU-4Pa14C-kiXNNa-51zXXp-52hADd-2MbjtM-78svke-jc3Cfe-eLKPkY-8uDnRx-78ss8t-aWSKHr-ebYHdn-fLwmPv-fLwh3K-4JvrgZ-eJrGgh-9REDnV-9Xq2FN-a4tToS-dWM3nD-eN9tbC-fwkE6w-9RHyio-eMXMXX-8Np2Tv-9RfTE4-9ffwdt-dybLaw-nRWzw7-33XNDu-4tbrgE-bmUbgG">AK Rockefeller / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’alerte éthique et la dénonciation légitime d’un acte touchant l’intérêt général</p>
<p>Il est plus que jamais nécessaire, au nom de l’intérêt général qu’ils défendent, de protéger mieux les lanceurs d’alerte : par la loi et dans les entreprises. Étude de quelques pistes d’amélioration.</p>
<p>Différentes lois sectorielles adoptées depuis 2007 sur les dispositifs d’alerte éthique visent à mettre un terme à des activités constituant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général. Elles concernent les crimes et les délits, la corruption, la sécurité sanitaire et environnementale et les conflits d’intérêts touchant des responsables publics<sup>1</sup> et placent un puissant levier de renforcement de la gouvernance des entreprises entre les mains des salariés.
Mais à quel prix ?</p>
<h2>Protection de l’intérêt général et protection du lanceur d’alerte.</h2>
<p>Issu des pays de <em>Common Law</em>, l’alerte éthique y est encadrée depuis le XIX<sup>e</sup> siècle.<sup>2</sup> La dénonciation par les salariés, consommateurs et citoyens devient légitime, elle protège des valeurs essentielles menacées par les activités de certains individus et rejoint le whistleblowing tel qu’il existe aux Etats-Unis : la dénonciation de comportements contraires à la réglementation ou aux valeurs sociales partagées au sein de l’entreprise. Les bénéfices attendus sont la détection de fraudes, la protection de l’intérêt de la société et de ses actionnaires et l’engagement de la responsabilité des dirigeants. La motivation du lanceur d’alerte réside dans son sentiment de loyauté et de fidélité envers son employeur, les autres parties prenantes et la société au sens large.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/100309/original/image-20151030-16502-1n4a5g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Whistleblowers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/coolrevolution/8497262668/in/photolist-dWSG9L-dWFSdV-52grsF-m5eYSR-eUBp7n-wZr4jY-4SJNer-eZkdNh-ehbFNX-7y9Nrj-76DoAf-geR6rP-5BAVLF-ec63X5-69bUsm-78srvZ-4UNVvf-52hzPY-52dk32-4SJQnX-4SJPng-4SJLQx-4JzEYy-5BTnH2-78wm77-78sq3v-5cJWcT-a8Yz9n-8uDnRg-NBEMf-ffYCJE-ffJori-ffYoSY-ffJ9Pt-ffYkzm-ffJ6qt-jc3Cfe-fLwmPv-fLwh3K-9BXYBC-eJrGgh-eN9tbC-fwkE6w-iGhZ95-8Np2Tv-9RfTE4-dybLaw-nRWzw7-fw6q8R-fw6q9a">Cool revolution/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, une récente <a href="http://www.pcaw.org.uk/whistleblowing-the-inside-story">étude de l’Université de Greenwich</a> indique que 83 % des salariés ont déjà lancé l’alerte au sein de leur entreprise et que 60 % d’entre eux n’ont jamais reçu de réponse de la part de leurs managers, qu’elle soit positive ou négative, comment briser la loi du silence institutionnel ? Un élément clé est certainement la protection offerte au salarié auteur de l’alerte qui risque des représailles telles que le harcèlement, voire le licenciement. En Grande-Bretagne, le Public Interest Disclosure Act offre un statut protecteur au lanceur d’alerte en raison du caractère d’intérêt général de la dénonciation.</p>
<p>Mme la Sénatrice Nathalie Goulet vient de déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la <a href="http://www.senat.fr/leg/ppr15-110.html">protection accordée aux lanceurs d’alerte</a>, dans le droit fil de la <a href="http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cdcj/Whistleblowers/protecting_whistleblowers_fr.asp">recommandation du Conseil de l’Europe d’avril 2014</a>. Aujourd’hui, la nécessité d’actualiser le droit français s’impose au nom de l’intérêt général ainsi protégé par le lanceur d’alerte. Or, la notion même d’intérêt général manque de clarté : peut-on comme en Grande-Bretagne, considérer que la plainte conjointe de <a href="http://www.cms-lawnow.com/ealerts/2015/10/whistleblowing--public-interest-can-refer-to-complaints-brought-by-only-4-employees?cc_lang=en&ec_as=AF77F97A723F48A59D2C989C5344B2CD">quatre salariés reflète l’intérêt général</a> ? Ou requérir qu’elle en <a href="http://www.bevanbrittan.com/articles/Pages/Whistleblowing-backtothefuture.aspx">concerne une centaine</a> ?</p>
<h2>Renforcer la protection du lanceur d’alerte.</h2>
<p>Les dispositifs de divulgation voient leur portée limitée par l’autocensure du salarié ou sa crainte de mise en responsabilité personnelle à l’issue de l’enquête. Le transfert de la gestion du risque vers les lanceurs d’alerte nécessite donc la mise en place de solides protections. D’après la Convention civile contre la corruption du Conseil de l’Europe, « Chaque Partie prévoit dans son droit interne une protection adéquate contre toute sanction injustifiée » contre les lanceurs d’alerte (art.9). Elle repose sur la confidentialité, la nullité des mesures individuelles de représailles. </p>
<p>Pour éviter tout risque de stigmatisation du salarié, la confidentialité est garantie par l’organisation, sauf exception pour des faits extrêmement graves. En ce qui concerne la protection du lanceur d’alerte contre toute mesure individuelle prise en rétorsion ou représailles, elle couvre les périodes de recrutement, stage et formation, et prend la forme d’une interdiction de toute discrimination ; elle s’accompagne de sanctions (nullité de la décision individuelle) mais la protection contre le licenciement n’est pas systématique (voir les art. L 1132-3-3 et art. L 4133-5 C. Tr., art. L1351-1 C. Santé Publ.). La récente recommandation du Conseil de l’Europe préconise une protection contre les représailles au sens large : licenciement, suspension, rétrogradation, perte de possibilité de promotion, mutation à titre de sanction, diminution de salaire ou retenues sur salaire, harcèlement ou toute autre forme de sanction ou de traitement discriminatoire.</p>
<h2>L’alerte éthique et gouvernance « omnicanal ».</h2>
<p>L’alerte éthique renforce la confiance dans l’organisation au même titre que le comité d’audit, le <em>Compliance Officer</em>, le <em>Fraud Officer</em> (en plus de la voie hiérarchique, du commissaire aux comptes, de l’audit et des représentants du personnel, de l’inspection du travail). Elle illustre les logiques de transparence et d’<em>accountability</em>. Ces lanceurs d’alerte deviennent des composantes du gouvernement d’entreprise grâce à leur action de détection d’abus commis par les dirigeants. Dès lors que la dénonciation a pour objet un fait illicite, elle joue un rôle important pour les actionnaires, les dirigeants, les salariés et la société en général. Les tiers en contact avec l’entreprise peuvent être concernés par le dispositif d’alerte éthique.</p>
<p>Toutes les parties prenantes peuvent être impliquées : cela offre un dépassement de l’approche financière du dispositif vers une gouvernance omnicanal. L’alerte éthique organise la conformité de la société à son environnement normatif ce qui évite la destruction de valeur, elle est un moyen pour les actionnaires et les parties prenantes de créer de la valeur et peut même se révéler un véritable avantage concurrentiel en comparaison des entreprises qui en sont dépourvues.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=680&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=680&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=680&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=855&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=855&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/100308/original/image-20151030-16527-16sx1zc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=855&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Whistleblowers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/truthout/5946601314/in/photolist-a4tToS-dWM3nD-9RHyio-eMXMXX-9ffwdt-33XNDu-4tbrgE-bmUbgG-fzH894-fzV9Pu-fzEQ2B-eJkP4D-fzPSJ1-fzPQgJ-nkbTiX-eVgfLS-aoa8XG-fLwg8z-eLKNN1-9REDiX-dy6iDX-hDzavv-6PiB1f-fvSwmN-a4tzVJ-9uAcbd-7STHBC-fFjrUu-fvSNtS-eJkEfp-qrzPLe-fgjrv9-hDy3AJ-hDzabT-eJkzmv-fqFWUT-fkEtjZ-j2uT28-5XTShD-wMCca4-fw6pwc-fwkDKb-iv2xHv-7Rvbwa-dWSGj5-dBFiL7-4BDa8E-dMmZb7-kgokBp-byrf6E">Truthout.org/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Les axes d’amélioration des dispositifs actuels</h2>
<p>L’efficacité d’un dispositif d’alerte éthique en termes de gouvernance d’entreprise repose sur trois piliers : cadre légal, responsabilité individuelle et culture d’entreprise. L’absence d’un cadre légal clair et protecteur du lanceur d’alerte fait pour le moment obstacle à son utilisation en tant qu’outil de gouvernance d’entreprise. Le passage à l’acte de signalement pourrait être favorisé à travers ce que j’appellerai le triangle de l’alerte éthique : motivation, opportunité et moyen.</p>
<p>La motivation individuelle ne peut reposer seule sur la loyauté, la fidélité ou une obligation juridique de dévoiler l’acte illicite, elle se trouverait accrue par l’existence d’une incitation financière et des facteurs iso-morphiques, c’est-à-dire liés à la capacité de l’organisation à accueillir l’alerte (opportunité et moyens).</p>
<p>L’opportunité doit aussi être donnée au lanceur d’alerte de choisir la modalité de lancement de l’alerte interne ou externe. Au lieu de placer l’alerte sous l’autorité d’un comité spécialisé du conseil d’administration (Comité de la conformité, Comité d’éthique) dont l’indépendance repose sur un examen de sa composition (administrateur indépendant, représentants syndicaux, représentants de la direction et une personne extérieure), les entreprises françaises gagneraient à l’externaliser et recourir à des sociétés spécialisées dans le traitement d’alerte (c’est le cas de Global Compliance, Navex, KPMG, Lighthouse Services en Grande-Bretagne). Il serait aussi possible de laisser au lanceur d’alerte le choix de passer à l’échelon supérieur au sein de l’entreprise, tel est le cas avec le Public Interest Disclosure Act (UK).</p>
<p>Enfin, les moyens doivent dépasser la procédure interne à l’entreprise et s’ouvrir sur des autorités externes. L’alerte éthique pourrait devenir un instrument universel, un véritable « signalement dans l’intérêt général ». Cela passera par la création d’un statut du lanceur d’alerte, d’une Agence nationale indépendante, réceptacle de l’alerte et qui procédera aux vérifications de l’information divulguée (comme le Service Central de Prévention de la Corruption, art. 40-6 CPP, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ou la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, loi de 2013). A défaut, il y a un risque d’opacifier l’alerte. Le cadre national devrait aussi faire la promotion de l’alerte éthique afin de développer une attitude positive au sein de l’opinion publique et des milieux professionnels.</p>
<hr>
<ol>
<li><p><em>Obligation pour les fonctionnaires et les élus de dénoncer au procureur de la République les infractions pénales dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions (on parle de lanceur d’alerte de droit) (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000692469&dateTexte=19580108&categorieLien=cid">Loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 portant institution d’un code de procédure pénale</a>, Art. 40 du code de procédure pénale) et art.25 de la loi n°2013-907 du 11/10/2013 relative à la transparence de la vie publique. Alertes dans le secteur des établissements de crédit (Comité de la réglementation bancaire et financière, <a href="http://www.acpr.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/acp/Controle_prudentiel/reglt97-02-consolide.pdf">Règlement n°97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement</a>, Art.11-2 et <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021817461">Arrêté du 19 janvier 2010 modifiant le règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement</a> sur le contrôle de conformité). Dénonciation d’un cartel à l’autorité de la concurrence (Art.L464-2, IV C.Com.) ; harcèlement au travail (<a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000465978">Ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007</a>) ; dans le domaine de la lutte contre la corruption : déclaration de soupçons de maniement de fonds, lutte contre le blanchiment d’argent (Art.L561-1, L562-1 à L562-10 C. Mon. Fin. et Art.L1161-1 C. Trav.) ; lutte contre le blanchiment d’argent (Art.L823-12 al.2 C.Com.) ; le dispositif spécifique aux sociétés de gestion de portefeuille (Art.313-71 C.Mon.Fi.) ; lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (Art.L1132-3-3 C.Trav.) ; dans le domaine de la santé publique (loi Bertrand du 29/12/2011 n°2011-2012 relative au renforcement de la sécurité du médicament et des produits de santé, Art. L.5312-4-2 du Code de la santé publique) et la <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027324252">Loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte</a> (dite loi Blandin, Art.L4133-1 à art.L4133-5 du Code du travail et art.L1351-1 C. S. P.).</em></p></li>
<li><p><em>Les origines de l’alerte éthique se trouvent notamment dans le False Claim Act (US, 1863), le Whistleblower Protection Act (US, 1989), le Public Interest Disclosure Act (UK, 1998), la loi Sarbanes-Oxley (SOX, 2002) et le Dodd Franck Act (US, 2010).</em></p></li>
</ol><img src="https://counter.theconversation.com/content/49690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Devillier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est plus que jamais nécessaire, au nom de l'intérêt général qu'ils défendent, de protéger mieux les lanceurs d'alerte: par la loi et dans les entreprises. Etude de quelques pistes d'amélioration.Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/479502015-09-22T15:34:19Z2015-09-22T15:34:19ZIl faut protéger les lanceurs d’alerte !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/95724/original/image-20150922-25752-1duv1au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation à New York en juin 2013.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fleshmanpix/9012944062/in/photolist-eJrGgh-9REDnV-9Xq2FN-a4tToS-dWM3nD-eN9tbC-fwkE6w-9RHyio-iGhZ95-eMXMXX-fLwjpt-8Np2Tv-9RfTE4-9ffwdt-dybLaw-nRWzw7-33XNDu-4tbrgE-bmUbgG-fw6q9a-fw6q8R-fwkDZh-fLNXff-fzH894-eJkP4D-aoa8XG-fLwg8z-eLKNN1-9REDiX-fwkDKb-6PiB1f-fvSwmN-a4tzVJ-9uAcbd-dBFiL7-7STHBC-fFjrUu-eJkEfp-fgjrv9-eJkzmv-dXJ7JM-i77AHZ-eTrqcD-fkEtjZ-j2uT28-bxFmV7-5XTShD-wMCca4-aVrmeR-hpSCMz">Michael Fleshman/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>La démocratie est menacée au quotidien (fraudes, corruptions, scandales…). Parmi ceux qui tentent de la protéger, se trouvent les <a href="http://www.management-aims.com/fichiers/publications/112Charreire.pdf">lanceurs d’alerte</a>. Or, ces derniers ne se voient pas offrir de protection juridique efficace, notamment en France. Dans le monde, non seulement les lanceurs d’alerte ne sont pas protégés, mais ils sont systématiquement opprimés par les systèmes sociaux (entreprises, organisations, institutions, États…) qu’ils défendent pourtant en alertant ! Il s’agit là d’un danger supplémentaire pour les démocraties.</p>
<p>Nous connaissons tous des lanceurs d’alerte : <a href="http://www.management-aims.com/fichiers/publications/162Charreire.pdf">Sharron Watkins</a> (Enron, en 2001), le Dr Irène Frachon (le Médiator, en 2007) ou encore Antoine Deltour (PWC et Luxleaks, en 2014). Et tant d’autres lanceurs d’alerte encore, plus ou moins médiatisés, mais tout autant, et paradoxalement, mis à l’index !</p>
<h2>Prendre le risque de dénoncer</h2>
<p>L’individu n’est pas un lanceur d’alerte par nature. Il le devient, poussé par les circonstances. En alertant, il entre en résistance parce qu’à un moment, il ne peut plus se taire. Le lanceur d’alerte apparaît comme un défenseur du vivre ensemble, avec des lois et règles claires, sensées s’appliquer à tous, avec le même poids, la même mesure… Alors, défendre l’intérêt général et parler ? Ou bien exprimer plutôt une forme de loyauté envers la hiérarchie, se taire, et commettre finalement un crime d’obéissance ?</p>
<p>Parler ou se taire est un bien difficile dilemme. Pourquoi ? Parce que le lanceur d’alerte fait face à des représailles qui vont de la rétrogradation professionnelle au licenciement pur et simple, en passant par des procès. Des périodes d’ostracisation très longues, très difficiles s’ensuivent pour le lanceur d’alerte avant, parfois seulement, de rebondir et de capitaliser sur des expériences acquises douloureusement.</p>
<p>« J’ai tout perdu, mais je ne me suis pas perdu », confiait l’un d’eux. Aux États-Unis, où les pratiques de Whistleblowing sont plus développées (depuis 2002 et le <a href="http://www.soxlaw.com/index.htm">Sarbanes-Oxley Act</a>), des avocats spécialisés préviennent les lanceurs d’alerte, afin qu’ils mesurent bien « dans quoi ils s’embarquent … »</p>
<p>La société ne peut pas laisser punir celui qui, au départ, veut la protéger… Être du côté du régulateur, c’est être au service du bien commun, du modèle social construit à travers l’histoire, de la croissance de nos économies. Certaines pratiques (comme l’optimisation fiscale massive érigée en stratégie) sont souvent légales. Elles sont cependant de plus en plus perçues comme non éthiques, immorales ou illégitimes, voire scandaleuses, par les opinions publiques à qui les gouvernements demandent toujours plus d’efforts.</p>
<h2>Offrir un cadre protecteur</h2>
<p>C’est précisément le cas du scandale <a href="http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/luxleaks-de-l-optimisation-a-l-evasion-fiscale-au-luxembourg_1619588.html">LuxLeaks</a> : le contenu de rescrits fiscaux (tax rulings) conclus entre de très nombreuses multinationales (Apple, Amazon, Ikea,…) et le fisc au Luxembourg a été révélé fin 2014 par Antoine Deltour, un ex-salarié de PWC. Ces accords d’optimisation fiscale organisent, à très grande échelle, ni plus ni moins que de l’évasion fiscale. Le lanceur d’alerte est à la fois poursuivi par la justice luxembourgeoise pour divulgation de « secrets », soutenu par une pétition de près de 60 000 signataires, et décoré du Prix du citoyen européen 2015 par le Parlement européen, pour sa contribution à la coopération fiscale et à la promotion des valeurs communes en Europe !</p>
<p>Ce cas illustre bien la nécessaire <a href="http://www.asso-sherpa.org/lancement-dun-site-internet-de-soutien-antoine-deltour-lanceur-dalerte-contre-levasion-fiscale#.VJgMo14CA">protection</a> des lanceurs d’alerte qui sont poursuivis, alors même leur action est reconnue, dans le même temps, comme positive et salutaire.
Transparence, comportements exemplaires… L’opinion publique y aspire en ces périodes économiquement difficiles pour le plus grand nombre. Le législateur doit l’entendre urgemment et ne plus tergiverser.</p>
<h2>Les points clefs d’une législation</h2>
<p>La sécurité juridique pour tous et la levée des contradictions entre alerter et obéir pourraient constituer le socle d’une loi réellement protectrice pour le lanceur d’alerte.</p>
<p>Le champ de l’alerte est par essence très vaste. Il ne faut donc pas compartimenter la protection avec des règles par domaine. Un système organisé d’évasion fiscale ou la présence de <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/02/15/01016-20130215ARTFIG00516-le-scandale-de-la-viande-de-cheval-resumee-en-cinq-points.php">viande de cheval</a> dans nos lasagnes au bœuf doivent pouvoir faire l’objet d’une alerte, avec la même sécurité juridique pour leurs auteurs. Aujourd’hui, le licenciement n’arrête pas les déboires du lanceur d’alerte. Les parties prenantes puissantes ont le temps et l’argent quand le lanceur d’alerte n’a que sa conscience et quelques soutiens pour lui. Le temps des procès est l’allié des forts, toujours.</p>
<p>Le législateur doit réduire la tension qui s’exprime trop souvent aujourd’hui entre le droit d’alerter et l’obligation d’obéir. Dans le service public par exemple, il faut en finir avec la contradiction entre la protection des agents lanceurs d’alertes et l’obligation qui leur reste faite d’obéissance hiérarchique, de secrets et de discrétion professionnelle (le devoir de réserve). Rémy Garnier, agent du fisc à l’origine des révélations de l’affaire Cahuzac, a été régulièrement victime de représailles (mutations et sanctions diverses) dès le début des années 2000, date de ses premières investigations !</p>
<p>Pourquoi protéger les lanceurs d’alerte revient-il à protéger la démocratie ? Les lanceurs d’alerte sont et font le contre-pouvoir nécessaire à l’équilibre des sociétés démocratiques. Leur audience dans l’opinion est l’écho de leur résistance. Ils permettent sans aucun doute de repenser les rapports des citoyens les plus puissants avec les plus lambda. Les Snowden, Deltour, Frachon et tous les autres… avec des histoires différentes sont, chacun, des défenseurs de la souveraineté des peuples et de l’égalité des citoyens. Les démocrates doivent les protéger.</p>
<p><em>Cet article est publié dans le carde du partenariat entre la <a href="http://rfg.revuesonline.com/accueil.jsp">Revue Française de Gestion</a> et The Conversation France</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/47950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandra Charreire Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Hervé Falciani, lanceur d’alerte de HSBC, a été mis en examen le 11 décembre. Il a donc subi la double peine d'être proscrit et poursuivi. Une démocratie moderne doit protéger ses lanceurs d'alerte.Sandra Charreire Petit, Professeur de management, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.