tag:theconversation.com,2011:/id/topics/pedagogie-20547/articlespédagogie – The Conversation2024-03-21T15:41:40Ztag:theconversation.com,2011:article/2258402024-03-21T15:41:40Z2024-03-21T15:41:40ZMaria Montessori au cinéma : ce que le film « La nouvelle femme » nous dit de sa pédagogie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582890/original/file-20240319-22-fngmco.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2568%2C1491&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les actrices Leïla Bekhti et Jasmine Trinca dans le film "La Nouvelle femme" de Léa Todorov</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-289562/photos/detail/?cmediafile=22060798">Allociné/Copyright Geko Films Tempesta</a></span></figcaption></figure><p>La sortie du film <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Nouvelle_Femme"><em>La nouvelle femme</em></a> réalisé par Léa Todorov fait de nouveau parler de la vie de la pédagogue Maria Montessori, après notamment le téléfilm italien sorti en 2021 (<a href="https://www.sajedistribution.com/film/maria-montessori.html">« Maria Montessori, une vie au service des enfants »</a> de Gianluca Maria Tognazzi).</p>
<p>L’action se situe en un temps très restreint, en 1900, quelques années avant l’ouverture de la première « maison des enfants » et deux ans après la naissance hors mariage de son fils Mario, placé (et caché) en nourrice.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film <em>La nouvelle femme</em>, de Léa Todorov (2024).</span></figcaption>
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<p>Le film vient mettre la lumière ce que les chercheurs connaissent désormais bien, mais que le grand public connaît peu ou mal : la « Montessori avant Montessori » (cette émergence étant parfaitement bien mise en scène à la fin du film), engagée dans les réseaux et idées féministes de l’époque et à l’œuvre pour les enfants en situation de handicap, à l’École d’Ortophrénie de Rome.</p>
<p>Ce long métrage n’est donc ni un biopic, ni une fiction, mais un « biopic fiction » comme le propose le magazine <a href="https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/La-Nouvelle-femme--comment-concoit-on-un-biopic-fiction-"><em>Première</em></a> : mélangeant volontairement faits et imaginaire, il s’intéresse moins à la vérité biographique qu’à « l’esprit » de cette dernière, des mots mêmes de la réalisatrice, ainsi qu’aux racines profondes de la vocation de la pédagogue. Sont ainsi esquissées, et c’est heureux, les contradictions chez son personnage principal (est-ce la cause des enfants ou l’ambition personnelle qui l’anime ?), ainsi que sa personnalité singulière, à la fois talentueuse et déroutante, déjà intransigeante et un brin autoritaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-montessori-est-elle-efficace-ce-que-nous-disent-les-recherches-scientifiques-209697">La pédagogie Montessori est-elle efficace ? Ce que nous disent les recherches scientifiques</a>
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<p>Surtout, en créant un double imaginaire de Maria Montessori (Lily d’Alengy, une courtisane mère d’une petite fille dite « idiote »), Léa Todorov double l’accent mis sur les obstacles qui étaient ceux d’une femme dans un monde d’hommes (la médecine, et bientôt la pédagogie), obstacles que nous avons parfois du mal à nous représenter depuis notre début de XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Et si Lily d’Alengy parvient à la fin du film à renouer avec la maternité dont elle avait honte, Maria Montessori pour sa part s’en détache pour devenir « la » Montessori, écartant et sublimant sa propre maternité (comme le suggère la scène du rêve avec Mario). Le sens du film est ainsi moins de présenter une vérité biographique que de comprendre le sens de ce qui suivra, et qui est hors champ : une vie vouée à « la cause de l’enfant ».</p>
<h2>Filmer la pédagogie</h2>
<p>Cependant, au-delà de la pédagogue, le film parle-t-il de pédagogie, et que nous dit-il sur les pratiques concrètes ?</p>
<p>Il est intéressant de remarquer tout d’abord qu’il est fréquent de voir la pédagogie expliquée, ou même réduite, ce qui est potentiellement discutable, à la vie du pédagogue ou encore à ses options personnelles. C’est ce que propose, en partie seulement, le très bon documentaire <a href="https://www.cinematheque.fr/film/137024.html"><em>Révolution École</em></a>, réalisé en 2016 par Joanna Grudzinska sur l’éducation nouvelle.</p>
<p>En France, trois documentaires récents ont tenté à l’inverse de filmer les pratiques montessoriennes en les déconnectant cette fois de la figure pédagogique : <a href="https://www.montessori-lefilm.org/"><em>Le maître est l’enfant</em></a>, d’Alexandre Mourot (2017) et deux films plus confidentiels réalisés par Odile Anot, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SQKlmdnJ3zg"><em>Une enfance pour la vie</em></a> (2022) et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X8b2keBSfX4"><em>Une éducation pour la vie</em></a> (2024).</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du documentaire <em>Le maître est l’enfant</em>, d’Alexandre Mourot.</span></figcaption>
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<p>Dans le cas de <em>La nouvelle femme</em>, l’originalité du film réside sans doute dans le fait de mettre en scène la pédagogue à l’œuvre, donc de ne pas éluder les pratiques pédagogiques, notamment en filmant les enfants en situation de handicap. C’est peut-être un des sens du titre, contractant à la fois une référence au féminisme et aux idées nouvelles en éducation (<em>La nouvelle éducation</em>, qui colporta les idées montessoriennes en France à partir de 1921). Les pratiques forment ainsi un arrière-plan discret mais constant du film.</p>
<p>Remarquons ensuite qu’il s’agit d’une <em>proto</em>-pédagogie Montessori : les images nous montrent en effet les pratiques premières, tirées de la pédagogie d’Édouard Séguin. Nous remontons ainsi aux origines profondes des pratiques, la <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2008-1-page-121.htm"><em>méthode physiologique</em> ou physio-psychologique_</a> fondée sur la stimulation des sens, parce que ces derniers, notamment le toucher, constituent chez Séguin la première forme de l’intelligence. Cette méthode vise ainsi à réveiller « tous les modes de vitalité des individus » : les cinq sens, si possible, mais aussi le renforcement musculaire (grâce aux balançoires ou aux échelles que l’on voit à l’image) ou encore les bains chauds et froids du début du film.</p>
<p>Ces principes sont encore d’actualité, même si beaucoup de pratiques (notamment le renforcement physique, peut-être à tort d’ailleurs) ont disparu : dans <em>La pédagogie scientifique</em>, Maria Montessori écrit, en parlant de l’enfant, qu’il s’agit de « raviver ses rapports avec le milieu, pour harmoniser la conscience avec la réalité extérieure ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-montessori-les-ressorts-dun-engouement-qui-dure-105269">Pédagogie Montessori : les ressorts d’un engouement qui dure</a>
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<p>C’est à partir de cette « dynamique vitale » que Séguin affirme l’éducabilité de tous, y compris de les tous les « idiots » ; mais également la nécessité de réformer une éducation qu’il juge rétrograde, qui</p>
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<p>« consiste à parquer des milliers d’enfants dans des espèces de casernes, où, sans tenir compte des aptitudes physiques diverses, des besoins physiologiques variés, des dispositions intellectuelles différentes, on donne chaque jour à tous, indistinctement et exclusivement, quatre ou cinq rations d’aliments intellectuels que leur mémoire est chargée de digérer ».</p>
</blockquote>
<p>Écoles casernes, absence de mouvement, prévalence de la mémoire sur la pluralité des aptitudes enfantines… on croirait entendre un militant de l’éducation de nouvelle de l’entre-deux-guerres. Ces mots ont pourtant été écrits en 1846, soit 75 ans avant le premier Congrès de Calais de 1921, juste après la fondation de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle.</p>
<h2>Montessori et la confiance donnée à l’enfant</h2>
<p>Cette stimulation « méthodique » des sens, mais aussi de la volonté que reprend à son compte la jeune (elle a tout de même 30 ans !) Montessori ne se fait pas toujours sans effort, comme le suggère habilement le film grâce à plusieurs scènes où la pédagogue incite longuement un enfant à lever les jambes ou à attraper un objet.</p>
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<p>La réalisatrice prend ainsi son temps pour filmer les enfants, mais également les regards attentifs et concentrés des deux femmes ou leur action ajustée, fruit d’une interprétation pertinente du besoin enfantin, comme dans la scène de l’œuf avec Maria Montessori et Mario chez la nourrice (« il veut vous imiter », explique-t-elle).</p>
<p>Le film met également en scène le matériel, parfois avec des erreurs (une tour rose avec 8 cubes !) ou quelques mises en œuvre approximatives (écrire « plume » avec son <em>e</em> muet en français avec l’alphabet mobile, la liberté donnée aux enfants alors qu’elle n’arrive que plus tard). Mais il fait aussi des suggestions tout à fait pertinentes : la phrase écrite au tableau pour ceux ou celles qui savent lire, ou encore la place progressive de la musique amenée peu à peu par Lily d’Alengy.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-montessori-dans-les-coulisses-du-succes-le-travail-demilie-brandt-entrepreneuse-de-la-petite-enfance-207568">Pédagogie Montessori : dans les coulisses du succès, le travail d’Emilie Brandt, entrepreneuse de la petite enfance</a>
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<p>Ce personnage interprété par Leila Bekhti en devient presque une suggestion d’Anna Maccheroni, la disciple de toujours de Maria Montessori, essentielle et oubliée, qui donna sa vie à l’éducation montessorienne et développa l’éducation musicale. Elle non plus ne se maria jamais, mais ne connut pas la maternité. On y voit également mises en scène la volonté scientifique des débuts ainsi que l’importance du corps et de la joie, avec laquelle contrastent constamment les pleurs de Mario.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582881/original/file-20240319-24-4wqnc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau de Raphaël, <em>La Vierge à la chaise</em>.</span>
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<p>C’est pourquoi, enfin et surtout, le film insiste sur la confiance donnée à l’enfant et à « l’amour » qui teinte à la fois la pédagogie montessorienne et celle de Séguin. Ce dernier parlait « d’affection éclairée » et écrivait avoir « poursuivi dans le vide pendant quatre mois le regard insaisissable d’un enfant ». En cela, le film représente bien une forme de maternité romantique (mais peut-être efficace dans sa suggestion), entre féminisme mais aussi catholicisme. Le tableau de la vierge et l’enfant dans le bureau pourrait ainsi suggérer <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vierge_%C3%A0_la_chaise"><em>La vierge à la chaise</em></a> de Raphaël accrochée dans la première « maison des enfants » et le catholicisme de la pédagogue.</p>
<p>Et cette idée, on la trouve encore vivace chez Montessori en 1950, deux ans avant sa mort, lorsqu’elle rendait hommage aux éducatrices de l’ombre (silencieuses et omniprésentes dans le film), œuvrant pour une « maternité scientifique » et collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225840/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bérengère Kolly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sorti en salles en mars, « La nouvelle femme », de Léa Todorov, se penche sur la vie de Maria Montessori. Au-delà de la pédagogue, que nous raconte ce film de sa pédagogie ?Bérengère Kolly, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2223372024-03-19T16:57:05Z2024-03-19T16:57:05ZInciter les filles à faire des maths : le rôle
essentiel des profs<p>En France comme en Belgique francophone, les femmes sont de nos jours <a href="https://www.ares-ac.be/fr/statistiques">plus nombreuses dans la population étudiante</a>, et davantage diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes. Si on prend en compte <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-90566">l’ensemble des disciplines scientifiques</a>, la parité est quasi atteinte.</p>
<p>Mais, alors que les femmes sont largement majoritaires (60 % à 70 %) dans le domaine des sciences de la vie, de la santé, en médecine, en pharmacie, elles restent minoritaires (20 à 30 %) dans les domaines à forte composante mathématique, en particulier dans les formations d’ingénieurs et en informatique.</p>
<p>La situation n’a d’ailleurs guère évolué au cours de la dernière décennie. Pourquoi les jeunes femmes se détournent-elles des études en maths, sciences de l’ingénieur et technologie ?</p>
<h2>Le rôle charnière de l’enseignement secondaire dans l’orientation</h2>
<p>Un rapport récent consacré à la <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2021/01/democratisation-grandes-ecoles-depuis-milieu-annees-2000-ipp-janvier-2021.pdf">démocratisation des grandes écoles en France</a> montre qu’environ un tiers de la différence d’accès aux grandes écoles tient au fait que les filles sont surreprésentées dans les spécialisations littéraires ou économiques et sociales, qui conduisent moins aux grandes écoles que les filières scientifiques. Néanmoins, le suivi longitudinal de cohortes de collégiens et de bacheliers ne laisse aucun doute : les écarts de performances scolaires selon le genre ne contribuent aucunement à expliquer la sous-représentation des filles dans les grandes écoles et dans les formations qui y préparent.</p>
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<p>« L’analyse des différences de taux d’accès selon le genre indique au contraire que, compte tenu de leurs performances scolaires supérieures en moyenne à celles des garçons, les filles devraient en réalité accéder davantage aux grandes écoles que leurs homologues masculins »</p>
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<p>Les données issues de <a href="https://www.oecd.org/pisa-fr/OECD_PISA_2022_Resume-Volume-I_FR.pdf">l’enquête internationale PISA</a> mettent en évidence de faibles différences de performances en mathématiques selon le genre. Élément intéressant : à performances équivalentes avec les garçons à l’âge de 15 ans, les filles se sentent généralement moins confiantes dans leurs capacités en mathématiques, sont plus anxieuses, ont un intérêt moins prononcé pour cette discipline et en perçoivent moins l’utilité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les filles et les mathématiques (Franceinfo, 2013).</span></figcaption>
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<p>Or, selon les théories étudiant les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/psychology/expectancy-value-theory">déterminants des aspirations scolaires et professionnelles</a>, ces composantes de la motivation jouent un rôle déterminant dans les choix d’orientation : un jeune choisit une orientation s’il pense avoir les capacités de réussir et s’il lui accorde de la valeur. Ainsi le manque de confiance dans leurs capacités pourrait conduire certaines filles à s’autosélectionner, et à ne pas envisager des études à forte composante mathématique, dont elles ne perçoivent par ailleurs pas toujours l’intérêt.</p>
<p>Les choix d’orientation sont l’aboutissement d’aspirations qui se construisent progressivement à l’école et en dehors de celle-ci. On peut à cet égard s’intéresser à ce que vivent les jeunes dans leur scolarité obligatoire pour mieux comprendre les disparités observées et identifier des leviers potentiels bénéfiques pour l’orientation des filles vers les mathématiques et les sciences et technologies.</p>
<h2>Des leviers pédagogiques pour favoriser l’orientation vers les mathématiques</h2>
<p>De manière générale, la motivation pour les mathématiques a tendance à diminuer tout au long de la scolarité avec un déclin particulièrement marqué dans l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les attitudes envers les mathématiques sont elles-mêmes influencées par le contexte, au premier rang duquel figurent l’école et l’enseignement qui y est dispensé.</p>
<p>En particulier, les attitudes et les comportements des professeurs de mathématiques peuvent jouer un rôle majeur dans l’orientation future des élèves vers cette discipline. De nombreuses recherches ont mis en évidence que certains professeurs de mathématiques entretiennent, souvent inconsciemment, des attentes académiques moins élevées envers les filles, mais développent aussi des comportements différenciés envers les filles et les garçons. Ces comportements peuvent toucher aussi bien les aspects cognitifs (choix des tâches, des questions…) que socio-émotionnels (feedbacks positifs ou négatifs) de la relation maitre-élève.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-reforme-du-lycee-eloigne-les-filles-des-maths-et-des-sciences-224773">Comment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences</a>
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<p>C’est ce qu’éclaire une étude portant sur 1091 élèves de 5<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la classe de première en France) et 777 élèves de 6<sup>e</sup> secondaire (équivalent de la terminale) en Belgique francophone. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2020-3-page-31.htm">Cette enquête à caractère quantitatif</a> a eu recours à différents modèles statistiques pour tenter d’identifier les variables motivationnelles et pédagogiques qui agissent le plus sur les <a href="https://journals.openedition.org/osp/13437">aspirations aux études et carrières mathématiques</a>.</p>
<h2>Motiver les élèves par des applications concrètes des maths</h2>
<p>Un premier facteur consiste à promouvoir un enseignement des mathématiques pertinent, qui permet aux jeunes de saisir l’utilité future de ce qu’ils apprennent. Concrètement, lorsque l’élève perçoit que son professeur pose des questions et propose des exercices ou des problèmes qui ont du sens, qu’il explique pourquoi certains points de matière sont importants, il est plus enclin à s’y orienter.</p>
<p>Les contenus mathématiques enseignés en fin de secondaire peuvent bien souvent paraitre formels et « purement mathématiques ». Le rôle de l’enseignant est d’élargir les perspectives des élèves en les aidant à développer une vision plus riche de l’utilisation des mathématiques et de leur importance dans la société actuelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
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<p>Le choix des contextes d’application des mathématiques n’est pas non plus anodin : en montrant aux élèves que cette discipline peut déboucher sur des applications concrètes, impliquer un travail d’équipe et jouer un rôle sociétal, on la rend plus attractive aux yeux des filles qui cherchent des carrières tournées vers l’humain (prônant la collaboration, l’altruisme), tout en déconstruisant l’image reçue selon laquelle les mathématiques sont déconnectées de ces valeurs.</p>
<h2>Inciter les élèves à relever des défis</h2>
<p>Les environnements d’apprentissage stimulants d’un point de vue cognitif, tant par les tâches proposées que par les interactions sociales, constituent aussi un atout pour favoriser l’orientation future des jeunes vers les mathématiques. Ce genre d’approche contribue à déconstruire l’image de la fameuse « bosse des maths ». Proposer à tous les élèves des tâches mathématiques ambitieuses en les aidant à persévérer, c’est envoyer le message positif qu’ils peuvent tous y arriver, y compris les filles.</p>
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<p>Enfin, l’étude met en évidence l’importance, pour les aspirations futures des filles, de développer une image positive de leurs propres compétences en mathématiques. À ce sujet, le professeur de mathématiques a un rôle important à jouer : s’il soutient les filles en soulignant leurs capacités, celles-ci gagnent en confiance et envisagent davantage une orientation vers des études à composante mathématique.</p>
<p>Leur confiance et leur intérêt pour le domaine seraient aussi particulièrement renforcés lorsqu’un soutien d’ordre pédagogique (avec des rétroactions régulières sur les apprentissages) leur est proposé plutôt qu’un soutien plus psychologique, qui se limite parfois à une simple bienveillance, voire à une forme de condescendance que les filles perçoivent très bien. Selon les comportements qu’ils adoptent en classe et le style d’interventions mis en œuvre, les enseignants peuvent aider les jeunes filles à surmonter leurs craintes ou réticences à entamer des études à forte composante mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Doriane Jaegers a reçu des financements du F.R.S.-FNRS (Fonds de la Recherche Scientifique en Belgique)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Lafontaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En maths, à performances égales, les filles ont moins confiance en elles que les garçons, ce qui influence leurs choix d’orientation. Mais certains ajustements de pédagogie peuvent changer la donne.Doriane Jaegers, Docteure en sciences de l'éducation, Université de LiègeDominique Lafontaine, Professeure en sciences de l'éducation, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212662024-01-28T16:06:21Z2024-01-28T16:06:21ZAvec l’écopédagogie, repenser l’éducation au développement durable<p><a href="https://theconversation.com/quelle-ecole-dans-un-monde-en-surchauffe-208152">L’éducation au développement durable</a> concentre de plus en plus d’attentions et s’est fait une place dans les programmes scolaires. Elle se focalise souvent sur les responsabilités individuelles, en incitant les jeunes à changer d’attitudes et de comportements, à travers notamment les écogestes – le tri des déchets, par exemple à la cantine.</p>
<p>Avec une telle approche, comme l’observent Angela Barthes et Yves Alpe, professeurs en sciences de l’éducation, « la <a href="https://shs.hal.science/halshs-00963810/document">question de la responsabilité des systèmes de production dans les atteintes à l’environnement</a> est peu abordée » alors qu’elle est déterminante si l’on veut changer la situation à grande échelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etre-eco-delegues-au-college-ou-au-lycee-quels-moyens-daction-195979">Être éco-délégués au collège ou au lycée : quels moyens d’action ?</a>
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<p>À la frontière entre la philosophie, les sciences sociales et la didactique, un champ de recherche se développe pour permettre à chacun de mieux se repérer dans tous les <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/28518">enjeux relatifs à l’environnement</a>, notamment les questions de justice sociale. Arrêtons-nous sur l’un de ses courants, l’écopédagogie, qui propose une autre approche aux citoyens et citoyennes.</p>
<h2>L’écopédagogie, de l’Amérique latine aux États-Unis</h2>
<p><a href="https://www.bloomsbury.com/uk/ecopedagogy-9781350083790/">L’écopédagogie</a> est un courant de la recherche en éducation qui est apparu en Amérique latine dans la deuxième moitié des années 1990, <a href="https://lecourrier.ch/2018/08/03/leco-pedagogie-une-conscience-planetaire/">d’abord au Costa Rica, avec Cruz Prado et Fernando Gutierrez</a>, puis au Brésil avec Moacir Gadotti de l’Institut Paulo Freire. La <a href="https://www.questionsdeclasses.org/la-charte-de-l-ecopedagogie/">Charte de l’écopédagogie</a>, en 1999, met en avant la nécessité de développer une conscience planétaire seule à même de pouvoir prendre en compte les défis écologiques.</p>
<p>L’écopédagogie se situe dans la continuité de l’œuvre du pédagogue brésilien <a href="https://theconversation.com/les-enseignements-de-paulo-freire-un-pedagogue-toujours-actuel-73079">Paulo Freire</a> qu’elle entend compléter en y intégrant la dimension environnementale. Paulo Freire, en particulier dans son ouvrage <a href="https://journals.openedition.org/lectures/53295"><em>Pédagogie des opprimés</em></a>, a avancé l’idée que l’éducation devait favoriser la conscience sociale critique. C’est ce qu’il appelle la conscientisation, tournée vers la prise de conscience des injustices sociales. Cela a donné lieu au développement des pédagogies critiques.</p>
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<img alt="Fresque représentant Paulo Freire, père des pédagogies critiques" src="https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fresque représentant Paulo Freire, père des pédagogies critiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Painel.Paulo.Freire.JPG">Luiz Carlos Cappellano, via Wikimedia</a></span>
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<p>Néanmoins, aussi bien en Amérique latine qu’aux États-Unis se sont constitués des mouvements sociaux qui ont lié les questions environnementales et les questions sociales. L’économiste <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2015-2-page-90.htm">Joan Martinez Alier</a> a ainsi parlé pour l’Amérique latine d’écologie des pauvres. Aux États-Unis, c’est le mouvement pour la <a href="https://www.academia.edu/31821047/Les_enjeux_du_Vert_en_Noir_et_Blanc_racisme_environnemental_et_antiracisme_critique_en_contextes_de_racialisation">justice environnementale</a> qui a mis en lumière les liens entre inégalités sociales et les nuisances environnementales.</p>
<h2>Articuler écologie anthropocentrée et écologie non anthropocentrée</h2>
<p>Le chercheur en écopédagogie <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LAdhj--3qnA">Greg Misiaszek</a> a développé une philosophie de l’éducation écopédagogique où il établit une distinction conceptuelle entre le monde et la planète.</p>
<ul>
<li><p>Le monde désigne la sphère anthropocentrée. La question de l’environnement y est abordée à partir des intérêts humains. La pédagogie critique et le mouvement de la justice environnementale se situent à ce niveau. Ils sont tournés vers des préoccupations de justice sociale relativement aux êtres humains.</p></li>
<li><p>La planète désigne la sphère non anthropocentrée, celle des vivants non humains. Il faut signaler que l’écopédagogie repose sur une écologie biocentrée, ce qui veut dire qu’elle considère la planète Terre comme un grand organisme vivant. Elle s’appuie sur <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/l-hypothese-gaia-de-james-lovelock-theorie-influente-et-controversee-1824581">l’hypothèse Gaia</a>.</p></li>
</ul>
<p>À cette première distinction conceptuelle est liée une autre, celle entre les opprimés et les dominés.</p>
<ul>
<li><p>Les opprimés désignent les groupes sociaux humains qui souffrent des inégalités sociales. Les opprimés sont capables d’autoréflexion et d’une prise de conscience qui peut les conduire à devenir des sujets de la transformation sociale.</p></li>
<li><p>Les dominés désignent les vivants non-humains. Contrairement aux êtres humains, les vivants non-humains ne peuvent pas produire d’injustices, en revanche ils peuvent souffrir des injustices produites par les humains.</p></li>
</ul>
<p>L’articulation de ce qu’on appelle l’écologie anthropocentrée et l’écologie non anthropocentrée est l’enjeu de l’écopédagogie. Cette dernière pense la sphère humaine comme une dimension de la sphère planétaire.</p>
<h2>Qui souffre et qui profite des atteintes à l’environnement ?</h2>
<p>L’écopédagogie propose une réflexion philosophique et pédagogique sur les différents niveaux de justice qui sont enchevêtrés lorsqu’on réfléchit aux questions environnementales.</p>
<p>Une première dimension consiste à affirmer que ce sont les êtres humains dans leur ensemble qui souffrent par exemple du changement climatique. C’est en cela que l’écopédagogie suppose une conscience planétaire. Mais, on peut ajouter que la réflexion doit prendre en compte également les générations humaines futures.</p>
<p>Néanmoins, il est en outre possible de réfléchir au fait que les dégradations environnementales ne touchent pas autant tous les groupes sociaux. C’est ce que les sciences humaines et sociales étudient sous le nom d’inégalités environnementales en relation avec les inégalités sociales. L’économiste <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pages-chercheurs/page.php?id=18">Laurent Eloi</a> parle ainsi de social-écologie.</p>
<p>Ces deux dimensions doivent être prises en compte, mais elles abordent néanmoins la question environnementale uniquement au prisme des intérêts humains. C’est pourquoi l’écopédagogie intègre dans sa réflexion la souffrance animale et l’impact sur la planète Terre qui subit également une souffrance en tant qu’organisme vivant.</p>
<p>La seconde perspective de réflexion de l’écopédagogie est de poser la question de qui profite des dégradations environnementales. À un premier niveau, il est possible de dire que ces dégradations sont faites au profit de l’ensemble de l’humanité. On pourrait même parler d’anthropocène pour signifier ici que c’est l’ensemble de l’humanité qui profiterait de ces dégradations au détriment des vivants non-humains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/anthropocene-ou-anthro-probleme-une-question-detymologie-et-surtout-dechelle-220232">Anthropocène… ou anthro-problème ? Une question d’étymologie et surtout d’échelle</a>
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<p>Mais, il est également possible de resserrer encore la focale pour s’intéresser, à ce que par exemple le géographe <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/103447-003-A/climat-qui-a-allume-le-feu/">Andréas Malm</a>, appelle le capitalocène, c’est-à-dire à l’impact qu’ont plus spécifiquement le mode de vie des classes sociales supérieures et le fonctionnement du système capitaliste.</p>
<p>L’écopédagogie s’intéresse à la manière dont il est possible de développer la conscience citoyenne des différents niveaux de justice sociale et écologique. Cette approche à plusieurs enjeux. Elle vise par exemple à ne pas prendre en compte que la perspective relevant des modes de consommation individuels pour se pencher aussi à des éléments structurels socio-économiques, mettant notamment en lumière l’impact des dégradations environnementales sur les groupes les plus socialement minorisés.</p>
<p>Au lieu de partir d’injonctions ou de modes d’emploi, l’écopédagogie remet le citoyen au centre de la réflexion en lui donnant les moyens de comprendre les tenants et les aboutissants des controverses en écologie. Elle permet à chacun et chacune de se repérer dans les différentes thèses concernant les êtres impactés par les dégradations environnementales et les groupes humains qui ont le plus d’impact. L’objectif est d’ouvrir des discussions sur le caractère contradictoire de ses différentes thèses ou leur possible articulation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Irène Pereira est membre du Conseil Mondial des Instituts Paulo Freire et du Conseil scientifique de la collection Freire Focus des Editions Bloomsbury</span></em></p>En mettant l’accent notamment sur les écogestes, l’éducation au développement durable tend à se focaliser sur les responsabilités individuelles. L’écopédagogie propose de changer d’angle de réflexion.Irène Pereira, Professeure des Universités en sciences de l'éducation et de la formation, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206452024-01-09T18:36:17Z2024-01-09T18:36:17ZRetour à l’école : le tutorat, une des solutions au rattrapage scolaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568312/original/file-20240108-15-s5ntry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C0%2C5490%2C3649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après avoir manqué plusieurs jours, voire semaines d'école, le tutorat peut permettre d’aider certains élèves au Québec. Mais sa forme doit être repensée. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les élèves québécois reviennent à l’école après une grève d’enseignants du secteur public variant de plusieurs jours à plusieurs semaines, selon les cas. Cette interruption n’est pas sans rappeler celle provoquée par la pandémie de Covid-19. À chaque fois, le tutorat a été évoqué comme un recours potentiel pour favoriser une certaine continuité dans les apprentissages ou un rattrapage scolaire. </p>
<p>Sociologue de formation et professeure en éducation, je m’intéresse <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_tutorat_de_pairs_dans_l_enseignement_superieur_enjeux_institutionnels_technopedagogiques_psychosociaux_et_communicationnels_cathia_papi-9782343004143-40007.html">au tutorat sous différentes formes depuis plusieurs années</a>. J’ai mené, de 2021 à 2023, une recherche sur quelques mesures mises en œuvre par le ministère de l’Éducation du Québec en 2021, notamment celle concernant le tutorat. En attendant la publication des résultats en avril, je propose dans cet article de revenir sur ce recours au tutorat.</p>
<h2>Des pertes d’apprentissage</h2>
<p>Dès les premiers mois de confinement visant à endiguer la pandémie, les <a href="https://doi.org/10.3102/0013189X20965918">projections internationales</a> prévoyaient des pertes d’apprentissage, concernant tant ceux prévus, mais n’ayant pas pu avoir lieu, que les oublis des apprentissages précédemment réalisés.</p>
<p>De fait, en 2022, il a été possible de constater un <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/pisa-2022-results-volume-ii_a97db61c-en">important déclin du niveau des élèves dans la plupart des pays de l’OCDE</a>. Le Québec n’y a pas échappé. En effet, malgré des <a href="https://www.cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/438/PISA-2022_Canadian_Report_EN.pdf">scores toujours parmi les meilleurs aux tests PISA en mathématiques</a>, les résultats aux examens ministériaux de 2022 (français écrit de cinquième secondaire et mathématiques de quatrième secondaire) ont mis en évidence que, dans l’ensemble, les <a href="https://www.journaldequebec.com/2023/01/26/des-eleves-ont-reussi-lexamen-de-math-avec-55">élèves avaient un niveau plus faible que ceux ayant passé ces examens avant la pandémie en 2019</a>. </p>
<p>Par ailleurs, au printemps 2023, les trois quarts des 309 directions d’écoles publiques primaires et secondaires ayant participé à notre enquête nous ont indiqué qu’en dépit d’un retour en classe sans interruption en 2022-2023, davantage de lacunes et de difficultés qu’avant la pandémie étaient toujours constatées chez les élèves. Ces dernières concernaient aussi bien les apprentissages, que la socialisation et le bien-être, et venaient alourdir la charge de travail du personnel scolaire, notamment des enseignants.</p>
<p>Alors que les élèves n’avaient encore pas récupéré de la pandémie, l’interruption scolaire du mois de décembre, suivi des vacances de Noël, ont fait en sorte que certains élèves n’ont pas été en classe pendant une durée pouvant aller jusqu’à un mois et demi. Les recherches existantes sur les <a href="https://doi.org/10.1111/caje.12035">grèves d’enseignants en Ontario</a> ou <a href="https://doi.org/10.4000/ries.9950">à l’étranger</a> font état de pertes d’apprentissage, tout comme les recherches sur les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3102/0002831220937285">interruptions liées aux vacances estivales</a>. Cette récente interruption scolaire — une des <a href="https://www.journaldemontreal.com/2023/12/16/nos-ecoles-fermees-une-greve-rare-a-lechelle-mondiale#:%7E:text=21%20jours%20%C3%A9tal%C3%A9s%20sur%20cinq,dans%20les%20annales%20du%20Qu%C3%A9bec.">plus longues enregistrées dans le monde</a> — va sans doute exacerber les difficultés déjà rencontrées par plusieurs élèves.</p>
<h2>Le tutorat, une forme d’aide connue et efficace</h2>
<p>Durant la pandémie, le tutorat a constitué une des <a href="https://www.torontomu.ca/diversity/reports/the-evidence-for-tutoring-to-accelerate-learning-and-address-educational-inequities-during-canada-s-pandemic-recovery">solutions privilégiées par plusieurs gouvernements pour aider les élèves</a>, notamment en Australie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Ontario et au Québec. De plus, bon nombre de parents <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2022-01-04/le-recours-au-tutorat-en-pleine-croissance.php">ont eu recours à des services de tutorat pendant et à la suite de la pandémie</a>, de même que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2032995/greve-fae-tutorat-parents-popularite">durant de la grève des enseignants</a>.</p>
<p>Existant de longue date, le tutorat est une forme d’aide connue, proposée par diverses organisations (écoles, organismes à but non lucratif, entreprises) et mêlant généralement soutien scolaire et socioaffectif grâce au lien privilégié qui se tisse entre le tuteur et le tutoré. De plus, <a href="https://theconversation.com/le-tutorat-pour-soutenir-les-eleves-une-bonne-idee-196268">comme je l’ai écrit dans un précédent article</a>, le tutorat, surtout <a href="https://annenberg.brown.edu/sites/default/files/EdResearch_for_Recovery_Design_Principles_1.pdf">dans sa formule intensive</a> (assuré par des professionnels de l’éducation ou des intervenants formés et effectué de manière individuelle ou auprès de petits groupes d’au plus trois ou quatre élèves, de manière régulière au moins trois fois par semaine), s’avère être <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3102/0034654316687036">l’approche de soutien à l’apprentissage la plus efficace selon la littérature scientifique</a>.</p>
<h2>Les limites d’une bonne idée</h2>
<p>Au Québec, depuis 2021, un financement est accordé pour encourager le déploiement du tutorat pour les élèves en difficulté. Dans la mesure où d’autres dispositifs de soutien à l’apprentissage étaient déjà en place dans les écoles (réponse à l’intervention, coenseignement, récupération, etc.) le <a href="https://theconversation.com/le-tutorat-pour-soutenir-les-eleves-une-bonne-idee-196268">financement du tutorat a parfois été utilisé pour développer davantage ces dispositifs</a>, plutôt que pour en ajouter d’autres, propres au tutorat.</p>
<p>Certains parents peuvent ainsi avoir l’impression que leurs enfants n’ont pas bénéficié ou ne bénéficient pas de la mesure tutorale, alors qu’ils en profitent indirectement dans un autre dispositif. Les sommes allouées semblent effectivement avoir été utilisées pour soutenir les élèves, mais dans des dispositifs n’ayant pas toujours l’appellation « tutorat » ni toutes les caractéristiques du tutorat intensif.</p>
<p>Le tutorat intensif est peu connu du milieu scolaire. Les méta-analyses ont donné lieu <a href="https://www.povertyactionlab.org/publication/transformative-potential-tutoring-pre-k-12-learning-outcomes-lessons-randomized">à des publications scientifiques en anglais, pour la plupart récentes</a> et ne semblent pas avoir été diffusées dans les milieux scolaires. </p>
<p>Si des effets positifs de l’accompagnement ainsi offert sont constatés par les directions d’école, ils ne sont pas toujours aussi importants qu’ils pourraient l’être. De plus, alors que le tutorat est le plus souvent exercé par du personnel scolaire, les contraintes en termes de disponibilités et de budget amènent en général à réserver ces services aux élèves les plus en difficulté. </p>
<p>Par ailleurs, le fait que certaines familles recourent à des services de tutorat privé est susceptible d’accentuer les <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/societe/ecole-trois-vitesses-egalite/#:%7E:text=Son%20rapport%20de%20recherche%2C%20publi%C3%A9,retrouvent%20ensemble%2C%20en%20petite%20communaut%C3%A9.">inégalités déjà importantes dans un système à trois vitesses</a>.</p>
<p>Bien qu’il offre un soutien incontestable à certains élèves, le tutorat, dans sa forme actuelle, ne permet donc pas forcément d’aider tous les élèves en ayant besoin, ni de réduire les inégalités autant que cela pourrait être souhaité. </p>
<p>Pour accroître sa portée, il semblerait pertinent, non seulement de poursuivre le tutorat déjà en place (et pourquoi pas d’en augmenter le budget), mais aussi de faire enfin connaître les critères du tutorat intensif, de soutenir davantage les organismes à but non lucratif en proposant, voire de créer des aides financières en fonction des revenus pour les familles faisant appel à des services de tutorat privé. </p>
<p>Tous les élèves ne se sont pas encore remis de la pandémie, tant en termes de bien-être que d’apprentissage, et la majorité vient de vivre une nouvelle interruption scolaire. Il parait ainsi important d’accorder à ces élèves tout le soutien nécessaire et d’envisager de se centrer une année de plus sur l’évaluation des savoirs essentiels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220645/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cathia Papi a reçu des financements du ministère de l'Éducation du Québec pour la réalisation de cette recherche. </span></em></p>Bien qu’il contribue à soutenir certains élèves, le tutorat tel qu’il existe actuellement ne permet pas d’aider tous les élèves en ayant besoin ni de réduire toutes les inégalités.Cathia Papi, Professeure, CURAPP-ESS, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158222023-10-25T16:00:35Z2023-10-25T16:00:35ZDébat : l’éducation peut-elle déjouer le déterminisme social ?<p>Les actes terroristes frappant les enseignants nous conduisent à affronter, entre autres, la question des fonctions et des pouvoirs de l’école. Contre le fanatisme barbare, que peut vraiment la pédagogie ? On attend des enseignants qu’ils soient un rempart contre l’obscurantisme. Mais cela est-il réaliste, quand l’école paraît incapable d’assumer sa mission première de transmission des savoirs, et d’assurer la réussite de tous les élèves ?</p>
<p>Le ministre de l’Éducation, qui souhaite remédier à cette baisse de niveau des élèves par un « choc des savoirs », vient d’affirmer récemment, dans une interview au journal <em>Le Monde</em>, que <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/gabriel-attal-nous-devons-engager-une-bataille-pour-le-niveau-de-notre-ecole_6192600_3224.html">« la pédagogie peut renverser la sociologie »</a>. L’éducation scolaire aurait-elle donc le pouvoir de contrecarrer le <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/10/10/la-pedagogie-peut-renverser-la-sociologie-professeur-une-mission-impossible/">jeu des déterminants sociaux de la réussite</a>, dont de très nombreuses études montrent pourtant la puissance ? L’espoir du ministre est-il fondé ?</p>
<h2>Des facteurs sociaux qui pèsent sur la réussite scolaire</h2>
<p>La sociologie de l’éducation montre que l’origine socio-économique des élèves paraît conditionner en grande partie les destins scolaires. Deux enseignements majeurs peuvent, à cet égard, être retenus des <a href="https://www.education.gouv.fr/pisa-programme-international-pour-le-suivi-des-acquis-des-eleves-41558">enquêtes PISA</a> (« Program for International Student Assessment », soit, en français, « Programme international pour le suivi des acquis des élèves »), menées tous les trois ans, depuis l’année 2000, sous l’égide de l’OCDE.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-lecture-le-niveau-des-eleves-baisse-t-il-vraiment-198432">Maths, lecture : le niveau des élèves baisse-t-il vraiment ?</a>
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<p>Tout d’abord, malgré les titres alarmants de la presse, il n’y a pas d’effondrement significatif des niveaux en France. La France est un élève moyen (médiocre ?), dont les résultats, mise à part une rupture, relative, en 2006, sont pratiquement stables, c’est ce qu’on peut constater par exemple en <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/44252/pisa-2018-stabilite-des-resultats-en-comprehension-de-l-ecrit-lea-chabanon-helene-durand-de-monestro">compréhension de l’écrit depuis 2009</a>.</p>
<p>Si, quelquefois, la France recule dans les classements – mais il faut tenir compte de l’effet « augmentation du nombre de pays d’enquête », de 32 pays en 2000, à 85 pays en 2023 –, les scores ne baissent pas significativement. Mais ils n’augmentent pas non plus.</p>
<p>Toutefois, et c’est le deuxième enseignement majeur, le poids des inégalités sociales ne décroît pas. On note même une tendance à l’accroissement des écarts de performances entre « bons » et « mauvais » élèves. <a href="https://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results.htm">En 2012</a>, 22,5 % des résultats des élèves en mathématiques sont imputables aux origines socio-économiques, contre 15 % en moyenne pour l’OCDE. <a href="https://www.oecd.org/pisa/pisa-2015-results-in-focus.pdf">En 2015</a>, le milieu socio-économique explique toujours plus de 20 % de la performance. Et 118 points séparent les résultats, selon la variable « milieu » (favorisé vs défavorisé).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le système éducatif français aggrave les inégalités : que faire ? (Interview d’Eric Charbonnier sur Xerfi Canal, janvier 2020).</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.oecd.org/pisa/data/">En 2018</a>, parmi les élèves très performants, 20 % appartiennent à des familles favorisées, contre 2 % à des familles défavorisées. Indéniablement, les inégalités de réussite scolaire sont fortement marquées socialement. Mais est-ce à dire que la pédagogie est impuissante ?</p>
<h2>Postuler l’éducabilité de tous</h2>
<p>Si les élèves issus de catégories défavorisées ont (statistiquement) plus de mal que les autres à réussir, la sociologie ne démontre pas qu’ils souffriraient, pour autant, d’un handicap insurmontable. Comme s’ils étaient touchés par une « moindre éducabilité » substantielle ! Il faut reconnaitre à ce sujet, comme les travaux de <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1989_num_41_1_1668">Guy Avanzini</a>, et de <a href="https://www.persee.fr/doc/refor_0988-1824_1991_num_10_1_1074_t1_0211_0000_2">Philippe Meirieu</a>, l’ont bien montré, que l’éducabilité de tous les élèves (leur capacité à se développer, et à réussir), n’est pas de l’ordre du résultat expérimental, mais du postulat.</p>
<p>Or ce postulat est une condition de possibilité de l’acte éducatif. Comme l’a établi avec force Avanzini, la <a href="https://eests.centredoc.fr/index.php?lvl=notice_display&id=88952">« croyance dans l’éducabilité »</a> est de l’ordre de l’acte de foi, du pari, ou du défi. Elle exprime une exigence éthique ; mais, plus encore, logique. Car il serait absurde d’essayer d’éduquer quelqu’un que l’on supposerait inéducable ! « Entreprendre l’éducation de quelqu’un sans le postuler éducable serait contradictoire ».</p>
<p>Ici donc, l’espoir, le désir, le souhait, qu’exprime la moindre action à volonté éducative, ont plus de poids que les constats de la sociologie. On n’est pas dans l’ordre des faits relevant de la preuve, mais dans l’ordre, antérieur, et en surplomb, du « ce sans quoi » une action n’a pas de sens. De ce point de vue, en tant qu’elle repose sur le postulat de l’éducabilité, la pédagogie prévaut sur la sociologie.</p>
<h2>Quel modèle pour penser les parcours scolaires ?</h2>
<p>Mais il ne suffit pas de croire en sa possibilité pour être assuré de produire une action efficace. Les obstacles pourraient être trop nombreux, voire insurmontables. Parmi ces obstacles, on pourra ranger le nombre et le poids des facteurs extrascolaires de la réussite, qu’il faudra prendre en compte dans la construction d’un modèle explicatif de la réussite et de l’échec scolaires.</p>
<p>Or, d’une part ces facteurs sont manifestement très nombreux ; et, d’autre part, se situent bien, pour la plupart, dans le champ économique et social. En effet, on peut évoquer, avec <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Reproduction-1952-1-1-0-1.html">Bourdieu et Passeron (1970)</a>, le poids de l’habitus (principe générateur et unificateur des conduites et des opinions forgé dans la prime enfance par inculcation d’un arbitraire culturel) ; la maîtrise du langage, tout d’abord oral, puis écrit, socialement conditionnée ; l’environnement familial, plus ou moins réceptif aux exigences scolaires ; la possibilité (ou non) de dépenses d’« enrichissement » (leçons particulières, voyages, colonies de vacances) ; etc.</p>
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<img alt="Personnes escaladant les barreaux d’une échelle" src="https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554260/original/file-20231017-17-r1czlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’enseignant postule que tous les élèves sont éducables et les aide selon leurs difficultés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/career-ladder-help-business-man-corporate-1745692139">Shutterstock</a></span>
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<p>À cet égard, est très significative la surréussite des enfants d’enseignants, <a href="https://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2013/05/08/enfants-d-enseignants-ces-chouchous-de-l-ecole_3173567_1473688.html">ces « chouchous » de l’école</a>, dont les parents disposent d’un « capital temps » et d’un « capital culturel » significativement importants ; possèdent une maîtrise particulière des codes scolaires ; et peuvent installer une continuité de pratiques et de valeurs entre sphère familiale et sphère scolaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-heritiers-ce-que-bourdieu-et-passeron-nous-ont-appris-de-linegalite-des-chances-177185">« Les Héritiers » : ce que Bourdieu et Passeron nous ont appris de l’inégalité des chances</a>
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<p>Plus que l’identification des facteurs de réussite, qui s’inscrit dans une analyse statique de la réalité, s’impose alors le recours à un modèle dynamique du parcours scolaire. On peut proposer le modèle de la « spirale tourbillonnaire ». Chacun est engagé dans une spirale dont les « facteurs d’aspiration » sont nombreux : capital linguistique, capital culturel, énergie personnelle, envie de réussite, confiance en soi, rapport au travail scolaire, compétences et connaissances déjà construites, etc. Sans négliger ce facteur essentiel qu’est la réussite scolaire antérieure.</p>
<p>La réussite passée devient (et toujours plus) un facteur de réussite ultérieure. Ainsi s’installe une dynamique telle que certains restent jusqu’au bout au centre du tourbillon, qui les déposera à l’École Normale Supérieure rue d’Ulm, ou devant l’École Polytechnique. Tandis que les moins armés auront été, chemin faisant, expulsés du tourbillon à telle ou telle étape de leur parcours.</p>
<h2>Peut-on casser la spirale des inégalités ?</h2>
<p>Mais ne peut-on casser le jeu d’une spirale négative ? Car, l’affirmation que « l’ascenseur social ne fonctionne plus », d’une part repose sur l’illusion rétrospective qu’il a un jour correctement fonctionné, ce qui est loin d’être établi. Et, d’autre part, manifeste une méconnaissance de la réalité. Le travail récent d’Arnaud Lacheret sur les <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/les-integres/">réussites de la deuxième génération de l’immigration nord-africaine</a> tend à montrer qu’un regard trop focalisé sur les échecs et les discriminations (qui n’en restent pas moins réels !) laisse dans l’ombre les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/02/arnaud-lacheret-politiste-on-etudie-trop-peu-les-reussites-ordinaires-des-enfants-d-immigres_6192046_3232.html">« réussites ordinaires »</a> (tout aussi réelles !) de tous ceux qui ont pu s’intégrer.</p>
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<p>En définitive, la réussite n’est pas réservée à quelques-uns, et interdite aux autres. Si, manifestement, certains ont plus de chances que d’autres dans leur jeu, beaucoup d’autres ont pu s’inscrire dans une spirale positive. Grâce, en particulier, à la rencontre avec un(e) enseignant (e) ayant su repérer et déclencher le potentiel de développement d’un élève en l’éducabilité duquel il avait cru. De très nombreux témoignages en attestent. Il suffit de peu de choses pour transformer une spirale négative en spirale positive. La rencontre avec un enseignant ayant su les accrocher peut suffire…</p>
<p>C’est en ce sens que la pédagogie peut renverser la sociologie. Il ne faut donc pas penser la pédagogie contre la sociologie ; mais, plus largement, l’espoir d’être utile, contre le défaitisme fataliste. La pédagogie ne peut pas être à l’origine de toutes les réussites du monde. Mais elle peut, et doit, en prendre sa part.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215822/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« La pédagogie peut renverser la sociologie », a déclaré le ministre de l’Éducation Gabriel Attal dans une interview au Monde début octobre. Qu’en penser ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2093822023-08-31T17:57:35Z2023-08-31T17:57:35ZÉcole inclusive : quelles solutions peut-elle apporter à la souffrance psychique des enfants ?<p>Née dans le courant des années 2000, l’inclusion vise l’inscription des enfants, et plus généralement des personnes les plus vulnérables, dans le lien social. L’inclusion s’inscrit dans la logique de démarches préexistantes : les termes d’insertion, d’intégration, d’inclusion désignent les variations des politiques publiques et des pratiques favorisant l’accès des personnes en situation de handicap aux différentes sphères du vivre ensemble.</p>
<p>Il n’est pas anodin de rappeler que ce paradigme a émergé tandis que d’autres dispositifs relatifs au soutien des enfants en difficulté ont disparu ou sont en péril – à l’instar des <a href="https://www.education.gouv.fr/les-reseaux-d-aides-specialisees-aux-eleves-en-difficulte-rased-11312">réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED)</a>.</p>
<p>En France, la scolarisation est un droit. À la suite de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013 a introduit le principe d’inclusion scolaire. Le code de l’éducation notifie d’une part que « le service public de l’éducation […] veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043982767#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9cole%20garantit%20%C3%A0%20tous,origine%20sociale%2C%20culturelle%20ou%20g%C3%A9ographique.">Art. L 111-1 du Code de l’Éducation</a>). Et que « dans ses domaines de compétences, l’État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038902196#:%7E:text=Tout%20enfant%2C%20tout%20adolescent%20pr%C3%A9sentant,constitue%20son%20%C3%A9tablissement%20de%20r%C3%A9f%C3%A9rence.">article 112-1 du Code de l’Éducation</a>).</p>
<p>Plusieurs textes sont venus renforcer ces principes, dont la ratification par la France de la <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/convention_relative_aux_droits_des_personnes_handicapees.pdf">Convention des Nations Unies pour le Droit des Personnes Handicapées (CIDPH)</a>, qui précise que nul ne peut être exclu, sur le fondement du handicap, de l’enseignement général (art. 24).</p>
<p>Alors que la souffrance psychique des enfants et des adolescents est désormais documentée par plusieurs rapports, dont celui publié au printemps dernier par le <a href="https://www.hcfea.fr/">Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA)</a>, l’inclusion peut-elle apporter des solutions ? Le rapport ne manque pas de revenir sur les parcours, les dynamiques et les pratiques d’inclusion, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780429401923/really-works-special-inclusive-education-david-mitchell-dean-sutherland">largement étudiées dans la recherche à l’international</a>.
L’inclusion ne va toutefois pas sans paradoxe ni difficulté.</p>
<h2>Le poids des injonctions contradictoires</h2>
<p>D’une part, le droit à la scolarité se conjugue souvent avec des impératifs comme le droit au soin. La santé de l’enfant nécessite parfois qu’il soit hospitalisé ou accueilli en institution spécialisée et l’arbitrage entre ces différents droits peut poser des difficultés.</p>
<p>De plus, la question de l’école inclusive ne peut être abordée sans tenir compte des tensions qui traversent le système éducatif. Historiquement conçue pour sélectionner les élites, mais aussi pour assurer un socle commun de compétences à tous les élèves, l’école fait peu de place à la différenciation et se trouve confrontée à des exigences contradictoires. Comment s’étonner alors que la scolarisation des élèves en situation de handicap apparaisse en tête des sources de mal-être des enseignants, <a href="https://theconversation.com/quel-regard-les-enseignants-portent-ils-sur-lecole-inclusive-170418">même s’ils souscrivent majoritairement à son principe</a> ?</p>
<p>Si ces injonctions ne sont pas contradictoires par essence, leur mise en œuvre conjointe engage des moyens et des modalités de travail qui ne sont pas toujours réunis.</p>
<p>Par ailleurs, la forme scolaire, l’ordonnancement de l’espace et du temps, la normativité des travaux écrits produisent également de l’exclusion et de la souffrance psychique : évaluation, concurrence, normalisation, violence symbolique… Certains troubles de l’enfant peuvent en fait s’entendre comme une non-conformité au regard de la norme. L’inclusion pourrait être un creuset pour faire évoluer les pratiques, en lien avec le champ médico-social.</p>
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<p>Ces paradoxes sont accentués par l’inadéquation des moyens alloués : en effet, la Fédération des parents d’élèves (FCPE) recense aujourd’hui 900 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves – soit <a href="https://14.fcpe-asso.fr/actualite/sante-scolaire-900-medecins-scolaires-pour-environ-12-millions-deleves-en-france#:%7E:text=Sant%C3%A9%20scolaire%20%3A%20900%20m%C3%A9decins%20scolaires,millions%20d%E2%80%99%C3%A9l%C3%A8ves%20en%20France">un médecin pour 13333 élèves</a>. En septembre 2021, le Sénat comptait <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ21091997G.html#:%7E:text=Il%20y%20a%20en%20r%C3%A9alit%C3%A9,%C3%A0%20peu%20pr%C3%A8s%20le%20m%C3%AAme">8024 infirmières scolaires pour 62000 établissements</a> – soit une infirmière pour sept ou huit établissements, avec des fonctions partagées entre des missions de soin et de prévention. La Fédération des PsyEN (psychologues de l’Éducation nationale) compte 3500 professionnels sur le territoire, avec <a href="http://apsyen.org/">une couverture moyenne d’un psychologue pour 1500 enfants</a>.</p>
<p>Comment, dans ces conditions, mener à bien une politique inclusive ambitieuse ? </p>
<p>Au-delà des prescriptions institutionnelles et des discours, praticiens et chercheurs ont travaillé pour soutenir sur le terrain une inclusion en acte. C’est dans cette perspective qu’ont émergé les notions de parcours inclusifs et de dynamiques inclusives.</p>
<h2>Les parcours inclusifs</h2>
<p>Cette notion s’intéresse au jalonnement fait de <a href="https://www.cairn.info/parcours-d-inclusion-en-maternelle--9791034600120.htm">variations, de transitions et d’aléas</a>. Il n’y a donc pas un mais des parcours, selon les caractéristiques individuelles, les interactions sociales et le contexte dans lesquels chaque enfant est inscrit.</p>
<p>● <strong>Collaboration avec le médico-social</strong></p>
<p>Les parcours inclusifs des enfants en situation de handicap sont souvent marqués par des allers-retours entre milieux ordinaire et spécialisé. L’éducation inclusive invite à renforcer la collaboration entre professionnels de l’école et du secteur médico-social, historiquement conçus comme disjoints. Elle implique le partage de compétences et de savoir-faire de l’éducation spécialisée vers l’ordinaire et réciproquement, <a href="https://hal.science/hal-01123480">au sein d’un espace d’« inter-métier »</a>.</p>
<p>● <strong>Penser le bien-être de l’enfant</strong></p>
<p>L’éducation inclusive vise à singulariser les parcours pour répondre aux besoins de chacun. Pour autant, elle n’est pas toujours synonyme de bien-être en milieu ordinaire et peut engendrer des difficultés pour les enseignants, les élèves et leurs familles – le milieu spécialisé se révélant, dans certains cas, protecteur et rassurant.</p>
<p>● <strong>S’adapter aux différents modes de fonctionnement</strong></p>
<p>Les parcours inclusifs sont <a href="https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782708130937/le-management">dépendants des institutions dans lesquels ils s’inscrivent</a>.</p>
<p>La souplesse organisationnelle et fonctionnelle des structures de la petite enfance et du médico-social apparaît plus favorable à l’inclusion. Du fait de la prégnance du travail d’équipe, les personnels sont susceptibles de modifier leurs missions habituelles pour trouver des réponses adaptées à un projet spécifique, tout en veillant à garder une cohérence interne.</p>
<p>Au sein de l’institution scolaire, la politique d’inclusion déstabilise davantage, en altérant certains repères des enseignants en écoles maternelles et élémentaires. Ceux-ci continuent de faire référence aux programmes scolaires, d’autant plus que les enfants grandissent. Le décloisonnement est toutefois perçu comme facilitant la présence d’enfants en situation de handicap, car il permet de rompre avec les attentes scolaires normées, chacun progressant à son rythme.</p>
<p>● <strong>Valoriser les adaptations pédagogiques</strong></p>
<p>Les études montrent que les enseignants, comme les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), ne valorisent pas les adaptations dont ils font pourtant preuve. Si elles relèvent souvent de bricolages ou de tâtonnements, ces pratiques pédagogiques demeurent intéressantes et gagneraient à être diffusées, ce qui est rarement le cas, <a href="https://www.cairn.info/peut-on-reformer-l-ecole--9782804190460.htm">faute de temps disponible pour l’analyse, la formalisation et l’institutionnalisation</a>.</p>
<p>S’inspirer de <a href="https://theconversation.com/education-specialisee-permettre-a-lenfant-en-souffrance-psychique-dexprimer-lindicible-208145">différents courants pédagogiques</a> est souvent évoqué, la diversité des publics accueillis rendant caduque l’idée d’une approche unique. Les enseignants s’inspirent ainsi régulièrement des <a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">pédagogues de l’éducation nouvelle</a>. Si ces références sont déjà éprouvées, les professionnels les mobilisent et les réactualisent de manière innovante.</p>
<p>Il apparaît possible de faire mieux à partir de l’analyse des enjeux éducatifs. Ces réflexions nourrissent l’idée d’une « <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1n35dsz">pédagogie de l’inclusion</a> » qui alimente les dynamiques inclusives.</p>
<h2>Les dynamiques inclusives</h2>
<p>Penser l’inclusion en termes de dynamiques permet de rapprocher les prescriptions institutionnelles et la réalité des situations vécues par les enfants, les familles et les professionnels, afin d’inventer « <a href="https://www.livres-medicaux.com/gestion-hospitaliere-sante-publique-economie/22880-de-la-pedagogie-universitaire-inclusive-l-universite-et-le-handicap.html">un quotidien inclusif</a> ».</p>
<p>Les situations d’inclusion sont en effet souvent saturées de représentations et de croyances, alimentées par le vécu des personnes concernées, leurs doutes et leurs difficultés, leurs peurs parfois. Ce qui influe notamment sur les postures personnelles et professionnelles des enseignants, enjeu majeur dans un environnement aussi relationnel.</p>
<p>● <strong>La formation pour se distancier</strong></p>
<p>La formation initiale des enseignants sensibilise, certes, au handicap et à l’inclusion, mais en se basant souvent sur des études de cas génériques. Les mises en situation accompagnées sur le terrain sont rares. D’où un sentiment d’<a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">écarts importants entre théorie et pratique</a>.</p>
<p>Plus consistants, les dispositifs de formation continue fonctionnent toutefois à rebours : les éléments ne sont (r)apportés que dans l’après-coup des situations, plaçant les intervenants dans une position plus réactive que prospective.</p>
<p>Les praticiens investis sont <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/L-invention-du-quotidien">le plus souvent amenés à inventer</a>. Ils se documentent par eux-mêmes, formalisent parfois leurs pratiques – <a href="https://journals.openedition.org/edso/20244">au risque de tomber dans la modélisation à outrance</a> et l’illusion des bonnes pratiques immédiatement reproductibles.</p>
<p>● <strong>La reconnaissance du temps long et de l’adaptabilité</strong></p>
<p>Les pratiques inclusives relèvent du cas par cas et de l’artisanat. Leur mise en œuvre réelle doit tenir compte des manières d’être et de faire en situation, et privilégier la continuité : dans les environnements et les temps de vie de l’enfant en termes psychoaffectifs, d’une part, et socio-éducatifs, d’autre part.</p>
<p>Cela implique que les institutions acceptent que les modèles préétablis ne soient pas toujours fonctionnels, et que les acquis soient souvent remaniés…
De plus, les dynamiques inclusives s’appréhendent sur le temps long, celui des allers-retours entre professionnels et jeunes. Elles s’appuient sur l’intelligence collective en situation, ce qui postule une volonté de co-élaboration et de collaboration, et nécessite de penser les temps, les espaces, mais aussi les ouvertures du monde sur l’école et la classe, et de la classe et de l’école sur le monde, afin d’impliquer des professionnels d’horizons différents.</p>
<p>● <strong>Une triple circulation</strong></p>
<p>Les dynamiques inclusives se nourrissent d’une circulation des jeunes entre différents environnements : classe ordinaire, <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo31/MENE1504950C.htm#:%7E:text=Les%20Ulis%20constituent%20un%20dispositif,leurs%20projets%20personnalis%C3%A9s%20de%20scolarisation.">unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis)</a>, institution médico-sociale, milieu familial, associatif, de loisirs… Et au contact de différents acteurs : enseignants, éducateurs, spécialisés et non spécialisés, professionnels des sphères sanitaire et sociale, familles, pairs, aidants…</p>
<p>Elles reposent aussi sur la circulation des savoirs les concernant.</p>
<p>Elles impliquent enfin une circulation entre les acteurs sur les problématiques/pathologies, les adaptations et ajustements pédagogiques, éducatifs, organisationnels. Ces savoirs élaborés en situation, « <a href="https://www.cairn.info/savoirs-theoriques-et-savoirs-d-action--9782130589990-page-201.htm">cachés dans l’agir professionnel</a> », s’échangent à propos de ce qui s’essaie et se tâtonne en classe, afin d’identifier les pratiques vertueuses, les obstacles, les impasses… Ils peuvent être reformulés dans un second temps, lors d’échanges informels, en réunion, et/ou formalisés avec des chercheurs qui aident à interroger les situations, les choix, les gains, les régressions, les appuis, les leviers.</p>
<p>Parce que les dynamiques inclusives concernent des situations complexes et se déploient au sein de collectifs et de configurations de savoirs interdépendants, elles impliquent des médiations régulières entre des acteurs multiples, donc des rencontres et un approfondissement de l’interconnaissance des pratiques. Il existe des outils de coordination, mais ils sont surchargés et semblent peu efficients. Une coordination incarnée par un professionnel formé devient une condition décisive pour animer des échanges intermétiers et développer des capacités de diagnostic partagé et rendre compte des avancées.</p>
<p>Ces dynamiques autorisent des configurations inclusives fondées sur l’interdépendance des acteurs, l’articulation de leurs pratiques dans des environnements d’accueil, de relation et de travail distincts. Des dispositifs de formation accompagnés par la recherche peuvent y contribuer en aidant à l’analyse des actions et des expériences dans le cadre d’un processus d’amélioration continue des pratiques. </p>
<h2>Les enjeux de l’inclusion</h2>
<p>Des leviers sont susceptibles de contribuer à l’accueil des enfants en situation de handicap et de souffrance psychique à l’école.</p>
<p>On note que l’alliance familles-professionnels ainsi que l’articulation éducative, thérapeutique et sociale sont toujours favorables à l’inclusion de l’enfant. À titre d’exemple, cela renvoie à la présence des éducateurs à l’école, d’enseignants en institution spécialisée ou en <a href="https://www.monparcourshandicap.gouv.fr/glossaire/cmpp">centres médico-psychopédagogiques (CMPP)</a> pour qu’ils puissent se former.</p>
<p>L’accompagnement de l’enfant dans ses lieux de vie, de soin et d’apprentissage implique sans doute d’aller plus loin dans le décloisonnement des politiques publiques, pour éviter les effets négatifs des segmentations des pratiques et des accompagnements. Ce qui implique la création d’espaces de rencontres réels.</p>
<p>Les expériences d’inclusion réussies semblent toujours l’œuvre d’inventions <em>in situ</em>. D’où la nécessité de privilégier la créativité des professionnels et des équipes plutôt que d’abonder les recommandations standardisées. D’autant que les savoirs et savoir-faire sur l’accueil des enfants se diffusent de manière transversale, et non hiérarchique et procédurale.</p>
<p>L’inclusion n’est pas synonyme de banalisation ni de normalisation. L’accueil de l’enfant implique la reconnaissance de sa différence en identifiant les difficultés et les points d’appui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles les universités Paris 8 (CIRCEFT) et Rouen Normandie (CIRNEF) ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lescouarch est membre de l'ICEM Pédagogie Freinet et des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CEMEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Bedoin, Dominique Méloni et Maryan Lemoine ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Formation des enseignants, implication des familles… Comment faire pour que l’école conjugue au mieux droit à la scolarité et droit au soin, au bénéfice des enfants ?Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisDiane Bedoin, Professeure des Universités en Sciences du langage, Laboratoire DYLIS, Université de Rouen NormandieDominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Laurent Lescouarch, Professeur des Universités en Sciences de l'Education, Université de Caen NormandieMaryan Lemoine, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LimogesXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075682023-07-04T20:09:56Z2023-07-04T20:09:56ZPédagogie Montessori : dans les coulisses du succès, le travail d’Emilie Brandt, entrepreneuse de la petite enfance<p>Son nom est peu connu du grand public. Pourtant, <a href="https://ecolesnouvelles.hypotheses.org/?s=brandt">Émilie Brandt</a> (1879-1963) a eu un rôle décisif dans l’accueil de la petite enfance et son évolution dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle en France. Son parcours singulier nous invite à la suivre de l’Alsace à Nice, en passant par Paris et la Haute-Marne, semant sur son passage nombre de jardins d’enfants et d’écoles de « jardinières d’enfants » au sein desquels la pédagogie se crée et se recrée, comme autant de pépinières d’où naitra, dans les années 1970 en France, la <a href="https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2001-3-page-146.htm">profession d’éducateurs de jeunes enfants</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-accompagner-la-rentree-en-creche-apprendre-a-se-separer-187478">Podcast « Accompagner la rentrée en crèche » : Apprendre à se séparer</a>
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<p>Émilie Brandt évolue dans le sillage des pédagogues du mouvement historique de <a href="https://doi.org/10.3917/cdle.031.0005">l’Éducation nouvelle</a> qui avait pour ambition de changer l’éducation pour changer le monde. Alors que le modèle scolaire républicain mis en place par Jules Ferry permet en France d’accueillir et d’instruire tout enfant dès l’âge de six ans, que l’école maternelle s’organise pour accueillir les enfants plus petits, sur le modèle des salles d’asile rénové par <a href="https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1997_num_73_1_2897">Pauline Kergomard</a>, d’autres structures sont créées en ce tournant du XIX<sup>e</sup> au XX<sup>e</sup> siècle sur le modèle des jardins d’enfants du pédagogue <a href="https://education.persee.fr/doc/revpe_2021-4111_1905_num_47_2_5272">Friedrich Froebel</a>, dont le premier Kindergaten a ouvert en Prusse en 1837.</p>
<p>C’est dans ce contexte que s’inscrit le travail d’Émilie Brandt, que l’on pourrait qualifier d’entrepreneuse de la petite enfance vu le nombre de structures qu’elle a créées. Actrice majeure du développement de la formation professionnelle de la petite enfance, elle était convaincue de l’importance de l’élément sensoriel dans l’apprentissage et nous a légué une pédagogie accordant une place centrale à l’expérimentation, dans un environnement accueillant et bienveillant.</p>
<h2>Apprendre à l’enfant à observer et à expérimenter</h2>
<p>Ce qui caractérise les jardins d’enfants, c’est d’une part la pédagogie qui accorde une place centrale au jeu, considéré comme vecteur d’apprentissage, et d’autre part l’environnement, proche du modèle familial, et au plus près de la nature, pour permettre le plein épanouissement de l’enfant. En ce début du XX<sup>e</sup> siècle qualifié de « siècle de l’enfant » par l’écrivain suédoise <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ellen_Key">Ellen Key</a>, médecins, pédagogues, scientifiques se saisissent de l’éducation pour révolutionner les pratiques éducatives et <a href="https://journals.openedition.org/ries/10010">penser le bonheur de l’enfant à l’école</a>.</p>
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<img alt="Portrait de Froebel" src="https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=743&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=934&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=934&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534831/original/file-20230629-29-fcyron.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=934&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait de Froebel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Frederick_Froebel_LCCN91794439.jpg">Popular Graphic Arts/Wikimedia</a></span>
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<p>Le regard qu’on porte sur l’enfant évolue : désormais, il est considéré comme une personne à part entière. Le temps est venu de mettre en œuvre la révolution copernicienne éducative, <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/7550?lang=en">comme l’affirme le psychologue de Genève Edouard Claparède</a>. Il faudra cependant attendre <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/efg/2009-n11-efg3879/044123ar.pdf">Françoise Dolto</a> et la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle pour que cette révolution concerne le bébé.</p>
<p>Mais revenons en 1907, au moment où Émilie Brandt, jeune femme alsacienne formée à l’Institut Froebel de Berlin, arrive à Paris et propose à <a href="https://www.editions-beauchesne.com/product_info.php?products_id=474">l’Abbé Viollet</a>, fondateur de nombreuses œuvres sociales dans le XIV<sup>e</sup> arrondissement, de créer un jardin d’enfants pour accueillir les enfants des familles ouvrières du quartier.</p>
<p>Très vite, cette structure organisée selon les méthodes froebeliennes se dotera d’une École d’éducation familiale qui participera à former les jardinières en lien avec de prestigieuses institutions telles le Collège Sévigné et le lycée de jeunes filles de Versailles. Durant cette même période, Émilie Brandt fonde également un jardin d’enfants à Barr, la ville de son enfance, dans une dépendance d’un hôtel, destiné aux enfants pauvres de la vallée.</p>
<p>En 1910, c’est à Thivet, dans la Haute-Marne, que nous retrouvons Émilie Brandt. Elle relate son expérience dans un <em>Manuel du jardin d’enfants</em>, publié chez Armand Colin en 1913. L’ouvrage regorge de détails pratiques, on y trouve l’emploi du temps sur une semaine, rapporté de façon méthodique et minutieuse. Dès les premières phrases, elle expose ce qu’elle entend par l’esprit de la méthode froebelienne :</p>
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<p>« À quoi s’applique exactement l’expression “jardins d’enfants” ? Ce n’est pas nécessairement à un jardin réel où viendraient s’amuser des enfants du matin au soir. Une pelouse peuplée de jeunes bébés pourra bien être un jardin avec des enfants, mais non pas un “jardin d’enfant”. Si Froebel a donné ce dernier titre à ses écoles enfantines, c’est qu’il y faisait régner une méthode d’éducation qui cultivait le jeune enfant d’une manière particulièrement heureuse et efficace. L’esprit de la méthode consiste à développer en toute liberté la nature individuelle de l’enfant dans une atmosphère de bon ordre et d’harmonie. »</p>
</blockquote>
<p>Pour réaliser un tel but, les jardinières d’enfants choisissent avec soin les objets qui vont permettre « l’étude et l’observation prolongée de l’enfant » et qui apportent vie aux « idées centrales », c’est-à-dire aux sujets d’enseignement, par lesquelles les enfants « apprennent à voir, à sentir et à vivre par eux-mêmes ». Et c’est bien parce qu’il n’y a « rien de figé dans l’enseignement qui en découle » que l’enseignement théorique doit être réduit au profit de la pratique, qui est exposée dans les pages suivantes à travers une dizaine de chapitres.</p>
<p>Des exemples de « causeries » autour d’une idée centrale, ici le blé, ou encore des leçons de géographie et de calcul, montrent comment Émilie Brandt s’appuie sur les évènements qui rythment le quotidien pour amener les enfants vers les apprentissages. Elle répond ainsi par la pratique aux théories de pédagogues qui prônent la globalisation des apprentissages, en partant de l’expérimentation, sans décloisonnement des matières, dans l’optique d’y mettre du sens.</p>
<p>En conclusion de l’ouvrage, elle précise que l’enfant, après avoir fréquenté le jardin d’enfants, aura comme avantage sur ses camarades de l’école de posséder « toute une série de notions générales », d’avoir « appris à observer par lui-même, à entendre, à toucher ce qui l’entoure », tout autant qu’à « comparer, à réfléchir, à former son jugement ».</p>
<h2>Former des éducateurs de jeunes enfants</h2>
<p>Son parcours conduit ensuite Emilie Brandt à Strasbourg, où elle crée dans les années 1920 une <a href="http://www.emiliebrandt.fr/">école nouvelle</a>, transférée à Limoges pendant la Seconde Guerre mondiale et qui s’implantera à Neuilly à la fin de la guerre, puis à Levallois en 1952. Cette année est celle de son centenaire, et l’on peut voir que c’est toujours la pédagogie Montessori, à laquelle Émilie Brandt se forme dès le début des années trente, qui en fait son attrait auprès des parents.</p>
<p>C’est à Nice, lors des cours d’été que donne Maria Montessori en 1932, qu’Emilie Brandt se convertit, si l’on peut dire, au montessorisme. L’intérêt porté par Froebel à l’observation et au développement de l’enfant se retrouve dans les théories de Maria Montessori qui se diffusent à travers le monde, depuis qu’elle a ouvert en 1907 la première « casa dei bambini » à Rome. L’approche scientifique de la doctoresse italienne permet de réactualiser la formation des professionnelles de la petite enfance à partir de la méthode qu’elle propose, mais aussi du matériel pédagogique qu’elle crée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-montessori-les-ressorts-dun-engouement-qui-dure-105269">Pédagogie Montessori : les ressorts d’un engouement qui dure</a>
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<p>Si le terme de <em>jardin d’enfants</em> reste pregnant dans le paysage de la petite enfance, le nom de Maria Montessori va progressivement effacer celui de Froebel. Émilie Brandt participera à <a href="https://www.cairn.info/revue-les-etudes-sociales-2022-1-page-179.htm">transmettre ce montessorisme</a> dans les écoles de formations où seront formées les nouvelles générations de jardinières.</p>
<p>Son action pour la formation des professionnelles de la petite enfance croise des réformes institutionnelles et des entreprises privées, qu’elle participe à fédérer après la seconde guerre mondiale lors de la création en 1946 de l’Association des centres de formation de jardinières éducatrices (ACFJE), dont elle est la présidente. L’association va mettre au point un programme de formation pour les jardinières qui donnera lieu à un examen commun à un certain nombre d’écoles.</p>
<p>Il faudra attendre 1973 pour que la formation des jardinières soit prise en charge par l’État, au moment où la profession évolue et devient celle d’éducateur de jeunes enfants. Toujours active, à plus de soixante-dix ans, Emilie Brandt donne, en 1954, à Nice, des « leçons pratiques » chez les sœurs Saint-Vincent de Paul à vingt-huit futures jardinières et exerce en tant que conseillère technique au centre de formation des jardinières d’enfants, poste qu’elle gardera jusqu’à la fin de sa vie.</p>
<p>En formant les jardinières aux méthodes actives, Émilie Brandt, a contribué à créer un réseau d’éducatrices qui à leur tour s’engagent sur le terrain et participent à <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2021-2-page-95.htm">faire de l’école un lieu d’épanouissement comme d’apprentissage</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabienne Serina-Karsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Émilie Brandt a été une figure importante de la réflexion sur la petite enfance et de la diffusion de la pédagogie Montessori au XXᵉ siècle. Retour sur son héritage.Fabienne Serina-Karsky, Maître de conférences HDR en Sciences de l'éducation, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2081452023-06-27T18:23:40Z2023-06-27T18:23:40ZÉducation spécialisée : permettre à l’enfant en souffrance psychique d’exprimer l’indicible<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532980/original/file-20230620-21-voz16t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=251%2C143%2C5739%2C3844&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’éducation spécialisée est une pratique de médiation où la parole n'est pas nécessaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Charles Parker/Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>En conclusion de notre série « Santé mentale et soin psychique des enfants », nous publions deux articles présentant des pistes thérapeutiques explorant des voies complémentaires aux <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">traitements médicamenteux</a> et aux <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-les-psychotherapies-sont-elles-vraiment-efficaces-204300">pratiques psychothérapeutiques</a> : après les <a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">pratiques pédagogiques</a>, voici l’éducation spécialisée.</em></p>
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<p>De trop nombreux enfants et adolescents sont en souffrance, le constat est désormais bien établi en France et en Europe. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/sante-mentale-premiers-resultats-de-l-etude-enabee-chez-les-enfants-de-6-a-11-ans-scolarises-du-cp-au-cm2">13 % des 6-11 ans scolarisés pourraient ainsi être touchés vient d’annoncer Santé publique France</a>. En mars dernier, le rapport « Quand les enfants vont mal, comment les aider » du <a href="https://www.hcfea.fr/">Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge</a> (HCFEA) alertait déjà sur cette douleur psychique des plus jeunes et insistait sur l’importance des pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales pour les aider.</p>
<p>Parmi les dispositifs de première intention destinés à l’enfant et à l’adolescent, le rapport mentionne les pratiques d’éducation spécialisée qui, contrairement à la <a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">pédagogie des courants d’éducation populaire ou d’éducation nouvelle</a>, sont peu connues du grand public. Nous allons en rappeler leurs spécificités et leurs usages, ainsi que leur modernité. Autant d’atouts qui en font des outils incontournables aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/souffrances-psychiques-de-lenfant-pourquoi-il-faut-miser-sur-les-pratiques-pedagogiques-207645">Souffrances psychiques de l’enfant : pourquoi il faut miser sur les pratiques pédagogiques</a>
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<p>L’éducation spécialisée est un domaine du travail social à destination des personnes les plus vulnérables qui place la relation éducative au cœur de son action. Elle comprend de multiples champs d’intervention comme la psychiatrie, le handicap, l’aide sociale à l’enfance et la lutte contre l’exclusion. Contrairement aux idées reçues, elle se déploie aussi bien en milieu ordinaire qu’en institution, dans des accueils ponctuels ou au long cours, s’adaptant à chaque situation.</p>
<h2>Le rôle de l’éducation spécialisée</h2>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/travail-d-educateur-specialise--9782100784707.htm">discipline, protéiforme,</a> puise ses origines dans une longue tradition religieuse, humaniste et philanthropique. Ses principes et son organisation ont toutefois été <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-enfance_inadaptee_l_heritage_de_vichy_michel_chauviere-9782296074286-28275.html">radicalement transformés au XXᵉ siècle, dans l’immédiat après-guerre</a> à l’appui des mouvements d’éducation populaire et de pédagogie nouvelle.</p>
<p>Elle a également <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4437/de-l-education-specialisee-1">bénéficié de l’essor des sciences humaines et sociales</a> (sciences de l’éducation, psychologie, sociologie, anthropologie, <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/1241/la-relation-educative">psychanalyse</a> et de leur <a href="https://www.cairn.info/les-corridors-du-quotidien--9782100794676.htm">influence dans les pratiques et les institutions du soin</a>, de l’éducation et de l’intervention sociale – à l’instar de la <a href="http://www.champsocial.com/book-psychiatrie_et_psychotherapie_institutionnelle,583.html">psychothérapie</a> et de la <a href="http://www.unige.ch/fapse/life/archives/livres/alpha/O/Oury_Vasquez_1993_A.html">pédagogie institutionnelle</a> par exemple.</p>
<p>Ces pratiques sont centrées sur la rencontre, l’accompagnement et la relation éducative avec une <a href="https://sante.gouv.fr/fichiers/bo/2018/18-08/ste_20180008_0000_p000.pdf">démarche éthique, réflexive et dans le respect de l’altérité</a>. Cette relation s’élabore <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/parole-educative">à partir de ce qui fonde le lien social : le langage</a>, le savoir, la culture, le droit, les institutions, etc.</p>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/le-quotidien-en-education-specialisee--9782100802555.htm">relation éducative se conçoit d’abord comme espace de composition à l’usage de l’enfant</a> : c’est un lien et un lieu où il peut déposer son histoire, ses plaintes, ses demandes ou ses symptômes. Tout ceci est accueilli et mis au travail afin de soutenir son éveil, son développement, ses apprentissages, son autonomie et sa socialisation – sans référence à un déterminisme, un discours ou des projets préétablis.</p>
<p>L’objet de la relation éducative n’est pas l’enfant, le savoir, la culture ni la technique, mais la relation elle-même, dont la fonction consiste dans l’accueil des mots et de la souffrance de l’enfant – y compris de ses symptômes, entendus comme des modes de dire.</p>
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<h2>Sur quoi s’appuie l’éducation spécialisée ?</h2>
<p>L’éducation spécialisée repose sur un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_travail_social_a_l_epreuve_de_la_clinique_psychanalytique_sebastien_ponnou-9782343098661-51499.html">certain nombre d’invariants</a>, mais est avant tout une clinique des « petits riens du quotidien » <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-pratiques_d_orientation_clinique_en_travail_social_sous_la_direction_de_sebastien_ponnou_chirstophe_niewiadomski_sebastien_ponnou_christophe_niewiadomski-9782343196954-65896.html">qui s’oriente de ce que dit et manifeste chaque sujet</a>, où chaque tâche, chaque objet traversant l’espace de la rencontre devient matière et support pour tisser la relation, prétexte à partir duquel le sujet va pouvoir être accompagné pour « dire », se mettre en récit, s’approprier et transformer son histoire.</p>
<p>Elle est donc une pratique de parole, au quotidien ou au cours d’entretiens cliniques. Ces temps privilégiés ne sont pas des espaces de normalisation ou de suggestion : ils doivent permettre de saisir la singularité du texte de l’enfant, l’empreinte à partir de laquelle engager un travail de soin, d’éducation, de socialisation ou d’insertion.</p>
<p>La pédagogie, le rapport au savoir et les apprentissages font partie des tâches quotidiennes des éducateurs spécialisés. Au-delà de la stricte transmission des connaissances, il s’agit d’aménager une pédagogie qui interroge le rapport au savoir pour en faire <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb350511478">l’enjeu d’un désir</a> et favoriser l’<a href="https://institut-enfant.fr/collection-la-petite-girafe/le-savoir-de-lenfant/">avènement d’un savoir</a> <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/savoir_apprendre_transmettre-9782707151964">propre à l’enfant</a>.</p>
<p>Une telle orientation implique de ne pas partir de programmes préétablis – les programmes scolaires par exemple –, mais du désir et des centres d’intérêt de l’enfant, à partir desquels une dynamique d’apprentissage peut être réamorcée.</p>
<h2>Une pratique de médiation</h2>
<p>L’éducation spécialisée est aussi une pratique de médiation : savoirs, travail, logement, soin, insertion, art(isanat), vie de classe ou vie quotidienne constituent autant d’objets sociaux jalonnant le travail de composition déployé au fil de la relation d’aide.</p>
<p>De sorte, les médiations éducatives couvrent un champ auquel la parole n’a pas nécessairement accès quand la parole apparaît douloureuse, empêchée, embrouillée, entravée, etc. Lorsque le langage procède du traumatisme, d’un forçage auquel le sujet ne peut pas répondre, la médiation consiste à <a href="https://www.cairn.info/processus-de-creation-et-processus-cliniques--9782130729952.htm">inventer les espaces de représentation</a> où chacun peut dire qui il est, ce qu’il ressent et ce qu’il pense au sein d’un espace protégé, voilé ou filtré par le <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/1084/-mediations-therapeutiques">détour de la médiation</a>.</p>
<p>Les ateliers d’expression et de création deviennent un espace « métaphorique », l’occasion d’un pas de côté ouvrant la possibilité d’un « écart » de l’enfant à lui-même et aux évènements dont il a pâti, pour l’engager sur une voie d’avenir.</p>
<p>Cet exercice appelle une mise en mots, le déploiement d’un savoir et institue chaque professionnel dans une posture d’animateur – étymologiquement, insuffler de l’âme, de l’esprit, en soi, une position complexe au regard de situations d’errance, de rupture, de handicap et de souffrance psychique.</p>
<h2>Une approche pluridisciplinaire et collective</h2>
<p><a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/travail-d-equipe-en-institution-clinique-institution-medico-sociale-0">L’éducateur spécialisé ne travaille jamais seul</a>. Le <a href="https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2005-3-page-107.htm">travail d’équipe, soutenu et scandé par des réunions régulières,</a> est incontournable dans l’élaboration du projet éducatif.</p>
<p>Au-delà des enjeux communicationnels et organisationnels, la réunion d’équipe consiste à produire un discours susceptible de soutenir le travail de composition de l’enfant dans son rapport aux autres et au monde : un lieu où l’on parle de l’enfant, de son rapport à l’enfant, où l’on soutient un discours lui offrant la possibilité de naître comme effet de ce discours.</p>
<p>La réunion clinique fonctionne également comme facteur de séparation d’un savoir supposé acquis sur l’enfant, pour laisser en suspens la place d’un savoir en attente.</p>
<p>Ce travail d’équipe appelle la mise en jeu d’un savoir spécifique régulièrement débattu et en évolution perpétuelle du fait des avancées de la clinique. Soigner et éduquer sont effectivement toujours des processus à réinventer.</p>
<p>Chaque membre de l’équipe apporte un regard différent et complémentaire selon sa fonction, sa spécialité, ses éprouvés ainsi que sa propre histoire et personnalité. La capacité de ce collectif permet également d’alimenter le dialogue avec les familles, d’accueillir leurs paroles, leurs apports, leurs attentes voire leurs angoisses.</p>
<h2>Une pratique singulière et pleine de promesses</h2>
<p>L’éducation spécialisée se rapporte à une éthique du cas par cas. Au-delà des prescriptions institutionnelles, normatives et sociales, l’éducateur <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/ethique-et-travail-social-une-recherche-du-sens-0">garantit la prise en compte de la parole et de la singularité de l’enfant</a> dans ses <a href="https://sante.gouv.fr/fichiers/bo/2018/18-08/ste_20180008_0000_p000.pdf">différents lieux de vie, d’apprentissage et de socialisation</a>.</p>
<p>Face à la souffrance psychique croissante des enfants et des adolescents et au peu d’accessibilité de l’offre de soin, au risque de médication inadaptée, de standardisation des pratiques, les dispositifs d’éducation spécialisée présentent l’intérêt de <a href="https://theconversation.com/pratiques-pedagogiques-des-alliees-sous-estimees-pour-lutter-contre-les-souffrances-psychiques-de-lenfant-207645">soutenir des pratiques humanistes en ligne avec l’état de la recherche</a> et les <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">recommandations les plus récentes de l’Organisation mondiale de la santé</a> en termes de soin, d’éducation, de prévention et d’accès au droit.</p>
<p>Dans la mesure où elles se consacrent à la dimension du lien dans des situations de souffrance psychique et de handicap où les relations à l’autre et au social sont devenues problématiques, voire impraticables, les pratiques d’éducation spécialisée contribuent de manière originale au soin et au prendre soin de l’enfant et de l’adolescent.</p>
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<h2>Pour aller plus loin</h2>
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<li><p>M. Capul et M. Lemay, <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4437/de-l-education-specialisee-1"><em>De l’éducation spécialisée</em></a>, Éd. Erès (1997).</p></li>
<li><p>J. Rouzel, <a href="https://www.cairn.info/travail-d-educateur-specialise--9782100784707.htm"><em>Le travail d’éducateur spécialisé</em></a>, Éd. Dunod (2018).</p></li>
<li><p>P. Fustier, <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/corridors-du-quotidien-clinique-du-quotidien-et-education-0"><em>Les corridors du quotidien : clinique du quotidien et éducation spécialisée en institution</em></a>, Éd. Dunod (2019).</p></li>
<li><p>S. Ponnou, <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_travail_social_a_l_epreuve_de_la_clinique_psychanalytique_sebastien_ponnou-9782343098661-51499.html"><em>Le travail social à l’épreuve de la clinique psychanalytique</em></a>, Éd. L’Harmattan (2016).</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/208145/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lescouarch est membre de l'ICEM Pédagogie Freinet et des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CEMEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Bedoin, Dominique Méloni et Maryan Lemoine ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Alors que près d’un enfant scolarisé sur dix pourrait être touché par des troubles mentaux, des pratiques d’aide restent sous-employées. L’éducation spécialisée en est une. De quoi s’agit-il ?Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisDiane Bedoin, Professeure des Universités en Sciences du langage, Laboratoire DYLIS, Université de Rouen NormandieDominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Laurent Lescouarch, Professeur des Universités en Sciences de l'Education, Université de Caen NormandieMaryan Lemoine, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LimogesXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2076452023-06-20T17:38:49Z2023-06-20T17:38:49ZSouffrances psychiques de l’enfant : pourquoi il faut miser sur les pratiques pédagogiques<p>Comment faire lorsqu’un enfant ou un adolescent est en souffrance psychique ? Si l’alerte a notamment été donnée en début d’année sur ce sujet délicat et en plein essor dans un rapport du <a href="https://www.hcfea.fr/">Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA)</a>, la question des traitements et des options thérapeutiques divise les spécialistes.</p>
<p>Paradoxalement, l’importance des pratiques éducatives reste peu connue, alors que les experts et les pouvoirs publics les mettent régulièrement en avant, <a href="https://www.hcfea.fr/">au côté des approches psychothérapeutiques, sociales et du soutien des familles</a>.</p>
<p>Elles font ainsi rarement l’objet d’une présentation détaillée dans les « guides de bonnes pratiques » et les recommandations des agences de santé, ou sont souvent réduites à des conseils sommaires qui ne rendent pas compte de la complexité ou de l’ingéniosité des techniques, concepts et dispositifs éducatifs favorables au développement ou à l’épanouissement de l’enfant. </p>
<p>Nous avons ici pour objectif de synthétiser certaines de ces approches, dont la mise en pratique serait pertinente pour des enfants et des adolescents en situation de souffrance psychique.</p>
<h2>La pédagogie au service de la santé mentale des enfants vulnérables</h2>
<p>Ces lacunes sont d’autant plus surprenantes que, durant ces deux derniers siècles, de nombreux pédagogues ont dédié leurs travaux à l’accompagnement spécifique des enfants les plus vulnérables. Leurs pratiques et modèles éducatifs ont même souvent été pensés en regard de ces besoins particuliers. Ils ont progressivement essaimé dans l’ensemble du champ pédagogique, pour intégrer les pratiques quotidiennes des enseignants et des éducateurs.</p>
<p>Penser des dispositifs éducatifs pour les enfants en situation de souffrance psychique ou de handicap implique d’envisager la pédagogie et les institutions pédagogiques dans leur ensemble. Leur déploiement engage à adapter les outils, les pratiques et les enjeux relatifs au savoir et à sa transmission, ainsi que le fonctionnement des groupes et des institutions éducatives au bénéfice de tous les enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-lecole-tenait-grace-aux-pedagogies-differentes-155499">Et si l’école « tenait » grâce aux pédagogies différentes ?</a>
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<p>La pédagogie se définit comme théorie et pratique de l’action éducative. Elle concerne l’école et toutes les situations d’apprentissage, de transmission et de vivre ensemble. La question du bien-être, de la souffrance et du soin psychiques est au cœur de ses préoccupations.</p>
<p>Plusieurs figures de la discipline ont réfléchi à la construction d’environnements répondant aux difficultés de l’enfant, en partant de ses besoins. Ces recherches ont mis en évidence des invariants pédagogiques à un environnement et à une posture éducative propices à son développement.</p>
<p>On peut noter que ces pratiques se sont construites « dans les marges », avec des enfants en difficulté ou qui mettent les équipes en difficulté. Elles se caractérisent par un pragmatisme dont il pourrait être intéressant de s’inspirer.</p>
<h2>Des environnements adaptés pour répondre aux difficultés de l’enfant</h2>
<p>Enseignants, éducateurs et pédagogues peuvent puiser dans la tradition de l’éducabilité initiée par des médecins pédagogues, à l’instar de <a href="https://www.cairn.info/les-grands-penseurs-de-l-education--9782361064655-page-43.htm">Jean Itard</a>, d’Édouard Seguin (dont les <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/quinze-pedagogues-idees-principales-et-textes-choisis.3130.produit.html">apports respectifs seront repris par Maria Montessori</a>), ou encore d’Alfred Binet qui insiste sur la nécessité d’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_idees_modernes_sur_les_enfants_alfred_binet-9782296097209-30589.html">adapter la pédagogie au potentiel des enfants</a>. Tous ont cherché à appréhender l’enfant dans sa complexité psychologique et affective.</p>
<p>Cette perspective est également bien illustrée par le <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/pedagogues-contemporains-idees-principales-et-textes-choisis.3131.produit.html">travail de Fernand Deligny, référence de l’éducation spécialisée</a>, sur les conditions nécessaires à un environnement accompagnant, non pathologique et potentiellement réparateur à destination de l’enfant. <strong>Les différentes caractéristiques de ces environnements sont centrales :</strong></p>
<ul>
<li><strong>Sécurisant et prévisible</strong></li>
</ul>
<p>Une dimension fondamentale de l’éducation est de proposer un environnement structurant, prévisible, respectueux, où l’enfant est considéré comme une personne à part entière. Cela suppose d’être attentif à sa sécurité physique, matérielle et affective. Cette approche passe également par le fait d’ajuster le mobilier à leurs besoins – dans la tradition initiée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauline_Kergomard">Pauline Kergomard</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Pape-Carpantier">Marie Pape-Carpantier</a> à l’école maternelle. L’aménagement de l’espace ou des règles de vie n’est pas anecdotique.</p>
<ul>
<li><strong>Respectueux de ses besoins physiologiques et psychologiques</strong></li>
</ul>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2017-1-page-122.htm">pédagogue Ovide Decroly a construit tout un modèle</a> prenant en compte les centres d’intérêt et les besoins fondamentaux de l’enfant : ses questionnements se retrouvent dans les réflexions sur les rythmes de ce dernier, l’organisation des journées dans les espaces scolaires et périscolaires.</p>
<p>Dans cette perspective, les temps calmes et les récréations peuvent être des moments pédagogiques liés au jeu, <a href="http://tmtdm.free.fr/media/textes/Courants-pedagogiques-dans-l-Education-Nouvelle-Francine-Best.pdf">tel que pensé dans les mouvements d’Éducation populaire</a>. Un autre exemple concerne les projets de flexibilisation des espaces d’apprentissage, à l’école et dans la sphère familiale, le besoin de vivre dans un espace ritualisé avec des rythmes structurés laissant une place au besoin de jouer et d’expérimenter.</p>
<ul>
<li><strong>Reconnaissant l’intérêt de sa parole</strong></li>
</ul>
<p>L’importance des sentiments d’appartenance et d’attachement au groupe passe par le fait d’y être intégré, de se faire des amis et de prendre part aux processus décisionnels.</p>
<p>En développant des conseils d’enfants et en cherchant à prendre en compte leur parole, le pédiatre <a href="https://www.enseignants.hachette-education.com/livres/janusz-korczak-lamour-droits-lenfant-9782011706133">Janus Korczak</a> a permis d’éclairer ces enjeux, tout comme le pédagogue <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/pedagogues-contemporains-idees-principales-et-textes-choisis.3131.produit.html">Paulo Freire</a> dont les dispositifs dialogiques individuel/collectif intégraient la singularité d’un sujet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-enseignements-de-paulo-freire-un-pedagogue-toujours-actuel-73079">Les enseignements de Paulo Freire : un pédagogue toujours actuel…</a>
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<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maud_Mannoni">Maud Mannoni</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7oise_Dolto">Françoise Dolto</a> ont, quant à elles, expérimenté des dispositifs pour favoriser le déploiement de l’expression des enfants et promu la prise en compte de leur parole – y compris quand ils n’ont pas encore acquis les compétences langagières ou sont en difficulté.</p>
<ul>
<li><strong>Où il est responsabilisé</strong></li>
</ul>
<p>La responsabilisation aide également à mieux s’inscrire dans le collectif. Des éducateurs comme <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2005-3-page-144.htm">Anton Makarenko</a>, Janus Korzack, <a href="https://excerpts.numilog.com/books/9782402579247.pdf">Célestin</a> <a href="https://www.icem-pedagogie-freinet.org/les-invariants-pedagogiques">Freinet</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-reliance-2008-2-page-113.htm">Fernand Oury</a> et les tenants de la pédagogie institutionnelle ont, en ce sens, pensé les environnements éducatifs comme des institutions comprenant des conseils d’enfants ou des espaces de régulation du vivre ensemble, où les enfants ont un peu de pouvoir sur ce qui les concerne. Les échanges autour des retours sur expérience concourent à apprendre comment devenir responsable.</p>
<p>Il ne s’agit pas de céder sur la responsabilité de l’adulte, mais de créer un espace d’exercice de la citoyenneté avec une « montée en responsabilité » – concernant la participation à l’aménagement des lieux, les ajustements collectifs, scolaires et sociaux pour accueillir la diversité, etc.</p>
<ul>
<li><strong>De découverte et d’exercice de son pouvoir sur le monde</strong></li>
</ul>
<p>Les enfants ont besoin de ne pas toujours être soumis aux décisions des adultes et de pouvoir se mobiliser sur des activités choisies, ou de <a href="http://cirnef.normandie-univ.fr/?page_id=1412">proposer eux-mêmes des activités</a>, afin de pouvoir agir sur eux-mêmes ou sur le monde, et d’avoir prise sur ce qui les concerne. Ces principes apparaissaient en creux chez de nombreux spécialistes comme <a href="https://www.icem-pedagogie-freinet.org/book/export/html/29334">Maria Montessori avec sa théorie de la pédagogie du choix</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Avec des adultes attentifs</strong></li>
</ul>
<p>Pour être en confiance, les enfants ont besoin d’être soutenus par des adultes qui veillent à la qualité de leur relation. La mise en perspective de l’importance de l’empathie et d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-approche-centree-sur-la-personne-2008-2-page-5.htm">attitude positive inconditionnelle par Carl Rogers</a> peut être un point de repère utile. Par ailleurs, les adultes doivent pouvoir assumer une fonction de médiation et d’étayage <a href="https://www.cairn.info/le-developpement-de-l-enfant--9782130589686.htm">entre directivité et semi-directivité, constate le psychopédagogue Jérôme Bruner</a>.</p>
<p>Faire l’expérience de la réussite et avoir un sentiment de compétences sont également essentiels comme le montrent les <a href="https://www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-9.htm">travaux d’Albert Bandura</a>. Par exemple <a href="https://journals.openedition.org/rfp/886">Célestin Freinet a repensé les questions d’évaluation pour les remplacer par des brevets de compétences</a> quand d’autres ont développé une <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782367174211-du-chef-d-oeuvre-pedagogique-a-la-pedagogie-du-chef-d-oeuvre-introniser-en-humanite-leonard-guillaume-jean-francois-manil-charles-pepinster/">« pédagogie du chef-d’œuvre »</a>.</p>
<p>Cela suppose de proposer des projets créatifs permettant d’exprimer ses affects (dans la lignée de l’<a href="https://www.cairn.info/jeu-et-education--9782130369783.htm">éducation nouvelle portée notamment par Germaine Tortel</a>), en association avec la pratique des jeux symboliques ou les pratiques de médiation culturelle dans les œuvres littéraires – comme le propose le psychopédagogue Serge Boimare dans une perspective de soutien et de réparation psychologique pour des enfants <a href="https://www.cairn.info/ces-enfants-empeches-de-penser--9782100521654.htm">« empêchés de penser »</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Où les adultes sont eux-mêmes accompagnés</strong></li>
</ul>
<p>Dans le cadre ordinaire de l’école, nombreux sont les enseignants et les personnels éducatifs à dire leur difficulté à ne pas pouvoir ou ne plus savoir comment faire. Les formations sont de fait lacunaire et ne font pas suffisamment place aux expressions croisées et à l’analyse des situations et des savoirs d’expérience. Ce point constitue un enjeu majeur du bon accueil des enfants en situation de souffrance psychique à l’école.</p>
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<h2>Quelles perspectives en termes de santé mentale de l’enfant ?</h2>
<p>Ce patrimoine permet de penser des actions éducatives concrètes en faveur du soin, de l’éducation, de l’accompagnement et de la santé mentale de l’enfant. La plupart de ces propositions a fait l’objet de pratiques au long cours, de formalisations et de théorisations reconnues au niveau international, au point qu’elles ont progressivement intégré les pratiques ordinaires d’enseignement ou d’éducation spécialisée.</p>
<p>Ces propositions « très françaises » peuvent paraître datées dans un contexte national où la prévention universelle, l’éducation pour tous, les pédagogies nouvelles, le soin singulier apporté à la personne par des équipes pluridisciplinaires, l’ancrage dans le lieu de vie et la communauté ont longtemps dominé… Elles sont toutefois critiquées depuis plusieurs années par les promoteurs d’une standardisation des pratiques et de thérapies protocolisées, simples, courtes et symptomatiques.</p>
<p>Elles sont pourtant en ligne avec la littérature scientifique internationale, qui plaide pour une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanchi/article/PIIS2352-4642(20)3 0316-3/fulltext">« école promotrice de santé »</a> et une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20869">« psychiatrie préventive »</a> intégrée dans des modifications des environnements de vie et dans des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20773">initiatives de promotion de la santé mentale et physique des jeunes</a>. Des points qui peuvent être mis en œuvre dans le cadre scolaire.</p>
<p>La conclusion de ces travaux est que prendre en compte de multiples facteurs liés au mode de vie des jeunes constitue une approche prometteuse pour lutter contre les troubles mentaux.</p>
<blockquote>
<p>« Au-delà de la simple mise en œuvre de programmes prêts à l’emploi, des ressources et des pratiques sont nécessaires pour faire progresser les résultats académiques et de santé. […] Dans les écoles, les professionnels de santé peuvent se positionner comme catalyseurs du changement structurel car ils ont des occasions de défendre et de participer à la mise en œuvre intersectorielle des réformes et innovations dans les systèmes scolaires pour promouvoir la santé de tous les élèves. » (<a href="https://www.thelancet.com/journals/lanchi/article/PIIS2352-4642(20)3 0316-3/fulltext">Supporting every school to become a foundation for healthy lives</a>, <em>The Lancet</em>, 2021)</p>
</blockquote>
<p>Concevoir des pratiques pédagogiques adaptées aux singularités de l’enfant, intégrées à son contexte d’apprentissage et de vie, et qui lui permettent de développer sa santé générale, sa créativité, son adaptabilité, ses capacités émotionnelles, relationnelles et à agir, est essentiel à sa bonne santé mentale. Les recommandations du HCFEA, dans la lignée de la recherche internationale, vont en ce sens.</p>
<p>Au moment où la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/sante-mentale-premiers-resultats-de-l-etude-enabee-chez-les-enfants-de-6-a-11-ans-scolarises-du-cp-au-cm2">santé mentale et la souffrance psychique des plus jeunes font l’objet de vives préoccupations</a>, et où l’embolie du système de soin pédopsychiatrique ne permet plus de les recevoir dans des délais satisfaisants, ces réflexions ont pour objectif de rouvrir des pistes, de retrouver des leviers et des gestes éducatifs susceptibles de contribuer à leur accompagnement et de leur apporter des aides.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lescouarch est membre de l'ICEM Pédagogie Freinet et des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CEMEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Bedoin, Dominique Méloni et Maryan Lemoine ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>En amont de toute prise en charge thérapeutique, la pédagogie recèle déjà de nombreux dispositifs prometteurs pour lutter contre la souffrance psychique des enfants. Comment et pourquoi ?Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisDiane Bedoin, Professeure des Universités en Sciences du langage, Laboratoire DYLIS, Université de Rouen NormandieDominique Méloni, Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, spécialité psychologie de l’éducation. Psychologue clinicienne, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Laurent Lescouarch, Professeur des Universités en Sciences de l'Education, Université de Caen NormandieMaryan Lemoine, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de LimogesXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2015822023-04-27T17:59:19Z2023-04-27T17:59:19ZRecherche et pédagogie : qu’est-ce que l’« evidence-based education » ?<p>L’instauration du paquet neutre pour lutter contre le tabagisme ou encore l’élaboration du logo nutritionnel <a href="https://theconversation.com/qualite-nutritionnelle-des-aliments-nutri-score-ou-en-est-on-conversation-avec-mathilde-touvier-158985">NutriScore</a> pour aider les consommateurs à mieux se repérer parmi les produits alimentaires sont des mesures qui ont été pensées à partir de programmes de recherches en santé publique fondées sur les données probantes. Cette méthodologie – ou « evidence-based practice » est développée dans le domaine médical depuis plus de trois décennies.</p>
<p><a href="https://drapps-occitanie.fr/les-dossiers-du-drapps/donnees-probantes/">L’Organisation mondiale de la santé</a> l’a définie comme un outil majeur pour développer de nouvelles connaissances, évaluer les effets de nouvelles pratiques et prendre des décisions dans le domaine de la santé publique et des soins de santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-en-maternelle-quelle-pedagogie-choisir-pour-les-reduire-196310">Inégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ?</a>
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<p>Construites à partir de données dites probantes, ces recherches scientifiques rigoureuses et expérimentales produisent des preuves, créant ainsi une <a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/la-pyramide-des-preuves-en-sciences-les-differents-types-d-etudes-a-la-loupe">pyramide</a>, une hiérarchie dans laquelle les recherches quantitatives sont jugées plus fiables statistiquement que les recherches qualitatives et collaboratives.</p>
<p>Ce type de travaux, fondés sur des évaluations comparatives à partir de critères quantitatifs et observables, est-il pertinent dans le <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807351370-les-donnees-probantes-et-l-education">domaine éducatif</a> ?</p>
<h2>Mesurer l’efficacité des dispositifs éducatifs</h2>
<p>L’appui sur des données probantes n’est nouveau en éducation. L’idée même de tests quantitatifs est présente depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle chez le psychologue <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2011-3-page-251.htm">Alfred Binet</a>, inventeur des tests d’intelligence et précurseur de la notion de quotient intellectuel, ou chez le pédagogue belge <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3339982w.texteImage">Ovide Decroly</a> figure de l’Éducation nouvelle, qui élabore des tests mentaux pour les élèves.</p>
<p>Depuis une dizaine d’années, l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) préconise des <a href="https://www.oecd.org/fr/education/Travaux-de-locde-sur-leducation-et-les-competences.pdf">normes internationales fondées sur des données probantes</a>. En France, le Conseil scientifique de l’éducation nationale, créé en 2018, à l’instar d’autres institutions aux États-Unis, Royaume-Uni, Danemark ou <a href="https://www.nwo.nl/nieuws">Pays-Bas</a>, recommande le développement de recherches scientifiques quantitatives fondées sur les données probantes. L’objectif affirmé, dans ce que l’on nomme une <a href="https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/Ressources_pedagogiques/La_recherche_translationnelle_en_education.pdf">recherche translationnelle</a> est de permettre par la recherche un impact immédiat sur les pratiques pédagogiques. En se voulant scientifiques et indiscutables, les recherches fondées sur les données probantes sous-tendent la possibilité d’un passage direct de la recherche à la classe.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une méthodologie peut-elle suffire à définir une pratique efficace ou même une méthode pédagogique précise ? L’un des risques est de faire des données probantes un <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/487597/les-donnees-probantes-un-nouveau-dogme">dogme</a>, de créer une hiérarchie entre les recherches scientifiques voir de discréditer les recherches n’utilisant pas les données probantes comme les recherches appliquées ou collaboratives. La définition même des <a href="https://theconversation.com/et-si-les-reformes-de-leducation-sappuyaient-sur-les-donnees-de-la-science-79713">données probantes en éducation</a> est liée à leur usage : il s’agit de transformer l’enseignement et en particulier les méthodes d’apprentissages.</p>
<p>La méthodologie des données probantes entend mettre en avant « ce qui marche », ce qui est efficace. Certains chercheurs posent la question : <a href="https://www.researchgate.net/publication/313321979_L%27efficacite_une_finalite_digne_de_l%27education">L’efficacité est-elle une finalité digne de l’éducation ?</a> En effet, qu’entend-on par efficace ? S’agit-il de former de futurs citoyens d’une société démocratique ou des futurs travailleurs et, dans ce cas, lesquels ? S’agit-il de développer l’épanouissement des individus et leur bien-être ?</p>
<p>En intégrant la question de l’efficacité, la méthodologie des données probantes pose aussi celle de la transformation des pratiques pédagogiques. Mais <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-didactique-2022-1-page-153.htm">est-il suffisant d’avoir des données probantes sur l’efficacité d’un dispositif éducatif pour qu’il produise des effets positifs en classe ?</a> Si l’on compare l’acte éducatif à la confection d’un plat, il semble évident qu’une recette est nécessaire, ce que promettent d’apporter les données probantes. Cependant, le rôle du cuisinier est primordial, son intuition, son témoignage, son expérience, le choix des ingrédients, le contexte et le temps considéré sont des paramètres aussi importants que la recette pour le succès du plat !</p>
<h2>Varier les cadres de recherche pour saisir la complexité des situations</h2>
<p>Néanmoins, la méthodologie fondée sur les données probantes offre la possibilité de recherches rigoureuses, scientifiques, qui s’appuie sur des panels pertinents et significatifs. Le passage de la recherche à la pratique, du laboratoire à la classe est une clé de la réussite de l’intégration de nouvelles pratiques pédagogiques dans un monde en mutation. En France, les recherches fondées sur les données probantes se multiplient sur la possible intégration de nouvelles pratiques de l’école dehors, du yoga, de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S000344871930294X">méditation</a> ou du <a href="https://www.respadd.org/publications/programmes-de-recherche-et-evaluations/evaluation-du-programme-europeen-unplugged/">développement des compétences psychosociales.</a></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ecole-le-yoga-une-activite-a-mettre-au-programme-141714">École : le yoga, une activité à mettre au programme ?</a>
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<p>Pour que les données probantes soient aussi des données <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807351370-les-donnees-probantes-et-l-education">éclairantes</a>, on ne peut se limiter à l’analyse de données mesurables et quantifiables. L’éducation est un phénomène complexe et suppose de prendre en compte les multiples paramètres de contexte, d’environnement, d’organisation du temps et des élèves, d’espaces, de mentalités des différents acteurs, élèves, enseignants, adultes non enseignants, parents.</p>
<p>L’influence des <a href="https://www.sciencespo.fr/institut-competences-innovation/fr/actualites/l-education-fondee-sur-des-preuves-definition-et-enjeux">données probantes</a> au sein des politiques publiques d’éducation est grandissante. Elle est une méthode parmi d’autres, qui peut apporter des outils d’aide à la prise de décision. Rendre un accès plus aisé aux connaissances scientifiques, permettre aux enseignants, principaux acteurs de la réussite d’un tel transfert, de s’approprier et d’intégrer les connaissances des recherches et des études est une condition de la réussite de la transformation des systèmes éducatifs.</p>
<p>Notre système éducatif pour évoluer a besoin de recherches scientifiques fiables, quelle que soit la méthodologie choisie. Le passage de la recherche à la pratique en classe n’est jamais une évidence. Faire des enseignants les acteurs majeurs des recherches, leur offrir la possibilité de les infléchir par leur expérience, ouvre des perspectives pour mieux connaitre l’acte éducatif mais aussi permettre de résoudre les multiples défis de l’éducation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans quelle mesure la recherche peut-elle contribuer à transformer les méthodes d’enseignement ? C’est la question que soulève l’essor de programmes fondés sur des « données probantes ».Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de MontpellierSihame Chkair, Docteure en économie de la santé et doctorante en sciences de l'éducation, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027712023-04-13T17:49:58Z2023-04-13T17:49:58ZCe qu’Érasme, patron d’Erasmus, a apporté à la pensée de l’éducation<p>Après deux années très perturbées par la crise du Covid-19, la <a href="https://injep.fr/publication/reprise-de-la-mobilite-internationale-des-jeunes-en-2022/">mobilité internationale des jeunes</a> repart à la hausse. Parmi les dispositifs les plus prisés par les étudiants qui souhaitent passer une partie de leur cursus à l’étranger se trouve <a href="https://info.erasmusplus.fr/">Erasmus +</a>.</p>
<p>Pourquoi Érasme a-t-il été choisi comme figure tutélaire de ce programme qui, en 2022, a fêté ses 35 ans ? En quoi l’ouverture culturelle qu’il permet fait-elle écho à la pensée du célèbre humaniste ? De manière très factuelle, s’il a donné son nom à un <a href="https://theconversation.com/partir-avec-erasmus-a-lecole-de-la-difference-98968">programme facilitant la circulation des étudiants et des enseignants à travers l’Union européenne</a>, c’est sans doute d’abord parce que <a href="https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1996_num_76_3_5413_t1_0364_0000_2">ce savant hollandais mena une vie itinérante</a>, au cours de laquelle il se constitua un vaste réseau de correspondants et d’amis, du nord au sud du continent.</p>
<p>Né à Rotterdam en 1467 ou 1469, l’auteur de l’<a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251448596/eloge-de-la-folie"><em>Eloge de la folie</em></a> vécut par la suite dans l’actuelle Belgique, en France, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, dans l’actuelle Suisse où il mourut en 1536. Bien qu’il n’allât jamais en <a href="https://www.jstor.org/stable/20679305">Espagne, son influence y fut grande</a>. Il ne manquait pas non plus d’admirateurs ni d’amis en Pologne et en Hongrie.</p>
<p>Les voyages d’Érasme n’étaient pas récréatifs : manquant souvent d’argent, il avait besoin du soutien de riches bienfaiteurs, susceptibles de l’accueillir et de lui offrir les conditions d’une vie, sinon toujours confortable, du moins libérée des soucis matériels, de sorte qu’il pût se consacrer à ses travaux d’édition et d’écriture.</p>
<p>Les voyages lui étaient en outre nécessaires pour des raisons scientifiques : se rendre à Oxford, à Paris, à Louvain, à Venise ou à Bâle lui permettait d’accéder à des bibliothèques, à des manuscrits, de rencontrer d’autres savants, des éditeurs…</p>
<p>Enfin, dans le contexte des fortes tensions religieuses du début du XVI<sup>e</sup> siècle, Érasme se sentit parfois obligé de quitter une ville pour préserver sa liberté et sa sécurité, comme en 1521 lorsqu’il quitta Louvain, ou en 1529 lorsqu’il préféra partir (temporairement) de Bâle : dans un cas comme dans l’autre, il refusa de céder aux pressions de ceux – catholiques à Louvain, protestants à Bâle – qui souhaitaient le voir prendre parti fermement pour leur cause, contre l’autre camp.</p>
<h2>Un humanisme indissociable d’une réflexion sur l’éducation</h2>
<p>Outre la dimension européenne de la vie d’Érasme, c’est son statut d’« humaniste » qui permet de comprendre pourquoi le programme européen de mobilité académique a été placé sous son patronage. Le mot « humanisme » se prête aux contresens, mais son emploi est inévitable dès qu’il est question d’Érasme. En tout état de cause, le terme lui est postérieur.</p>
<p>Attesté en français au XVIII<sup>e</sup> siècle, au sens d’amour de l’humanité, le mot acquiert au XIX<sup>e</sup> siècle, d’abord en allemand, puis dans les autres langues européennes, le sens plus technique que nous lui connaissons aujourd’hui en histoire des idées, celui qui renvoie au mouvement de remise à l’honneur des auteurs grecs et latins de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/antiquite-21981">Antiquité</a> chez les lettrés européens des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-a-grandir-un-combat-a-mener-avec-susan-neiman-167066">Apprendre à « grandir », un combat à mener avec Susan Neiman</a>
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<p>Tardif, le mot « humanisme » s’appuie toutefois sur des expressions attestées chez les auteurs des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles : <em>studia humanitatis</em> ou <em>litterae humaniores</em>, c’est-à-dire « études d’humanité » ou « lettres plus humaines », au sens actif de l’adjectif, à savoir « les lettres qui rendent plus humain » – ou encore, dans un esprit comparable, <em>bonae litterae</em>, les « bonnes lettres », non pas seulement au sens esthétique de « belles-lettres », mais aussi et plus encore au sens moral et éducatif de « lettres qui rendent bon, meilleur ».</p>
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<img alt="Enluminure dans un ouvrage de 1518 ou 1519 de Guillaume Budé" src="https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520265/original/file-20230411-20-vwdwd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maître anonyme, enluminure de dédicace, dans Guillaume Budé, L’Institution du prince, (Paris, BnF, Bibliothèque de l’Arsenal, vers 1518-1519).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Biblioth%C3%A8que_de_l%E2%80%99Arsenal,_MS-5103,_fol1v_-_Bud%C3%A9_%C3%A0_l%27%C5%93uvre_pour_le_roi.jpg">Wikimedia Commons</a></span>
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<p>L’humanisme repose en effet sur une pensée et une pratique de l’éducation, et, de manière indissociable, sur une certaine anthropologie. Par son œuvre immense, Érasme occupe une place de premier plan dans l’histoire de l’éducation – place paradoxale toutefois, car <a href="https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1996_num_76_3_5413_t1_0364_0000_2">Érasme fut davantage un théoricien qu’un praticien de l’éducation</a> : il n’accepta des fonctions d’enseignement que pour gagner sa vie, et dès qu’il eut la possibilité de s’en libérer pour se consacrer à l’étude et à l’écriture, il en profita.</p>
<p>Exigeant et impatient, <a href="https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1990_num_68_4_5787_t1_0995_0000_2">Érasme</a> semble avoir difficilement supporté les limites de ses élèves. Dépourvu d’intérêt pour les questions institutionnelles et matérielles, il n’était pas non plus homme à se lancer dans un grand projet de créations d’écoles ou de centres d’enseignement : s’il participa à la fondation du Collège trilingue de Louvain en 1517, c’est en tant qu’homme de réseaux, pour y attirer les meilleurs professeurs, sans se destiner à y enseigner lui-même.</p>
<h2>Une confiance dans les capacités d’apprentissage des jeunes</h2>
<p>Théoricien de l’éducation, Érasme entendait d’abord proposer des programmes d’études pour enfants, adolescents, jeunes gens, ainsi que quelques principes simples, mais forts. Deux de ses ouvrages parmi les plus connus sont explicitement et principalement consacrés à l’éducation des enfants :</p>
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<li><p>le <em>Plan des études</em> (<em>De ratione studii</em>, 1512) qui préconise de manière exigeante la lecture assidue et progressive des auteurs grecs et latins, seul moyen de parvenir à l’aisance dans ces deux langues qui sont pour Érasme les véhicules du savoir ;</p></li>
<li><p>le <em>Discours sur la nécessité de donner très tôt aux enfants une éducation libérale</em> (<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6474407m"><em>Declamatio de pueris statim ac liberaliter instituendis</em></a>, 1529), où il importe de ne pas se méprendre sur le sens du mot « libérale » : il s’agit de dispenser une éducation qui rende libre, apte à penser par soi-même, de même que les <em>bonae litterae</em> rendent bon, et que les <em>littterae humaniores</em> rendent plus humain.</p></li>
</ul>
<p>Plus qu’un programme d’études, le <em>De pueris</em> propose, sous forme d’un discours adressé à un prince allemand adolescent, une véritable anthropologie pédagogique : à la différence des arbres, <em>homines non nascuntur, sed finguntur</em>, c’est-à-dire <a href="https://www.mollat.com/livres/443664/erasme-eloge-de-la-folie-adages-colloques">« on ne naît pas humain, mais l’on est façonné tel »</a>, par l’éducation.</p>
<p>Érasme insiste sur l’extrême réceptivité de l’enfant, sur les grandes capacités de sa mémoire, sur ses facultés d’apprentissage toujours en éveil. Sans doute y a-t-il une part d’idéalisme dans cette généralisation, mais l’essentiel est dans cette conviction que l’enfant est capable de recevoir le meilleur du savoir humain et, par ce savoir, de devenir lui-même meilleur, plus pleinement humain, et libre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-les-premiers-livres-pour-enfants-ressemblaient-ils-140922">À quoi les premiers livres pour enfants ressemblaient-ils ?</a>
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<p>Il est clair que la vision érasmienne de l’éducation s’applique à une élite. Même si le <em>De ratione studii</em> s’inscrit dans le cadre d’une classe, l’idéal d’Érasme demeure une éducation personnalisée, fondée sur une relation exigeante entre le précepteur et son élève. Le <em>De pueris</em> s’adresse à un jeune prince lui-même bénéficiaire des leçons de l’humaniste allemand Conrad Heresbach.</p>
<p>En 1516, à l’attention du jeune Charles de Habsbourg, futur Charles Quint, Érasme publia <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251346106/l-education-du-prince-chretien">l’<em>Éducation du prince chrétien</em></a> pour promouvoir au plus haut niveau ses idées sur le lien entre savoir et vertu, et plus encore son rejet de toute guerre. L’on est loin, évidemment, d’un programme de type scolaire, pour un enseignement de masse.</p>
<p>Quant à la formation intellectuelle des jeunes filles, à la différence de son contemporain espagnol <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_education_de_la_femme_chretienne_jean_louis_vives-9782296128439-32220.html">Juan Luis Vives, auteur d’une <em>Éducation de la femme chrétienne</em> (1523)</a>, Érasme n’y accorda pas une attention très appuyée : chez lui, l’éducation féminine reste essentiellement morale et pratique, et cette question demeure intimement liée aux problèmes plus généraux du mariage chrétien, comme le montre tel ou tel des <em>Colloques</em> (par exemple <em>La Femme qui se plaint du mariage</em>) ou l’<em>Institution du mariage chrétien</em> (1526). Quoique très admiratif de la science de Margaret More, fille de son ami <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/ebook/9791021000094-thomas-more-bernard-cottret/?select_langue=gb">Thomas More</a>, Érasme considérait comme exceptionnelles les femmes d’un tel niveau de culture, et ne chercha pas à promouvoir une éducation d’élite pour les femmes.</p>
<h2>Un ancrage théologique</h2>
<p>Au-delà des ouvrages consacrés explicitement aux questions d’éducation, c’est une large partie de l’œuvre d’Érasme qui peut être considérée comme éducative. L’énorme collection des <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251444802/adages"><em>Adages</em></a> et le recueil des <em>Colloques</em>, œuvres qu’Érasme reprit tout au long de sa vie, sont destinés à fournir aux élèves des modèles de commentaire littéraire, d’argumentation et de réflexion morale pour les premiers, des exemples de <a href="https://theconversation.com/humanites-dans-le-texte-les-anciens-eclairent-les-debats-contemporains-129840">discussion latine</a>, à forte teneur morale également mais non sans hardiesse intellectuelle, sur les sujets les plus variés et dans un style souvent enjoué, pour les seconds.</p>
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<p>La pensée pédagogique d’Érasme et l’anthropologie qui lui est sous-jacente sont inséparables de sa vision chrétienne du monde. La foi d’Érasme ne se prête pas aux réductions simplificatrices : volontiers critique et irrévérencieux, Érasme – qui était chanoine régulier, certes exclaustré, et prêtre – demeura, à l’heure de la Réforme protestante, fidèle à l’Église catholique.</p>
<p>C’est sur la question théologique de la liberté humaine (thème décidément essentiel chez Érasme) qu’il <a href="https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1982_num_13_2_1911_t1_0226_0000_3">s’opposa fermement à Martin Luther</a> lors d’une querelle par ouvrages interposés en 1524-1526. Érasme défendit le « libre arbitre » contre l’anthropologie pessimiste de <a href="https://gallica.bnf.fr/conseils/content/martin-luther">Luther</a>, chez qui la nature humaine est si envahie par le péché qu’il ne subsiste aucun libre arbitre, mais bien plutôt un « serf arbitre ».</p>
<p>Chez Érasme, la promotion du savoir n’a de sens que comme condition du progrès de la vertu, du perfectionnement de l’être humain, créé à l’image de Dieu, doué de raison et de liberté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Gilbert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qui était Érasme, le penseur humaniste qui a donné son nom au célèbre programme européen d’échanges ? Quels enseignements a-t-il légués aux pédagogues d’aujourd’hui ?David Gilbert, Directeur du département d'histoire de l'Église, faculté de théologie, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963102023-02-14T20:37:34Z2023-02-14T20:37:34ZInégalités en maternelle : quelle pédagogie choisir pour les réduire ?<p>À la rentrée 2019, <a href="https://theconversation.com/instruction-obligatoire-des-3-ans-la-garantie-dune-ecole-plus-juste-114123">l’instruction est devenue obligatoire dès 3 ans</a>, au lieu de 6 ans. L’objectif de cette mesure était de faire de l’école maternelle un « véritable tremplin vers la réussite tout au long de la scolarité » pour <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/45854/les-assises-de-l-ecole-maternelle-27-28-mars-2018-ministere-de-l-education-nationale?_lg=fr-FR">« faire émerger, grâce à l’école, une société plus juste »</a>. On peut cependant se questionner sur les effets possibles d’une telle décision puisque, bien que non obligatoire, l’école maternelle scolarise déjà depuis les années 1990 la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans. Cela n’a pas empêché que des inégalités de réussite scolaire fortement marquées socialement s’y soient développées.</p>
<p>Les études de la <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/10244/en-forte-baisse-depuis-trente-ans-le-retard-a-l-entree-en-ce2-reste-tres-dependant-du-milieu-social-?_lg=fr-FR">Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance</a> (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale montrent ainsi qu’à l’entrée au CP, parmi les 10 % d’élèves obtenant les moins bons scores aux évaluations, un tiers ont des parents ouvriers ou inactifs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-ce-que-dit-la-sociologie-sur-les-origines-des-inegalites-scolaires-117132">Débat : Ce que dit la sociologie sur les origines des inégalités scolaires</a>
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<p>La sociologue <a href="https://www.puf.com/content/Les_in%C3%A9galit%C3%A9s_sociales_%C3%A0_l%C3%A9cole">Marie Duru-Bellat</a> a également souligné que si, à l’école maternelle, les enfants sont déjà inégaux, les écarts tendent à s’accentuer au fil de la scolarité, car « certains enfants “profitent” plus des pédagogies à l’œuvre à ce niveau d’enseignement ». Voilà qui incite à se pencher sur ce qui, au sein de la dimension pédagogique, alimente les inégalités à l’œuvre.</p>
<h2>Apprentissages implicites</h2>
<p>On sait tout d’abord que, en fonction des conditions matérielles dans lesquelles ils vivent et du capital culturel et scolaire de leurs parents, les enfants arrivent à l’école maternelle avec des expériences fortement diversifiées. Ces expériences les préparent inégalement aux activités scolaires.</p>
<p>C’est ce que montre de manière éclairante l’ouvrage <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/enfances-de-classe-collectif/9782021419603"><em>Enfances de classe</em></a> donnant à voir, entre autres, comment Ashan qui vit seul avec sa mère parlant peu le français dans un foyer de sans-abri, Annabelle dont les parents veillent au quotidien à son développement éducatif ou Valentine qui pratique des loisirs élitistes dans la haute bourgeoisie parisienne « vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde ». Ils n’abordent pas, en conséquence, l’école maternelle et les apprentissages qui s’y jouent avec la même aisance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VC0VmTp2_zY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bernard Lahire – Enfances de classe : de l’inégalité parmi les enfants (Librairie Mollat).</span></figcaption>
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<p>D’autres recherches, dans les années 1970, ont mis en évidence que la pédagogie qui s’est développée à l’école maternelle n’est pas neutre socialement. Le sociologue britannique Basil Bernstein a qualifié cette forme de pédagogie d’<a href="https://eric.ed.gov/?id=ED124278">« invisible »</a> car elle mise prioritairement sur une organisation de la classe mettant à disposition des enfants des activités ou des jeux supposés favoriser en eux-mêmes les apprentissages. L’enfant est laissé relativement autonome pour agir et jouer dans cet environnement considéré comme stimulant, mais les contenus d’apprentissage proprement dits restent de l’ordre de l’implicite.</p>
<p>En France, <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1973_num_14_3_2215">Jean-Claude Chamboredon et Jean Prévot</a> ou <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33976216.texteImage">Éric Plaisance</a> ont également insisté sur la proximité de cette approche avec le mode éducatif des classes moyennes et souligné comment, pour les enfants de milieu populaires qui ne sont pas préparés à percevoir les apprentissages implicites qui leur sont proposés à l’école maternelle, cela peut conduire à l’accroissement des inégalités scolaires.</p>
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<p>Des observations plus récentes de classes maternelles ont permis d’approfondir cette dimension en insistant sur les formes de différenciation liées à l’origine sociale qui s’y développent. <a href="https://shs.hal.science/halshs-02538065">Muriel Darmon</a> montre par exemple que la rupture entre école et famille qui se joue à l’entrée en petite section se déroule différemment suivant l’origine sociale des élèves. Elle marque une rupture radicale pour les enfants de milieu populaire, elle s’inscrit dans la continuité pour les enfants de classe moyenne.</p>
<p>La sociologue souligne, en outre, que les jugements portés sur les élèves, ou leurs parents, varient fortement selon leur appartenance sociale. Ainsi, les élèves des classes moyennes et supérieures sont décrits comme plus mûrs, plus compétents, ayant une meilleure tenue. Ils font l’objet d’indulgence en cas d’écarts par rapport aux comportements attendus. La non-participation des élèves des classes populaires aura tendance, au contraire, à être interprétée comme relevant de difficultés d’ordre psychologique, amenant à naturaliser ce qui relève en fait du social.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pedagogie-montessori-les-ressorts-dun-engouement-qui-dure-105269">Pédagogie Montessori : les ressorts d’un engouement qui dure</a>
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<p>Enfin, plusieurs travaux récents se sont intéressés à la construction des inégalités scolaires dans les pratiques pédagogiques au sein des classes d’école maternelle. Ces travaux montrent que, comme pour les niveaux ultérieurs de scolarité, certaines pratiques pédagogiques tendent à brouiller pour les élèves de milieux populaires les <a href="https://journals.openedition.org/rfp/470">enjeux d’apprentissage</a> et que ceux-ci en restent le plus souvent aux aspects les plus formels de la tâche qui leur est proposée. Ainsi une activité centrée sur la reconstitution de phrases à partir d’étiquettes-mots pourra être essentiellement perçue comme une activité de découpage/collage pour les enfants qui n’en perçoivent pas la dimension cognitive.</p>
<p>Ils soulignent également comment <a href="https://journals.openedition.org/rfp/1301">l’enseignant tend à moduler son action</a> en fonction des perceptions qu’il a de ses élèves et de leurs aptitudes, les interactions privilégiant alors des modalités plus fermées et restreintes pour les élèves les plus en difficulté, renforçant encore leurs prédispositions initiales.</p>
<h2>Au-delà des étiquettes pédagogiques</h2>
<p>Le fait de mettre en place une pédagogie différente change-t-il la donne ? <a href="https://www.cairn.info/revue-specificites-2021-2-page-10.htm">L’observation d’activités d’inspiration montessorienne</a> fait apparaître certains processus similaires. Ainsi, les formes d’activités autonomes laissent une faible part à la régulation des activités par l’enseignant et, de ce fait, permettent peu de rétroaction avec les élèves, notamment avec ceux qui ne s’approprient pas les tâches proposées sur le mode attendu.</p>
<p>Cet aspect est encore renforcé dans le cas des activités inspirées de la pédagogie Montessori par le fait que le type d’activité et sa durée sont laissés au libre choix de l’enfant. Ainsi, ceux déjà engagés dans une logique scolaire auront tendance à choisir les activités les plus exigeantes intellectuellement, quand d’autres vont en rester à des activités moins rentables scolairement.</p>
<p>En revanche, on peut noter que l’engagement des élèves dans les activités d’inspiration montessorienne est généralement plus fort. La distinction pédagogie alternative/pédagogie ordinaire n’est donc pas en soi un gage de réduction des inégalités scolaires en maternelle et il convient, au-delà de l’étiquette pédagogique mise en avant, de regarder avec précision ce qui se met en place en termes d’apprentissage pour l’ensemble des élèves.</p>
<p>Finalement, on pourrait penser que la pédagogie à l’école maternelle produit les inégalités. Ce serait négliger que l’on peut également observer dans les classes des moments d’ouverture des apprentissages, y compris pour les élèves considérés en difficulté. En effet, un certain nombre de situations montrent que les <a href="https://journals.openedition.org/ree/447?lang=en">interactions</a> qui se nouent au cours des activités scolaires, notamment entre l’enseignant et les élèves, peuvent amener ces derniers à reconsidérer leur manière d’appréhender les activités scolaires qui leur sont proposées, y compris pour des élèves considérés en difficulté.</p>
<p>Cela peut se produire quand les indices qui permettent d’identifier les savoirs en jeu sont explicités (par exemple quand la connaissance du son que produisent certaines lettres est utilisée pour distinguer des mots différents). Cela s’observe également quand l’enseignant part de la difficulté propre à un élève pour le guider, mais en lui laissant une part de la réflexion à accomplir lui-même.</p>
<p>Ces moments d’ouverture des apprentissages restent cependant relativement ponctuels et les enseignants n’ont souvent pas la disponibilité nécessaire pour les repérer et y consacrer leur attention, alors qu’ils constituent un élément essentiel aux apprentissages, notamment pour les élèves qui ne peuvent trouver de telles opportunités à l’extérieur de la classe. Ainsi, si la pédagogie participe à la construction des inégalités scolaires, c’est également en grande partie par elle que passe leur réduction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariane Richard-Bossez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon l’environnement familial et le milieu social d’où ils viennent, les enfants s’adaptent plus ou moins facilement aux exigences scolaires. Les pédagogies alternatives changent-elles la donne ?Ariane Richard-Bossez, Maitre de conférences (MESOPOLHIS, Aix-Marseille Université, CNRS, Sciences Po Aix), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977322023-02-01T19:08:20Z2023-02-01T19:08:20ZLa pédagogie de la résonance selon Hartmut Rosa : comment l’école connecte les élèves au monde<p>Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa a publié récemment l’ouvrage <a href="https://www.editions-lepommier.fr/pedagogie-de-la-resonance#anchor1"><em>Pédagogie de la résonance</em></a> dans lequel il expose et précise, sous forme d’entretiens, le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/etre-et-savoir/pedagogie-de-la-resonance-grand-entretien-avec-hartmut-rosa-4512757">concept de « résonance »</a>, qu’il avait déjà présenté dans un ouvrage éponyme, ce concept étant appliqué spécifiquement cette fois-ci au domaine de l’éducation. Comme ce fut le cas pour ses précédents ouvrages, ce nouveau livre suscite beaucoup d’échos, notamment en France.</p>
<p>Le concept de résonance a émergé après plusieurs années de réflexion jalonnées par différents ouvrages. Dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828"><em>Accélération</em></a>, publié en 2010 en français, Hartmut Rosa faisait tout d’abord le constat d’une accélération des modes de vie ces dernières décennies dans les sociétés modernes. Puis, dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/alienation_et_acceleration-9782707182067"><em>Aliénation et accélération</em></a>, publié en 2014 en français, il établissait une relation entre cette accélération de nos modes de vie et une perte de notre lien avec le monde.</p>
<p>L’idée de la résonance est apparue à Hartmut Rosa après s’être demandé ce que pouvait être l’inverse de l’aliénation. Autrement dit, si l’accélération a suscité l’aliénation, que nous a-t-elle fait perdre en contre-partie ? Réponse : une forme de lien avec le monde ou une façon d’être-au-monde qu’il appellera « résonance ». <a href="https://journals.openedition.org/lectures/29658">La résonance</a> décrit ainsi « un mode d’être-au-monde, c’est-à-dire un type spécifique de mise en relation […] dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment mutuellement ».</p>
<h2>Un mode de relation au monde</h2>
<p>Dans l’ouvrage <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/rendre_le_monde_indisponible-9782348045882"><em>Rendre le monde indisponible</em></a>, publié en 2020 en français, Hartmut Rosa explique que la résonance implique un mode de relation qui peut être défini à travers quatre caractéristiques.</p>
<p>La première caractéristique correspond au moment du contact (affection) : un fragment de monde (par exemple une personne ou un paysage) nous interpelle, nous paraît significatif ou important. Le sujet que nous sommes « est affecté par le monde, c’est-à-dire <em>touché</em> ou <em>ému</em> de telle sorte qu’il développe un intérêt intrinsèque pour le fragment de monde qui lui fait face et se sent en quelque sorte en position de “destinataire” ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mecanismes-de-lattention-les-comprendre-pour-mieux-apprendre-143661">Mécanismes de l’attention : les comprendre pour mieux apprendre</a>
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<p>Le moment de l’efficacité personnelle (réponse) est la deuxième composante de la résonance : nous réagissons <em>physiquement</em> (« chair de poule », modification de la réponse électrodermale, de la fréquence respiratoire, du rythme cardiaque, etc.) à l’interpellation et « allons à la rencontre de ce qui nous a touchés ». Nous nous sentons « reliés au monde d’une manière efficace et vivante parce que nous pouvons nous-mêmes provoquer quelque chose dans le monde ».</p>
<p>Une telle relation peut s’observer par exemple lors d’une discussion pendant laquelle deux personnes s’écoutent et se répondent à tour de rôle. Cette efficacité personnelle peut aussi se manifester à partir du moment où « nous ne nous contentons pas de lire un livre mais où nous commençons à nous en <em>imprégner</em> ».</p>
<p>Troisième composante : le moment de l’assimilation (transformation), où nous entrons en relation avec un fragment de monde (un être humain, un livre, une musique, un paysage, une idée, un morceau de bois, etc.). Cette expérience de résonance nous transforme et c’est en cela que résiderait « l’expérience de la vitalité ».</p>
<p>Enfin, la résonance serait par nature indisponible et notre rapport avec elle serait du même ordre que celui entretenu avec une activité comme le sommeil : plus nous souhaitons nous endormir, moins nous y arrivons. Une des caractéristiques de la résonance serait ainsi « de ne pas pouvoir être <em>obtenue</em> ni <em>empêchée de manière certaine</em> ». De plus, lorsque la résonance survient, cela nous transforme sans qu’il soit possible de prédire la direction et le résultat de cette transformation. Ainsi, la résonance serait « par nature un phénomène dont l’issue ne peut être déterminée à l’avance ».</p>
<h2>Triangle de résonance</h2>
<p>Dans <em>Résonance</em> puis dans <em>Pédagogie de la résonance</em>, Hartmut Rosa propose d’envisager l’appréhension du monde dans le contexte scolaire, non pas comme une simple acquisition de compétences, mais sous la forme d’une résonance. Une compétence est considérée comme une appropriation d’un fragment de monde alors que la résonance supposerait plutôt une « emmétamorphose » du monde, qui correspond au fait que je me transforme à son contact.</p>
<p>Ainsi, il ne s’agirait plus d’apprendre à maîtriser le monde mais à <a href="https://www.philomag.com/articles/hartmut-rosa-leducation-doit-developper-la-capacite-des-jeunes-se-connecter-au-monde">transformer sa relation au monde</a>. Pour décrire cela, Hartmut Rosa va modéliser l’école et l’enseignement sous la forme d’un triangle reliant trois entités : l’enseignant, les élèves et la matière (par exemple le français ou les mathématiques).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-et-pourquoi-aider-les-enfants-a-se-rapprocher-de-la-nature-99327">Comment (et pourquoi) aider les enfants à se rapprocher de la nature</a>
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<p>Lorsqu’un cours n’est pas réussi, cela signifie que l’on aurait affaire à un triangle d’aliénation se caractérisant par une situation dans laquelle « l’enseignant, les élèves et la « matière » n’ont au fond <em>rien à se dire</em> ». Dans ce cas, l’enseignant ne réussit pas à atteindre les élèves, ce qui l’amène à douter de sa capacité à transmettre la matière enseignée. De leur côté, les élèves considèrent que l’enseignant leur manifeste peu d’intérêt ou de considération, que la matière ne les intéresse pas, qu’elle ne leur parle pas, qu’ils ne la comprennent pas. Dans ce contexte, l’école ou la classe est perçue comme une zone d’aliénation.</p>
<p>Heureusement, le triangle d’aliénation peut se transformer en un triangle de résonance avec, dans ce cas, l’enseignant qui parvient à atteindre les élèves et à transmettre la matière en la faisant parler. Du côté des élèves, un intérêt propre est porté à une matière et ils éprouvent leur efficacité personnelle dans leur confrontation avec celle-ci, cela passant « avant tout par la mise en éveil de l’axe de résonance entre élèves et enseignant ».</p>
<p>Tout débuterait avec l’enthousiasme de l’enseignant qui, tel un premier diapason « inspirateur », éveillerait chez les élèves « une propension à la résonance telle qu’elle donnerait vie et voix à la matière ». Un bon professeur devra en outre faire figure de second diapason « récepteur », capable « de réagir avec tact aux besoins, aux humeurs et aux intérêts des élèves ».</p>
<h2>Pédagogie du rire</h2>
<p>La formation d’un triangle de résonance supposerait quatre conditions. Il s’agit d’abord que les élèves et l’enseignant soient en mesure de s’atteindre mutuellement. Il faudrait ainsi que « le professeur soit convaincu d’<em>avoir quelque chose à dire à ses élèves</em> et certain <em>de vouloir être entendu par eux</em> ». Et du côté des élèves, l’instauration d’un axe de résonance nécessitera une absence de doute par rapport au fait qu’ils ont un rôle à jouer et qu’ils trouveront une oreille accueillante en la personne de l’enseignant.</p>
<p>Deuxième condition : l’enseignant est persuadé « d’<em>avoir quelque chose à dire</em> sur le plan du contenu ». Autrement dit, le sujet « lui parle, a quelque chose à lui dire et importe à ses yeux ». Ainsi, l’enseignant réussit par son enthousiasme à faire parler la matière à l’élève.</p>
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<p>Ensuite, les élèves doivent avoir l’esprit ouvert eu égard à la question abordée en cours afin d’être prêts à s’impliquer et à « se laisser mouvoir par elle ». Ils doivent en outre « avoir suffisamment confiance en eux-mêmes afin d’oser <em>la rendre parlante</em> ».</p>
<p>Enfin, pour que les élèves puissent montrer une disposition à la résonance, il faut que l’ambiance de la classe y soit propice et qu’ils n’aient « pas besoin de s’armer contre d’éventuels cas de malveillance, d’humiliation, de moquerie, de harcèlement, etc. ». Cela contribuera à la création d’un axe de résonance horizontal entre les élèves.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507378/original/file-20230131-22-qapudb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Harmut Rosa prend en exemple le film Le cercle des poètes disparus, de Peter Weir.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-5280/photos/detail/?cmediafile=9001677628">Allociné/Warner Bros</a></span>
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<p>Par ailleurs, Hartmut Rosa considère que, parmi d’autres facteurs, l’humour est un élément déterminant pour créer un contexte d’enseignement favorable au développement d’un triangle de résonance. Rire en cours serait ainsi un principe essentiel de la pédagogie de la résonance.</p>
<p>Tous ces éléments pris en considération, il ne sera pas surprenant d’apprendre qu’Harmut Rosa invoque, comme exemple parlant ou illustratif de ce que peut être la pédagogie de la résonance le film <em>Le cercle des poètes disparus</em> avec Robin Williams dans le rôle de l’enseignant Mr Keating. On peut ainsi découvrir comment, « lorsque la poésie commence à parler, les relations sociales de la classe se transforment, des changements individuels s’opèrent et s’orientent vers ce que l’on peut appeler la “formation du caractère” ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que l’accélération des modes de vie nous déconnecte de notre environnement immédiat, le philosophe Hartmut Rosa appelle à une pédagogie de la résonance qui transforme la relation au monde.Frédéric Bernard, Maître de conférences en neuropsychologie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1881902022-11-29T14:55:39Z2022-11-29T14:55:39ZLire à l’écran et lire sur papier, mêmes stratégies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480142/original/file-20220819-2804-emmjiq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C7%2C994%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les stratégies de lecture sont-elles les mêmes à l’écran et sur papier? Les a-t-on adoptées ou transférées à l’écran?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Écrans d’ordinateur, tablettes, téléphones intelligents… La lecture à l’écran fait partie intégrante de notre quotidien. C’est donc sans surprise que les chercheurs s’y intéressent vivement depuis quelques décennies.</p>
<p>Mais quelles sont les stratégies de lecture qui sont mobilisées sur les supports numériques ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-modeles-masculins-pour-developper-lenvie-de-lire-chez-les-garcons-182987">Des modèles masculins pour développer l’envie de lire chez les garçons</a>
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<p>Nous sommes trois chercheures intéressées notamment par la littératie médiatique et nos recherches sont en lien direct avec le milieu scolaire. En éducation, la littératie médiatique correspond à l’enseignement des compétences à lire, à écrire et à s’exprimer oralement au moyen des médias (médias sociaux, vidéos en ligne, journaux, etc.).</p>
<h2>Papier, écran, même mode de fonctionnement ?</h2>
<p>Dans cet article, nous optons pour le terme plus englobant de « lecture à l’écran », et non de « lecture numérique » ou de « lecture en ligne ». En effet, une personne peut consulter un document en format PDF ou dans un logiciel de traitement de texte sans avoir accès à Internet. Elle peut également lire un livre électronique sur une liseuse dans laquelle il n’y a pas d’hyperliens à activer. Enfin, elle peut choisir de lire à l’écran au moyen de navigateurs Web et de faire une recherche par mots-clés pour avoir accès à une information.</p>
<p>Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire (traitement de texte, PDF) ou de contenus Web de toute nature (textes, hyperliens, vidéos, images fixes, images animées, publicités).</p>
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<img alt="Bel adolescent lisant les nouvelles histoires tendance en ligne sur une tablette avec sa maman" src="https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire ou de contenus Web de toute nature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La <a href="https://theconversation.com/lire-sur-papier-lire-sur-ecran-en-quoi-est-ce-different-112493">lecture à l’écran est à la fois similaire et différente de la lecture sur papier</a>. Des <a href="https://r-libre.teluq.ca/831/">stratégies de lecture en version papier sont mobilisées en contexte de lecture à l’écran</a>. Par contre, alors que la lecture traditionnelle sur papier est plus linéaire, celle à l’écran l’est moins. Souvent, la lecture à l’écran se fait par survol (comme la lecture des sous-titres ou en diagonale).</p>
<p>Contrairement à la lecture traditionnelle sur papier, il est plus facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant, par exemple, sur l’<a href="https://books.google.ca/books?hl=en&lr=&id=JnCjwXBNJX4C">hyperlien</a> d’une vidéo ou d’une photo qui ne concerne pas nécessairement son intention de lecture.</p>
<p>La lecture à l’écran implique également l’emploi de compétences informationnelles. Celles-ci sont des savoir-faire permettant de cibler un objet de recherche, de le trouver, d’évaluer l’information trouvée et de la réutiliser au besoin. Par exemple, lorsqu’on lit à l’écran, il est souvent nécessaire de faire une recherche par mots-clés sur un moteur de recherche avec une intention de lecture précise. L’écran du téléphone intelligent ou de la tablette est à portée de main et est souvent plus rapide. C’est ce qui explique que les recherches par mots-clés soient plus fréquentes lorsqu’on lit à l’écran. Par contre, il arrive aussi parfois que l’on doive, par exemple, chercher la définition d’un mot sur notre téléphone cellulaire lorsqu’on lit en version papier.</p>
<p>Cette recherche d’information mobilise alors des stratégies de lecture à l’écran ainsi que des compétences informationnelles qui sont utilisées en constante interaction.</p>
<h2>Confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles</h2>
<p>Dans les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2010-n159-qf1504492/61599ac.pdf"><strong>recherches</strong></a>, nous notons parfois une confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles.</p>
<p>Les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ncre/2009-v12-n2-ncre0744/1017465ar.pdf"><strong>stratégies de lecture à l’écran</strong></a> permettent de comprendre les informations contenues dans les textes, que ce soit à l’intérieur des phrases, entre les phrases, de façon globale, en interprétant et aussi en rétablissant la compréhension s’il y a eu un problème de compréhension. Le fait de survoler un texte, d’identifier les idées les plus importantes et de prédire la suite d’un texte à l’écran sont des stratégies de lecture, mais elles peuvent aussi l’être en version papier.</p>
<p>Les <a href="https://www.erudit.org/en/journals/fp/1900-v1-n1-fp06343/1081276ar/"><strong>compétences informationnelles</strong></a> font plutôt référence au fait d’effectuer une recherche par mots-clés en raison d’un besoin d’information, et ensuite de localiser, d’évaluer et d’utiliser ces informations en fonction de l’intention de cette recherche d’information. Les compétences informationnelles permettent de vérifier la fiabilité d’une source pour éviter de propager de fausses informations, par exemple. Toutes ces compétences informationnelles sont utilisées en contexte de lecture à l’écran, en interaction avec les stratégies de lecture.</p>
<p>Les interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran et les <a href="https://www.competencesinformationnelles.ca/"><strong>compétences informationnelles</strong></a> sont représentées dans la figure ci-dessous. Quant aux habiletés techniques (comme utiliser la barre de défilement, les flèches, les fonctions comme CTRL + F), qui permettent de bien fonctionner à l’écran et de maitriser les outils technologiques, elles permettent un va-et-vient entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles. Elles ne mobilisent cependant pas la compréhension de texte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma présentant les interactions entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles" src="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il y a des interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran, les habiletés techniques et les compétences informationnelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Isabelle Carignan)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quelques constats et irritants du milieu scolaire</h2>
<p>Les <a href="https://view.genial.ly/618bf8a74ea7430d73e5ed49"><strong>ressources pédagogiques</strong></a> portant sur les stratégies de lecture applicables à l’écran étant très limitées, les enseignants vont souvent enseigner des stratégies de lecture applicables sur papier issues de différents modèles. Dans certains cas, ne se sentant pas suffisamment outillés, ils préfèrent en enseigner quelques-unes à l’écran ou simplement ne pas les enseigner. De même, ce ne sont pas tous les enseignants qui connaissent les compétences informationnelles ou encore qui les montrent à leurs élèves. Enfin, les stratégies et les compétences sont nombreuses et le vocabulaire utilisé diffère parfois d’un enseignant à l’autre : de quoi ajouter à la confusion que nous constatons parfois quand on parle de lecture à l’écran.</p>
<p>Par ailleurs, au secondaire, cet enseignement de stratégies et de compétences se retrouve souvent dans la cour des enseignants de français. Les enseignants des autres disciplines (mathématique, science) ne sont pas outillés et n’outillent pas nécessairement les élèves avec des stratégies de lecture à l’écran, par exemple. Au primaire, bien que les titulaires enseignent toutes les disciplines, l’enseignement des stratégies de lecture à l’écran n’est pas nécessairement réalisé non plus.</p>
<p>Les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles sont importantes à mobiliser, et ce, <a href="http://www.litmedmod.ca/sites/default/files/pdf/r2-lmm_vol15_legault-et-al.pdf">dans toutes les matières</a>. Dès un très jeune âge, le numérique est omniprésent autant en salle de classe que dans la vie personnelle des élèves. Afin d’outiller adéquatement ces derniers, il apparait nécessaire de sensibiliser les enseignants à l’importance de les montrer à leurs élèves.</p>
<p>D’autant qu’être – ou devenir – des citoyens numériques critiques et éclairés est crucial pour éviter de croire de fausses informations ou de les propager.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188190/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rien à déclarer</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>France Legault et Isabelle Carignan, Ph.D. ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Contrairement à la lecture sur papier, il est facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant par exemple sur un hyperlien.Isabelle Carignan, Ph.D., Professeure titulaire, Université TÉLUQ France Legault, conseillère pédagogique RÉCIT- responsable d'équipe, Université TÉLUQ Marie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1933342022-11-07T19:52:10Z2022-11-07T19:52:10ZÉcole à la maison : les familles face à de nouvelles règles<p>L’instruction est obligatoire en France depuis par la loi Ferry du 28 mars 1882. Si le principe est le droit à l’instruction assuré par l’État, dans des établissements publics, ou privés, un droit à l’instruction est adapté par exception aux parents, issu du principe de liberté d’enseignement, corollaire du droit à l’instruction en famille.</p>
<p>Depuis plusieurs décennies, plusieurs restrictions à ce recours à l’instruction en famille se sont succédé, jusqu’à la plus récente en 2022, avec le passage d’un régime de déclaration par la famille à une <a href="https://www.education.gouv.fr/l-instruction-dans-la-famille-340514">autorisation préalable</a> délivrée par les services académiques, qui constitue une restriction sans précédent à ce mode d’instruction.</p>
<p>En France, la quasi-totalité des enfants et des adolescents d’« âge scolaire », suivent leurs études dans un établissement, public pour 82,7 % d’entre eux, privé sous contrat avec l’État pour 16,5 % ou bien privé hors contrat (0,5 %), selon le <a href="https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2022-326939">ministère de l’Éducation</a>. Cependant, une population, certes minoritaire, de l’ordre de 0,3 % des élèves, décide de suivre une instruction en famille.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2018-4-page-5.htm">chercheurs Philippe Bongrand et Dominique Glasman</a>, on compterait 30 139 enfants en instruction à domicile, ce à quoi il faut ajouter les très nombreux enfants pauvres privés d’école, évalués par des associations à 100 000 personnes. Sur ces 30 000 jeunes officiellement recensés, 16 000 relèvent de contraintes telles des impératifs de santé, le suivi d’un sport de haut niveau, le fait d’être enfants de parents itinérants. Pour 14 000 autres, il s’agit d’un <a href="https://journals.openedition.org/rfp/8581">choix éducatif de la famille</a>.</p>
<p>Malgré les très faibles effectifs concernés, depuis une dizaine d’années, il semble que le phénomène soit croissant et de plus en plus médiatisé, notamment avec la diffusion du « homeschooling » en Amérique du Nord.</p>
<h2>Contrôles renforcés</h2>
<p>Dans <a href="https://sphinxdeclic.com/d/s/3wrd5q">notre enquête menée à l’été 2022</a> auprès des familles, nous repérons que les cadres et professions intellectuelles et les sans profession sont surreprésentées parmi les familles faisant ce choix de l’instruction à domicile, hors contraintes liées à la santé ou des circonstances particulières. Ces parents ont plus fréquemment que la moyenne vécu en tant qu’enfants le homeschooling et l’ont en ce cas bien vécu. Dans notre échantillon, recueilli par les associations – soit les familles les plus engagées –, leurs motivations se classent en trois catégories :</p>
<ul>
<li><p>la recherche d’une alternative à la forme scolaire incarnant la flexibilité des rythmes d’apprentissages et le souci de l’épanouissement du bien-être ;</p></li>
<li><p>un vécu de <a href="https://www.cairn.info/revue-adolescence-2011-3-page-637.htm">souffrances ou de malaise scolaires</a> et les répondants citent harcèlement, phobie scolaire¸ cauchemar, eczéma, etc. ;</p></li>
<li><p>Une inclusion jugée insuffisante pour des enfants à besoins particuliers ou avec troubles de l’apprentissage.</p></li>
</ul>
<p>Les différents études et rapports suggèrent que les <a href="https://eduscol.education.fr/document/3366/download">cas d’instruction en famille</a> induits par des formes de radicalismes demeurent exceptionnels</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kciTdJmRx0I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Nantes : ces familles qui militent pour défendre l’école à la maison (France 3 Pays de la Loire, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Avant le passage du régime de déclaration préalable à l’autorisation académique, des sénateurs avaient déjà proposé, e décembre 2013, de <a href="https://www.senat.fr/leg/ppl13-245.html">limiter le recours à l’instruction à domicile</a> au motif que</p>
<blockquote>
<p>« l’un des buts de la scolarisation de l’enfant est sa socialisation. Celle-ci nécessite une éducation qui ait une dimension collective[…]. Dans cet esprit, l’éducation à domicile par la famille ne peut être qu’une situation exceptionnelle, liée à l’état de santé ou à l’incapacité permanente ou temporaire de l’enfant. Elle ne peut être le prétexte d’une désocialisation volontaire, destinée à soumettre l’enfant, particulièrement vulnérable, à un conditionnement psychique, idéologique ou religieux. »</p>
</blockquote>
<p>Plus récemment, les questions de « radicalisation » et de « dérives sectaires » ont renforcé ces velléités de contrôle. En janvier 2015, la mesure 9 pour une grande <a href="https://sbssa.discip.ac-caen.fr/IMG/pdf/11mesures_laicite-jan2015_416043.pdf">mobilisation de l’école pour les valeurs de la République</a> renforce le contrôle de l’instruction dans la famille. Selon la <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/grande-mobilisation-de-l-ecole-pour-les-valeurs-de-la-republique">circulaire du 14 avril 2017</a>,</p>
<blockquote>
<p>« la vérification de l’acquisition de l’ensemble des connaissances et des compétences du socle commun est un des moyens qui peut permettre d’apprécier si l’enfant est soumis à une emprise contraire à son intérêt, notamment une emprise sectaire, ou s’il se trouve dans un contexte de risque de radicalisation. »</p>
</blockquote>
<p>La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance consacre son Chapitre III au « renforcement du contrôle de l’instruction ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Depuis la fin des années 1990, la tendance est donc celle d’un encadrement croissant et de renforcements successifs du contrôle, avec comme point d’orgue le nouveau régime de l’autorisation préalable avec la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/277621-loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-24-ao%C3%BBt-2021">loi n° 2021-1109 du 24 août 2021</a>, qui durcit l’accès à ce mode d’apprentissage dès la rentrée 2022 :</p>
<blockquote>
<p>« La scolarisation de tous les enfants dans un établissement scolaire devient obligatoire à la rentrée 2022 et l’instruction d’un enfant en famille dérogatoire. L’école à la maison sera soumise à autorisation (et non plus seulement à déclaration). »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/rapports-d-activite/2020/l-instruction-a-domicile-poser-un-cadre-sans-interdire">premier projet de loi confortant le respect des principes de la République</a> avait été censuré par le Conseil d’État, notamment en ce que les dérives et carences des familles pratiquant l’instruction en famille étaient anecdotiques et que les difficultés liées à ce régime ne constituaient pas un motif d’interdiction valable.</p>
<h2>Recours judiciaires</h2>
<p>À la rentrée 2022, pour une première année d’instruction en famille, les familles devaient soumettre une demande d’autorisation au directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) du département, assortie d’un projet éducatif. En cas de refus, la famille peut contester la décision par un recours administratif préalable obligatoire. En cas de rejet, la saisine du juge administratif est possible, certaines familles ayant même initié un référé-suspension visant à suspendre la décision rectorale en attente du jugement de fond du tribunal administratif.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/I7V9ewA-5-w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Durcissement des critères pour l’école à la maison (France 3 Midi-Pyrénées, octobre 2022).</span></figcaption>
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<p>Pour la rentrée 2022,les <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/030922/ecole-la-maison-des-familles-se-heurtent-aux-refus-en-serie-des-rectorats">refus des rectorats</a> ont été nombreux. Interrogé à ce sujet le 2 août 2022, en Commission des affaires culturelles et de l’éducation au sein de l’Assemblée nationale, le ministre Pap Ndiaye indiquait que 53 % des demandes d’autorisation en instruction en famille avaient été acceptées pour le motif « situation propre à l’enfant », précisant que des contrastes très forts existe selon les académies : « Dans certains départements, c’est un non très massif, dans d’autres c’est plus ouvert »… d’où la question de l’harmonisation nationale. <a href="https://www.village-justice.com/articles/ecole-maison-quels-recours-cas-refus-autorisation-instruction-famille,43909.html">Des recours face aux refus</a> se sont multipliés.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/instruction-a-domicile-de-quoi-parle-t-on-147479">Instruction à domicile : de quoi parle-t-on ?</a>
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<hr>
<p>Dans les recours contre un refus d’instruction en famille, l’urgence à statuer a été retenue par le juge par décision du tribunal administratif de Lille du 11 juillet 2022 ou par celle du tribunal administratif de Rouen, du 15 juillet 2022. Le 3 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse définit de qu’il faut entendre par « l’intérêt propre à l’enfant », considérant que</p>
<blockquote>
<p>« les deux seuls critères sur lesquels l’administration doit se fonder pour apprécier l’existence d’un intérêt propre à l’enfant sont la capacité des parents à assurer l’instruction en famille, d’une part, et d’autre part la transmission d’un projet pédagogique adapté à l’enfant. Le juge des référés écarte ainsi toute possibilité pour le rectorat d’obliger les parents à démontrer l’impossibilité de scolariser l’enfant. »</p>
</blockquote>
<p>Le tribunal de Rennes, qui est le premier à statuer sur le fond, le <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/bretagne-instruction-en-famille-selon-la-justice-le-rectorat-a-commis-une-erreur-de-droit-693c2fbc-4981-11ed-8da3-410856ccb182">10 octobre 2022</a>, relève que la loi ne conditionnait pas la délivrance de l’autorisation à une impossibilité de scolarisation ; cette condition a bien existé mais uniquement dans les intentions du pouvoir exécutif. Elle ne peut être regardée comme une norme légale.</p>
<blockquote>
<p>« En estimant que le projet pédagogique proposé par les requérants n’était pas suffisamment articulé avec les rythmes de leurs enfants, ni adapté à leurs acquis, en l’absence d’objectifs et de progressions qui leur seraient propres, la commission pédagogique a fondé sa décision sur des exigences excédant les seuls critères d’appréciation fixés par les dispositions précitées des articles L. 131-5 et R. 131-11-5 du code de l’éducation et a donc commis une erreur de droit. »</p>
</blockquote>
<p>Le passage d’un régime de déclaration préalable à un régime soumis à autorisation est inédit en France et, dans sa note de synthèse sur <a href="https://mje.mcgill.ca/article/view/9675/7591">l’apprentissage en famille dans les pays occidentaux</a>, la chercheuse Marine Dumond montre que si, dans la majorité des pays occidentaux, les parents ont le droit de pratiquer l’apprentissage en famille, des différences s’observent d’un pays ou d’un état à l’autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Beatrice Mabilon-Bonfils ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2022, la donne a changé pour l’éducation à domicile : les familles qui souhaitent la pratiquer doivent au préalable demander une autorisation aux services académiques.Beatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1901832022-09-27T20:00:35Z2022-09-27T20:00:35ZAvec la classe en plein air, l’école change de regard sur les questions d’environnement<p>Et si l’on faisait classe à l’extérieur ? Au lendemain du premier confinement, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, cette proposition a été suivie par de nombreux enseignants. Des chercheurs et personnels de l’éducation se sont relayés dans les médias pour souligner les bienfaits de ce mode d’enseignement, aussi bien <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2020/04/27/coronavirus-et-si-nous-faisions-la-classe-dehors_6037935_1473685.html">sur le plan sanitaire</a> que pour la <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/maires-aidez-nous-a-sortir-les-enfants-pour-leur-bien-etre-et-le-notre-20210218_7UFCBKW4ENEKZO3GGZIRAAE6CY/">santé d’enfants souvent trop sédentaires</a>. Le précédent ministre de l’Éducation en avait d’ailleurs aussi reconnu « la vertu pédagogique ».</p>
<p>Si le principe de la classe <a href="https://www.youtube.com/watch?v=V5Ew61tgeVs">« en plein air, à ciel ouvert »</a> prend son origine dans des mouvements pédagogiques du XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècle, elle semble actuellement sortir d’une certaine confidentialité. Des reportages montrent ainsi des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NqnqflgJP0Y">classes de maternelle ou de primaire</a> qui, une fois par semaine, sortent dans un espace extérieur, à proximité de l’école, pour y réaliser des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hsqaOLYvjsQ">observations</a>, des activités physiques ou des expérimentations, parfois très guidées, parfois beaucoup plus libres.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V5Ew61tgeVs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Emmenez les enfants dehors ! », Crystèle Ferjou (“7 jours sur la planète”, TV5 Monde).</span></figcaption>
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<p>Cette modalité pédagogique et didactique, qui peut être mise en place autant en milieu urbain que rural, n’est actuellement cadrée par aucun texte officiel spécifique. Dans les représentations, il est donc devenu courant de l’assimiler à l’éducation au développement durable. Cette association se retrouve sur des <a href="https://edd.web.ac-grenoble.fr/article/classe-dehors">sites académiques</a> ou des <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/lecole-dans-et-avec-la-nature%e2%80%89-la-revolution-pedagogique-du-XXIe%e2%80%afsiecle/">ouvrages de pédagogie</a>.</p>
<p>Pourtant, cette affiliation repose sur un malentendu, ou plutôt sur une méconnaissance du cadre institutionnel général de l’éducation au développement durable. Celle-ci est par ailleurs sous les feux des projecteurs avec le défi climatique et les enjeux relatifs à la biodiversité. Mais que disent les textes officiels de l’Éducation nationale à son sujet ? Et en quoi la classe dans la nature s’ancre-t-elle dans d’autres approches ?</p>
<h2>Une éducation à la gestion de la nature</h2>
<p>Le cadre normatif et conceptuel de l’éducation au développement durable a été bâti autour de sept circulaires, parues entre 2004 et 2020, et une note de service en 2013, date à laquelle l’éducation au développement durable est entrée dans le Code de l’éducation.</p>
<p>L’éducation au développement durable scolaire est fille de plusieurs recommandations internationales : en 1992, le <a href="https://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/action36.htm">chapitre 36 de l’Agenda 21</a>, en 1997, la <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000117772_fre">conférence internationale de Thessalonique</a> et, en 2002, le Sommet de Johannesburg sur la Décennie des Nations unies pour l’Éducation en vue du Développement Durable. Ces textes internationaux cadrent l’éducation comme un <a href="https://fr.unesco.org/themes/education-au-developpement-durable/comprendre-edd/decennie-des-Nations-Unies">moyen « au service du développement durable »</a>.</p>
<p>Or avec le développement durable, l’éducation se voit subordonnée à une perspective économique de croissance théorisée à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, comme une solution pour faire face aux enjeux du XXI<sup>e</sup> siècle :</p>
<blockquote>
<p>«Aujourd’hui, ce dont nous avons besoin, c’est une nouvelle ère de croissance économique, une croissance vigoureuse et, en même temps, socialement et environnementalement durable.» <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Brundtland">Rapport Brundtland</a> (1987).</p>
</blockquote>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-lecole-ou-chez-soi-bouger-pour-mieux-apprendre-173764">À l’école ou chez soi, bouger pour mieux apprendre ?</a>
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</p>
<hr>
<p>En France, cet horizon conduit à une mise à distance de la nature et des pratiques éducatives dans la nature. En adoptant explicitement une éthique centrée sur l’humain et son développement économique, l’éducation environnementale est désormais appréhendée par la rationalité et la gestion de l’environnement, en mettant à distance des approches sensibles et naturalistes, souvent qualifiées oralement d’attention aux « petites fleurs » et aux « petits oiseaux ».</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dès 2004, et pendant plus de dix ans, le mot « nature » – au sens de milieu ou d’environnement – est totalement absent des textes officiels français de cette éducation. À partir de 2007, les sorties scolaires et les dispositifs d’immersion du type « classes de mer », « classes de neige » et « classes vertes », n’y sont plus évoqués. La circulaire de 2015 est une exception en instaurant les « coins nature » et en conseillant de nouveau des « sorties dans la nature ». En 2020, les sorties sont présentes dans une parenthèse mais le texte cantonne la nature à un objet de diagnostic ou à un patrimoine à valoriser par les élèves. Elle est ainsi inféodée à la gestion humaine.</p>
<p>En d’autres termes, dans l’éducation au développement durable des textes officiels français, la nature n’est ni pensée pour elle-même ni en tant qu’agent éducatif. Or il en est tout autrement pour nombre de pratiques et d’orientations dans la classe dehors.</p>
<h2>Une éducation avec la nature</h2>
<p>Précisons que les pratiques de classe dehors sont caractérisées par des objectifs très divers. Les intentions des enseignants peuvent aller de la couverture stricte des programmes, <a href="https://www.enseignerdehors.ch/offre/enseigner-dehors-cest-bon-pour-la-sante/">au bien-être de l’élève</a> en passant par la reconquête de la <a href="https://blogs.mediapart.fr/revue-z/blog/160521/pour-une-pratique-emancipatrice-de-l-ecole-du-dehors-0">place de l’enfant dans la ville</a>.</p>
<p>Lorsque les objectifs sont strictement disciplinaires, les contenus peuvent donc être très éloignés des problématiques socio-écologiques. En se basant sur la nature, parfois avec des outils apportés <em>in situ</em> (livres, loupes, matériel plastifié, etc.), les élèves travaillent les <a href="https://youtu.be/-zXXeVbU2Tg">mathématiques</a>, les sciences, le français, les arts plastiques, l’éducation physique et sportive. La nature est utilisée pour les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=V5Ew61tgeVs">apprentissages formels</a> : des brins d’herbe pour compter ou pour classer, un bâton et le sol pour faire du graphisme, le paysage pour dessiner, pour inventer un poème ou une histoire, des rondins de bois pour créer un parcours…</p>
<p>Mais, au-delà, lorsque les espaces de pratique sont suffisamment « ensauvagés », la nature peut littéralement entrer dans les relations éducatives. Elle contribue à l’apprentissage de deux façons, soit d’une façon formelle, lorsque ses manifestations sont présentées, expliquées et mises en avant par l’enseignant, soit d’une façon informelle, par le simple fait de s’y trouver en immersion.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/66YeJzS8sJM?wmode=transparent&start=15" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Avec le Covid-19 la classe en plein air a la cote (Le Parisien.</span></figcaption>
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<p>De premiers travaux publiés de la recherche-action participative <a href="https://wiki.reseauecoleetnature.org/RAP_ECRIN/?PagePrincipale">Grandir avec la nature</a> montrent en effet que les enseignants <a href="https://youtu.be/7lzdHoUtwzM">construisent des savoirs</a>
sur des situations vécues au dehors et non planifiées : un oiseau qui passe, un changement dans la saison, des bruits… Ils contribuent aussi à montrer que la <a href="https://nuage.reel48.org/s/ZzS9jLjJHnkPdas">nature est une source d’apprentissage</a> à travers la construction, par l’expérience, de liens identitaires et d’attachement à l’environnement.</p>
<p>Cette part informelle, nommée <a href="https://www.dailymotion.com/video/x894mq">écoformation</a>, place l’éducation des élèves dans une perspective bien plus orientée vers le devenir de l’être humain que vers un programme économique prédéfini.</p>
<h2>Une éducation « par en bas »</h2>
<p>La classe dehors n’est donc pas assimilable à l’éducation au développement durable telle qu’elle est prescrite dans les circulaires de l’Éducation nationale. Construite par la mobilisation d’acteurs de terrain, dont des professionnels de l’éducation à l’environnement qui ont alerté dès 2008 sur la <a href="https://frene.org/wp-content/uploads/2021/04/manifeste-dynamique-sortir.pdf">diminution des pratiques éducatives au dehors</a>, elle est en mesure d’intégrer la nature dans ses méthodes, ses objectifs et ses finalités. C’est une éducation bâtie « par en bas », par le « terrain ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecole-dehors-lexposition-a-la-nature-ne-fait-pas-tout-150013">L’école dehors : l’exposition à la nature ne fait pas tout !</a>
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<p><em>A contrario</em>, l’éducation au développement durable est une <a href="https://www.cairn.info/revue-z-2021-1-page-158.htm">éducation « par en haut »</a> orientée par des instances internationales vers un objectif de croissance économique. Son adossement aux objectifs de développement durable (ODD) confirme cette tendance.</p>
<p>Ils sont désormais <a href="https://www.calec-dz.org/wp-content/uploads/2022/08/Livre-Integration-des-Objectifs-de-Developpement-Durable-ODD-en-Milieu-Scolaire-Algerien.pdf">obligatoires pour toute labellisation d’établissement</a> par exemple. Or dans les ODD, la « vie aquatique » et la « vie terrestre » sont en quatorzième et quinzième position, bien après « l’accès à l’emploi » (en huitième position) ou « l’innovation » (en neuvième position), ce qui exprime clairement les hiérarchies à l’œuvre.</p>
<p>En voulant inscrire leurs pratiques dans les cadres existants, les acteurs s’en accommodent et inventent perpétuellement des manières de faire. En l’occurrence, cela permet d’inclure la classe dehors dans le cadre de l’éducation au développement durable mais sans une prise de conscience de son essence. D’autant que l’institution scolaire elle-même alimente un certain flou.</p>
<p>Dans le <a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/Education_au_developpement_durable/66/5/Vademecum_EDD_1377665.pdf">récent « vademecum de l’éducation au développement durable »</a>, on peut lire quelques appels à l’éducation par la nature pour les petites classes à côté d’approches comportementalistes et gestionnaires, largement prédominantes. On pourrait donc en conclure qu’elle prend acte du terrain et incorpore ses évolutions et que peu importe les pratiques, elles peuvent toutes être classées « éducation au développement durable ».</p>
<p>Oui mais, au fond, pour quelles finalités et dans quel cadre éthique des relations humain-nature les enseignants voient-ils leurs pratiques professionnelles orientées ? Ce flou n’est-il pas un des principaux obstacles à sérieuse éducation environnementale ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190183/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Zwang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux enjeux climatiques, l’éducation au développement durable est sous les feux des projecteurs. Mais, si on la confond souvent avec la classe en plein air, elle repose sur des bases différentes.Aurélie Zwang, Maître de conférences en sciences de l'éducation et de la formation. Éducation à l'environnement. Didactique des sciences, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1861752022-09-07T18:01:57Z2022-09-07T18:01:57ZÀ quelles conditions les outils numériques aident-ils les étudiants à réussir ?<p>Se sentir compétents, autonomes et intégrés socialement : tels sont les trois <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/S15327965PLI1104_01">besoins fondamentaux</a> des étudiants auxquels il faut répondre si l’on veut qu’ils puissent apprendre efficacement. C’est en tout cas ce que nous enseigne la psychologie de l’éducation, et ces besoins interviennent dans la motivation et le bien-être des élèves.</p>
<p>La fermeture des universités et des institutions scolaires durant la pandémie du Covid-19 a provoqué un recours massif aux outils numériques dans l’enseignement et l’apprentissage. Au terme de cette période, les professeurs n’ont pas rangé ces outils et compétences informatiques au placard. Au contraire, l’enseignement hybride (combinant des activités en présentiel et des activités en ligne), qui prenait de l’ampleur déjà depuis plusieurs années, s’est ancré encore un peu plus dans le paysage universitaire.</p>
<p>Quels sont les ajustements nécessaires alors pour continuer à répondre aux attentes des étudiants ? Comment les outils numériques peuvent-ils répondre à leurs besoins pour <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/23328584211003164">soutenir leur réussite</a> ?</p>
<h2>Se sentir compétents</h2>
<p>La recherche montre depuis longtemps l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03075070600572090">influence</a> positive des feedbacks formatifs, c’est-à-dire les feedbacks qui ont pour objectif d’informer les étudiants du niveau auquel ils se situent plutôt que de leur donner une note ou de les classer. Ces feedbacks peuvent être donnés à la suite d’exercices, de travaux ou d’activités réalisés dans le cadre du cours, et les outils numériques permettent de les automatiser. Par exemple, il est possible de réaliser des QCM, des textes à trous, des exercices d’association ou de classement et de faire un retour aux étudiants selon leurs réponses.</p>
<p><a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.03087/full">Les feedbacks</a> peuvent comprendre la réponse correcte accompagnée d’une explication ou d’informations complémentaires, mais peuvent également renvoyer les étudiants à des sections spécifiques du cours. Ils sont d’autant plus efficaces qu’ils contiennent d’informations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/deux-pistes-pour-reinventer-les-mooc-141715">Deux pistes pour réinventer les MOOC</a>
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<p>Cette démarche permet aux étudiants de prendre conscience des <a href="https://scholarworks.umass.edu/pare/vol8/iss1/9/">écarts</a> qui existent entre les objectifs d’apprentissages visés et l’état actuel de leurs connaissances et les guide dans les actions à entreprendre pour combler ces écarts. De ce fait, les feedbacks formatifs renforcent l’autorégulation et permettent aux étudiants de gérer leurs propres apprentissages. Ils peuvent ainsi observer leur progression grâce à des évaluations sans enjeu académique, et les recherches montrent que ce mécanisme peut promouvoir une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0360131511001333">perception positive</a> leurs compétences.</p>
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<p>Proposer ce type d’activités en ligne aux étudiants permet également de transformer leur rapport à l’erreur. Les étudiants craignent moins de se tromper lorsqu’ils effectuent des exercices en ligne car lorsqu’ils commettent une erreur, il leur est plus facile de revenir en arrière et de recommencer, encore et encore. De plus, recevoir des feedbacks négatifs de la part d’une machine plutôt que de la part de l’enseignant <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-education/20160427.RUE2766/le-numerique-a-l-ecole-change-t-il-vraiment-le-rapport-a-l-erreur.html">gomme</a> en quelque sorte la pression sociale associée. Dans ces conditions, commettre des erreurs aurait peu d’effets délétères sur le sentiment de compétence des étudiants.</p>
<h2>Se sentir autonomes</h2>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0747563215301229">études</a> suggèrent que pour répondre à ce besoin d’autonomie, il faut mobiliser la motivation intrinsèque des étudiants, notamment en soulignant l’intérêt des contenus enseignés, en favorisant une compréhension profonde de ceux-ci et une explicitation des liens avec la <a href="https://orbi.uliege.be/handle/2268/266016">pratique professionnelle</a>. À nouveau, les outils numériques peuvent soutenir ce sentiment de réaliser des tâches par choix personnel, et non par contrainte. Ainsi, les enseignants peuvent envisager de :</p>
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<li><p>mettre à disposition des étudiants des <a href="https://www.cairn.info/revue-distances-et-savoirs-2011-1-page-69.htm">outils de gestion</a> – calendrier, échéancier, rappels automatisés – leur permettant d’avoir une vue d’ensemble du cours et de structurer leurs apprentissages ;</p></li>
<li><p>rendre disponibles dès le début du cours les ressources incontournables – leur permettant de travailler et d’avancer à leur propre rythme ;</p></li>
<li><p>permettre aux étudiants d’enregistrer les traces de leurs apprentissages – ePortfolios, possibilité d’annoter les documents, de les surligner, d’ajouter des signets…</p></li>
<li><p>prévoir des plans d’apprentissage personnalisés en fonction des acquis des étudiants – individualisation ou différentiation des apprentissages.</p></li>
</ul>
<p>Une piste qui peut également être examinée est l’implémentation d’éléments de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0747563218302541">gamification</a> dans les enseignements, tels que des niveaux à atteindre ou des défis… Dans les dispositifs gamifiés, les étudiants ont tendance à choisir des tâches plus difficiles et à rendre un travail de meilleure qualité, reflétant une plus grande motivation intrinsèque.</p>
<h2>Se sentir intégré socialement</h2>
<p>Les échanges interpersonnels ont cruellement manqué aux étudiants et aux enseignants durant la fermeture des écoles causée par la pandémie et les <a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A244500/datastream/PDF_01/view">interactions numériques</a> ont finalement très peu compensé l’absence d’interactions en face à face. Quand les enseignants donnaient leurs cours en visioconférence, ils avaient <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/3411764.3445240">« l’impression de parler dans le vide »</a> : la majorité des étudiants coupaient leur caméra et leur micro, inconfortables à l’idée de se montrer devant tous les autres étudiants.</p>
<p>Pourtant, dans le cadre d’un enseignement hybride, les outils numériques peuvent être une manière de prolonger voire de générer les interactions en présentiel, surtout lorsque les enseignants s’adressent à de grandes cohortes d’étudiants. En effet, les tâches collaboratives, l’organisation de débats, la réalisation de projets ou les activités de tutorat représentent des activités difficiles à mettre en place avec des groupes de plus de cinquante étudiants.</p>
<p>En revanche, ces activités peuvent être facilitées par l’utilisation de différents outils : des espaces collaboratifs avec des documents partagés, des canaux de discussion instantanée permettant les échanges textuels, vocaux ou vidéos, des forums de discussion asynchrone.</p>
<p>En plus de leur intérêt propre, mettre en place ce type d’activités et proposer aux étudiants d’interagir à distance peut leur permettre de s’intégrer et d’appartenir à un groupe – une promotion, un groupe de travail ou encore, un groupe d’amis. Même s’il s’installe avant tout en présentiel, le besoin de proximité sociale peut ainsi être renforcé de différentes manières.</p>
<h2>Des freins à prendre en compte</h2>
<p>La recherche permet d’identifier des pistes pour soutenir les besoins des étudiants, mais soulève également des tensions liées aux transformations des pratiques pédagogiques. Déjà avant les multiples confinements, la réticence des enseignants à l’utilisation des outils numériques était bien présente.</p>
<p>Les enseignants ne sont pas nécessairement <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ritpu/2012-v9-n1-2-ritpu0330/1012904ar/">formés</a> à ces outils et ils développent un faible sentiment d’auto-efficacité quant à leur utilisation et à l’informatique en général. Dans certains cas, ils ne conçoivent pas leur utilité. Ce sentiment, couplé à des expériences parfois désastreuses durant la pandémie, ne fait qu’affaiblir l’utilisation des technologies par les enseignants.</p>
<p>Malgré tout, <a href="https://www.oecd.org/education/the-impact-of-covid-19-on-education-insights-education-at-a-glance-2020.pdf">60 % des enseignants</a> (40 % en Belgique, 45 % en France) suivent des formations professionnelles sur l’utilisation des outils numériques ce qui montre que, malgré les obstacles, les enseignants prennent en main leur développement professionnel dans ce domaine.</p>
<p>Si l’on en doutait encore, les <a href="https://theconversation.com/digital-natives-1-demythifier-le-mythe-des-natifs-vs-immigrants-du-numerique-57312">« digital natives »</a>, ces jeunes qui n’ont pas connu le monde sans Internet, ne sont pas naturellement doués de compétences informatiques particulières. Même lorsqu’ils ont accès au matériel nécessaire, les <a href="https://www.cpcp.be/wp-content/uploads/2019/05/fracture-numerique.pdf">compétences instrumentales (utilisation efficace) ou stratégiques (recherche, tri et évaluation des informations)</a> leur font parfois défaut. Ainsi, l’utilisation des outils numériques en classe nécessite de prendre en compte leurs besoins fondamentaux, mais également de les guider dans leur utilisation. Montrer aux étudiants comment naviguer sur les plates-formes institutionnelles pour atteindre les exercices et les ressources leur fera gagner du temps et évitera des frustrations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-pourquoi-le-numerique-doit-sapprendre-a-lecole-149801">Débat : Pourquoi le numérique doit s’apprendre à l’école</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Margault Sacré remercie l'Agence Nationale de la Recherche du gouvernement français à travers le projet "Investissements d'Avenir'' pour son soutien financier.</span></em></p>Avec la crise du Covid, les outils numériques se sont installés durablement dans l’enseignement supérieur. Mais comment les utiliser pour répondre vraiment aux besoins des étudiants ?Margault Sacré, Docteure en sciences psychologiques et de l'éducation, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874792022-09-01T17:49:14Z2022-09-01T17:49:14ZPodcast « Accompagner la rentrée en crèche » : Découvrir la vie en collectivité<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/631088e05923b800136ebae3" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On l’appréhende, on la prépare, on l’accompagne. Et, quel que soit l’état d’esprit dans lequel les familles se sentent le jour J, la rentrée en crèche est un tournant dans leur vie.</p>
<p>Pour les parents, il s’agit de voir d’autres adultes entrer dans la vie de leur enfant, et de leur faire confiance. Pour les bébés, c’est le grand bain de la vie en collectivité qui va commencer.</p>
<p>Car la fonction sociale des crèches ne se résume pas à la fonction de « mode de garde ». Certes, ce sont des lieux d’accueil qui permettent aux parents de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Mais ce sont aussi des « lieux de développement, de socialisation et d’éveil », nous dit le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/familles-enfance/1000jours/les-1000-premiers-jours-qu-est-ce-que-c-est/">projet autour des « 1000 premiers jours »</a> lancé au niveau national.</p>
<p>Avec Catherine Bouve, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Sorbonne Paris-Nord, on se penche dans cette série en trois épisodes sur ce rôle des crèches, leur fonctionnement, les attentes qu’on fait peser sur elles. Et donc sur la vision de l’enfance que cela dessine.</p>
<p>Dans ce deuxième épisode, on va s’intéresser à la vie en collectivité des tout-petits et à ce que la crèche est censée leur apporter.</p>
<p>Pour réécouter le premier épisode de la série : <a href="https://theconversation.com/quelle-rentree-pour-les-bebes-apprendre-a-se-separer-187478">Apprendre à se séparer</a>.</p>
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<p><em>Crédits, Conception et Animation, Aurélie Djavadi, Réalisation, Romain Pollet, Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment le quotidien des tout-petits à la crèche se passe-t-il ? Que sont-ils censés y apprendre ? Par qui sont-ils encadrés ?Catherine Bouve, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université Sorbonne Paris NordAurélie Djavadi, Cheffe de rubrique Education, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1859902022-08-29T18:14:32Z2022-08-29T18:14:32ZLa révolution pédagogique d’Internet : relire les leçons de Michel Serres<p>Nous vivons un temps « où s’épuise la vieille pédagogie et où la nouvelle se cherche », estimait Michel Serres, se penchant dans son best-seller <em>Petite Poucette</em> sur la manière dont le numérique transforme le rapport au savoir des jeunes générations. Une phrase qui résonne toujours, trois ans après la <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2019/06/01/le-philosophe-et-academicien-michel-serres-est-mort_5470322_3382.html">disparition du philosophe</a>, alors que l’école a dû faire face à la crise sanitaire et au défi de l’enseignement à distance, et que les smartphones gagnent toujours plus de terrain dans nos vies quotidiennes.</p>
<p>Comment comprendre la nécessité d’une « nouvelle pédagogie » ? Et quelles pourraient en être les grandes lignes ? Tant dans <a href="https://www.editions-lepommier.fr/petite-poucette#anchor1"><em>Petite Poucette</em></a>, publié en 2012, que dans <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Le-Tiers-Instruit#"><em>Le Tiers-Instruit</em></a>, essai sur l’éducation paru dans les années 1990, Michel Serres apporte des éléments de réflexion précieux sur ces questions, qui peuvent inspirer les enseignants et les parents d’aujourd’hui.</p>
<h2>Une mutation dans la connaissance</h2>
<p>« Une certaine histoire s’achève. Une nouvelle commence-t-elle ? » (<em>Le Tiers Instruit</em>). Pour Michel Serres, chaque révolution de l’information a été « invasive » pour la pédagogie. Il repère en effet, dans la double évolution de la vie des savoirs, et du modèle éducatif qui en découle, trois grandes mutations. Chacune est marquée par des « transformations… hominescentes », c’est-à-dire par l’émergence d’un homme nouveau :</p>
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<p>« De même que la pédagogie fut inventée par les Grecs (paideia) au moment de l’invention de l’écriture, de même qu’elle se transforma quand émergea l’imprimerie, à la Renaissance, de même, la pédagogie change totalement avec les nouvelles technologies. » (<em>Petite Poucette</em>).</p>
</blockquote>
<p>Après avoir eu pour unique support le corps du savant, « aède ou griot », le savoir s’est objectivé sur des parchemins (invention de l’écriture : première mutation), puis sur des livres (imprimerie : deuxième mutation). Il est aujourd’hui partout objectivé et disponible sur la Toile (Internet : troisième mutation). Dans un monde où s’est imposé le « connectif », l’homme a accès, à sa volonté, à un <a href="https://www.liberation.fr/debats/2011/09/03/petite-poucette-la-generation-mutante_758710/">savoir désormais accessible à tous</a> : « Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé » (<em>Petite Poucette</em>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-parole-des-professeurs-fait-elle-encore-autorite-149023">La parole des professeurs fait-elle encore autorité ?</a>
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<p>À quoi donc vont pouvoir servir les enseignants ? Les médias ne leur ont-ils pas volé depuis longtemps « la fonction d’enseignement » ? Question d’autant plus lancinante que ce « changement si décisif de l’enseignement… nous sentons en avoir un besoin urgent, mais nous en sommes encore loin » ! Pour l’essentiel, « tout reste à inventer ».</p>
<h2>Sortir des cadres désuets</h2>
<p>Pour Michel Serres, le changement espéré n’adviendra que s’il se situe à deux niveaux complémentaires : un niveau pédagogique, et un niveau anthropologique, sur lequel le premier se fonde.</p>
<p>Au premier niveau, une sortie des « cadres désuets » s’impose. Parmi les « inimaginables nouveautés » à inventer, on peut évoquer la sortie « du format spatial impliqué par le livre et la page » ; la prise en compte massive de la « nouvelle demande » présentée par les publics d’apprenants ; la mort de l’Éducation Nationale comme « grande institution », devenue « étoile morte » ; la fin de l’école où l’on reste passivement assis (une « Caverne » digne de Platon) ; la disparition des salles de classe ; la fin des classements ; le <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2019-9-page-43.htm?contenu=resume">dépassement de la religion des disciplines « scientifiques »</a>, pour aller vers une « mosaïque » traduisant mieux les « les multiplicités connexes » de nos sociétés (<em>Petite Poucette</em>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ICd38oRfoHU?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du livre « Petite Poucette » (Sauramps Librairies, 2013).</span></figcaption>
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<p>Mais, quelles que soient ces « nouveautés », l’important est de savoir ce qui orientera l’action des éducateurs œuvrant au sein des « cadres » inventés pour remplacer ceux que leur désuétude condamne. La ligne directrice de Serres est de plaider pour une pédagogie de l’activité, qui permettra aux enseignants de faire émerger un « tiers instruit ». Ce qui implique de contrarier les apprenants, pour qu’ils soient contraints de bouger, et d’essayer.</p>
<h2>Une pédagogie de l’activité</h2>
<p>Contrarier, c’est prendre « à rebrousse-pli » : « Les instituteurs se doutent-ils qu’ils n’ont enseigné, dans un sens plein, que ceux qu’ils ont contrariés, mieux, complétés ? » (<em>Le Tiers Instruit</em>).</p>
<p>C’est ce qu’exprime le thème du gaucher contrarié. Il faut contraindre chaque élève à aller au-delà de lui-même, en ne se restreignant pas à ce qui est le plus facile pour lui, et à ses capacités les plus visibles. Contrarier, pour faire advenir, en chacun, le « tiers ». Car l’un a besoin de l’autre pour devenir pleinement un ! Et, pour cela, il devra travailler durement, car « tout vient toujours du travail ». « Apprends et fabrique sans repos ».</p>
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<p>Contraindre, contrarier, faire travailler : un tel programme ne va apparemment pas dans le sens de la liberté. Mais, en réalité, la contrainte est la condition de la libération, par enrichissement, en soi, du « tiers-instruit ».</p>
<p>L’élève contrarié sera contraint de bouger, et d’essayer. Bouger, c’est sortir de la bibliothèque pour « courir au grand air » (<em>Le Tiers Instruit</em>). C’est « appareiller de l’être-là » pour donner libre cours à sa « fureur de voyager ». C’est accepter d’être « exilé », « à jamais en dehors de toute communauté, mais un peu et très légèrement dans toutes ». C’est prendre le risque de l’aléa, de l’inconnu, en s’exposant. « Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre ».</p>
<p>Le premier risque, que l’on court dès qu’on essaye, est celui de l’erreur. Car, comme l’errance guette celui qui bouge, l’erreur guette celui qui essaye. Néanmoins, « ne dites pas, faites », car il n’est « pas d’humain sans expérience » ! Tout <em>Le Tiers-Instruit</em> est un éloge du « faire ». Il faut essayer, et toujours (d’abord) avec les mains : « Avant d’enseigner la console ou le clavier aux enfants, donnez-leur à tisser ou à tricoter ».</p>
<p>C’est pourquoi il faut toujours « tester », sans craindre l’erreur : « est humain celui qui se trompe. Il a au moins essayé ». C’est de ce point de vue que « l’exercice vrai » doit devenir omniprésent dans les nouveaux « cadres » d’enseignement. « Vivez, goûtez, partez, jouez, faites, ne copiez pas. Le vrai mensonge vient de reculer devant l’essai ».</p>
<h2>L’apprentissage comme métissage</h2>
<p>Pour sortir des cadres datant d’un autre âge, et s’adapter à la tête du « nouvel humain » qui « connaît autrement », il convient donc que les éducateurs aient pour projet central de contribuer à l’émergence du « tiers instruit ». Cela implique la réunion de contradictoires, qui ne sont en fait que des complémentaires, dans l’unité inclusive d’une personne métissée.</p>
<p>L’apprentissage est un métissage : « tout apprentissage exige ce voyage avec l’autre et vers l’altérité » (<em>Le Tiers-Instruit</em>). Le voyageur abandonne ses appartenances, ou plutôt se délivre de ce que celles-ci ont de restrictif, car « l’appartenance fait le mal du monde, en raison de l’exclusion ». Il faut en finir avec « la libido d’appartenance » (<em>Petite Poucette</em>), qui a provoqué des centaines de millions de morts.</p>
<p>« Né Gascon, il le reste et devient français, en fait métissé ; Français, il voyage et se fait Espagnol… ». « Le métis, ici, s’appelle tiers-instruit » (<em>Le Tiers-Instruit</em>). Pour Serres, les deux termes sont pratiquement synonymes : « Apprendre : devenir gros des autres et de soi. Engendrement et métissage ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Discussion autour du « Gaucher boiteux » (Librairie Dialogues, 2015).</span></figcaption>
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<p>Je ne deviens moi que par l’apport du tiers que j’incorpore en devenant « tiers instruit ». Il me faut passer par un « tiers-point », pour devenir, selon une belle formule, « assez nombreux ». Chacun peut ainsi compléter ses déterminations, devenir « multiple », pour accéder au possible, et finalement à l’universel, car « L’universel niche dans le singulier », après qu’il se soit nourri des autres. Ainsi pourra émerger, es-qualité, la personne du « tiers sujet », « unissant le général et le particulier ».</p>
<h2>Une anthropologie de la retenue</h2>
<p>C’est bien la visée d’un nouvel homme, libéré parce que complété, qui donne son sens à la pédagogie prônée. Pas de pédagogie consistante qui ne soit ancrée dans l'anthropologie, puisqu’il s’agit de « modeler… l’homme à venir » (<em>Le Tiers-Instruit</em>). Serres nous propose à cet égard une anthropologie de la retenue, pour un homme doté d’une âme.</p>
<p>La troisième personne qui naît en nous quand nous devenons « tiers instruit » par le métissage est un homme doué d’une âme. Ce dernier terme est essentiel pour Serres. L’âme désigne la « tierce place », ou encore la « distance », ou le « volume », qui se développe entre « l’être-là » (ce qui est donné à chacun avant l’éducation), et ce que j’ai construit de façon « proportionnelle » à mon « exposition » au monde, et aux autres. L’âme est une réalité construite par expérience.</p>
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<p>« Chacun, au moins un jour, éprouve cette dilatation formidable de l’être, en volume, force et virtualité explosives, cette brise libre : la possibilité infinie d’apprendre » (Le Tiers-Instruit).</p>
</blockquote>
<p>En apprenant, chacun fait ainsi, d’une certaine façon, l’expérience de la divinité. Mais si la possibilité infinie d’apprendre donne à l’homme, de par son âme, une dimension divine, ce serait pour lui une erreur fatale que de se prendre pour un Dieu ayant alors tous les droits : et sur la nature (car seule « la nature est Dieu »), et sur les autres vivants, et sur les autres hommes ! Le nouvel homme à venir sera encore plus soumis que ses prédécesseurs à l’obligation de retenue. Il lui faut résister à l’emportement de la puissance. Ce à quoi contribue précisément une pédagogie de la contrainte « contrariante »…</p>
<p>Il faut abandonner le projet paranoïaque de s’accaparer la terre. L’homme doit savoir être modeste, devenir humble, et s’humilier. Le « péché originel » est de se prendre pour un roi au triomphe assuré et éternel. « La volonté de puissance… n’a jamais produit que le malheur des hommes ». La « mort collective » suivrait immédiatement la victoire sur les autres d’un groupe conquérant. Le triomphe du « même » conduit à la mort de celui qui triomphe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-modestie-est-elle-le-signe-dune-education-reussie-161841">La modestie est-elle le signe d’une éducation réussie ?</a>
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<p>Or, « Nous voici, à notre tour, les derniers, au faîte de la puissance, à la minute même de commettre la faute » (<em>Le Tiers-Instruit</em>). L’immense devoir des éducateurs est aujourd’hui de contribuer à l’émergence d’un homme, non qui règne sans partage, mais qui se retienne. « L’humanité devient humaine quand elle invente la faiblesse – laquelle est fortement positive ».</p>
<h2>Le temps de l’intelligence inventive</h2>
<p>Deux enseignements majeurs se dégagent finalement des très riches analyses de Serres. Le premier, d’ordre anthropologique, est que l’éducation a une indéniable dimension morale, puisqu’il faut apprendre à résister à la compulsion de domination :</p>
<blockquote>
<p>« La morale demande d’abord cette abstention. Première obligation : la réserve. Première maxime : avant de faire le bien, éviter le mal. S’abstenir de tout mal, simplement se retenir ».</p>
</blockquote>
<p>Le deuxième enseignement concerne l’objectif d’un enseignement désireux d’être à la hauteur de la mutation numérique, à savoir : travailler au développement du « cognitif algorithmique ou procédural » (<em>Petite Poucette</em>). Moins enseigner des idées (« Ne donnons pas le pouvoir aux idées parce qu’elles multiplient la portée de la puissance », <em>Le Tiers-Instruit</em>), que ce qui relève de « l’algorithmique » et du « procédural », qui donneront, par la maîtrise des codes, des pouvoirs concrets sur le réel.</p>
<p>Il restera toujours en propre à l’homme (en attendant une quatrième mutation ?) l’« intuition novatrice et fugace », et la « joie incandescente d’inventer ». Le temps est venu du « nouveau génie, l’intelligence inventive, une authentique subjectivité cognitive » (<em>Petite Poucette</em>). Car « le but de l’instruction est la fin de l’instruction, c’est-à-dire l’invention » (<em>Le Tiers-Instruit</em>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mettant le savoir à portée de clic, Internet invite à se tourner vers une pédagogie de l’activité et à réfléchir aux dangers de la toute-puissance humaine. Retour sur les écrits de Michel Serres.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874782022-08-25T16:49:18Z2022-08-25T16:49:18ZPodcast « Accompagner la rentrée en crèche » : Apprendre à se séparer<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/63072accdb292f001200b480" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On l’appréhende, on la prépare, on l’accompagne. Et, quel que soit l’état d’esprit dans lequel les familles se sentent, le jour J, la rentrée en crèche est un tournant dans leur vie.</p>
<p>Pour les parents, il s’agit de voir d’autres adultes entrer dans la vie de leur enfant, et de leur faire confiance. Pour les bébés, c’est le grand bain de la vie en collectivité qui va commencer.</p>
<p>Car la fonction sociale des crèches ne se résume pas à la fonction de « mode de garde ». Certes, ce sont des lieux d’accueil qui permettent aux parents de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Mais ce sont aussi des « lieux de développement, de socialisation et d’éveil », nous dit le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/familles-enfance/1000jours/les-1000-premiers-jours-qu-est-ce-que-c-est/">projet autour des « 1000 premiers jours »</a> lancé au niveau national.</p>
<p>Avec Catherine Bouve, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Sorbonne Paris-Nord, on se penche dans cette série en trois épisodes sur ce rôle des crèches, leur fonctionnement, les attentes qu’on fait peser sur elles. Et donc sur la vision de l’enfance que cela dessine.</p>
<p>Dans ce premier épisode, on s’interroge sur ce qui se joue dans cette première séparation entre parents et enfants, à l’entrée en crèche, à l’aide de l’histoire et de la sociologie.</p>
<p><strong>Extraits</strong><br>
● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HQZ3mXlm14c">« Entrée en crèche : une séparation en douceur »</a>, La Maison des Maternelles, France 5, 2017</p>
<p><strong>Pour écouter le deuxième épisode :</strong><br>
● <a href="https://theconversation.com/quelle-rentree-pour-les-bebes-decouvrir-la-vie-en-collectivite-187479">Découvrir la vie en collectivité</a></p>
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<p><em>Crédits, Conception et Animation, Aurélie Djavadi, Réalisation, Romain Pollet, Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce qui se joue entre parents et enfants, parents et éducateurs, lors de la première rentrée en crèche ?Catherine Bouve, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université Sorbonne Paris NordAurélie Djavadi, Cheffe de rubrique Education, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841232022-06-08T17:46:54Z2022-06-08T17:46:54ZTémoignage : Comment construire de nouvelles pédagogies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467466/original/file-20220607-12-2oikxi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4025%2C3017&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des participants d'un wokshop de Paris-Saclay sur l'innovation pédagogique se retrouvent ici pour imaginer un enseignement en forêt.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’appel à déserter d’étudiants d’<a href="https://youtu.be/SUOVOC2Kd50">AgroParisTech</a> ou la récente <a href="https://www.effisciences.org/tribune-effisciences">tribune</a> d’étudiants des Écoles Normales supérieures le démontrent avec force : les nouvelles générations se satisfont de moins en moins des cursus scientifiques actuels. Elles ne les trouvent pas forcément à la hauteur des enjeux.</p>
<p>Les jeunes ont besoin de comprendre pourquoi apprendre les sciences peut les aider à véritablement affronter les crises à venir, à commencer par la crise écologique. Il ne suffit plus de leur enseigner l’art des équations, même si cela reste nécessaire. Il faut aussi leur apprendre à travailler en groupe, à créer, à remettre en contexte des savoirs formels et, plus difficile encore, à se sentir acteurs des changements à venir, pas juste observateurs.</p>
<p>De nombreux collègues développent déjà des enseignements en ce sens. Mais les initiatives individuelles ne suffisent plus, il faut repenser l’ensemble de nos cursus, s’inspirer des innovations déjà testées, des résultats des recherches en science de l’éducation, réfléchir au niveau des établissements et des départements disciplinaires, bref, faire communauté pour se saisir de cet enjeu crucial, et vite.</p>
<h2>L’anti-conférence</h2>
<p>Reste cependant un problème technique. Quand nous nous réunissons entre collègues pour discuter d’innovation pédagogique, nous privilégions paradoxalement des formats classiques. Combien de fois ai-je donné des exposés sur l’art d’enseigner de façon innovante et active, alors que j’étais moi-même devant un PowerPoint sur estrade face à une salle silencieuse ?</p>
<p>A combien de groupes de travail appelés à innover ai-je participé, où nous étions tous assis autour d’une grande table, en format réunion, chacun consultant discrètement ses mails ? Quand la forme s’oppose à ce point au fond, ces grand-messes de l’innovation ne débouchent en général pas sur grand-chose de neuf.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467468/original/file-20220607-12-7ube2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un bon brise-glace pour physiciens : leur demander de créer des expériences scientifiques avec les moyens du bord (ici un banc optique en carton).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Voilà le dilemme auquel nous avons dû faire face quand nous avons voulu, avec des collègues de l’Université Paris-Saclay, organiser un workshop pour repenser notre enseignement de la physique. Quel cadre offrir à nos participants pour qu’ils imaginent ensemble d’autres pédagogies ?</p>
<p>Pour construire un dispositif qui échappe aux défauts des colloques habituels, nous avons choisi de collaborer avec des designers, comme nous le faisons déjà pour nos <a href="https://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/">activités de vulgarisation et d’enseignement</a>. Le design ne sert pas juste à embellir. Il permet de penser la construction même d’un évènement dans toutes ses dimensions. Pour ce workshop, deux designers nous ont aidé à construire le programme et imaginer les activités. Elles ont également conçu tout un univers graphique cohérent pour les visuels. Puis elles nous ont aidé à animer et filmer l’évènement, qu’elles ont ensuite transformé en un <a href="https://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/physics-teaching/">site web</a> pour en assurer la durabilité.</p>
<p>Pour trouver le bon format, nous avons pris le contre-pied des conférences classiques. <a href="https://march.aps.org/">La conférence annuelle</a> de l’American Physical Society est un bon exemple de ce à quoi nous voulions échapper. Elle réunit chaque année pendant cinq jours près de dix mille physiciens dans un grand centre de congrès. Les sessions s’y enchaînent à un rythme militaire, 12 minutes par intervention, dix interventions par session, soixante sessions en parallèle. Elle s’est adaptée ces dernières années à des modalités hybrides. Mais ce format va à l’encontre de ce que nous cherchions à promouvoir. Nous avons donc construit son opposé, point par point.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467470/original/file-20220607-20-p40cvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des modes de restitution variés permettent de croiser les regards. Ici, une petite expo a été conçue par les participants à partir de fiches qu’ils ont remplies sur leurs pratiques pédagogiques.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Au lieu d’ouvrir la participation à un grand nombre de participants, nous nous sommes limités à trente conférenciers. Au lieu d’enchaîner oraux ou posters toute la journée, nous nous sommes restreint à une seule présentation par jour. Au lieu de choisir un grand centre de conférence, nous avons eu la chance de bénéficier des locaux de <a href="https://www.institut-pascal.universite-paris-saclay.fr/">l’Institut Pascal</a>, un lieu spécialement conçu pour accueillir des chercheurs en mode collaboratif, avec des espaces de travail et de discussion, plutôt qu’une simple série de salles de classe et d’amphithéâtres.</p>
<p>Au lieu de convier les grands noms de la pédagogie pour inspirer les participants lors de « keynotes » charismatiques, nous avons invité des collègues de terrain qui innovent à leur échelle sans forcément viser à changer le monde. Denis Terwagne, un chercheur bruxellois, imagine par exemple des enseignements inspirés des fab labs, en réunissant des étudiants en physique et en architecture. Claire Marrache, une chercheuse de l’Université Paris-Saclay, propose un cours sur les enjeux climatiques où elle fait faire à ses étudiants des mesures concrètes directement sur le bâtiment. Giovanni Organtini, de l’Université de Rome, utilise des outils très bas coût comme les smartphones ou les cartes Arduino, pour enseigner la physique expérimentale. Fun-Man Fung, un chimiste singapourien, n’hésite pas à se filmer avec une caméra 360° pour montrer en direct de la paillasse à ses élèves comment mener une expérience. Rebecca Vieyra aide à diffuses des simulations interactives dans le monde entier.</p>
<p>Au lieu d’une conférence de quelques jours en mode hybride, nous avons demandé aux participants de venir deux semaines entières en présentiel. Cette durée peut décourager et poser des problèmes pratiques. Mais elle permet un engagement actif sur la durée de tout le workshop. De plus, à l’heure de la crise climatique, il devient de plus en plus difficile de justifier des aller-retours express en avion pour un ou deux jours seulement. Enfin, une telle durée nous a permis d’imaginer un programme en deux temps.</p>
<h2>Créer un collectif</h2>
<p>Pendant la première semaine, une série d’activités créatives et intenses a été proposée. Nous voulions ainsi aider les participants à se connaître, leur montrer qu’ils pouvaient travailler et construire ensemble dans la bonne humeur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467475/original/file-20220607-31796-6yarkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le prototypage rapide permet de réaliser des maquettes en quelques minutes pour expliquer une idée d’enseignement autrement qu’avec un powerpoint.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pour cela, nous leur avons fait vivre des expériences ludiques et immersives liées à la physique. Par exemple, ils ont été plongés dans une fiction dans un monde d’espions où ils devaient inventer un dispositif qui protège un œuf et fasse le plus de bruit en tombant de 5 mètres de haut. Nous souhaitions aussi que les collègues discutent de leurs pratiques. Au lieu d’une série d’exposés, nous leur avons proposé de nouvelles modalités d’échange.</p>
<p>Par exemple, dans l’atelier « boule de neige », chacun raconte à un autre son innovation, qui prend des notes sur une fiche dédiée. Puis chaque binôme se réunit avec un autre binôme pour résumer leurs échanges. Puis ils se réunissent avec deux autres binômes, et ainsi de suite. Enfin, toutes les fiches sont affichées sous forme d’une petite expo thématique, qu’on peut visiter librement. In fine, tout le monde a entendu parler de toutes les innovations, et les fiches servent de matière première à d’autres ateliers plus prospectifs. Nous avons aussi testé du théatre/mime, des brainstormings qui finissaient sur une vidéo prospective, etc.</p>
<p>Cette première partie très dense a permis de construire une forme de petite communauté humaine et professionnelle en confiance, prête à innover dans la suite du workshop.</p>
<h2>Construire et inventer ensemble</h2>
<p>La suite, justement, nous avions volontairement décidé de ne pas la prévoir. Au début de la deuxième semaine, les participants ont construit eux-mêmes le programme. Les idées ont fusé. « Imaginons ensemble un enseignement dans la forêt d’à-côté ». « Organisons une session à la façon alcooliques anonymes où chacun, chacune, partage ses problèmes d’enseignants et demande aux autres de l’aider ». « Prévoyons une matinée “apprends-moi quelque chose” où chacun peut enseigner aux autres une pratique ». « Imaginons un réseau international pour soutenir la formation et l’innovation ».</p>
<p>Nous avons alors tous vécu une semaine formidablement libre et créative. Désormais en confiance et désinhibés, nous avons pu construire ensemble, chercher ensemble, penser ensemble, et même s’amuser ensemble. Nous avons passé une matinée en forêt à imaginer un enseignement immersif pour nos étudiants de première année. Nous avons assisté à un concert de violoncelle reliant physique et musique. Nous avons appris à utiliser le mime pour des pauses pédagogiques en amphi. Nous avons exploré de nouvelles modalités de cours. Au total, nous avons eu le sentiment d’innover, ou au moins d’échanger de façon fertile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467473/original/file-20220607-20-lcg8bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un site web réunit toutes les productions et les ateliers pour disséminer le workshop à ceux qui n’ont pas pu y assister.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En somme, nous avons réussi à faire vivre à une trentaine d’enseignants-chercheurs un workshop inspirant et fertile. Mais cela suffit-il à réinventer l’enseignement ? Certainement pas, car il manque les autres collègues, il manque le temps pour tester, évaluer, consolider, il manque les institutions et un point de vue plus politique.</p>
<p>Au final, cette petite conférence a plutôt été l’occasion de tester un nouveau format de workshop plus participatif. Voilà pourquoi le <a href="https://hebergement.universite-paris-saclay.fr/supraconductivite/physics-teaching/">site web</a> associé à l’évènement regroupe non seulement les productions mais surtout toutes les recettes pour animer un tel format. Même sur des temps plus courts, certaines idées ou certains ateliers peuvent être repris et adaptés à des contextes variés. En résumé, si vous attendez d’un collectif qu’il innove en matière pédagogique, ne vous contentez pas d’une réunion ou d’un brainstorming avec post-its.</p>
<p>Prenez le temps de construire le bon format. Offrez un cadre créatif à vos collègues, et ils seront plus créatifs. Derrière cette lapalissade se cache peut-être un des enjeux clés des transformations à venir.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur tient à remercier les autres organisateurs et organisatrices du workshop décrit ci-dessus : Frédéric Bouquet (Faculté des Sciences, Univ. Paris-Saclay), Jeanne Parmentier (Institut Villebon-Georges Charpak), Fabienne Bernard (Institut d’Optique Graduate School) et les designers Lou-Andreas Etienne et Adèle Nyitrai</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Bobroff a reçu des financements publics de l'Université Paris-Saclay, de sa Fondation et de son IDEX, du CNRS et de l'ANR.
</span></em></p>Pour réfléchir à de nouveaux modes de transmission des sciences et innover vraiment sur le plan pédagogique, encore faut-il construire un format de dialogue adéquat. Expérience.Julien Bobroff, Physicien, Professeur des Universités, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819142022-05-05T19:02:09Z2022-05-05T19:02:09ZDossier : À l'école, des initiatives pour réinventer la classe<p>En déstabilisant le cadre de la classe tel qu'on le connaissait jusque-là, avec un professeur dispensant son enseignement à une trentaine d'élèves l'écoutant sagement, assis chacun à leur table, la crise du Covid nous a incités à interroger les modes d'apprentissage classiques.</p>
<p>Si la quête de nouveaux modèles animait déjà auparavant un certain nombre de chercheurs et acteurs de l'éducation, comme le montrent par exemple les expériences autour de la <a href="https://theconversation.com/apprendre-autrement-lexperience-de-la-classe-mutuelle-97326">«classe mutuelle»</a> et du travail en groupe, l'enseignement à distance a mis à la «une» des questions fondamentales comme la place du corps en classe. Alors que Katie Headrick Taylor (University of Washington) nous montre combien le mouvement aide à l'acquisition de nouveaux savoirs, Sylvain Wagnon et Fabien Groeninger (Université de Montpellier) se demandent <a href="https://theconversation.com/le-corps-a-lecole-une-dimension-oubliee-152562">comment lutter contre la sédentarité scolaire</a>.</p>
<p>L'une des pistes pour rendre les élèves plus actifs et décloisonner les savoirs serait-elle la classe en plein air ? Celle-ci pourrait se mettre en place dans plus de situations qu'on ne l'imagine, <a href="https://theconversation.com/en-ville-les-ecoles-nature-sont-elles-possibles-180141">même en ville, poursuit Sylvain Wagnon</a>, confrontant par la même occasion les élèves à l'un des défis majeurs du XXI<sup>e</sup> siècle, l'urgence climatique.</p>
<p>Car dans un monde qui change, il s'agit aussi de former des citoyens à l'écoute des autres, capables de s'engager dans le débat public. Sébastien Claeys (Sorbonne Université) nous présente des dispositifs pour faire de l'école un <a href="https://theconversation.com/debat-et-si-on-faisait-de-lecole-un-laboratoire-didees-172996">laboratoire d'idées</a>, encourageant l'expression des jeunes, tandis qu'Omar Zanna (Le Mans Université) se penche sur la <a href="https://theconversation.com/cultiver-lempathie-quelques-cles-pour-aider-les-enfants-a-souvrir-a-lalterite-173376">pédagogie de l'empathie</a> et qu'Edwige Chirouter (Chaire Unesco/Nantes Université) éclaire l'idéal démocratique qui sous-tend les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-faire-de-la-philosophie-avec-des-enfants-168533">ateliers de philosophie</a> qui se développent à l'école primaire.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/en-ville-les-ecoles-nature-sont-elles-possibles-180141">En ville, les écoles « nature » sont-elles possibles ?</a></h2>
<p>Plus de 80 % de la population française est urbaine et, avec elle, l’extrême majorité des établissements scolaires. Dans ces conditions, comment développer des classes en plein air ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/cultiver-lempathie-quelques-cles-pour-aider-les-enfants-a-souvrir-a-lalterite-173376">Cultiver l’empathie : quelques clés pour aider les enfants à s’ouvrir à l’altérité</a></h2>
<p>Serions-nous empathiques d’abord, et parfois uniquement, avec ceux qui nous ressemblent ? Comment aider les enfants à vraiment comprendre et accepter la différence ? Quelques points de repère.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/a-lecole-ou-chez-soi-bouger-pour-mieux-apprendre-173764">À l’école ou chez soi, bouger pour mieux apprendre ?</a></h2>
<p>Quand on pense à un enfant qui fait ses devoirs, on l’imagine sagement assis à un bureau. Or de nombreux travaux de recherche soulignent l’importance du mouvement pour les apprentissages.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/apprendre-autrement-lexperience-de-la-classe-mutuelle-97326">Apprendre autrement : l'expérience de la classe mutuelle</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=476%2C12%2C1088%2C577&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=272&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=272&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222675/original/file-20180611-191978-1kykuvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=272&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A l'heure de l'intelligence artificielle, la classe mutuelle mise sur l'intelligence collective.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Faillet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>« L’école change avec le numérique », dit l’Éducation nationale. Mais avant d’équiper les établissements de matériel dernier cri, ne faut-il pas repenser le modèle figé de la salle de classe ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/le-corps-a-lecole-une-dimension-oubliee-152562">Le corps à l’école : une dimension oubliée</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C5%2C1106%2C619&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376783/original/file-20201229-21-9guiou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A l'école, c’est un corps obéissant que modèle la forme multiséculaire de la salle de classe, où les enfants sont assis toute la journée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>La sédentarité est l’une des menaces actuelles pour la santé des enfants et le ministère de l’Éducation vient de lancer une initiative pour inciter au sport. Un tournant dans l’histoire scolaire ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/pourquoi-faire-de-la-philosophie-avec-des-enfants-168533">Pourquoi faire de la philosophie avec des enfants ?</a></h2>
<p>Depuis une trentaine d’années, les propositions d’ateliers de philosophie pour enfants se multiplient. Que peuvent-ils apporter aux 6-10 ans ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/debat-et-si-on-faisait-de-lecole-un-laboratoire-didees-172996">Débat : Et si on faisait de l’école un laboratoire d’idées ?</a></h2>
<p>L’apprentissage du débat et sa pratique ouvrent des perspectives pour repenser la transmission des connaissances. Exemples.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Comment repenser la classe pour mieux préparer les élèves à un monde qui change ? Retour sur quelques initiatives et réflexions de chercheurs, de la pédagogie de l'empathie à l'école en plein air.Aurélie Djavadi, Cheffe de rubrique EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801542022-04-21T18:04:05Z2022-04-21T18:04:05ZPalladio, un héritage architectural riche de questionnements<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459088/original/file-20220421-22-ue5zja.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C14%2C874%2C583&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La villa Rotonda, en Vénétie, a été construite entre 1566 et 1571, en partie selon les plans de l'architecte Andrea Palladio.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Villa_Rotonda">Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Andrea Palladio est né à Padoue en 1508, au plus fort de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_Ligue_de_Cambrai">guerre de Cambrai</a>. Il appartenait à une famille modeste : fils du meunier Pietro della Gondola et de Marta, surnommée Zota, « qui boite » en italien de Vénétie.</p>
<p>Il y a cinq siècles, en 1521, âgé de 13 ans, il entre comme apprenti dans l’atelier du tailleur de pierre Bartolomeo Casazza. Cette même année, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Luther">Martin Luther</a> était excommunié par le pape <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_X">Léon X</a> ; par la <a href="https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1946_num_32_120_3011">Sorbonne</a> et par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Di%C3%A8te_de_Worms">Charles V</a>, élu empereur un an plus tôt.</p>
<p>Le tremblement de terre luthérien précipita les événements des sixièmes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerres_d%27Italie">guerres d’Italie</a>, avec une guerre de quatre ans qui opposa la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_de_Venise">République de Venise</a>, les Royaumes de France et de Navarre à la papauté, aux monarchies ibériques et anglaise et au Saint-Empire. Tous tentant d’envahir ou augmenter leur influence sur la péninsule la plus riche et urbanisée d’Europe, mais aussi la plus désunie politiquement.</p>
<h2>L’avènement de la modernité architecturale</h2>
<p>Après dix-huit mois comme apprenti chez Casazza, en 1523 la famille de Palladio déménage à Vicence. C’est de cette richissime ville de commerçants qu’était parti, avec l’expédition de Magellan, le navigateur, géographe et écrivain <a href="https://www.antoniopigafetta500.it/">Antonio Pigafetta</a> qui, en 1522, retournait, parmi les seuls survivants, de l’expédition démarrée en 1519. Il publia, en 1524, la célèbre <a href="https://archive.org/details/IlPrimoViaggioIntornoAlGloboDiAnt"><em>Relazione del primo viaggio intorno al mondo</em></a>, grâce à laquelle on connaît l’expédition.</p>
<p>Dans ce contexte de globalisation croissante, d’ascension des armées des grands territoires unifiés et de crise italienne, Palladio développe, dès ses premiers projets, une langue dite palladienne, qui pose les sédiments de la première Modernité architecturale. Il tourne ainsi la page de la Renaissance en Italie.</p>
<p>Son architecture se veut pédagogique, comme ses textes, diffusés grâce aux nombreuses imprimeries vénitiennes, capitale mondiale de l’imprimerie. Ses constructions sont presque une forme de « propagande » pour sa cause architecturale. Une cause nouvelle : celle d’un langage républicain, romain (donc laïque et italien) et reproductible.</p>
<p>La république de Venise vivait à l’époque de profonds bouleversements systémiques, économiques et alimentaires : c’est la <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_2000_num_55_2_279855_t1_0471_0000_1">Révolution agricole vénitienne</a>, avec ses assèchements, ses projets hydrauliques, la rationalisation du paysage et de l’économie agricole et l’introduction de produits venus des Amériques (patate, maïs).</p>
<p>Palladio répond à cette transformation avec l’invention d’une nouvelle « machine » architecturale : la villa agricole productive, lieu de représentation pour le bourgeois venu de la ville.</p>
<h2>Le père de l’architecture américaine</h2>
<p>De nombreux aspects de l’œuvre de Palladio seront admirés pour leurs innovations : décrits, dans les siècles successifs, au travers d’innombrables textes, et devenant sources d’inspiration pour des milliers d’architectes.</p>
<p>Le travail de Palladio, et en particulier ses <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k85654d.image"><em>Quatre livres de l’architecture</em></a> a connu un succès sans précédent. Peu d’architectes ont constitué un « canon » ayant eu un aussi grand retentissement.</p>
<p>Palladio a influencé des architectes de la <a href="https://journals.openedition.org/framespa/128">France révolutionnaire</a> à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Palladianisme">Scandinavie monarchique</a>, en passant par le <a href="https://visitesfabienne.org/palladio-a-londres/">Royaume-Uni</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=863&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=863&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459117/original/file-20220421-12-kou5ah.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=863&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les deux façades de la Maison Blanche, d’inspiration néo-palladienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison-Blanche#/media/Fichier:White_House_north_and_south_sides.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les <a href="https://www.nbm.org/palladio-legacy-transatlantic-journey/">colonies</a>, Palladio devient un modèle pour les États-Unis d’Amérique fraîchement indépendants. <a href="https://www.cca.qc.ca/fr/evenements/3454/found-in-translation-palladio-jefferson">Jefferson était un grand admirateur et imitateur de Palladio</a>, frôlant l’obsession pour l’architecte italien, et estimant, comme d’autres, que seule l’architecture palladienne, provenant de la plus durable et moderne république européenne, Venise, pouvait représenter les idéaux étatsuniens…</p>
<p>Le style palladien a véhiculé les idéaux de l’état, avec sa capitale neopalladienne, Washington, mais aussi les <a href="https://scholarscompass.vcu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1090&context=etd">villas dominant les plantations des esclavagistes</a>, représentations du pouvoir en place.</p>
<p>Ensuite, pour de nombreux esclaves libérés, les <a href="https://www.palladiomuseum.org/exhibitions/genealogies2012/schede/1?lang=it">tournures palladiennes sont reprises</a> pour la construction de leurs premières maisons. L’influence de l’architecte de Padoue est telle, qu’il fut déclaré <a href="https://www.congress.gov/bill/111th-congress/house-concurrent-resolution/259/text">« père de l’architecture américaine »</a> par le Congrès des États-Unis d’Amérique.</p>
<h2>Une influence sans frontières</h2>
<p>Il est aussi réinterprété pour la grandeur de la Russie tsariste, notamment à Saint-Pétersbourg, au travers des nombreux architectes italiens qui la dessinent, tels <a href="http://www.saint-petersburg.com/famous-people/antonio-rinaldi/">Antonio Rinaldi</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Domenico_Trezzini">Domenico Trezzini</a>, <a href="http://www.saint-petersburg.com/famous-people/carlo-rossi/">Carlo Rossi</a>, etc.</p>
<p>Dans la Russie socialiste, Palladio revient <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Joltovski">sous une forme stalinienne</a>.</p>
<p>Le Corbusier, avec son architecture, qui, comme celle de Palladio, est blanche d’abstraction et pédagogiquement fonctionnelle, peut être considéré comme un <a href="https://www.architectural-review.com/archive/the-mathematics-of-the-ideal-villa-palladio-and-le-corbusier-compared">cas d’influence récente</a>. Son <a href="https://www.mondotheque.be/wiki/images/d/d4/Corbusier_vers_une_architecture.pdf"><em>Vers une Architecture</em></a>, s’inscrit comme <em>I Quattro Libri dell’Architettura</em> dans une dualité manifeste-œuvre.</p>
<p>Pourquoi Palladio exerce-t-il encore aujourd’hui, après cinq siècles, une telle fascination auprès des architectes, comme en témoignent les textes et travaux d’archi-stars du XX<sup>e</sup> tel <a href="http://www.chiaraocchipinti.net/immagini/publications/booklets/2013%20vitale/02%20-%20educazione%20palladiana.pdf">Aldo Rossi</a>, <a href="https://eisenmanarchitects.com/Palladio-Virtuel">Peter Eisenman</a> ou <a href="http://www.dogma.name/">DOGMA</a> ?</p>
<p>Comment interpréter, aujourd’hui, les évolutions séculaires du palladianisme, à la lumière des contestations <a href="https://wp.unil.ch/bases/2013/08/post-colonialisme/#:%7E:text=Le%20post%2Dcolonialisme%20d%C3%A9signe%20un,de%20production%20de%20la%20connaissance.">postcoloniales</a> grandissantes, de la <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=%22cancel+culture%22"><em>cancel culture</em></a> ou d’appels au boycott contre les formes culturelles accusées d’être patriarcales, ou de critiques contre le Classicisme, <a href="https://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2012-4-page-387.htm">vu comme une sublimation de la culture eurocentrique</a> ?</p>
<h2>Un canon occidental idéalisé ?</h2>
<p>Il est donc légitime de se demander s’il y a encore besoin d’introduire Palladio ou l’histoire du Néo-classicisme, l’histoire des maîtres italiens, <a href="https://www.artnews.com/art-news/news/art-history-survey-courses-yale-university-1202695484/">dans le cursus des facultés d’architecture ou d’art</a>. Et, si oui, comment ? Pourquoi ?</p>
<p><a href="https://yaledailynews.com/blog/2020/01/24/art-history-department-to-scrap-survey-course/">L’Université de Yale a récemment cessé d’enseigner le cours d’introduction à l’histoire de l’art</a>, invoquant « l’incapacité à couvrir de manière adéquate l’ensemble du domaine – et ses diverses origines culturelles ». Tenu par des professeurs de renom, tels Vincent Scully, « Introduction à l’histoire de l’art : de la Renaissance à nos jours » était considéré comme l’un des cours les plus représentatifs du programme de Yale.</p>
<p>Ce changement est une réponse au malaise de nombreux étudiants à propos d’un « canon occidental idéalisé – un produit d’une foule d’artistes majoritairement blancs, hétéros, européens et masculins ». Le département d’histoire de l’art de cette université « souhaitait […] démontrer qu’un cours d’histoire de l’art, ce n’est pas seulement l’art occidental. Au contraire, alors qu’il existe tant d’autres régions, genres et traditions – tous également dignes d’être étudiés – mettre l’art européen sur un piédestal est “problématique”. »</p>
<h2>Un film pour explorer l’actualité de Palladio</h2>
<p>Si le travail de James S. Ackerman autour de la figure d’Andrea Palladio a apporté une contribution décisive à l’ouverture d’une phase fondamentale pour l’architecture des années 1970, je pense que Palladio peut, encore aujourd’hui, être une figure qui ouvre, plus encore que d’autres, des questions sur lesquelles nous devons travailler. Mon intérêt pour Palladio est né il y a quelques années, alors qu’il était au centre des ateliers de projets d’architecture, en première année, à la Faculté d’Architecture de l’ULB (Bruxelles).</p>
<p>À la même période, un producteur cinématographique m’a demandé de développer scientifiquement un projet de film sur Palladio, l’un des premiers du genre : un long métrage documentaire, réalisé avec les moyens d’une production cinématographique traditionnelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4p_jiI1PqYc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le projet est conçu comme un voyage à travers l’Europe et les États-Unis, passant des chefs-d’œuvre palladiens de Venise aux édifices inspirés par l’architecte padouan. Le film suit des groupes de différentes universités : une privée, d’élite, Yale ; l’autre publique, de masse, l’Université Libre de Bruxelles.</p>
<p>Je m’y mets en scène et m’interroge sur le rôle de l’architecture palladienne, et en général de la Renaissance, dans leur rapport à la contemporanéité, à l’enseignement de l’architecture. En toile de fond, le film pose la question de la nécessité d’étudier le passé.</p>
<p>Au cours du voyage, j’ai rencontré des érudits comme Kenneth Frampton et Peter Eismann. En tant que commissaire scientifique du film, j’ai préféré éviter une narration biographique « à la BBC », décidant plutôt de rester dans le domaine de la théorie palladienne et de ses aspects les plus vivants.</p>
<p>Ce documentaire d’architecture de deux heures, sans recours à la médiation traite de questions complexes habituellement réservées aux seuls « experts », mais il s’agit ici de faire une confiance absolue au public, même non spécialiste, pour apprécier cette plongée dans le monde de Palladio.</p>
<p>Le pari, coûteux, de faire l’un des premiers films documentaires – long-métrage – d’histoire de l’architecture, était risqué. Mais le risque a porté ses fruits, puisquil a été diffusé dans presque 500 cinémas, se classant dans le top 5 du box-office pendant les jours de projection, en 2019.</p>
<h2>Interroger l’architecture à partir de l’influence de Palladio</h2>
<p>Le thème cryptique que j’ai essayé d’introduire dans cette production était le suivant : un architecte de la fin de la Renaissance peut-il encore influencer la vie des étudiants d’aujourd’hui, ou représenter un matériel valable pour construire l’avenir de l’architecture ? Il était impossible d’aborder tous ces thèmes en deux heures.</p>
<p>Les questions, en revanche, demeurent : de quelles significations éthiques, symboliques, idéologiques sont « chargées » les colonnes néo-palladiennes – à évocation romaine – à travers le monde ? Au-delà, de quelles significations éthiques, symboliques, idéologiques sont chargées les architectures, aujourd’hui ?</p>
<p>L’époque de Palladio n’était pas seulement une phase critique pour l’ensemble du système européen – à savoir une phase de fléaux sanitaires, une crise de l’autonomie stratégique des la péninsule italienne, une crise religieuse, un développement des États-nations, une crise culturelle, l’apparition de nouveaux paradigmes – mais aussi une époque qui apporta des réponses formelles à ces crises. Que nous apprend ce contexte ? Qu’enseigne la réponse palladienne ? Que nous apprend la manière dont cet appareil formel, typologique et sémantique a été assimilé, exporté, interprété dans les siècles suivants ? Quelle place l’œuvre de Palladio occupe-t-elle encore dans les formes contemporaines ? Et dans l’environnement d’apprentissage de l’enseignement de l’architecture ?</p>
<p>Dans une phase de crise sanitaire et politique, économique et sociale d’une telle ampleur, que nous apprennent quatre siècles d’architecture palladienne et néo-palladienne ? Mesurer le poids de cet héritage peut nous apporter de nouveaux questionnements, précieux pour l’époque que nous traversons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180154/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregorio Carboni Maestri est le commissaire scientifique du film documentaire "Palladio", sorti en mai 2019. </span></em></p>Le travail de Palladio a connu un retentissement sans précédent. Mais que signifie cette influence aujourd’hui ?Gregorio Carboni Maestri, Ph.D., dott. arch., Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810982022-04-19T16:39:44Z2022-04-19T16:39:44ZTrois questions sur l’histoire des livres pour enfants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/457459/original/file-20220411-8252-tu69bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C20%2C995%2C727&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les premiers textes que l’on met entre les mains des enfants sont des « outils » scolaires, des abécédaires, des extraits d’œuvres littéraires…</span> </figcaption></figure><p><em>C'est en se heurtant au réel et en multipliant les expériences que chaque enfant dessine son chemin vers l'âge adulte. Mais sa personnalité et ses convictions, il les forge aussi à partir des imaginaires dans lesquels il baigne et des histoires qu'on lui raconte. Notre série « L'enfance des livres » vous invite à découvrir la complexité et l'extraordinaire diversité de la littérature de jeunesse. Après un retour sur <a href="https://theconversation.com/cinq-auteurs-de-jeunesse-a-faire-absolument-decouvrir-aux-enfants-185235">quelques grands auteurs d'aujourd'hui</a>, <a href="https://theconversation.com/becassine-lheroine-qui-avait-du-mal-a-grandir-184751">une figure indémodable, Bécassine</a>, puis l'écriture de<a href="https://theconversation.com/parler-de-la-traite-des-esclaves-aux-enfants-alma-lhistoire-dun-roman-178796"> Timothée de Fombelle</a>, ce quatrième épisode vous offre une plongée dans son histoire.</em></p>
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<p>Il est nécessaire de distinguer ce qu’on appelle « livres pour enfants » de ceux qui forment une « littérature pour l’enfance et la jeunesse ». Il faudra des siècles pour passer des premiers aux seconds, et cette littérature ne cessera ensuite de se transformer. Posons quelques jalons dans cette histoire complexe, qu’on nous pardonnera de simplifier ainsi.</p>
<p>Les premiers textes que l’on met entre les mains des enfants sont des « outils » scolaires, des <a href="https://journals.openedition.org/strenae/2431">abécédaires</a>, des extraits d’œuvres littéraires… Cela existe dès l’antiquité. Les enfants sont aussi nourris par une littérature orale de contes et fables mythologiques. Le Moyen Âge va produire le même genre de textes qui vont devenir des livres, manuscrits d’abord, imprimés ensuite.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-les-premiers-livres-pour-enfants-ressemblaient-ils-140922">À quoi les premiers livres pour enfants ressemblaient-ils ?</a>
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<p>Le tout premier livre écrit pour un jeune de quinze ans et son frère plus petit a été écrit entre 841 et 843 à Uzès par Dhuoda, duchesse de Septimanie, intitulé <em>Manuel pour mon fils</em> (traduction de Pierre Riché, 1975). Cette mère écrit ce livre pour faire de son fils un parfait aristocrate chrétien : c’est un manuel d’éducation civique et religieuse. À partir du XIII<sup>e</sup> siècle, on trouvera aussi des ouvrages didactiques écrits par des laïcs pour leurs enfants, et des livres religieux leur sont clairement destinés : « Heures à fille » ou « à garçon », et aussi un « psautier d’enfant ».</p>
<h2>Quand la littérature de jeunesse apparaît-elle ?</h2>
<p>Dans la fiction produisant une morale à inculquer à l’enfance, il faut signaler le rôle des fables d’Ésope. Dès le XV<sup>e</sup> siècle, on en imprime en petit format, avec de gros caractères et des gravures sur bois, un texte traduit en français, pour un lectorat populaire et un <a href="https://www.fayard.fr/histoire/jouets-de-toujours-9782213607931">public enfantin</a>, lequel n’est pas encore la cible unique de ces premiers éditeurs. Signalons cependant un incunable imprimé à Lyon en 1484 qui porte des marques d’appropriation par un enfant, qui dessine et fait des commentaires sur le livre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457433/original/file-20220411-20-9esqle.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le loup et le renard, Fables d’Ésope, précédées de sa vie, traduites de latin en français par frère Julien, des Augustins de Lyon, 1484.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BNF, Gallica</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Aux XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> siècles le répertoire des <a href="https://www.persee.fr/doc/licla_0992-5279_1991_num_14_1_1265">livres pour enfants</a>, scolaires, religieux, moraux, fictionnels, ne cesse de s’élargir jusqu’à ce qu’apparaisse la littérature pour la jeunesse.</p>
<p>La naissance de cette littérature se fait en France en deux étapes, fin XVII<sup>e</sup> et milieu XVIII<sup>e</sup> siècle. Nous n’évoquerons que la première étape, qui préfigure la <a href="https://sflgc.org/bibliotheque/nieres-chevrel-isabelle-la-litterature-denfance-et-de-jeunesse-entre-la-voix-limage-et-lecrit/">littérature de jeunesse</a> à propos d’une éducation princière et de jeux littéraires de salons, alors que la seconde diffusera largement des livres pour l’enfance dus à des auteurs de plus en plus spécialisés dans l’écriture pour un jeune public.</p>
<p>Deux noms symbolisent la première étape : Fénelon et Perrault. François de Salignac de la Motte Fénelon (1651-1715) publie en 1687 son <em>Traité de l’Éducation des filles</em>, dans lequel il conseille, pour que les enfants aient envie d’apprendre à lire, de</p>
<blockquote>
<p>« leur raconter des choses divertissantes qu’on tire d’un livre en leur présence […]. Il faut leur donner un livre bien relié, doré même sur la tranche, avec de belles images et des caractères bien formés. Tout ce qui réjouit l’imagination facilite l’étude : il faut tâcher de choisir un livre plein d’histoires courtes et merveilleuses […] ».</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457438/original/file-20220411-12-5brtsg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Les Aventures de Télémaque</em> par Fenelon ornées de figures gravées d’après les desseins de C. Monnet, peintre du roi, par Jean Baptiste Tilliard.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:T%C3%A9l%C3%A9maque_title_page_-_INHA.jpg">INHA, Augustin de Saint-Aubin/Wikimedia</a></span>
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<p>Il devient en 1689 le précepteur du Duc de Bourgogne âgé de sept ans et de ses frères le duc d’Anjou, six ans, et le duc de Berry, trois ans, les petits-fils de Louis XIV. Il écrit alors pour eux une littérature graduée selon les âges. Pour les petits il produit des contes et des fables dont <em>Voyage dans l’Ile des Plaisirs</em> (<em>Fables, VIII</em>), l’un des archétypes des contes sur la gourmandise, avec une île en sucre, des montagnes de compote et des fleuves de sirop et le dormeur est réveillé la nuit par la terre qui vomit « des ruisseaux bouillants de chocolat mousseux ».</p>
<p>Ensuite, il raconte la vie des philosophes (<em>Abrégé de la vie des Anciens philosophes</em>) et il écrit des entretiens imaginaires entre de grands hommes (<em>Dialogues des Morts</em>) enseignant ainsi l’histoire et la morale, et il termine par le premier roman pour adolescents de notre littérature, les <em>Aventures de Télémaque</em> (1699). Il a choisi la fiction pour séduire son élève par la douceur, contournant ainsi le caractère orgueilleux et irascible du Duc de Bourgogne. Si le Télémaque eut un succès de librairie considérable, il reste que cette construction d’une littérature pour enfants et adolescents est au départ située dans une éducation princière, privée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457440/original/file-20220411-6515-rp0kfr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration des Contes de ma Mere l’Oye, datant de 1695.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5f/Perrault_1695_Contes.jpg">Morgan Library/Wikimedia</a></span>
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<p>Charles Perrault inscrit ses <em>Contes de ma Mère l’Oye</em> (1697) dans un jeu littéraire de salon, pour adultes, comme le fait Madame d’Aulnoy dans ses recueils de 1697 et 1698. Pourtant, ces deux auteurs affichent officiellement le désir de toucher un <a href="https://didier-jeunesse.com/collections/passeurs-dhistoires/introduction-la-litterature-de-jeunesse-9782278059201">public enfantin</a>. Perrault, dans sa préface de 1695 conseille aux parents d’envelopper des vérités solides « dans des récits agréables et proportionnés à la faiblesse de leur âge ». Il montre qu’il a finement observé les réactions des auditoires enfantins.</p>
<p>Quant à Madame d’Aulnoy, pour se mettre à la portée des enfants, elle utilise un style qui a souvent été qualifié de niais et puéril. Mais les contes de Perrault et ceux de Madame d’Aulnoy sont effectivement devenus une partie du patrimoine littéraire pour l’enfance.</p>
<h2>Qui sont les premiers éditeurs pour enfants ?</h2>
<p>À partir du milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle, des livres sont véritablement écrits pour les enfants par des auteurs et des libraires éditeurs en voie de spécialisation. Il s’agit d’offrir aux enfants des fictions qui soient leur littérature et, pour cela, des personnages d’enfants sont mis en scène par de nouveaux auteurs : Madame Leprince de Beaumont, Madame d’Épinay, <a href="https://theconversation.com/redecouvrir-la-maison-pedagogique-de-madame-de-genlis-134620">Madame de Genlis</a>, Arnauld Berquin.</p>
<p>En une cinquantaine d’années, un grand progrès est accompli dans la qualité d’observation des enfants, dans les réflexions sur leur psychologie et sur l’éducation. Cela entraîne une fièvre éditoriale pour publier en abondance des livres pour enfants, comme le constate en 1787, à la foire de Leipzig, un instituteur allemand, L.F. Gedike.</p>
<p>Mais cela ne suffit pas pour créer de grands éditeurs spécialisés. Pour cela, il faut attendre le premier tiers du XIX<sup>e</sup> siècle, avec deux éditeurs spécialisés dans le livre de jeunesse, et qui sont aussi des auteurs, Pierre Blanchard (1772-1856) et Alexis Blaise Eymery (1774-1854). Cependant, leur assise économique et industrielle reste encore assez faible et ce n’est qu’un peu plus tard que s’imposent sur le marché du livre d’enfance de grands éditeurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=767&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=767&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=767&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=964&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=964&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457444/original/file-20220411-23-wbzfy5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=964&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Rouen, le livre et l’enfant de 1700 à 1900</em>, Armelle Sentilhes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://catalogue-editions.ens-lyon.fr/fr/livre/?GCOI=29021100071010">ENS Éditions</a></span>
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<p>Alors que s’invente une nouvelle <a href="https://www.ricochet-jeunes.org/ouvrages-de-recherche/dictionnaire-du-livre-de-jeunesse-la-litterature-denfance-et-de-jeunesse-en">littérature pour la jeunesse</a> dans les années 1830, la loi Guizot du 28 juin 1833 augmente la scolarisation et donc le lectorat enfantin. À cette demande accrue de livres pour enfants, il y a d’abord une réponse « industrielle », qui est d’abord le fait des éditeurs catholiques de province, dont certains existaient déjà dans l’Ancien Régime (Barbou à Limoges, Mame à Tours, Lefort à Lille, Mégard à Rouen, Périsse à Lyon, Aubanel à Avignon, Douladoure à Toulouse) ou sont apparus dans le premier tiers du XIX<sup>e</sup> siècle (Ardant à Limoges, en 1804, Lehuby à Paris succédant à Blanchard en 1833).</p>
<p>Ces maisons créent des Bibliothèques pour la jeunesse, elles occupent des milliers d’ouvriers, s’équipent en machines modernes et concentrent toutes les tâches – impression, reliure, illustration. <a href="https://books.openedition.org/pur/115773?lang=en">Mame</a> a, en 1855, 1500 ouvriers et il relie 10 à 15 000 volumes par jour. Mégard produit six millions de volumes durant le Second Empire alors que Mame en produit autant par an. En 1862 six maisons provinciales, Mégard, Barbou, Ardant, Périsse, Mame et Lefort, publient près de dix millions de volumes. Les maisons parisiennes n’ont pas de telles productions, mais elles sont plus innovantes dans le domaine de la qualité littéraire et des collections créées.</p>
<p>Louis Hachette crée le périodique <em>La Semaine des Enfants</em> en 1857 et la Bibliothèque rose illustrée en 1858. Hetzel publie le premier numéro du <em>Magasin d’éducation et de récréation</em> en 1864. Les grands noms de la littérature de jeunesse publient à Paris, la comtesse de Ségur chez Hachette, Jules Verne chez Hetzel, et bien d’autres encore. Cette distorsion entre le monde éditorial provincial et celui de Paris s’accompagne de débats sur ce que doit être un livre pour enfants.</p>
<h2>Ces premiers livres jeunesse avaient-ils pour but de divertir ou d’éduquer les enfants ?</h2>
<p>Les débats sur les livres pour enfants dépendent des positions idéologiques et des différentes visions de l’enfance. Pour les éditeurs catholiques, il s’agit de former une jeunesse aux valeurs chrétiennes selon une vision d’une enfance et d’une jeunesse passives qu’il faut sauver en la formant par l’enseignement et par des lectures approuvées par l’épiscopat.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maroussia-un-conte-du-xix-siecle-sur-lindependance-de-lukraine-180432">Maroussia, un conte du XIXᵉ siècle sur l’indépendance de l’Ukraine</a>
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<p>Pierre Jules Hetzel proclame son mépris pour ce genre de littérature industrielle, avec des auteurs payés à la quantité de livres, et des ouvrages qu’il considère comme « sans goût ni parfum, ces livres plats et sans relief, ces livres bêtes, je veux dire le mot, auxquels semble réservé le privilège immérité de parler les premiers à ce qu’il y a de plus fin, de plus subtil et de plus délicat au monde, à l’imagination et au cœur des enfants » (Préface à Louis Ratisbonne, <em>La Comédie enfantine</em>, Hetzel, 1860).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=841&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=841&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=841&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457447/original/file-20220411-23-cbuoyf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Semaine des enfants, Mlle Lili aux tuileries.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/91/Hetzel_Magasin1903_d283_Semaine_des_enfants_-_Mlle_Lili_aux_tuileries.png">Lorenz Frølich/Wikimedia</a></span>
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<p>Dans ses <em>Albums Stahl</em>, Hetzel met en scène de petits enfants illustrés par les dessins pleins de tendresse de Frölich, et, par ailleurs, en publiant Jules Verne, il offre aux adolescents le parfum de l’aventure et des territoires exotiques. De son côté, Hachette, en publiant la comtesse de Ségur ne donne pas une représentation d’enfants toujours sages et pieux, et il va même jusqu’à offrir à ses jeunes lecteurs des enfants terribles, ceux dont Trim nous raconte les exploits avec les illustrations de Bertall, dans des albums pour les trois à six ans. Ainsi commence-t-on à <a href="https://books.openedition.org/pur/41332?lang=en">s’intéresser aux plus jeunes</a>.</p>
<p>Et l’on va jusqu’à destiner des livres aux « bébés » pour lesquels une offre dédiée s’élargit dans les années 1860, sachant que le terme emprunté à l’anglais « Baby », concerne les enfants petits, pas les nourrissons. On observe des tentatives de périodiques pour les Bébés entre 1862 et 1878, et l’éditeur Théodore Lefevre qui écrit sous le pseudonyme de Madame Doudet, publie une « Bibliothèque de Bébé », avec vingt titres entre 1871 et 1900, qui s’adresse aux enfants de quatre à huit ans. On commence aussi à utiliser l’expression de livres « pour les tout-petits », qui deviendra majoritaire après la Première Guerre mondiale. Mais c’est seulement dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle que les « vrais » bébés auront droit à leurs livres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Manson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la littérature de jeunesse telle qu'on la définit est véritablement née au XIXᵉ siècle, au Moyen Âge, déjà, on concevait des livres pour les enfants.Michel Manson, Historien, professeur émérite en sciences de l'éducation, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801412022-04-03T16:13:46Z2022-04-03T16:13:46ZEn ville, les écoles « nature » sont-elles possibles ?<p><em>Cet article a été co-écrit avec Corine Martel, conseillère pédagogique et directrice du centre EducNatu’re de Restinclières et chargée de cours à la faculté d’éducation de l’université de Montpellier.</em></p>
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<p>Plus de 80 % de la population française est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806684">urbaine</a> et, avec elle, l’extrême majorité des établissements scolaires. Comment permettre alors à la plupart des élèves de bénéficier de ces classes en plein air dont on parle de plus en plus ? L’école dans la nature peut-elle vraiment devenir la <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/accueil/400-lecole-dans-et-avec-la-nature.html">révolution pédagogique du XXIᵉ siècle</a> ?</p>
<p>D’abord, rappelons que, si le terme « nature » implique un endroit où la verdure l’emporte sur le béton, il est aussi important de porter notre attention sur les petits coins végétalisés et les parcs présents en ville. Il est nécessaire de ne pas oublier que, sous le goudron, il y a la terre.</p>
<p>Malgré la densification urbaine, la nature est présente autour de nous, tout le temps, qu’il s’agisse d’un parc, de jardins partagés, d’arbres le long d’une avenue ou plantés sur des toits et même du ciel où vit une biodiversité invisible (bactéries, champignons et levures transportés par les gouttelettes d’eau). La politique actuelle de <a href="https://theconversation.com/comment-on-vegetalise-les-villes-63636">végétalisation des espaces urbains</a> ouvre de nouvelles perspectives aux enseignants.</p>
<p>Avec la multiplication des projets stratégiques qualifiés de « ville nature », « ville verte » ou <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/trame-verte-et-bleue">« trame verte et bleue »</a>, il s’agit de développer une ville plus résiliente, de limiter les conséquences du réchauffement climatique, ce qui se traduit en zones urbaines par la réduction des îlots de chaleur urbains donc par la plantation d’arbres ou la mise en place de toitures végétalisées. Autant d’éléments qui sont des <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/761943/ecole-en-plein-air-comment-les-collectivites-peuvent-preparer-le-terrain/">leviers et des ressources</a> pour une école dehors en ville.</p>
<h2>L’école dehors en ville, un réel besoin</h2>
<p>L’engouement pour l’école dehors ne peut pas être réduit à la période de crise sanitaire et de confinement que nous avons vécu ; l’enseignement en nature et avec la nature est une nécessité et un besoin. En effet, au-delà de l’idée de <a href="https://institut-eco-pedagogie.be/spip/IMG/pdf/Le_de_ficit_de_nature.pdf">déficit de nature</a>, les études montrent bien l’intérêt de la nature pour les équilibres psychiques, la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/documents/article/la-pratique-de-jeux-en-plein-air-chez-les-enfants-de-3-a-10-ans-dans-l-etude-nationale-nutrition-sante-enns-2006-2007">santé en général</a> ou la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.00305/full">créativité</a>, des éléments fondamentaux pour une éducation harmonieuse et respectueuse des <a href="https://ethos.bl.uk/OrderDetails.do?uin=uk.bl.ethos.739436">besoins et du rythme biologique des enfants et de adolescents</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-et-pourquoi-aider-les-enfants-a-se-rapprocher-de-la-nature-99327">Comment (et pourquoi) aider les enfants à se rapprocher de la nature</a>
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<p>La densification des villes a clairement réduit les liens entre les êtres humains et leurs environnements. Conjuguée à une sédentarisation croissante, en confinant les enfants dans des espaces exigus, cette évolution n’a fait qu’accélérer le fossé entre les jeunes enfants et la nature, alors même qu’ils aspirent à bouger, courir et profiter d’espaces de loisirs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le terrain vague à usage de parking sauvage de l’école maternelle Eugène Leroy s’est métamorphosé depuis quelques mois en jardin gourmand. (Ville de Lormont, 2021).</span></figcaption>
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<p>Les programmes, dans la plupart des disciplines, insistent, en particulier par l’éducation à l’environnement, à la connaissance des liens entre les êtres humains et la nature. <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-l-action-2016-1-page-13.htm">Marie Jacqué</a> souligne l’importance des conceptions diverses de la nature par les enseignants. Il peut en effet s’agir de la représentation d’une nature sans l’espèce humaine : une nature à respecter, à préserver pour elle-même. Dans cette perspective, c’est une approche sensible de la nature qui est privilégiée.</p>
<p>Mais la nature peut aussi être comme un écosystème à comprendre dans ses relations entre vivants. Cette approche contribue habilement à privilégier les pratiques pédagogiques coopératives, d’échanges avec les pairs et d’entraide.</p>
<p>Dans tous les cas, les enseignants qui pratiquent cette école dehors en ville font le choix d’ancrer leurs apprentissages au plus près du réel, afin que leurs élèves réalisent des observations in situ qui serviront de support pour des apprentissages en classe. Car, paradoxalement, l’impact du bâti humain peut permettre l’observation d’une biodiversité composée de refuges pour certaines espèces animales et végétales suite à la destruction des espaces naturels. C’est ainsi que peuvent s’élaborer en ville des projets, supports de la biodiversité, tels que les <a href="https://www.ofb.gouv.fr/les-aires-terrestres-educatives">Aires Terrestres Éducatives</a> ou les ABC de biodiversité, la <a href="https://edd.ac-versailles.fr/spip.php?article434">labellisation E3D</a> des écoles et établissements.</p>
<p>Cette évolution n’est d’ailleurs pas seulement scolaire mais pensée sur des temps périscolaires avec la création des <a href="https://theconversation.com/des-terrains-daventure-pour-redessiner-la-place-des-enfants-en-ville-159936">terrains d’aventures</a>, espaces éducatifs permettant aux enfants de s’approprier des espaces naturels.</p>
<h2>Classe promenade et végétalisation</h2>
<p>La classe-promenade représente l’une des activités les plus emblématiques et évidentes de l’école à l’extérieur. Elle fait partie de l’histoire scolaire française et <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55686131.texteImage">d’une école vivante</a>. Au début du XX<sup>e</sup> siècle, les pédagogues <a href="https://www.cairn.info/revue-les-etudes-sociales-2019-2-page-203.htm">Élise et Célestin Freinet</a> reprennent cette activité pour en faire une <a href="https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/6109">pratique emblématique</a> de leur pédagogie en lui donnant une visée pluridisciplinaire et permettre aux enfants d’être réellement les acteurs de leurs apprentissages. Cette promenade est l’occasion de développer avec les enfants leurs sensibilités à l’environnement, et de favoriser l’expérimentation directe avec la nature. Pour les époux Freinet, cette activité est un levier pour transformer radicalement les façons d’enseigner et de faire apprendre en développant l’entraide, les partages et la coopération entre enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-ecoles-montessori-et-freinet-evitons-les-malentendus-116844">Débat : Écoles Montessori et Freinet, évitons les malentendus !</a>
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<p>Aujourd’hui, elle peut être un outil pour développer cette école avec la nature en ville. Certes, les mesures administratives rendent parfois complexe la sortie d’une classe à l’extérieur, néanmoins l’objectif n’est pas de partir loin, mais plutôt d’observer l’espace proche ou la nature est présente sous toutes ses formes.</p>
<p>Le mouvement actuel de végétalisation des cours de récréation est une occasion de développer l’école dehors au sein même des établissements. Les avantages ne se limitent pas à imaginer une flexibilité des lieux d’apprentissages, mais à développer des espaces plus résilients face au réchauffement climatique. Cela permet en outre de lutter contre les risques d’inondation dans certaines villes et de créer des corridors de déplacements pour les espèces animales.</p>
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<figcaption><span class="caption">Végétalisation des cours des écoles lilloises (France 3 Hauts-de-France, 2021).</span></figcaption>
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<p>Passer de la cour asphaltée à la cour naturalisée, amener la nature dans la cour est l’occasion de repenser les pratiques pédagogiques, en élaborant un potager, un jardin, en mettant en œuvre des projets disciplinaires ou pluridisciplinaires à tous les niveaux du premier comme du second degré. L’accès facile, l’absence de mesures administratives spécifiques sont autant de moyens de transformer ces espaces végétalisés en pivots de la construction des apprentissages, avec des temps de lecture mais aussi de calcul ou tout simplement de repos au sein de la nature lors des pauses méridiennes.</p>
<p>Transformer sa façon d’enseigner implique une réflexion de fond sur ce que l’on veut et peut faire. C’est une <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/contenus-complementaires?id_attachment=1405">révolution de velours</a> dans le sens ou finalement, il ne s’agit pas de changements s’inscrivant dans une rupture avec son enseignement précédent mais d’un processus fluide et complémentaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Wagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus de 80 % de la population française est urbaine et, avec elle, l’extrême majorité des établissements scolaires. Dans ces conditions, comment développer des classes en plein air ?Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.