tag:theconversation.com,2011:/id/topics/ravageurs-27064/articlesravageurs – The Conversation2022-05-10T21:47:42Ztag:theconversation.com,2011:article/1819122022-05-10T21:47:42Z2022-05-10T21:47:42ZLe niébé, une alternative pour la souveraineté alimentaire des pays d’Afrique subsaharienne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462214/original/file-20220510-22-a45d3j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C3695%2C2428&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un producteur dans un champ de niébé au Sénégal.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Appartenant à la famille des Fabaceae, le niébé <em>Vigna unguiculata (L.) Walp</em> est une légumineuse à graines originaire d’Afrique, aujourd’hui cultivée dans presque toutes les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-34555-9">régions tropicales et subtropicales</a>. Le niébé représente la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S037842900300039X?via%3Dihub">plus importante culture</a> de légumineuse à graines d’Afrique subsaharienne, en particulier dans les zones de savane aride à semi-arides. Les principaux pays producteurs sont le Nigéria et le Niger qui représentent à eux deux près de la moitié de la production mondiale.</p>
<p>Cette denrée de base, exploitée et valorisée de manière efficiente, pourrait constituer un véritable rempart contre la malnutrition et la dépendance vis-à-vis de certains produits comme le riz, les protéines animales et le blé, dont on mesure aujourd’hui, à la lumière du conflit Russo-Ukrainien, les vulnérabilités pour les populations subsahariennes. Le niébé offre aussi un large éventail de possibilités gastronomiques, pour la plupart méconnues. Par exemple, plus de 50 plats peuvent être réalisés avec ce dernier, incluant entrées, plats de résistance, desserts, et <a href="https://www.enqueteplus.com/content/diversification-des-fili%C3%A8res-les-merveilles-du-ni%C3%A9b%C3%A9">même le pain</a> !</p>
<h2>Origine et distribution géographique du niébé</h2>
<p>Après la domestication de ses formes sauvages par les premiers cultivateurs d’Afrique, dès le Néolithique, le niébé fut rapidement introduit en Inde. Les dates de l’introduction du niébé en Europe divergent et font toujours l’objet de débats entre scientifiques, mais tout le monde s’accorde sur le fait que le niébé y était déjà consommé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vigna_unguiculata">quelques siècles avant notre ère</a>. Alors appelé dolique à œil noir, habine des Landes ou haricot Mongette de Provence, il était cultivé dans le sud de la France avant son remplacement progressif par le haricot commun (<em>Phaseolus vulgaris</em> L.), plus productif et mieux adapté aux climats tempérés.</p>
<h2>Importance nutritionnelle, patrimoniale et socio-économique du niébé</h2>
<p>Le niébé occupe une bonne place dans les politiques de diversification agricole en Afrique de l’Ouest et du Centre. À ce titre, les états de la région tentent d’accompagner le regain d’intérêt pour cette plante locale longtemps délaissée malgré ses nombreuses vertus et en particulier ses qualités nutritionnelles. Avec un contenu en protéines supérieur à 20 %, la graine mûre représente une source importante d’acides aminés. Elle contient une grande quantité d’amidon (50 à 67 %) et présente de fortes teneurs en fibres alimentaires et en vitamines de type B (acide pantothénique ou acide folique). La graine est également riche en microéléments essentiels, tels que le fer, le calcium et le zinc et possède une faible de teneur en matière grasse, ce qui en fait une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jsfa.7644">ressource très intéressante</a> d’un point de vue nutritionnel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462262/original/file-20220510-26-y5ht2m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graines de niébé.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Seule la présence de quelques facteurs antinutritionnels, qui peuvent réduire la digestibilité ou bien la biodisponibilité de certains minéraux essentiels (Magnésium, Calcium, Fer, Zinc), <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10904935/">constituent des freins</a> pour l’acceptabilité et la promotion de cette légumineuse à graine. L’utilisation des différentes techniques de préparation et des efforts dans la sélection variétale visant à réduire ces composés antinutritionnels pourraient permettre de limiter les effets indésirables et d’améliorer encore les vertus du niébé.</p>
<p>En Afrique subsaharienne, le niébé est un aliment de base très prisé pour ses feuilles, ses gousses vertes et ses graines sèches pour l’alimentation humaine, ou pour ses fanes riches en protéines, qui constituent un fourrage de qualité pour le bétail. En plus de leur haute teneur en protéines, comparable aux graines mûres, les fanes présentent des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jsfa.7644">taux d’acides aminés essentiels</a> encore plus élevés. Ces dernières sont une ressource très prisée durant la saison sèche car les paysans qui récoltent et stockent le fourrage de niébé pour la vente en pleine saison sèche augmentent leurs revenus de 25 %.</p>
<p>Dans la moitié nord du Sénégal, la récolte des cultures vivrières traditionnelles, comme le mil, le sorgho, l’arachide, et les variétés tardives de niébé sous forme de gousses sèches ont généralement lieu entre octobre et décembre. La possibilité de récolter les variétés de niébé à cycle court, c’est-à-dire à récolte précoce, est très importante car elle procure de la nourriture à un moment de l’année où les greniers sont presque vides (période de soudure).</p>
<p>La vente des gousses est aussi une opportunité pour les producteurs, et notamment les femmes qui sont très souvent impliquées dans la culture, la récolte et la vente de niébé, d’obtenir des revenus à une période critique où les prix des autres denrées sont au plus haut.</p>
<p>Depuis plusieurs années, cette spéculation est passée d’une culture vivrière à une culture de rente, au même titre que l’arachide. Le circuit de transformation du niébé est très prometteur : non seulement le prix est plus rémunérateur, mais il y a aussi beaucoup plus de possibilités de valorisation. Les transformatrices sénégalaises disent que tout ce qui peut être réalisé avec le mil, le maïs et le riz, peut l’être avec le niébé.</p>
<h2>Modes de cultures et services écosystémiques</h2>
<p>En Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal et au Burkina Faso, le niébé joue un rôle majeur dans la rotation ou l’association avec des cultures de céréales (maïs, mil et sorgho), en particulier en zones caractérisées par une faible pluviométrie et des sols peu fertiles. Au Sénégal, le niébé est surtout cultivé dans les régions de Diourbel, Louga et Thiès. Avec à peine 300-500 mm d’eau par an et une pluie erratique qui se répartit sur les trois mois d’hivernage (juillet-septembre), cette zone est sujette aux sécheresses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462263/original/file-20220510-24-dwulh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Champ de niébé au Sénégal.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’utilisation par les producteurs de plusieurs variétés améliorées par la recherche agricole, qui bouclent leurs cycles en 2 mois, permet de limiter l’impact des sécheresses et d’obtenir des gousses fraîches en pleine période de soudure.</p>
<p>Outre ces variétés à cycle court, d’autres variétés très appréciées des producteurs à port érigé ou rampant sont également disponibles. Grâce à l’utilisation de semences de qualité, les rendements en graines peuvent atteindre 800 kg, voire 1,3 tonne par hectare avec les nouvelles variétés.</p>
<p>En dépit d’une teneur en protéines importante, les besoins en azote minéral pour la culture du niébé sont peu élevés. Ce paradoxe peut s’expliquer par une particularité commune à une grande partie des légumineuses qui sont capables de fixer le diazote atmosphérique présent en abondance dans l’air grâce à une interaction symbiotique avec des bactéries du sol, appelées rhizobiums. Cette symbiose fixatrice d’azote procure aux légumineuses un avantage net dans des sols pauvres et représente un levier d’amélioration de la productivité des cultures associées complémentaires telles que le mil, le sorgho ou le maïs, et participe à la durabilité des agroécosystèmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-recherche-participative-au-senegal-une-bonne-recette-pour-booster-lagriculture-124828">La recherche participative au Sénégal, une bonne recette pour booster l’agriculture</a>
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<p>Afin d’améliorer la production tout en respectant l’environnement, divers types de biofertilisants sont utilisables comme les engrais organiques ou le compost (résidus d’origine végétale et/animale décomposés, stabilisés et enrichis) qui sont couramment utilisés mais insuffisants pour couvrir de grandes surfaces de cultures. L’inoculation de microorganismes promoteurs de croissance des plantes, comme les bactéries fixatrices d’azote (rhizobiums) ou les champignons endomycorhiziens, représentent également un levier potentiel d’amélioration de la production du niébé et <em>a minima</em> de stabilisation des rendements en graines. Leur utilisation par inoculation, une technique simple d’apport en masse des microorganismes sélectionnés au moment du semis, est en cours de structuration au Sénégal avec le développement d’unités de production de champignons mycorhiziens en milieu paysan.</p>
<h2>Opportunités, attentes des communautés d’acteurs et mesures d’accompagnement nécessaires</h2>
<p>Pour l’heure, au Sénégal, les principaux freins au développement de cette culture sont l’accès à des semences de qualité, la pauvreté des sols, les ravageurs, les processus de transformation et l’organisation de la filière.</p>
<p>Pour lever ces freins, il est donc nécessaire de soutenir les sélectionneurs qui développent des variétés de niébé plus résistantes à la sécheresse et aux principaux ravageurs de culture. La sélection de variétés résistantes permettant une lutte préventive contre les ravageurs est d’autant plus importante que les traitements curatifs par des produits phytosanitaires qui accroissent les problèmes sanitaires (risques d’intoxication), économiques (coûts de ces produits) et environnementaux (appauvrissement des sols, pollution des nappes). Les pratiques culturales, comme l’association niébé-céréale, peuvent également atténuer l’impact de certaines maladies. Pour renforcer ou diversifier le circuit de transformation, le financement de projets intersectoriels permettant d’intégrer et de valoriser le savoir-faire local est primordial, par exemple le développement de solutions et de sites dédiés à la bonne conservation des grains, la transformation et leur commercialisation. </p>
<p>Si un cadre national interprofessionnel de la filière niébé a récemment été mis en place, cette interprofession doit cependant être renforcée et représentative de tous les acteurs. En parallèle, il est fondamental de structurer la recherche autour de vastes programmes multidisciplinaires et de soutenir le transfert à grande échelle des résultats qui en sont issus. Seule une action en ce sens des décideurs politiques et des bailleurs permettra le développement de cette filière niébé à haut potentiel pour les pays d’Afrique subsaharienne, mais aussi pour les pays du sud de l’Europe qui font face à des sécheresses de plus en plus fréquentes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le niébé est une légumineuse à haute valeur nutritionnelle qui pourrait servir de rempart à la malnutrition.Jean-Christophe Avarre, Chercheur en écologie virale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Antoine Le Quéré, Chercheur en écologie microbienne, Institut de recherche pour le développement (IRD)Mouhamadou Moussa Diangar, Selectionneur / Généticien niébé, Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA)Moustapha Guèye, Agronome, Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1814552022-04-25T21:28:08Z2022-04-25T21:28:08ZLa Russie et la Chine instrumentalisent-elles la réglementation phytosanitaire à des fins géopolitiques ?<p>Impossible d’ignorer en ce début de printemps 2022 que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=661ugOS9QxM">blé</a> est au cœur d’enjeux stratégiques. Les volumes exportés depuis quelques années par la Russie et l’Ukraine sont à l’image de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/1319180/economie/ukraine-russie-quels-sont-les-pays-africains-les-plus-exposes-a-la-flambee-des-cours-du-ble/">vulnérabilité des pays du nord de l’Afrique</a> non autosuffisants : immenses et croissants.</p>
<p>La Chine vient de revoir à la baisse <a href="https://www.reuters.com/business/china-ensure-agricultural-product-supplies-including-grains-2022-03-05/">sa production estimée pour 2022</a> et a récemment levé ses restrictions sur les importations de blé russe destiné à la transformation. La décision a été prise quelques jours seulement avant l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022.</p>
<p>Officiellement, cette décision n’a aucun rapport avec le conflit russo-ukrainien. Le timing diplomatique est pourtant presque parfait : difficile de ne pas voir en cet accord stratégique un moyen prémédité, pour la Russie, d’atténuer l’impact des sanctions internationales et, pour la Chine, de répondre à ses préoccupations de sécurité alimentaire. L’accord est « passif » dans le sens où il résulte de la levée d’une interdiction existante scientifiquement justifiée.</p>
<p>Cette séquence illustre les liens qui existent entre géopolitique, diplomatie, sécurité alimentaire, mais aussi, plus inattendue, santé des plantes et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pathologie_v%C3%A9g%C3%A9tale">phytopathologie</a>. Voici une assertion qui mérite quelques explications.</p>
<h2>Ravageurs des cultures et évaluation des risques</h2>
<p>Les échanges de denrées agricoles se sont nettement accrus au cours des 50 dernières années, avec pour conséquences une <a href="https://doi.org/10.1016/j.agsy.2008.08.001">augmentation des cas d’introduction de ravageurs des cultures</a> (insectes, agents pathogènes) d’un continent vers un autre. Ces organismes peuvent « voyager » sur différentes parties de la plante cultivée dont ils se nourrissent ou qu’ils parasitent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459156/original/file-20220421-20-dc43u3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Pyrale du buis est originaire d’Extrême-Orient. Introduite accidentellement en Europe dans les années 2000, elle y est rapidement devenue envahissante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Suffert</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La mondialisation combinée aux effets du changement climatique explique que de plus en plus de territoires soient concernés par l’établissement de tels ravageurs – comme la pyrale du buis <a href="https://twitter.com/wheatpath/status/851831920409399297/photo/1"><em>Cydalima perspectalis</em></a>.</p>
<p>Pour contrer le phénomène, des <a href="https://www.eppo.int/media/uploaded_images/RESOURCES/eppo_standards/pm5/pm5-02-02-fr.pdf">évaluations de risque</a> s’appuyant sur la répartition régionale des ravageurs les plus problématiques sont réalisées par les services de la protection des végétaux de chaque état et compilées par des instances supranationales telles que l’<a href="https://www.eppo.int/">OEPP</a> et l’<a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/plant-health">EFSA</a>.</p>
<p>Une analyse de risque peut conduire à interdire certains échanges de denrées – comme l’importation et la commercialisation de pommes de terre récoltées dans un pays non membre de l’Union européenne. De telles mesures, pour être acceptables, doivent être scientifiquement pertinentes. À défaut, elles seraient considérées comme un « embargo injustifié », contraire aux <a href="https://www.wto.org/english/tratop_e/sps_e/spsagr_e.htm">accords SPS de l’OMC</a>.</p>
<h2>Carie naine et carie de Karnal</h2>
<p>Officiellement, l’instrumentalisation de la réglementation phytosanitaire n’existe pas. Mais certaines coïncidences sèment le doute.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459114/original/file-20220421-26-o6yxi4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carie du blé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carie_(pathologie_v%C3%A9g%C3%A9tale)#/media/Fichier:Tilletia_caries_(DC.)_Tul._&_C._Tul..JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p><a href="http://ephytia.inra.fr/fr/C/25441/Vigi-Semences-Tilletia-spp"><em>Tilletia controversa</em></a>, un champignon parasite qui provoque la « carie naine du blé », fait partie des organismes réglementés dits « de quarantaine », surveillés dans de nombreuses régions du monde. Il se multiplie sous forme de spores microscopiques qui, disséminées par le vent, sont capables d’infecter les épis de blé. Les spores se retrouvent à la surface des grains, ce qui permet au champignon de « voyager » en même temps que les récoltes sont exportées. La carie naine est notamment <a href="https://gd.eppo.int/taxon/TILLCO/distribution">présente en Europe centrale et en Russie</a> dans plusieurs oblasts. Ceci explique que des importations de blé russe ont été à plusieurs reprises bloquées par la Chine.</p>
<p>Pour des raisons analogues, à cause de la « carie de Karnal » provoquée par <a href="https://doi.org/10.1094/PD-89-0212"><em>Tilletia indica</em></a> (une autre espèce de quarantaine), la Chine a interdit pendant près de deux décennies les importations de blé américain.</p>
<h2>Outil de rétorsion géopolitique ?</h2>
<p>En 2014, au début du conflit touchant l’est de l’Ukraine, la Russie a justifié l’interdiction des importations de fruits et légumes en provenance de l’Union européenne et de Moldavie par la <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2014/07/18/contre-la-moldavie-moscou-invoque-la-tordeuse-orientale_1066522/">découverte de nombreux ravageurs réglementés</a>.</p>
<p>Rien ne prouve qu’il y ait eu instrumentalisation de la réglementation phytosanitaire par « excès de zèle », même si la multiplicité de telles découvertes est arrivée à point nommé. La Russie a aussi utilisé l’argument de la biosécurité agricole en 2016 en prohibant les importations de fruits et légumes en provenance d’Égypte, après que cet État a instauré une <a href="https://www.entraid.com/articles/russie-hausse-contre-legypte-refuse-ble">politique assez erratique de « zéro ergot »</a> (infection des épis causée par <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/plante-cereales-seigle-pain-lsd-959/page/6/"><em>Claviceps purpurea</em></a>, un autre champignon parasite des céréales à paille) pour ses importations de blé.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le blé : un enjeu de food power (Le dessous des cartes | Arte, 2 février 2022).</span></figcaption>
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<p>De là à y voir des mesures de rétorsion, sous couvert d’arguments phytopathologiques, il n’y a qu’un pas. Dans le même temps, la Chine a été suspectée d’instrumentaliser la réglementation pour <a href="https://www.abc.net.au/news/rural/2016-04-11/china-quarantine-protocol-exports-wheat-barley-markets-grain/7316092">promouvoir certaines exportations de blé « de moindre qualité »</a>, même si elle s’en est toujours défendue.</p>
<p>Les politiques stratégiques semblent désormais renversées : la « pression » ne s’exerce plus exclusivement sur l’État exportateur (concurrent contre lequel un autre État serait tenté d’instrumentaliser la réglementation phytosanitaire) mais aussi sur l’État importateur. Leurs intérêts convergents les poussent à s’accorder sur la levée de certaines restrictions, pourtant justifiées par la réalité épidémiologique. Les excès de zèle d’autrefois cèderaient-ils la place à un laxisme assumé ?</p>
<h2>La justification par la science arrive à point nommé</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459123/original/file-20220421-18-f6xfrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La rouille du caféier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rouille_du_caf%C3%A9ier#/media/Fichier:Hemileia_vastatrix_uredinial_pustules.png">Wikimedia</a></span>
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<p>Les liens entre santé végétale et géopolitique sont récurrents dans notre histoire moderne. La problématique concerne d’autres cultures que le blé, variables selon le lieu et l’époque. Ainsi, pendant la guerre froide, le champignon <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-phyto-082718-100109"><em>Hemileia vastatrix</em></a>, responsable de la rouille du caféier, a été au centre d’enjeux géostratégiques opposant les États-Unis et des états d’Amérique latine exportateurs de café.</p>
<p>Aujourd’hui sont concernées les cultures de tomates, poivrons, courgettes et aubergines : les restrictions de leurs <a href="https://fsvps.gov.ru/fsvps/news/47727.html">importations depuis plusieurs pays ont été levées</a> par la Russie le 5 mars 2022, quelques jours seulement après son entrée en guerre contre l’Ukraine.</p>
<p>Officiellement, la <a href="https://fsvps.gov.ru/fsvps/news/47727.html">décision</a> a été prise sur « la base des résultats d’analyse fournis par les organisations nationales de quarantaine et de protection des végétaux » : l’argument scientifique est une fois de plus arrivé à point nommé. La plupart des pays exportateurs concernés, qui sont dans la sphère d’influence de la Russie, ont adopté une posture diplomatique et géostratégique similaire à celle de la Chine : pragmatique et ambiguë.</p>
<h2>Enjeu de sécurité alimentaire</h2>
<p>L’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Agroterrorisme">agroterrorisme</a> (utilisation délibérée de ravageurs contre des cultures) est un autre enjeu liant santé végétale et géopolitique. <a href="https://www6.versailles-grignon.inrae.fr/bioger/content/download/4903/44337/version/1/file/Chapter+2.pdf">L’analyse récente de cette menace pour l’Europe</a> pointait vers un scénario où l’introduction malveillante d’un organisme de quarantaine pourrait être utilisée par un état pour justifier a posteriori, de manière fallacieuse, un embargo sur certaines denrées agricoles.</p>
<p>Même si les exemples précédents ne relèvent pas de l’agroterrorisme, le contexte actuel renforce les conclusions de cette analyse : l’instrumentalisation de la réglementation phytosanitaire est une réalité. La séquence biogéopolitique dans laquelle nous sommes entrés se traduit par une permissivité dommageable pour la santé des végétaux et, à long terme, pour la sécurité alimentaire mondiale.</p>
<p>La réglementation phytosanitaire internationale est utile et doit être respectée. Il est nécessaire de rester vigilant face aux tentatives de dévoiement de ses fondements scientifiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Suffert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces dernières années, certaines décisions de ces deux pays en matière de biosécurité agricole sont arrivées à point nommé sur le plan géopolitique.Frédéric Suffert, Chercheur en épidémiologie végétale (Ingénieur agronome, Docteur en phytopathologie, Ancien auditeur de l'IHEDN), InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1770062022-02-20T17:26:21Z2022-02-20T17:26:21ZPourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446243/original/file-20220214-15-1sged0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Été 2020, monoculture d’épicéas morts en Argonne, région naturelle chevauchant les départements de la Marne, des Ardennes et de la Meuse (sept. 2020). </span> <span class="attribution"><span class="source">Sylvain Gaudin</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Covid-19, urbanisation galopante, péril sur la biodiversité… la forêt apparaît ces dernières années comme le refuge par excellence, un lieu pour retisser des liens avec le vivant, une « nature » en voie de disparition. Dans un monde chahuté, quelle place allons-nous accorder aux forêts, s’interroge cette série.</em> </p>
<hr>
<p>Comme l’ont souligné les conclusions des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/des-assises-foret-et-du-bois-vision-partagee-foret-francaise">Assises nationales de la forêt et du bois</a>, lancées par le gouvernement en octobre 2021 avec pour objectif de « penser la forêt française de demain », la forêt française est aujourd’hui en crise. </p>
<p>Depuis deux décennies, on assiste en effet à une <a href="https://www.ign.fr/reperes/bilan-de-sante-des-forets-francaises">mortalité croissante des peuplements forestiers</a> et à une baisse globale de leur productivité. Si la surface boisée en France métropolitaine ne cesse de croître depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/lif_fa_v2_avril2021.pdf">c’est en raison du boisement – spontané ou artificiel – de terres agricoles</a>, car la superficie occupée par des forêts anciennes, elle, ne cesse de diminuer.</p>
<p>Ce « dépérissement », est généralement <a href="https://theconversation.com/secheresses-incendies-et-maladies-les-risques-en-cascade-qui-menacent-les-forets-francaises-157448">attribué aux modifications climatiques</a>. Les sécheresses estivales récurrentes fragilisent les arbres et la douceur hivernale favorise les pullulations de bioagresseurs, en particulier les scolytes et les hannetons.</p>
<p>Le changement climatique en est sans aucun doute une cause essentielle, mais il est aussi le révélateur d’écosystèmes forestiers fragilisés par des décennies de pratiques sylvicoles focalisées sur la production de bois. Non seulement la forêt française <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/abed01">fixe moins de carbone par unité de surface</a>, mais l’exploitation des peuplements dépérissants induit des <a href="https://bg.copernicus.org/articles/14/2387/2017/">émissions supplémentaires de CO₂</a> aggravant l’effet de serre et les changements climatiques associés.</p>
<p>Dans un tel contexte, adapter la forêt française est plus qu’une nécessité, c’est une urgence.</p>
<h2>L’arbre ne doit plus cacher la forêt</h2>
<p>Les forêts ne sont pas des champs d’arbres, mais des écosystèmes avec de multiples interactions entre les différentes composantes.</p>
<p>Le promeneur a tôt fait de constater que les descentes de cimes et les mortalités de masse concernent surtout des plantations monospécifiques, constituées d’arbres de même âge, correspondant souvent à des essences introduites hors de leur territoire d’indigénat.</p>
<p>C’est le cas de nombreuses plantations d’épicéa en plaine, tandis que les pessières naturelles d’altitude résistent plutôt bien. Les premières constituent des <a href="https://theconversation.com/incendies-secheresses-ravageurs-les-forets-victimes-de-la-monoculture-146603">peuplements simplifiés sensibles aux aléas climatiques</a> (tempêtes, sécheresses, incendies) et aux attaques de bioagresseurs (insectes, champignons…), tandis que les secondes, beaucoup plus hétérogènes et diversifiées, sont plus résilientes.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’Argonne, la forêt morte (Sylvain Gaudin, 2020).</span></figcaption>
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<p>Même s’il existe une sensibilité propre à chaque essence et à <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/190808_lif_ecologie.pdf">chaque situation stationnelle</a>, les impacts directs et indirects du dérèglement climatique sont modulés par l’intégrité fonctionnelle de l’écosystème forestier, qui est elle-même largement influencée par la sylviculture.</p>
<p>Adapter la forêt, c’est agir sur la santé de l’écosystème et non simplement remplacer des arbres mourants par d’autres. C’est un traitement de fond des causes du dépérissement qu’il faut entreprendre et non un simple traitement des symptômes. La forêt ne peut plus être réduite à ses arbres et à sa fonction de production : <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/assises-nationales-de-la-foret-et-du-bois-lalerte-de-600-scientifiques-associatifs-et-acteurs-du-secteur-4087893">seule une vision écosystémique peut être salvatrice</a>.</p>
<h2>La nécessaire adaptation des pratiques sylvicoles</h2>
<p>Le principal levier permettant d’adapter la forêt française repose sur la promotion de pratiques sylvicoles prenant davantage en compte le fonctionnement des écosystèmes forestiers dans leur ensemble ; cela pour améliorer durablement leur état de santé, leur résilience, et accroître leur capacité à séquestrer et à stocker du CO<sub>2</sub>.</p>
<p>D’abord, il faut réserver chaque essence à des stations présentant des conditions optimales pour elle, actuellement et en prenant en compte l’évolution modélisée du climat sur des pas de temps cohérents avec le cycle sylvicultural. Il faut aussi privilégier les peuplements mélangés (plusieurs essences) et structurellement hétérogènes (plusieurs hauteurs et formes de houppiers), de manière à renforcer la résistance aux aléas météorologiques et aux attaques de bioagresseurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446246/original/file-20220214-15-356fgj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forêt mélangée des Vosges du Nord (sept. 2021).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Evrard de Turckheim</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Privilégier la régénération naturelle permet d’accroître la diversité génétique soumise à la sélection naturelle et les capacités d’adaptation locale, contrairement aux plantations. Cela implique une meilleure gestion de l’équilibre sylvo-cynégétique, notamment en favorisant la végétation accompagnatrice qui protège les plants sensibles et fournit une ressource alimentaire alternative.</p>
<p>Il existe déjà des modes de sylviculture mettant en œuvre ces principes, comme la <a href="https://reporterre.net/Une-methode-ecologique-d-user-de-la-foret-la-futaie-irreguliere">futaie irrégulière</a> ou jardinée. Ce type de sylviculture <a href="http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/26798/RFF_1996_S_23.pdf">n’est pas nouveau</a>, il a été adopté depuis 2017 par l’Office national des forêts <a href="https://www.onf.fr/onf/+/87d::la-sylviculture-appliquee-dans-les-forets-publiques-dile-de-france.html">pour toutes les forêts publiques franciliennes</a> afin d’éviter les « coupes à blanc ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447092/original/file-20220217-27-ek77np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Coupe à blanc d’une parcelle de Douglas dans une forêt de l’Oise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux sécheresses récurrentes, il faut adapter la densité des peuplements au bilan hydrique de la station et préserver l’alimentation en eau des sols, y compris en limitant leur tassement.</p>
<p>Plus généralement, accroître la résilience des forêts nécessite de favoriser la biodiversité au sein de tous les compartiments de l’écosystème. Celle-ci est encore trop souvent perçue comme une contrainte pour le forestier, comme un obstacle à la gestion, alors même que c’est son assurance sur le long terme pour maintenir la fertilité des sols, la résistance aux bioagresseurs et, <em>in fine</em>, la capacité de production de bois.</p>
<h2>Une condamnation sans procès des essences autochtones</h2>
<p>Plusieurs documents de planification, comme les Plans régionaux Forêt-Bois (PRFB) considèrent un peu hâtivement que les essences indigènes ne sont plus adaptées au « nouveau » climat. Cette vision fixiste du monde vivant oublie que les essences forestières européennes ont déjà connu bien des changements climatiques (notamment un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit_%C3%A2ge_glaciaire">Petit Âge glaciaire</a> et un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Optimum_climatique_m%C3%A9di%C3%A9val">Optimum médiéval</a>). Pire, elle ignore nombre de travaux scientifiques récents qui mettent en lumière des capacités d’adaptation insoupçonnées des arbres.</p>
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<p>Au moins trois ensembles de mécanismes permettent l’adaptation spontanée des arbres en environnement changeant : les mécanismes génétiques, via la sélection naturelle qui agit sur le long terme, ce qui nécessite une certaine diversité génétique ; les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/pce.13729">mécanismes épigénétiques</a>, qui prédisposent des individus à des conditions environnementales que leurs parents ont vécues, via des marques induites capables de moduler l’expression des gènes et d’induire des mutations ; les <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03256378">mécanismes holobiontiques</a>, via les symbioses issues de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092913931930931X">co-évolution entre l’arbre et son microbiote</a>, ce dernier contribuant à de nombreuses fonctions vitales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446229/original/file-20220214-15-hnz6qx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Forêt mélangée dans le Sud amiénois (Somme) où les épicéas sont épargnés par les attaques de scolytes (oct. 2021).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’efficacité de ces différents mécanismes face à des changements climatiques rapides est encore mal connue, d’où l’intérêt de pouvoir observer la réponse des essences autochtones dans un contexte « naturel », c’est-à-dire hors forêt soumise à la sylviculture.</p>
<p>À cet égard, il est important d’augmenter les superficies d’aires forestières protégées et leur représentativité des différents contextes climatiques et des types de sols, comme souligné <a href="http://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2021-27_avis_autosaisine_du_cnpn_du_14_decembre_2021_pour_les_assises_de_la_foret_et_du_bois.pdf">dans la contribution du Conseil national de la protection de la nature</a> aux Assises de la forêt et du bois.</p>
<p>Ces espaces à naturalité élevée constituent non seulement des réservoirs de biodiversité préservée, mais aussi des laboratoires grandeur nature pour la compréhension de la biologie des espèces et des dynamiques forestières spontanées, indispensables à l’acquisition de références pour concevoir les itinéraires sylviculturaux de demain.</p>
<h2>Une fausse bonne idée : le recours aux essences exotiques</h2>
<p>La prétendue « inadaptation » des essences autochtones justifie le recours à des essences exotiques, venant souvent d’autres continents, dont l’intérêt et l’innocuité sont plus que douteux… L’idée de privilégier les essences naturellement résistantes au stress hydrique serait séduisante, si elle ne faisait pas preuve d’une certaine amnésie (en plus de faire l’impasse sur des millions d’années d’histoire évolutive).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447095/original/file-20220217-27-186jl8m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte montrant la progression de la chalarose du frêne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de l’Agriculture</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Car l’introduction d’essences exotiques en forêt n’est pas nouvelle. Beaucoup se sont soldées soit par des échecs d’acclimatation, soit par de graves crises écologiques : introductions accidentelles de bioagresseurs exotiques (l’actuelle épidémie de chalarose du frêne en est un exemple parmi des dizaines d’autres), invasions biologiques (le cerisier tardif, jadis vanté pour ses mérites en foresterie est devenu aujourd’hui l’ennemi du forestier), érosion de la biodiversité autochtone (les sous-bois fantomatiques de nombreuses plantations de conifères en plaine en sont un exemple criant) ; ou encore, aggravation des conséquences de certains aléas (les méga-feux que connaît la Péninsule ibérique sont étroitement liés aux plantations d’eucalyptus, très inflammables, et pourtant promues en région méditerranéenne française).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446233/original/file-20220214-25314-n1dkdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En forêt de Compiègne (Hauts-de-France), invasion par le cerisier tardif (juin 2005).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une analyse détaillée de ces risques est présentée <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">dans un livre blanc</a> sur l’introduction d’essences exotiques en forêt, récemment publié par la Société botanique de France.</p>
<p>Les risques associés aux essences exotiques, difficilement prévisibles, mais réels et coûteux pour la société, justifient que les nouvelles plantations soient davantage réglementées. Celles-ci devraient faire l’objet d’une étude d’impact préalable avec analyse de risque.</p>
<p>Plus généralement, il est urgent d’évaluer le rapport bénéfice/risque à moyen et à long terme de ces plantations, et, dans l’attente d’une telle évaluation, de soumettre à un moratoire les mesures politiques et financières incitant leur introduction en forêt.</p>
<h2>Mieux prendre en compte les résultats de la recherche scientifique</h2>
<p>Cet effort indispensable pour adapter la gestion des forêts aux changements climatiques ne doit pas se limiter aux actions d’ingénierie, mais reposer sur une approche scientifique interdisciplinaire, fondée sur l’ensemble des apports récents des sciences et techniques de la conservation.</p>
<p>La recherche scientifique en écologie forestière en particulier est très mobilisée sur la question des <a href="https://www.inrae.fr/changement-climatique-risques">impacts des changements climatiques</a> sur la forêt et des <a href="https://www.inee.cnrs.fr/fr/recherche">capacités adaptatives des espèces</a>.</p>
<p>Les nombreux résultats de la recherche permettraient d’appuyer les stratégies de gestion et de planification forestières sur des bases scientifiques robustes. Pourtant ces résultats sont jusqu’ici peu ou pas pris en compte par les décideurs.</p>
<p>La gestion durable des forêts ne peut pourtant reposer sur la seule ingénierie, tout comme elle ne peut se réduire aux seuls arbres. Agir en environnement changeant et en univers incertain suppose d’intégrer nos connaissances scientifiques dans tous les domaines, de prendre en compte l’évolution des attentes sociétales et d’actualiser les outils des ingénieurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Decocq est vice-président de la Société botanique de France ; il a dirigé la rédaction du «livre blanc sur l'introduction d'essences exotiques en forêt». Il est par ailleurs membre du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et de la Commission régionale de la forêt et du bois (CRFB) de la région Hauts-de-France. Il a participé et dirigé de nombreux projets de recherche financés par l'ANR, les Ministères et des collectivités territoriales.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Serge Muller préside actuellement le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), ainsi que le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) de la région Grand Est. Il est membre associé de l’Autorité environnementale du CGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE)</span></em></p>Si la surface de forêt a augmenté sur le territoire métropolitain ces dernières décennies, les peuplements forestiers dépérissent. Une approche écosystémique s’impose.Guillaume Decocq, Professeur en sciences végétales et fongiques, directeur de l’UMR EDYSAN, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Serge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1637912021-07-06T12:14:54Z2021-07-06T12:14:54ZVoici pourquoi une chenille envahissante attaque des arbres dans la plus grande infestation depuis des décennies<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409896/original/file-20210706-21-zi1y35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4031%2C3024&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les efforts pour contrôler cette chenille envahissante ont coûté des milliards de dollars au Canada et aux États-Unis. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des dernières semaines, une chenille très vorace s’attaque aux feuilles des arbres dans le sud de l’Ontario et du Québec, et du Michigan au Vermont. À Montréal, les <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2021-07-06/chenilles-spongieuses/le-mont-royal-infeste.php">arbres du mont Royal sont particulièrement affectés</a>.</p>
<p>Depuis les années 1980, la chenille du Lymantria dispar, un papillon nocturne, a provoqué plusieurs grandes infestations, souvent pluriannuelles. Au Canada, <a href="http://nfdp.ccfm.org/fr/data/insects.php">cette chenille a endommagé 17 000 km² de forêt</a> et les efforts pour la contrôler <a href="https://www.invasivespeciescentre.ca/invasive-species/meet-the-species/invasive-insects/gypsy-moth">ont coûté des milliards de dollars</a> tant au Canada qu’aux États-Unis.</p>
<p>Cette espèce de papillon nocturne, « bombyx disparate », est mieux connue pour sa chenille appelée « spongieuse ». Comme il existe d’autres noms comme « le disparate » ou « le zigzag », j’emploierai son nom latin, L. dispar, pour simplifier.</p>
<p>Son origine remonte une tentative infructueuse <a href="https://academic.oup.com/ae/article-abstract/35/2/20/221921?redirectedFrom=fulltext">d’implanter l’industrie de la soie en Amérique du Nord</a>. Bien que cantonnée à quelques provinces et États du nord-est du continent, cette espèce ravageuse pourrait se propager davantage avec le réchauffement climatique.</p>
<h2>Échec commercial, mais invasion réussie</h2>
<p>C’est un Français, Étienne Léopold Trouvelot, à la fois artiste, astronome et entomologiste, qui eut l’idée de créer une colonie de vers à soie dans les arbres près de sa maison de Medfort au Massachusetts. Mais sa première tentative, avec un papillon nocturne indigène, fut un échec. Ses chenilles, élevées en grand nombre, auraient contracté des maladies virales et les oiseaux ne cessaient de s’y attaquer.</p>
<p>La solution de Trouvelot fut d’importer une chenille européenne, L. dispar, pour la croiser avec des espèces nord-américaines pour créer un hybride résistant aux maladies et qui n’intéresserait pas les oiseaux.</p>
<p>Malheureusement, les jeunes chenilles s’échappèrent de son labo improvisé vers 1868 ou 1869. En 1879, les habitants de Medford ont commencé à se plaindre d’une espèce de chenille encore inconnue qui commençait à pulluler.</p>
<p><a href="https://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/42094">Un voisin a écrit</a> :</p>
<blockquote>
<p>Les chenilles ont envahi tout notre jardin et dépouillé tous nos arbres fruitiers, en commençant par les pommiers, puis les poiriers. Les chenilles ont aussi dévoré toutes les feuilles du bel érable dans la rue, devant la maison voisine. Elles sont descendues au sol avant de se déplacer sur la maison. La façade était noire de chenilles, qui entraient dans la maison malgré toutes les précautions, et nous les trouvions jusque sur les vêtements dans les placards.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue en contre-jour de la canopée des arbres, sans la plupart des feuilles" src="https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408750/original/file-20210628-15-t06tv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Arbres défoliés lors de l’infestation de 2021 dans la zone de conservation de Thornton Bales, près de King City, en Ontario.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les premiers efforts d’éradication de cette chenille <a href="https://www.mass.gov/guides/gypsy-moth-in-massachusetts">ont nécessité beaucoup d’efforts</a>. Avant l’invention des insecticides chimiques, il fallait grimper aux arbres pour éliminer l’insecte. Ces premiers efforts n’ont pas suffi et l’insecte s’est frayé un chemin dans le sud du Québec et de l’Ontario à la fin des années 1960.</p>
<h2>Gloutonnerie et crottes de chenilles</h2>
<p>L’Ontario a connu trois infestations depuis les années 1980. Dans les années 1990, 350 000 hectares de forêt avaient été atteints. Et puis en 2020, <a href="https://www.ontario.ca/fr/page/spongieuse">L. dispar en a endommagé 585 000 hectares</a>, une superficie équivalente à celle de l’île du Prince-Édouard.</p>
<p>Le problème vient de la voracité de cette chenille, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/conseils-pour-controle-parasites/spongieuse.html">qui peut consommer un mètre carré de feuilles</a> au cours de sa croissance (une surface de la taille d’une serviette de bain). Multipliez ce chiffre par des millions ou des milliards de chenilles qui dévorent tout et une forêt sera défoliée très vite.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Plusieurs chenilles rampant sur un arbre à écorce blanche" src="https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408748/original/file-20210628-19-10htuza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chenilles de L. dispar sur un bouleau à l’arboretum des Jardins botaniques royaux à Hamilton et Burlington, en Ontario.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La chenille du L. dispar n’est pas capricieuse. Elle préfère les feuilles de chêne, mais elle se servira dans les érables, les bouleaux et les trembles, <a href="https://www.fs.usda.gov/treesearch/pubs/4327">et d’autres plantes encore</a>.</p>
<p>En mangeant, les chenilles produisent des excréments, de petites qui tombent sur le sol de la forêt — ou sur les pique-niqueurs assis dessous. La plupart des arbres peuvent tolérer cette défoliation, si bien que l’insecte tue rarement les arbres sur-le-champ. Mais des infestations répétées vont les rendre plus vulnérables. <a href="https://academic.oup.com/forestry/article/89/3/284/1749439">Une étude récente</a> a révélé une diminution du nombre de jeunes chênes dans les forêts américaines ayant subi plusieurs infestations.</p>
<p>Certains conifères comme le pin blanc et le sapin baumier sont particulièrement fragiles en cas d’attaque, car contrairement aux arbres à feuilles caduques, leurs aiguilles ne repoussent pas.</p>
<h2>Pièges à chenilles en toile de jute</h2>
<p>Le contrôle de cette chenille peut être difficile. <a href="https://www.toronto.ca/services-payments/water-environment/trees/forest-management/threats-to-trees-insects/european-gypsy-moth/">Certaines municipalités</a> utilisent un <a href="https://www.rncan.gc.ca/forets/feux-insectes-perturbations/principaux-insectes/13402">insecticide biologique appelé BtK</a> qui cible spécifiquement les chenilles. Les campagnes de pulvérisation ont lieu au début de l’été, quand les chenilles sont petites et les plus sensibles à l’insecticide.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une boulette spongieuse de couleur beige attachée à l’écorce des arbres" src="https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408715/original/file-20210628-25-ad67m2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des masses d’œufs sur un arbre dans la zone de conservation de Thornton Bales, près de King City, en Ontario, avec une chenille rampant à proximité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris MacQuarrie)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les particuliers peuvent également appliquer du BtK, <a href="https://fyi.extension.wisc.edu/gypsymothinwisconsin/making-a-burlap-barrier-band-trap/">mais une autre approche consiste à enrouler une bande de toile de jute</a> autour du tronc de l’arbre pour attraper les chenilles lorsqu’elles montent et descendent de l’arbre pendant la journée. Ce piège simple permet de capturer les chenilles, pour ensuite en disposer dans un seau d’eau savonneuse.</p>
<p>À la fin de l’été et à l’automne, <a href="https://www.invasivespeciescentre.ca/a-year-of-gypsy-moth/">les masses d’œufs spongieux peuvent également être grattées et jetées</a>. Cette tactique est également utile pour en prévenir la propagation, car les masses d’œufs peuvent être transportées sur les véhicules et les équipements extérieurs.</p>
<h2>Merci, les épizooties</h2>
<p>Quand cela s’arrêtera-t-il ? Les infestations de L. dispar durent de trois à cinq ans et se terminent généralement d’elles-mêmes. Les insectes <a href="https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jgv/10.1099/vir.0.018952-0">sont sensibles à un virus</a> et <a href="https://academic.oup.com/ae/article-abstract/41/1/31/2474416?redirectedFrom=fulltext">à un champignon</a> qui provoquent des « épizooties », terme qui désigne une « pandémie » affectant une espèce animale.</p>
<p><a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2307/2265735">Ce sont donc les prédateurs</a> et les épizooties, grâce à un virus et un champignon, qui permettent de maintenir les populations à un faible niveau. Ce même virus <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/08-1246.1">expliquerait peut-être les intervalles réguliers de cinq à dix ans</a> entre les infestations.</p>
<p>L’aire de répartition de l’insecte est actuellement limitée à l’Ontario, au Québec et aux Maritimes, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4020-9680-8_10">mais on s’attend à ce que les changements climatiques augmentent la zone au Canada</a>. D’ici 2050, L. dispar pourrait rejoindre le sud de l’Alberta et la Nouvelle-Écosse. Les montagnes escarpées de la Colombie-Britannique et leur climat alpin devraient y empêcher sa propagation.</p>
<p>Les espèces envahissantes constituent une menace persistante pour les forêts du continent, même si on en parle moins que les feux de forêt et les changements climatiques. Toutefois, les humains ont le pouvoir d’agir pour empêcher sa propagation, et celles d’autres espèces envahissantes, ne serait-ce qu’en évitant de déplacer le bois de chauffage d’une région à l’autre.</p>
<p>L. dispar est là pour rester, mais nous pouvons tous agir pour éviter de l’encourager !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163791/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chris JK MacQuarrie est chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada et vice-président de la Société entomologique du Canada.</span></em></p>La chenille Lymantria dispar a dévoré 17 000 kms carrés d’arbres depuis les années 1980. Cet insecte invasif a été importé dans les années 1880 pour lancer l’industrie de la soie en Amérique du Nord.Chris JK MacQuarrie, Adjunct professor, John H. Daniels Faculty of Architecture, Landscape and Design, and the Graduate Department of Forestry, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605092021-05-27T18:27:55Z2021-05-27T18:27:55ZQuel est ce « tigre » dans mon chêne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399318/original/file-20210506-24-12p8iw8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chênes attaqués par _Corythucha arcuata_, à côté d’érables. Le contraste des couleurs est saisissant. </span> <span class="attribution"><span class="source">Gyory Csoka</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La liste des espèces d’insectes herbivores associées au chêne était déjà longue ; elle s’est récemment allongée. La nouvelle venue est une petite punaise de la famille des Tingidae. Son nom : <em>Corythucha arcuata</em>, plus communément appelée la punaise réticulée du chêne, ou le tigre du chêne.</p>
<p>Est-ce une bonne nouvelle pour la biodiversité ? Pas vraiment, la nouvelle venue ayant tout pour devenir une espèce exotique envahissante.</p>
<p>Mais que sait-on exactement de cet insecte et des dégâts qu’elle cause ?</p>
<h2>Un minuscule insecte à collerette</h2>
<p>Son « apparition » n’a pas fait beaucoup de bruit, en 2017, quand pour la première fois la présence d’une espèce d’insecte herbivore exotique a été documentée sur un chêne <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-punaise-reticulee-ou-le-tigre-du-chene-decouverte-dun-nouvel-insecte-identifie-sur-chene-dans-la">dans la région de Toulouse</a>. Il s’agissait de notre punaise réticulée du chêne, (<em>Corythucha arcuata</em>). Aujourd’hui, son aire de distribution s’étend en France.</p>
<p><em>Corythucha arcuata</em> est une petite punaise de 3-4 mm de long, reconnaissable à sa collerette qui rappelle la fraise qu’arbore Elisabeth I dans le <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Le_Portrait_de_l%27Armada">portrait de l’Armada</a>.</p>
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<img alt="Gyorgy Csoka" src="https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399317/original/file-20210506-19-nrqte4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Corythucha arcuata</em> sur une feuille de chêne.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’insecte lui-même passe souvent inaperçu. Ces dégâts, eux, attirent immédiatement l’œil ! les feuilles attaquées virent au jaune, parfois dès le mois de juillet. La décoloration peut être spectaculaire, surtout quand l’espèce végétale hôte – celle sur laquelle l’insecte peut s’alimenter – se trouve à proximité d’une espèce non hôte et donc pas attaquée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399316/original/file-20210506-13-9enmml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dégâts de <em>Corythucha arcuata</em> sur chêne pédonculé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les décolorations provoquées s’expliquent par le mode d’alimentation des nymphes et des adultes. <em>Corythucha arcuata</em> est un insecte qu’on qualifie de « piqueur-suceur » : ses pièces buccales consistent en un stylet servant à percer le contenu des cellules des feuilles avant de l’aspirer le contenu.</p>
<h2>Une espèce exotique envahissante</h2>
<p>En Europe, <em>C. arcuata</em> est une espèce exotique : elle a été introduite accidentellement en Italie, en 2000, depuis l’Amérique du Nord. Son aire de distribution s’est ensuite étendue à la Turquie, l’Europe de l’Est, les Balkans. En 2017, elle était signalée, on l’a vu plus haut, dans la région de Toulouse ; en 2018, à Bordeaux. Il s’agit d’une <a href="https://theconversation.com/1-288-milliards-de-dollars-chiffrer-les-degats-causes-par-les-invasions-biologiques-pour-enfin-agir-158204">espèce envahissante, aux effets préoccupants</a>.</p>
<p>Comme son nom l’indique, la punaise réticulée du chêne s’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/afe.12362">attaque essentiellement aux chênes</a>, même si elle a été signalée sur d’autres espèces d’arbres (châtaigner, érable, noisetier) ou de buissons (ronce).</p>
<p>Parmi les chênes, ce sont les chênes européens qui sont les plus touchés – notamment le chêne pédonculé (<em>Quercus robur</em>), le chêne sessile (<em>Q. petraea</em>) et le chêne chevelu (<em>Q. cerris</em>).</p>
<p>En Europe, les chênes nord-américains – comme le chêne rouge (<em>Q. rubra</em>) ou le chêne des marais (<em>Q. palustris</em>) – ne semblent pas être attaqués, ou très exceptionnellement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399314/original/file-20210506-19-1cdabpr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux chênes photographiés en octobre 2020 dans un parc de la ville de Bordeaux. À gauche, un chêne rouge, non attaqué ; à droite, un chêne pédonculé dont les feuilles présentent des décolorations typiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les capacités photosynthétiques attaquées</h2>
<p>Dans son aire native, <em>C. arcuata</em> ne cause pas de dégâts majeurs sur les arbres, de sorte que l’on connaît encore très peu de choses sur sa biologie. C’est un problème récurrent avec les invasions biologiques : souvent, on ne commence à s’intéresser à une espèce que quand elle pose déjà des problèmes.</p>
<p>Des travaux sont en cours dans plusieurs laboratoires de recherche en Europe pour en apprendre plus. <a href="https://www.researchgate.net/publication/345508479_Known_and_predicted_impacts_of_the_invasive_oak_lace_bug_Corythucha_arcuata_in_European_oak_ecosystems_-_a_review">Voilà ce que l’on sait, et ce que l’on suspecte aujourd’hui</a>.</p>
<p>Les décolorations causées par l’alimentation des nymphes et des adultes peuvent <a href="https://www.researchgate.net/publication/329776371_Physiological_responses_of_Pedunculate_oak_Quercus_robur_L_to_Corythucha_arcuata_Say_1832_attack">réduire de près de 60 % les capacités photosynthétiques des feuilles attaquées</a>. Or, la photosynthèse est le point d’entrée de l’énergie et du carbone dans l’arbre, ce qui lui permet d’assurer sa croissance, son entretien, et sa défense contre les stress et les agressions.</p>
<p>Bien que la majeure partie de la croissance des chênes s’effectue au printemps – avant que les décolorations ne soient trop importantes –, il serait surprenant que des décolorations massives n’aient pas de conséquences sur la croissance des chênes, surtout si les attaques de <em>C. arcuata</em> sont concomitantes d’autres stress comme la sécheresse.</p>
<h2>Une régulation sporadique</h2>
<p>Une des clés du succès des insectes ravageurs exotiques, c’est qu’ils voyagent souvent seuls, sans leurs ennemis naturels. Dans leur aire d’introduction, seuls les prédateurs et parasites généralistes peuvent réduire les niveaux de population des ravageurs exotiques.</p>
<p>Des observations confirment que plusieurs espèces de coccinelles, de <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Chrysope_verte">chrysopes</a> ou encore d’araignées peuvent s’alimenter sur la punaise réticulée du chêne, mais seulement de manière sporadique.</p>
<p>Actuellement, <em>C. arcuata</em> est essentiellement présente dans le sud de l’Europe. On pourrait soupçonner que son expansion vers le nord serait limitée par le froid.</p>
<p>Des travaux récents ont malheureusement montré que <a href="https://web.nlcsk.org/wp-content/uploads/2021/03/Paulin.pdf">ce n’est pas le cas</a> : les nymphes et les adultes qui passent l’hiver dans la mousse au pied des arbres ou les anfractuosités de l’écorce résistent à plusieurs jours de gel consécutif.</p>
<p>Pour attirer davantage l’attention et lancer l’alerte, ajoutons un dernier élément : comme son cousin le tigre du platane (<em>Corythucha ciliata</em>), <em>C. arcuata</em> pique occasionnellement l’homme. Rien d’insoutenable, mais c’est désagréable.</p>
<h2>Agir très tôt</h2>
<p>Les insectes ravageurs exotiques envahissants sont une grave menace pour la santé des forêts.</p>
<p>À l’automne 2019, la Croatie, la Hongrie, la Roumanie, la Serbie et la partie européenne de la Russie totalisaient plus de 1,7 million d’hectares de chênes touchés. C’est presque deux fois la surface de la forêt des Landes de Gascogne.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/profile/Giovanni-Caudullo/publication/299471357_Quercus_robur_and_Quercus_petraea_in_Europe_distribution_habitat_usage_and_threats/links/570b71aa08ae8883a1fe1b7a/Quercus-robur-and-Quercus-petraea-in-Europe-distribution-habitat-usage-and-threats.pdf">Une grande partie de la forêt européenne est aussi menacée</a> : les deux principales espèces de chênes couvrent en effet une surface allant du nord de l’Espagne au sud de la Suède, et de l’Irlande à la Russie.</p>
<p>Il est très probable que la dispersion longue distance de <em>C. arcuata</em> se fasse grâce au transport des troncs d’arbre, lequel doit être surveillé puisqu’à ce jour, il n’existe pas de méthode de lutte qui soit applicable à l’échelle d’un massif forestier.</p>
<p>Une étude récente suggère que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378112721002814?dgcid=raven_sd_via_email">champignons entomopathogènes (parasites des insectes) du genre <em>Beauveria</em> infectent et tuent <em>C. arcuata</em></a> mais leur potentiel de biocontrôle dans des conditions naturelles doit encore être étudié.</p>
<p>L’exemple de la punaise réticulée du chêne nous rappelle qu’il est crucial de pouvoir <a href="https://plurifor.efi.int/fr/">repérer les introductions d’insectes exotiques très tôt</a>, avant qu’ils ne se propagent et deviennent envahissants. Des outils de signalement existent, comme l’application <a href="https://silvalert.net/"><em>Silvalert</em></a>, mais ils ne sont utiles que si l’on est prêts à les utiliser. Soyons vigilants !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol a reçu des financements de l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 pour le projet No. 771271, HOMED (Holistic Management of Emerging forest pests and Diseases, homed-project.eu).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alex Stemmelen a reçu des financements de l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 pour le projet No. 771271, HOMED (Holistic Management of Emerging forest pests and Diseases, homed-project.eu).</span></em></p>Repérée pour la première fois en France en 2017, la punaise réticulée du chêne étend depuis son aire de distribution. Ses dégâts menacent les chênes européens.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeAlex Stemmelen, Doctorant en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466482020-09-29T21:06:36Z2020-09-29T21:06:36ZPesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?<p>Les débats en cours autour de la réintroduction provisoire des <a href="https://theconversation.com/interdiction-des-insecticides-neonicotino-des-pourquoi-a-t-il-fallu-attendre-plus-de-20-ans-95759">néonicotinoïdes</a> – ces insecticides dits « tueurs d’abeilles » – pour la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/06/les-deputes-votent-la-disposition-cle-sur-le-retour-des-neonicotinoides_6054871_3244.html">culture de la betterave</a> le montrent une nouvelle fois : en agriculture, l’usage des produits phytosanitaires (« phytos ») fait polémique, et beaucoup de prises de position contraires se cristallisent.</p>
<p>Une grande confusion s’est progressivement installée dans l’esprit de nombreux publics, car si des dangers pour la santé sont régulièrement mis en avant dans les médias par certaines <a href="https://www.generations-futures.fr/">associations</a> et la littérature scientifique, le discours officiel reste de prôner sa confiance dans le système mis en place et souligne qu’il y a peu de véritables problèmes pour la santé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313547068812808192"}"></div></p>
<h2>Dose journalière et limite maximale</h2>
<p>D’un point de vue réglementaire, deux indicateurs sont utilisés pour rendre compte de la sécurité des consommateurs.</p>
<p>Il y a tout d’abord la dose journalière admissible (DJA), c’est-à-dire la consommation quotidienne possible d’une substance xénobiotique au cours d’une vie entière sans risque connu pour la santé. Elle est fixée avec une marge de sécurité très importante (facteur de 100 ou 1000) par rapport à la dose sans effet.</p>
<p>Il y a ensuite la limite maximale de résidus (LMR), déterminée de façon à ce que la quantité de résidus d’un pesticide ingérée par une population donnée ne dépasse pas la DJA ; elle est calculée dans un produit agricole de manière à ce qu’un apport journalier maximum théorique des résidus provenant d’un pesticide donné soit inférieur à sa DJA. Comme la LMR dépend des habitudes alimentaires d’un consommateur moyen, elle varie selon les pays et selon les produits. Il y a une LMR pour chaque pesticide et pour chaque production végétale.</p>
<p>La LMR est critiquée pour les pesticides qui sont des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0041008X13000549">perturbateurs endocriniens</a> car pour ceux-ci, il n’y a plus de proportionnalité des effets induits avec la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1631069117301300">dose</a>. Cette catégorie de pesticide est notamment soupçonnés d’être responsables d’une recrudescence des cas <a href="https://academic.oup.com/humrep/article-abstract/30/6/1287/616129">d’infertilité</a>, et d’être un facteur de risque pour plusieurs maladies chroniques non transmissibles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-perturbateurs-endocriniens-une-menace-pour-notre-intelligence-74216">Les perturbateurs endocriniens, une menace pour notre intelligence</a>
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<p>En outre, il a été montré expérimentalement des effets <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02282298/">cocktails</a> entre certains pesticides ; or ces effets ne sont jamais pris en compte pour leur évaluation. Enfin, l’impact possible d’une ingestion de très faibles quantités tout au long d’une vie sur la diversité et le fonctionnement de notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0045653519307416">microbiote intestinal</a>, n’est pas considéré alors que de tels effets ont été montrés expérimentalement.</p>
<h2>Accumulation, résistance</h2>
<p>Les mêmes différences de perception sont observées quant aux effets sur la biodiversité.</p>
<p>Si les pesticides sont toxiques pour les organismes qu’ils ciblent, leur effet manque parfois de spécificité et peut donc impacter aussi <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-27455-3_13">d’autres composantes de la biodiversité</a> comme les ennemis naturels des ravageurs des cultures, les bactéries, champignons, oiseaux, mammifères, amphibiens, et poissons.</p>
<p>Les insecticides et les herbicides à large spectre affectent aussi directement et indirectement la faune via la disparition des habitats et la contamination des sources de nourriture. Les pesticides qui tendent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/fes3.108">à s’accumuler dans la chaîne alimentaire</a> posent également un risque à long terme pour les prédateurs, affaiblissant le potentiel de régulations naturelles. Ceci fragilise la gestion des ravageurs et accroît la dépendance future aux pesticides.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-notre-rapport-aux-insectes-dit-de-notre-rapport-a-la-nature-115929">Ce que notre rapport aux insectes dit de notre rapport à la nature</a>
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<p>En outre, à l’usage, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/brv.12440">résistances aux phytos</a> peuvent apparaître chez les organismes cibles (insectes, micro-organismes ou plantes indésirables), rendant leur usage inopérant.</p>
<h2>Trois voies pour évoluer</h2>
<p>Dans ces débats complexes, il semble important de tenir compte de la perte de confiance des citoyens envers les sphères politiques et agricoles : malgré des initiatives publiques dédiées à la réduction forte des phytos (<a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plans Ecophyto</a> 1, 2 et 2+), les <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-04/datalab-essentiel-172-plan%20de%20reduction-avril2019.pdf">dernières statistiques</a> montrent un accroissement de leur usage en dix ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360505/original/file-20200929-14-wid4o0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les « autres produits » désignent nématicides, rodenticides, médiateurs chimiques, molluscicides, régulateurs, répulsifs, taupicides et autres. Les traitements de semences n’ont été intégrés à la BNV-D qu’à partir de 2012 et représentent 1,6 % des substances actives vendues en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-04/datalab-essentiel-172-plan%20de%20reduction-avril2019.pdf">BNV-D, données sur les ventes au code commune Insee des distributeurs, extraites le 13 novembre 2018. Traitements : SDES, 2019</a></span>
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</figure>
<p>Enfin, une bataille sémantique brouille le débat : quand certains parlent de « pesticides », d’autres parlent de produits « phytopharmaceutiques » ou produits « phytosanitaires ». Dans la première acception, il est implicite que les produits tuent le vivant, et qu’ils ne sont pas non plus sans danger pour la santé des animaux et des hommes. Dans la seconde, leur utilisation est légitimée au même titre que l’usage des médicaments l’est pour les humains.</p>
<p>Malgré ces différences de perception et de terminologie, il y a un objectif largement partagé de réduire les usages comme les impacts ; cependant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-015-0306-1">trois voies de progrès</a> coexistent. Les deux premières ne remettent pas ou peu en cause les pratiques existantes et considèrent que les plantes sont forcément vulnérables aux bioagresseurs, contrairement à la troisième qui va s’intéresser à leur environnement pour réduire leur vulnérabilité.</p>
<h2>Faire mieux… sans viser à changer le système</h2>
<p>Les leviers les plus promus par les politiques publiques ne remettent jamais frontalement en cause la structure des systèmes agricoles intensifs et simplifiés (rotations courtes, travail du sol fréquent, absence ou insuffisance d’infrastructures agroécologiques) qui dominent aujourd’hui en France.</p>
<p>Les phytos sont encore utilisés suivant des pratiques d’assurance quasi systématique (traitement des semences indépendamment des besoins réels de protection, par exemple). Au-delà du choix de variétés résistantes, les mesures préventives visant à renforcer la santé des plantes ne sont que très peu mobilisées. Ce système s’appuie implicitement sur l’efficacité des seules solutions curatives que les phytos incarnent.</p>
<p>Deux grandes stratégies de réduction des pesticides chimiques sont à l’œuvre dans ces systèmes simplifiés. La première réside dans l’augmentation de l’efficience des traitements via l’optimisation des apports dans le temps et l’espace grâce aux technologies de l’agriculture de précision. La deuxième est basée sur l’utilisation de substituts organiques ou biologiques aux produits de synthèse (phéromones sexuelles de synthèse pour piéger des insectes, microhyménoptères parasites de nombreux ravageurs, biopesticides). L’innocuité de ces biopesticides reste à démontrer et l’utilisation d’organismes vivants pose le problème de la pérennité de la solution et des possibles effets de diffusions incontrôlées.</p>
<p>Ces deux stratégies permettent effectivement de <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-fermes-dephy-partout-en-france-des-systemes-de-production-performants-et-economes-en-0">réduire l’utilisation des pesticides de synthèse</a>, mais elles correspondent à des formes d’agriculture où les pesticides gardent leur fonction de « parapluie » de protection. Dans cette approche, il faut protéger les plantes dont la vulnérabilité est élevée du fait des modes de culture intensifs que l’on ne cherche pas à remettre en question. Cette approche est prônée par ceux qui défendent la possibilité de maintenir une forte capacité d’exportation de denrées agricoles et soulignent le besoin de nourrir une population mondiale croissante par ce seul moyen.</p>
<h2>Pour des systèmes agricoles moins vulnérables</h2>
<p>Les recherches récentes convergent pour souligner qu’il ne sera possible de diminuer drastiquement les pesticides pour un usage en dernier recours, que si on <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02790952">combine un ensemble de leviers, chacun n’ayant qu’un effet partiel</a>, mais visant, conjointement à renforcer la régulation naturelle des bioagresseurs. Détaillons les trois principaux axes.</p>
<p>Premier axe, une diversité de plantes à l’échelle de la <a href="http://doi.org/10.1016/j.gecco.2020.e01118">parcelle</a> : succession de cultures et d’intercultures pour réprimer certains bioagresseurs, mélange d’espèces et de variétés résistantes ou tolérantes pour réduire l’amplitude des dégâts, <a href="https://agriculture.gouv.fr/lancement-du-programme-prioritaire-de-recherche-cultiver-et-proteger-autrement">espèces différentes</a> en bordure de parcelle pour favoriser certains ennemis naturels et/ou mieux contrôler certains bioagresseurs. Toutefois, cet axe complexifie la récolte et peut induire le besoin de trier la collecte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-les-pesticides-il-faut-aussi-des-agriculteurs-dans-les-champs-106978">Pour en finir avec les pesticides, il faut aussi des agriculteurs dans les champs</a>
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<p>Second axe, un <a href="http://doi.org/10.1016/j.tree.2016.02.016">sol en bonne santé</a> : les apports organiques et un travail du sol, limité ou nul, réduisent l’oxydation du sol et favorisent son activité biologique (microorganismes, faune), rendant les plantes moins vulnérables aux bioagresseurs souterrains et aériens. Cela favorise les mycorhizes, champignons filamenteux vivant en symbiose avec la plupart des plantes, qui améliorent l’acquisition de ressources rares (phosphore, eau…) et renforcent la résistance des plantes aux stress biotiques et abiotiques (sécheresse, froid…). Leur développement nécessite cependant une non-perturbation mécanique du sol et des apports modérés de fertilisants, incompatibles avec la « quête des derniers quintaux ».</p>
<p>Troisième axe, une <a href="https://www.pnas.org/content/116/33/16442.short">surface réduite</a> pour chaque parcelle combinée à la présence d’infrastructures écologiques (haies, prairies, lisières…) alentour favorisent l’abondance et la diversité les ennemis naturels des bioagresseurs. Cet axe bute toutefois actuellement sur la standardisation et la productivité réalisées à l’aide d’équipements de grand gabarit.</p>
<p>La combinaison de ces trois familles de leviers aboutit à des agro-écosystèmes sièges de <a href="https://www.quae.com/produit/1333/9782759224128/protection-agroecologique-des-cultures">nombreuses régulations biologiques</a> dans et au-dessus du sol, porteurs de cultures moins sensibles, et donc plus résilientes. Dans ces conditions, une parcelle peut jouer le rôle d’habitat pour une partie du cycle des espèces auxiliaires (source de nourriture et lieu de ponte) et ainsi être peu voire pas traitée.</p>
<p>Cette stratégie amène aussi à raisonner de manière plus systémique, par exemple en choisissant les couverts intermédiaires en fonction de leur facilité de destruction sans recours à la chimie et pas seulement pour leur facilité d’implantation. Ces régulations peuvent mettre du temps à s’instaurer et vont nécessiter des travaux pour savoir comment en fiabiliser et renforcer les effets.</p>
<p>Ces leviers présentent l’immense mérite de fournir d’autres <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02154655">services à l’agriculture</a> (pollinisation, meilleure efficience de l’eau, fertilité des sols…) ainsi qu’à la société et la planète : régulation du climat par séquestration du carbone, préservation de la biodiversité.</p>
<p>Pour autant, ce ne sont pas les leviers les plus promus par les politiques publiques ni les plus rencontrés dans les exploitations agricoles, car, mal maitrisés, ils peuvent entrer en conflit avec la simplicité et la rentabilité de court terme des exploitations. De fait, ils n’apportent actuellement pas la reconnaissance financière qui justifierait de systématiser leur intégration dans l’évaluation des performances des exploitations.</p>
<h2>Une nouvelle approche autour du bien commun</h2>
<p>Pour n’utiliser les phytos qu’en dernier recours, comme des médicaments, la conception de la santé des plantes devra se baser sur la résilience des écosystèmes vis-à-vis des bioagressions, via le développement de la biodiversité fonctionnelle bénéfique. Cela devrait être un des tout premiers critères pour juger de la performance des systèmes mis en place.</p>
<p>Cela ne pourra pas se faire sans <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02627706">mobiliser les acteurs</a> en amont (diversification de l’offre en semences) et en aval (collecte, tri, stockage et transformation des produits), d’où de <a href="https://www6.inrae.fr/ciag/content/download/6484/47879/file/Vol68-1-D%C3%A9tang-Dessendre%20et%20al.pdf">moindres économies d’échelle, mais autant de pistes pour des économies de gamme</a>.</p>
<p>Cela nécessite également des coordinations entre agriculteurs et acteurs locaux pour <a href="http://doi.org/10.1051/ocl/2013007">diversifier</a> les cultures au sein d’un territoire et gérer les infrastructures agroécologiques. Choisir cette famille de leviers ne relève donc pas du seul libre arbitre de l’agriculteur, mais bien d’une <a href="https://ecophytopic.fr/proteger/seminaire-gerer-la-sante-des-plantes-comme-un-bien-commun">gestion collective du bien commun</a> que constitue cette biodiversité fonctionnelle et les habitats qui la favorisent à l’échelle d’un territoire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-science-des-pesticides-doit-etre-independante-plaide-un-chercheur-112034">La science des pesticides doit être indépendante, plaide un chercheur</a>
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<p>L’instauration de pratiques basées sur la biodiversité utile devra être contextualisée en fonction des caractéristiques de sol, de climat et d’histoire culturale de la parcelle. Il y a donc beaucoup moins de « recettes » que pour les voies de protection des cultures basées sur l’amélioration de l’efficience des intrants (chimiques) ou sur leur substitution.</p>
<p>Il faut donc que les marchés évoluent pour proposer des solutions portant à la fois une forme d’universalité et d’adaptation aisée aux situations locales. Cela suppose aussi de fournir un conseil moins normatif aux agriculteurs et le développement de <a href="http://doi.org/10.1007/s13593-015-0306-1">nouveaux dispositifs pour capitaliser et partager les connaissances</a>.</p>
<p>Enfin, si l’on vise le développement de systèmes agricoles moins vulnérables via la gestion d’un bien commun, il sera judicieux que les nouvelles pratiques soient reconnues par un label rémunérateur ou que les services environnementaux rendus à la société soient rémunérés. Cela n’entraînera pas nécessairement de surcoût, car la société paye déjà pour ces services via la dépollution de l’eau ou la prise en charge des dépenses de santé. La moindre productivité actuelle des exploitations qui s’essayent à l’agroécologie peut être soutenue par une demande locale (avantage apporté par une garantie de débouché), une reconnaissance via une labellisation des produits <a href="https://agriculture.gouv.fr/certification-environnementale-mode-demploi-pour-les-exploitations">mais aussi des exploitations</a>.</p>
<p>Tant qu’une partie des pesticides restent autorisée, les progrès sur les approches alternatives à la chimie restent timorés. Par ailleurs, on voit mal comment les produits issus d’une agriculture agroécologique pourraient se distinguer de ces mêmes produits issus de l’agriculture conventionnelle si tous finissent dans un même silo ou une même cuve masquant la distinction. Le consentement à payer pour, par exemple, une agriculture « zéro pesticides » ne peut se déployer qu’avec une traçabilité marquée. En effet, pour les fruits par exemple, les systèmes réduisant les pesticides ont généralement un chiffre d’affaires par hectare moins bon qu’en système conventionnel et qu’en agriculture biologique (AB), comme le souligne la figure suivante.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360507/original/file-20200929-18-10x7d8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les résultats du réseau Dephy montrent les systèmes économes en pesticides (ECO) sont actuellement moins rémunérateurs que les systèmes conventionnels (REF) ou sous cahier des charges AB (AB), car on ne tient pas compte des valeurs non marchandes comme les impacts sur la santé, les pollutions évitées et la protection de la biodiversité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ecophytopic.fr/concevoir-son-systeme/reseau-dephy-expe-filiere-arboriculture-synthese-des-resultats-lechelle">Ecophytopic</a></span>
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</figure>
<p>Cela pose la question de la possible coexistence de trois formes d’agricultures conventionnelle, agroécologique et biologique. Soit les pratiques agroécologiques deviennent les standards du conventionnel (renforcé par une règlementation très ferme sur les pesticides), soit le différentiel entre conduite agroécologique et AB n’est pas suffisant et mène à leur fusion.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Construite autour de leur utilisation, notre agriculture est dépendante des pesticides. Pour s’en affranchir, la conception de la santé des plantes doit se baser sur la résilience des écosystèmes.Michel Duru, Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), InraeJean-Pierre Sarthou, Professeur INP-ENSAT en agronomie et agroécologie, InraeOlivier Therond, Ingénieur de recherche, agronome du territoire, InraeXavier Reboud, Chercheur en agroécologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466032020-09-23T17:45:50Z2020-09-23T17:45:50ZIncendies, sécheresses, ravageurs : les forêts victimes de la monoculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359086/original/file-20200921-22-1amplic.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=72%2C5%2C1117%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Forêt des Landes de Gascogne, où les pins côtoient le feuillus, combinaison qui protège les arbres des ravageurs. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/For%C3%AAt_des_Landes#/media/Fichier:ForetLandes.JPG">Larrousiney/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Covid-19, urbanisation galopante, péril sur la biodiversité… la forêt apparaît ces dernières années comme le refuge par excellence, un lieu pour retisser des liens avec le vivant, une «nature» en voie de disparition. Après notre premier épisode sir les forêts de montagne, décryptage des ravages de la monoculture.</em></p>
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<p>Les forêts représentent un important volume de carbone capté puis stocké dans les troncs des arbres, leurs racines, et dans les sols. À ce titre, elles jouent un rôle crucial dans la régulation du climat à l’échelle planétaire.</p>
<p>Elles forment également un exceptionnel réservoir de biodiversité et constituent une protection contre l’érosion des sols, en plus d’être une source de bois pour la construction, le chauffage ou la fabrication du papier. Et ce ne sont là que quelques exemples de nombreux services fournis par ces écosystèmes.</p>
<p>En bref, les habitants de la Terre ont grand besoin d’elles et pourtant, les incendies ravagent les forêts de l’Ouest américain ou de l’Australie. En Europe, c’est la sécheresse qui entraîne des dépérissements massifs, et la canicule annoncée en ce mois de juillet 2022 ne va guère arranger les choses. Des centaines d’hectares de forêt amazonienne sont également abattus pour faire place aux terres agricoles. Un peu partout dans le monde, des maladies émergentes et des ravageurs exotiques envahissants menacent la survie de nombreuses espèces d’arbres.</p>
<p>Face à ce paradoxe, de nombreuses initiatives ont vu le jour pour planter des arbres, avec l’idée que les <a href="https://www.onf.fr/+/480::rapport-du-giec-quel-role-de-la-foret-face-au-rechauffement-climatique.html">arbres seraient la solution au changement climatique</a>. L’idée est séduisante, mais peut être simpliste, notamment parce que <a href="https://www.weforest.org/file/2656/download?token=CeGffSjT">toutes les plantations ne se valent pas</a>.</p>
<h2>Forêts plantées et monocultures forestières</h2>
<p>Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, les forêts plantées représentent aujourd’hui <a href="http://www.fao.org/3/ca8642fr/CA8642FR.pdf">294 millions d’hectares</a> à l’échelle mondiale (7 % de la surface forestière) et sont en constante augmentation (+171 millions d’hectares depuis 1990). La moitié d’entre elles sont des forêts de plantation dédiées à la production industrielle de bois.</p>
<p>Ces plantations sont majoritairement monospécifiques, des <em>monocultures</em>, établies à partir d’un nombre limité d’essences (eucalyptus, pins, épicéa, peuplier, hévéa, teck), souvent exotiques ; elles sont gérées de manière intensive.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1183519224595132417"}"></div></p>
<p>La question n’est pas de savoir si la monoculture est bien ou mal, ni même de savoir si les forêts plantées <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/15/ne-prenons-plus-les-plantations-d-arbres-pour-des-forets_6049004_3232.html">sont des forêts</a> ou <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/15/ne-prenons-plus-les-plantations-d-arbres-pour-des-forets_6049004_3232.html">non</a>. <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/29/herve-jactel-les-forets-de-plantations-possedent-la-plupart-des-attributs-des-forets-dites-naturelles_6050283_3232.html">Elles aussi peuvent avoir un intérêt</a>, mais ces grands massifs monospécifiques présentent des risques.</p>
<p>Face aux défis que représentent le changement climatique, les introductions d’espèces invasives et la transformation des habitudes des citoyens consommateurs, <a href="https://www.researchgate.net/publication/318234390_Tree_Diversity_Drives_Forest_Stand_Resistance_to_Natural_Disturbances">il convient donc de les évaluer</a>.</p>
<h2>Forêts mélangées et attaques de ravageurs</h2>
<p>Le risque associé à la monoculture le mieux documenté est un risque sanitaire lié à la propagation des ravageurs et des agents pathogènes. Nous venons de publier une <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-ento-041720-075234">méta-analyse de la littérature scientifique</a> démontrant que, sur plus de 600 cas d’études, les insectes herbivores causent en moyenne 20 % de dégâts en plus dans les monocultures que sur les mêmes espèces d’arbres poussant dans des forêts mélangées.</p>
<p>Bien sûr, c’est une moyenne et des contre-exemples existent, mais notre analyse permet d’identifier les mécanismes par lesquels les forêts mélangées seraient plus résistantes vis-à-vis des attaques d’insectes herbivores.</p>
<p>Déjà, il faut réaliser que la <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1365-2656.2010.01728.x">plupart des insectes herbivores sont plus ou moins spécialistes</a>, dans le sens où ils ne sont capables de s’alimenter et de se reproduire (donc de causer des dégâts importants) que sur un nombre restreint d’espèces d’arbres plus ou moins apparentées. On parle d’arbres hôtes. Un arbre hôte est reconnu comme ressource alimentaire par les insectes herbivores qui disposent des adaptations pour contourner les défenses de cet arbre. Au contraire, un arbre non hôte n’est pas reconnu comme ressource, ou ses défenses sont telles qu’elles ne permettent pas à l’herbivore de l’exploiter.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1233118463947878403"}"></div></p>
<p>Ceci posé, le premier mécanisme par lequel la diversité des arbres réduit les dégâts causés par les insectes herbivores est purement statistique : les arbres hôtes sont d’autant moins nombreux (plus « dilués ») dans une forêt <a href="https://corinnevacher.files.wordpress.com/2014/11/castagneyrol_jae_2013.pdf">que le nombre d’espèces d’arbres, notamment non-hôtes, augmente</a>. Il y a de fait moins de chance qu’ils soient trouvés par leurs herbivores. Le même mécanisme de dilution agit d’ailleurs sur les agents <a href="https://www.pnas.org/content/112/28/8667">pathogènes</a>.</p>
<p>Ensuite, parce que les insectes sont capables de reconnaître les hôtes et d’éviter les non-hôtes, la diversité des arbres agit comme un brouilleur de signal : les signaux répulsifs émis par les arbres non hôtes empêchent les insectes de repérer et de s’orienter vers leurs arbres hôtes.</p>
<p>C’est ce mécanisme qui serait à l’origine du <a href="https://www.theses.fr/151672172">rôle protecteur des haies d’arbres feuillus</a> contre les attaques des pins par la chenille processionnaire dans la forêt (monospécifique) des Landes de Gascogne.</p>
<h2>Diversité des arbres et perturbations naturelles</h2>
<p>Le risque sanitaire associé à la monoculture peut être étendu aux dégâts d’origine « abiotique » (c’est-à-dire non liés au vivant) causés par le vent, le feu ou la sécheresse. Les résultats de la recherche sont plus récents et, de fait, plus équivoques que dans le cas des ravageurs ; mais plusieurs éléments suggèrent que les forêts mélangées seraient plus résistantes et plus résilientes (elles se remettraient plus vite après une perturbation) que les monocultures.</p>
<p>Ainsi, les feux de forêt se propagent <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00884126">plus facilement dans les forêts dominées par les conifères</a> que dans les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00884126">forêts mélangées associant</a> des conifères à des essences feuillues, moins inflammables.</p>
<p>Même constat par rapport au vent : les forêts mélangées semblent en moyenne plus résistantes aux tempêtes quand elles associent conifères et feuillus. La situation est plus controversée dans le cas de la sécheresse : certaines essences bénéficient du mélange, d’autres pas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1219752967152291842"}"></div></p>
<h2>Mélanger mieux, et non mélanger plus</h2>
<p>Il n’est pas raisonnable en l’état actuel des connaissances scientifiques de présenter les plantations mélangées comme la panacée contre tous les problèmes de santé des forêts. Même si l’examen de la littérature scientifique plaide largement en faveur des mélanges pour favoriser la résistance des forêts aux risques biotiques et abiotiques, des contre-exemples existent.</p>
<p>Une constante se dégage toutefois de notre analyse. Ce n’est pas le nombre d’espèces associées dans une forêt qui favorise sa résistance aux attaques d’insectes, aux tempêtes, au feu, c’est la composition du mélange d’espèces. Un pin maritime et un pin <em>radiata</em> se ressemblent beaucoup plus entre eux qu’ils ne ressemblent à un bouleau ou un chêne. Ainsi, du point de vue de l’herbivore, ou face à la propagation d’un incendie, un mélange de conifères se comporte comme une entité bien plus homogène qu’un mélange de conifères et de feuillus.</p>
<p>La recherche en écologie forestière des dernières décennies a mis en évidence la vulnérabilité des monocultures d’arbres vis-à-vis des risques naturels. Elle permet également de dégager une constante dans la diversité des études scientifiques : ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité des assemblages d’arbres. Les mélanges de conifères et de feuillus apparaissent à ce titre prometteurs pour encourager la résistance des forêts aux aléas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol a reçu des financements du ministère de l’Agriculture via GIP-ECOFOR pour le projet BioPICC (ECOFOR-2014-15) et de l’ANR pour le projet DiPTiCC (ANR-16-CE32-0003-01).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Jactel a reçu des financements de l’Union européenne pour le projet HOMED. </span></em></p>Les forêts plantées sont souvent des monocultures, ce qui peut les exposer à des risques auxquels résistent mieux les forêts mélangées.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeHervé Jactel, Directeur de recherche en écologie forestière, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1383642020-06-17T17:32:53Z2020-06-17T17:32:53ZDeux nouveaux insectes identifiés au Kenya peuvent aider à lutter contre les ravageurs du maïs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336749/original/file-20200521-102657-x0kjbe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Telenomus remus, les oeufs de la légionnaire d'automne, Spodoptera frugiperda</span> <span class="attribution"><span class="source">Dr. Robert Copeland, Biosystematics Unit, icipe</span></span></figcaption></figure><p>Les insectes ravageurs de cultures, tels que les <a href="https://www.mnhn.fr/fr/collections/ensembles-collections/arthropodes-terrestres/lepidopteres">lépidoptères</a> foreurs de graminées et la <a href="http://www.fao.org/3/a-i7471f.pdf">chenille légionnaire d’automne</a>, représentent un défi grandissant pour la production alimentaire mondiale.</p>
<p>La demande massive en produits agricoles a poussé les systèmes agricoles à se simplifier et, souvent, à se concentrer sur une seule espèce cultivée (on parle de monoculture). Lorsque les champs disposent d’une seule culture, les ravageurs n’ont aucune difficulté à la trouver. Cette rencontre est bien plus difficile lorsque la culture est mélangée à d’autres plantes dans un même champ. Ainsi, les <a href="https://www.challenge.org/knowledgeitems/the-dangers-of-monoculture-farming">pertes de récoltes sont beaucoup plus probables</a> et fréquentes dans les cas de monoculture.</p>
<p>Le <a href="https://www.biotechnologies-vegetales.com/ckfinder/userfiles/files/Fiches/FicheInfo07-Changement-climatique-parasites-et-maladies-des-plantes.pdf">changement climatique</a>, notamment la hausse des températures et la modification de la pluviométrie, associé à la réduction de l’habitat naturel due à l’agriculture, a également contribué à faire ressurgir les ravageurs de culture.</p>
<p>L’évolution rapide de la <a href="http://www.fao.org/fileadmin/templates/agphome/documents/Pests_Pesticides/Code/Annotated_Guidelines_FR.pdf">résistance des ravageurs aux pesticides chimiques</a>, ainsi qu’une demande croissante d’agriculture biologique liée aux conséquences de plus en plus néfastes des pesticides chimiques sur la santé humaine et l’environnement, poussent les agriculteurs à trouver des solutions biologiques pour contrôler les insectes ravageurs de cultures.</p>
<p>Le principe de la <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/4101?lang=pt">lutte biologique</a> ou <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/4101?lang=pt">biocontôle</a> est d’utiliser des organismes vivants afin de réduire et limiter significativement les ravages causés par les insectes ravageurs. Ces organismes, appelés ennemis naturels ou antagonistes, peuvent être des prédateurs, des parasites ou des micro-organismes qui entraînent une maladie ou la mort des ravageurs.</p>
<p>Les insectes parasitoïdes constituent l’une des composantes majeures de ce biocontrôle. Ces insectes parasitent d’autres <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/classification-vivant-arthropode-403/">arthropodes</a>, majoritairement des insectes, entraînant leur mort ou leur stérilité. Ils ciblent différents stades de développement de l’insecte : des œufs, des larves jusqu’aux <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/zoologie-chrysalide-2113/">chrysalides ou pupes</a>. Ils reçoivent une attention croissante car ils sont efficaces, d’une utilisation peu coûteuse et permettent de gérer les ravageurs dans le respect de la santé humaine et de l’environnement.</p>
<p>Deux espèces de ces parasitoïdes ont été découvertes au Kenya, par nos collègues et nous-mêmes. Ces espèces s’avèrent prometteuses pour la lutte contre les deux grands ravageurs du maïs : <em>Cotesia typhae</em> pour la lutte contre le foreur des tiges, <em>Sesamia nonagrioides</em>, en France ; et <em>Cotesia icipe</em> pour lutter contre les chenilles légionnaires d’automne, <em>Spodoptera frugiperda</em>, en Afrique.</p>
<p><em>Sesamia nonagrioides</em> est un insecte originaire d’Afrique qui a envahi l’Europe et le Moyen-Orient il y a environ 100 000 ans. Il est depuis devenu l’un des principaux ravageurs de maïs du pourtour méditerranéen en France mais <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-013-0185-2">son aire de répartition s’élargie</a> actuellement vers le nord suite au réchauffement climatique.</p>
<p>La chenille légionnaire d’automne est une espèce invasive originaire des zones tropicales des Amériques, qui a envahi l’Afrique subsaharienne en 2016. Elle se propage désormais en Asie et en Australie et pourrait atteindre l’Europe rapidement. Les pays africains ont dû faire face à des <a href="http://www.fao.org/news/story/fr/item/1143125/icode/">ravages massifs</a> des cultures de maïs et à des pertes estimées à des millions de dollars suite aux dégâts causés par ce ravageur et aux coûts associés à la pulvérisation de pesticides chimiques.</p>
<p>D’autres ennemis naturels peuvent parasiter ces ravageurs, mais ils ne sont pas toujours présents dans la nature. Comprendre la prévalence et l’efficacité de ces autres antagonistes est important. Nous nous devons de vérifier si les parasitoïdes que nous introduisons n’interfèrent pas avec des espèces non cibles ou avec d’autres ennemis naturels existants qui peuvent déjà parasiter les ravageurs. Nous souhaitons que, dans les prochaines années, la découverte de ces nouveaux parasitoïdes permette de mettre en place un contrôle efficace de ces importants ravageurs du maïs.</p>
<h2>_ Cotesia typhae_</h2>
<p>L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) a lancé des études avec l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (ICIPE) en Afrique de l’Est, afin d’évaluer la diversité, l’abondance et la distribution des lépidoptères foreurs de graminées ainsi que de leurs ennemis naturels, en particulier les parasitoïdes, dans leurs habitats naturels autour des champs cultivés.</p>
<p>Après 10 ans de recherche, une <a href="https://zookeys.pensoft.net/articles.php?id=13016">nouvelle espèce de parasitoïde a été découverte, <em>Cotesia typhae</em></a>. Cette espèce pond ses œufs à l’intérieur des larves du foreur des tiges, <em>Sesamia nonagrioides</em>, qui meurent suite au développement des progénitures du parasitoïde.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342131/original/file-20200616-23247-1ftxl6w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nouvelle espèce de <em>Cotesia typhae</em> (à gauche) parasitant (à droite), une larve de <em>Sesamia nonagrioides</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dr. Robert Copeland, Biosystematics Unit, ICIPE (left) and Laure Kaiser, EGCE, CNRS, France (right)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1095-8312.2011.01666.x">Il y a environ 100 000 ans</a>, <em>Sesamia nonagrioides</em> est venu d’Afrique pour envahir les zones méditerranéennes, dont celle de France. Cet insecte est devenu un important ravageur du maïs, indemne de tout ennemi naturel car ceux-ci ne l’ont pas suivi de l’Afrique vers la France. Jusqu’ici, seule la lutte chimique a été mise en place pour réduire sa propagation et ses ravages. Mais cette stratégie a des conséquences néfastes sur la santé humaine et l’environnement. Les agriculteurs et professionnels demandent désormais un agent de biocontrôle efficace.</p>
<p>Après avoir décrit cette nouvelle espèce, la prochaine étape de notre étude consistera à développer une stratégie de lutte biologique contre <em>Sesamia nonagrioides</em> en utilisant <em>Cotesia typhae</em>. Nous devons tout d’abord nous assurer qu’il est efficace sur la population française de <em>Sesamia nonagrioides</em> et d’évaluer l’impact de l’introduction en France de ce nouveau parasitoïde <em>Cotesia typhae</em> sur d’autres espèces de chenilles foreurs de tiges non-cibles.</p>
<h2><em>Cotesia icipe</em></h2>
<p>Le deuxième parasitoïde, découvert par l’ICIPE, <em>Cotesia icipe</em>, s’avère être un ennemi naturel prometteur contre les chenilles légionnaires d’automne en Afrique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342139/original/file-20200616-23217-196eqd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Légionnaire d’automne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dr. Subramanian Sevgan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La récente « invasion » de cette chenille légionnaire d’automne, <em>Spodoptera frugiperda</em>, limite grandement les rendements du maïs en infestant les champs tout au long des stades de croissance de la culture, du semis à l’épiaison. L’utilisation de pesticides chimiques semble être la seule méthode de lutte contre ce ravageur, mais ceux-ci peuvent être nocifs, en particulier pour l’environnement car ils peuvent affecter des insectes non ciblés, comme les abeilles.</p>
<p>Grâce à des études approfondies sur le terrain en Afrique de l’Est, plusieurs parasitoïdes indigènes capables de parasiter la chenille légionnaire à son stade larvaire ont été identifiés par l’ICIPE. C’est le cas d’une nouvelle espèce de parasitoïde baptisée <em>Cotesia icipe</em>. Elle a en effet réussi à parasiter 45 % des chenilles légionnaires d’automne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342141/original/file-20200616-23213-1epe3w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cotesia icipe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dr. Robert Copeland Biosystematics Unit icipe</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La prochaine étape de cette étude se concentrera sur le développement de la lutte biologique contre la légionnaire d’automne en Afrique de l’Est à l’aide de <em>Cotesia icipe</em> et d’autres parasitoïdes.</p>
<p>Toutes ces recherches visent à proposer une solution alternative à la lutte chimique contre ces deux ravageurs majeurs du maïs en France et en Afrique. Elles fournissent de bonnes solutions de biocontrôle, respectant les réglementations de sécurité environnementale, tout en étant efficaces et peu coûteuses.</p>
<p>Nous préparons actuellement des études de faisabilité sur l’introduction de ces parasitoïdes dans leurs nouveaux environnements, destinées aux décideurs politiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul-andré Calatayud is employed by IRD and is a visiting scientist at icipe. He received funding for his research from both IRD and icipe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sevgan Subramanian receives funding from icipe and the European Union (grant number DCI-FOOD/2017/) for development of integrated pest management strategy to counter the threat of invasive fall armyworm to food security in eastern Africa (FAW-IPM).</span></em></p>Comment lutter contre les ravages causés par les insectes ravageurs sur le maïs ? La réponse vient peut-être de deux nouvelles espèces qui s'attaquent à leurs congénères.Paul-André Calatayud, Senior research scientist, Institut de recherche pour le développement (IRD)Sevgan Subramanian, Prinicipal Scientist and Insect Pathologist, International Centre of Insect Physiology and EcologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1373102020-05-04T19:42:14Z2020-05-04T19:42:14ZCes criquets pèlerins qui menacent d’affamer l’Afrique de l’Est<p>Depuis des mois, la région de la Corne de l’Afrique fait face à une invasion inédite de criquets pèlerins. Depuis 2019, ils ont déjà atteint le Kenya, l’Éthiopie, l’Érythrée, Djibouti, la Somalie, l’Ouganda, le Soudan et la Tanzanie.</p>
<p>Ces essaims aggravent le problème de sécurité alimentaire dans l’une des régions les plus pauvres et les plus vulnérables du monde, dévorant les quelques récoltes de maïs et de sorgho que la sécheresse avait épargnées.</p>
<p>Cette crise environnementale a considérablement augmenté la pression sur une région qui était déjà sous tension et soumise à des variations climatiques extrêmes. La mise en place d’une réponse devient urgente pour éviter qu’à la crise sanitaire du Covid-19 s’ajoute une grave crise alimentaire dans la région.</p>
<h2>Le criquet pèlerin, solitaire ou grégaire</h2>
<p>Parmi les insectes appelés les locustes, le criquet pèlerin (<em>Schistocerca gregaria</em>) est l’une des espèces acridiennes les <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.13739">plus importantes</a> en raison de leur capacité à migrer sur de grandes distances et à augmenter rapidement ses effectifs, et du fait de leur capacité morphologique (de couleur et de forme), physiologique et comportementale à passer de la forme solitaire <a href="https://doi.org/10.1016/S0065-2806(08)60091-0">à la forme grégaire</a>.</p>
<p>Cet herbivore vit <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.13739">dans les prairies arides et les déserts d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Ouest</a>. Pendant les périodes de récession, les individus sont le plus souvent solitaires et inoffensifs. Mais lors des phases de pullulation, le nombre d’individus augmente et des groupes denses se forment selon les conditions environnementales de leur aire d’habitat : c’est le phénomène de grégarisation.</p>
<p>Par ailleurs, dans les conditions favorables, les criquets pèlerins <a href="https://www.franceculture.fr/environnement/criquet-pelerin-en-afrique-il-ne-faut-pas-le-sous-estimer-il-peut-sattaquer-a-toute-la-vegetation">peuvent se multiplier par vingt par génération</a>. Ils forment ainsi des nuages massifs très visibles d’insectes grégaires, et produisent des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-185X.1999.tb00038.x">dégâts agricoles importants</a>.</p>
<p>Par ailleurs, ces invasions acridiennes remontent à bien très loin dans l’histoire de l’humanité. Il a été rapporté que ces ravages ont continué du Moyen-Âge jusqu’à nos jours <a href="http://agritrop.cirad.fr/341962/">sous forme de risques intermittents</a>. Des invasions de criquets furent signalées depuis la période pharaonique dans l’Égypte ancienne.</p>
<p>L’aire d’invasion du Criquet pèlerin couvre environ 31 millions de kilomètres carrés, soit presque la <a href="http://agritrop.cirad.fr/341962/">superficie totale de l’Afrique du Nord, la péninsule Arabique et l’Asie du Sud-ouest</a>.</p>
<h2>Les causes de cette prolifération</h2>
<p>De nombreux travaux montrent que la formation d’une invasion généralisée résulte d’une succession de pluies abondantes <a href="http://locust.cirad.fr/ouvrages_pratiques/pdf/DFPV6.pdf">sur de grandes surfaces</a>.</p>
<p>De plus, la structure de la végétation et la topographie de certains habitats favorisent la grégarisation, s’ils reçoivent les précipitations nécessaires pour permettre à la végétation de <a href="http://agritrop.cirad.fr/341962/">se développer</a>.</p>
<p>Si la saison des pluies se prolonge ou que la pluviosité est très abondante (tout particulièrement en zone tropicale), l’environnement est particulièrement propice aux étapes de la reproduction : <a href="http://locust.cirad.fr/ouvrages_pratiques/pdf/DFPV6.pdf">maturation, ponte, développement embryonnaire et développement larvaire de ces insectes</a>.</p>
<p>Les passages de cyclones successifs, qui se sont accompagnés de fortes pluies, en mai et octobre 2018 dans le Croissant vide de la péninsule Arabique ont été identifiés comme les causes majeures de la <a href="http://www.fao.org/3/ca7610fr/CA7610FR.pdf">résurgence actuelle de ces insectes</a>.</p>
<p>La fréquence et l’intensité accrues des événements extrêmes dans le contexte du changement climatique perturbent les écosystèmes et les rend vulnérables aux invasions, offrant ainsi des possibilités exceptionnelles de <a href="https://www.cabi.org/Uploads/CABI/expertise/invasive-alien-species-working-paper.pdf">dispersion et de croissance des espèces invasives</a>.</p>
<h2>Une menace pour la sécurité alimentaire</h2>
<p>En phase grégaire, un petit essaim de criquets pèlerins consomme en une journée une quantité de nourriture équivalente à celle de 35 000 personnes. Il peut donc être extrêmement destructeur et causer des pertes considérables <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-3-0348-9202-5_64">sur les cultures et les pâturages</a>.</p>
<p>Il menace déjà de façon cyclique l’agriculture et les pâturages d’environ 25 pays parmi lesquels les <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.1979.0069">plus pauvres du monde</a>, dans une zone <a href="http://agris.fao.org/agris-search/search.do?recordID=XF2004406453">s’étalant de la Mauritanie, en Afrique de l’Ouest, jusqu’à l’Inde à l’Est</a>.</p>
<p>En Afrique de l’Est, ces invasions acridiennes touchent les moyens de subsistance et pèsent sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 10 millions de personnes. Elles y aggravent la pauvreté et la vulnérabilité des ménages vivant déjà <a href="http://www.fao.org/ag/locusts/common/ecg/1913/en/DesertLocustEvalReportE.pdf">dans des conditions très précaires</a>.</p>
<p>À terme, l’invasion acridienne risque de provoquer un exode rural, un appauvrissement des ménages et la réduction de la main-d’œuvre agricole. L’importance relative des différents types d’impacts varie selon les pays et les zones étudiés.</p>
<h2>Détection précoce</h2>
<p>Sur le plan institutionnel, deux institutions distinctes jouent un rôle central dans la gestion préventive du criquet pèlerin en Afrique de l’Est : la Commission pour la région centrale de la FAO (CRC-FAO) et le Desert Locust Control Organization for Eastern Africa (DLCO-EA).</p>
<p>L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a adopté avec les pays touchés une stratégie de lutte préventive pour tenter de freiner l’augmentation des populations acridiennes au début du processus de grégarisation.</p>
<p>Cette stratégie est fondée sur la détection précoce, afin de prévenir les recrudescences de criquets menaçants. Parmi les données recueillies figurent le type de criquets, le type d’habitat et les précautions de traitement et de sécurité nécessaires pour y remédier.</p>
<p>Après transmission au centre de lutte antiacridienne, les données sont utilisées en combinaison avec les données relatives aux précipitations et à la végétation provenant d’images satellites, ou d’autres sources de données et de modèles de développement et de trajectoire des criquets. L’objectif étant <a href="http://www.un-spider.org/node/7804">d’analyser la propagation du ravageur</a>.</p>
<p>Les informations géo-référencées sur les criquets pèlerins et les conditions environnementales sont analysées par un Système d’Information Géographique (SIG) <a href="https://www.cabdirect.org/cabdirect/abstract/20103333311">appelé RAMSES (Système de Reconnaissance et de gestion de l’Environnement de Schistocerca gregaria)</a>.</p>
<h2>L’impossible éradication</h2>
<p>Malgré la menace qu’il représente, le criquet pèlerin joue aussi un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire. Il représente notamment une ressource en protéines importante <a href="https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=PASCAL82X0385054">pour les humains</a>. Sous les tropiques, où la consommation d’insectes par la population est bien établie, elle représente une source de revenus pour les populations locales.</p>
<p>L’élimination totale de l’insecte nuisible réduirait dans un même temps la quantité de nourriture disponible pour ses ennemis naturels. La lutte préventive est alors la solution la plus appropriée. Elle consiste essentiellement à identifier les zones de reproduction intense, afin de s’attaquer au problème dès le début de la grégarisation où la probabilité d’empêcher la propagation de l’infestation est la plus élevée.</p>
<p>Cependant, la lutte préventive peut s’avérer parfois inefficace, notamment à cause des conflits armés qui sévissent au Yémen où il n’y a pas eu de gestion préventive de cette menace.</p>
<p>Les efforts prioritaires de recherche devraient porter sur le développement des cultures de base à rendement élevé et tolérantes à la sécheresse, et résistantes aux maladies, en vue de réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr. Sougueh Cheik a reçu des financements de l'Institut de Recherche pour le Développement dans le cadre de ses travaux de recherche.</span></em></p>En Afrique de l’Est, les criquets pèlerins ravagent depuis des mois les récoltes de maïs et de sorgho épargnées par la sécheresse. Une menace qui pèse sur la sécurité alimentaire de la région.Sougueh Cheik, Docteur en sciences de l’environnement (écologie des sols), iEES-Sorbonne Université UPMC PARIS VI, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1226652019-12-11T21:20:02Z2019-12-11T21:20:02ZFin de l’insecticide chlorpyrifos, les alternatives sont déjà là<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/306416/original/file-20191211-95120-19e1iw0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le capucin des grains s’attaque aux céréales entreposées. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rhyzopertha-dominica-commonly-lesser-grain-borer-1238134648?src=cebad188-d709-45d5-8e6a-fe421bd635bc-1-76&studio=1">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 décembre 2019, la Commission européenne a annoncé que l’autorisation de commercialisation du chlorpyrifos ne serait pas renouvelée au sein de l’UE. Les effets de cet insecticide neurotoxique, utilisé en agriculture depuis une cinquantaine d’années, sont en effet loin d’être anodins pour la santé des hommes et des animaux. Comme l’a confirmé un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments du <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/pub/5810">28 août 2019</a>, son activité sur le système nerveux peut entraîner des déficiences préoccupantes et irréversibles chez l’enfant.</p>
<p>Interdit dès fin janvier 2020, les États membres disposeront alors de trois mois pour se débarrasser de leurs stocks. Le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie et la Suède <a href="https://www.letemps.ch/sciences/deux-pesticides-neurotoxiques-bannis-suisse">l’ont déjà interdit</a> ou s’étaient prononcés contre sa ré-homologation.</p>
<p>Le chlorpyrifos existe sous deux formes : le chlorpyrifos-ethyl et le chlorpyrifos-methyl. Le chlorpyrifos-ethyl permet de lutter contre les insectes ravageurs – les chenilles notamment – pour les cultures de fruits et légumes. Le chlorpyrifos-méthyl sert essentiellement à protéger les grains mis en silo d’une grande diversité d’insectes.</p>
<h2>Des molécules déjà dans le collimateur</h2>
<p>Le chlorpyrifos-éthyl est classé dans la liste des produits dit « CMR » pour cancérigène, mutagène et reprotoxique. Au cours de la dernière décennie, il a vu une majorité de ces usages être progressivement retirés.</p>
<p>En 2019, son seul usage encore autorisé en France concerne la <a href="https://ephy.anses.fr/ppp/pyristar">production d’épinards</a>. Environ 2,6 tonnes de chlorpyrifos-ethyl ont été commercialisées dans l’Hexagone en 2017, alors que la <a href="http://www.data.eaufrance.fr/jdd/bd45f801-45f7-4f8c-b128-a1af3ea2aa3e">vente annuelle</a> avoisinait encore cent tonnes en 2011. La molécule se retrouvant dans l’alimentation, souvent à des teneurs faibles – selon l’Anses, <a href="https://www.anses.fr/fr/content/observatoire-des-r%C3%A9sidus-de-pesticides">6 % des fruits et légumes</a> en présentent –, il est interdit d’utiliser le chlorpyrifos-ethyl sur les cultures dans les deux semaines préalables à la récolte pour ne pas dépasser les limites réglementaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306339/original/file-20191211-95111-r0ij12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le chlorpyrifos-éthyl est encore utilisé en France pour la culture des épinards.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/woman-green-boots-walking-on-spinach-1475164010">Shutterstock</a></span>
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<p>Pour le chlorpyrifos-méthyl, le volume utilisé annuellement entre 2008 et 2018 en France a fluctué mais sans baisser. Il avoisinait encore les 200 tonnes sur <a href="https://fr.statista.com/statistiques/493273/ventes-insecticides-france/">3 800 tonnes d’insecticides</a> vendus en 2017 – ce chiffre incluant les traitements réalisés sur les céréales destinées à l’exportation.</p>
<p>Lors de sa dernière réapprobation, le chlorpyrifos-methyl avait déjà fait l’objet d’une réduction marquée des teneurs résiduelles acceptables et, depuis le 5 décembre 2018, son utilisation était désormais interdite sur le blé, le maïs, le millet, le sarrasin, le seigle et le sorgho (mais encore autorisé pour l’avoine, l’orge et le riz). La réglementation avait également banni l’usage en traitement des locaux de stockage vides avant le stockage de graines.</p>
<p>Des alternatives à l’usage du chlorpyrifos existent et sont mise en pratique par les filières l’ayant déjà volontairement banni. D’autres alternatives, qui relèvent encore de la recherche, étendront ou renforceront ce qui existe déjà.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304897/original/file-20191203-67034-o0vw61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour les aliments à base de farine de blé (couscous, pâtes, pizza, taboulé, crêpe, sandwich), les résidus de pesticides essentiellement retrouvés sont deux insecticides : chlorpyriphos-méthyl et pyrimiphos-méthyl.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.quasaprove.org/moodle/pluginfile.php/587/mod_resource/content/0/6-Post-recolte_devenir_des_residus.pdf">Quasaprove</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>L’efficacité de la prévention</h2>
<p>Le problème des ravageurs est très ancien – dès que les hommes ont tenté de constituer des réserves de grains pour s’alimenter pendant la mauvaise saison et garder de quoi ressemer – comme l’attestent les données archéologiques. Des charançons ont ainsi été retrouvés dans des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0014785">poteries chinoises</a> datant de -4 500 à -3 000 ans ou lors des fouilles d’Herculanum en mettant à jour des <a href="https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2005_num_149_1_22827?pageid=t1_29">silos à grain enfouis</a> sous des cendres volcaniques.</p>
<p>L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) retient pour sa part une plage de dégâts occasionnés par les ravageurs en silo autour de 5 à 10 % de la production. La présence d’un charançon par tonne à la mise en silo, conduit dix mois plus tard à un charançon pour 10 kilos, étant donné son rythme de reproduction. Si la situation initiale est mal maîtrisée, elle peut donc être sujette à une dégradation rapide.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304894/original/file-20191203-66994-1l2chp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis l’avènement de l’agriculture, la conservation des grains stockés a été prise très au sérieux. Différentes familles d’insectes se sont fait une spécialité de les consommer ; ici trois charançons des grains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CSIRO_ScienceImage_11442_Rice_Weevil_Sitophilus_oryzae.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Dans les faits, il est possible d’agir à différents moments de la chaîne pour gérer le risque de manière préventive ou curative.</p>
<p>La majorité de ces insectes ravageurs sévissant sur les grains stockés ne se développant pas au champ, on peut s’assurer avant l’accueil en silo que les lots apportés ont été récoltés dans de bonnes conditions, avec du matériel de récolte et de transport nettoyés.</p>
<p>À l’accueil en silo, on peut isoler préventivement les lots douteux pour les trier. En conservation, on peut stopper le développement des insectes par différents moyens – à la fois préventifs et curatifs (températures basses, raréfaction de l’oxygène, attraction dans des pièges, obstacles à l’alimentation des insectes). Toutes ces techniques étaient pratiquées, certes avec plus ou moins de succès, avant l’avènement des insecticides.</p>
<p>L’usage de substances naturelles répulsives peut également constituer une action préventive et le recours à des ennemis naturels de ces insectes élargir le panel des moyens de lutte.</p>
<p>La mise en place de ces différentes actions est susceptible de fortement réduire la pression des insectes. Toutefois, si tout se déroule bien, on ne saura pas forcément distinguer ce qui découle de leur efficacité et ce qui recouvre des cas ou l’absence d’insectes ne justifiait pas d’intervention. Le recours aux pesticides en cas d’infestation déclarée apporte, lui, la preuve de son efficacité ; cette situation a tendance à biaiser les décisions.</p>
<p>Il est également important de juger du bénéfice étendu des alternatives aux insecticides en termes globaux (économique, environnemental, santé publique). Là aussi la difficulté vient de ce que les solutions retenues par l’organisme stockeur donneront plus de poids au coût économique à engager qu’elles ne retiendront un bénéfice potentiel sur la santé humaine (qui ne dépend pas que d’un seul acteur).</p>
<p>Il reste aujourd’hui difficile de se procurer des statistiques sur le nombre annuel de lots déclassés du fait d’une infestation non maîtrisée. En revanche, le montant des surcoûts de désinfection est connu (quelques euros la tonne). Cela fournit une base sur laquelle une filière peut évaluer la rentabilité d’un investissement privilégiant la prévention.</p>
<h2>Insectes sur écoute et autres méthodes</h2>
<p>La pratique traditionnelle de détection consiste à observer un échantillon de grains et à le passer dans un tamis. Ce procédé a toutefois ses limites : il ne détecte qu’une part des insectes et il est gourmand en temps.</p>
<p>D’autres technologies sont aujourd’hui privilégiées, comme celles dites « d’écoute » : on écoute les tas de céréales pour détecter les insectes qui se trahissent en se déplaçant ou en mangeant. La détection est plus précise et le temps d’observation plus court. Seuls les lots douteux sont alors mis à tamiser.</p>
<p>La mise en place d’un système de pilotage de la ventilation pour assurer l’aération et le refroidissement est une autre méthode efficace pour <a href="https://www.perspectives-agricoles.com/view-2686-arvarticlepa.html">baisser les températures</a>, ralentissant ou bloquant toute activité des insectes. C’est actuellement la technique la plus répandue.</p>
<p>Quand les lots à protéger sont de moindre volume, il est possible de les conserver dans une <a href="http://www.ecophytopic.fr/tr/cepp/cepp-gc-stockagegrainssaches">enveloppe étanche</a>. La respiration des grains, même faible, suffit à <a href="https://reporterre.net/Cette-technique-du-Moyen-Age-pour-stocker-le-ble-est-la-plus-moderne-ni-energie">retirer l’oxygène résiduel</a>.</p>
<p>Enfin, on peut empêcher les insectes de s’alimenter en appliquant une fine couche d’une substance naturelle – la <a href="https://www.arvalis-infos.fr/file/galleryelement/pj/61/b5/e2/ac/stockage_n5_novembre_671383004444985001.pdf">terre de Diatomées</a> – qui crée une surface dissuasive. Sur ce même principe, différentes peuplades ont pu ajouter du sable très fin aux grains en silo et le tamiser pour récupérer les grains.</p>
<p>Pour être efficace, tout ce processus de prophylaxie impose d’être adopté tout au long de la chaîne de collecte et de stockage, depuis l’agriculteur avec le nettoyage de la moissonneuse-batteuse et des éventuels stockages temporaires au niveau des silos des coopératives et négociants ou encore dans les grands silos portuaires. L’innovation organisationnelle est donc nécessaire.</p>
<p>En combinant ces différents leviers, il est possible de préconiser, sans dommage économique majeur et avec un intérêt environnemental et santé évident, l’arrêt complet de l’usage des insecticides de stockage. C’est pourquoi certains transformateurs (comme la marque <a href="http://www.quasaprove.org/moodle/pluginfile.php/1456/mod_resource/content/1/D%C3%A9marche%20CRC-Smouhi_RMT%20Quasaprove_14122017.pdf#page=17">Le blé de nos campagnes</a>, le distributeur <a href="https://www.magasins-u.com/cooperative-u/vision-engagements/substances-controversees/insecticide-stockage-ble">Magasins-U</a> ou le <a href="https://www.lu.fr/Engagement/La-Charte-LU-HARMONY">biscuitier Lu</a>) l’ont déjà inscrit dans les cahiers des charges de l’approvisionnement de leur ligne de production. Reste à s’attaquer aux normes internationales de transport des marchandises…</p>
<h2>Comment accélérer le changement ?</h2>
<p>Pour développer les alternatives aux pesticides, il est important de diffuser ces avancées que nous venons d’évoquer ; c’est déjà le cas avec la documentation publiée dans le cadre des <a href="https://agriculture.gouv.fr/questionsreponses-le-dispositif-des-certificats-deconomie-de-produits-phytopharmaceutiques-cepp">Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques</a>. Toutes ces informations peuvent être mobilisées par les opérateurs agricoles français pour atteindre leurs obligations de réduction d’usage et d’impact des produits phytosanitaires, comme le préconise le <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plan Ecophyto 2</a>.</p>
<p>L’objectif est également de faire émerger de nouvelles normes, reconnaissant la validité de ces alternatives, notamment pour le commerce international. Étiqueter explicitement l’absence de chlorpyrifos des farines vendues aux particuliers ou pour un usage professionnel entraînera sans doute à plus ou moins courte échéance la disqualification des autres lots.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304895/original/file-20191203-66998-w0hxw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le recours aux insecticides en stockage des céréales reste fortement assujetti aux normes du commerce international. Ici, un vraquier (vide) quittant un port normand.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_de_Caen-Ouistreham">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quelques marges de progrès peuvent d’autre part être réalisés par les organismes stockeurs, en matière de choix des matériaux et de construction pour réduire la facture énergétique d’un refroidissement des silos et éviter d’autres maladies post-récolte.</p>
<p>Enfin, la recherche peut explorer la faisabilité et l’intérêt de solutions de « biocontrôle » localisé, notamment à l’aide de champignons entomo-pathogènes qui, comme leur nom l’indique, rendent malades et tuent les insectes qui les ont ingérés ; ou, encore, en mobilisant l’ajout de répulsifs en stockage retirés au moment de la transformation. Là encore, des fouilles suggèrent que ces solutions étaient pratiquées depuis l’antiquité, valorisant, par exemple, la coriandre ou les tourteaux d’huile d’olive.</p>
<p>On l’a compris, les alternatives existent et incitent à la création d’une nouvelle norme internationale basée sur des mesures prophylactiques pour une absence d’insecticides. L’inter-profession céréalière s’est d’ailleurs fixé, en 2017, l’objectif de <a href="https://agriculture.gouv.fr/telecharger/88274?token=82cbd217abd55180af78c19dc0a66503">stocker sans insecticide</a> dans un délai de cinq ans.</p>
<p>On rajoutera pour conclure qu’il est vraisemblable que le coût des mesures alternatives à l’usage des insecticides en silo diminue avec leur démocratisation. Pour les denrées stockées, la bascule dans un nouveau paradigme sans aucun pesticide est à portée de main.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/maud-blanck-048b0717/?originalSubdomain=fr">Maud Blanck</a>, chargée de projet à la commission CEPP, a participé à l’élaboration de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Huyghe a reçu des financements dans le cadre d'Ecophyto (mise en place du dispositif CEPP). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Reboud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses alternatives au chlorpyrifos existent, tout particulièrement pour protéger les céréales entreposées dans les silos.Xavier Reboud, Chercheur en agroécologie, InraeChristian Huyghe, Directeur scientifique pour l’agriculture, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1250832019-10-14T19:41:48Z2019-10-14T19:41:48ZDans les îles, l’urgence de protéger la biodiversité contre les espèces envahissantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296752/original/file-20191012-96208-sk5suh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C173%2C8272%2C5807&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur l’île de Bagaud, cette plante rampante – dite « griffes de sorcières » – est une espèce envahissante qui étouffe les formes de vie locales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Tétu</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les espèces exotiques envahissantes représentent l’une de cinq principales menaces pour la biodiversité de notre planète, révélait le <a href="https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">dernier rapport de l’IPBES</a>, équivalent du GIEC pour la biodiversité.</p>
<p>Introduites volontairement ou non par l’Homme en dehors de leur aire de répartition naturelle, ces espèces menacent les écosystèmes indigènes en entraînant des conséquences écologiques, économiques ou sanitaires néfastes. Ce constat est particulièrement vérifié dans les îles, où ces envahisseurs sont en tête des facteurs responsables des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/fee.2020">extinctions d’animaux et de plantes</a>. Par leur fort taux d’endémisme, leur isolement et leur faible superficie, elles seront à l’avenir parmi les <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-017-0365-6">écosystèmes les plus vulnérables</a>.</p>
<p>Au large de Toulon, l’île de Bagaud est une réserve biologique intégrale du Parc national de Port-Cros. Depuis des siècles, elle est confrontée à l’invasion de deux espèces exotiques ravageuses : le rat noir (<em>Rattus rattus</em>) – tristement célèbre pour son rôle propagateur de la peste – et les « griffes de sorcières » (<em>Carpobrotus</em> spp.), plantes rampantes importées d’Afrique du Sud.</p>
<p>Il y a quelques années, leurs conséquences désastreuses sur la biodiversité locale ont poussé des chercheurs à leur déclarer la guerre.</p>
<h2>Association de malfaiteurs</h2>
<p>Mais revenons un peu sur l’arrivée de ces nuisibles. Le rat noir aurait débarqué en Méditerranée à l’époque romaine, après avoir traversé les océans depuis l’Inde en passager clandestin sur les bateaux.</p>
<p>Sur ce petit bout de terre loin de son Asie natale, il a coulé des jours heureux, puisqu’aucun prédateur ou compétiteur n’a été en mesure de s’en prendre à lui, et donc de réguler sa population. Il s’en est allègrement pris aux animaux naïfs ou sans défense – comme aux œufs de Puffins yelkouan, petits oiseaux marins aujourd’hui protégés qui nichent dans des terriers au sol.</p>
<p>Quant aux « griffes de sorcières », c’est au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle qu’elles ont fait leur apparition sur l’île, importées d’Afrique du Sud par des militaires. Dites succulentes, car gorgées d’eau, elles ont fait le bonheur des rats noirs qui y trouvaient un apport hydrique et nutritif. S’en nourrissant, ils en ont semé les graines en même temps que leurs crottes, dans une terrible association de malfaiteurs.</p>
<p>Les griffes de sorcière ont alors proliféré, prenant la forme d’un immense tapis végétal qui a progressivement étouffé la flore insulaire endémique.</p>
<h2>SOS Biodiversité</h2>
<p>Pour venir au secours de la biodiversité de cette île, un programme de restauration écologique a été lancé en 2010 par le Parc national de Port-Cros et des chercheurs en écologie de l’IMBE (Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale), avec pour objectif d’éradiquer ces deux espèces envahissantes.</p>
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<span class="caption">Le rat noir, une espèce envahissante dévastatrice.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Vergoz</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans un premier temps, ils ont inventorié les oiseaux, les reptiles, les insectes et la végétation indigènes qui peuplaient l’île de Bagaud. En septembre 2011, sous la coordination de l’INRA de Rennes, ils ont ensuite capturé près de 2 000 rats, dans des ratières ou par empoisonnement.</p>
<p>Parallèlement, 40 tonnes de griffes de sorcière ont été arrachées à la main, avec l’aide de cordistes lancés à l’assaut des falaises. Un réseau de pièges permanent d’appâts à la bromadiolone – poison pour les rats – a également été installé tout autour de l’île afin de détecter et contrôler la réinfestation des rats, dont les traces d’incisives sur les blocs de poison révèlent la présence. Régulièrement, les dernières repousses de griffes de sorcières sont éliminées manuellement.</p>
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<span class="caption">Bio contrôle de la présence du rat noir.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Tetu</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Quels impacts sur les arthropodes ?</h2>
<p>Dans le cadre de mon doctorat, mon rôle est d’évaluer sur dix ans les conséquences de l’éradication simultanée de ces deux taxons invasifs. Ces opérations ont-elles profité aux oiseaux, aux reptiles, à la végétation autochtone et aux arthropodes ?</p>
<p>Ce sont surtout ces derniers que j’étudie : invertébrés à pattes articulées – insectes, araignées, cloportes, mille-pattes pour n’en citer que quelques-uns –, ils représentent 80 % des espèces décrites sur Terre, soit plus d’1,5 million d’espèces. Ils constituent un élément essentiel des chaînes alimentaires et assurent de nombreuses fonctions écologiques primordiales : pollinisation, recyclage de la matière organique ou encore régulation de populations.</p>
<p>Entre le printemps et l’automne, je retourne ainsi toutes les trois semaines sur l’île : j’y ai déposé des pièges à fosses pour les invertébrés qui se déplacent au sol – des pots sont enterrés au ras du sol dans lesquels tombent les animaux – et des pièges à interception pour les insectes volants – constitués de plaques transparentes perpendiculaires auxquelles se heurtent les insectes avant d’être collectés dans un pot.</p>
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<span class="caption">Piège à interception.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Tétu</span></span>
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<p>Je relève alors les échantillonnages et rapporte les pièges au laboratoire : sous une loupe binoculaire, je trie les spécimens selon leur morphologie : combien ont-ils de pattes ? Possèdent-ils des ailes ? Quelle forme ont leurs antennes ? En suivant des clés de détermination taxonomiques, j’essaie d’identifier les espèces, puis je les décompte avant de les stocker au laboratoire.</p>
<p>Parallèlement, je cherche à développer grâce à l’intelligence artificielle un logiciel capable de reconnaître et compter automatiquement chaque individu : un sacré gain de temps sachant qu’un piège peut contenir plus de 1 000 bestioles, ce qui me demande plusieurs heures de tri… or nous avons collecté près de 3 500 pièges en 10 ans !</p>
<h2>Un nouveau souffle pour certaines espèces</h2>
<p>Une fois tous les relevés acquis fin 2019, je vais comparer les données inventoriées avant l’éradication avec la richesse des espèces et leur abondance recensées au cours des années. Après l’analyse des dynamiques taxonomique et fonctionnelle des coléoptères, des fourmis et des araignées de l’île, je pourrai suivre l’évolution de la biodiversité suite au programme de restauration écologique et évaluer son efficacité sur l’écosystème.</p>
<p>Aura-t-il été utile d’éliminer ces milliers d’animaux et ces tonnes de plantes considérés comme nuisibles ? Pour l’heure, les résultats paraissent encourageants : la population de Puffins yelkouan nichant sur l’île est passée de trois couples à plus d’une dizaine en cinq ans. Les éradications semblent également avoir profité aux espèces de reptiles, notamment le Phyllodactyle d’Europe, un petit gecko protégé et endémique des îles méditerranéennes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296508/original/file-20191010-188807-go6eoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chat sauvage en Australie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brisbane City Council</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Dans d’autres pays comme l’Australie, il est envisagé d’éradiquer d’ici 2020 <a href="https://theconversation.com/feral-cat-cull-why-the-2-million-target-is-on-scientifically-shaky-ground-111824">deux millions de chats sauvages</a> qui exterminent plus d’un million d’oiseaux natifs par jour et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006320717302719">650 millions de reptiles par an</a> ! Mais la population est-elle prête à accepter ces mesures afin de préserver la biodiversité en danger ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125083/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Braschi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur l’île méditerranéenne, le rat noir et les « griffes de sorcières », deux espèces exotiques envahissantes, ont longtemps menacé la biodiversité indigène.Julie Braschi, Doctorante en écologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1184222019-06-24T21:00:22Z2019-06-24T21:00:22ZDépasser sa peur des espèces invasives grâce à la science citoyenne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280429/original/file-20190620-149818-4u5edl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=284%2C296%2C7551%2C5005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux sites permettent aujourd’hui de s’informer, voire d’apporter des données, sur des espèces animales introduites et envahissantes en France.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités). Ils proposent chaque mois une chronique scientifique de la biodiversité : « En direct des espèces ». Objectif : comprendre l’intérêt de décrire de nouvelles espèces et de cataloguer le vivant.</em></p>
<hr>
<p>Dans le contexte du réchauffement climatique et de multiples autres causes humaines (déplacements globalisés en tête), des espèces changent d’aire de répartition avec l’aide de l’homme. La perte globale de biodiversité constatée sur Terre facilite ce processus, rendant les écosystèmes encore plus vulnérables et sensibles aux espèces envahissantes.</p>
<p>Le tout récent rapport de l’IPBES, <a href="https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">rendu public début mai</a>, a rappelé le lien entre ces introductions et la perte de diversité du vivant ; celles-ci contribuent en effet à un emballement, avec des écosystèmes <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms14163">toujours plus anthropisés</a> ou toujours affectés en <a href="https://www.nature.com/articles/nature11869">cas de restauration</a>.</p>
<p>Comment lutter contre ce phénomène ? Va-t-il s’amplifier ? Pour apporter des éléments de réponse, revenons sur ces mouvements d’espèces en France à l’aide d’exemples précis et bien documentés.</p>
<h2>Une punaise doublement diabolique</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280430/original/file-20190620-149818-1ogtld1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Inoffensive pour l’humain, la punaise diabolique ravage les cultures.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><a href="https://theconversation.com/la-punaise-diabolique-cette-creature-urbaine-66752">La punaise diabolique</a>, d’origine asiatique, est la dernière à avoir <a href="https://theconversation.com/rentree-2018-tres-invasive-pour-la-punaise-diabolique-104599">défrayé la chronique</a>. À la fois dérangeante dans les maisons en automne et ravageur important des cultures et des espèces ornementales, elle continue son invasion en France et dans le monde. Elle masque aussi l’invasion d’une autre espèce, moins dérangeante et sans incidence sur nos cultures mais assez imposante : la <a href="https://theconversation.com/encore-une-punaise-diabolique-quand-the-conversation-fait-de-la-science-participative-71197">punaise américaine des conifères</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280433/original/file-20190620-149806-1nct5dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Elles s’agrègent pour entrer parfois par centaines dans les maisons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>L’invasion de ces deux espèces aurait été difficile à éviter. Ces espèces arboricoles (arbres et arbustes) ne sont en effet pas faciles à détecter, sauf par ce fameux comportement d’agrégation qui dérange tant lorsqu’elles entrent par centaines ou milliers dans nos maisons ; ce fut le cas il y peu <a href="https://www.varmatin.com/vie-locale/envahi-de-punaises-il-ne-sait-plus-quoi-faire-270079">dans le Var</a>.</p>
<p>L’intérêt envers cette punaise est en général saisonnier, déclinant en hiver, ce qui repousse les tentatives de résolution du problème. Le phénomène va toutefois s’amplifier, notamment sous l’influence des changements climatiques, et l’été sans fin de 2018 a certainement compté dans l’ampleur du phénomène.</p>
<p>Le problème ne manquera pas ensuite de se porter dans les champs et sur différentes cultures, comme ce fut le cas <a href="https://www.epa.gov/safepestcontrol/brown-marmorated-stink-bug">aux États-Unis</a> ; difficile alors d’éviter une recrudescence des traitements chimiques.</p>
<p>Cette tendance se manifeste déjà en France malgré les réticences grandissantes de l’opinion publique à l’égard des produits phytosanitaires. La punaise diabolique va-t-elle « servir » pour reculer sans fin l’interdiction et la réglementation sévère de l’usage des pesticides ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"785785766022492162"}"></div></p>
<h2>Les plathelminthes de nos jardins</h2>
<p>Les plathelminthes terrestres, auparavant totalement inconnus du grand public, ont fait la une <a href="https://theconversation.com/des-vers-geants-predateurs-envahissent-les-jardins-francais-dans-lindifference-96241">des médias</a>, à tel point que la découverte de ces « vers géants » (certainement arrivés d’Asie par le transport de plantes) a été considérée comme l’un des <a href="http://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/conferences-en-ligne/saison-2018-2019/lannee-2018-en-sciences/">cinq événements scientifiques de l’année 2018</a>.</p>
<p>Mais il n’y a pas que les <em>Bipalium kewense</em> – certes très impressionnants avec leurs 30 centimètres de corps jaune et visqueux. <a href="https://peerj.com/articles/297/">Une dizaine d’autres espèces existent</a>, dont une qui a tout pour attirer l’attention puisqu’elle a été classée <a href="https://theconversation.com/en-direct-des-especes-avez-vous-vu-obama-dans-votre-jardin-74030">dans le genre <em>Obama</em></a>.</p>
<p>Ces plathelminthes sont partout, dans plus de 75 départements de France métropolitaine, et parfois très nombreux, des centaines dans un seul jardin. On les voit moins facilement que les insectes volants, mais ceux qui visitent leur potager la nuit et voient partout des animaux bizarres, mous, et recouverts de mucus n’aiment pas cela du tout ; d’autant plus que lorsqu’ils sont chez vous, rien ne les fait partir.</p>
<p>Si les plathelminthes terrestres peuvent inspirer de la répulsion, ils ne sont pas directement dangereux pour l’homme (évitez tout de même de les toucher). C’est leur effet sur les autres animaux du sol, <a href="https://peerj.com/articles/4672/">dont les vers de terre</a>, qui suscite l’inquiétude.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1003627319578320896"}"></div></p>
<h2>Le frelon asiatique tueur d’abeilles</h2>
<p>Le frelon asiatique <em>Vespa velutina</em> est la hantise des apiculteurs même s’il n’est qu’un, et non le plus important, des facteurs de mortalité de l’abeille domestique en Europe.</p>
<p>Comme tous les frelons et autres guêpes sociales, il inquiète aussi le grand public, à cause de ses piqûres qui ne sont pourtant pas plus venimeuses que celle de l’abeille domestique.</p>
<p>Toutes ces espèces sociales, qui attaquent lorsqu’on s’approche à moins de 5 mètres de leur nid, ne sont véritablement dangereuses qu’en cas de piqûres multiples (plusieurs centaines) ou chez les personnes allergiques, pour qui une seule piqûre peut être fatale en l’absence d’un rapide traitement.</p>
<p>Comme la plupart de ses nids sont installés à plus de 10 mètres de haut dans les arbres ou sous les toits, les risques d’attaque du frelon asiatique sont donc limités, même si les médias s’empressent de signaler tous les cas de piqûres, fatales ou multiples, dues à cette espèce. Ils renforcent ainsi l’inquiétude du grand public alors que l’abeille domestique et les guêpes communes sont bien plus souvent en cause dans ce genre d’accident.</p>
<p>Depuis son premier signalement dans l’Hexagone en 2004, le frelon asiatique s’est répandu dans la <a href="https://theconversation.com/le-frelon-asiatique-est-entre-dans-paris-62746">totalité du territoire français</a> et a gagné la plupart des pays voisins. Comme tout autre frelon, ses colonies sont annuelles et meurent en hiver, sauf les futures reines qui se cachent pour hiverner. Ainsi abritées, elles peuvent être accidentellement transportées sur de grandes distances via le commerce international.</p>
<p>C’est ainsi que la reine (probablement unique) qui est à l’origine de l’invasion en France est arrivée de Chine, mais aussi que des pays européens comme le Portugal, l’Allemagne, l’Angleterre ou les Baléares ont été atteints alors que l’Espagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas ont été colonisés avec la <a href="http://frelonasiatique.mnhn.fr/">progression naturelle du front d’invasion</a> depuis la France.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"756518628024016896"}"></div></p>
<h2>Indispensables taxonomie et histoire naturelle</h2>
<p>Il y a probablement une relation entre la crainte des espèces invasives – surtout quand ce sont des insectes ou des <a href="https://theconversation.com/crise-de-la-biodiversite-noublions-pas-les-invertebres-81517">invertébrés</a> – et une grande méconnaissance de la nature qui conduit à des réactions de peur <a href="https://theconversation.com/les-francais-naimeraient-ils-ni-les-insectes-ni-la-nature-96746">souvent injustifiées</a>.</p>
<p>L’expérience montre, pour le frelon asiatique par exemple, que les actions de communication (conférences, réunions d’information, articles de vulgarisation, <a href="http://frelonasiatique.mnhn.fr/">sites Internet</a>) sont utiles pour aider le public à relativiser le danger comme à mettre en œuvre des méthodes de prévention respectueuses de l’environnement.</p>
<p>Il est nécessaire, dans le contexte actuel de perte de biodiversité, de continuer à renseigner les invasions et les détecter précocement, que ce soit par les sciences participatives ou l’implication des pouvoirs publics.</p>
<p>Les programmes universitaires, les filières professionnelles (agronomie, santé) et générales (sciences naturelles au lycée, biologie des organismes) doivent se renforcer pour les sciences naturelles, qui sont au cœur des préoccupations du XXI<sup>e</sup> siècle, comme le démontre le récent rapport IPBES.</p>
<h2>Les sciences participatives en première ligne</h2>
<p>Des sites dédiés permettent aujourd’hui de s’informer, voire d’apporter des données, sur des espèces animales introduites et envahissantes en France.</p>
<p>C’est le cas du site <a href="http://eee.mnhn.fr/">EEE-FIF</a>, dédié à un large public : il fournit une expertise scientifique et une large documentation sur les espèces exotiques envahissantes en France métropolitaine comme en outremer.</p>
<p>D’autres sites permettent à tout un chacun de contribuer d’une façon plus générale au suivi et à l’acquisition de connaissances sur la biodiversité en France.</p>
<p>L’observatoire participatif des espèces et de la nature (<a href="https://www.open-sciences-participatives.org/home/">OPEN</a>) est le portail du collectif national des sciences participatives – biodiversité (<a href="http://www.naturefrance.fr/sciences-participatives/le-collectif-national-sciences-participatives-biodiversite">CNSPB</a>). <a href="https://www.open-sciences-participatives.org/ecosysteme-sciences-participatives/?theme%5B%5D=117&mot_cle=#container-content">Ce collectif</a>, qui s’appuie sur un réseau d’acteurs professionnels, œuvre à faire connaître et reconnaître les sciences participatives liées à la biodiversité en France.</p>
<p>Depuis mai 2018, il est également possible de participer à l’inventaire des espèces en transmettant ses observations aux experts via l’application <a href="https://inpn.mnhn.fr/informations/inpn-especes">INPN Espèces</a> qui permet de découvrir toutes les espèces de la faune et de la flore françaises (métropole et outre-mer) à travers leurs caractéristiques, leur répartition ou encore leur statut de conservation.</p>
<p>Grâce à une entrée facilitée par l’image et à une géolocalisation depuis son mobile, mieux connaître la nature autour de soi mais aussi faire remonter ses observations devient un jeu d’enfant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131147772680384512"}"></div></p>
<p>On l’aura compris, l’information et la documentation des situations sont pleines de sens concernant les espèces invasives. La science citoyenne est ici doublement utile, en renseignant des informations sur la biodiversité, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire, et en participant à l’information utile pour contribuer à une gestion intégrée d’espèces potentiellement problématiques… Et nous aider à renouer plus généralement avec la nature qui nous entoure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118422/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste a reçu des financements du MNHN, du CNRS, de Sorbonne Universités ITE, de National Geographic de l’ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claire Villemant a reçu des financements du ministère de l'Agriculture, du MNHN, du CNRS et de Sorbonne Universités. Elle est membre du CA de l’OPIE (Office pour l’information entomologique). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Lou Justine a reçu des financements du MNHN et du CNRS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Quentin Rome a reçu des financements du ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Environnement. </span></em></p>La crainte que nous inspirent les espèces invasives n’est pas étrangère à notre méconnaissance de la nature.Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205 MNHN-CNRS-UPMC-EPHE-Univ. Antilles), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Claire Villemant, Maître de conférences en entomologie, UMR7205 ISYEB, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Jean-Lou Justine, Professeur de parasitologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Quentin Rome, Chargé d’études scientifiques en entomologie - UMS 2006 PatriNat - AFB, CNRS, MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1103662019-02-01T01:05:40Z2019-02-01T01:05:40ZFin des pesticides pour les particuliers, misez sur la biodiversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255859/original/file-20190128-108351-tk2rd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C212%2C5465%2C3076&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le 1er janvier, les jardiniers amateurs et les particuliers ne peuvent plus se procurer des pesticides de synthèse.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/gardener-tending-garden-356080496">Image Conscious/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier, les jardiniers amateurs français n’ont plus le droit de <a href="https://jardinage.lemonde.fr/article-222-vente-pesticides-particuliers-interdite-1er-janvier-2019.html">se procurer</a>, d’utiliser ou de stocker des produits à base de pesticides de synthèse, tels que le Roundup de Monsanto.</p>
<p>Les ravageurs combattus par les pesticides ne comptent pas pour autant déserter nos potagers. Dès lors, comment protéger nos plantations ? En recherchant sur Google des solutions pour « jardiner sans pesticides », on retrouve souvent l’idée selon laquelle diversifier les plantes composant un jardin constituerait une arme efficace contre les ravageurs. Qu’en est-il réellement ?</p>
<p>Les ravageurs désignent les insectes herbivores nuisibles pour l’agriculteur, le jardinier ou l’heureux propriétaire d’une terrasse fleurie ; en s’alimentant sur les plantes – sans les tuer, ce ne sont pas des prédateurs – ils compromettent la production ou la conservation de denrées alimentaires, ou altèrent l’esthétique des plantes d’ornement. Le <a href="https://www.animateur-nature.com/telechargements/animaux/doryphore.pdf">doryphore</a>, insecte de la famille des coléoptères, est par exemple l’un des pires ennemis de la pomme de terre. De son côté, la <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Mineuse_du_marronnier">mineuse du marronnier</a>, chenille ravageuse, donne une teinte brune aux feuilles de marronnier dès le début de l’été, leur donnant l’air moribond.</p>
<h2>Des ravageurs aux goûts sélectifs</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La piéride du chou est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’à la famille de plantes incluant le chou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?search=pi%C3%A9ride+du+chou&title=Special:Search&profile=advanced&fulltext=1&advancedSearch-current=%7B%22namespaces%22%3A%5B0%2C6%2C14%5D%7D&ns0=1&ns6=1&ns14=1&searchToken=3pusn5fg5b5vcpeufkqdwvbv8#%2Fmedia%2FFile%3APi%C3%A9ride_du_chou_%2816788102074%29.jpg">Maxime Raynal/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous les herbivores n’attaquent pas toutes les plantes, et toutes les plantes ne subissent pas les assauts de tous les herbivores. Ces interactions dépendent des espèces des unes et des autres.</p>
<p>Les écologues distinguent les <a href="https://books.google.fr/books?id=gO4WDQAAQBAJ&pg=PA163&lpg=PA163&dq=herbivore+generaliste+specialiste&source=bl&ots=FtK6CefVMC&sig=ACfU3U00VZ5z5vdWvk0P67z1C_RiRhVZBA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiw1rOmmpHgAhU6AmMBHXBhCdcQ6AEwBHoECAUQAQ#v=onepage&q=herbivore%20generaliste%20specialiste&f=false">espèces spécialistes, des espèces généralistes</a>. Les herbivores dits « spécialistes » ne sont capables de s’attaquer qu’à un petit nombre de plantes de la même famille. La piéride du chou, par exemple, est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’aux Brassicacées, la famille de plantes incluant le chou.</p>
<p>À l’inverse, la chenille du papillon dite « noctuelle méditerranéenne » peut s’alimenter sur une gamme de plantes beaucoup plus large, appartenant à des familles botaniques différentes. On la qualifie donc d’espèce « généraliste ».</p>
<p>Cette préférence des herbivores pour certaines plantes explique la capacité de résistance d’un potager comportant des plantes diverses.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les grandes monocultures sont particulièrement susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/digitalmums/4590071842/in/photolist-6jLMGr-6m7kuR-6eCjrj-s7jpgk-bTQ3iD-razcxx-4NgrYt-4NkEU9-9xuUfJ-4YZdTi-LKa9E-6jBfJU-7ZBjrG-6jBhBq-LKh6r-LKhEv-55a8HS-eez8BY-9E8Q4U-4NkEyQ-4Kx2bi-axVWYt-eSiSut-rbdVFB-8ZAD5D-6eCsMY-caxxyL-bZu4nq-7W7USp-8hRELg-6qzepe-8hUVxC-6qDuzw-8iAFvT-8iAFPa-8hhXjn-8iAFii-qhuhkn-F2trfS-eSsuYh-4JqP2i-4ARTnS-8QeVAX-bWkhCd-rRxj2J-7MwvRY-FEoj1i-6uNkFP-6qDrxE-7MwvVb/">dmums/Flickr</a></span>
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<h2>Les monocultures, cibles privilégiées des ravageurs</h2>
<p>Prenons un paysage agricole dominé par les champs de colza. Pour un insecte herbivore spécialiste friand de cette plante oléagineuse, c’est le paradis !</p>
<p>Dans les années 1970, le chercheur américain Richard B. Root a formulé l’<a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2307/1942161">hypothèse</a> selon laquelle ces grandes monocultures seraient plus susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes : ceux-ci auraient une plus grande chance de coloniser ces champs et seraient donc moins susceptibles d’en partir.</p>
<p>Cette hypothèse, dite « de concentration de la ressource » a été largement <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12175">vérifiée depuis</a>. Dans ce contexte, la diversité des plantes joue le rôle de « diluant » : les plantes hôtes de l’herbivore spécialiste se retrouvent mélangées au milieu d’autres espèces végétales que l’herbivore ne reconnaît pas, voire même évite.</p>
<p>Cela s’applique autant à la diversité des plantes dans un champ qu’à la diversité des cultures <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880917303213">à l’échelle du paysage</a>. Lorsqu’ils prospectent dans leur environnement à la recherche de nourriture, les herbivores spécialistes seraient plus susceptibles de se perdre en chemin quand leur ressource est diluée.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1461-0248.2011.01642.x">Toutes les études</a> ne vont toutefois pas dans le même sens. Il arrive qu’ils se concentrent au contraire dans les rares parcelles ou sur les quelques plantes hôtes qu’ils trouvent ! La diversité des plantes ne fait donc pas tout, parce qu’aux yeux et aux antennes de l’herbivore, toutes ne se valent pas.</p>
<h2>Résister en s’associant</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une chenille du bombyx disparate, ravageur des arbres feuillus, sur une feuille de chêne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comment les herbivores reconnaissent-ils et choisissent-ils leurs plantes hôtes ?</p>
<p>Tout comme nous, les insectes herbivores utilisent leurs sens, la vue, l’odorat et le goût. Par exemple, les récepteurs olfactifs présents sur leurs antennes permettent aux insectes herbivores de reconnaître et de s’orienter vers les odeurs attractives émises par leurs plantes hôtes, tout en évitant les odeurs répulsives émises par celles qui n’entrent pas dans leur régime alimentaire.</p>
<p>Des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0069431">chercheurs de l’université d’Uppsala</a>, en Suède, ont ainsi montré que des plants de pommes de terres cultivées en présence d’odeurs d’oignons étaient moins attractifs pour des pucerons que des plants 100 % pommes de terre ! On appelle « résistance par association » celle conférée par la présence de plantes voisines.</p>
<p>Attention toutefois : associer différentes espèces de plantes ne marche pas à tous les coups ! Le phénomène inverse, dit de « susceptibilité par association », existe tout autant. Une plante émettant des composés répulsifs pour certains herbivores peut les amener à se concentrer sur les plantes voisines qui se retrouvent ainsi plus vulnérables. Dans un <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/0012-9658%282000%29081%5B1795%3AASOCTA%5D2.0.CO%3B2">exemple classique</a>, Jennifer White et Thomas Whitham ont montré que le peuplier était plus attaqué par la <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Arpenteuse_d%27automne">chenille arpenteuse d’automne</a> lorsqu’ils étaient associés à l’érable négundo.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chenille de pyrale du buis, bien cachée entre des feuilles de buis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Encourager les ennemis des herbivores</h2>
<p>En l’absence de pesticides de synthèse, le jardinier amateur pourra aussi utiliser la diversité des plantes pour favoriser les ennemis des herbivores. La diversité de taille ou d’architecture des plantes crée par exemple des habitats hétérogènes qui abritent une plus grande diversité de prédateurs (notamment des araignées, des carabes, des syrphes) que celle de cultures très homogènes.</p>
<p>De plus, les prédateurs et les parasitoïdes – des organismes dont les larves se développent dans le corps des herbivores et les rongent de l’intérieur – peuvent bénéficier du nectar produit par certaines plantes et y trouver une source de nourriture complémentaire en cas de manque de proies. Dans ces deux cas, la diversité des plantes favorise la diversité et l’activité des prédateurs, ce qui – souvent, mais pas systématiquement – peut conduire à un meilleur contrôle des insectes herbivores.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iLQuuK3Oias?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les conseils pratiques délivrés par de nombreux sites Internet pour « jardiner sans pesticides » s’appuient donc sur des éléments bien établis. La recherche en écologie montre effectivement que la <a href="https://www.researchgate.net/profile/Adrianna_Szczepaniec/publication/221958507_Associational_Resistance_and_Associational_Susceptibility_Having_Right_or_Wrong_Neighbors/links/0c9605258049ecc78e000000/Associational-Resistance-and-Associational-Susceptibility-Having-Right-or-Wrong-Neighbors.pdf?origin=publication_detail">diversité des plantes</a> permet de limiter l’impact des insectes herbivores sur les plantes – en réduisant l’accessibilité des herbivores à leurs plantes hôtes et rendant plus probable le contrôle biologique exercé par les ennemis naturels des herbivores.</p>
<p>Mais ce que les recommandations omettent de préciser, c’est que toutes les associations ne se valent pas. Il est donc urgent de mieux comprendre pourquoi certaines associations de plantes « marchent », ou pas, pour lutter efficacement contre les insectes herbivores. Mélanger des plantes trop ressemblantes entre elles pourrait avoir des effets contraires à ceux attendus. La recherche en écologie a de beaux jours devant elle !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110366/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le 1ᵉʳ janvier, l’usage des pesticides de synthèse est interdit aux jardiniers amateurs. Diversifier les plantes de votre potager peut constituer un outil naturel efficace contre les ravageurs.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1060342018-12-21T00:00:54Z2018-12-21T00:00:54ZLes inquiétants scénarios de la biologie végétale high-tech aux États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250201/original/file-20181212-76965-75vdke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le projet de recherche Insect Allies se focalise sur des plantes d’intérêt agricole comme le maïs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/scientist-examining-quality-harvested-corn-seed-1211260645">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Modifier génétiquement des plantes par l’action d’insectes porteurs de virus génétiquement modifiés… Loin d’être le scénario d’un film catastrophe, c’est bel et bien le projet de <a href="http://www.fbo.gov/utils/view?id=40638c9e7d45ed8310f9d4f4671b4a7b">Insect Allies</a>, un programme de recherche conduit en ce moment aux États-Unis</p>
<p>Lancé par l’Agence de recherche de l’armée américaine <a href="https://www.darpa.mil/">(Darpa)</a> en novembre 2016, ce programme scientifique de quatre ans est subventionné à hauteur de 27 millions de dollars (la Darpa dispose d’un budget annuel de l’ordre de 2,9 milliards de dollars).</p>
<p>À ce jour, 3 consortiums – formés d’universités et d’instituts de recherches états-uniens – ont déjà annoncé être les récipiendaires de tels contrats de recherche afin de développer des systèmes de dispersion de virus génétiquement modifiés. L’objectif : rendre possible la modification génétique de plantes par des virus modifiés transmis par des insectes et cela en plein champ, au cours même de la saison de culture.</p>
<p>La Darpa est coutumière de ce type de projets exploratoires – que ce soit dans le domaine de l’informatique, de la physique et maintenant dans celui de la biologie. Au cours des années 1960-1970, elle a ainsi développé le réseau Arpanet, que l’on peut considérer comme l’ancêtre d’Internet. Aujourd’hui, elle cherche à développer des projets relatifs au développement d’exosquelettes humains, à la compréhension du fonctionnement des circuits neuronaux et de la mémoire, ou encore au développement de systèmes artificiels d’olfaction capables de détecter des odeurs, comme des armes chimiques par exemple.</p>
<p>Si ces programmes à haut risque présentent un indéniable potentiel scientifique, technologique et souvent économique, Insect Allies s’avère extrêmement préoccupant. C’est ce que nous avons voulu montrer dans <a href="http://science.sciencemag.org/content/362/6410/35">notre article paru</a> le 5 octobre dernier dans la revue <em>Science</em>.</p>
<p>D’un point de vue biologique, on se place ici dans le cadre de modifications génétiques qui ne se transmettent plus « verticalement » – c’est-à-dire de l’organisme parent à son ou ses descendants – comme dans le cas des OGM déjà utilisés en agriculture et créés en laboratoire, mais via un transfert « horizontal » – c’est-à-dire entre individus non nécessairement apparentés et, dans le cas présent, via un insecte vecteur.</p>
<p>Les implications biologiques, sociales, légales, économiques, mais aussi réglementaires d’un tel projet sont très profondes.</p>
<h2>Déploiement à la demande</h2>
<p>C’est principalement dans le domaine de la recherche agricole que la Darpa envisage les retombées de son programme Insect Allies.</p>
<p>Le recours à ces virus – appelés HEGAAs pour <a href="http://web.evolbio.mpg.de/HEGAAs/"><em>Horizontal Environmental Genetic Alteration Agents</em></a> – et leur dispersion dans l’environnement via différentes espèces d’insectes (pucerons, mouches blanches, cicadelles) pourraient permettre de rendre une plante résistante à un pathogène ou plus résiliente face à des conditions climatiques défavorables (sécheresse, gel, inondations, par exemple).</p>
<p>L’originalité de l’approche réside principalement dans le fait que le déploiement d’un tel outil pourrait se faire à la demande, sans besoin d’anticiper les conditions environnementales éventuellement rencontrées au cours d’une saison.</p>
<p>On modifie génétiquement des plantes annuelles (c’est-à-dire une plante dont le cycle de vie, de la germination à la production de graines, ne dure qu’une année), les rendant OGM par la même occasion – et ce même s’il s’agissait de variétés conventionnelles lors du semis – afin de leur apporter le caractère souhaité.</p>
<p>À noter que les travaux sur des espèces utilisées à des fins de recherche, comme les espèces modèles en biologie végétale <em>Arabidopsis thaliana</em> ou encore le tabac, ne sont pas éligibles dans ce programme et qu’ils doivent nécessairement porter sur des plantes ayant un intérêt agricole, comme le riz, la blé, la pomme de terre, le <a href="https://www.eurekalert.org/pub_releases/2017-07/bti-brd072717.php">maïs</a> ou encore la <a href="https://news.psu.edu/story/495037/2017/11/20/research/penn-state-team-receives-7m-award-enlist-insects-allies-food">tomate</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comment les virus HEGAAs se dispersent dans l’environnement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://web.evolbio.mpg.de/HEGAAs/available-illustrations.html">Derek Caetano-Anolles</a></span>
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<h2>Un silence inquiétant</h2>
<p>Comment le recours à de telles techniques peut-il être compatible avec les pratiques agricoles habituelles ainsi qu’avec les normes de commerce et de régulation internationales concernant les organismes génétiquement modifiés ?</p>
<p>Sur ces points, la Darpa est assez peu diserte. Il n’y a d’ailleurs pas non plus de débat autour de ces questions, le programme Insect Allies restant très peu connu, y compris chez les experts et les décisionnaires.</p>
<p>Quant à l’autre raison invoquée pour justifier ce programme – soit l’utilisation de cette technique afin de contrer <a href="https://www.darpa.mil/program/insect-allies">« des menaces non spécifiées introduites par des acteurs étatiques et non étatiques »</a> –, elle a vraiment de quoi inquiéter. C’est très clair : ce recours à des virus génétiquement modifiés peut être aussi envisagé comme un outil à vocation défensive dans l’optique de protéger des cultures.</p>
<p>Mais alors, quid de l’exigence d’avoir recours à des insectes pour la dispersion du virus ? Difficile là encore de ne pas sourciller…</p>
<p>Le recours aux insectes est en effet contraignant : il exige la mise en place d’élevages de masse, mais aussi de mesures complémentaires de confinement, une fois ceux-ci relâchés. Que ce soit dans un cadre de la protection agricole ou en réponse à une attaque menaçant l’agriculture états-unienne ou la sécurité alimentaire des États-Unis, on peut supposer que des équipements classiques de pulvérisations seraient bien plus rapides à mobiliser.</p>
<p>Pourquoi dès lors avoir recours à des insectes pour protéger les cultures si cela reste très compliqué et que des méthodes plus simples existent déjà ?</p>
<p>On ne peut s’empêcher ici de penser que ce recours aux HEGAAS vise en priorité des fins offensives, et que ce programme témoigne d’une volonté de développer des armes biologiques.</p>
<h2>Ouvrir le débat au plus vite</h2>
<p>Si cette supposition se révélait exacte, il y aurait là une violation de la <a href="https://www.un.org/disarmament/fr/amd/armes-biologiques/">Convention sur l’interdiction des armes biologiques</a>. Cette dernière, signée en 1972, compte aujourd’hui 180 États membres, dont les États-Unis. Elle interdit le développement, la production et le stockage et l’utilisation d’armes biologiques. Il apparaît évident qu’utiliser des insectes pour propager des virus infectieux pourrait enfreindre l’<a href="https://www.unog.ch/80256EDD006B8954/(httpAssets)/FAE599236E2A9DA9C125718800485329/$file/BWC-text-French.pdf">article premier</a> de la convention, ceux-ci pouvant en effet être considérés comme des « vecteurs destinés à l’emploi de tels agents ou de toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés ».</p>
<p>Aujourd’hui, le manque de justifications solides pour ce programme et ses intentions pacifiques sont un bien mauvais signal. Cela pourrait en effet conduire d’autres pays à développer leurs propres armes biologiques.</p>
<p>Face à l’échéancier relativement court (4 ans) du programme Insect Allies, à ses réalisations prévues et à sa dualité (ce programme pouvant être aussi bien utilisé défensivement qu’offensivement), il semble urgent qu’un débat constructif s’engage rapidement pour considérer les aspects scientifiques, sociaux, légaux de ce type de recherche. Et établir une réglementation qui ne soit pas obsolète à chaque innovation…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Boëte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Développé outre-Atlantique, le programme Insect Allies fait craindre la mise au point d’armes biologiques.Christophe Boëte, Chargé de recherche, ISEM, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1035812018-10-12T09:14:18Z2018-10-12T09:14:18ZCes virus qui manipulent les plantes<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Des souris qui n’ont plus peur des chats, des crustacés qui se laissent flotter à la surface de l’eau au lieu de s’abriter sous les roches, des fourmis qui se déguisent en baies pour se faire dévorer par les oiseaux, des humains qui émettent des odeurs attirant les moustiques… ces comportements inattendus, parfois suicidaires, paraissent presque fantaisistes.</p>
<p>Ils sont pourtant présents dans la nature, et ils ont tous un point commun : ils sont le résultat d’infections parasitaires. En effet, de nombreux parasites dits « manipulateurs » sont capables d’altérer le comportement et même la physionomie de leur hôte pour faciliter leur survie et leur propagation.</p>
<p>Les plantes n’échappent pas à la règle. Les virus qui les parasitent se montrent souvent très ingénieux pour passer outre leur immobilité, utilisant à cette fin des organismes intermédiaires mobiles appelés vecteurs.</p>
<p><a href="https://www6.colmar.inra.fr/svqv/Recherches/Equipes-de-recherche/Equipe-Virologie-Vection">L’unité de virologie</a> de l’INRA de Colmar a ainsi récemment mis en évidence un cas de manipulation de la plante <em>Camelina sativa</em> par le virus de la jaunisse du navet (<em>Turnip yellows virus</em> ou TuYV). Ce virus possède la particularité d’être transporté de plante en plante uniquement par un vecteur aérien, le puceron. Le virus se propage donc plus efficacement si les pucerons sont attirés vers les plantes infectées avant que celles-ci ne succombent à l’infection.</p>
<h2>Rendre la plante plus goûtue</h2>
<p>Les chercheurs ont en effet démontré que le TuYV provoque chez les plantes l’<a href="https://www.mdpi.com/1422-0067/19/8/2316">émission d’odeurs qui attirent le puceron</a>. Ce même virus modifie également la composition chimique de la plante, la rendant plus appétante – en un mot, plus goûtue – pour le puceron. Disposant d’une nourriture plus adaptée, ce dernier s’y nourrit plus et ingère ainsi plus de virus, un bénéfice net pour le pathogène qui peut alors s’accumuler dans le puceron et être plus efficacement <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1744-7917.12508">propagé vers d’autres plantes</a>.</p>
<p>Les exemples abondent de telles « manipulations » des plantes par les virus, et les études révèlent que ces altérations de la plante induites par le virus peuvent varier selon le virus en question et surtout <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29908590">selon leur mode de transport</a> par les vecteurs.</p>
<p>Par exemple, le TuYV est un virus dit « circulant » : pour qu’il soit efficacement transmis, le puceron doit atterrir sur la plante infectée et se nourrir de manière prolongée pour ingérer le virus qui chemine dans la sève. Le pathogène est ensuite entraîné avec la sève dans le tractus digestif de l’insecte puis traverse les cellules de l’intestin, avant de rejoindre les glandes salivaires, d’où il est réinjecté à une nouvelle plante.</p>
<p>Les virus « circulants » ont tout intérêt à induire des modifications dans la plante permettant d’attirer les pucerons et de stimuler leur alimentation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240248/original/file-20181011-154549-cedtm6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration montrant l’attraction des pucerons par les Camelines infectées et non les Arabidopsis infectées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mdpi.com/1422-0067/19/8/2316">Véronique Brault/INRA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Optimiser la transmission</h2>
<p>Il existe une autre catégorie de virus de plante, dits « non-circulants, » qui ne traversent pas les cellules de l’insecte mais sont retenus dans l’appareil buccal au niveau du stylet ou de l’œsophage du vecteur.</p>
<p>Dans ce groupe se trouve, par exemple, le virus de la mosaïque du concombre (<em>Cucumber mosaic virus</em>, CMV) également transmis par puceron. Ce virus entraîne chez les plantes infectées la production de substances volatiles qui attirent les pucerons mais réduit la qualité nutritionnelle des plantes infectées, <a href="http://www.pnas.org/content/107/8/3600.short">poussant les pucerons à émigrer rapidement</a>.</p>
<p>Ces deux phénomènes contrastés sont cependant parfaitement adaptés au mode de transmission du CMV : ce dernier ne requiert en effet que de brèves piqûres dans les cellules superficielles de la plante pour être retenu par le vecteur. Le virus optimise donc son processus de transmission en encourageant dans un premier temps les pucerons à se poser sur les plantes infectées, puis en les incitant à quitter ces plantes rapidement après les avoir juste goûtées.</p>
<p>Plus surprenant encore, il a été observé que des pucerons de l’espèce <em>Rhopalosiphum padi</em> porteurs du virus de la jaunisse nanisante de l’orge (<em>barley yellow dwarf virus</em> ou BYDV) préfèrent les plantes non-infectées, alors que les pucerons dépourvus de virus sont <a href="https://www.nature.com/articles/srep00578">attirés par les plantes infectées</a> (Ingwell et coll., 2012).</p>
<p>Cet exemple démontre que le virus peut non seulement manipuler indirectement la plante pour attirer les pucerons, mais aussi agir directement sur les pucerons pour modifier leur comportement.</p>
<h2>Sur la piste des molécules impliquées</h2>
<p>Ces observations soulèvent de nombreuses questions toujours non résolues.</p>
<p>Pourquoi ces exemples de manipulation ne s’appliquent-ils pas à toutes les plantes infectées par un même virus ? Pourquoi existe-t-il également des variations de comportement selon l’espèce de puceron considérée même vis-à-vis d’une même plante infectée ?</p>
<p>Les études en cours visent donc à identifier les molécules dans la plante infectée responsables des changements de comportement des vecteurs, qu’il s’agisse des composés attirant les pucerons ou de ceux qui la rendent plus appétissante. Cette identification permettrait d’envisager de nouvelles méthodes de lutte visant à inhiber la production des molécules en question par les plantes infectées, pour que celles-ci ne présentent plus ce pouvoir attractif pour les pucerons.</p>
<p>À ce jour, l’utilisation d’insecticides reste la méthode de choix des agriculteurs pour réduire les populations de vecteurs et limiter les pertes liées aux virus qu’ils transportent.</p>
<p>Une nouvelle méthode de lutte basée sur la non-attraction, voire la répulsion des pucerons, pour les plantes infectées permettrait de réduire la propagation des virus au champ. Pour enrayer la dispersion des virus circulants, il serait également envisageable de sélectionner des variétés de plantes produisant naturellement peu, voire pas, de composés responsables de l’ingestion soutenue de sève nécessaire à l’acquisition de ces virus.</p>
<p>La compréhension des mécanismes fins permettant aux virus transmis par puceron de manipuler leur plante hôte pour faciliter leur propagation représente un front de science prometteur pour l’élaboration de nouvelles méthodes de lutte plus respectueuses de la santé humaine et de l’environnement.</p>
<hr>
<p><em>Simon Bourdin, étudiant en master « Communication scientifique » à l’université de Strasbourg a participé à l’élaboration de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103581/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Brault a reçu des financements de l’ANR. </span></em></p>Les organismes les plus simples peuvent faire preuve d’une grande ingéniosité. C’est le cas des virus des plantes.Véronique Brault, Directrice de recherche en virologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/868982017-11-27T20:22:41Z2017-11-27T20:22:41ZLes plantes pesticides au secours des cultures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195070/original/file-20171116-15412-1x4e7ji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les feuilles du margousier ont des propriétés insecticides. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/azadirachta-indica-neem-leaf-677312965">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Chenille légionnaire d’automne ». Derrière ce nom guerrier se cache un <a href="https://theconversation.com/afrique-pourquoi-la-lutte-contre-la-chenille-legionnaire-est-si-difficile-73247">redoutable ravageur des cultures</a>, qui s’attaque à plus de 80 espèces de plantes, parmi lesquelles le maïs, le riz, le sorgho, le coton ou les cultures maraîchères.</p>
<p>Espèce des régions tropicales et subtropicales des Amériques, cette chenille brune a été détectée pour la première fois dans l’ouest du continent africain au début de l’année 2016. Le papillon (stade adulte) peut se déplacer de plus de 100 km en une nuit, ce qui pourrait expliquer son avancée fulgurante : l’espèce est aujourd’hui présente dans une vingtaine de pays, du Sénégal à l’Afrique du Sud et au Kenya en passant par le Togo, la RDC ou le Malawi.</p>
<p>Cette nouvelle menace s’ajoute aux nombreux autres ravageurs qui affectent la productivité des agricultures du continent. Ainsi, de 2003 à 2005, l’Afrique de l’Ouest a fait face à une spectaculaire invasion de criquets pèlerins. Son contrôle a coûté plus de <a href="http://www.fao.org/newsroom/en/news/2006/1000418/index.html">400 millions de dollars</a>, et les nuées de ces insectes ont entraîné des pertes de récoltes estimées à près de <a href="http://www.oecd.org/general/thedesertlocustoutbreakinwestafrica.htm">2,5 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Champignons, bactéries, virus, vers nématodes, acariens, insectes… de très nombreux agresseurs s’attaquent aux cultures des paysans africains. Si leurs dégâts ne sont pas toujours aussi spectaculaires que ceux des criquets, leur impact sur les rendements agricoles n’en est pas moins réel. Chaque année, les pertes économiques dues aux ravageurs se chiffrent en millions de dollars, et menacent la sécurité alimentaire de dizaines de milliers de personnes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"925719581968056326"}"></div></p>
<h2>Toujours plus de pesticides</h2>
<p>Pour lutter contre cette concurrence vorace, les cultivateurs ont recours aux pesticides. En Afrique de l’Ouest, leurs importations ont <a href="http://rstb.royalsocietypublishing.org/content/369/1639/20120272">augmenté de 19 %</a> par an durant les années 1990, alors même que la production agricole ne progressait que de 2,5 % par an sur la même période. Le montant qui leur est alloué représente jusqu’à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3928896/pdf/rstb20130491.pdf">2 % du PIB global</a>, voire 6 % si on ne considère que la part agricole.</p>
<p>Au-delà de leur coût, les pesticides ont un impact important sur la santé humaine, la faune sauvage (terrestre et aquatique) et l’environnement (pollution des sols, des eaux…). Souvent de mauvaise qualité ou illégaux, en raison du faible niveau de contrôle des circuits de vente et de distribution, les pesticides sont généralement mal employés, car les agriculteurs sont peu formés à leur maniement et connaissent mal la biologie des ravageurs.</p>
<p>De fait, les paysans et leurs familles sont fréquemment exposés à des produits toxiques à fortes concentrations, dont certains sont interdits en Europe (comme le <a href="http://chm.pops.int/Implementation/DDT/Overview/tabid/378/Default.aspx">DDT</a> ou le <a href="http://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_81&section=caracteristiques">lindane</a>). Et en bout de chaîne, les consommateurs risquent également d’être exposés à des résidus de pesticides néfastes.</p>
<h2>Des plantes comme alternative à la chimie</h2>
<p>Si le recours aux produits de synthèse est une tendance qui ne semble pas devoir s’inverser dans un futur proche, des stratégies de long terme sont mises en place pour en limiter l’utilisation. Outre la formation des agriculteurs, divers moyens alternatifs de lutte contre les ravageurs sont actuellement testés : filets de protection, lutte biologique, systèmes de cultures diversifiés…</p>
<p>Au nombre de ces approches <em>a priori</em> plus respectueuses de l’environnement figure l’utilisation de plantes aux propriétés pesticides. Utilisées en Afrique de façon traditionnelle, les plantes à effet phytosanitaire sont employées de diverses façons : production d’extraits appliqués sur les feuilles des cultures à protéger, utilisation sous forme de plantes entières ou d’huiles essentielles pour protéger les denrées stockées, culture en association dans les champs…</p>
<p>Plusieurs études ont évalué le potentiel des plantes pesticides utilisées traditionnellement en Afrique de l’Ouest. Leurs conclusions sont intéressantes : de nombreuses plantes ont un réel effet sur les agresseurs des cultures.</p>
<p>C’est notamment le cas du margousier ou neem (<em>Azadirachta indica</em>), arbre originaire d’Inde dont les feuilles et les graines ont des propriétés insecticides, antifongiques et vermifuges. L’application d’extraits de margousier sur des cultures de tomates permet notamment de diminuer la sévérité des infections par les champignons, de limiter l’éclosion des œufs des lépidoptères, ou de modifier la fécondité ou le comportement de certains insectes. Les populations de chenilles ou de pucerons sont moins importantes sur les parcelles traitées de cette façon que sur les autres.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Poivre de Guinée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Xylopia_aethiopica#/media/File:Xylopiaaethiopica.jpg">stephenbuchan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres plantes permettent d’obtenir des résultats similaires : c’est notamment le cas de substances épicées tirées du poivre de Guinée (<em>Xylopia aethiopica</em>), de la moutarde noire (<em>Sinapsis nigra</em>) ou du tabac (<em>Nicotiana tabacum</em>). Sur des parcelles traitées par ces extraits, les populations de coléoptères, d’aleurodes ou de thrips voient leurs tailles <a href="http://agritrop.cirad.fr/585511/">diminuer de 61 à 78 %</a>. L’éradication n’est pas totale, mais permet d’assurer un rendement équivalent à celui obtenu sur des parcelles traitées par des insecticides de synthèse. Qui plus est, ces effets peuvent être améliorés en mélangeant des extraits de diverses espèces de plantes pesticides.</p>
<p>Enfin, certaines espèces, comme celles appartenant au genre <em>Ocimum</em> (qui contient notamment le basilic), présentent l’avantage d’avoir non seulement des vertus pesticides, mais aussi médicinales, et d’être également consommées comme légumes feuilles ou épices. Cette polyvalence renforce grandement leur intérêt.</p>
<h2>Un usage limité</h2>
<p>Les plantes pesticides n’éliminent pas la totalité des ravageurs, mais maintiennent leurs populations en dessous du seuil de nuisibilité, tout en présentant de nombreux avantages sur les pesticides de synthèse. Généralement moins dangereuses pour la santé, les extraits de plantes pesticides se décomposent rapidement dans l’environnement ; ce qui limite les risques de pollution environnementale et améliore la qualité sanitaire des produits cultivés. Cultivées en association, les plantes pesticides permettent de maintenir l’équilibre entre ravageurs des cultures et animaux auxiliaires associés.</p>
<p>L’emploi de ces produits naturels permet dans certains cas d’accroître les rendements, pour un rapport coût-bénéfice similaire à celui des pesticides de synthèse. Pour réaliser leur plein potentiel, il reste toutefois encore plusieurs barrières à lever.</p>
<p>La première concerne leur acceptation par les agriculteurs, qui considèrent que leur utilisation est trop contraignante (temps nécessaire pour produire les extraits, nombre de traitements requis, spécificité des extraits limitante, variabilité des résultats…). Leurs effets sur les auxiliaires des cultures (coccinelles, par exemple) ne sont pas bien connus. Leur coût est aussi problématique, car pour l’instant ces produits, lorsqu’ils sont destinés à être commercialisés, sont fabriqués en faible quantité par de petites unités de production.</p>
<p>Enfin, ces dernières ne peuvent s’inscrire dans les démarches d’évaluation requises par les (rares) cadres réglementaires existants. Ces derniers, très lourds, sont en effet les mêmes que ceux exigés pour les pesticides de synthèse, et les petites structures de production ne peuvent s’y conformer. Cette contrainte, notamment, limite la viabilité commerciale des plantes pesticides.</p>
<h2>Organiser les connaissances</h2>
<p>Au-delà de ces problèmes intrinsèques et structurels, le développement des pesticides végétaux est également freiné par la disponibilité et la diffusion des connaissances.</p>
<p>Bien que l’utilisation des plantes pesticides soit une pratique ancestrale, les savoirs associés sont fragmentés, dispersés au sein des communautés. Le recensement de ces connaissances, qui a déjà été entrepris dans certains pays africains anglophones, doit encore être mené dans les pays francophones.</p>
<p>C’est notamment l’objectif du <a href="https://ur-aida.cirad.fr/nos-recherches/projets-de-recherche/knomana">projet « Knomana »</a> (Knowledge management on pesticides plants in Africa). Initié dans le cadre de <a href="http://www.glofoods.inra.fr/">« Glofoods »</a>, un programme mené conjointement par l’Inra et le Cirad, il vise à recenser à travers la littérature les plantes pesticides, leurs usages, leurs modes d’action, les organismes qu’elles sont susceptibles de cibler, leurs effets collatéraux (sur des organismes non ciblés par exemple) etc.</p>
<p>Les connaissances collectées seront formalisées via une base de connaissances puis diffusées. Car si les pesticides végétaux sont loin de remplacer les pesticides de synthèse dans les grandes cultures, ils pourraient néanmoins constituer une alternative viable en production maraîchère, sur de petites surfaces. Or celles-ci constituent une importante ressource pour assurer la sécurité alimentaire des populations : aujourd’hui, les exploitations de moins de 15 ha génèrent en effet <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/11/12/124010">près de 80 %</a> des denrées consommées en Afrique subsaharienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En Afrique, les pertes dues aux ravageurs se chiffrent en millions et menacent la sécurité alimentaire. Pour faire face à cette menace, le recours aux pesticides chimiques n’est pas la seule voie.Pierre Silvie, Entomologiste, CiradPierre Martin, Knowledge manager, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/816262017-07-26T20:43:36Z2017-07-26T20:43:36ZEspèces invasives : une menace grandissante pour l’Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/179856/original/file-20170726-27705-1ws154n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le grand capucin du maïs, une menace pour la sécurité alimentaire du continent africain. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Imaginez : vous rentrez en France après un séjour en Ouganda et en défaisant vos bagages, vous remarquez quelque chose que vous n’avez pas emporté avec vous ; là, au milieu des tee-shirts, vous apercevez un insecte peu familier. A-t-il fait tout le voyage avec vous depuis l’Afrique ? Ce n’est pas bien grave, pensez-vous. Après tout, cette toute petite bête ne peut pas faire de mal…</p>
<p>Que ce soit intentionnel ou non, il est fréquent que les hommes fassent voyager des espèces jusqu’à des régions où elles ne se trouvaient pas originellement. Et que ce soit avec l’aide des hommes ou en se débrouillant toutes seules (en volant, par exemple), ces espèces ont la capacité de se propager à travers les continents.</p>
<p>Ce développement, parfois rapide, est difficile à empêcher et peut avoir des conséquences écologiques, économiques et sociaux importantes.</p>
<p><a href="https://abcjournal.org/index.php/ABC/article/view/2157">En Afrique</a>, il s’agit d’un phénomène grandissant. Depuis 2000, les pays du continent ont par exemple vu débarquer des insectes ravageurs d’eucalyptus en provenance d’Afrique du Sud. La coopération, la communication et le partage d’informations et de compétences <a href="http://www.abcjournal.org/index.php/ABC/article/view/2157">sont indispensables</a> pour faire face à ce problème.</p>
<h2>Grand capucin du maïs et tilapia du Mozambique</h2>
<p>De nombreuses espèces exotiques, végétales ou animales, ont été introduites en Afrique à partir d’autres régions du continent puis elles se sont propagées de pays en pays, laissant fréquemment derrière elles d’énormes dégâts.</p>
<p>Prenons le cas du grand capucin du maïs (<em>Prostephanus truncatus</em>), un coléoptère dont on pense qu’il a été introduit en Afrique via des graines importées depuis le Mexique ou l’Amérique centrale. Il a rejoint le Togo vers 1981, la Tanzanie vers 1984 et la <a href="http://www.abcjournal.org/index.php/ABC/article/view/2157">Guinée</a> vers 1987 ; il s’est ensuite propagé à travers le continent. Deux décennies lui auront suffi pour atteindre l’Afrique du Sud.</p>
<p>Le grand capucin du maïs s’attaque comme son nom l’indique aux cultures de maïs et aussi au manioc. Il constitue donc une menace pour la sécurité alimentaire, tout particulièrement pour les <a href="http://www.cabi.org/isc/datasheet/44524">plus pauvres</a>. Souvent, il s’en prend aux réserves de maïs stockées par les agriculteurs. Ceux-ci, en plus de perdre le bénéfice de la vente d’éventuels excédents, se voient contraints de racheter du maïs.</p>
<p>Nombre d’espèces invasives sont originaires du continent, à l’image du tilapia du Mozambique (<em>Oreochromis mossambicus</em>). Ce poisson peuplait à l’origine les rivières de la côte est de l’Afrique australe. Mais des pêcheurs l’ont transporté, et on peut dorénavant le trouver dans des cours d’eau d’Afrique du Sud occidentale et méridionale, ainsi qu’en Namibie.</p>
<p>Très prisé des pêcheurs, le <a href="http://www.iucngisd.org/gisd/speciesname/Oreochromis+mossambicus">tilapia du Mozambique</a> peut cependant représenter une menace pour les poissons indigènes. Sa responsabilité est d’ailleurs mise en avant pour expliquer la disparition d’espèces dans <a href="https://www.fws.gov/fisheries/ans/erss/highrisk/Oreochromis-mossambicus-ERSS-revision-July-2015.pdf">certaines régions</a> africaines.</p>
<p>La propagation d’espèces invasives en Afrique n’a rien d’une nouveauté. Dès 760 apr. J.-C., des humains auraient accidentellement introduit la <a href="http://www.abcjournal.org/index.php/ABC/article/view/2157">luzerne polymorphe</a> (<em>Medicago polymorpha</em>), une plante d’Afrique du Nord jusqu’en Afrique du Sud.</p>
<h2>Une menace croissante</h2>
<p>Ces dernières années, plusieurs espèces invasives se sont propagées extrêmement rapidement à travers l’Afrique, menaçant très sérieusement la sécurité alimentaire et les sources de revenus des populations.</p>
<p>La chenille légionnaire (<em>Spodoptera frugiperda</em>) est l’une d’entre elles. Son apparition sur le continent a été détectée pour la première fois en janvier 2016 au Nigeria. En une année, elle s’est répandue, atteignant en <a href="http://www.arc.agric.za/arc-ppri/Fact%20Sheets%20Library/The%20new%20Invasive%20Fall%20Armyworm%20(FAW) %20in %20South %20Africa.pdf">janvier dernier</a> l’Afrique du Sud.</p>
<p>Au stade adulte, ces chenilles deviennent des papillons au vol particulièrement endurant ; on pense d’ailleurs qu’elles se seraient réparties sur le territoire africain en volant. Si ces insectes s’attaquent à une grande variété de cultures, ce sont les producteurs céréaliers qui les craignent tout particulièrement, car elles sont <a href="https://theconversation.com/afrique-pourquoi-la-lutte-contre-la-chenille-legionnaire-est-si-difficile-73247">extrêmement difficiles</a> à combattre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"833754377986928640"}"></div></p>
<p>Un autre exemple avec la <em>Leptocybe invasa</em>, une guêpe à galles originaire d’Australie. En 2000, cette espèce a été <a href="http://www.fabinet.up.ac.za/publication/pdfs/1952-kelly_et_al_selitrichodes_neseri.pdf">repérée en Israël</a> puis peu de temps après en <a href="http://www.forestry.co.za/uploads/File/home/notices/2011/ICFR%20IS01-2011gallwasp.pdf">Ouganda et au Kenya</a>. À partir de là, sa progression sur le continent africain a été très rapide, touchant le Zimbabwe, le Mozambique et la Tanzanie pour enfin apparaître en Afrique du Sud en <a href="http://www.forestry.co.za/uploads/File/home/notices/2011/ICFR%20IS01-2011gallwasp.pdf">2007</a>. On pense que cet insecte a probablement rejoint Israël via le transport de plantes ou des déplacements de voyageurs. Et c’est sans doute de la même manière qu’il s’est déployé sur le continent africain.</p>
<p>Cette guêpe à galles s’attaque aux eucalyptus en provoquant des gonflements et des excroissances sur les feuilles, pouvant entraîner la <a href="http://www.fao.org/forestry/13569-05912e0e2fe9054c3ed4904ae597e3310.pdf">mort de l’arbre</a>. Or les eucalyptus constituent une source importante de revenus et de combustibles pour nombre de populations africaines.</p>
<h2>Faire cause commune</h2>
<p>Quand une espèce invasive est introduite dans un pays africain, sa propagation aux autres régions est presque inévitable, les contrôles aux frontières étant peu stricts.</p>
<p>Mais ceci pourrait être assez aisément évité avec la mise en place de dispositifs de biosécurité. Ceux-ci sont très répandus en Australie et en Nouvelle-Zélande ; ils consistent en un contrôle technique des personnes et des biens qui entrent dans le pays pour repérer les espèces invasives.</p>
<p>Mais même de tels systèmes ne peuvent garantir que les espèces ne se déploieront pas. Or, pour être le plus efficace possible, il faudrait que les différents États africains travaillent de concert et échangent des informations et des compétences. Une telle démarche permettrait également de se préparer à la lutte contre des espèces déjà installées.</p>
<p>Il s’agit ici d’un défi de taille : pour qu’un pays puisse se protéger efficacement de ces espèces, il faut que ses voisins en fassent autant. Mais cette action commune est aujourd’hui la clé du succès.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katelyn Faulkner a reçu des financements du South African National Biodiversity Institute’s Invasive Species Programme.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mark Robertson a reçu des financements du DST-NRF Centre for Invasion Biology.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brett Hurley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des échanges internationaux et continentaux de plus en plus fréquents, des contrôles aux frontières peu stricts : de nombreuses espèces invasives se sont propagées rapidement sur le continent africain.Katelyn Faulkner, Postdoctoral research fellow, University of PretoriaBrett Hurley, Senior Lecturer Zoology and Entomology, University of PretoriaMark Robertson, Associate Professor Zoology & Entomology, University of PretoriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/732472017-02-19T20:18:38Z2017-02-19T20:18:38ZAfrique : pourquoi la lutte contre la chenille légionnaire est si difficile<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157422/original/image-20170219-10209-igmbyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La chenille légionnaire d’automne a été repérée pour la première fois en Afrique début 2016. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/447052915?size=huge_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’aire de répartition de la chenille légionnaire d’automne (<em>Spodoptera frugiperda</em>) se situe en Amérique. Mais cette larve de papillon se propage actuellement à grande vitesse dans la partie sud de l’Afrique. Son apparition sur le continent a été détectée pour la première fois en janvier 2016 <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">au Nigeria</a>. En une année, elle s’est répandue pour <a href="http://ewn.co.za/2017/02/03/sa-confirms-presence-of-fall-armyworm">atteindre, en janvier dernier, l’Afrique du Sud</a>.</p>
<p>La présence de la chenille légionnaire d’automne ajoute aux dégâts déjà causés par sa cousine africaine, <a href="http://theconversation.com/armyworms-are-wreaking-havoc-in-southern-africa-why-its-a-big-deal-72822"><em>Spodoptera exempta</em></a>.</p>
<p>Cette situation a des répercussions considérables pour les populations touchées. Car ce papillon est un terrible ravageur du maïs et d’autres plantes cultivées, comme le sorgho. Il s’agit d’une menace sérieuse pour l’agriculture et par conséquent la sécurité alimentaire en Afrique ; c’est de même un problème pour le commerce international avec la mise en place de quarantaines. La situation est tout particulièrement préoccupante pour les cultures sud-africaines qui viennent tout juste de se remettre d’une <a href="http://www.unocha.org/el-nino-southern-africa">terrible sécheresse</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fjq6wL9p1AI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Afrique australe : les chenilles détruisent dangereusement les cultures (France 24, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<p>En Afrique subsaharienne, 208 millions de personnes <a href="https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Events/DakAgri2015/Cereal_Crops-_Rice__Maize__Millet__Sorghum__Wheat.pdf">dépendent du maïs</a> pour assurer leur alimentation. Ces cultures sont également essentielles aux petits agriculteurs de la région qui en tirent la majorité de leurs revenus.</p>
<p>Comprendre comment les chenilles légionnaires se reproduisent, se déplacent et se nourrissent est indispensable pour faire face à la menace qu’elles représentent. Ces insectes possèdent en effet des qualités qui les rendent particulièrement difficiles à contrôler : ils volent très bien, se reproduisent en masse et leurs larves peuvent se nourrir d’une grande variété de plantes. En outre, ils développent très rapidement des résistances aux pesticides.</p>
<h2>Des espèces venues d’ailleurs</h2>
<p>De telles invasions biologiques menacent la biodiversité, l’équilibre des écosystèmes naturels et agricoles et, à terme, la sécurité alimentaire. L’Afrique subsaharienne est considérée comme particulièrement vulnérable face à ces espèces invasives, en raison de sa grande dépendance à l’<a href="http://www.pnas.org/content/113/27/7575">égard de l’agriculture</a>.</p>
<p>En général, l’expansion de l’aire géographique de telles espèces est empêchée par des barrières naturelles, océans ou montagnes. Mais avec le développement des échanges commerciaux et des déplacements au niveau mondial, on a observé une multiplication ces dernières décennies de ces invasions biologiques. On peut citer, le grand capucin du maïs, <em>Prostephanus truncatus</em>, lui aussi originaire des Amériques, introduit par accident en <a href="http://www.cabi.org/isc/datasheet/44524">Tanzanie dans les années 1970</a>. Ce coléoptère s’est rapidement propagé via des lots de maïs et de manioc séché infestés. Cette espèce <a href="http://www.cabi.org/isc/datasheet/44524">s’est depuis propagée</a> à de nombreux pays d’Afrique.</p>
<p>Les avis divergent à propos de la chenille légionnaire d’automne en Afrique. Une piste possible avance que l’espèce est arrivée via des denrées alimentaires en <a href="http://theconversation.com/armyworms-are-wreaking-havoc-in-southern-africa-why-its-a-big-deal-72822">provenance d’Amérique</a>. Ceci est tout à fait envisageable : les insectes peuvent facilement traverser les frontières via des matières végétales infestées. Et ces espèces ont été à <a href="http://ec.europa.eu/food/plant/plant_health_biosecurity/europhyt/interceptions_en">maintes reprises</a> interceptées dans des envois destinés à l’Europe.</p>
<p>Il est également possible que cette chenille ait traversé l’Atlantique <a href="http://theconversation.com/armyworms-are-wreaking-havoc-in-southern-africa-why-its-a-big-deal-72822">grâce aux vents</a>, les insectes adultes pouvant être portés par les vents sur de très grandes distances. L’exemple le plus connu de ce phénomène concerne le papillon monarque, <em>Danaus plexippus</em>, qui a de cette façon traversé l’Atlantique des Amériques aux <a href="http://www.ukbutterflies.co.uk/species.php?species=plexippus">îles britanniques</a>.</p>
<p>Quelle que soit la façon dont la chenille légionnaire d’automne a atteint l’Afrique, sa progression rapide à travers le continent témoigne de sa grande capacité de dispersion. Le vol endurant des papillons adultes leur permet de passer facilement les frontières. Aux États-Unis, on sait depuis longtemps que ces espèces s’appuient sur les courants-jets pour la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/international-journal-of-tropical-insect-science/article/div-classtitlemigration-and-the-life-history-strategy-of-the-fall-armyworm-span-classitalicspodoptera-frugiperdaspan-in-the-western-hemispherea-hreffn01-ref-typefnadiv/EB7A3F758E7F1436A2FECDE39278CB61">dispersion des adultes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au stade adulte, la chenille légionnaire d’automne peut passer les frontières grâce à son vol.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wildreturn/14935803778/in/photolist-d3SNDY-6QqoXh-oDMjaL-gpfrtU-d3Uao7-d79a3h-oKPU7f-gpfpE3-6RGevB-gpfSJq-go4894-d8cJF5-6Vgc4Q-4SbUPG-fBJVZ2-bjeW4X-gpfGi4-go3K4K-fBJWmZ-go3LYr-go3AtY-jVVicb-kTMHYr-AvMn4p-jVSM8P-B9KERi-AvMsjz-yH2GUF-kTPkJ1-jVT77P-jVUMTG-jVSRpz-y3EsBr-go3Vmj-gpfHcD-aidc9j-bjeY2a-bjeXbR-vXH3Hz-w8WXXh-xeeuGH-d4uCF3-8SX6Kb-fmApcZ-ofsohw-wHoGwS-wHoG23-umzPC6-65nRGS-65ixHi">Andy Reago & Chrissy McClarren/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La biologie de la chenille légionnaire</h2>
<p>Son nom scientifique, <em>Spodoptera frugiperda</em>, fait référence aux ailes à motifs gris des papillons adultes et aux ravages qu’elles occasionnent sur les fruits. Son nom courant renvoie au fait que les chenilles se déplacent en masse à l’automne.</p>
<p>Plusieurs caractéristiques de cet insecte en font une espèce particulièrement difficile à contrôler : en plus de leur impressionnante endurance de vol, les femelles adultes sont extrêmement fertiles, avec plus de 1 000 œufs pondus durant leur vie.</p>
<p>Ces chenilles peuvent coloniser plus de 100 plantes appartenant à <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">27 espèces différentes</a>. Si elles sont polyphages – c’est-à-dire capables de se nourrir d’une grande variété de plantes –, leurs hôtes préférés demeurent le maïs, le sorgho, le millet, le riz et la cane à sucre.</p>
<p>Une autre raison de la difficulté à les appréhender réside dans leur capacité à <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">résister aux pesticides</a>. On a ainsi essayé d’éradiquer cette chenille à l’aide de maïs BT, mais ces plantations sont toujours très controversées dans de <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">nombreux pays africains</a>.</p>
<p>On a imputé à la chenille légionnaire d’automne des dégâts ayant occasionné des pertes annuelles de 600 millions de dollars <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">pour le seul Brésil</a>. Ces chenilles représentent également une menace pour d’autres cultures essentielles : le niébé, la pomme de terre et le soja.</p>
<p>À l’heure qu’il est, nous ne disposons pas d’informations suffisantes au sujet de son impact sur l’ensemble des cultures africaines. Mais l’inquiétude grandit.</p>
<h2>Agir vite</h2>
<p>Compte tenu de la forte menace économique, gouvernements et organisations internationales ont mis en place des plans d’urgence pour lutter contre cette invasion.</p>
<p>Ces mesures comprennent notamment une surveillance s’appuyant sur des pièges à la phéromone pour évaluer la progression de l’invasion, des campagnes itinérantes pour informer le public et l’<a href="http://reliefweb.int/report/south-africa/pest-alert-detection-spodoptera-frugiperda-fall-army-worm-first-time-south-0">homologation d’urgence</a> de pesticides.</p>
<p>L’éradication de la chenille légionnaire d’automne va prendre du temps. À l’heure qu’il est, le contrôle de ce ravageur doit d’abord passer par une coopération internationale avec les pays d’Afrique touchés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kerstin Kruger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Afrique australe est touchée par une invasion de ravageurs qui détruit ses cultures. Mobiles, très fécondes et résistantes aux pesticides, ces chenilles sont difficilement contrôlables.Kerstin Kruger, Associate Professor in Zoology & Entomology, University of PretoriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712032017-01-23T21:52:16Z2017-01-23T21:52:16ZChalarose du frêne et autres maladies invasives : il est possible de mieux protéger les forêts<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153004/original/image-20170117-23040-21686w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C169%2C2344%2C1449&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le petit champignon qui menace les frênes européens. </span> <span class="attribution"><span class="source">Author provided/IFFF</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En forêt, le long des routes et des rivières, dans les haies du bocage, de nombreux frênes européens sont malades : leurs feuilles flétrissent, leurs tiges se nécrosent et leurs branches se dessèchent.</p>
<p>Cette maladie, appelée chalarose, a soudainement provoqué de graves dépérissements dans le nord et l’est de la France et elle progresse vers l’ouest et le sud. Dans ces régions, on estime que sur 100 arbres vivants avant l’arrivée de la maladie, un seul restera totalement indemne ; les autres seront plus ou moins affaiblis et certains mourront.</p>
<p>Les plus jeunes sont les plus vulnérables. En effet, après huit ans de présence de chalarose, <a href="http://prodinra.inra.fr/ft?id=%7B4B5F60CF-0C8B-4BF8-8C3F-3AF4CA1016CF%7D">seuls 15 % des très jeunes arbres</a> restent vivants. Les individus âgés ont eux une croissance réduite, mais au final tolèrent mieux cette maladie et meurent nettement moins.</p>
<h2>Un champignon venu d’Asie</h2>
<p>De part son ampleur et son origine, la chalarose est qualifiée de maladie émergente et invasive. Le responsable de ce déclin est un champignon microscopique appelé _ <a href="http://ephytia.inra.fr/fr/C/20407/Forets-Chalarose-du-frene">Chalara fraxinea</a> _, originaire d’Asie orientale. Là-bas, le pathogène et les espèces de frênes asiatiques cohabitent sans que l’un ne prenne le pas sur l’autre. Les dégâts sont donc limités et uniquement localisés sur les feuilles.</p>
<p>La maladie a initialement émergé en <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/mpp.12073/abstract">Europe orientale</a> au début des années 1990. Le champignon y a trouvé un nouvel hôte sensible, le frêne commun, <em>Fraxinus excelsior</em>, avec lequel il n’a jamais coévolué. Le champignon prend le dessus, créant un rapport de force défavorable à son partenaire. Il prolifère, passe de la feuille aux branches – ce qu’il n’est pas capable de faire sur les frênes asiatiques – et cause finalement la mortalité des branches.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153503/original/image-20170119-26543-thl5mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Si les jeunes frênes (à gauche) sont particulièrement vulnérables, les sujets adultes (à droite) peuvent aussi dépérir fortement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INRA Nancy</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La population de frênes européens, mal armée face à ce nouveau parasite, est rapidement et fortement affectée. En Europe, le frêne commun ne représente que <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0ahUKEwiVyNjex7_RAhXFPhQKHZlTBCsQFggkMAA&url=http%3A%2F%2Fforest.jrc.ec.europa.eu%2Fmedia%2Fatlas%2FFraxinus_excelsior.pdf&usg=AFQjCNGuNqWZFitZ5Xmwr1e-X39P6by0Mw&cad=rja">3 à 4 % de la surface forestière</a>. Cependant, il est très largement réparti dans de nombreux habitats : difficile de parcourir un kilomètre sans apercevoir un frêne.</p>
<p>Le champignon pathogène a ainsi trouvé sur le Vieux Continent un terrain de jeu idéal pour agir. En effet, il se dissémine très rapidement grâce à ses spores véhiculées par le vent passant aisément d’arbres en arbres au fil des années.</p>
<p>Ainsi, après avoir réussi à s’introduire et à s’établir en Pologne et dans les pays baltes, il est rapidement devenu invasif en Europe, parcourant 50 à 60 km par an. En France, une décennie après son introduction, <em>Chalara fraxinea</em> couvre aujourd’hui une grande partie du pays. Son arrivée dans les régions limitrophes de l’océan atlantique est attendue d’ici un ou deux ans.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153219/original/image-20170118-3927-1xg0jex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition de la chalarose en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Département de la santé des forêts</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce dédale de mauvaises nouvelles subsistent quelques espoirs. Tout d’abord, l’amplitude de la chalarose restera certainement limitée dans le Sud, car le parasite tolère mal les températures estivales élevées. Et surtout, bien que rares, certains individus parmi les frênes européens <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ppa.12196/abstract">présentent une tolérance</a> à la maladie proche de celle des frênes asiatiques. De plus, ceux-ci sont capables de transmettre leur tolérance à leur descendance, produisant ainsi petit à petit une nouvelle génération de frênes mieux armées contre la maladie.</p>
<h2>Des agents pathogènes introduits par accident</h2>
<p>Si elle est assez exceptionnelle par ses répercussions économiques et écologiques, l’émergence de la chalarose n’est pas un cas isolé. En effet, la majorité des émergences de maladies infectieuses chez les plantes (dues à des bactéries, champignons ou virus) proviennent d’introductions accidentelles d’agents pathogènes, loin devant des causes liées au changement du climat ou aux modes de culture.</p>
<p>L’action de l’Homme est directement responsable de ces accidents par manque de vigilance. Pour la chalarose, on soupçonne fortement l’<a href="http://link.springer.com/article/10.1007/s10342-014-0811-9">importation massive de frênes asiatiques</a> durant les années 1960-1980 dans les pays baltes d’être à l’origine de l’arrivée de l’agent pathogène associé. Le transport de plants vivants infectés est en effet l’une des principales façons d’introduire des parasites dans une nouvelle région ou un nouveau continent.</p>
<p>Heureusement, la plupart des parasites échouent à s’installer, faute à l’absence d’hôtes sensibles ou à un climat non propice à sa multiplication. Cependant, quelques-uns y parviendront et pourront devenir invasifs dans leurs régions d’adoption.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Flétrissement de branches d’ormes dû à la graphiose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INRA Nancy-Lorraine</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le principal problème est que le nombre d’espèces étrangères introduites par an en Europe augmente de <a href="http://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-1-4020-8280-1_2">façon exponentielle</a> depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle. La forêt en paie un lourd tribut : la quasi-disparition de l’orme des paysages européens, le déclin du platane le long des canaux du sud de la France ou des aulnes le long des rivières, les chancres orange sur les troncs des châtaigniers et le flétrissement de milliers d’hectares de mélèze au Royaume-Uni sont autant d’autres exemples de maladies ayant pour origine un parasite venu d’ailleurs.</p>
<h2>Comment lutter contre ces parasites ?</h2>
<p>Lorsqu’on réussit à identifier l’origine, on remarque que l’Asie et l’Amérique du Nord sont les plus grands pourvoyeurs de parasites exotiques en Europe. Il n’est donc pas surprenant de constater que le nombre d’invasions est lié au flux d’importations de marchandises. La mondialisation du marché et l’intensification des échanges internationaux favorisent grandement l’introduction de parasites exotiques.</p>
<p>Est-il dès lors possible de lutter contre l’introduction de pathogènes des plantes compte tenu des enjeux liés au commerce international et à l’afflux de cargaisons arrivant chaque jour dans les ports européens ? Le combat pourrait sembler perdu d’avance… Aux États-Unis, la perte financière causée par les parasites et ravageurs forestiers exotiques a été estimée à <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800904003027">4 milliards de dollars par an</a>. Le coût est encore bien plus impressionnant en agriculture. Cela mérite donc que l’on s’y intéresse de près.</p>
<p>Pour les cultures agricoles et maraîchères, c’est la solution curative qui a été principalement choisie depuis longtemps, par l’application de pesticides. Mais pour les arbres forestiers, cela n’est pas possible : le coût serait prohibitif en raison de la dispersion des espèces dans le paysage et l’épandage de pesticides dans une nature perçue comme réserve de biodiversité créerait une pollution inacceptable. Enfin, l’éradication mécanique et par brûlage ne peut être efficace que pour des parasites à faible pouvoir de dissémination.</p>
<p>Par conséquent, l’effort doit être mis sur la solution préventive.</p>
<h2>Prévenir, le maître mot</h2>
<p>Cette prévention passe avant tout par un renforcement considérable du contrôle des marchandises provenant d’autres continents. C’est ce qui a été accompli aux États-Unis au début du XX<sup>e</sup> siècle, puis au Canada ; les résultats ont été spectaculaires. En effet, la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Plant_Quarantine_Act">loi sur la quarantaine des plantes</a> a donné aux services d’inspection sanitaire américains les moyens de réglementer et de contrôler les importations de plantes en provenance de pépinières et a permis de lutter efficacement contre l’introduction d’insectes ravageurs exotiques. En Europe, l’efficacité de la quarantaine a été limitée en raison de la division politique. La situation s’améliore et il faut espérer que la volonté de s’y investir en force permettra de réduire significativement les pertes financières liées à ces maladies invasives comme outre-Atlantique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153088/original/image-20170117-21183-x827bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La loi sur la quarantaine des plantes a réduit le risque d’introduction de ravageurs aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adapté de Roques A./NZJFS (2010)</span></span>
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<p>Quand bien même cette solution serait efficace pour restreindre les risques d’invasions, il faut être prêt à réagir avec cohérence quand une intrusion passe entre les mailles du filet. Et cette réaction ne peut être appliquée qu’au cas par cas après avoir mis les efforts nécessaires pour identifier la cause et comprendre le processus épidémiologique.</p>
<p>Quand la chalarose est arrivée en Europe, la cause semblait perdue pour les frênes face à l’agressivité du pathogène et l’intensité des dégâts dans les premières régions touchées. Le premier constat était alarmant. Il est vrai que les plantations de frênes sont aujourd’hui <a href="http://prodinra.inra.fr/ft?id=%7B4B5F60CF-0C8B-4BF8-8C3F-3AF4CA1016CF%7D">vouées à l’échec</a>. En revanche, l’espèce frêne n’est pas en danger d’extinction pour peu que l’on décide de bien gérer l’existant.</p>
<p>C’est ici que nous avons un rôle crucial à jouer en repérant les individus tolérants à la maladie et en les préservant dans leur milieu naturel. Ainsi, bien que peu nombreux, ces derniers pourront sauver l’espèce et seront porteurs d’avenir pour les frênaies de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71203/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Husson a reçu des financements de l’ANR, de l’UE, du MAAF-DGAL, de l’Agence de Bassin Rhin-Meuse et du Labex Arbre. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoit Marçais a reçu des financements de l’ANR, de l’UE, de la DGAL, de l’Agence de bassin Rhin-Meuse et du Labex Arbre.</span></em></p>Un champignon invasif menace les frênes européens, provoquant des mortalités massives chez les jeunes sujets. Mais des pistes existent pour assurer l’avenir des frênaies.Claude Husson, Ingénieur d’études, UMR « Interactions Arbres-Microorganismes », InraeBenoit Marçais, Directeur de recherche, unité de recherche « Interactions arbres-microorganismes », INRA-Nancy, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/585582016-04-29T04:39:12Z2016-04-29T04:39:12ZL’arbre qui pourrait sauver les forêts de frênes du Royaume-Uni<p>Le lent et fatal dépérissement des frênes fait à nouveau <a href="http://www.theguardian.com/environment/2016/mar/23/ash-dieback-and-beetle-attack-likely-to-wipe-out-all-ash-trees-in-uk-and-europe">les gros titres</a> – même s’il n’avait jamais vraiment disparu. <a href="http://www.theguardian.com/environment/2012/oct/24/ash-dieback-disease-east-anglia">Les premiers rapports</a> évoquant cette situation dramatique provenaient de quelques zones boisées de l’Est-Anglie fin 2012 ; d’autres études confirmèrent par la suite un phénomène beaucoup <a href="http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-20128172">plus répandu</a>, touchant le reste de l’Angleterre, l’Écosse et le Pays de Galles. Depuis, la maladie s’est inexorablement étendue et il ne reste que peu de zones intactes.</p>
<p>La situation inquiète grandement car il semble que la plupart des arbres pourraient dépérir en quelques années seulement. Certains pourront certainement survivre, mais les prédictions sur le plus long terme pour le Royaume-Uni n’ont rien de rassurant. Et il existe une autre menace : un ravageur <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2016/03/23/bright-green-beetle-will-wipe-out-britains-ash-trees-scientists/">en provenance d’Asie</a> qui approche à grands pas. Déjà bien connu en <a href="http://www.emeraldashborer.info/about-eab.php">Amérique du Nord</a>, l’agrile du frêne a fait d’immenses dégâts dans les États du nord des États-Unis et pourrait continuer sur sa lancée de ce côté-ci de l’Atlantique.</p>
<p><a href="http://www.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1365-2745.12566/abstract">La publication</a> qui a rappelé le dépérissement des frênes au bon souvenir des médias a clairement mis en lumière l’importance écologique de cet arbre pour l’Europe du Nord. L’auteur soulignait que le péril qui pesait sur le frêne – résultant la combinaison du dépérissement et de l’agrile – n’avait rien d’inédit, même si les médias suggéraient le contraire : <a href="http://www.thesundaytimes.co.uk/sto/news/uk_news/Environment/article1157148.ece">des prévisions</a> identiques avaient en effet été réalisées dès 2012 au Royaume-Uni, et à la fin du siècle dernier pour les autres pays européens.</p>
<p>Le frêne est une espèce essentielle pour le Royaume-Uni : il offre un habitat à près de 1 000 organismes (bactéries exclues), et plus de 100 espèces en sont très ou totalement dépendantes pour leur survie. Le frêne n’est ainsi pas le seul à être menacé d’extinction.</p>
<p>Alors que nombre de travaux suggèrent que les frênes pourraient disparaître du paysage anglais, tout n’est toutefois pas perdu. Un groupe de chercheurs réunis au sein du <a href="http://oadb.tsl.ac.uk/?p=971">projet NORNEX</a> ont identifié, dans le comté Norfolk, un arbre vieux de 200 ans répondant au doux nom de Betty ; ce dernier pourrait bien être déterminant dans la lutte contre le dépérissement des frênes.</p>
<p>La grande tolérance de Betty vis-à-vis de la maladie a en effet permis aux scientifiques d’isoler trois marqueurs génétiques pouvant aider à prédire la potentielle fragilité d’un arbre. Ceux qui tolèrent le mieux la maladie ne sont cependant pas épargnés par la « chalarose » – ou plus précisément, la Chalara fraxinea (<em>Hymenoscyphus fraxineus</em>). Tous les frênes y seraient exposés, mais ils y répondent différemment.</p>
<p>3 % des arbres pourraient tolérer la maladie ; ce taux n’a rien de très élevé, soit ; mais les frênes se montrant très prolifiques, les sujets qui survivraient pourraient prendre la relève d’autres moins résistants.</p>
<h2>Est-il trop tard ?</h2>
<p>Dans les zones où furent signalés les premiers frênes malades, <a href="http://www.wcmt.org.uk/sites/default/files/report-documents/Joe%20Also%20report_0.pdf">il y a vingt ans</a> en Lituanie, beaucoup d’arbres d’apparence saine furent épargnés tandis que les arbres plus âgés et malades furent abattus. Malheureusement, presque tous les arbres épargnés sont aujourd’hui soit morts soit dans un état de dépérissement avancé.</p>
<p>Les dernières recherches menées au Royaume-Uni suggèrent que l’<em>Hymenoscyphus fraxineus</em> était déjà en action quelques années avant la confirmation officielle de sa présence, en 2012. Étant donné l’étendue des dégâts causés par la maladie, pourquoi cela n’a-t-il pas été découvert plus tôt ? Une des raisons possibles est qu’il faut du temps pour voir se manifester des agents pathogènes.</p>
<p>Mais il est trop tard pour se lamenter sur le fait de n’avoir pas détecté à temps le dépérissement du frêne. Une maladie qui se répand avec le vent est d’autre part impossible à stopper. Il nous faut considérer plus attentivement les enjeux de recherche et les objectifs visés. L’une des priorités absolues devrait consister à maintenir les frênes sains dans de plus vastes zones, au Royaume-Uni et ailleurs en Europe. Cela signifie qu’il faut prêter la même attention à l’agent pathogène et à l’hôte – ainsi qu’à leurs interactions.</p>
<p>Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles : le gouvernement britannique a en effet <a href="http://www.theguardian.com/environment/2015/oct/31/ash-dieback-gm-genetic-modification-woodland-crisis">admis la nécessité</a> de travaux de recherche plus approfondis pour éviter de tels dommages forestiers. En marge de NORNEX, l’accent a été mis sur la connaissance des champignons qui causent les maladies et la recherche de la résistance dans l’arbre hôte.</p>
<p>L’agent pathogène qui provoque le dépérissement des frênes nous vient d’Asie, où il envahit les feuilles de l’arbre, mais ne provoque pas de maladie – et n’a donc rien d’alarmant. Mais lorsque le champignon est arrivé en Europe (nous ne sommes pas sûr de savoir comment), il s’est étendu à la tige, <a href="http://www.forestry.gov.uk/pdf/FCPH-ADD_photoID.pdf/$FILE/FCPH-ADD_photoID.pdf">affectant</a> les branches et parfois jusqu’à l’arbre entier.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/120026/original/image-20160425-22387-ds2v4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’agrile du frêne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/usdagov/8758813020">US Department of Agriculture/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://nornex.org/">Le rapport NORNEX</a> évoque la seconde menace pour les frênes : l’agrile du frêne, un insecte présent en l’Europe, et qui s’est répandu à partir de l’ouest de Moscou. Cet insecte vert clair est originaire des mêmes régions de l’est de l’Asie que l’<em>H. fraxineus</em>, mais il s’est <a href="http://www.emeraldashborer.info/">propagé en Amérique du Nord</a> – probablement à la fin des années 1990, au début des années 2000 – où il a dévasté toutes les espèces indigènes de frênes. Il est aujourd’hui très probable que l’agrile du frêne s’étende progressivement à travers l’Europe et jusqu’au Royaume-Uni.</p>
<p>Les frênes qui survivront aux effets de l’<em>H. fraxineus</em> offriront certainement une bonne source d’alimentation pour l’agrile au Royaume-Uni. Il est donc essentiel que les efforts menés pour comprendre <a href="http://www.theguardian.com/environment/2016/apr/22/betty-the-ash-tree-offers-hope-against-deadly-dieback-disease-resistance">le dépérissement</a> se poursuivent à propos du ravageur.</p>
<p>Sauver ces arbres est possible, mais pas du jour au lendemain. Quelques pistes prometteuses sont apparues, mais il nous faudra encore déterminer si les frênes asiatiques pourront fournir des habitats appropriés aux espèces dépendantes des frênes natifs pour leur survie ; une question écologique très épineuse.</p>
<p>Améliorer la résistance des arbres en ayant recours à des espèces de frênes asiatiques semble très prometteur pour l’avenir – et pas seulement pour ces arbres. Les méthodes génétiques utilisées par NORNEX sont pertinentes pour différentes espèces menacées par d’autres maladies et insectes. L’espoir est permis avant d’avoir à sombrer dans les scénarios catastrophes qui alimentent l’intérêt fugace des médias…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58558/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Steve Woodward a reçu des financements de l’Union européenne pour ses travaux sur les agents pathogènes invasifs affectant les ensembles forestiers. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Boa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Victimes d’une vague de dépérissement identifiée en 2012 et menacés par un ravageur, les frênes britanniques pourraient bien disparaître. Mais tout n’est pas perdu.Steve Woodward, Professor, Personal Chair, University of AberdeenEric Boa, Research fellow, University of AberdeenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/572432016-04-07T04:33:58Z2016-04-07T04:33:58ZLa plus ancienne forêt d’Europe attaquée par des ravageurs… Laissons faire la nature <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/117747/original/image-20160406-28966-7rced4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Aleksander Bolbot/shutterstock.com</span></span></figcaption></figure><p>La forêt de Bialowieza semble tout droit sortie d’un conte des Frères Grimm. Sapins gigantesques, chênes et frênes qui vous surplombent, pics et autres oiseaux chantant à qui mieux mieux et des guides forestiers qui connaissent chaque arbre dans ses moindres détails.</p>
<p>Chacun trouvera cet endroit magique – et pour un écologiste forestier, c’est simplement un rêve devenu réalité. Mais toutes les caractéristiques qui font de cette forêt un lieu absolument unique sont menacées par un <a href="http://www.theguardian.com/environment/2016/mar/26/poland-approves-large-scale-logging-in-europes-last-primeval-forest">vaste plan d’abattage</a>.</p>
<p>S’étendant du nord-est de la Pologne jusqu’à la Biélorussie, la forêt de Bialowieza est la seule partie restante de l’immense forêt primaire qui a recouvert autrefois la majorité du territoire européen. Elle constitue un foyer de biodiversité, abritant quelque 20 000 espèces animales et végétales, parmi lesquelles on compte loups, lynx et la dernière population de bisons européens. Ses oiseaux rares, à l’image de ses multiples espèces de pics, donnent une idée de ce à quoi pouvait ressembler la diversité ornithologique européenne avant que les hommes ne changent la physionomie du continent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/117122/original/image-20160401-6827-dwatrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La forêt primaire abrite près de 800 bisons.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kekko64/5477269726/">Francesco Carrani</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malheureusement, du côté polonais, seul un tiers de la forêt est protégée. En dehors de cette zone, près de 35 % de l’espace est destiné à l’abattage ; l’inquiétude grandit de voir la zone protégée devenir une île entourée de terres forestières de plus en plus clairsemées et de piètre qualité, désormais incapable d’accueillir <a href="http://www.ib.uph.edu.pl/private/publik%20osob/CD%20anzf43-221%20Logging.pdf">autant d’oiseaux</a> que dans la zone protégée.</p>
<p>L’abattage dans la forêt de Bialowieza a fait, par le passé, l’objet d’une réglementation ; des quotas ont ainsi été fixés en 2012 pour limiter le nombre d’arbres à couper. Mais, en 2015, 90 % des arbres prévus pour l’abattage avait déjà été coupés et de nouvelles propositions prévoient de <a href="http://www.reuters.com/article/us-poland-environment-forest-idUSKCN0WR15H">tripler ce volume</a>.</p>
<p>Ce projet est hautement controversé. Le département des forêts de l’État polonais considère en effet l’abattage comme une nécessité pour venir à bout des flambées de <a href="http://www.forestry.gov.uk/greatsprucebeetle">dendroctone de l’épicéa</a>, dont les larves creusent sous l’écorce des arbres pour pondre leurs œufs. En se nourrissant des couches ligneuses internes, les larves peuvent tuer l’arbre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/117115/original/image-20160401-6790-oc2g2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les dendroctones sont passés par là….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kuuse-koore%C3%BCrask_ja_tegutsemisj%C3%A4ljed_Ips_typographus.jpg">Tõnu Pani</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cependant, que ce soit les <a href="http://kochampuszcze.pl/ilovebialowieza/EN_%20Statementof17Scientists.pdf">scientifiques locaux</a> ou les organisations de défense de l’environnement tel <a href="http://energydesk.greenpeace.org/2016/02/17/poland-bialowieza-forest-faces-lots-of-logging/">Greenpeace</a>, il semble qu’abattre les arbres infestés ferait plus de mal que de bien ; pour ces derniers, cet abattage qui va en s’intensifiant répond davantage à des intérêts économiques qu’à un authentique souci de gestion des ressources forestières. Le professeur <a href="http://www.forest.biol.uni.wroc.pl/index.php?option=com_content&view=category&id=40:tomasz-wesoowski&Itemid=72&layout=default">Tomasz Wesołowski</a>, qui a étudié les oiseaux de Bialowieza pendant plus de 30 ans, a indiqué qu’abattre plus d’arbres serait un désastre, car couper et replanter changerait totalement les caractéristiques de cette forêt et menacerait même son statut de site classé au patrimoine mondial de l’Unesco. D’autres <a href="http://www.afp.com/en/news/poland-approves-logging-europes-last-primeval-forest">avancent</a> qu’il pourrait s’agir d’une violation des engagements pris par la Pologne dans le cadre du programme Natura 2000.</p>
<p>Les nouvelles zones d’abattage couvrent 20 % de la forêt primaire, ainsi que des zones forestières de tourbières rares. Cette exploitation forestière de masse modifierait ainsi radicalement le caractère de ces deux zones, impactant l’habitat environnant bien davantage que les insectes.</p>
<p>De fait, cette forme d’abattage de sauvetage cause <a href="http://conservationmagazine.org/2015/01/does-salvage-logging-make-things-better-or-worse/">davantage de préjudices</a> aux écosystèmes qu’il est censé protégé. Après avoir connu une <a href="http://blogs.wsj.com/emergingeurope/2011/08/03/hungry-beetle-sparks-czech-political-controversy/">invasion de ravageurs</a> dans le parc national de Sumava, qui s’étend le long de la frontière entre la Bavière et la République tchèque, il a été prouvé que l’abattage de sauvetage <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S000632070800122">retardait</a> les processus de récupération de la forêt.</p>
<h2>Il y a de la vie dans le bois mort</h2>
<p>L’intensification de l’abattage dans la forêt de Bialowieza comprend le retrait de quantité de bois mort ; ce dernier joue cependant un rôle crucial pour le bon fonctionnement de l’écosystème forestier. Les forêts émergent en général du sol, en s’appuyant sur du bois mort.</p>
<p>S’ils peuvent être déplaisants à certains sur le plan esthétique, les arbres morts constituent un habitat essentiel aux <a href="http://www.amentsoc.org/insects/glossary/terms/saproxylic">insectes saproxyles</a> qui se nourrissent de la matière en décomposition. Bialowieza abrite de larges populations de ces insectes et autres invertébrés qui ont besoin du bois mort et servent eux-mêmes de nourriture de base pour les oiseaux et les petits rongeurs tels que les musaraignes, les campagnols et les chauves-souris, dont le très rare <a href="http://www.bats.org.uk/pages/barbastelle-1.html">barbastelle</a>. De même, ces animaux servent de proie à de plus grands prédateurs comme les hiboux, les loups, les lynx. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/117125/original/image-20160401-6806-1lyoypo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La vie commence ici.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aleksander Bolbot/shutterstock</span></span>
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<p>Les souches d’épicéas morts sont utilisées par certaines espèces de pics comme des nids et servent de support pour les lichens et les mousses, dont certaines sont menacées de disparaître d’Europe. Si le bois mort est retiré, c’est l’ensemble de l’écosystème forestier qui souffre.</p>
<h2>L’abattage n’est pas nécessaire</h2>
<p>Cette méthode n’est pas la seule solution pour venir à bout des ravageurs. Les pièges à phéromones, par exemple, sont très efficaces pour capturer ces insectes en grande quantité et, en Grande-Bretagne, on déploie un prédateur des dendroctones, le <em>Rhizophagus grandis</em>. Largement utilisé dans l’industrie forestière, ce dernier est relativement peu cher et accessible. <a href="http://www.forestry.gov.uk/pdf/FCPN017.pdf/$FILE/FCPN017.pdf">Des recherches</a> à ce sujet ont montré que la prévention des invasions est plus efficace que l’abattage des arbres infestés.</p>
<p>Dans tous les cas, si une attaque de dendroctones peut être désastreuse pour les arbres individuellement, elle ne nuit pas nécessairement à la forêt dans son ensemble. Comme de nombreux écosystèmes, Bialowieza est soumise aux changements climatiques. Alors que des espèces telles que l’épinette de Norvège sont affaiblies par ces modifications, le dendroctone, lui, en profite. Ceci s’inscrit dans le processus de régénération de la forêt, permettant aux arbres à feuilles caduques – mieux armés face à l’évolution des conditions climatiques – de se développer dans le vide laissé par la disparition des épicéas. À long terme, il donc sans doute préférable pour la forêt de Bialowieza de laisser la nature suivre son cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57243/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucinda Kirkpatrick receives funding from the UK Forestry Commission. This article does not necessarily reflect the views of the FC.</span></em></p>Abattre toujours plus d’arbres ne permettra pas à la forêt de Bialowieza de venir à bout des insectes ravageurs. Il faut laisser l’écosystème forestier s’adapter le plus naturellement possible.Lucinda Kirkpatrick, PhD Researcher in Forest Ecology, University of StirlingLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.