tag:theconversation.com,2011:/id/topics/retraites-29528/articlesretraités – The Conversation2023-12-17T15:37:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2153532023-12-17T15:37:58Z2023-12-17T15:37:58Z« L’envers des mots » : Âgisme<p>Si le terme d’âgisme reste, en France, peu employé en comparaison avec d’autres pays francophones, il a commencé à se diffuser au cours de ces dernières années.</p>
<p>Sa définition ne fait pas consensus. Pour les uns, à l’instar du gérontologue américain <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/d-ou-ca-sort/d-ou-ca-sort-du-lundi-02-janvier-2023-3600079">Robert Butler</a> qui a forgé la notion en 1969 par analogie avec celles de racisme et de sexisme, il s’agit d’un « processus de stéréotypage et de discrimination systématiques contre les personnes, parce qu’elles sont vieilles ». Pour d’autres, comme <a href="http://www.agisme.fr/">l’Observatoire de l’âgisme</a>, elle désigne les discriminations fondées sur l’âge, quel que soit l’âge.</p>
<p>Ces deux acceptions ne sont cependant pas irréconciliables. On peut, en effet, considérer que les traitements inégaux selon l’âge peuvent concerner tant les jeunes que les vieux, tout en reconnaissant que, dans les sociétés modernes marquées par des changements technologiques et sociaux de plus en plus rapides et par l’obsolescence accélérée des connaissances, l’âgisme anti-vieux est structurellement accentué.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vieillir-lage-est-il-un-bon-repere-200760">Vieillir : l’âge est-il un bon repère ?</a>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2009-3-page-11.htm">L’âgisme</a> opère à différents niveaux. Tout d’abord, il imprègne les représentations, qu’elles soient conscientes ou inconscientes. Le test d’association implicite de Harvard montre ainsi que la grande majorité des gens, y compris les plus âgés, ont tendance à associer spontanément des <a href="https://implicit.harvard.edu/implicit/france/">qualificatifs positifs à des visages jeunes</a> et des qualificatifs négatifs à des visages âgés.</p>
<p>L’âgisme prend ensuite une forme institutionnalisée à travers des dispositifs de politique sociale qui ouvrent (et ferment) des droits sur un critère d’âge et créent donc des inégalités de traitement fondées sur ce seul critère. Que l’on songe au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/revenu-de-solidarite-active-rsa-25071">revenu de solidarité active</a> (RSA), qui est réservé, sauf dans des cas particuliers, aux plus de 25 ans. Que l’on songe aussi aux systèmes de retraite, organisés autour de critères d’âge qui se révèlent ambivalents : d’un côté, ils déclenchent l’ouverture de droits sociaux protecteurs et, de l’autre, ils peuvent être facteurs d’exclusion du marché du travail, comme lorsque, dans les années 1980, les possibilités de cumul entre emploi et retraite ont été fortement limitées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-vieillir-est-peu-a-peu-devenu-synonyme-de-travailler-plus-124936">Comment vieillir est peu à peu devenu synonyme de travailler plus</a>
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<p>L’âgisme institutionnel peut aussi être indirect lorsqu’une politique apparemment neutre est en fait désavantageuse pour certains groupes d’âge (comme c’est le cas, par exemple, avec la dématérialisation des services publics, qui exclut de fait une partie de la population âgée de services auxquels elle avait auparavant accès).</p>
<p>Enfin, l’âgisme se déploie à travers tout un ensemble de pratiques individuelles qui relèvent d’intentionnalités différentes. Les unes sont peu réfléchies et se nourrissent des représentations négatives, homogénéisantes et dépréciatives (comme lorsque les jeunes sont considérés comme pas assez engagés dans leur travail et les plus âgés incapables de s’adapter). D’autres pratiques témoignent d’une sorte d’indifférence aux besoins et au point de vue des plus jeunes ou des plus âgés dont la parole se trouve dépréciée car pèse sur eux une présomption d’incompétence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-numerisation-des-administrations-produit-tensions-et-exclusion-207049">La numérisation des administrations produit tensions et exclusion</a>
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<p>Certaines pratiques encore relèvent d’un âgisme « bienveillant » : partant d’une bonne intention et cherchant à venir en aide à des personnes du fait de leur âge, elles n’en sont pas moins discriminantes (par exemple lorsque, dans le bus ou le métro, quelqu’un se lève pour céder sa place à un autre voyageur qu’il perçoit comme âgé, suscitant l’incompréhension, voire la colère de celui-ci qui se sent traité comme un « vieux »).</p>
<p>L’âgisme reste en France relativement bien toléré et suscite moins souvent l’indignation que le racisme et le sexisme. Sa réalité est même parfois contestée au motif que les retraités sont, dans notre pays, plutôt bien traités d’un point de vue économique, leur niveau de vie étant équivalent à celui des actifs. Il importe cependant de souligner, à la suite de la sociologue <a href="https://cems.ehess.fr/membres/juliette-rennes">Juliette Rennes</a>, que <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2020-6-page-725.htm">l’âgisme se joue en fait sur un autre plan</a>, celui de l’oppression culturelle.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/215353/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Caradec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Discrimination contre les personnes âgées ou discriminations fondées sur l’âge, quel qu’il soit ? La définition du terme « âgisme » ne fait pas consensus.Vincent Caradec, Sociologue, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171062023-11-07T17:29:17Z2023-11-07T17:29:17ZSi la société française déprime, est-ce vraiment « la faute aux vieux » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557696/original/file-20231106-25-sbc2pc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C62%2C1180%2C727&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude de l’Ipsos, 72&nbsp;% des plus de 60&nbsp;ans mais aussi 70&nbsp;% des moins de 35&nbsp;ans estiment que «&nbsp;c’était mieux avant&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wili/3559309194">Ville Miettinen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La France a tendance à regarder dans le rétro. Selon la dernière livraison de l’enquête annuelle <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2023-tableau-dune-france-en-colere">« Fractures françaises »</a> de l’Institut Ipsos en octobre 2023, 73 % des Français disent que « c’était mieux avant ». Ils n’étaient « que » 69 % l’année précédente. Est-ce en raison du vieillissement de la population ? Pas forcément. En effet, l’âge ne semble pas être la variable explicative dominante puisque 70 % des moins de 35 ans et 72 % des plus de 60 ans sont d’accord avec cette affirmation. Deux points d’écart seulement. Les 35-59 ans sont les plus nostalgiques avec un score de 75 %.</p>
<p>Concernant le regard sur l’avenir du pays, 44 % de la population estiment qu’il « est plein d’opportunités et de nouvelles possibilités ». Sur ce point, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seniors-38909">seniors</a> sont franchement les plus pessimistes, ce qui est le plus souvent le cas depuis 2013. Ils sont 39 % à se déclarer de cet avis, alors que les moins de 35 ans sont 55 % à se déclarer optimistes. On peut donc former l’hypothèse que les seniors comparent plus facilement que les plus jeunes la situation d’aujourd’hui à celle d’hier.</p>
<iframe src="https://www.slideshare.net/slideshow/embed_code/key/vGQNhx964UvT9F" width="100%" height="485" frameborder="0" marginwidth="0" marginheight="0" scrolling="no" style="border:1px solid #CCC; border-width:1px; margin-bottom:5px; max-width: 100%;" allowfullscreen=""> </iframe>
<p></p><div style="margin-bottom:5px"> <strong> <a href="//www.slideshare.net/IpsosFrance/fractures-franaises-dition-2023" title="Fractures françaises - Édition 2023" target="_blank">Fractures françaises - Édition 2023</a> </strong> de <strong><a href="//www.slideshare.net/IpsosFrance" target="_blank">Ipsos France</a></strong> </div><p></p>
<p>Une autre <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2023-10/Ipsos-Cese-%C3%89tat-de-la-France-septembre-2023%201.pdf">étude</a>, également menée par l’Ipsos avec le Conseil économique social et environnemental (CESE) et publiée en septembre 2023, montre que cette forte nostalgie sociale s’appuie sur le pessimisme des Français quant à l’avenir du pays ou de la planète. Concernant la France, en moyenne seulement 29 % des Français se disent optimistes. Le vieillissement démographique viendrait-il renforcer ce pessimisme ? Là encore, la réponse est non : les plus de 60 ans sont les plus optimistes (37 %) tandis qu’ils ne sont que 26 % chez les moins de 35 ans et 25 % chez les 35-59 ans. Un écart de 11 et 12 points.</p>
<p><iframe id="bIQ43" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bIQ43/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De même, les seniors sont les plus optimistes (ou les moins pessimistes) concernant l’avenir de la planète et de la nature : 28 % d’optimistes contre 23 % chez les plus jeunes. Une différence de 5 points qui est moindre que l’écart selon les catégories socioprofessionnelles : les CSP – sont 28 % à être optimistes pour la planète contre 21 % chez les CSP+. Soit une différence de 7 points. Une <a href="https://www.institut-viavoice.com/dereglement-climatique-et-societe-enquete-viavoice-septembre-2023/">étude</a> récente de l’institut ViaVoice, confirme le poids de la situation sociale : 76 % des CSP – s’inquiètent du dérèglement climatique mais 89 % chez les cadres.</p>
<p>La différence entre les sexes est aussi à prendre en compte. Selon Ipsos, concernant l’avenir de la planète, les femmes, sont optimistes à seulement 21 %, et les hommes à 30 %. Un écart de 9 points. Aucun écart en revanche en ce qui concerne le sentiment concernant l’avenir de la France (29 % d’optimistes). Bref, concernant la planète, les plus pessimistes sont les femmes de moins de 50 ans issues des catégories les plus favorisées… Et les plus âgés se distinguent par (un peu) plus d’optimisme.</p>
<h2>La confiance, une question d’âge ?</h2>
<p>L’une des caractéristiques majeures de la société française concerne le manque de confiance entre les gens et envers les institutions. Chaque année, l’étude Fractures françaises montre la puissance de cette défiance.</p>
<p>À la question « peut-on faire confiance à la plupart des gens ? », depuis 2013, le score reste en effet significativement faible. En 2023, seulement 26 % de la population répond par l’affirmative. Notons que c’est le point le plus haut depuis 10 ans. Contrairement aux dix années précédentes, cette année, les retraités sont les plus négatifs avec seulement 22 % de réponses positives. Généralement, seuls les cadres se disaient plus confiants que les retraités. Cette fois, même les ouvriers sont plus confiants. La crise sociale autour de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a>, la hausse de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> et le retour de la guerre en Europe constituent autant d’éléments qui ont pu jouer sur le moral des seniors.</p>
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<p>L’une des questions les plus passionnantes de l’étude Fractures françaises concerne l’autoévaluation par les Français de leur satisfaction à propos de leur vie. La moyenne des Français se situe à un médiocre 6/10. Les retraités s’autoévaluent à 6,2, alors que les ouvriers sont à 5,3 et les cadres à 6,8. Sur ce point, la question sociale joue un rôle plus important que l’âge. Les très satisfaits sont 11 % chez les cadres et 1 % chez les ouvriers… On en compte 8 % chez les retraités. En termes d’âge, les moins de 35 ans et les plus de 60 ans se situent au même niveau de 6,2. Les 35-59 ans étant encore un peu moins satisfaits, à 5,8. Le fait d’être en plein dans l’activité professionnelle et dans la vie de famille explique sans doute ce résultat très moyen.</p>
<h2>Comment ça va ?</h2>
<p>On retrouve dans L’état de la France, des chiffres assez proches : si 78 % des Français se disent satisfait de leur « état de bien-être » (physique, moral, social), les « très satisfaits » sont que 19 %. Il n’y a guère d’écart entre les moins de 35 ans (81 % de satisfaits) et les plus de 60 ans (83 %). En revanche, les 35-59 ans ne sont que 73 % à se dire satisfaits. Les CSP – étant 9 points en dessous en termes de satisfaction que les CSP+. Et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/femmes-27381">femmes</a> se situent 4 points en dessous des hommes. À gros traits, les femmes de catégories modestes et ayant 35 – 59 ans, affichent donc, en moyenne un bien-être bien moindre que les autres types de population.</p>
<p>Ce bien être dépend d’abord des « relations avec (sa) famille » pour 57 % des Français, puis de sa santé, et, bien après, de son cadre de vie. Pour l’importance de la famille, l’écart reste peu significatif selon l’âge et à peine plus en terme social, mais très conséquent selon le sexe : les femmes le situent dans les trois critères les plus essentiels, à 64 %, contre seulement 50 % pour les hommes.</p>
<p><iframe id="ISl3i" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ISl3i/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le deuxième item, l’état de santé, est mis en avant par 51 % des Français. Assez logiquement, l’écart le plus net se réalise entre les « jeunes » et les « seniors » : 30 points de différences ! De 35 % pour les moins de 35 ans à 65 % pour les plus de 60 ans. L’écart est de 8 points entre femmes et hommes comme entre CSP – et CSP+. Les hommes issus des classes populaires sont donc les moins enclins à prendre en considération leur santé et donc la prévention. Ce sont, en même temps, ceux dont l’espérance de vie reste la plus faible.</p>
<p>Les politiques de prévention doivent ainsi mieux prendre en compte les différences de perceptions et de représentation des catégories populaires, en inscrivant aussi la question de l’âge et du sexe.</p>
<h2>Le fait social est têtu</h2>
<p>Toujours selon l’étude de l’Ipsos sur l’état de la France, le sujet qui préoccupe le plus la population à titre personnel reste le pouvoir d’achat (40 %). Là encore la question sociale est prédominante même si les écarts sont aussi élevés selon les âges. C’est un sujet majeur pour 58 % des familles monoparentales, 52 % des CSP – et 46 % des moins de 35 ans.</p>
<p>On terminera en signalant la grande différence de « manque » majeur selon les classes sociales. Pour les CSP+, le manque de temps présente à 50 % le premier frein pour vivre bien, alors que c’est le manque d’argent, qui arrive, avec 48 %, en premier chez les CSP-. La comparaison à front renversé peut se poursuivre car en deuxième position les CSP+ situent le manque d’argent, à 35 %, et les catégories populaires, le manque de temps, à 36 %. Le fait social est têtu…</p>
<p>Est-il surprenant que la société continue dans sa majorité à mal vivre l’évolution économique, culturelle et sociale du pays ? L’âge des répondants n’est pas nécessairement le premier facteur explicatif de cet imaginaire négatif, les questions sociales et culturelles restent prédominantes. Dans d’autres cas, comme la représentation de l’avenir ou l’importance des relations avec la famille, le sexe apparait comme une variable forte de la différenciation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Guérin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’analyse d’études récentes sur la perception des Français concernant l’état de pays permet de nuancer l’importance de la fracture générationnelle comme facteur explicatif de la grande déprime.Serge Guérin, Professeur INSEEC GE. Sociologue, directeur de MSc « Directeur des établissements de santé », INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037732023-04-17T15:55:24Z2023-04-17T15:55:24ZComment les cadres se projettent-ils dans leur retraite ?<p>Âge de départ, durée de cotisations, évolution du nombre d’actifs par rapport au nombre de retraités, taux de remplacement… Parmi les nombreuses questions soulevées par la problématique des <a href="https://theconversation.com/topics/reforme-des-retraites-82342">retraites</a> demeure également celle du sens qu’on souhaite lui donner. Âge du <a href="https://theconversation.com/topics/loisirs-21601">loisir</a>, de la « paresse » a-t-on pu entendre sur les bancs de l’Assemblée nationale, la période n’est cependant pas toujours synonyme de retrait définitif du <a href="https://theconversation.com/topics/marche-du-travail-63182">monde du travail</a>, parfois par contrainte financière, parfois par choix. De plus en plus, prendre sa retraite relève davantage d’un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27531447/">processus</a> que d’une rupture, d’un développement particulier de la carrière plutôt que d’une sortie.</p>
<p>Nous avons, pour notre part, étudié les intentions des cadres français du secteur privé en la matière. Beaucoup cumulent durant la retraite plusieurs activités professionnelles, ce que la littérature scientifique a désigné sous l’appellation d’ <a href="https://www.jstor.org/stable/258706">« emploi pont »</a>, ou « bridge employment » en anglais.</p>
<p>Comprendre le phénomène et tenter de l’anticiper peut s’avérer particulièrement utile. Beaucoup d’entreprises témoignent de leurs <a href="https://corporate.apec.fr/home/nos-etudes/toutes-nos-etudes/difficultes-de-recrutement-de-cadres-par-region-et-fonction.html">difficultés à recruter</a>, notamment pour des tâches d’encadrement : plus de la moitié des recrutements de cadres était envisagée comme difficiles par les entreprises en 2022 selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Au milieu également des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/15/reforme-des-retraites-un-fort-taux-d-emploi-des-seniors-n-empeche-en-rien-un-faible-taux-de-chomage-des-jeunes_6165594_3232.html">injonctions</a> multiples à rehausser le taux d’emploi des séniors, mesurer les intentions de chacune et chacun donne des indications précieuses.</p>
<p>C’est à la construction de ces outils que nous avons travaillé, dressant le constat d’une littérature relativement incomplète sur le sujet. Il s’agissait notamment de pouvoir approcher cette étape de la vie autrement que selon les méthodes <a href="https://psycnet.apa.org/record/2010-07780-010">économiques</a> ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12382599/">gérontologiques</a>, qui définissent ce qu’est être retraité selon la composition de son revenu ou un nombre d’heures travaillées déclarées.</p>
<h2>La retraite comme continuité</h2>
<p>Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2021-3-page-225.htm">travaux</a> s’inscrivent dans le cadre de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/074959789190020T">théorie du comportement planifié</a> selon laquelle l’intention initiale joue un rôle central pour déterminer le comportement effectif. Des auteurs qui séquencent le processus de départ en retraite font de l’intention de départ une première étape. Une <a href="https://journals-sagepub-com.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/doi/10.1177/0164027597192001">étude</a> menée aux Pays-Bas, aujourd’hui certes un peu ancienne puisque datée de 1997 observait, en termes de retraite, que 83 % des intentions de départ anticipé étaient effectivement suivies.</p>
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<p>Pour orienter notre démarche, nous avons réalisé une série d’entretien dont nous nous sommes vite rendu compte qu’ils devenaient redondants (dès le treizième en fait), témoignant de comportements et intentions assez homogènes. Retrait définitif ou continuation d’une activité professionnelle ? Dans son secteur de carrière ou dans un autre ?</p>
<p>Il apparaît que même les personnes souhaitant se retirer définitivement de la vie professionnelle cherchent tout de même à agir en continuité avec leurs expériences passées, en s’engageant dans d’autres rôles sociaux mais en lien avec leurs compétences de carrière. Un directeur d’une agence bancaire envisage ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« On a de bonnes relations avec l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), qui est la principale association microcrédit en France, pourquoi ne pas aller leur donner un coup de main. Je suis assez proche de leurs valeurs de solidarité… »</p>
</blockquote>
<p>Si l’on continue ainsi dans son domaine d’activité mais en s’étant retiré de la vie professionnelle, on insistera alors sur les caractères bénévoles et caritatifs de son action, comme ce consultant en énergie :</p>
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<p>« Je ne parlerais pas d’emploi : si on dit emploi, on va dire rémunération, et pour moi, ça sera vraiment du bénévolat. Chez nous, nous avons deux bureaux d’aide sociale, on peut par exemple participer aux Restaurants du cœur… Je ne reprendrai pas de travail derrière, ça, c’est sûr ! »</p>
</blockquote>
<p>Pareils arguments font dire à certains <a href="https://www-cairn-info.fr/revue-francaise-de-sociologie-1-2010-1-page-61.htm">sociologues</a> que la retraite serait davantage un salaire continué (un retraité est rémunéré pour une activité qu’il a librement choisie) qu’un revenu différé (un retraité touche une pension qui est la contrepartie de cotisations versée au cours de la vie active, comme s’il s’agissait d’argent mis de côté).</p>
<h2>Un outil pour accompagner les fins de carrière</h2>
<p>Pour ceux qui poursuivent une activité à titre professionnel, salariés ou indépendants (la retraite est parfois un moment pour se mettre à son compte), ce sera à temps partiel. Un responsable informatique n’imagine pas autre chose :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on continue après avoir travaillé 42 ou 43 ans, ce n’est pas pour être dans le même rythme qu’en activité : le but est quand même d’avoir du temps à consacrer à sa famille, à des loisirs, voilà quoi ! »</p>
</blockquote>
<p>Là encore, l’activité n’est pas envisagée dans un autre domaine que celui de la vie professionnelle :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne me vois pas à 63 ou 65 ans me reformer en peintre bâtiment, ou en écrivain public. Soit on dit : on est dans le monde pur du loisir, ce qui est tout à fait, je dirais défendable et honorable ; soit on dit que ça va être une activité professionnelle. Dans ce cas, même réduite, il faut qu’elle s’appuie sur un savoir-faire, des compétences qui puissent être reconnus et éventuellement “monnayables”, que l’on puisse justifier d’avoir des clients en face ».</p>
</blockquote>
<p>Outre ces traits généraux, nous avons, de ces entretiens extraits plusieurs phrases qui donneraient des indications de l’intention réelle. Une intention ne s’exprime en effet pas toujours avec la dichotomie « je me retirerais complètement » ou « j’occuperai un emploi pont », notamment car, comme notre propos le suggère, tout cela reste relativement poreux. Penser que « la retraite et l’activité professionnelle à temps partiel ne font pas bon ménage » est par exemple un indice de ne pas vouloir occuper un emploi pont.</p>
<p>Les différents items que nous avons construits, 12 au total, ont été soumis à une batterie de tests statistiques afin de s’assurer qu’ils constituent des indices pertinents. 10 ont finalement été retenus pour leur fiabilité satisfaisante. Aux responsables des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> désormais de s’en saisir pour apprivoiser au mieux les fins de carrière des cadres de leur entreprise. Cela peut leur permettre de cibler qui souhaite rester actif durant sa retraite et pourrait apporter une plus-value, par ses compétences, à l’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Partir à la retraite ressemble davantage à une période de transition qu’à une rupture. Même pour qui ne continuerait pas une activité à temps partiel, une forme de continuité est souvent envisagée.Richard Huaman Ramirez, Associate professor à l'EM Strasbourg, Université de StrasbourgKhaled Lahlouh, Université internationale de Rabat (UIR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027832023-03-29T18:25:38Z2023-03-29T18:25:38ZJeunes actifs ou retraités : qui bénéficie des fruits de la croissance ?<p>La dixième journée de mobilisation contre la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> qui s’est tenue le mardi 28 mars a marqué un relatif reflux. 740 000 personnes ont rejoint les cortèges contre 1,08 million lors de la précédente d’après le ministère de l’Intérieur. Les leaders syndicaux ont néanmoins pu se réjouir de voir une jeunesse lycéenne et étudiante de plus en plus nombreuse à descendre dans les rues. « Ça peut nous aider à tenir », a, par exemple, confié Cyril Chabanier, le président de la CFTC au journal <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/28/reforme-des-retraites-dans-les-manifestations-du-28-mars-une-mobilisation-en-reflux-malgre-le-renfort-de-la-jeunesse_6167333_823448.html"><em>le Monde</em></a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1640609508597673985"}"></div></p>
<p>Ce projet de réforme des retraites interroge de fait les rapports entre les générations. Nous avons déjà expliqué dans un précédent <a href="https://theconversation.com/le-systeme-de-retraite-sera-t-il-aussi-genereux-avec-les-generations-futures-quavec-les-retraites-actuels-202060">article</a> dans quelle mesure le niveau des pensions de retraite allait devenir de moins en moins généreux au fil des générations. Cela ne serait-il néanmoins qu’un élément parmi d’autres alimentant le sentiment exprimé par les plus jeunes d’être défavorisés par rapport à leurs aînés ?</p>
<p>En France, la croissance économique a permis une très nette amélioration du niveau de vie. Chaque génération disposait d’un niveau de vie plus élevé que la précédente. Cette dynamique serait-elle néanmoins en train de s’inverser ? Les générations nées après 1970 se sont insérées sur le marché du travail dans un contexte économique dégradé et éprouvent davantage de difficultés à se constituer un patrimoine dans un contexte de prix élevés de l’immobilier. Elles s’inquiètent aussi du coût de la transition énergétique.</p>
<p>Les inégalités peuvent se manifester dans de nombreux domaines : niveau de vie, patrimoine, santé, emploi, éducation… Nous nous focalisons ici sur les seules dimensions monétaires : les niveaux de vie et la détention des patrimoines. Sur ces deux sujets, le <a href="https://www.cor-retraites.fr/documents/reunions-du-cor/evolution-des-inegalites-intragenerationnelles">Conseil d’orientation des retraites</a> (COR) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5392032?sommaire=5392045">Insee</a>) offrent des éclairages.</p>
<h2>Une croissance équitable dans les années 1970</h2>
<p>Pour mesurer le niveau de vie des ménages, l’Insee calcule pour chaque ménage un revenu disponible qui tient compte de l’ensemble des revenus (salaire et revenus du capital), des prestations sociales (retraite, chômage, aides au logement, prestations familiales, revenu de solidarité active, prime d’activité…) mais aussi des impôts versés. Ce revenu disponible est ensuite rapporté au nombre d’unités de consommation du ménage. Le calcul du niveau de vie tient ainsi compte de la taille du ménage et de sa composition (combien d’adultes ? Combien d’enfants ?).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517920/original/file-20230328-510-adwqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Effet d’âge ou effet de génération ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-4371.pdf">J-M Hourriez, Cor</a></span>
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<p>Depuis la fin des années 1990, les jeunes constituent la classe d’âge la plus défavorisée en termes de niveau de vie. Pour un niveau de vie moyen de 100 calculé sur l’ensemble de la population, celui des jeunes était de 90 (donc 10 % plus bas) en 2015 alors que celui des retraités était de 106 (6 % au-dessus). Celui des actifs en fin de carrière atteint 115, soit 15 % de plus que la moyenne.</p>
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<p>Cela ne signifie pas nécessairement que les jeunes générations sont défavorisées à plus long terme : peut-être que, plus âgées, elles auront également un niveau de vie supérieur à la moyenne car les salaires augmentent généralement avec l’âge. Pareille photographie ne permet pas de bien distinguer ce qui relève de l’effet de l’âge de ce qui relève de l’effet de génération. A-t-on un niveau de vie inférieur lorsqu’on est jeune en raison de son âge ou en raison de son année de naissance ? Il faut, pour y répondre, étudier ce qui se passe sur l’ensemble d’un cycle de vie.</p>
<p>En 1970, le profil du niveau de vie par classe d’âge était ainsi très différent du profil de 2015. Les jeunes, dont les salaires augmentaient rapidement grâce à la croissance économique, étaient nettement mieux lotis que les plus âgés dans un contexte où le système de retraite n’était pas encore monté en régime.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517921/original/file-20230328-17-osbtbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans les années 1970, la croissance a été répartie équitablement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-4371.pdf">J-M Hourriez, Cor</a></span>
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<p>Entre 1970 et 1979, la croissance a en fait permis d’améliorer le niveau de vie de toutes les classes d’âge de manière à peu près équivalente. Les choses ont cependant beaucoup changé à partir des années 1980.</p>
<h2>Entre 1979 et 1997 : Un basculement en faveur des seniors</h2>
<p>Entre 1979 et 1997, le niveau de vie moyen a, en moyenne, augmenté de 16 %. Cependant, celui des trentenaires n’a quasiment pas évolué alors que celui des septuagénaires a progressé de 25 %. Les gains de niveau de vie ont donc été très inégalement répartis par classes d’âges. La courbe s’est déformée.</p>
<p>Les générations nées dans les années 1940 ont ainsi, au total, été nettement mieux loties que les autres. Elles ont été jeunes dans les années 1970 à un moment où les jeunes étaient mieux lotis que les seniors puis sont devenues seniors dans les années 2000 à un moment où les seniors était la classe d’âge la mieux lotie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517922/original/file-20230328-28-71ikog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans les années 1980 et 1990, les jeunes n’ont quasiment pas bénéficié de la croissance des revenus.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-4371.pdf">J-M Hourriez, Cor</a></span>
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</figure>
<p>Les raisons du basculement de la courbe ne sont pas encore bien établies. La rigidité des contrats de travail français, en tête les contrats de travail à durée indéterminée (CDI) et le statut de fonctionnaire, y a joué, semble-t-il, un grand rôle. La chose s’est combinée avec un ralentissement de la croissance économique à la suite des chocs pétroliers. Quand il est difficile de rompre un contrat de travail ou de négocier à la baisse les salaires des salariés déjà embauchés, l’ajustement repose quasi intégralement sur les nouveaux arrivants sur le marché du travail, c’est-à-dire les plus jeunes.</p>
<p>Dans les pays anglo-saxons comme les États-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni, dont les marchés du travail sont plus flexibles, un tel basculement n’a pas eu lieu et les actifs les plus âgés n’ont pas été mieux lotis que les autres actifs.</p>
<p>En France, des sociologues comme Louis Chauvel parlent ainsi de l’importance de <a href="https://www.senat.fr/rap/r08-436-2/r08-436-21.html">« mettre le pied à l’étrier »</a> : intégrer le marché du travail dans un contexte délicat, c’est potentiellement le payer tout au long de sa carrière.</p>
<p>Depuis 1997, le profil de la courbe est resté globalement stable : les gains de niveau de vie ont été partagés équitablement entre les classes d’âges.</p>
<p><iframe id="Fl6vq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Fl6vq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si les données disponibles permettent déjà d’affirmer que les générations nées en 1940 ont été mieux loties que les générations suivantes, il faudra donc davantage de recul pour conclure que les générations nées dans les années 1980 ont été défavorisées. Il faudra notamment observer leur niveau de revenu dans la seconde moitié de leur carrière.</p>
<p>Au total, on observe bien que le niveau de vie relatif des trentenaires s’est dégradé : il est désormais 10 % en dessous de la moyenne alors qu’il était environ 10 % au-dessus au début des années 1980. Néanmoins il faut conserver à l’esprit que le niveau de vie absolu, de toute les classes d’âges a fortement progressé depuis les années 1970 grâce à la croissance économique, de près de 50 % à 30 ans par exemple mais encore plus rapidement pour les retraités.</p>
<h2>Vers une explosion des inégalités de destin ?</h2>
<p>À ces dynamiques s’ajoute la hausse des prix des actifs, notamment des prix de l’immobilier et des cours boursiers. Elle a bénéficié aux générations qui ont pu en acquérir quand les prix étaient encore modérés.</p>
<p>Il y a ici aussi une déformation de la détention des patrimoines entre les générations. En 1992, la tranche d’âges 40-50 était la plus favorisée en termes de détention de patrimoine. Elle disposait d’un patrimoine correspondant à 1,6 fois le patrimoine médian. En 2010, c’est la tranche 50-70 ans, qui est la plus favorisée, avec en moyenne 1,4 fois le patrimoine médian, soit peu ou prou les mêmes personnes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517923/original/file-20230328-22-ot029k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La génération avantagée par la répartition des revenus l’a aussi été d’un point de vue patrimonial (ici sont représentés les patrimoines médians relatifs par classe d’âge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1377767/ES472D.pdf">Arrondel, Garbinti, Masson, 2014</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces observations invitent à questionner, vieux serpent de mer, les mécanismes de transmission du patrimoine dont la taxation revient régulièrement dans les débats. Les inégalités économiques s’expliquent par deux mécanismes : l’héritage d’une part et les inégalités dites « de marché » (grosso modo, les écarts de revenus au cours de la vie active entre les personnes et d’allocation et de rendement de l’épargne) d’autre part.</p>
<p>La concentration des niveaux de vie et des patrimoines chez les plus âgés va renforcer dans les années à venir le poids des inégalités d’héritage. Si rien n’est fait sur le plan de la fiscalité des successions (augmentation des taux d’imposition ou diminution des niches fiscales que constituent les donations du vivant ou les contrats d’assurance vie), les inégalités entre générations pourraient donc aboutir à une explosion des inégalités au sein de chacune des générations entre les personnes qui bénéficieront d’héritages importants, ceux qui auront de petits héritages et ceux qui n’hériteront d’aucun patrimoine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202783/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des années 1980 aux années 2000, les gains de niveau de vie ont été très inégalement répartis entre les différentes classes d’âges.Henri Martin, Economie, systèmes de retraite, protection sociale, inégalités, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2019832023-03-16T22:06:00Z2023-03-16T22:06:00ZLa réforme des retraites va-t-elle alimenter un conflit de générations ?<p>Le gouvernement de la première ministre Élisabeth Borne a finalement décidé de recourir à <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19494-le-recours-larticle-493-de-la-constitution">l’article 49 alinéa 3</a> de la Constitution pour faire passer <a href="https://www.liberation.fr/politique/reforme-des-retraites-le-gouvernement-va-recourir-au-493-a-lassemblee-20230316_6TYYXQFAJ5DHTAHDD3MCM2QUKI/">sa réforme des retraites</a>. La question est désormais de savoir quelle sera la suite de la mobilisation contre le texte après ce passage en force alors que les jours de grèves et de manifestations se multiplient depuis le début de l’année.</p>
<p>Rappelons que l’objectif prioritaire de ce projet de réforme paramétrique, auquel les <a href="https://www.lejdd.fr/politique/sondage-retraites-seulement-32-des-francais-favorables-la-reforme-133285">Français s’opposent majoritairement</a>, est de réaliser <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/retraites-la-reforme-pourrait-rapporter-18-milliards-d-euros-d-ici-a-2030-le-gouvernement-fait-l-impasse-sur-les-surcouts-947439.html">près de 18 milliards d’euros d’économies</a>. Économies qui seront dédiées à l’équilibrage financier du système, au financement de nouvelles protections, mais aussi à envoyer un signal à nos partenaires européens et aux marchés financiers à l’heure où la <a href="https://www.banque-france.fr/intervention/la-soutenabilite-de-la-dette-francaise-entre-hausse-des-taux-et-regles-europeennes">soutenabilité de la dette souveraine française inquiète</a>.</p>
<p>Bien des choses ont été écrites sur ce projet, de <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/reforme-des-retraites-les-reserves-des-economistes-949846.html">son financement</a> à la question de la <a href="https://theconversation.com/retraites-pourquoi-de-nombreuses-pensions-resteront-inferieures-a-1-200-euros-malgre-la-reforme-201726">revalorisation des petites pensions</a>, ou encore <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-comment-amenager-au-mieux-les-fins-de-carriere-200598">l’aménagement des fins de carrière</a>, <a href="https://theconversation.com/lemploi-des-seniors-une-culture-des-ages-a-faire-evoluer-200958">l’emploi des seniors</a> et la prise en compte de la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/01/25/penibilite-au-travail-ce-que-change-la-reforme-des-retraites_6159224_4355770.html">pénibilité</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-pourquoi-de-nombreuses-pensions-resteront-inferieures-a-1-200-euros-malgre-la-reforme-201726">Retraites : pourquoi de nombreuses pensions resteront inférieures à 1 200 euros malgré la réforme</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/penibilite-usure-professionnelle-burn-out-quelles-avancees-dans-le-projet-de-reforme-des-retraites-197972">Pénibilité, usure professionnelle, burn-out : quelles avancées dans le projet de réforme des retraites ?</a>
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<p>Il nous semble cependant que rares ont été les voix à réellement interroger la légitimité d’un projet de réforme sous l’angle de la juste répartition intergénérationnelle des efforts. C’est cet éclairage que nous entendons apporter ici.</p>
<h2>Problème démographique</h2>
<p>D’aucuns pourraient, en effet, considérer que notre système de retraites par répartition est devenu, à bien des égards, anachronique. Pour assurer son bon fonctionnement, et son équilibrage, il est nécessaire qu’à cotisations constantes, le rapport entre nombre d’actifs et le nombre de retraités ne passe pas sous un certain seuil. Si tel est le cas, augmentation des impôts mise à part, l’équilibrage ne peut se faire que par le biais de l’augmentation des cotisations, celui de l’allongement de la durée de travail (qui permet à la fois d’enregistrer des cotisations supplémentaires et de décaler l’âge auquel on percevra une pension), ou un mix entre ces différents leviers.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-lallongement-de-la-duree-du-travail-la-moins-mauvaise-des-solutions-198519">Retraites : l’allongement de la durée du travail, la moins mauvaise des solutions ?</a>
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<p>Or, le problème de notre système par répartition est d’abord et avant tout démographique. Depuis 2015, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303333?sommaire=3353488">population française âgée de 60 ans et plus excède celle de moins de 20 ans</a>. C’est même en 2014 que s’est opérée cette bascule si l’on ne considère que la France métropolitaine. À l’instar de ce que l’on observe dans bien des pays occidentaux, la France est vieillissante.</p>
<p>Dans pareil contexte, il n’est donc guère étonnant de constater que le ratio entre actifs et retraités fond comme neige au soleil. Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) établit que ce ratio va <a href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2022-09/RA_COR2022_0.pdf">poursuivre son déclin</a> dans les prochaines décennies, en raison de l’allongement de la durée de vie. Il s’établirait ainsi à 1,5 en 2040, et 1,3 en 2070. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), il a déjà reculé de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2415121">2,02 à 1,67 entre 2004 et 2020</a>. Pour se donner une idée de l’ampleur du problème, <a href="https://www.senat.fr/rap/l97-73-3/l97-73-33.html">ce ratio était de 4,69 en 1960</a> !</p>
<p><iframe id="S21Jr" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S21Jr/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="s8HYJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s8HYJ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certes, cela ne prêterait guère à conséquence si, dans le même temps, les actifs bénéficiaient en moyenne d’un niveau de vie significativement supérieur à leurs aînés. Or, en dépit du trompe-l’œil des « petites retraites » (lesquelles pourraient tout à fait faire l’objet d’une revalorisation spécifique), c’est tout l’inverse qui se produit ! En France, l’Insee a ainsi mis en lumière que le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4922950">niveau de vie d’un retraité est en moyenne supérieur à celui d’un actif</a>, notamment en raison de foyers plus réduits en termes de nombre d’occupants, mais aussi d’un patrimoine immobilier déjà constitué et d’un niveau d’endettement nettement plus faible.</p>
<p><iframe id="X7J1Z" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/X7J1Z/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Étrange configuration que la France ne partage qu’avec deux autres pays dans le monde : le <a href="https://www.leparisien.fr/economie/retraites-les-francais-parmi-les-mieux-lotis-au-sein-de-l-ocde-04-12-2019-8209773.php">Luxembourg et Israël</a> !</p>
<h2>Avantage : boomers</h2>
<p>Dans notre pays, la génération du baby-boom apparaît, à bien des égards, comme plutôt avantagée. La démographie lui a été favorable dans la mesure où elle a consenti un moindre effort de cotisation, à une époque où nous l’avons vu, les aînés étaient moins nombreux à la retraite et jouissaient d’une espérance de vie plus réduite.</p>
<p>On estime ainsi que les retraités perçoivent aujourd’hui deux fois plus que ce qu’ils ont cotisé durant leur période d’activité. Cette situation a également permis aux <em>boomers</em> – comme il est désormais coutume de les appeler – de recevoir en moyenne un héritage plus tôt dans leur parcours de vie, à un âge où il est encore temps d’investir, comme l’ont souligné les <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus077-2021.pdf">travaux de Thomas Piketty repris par le Conseil d’analyse économique</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515830/original/file-20230316-16-dh6d6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Âge moyen au décès et à l’héritage, France 1820-2100.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://piketty.pse.ens.fr/files/capital21c/pdf/G11.3.pdf">Piketty.pse.ens.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au regard de cette situation, il semble légitime de s’interroger sur la justice sociale, <a href="https://www.lepoint.fr/politique/retraite-emmanuel-macron-defend-une-reforme-juste-et-responsable-19-01-2023-2505461_20.php">revendiquée par le Président de la République lui-même</a>, d’un projet de réforme qui demande à des travailleurs relativement plus pauvres et précaires de financer un système de retraites au bénéfice de personnes en moyenne plus aisées.</p>
<p>En épargnant les retraités, seulement quelques mois après avoir <a href="https://www.leparisien.fr/economie/retraites/la-baisse-de-la-csg-calmera-t-elle-les-retraites-28-12-2018-7977894.php">rétropédalé sur la question de la revalorisation du taux de contribution sociale généralisée (CSG)</a>, le gouvernement semble – il est vrai – davantage guidé par l’agenda politique que par la recherche de l’équité. Nul doute que le <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-comment-les-65-ans-et-plus-influent-sur-le-vote-d4b731a0-98ac-11ec-a212-1f68235c1350">poids électoral prépondérant des plus de 60 ans</a> ait pu avoir quelque influence sur les arbitrages du gouvernement.</p>
<h2>Jeunesse négligée</h2>
<p>Les actifs d’aujourd’hui et de demain semblent, en effet, être les grands oubliés du gouvernement. À l’heure où notre Nation doit se préparer à relever les défis historiques de ce siècle, nos dirigeants devraient pourtant s’alarmer de cette jeunesse et de ces forces vives qui, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2409547">au-delà de déserter les urnes</a>, s’épuisent sur tous les fronts depuis de nombreuses années et à laquelle tous les efforts d’adaptation semblent systématiquement réclamés.</p>
<p>Il lui a d’abord fallu s’adapter, bon gré mal gré, à la mondialisation, à une <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-Le-triomphe-de-l-hyper-capitalisme-financier_3749041.html">financiarisation folle</a> et à une dilution culturelle latente. Dans l’ombre de ce « village mondial » qui aura fait émerger ses champions, se cachent aussi un cortège de délocalisations et de nouvelles exigences de compétitivité ou de productivité qui ont laissé sur le bas-côté de la route bien des <a href="https://www.lemonde.fr/talents-fr/article/2007/11/12/les-gagnants-et-les-perdants-de-la-mondialisation-par-dominique-redor_977166_3504.html">« perdants de la mondialisation »</a>, pour reprendre les mots de l’économiste du travail Dominique Redor.</p>
<p>Il lui a ensuite fallu s’adapter à la digitalisation de la société et des outils de production, accepter des <a href="https://theconversation.com/jobs-a-la-con-lennui-le-sens-et-la-grandiloquence-58382">« bullshit jobs »</a>… au risque d’en perdre parfois toute motivation (comme le révèle le <a href="https://theconversation.com/quiet-quitting-au-dela-du-buzz-ce-que-revelent-les-demissions-silencieuses-192267">phénomène de « quiet quitting » (démission silencieuse)</a>), et jusqu’au <a href="https://theconversation.com/apres-les-mobilisations-quel-sens-donner-au-travail-200295">sens même du travail</a>. Un travail qui se réalise toujours plus à distance et de façon précaire alors que l’accès aux centres-villes est devenu inaccessible sur le plan financier, et que le <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/non-les-diplomes-ne-protegent-plus-contre-le-chomage-965291">diplôme ne protège plus</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quiet-quitting-au-dela-du-buzz-ce-que-revelent-les-demissions-silencieuses-192267">« Quiet quitting » : au-delà du buzz, ce que révèlent les « démissions silencieuses »</a>
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<p>C’est également aux actifs d’aujourd’hui et à ceux de demain que les générations précédentes ont laissé des dettes <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6678112">économiques</a> et <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/10208">environnementales</a> abyssales à combler. Faut-il y voir une relation de cause à effet quand cette jeunesse active, pour finir, ne trouve plus les ressources, le sens ou l’envie de faire des enfants ? <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6687000">Sept années consécutives de recul des naissances dans un pays riche</a> : n’est-ce pas là le signal majeur d’une crise de confiance qui gangrène une Nation qui, à force de passer son temps à regarder dans le rétroviseur, obère son avenir ?</p>
<p>Ne nous y trompons pas pour autant. La jeunesse et la classe active de ce pays, qui ont souvent laissé les choses se faire sans elles par relatif <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/candidats/les-jeunes-se-sentent-de-moins-en-moins-concernes-par-la-politique_4942677.html">désintérêt</a>, ont leur part de responsabilité dans la situation actuelle. Quand elles s’expriment encore, elles désespèrent aussi de ne jamais être réellement entendues, que ce soit sur les sujets socio-économiques ou à propos de l’<a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2019/07/23/a-l-assemblee-la-jeune-ecologiste-suedoise-greta-thunberg-ironise-face-aux-attaques_5492536_1652612.html">environnement</a>. Et tandis que certains se résignent, d’autres versent au contraire – en France comme dans le Monde – dans des <a href="https://theconversation.com/vivons-nous-une-ere-de-soulevements-200950">modes de contestation plus radicaux</a>.</p>
<p>Au bilan, la séquence restera comme un nouvel épisode d’une longue série qui a fini par accoucher d’une machine à solidarité inversée. Une machine dysfonctionnelle où les actifs d’aujourd’hui et de demain, en moyenne plus pauvres et précaires, sont appelés à solder le bilan économique, social et environnemental d’une génération, désormais à la retraite, qui, telle la cigale de la fable, a quelque peu brillé par son incapacité à prévoir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’adoption du texte via le recours au 49.3 fait peser un nouvel effort sur les actifs au profit de leurs aînés.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996132023-02-16T20:27:56Z2023-02-16T20:27:56ZTravailler oui… mais pour pouvoir aussi se réaliser en dehors<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509826/original/file-20230213-3390-qmhxhg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C864%2C6016%2C3062&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Travailler oui mais pas tout le temps! D’autres aspects de la vie que le travail sont considérés comme très importants en France, tout particulièrement la famille et les amis. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/BlIhVfXbi9s">Samantha Gades/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, on a beaucoup dit que les Français, après un tel événement, souhaitaient avant tout retrouver du bon temps et perdaient quelque peu le sens du travail, longtemps considéré comme un élément important de l’identité individuelle.</p>
<p>Et des petites phrases de certaines ministres et du président lui-même laissent entendre que les Français, qui ne veulent pas travailler jusqu’à 64 ans, seraient fainéants et manqueraient de civisme. Par ailleurs des sociologues insistent sur la dégradation des conditions de travail, qui serait devenu pour <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/28/dominique-meda-rendre-le-travail-soutenable-est-un-prealable-indispensable-a-toute-reforme-des-retraites_6159624_3232.html">beaucoup insoutenable et insupportable</a>.</p>
<p>Comment le sens du travail a-t-il donc évolué sur le long terme ? L’enquête <a href="http://www.valeurs-france.fr">sur les valeurs des Européens</a>, renouvelée tous les neuf ans, permet de s’en faire une idée assez précise.</p>
<h2>Le travail, une valeur forte, assez stable depuis 30 ans</h2>
<p>Tout d’abord, regardons pour 2017-2018 quels sont les domaines de la vie jugés très importants dans un certain nombre de pays européens (tableau 1). La famille est plébiscitée partout mais le travail arrive presque toujours en seconde position, suivi par les amis et relations, puis les loisirs. Entre ces trois derniers domaines, les différences de valorisation sont assez fortes selon les pays. La France fait partie des sociétés qui jugent le plus souvent que le travail est très important dans leur vie, après l’Italie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie et la Norvège.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau 1. Les domaines de la vie jugés très importants (EVS Europe, 2017-2018)" src="https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509128/original/file-20230209-28-lfyss0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 1. Les domaines de la vie jugés très importants (EVS Europe, 2017-2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Bréchon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’évolution dans le temps est peu marquée : 61 % des Français jugeaient le travail très important en 1990, 69 % en 1999, 68 % en 2008, et donc 62 % en 2018. Au contraire de la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont au bas de l’échelle du travail. Dans le même temps, la France valorise aussi beaucoup les amis et relations, ainsi que les loisirs. Il semble donc n’y avoir nulle dérive du sens du travail depuis une quarantaine d’années. Simplement, d’autres aspects de la vie sont considérés aussi comme très importants, tout particulièrement la famille et les amis.</p>
<p>Le sentiment de bonheur et de réussite de sa vie repose sur la complémentarité de la satisfaction dans ces domaines jugés fondamentaux. </p>
<h2>Le sens du travail</h2>
<p>Considérons une question plus précise sur le sens du travail (tableau 2). En 2017-2018, 72 % sont tout à fait d’accord avec l’affirmation : « Pour développer pleinement ses capacités, il faut avoir un travail », 70 % sont aussi tout à fait d’accord pour dire que « travailler est un devoir vis-à-vis de la société ». Les trois autres affirmations, « Les gens qui ne travaillent pas deviennent paresseux », « C’est humiliant de recevoir de l’argent sans avoir à travailler pour ça », « Le travail devrait toujours passer en premier, même si cela veut dire moins de temps libre » sont moins plébiscités. Il n’y a d’ailleurs que 38 % des Français qui disent que le travail devrait toujours passer en premier même si cela veut dire moins de temps libre alors que 44 % ne sont pas d’accord.</p>
<p>On voit bien que les Français valorisent beaucoup le travail, mais ne veulent pas consacrer toutes leurs énergies à leur vie professionnelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau 2. Le sens du travail. Évolutions de 1999 à 2018 (EVS France, 2018)" src="https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509208/original/file-20230209-20-z0g9cj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau 2. Le sens du travail. Évolutions de 1999 à 2018 (EVS France, 2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Bréchon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces cinq questions, très liées entre elles, peuvent former une échelle du sens du travail. On observe que, quelle que soit la vague de l’enquête, celui-ci est plus valorisé à l’est de l’Europe et dans l’Europe du Sud que dans les pays nordiques et en Europe de l’Ouest.</p>
<p>Par contre les amis et les loisirs sont jugés plus importants dans les pays nordiques et en partie à l’ouest qu’à l’est. Il semble bien qu’à partir d’un certain niveau de développement, on se focalise moins sur la nécessité du travail et on est plus avide de sociabilité et de loisirs. Le même phénomène s’observe lorsqu’on regarde la position sociale des individus (en fonction de leur profession, de leur revenu et de leur diplôme) : les catégories au bas de l’échelle sociale valorisent davantage le travail que les personnes favorisées, alors que ces dernières donnent plus d’importance que les défavorisés aux amis et relations.</p>
<h2>Les attentes à l’égard du travail</h2>
<p>Abordons à présent les attentes à l’égard du travail. Selon les Français, leur travail doit à la fois leur permettre de se réaliser mais aussi leur fournir de bonnes conditions matérielles de travail (tableau 3). Un bon travail doit être épanouissant et valorisant, on veut avoir des responsabilités et de l’initiative. Mais les conditions matérielles sont aussi importantes et, en premier lieu, le niveau du salaire. Alors que les horaires et les vacances sont beaucoup plus secondaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509132/original/file-20230209-142-d7alle.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 3. Les caractéristiques les plus importantes d’un travail (EVS France, 2018). Pourcentage de personnes citant cet aspect du travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Bréchon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Si le travail reste toujours un élément très important de l’identité individuelle jusqu’en 2018, se pourrait-il que la pandémie de Covid-19 ait généré, après les peurs de la maladie et de la mort, une soif de profiter de la vie et une modification importante de la hiérarchisation des valeurs ?</p>
<p>Cela ne semble pas être le cas si on prend en compte la récente enquête de l’institut de sondages Kantar Public pour l’Institut Montaigne, réalisée en septembre 2022, sur 5001 actifs (enquête web auto-administrée en ligne), dont les résultats <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/les-francais-au-travail-depasser-les-idees-recues">viennent d’être publiés</a>.</p>
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<p>Premier élément à souligner : 77 % des Français se disent satisfaits de leur travail, un chiffre qui, selon toutes les enquêtes, a peu bougé ces dernières années. Les écarts selon le statut des actifs ne sont pas énormes : la satisfaction est en moyenne de 7,6/10 chez les indépendants contre 6,7/10 chez les salariés. Elle est plus élevée chez les chefs d’entreprise, les indépendants et les professions libérales alors qu’elle est plus basse chez les ouvriers de l’industrie et les employés de commerce, ce qui est aisément compréhensible par les possibilités différentes de réalisation de soi qu’offrent les emplois.</p>
<h2>Profiter de l’après-travail</h2>
<p>Les insatisfactions les plus citées concernent le niveau de rémunération, l’absence de possibilités d’évolution dans sa profession et le manque de reconnaissance de l’entreprise. Il existe aussi un fort désir de mobilité professionnelle, soit dans la même entreprise, soit dans une autre, voire en devenant indépendant. Ce qui montre des insatisfactions mais aussi que les aspirations au travail restent nombreuses, avec des souhaits d’amélioration de sa situation et de nouvelles expériences. Le travail est donc toujours très structurant pour l’identité individuelle, ce qui fait que le chômage est très mal vécu.</p>
<p>82 % des actifs à plein temps se disent satisfaits de la durée de leur travail, qu’ils estiment à 39,8 heures par semaine. Par contre, 60 % estiment que leur charge de travail s’est alourdie depuis cinq ans mais seulement 24 % la jugent excessive. Autrement dit, une majorité de travailleurs semblent finalement, malgré leur sentiment de manque de temps, assez bien combiner leur vie professionnelle et leur vie privée.</p>
<p>Depuis l’irruption du Covid-19, la principale modification dans l’organisation du travail est le développement fulgurant du télétravail : en 2017, seulement 3 % des actifs le pratiquaient un jour par semaine, alors que c’est aujourd’hui le cas d’un tiers d’entre eux. Ceux-ci semblent plutôt satisfaits de cette possibilité qui leur est offerte de travailler depuis leur domicile ; cela permettrait un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, même si cela freine les relations sociales entre collègues.</p>
<p>Il n’y a donc aujourd’hui aucune démission des actifs par rapport à leur travail. Mais, ceux-ci veulent aussi pouvoir profiter de l’après-travail, pendant leur vie active et pendant leur retraite. Ils sont donc très opposés à l’allongement de l’âge de départ à la retraite prévue dans la loi en cours de débat.</p>
<p>Au fond, la valorisation forte du travail s’est largement maintenue depuis des décennies mais la montée des valeurs d’individualisation et d’autonomie dans la gestion de sa vie a développé les exigences à l’égard de l’emploi. Le travail doit être non seulement un gagne-pain mais permettre son épanouissement personnel. Il doit aussi être compatible avec une vie familiale, sociale et des loisirs eux-mêmes épanouissants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour beaucoup de Français, le travail reste un moyen d’épanouissement personnel mais à condition qu’il permette de faire autre chose que… travailler.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1992622023-02-06T18:09:45Z2023-02-06T18:09:45ZRéforme des retraites : comment les parlementaires tentent de rassembler leurs troupes<p>La réforme des retraites engagée par le gouvernement Borne met en lumière les diverses dynamiques internes à l’Assemblée nationale. À gauche, la <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-quelle-strategie-pour-les-partis-de-gauche-198565">stratégie de mobilisation de l’opinion</a> complète celle de l’obstruction avec le dépôt massif d’amendements – près de <a href="https://lcp.fr/actualites/reforme-des-retraites-la-bataille-des-amendements-commence-a-l-assemblee-164156">6 000 amendements</a> en commission des Affaires sociales et <a href="https://twitter.com/wallybordas/status/1621182468425453570">près de 18 000 amendements</a> en séance publique. </p>
<p>À droite, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/30/reforme-des-retraites-les-republicains-tentent-d-imposer-leurs-nouvelles-conditions_6159823_823448.html">Les Républicains sont en position de faiseurs de roi</a> en votant avec la majorité en échange de concessions sur l’âge de départ les carrières longues. Au Rassemblement national, discret sur le sujet, on se targue d’avoir obtenu (par tirage au sort) <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/reforme-des-retraites-l-assemblee-nationale-examinera-la-motion-referendaire-du-rassemblement-national-plutot-que-celle-de-la-nupes-qui-crie-au-scandale_5632475.html">l’examen de sa motion référendaire</a> sur le projet de réforme.</p>
<p>Enfin, au sein de la majorité présidentielle, le défi est de mobiliser les troupes et d’assurer une cohésion de vote. Il y a alors lieu de comprendre le rôle clef des groupes politiques à l’Assemblée, tant pour assurer une cohésion idéologique que de bénéficier des avantages stratégiques liées à la création d’un groupe.</p>
<h2>Les groupes politiques et leur cohésion</h2>
<p>Comme dans tout parlement, l’Assemblée nationale se compose de « groupes politiques », où les députés se regroupent généralement par affinité (souvent issus du même parti politique), animés par la défense d’un intérêt commun (le groupe <a href="https://www.groupeliot.fr/">« Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires »</a> défend les territoires et leurs identités) ou encore pour des raisons techniques, c’est-à-dire constituer un groupe sans attache partisane, dans le but de bénéficier des avantages d’un groupe politique. Ce dernier cas est apparu à plusieurs reprises, en 1959 avec la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1958/12/12/les-deputes-d-algerie-forment-un-groupe-administratif-provisoire_2306955_1819218.html">« Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara »</a>, en 1993 avec le groupe « Liberté et République » ou encore en 2018 avec le groupe « Liberté et Territoires », l’ancêtre de l’actuel groupe LIOT.</p>
<p>Pour les groupes de la majorité et de l’opposition, il est important de montrer cohérence et unité. Pourtant, le système électoral français devrait inciter à cultiver un vote personnel des députés (étant donné qu’il n’y a qu’un seul siège par circonscription). Ce ne serait sans compter sur l’augmentation de la cohésion et de la discipline de parti sous la V<sup>e</sup> République <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01402380802670602">comme le rappelait le professeur de science politique Nicolas Sauger</a>. Cette discipline de vote est possible puisque plusieurs prérogatives relèvent des groupes (c’est-à-dire sa présidence) et non du bon vouloir des députés, comme la répartition dans les commissions, du temps de parole… et même la place dans l’hémicycle (être dans l’axe des caméras de l’Hémicycle peut être un atout pour montrer sa visibilité). </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UXZl4NJUmr8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le meilleur et le pire de l'Hémicycle, Huffington Post, 2022.</span></figcaption>
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<p>Le manque de solidarité envers le groupe peut se solder par une exclusion du député. Il est également possible pour le président de la République de discipliner indirectement les plus réfractaires de sa majorité avec l’arme de la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19442-la-dissolution-de-lassemblee-nationale-une-arme-presidentielle">dissolution de l’Assemblée</a>. C’est ce que le général de Gaulle avait répliqué à la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1962/10/06/la-chute-du-ministere-pompidou-entrainera-la-dissolution-de-l-assemblee_2358682_1819218.html">censure du Gouvernement Pompidou en 1962</a>. Une telle option serait alors possible en cas d’indiscipline des députés de la majorité sur le sujet des retraites puisqu’<a href="https://www.europe1.fr/politique/info-europe-1-emmanuel-macron-envisage-une-dissolution-de-lassemblee-avant-2027-4164259">il se murmure qu’Emmanuel Macron envisagerait de dissoudre à son tour l’Assemblée</a>.</p>
<h2>De l’intérêt d’avoir son groupe parlementaire</h2>
<p>Disposer d’un groupe politique octroie des avantages non négligeables en raison du Règlement de l’Assemblée nationale (RAN) qui oblige les organes à reproduire la configuration politique de l’Assemblée. Cela concerne entre autres la répartition du temps de parole, du nombre de sièges dans les commissions, des responsabilités du Bureau de l’Assemblée (vice-président, secrétaire, questeur) ou des rapporteurs. De plus, chaque président de groupe politique participe à la <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/15/la-conference-des-presidents">Conférence des présidents</a>, l’organe chargé de déterminer l’agenda de l’Assemblée, dont le nombre de voix est égal au nombre de membres de son groupe.</p>
<p>Dans un contexte où le parti présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue des sièges à l’Assemblée, former son propre groupe à l’Assemblée (d’au moins 15 députés) est d’autant plus intéressant pour le MoDem et Horizons afin de peser auprès de l’Exécutif pour les raisons développées ci-haut.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2013-3-page-57.htm">L’introduction du statut de « minoritaire » en 2008</a> permet par ailleurs à des groupes politiques comme le MoDem et Horizons de se positionner en appui au parti présidentiel Renaissance tout en reflétant un pluralisme de la majorité et en conservant une certaine liberté de vote. À ce sujet, en matière de cohésion de vote, les <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/fp.2013.17">politologues Jean-François Godbout et Martial Foucault</a> constatent qu’en cas de coalition gouvernementale, les membres du plus petit groupe de l’alliance sont plus susceptibles de s’opposer au gouvernement (en raison d’incitations électorales ou idéologiques).</p>
<h2>S’appuyer sur sa majorité… et sa droite</h2>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/30/retraites-les-reticences-de-la-majorite-un-risque-pour-l-adoption-de-la-reforme_6159812_823448.html">Plusieurs députés de la majorité</a> ont exprimé leur hésitation à soutenir le projet de réforme des retraites. On <a href="https://twitter.com/datapolitics_fr/status/1620086848994549764/photo/1">y retrouve</a> aussi bien des députés de Renaissance, du MoDem et d’Horizons. Le défi de la cohésion de vote pour la majorité se heurte aussi bien à une pluralité idéologique qu’à la capacité de faire pression sur le gouvernement.</p>
<p>Cette incertitude de la majorité renforce la position du groupe Les Républicains qui, avec ses 61 députés (dont deux apparentés, <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2022-5773-an-du-3-fevrier-2023-communique-de-presse">après l’annulation de l’élection de Meyer Habib</a>), a un rôle pivot pour l’adoption de la réforme. En situation de gouvernement minoritaire, ce type de groupe pivot détient une influence disproportionnée par rapport à leur force absolue comme le démontre le <a href="https://academic.oup.com/book/44640/chapter/378660538">politologue Olivier Rozenberg sur la période 1988-1993</a>. Effectivement, le groupe de droite ne représente que 10 % de l’Hémicycle en étant le 4<sup>e</sup> groupe politique en effectifs, mais il faudrait une défection d’une vingtaine de députés LR pour qu’il n’y ait pas de majorité sur ce texte. <a href="https://datan.fr/statistiques/groupes-cohesion">Or, le groupe LR est celui avec le moins de cohésion de l’Assemblée (0,82)</a>.</p>
<p>Reste à voir comment Les Républicains voteront lorsque le projet de réforme passera au Sénat, <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-par-quels-moyens-legislatifs-le-gouvernement-peut-il-la-faire-adopter-197929">où la droite y est majoritaire</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Robin a reçu des financements du département de science politique de l'Université de Montréal. Il est également assistant de recherche au Centre Jean Monnet Montréal.</span></em></p>Les séquences politiques importantes comme celle de la réforme des retraites illustrent les mécanismes politiques et les failles des groupes parlementaires.Julien Robin, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1981672023-01-26T18:10:23Z2023-01-26T18:10:23ZAccès à l’emploi : la double peine des femmes précaires et peu qualifiées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506324/original/file-20230125-12-5967jn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C2043%2C1354&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation contre la réforme des retraites du 19 janvier 2023 à Paris. Pour de nombreuses femmes, avant même la question de la retraite équitable se pose celle de l'accès équitable au marché du travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52637098004/in/album-72177720305356181/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La récente mise à l’agenda politique d’une énième réforme des retraites a suscité des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/retraites-en-dehors-de-la-reforme-point-de-salut-5088895">analyses</a> sur les risques d’accroissement des inégalités de revenu entre les femmes et les hommes qu’elle comporte.</p>
<p>En France comme dans la plupart des autres pays européens, de <a href="https://www.inegalites.fr/Le-niveau-des-retraites-selon-le-sexe?id_theme=22">tels écarts existent déjà</a>, avant même l’âge de la retraite, en premier lieu en raison d’inégales rémunérations comme le relève <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4514861">l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)</a>.</p>
<p>Pour les femmes en emploi les moins qualifiées, dont le diplôme est inférieur au baccalauréat, ces inégalités s’expliquent d’abord par des volumes de travail plus réduits. De fait, en 2019, le temps partiel représentait en France, selon l’enquête emploi de l’Insee, 28,4 % de l’emploi féminin chez les 15-64 ans, mais seulement 8,3 % de celui des hommes ; il est particulièrement présent dans des secteurs d’activité très féminisés tels que les services à la personne ou la grande distribution.</p>
<p>À cela s’ajoutent des salaires horaires peu élevés dans ces secteurs. En 2020, par exemple, 9 aides à domicile sur 10 <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lCK3NTxe-L4">gagnent moins que le smic mensuel net</a> soit 1 202,92€.</p>
<p>Mais si les positions différenciées sur le marché du travail sont à l’origine d’inégalités importantes, l’inégal accès à ce marché ne l’est pas moins.</p>
<p>En France, d’après les données Eurostat pour 2019, le taux d’emploi des femmes (68,1 % chez les 20-64 ans) reste inférieur à celui des hommes (75,2 %). Et les femmes peu ou pas diplômées sont celles qui ont les <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2018-6-page-131.htm">taux d’emploi les moins élevés</a>. Cette inégalité financière engendre d’autres types d’inégalités, l’emploi restant, dans notre société, le principal vecteur de reconnaissance sociale.</p>
<p>Que font aujourd’hui les politiques publiques pour remédier à ce problème ? Les défis, relevant à la fois des politiques de formation, de régulation du temps de travail et des formes d’emploi, sont nombreux.</p>
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<h2>Une mise en œuvre politique à faible impact</h2>
<p>Les politiques qui visent à favoriser l’accès au marché du travail pour les personnes qui en sont privées ont aussi un rôle à jouer. Si l’objectif d’égalité des sexes est officiellement reconnu par les institutions de ce secteur depuis le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2014-3-page-111.htm">début des années 2000</a>, la mise en œuvre concrète de ces politiques ne permet que marginalement de corriger les inégalités femmes/hommes dans l’accès à des emplois de qualité sur le marché du travail.</p>
<p>Dans les années 2000, dans un contexte où les pouvoirs publics européens s’inquiètent des modalités de financement de la protection sociale, la hausse du taux d’emploi des femmes est <a href="https://www.peterlang.com/document/1053820">mise à l’agenda de l’Union européenne</a>. Cet objectif gagne alors en légitimité dans les politiques d’emploi françaises : des formations sur le genre sont parfois dispensées à ses professionnel·le·s, des postes de chargé·e de mission à l’égalité sont créés dans certaines institutions du service public de l’emploi et auprès de ses partenaires, l’objectif d’égalité est visibilisé dans plusieurs documents directeurs des politiques d’emploi.</p>
<p>En outre, des professionnelles du secteur sensibilisées à ces questions montent quelques initiatives ciblant des demandeuses d’emploi en difficulté d’insertion.</p>
<h2>Des marges de manœuvre existantes mais limitées</h2>
<p>Ces initiatives s’inscrivent alors largement dans la continuité des premières démarches pour l’emploi des femmes menées par les institutions en charge des droits des femmes au sein de l’État français à partir des années 1980.</p>
<p>Il s’agit souvent d’orienter des chômeuses peu ou pas qualifiées vers des secteurs habituellement occupés par des hommes, où les employeurs peinent à recruter (transport ou bâtiment notamment), et où la qualité de l’emploi (avec des CDI à temps plein par exemple) est meilleure que dans les secteurs où elles s’orientent généralement (grande distribution, secrétariat, aide à domicile).</p>
<p>Il peut aussi s’agir de coopérer avec des professionnel·le·s de la politique familiale pour faciliter l’accès des jeunes enfants de chômeuses à un mode de garde, ou son financement. Plus rarement, on observe des actions d’un nouveau type, proposant un accompagnement spécifique à des femmes sans emploi <a href="https://www.cairn.info/je-travaille-donc-je-suis--9782707199706-page-132.htm">victimes de violences sexistes et sexuelles</a> et entravées à ce titre dans leur accès au marché du travail.</p>
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<img alt="Collectif femmes contre les précarités en manifestation à Paris le 8 mars 2018" src="https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506112/original/file-20230124-12-23wq05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Collectif femmes contre les précarités en manifestation à Paris le 8 mars 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/40695789721">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, les marges de manœuvre professionnelles pour infléchir les parcours des femmes accompagnées, bien que limitées, existent. Outre les actions décrites ci-dessus, les professionnel·le·s de l’emploi peuvent aussi favoriser certaines mises en relation entre employeur et personne sans emploi, ou choisir les personnes qui bénéficieront des mesures proposées par le service public de l’emploi (formations, emplois aidés, etc.).</p>
<p>Mais même si de telles initiatives existent, la prise en compte effective des inégalités de genre qui structurent le marché du travail reste peu fréquente. Comment l’expliquer ?</p>
<h2>Les enjeux de l’insertion</h2>
<p>D’une part, les conditions de travail du secteur de l’insertion sont difficiles. Dans un contexte où le nombre de chômeurs et chômeuses à suivre par les professionnel·le·s de l’insertion est souvent élevé (il peut à Pôle emploi dépasser 100 personnes même quand celles-ci sont considérées comme étant en difficulté d’insertion), les conseillers et conseillères en insertion ont « le nez dans le guidon », comme le dit <a href="https://public-pur-production.azurewebsites.net/product/8818/genre-et-politiques-d-emploi">l’une d’elles</a>. Il est alors difficile de prendre le temps de réfléchir aux marges de manœuvre existant pour favoriser l’égalité.</p>
<p>Cette prise de recul sur les pratiques professionnelles apparaît d’autant plus difficile à prendre quand la précarité parfois grande des publics suivis confronte les professionnel·le·s à des situations d’urgence sociale. L’égalité femmes/hommes apparaît alors comme un objectif non prioritaire.</p>
<p>D’autre part, la centralité de l’objectif de retour rapide à l’emploi, qui prime dans les institutions du service public de l’emploi sur celui de l’accès à un emploi de qualité (CDI, temps plein), peut placer les professionnel·le·s de l’insertion dans des situations difficiles. Dans un contexte institutionnel où pèsent souvent des <a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-des-politiques-territoriales--9782724626001-page-208.htm?contenu=article">objectifs chiffrés</a> de retours en emploi des publics suivis, la tentation existe parfois de donner la priorité aux profils considérés comme les plus facilement insérables sur le marché du travail.</p>
<p>Certaines catégories de demandeuses d’emploi ne le sont pas. Ainsi, tant que la question de la garde de leur jeune progéniture n’est pas résolue, des mères de jeunes enfants peuvent être écartées des dispositifs d’accompagnement dit renforcé vers l’emploi.</p>
<p>Cette sélection à l’entrée des dispositifs concerne parfois aussi celles qui se sont consacrées prioritairement aux affaires familiales et domestiques, et qui atteignent 50 ans sans expérience professionnelle préalable. Quand elles sont immigrées, elles peuvent aussi rencontrer des difficultés linguistiques. Leurs « parcours vers l’emploi » exigent généralement des étapes supplémentaires par rapport aux parcours plus classiques (avec par exemple une nécessaire mise à niveau sur le plan linguistique et/ou une formation pré-qualifiante avant de pouvoir envisager une formation qualifiante). L’objectif de retour rapide à l’emploi peut alors sembler trop lointain aux professionnel·le·s de l’emploi qui se soucient des objectifs quantifiés.</p>
<h2>Activer d’autres leviers</h2>
<p>La lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes ne peut reposer sur les seules épaules des professionnel·le·s de l’emploi et de l’insertion, dont le travail apparaît fortement contraint et dont les objectifs sont nombreux, et parfois difficilement conciliables.</p>
<p>Une politique publique de l’emploi qui viserait à faire reculer ces inégalités devrait également activer des leviers structurels, comme celui du recul des offres d’emploi à temps partiel, qui précarisent toute une partie de la <a href="https://www.inegalites.fr/temps-partiel-subi?id_theme=22">population active féminine</a> – quitte à réduire la durée légale du travail pour toustes, afin de favoriser une articulation des temps de vie plus viable.</p>
<p>La revalorisation des secteurs d’activité féminisés, indispensables pour le bien-être de notre société, en particulier tous les métiers du soin et de l’aide aux personnes vulnérables, constitue également une exigence fondamentale, car la politique de diversification professionnelle, pour légitime qu’elle soit, n’absorbera jamais l’ensemble de la main d’œuvre féminine.</p>
<p>L’égalité ne peut être à géométrie variable. Les dispositifs tels que les quotas, s’ils sont utiles, ne visent que les femmes les <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2016-1-page-27.htm?contenu=article">plus qualifiées et les plus dotées</a>. En restreignant la réflexion sur les inégalités de revenu au plafond de verre, les politiques d’égalité des sexes ratent toute une partie de leur cible : les plus précaires, pour qui l’accès au marché du travail et à un emploi de qualité reste un enjeu fondamental.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur une enquête de l’autrice récemment parue aux Presses universitaires de Rennes <a href="https://pur-editions.fr/product/8818/genre-et-politiques-d-emploi">Genre et politiques d’emploi Une comparaison France-Allemagne</a>, 2022</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwenaëlle Perrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour les femmes les moins qualifiées et les plus précaires, les inégalités sociales et économiques commencent par l'accès au marché du travail, avant même de pouvoir envisager une retraite digne.Gwenaëlle Perrier, maîtresse de conférence en science politique, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1901572023-01-09T20:21:21Z2023-01-09T20:21:21ZVieillissement de la population : et si le viager se développait ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503586/original/file-20230109-6664-vphu8b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C30%2C4096%2C2691&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le viager a historiquement mauvaise presse, en France comme à l’étranger: il pourrait cependant constituer une alternative intéressante pour les seniors comme pour les personnes souhaitant accéder à la propriété.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/F98Mv9O6LfI">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Souvent accusé d’être un pari sur la mort, le viager souffre <a href="https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2008/2008_08_corinne_griffond.pdf">d’une image dépréciée</a>. Or, son potentiel économique et financier est élevé. En forte période d’inflation qui voit augmenter le risque de <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/la-cour-des-comptes-alerte-sur-les-risques-de-pauvrete-des-seniors-exclus-de-l-emploi-830301.html">paupérisation de certains seniors</a> et dans le contexte de la réforme des retraites à venir, le viager pourrait venir compléter les pensions des seniors en mobilisant leurs richesses immobilières.</p>
<p>Mieux accompagné par la puissance publique, il pourrait même participer au développement local voire à la re-territorialisation de la politique vieillesse en réinjectant des liquidités dans la consommation des territoires.</p>
<p>Déjà présent sous <a href="https://www.librairiedalloz.fr/livre/9782247120758-viagers-aspects-juridiques-economiques-et-fiscaux-edition-2017-2018-michel-artaz/">l’Empire romain</a>, le viager est un produit immobilier ancien. Sa pratique reste toutefois aujourd’hui assez marginale par rapport aux ventes immobilières classiques (moins de 1 %). Contracté entre un vendeur senior et un acheteur plus jeune, il repose sur le double principe d’une somme initiale (le bouquet) payée en une fois au vendeur, qui peut décider ou non de garder l’usufruit de son logement, puis d’une rente mensuelle qui lui est versée jusqu’à son décès.</p>
<h2>Un marché très concentré malgré la dispersion géographique des actifs concernés</h2>
<p>La France est un pays majoritairement de propriétaires, dont une part importante est constituée de seniors. Les retraités possèdent à ce titre au niveau national 1 060 milliards d’euros d’actifs immobiliers, pour une valeur totale du parc de logements estimée en France à <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2018-4-page-233.htm">5 600 milliards d’euros</a>.</p>
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<p>Ce potentiel devrait constituer une manne importante pour le marché du viager, permettant un transfert progressif de la propriété aux plus jeunes générations. Or, le marché effectif du viager atteint péniblement les 2,5 milliards d’euros ; soit 0,25 % seulement de la richesse immobilière des retraités, et 0,04 % de la richesse immobilière française totale. Si en outre les plus gros marchés comme Paris et les départements de la petite couronne exploitent très modestement 0,5 % de leur potentiel viagérisable, <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2021-3-page-421.htm">beaucoup de départements ne franchissent même pas le seuil du millième</a> (soit 0,1 %).</p>
<h2>Une réalité paradoxale</h2>
<p>La concentration territoriale du viager et son sous-développement général constituent une réalité paradoxale. Lorsqu’on analyse la <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2021-3-page-421.htm">distribution spatiale du patrimoine immobilier des retraités</a>, il apparaît comme plus homogènement réparti que la richesse immobilière totale. Pourtant la richesse effectivement viagérisée s’avère, elle, particulièrement concentrée. Ainsi, les cinq départements où le viager est le plus développé représentent 50 % du marché national (Paris pesant 32 % à lui seul), alors que les 65 départements où il est le moins développé peinent à atteindre 10 % en cumulé. Autrement dit, le marché du viager effectif est disproportionnellement concentré.</p>
<p>Le graphique présente la structure de la richesse immobilière en commençant par les départements les moins dotés et en finissant par les plus dotés (100 % de la richesse nationale sont atteints au 96<sup>e</sup> département).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique : concentration de la richesse immobilière totale, de la richesse immobilière viagérisée, et celle détenue par les seniors" src="https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501362/original/file-20221215-15-o30cxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Concentration de la richesse immobilière totale, de la richesse immobilière viagérisée, et celle détenue par les seniors.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2021-3-page-421.htm">Coulomb, J. B., Languillon-Aussel, R., & ; Simon, A. (2021). Le viager en France : un dispositif au service du développement des territoires vieillissants ? Revue d’Economie Régionale Urbaine</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Un fort potentiel de rentabilité sous-exploité</h2>
<p>Contrairement à ce que pourrait faire penser sa répartition géographique actuelle, le viager offre pourtant des taux de rentabilité substantiels dans beaucoup de départements, de loin supérieurs aux 1 % ou 2 % des placements traditionnels du livret A ou de l’assurance vie.</p>
<p>À ce titre, non seulement très peu de départements présentent des rentabilités négatives, mais en outre treize départements présentent des rentabilités annuelles supérieures à 9 %, et huit dépassent même 10 %, rendant le dispositif compétitif en période de forte inflation et d’instabilité financière.</p>
<p>Les rentabilités (au sens du <a href="https://blog.nalo.fr/lexique/taux-de-rendement-interne-tri/">taux de rentabilité interne</a>, TRI) les plus élevées sont observées dans les agglomérations parisienne, lyonnaise, toulousaine ainsi que pour les départements littoraux, que ce soit en Méditerranée, sur la côte Atlantique ou en Bretagne.</p>
<p>Le centre de la France et sa diagonale nord-est apparaissent globalement moins rentables en termes relatifs. Néanmoins, certains de ces départements, y compris ruraux, conservent des rentabilités positives, parfois même très intéressantes en comparaison du marché obligataire ou certains produits financiers. Au regard de la concentration du marché actuel et des potentiels de rentabilité, il existe donc un réel intérêt économique et financier à encourager une diffusion géographique plus large du viager.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte : Taux de rentabilité interne femmes ex-post fondé sur l’espérance de vie" src="https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=784&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=784&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=784&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=985&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=985&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484805/original/file-20220915-12008-n5w4rd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=985&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte : Taux de rentabilité interne femmes ex-post fondé sur l’espérance de vie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Coulomb, J. B., Languillon-Aussel, R. et Simon, A. (2021). Le viager en France : un dispositif au service du développement des territoires vieillissants ? Revue d’Economie Régionale Urbaine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le viager, levier d’un développement local protéiforme</h2>
<p>Grâce au versement d’une rente mensuelle, le viager permet de laisser le vendeur dans son propre logement aussi longtemps que son autonomie le lui autorise, améliorant la qualité de fin de vie des seniors.</p>
<p>Mais ses bénéfices ne sont pas qu’individuels. En injectant des liquidités régulières autrement immobilisées dans le patrimoine, il participerait à la circulation des richesses dans les territoires via le circuit des dépenses locales de consommation courante et de santé. Il profiterait ainsi, selon notre hypothèse, de la revitalisation des petits commerces de proximités et de l’économie résidentielle. À ce titre, il permettrait éventuellement de répondre à des enjeux de raréfaction de l’offre commerciale et des services dans de nombreux territoires ruraux, et constituerait ainsi un complément non négligeable à la continuité républicaine de l’investissement territorial.</p>
<p>En outre, grâce aux liquidités générées pour les économies locales, le viager pourrait également participer à la re-territorialisation des politiques de la santé, repensées sur la base de bassins de vie desquels les seniors ne seraient plus systématiquement exclus : en permettant un regain de financement des emplois et des services à la personne nécessaires au maintien à domicile des retraités dépendants, le viager éviterait une partie des départs en établissement spécialisé type Ehpad, récemment objets de scandales <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/dossier/scandale-des-Ehpad-orpea-en-pleine-tempete">financiers et de maltraitance</a>. Il nécessite toutefois des garanties.</p>
<h2>Pourquoi un tel sous-développement ?</h2>
<p>Ce n’est pas un secret : le viager a historiquement mauvaise presse, en France comme à l’étranger. Si on le retrouve dans d’autres pays latins comme l’Espagne ou l’Italie, il y est là aussi marginal. Les Anglo-saxons lui préfèrent d’autres produits financiers, comme <a href="https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2008/2008_08_corinne_griffond.pdf">le « reverse mortgage »</a>, qui n’est pas une vente viagère mais un emprunt viager hypothécaire.</p>
<p>Dans le cas d’un <a href="https://econpapers.repec.org/article/blareesec/v_3a39_3ay_3a2011_3ai_3a4_3ap_3a743-768.htm">viager hypothécaire</a>, un emprunteur souscrit un prêt, en gageant son bien immobilier. Durant ce prêt il ne rembourse pas le capital, ni les intérêts qui s’ajoutent à la dette. Au terme du prêt, souvent le décès de l’emprunteur, le bien est vendu et le produit de la vente sert à rembourser à la banque le capital prêté, accru des intérêts.</p>
<p>Considéré comme « pari sur la mort », le viager dérange. Sa pratique est au surplus souvent perçue comme un moyen de déshériter ses enfants, ce qui heurte les cultures juridiques attachées à l’héritage.</p>
<p>Au regard des enjeux liés au logement, de l’inflation et du risque de paupérisation des retraités, ainsi que de la fermeture de l’accès à la propriété des jeunes générations, il serait intéressant que les mentalités et les pratiques évoluent. Le viager pourrait contribuer, à sa mesure, à apporter une réponse à ces problématiques.</p>
<h2>Des inconvénients juridiques actuels</h2>
<p>En raison de son caractère liquide et régulier (versement la plupart du temps mensuel), la rente versée en viager présente un intérêt réel à la fois pour le financement de la dépendance en fin de vie mais aussi, plus largement, pour le développement local. Son traitement juridique présente toutefois quelques inconvénients sur lesquels il pourrait être possible de travailler, pour en garantir le plein potentiel social et territorial. L’une des principales pistes de réflexion concerne le fait que les créanciers puissent saisir les revenus issus de cette transaction.</p>
<p>Bien que la jurisprudence ait parfois reconnu son caractère alimentaire, elle s’est refusée, en accord avec <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006445233">l’article 1981 du code civil</a>, à placer la rente viagère sous le régime protecteur des pensions alimentaires, elles-mêmes non-saisissables.</p>
<p>La rente est saisissable au même titre que l’était le bien immobilier cédé en viager lorsque ce dernier figurait encore dans le patrimoine du vendeur. En comparaison, les prestations sociales bénéficiant aux personnes âgées, comme l’allocation personnalisée autonomie (APA) ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées (l’ASPA) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006073189/LEGISCTA000006126917/">ne sont pas saisissables</a> ou ne le sont que partiellement.</p>
<h2>Imaginer une réforme ?</h2>
<p>Afin de donner des garanties au vendeur quant au financement de sa dépendance, et de capitaliser pleinement sur le potentiel territorial du viager, il pourrait être opportun de prévoir un seuil de saisissabilité des rentes issues des ventes en viager, au titre de leur participation incontestable, à l’image des prestations sociales, au financement du grand âge.</p>
<p>L’outil fiscal présente lui aussi un intérêt certain. La situation actuelle tend à défavoriser la rente, partiellement imposée pour le vendeur, au profit du bouquet qui lui n’est pas imposé. La fiscalité de la rente mériterait d’être revue, car c’est bien la rente qui permet de s’assurer contre un manque ou une faiblesse de revenu en fournissant un complément mensuel à la retraite, et qui présente le plus grand potentiel pour le développement territorial de par ses effets sur la consommation locale.</p>
<p>Pour l’acheteur individuel, une défiscalisation partielle ou entière du bouquet et de la rente de son impôt sur le revenu mériterait aussi d’être considérée, à l’instar des importants avantages fiscaux accordés à l’investissement locatif (Pinel, Scellier, etc.). Quant à l’investisseur institutionnel, on pourrait éventuellement songer à une réduction de la fiscalité sur la plus-value. De tels ajustements nécessiteraient de faire glisser la politique immobilière française d’une perspective aujourd’hui urbaine et métropolitaine vers une optique régionale et locale, territorialement plus juste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190157/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte de la réforme des retraites à venir, le viager pourrait venir compléter les pensions des seniors en mobilisant leurs richesses immobilières.Arnaud Simon, Maitre de conférences, Stratégies territoriales, Immobilier, Economie urbaine et régionale, Université Paris Dauphine – PSLJean-Baptiste Coulomb, Docteur, Université Paris Dauphine – PSLRaphaël Languillon-Aussel, Senior lecturer, Université de GenèveSolène Roland, Doctorant en droit, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971812023-01-06T10:02:28Z2023-01-06T10:02:28ZRéforme des retraites : quelles conséquences sur les inégalités hommes-femmes ?<p>Allemagne, 1889. Avec la mise en place des premières retraites obligatoires alimentées par les cotisations des employeurs et des salariés, les règles sont débattues. Confortablement installé dans son fauteuil, le chancelier Otto Von Bismarck, aurait demandé à son conseiller : « à quel âge faut-il fixer l’âge de la retraite pour qu’on n’ait jamais à la verser ? » ; « à 65 ans », lui aurait-on répondu.</p>
<p>France 1910. La loi sur les retraites ouvrières et paysannes est contestée. Sur les murs des usines, des <a href="http://www.ucr.cgt.fr/1284-76-295-Retraite.-La-bataille-de-1910">affiches de la CGT sont</a> collées. On pouvait lire : « en somme, camarade, si tu n’es pas crevé avant les 65 ans d’ici l’année 1950 ; tu auras 27 centimes et demi à manger par jour. Quelle duperie et quelle ironie que ces retraites pour les morts ! ».</p>
<p>France 2023. Le gouvernement du président de la République Emmanuel Macron affirme sa <a href="https://theconversation.com/retraites-la-majorite-determinee-a-mettre-en-place-une-reforme-explosive-mais-inutile-comptablement-181404">volonté de reculer l’âge de départ</a> à la retraite à 64 ou 65 ans. Après réflexion, il ne faut plus changer de système mais un paramètre, un seul : l’âge, et cela semble soulever les mêmes hostilités que jadis.</p>
<h2>Inégaux face à la mort</h2>
<p>Pourquoi autant d’hostilité pour une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme</a> que semble aller de soi tant l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/esperance-de-vie-54990">espérance de vie</a> n’est plus celle de 1910 ? Même si nous ne connaissons pas les statistiques de la mortalité par groupes socioprofessionnels, le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale en poste à l’époque, René Viviani, reconnaissait que c’est entre 60 et 65 ans que la mortalité « jouait de façon effroyable », alors qu’aujourd’hui, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/femmes-27381">femmes</a> et les hommes âgés de 65 ans en 2022 vivraient en moyenne jusqu’à 89 ans et 86 ans respectivement.</p>
<p>L’espérance de vie a presque doublé entre les deux périodes mais l’Insee rappelle qu’en France, un quart des décès survient avant 65 ans. L’institut fait état de 147 décès pour 100 000 femmes avant 65 ans, 349 pour 100 000 hommes, soit du simple au double. La « mortalité prématurée » touche surtout les hommes, et en particulier les plus modestes.</p>
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<p>Des projections montrent que la réforme prévue <a href="https://patrickaubert.netlify.app/post/2022-09-04-duree-retraite-carriere">augmenterait l’indicateur de risque de décès avant la retraite</a> en moyenne, de 5,1 % à 6,5 %, soit environ 9 000 personnes supplémentaires chaque année qui mourront avant la fin de leur carrière professionnelle. Les risques des retraites courtes (10 ans ou moins) augmentent également, passant de 17 % sous la législation actuelle à 21 % avec la réforme.</p>
<p>Quant à la durée espérée en retraite, de l’ordre de 20 ans aujourd’hui (mais avec de fortes différences sociales : les individus les plus pauvres passent en moyenne 7 ans de moins en retraite que les individus les plus aisés), elle baisserait en moyenne de deux ans et quatre mois environ, après la réforme (avec des différences selon le niveau de vie, atteignant 15 % pour les hommes les plus modestes, contre 9 % pour les hommes les plus aisés).</p>
<p>Les limitations de sorties ou d’entrée en retraite qui seront instaurées par la réforme auront donc un impact considérable sur le ratio de dépendance (nombre de personnes à charge pour 100 travailleurs).</p>
<h2>Inégaux face au marché du travail</h2>
<p>Nos <a href="https://books.google.fr/books?id=yCKFDwAAQBAJ&lpg=PA123">recherches</a> montrent que les femmes liquident la retraite plus tard que les hommes. Elles sont davantage contraintes à liquider leur droit vers l’âge de 65 ans et au-delà (19 % de la génération de 1950 contre 10 % des hommes) pour éviter une décote en raison de carrières plus souvent incomplètes.</p>
<p>Cependant, elles reçoivent en moyenne 1274 euros de retraite par mois, soit 24 % de moins que les hommes (1674 euros). Ce montant inclut la pension de droit direct, la pension de droit indirect (réversion) et la majoration pour trois enfants et plus. Si l’on considère les retraites de droit direct, c’est-à-dire celles versées au titre de l’activité passée, l’écart s’élève à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5651300?sommaire=5651313">39 % pour les 65 ans et plus</a>.</p>
<p>Les femmes sont les principales bénéficiaires des pensions de réversion. Ces droits constituent 20 % de la retraite totale des femmes âgées de 65 ans et plus contre 1 % pour les hommes. Au-delà de la pension de retraite, sept personnes sur dix touchant le minimum vieillesse sont des femmes.</p>
<p>Ce sont les différences de salaire de référence et, dans une moindre mesure, de durée validée, qui créent l’écart de retraite entre les hommes et les femmes. Avec des gradients car ces écarts sont plus marqués dans le secteur privé que dans la fonction publique. Les plus faibles durées de carrière des femmes jouent pour les revenus les plus faibles, les niveaux de salaire <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2015-4-page-35.htm">pour les deux tiers des plus hauts revenus</a>.</p>
<p>Le plus puissant moyen de réduire les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a> de retraite entre les femmes et les hommes est de limiter les inégalités de carrière ou alors desserrer le lien contributif. Il est avéré que les minima ont un rôle essentiel dans la limitation des inégalités de retraite entre les hommes et les femmes en particulier dans les premiers déciles. Toute restriction dans l’attribution de ces minima aurait des répercussions beaucoup plus fortes pour les femmes que pour les hommes dans le bas de la distribution.</p>
<p>Autant de tentatives de réformes nous ont appris que la notion d’âge de la retraite recouvre des concepts différents. L’augmentation de durée de cotisation ne vaut pas augmentation de l’âge légal minimum de départ pour toucher une retraite à taux plein.</p>
<p>Reste à formuler des hypothèses sur les conséquences de l’augmentation progressive jusqu’en 2031 de l’âge légal de la retraite à 65 ans pour les travailleuses les plus précaires : soit une liquidation bien plus tardive pour bénéficier d’une « retraite minimum contributif », terme qui peut créer la confusion, dont le montant pour une carrière complète est fixé à 85 % du smic.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197181/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roxana Eleta de Filippis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le recul de l’âge légal de départ souhaité par l’exécutif ne résout pas les différences de salaire de référence et de durée validée à l’origine des écarts de retraite entre les hommes et les femmes.Roxana Eleta de Filippis, Maîtresse de conférences en sociologie, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1928922022-12-05T19:08:07Z2022-12-05T19:08:07ZLes nouvelles générations de retraités : une vieillesse à inventer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497957/original/file-20221129-22-ylhxym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C38%2C5184%2C3406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une enquête récente auprès de retraités en activité professionnelle ou impliqués dans des activités ludiques, montre leur souhait de travailler différemment, en gardant la maîtrise de leur temps et rythme de travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/pwMds57bapI">Tiago Muraro/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Comme ce fut le cas lors des précédentes réformes, le débat sur l’avenir des retraites est avant tout centré sur les moyens de ramener l’équilibre financier des régimes de retraite.</p>
<p>Les questions liées au mode de vie et aux attentes des retraités apparaissent bien secondaires. Pourtant, le profil des nouvelles générations de retraités a bien <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2002-3-page-53.htm">évolué</a> depuis ces dernières décennies.</p>
<p>Pour mieux l’appréhender, nous avons réalisé une enquête pour le compte de la Mutualité française Île-de-France intitulée « Du travail à la période de retraite : Enquête auprès des jeunes retraités franciliens » (rapport de recherche LIRTES, UPEC, 2022, non-communiqué actuellement). Son objectif a été de saisir les attentes et les besoins de cette population afin de mettre en œuvre des actions d’aide et de prévention adaptées.</p>
<p>À cet effet, nous avons d’abord mené une enquête par questionnaires auprès de 3516 retraités âgés entre 54 et 75 ans vivant en Île-de-France, puis celle-ci a été complétée par une enquête qualitative réalisée par entretiens.</p>
<h2>Un âge de départ en retraite globalement maîtrisé</h2>
<p>Même si la notion d’âge légal de départ en retraite, actuellement de 62 ans à taux plein, tend à être diluée sous le coup des réformes successives du <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-documents-de-reference/panoramas-de-la-drees/les-retraites-et-les-retraites-edition">système des retraites,</a> elle reste un horizon à atteindre pour 42 % des retraités interrogés.</p>
<p>Et les trois quarts des répondants ont très majoritairement le sentiment d’avoir réussi à partir quand ils l’avaient prévu et 68 % considèrent qu’ils sont partis au bon moment. Quant à ceux qui ont fait le choix de partir précocement, ils le font pour des raisons positives comme le fait de vouloir profiter de leur retraite (30 %), mais parfois négatives comme le constat d’une dégradation des conditions de travail (24 %).</p>
<p>Le cumul emploi-retraite reste une pratique minoritaire (11,5 %). Il est pratiqué tant par des personnes disposant d’une forte expertise professionnelle que par celles qui subissent une carrière professionnelle non linéaire et donc un faible niveau de pension qu’il est alors nécessaire de compléter. Du fait d’une législation plus favorable au cumul entre emploi et retraite, celui-ci est en <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2013-2-page-39.htm">progression</a>.</p>
<p>Les entretiens réalisés témoignent par ailleurs d’une porosité croissante entre travail et retraite : la période de retraite est de moins en moins considérée en opposition par rapport à celle du travail. Qu’il s’agisse des personnes reprenant une activité professionnelle ou simplement s’engageant dans une activité quelconque, leur point commun est de souhaiter travailler différemment, en gardant la maîtrise de leur temps et rythme de travail.</p>
<h2>Une solidarité intergénérationnelle qui évolue</h2>
<p>Au sein de la famille, l’aide apportée aux enfants concerne en premier lieu la garde d’enfants. Un quart des répondants disent garder régulièrement leurs petits-enfants. Mais cette fonction traditionnelle de la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/497">grand-parentalité</a>, a évolué. Désormais, les jeunes retraités prennent garde à préserver leur liberté.</p>
<blockquote>
<p>« On est souvent avec notre petit-fils les mercredis ou pendant les vacances, ça soulage un peu notre fils et sa compagne, mais ce n’est pas un engagement écrit… on a du plaisir, je veux que ça reste du plaisir, c’est pas une obligation. Si on a quelque chose à faire un mercredi, ou pendant les vacances, on leur dit, on ne sera pas là et ils se débrouillent, à eux de s’organiser »</p>
</blockquote>
<p>L’autre aide importante apportée aux enfants concerne l’aide financière : 18 % des personnes interrogées déclarent aider régulièrement leurs enfants d’un point de vue financier, et 38 % de temps en temps. Ces chiffres ne sont guère surprenants dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2007-2-page-175.htm">contexte</a> où les trajectoires professionnelles et personnelles des jeunes actifs sont moins <a href="https://www.strategie.gouv.fr/espace-presse/jeunesse-vieillissement-politiques">linéaires</a> qu’auparavant.</p>
<p>En revanche, seuls 16 % des jeunes retraités sont amenés à aider leurs parents, que ce soit régulièrement ou de temps en temps. Ce faible chiffre est toutefois à relativiser car les trois quarts des retraités de notre échantillon n’avaient déjà plus d’ascendants en vie. Mais cela témoigne malgré tout du rôle important joué par le système de retraite dans l’accroissement relatif du <a href="https://www.inegalites.fr/La-pauvrete-selon-l-age">niveau de vie</a> des personnes âgées actuelles.</p>
<p>Néanmoins, la solidarité intergénérationnelle reste une réalité. Par exemple, notre enquête montre que les deux tiers des jeunes retraités apportent une aide administrative et numérique à leurs parents.</p>
<h2>Un engagement mosaïque dans plusieurs activités à la retraite</h2>
<p>Avec la généralisation du système des retraites, les retraités ont progressivement eu accès à des activités de loisirs, dites du troisième âge, à partir des années 1970. Mais aujourd’hui, le champ des possibles s’est considérablement diversifié.</p>
<p>Il en résulte pour une majorité de personnes un mode de vie constitué d’une multitude d’activités, allant du temps pour soi jusqu’au bénévolat, en passant par des activités physiques et de loisirs. Cette diversité des pratiques traduit également un engagement <a href="https://www.dunod.com/engager-dans-une-societe-d-individus">« post-it »</a> privilégiant l’envie de profiter de son temps libre et de la liberté qu’offre la vie d’après le travail.</p>
<p>Cette diversité des pratiques doit cependant être nuancée. Elle est fortement corrélée au niveau de diplôme et au sentiment d’aisance financière. Ainsi, les personnes qui ont un faible niveau de diplôme et/ou un niveau de vie difficile sont celles qui déclarent le plus souvent ne pas avoir d’activités particulières au moment de la retraite. Autrement dit, les inégalités sociales ne s’arrêtent pas le jour du départ en retraite…</p>
<p>Par exemple, les personnes disposant d’un brevet des collèges sont 10 % à ne pas avoir d’activités particulières, contre 1 % pour celles disposant d’un doctorat. A l’inverse, elles ne sont que 2 % à faire du bénévolat, contre 14 % pour les autres. On note également que plus le niveau de vie est perçu comme difficile, plus les activités sont restreintes et réduites à « prendre soin de soi ». Quant aux retraités disposant le plus de ressources sociales, ce sont eux qui s’approprient le plus facilement les messages publics de prévention, comme le fait de pratiquer une activité physique régulière à la retraite.</p>
<h2>La crainte du mal vieillir</h2>
<p>Un tiers des personnes interrogées envisagent des adaptations de leur logement. Si seulement 9 % d’entre elles ont déjà mis en place des choses concrètes, par exemple l’adaptation d’une douche ou de toilettes adaptées, plus de la moitié (53 %) ont malgré tout commencé à y réfléchir pour anticiper d’éventuels problèmes de dépendance ultérieurs. Et plus les personnes disposent d’un niveau de diplôme élevé, plus elles disent commencer à y réfléchir. Ces chiffres traduisent une propension croissante des jeunes retraités à se projeter dans l’avenir quant à leur propre vieillissement.</p>
<p>Les raisons avancées à ce désir de se projeter dans l’avenir sont liées à la volonté de ne pas vieillir comme ses parents ou les personnes de son entourage et surtout de ne pas être une charge pour ses proches. Ce qui conduit les personnes retraitées à expérimenter un nouveau mode de vie accordant de l’importance à la qualité de leur lieu de vie et à l’entretien de leur réseau relationnel. Mais ce faisant, leur perception du vieillissement repose sur une figure repoussoir : le « vieux dépendant » et l’Ehpad, dont ils cherchent à se démarquer en s’identifiant à la figure opposée qui est celle du « senior », jeune et actif.</p>
<blockquote>
<p>« Je ne voudrais pas être dépendante, c’est quelque chose que je ne supporterais pas. »</p>
<p>« Franchement, j’espère que ça me sera épargné. C’est pour ça que je ne veux pas vivre trop longtemps. Ah non, en Ehpad, c’est épouvantable. »</p>
</blockquote>
<h2>Le jeunisme comme idéal ?</h2>
<p>Les entretiens semi-directifs ont permis de recueillir de nombreux propos tout aussi catégoriques. Ce n’est donc pas un hasard si ce rejet de la grande « dépendance » ou de la maladie grave se manifeste par un refus de l’acharnement thérapeutique, et, au-delà, très massivement, par un engagement en faveur d’une évolution législative autorisant le suicide assisté.</p>
<blockquote>
<p>« Moi je suis pour l’euthanasie, choisie, pas décidée par les autres. Mais moi ce que j’espère c’est si un jour je devenais grabataire comme ça qu’on m’autorise à partir. Dans la dignité. »</p>
</blockquote>
<p>La volonté d’être autonome et de garder une liberté de choisir est fortement affirmée par les nouvelles générations de retraités. Il y a là un vecteur de changements profonds qui obligera la société à repenser beaucoup de dispositifs actuellement mis en œuvre qui négligent cette revendication d’autonomie.</p>
<p>Néanmoins, elle comporte un effet pervers en contribuant à occulter le grand âge qui fait ainsi office de repoussoir. Ce faisant, les nouvelles générations de retraités alimentent elles-mêmes une <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/le-droit-de-vieillir-9782213605449">forme de jeunisme dans la société</a> considérant que la vie ne vaut la peine d’être vécue que si l’on est jeune et en bonne santé.</p>
<p>Une telle affirmation mérite d’être réinterrogée sur le plan éthique, à moins que l’élimination des plus de 75 ans soit considérée comme un avenir souhaitable comme le propose de façon très cynique le film japonais primé à Cannes en mai, <a href="https://www.rfi.fr/fr/culture/20220523-cannes-2022-le-film-choc-plan-75-sur-l-euthanasie-de-la-japonaise-chie-hayakawa">Plan 75</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une enquête inédite montre que la période de retraite est de moins en moins considérée en opposition à celle du travail et indique une évolution dans le profil et attentes des retraités.Dominique Argoud, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Sebastián Pizarro Erazo, Attaché temporaire d'enseignement et de recherche, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Zoé Yadan, Docteure en Sciences de l'Education et de la Formation, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837622022-06-21T14:13:10Z2022-06-21T14:13:10ZPersonne ne devient soudainement vieux et improductif à 65 ans. Il faut repenser les lois sur l’âge de la retraite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468582/original/file-20220613-24-gatebk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4089%2C2152&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que la population vieillit, le gouvernement doit reformuler les notions de vie active et de retraite. Une révision de l'âge de la retraite réduirait le nombre de personnes classées comme «âgées».</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au Canada, les gouvernements ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/l-actuel/segments/entrevue/399435/recensement-statistiques-canada-manitoba-vieillissement">établi que la vie active</a> des Canadiens s’étend de 15 à 65 ans, ce qui fausse complètement la réalité.</p>
<p>Selon le recensement de 2016,un <a href="https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/as-sa/98-200-x/2016027/98-200-x2016027-fra.cfm">Canadien sur cinq – 1,1 million – continue de travailler après 65 ans. Et un tiers d’entre eux font du temps plein</a>.</p>
<p>Ces proportions sont encore plus fortes parmi les employés du secteur privé et les travailleurs autonomes, ce qui tire <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1410006001&request_locale=fr">l’âge moyen de la retraite à 64,4 ans</a>, soit trois ans de plus en deux décennies. Au Québec, l’âge moyen de la retraite est plutôt de 62 ans.</p>
<h2>Fausses idées sur l’âge de 65 ans</h2>
<p>Même si la retraite obligatoire à 65 ans <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/542943/retraite-obligatoire-abolie">est interdite depuis 2011</a>, cet âge demeure la référence pour toutes les lois et politiques, y compris les définitions de Statistique Canada.</p>
<p>Dans bien des provinces, les travailleurs de plus de 65 ans <a href="https://www.thestar.com/opinion/contributors/2022/04/12/seniors-deserve-workplace-injury-benefits.html">ne sont plus indemnisés en cas de blessure</a>. Ceux qui se blessent après 63 ans ne seront indemnisés que pendant deux ans au maximum.</p>
<p>Les employeurs ne sont plus obligés de réembaucher un travailleur de 65 ans après un arrêt de travail pour blessure <a href="https://www.nortonrosefulbright.com/en/knowledge/publications/f6000f38/human-rights-tribunal-of-ontario-denying-workplace-group-benefits-coverage-to-employees-aged-65-and-older-unconstitutional">ni de leur assurer une couverture médicale, dentaire ou d’assurance vie ou invalidité</a>.</p>
<p>Mais quelle magie opère donc au moment de souffler sa 65<sup>e</sup> bougie ? L’employée de 64 ans a les mêmes compétences ou capacités que la collègue qui en a 65, sauf que cette dernière voit disparaître tous ses avantages sociaux.</p>
<p>Alors que la population vieillit, le gouvernement doit désormais reformuler les notions de vie active et de retraite afin d’assurer le développement économique et social du Canada. <a href="https://theconversation.com/retirement-age-is-increasing-but-our-new-study-reveals-most-only-work-ten-years-in-good-health-after-50-141227">D’autres pays l’ont fait</a>.</p>
<h2>Une évolution récente</h2>
<p>La détermination de l’âge de la vieillesse à 65 ans est relativement récente.</p>
<p>En 1889, l’Allemagne, première nation à adopter un système de pension, <a href="https://www.histoiredelasecuritesociale.ch/synthese/1883-1884-1889">avait fixé l’âge d’admissibilité à 70 ans</a>. <a href="https://www.jstor.org/stable/30303471">Les Terre-Neuviens, qui avaient fait de même dès 1911</a>, l’avaient fixé à 75 ans. Quant au Canada, il avait d’abord choisi 70 ans pour sa première loi en la matière, en <a href="https://www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/hist/pensions/cpp-timeline_f.html">vigueur de 1927 à 1952</a>.</p>
<p>En 1965, les réformateurs du Régime de pensions du Canada ont fixé <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/pension-de-vieillesse">à 65 ans le nouveau seuil pour toucher la pension complète</a> et recevoir les prestations de Sécurité de la vieillesse. C’est ainsi que, pour les travailleurs canadiens, 65 est devenue le marqueur universel de leur sortie du marché du travail et de leur entrée officielle dans la vieillesse.</p>
<p>Pourtant, démographes, économistes et sociologues <a href="https://www.benefitscanada.com/news/bencan/head-to-head-is-it-time-to-change-the-retirement-age/">conviennent tous qu’il faut maintenant revoir ce seuil</a>, qui ne cadre plus avec l’époque.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1117792407540596737"}"></div></p>
<p>Les Canadiens vivent plus longtemps et en meilleure santé que jamais. Ils étudient beaucoup plus longtemps, ce qui retarde leur entrée sur le marché du travail à temps plein. <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200115/dq200115a-fra.htm">Et ils triment beaucoup moins dur dans presque toutes les catégories d’emploi</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme aux cheveux gris descend un escalier de pierre en rangeant son téléphone dans une poche intérieure de sa veste" src="https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5760%2C3802&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La plupart des emplois n’exigent plus un travail physique intense.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Andrea Piacquadio, Pexels)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Qu’entend-on par « vieux » ?</h2>
<p>Il existe plusieurs manières de redéfinir la vieillesse qui apporteraient de grands avantages sociaux et économiques.</p>
<p>L’une d’elles consiste à distinguer clairement la « jeune » vieillesse (de 65 à 74 ans), la vieillesse « moyenne » (75 à 84 ans) et le grand âge (85 ans et plus).</p>
<p>Une telle catégorisation, en plus de mieux rendre compte de la diversité des personnes âgées, permettrait de concevoir des politiques plus sensées et mieux adaptées à chacun de ces trois groupes.</p>
<p>Par exemple, les vertus du travail après 65 ans <a href="https://www.health.harvard.edu/staying-healthy/working-later-in-life-can-pay-off-in-more-than-just-income">ne sont plus à démontrer pour certains groupes</a>. Les lois et politiques qui dissuadent les « jeunes » vieux de continuer de travail ne devraient plus avoir droit de cité.</p>
<p>Une deuxième option consiste à moduler l’âge officiel de la vieillesse pour tenir compte de la longévité croissante. Il y a un siècle, l’espérance de vie des Canadiens à 65 ans était de 13 ans. Actuellement, elle est de 18 ans pour les hommes et de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-630-x/11-630-x2016002-fra.htm">22 ans pour les femmes</a>.</p>
<p>Compte tenu de cette situation, il serait logique de relever le seuil de la vieillesse. <a href="https://www.cnews.fr/monde/2019-08-20/au-royaume-uni-le-projet-de-porter-lage-de-la-retraite-75-ans-ne-passe-pas-871094">Au Royaume-Uni, une proposition en ce sens</a> a inspiré le slogan « 70 est le nouveau 65 ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme blonde âgée est assise entre deux personnes plus jeunes dans une réunion de bureau" src="https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les femmes vivent plus longtemps et participent plus que jamais au marché de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Orienté vers les hommes</h2>
<p>Enfin, la notion de vieillesse doit pouvoir mieux tenir compte du sexe. Les femmes vivent plus longtemps que les hommes, et sont donc classées « vieilles » pendant beaucoup plus d’années. Selon le dernier recensement canadien, la plupart des <a href="https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/as-sa/98-200-X/2021004/98-200-X2021004-fra.cfm">9 000 centenaires</a> au pays sont des Canadiennes. Elles ont donc été classées comme « âgées » le tiers de leur vie.</p>
<p>Historiquement, la fixation d’un âge de retraite unique à 65 ans reflétait la situation des hommes à une époque où très peu de femmes travaillaient hors du foyer.</p>
<p>Comme les femmes vivent sensiblement plus longtemps que les hommes, elles doivent donc travailler plus longtemps pour disposer d’une épargne retraite similaire. <a href="https://financialpost.com/moneywise-pro/what-to-do-about-womens-retirement-income-gap">À salaire égal, la chose est impossible</a> si on les pousse à « raccrocher leurs patins » au même âge que les hommes.</p>
<p>Une nouvelle conception de la vieillesse réduirait considérablement le nombre de personnes dites « âgées » et refléterait plus fidèlement le nombre total de Canadiens actif sur le marché de l’emploi.</p>
<p>Une définition moderne atténuerait également les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1761448/agisme-discrimination-prejuges-vieillissement-aines-jeunes">stéréotypes, notamment l’âgisme</a>. Elle inciterait les gouvernements à réformer leurs lois désuètes tout en <a href="https://avenues.ca/travailler/articles-travailler/travail-pour-les-55-des-programmes-meconnus-et-encore-beaucoup-dobstacles/">contribuant à résorber la pénurie de la main-d’œuvre</a>.</p>
<p>« Jeunesse n’a pas d’âge », dit le proverbe. L’augmentation de l’âge de la vieillesse ne serait certainement pas difficile à vendre aux Canadiens. Après tout, qui ne voudrait pas redevenir jeune ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183762/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Klassen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la population vieillit, le gouvernement doit reformuler les notions de vie active et de retraite. Une révision de l’âge de la retraite réduirait le nombre de personnes classées comme ‘âgées’.Thomas Klassen, Professor, School of Public Policy and Administration, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1829662022-05-12T19:02:48Z2022-05-12T19:02:48ZEmploi des seniors : au Royaume-Uni, les plus de 50 ans démissionnent en masse<p>L’économie britannique semble rencontrer un problème avec ses plus de 50 ans : à la suite de la pandémie de Covid-19, ils ont quitté la population active en masse, au grand dam des entreprises et au gouvernement. Environ 300 000 travailleurs âgés de 50 à 65 ans de plus qu’avant la pandémie ont désormais rejoint la catégorie des « économiquement inactifs », ce qui a conduit un tabloïd à qualifier le problème d’« <a href="https://www.express.co.uk/news/uk/1563750/Covid-latest-employment-baby-boomer-workplace-exodus">exode des seniors</a> ».</p>
<p>« Économiquement inactif » signifie que ces travailleurs âgés ne sont ni employés ni à la recherche d’un emploi. Bien sûr, il se peut simplement que les travailleurs aient épargné davantage pendant la pandémie et qu’ils puissent maintenant se permettre de prendre une retraite confortable plus tôt que prévu.</p>
<p>Mais si les travailleurs âgés ont été mis au chômage en raison de risques pour la santé ou d’un manque d’opportunités, cela signifie que l’économie reste privée de travailleurs potentiellement productifs – ce qui pourrait coûter cher à l’État de diverses manières. Que se passe-t-il donc ?</p>
<h2>Un exode moindre chez les plus qualifiés</h2>
<p>Dans notre récente <a href="https://www.dropbox.com/s/gf2brdj0znboon3/over50sInactivity_April2022.pdf">étude</a>, nous nous sommes penchés sur l’inactivité économique croissante des plus de 50 ans et sur ses conséquences pour l’économie, en utilisant les dernières données de l’enquête du UK Labour Force Survey (LFS).</p>
<p>Nous avons d’abord pu constater que l’exode des seniors ne se concentre pas dans les segments les plus riches de la population, même si l’on pourrait s’attendre à ce qu’ils soient les plus aptes à prendre leur retraite. Au contraire, il s’agit plutôt d’un phénomène qui touche principalement les revenus moyens et moyens inférieurs.</p>
<p>Comme le montrent les graphiques ci-dessous, la plus forte hausse de l’inactivité post-Covid s’observe chez les travailleurs appartenant à la catégorie des revenus moyens inférieurs. Ces derniers gagnaient environ 18 000 à 25 000 livres sterling par an (21000-29200 euros) dans leur emploi le plus récent. Dans chaque graphique, la ligne indique le pourcentage de travailleurs occupés âgés de 50 à 65 ans qui sont devenus économiquement inactifs un an plus tard.</p>
<h2><strong>Travailleurs devenant inactifs (%) par quartile de revenu</strong></h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=344&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=344&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460319/original/file-20220428-16-ny5lwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=344&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Charts showing economic inactivity by wage bracket" src="https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460318/original/file-20220428-4047-wux6o3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les données proviennent de l’enquête longitudinale sur les forces de travail de cinq trimestres pour les individus âgés de 50 à 65 ans. Chaque graphique présente un quartile différent de la distribution des salaires (0-25ᵉ, 25-50ᵉ, 50-75ᵉ et de 75-100ᵉ). Par exemple, le dernier point de données du panel pour les salaires moyens inférieurs montre que 12,8 % des travailleurs qui étaient employés au quatrième trimestre de 2020 avec un salaire situé dans le 25ᵉ-50ᵉ percentile étaient économiquement inactifs au quatrième trimestre de 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>D’autres éléments viennent également étayer l’idée que l’augmentation de l’inactivité reste concentrée dans la partie moyenne inférieure de la distribution des revenus. Par exemple, l’augmentation de l’inactivité a été plus importante chez les personnes qui louent leur logement plutôt que chez les propriétaires, et chez celles qui travaillent dans des secteurs et des professions moins rémunérées. L’augmentation de l’inactivité a également été moindre chez les travailleurs hautement qualifiés.</p>
<p>Les secteurs où l’inactivité des plus de 50 ans a le plus augmenté sont le commerce de gros et de détail (+ 40 %), le transport et l’entreposage (+ 30 %) et l’industrie manufacturière (+ 25 %). Parallèlement, les professions qui enregistrent les plus fortes hausses en pourcentage sont les opérateurs d’installations et de machines de traitement (+50 %) et les vendeurs et les services à la clientèle (+40 %). Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, le pourcentage d’augmentation comparable pour les plus de 50 ans dans l’ensemble de l’économie est de 12 %.</p>
<p>Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces différences. D’abord, les secteurs en question connaissaient déjà des difficultés économiques avant la pandémie et ils ont été durement touchés ces deux dernières années. Les travailleurs ont ainsi pu considérer qu’il était peu probable qu’ils retrouvent leur emploi dans un secteur en déclin, et ont pu choisir de prendre leur retraite plutôt que de chercher un autre emploi ou de se reconvertir. Il s’agit également de secteurs où les contacts sociaux sont nombreux et où il n’est pas possible de travailler à domicile. Certains travailleurs âgés ont donc peut-être choisi de démissionner par crainte pour leur santé.</p>
<p>Dans l’ensemble, l’augmentation de l’inactivité s’explique par le fait que les travailleurs âgés perçoivent une baisse du rendement de leur travail : en effet, pourquoi continuer à occuper un emploi mal rémunéré dans un secteur en déclin et touché par une pandémie ?</p>
<h2>Reviendront-ils au travail ?</h2>
<p>Il n’est pas rare que des travailleurs deviennent économiquement inactifs après une récession, car il devient plus difficile de trouver un emploi et les candidats peuvent décourager. C’est notamment ce qui s’est produit <a href="https://www.dropbox.com/s/gf2brdj0znboon3/over50sInactivity_April2022.pdf">après la crise financière mondiale</a> de 2007-2009 – à la suite de laquelle la hausse de l’inactivité chez les plus de 50 ans restait néanmoins trois fois moins élevée qu’actuellement.</p>
<p>Certes, les travailleurs aujourd’hui en « exode » pourraient se remettre à chercher un emploi si la situation économique s’améliore, mais les perspectives restent <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">peu encourageantes</a>.</p>
<p>Plusieurs faits suggèrent également que ces personnes n’ont vraiment pas envie de revenir au travail. La totalité de la hausse de l’inactivité provient de travailleurs qui disent ne pas vouloir de travail et pensent qu’ils ne travailleront « certainement » plus jamais. Des « raisons de santé » de santé peuvent être évoquées (même si la hausse de l’inactivité liée à la santé avait commencé au moins deux ans avant la pandémie et n’a pas été beaucoup affectée par crise sanitaire elle-même), mais le désir de prendre sa retraite constitue bien la principale raison de l’augmentation de l’inactivité.</p>
<p>Il convient de souligner qu’avant la pandémie, le nombre de retraités était en baisse, les travailleurs prenant leur retraite plus tard. Ce phénomène était dû à l’augmentation de l’âge légal pour obtenir la pension de l’État, qui est passé de <a href="https://www.entitledto.co.uk/help/Changes-To-State-Pension-Age">65 à 66 ans à partir de 2019-20</a>. La hausse des départs à la retraite que nous avons observée pendant et après la pandémie est donc aussi en partie l’émergence d’une tendance sous-jacente liée à cette mesure.</p>
<p>Cette hausse sans précédent de l’inactivité chez les plus de 50 ans pose désormais des défis importants pour l’économie britannique. Elle intervient à un moment où le gouvernement doit faire face à <a href="https://theconversation.com/the-truth-about-the-great-resignation-who-changed-jobs-where-they-went-and-why-180159">l’augmentation des démissions</a> dans d’autres groupes d’âge, aux pénuries de main-d’œuvre, à l’augmentation du coût de la vie ou encore aux <a href="https://voxeu.org/article/economic-consequences-brexit">effets du Brexit</a>. Compte tenu de leurs revenus relativement faibles, ces retraités pourraient aussi potentiellement rencontrer des difficultés financières plus tard dans leur retraite et ajouter de la pression sur les dépenses publiques. Que peut-on donc faire pour stopper, voire inverser, l’exode des seniors ?</p>
<p>L’augmentation de l’inactivité ne se situe pas dans les couches de la société aux revenus les plus faibles, où le gouvernement concentre aujourd’hui ses efforts pour inciter au travail par le biais du système de prestations. Le gouvernement pourrait donc envisager d’étendre ces <a href="https://www.gov.uk/working-tax-credit">incitations</a> aux personnes de la classe moyenne inférieure pour tenter de les encourager à reprendre le travail.</p>
<p>Peut-être la crise du coût de la vie obligera-t-elle les plus de 50 ans à reprendre le travail, ce qui résoudra en partie la pénurie de main-d’œuvre au Royaume-Uni. Mais résoudre un problème par un autre n’est pas de nature à rendre qui que ce soit – travailleurs, entreprises ou gouvernement – plus heureux. Des jours difficiles semblent donc nous attendre.</p>
<hr>
<p><em>En France, le projet de réforme des retraites du président réélu Emmanuel Macron prévoit un report de l’âge légal de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/05/10/l-emploi-des-seniors-un-des-enjeux-cles-de-la-future-reforme-des-retraites_6125412_823448.html">départ à la retraite à 65 ans</a>. Un objectif qui implique, en parallèle, un effort pour maintenir les seniors en emploi un an de plus. Depuis le début des années 1990, les quatre réformes des retraites (1993, 2003, 2010 et 2014) ont déjà contribué à accroître le taux d’emploi des seniors : celui-ci a notamment augmenté de près de 20 points entre 2003 et 2021, selon une <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/9611cb0d890712092fee11b831fa74a0/Tableau%20de%20bord%20seniors%20T3%202021.pdf">étude</a> de la Dares.</em></p>
<p><em>Cependant, la France accuse toujours un retard de près de 6 points chez les 55-64 ans par rapport à ses voisins européens. Or, combler cet écart ne s’annonce pas simple, surtout si les tendances observées par les chercheurs britanniques Carlos Carrillo-Tudela, Alex Clymo et David Zentler-Munro (University of Essex), qui font l’objet d’un <a href="https://theconversation.com/over-50s-are-resigning-en-masse-new-research-explains-who-and-why-181895">article</a> pour The Conversation UK dont nous vous proposons la traduction, venaient également à se confirmer en France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carlos Carrillo-Tudela a reçu des financements du UK Economic and Social Research Council (ESRC) du Royaume-Uni, référence de la bourse ES/V016970/1. Il est affilié au CEPR, à l'IZA et au CESIfo.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alex Clymo a reçu des financements du UK Economic and Social Research Council, sous la référence ES/V016970/1.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Zentler-Munro a reçu des financements du UK Economic and Social Research Council, sous la référence ES/V016970/1.</span></em></p>Quelque 300 000 travailleurs britanniques parmi les plus âgés sont désormais « économiquement inactifs », ce qui représente un défi majeur pour le gouvernement.Carlos Carrillo-Tudela, Professor of Economics, University of EssexAlex Clymo, Assistant Professor of Economics, University of EssexDavid Zentler-Munro, Assistant Professor in Economics, University of EssexLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1814042022-04-20T09:57:35Z2022-04-20T09:57:35ZRetraites : la majorité déterminée à mettre en place une réforme explosive … mais inutile comptablement<p>Dès le lendemain de la réélection d'Emmanuel Macron à l'Élysée, des ministres de la majorité comme Bruno Le Maire et Élisabeth Borne ont insisté sur la nécessité de la réforme des retraites. Pendant sa campagne, le président candidat avait fait du recul de l'âge légal de départ à 65 ans une mesure phare de son programme économique, même s'il a affirmé pendant l'entre-deux-tours que cette option ne constituait <a href="https://www.nouvelobs.com/election-presidentielle-2022/20220411.OBS57000/macron-pret-a-ouvrir-la-porte-a-un-report-de-l-age-de-depart-a-la-retraite-a-64-ans.html">« pas un dogme »</a> et que l’organisation d’un référendum était envisageable.</p>
<p>Lundi 25 avril, la ministre du Travail, tout en assurant que la réforme était « nécessaire », a précisé sur RTL qu'il y avait de la «place pour la concertation ». Sur France Info, le ministre de l'Économie abondait dans le même sens, estimant que la réforme devait « faire l’objet, le plus possible, de discussion et de dialogue, avec l’espoir de parvenir à un compromis ».</p>
<p>Les contours de ce compromis reste à définir et ne seront pas faciles à trouver : l'ensemble des centrales syndicales s'opposent aujourd'hui à la réforme proposée par Emmanuel Macron, tout comme les oppositions politiques qui ont fait du blocage du projet l'un des sujets de la campagne des législatives. Cependant, la majorité semble bien déterminée à aller au bout, lors du second quinquennat Macron, d'une réforme abandonnée au printemps 2020. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518550101718966275"}"></div></p>
<p>La réforme des retraites fut en effet l’un des grands points de discussion de cet entre-deux tours de l’élection présidentielle 2022. Nous pourrions le résumé en une affaire de plagiat généralisé : Macron 2022 plagiait Pécresse, comme la <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/05/presidentielle-2022-slogans-programme-emmanuel-macron-accuse-de-plagiat-de-droite-a-gauche_6120704_6059010.html">candidate des Républicains le dénonça durant la campagne</a>, tandis que Le Pen plagiait, en partie, Macron 2017.</p>
<p>Le candidat de l’époque annonçait, à raison, le dossier des retraites réglés à la suite de la réforme Fillon si bien qu’il promettait d’engager un vaste chantier d’unification de l’ensemble des 42 régimes d’une part et l’adoption pour le régime général d’un système à point sur le modèle des retraites complémentaires. Les spécialistes qualifièrent de systémiques ces chantiers à engager.</p>
<p>Jean-Paul Delevoye fut nommé, en 2017, haut-commissaire à la réforme des retraites. Il ne ménagea pas sa peine pour consulter les partenaires sociaux et menaça de démissionner lorsque certains députés LREM évoquèrent la nécessité de repousser l’âge légal au-delà de 62 ans. En outre, il n’hésita pas à parler, comme le fit avant lui Alain Juppé, de la nécessité de recourir à l’immigration pour régler cette question de l’équilibre des régimes de retraite, tout en prenant soin de placer ce débat migratoire sur le plan européen. Pour autant, il fut confirmé dans son poste.</p>
<h2>Un problème d’ores et déjà réglé</h2>
<p>Des problèmes d’atteinte à la déontologie l’ont conduit à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/12/16/le-haut-commissaire-aux-retraites-jean-paul-delevoye-demissionne_6023050_823448.html">démissionner fin 2019</a>. Le départ d’une figure emblématique du dialogue social, puis la crise du Covid, eurent raison de la réforme systémique voulue par le président Macron. En 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe avait proposé une réforme qui conduisit à plusieurs semaines de grèves et de manifestations.</p>
<p>Le texte maintenait l’idée de la généralisation d’une retraite par points et l’unification des régimes, mais il s’avéra confus en imaginant un report progressif de l’âge légal à 64 ans tout en maintenant l’idée d’un départ possible dès 62 ans, sans annoncer précisément les décotes liées à un départ précoce ni la liste précise des exceptions au départ à 64 ans pour les métiers difficiles.</p>
<p>En 2022, le candidat Macron a repris ce dernier projet en abandonnant toutefois son idée initiale de système par points pour s’en tenir au report de l’âge légal cette fois-ci à 65 ans, plagiant ainsi les réformes proposées par les politiques les plus libéraux, Valérie Pécresse en l’occurrence dans la campagne de premier tour.</p>
<p>Cependant, un examen sérieux du dossier nous permet d’affirmer que la question de l’équilibre des régimes de retraite, qu’il s’agisse du régime général ou celui des retraites complémentaires, est d’ores et déjà réglée.</p>
<p>En effet, les effets de la réforme Fillon-Woerth (2010) complétée par la réforme Touraine (2014) avec le recul de l’âge légal à 62 ans et l’allongement de la durée de cotisation à 42 ans (génération née en 1961,62,63) puis à 43 ans (personnes nées à partir de 1973), pour pouvoir prétendre toucher la retraite du régime général à taux plein, ainsi que la réforme des retraites complémentaires négociée entre les partenaires sociaux (2015) qui augmente la durée du travail d’une année pour éviter l’application d’une décote de 10 % pendant 3 ans sur le montant des retraites complémentaires, ont conduit à une augmentation spectaculaire ces 5 dernières années du taux d’emploi des 55-64 ans (40 % en 2010, 46 % en 2012 et 56,2 % en 2020).</p>
<p><iframe id="ja0Hc" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ja0Hc/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si nous ne regardons que les 60-64 ans, il passe de <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/562">20 % en 2010 à 33 % en 2020</a>. Tout naturellement l’âge moyen de départ à la retraite (femme-homme) ne cesse d’augmenter (60,5 en 2010 à 61,4 et à 62,2 en 2019).</p>
<h2>La réponse migratoire éludée</h2>
<p>Ces données montrent que la question de l’âge légal n’est pas pertinente pour aborder la question des retraites. C’est bien la durée de cotisation qui est la mesure la plus appropriée. À cet égard, la France dispose de l’un des régimes de répartition les plus durs. La comparaison des systèmes nationaux se fait de façon trop superficielle pour livrer des enseignements intéressants. Ainsi lorsque les commentateurs avancent la durée de cotisation fixée à 45 ans en Allemagne pour stigmatiser les mesures françaises qui seraient insuffisantes, ils se gardent de préciser que les années d’apprentissage entrent dans le calcul des années cotisées dans un pays où la moitié d’une classe d’âge suit ce type de formation.</p>
<p><iframe id="BCIMO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BCIMO/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De même les prévisions de déficit annoncées par le Conseil d’orientation des retraites (COR) pour les années à venir reposent-elles sur d’insupportables hypothèses malthusiennes s’agissant de la quantification de la population active. Certes, la démographie l’explique mais le Conseil élude la réponse migratoire possible.</p>
<p>Dans son dernier rapport de 2021, il retient pour l’avenir les tendances migratoires de la dernière décennie, marquée par des politiques restrictives, nettement inférieures aux évolutions des années antérieures à 2010. Aux 80 000 entrées retenues, il suffirait de compter sur l’apport de 50 000 personnes supplémentaires. Nous voilà bien loin des prévisions migratoires apocalyptiques.</p>
<p>Nous pouvons ainsi suspecter le président candidat, rallié aux thèses les plus libérales sur ce dossier alors que sa position de 2017 le classait au centre gauche, de vouloir financer la dépendance à l’aide des cotisations retraites.</p>
<p>La jeune génération appréciera d’être à nouveau l’otage des « boomers » dont la grande majorité est loin du besoin. Bénéficiaires patrimonialement de la hausse ahurissante des prix de l’immobilier, empêchant les jeunes de se loger décemment dans les grands centres urbains, les voilà demandant aux actifs de les aider pour leurs vieux jours. En plagiant le programme libéral, le président candidat semble avant tout chercher à capter <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/reports-des-voix-age-revenus-la-sociologie-du-vote-au-second-tour-60214">l’électorat fillonniste de 2017</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Laurent représente la CFTC au Conseil Economique Social Environnemental (CESER) de la région Auvergne-Rhône-Alpes . </span></em></p>Bien que le modèle français soit aujourd’hui nettement moins fragile qu’il y a quelques années, les ministres de la majorité insistent, à peine Emmanuel Macron réélu, sur la nécessité d'une réforme.Bernard Laurent, Professeur, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1774102022-03-16T21:04:05Z2022-03-16T21:04:05ZPrise en charge des personnes âgées : quel rôle pour les départements ?<p>En France, on compte <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-06/L%E2%80%99aide%20et%20l%E2%80%99action%20sociales%20en%20France%20-%20Perte%20d%E2%80%99autonomie%2C%20handicap%2C%20protection%20de%20l%E2%80%99enfance%20et%20insertion%20-%20%C3%89dition%202020_1.pdf">entre 1,3 et 3,9 millions de personnes âgées en perte d’autonomie</a>.</p>
<p>De nos jours, la probabilité d’atteindre un âge élevé, où l’on ne peut parfois plus réaliser des activités essentielles à la vie quotidienne, est bien plus importante que par le passé. Si cette dynamique se poursuit malgré la crise du Covid-19, il faut s’attendre à une forte croissance de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4196949">population âgée en perte d’autonomie</a>, et des coûts sociaux et économiques associés.</p>
<p>Quels seront les besoins ? Comment financer les services qui y répondront ? Les propositions politiques sur ces questions se font timides, notamment <a href="https://theconversation.com/presidentielle-2022-une-vraie-politique-du-vieillissement-reste-a-inventer-174975">parce qu’elles impliquent la mobilisation de ressources conséquentes</a>. Depuis l’<a href="https://theconversation.com/Ehpad-et-maltraitance-comment-sortir-de-la-crise-176045">affaire Orpéa</a>, les candidats à la présidentielle semblent <a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/creation-de-postes-en-ehpad-revalorisation-des-salaires-les-candidats-se-mettent-a-louvrage-sur-le-grand-age-20220206_4HZNXRTMRVEIFPM3WI67YRIEOE/">investir un peu plus le sujet</a>.</p>
<h2>Une multitude d’acteurs et de financeurs</h2>
<p>La perte d’autonomie correspond à l’impossibilité totale ou partielle de réaliser seul un ensemble d’activités du quotidien. Différents dispositifs peuvent aider les personnes à accomplir, ou faire à leur place, ces activités : des aides techniques, des aménagements du logement, de l’aide humaine (professionnelle ou de l’entourage) ou un hébergement collectif.</p>
<p>Ces dispositifs ont un coût social et économique. Souvent oubliés, les coûts de l’aide de l’entourage, de la formation du personnel soignant, ou encore des investissements pour construire des établissements ou les rénover doivent être aussi pris en compte. Sur ce dernier point, une <a href="https://www.cnsa.fr/documentation/cnsa_-_situation_Ehpad_2017-2018_vf.pdf">étude de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)</a> indique que la moitié des Ehpad interrogés ont un parc immobilier vétuste et « le renouvellement des installations […] devient urgent ».</p>
<p>Ces éléments sont actuellement invisibilisés et constituent pourtant une charge qu’il faut provisionner, puisqu’elle se répercutera soit sur les coûts à la charge des personnes, soit sur les dépenses publiques.</p>
<p>Actuellement, le <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1032.pdf">« compte de la dépendance »</a>, correspond aux dépenses de prise en charge en établissement ou à domicile couvertes par les finances publiques (État, sécurité sociale, départements…) ou par les individus.</p>
<p>Ces dépenses représentent <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1032.pdf">30 milliards d’euros en 2014</a>, hors prise en charge non rémunérée par l’entourage. <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/dss50.pdf">La Sécurité sociale est le premier apporteur de ressources</a>, devant les ménages, les collectivités territoriales (principalement les départements) et l’État.</p>
<p>Alors même que <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527579">l’article 72 de la Constitution</a> et la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000804607?page=1&pageSize=10&query=Loi+relative+aux+libert%C3%A9s+et+responsabilit%C3%A9s+locales+&searchField=ALL&searchType=ALL&tab_selection=all&typePagination=DEFAULT">Loi relative aux libertés et responsabilités locales</a> définissent le département comme « chef de file » en matière d’action sociale, sa contribution n’est finalement que d’un quart des dépenses totales liées à la dépendance.</p>
<h2>Réalité budgétaire très contrainte</h2>
<p>Le département est pourtant responsable de l’évaluation des besoins des personnes âgées, du financement d’une partie des dépenses d’aide professionnelle à domicile et en établissement (partie dépendance) et de la gestion de l’offre à domicile et en établissement (avec les agences régionales de santé).</p>
<p>On fait donc face à une contradiction importante entre d’une part, la responsabilité et la liberté données aux départements sur la politique d’accompagnement des personnes âgées, et d’autre part, la réalité budgétaire très contrainte à laquelle ils font face.</p>
<p>Par ailleurs, les différences territoriales de prise en charge (financière et humaine) de la perte d’autonomie soulèvent des questions en termes d’équité de l’action publique à l’égard des personnes âgées dépendantes. L’aide professionnelle apparaît relativement plus <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ressources-et-methodes/estimer-les-besoins-locaux-de-prise-en-charge-de-la-perte-dautonomie-des">spécialisée dans la prise en charge à domicile (par exemple dans le nord de la France et sur la diagonale Normandie-Lozère) ou plus spécialisée dans la prise en charge en établissement (par exemple en Bretagne, Centre-Val de Loire ou Sud de l’Auvergne)</a>.</p>
<p>La prise en charge financière n’est pas non plus complètement concordante avec les besoins de prise en charge. On note que la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/les-disparites-dapa-domicile-entre-departements">proportion de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile par département n’est pas uniquement liée à la proportion de personnes âgées dépendantes qui y vivent</a>.</p>
<p>Le plus faible accès à cette allocation peut relever de choix départementaux relatifs à la répartition entre chaque poste de dépenses d’aide sociale. <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales-departements">En la matière, les écarts sont significatifs : la part de dépenses d’APA dans l’ensemble des dépenses obligatoires d’aide sociale des départements varie de 6 % (Paris) à 32 % (Corse)</a>.</p>
<p>Régulièrement, la CNSA se voit enjointe de renforcer les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/consultation-place-des-personnes-agees/concertation-grand-age-et-autonomie/article/rapport-de-la-concertation-grand-age-et-autonomie">« garanties d’équité entre les territoires »</a> dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Ces injonctions restent cependant relativement peu opératoires faute de l’existence d’une norme d’équité clairement explicitée.</p>
<h2>Les implications de la gestion décentralisée</h2>
<p>La première source de tension de la gestion décentralisée concerne le double rôle d’évaluateur et de financeur donné aux départements. Comment peut-on espérer, dans un système à budget limité, que les départements évaluent de façon neutre les besoins des personnes âgées dont les dépenses vont leur incomber ?</p>
<p>Il en résulte des <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2022/01/Note_IPP77_A__Carrere-1_compressed.pdf">écarts importants</a> entre la perte d’autonomie estimée par enquête et l’évaluation qui en est faite par les départements dans le cadre de l’APA. Pour tous les départements, la perte d’autonomie estimée par enquête est supérieure à celle évaluée par les départements. L’écart relatif est le plus élevé en Guadeloupe et le plus faible dans l’Hérault.</p>
<p>Ces écarts laissent penser que les départements sont incités à minimiser les besoins mesurés pour tenter de contenir leurs dépenses.</p>
<p>D’un autre côté, est-il souhaitable qu’ils évaluent les personnes et engagent les dépenses, sans prendre en compte le coût induit ?</p>
<p>Comme le rappelle la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-revenu-de-solidarite-active-rsa">Cour des comptes dans son récent rapport sur le revenu de solidarité active (RSA)</a>, « le principe “décideur = financeur” est au cœur du choix de la décentralisation », et « la situation dans laquelle l’État finance mais le département décide ne peut que générer un risque sérieux de dérive de la dépense et un contrôle structurellement faible de l’attribution à bon droit ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447799/original/file-20220222-21-nyd7q0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Truthseeker08/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>La deuxième tension provient de la possibilité de substituer, pour certaines tâches, des professionnels du secteur médical (les infirmières) qui sont financés par l’Assurance maladie, à des professionnels du secteur médico-social (les aides-ménagères), qui sont financés par les départements.</p>
<p><a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ressources-et-methodes/estimer-les-besoins-locaux-de-prise-en-charge-de-la-perte-dautonomie-des">Au-delà de la répartition domicile/établissement</a>, il peut exister des stratégies différentes de répartition entre <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/accompagnement-professionnel-de-la-dependance-des-personnes">secteurs médical et médico-social</a>.</p>
<p>Ces deux secteurs ne relevant pas de la même enveloppe budgétaire, l’incitation des départements à moins financer les besoins des personnes âgées et laisser le secteur médical (infirmières) prendre le relais peut être forte dans les départements les plus limités budgétairement.</p>
<p>Il en résulte un recours à l’aide très différent entre département, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-12/VQS%202014.pdf">à domicile</a> comme en <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2021-2-page-327.htm">établissement</a>, et ce même à besoins de prise en charge équivalents.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-population-2021-2-page-327.htm">Une analyse économétrique montre que si tous les départements étaient dotés de la même quantité d’offre</a>, ces différences de recours tendraient à disparaître.</p>
<p>Cela suggère que l’amélioration de la prise en charge doit passer par un élargissement des choix présentés aux individus. D’autant plus que l’abondance de l’offre est souvent associée à des coûts plus faibles.</p>
<p>Enfin, l’inégalité d’accès à l’offre de prise en charge conduit à des <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2022/01/Note_IPP77_A__Carrere-1_compressed.pdf">mobilités géographiques des personnes âgées lors de leur entrée en établissement</a> qui modifient le paysage de la perte d’autonomie en France.</p>
<p>Grâce au principe de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074069/LEGISCTA000006157559/">domicile de secours</a>, la charge financière des mobilités interdépartementales n’est pas répercutée sur les départements d’accueil des personnes âgées en établissement. Toutefois, ces mobilités, souvent difficiles pour les familles et pas toujours choisies, questionnent l’adéquation de l’offre aux besoins.</p>
<h2>L’aide à domicile, un secteur à repenser</h2>
<p>Enfin, une réflexion sur l’organisation économique du secteur de l’aide à domicile est nécessaire. Tout comme celui des établissements, il est partagé entre acteurs publics, privés et associatifs, parfois à la limite de la viabilité économique.</p>
<p>Il connaît des difficultés de recrutement importantes, ce qui fait du temps des aides à domicile qui y travaillent une ressource d’autant plus précieuse.</p>
<p>Or, une part importante de cette ressource est actuellement <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2021-1-page-45.htm">perdue en temps de trajets</a>. Faut-il favoriser la concentration des structures afin de faire des économies d’échelle ? Coordonner les acteurs privés ? Mettre en place un « service public de l’aide à domicile » ? Ou encore, <a href="https://lemag.seinesaintdenis.fr/Le-Departement-soutient-l-habitat-partage-et-solidaire">encourager l’habitat inclusif où les personnes âgées se regrouperaient</a> pour mutualiser les services ?</p>
<p>Même si l’on maintient le rôle du département dans l’évaluation des besoins et la gestion de l’offre de prise en charge pour y répondre au plus près, on ne peut plus faire l’impasse sur une réflexion nationale sur ces choix économiques, sociaux et politiques.</p>
<p>Les candidats à l’élection présidentielle devraient s’en saisir et faire des propositions concrètes, au lieu d’espérer repousser une fois encore le sujet, jusqu’au moment où <a href="https://blog.ipp.eu/2020/12/02/construire-1-000-Ehpad-dici-2030-ou-repenser-la-prise-en-charge-des-personnes-agees-dependantes/">il sera trop tard pour développer une offre à la mesure des besoins</a> des baby-boomers vieillissants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Carrère est membre de l'Institut des politiques publiques (IPP). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Delphine Roy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les départements ont un rôle central dans l’évaluation des besoins et le financement des dépenses liées à la perte de dépendance.Amélie Carrère, Economiste, Institut National d'Études Démographiques (INED)Delphine Roy, Directrice du programme "Santé et autonomie" de l'IPP, Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749752022-01-25T19:42:48Z2022-01-25T19:42:48ZPrésidentielle 2022 : une « vraie » politique du vieillissement reste à inventer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440836/original/file-20220114-15-i037t3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Repenser le vieillissement de la société et ses enjeux politiques et sociétaux devrait être à l'agenda de la campagne présidentielle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/vieille-personnes-ag%C3%A9es-homme-3688950/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>À ce jour, le vieillissement de la population n’apparaît pas comme un thème central de la campagne présidentielle. Il est vrai que durant le quinquennat Macron (2017-2022), les deux réformes envisagées, l’une visant la refonte du système des retraites, l’autre l’instauration d’une politique de soutien au grand âge, ont été toutes deux <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/15/emmanuel-macron-confirme-l-abandon-de-la-reforme-des-retraites-avant-l-election-presidentielle_6106216_823448.html;https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/30/loi-grand-age-histoire-d-une-promesse-non-tenue_6104180_3224.html">abandonnées</a> en cours de route ce qui est à même de refroidir bien des ardeurs.</p>
<p>Certes, la situation sanitaire n’a pas été aisée pour mener deux politiques nécessitant des mesures d’envergure susceptibles de modifier l’architecture d’une partie du système de protection sociale, d’autant que la réforme des retraites avait suscité un <a href="https://reporterre.net/Retraites-sept-semaines-d-un-mouvement-social-inedit">vaste mouvement de protestation sociale</a> tout au long de l’année 2020.</p>
<p>Quant à la loi appelée dans un premier temps « Grand âge et autonomie », puis <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/autonomie/article/generations-solidaires">« Générations solidaires »</a>, elle s’est simplement transformée en diverses mesures intégrées à la loi 2022 de financement de la sécurité sociale.</p>
<p>Et pourtant, il s’agissait d’un projet de loi déjà à l’ordre du jour sous le quinquennat Sarkozy, puis sous le quinquennat Hollande, qui n’avait alors débouché que sur une loi d’« adaptation de la société au vieillissement » avec une ambition budgétaire bien moindre (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031700731/">loi ASV du 28 décembre 2015</a>).</p>
<p>En réalité, mettre à l’agenda public la question du vieillissement revient à se heurter à la nécessaire mobilisation de ressources budgétaires conséquentes.</p>
<p>Ainsi, sur la question des retraites, le Conseil d’orientation des retraites estime dans son <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/562">dernier rapport de juin 2021</a> que le déficit du régime avait atteint 13 milliards en 2020. Et sur la question de la prise en charge de la dépendance, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/remise-du-rapport-libault-sur-la-concertation-grand-age-et-autonomie">rapport Libault</a> préparatoire à la réforme estimait en 2019 un besoin de financement de l’ordre de 9,2 milliards par an d’ici 2030.</p>
<h2>Un débat politique focalisé sur les dépenses de protection sociale</h2>
<p>Cette situation aboutit à ce paradoxe : alors que le corps électoral âgé est surreprésenté, avec une participation électorale augmentant continûment jusqu’à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3140794">75-80 ans :</a> et qu’une partie des élus sont eux-mêmes âgés, comment se fait-il que le vieillissement ne soit pas au cœur de l’agenda politique ?</p>
<p>Le coût budgétaire d’une telle politique, constitue évidemment une raison incitant les candidats les plus sérieux à être prudents dans leurs promesses. Et a contrario, cela conduit régulièrement les principaux acteurs du monde professionnel et de la société civile à réclamer une « vraie » réforme dans le champ de la vieillesse et à déplorer le manque de moyens.</p>
<p>Pourtant, une « vraie » réforme ne peut se limiter aux enjeux de protection sociale. Ces derniers sont bien évidemment très importants et c’est d’ailleurs grâce au système de protection sociale, notamment de sécurité sociale, que les personnes âgées bénéficient aujourd’hui <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/protection-sociale-paie-cout-vieillissement-de-population">d’un niveau de vie plus élevé</a> en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE.</p>
<p>Et la transformation récente de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) en caisse de sécurité sociale indique que la dynamique se poursuit (cf. l’ordonnance du 1<sup>er</sup> décembre 2021). Mais on est là sur une approche et des réponses qui reposent sur une « solidarité froide », de nature macro-économique, qui néglige la question de la place et du rôle des personnes âgées dans les sociétés modernes.</p>
<h2>Une représentation sociale négative des plus âgés</h2>
<p>La protection sociale ne peut être en réalité qu’un élément de réponse aux enjeux soulevés par le vieillissement de la population. Non seulement elle nécessite d’importants moyens financiers qui tendent à annihiler les velléités de réforme et à susciter des crispations sociales, mais en outre elle contribue à forger une représentation sociale négative des plus âgés.</p>
<p>Ces derniers deviennent une catégorie cible bénéficiaire d’aides toujours plus importantes, générant un grisonnement des dépenses sociales susceptible de déboucher à terme sur un hypothétique <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/29/francois-de-closets-la-generation-predatrice-du-toujours-plus-devrait-avoir-honte_6041118_3232.html">conflit</a> entre générations.</p>
<p>Dans ce contexte, les sociétés modernes condamnent les personnes âgées à vouloir rester jeunes pour tenter d’échapper <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/personnes-agees/article/reussir-la-transition-demographique-et-lutter-contre-l-agisme">à l’âgisme ambiant</a>.</p>
<p>Ce n’est donc pas un hasard si la « silver économie » a le vent en poupe depuis quelques années dans la mesure où elle promeut l’idée que le vieillissement ne représente pas un coût mais une <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/silver-economie-definition">richesse pour la société</a>. Il s’agit toutefois là d’une alternative trompeuse car si elle inverse effectivement la représentation des seniors (qui passent du statut de bénéficiaires d’aides à celui d’agents économiques), elle les enferme dans un rôle réducteur de simple consommateur.</p>
<h2>Une politique du vieillissement à inventer</h2>
<p>Le vrai défi pour l’avenir consiste à inventer une politique du vieillissement capable de redonner une place à part entière aux personnes vieillissantes, pas seulement en tant que bénéficiaires d’aides ou pour garder les petits-enfants.</p>
<p>La « révolution de l’âge » nécessiterait de repenser l’ensemble des fondements de la politique menée en direction des personnes âgées qui avaient pourtant été posés dans le cadre d’un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/couv/aplat/9782343030586.pdf">rapport public</a> publié en… 1962 (cf. rapport de la Commission d’Etudes des Problèmes de la Vieillesse appelé plus communément « Rapport Laroque »).</p>
<p>Mais depuis, malgré l’existence de nombreux programmes et rapports, l’État semble avoir perdu la capacité à impulser une politique globale susceptible de tenir compte de l’avancée des <a href="https://pur-editions.fr/product/8558/vieillesses-et-vieillissements">connaissances sociologiques sur le vieillissement</a>.</p>
<p>En l’occurrence, trois enjeux nous paraissent primordiaux pour définir une « vraie » politique du vieillissement. Ces enjeux reposent sur l’idée centrale qu’une politique du vieillissement n’est pas une politique s’adressant aux seules personnes âgées : c’est un projet de société visant l’ensemble des individus dont on sait, dès leur naissance, qu’ils sont tous amenés à vieillir…</p>
<h2>Sensibiliser toute la population</h2>
<p>Le premier enjeu serait ainsi de définir une politique de l’avancée en âge tout au long de la vie. Les problèmes liés à la vieillesse ne sont pas propres aux « vieux » : ils surviennent au fil de l’avancée en âge du fait d’événements qui se sont greffés bien antérieurement dans leur histoire de vie. On n’est pas vieux, on le devient. C’est donc bien en amont que se dessinent les inégalités qui ne vont que s’amplifier au moment de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3322051">retraite</a>.</p>
<p>Par ailleurs, il est nécessaire de promouvoir une société créatrice de liens sociaux. L’isolement social n’est pas propre aux plus âgés. Néanmoins, comme l’ont révélé la <a href="https://www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/prises-de-positions/mort-sociale-luttons-contre-l-aggravation-alarmante-de-l-isolement-des-aines">canicule de l’été 2003 et de multiples études</a>, la population âgée est particulièrement vulnérable dans les sociétés fondées sur la mobilité. Pourtant, le réseau « villes amies des aînés », qui consiste à inciter les pouvoirs publics locaux à mieux prendre en compte les besoins de la population vieillissante, démontre qu’il est possible de repenser la manière dont les territoires favorisent – ou non – les <a href="http://www.villesamiesdesaines-rf.fr/">liens entre les âges</a>.</p>
<p>Par ailleurs, rappelons que la sur-technologisation des sociétés modernes ne constitue pas une solution : l’Insee rapporte ainsi qu’en 2019, 26,7 % des personnes âgées de 60-74 ans et 67,2 % des plus 75 ans étaient en situation d’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397">illectronisme</a>.</p>
<p>Il faut aussi reconnaître aux personnes, fussent-elles vieillissantes, une pleine citoyenneté. Une telle évidence a pourtant été contredite durant la crise sanitaire qui a conduit l’État à brider la liberté des plus âgés au nom de leur supposée vulnérabilité, particulièrement pour ceux résidant en Ehpad comme le rappelait <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/274054-confinement-dans-les-ehpad-les-reserves-du-comite-dethique">l’avis</a> du Conseil consultatif national d’éthique ou le <a href="https://defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2021/05/rapport-les-droits-fondamentaux-des-personnes-agees-accueillies-en-ehpad">rapport du Défenseur des droits</a>.</p>
<p>La tentation sanitaire et sécuritaire tend à prendre le dessus et à occulter le fait que les personnes âgées sont avant tout des adultes capables de faire preuve d’autonomie au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de se gouverner selon ses propres lois. Il a en effet été démontré que si l’on excepte les troubles sévères, l’individu dispose toujours de ressources, parfois non verbales, pour exprimer son point de vue pour peu que la <a href="https://alzheimer-ensemble.fr/sz-content/uploads/2020/04/reperes_alzheimer_02.pdf">société le sollicite</a>. Dans tous les cas, il ne fait pas de doute que le renouvellement générationnel contribuera de toute façon à ce que les « nouveaux vieux » soient amenés à défendre avec ardeur leur volonté de rester des citoyens à part entière jusqu’à la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/28/des-personnalites-s-organisent-pour-imposer-un-debat-sur-la-vieillesse-a-la-presidentielle_6107513_3224.html">fin de leur vie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je suis président du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
</span></em></p>Alors que le corps électoral âgé est surreprésenté et qu’une partie des élus sont eux-mêmes âgés, comment se fait-il que le vieillissement ne soit pas au cœur de l’agenda politique ?Dominique Argoud, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1739392022-01-02T17:23:20Z2022-01-02T17:23:20ZLe travail, c’est la santé… mais la retraite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438049/original/file-20211216-27-1mi7lrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C19%2C1196%2C878&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La retraite a pour effet de diminuer l’anxiété des personnes ayant subi des contraintes psychosociales pendant leur carrière professionnelle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/dauphin-poisson-mahimahi-597379/">BeautifulKeyWest / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La lancinante question de la réforme des retraites reste invariablement associée au recul de l’âge de liquidation des droits. Pourtant, les chances de poursuite d’une activité professionnelle au-delà de l’âge de 60 ans restent très fortement liées à la santé des seniors.</p>
<p>En 2021, plus d’un tiers des salariés français estiment que le travail détériore leur santé, contre <a href="https://www.eurofound.europa.eu/fr/data/european-working-conditions-survey">seulement 23 % en Europe</a>. Les expositions au bruit, à la poussière, aux produits chimiques ou aux agents infectieux, au port de charges lourdes et aux mouvements répétitifs des mains figurent parmi les contraintes physiques les plus discriminantes en France d’après Eurofound.</p>
<p>De plus, depuis une trentaine d’années, le travail se densifie, les rythmes s’accélèrent, l’autonomie se réduit. D’après l’enquête européenne sur les conditions de travail de 2015, <a href="https://www.eurofound.europa.eu/fr/surveys/european-working-conditions-surveys/sixth-european-working-conditions-survey-2015">l’environnement social du travail</a> (perception du management, aide et soutien des collègues, des managers, comportements sociaux, discrimination et climat social en général) est d’ailleurs devenu une contrainte majeure, la France se situant dans les dernières positions parmi les pays de l’Union européenne à l’aune de ce critère-là.</p>
<p><iframe id="nQ8Y4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nQ8Y4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il est fort à parier qu’en cas de nouveau recul de l’âge de la retraite, certains de ces salariés n’auront pas la capacité physique, voire psychique, de se maintenir en emploi à des âges plus avancés. D’ailleurs, la réforme des retraites de 1993 (allongeant la durée de cotisation) avait <a href="https://econpapers.repec.org/article/adranecst/y_3a2019_3ai_3a133_3ap_3a57-86.htm">dégradé la santé perçue</a> des personnes peu diplômées, plus enclines à connaître des carrières physiquement pénibles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/repousser-lage-de-la-retraite-peut-etre-nocif-47176">Repousser l’âge de la retraite peut être nocif</a>
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<p>Quelles sont alors en France les conséquences de la retraite sur la santé physique et mentale et comment tenir compte, de façon précise, de l’exposition à des conditions de travail physiques et psychosociales dégradées au long de la carrière professionnelle dans cette relation ? C’est à cette question que nous répondons dans notre dernier article publié dans la revue <a href="https://annals.ensae.fr/"><em>Annals of Economics and Statistics</em></a>.</p>
<p>Deux hypothèses concurrentes et très intuitives coexistent dans la littérature traitant du rôle de la retraite sur l’état de santé.</p>
<h2>« Retirement Blues » ou une retraite bien méritée ?</h2>
<p>Dans un pamphlet particulièrement virulent à l’endroit de la médecine du XVIII<sup>e</sup> siècle, Jean-Jacques Rousseau estime que « la tempérance et le travail sont les meilleurs médecins de l’homme ». Il est utile de rappeler que les personnes en emploi sont en moyenne en <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2013-009.pdf">meilleure santé que celles ne travaillant pas</a>.</p>
<p>Assez naturellement donc, la première hypothèse suppose que la sortie du marché du travail conduit à une <a href="https://academic.oup.com/psychsocgerontology/article/57/3/P212/581321">perte de rôle social</a>, une réduction du capital social et donc une détérioration de la santé (renforcée par une perte en termes de niveau de vie). Des anglicismes, tels que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28505541/">« retirement blues »</a> ou encore <a href="http://jhr.uwpress.org/content/52/1/128.short">« unhealthy retirement »</a>, traduisent cette situation de manière particulièrement explicite.</p>
<p>L’environnement de travail apparaît également plus stimulant sur le plan cognitif que la retraite. Plusieurs auteurs corroborent cette hypothèse et mettent en évidence l’influence négative de la retraite sur les <a href="https://econpapers.repec.org/article/uwpjhriss/v_3a52_3ay_3a2017_3ai_3a1_3ap_3a128-151.htm">capacités cognitives</a>, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hec.1712">maladies chroniques</a>, la dépression ou la mobilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438045/original/file-20211216-23-3ewdjz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La perte de rôle social à la retraite peut favoriser la dépression.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/483984">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>A contrario, la seconde hypothèse postule que la retraite peut libérer des individus de situations de tensions professionnelles et peut donc améliorer leur état de santé à court terme. Ce cercle vertueux peut être durable si les individus ont la capacité d’investir dans leur santé. Ainsi, de nombreuses études empiriques internationales démontrent que la retraite est bénéfique pour la santé en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167629610001414">Europe</a> et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12122-007-9036-8">aux États-Unis</a>.</p>
<p>Comment alors trancher entre ces deux hypothèses ? En réalité, l’effet net de la retraite dépend grandement du moment auquel elle intervient. L’effet positif reste souvent associé à une retraite anticipée, et concerne principalement les individus ayant commencé leur carrière tôt et très exposés à la pénibilité du travail, réputée pour avoir des effets de long terme sur l’état de santé, en <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2018-1-page-61.htm">France</a> comme <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hec.1616">à l’étranger</a>.</p>
<p>En France, la probabilité de se déclarer en mauvaise santé est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953618306816">significativement plus faible pour les retraités</a> que pour les individus qui restent en emploi à des âges avancés. Les travailleurs qui prennent leur retraite le plus tôt possible améliorent notamment <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29040897/">leurs capacités cognitives</a>.</p>
<h2>Le rôle protecteur de la retraite</h2>
<p>À partir de données rétrospectives issues de l’<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/06-lenquete-sante-et-itineraire-professionnel-sip">enquête</a> Santé et itinéraire professionnel (2006, 2010) de la Drees et la Dares, <a href="https://doi.org/10.15609/annaeconstat2009.144.0039">notre étude</a>, qui reconstitue l’intégralité des expositions passées aux conditions de travail pour chaque année de vie professionnelle, confirme ces effets.</p>
<p>Ces conditions de travail, dont le rôle est étudié spécifiquement dans cette étude, sont de deux ordres : physique (travail de nuit, travail répétitif, travail physiquement exigeant et exposition à des produits toxiques ou nocifs) et psychosocial (plein emploi des compétences, travail sous pression, tensions avec le public, reconnaissance du travail à sa juste valeur, conciliation travail et obligations familiales, bonnes relations de travail avec mes collègues). Nous construisons ainsi deux indicateurs synthétiques et considérons une personne comme exposée si son degré d’exposition est supérieur à la moyenne.</p>
<p>Comme attendu, le rôle protecteur de la prise de retraite reste très prononcé parmi les personnes dont le travail a été éprouvant. Pour les personnes confrontées à des contraintes physiques, la retraite améliore principalement la santé générale, tandis que pour les personnes ayant subi des contraintes psychosociales, elle diminue plus sensiblement l’anxiété et la dépression.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438041/original/file-20211216-25-e3l2dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La recherche a démontré que la pénibilité du travail produisait des effets de long terme sur la santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/amenagement_numerique/3292960106">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, on observe les effets les plus visibles de la retraite dans la population masculine peu qualifiée et exposée à des contraintes physiques, pour laquelle on enregistre une diminution de 21,2 points de pourcentage (pp) de la probabilité de se déclarer en mauvaise santé et de 13,7pp pour les maladies chroniques, 16pp pour les limitations d’activité et 8pp pour l’anxiété ou la dépression.</p>
<p>Plus surprenant, la retraite améliore également, dans une moindre mesure, la santé perçue des personnes peu ou pas exposées et réduit leur niveau de dépression et d’anxiété.</p>
<p>Enfin, il est à noter que l’effet bénéfique de la retraite sur la santé ne résorbe pas complètement l’effet néfaste des conditions de travail passées sur la santé, tout particulièrement chez les personnes les plus exposées.</p>
<h2>Un mal-être des seniors au travail</h2>
<p>Ces résultats interrogent les modalités de compensation et la légitimité d’une approche quasi exclusivement réparatrice des conséquences délétères de la pénibilité du travail.</p>
<p>À défaut de conduire des politiques de prévention, divers mécanismes ciblés de réparation ont été introduits depuis le début des années 2000. Certains reconnaissent la spécificité des carrières longues débutées précocement et souvent éprouvantes (<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13845">retraite anticipée pour carrières longues</a> mise en place en 2003). D’autres visent à directement mesurer l’exposition aux contraintes physiques du travail justifiant une dérogation à l’âge légal de la retraite (Compte personnel de prévention de la pénibilité – C3P – en 2014, ensuite réduit en termes de périmètre au <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504">Compte personnel de prévention</a> – C2P – en 2017).</p>
<p>Ces dispositifs apparaissent limités au moins à deux titres. Tout d’abord, les écarts d’espérance de vie liés aux différences d’expositions aux conditions de travail pénibles ne sont que partiellement compensés. Le compte pénibilité ne permet par exemple d’anticiper le départ à la retraite au maximum que de deux années. Or, à l’âge de 62 ans, les bénéficiaires de pensions d’inaptitude au travail peuvent espérer vivre <a href="https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-07/Doc_11_Cadrage_Retraites%20pour%20inaptitude_2019.pdf">près de cinq années de moins</a> que les retraités du régime général.</p>
<p><iframe id="0Jb4d" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0Jb4d/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ensuite, les risques psychosociaux au travail ne sont pas pris en compte, alors même qu’ils <a href="https://theconversation.com/comment-lexposition-passee-aux-risques-psychosociaux-affecte-la-sante-des-retraites-73022">dégradent fortement la santé mentale</a> mais aussi physique en France.</p>
<p>Le fait que la retraite améliore la santé de tous constitue donc sans doute le révélateur d’un mal-être au travail généralisé parmi les seniors français. Le maintien en bonne santé au travail exige alors de mener des politiques de santé systémiques plus ambitieuses, agissant sur l’ensemble du cycle de vie (politique de formation, de l’emploi, de prévention et de santé au travail ainsi que de protection des personnes exclues du marché du travail), pour sortir d’une politique de soins stricto sensu ou de compensation ex post.</p>
<p>Elles doivent répondre à l’insatisfaction singulière des salariés français en termes de risques psychosociaux, de sentiment de perte d’autonomie et plus fondamentalement de perte de sens au travail. Albert Camus n’indiquait-il pas dans <em>Le mythe de Sisyphe</em> (1942) qu’« il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir » ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche a bénéficié d'un financement de la Chaire "Transitions démographiques, Transitions économiques" (TDTE) </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Defebvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche montre que les effets positifs qu’entraîne globalement la fin de la carrière dépendent étroitement des conditions de travail passées.Thomas Barnay, Professeur de sciences économiques (en disponibilité) / Visiting Professor, Health Care Policy Department, Harvard Medical School and French Harkness Fellow in Health Care Policy and Practice (The Commonwealth Fund) (2021-2022), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Éric Defebvre, Maître de Conférence en Sciences Économiques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1548122021-02-09T19:20:46Z2021-02-09T19:20:46ZCe qui pousse les snowbirds à migrer vers le Sud malgré la pandémie et les restrictions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/383348/original/file-20210209-21-1rapsn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C6689%2C4456&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pandémie de Covid-19 a restreint les voyages, mais plusieurs choisissent de partir quand même pour toutes sortes de raisons, bonnes ou mauvaises...</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qu’est-ce que certains oiseaux, papillons et baleines ont en commun avec des dizaines de milliers de Canadiens âgés ? Ils migrent tous chaque année vers le Sud pour y passer l’hiver.</p>
<p>Bien que nous ne sachions pas exactement combien il y a de snowbirds au Canada, un rapport récent de Statistique Canada suggère que, en temps normal, de <a href="https://www.statcan.gc.ca/fra/quo/smr08/2018/smr08_231_2019">300 000 à 375 000 retraités migrateurs se rendent aux États-Unis et au Mexique chaque année</a>, sans compter les autres destinations populaires.</p>
<p>Les mots « en temps normal » sont importants, car voyager vers le Sud pendant la pandémie de la Covid-19 ne se passe pas comme d’habitude.</p>
<p>En temps normal, les snowbirds organiseraient leurs repas communautaires et participeraient à leurs tournois de golf sans être montrés du doigt. Or depuis le printemps dernier, lorsque la Covid-19 a commencé à se propager dans les destinations populaires et que des mesures sanitaires y ont été mises en place, la migration annuelle des snowbirds a créé bien des remous.</p>
<p>On s’est d’abord inquiété du fait qu’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1676516/covid-19-retour-precoce-snowbirds-pandemie-coronavirus ?depuisRecherche=true">ils ne rentrent pas au pays à temps avant la fermeture des frontières et qu’ils ne soient plus couverts par leurs assurances en cas d’hospitalisation à l’étranger</a>. Nous avons lu des articles relatant le branle-bas de combat pour <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1675882/snowbirds-acadie-frontiere-coronavrius-covid19-isolement-nouveau-brunswick?depuisRecherche=true">revenir d’urgence au Canada</a> et sur le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1688341/voyageurs-coronavirus-commmerce-quarantaine?depuisRecherche=true">refus de certains snowbirds de s’isoler</a> une fois rentrés à la maison.</p>
<p>Soudain, ces snowbirds n’étaient plus seulement nos parents, nos grands-parents, les membres de notre communauté ou nos amis proches. Il s’agissait d’une catégorie de personnes ayant des comportements à risque.</p>
<h2>Vaccinés avant les autres</h2>
<p>Ces dernières semaines, les snowbirds ont de nouveau retenu l’attention. Certains retraités ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1768688/snowbirds-tourisme-voyages-etats-unis-restrictions-covid?depuisRecherche=true">décidé d’aller dans le sud</a> malgré la pandémie toujours en cours et les nouvelles restrictions de voyage. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1764335/vaccination-covid-floride-snowbirds-gatineau-ottawa-don-boudria?depuisRecherche=true">Ils se font vacciner</a> en Floride, suscitant la grogne chez les Américains, car certains <a href="https://www.rcinet.ca/fr/2021/01/20/reactions-negatives-aux-etats-unis-face-aux-canadiens-qui-sy-font-vacciner/">Canadiens passent ainsi devant eux</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vgAoH-Coy9Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage de Radio-Canada sur les snowbirds qui ont décidé de partir en Floride malgré la pandémie et les restrictions de voyage.</span></figcaption>
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<p>Les snowbirds ont <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/01/30/nouvelles-mesures-pour-les-voyageurs-les-snowbirds-inquiets-1">rechigné contre la nouvelle exigence de se faire dépister pour la Covid-19 à leur retour au Canada</a> et se sont plaints des coûts associés, qu’ils estimaient injustes. On entend aussi que de plus en plus de snowbirds <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1758686/snowbird-hospitalise-texas-facture-frais">reçoivent des factures médicales astronomiques après avoir été traités pour la Covid-19 à l’étranger</a>.</p>
<p>Plusieurs se demanderont pourquoi, dans ce contexte, des Canadiens continuent d’aller dans le Sud cet hiver. Depuis plusieurs années, nous menons des recherches <a href="https://dx.doi.org/10.1186/s40794-020-00110-6">sur l’accès aux soins de santé et la gestion des besoins médicaux</a> pour les snowbirds canadiens qui passent l’hiver en Floride et en Arizona.</p>
<h2>Une décision réfléchie</h2>
<p>Nous avons passé du temps dans les communautés de snowbirds pour discuter avec eux, visiter des hôpitaux et des cliniques, parler avec des prestataires de soins de santé et observer des rassemblements de citoyens. Les informations que nous avons recueillies permettent d’expliquer pourquoi certains snowbirds ont quand même choisi de partir à l’étranger cet hiver. Sans pour autant approuver ce comportement, nous partageons ici certaines réponses.</p>
<p>Premièrement, de nombreux facteurs incitent les gens à <a href="https://doi.org/10.1007/s12062-018-9221-y">migrer vers le sud à la retraite</a>. Parmi ces raisons, le temps chaud et ensoleillé vient souvent en premier lieu à l’esprit. De nombreuses personnes sont également attirées par la vie sociale et les liens qui se tissent dans les communautés de snowbirds.</p>
<p>Les gens sont peut-être moins conscients du fait que pour certains d’entre eux, il est aussi plus économique de déménager que de rester chez soi pendant l’hiver. Les snowbirds ne vivent pas tous dans des villas et n’ont pas tous un bateau… Pour certains, aller dans le sud en caravane ou louer un appartement à la saison est une façon d’économiser. Il est peu probable que cette catégorie de snowbirds change sa planification budgétaire malgré la pandémie et les demandes pressantes d’éviter de voyager.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un couple debout sur les marches de leur caravane au crépuscule, avec des lumières décoratives" src="https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382342/original/file-20210203-15-vaxsk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paul Funston et Mary Lou Baldwin posent pour la photo avec leur caravane à Fort Langley, C.-B., le 18 décembre 2020. Le couple devait normalement passer l’hiver au sud de la frontière, mais la frontière canado-américaine étant fermée en raison de la pandémie de Covid-19, ils passent l’hiver dans un camping du sud de la Colombie-Britannique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Marissa Tiel</span></span>
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<p>Deuxièmement, de nombreux snowbirds estiment que passer l’hiver dans le Sud <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1459917/vehicule-recreatif-snowbird-moonbeam-arizona-nord-ontario">est meilleur pour leur santé</a>. Même s’ils doivent pratiquer leurs activités en solo pour respecter les consignes de santé publique (par exemple, aller marcher), les possibilités sont plus nombreuses.</p>
<p>De nombreux snowbirds rapportent une amélioration de leur état de santé pendant leur séjour. Certains disent voir une diminution des symptômes de l’arthrite, par exemple. Ils ont choisi d’aller dans le Sud cet hiver parce qu’ils estiment que les avantages pour leur santé l’emportent sur les risques d’attraper la Covid-19.</p>
<p>Troisièmement, bien que la pandémie ait introduit de <a href="https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/le-15-18/segments/entrevue/337004/voyage-avion-snowbirds-cuba-tout-inclus">nouveaux risques et en ait accru d’autres</a>, les snowbirds sont habitués à prévoir les possibilités de tomber malade en voyage. Ils prennent des assurances voyage et des arrangements pour se faire soigner à l’étranger ou pour rentrer chez eux en cas d’urgence médicale. Ils savent où et comment faire renouveler leurs prescriptions de médicaments au besoin. Certains vont même jusqu’à souscrire à des assurances pour le transport par avion-ambulance au cas où leur état de santé se détériorerait rapidement. D’autres n’ont rien prévu du tout.</p>
<p>Certains snowbirds considèrent la Covid-19 et la pandémie comme un autre risque qu’il est possible de prévoir.</p>
<p>Qu’on le veuille ou non, le fait est que certains snowbirds canadiens ont choisi d’aller dans le sud pour l’hiver. Nous devons donc réfléchir à leur retour au pays. Il faut prévoir la manière d’identifier ceux qui ont été vaccinés à l’étranger et les inscrire dans les registres nationaux ainsi qu’adapter les consignes de quarantaine obligatoire. Il n’est pas trop tôt pour commencer à y penser – la migration des snowbirds vers le Nord viendra bien assez vite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154812/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valorie A. Crooks reçoit des fonds du Secrétariat des chaires de recherche du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada et de la Michael Smith Foundation for Health Research. Ses parents sont des snowbirds (mais pas cette année).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jeremy Snyder ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les raisons pour aller dans le Sud pendant la pandémie en cours sont nombreuses, complexes et influencées par l’accessibilité à des activités de loisirs et le coût de la vie.Valorie A. Crooks, Full Professor, Department of Geography, Simon Fraser UniversityJeremy Snyder, Professor, Faculty of Health Sciences, Simon Fraser UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1384682020-05-13T18:56:57Z2020-05-13T18:56:57ZCe que la stratégie d’immunité de groupe britannique révèle du gouvernement Johnson<p>Le Royaume-Uni a fini par rejoindre ses voisins européens le 23 mars en déclarant un confinement de sa population afin de la protéger du virus Covid-19. Cette décision est la conséquence d’un revirement politique, le confinement ayant été décrété deux ou trois semaines après la plupart des autres pays européens. Pourquoi le 10 Downing Street a-t-il choisi de faire figure d’exception pendant ces précieuses semaines ?</p>
<h2>De longs atermoiements</h2>
<p>Boris Johnson, premier ministre conservateur élu en décembre avec une confortable majorité, a déclaré <a href="https://www.gov.uk/government/speeches/pm-speech-in-greenwich-3-february-2020">dès le mois de février</a> que contrairement à de nombreux pays dans le monde, le Royaume-Uni ferait cavalier seul en choisissant d’appliquer les consignes sanitaires visant à développer l’« immunité de groupe », littéralement en anglais l’immunité du troupeau (<em>herd immunity</em>). Il s’agit d’une théorie épidémiologique selon laquelle lorsqu’un certain pourcentage de la population contracte un virus, les autres seront immunisés puisque le virus ne trouvera plus suffisamment d’hôtes pour circuler. C’est le cas de la grippe saisonnière, par exemple. Or, pour l’instant, selon l’OMS, <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200425.OBS27983/coronavirus-pas-de-preuve-que-des-personnes-deja-infectees-soient-immunisees-previent-l-oms.html">il n’est pas prouvé qu’un patient infecté développerait une immunité au Covid</a>.</p>
<p>Début mars, alors que nombre de pays déclarent le confinement à la suite des déclarations des médecins italiens implorant leurs voisins de ne pas perdre de temps, Sir Patrick Vallance, le chef du SAGE (le conseil scientifique britannique en charge de la gestion de crises sanitaires), défend la stratégie britannique d’immunité de groupe <a href="https://news.sky.com/video/coronavirus-i-speak-scientific-truth-to-power-says-chief-scientific-adviser-for-england-11956851">dans un entretien à SkyNews le 13 mars</a>.</p>
<p>Selon lui, il fallait attendre que 60 % de la population soit infectée par le virus. Un confinement serait contre-productif : le virus repartirait de plus belle dès le déconfinement prononcé. S’assurer de la contamination de la majorité des citoyens constituerait la meilleure réponse épidémiologique, et éviterait les coûts sociaux associés au confinement. Pour le chef du conseil scientifique, la stratégie britannique représenterait un moyen différent d’arriver aux mêmes fins qu’outre-Manche : éviter la saturation des systèmes de santé. À ces mots, le journaliste, visiblement inquiet, l’interrompit : « Mais cela signifie qu’énormément de personnes vont mourir ! » Et Vallance de répondre que pour la majorité des personnes, le virus serait quasi inoffensif, refusant d’admettre qu’une telle stratégie serait effectivement très coûteuse en vies. Pour préparer le terrain, la veille, à la manière de Churchill – son héros politique qui avait promis du sang, de la sueur et des larmes –, Johnson avait mis en scène un moment de vérité avec la nation, déclarant que « de nombreuses familles perdront des êtres chers » du fait du virus.</p>
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<p>Cette stratégie ne convainc pas. Au fil des jours, la pression monte, le public s’interrogeant sur le choix du gouvernement. Des scientifiques de renom comme <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-03-27/coronavirus-response-leaves-u-k-vulnerable-lancet-editor-says">Richard Horton</a>, éditeur du <em>Lancet</em>, ou <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8229009/Britain-faces-TEN-waves-coronavirus-population-achieves-herd-immunity.html">Anthony Costello</a>, ancien directeur de l’OMS, s’impatientent et critiquent ouvertement cette position. À chaque intervention visant à la justifier, les membres du gouvernement affirment pourtant s’appuyer sur les conclusions scientifiques du SAGE.</p>
<p>Ce n’est qu’après la publication d’un <a href="https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/medicine/sph/ide/gida-fellowships/Imperial-College-COVID19-NPI-modelling-16-03-2020.pdf">rapport indépendant de l’Imperial College</a> le 16 mars, prédisant que 250 000 personnes décéderaient des suites du Covid en suivant l’approche de l’immunité de groupe qu’un premier basculement opère. Le jour même, Johnson recommande d’éviter les rassemblements, sans pour autant fermer les commerces ou restaurants. Le 20 mars, il ordonne la fermeture des établissements non essentiels, promettant de payer 80 % des salaires, dans la limite de £2 500 par mois. Le 23, sans utiliser cette expression, Johnson déclare le confinement et <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/royaume-uni-boris-johnson-teste-positif-au-nouveau-coronavirus-20200327">annonce cinq jours plus tard avoir lui-même contracté le virus</a>.</p>
<h2>Utilitarisme et darwinisme</h2>
<p>À première vue, la stratégie scientifique britannique découle d’un <a href="https://theconversation.com/triage-medical-quelle-justice-face-a-lexigence-democratique-134442">utilitarisme</a> brutal. Vouloir contaminer la population afin d’atteindre le plus rapidement l’immunité collective revient à accepter le sacrifice des personnes les plus vulnérables pour protéger le plus grand nombre, ce qui rappelle une lecture littérale de la <a href="https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2015-2-page-221.htm">théorie développée par Bentham</a> selon laquelle la meilleure fin est le bonheur pour le plus grand nombre, sans pour autant offrir de protection pour les minorités. A contrario, les stratégies de confinement seraient davantage d’inspiration <a href="https://esprit.presse.fr/article/celine-spector/liberte-egalite-fraternite-la-theorie-rawlsienne-de-la-justice-41673">rawlsienne</a> : toute prise de décision doit bénéficier à la majorité, sans pour autant décider de faire des perdants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260249914346479616"}"></div></p>
<p>Avec ce confinement tardif, le Royaume-Uni caracole désormais en tête du triste classement du nombre de morts par pays en Europe, avec plus de 40 000 morts le 13 mai. Selon l’office nationale des statistiques, ces décès concernent de manière disproportionnée les plus précaires socialement : les plus démunis risquent <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/deaths/bulletins/deathsinvolvingcovid19bylocalareasanddeprivation/deathsoccurringbetween1marchand17april">deux fois plus d’attraper le virus</a>. De plus, selon un <a href="https://www.icnarc.org/Our-Audit/Audits/Cmp/Reports">audit des urgences nationales</a>, les minorités ethniques seraient surreprésentées, avec 35 % de malades en soins intensifs. L’utilitarisme prend ici des airs de darwinisme social.</p>
<h2>Clark Kent au secours du libre-échange</h2>
<p>En deuxième lieu, la stratégie britannique procédait d’une défense exaltée du libre-échange. Dans un discours pour le moins surprenant pour qui ne connaîtrait pas le style Johnson, le premier ministre <a href="https://www.gov.uk/government/speeches/pm-speech-in-greenwich-3-february-2020">déclare le 3 février</a> que, face à l’hystérie médicale ambiante qui cherche à ériger des barrières au libre-échange, il faut un pays à l’image de Clark Kent, qui ose ôter ses lunettes dans une cabine téléphonique pour se transformer en Superman protecteur de l’économie, contre les restrictions médicales liberticides.</p>
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<p>Selon le <em>Times</em>, Johnson aurait également évoqué le « droit inaliénable du peuple anglais à aller au pub ». Pour un peuple chérissant ses libertés fondamentales acquises dès la Grande Charte, une assignation à résidence serait difficilement acceptable, affirme-t-il. En cela, Johnson est fidèle à son idéologie libérale teintée de libertarianisme, pour qui le paternalisme d’un « État-nounou » représente le mal absolu.</p>
<p>Ce qu’il ne dit pas, c’est que l’économie britannique est particulièrement mal préparée à affronter un confinement. La société britannique connaît une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/05/au-royaume-uni-austerite-rime-avec-sante-degradee_6031871_3210.html">situation de précarité grandissante</a>, du fait notamment de la politique d’austérité, des <a href="https://www.cairn.info/revue-chronique-internationale-de-l-ires-2016-3-page-123.htm">contrats à zéro-heure</a>, et autres types d’emploi à la tâche qui se sont multipliés au cours des années 2010. Sachant que 1,6 million de repas sont distribués par les banques alimentaires chaque année, il apparaît que les conséquences sociales d’un confinement seront désastreuses.</p>
<h2>L’arbre qui cache le Brexit</h2>
<p>Mais, en troisième lieu, il semble de plus en plus évident que la doctrine de l’immunité collective a été le fruit non pas d’une délibération entre scientifiques indépendants, mais le produit d’un noyautage politique.</p>
<p>Curieusement, la composition du SAGE n’est pas connue du public. Dans un <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/24/revealed-dominic-cummings-on-secret-scientific-advisory-group-for-covid-19">article du 24 avril</a>, <em>The Guardian</em> révèle que Dominic Cummings, le sulfureux directeur de cabinet de Johnson, perçu comme tête pensante du Brexit et n’ayant aucune formation scientifique, a participé aux réunions SAGE.</p>
<p>Cummings, qui est connu pour <a href="https://www.ft.com/content/9ca0ee5a-48f4-11ea-aee2-9ddbdc86190d">ses méthodes musclées</a> et sa vision politique radicale, sorte de <a href="https://www.theguardian.com/politics/2020/feb/06/inside-the-mind-of-dominic-cummings-brexit-boris-johnson-conservatives">souverainisme mâtiné de libertarianisme de droite</a>, aurait influencé la décision du SAGE de ne pas ordonner un confinement début mars. Présentée comme le fruit d’un consensus scientifique impartial, la doctrine de l’immunité collective serait en réalité le résultat d’une idéologie politique, façonnée par les agents du Brexit.</p>
<p>Sous couvert de vouloir protéger les libertés individuelles contre une disposition liberticide, il s’agissait en réalité de ne pas brider l’économie, au détriment de la protection des plus vulnérables. Selon le <a href="https://www.theguardian.com/politics/2020/mar/22/no-10-denies-claim-dominic-cummings-argued-to-let-old-people-die"><em>Sunday Times</em></a>, Cummings aurait résumé la situation ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« On va défendre l’immunité de groupe, et si cela veut dire que quelques retraités vont mourir, alors tant pis. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241685857783947264"}"></div></p>
<p>Acculé par ce scandale, le <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/may/04/government-names-dozens-of-scientists-who-sit-on-sage-group">gouvernement a publié le 4 mai la liste des participants</a>. Le nom de Cummings n’y figure pas, mais deux participants ont refusé d’être nommés. À l’instar du « shadow cabinet » de l’opposition, un groupe <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/may/04/rival-sage-group-covid-19-policy-clarified-david-king">« rival SAGE »</a>, composé de chercheurs dissidents vient de se former, dans le but d’éclairer le public de manière neutre, et de servir de contrepoint au SAGE officiel.</p>
<p>Il serait illusoire de penser qu’il existerait un consensus scientifique sur la question du Covid, ou que l’opinion scientifique majoritaire ne serait pas sujette à évolution. La science tâtonne et évolue au gré de ses avancées. On pourrait de surcroît penser que la participation – secrète – d’un conseilleur politique au conseil scientifique ne pose pas de problème déontologique particulier puisque décider d’un confinement est une décision éminemment politique. Un conseil scientifique n’a qu’un rôle de recommandation.</p>
<p>Néanmoins, une information scientifique non biaisée paraît essentielle au bon déroulement d’une prise de décision, pour que l’exécutif puisse décider en connaissance de cause d’une part, et de l’autre, pour que le public soit informé. Il semblerait que Johnson n’ait pas souhaité laisser les scientifiques s’exprimer librement, préférant imposer une solution connue par avance. Déjà lors du Brexit, quand les experts avaient prédit une crise économique si le Royaume-Uni sortait de l’UE, Michael Gove, ministre central du gouvernement actuel, avait déclaré que l’Angleterre en avait <a href="https://www.ft.com/content/3be49734-29cb-11e6-83e4-abc22d5d108c">« plus qu’assez des experts »</a>. On retrouve ici les mêmes mécanismes à l’œuvre : le politique muselant la science, au détriment d’une réflexion éclairée nécessaire à une décision démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138468/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alicia Mornington ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à l’épidémie, le Royaume-Uni a longtemps refusé de mettre en place le confinement. Une attitude officiellement fondée sur des considérations scientifiques mais en réalité très politique…Alicia Mornington, maitre de conférences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1345612020-03-25T19:25:16Z2020-03-25T19:25:16ZConfinement : quel impact dans les établissements pour personnes âgées et handicapées ?<p>Sans surprise, on retrouve parmi les victimes qui paient le prix fort de l’épidémie de coronavirus, ceux qui étaient déjà les plus mal lotis socialement, économiquement et sur le plan de la santé : personnes à la rue, détenues en prisons et dans les centres de rétention administrative, hospitalisées en psychiatrie, mais aussi résidents et personnels des établissements médico-sociaux accueillant des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/25/on-a-tout-fait-et-ca-n-a-pas-suffi-le-traumatisme-des-soignants-de-l-ehpad-de-saint-dizier-face-aux-seize-victimes-du-coronavirus_6034316_3224.html">personnes âgées dépendantes</a> (Ehpad) et des <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-loire-atlantique-dans-les-foyers-de-handicapes-ces-heros-que-l-oublie-6789785">personnes handicapées</a>. Souvent plus fragiles face au virus, elles sont aussi les grandes perdantes des mesures de confinement.</p>
<p>Depuis une semaine, parfois avant, les centres qui hébergent les personnes âgées et un certain nombre de ceux qui hébergent des personnes handicapées sont fermés au public, dans le but de les protéger d’un virus plus dangereux pour elles que pour la population générale, du fait de leur âge et/ou de leurs pathologies.</p>
<p>Sur le papier, cette décision est logique et bienveillante. Mais les conséquences de ce surconfinement ont-elles été anticipées, évaluées, prévenues et accompagnées ?</p>
<h2>Résidents et soignants fragilisés</h2>
<p>En s’en tenant « seulement » à la réduction de l’exposition au coronavirus pour lesquelles ces mesures ont été adoptées, on peut déjà s’interroger quant au bénéfice dans les établissements où le <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200324.OBS26529/que-sait-on-vraiment-des-deces-dus-au-coronavirus-dans-les-ehpad.html">virus est déjà entré</a>, mais aussi à ceux qu’on ne connaît pas, faute de dépistage.</p>
<p>Comme sur le <a href="https://lactualite.com/actualites/diamond-princess-la-quarantaine-aurait-cause-environ-550-infections-de-plus/">Diamond Princess</a>, paquebot où les contaminations n’ont cessé d’être enregistrées durant sa quarantaine au large du Japon, les résidents et les professionnels se trouvent de fait surexposés au lieu d’être protégés du virus.</p>
<p>Les premiers, parce qu’ils y sont enfermés nuit et jour et que cet enfermement est encore moins prêt d’être levé que des cas sont suspectés ou avérés, les seconds parce qu’ils ne disposent souvent pas du matériel de base nécessaire pour protéger et se protéger :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai le sentiment de demander à mes équipes d’aller au front sans arme, dit un directeur d’établissement pour adultes handicapés. Les collaborateurs font le travail, sans protection particulière, on se bat pour les masques, on se bat pour les solutions hydro-alcooliques. »</p>
</blockquote>
<p>Convertis en soldats sans armes, les professionnels sont empêchés de faire leur véritable métier qui n’est pas d’enfermer les gens, fut-ce pour leur bien, mais de les accompagner et de soutenir leur autonomie au quotidien.</p>
<p>Les personnels soignants font beaucoup pour essayer de tenir le cap, pour apporter un peu d’affection aux malades ou aux résidents, pour expliquer une situation contraignante et complexe.</p>
<p>Une infirmière donne l’exemple d’un patient avec un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Korsakoff">syndrome de Korsakoff</a> entraînant des amnésies à qui il faut réexpliquer (en vain) chaque jour qu’il ne faut pas faire la bise. Tâches rendues spécialement difficiles quand les effectifs, déjà limités d’ordinaire, sont encore réduits parce que des cas de coronavirus sont suspectés ou avérés ou parce que les soignants doivent aussi s’occuper de leur propre famille.</p>
<h2>« Ils ont à peine l’air humain »</h2>
<p>Faute de moyens humains, les interactions entre professionnels et usagers sont alors parfois réduites aux soins élémentaires avec des professionnels gantés, masqués (quand ils sont équipés), souvent stressés (<em>a fortiori</em> s’ils ne sont pas équipés). Une dame en Ehpad raconte : </p>
<blockquote>
<p>« Ils ont des lunettes, des masques, des gants et des écrans, heureusement pour eux, mais ils ont à peine l’air humain. »</p>
</blockquote>
<p>L’<a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Asiles-2088-1-1-0-1.html">enfermement institutionnel</a> que dénonçaient les sociologues et philosophes Erving Goffman, Michel Foucault, Robert Castel est-il de retour ?</p>
<p>Ce n’est pas ici une métaphore ni une emphase stylistique : les bâtiments qui ne l’étaient pas déjà sont bien verrouillés vers l’extérieur et, à l’intérieur, les pratiques de contention ne peuvent qu’augmenter.</p>
<p>Faute de moyens pour réorganiser les lieux et les circulations, comment empêcher une personne âgée démente ou avec des troubles psychiques importants qui présente des symptômes du coronavirus de déambuler dans les couloirs et d’entrer dans les chambres de ses voisins autrement qu’en l’enfermant dans sa chambre, voire en l’attachant à son lit ou son fauteuil (<em>a fortiori</em> si elle ne dispose pas d’une chambre individuelle) ?</p>
<p>Faute de test de dépistage et d’espaces de confinement dédiés aux personnes contaminées, ce sont aussi toutes les personnes qui ne présentent aucun symptôme qui sont mises à l’isolement.</p>
<h2>La fin de ce qui fait encore aimer la vie</h2>
<p>On en vient alors à la question de la santé mentale, du maintien de l’autonomie et des liens sociaux, un peu tout ce qui fait aimer la vie.</p>
<p>La fréquentation des couloirs et la cigarette partagée avec les personnels et les autres résidents faisaient souvent l’essentiel de la sociabilité de certains établissements : c’est aujourd’hui proscrit. Aucune sortie n’est permise :</p>
<blockquote>
<p>« Hier je viens de refuser à une personne d’assister aux obsèques d’un parent proche (impossible de rester en famille après la cérémonie et aucun lieu d’accueil et de confinement pour gérer son retour). Je n’imaginais pas être placé devant ce type de situation », explique un directeur d’établissement.</p>
</blockquote>
<p>D’ores et déjà privés de sorties et des visites des proches, des résidents le sont aussi des séances de kinésithérapie, des animations (séances de chant, de cinéma…).</p>
<p>Pourront-elles encore partager un repas ? Rendre visite à un conjoint résidant dans une autre unité de l’établissement, ou à un·e ami·e co-résident·e avec qui elles jouaient aux cartes ?</p>
<p>Des directeurs d’établissement zélés interdisent aux bibliothèques de venir faire des prêts d’ouvrages et les envois de livres ou d’autres objets par les familles sont parfois bannis au nom de la lutte contre l’épidémie alors même que des professionnels, des denrées, du matériel continuent forcément d’entrer dans les unités et dans les chambres.</p>
<h2>Des résidents coupés de l’extérieur</h2>
<p>L’impossibilité pour les proches et les extérieurs de connaître concrètement ces nouvelles conditions d’existence et de soulager les personnels déjà surchargés en temps normal, accroît les conditions institutionnelles de la maltraitance des uns et des autres. Les Conseils de la vie sociale, instances composées de résidents, familles, représentants associatifs, des personnels et des organismes gestionnaires, censées faire vivre la démocratie participative dans les établissements d’accueil des personnes âgées et handicapées, ont été suspendus. </p>
<p>Hormis le téléphone et les réseaux sociaux pour les résidents peu nombreux qui les maîtrisent et y ont accès que reste-t-il comme lien avec l’extérieur, hormis des télévisions que les résidents regardent seuls dans leur chambre et qui diffusent en continu des images anxiogènes de l’épidémie ?</p>
<p>Quand ils entendent des personnes publiques déclarer « dans le poste » qu’aucun citoyen ne sera oublié et que la santé n’a pas de prix, peuvent-ils se croire encore citoyens ? Il est dit assez clairement que les personnes les plus âgées et les plus malades seront les premières victimes des <a href="https://lesjours.fr/obsessions/coronavirus-quarantaine/ep6-interview-gottwalles/">« choix »</a> à effectuer si les services de réanimation ne peuvent accueillir toutes les personnes en détresse respiratoire.</p>
<p>Le nombre de morts en Ehpad n’apparaît dans aucun bilan national alors que tout indique qu’ils paient déjà un <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/24/coronavirus-les-ehpad-confrontes-aux-deces-lies-a-l-epidemie_6034213_3224.html">lourd tribut</a>. Pour celles qui ne contracteront pas le virus, un autre danger mortel plane aussi, <a href="https://www.lepoint.fr/sante/coronavirus-les-personnes-agees-risquent-de-mourir-d-ennui-et-de-solitude-13-03-2020-2367054_40.php">celui de mourir de tristesse et de solitude</a>.</p>
<h2>Des causes sociales et politiques plutôt que naturelles</h2>
<p>Il serait tout à fait fallacieux d’invoquer face à ce drame des causes naturelles ou l’impuissance de la science face à une catastrophe inédite. Cette épidémie, sans être tout à fait banale, s’inscrit dans une histoire connue, engagée depuis plus de 20 ans avec la grippe H5N1 (1997, 2005), le SRAS (2003) et H1N1 (2009), face à laquelle la communauté scientifique internationale a été particulièrement active et efficace, mais sans que les inégalités de santé – à l’échelle de la planète et à l’intérieur de nos frontières – en aient été réduites. Bien au contraire, les <a href="https://laviedesidees.fr/Savoir-et-prevoir.html">politiques publiques</a> laissent des <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/03/05/covid-19-les-frontieres-se-ferment-et-la-science-diffuse_1780716">« territoires durablement isolés de la solidarité “globale” »</a>.</p>
<p>Depuis des années, les personnels hospitaliers n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme et de réclamer des moyens à la hauteur de leur mission : ils n’ont pas été entendus. Celles (les femmes sont de loin les plus nombreuses parmi les personnels soignants) et ceux qu’on applaudit tous les soirs à 20h sont en grève et descendent dans la rue depuis des mois. Ils pouvaient difficilement gérer l’ordinaire, ils ne peuvent donc pas faire face à l’arrivée en nombre de malades en détresse respiratoire, comme on le voit dans le Grand Est et, avec un petit décalage, en Ile-de-France.</p>
<p>L’hôpital public a été paupérisé en <a href="http://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/la-casse-du-siecle/">France</a> nombre de lits en chute libre depuis plus de 15 ans (-4 800 pour la seule année 2018), non-renouvellement des postes, moyens réduits au regard de l’augmentation d’activité…). La France compte moins de lits en soins intensifs que la <a href="http://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/infographie-coronavirus-la-france-compte-moins-de-lits-en-soins-aigus-que-la-moyenne-des-pays-developpes_3876613.html">moyenne des pays développés</a> : environ 3 pour 1000 habitants, enregistrant une baisse de 10 % sur 10 ans.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Monde, une ex-infirmière en Ehpad témoigne, 25 janvier 2019.</span></figcaption>
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<h2>« Le soin n’est pas la guerre »</h2>
<p>Dans un système de santé publique faible, la diffusion de la pandémie de coronavirus a rendu nécessaires les <a href="https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/invites-les-medecins-remi-salomon-et-philippe-juvin-decryptent-les-nouvelles-annonces-demmanuel-macron-10641469.html">mesures de confinement</a> décrétées en France depuis le 16 mars.</p>
<p>Rappelons que ce confinement généralisé s’est imposé en France – à la différence de la Corée et de l’Allemagne – comme <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_23_mars_2020-2.pdf">stratégie par défaut</a>, faute de dépistage massif qui aurait permis de confiner les <a href="https://www.la-croix.com/France/Jean%E2%80%91Francois-Delfraissy-Nous-preconisons-tests-massifs-sortie-confinement-2020-03-20-1201085157?fbclid=IwAR3_qS5x9Bod7nylzi-9AL5_O7UVdfSxPphzynyKaLIwlSBlVW0letg1708">personnes positives et de les soigner dans des espaces dédiés</a>.</p>
<p>Voilà donc toute la société sommée d’entrer « en guerre ». Mais comme le rappelle très justement Pascale Molinier : <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/03/17/coronavirus-le-soin-n-est-pas-la-guerre_1782052">« le soin n’est pas la guerre »</a> et les professionnels ne devraient pas en être réduits à être des soldats sans armes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134561/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'auteur bénéficie uniquement de financements publics dans ses activités et recherches qui inspirent cet article.</span></em></p>Les conséquences du surconfinement dans les établissements médico-sociaux ont-elles été anticipées, évaluées, prévenues et accompagnées ?Emmanuelle Fillion, Sociologue, membre du laboratoire ARÈNES (UMR 6051), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1310682020-02-16T16:31:38Z2020-02-16T16:31:38ZRéforme des retraites : quel impact sur le bénévolat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314483/original/file-20200210-109916-8rfj1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C12%2C1192%2C783&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des bénévoles rangent des denrées alimentaires données par des clients à la sortie de magasins, le 23 novembre 2012 à l'entrepôt de stockage de la banque alimentaire de Marseille.
</span> <span class="attribution"><span class="source">ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP</span>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>La réforme des retraites aura des conséquences sur les futurs retraités, les finances publiques mais, on l’oublie un peu, probablement sur les associations. Les jeunes retraités constituent en effet un groupe dont le temps disponible et l’état de santé favorisent un engagement bénévole nettement au-dessus de la moyenne.</p>
<p>Cela se constate par un fort pourcentage de bénévoles parmi les 55-74 ans soit 48,3 %, par un <a href="https://www.francebenevolat.org/sites/default/files/uploads/documents/3a6bccff16c0afb00c2e609b5d9681f19fd7f20e.pdf">temps de bénévolat plus élevé</a> (58 % des plus de 65 ans engagés dans une association y consacrent plus de <a href="http://observatoire-des-seniors.com/les-seniors-sont-les-plus-nombreux-a-sengager-dans-une-association/">cinq heures par semaine)</a> et par un engagement essentiel à la tête des associations comme le montre la figure 1 (créée sur la base des travaux de <a href="http://addes.asso.fr/wp-content/uploads/2018/10/Tchernonog_associations_FCC_2018.pdf">Viviane Tchernonog</a> et de <a href="https://associations.gouv.fr/IMG/pdf/prouteau_rapport_complet.pdf">Lionel Prouteau</a>).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315058/original/file-20200212-61917-19bii44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le bénévolat des jeunes retraités, indispensable aux associations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andrea Gourmelen/Ziad Malas</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Si de nombreux points de la future loi restent à préciser, on connaît déjà ses grands principes et une <a href="https://www.linternaute.com/argent/guide-de-vos-finances/1400357-reforme-des-retraites-quel-calendrier-pour-le-projet-de-loi/">partie du calendrier</a> de mise en œuvre : arrivée dans l’hémicycle à partir du lundi 17 février et vote définitif avant la fin de la session parlementaire d’ici l’été 2020.</p>
<h2>Vers un assèchement du vivier associatif français ?</h2>
<p>Parmi ces principes, certains peuvent contribuer à un assèchement du vivier de bénévoles des associations. Au-delà des discussions sur l’âge pivot, la future loi accorde plus de liberté aux salariés quant au choix de l’âge de départ et encourage une cessation d’activité tardive. Si la retraite commence plus tard, logiquement, cela devrait impliquer du temps disponible moindre pour le bénévolat.</p>
<p>Sur une base statistique, ce raisonnement se discute du fait de l’allongement de l’espérance de vie et de l’allongement, moins net, de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/age-pivot-quel-est-l-age-d-esperance-de-vie-en-bonne-sante-en-france_140319">l’espérance de vie en bonne santé</a>.</p>
<p>Mais la logique de décalage des étapes de la vie se heurte à l’inertie des perceptions et des affects associés à l’âge et au temps restant à vivre. Ainsi, prendre en compte ce que les chercheurs nomment la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0767370116635087">pression temporelle ultime</a> (PTU) ; soit la pression que nous ressentons lorsque le temps passe, devient aussi un temps qui reste. C’est même l’une des clefs de la compréhension de l’engagement bénévole des retraités.</p>
<p>Les futurs retraités du régime universel ont aujourd’hui 45 ans tout au plus, et ne s’interrogent probablement pas encore sur leurs occupations à la retraite… Or d’ici à leur retraite ? La situation économique et sociale aura aussi modifié les valeurs et les priorités des futures générations de retraités.</p>
<p>Pour autant, il est possible d’envisager des scenarii possibles qui commenceront à affecter le bénévolat d’ici 10 ans en s’appuyant sur les profils de bénévoles retraités actuels que nous avons étudié dans un <a href="https://www.jstor.org/stable/44815311?seq=1">précédent article</a>, publié en 2014. Ces profils sont notamment caractérisés par leur pression temporelle ultime et leur <a href="https://www.scholars.northwestern.edu/en/publications/a-theory-of-generativity-and-its-assessment-through-self-report-b">générativité</a> :, c’est-à-dire leur degré de préoccupation pour les générations futures.</p>
<h2>Les bénévoles soucieux de postérité travailleront-ils plus longtemps ?</h2>
<p>Ces profils regroupent environ 38 % des bénévoles retraités, qui apparaissent très marqués par des affects négatifs relatifs à la fin de vie et au temps qui reste à vivre. Ils ont peur de la mort qui se rapproche et du vieillissement. Le bénévolat est ainsi pour eux une manière de contrer le temps qui passe, de se rendre indispensable afin d’obtenir une certaine reconnaissance.</p>
<p>Ainsi, ils cherchent d’abord à se bâtir une réputation de leur vivant, pour transformer cette renommée en une popularité qui perdurera au-delà de leur mort. Les fonctions de direction et celles impliquant une mise en avant publique semblent particulièrement faire écho à leurs motivations.</p>
<p>Avec la réforme actuelle, leur carrière risque de s’allonger. Ainsi, pour être en accord avec leurs ambitions, ils risquent de privilégier des choix professionnels plutôt que du bénévolat comme « seconde carrière ». Les nouvelles incitations financières renforceront ce choix. Aussi, s’impliquer plus tardivement dans une association leur laisserait moins de temps pour s’investir et monter dans la hiérarchie de l’association, ce qui peut engendrer une frustration chez ces personnes et un vide au niveau hiérarchique.</p>
<p>On peut alors s’attendre à ce qu’elles privilégient davantage l’activité professionnelle (travailler le plus longtemps possible) pour gagner en reconnaissance plus rapidement, la retraite pouvant être vue comme un marqueur d’un vieillissement qui les angoisse.</p>
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<figcaption><span class="caption">Benevolt fait la promotion du bénévolat pour les retraités, la réforme pourrait changer cette tendance.</span></figcaption>
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<h2>Les bénévoles coupables : vers une diminution ?</h2>
<p>Ces retraités font du bénévolat par devoir moral et font preuve d’une véritable abnégation. Se sentant coupables d’avoir eu une belle vie ou d’avoir été privilégiés, leur générativité les amène à s’impliquer dans la société tant qu’ils le peuvent. Le soi disparaît, au profit des autres, de la communauté.</p>
<p>Le bénévolat devient alors un moyen de rendre à la société ce qu’elle leur a donné. Ce profil, regroupant environ 13 % des bénévoles retraités actuels, ne risque-t-il pas de disparaître chez les futures générations de retraités ? Cette abnégation, liée au besoin de rendre à la société ce qu’elle nous a donné sera-t-elle toujours aussi forte si le fait de travailler plus longtemps et la peur d’une baisse de niveau de vie amènent à penser que la société nous prend plus qu’elle ne nous donne ?</p>
<p>La culpabilité générationnelle risque ainsi de s’effacer au profit d’une culpabilité individuelle (avoir l’impression de s’en être mieux sorti que les autres de sa génération), du moins pour la génération 1975-1985, correspondant à la phase de transition entre les régimes de retraite.</p>
<p>En effet, cette génération peut se sentir sacrifiée, et de ce fait, non privilégiée par rapport à la génération des baby-boomers (génération encore importante puisqu’elle inclut près de 24 % de la population française). La réforme pourrait ainsi creuser un fossé entre générations et renforcer l’image de privilégiés des « boomers », comme c’est le cas avec le phénomène « OK boomer » sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Cela risque d’entraîner des difficultés là où ce profil apparaît le plus adapté : les associations caritatives ou les fonctions d’aide sociale du bénévolat telle que l’écoute de personnes en difficulté, l’aide à la réinsertion ou la distribution alimentaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">OK Boomer, une phrase devenue virale.</span></figcaption>
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<h2>Hédonistes et affectifs : vers de nouveaux arbitrages temporels ?</h2>
<p>Ces profils « hédonistes et affectifs » représentent à eux seuls environ la moitié des bénévoles retraités. Ils rassemblent des retraités ayant librement choisi le bénévolat en tant qu’activité divertissante, leur permettant de découvrir de nouvelles opportunités tout en tissant des liens humains. Pas nécessairement préoccupés par l’avenir des générations suivantes, ils aiment pourtant côtoyer une variété de personnes dans leur activité bénévole. En effet, pour eux, il faut profiter du temps restant à vivre. Ils ressentent peu de sentiments négatifs à l’égard du temps qui est compté.</p>
<p>La réforme des retraites, à première vue, semble avoir moins de conséquences sur ces profils, tant le plaisir associé au bénévolat apparaît fort. Cependant, un départ en retraite plus tardif peut amener à ressentir davantage la pression du temps restant à vivre au moment de l’arrêt de la vie professionnelle. Cela pourrait engendrer l’augmentation des sentiments négatifs à propos du temps restant (stress, amertume) et ainsi davantage d’arbitrages relatifs à l’allocation de ce temps restant. Un repli familial ou sur des activités de loisirs au détriment d’activités bénévoles pourrait être envisageable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315233/original/file-20200213-11044-1snukrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains pourraient choisir de privilégier des activités personnelles familiales ou de loisir plutôt que le monde du bénévolat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1004232">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Des « jeunes retraités » aux « vieux actifs »</h2>
<p>Si la réforme permettra à ceux ayant eu des métiers pénibles de partir plus tôt (métiers physiques, à risque, horaires décalés) et bien que la <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-la-difficile-prise-en-compte-de-la-penibilite-du-travail-130263">notion de pénibilité est encore à l’étude</a>, il faut garder à l’esprit que ces métiers impliquent généralement des études courtes. </p>
<p>Or, les retraités engagés dans les associations ont généralement un niveau d’études élevé (au regard du niveau d’études moyen de leur génération). Ainsi, les futurs retraités potentiellement intéressés par le bénévolat risquent d’être de plus en plus âgés (car ayant fait des études longues, ils risquent de ne pas être concernés par la notion de pénibilité) et pourront finalement rapidement penser qu’ils n’ont plus l’âge de faire du bénévolat.</p>
<p>Les associations doivent-elles pour autant cibler les individus autorisés à partir en retraite plus tôt ? Pas forcément, car les conditions de travail passées pourront impacter le temps restant à vivre en bonne santé perçu par ces derniers et entraîner un raisonnement de type : « Je suis trop fatigué, trop abimé pour travailler et donc… pour faire du bénévolat ».</p>
<p>Ainsi, plutôt que de cibler les « jeunes retraités » qui risquent de se percevoir « trop vieux » ou « pas assez en bonne santé » selon le métier qu’ils exerçaient auparavant, les associations devraient peut-être se concentrer sur les seniors actifs. Cela permettrait d’anticiper leurs objections.</p>
<h2>La nécessité d’un engagement réfléchi</h2>
<p><a href="https://www.francebenevolat.org/">France Bénévolat</a> insiste ainsi depuis quelques années sur le fait qu’un bénévolat réussi résulte d’un engagement réfléchi. Or, pour qu’un engagement soit réfléchi, quoi de mieux que de le préparer en amont de sa retraite ? En complément, on sait que parmi les actifs, les plus de 50 ans sont les <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/2501-1-annexe_file.pdf">plus souvent bénévoles</a>, cela s’explique notamment par l’absence de jeunes enfants à charge.</p>
<p>On pourrait rajouter aussi qu’entre 50 ans et la retraite, les contraintes financières sont moindres. Aussi, pour peu que l’anxiété liée au montant des pensions soit apaisée, on a là une population qui sera réceptive à l’engagement bénévole, engagement qui se poursuivra à la retraite et s’accompagnera d’une autre ressource clef pour les associations : les <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2019/07/Chiffres-cles-Vie-associative-2019.pdf">dons</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certains principes de la proposition de réforme des retraites pourraient assécher le vivier de bénévoles dans le monde associatif français.Andréa Gourmelen, Maître de conférences en sciences de gestion (marketing), Université de MontpellierZiad Malas, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1312382020-02-09T18:15:57Z2020-02-09T18:15:57ZRééquilibrer l’offre et la demande, le défi majeur de la grande dépendance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313791/original/file-20200205-149796-1g2x0m0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le prix de l'hébergement en EHPAD avoisine les 3 000 euros par mois.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/elderly-woman-on-wheelchair-looking-through-300626660">Photographee.eu / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Selon l’Insee, en 2015, en France hors Mayotte, avec une définition large englobant domicile et établissement, environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4196949">2,5 millions de seniors étaient en perte d’autonomie</a>, soit 15,3 % des 60 ans ou plus. Parmi eux, 700 000 peuvent être considérés en perte d’autonomie sévère. Parmi les seniors de 75 ans ou plus, 8,8 % vivent en institution. Si les tendances démographiques et l’amélioration de l’état de santé se poursuivaient, la France hors Mayotte compterait 4 millions de seniors en perte d’autonomie en 2050, soit 16,4 % des seniors.</p>
<p>Pour maintenir constant le pourcentage de personnes en établissement, il faudrait que le nombre de places en hébergement permanent en établissements pour personnes âgées augmente de 20 % d’ici à 2030 et de plus de 50 % à l’horizon 2050.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=320&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=320&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313947/original/file-20200206-43113-1adqafk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=320&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4196949">Insee (2019)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Voilà pour l’effet volume. Quant au prix, les frais d’hébergement à la charge du résident avoisinent les <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/prise-en-charge-des-personnes-agees/video-ehpad-manger-pour-4-euros-par-jour-quand-on-paie-des-frais-d-hebergement-de-plus-de-3-000-euros-par-mois_2949317.html">3 000 euros par mois</a>. Or, la <a href="https://www.lci.fr/societe/public-prive-regimes-speciaux-combien-un-retraite-gagne-t-il-en-france-pension-hauss-csg-manifestations-macron-reforme-2081777.html">retraite moyenne française</a> ne s’élève en 2015 qu’à 1 050 euros pour une femme et 1 700 euros pour un homme. Autrement dit, tous ne pourront y être accueillis.</p>
<h2>L’offre est insuffisante</h2>
<p>En matière d’offre, les personnes âgées peuvent être accueillies en France dans trois types d’établissements :</p>
<ul>
<li><p>Les EPHA, Établissements d’hébergement pour personnes âgées. Ce que nous appelons communément maison de retraite. Ces établissements sont des résidences (foyers ou logements), où les personnes âgées peuvent vivre de manière autonome. Ces établissements sont majoritairement gérés par des structures publiques ou privées à but non lucratif. En France, on estime que 110 000 places d’hébergement sont gérées par le secteur public, dans 2 200 résidences.</p></li>
<li><p>Les USLD, qui désignent les Unités de soins de longue durée. Ces établissements dépendent des centres hospitaliers. Ils offrent environ 36 000 lits en France après que plus de 40 000 aient été transférés des hôpitaux vers les Ehpad.</p></li>
<li><p>Les Ehpad : ces établissements peuvent plus ou moins être médicalisés selon le niveau de pathologie de leurs résidents. Les Ehpad (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) désignent les maisons de retraite médicalisées. Ce type d’hébergement représente 70 % des hébergements disponibles pour les personnes âgées. Ces établissements peuvent être privés à but lucratif (22 % des capacités d’accueil), privé à but non lucratif (32 %), par exemple La Croix-Rouge, ou publics (43 % des capacités d’accueil). En 2014, L’Insee estimait qu’il y avait 7 258 Ehpad pour 557 648 lits en France.</p></li>
</ul>
<h2>Une réglementation contraignante</h2>
<p>Le marché des Ehpad commence aujourd’hui à <a href="https://www.ehpad.fr/levolution-du-secteur-ehpad-dans-les-prochaines-annees/">se concentrer</a>. Les 15 premiers acteurs détenant 70 % des capacités en lits du secteur privé lucratif. Parmi ces quinze acteurs, les trois premiers (Korian, Orpéa et DomusVi) détiennent plus de 14 000 lits en France, ce qui représente plus de 63 % des capacités d’accueil des 15 premiers acteurs (plus de 45 % de l’ensemble du secteur). À côté de ces géants, beaucoup de structures restent mono établissement, ce qui freine leur capacité d’investissement.</p>
<p>Surtout, le secteur fait face à un environnement réglementaire très contraignant qui gèle le développement de nouvelles structures :</p>
<p>L’activité des Ehpad privées est fortement liée aux politiques de santé publique. Aujourd’hui, la création et le fonctionnement des Ehpad sont régis par plusieurs textes de nombreux textes qui se sont succédé depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000215460&categorieLien=id">loi du 2 janvier 2002</a>, et notamment la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020879475&categorieLien=id">loi HPST de 2009</a> portant réforme de l’hôpital qui apporte un frein à l’ouverture d’appel à projets pour la création de nouveaux lits. C’est une formidable barrière à l’entrée au profit des groupes déjà installés.</p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031700731&categorieLien=id">loi de 2015</a> d’adaptation de la santé au vieillissement impose plus de transparence sur la tarification des prestations (voir tableau ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313704/original/file-20200205-149796-1hefpw5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Et pour avancer encore un projet de loi sur la dépendance est à l’étude au parlement sur la base des propositions du <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/remise-du-rapport-libault-sur-la-concertation-grand-age-et-autonomie">rapport Libault</a> remis à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, en mars 2019. Il préconise notamment un plan de rénovation des établissements, en particulier publics, de 3 milliards d’euros sur 10 ans et l’augmentation de 25 % des effectifs des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) d’ici à 2024.</p>
<p>La question des effectifs reste en effet un point crucial du défi de la grande dépendance. Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, avait notamment estimé, au moment de la grève des Ehpad de juin 2019, que « 40 000 emplois supplémentaires » étaient nécessaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1145372282015113217"}"></div></p>
<p>S’agissant du financement de la réforme, les besoins étant estimés à 9,2 milliards d’ici à 2030, le rapport propose de procéder en deux temps :</p>
<ul>
<li><p>Avant 2024, les dépenses seraient financées en recourant à l’affectation d’éventuels excédents du régime général ; pour rappel, le <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2019/09/28/securite-sociale-plus-de-5-milliards-d-euros-de-deficit-en-2019-et-2020_6013466_1651302.html">déficit de la Sécurité sociale</a> atteindra 5,4 milliards d’euros en 2019 et 5,1 milliards en 2020.</p></li>
<li><p>Après 2024, la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) serait utilisée pour financer en partie la perte d’autonomie. Là aussi, souvenons-nous que la dette de la France atteint 98 % du PIB en 2018. Qu’il serait bon de ne pas transférer aux générations futures.</p></li>
</ul>
<p>Le rapport recommande en outre de réformer le financement des services d’aide à domicile (SAAD), actuellement à la charge des départements, car ces derniers sont <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/personnes-agees/concertation-grand-age-et-autonomie/article/rapport-de-la-concertation-grand-age-et-autonomie">au bout de leurs ressources financières</a>.</p>
<h2>Le déséquilibre se creuse</h2>
<p>D’autres pistes se penchent sur le maintien à domicile le plus longtemps possible au moyen d’évolution technologique. Pour l’instant, les robots humanoïdes, testés au Japon, s’ils peuvent apporter une aide psychologique, une présence ne peuvent supplanter l’humain dans l’exécution des tâches les plus basiques (toilettage, habillage, etc.)</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gVZ_pj0-ggg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Japon : aux bons soins des robots » (France 24, 2014).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour conclure, Les Ehpad privés ont un cadre réglementaire très contraignant et source de nombreux dysfonctionnements favorisant les exploitants, mais qui ne permet pas d’avoir une croissance puisque la Sécurité sociale à court d’argent freine l’ouverture de nouveaux lits dont elle aura à charge la partie soins. Quant aux Conseils généraux qui financent l’aide aux soins non médicaux (aides-soignantes) via l’Allocation personnalisée d’autonomie, leur situation financière n’est pas meilleure. Le déséquilibre entre la demande et l’offre se creuse.</p>
<p>Depuis 20 ans, les chefs d’État qui se sont succédé ont fait du « grand âge de la dépendance » une cause nationale. Mais si de nombreux textes ont été publiés, comme toujours les financements n’ont pas été à la mesure de l’enjeu. Le gouvernement, mais plus généralement notre société, doit se saisir de cette question. En plus de l’urgence climatique, de la réforme des retraites, c’est l’avenir de nos parents, de nos grands-parents dont notre génération aura aussi à supporter les coûts à venir, et ils seront colossaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131238/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Marillat des Mercières ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les établissements spécialisés ne comptent actuellement qu’environ 500 000 lits alors que les seniors en perte d’autonomie devraient être 4 millions en 2050.Philippe Marillat des Mercières, Professeur de Finance, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1309592020-02-04T19:54:48Z2020-02-04T19:54:48ZPolémique BlackRock : quelques vérités à rétablir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313059/original/file-20200131-41495-1qvqg5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C135%2C4619%2C3664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La société multinationale BlackRock n’est pas un «&nbsp;fonds de pension&nbsp;», comme cela a pu être affirmé.
</span> <span class="attribution"><span class="source"> Casimiro PT / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 31 décembre 2019, lors de la traditionnelle promotion civile de la Légion d’honneur, ont été décorés ou promus des artistes (Chantal Lauby, actrice et ancienne membre du groupe d’humoristes de Canal plus « Les Nuls », le chanteur Gilbert Montagné, etc.) des scientifiques (<a href="https://theconversation.com/conversation-avec-gerard-mourou-prix-nobel-de-physique-2018-104338">Gérard Mourou</a>, prix Nobel de physique 2018)… et le président de la filiale française de BlackRock, Jean‑François Cirelli, déjà chevalier de La légion d’honneur depuis avril 2006 et <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/sept-questions-sur-la-legion-d-honneur-attribuee-a-jean-francois-cirelli-patron-de-blackrock-france_3768057.html">promu au grade d’officier</a> sur proposition du premier ministre.</p>
<p>La couverture par les médias de cette décoration (une parmi un total de 487 personnes !) a déclenché des salves de critiques de la part de responsables politiques et syndicaux. Ceux-ci arguant que, dans le contexte actuel de la réforme des retraites, cette distinction allait faire la promotion de la « retraite par capitalisation » et encourager des « fonds de pension ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1212361590034616320"}"></div></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1212656395943923712"}"></div></p>
<p>Ces deux questions sont fondamentales et nécessitent d’être examinées au-delà des préjugés idéologiques.</p>
<h2>Les Français déjà tournés vers la capitalisation</h2>
<p>Traditionnellement, les systèmes de retraite sont divisés en deux catégories :</p>
<ul>
<li><p>les régimes par répartition, où les cotisations des actifs actuels financent les pensions versées aux retraités actuels. L’équilibre du système repose sur le rapport cotisant/retraité et sur le pourcentage d’actifs dans le nombre de cotisants. Le régime par répartition est un système de mutualisation. En France, il est très largement majoritaire ;</p></li>
<li><p>les régimes par capitalisation, qui reposent sur les cotisations individuelles des participants, qui sont investies sur des supports financiers et qui débouchent en capital ou en rente viagère à la retraite. Les supports financiers peuvent être de nature très variées : actions, obligations, etc.</p></li>
</ul>
<p>Or, si le régime par répartition reste le socle de notre système de retraite, il semble que les Français aient décidé eux-mêmes de le compléter par l’adhésion à des dispositifs individuels par capitalisation, bien avant qu’il ne soit question de réforme des retraites pour laquelle BlackRock est accusé de faire du lobbying.</p>
<p>Le <a href="https://www.amf-france.org/Publications/Rapports-etudes-et-analyses/Epargne-et-prestataires?docId=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F90a1a5ff-b5f0-4967-85e3-2398c9965416">dernier baromètre AMF de l’épargne et de l’investissement</a> montre ainsi clairement que la proportion de nos compatriotes qui souhaite « disposer d’un capital en vue de la retraite » passe de 69 % en 2017 à 72 % en 2018. Lesquels épargnants français, ont investi en 2019, malgré la baisse continue des taux de rendement sur les actifs en euros, <a href="https://www.ffa-assurance.fr/actualites/assurance-vie-collecte-nette-positive-en-decembre-2019">144,6 milliards d’euros bruts sur des contrats d’assurance-vie</a> dont 39,6 milliards sous forme d’unités de compte, soit 27 %, ce qui est le pourcentage le plus élevé depuis des années.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=106&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=106&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=106&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313057/original/file-20200131-41485-1t5dk4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les dépenses imprévues, y compris celles de santé, demeurent la priorité dans les objectifs d’épargne, mais aussi prévoir les besoins liés à un âge plus avancé (retraite, perte d’autonomie).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.amf-france.org/Publications/Rapports-etudes-et-analyses/Epargne-et-prestataires?docId=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F90a1a5ff-b5f0-4967-85e3-2398c9965416">Extrait du baromètre AMF (janvier 2020)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La vraie question n’est donc plus de s’inquiéter de la mise en place de dispositifs de préparation à la retraite individuels sur le principe de la capitalisation, ils existent déjà. La vraie question est de les encourager et de faciliter leur utilisation par les épargnants. C’est là justement l’objectif de la Loi Pacte, adoptée en 2019, qui prévoit le lancement de <a href="https://www.retraite.com/dossier-retraite/retraite-complementaire/epargne-retraite/la-loi-pacte-et-la-reforme-de-l-epargne.html">nouveaux plans épargnes retraites</a> (PER) courant 2020. Ces derniers sont censés permettre plus de lisibilité, plus de souplesse, ou encore plus d’options de sortie.</p>
<h2>BlackRock n’est pas un fonds de pension</h2>
<p>Il est important de le rappeler : la société multinationale BlackRock, dont le siège est situé à New York, n’est pas un « fonds de pension », mais tout simplement une entreprise spécialisée dans la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, dont les produits financiers sont distribués auprès de leurs clients par des banques privées ou des compagnies d’assurance. BlackRock est aussi célèbre pour son activité de gestion indicielle, qui consiste en rechercher des performances proches de celles d’autres indices majeurs comme le Cac 40 ou le Dow Jones. C’est ce qui explique par exemple que BlackRock soit présent au sein du capital de la majorité des entreprises cotées au Cac 40.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1220652066277875714"}"></div></p>
<p>De leur côté, les fonds de pension sont simplement des véhicules d’épargne longue, individuels ou collectifs. Souvent souscrits dans le cadre de l’entreprise, ils permettent aux actifs de cotiser pour disposer d’un capital disponible lors la cessation d’activité.</p>
<p>Les fonds de pension peuvent prendre de nombreuses formes. Ils peuvent être publics (c’est le cas du célèbre fonds CalPers réservé aux fonctionnaires de l’État de Californie) ou privés. Ils peuvent se présenter sous forme de cotisations définies (les <a href="https://investir.us/creer-une-entreprise-aux-usa/fiscalite-usa/retraite-usa-4-etapes-pour-devenir-un-401k-millionnaire/">plans « 401(k) » aux États-Unis</a>) ou sous forme de prestations définies. Les dispositions fiscales ou sociales sont variables selon les contrées d’origine.</p>
<h2>Un atout pour l’économie</h2>
<p>De nombreux pays, membres ou non de l’OCDE, possèdent des fonds de pension (voir graphique). Il est intéressant de constater que la présence des fonds de pension dans l’économie n’est pas l’apanage des pays anglo-saxons et que certains pays européens comme les Pays-Bas ou la Suisse se caractérisent par un poids très important des fonds de pension par rapport au PIB.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313058/original/file-20200131-41503-1gulomf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">OCDE (2019)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous ces pays ont-ils systématiquement tort ou les fonds de pension sont-ils vraiment un atout pour l’économie et les marchés financiers domestiques ? La recherche académique a étudié le sujet de manière extensive et les résultats sont plutôt concluants. Ainsi, une <a href="http://documents.vsemirnyjbank.org/curated/ru/358571468778194284/pdf/multi0page.pdf">étude</a> de 2003 démontre par exemple l’impact positif des institutions d’épargne, telles que les fonds de pension et les compagnies d’assurance, sur les marchés financiers domestiques d’un ensemble de pays développés et en voie de développement.</p>
<p>Les auteurs concluent que la présence d’une épargne institutionnelle conduit à en effet à augmenter la dynamique des marchés financiers, et à accroître ainsi le volume des marchés d’actions et des marchés obligataires. Le financement de l’économie au sens large en est ainsi facilité, puisque tel est, finalement, le rôle des marchés financiers : permettre l’allocation optimale des ressources financières.</p>
<p>Il n’est pas peut-être pas anodin, d’ailleurs, que l’Union européenne ait annoncé en juillet 2019 le lancement en 2021 du <a href="https://www.lecho.be/les-marches/fonds/inside/le-produit-d-epargne-pension-europeen-va-bouleverser-le-deuxieme-pilier/10183275.html"><em>Pan-European Pension Plan</em></a>, un produit financier individuel non obligatoire qui permettra aux Européens d’épargner pour leur retraite…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130959/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Haguet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines des vives réactions au sujet de la Légion d’honneur décernée au président de la filiale française de BlackRock comportaient plusieurs approximations sur le fond.Daniel Haguet, Professeur associé de Finance , EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1294102020-01-08T23:17:50Z2020-01-08T23:17:50ZEn manif, l’émeute révèle notre détresse politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308674/original/file-20200106-123385-1psfzb2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C3%2C1838%2C1357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation du 5 décembre 2019 pour la défense des retraites.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49178589391/">Jeanne Menjoulet</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, les émeutes, manifestations sauvages et débordements accompagnent de nombreuses manifestations (ZAD, Loi travail, Parcoursup, etc.). Récemment, le mouvement des « gilets jaunes » a donné de l’ampleur à un phénomène latent.</p>
<p>Désormais, chaque manifestation est précédée par l’inquiétante question d’une possible présence d’un <a href="https://theconversation.com/le-black-bloc-quand-lantisysteme-effraie-80857">« black bloc »</a>, « d’ultra-jaunes », de « casseurs », bref de manifestants disposés à l’affrontement avec les forces de police et à la destruction matérielle d’institutions emblématiques du capitalisme (banques, agences immobilières, etc.).</p>
<p>Cette focalisation médiatique sur le spectacle de la violence ne vise pas seulement à disqualifier un mouvement de contestation. Elle empêche toute réflexion sérieuse – au-delà de considérations morales – sur ce que ces tentations émeutières disent de notre présent, de notre situation politique, et de ce qu’elles portent comme critique de notre société.</p>
<p>De ce point de vue, le mouvement syndical, contre la réforme des retraites, bien qu’inédit, rassure les commentateurs politiques en tant qu’il apparaît dans la forme que l’on s’est habitué à connaître. Non seulement la violence émeutière se fait plus discrète sinon canalisée, mais plus encore, les mots d’ordre sont clairs, les porte-parole désignés, les attentes syndicales ciblées et précises bien que l’on reconnaisse aisément que les mouvements de contestation dépassent largement le refus de cette réforme.</p>
<p>Les tentations émeutières n’ont pour autant aucunement disparu et, ces dernières semaines, se sont répandues de façon spectaculaire dans de <a href="https://theconversation.com/dossier-les-peuples-contre-les-systemes-115869">nombreux endroits du monde</a>.</p>
<p>Cependant, en France, elles sont rendues quasi impossibles à la faveur d’un <a href="https://theconversation.com/maintien-de-lordre-et-violences-policieres-ce-que-lhistoire-nous-apprend-108796">maintien de l’ordre</a> qui s’est adapté aux habitudes émeutières. Le dispositif policier, mobile, réactif, impressionnant et autrement plus offensif qu’auparavant a eu son efficacité pratique évidente en dissuadant toute tentative émeutière. Cette <a href="https://theconversation.com/maintien-de-lordre-qui-decide-de-quoi-119128">stratégie de maintien de l’ordre par la force</a> fait taire ou entrer en désuétude les violences émeutières. Seulement, elle n’affecte aucunement ses raisons profondes.</p>
<h2>« Le monde ou rien »</h2>
<p>Au-delà de toute question morale, il me semble nécessaire de déplacer le débat sur la tentation émeutière en l’examinant de l’intérieur c’est-à-dire à partir de son vécu subjectif.</p>
<p>Le jeu de question est alors simple : pourquoi l’émeute suscite-t-elle chez certains un certain enthousiasme ? Que dit-elle de notre présent et des attentes politiques en germe ? Comment se fait-il que de nombreuses personnes se laissent aisément gagner par le <a href="https://thomaschopin.com/ange/">« charme de l’émeute »</a> ? Existe-t-il, en France et ailleurs, une atmosphère insurrectionnelle ?</p>
<p>Une première piste de réflexion sur la nature politique d’une émeute porte sur le fait qu’elle traduit simultanément une <a href="https://www.puf.com/content/Le_vertige_de_l%C3%A9meute">« rencontre brisée avec le monde » et une « quête passionnée de réel »</a>. L’émeutier en veut indéniablement au monde. De façon tout à fait générale, ses tentatives signent cette relation déceptive au monde.</p>
<p>Fidèle à la tradition romantique, elle déclare un monde rongé par le négatif ; un monde au sein duquel on s’est habitué à humilier et à briser la vie c’est-à-dire un monde où la vie est étouffée au sens où elle ne lui est pas permise de s’accomplir dans le quotidien que ce soit dans le travail, la famille, les sociabilités ordinaires, et la vie communautaire. Il n’y a qu’à lire ce que les manifestants taguent dans les rues pour constater cet appel constant à la vie et cette tonalité romantique :</p>
<blockquote>
<p>« Le monde ou rien […] Nos vies valent plus que leurs profits […] Ni retraite, ni Paradis, vivre maintenant […] »</p>
</blockquote>
<p></p>
<h2>Le geste de l’émeutier</h2>
<p>Dans le cours de l’événement, le geste de l’émeutier ne répare, ne construit rien et est, en ce sens, inconsistant politiquement. Il n’offre aucune issue politique en tant que telle. Il est plutôt le signe d’une détresse collective. Son geste, désespéré, traduit l’impuissance collective à s’assurer de la possibilité d’édifier un commun souhaitable. La revendication touffue, dense et sans direction claire d’une « vie à inventer » n’a de sens et de possibilité de séduction que dans un état d’impuissance et de confusion politique. Elle se loge et comble l’absence d’alternatives politiques consistantes.</p>
<p>L’émeute vient mettre un terme aux dialogues tels qu’ils sont prévus par les instances politiques officielles. Elle propose un tout autre dialogue : un monde vierge, où les bris de verre et les graffitis qui jalonnent les murs deviennent moyens d’expression.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308675/original/file-20200106-123377-1l547tb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation du 4 janvier 2020 contre la réforme des retraites.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49331984033/in/album-72157689446880593/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Elle signe la fin de la politique de « composition » qui voudrait que le dialogue aboutisse à des consensus et à des décisions politiques consistantes. L’émeute place tragiquement chacun d’entre nous face à notre incapacité à se réfléchir collectivement, à se déterminer des horizons souhaitables et à se transformer.</p>
<p>L’émeute inquiète car elle signe une profonde crise de la crédulité quant à la capacité pratique de faire résonner et dialoguer les voix humaines dans leur pluralité.</p>
<p>Comment donc faire du politique alors que chacun est agité par le sentiment que tout s’effondre et que l’avenir est inscrutable ou qu’il prend la figure menaçante de l’angoisse ? Comment se frayer un chemin à travers la catastrophe et au milieu d’un monde muet et indifférent ? Les angoisses sont nombreuses ; qu’elles proviennent du drame écologique, d’une vie destinée à la précarité matérielle et sociale, ou, plus largement, à l’absence d’un futur visible, imaginable et pensable. Les réponses politiques, quant à elle, peinent à apporter une réponse consistante au sentiment de plus en plus partagé d’être tenu de vivre dans une époque de menaces globales sans issue prévisible.</p>
<h2>Domestiquer l’inquiétude politique</h2>
<p>Cette absence d’avenir et ce sentiment généralisé d’impuissance politique, c’est-à-dire ce sentiment partagé d’une incapacité à influer de manière significative sur les affaires du monde, est une source d’inquiétude collective.</p>
<p>La tentation émeutière se loge dans le creux de cette inquiétude. En effet, la question est de savoir comment nous nous y prenons pour domestiquer le sentiment d’inquiétude. Le fait de prendre la rue, de la déborder et de susciter la confrontation avec les forces de l’ordre revient à simplifier le rapport au pouvoir et à produire ce singulier sentiment d’agir sur lui.</p>
<p>Pour le dire de façon lapidaire, il est plus facile d’affronter des forces de l’ordre que de destituer patiemment et collectivement les <a href="http://1libertaire.free.fr/BioPouvoirSansTitre.Html">micro-pouvoirs</a> qui nous traversent et nous constituent individuellement et collectivement. Comme le soulignait Michel Foucault, le pouvoir n’est pas une substance et n’a pas de centre au sens où il est relationnel et il circule entre tous.</p>
<p>Pour saisir le pouvoir et le dépotentialiser, il faut partir des rapports de forces multiples, ponctuels et locaux exprimés dans la famille, la sexualité, l’éducation, l’économie, la connaissance, etc. ce qui est autrement plus ardu que lorsque le pouvoir a un centre, qu’il est identifiable et localisable.</p>
<p>L’émeute traduit cette tentative – désespérée parce que vouée à l’échec – de repossession de ce qui se dérobe à nous : que ce soit la compréhension du monde, la lisibilité de l’avenir, la capacité à édifier un commun souhaitable où la vie trouve les moyens de s’exprimer.</p>
<p>Cette impuissance trouve dans l’émeute une puissance de déclaration au sens où elle produit des effets qui adviennent immédiatement à la perception : des rues jonchées de débris, des barricades en feu, des forces de police désorientées, des foules solidaires qui maintiennent leur présence dans les rues désordonnées, etc.</p>
<p>Les gestes des émeutiers font advenir à la visibilité commune la possibilité de suspendre très provisoirement les ordres, les pouvoirs, les contingences qui enserrent habituellement l’action politique.</p>
<h2>L’émergence d’une image caricaturale du pouvoir</h2>
<p>De façon tout à fait pratique, l’émeute objective la fragilité du pouvoir, ébranle son assurance. Elle y parvient en l’obligeant à surgir, c’est-à-dire à se manifester sous une forme grotesque, brutale et sans réelle nuance au moyen notamment des interventions policières. Elle suscite alors une image caricaturale du pouvoir. Le pouvoir, ici incarné par les forces de police, est tenu de se déployer massivement, de faire usage de la force, d’être parfois débordé, mis à nu et incapable de contenir le flux des manifestants, etc.</p>
<p>En ce sens, l’émeute dépotentialise momentanément le pouvoir. L’émeute suscite un enthousiasme certain pour ceux qui y participent parce qu’elle offre une présence constante et sensible du pouvoir.</p>
<p>Lorsqu’un manifestant reçoit un coup de matraque, il porte sur son corps la marque visible du pouvoir. Il n’est d’ailleurs pas rare que les manifestants légèrement blessés en retirent une certaine fierté. Dans la blessure, le corps porte l’évidence de la violence du pouvoir.</p>
<h2>Une épreuve charnelle du politique</h2>
<p>Il est manifeste que, dans la plupart des situations émeutières, les actions des individus proviennent de facteurs émotionnels : la peur, l’ivresse, le désir, l’excitation, la joie, le découragement. Elle a de particulier le fait qu’elle est un concentré de sensations. En ce sens, elle engage toujours un rapport charnel au réel. Le corps devient le siège des sensations.</p>
<p>Le cortège de tête est plus enclin au débordement des dispositifs institués, à une expression festive des revendications, à la création de scènes d’intensités qui portent avec éclats le désir politique. Les motifs du cortège sont aussi incertains que vivants. Ils expriment la quête d’une force qui éveille à la sensation, à l’enthousiasme voire à l’enivrement.</p>
<p>Si le cortège de tête a tendance à attirer certaines personnes dans les manifestations, c’est parce qu’il contient la promesse de faire l’expérience d’événements concrets qui « parlent aux nerfs » : en empruntant un tout autre chemin que le tracé officiel de la manifestation, en saccageant les enseignes habituellement entourées de respect, en affrontant ou en se jouant des forces de police, en construisant des barricades avec du mobilier urbain, etc. En somme, le cortège de tête se montre collectivement enthousiaste et énergique.</p>
<p>L’expression émeutière accentue ainsi l’expérience corporelle et suscite aussi bien des émotions joyeuses qu’inquiètes.</p>
<p>C’est comme si, momentanément, les corps triomphaient sur la raison et le dialogue. De là notamment provient ce que j’ai appelé le <a href="https://theconversation.com/le-vertige-de-lemeute-108449">« vertige de l’émeute »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308678/original/file-20200106-123411-211otr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation du 17 décembre 2019 contre la réforme des retraites.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49234613186/in/album-72157689446880593/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une épreuve solidaire des corps</h2>
<p>Ce concentré de sensations contraste singulièrement avec les marches syndicales classiques et ritualistes au cours desquelles il ne se passe aucun événement concret. Le politique n’est plus une affaire abstraite et désincarnée.</p>
<p>Courir dans la rue, pourchassé par la police, au milieu du désordre, des lacrymogènes, pétards et autres feux d’artifice, est une expérience charnelle intense. L’émeute alimente la vie sensitive sur le plan des odeurs (gaz lacrymogène, fumigènes, etc.), des couleurs (nuages de fumée, feux d’artifice), des bruits (explosions, bruits de vitrines qui s’effondrent) et de la perception (l’image momentanée du désordre sinon du chaos).</p>
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<figcaption><span class="caption">Casse et chaos en marge de la manifestation du 5 décembre 2019.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces sensations, adrénaline, fatigue, essoufflement, douleurs musculaires, blessures, produisent aussi un état affectif collectif, c’est-à-dire qui touche, prépare et pousse à agir.</p>
<p>C’est notamment une épreuve solidaire des corps qui se soutiennent, se performent, mais qui peuvent aussi se désunir dans les moments de charge policière. Elle est alors vécue par les émeutiers comme un moment ponctuel de composition des puissances ; une composition qui s’éprouve.</p>
<p>Dans sa tonalité romantique (au sens général d’exaltation de la pensée et des sentiments), l’émeute est une épreuve charnelle du politique dont l’essentiel est de mimer un écroulement du monde.</p>
<p>Elle montre par là comment, dans la vie ordinaire, les puissances de vie sont inutilisées et se doivent de trouver des espaces pour se déverser. En ce sens, l’émeute est une dépense de l’énergie inemployée dans la vie de tous les jours.</p>
<p>Elle affirme avec force une dépréciation du quotidien, où les actions ordinaires n’ont plus de significations conséquentes.</p>
<p>L’émeute révèle peut-être l’immense problème politique que nous rencontrons actuellement : une crise de la lucidité politique mais aussi de l’expressivité. Ces crises ne sont pas nouvelles. Seulement, la généralisation des moments émeutiers traduit incontestablement ces subjectivités à la fois saturées et avides de présence à la sensation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Huët ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi l’émeute suscite-t-elle un certain enthousiasme ?Romain Huët, Maitre de conférences en sciences de la communication, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293722020-01-06T18:32:20Z2020-01-06T18:32:20ZRetraites enseignantes : un système plus ancien qu’on ne le croit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C20%2C3445%2C2276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C'est dans les écoles normales qu'étaient formés les enseignants de primaire au XIXe et au XXe siècle (ici, façade de l'école normale de Dijon).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dijon_-_Ecole_normale_instituteurs_-_Facade_1.JPG">Wikimedia/Christophe Finot</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les enseignants font partie des professions en <a href="https://www.lepoint.fr/societe/retraites-reforme-du-bac-de-retour-de-vacances-les-enseignants-veulent-maintenir-la-pression-06-01-2020-2356273_23.php">pointe</a> dans la contestation actuelle contre la réforme des retraites. Le mouvement va-t-il <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/01/05/rentree-scolaire-les-profs-vont-ils-durcir-le-front_1771762">prendre de l’ampleur</a> ? Les manifestations des prochains jours le diront. Reste que la mobilisation enseignante s’inscrit dans un cadre historique spécifique. Leur régime de retraite ne date nullement de la Libération, comme le régime général, mais des deux Empires.</p>
<p>Un système aussi ancien peut-il être refondé radicalement sur de toutes autres bases, même en quelques années, sans de grandes difficultés (pour les uns comme pour les autres) ? Retour sur sa genèse.</p>
<h2>Création impériale</h2>
<p>Le principe d’une retraite pour les enseignants fut envisagé pour la première fois après la Révolution française. En créant en 1795 le maillage des <a href="https://theconversation.com/reforme-du-lycee-classes-ou-modules-des-precedents-historiques-124738">écoles « centrales »</a> – une au centre de chaque département, la <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Convention_nationale/114563">Convention</a> (l’assemblée constituante qui créa la première République) accorda aux enseignants de ces établissements une retraite égale au traitement de leur dernière année d’enseignement après vingt-cinq ans de service.</p>
<p>Si cette mesure n’eut pas le temps d’être vraiment mise en œuvre, la création « napoléonienne » ne fut-elle pas éphémère. En 1800, à la place des écoles centrales, furent institués les <a href="https://www.persee.fr/doc/inrp_0000-0000_2005_act_28_1_9241">lycées</a>, et, pour leurs professeurs, une pension égale aux trois quarts de leur dernier traitement après trente ans de service. L’Empereur avait même songé à créer pour eux une maison de retraite sur le modèle de l’hôtel des Invalides…</p>
<p>Sous le Second Empire, ce dispositif est modifié dans le cadre de la <a href="https://www.senat.fr/evenement/archives/D32/1853.html">loi du 9 juin 1853</a> qui institue une pension de retraite pour tous les fonctionnaires civils de l’État. Selon le rapport de la commission du Sénat chargée d’instruire le projet de loi, il s’agit de remédier à l’extension non maîtrisée des caisses spéciales de retraite qui induisent de « choquantes inégalités dans la situation des fonctionnaires », et la commission se montre tout à fait favorable au projet de loi : « l’uniformité est substituée à des règles arbitraires ».</p>
<p>Cette loi distingue les services dits « actifs » (facteurs, agents des douanes, garde-forestiers, préposés en chef des postes d’octroi) qui permettent le départ à 55 ans, et les services dits « sédentaires » où il faut attendre 60 ans. La retraite est calculée à partir de la moyenne des traitements des six dernières années d’exercice, à raison de 1/50 par année de service pour les services dits « actifs », et de 1/60 pour les services dits « sédentaires ». Les professeurs sont classés parmi les « sédentaires ».</p>
<p>Sept ans après les grandes lois ferrystes de 1881 et 1882 instituant l’obligation d’instruction primaire ainsi que la gratuité et la laïcité des écoles communales, les instituteurs et institutrices enseignant dans les écoles communales deviennent fonctionnaires d’État en 1889. Pour la retraite, ils sont classés parmi les services dits « actifs » et peuvent donc en bénéficier à partir de 55 ans.</p>
<h2>Inégalités salariales</h2>
<p>La loi du 9 juin 1853 est modifiée par celle du 14 avril 1924 essentiellement sur un point : le calcul de la retraite n’est plus établi à partir de la moyenne des traitements des six dernières années de service, mais des trois dernières années.</p>
<p>Tout cela n’est pas de l’ordre du détail, car, comme aujourd’hui, les traitements des professeurs et des instituteurs varient beaucoup depuis les débuts de carrière jusqu’à la fin de carrière.</p>
<p>En 1910, <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/7181627-histoire-de-l-enseignement-en-france-1800-1967--prost-antoine-armand-colin">comme le rappelle</a> l’<em>Histoire de l’enseignement en France</em> d’Antoine Prost, les traitements annuels varient de :</p>
<ul>
<li><p>1 100 francs-or en début de carrière à 2200 en fin de carrière pour les instituteurs ;</p></li>
<li><p>2 900 francs-or à 4 900 pour les professeurs de collèges licenciés ;</p></li>
<li><p>de 3 700 francs-or à 5 700 pour les chargés de cours des lycées</p></li>
<li><p>de 4 200 francs-or à 6 700 pour les agrégés d’étalissements de province ;</p></li>
<li><p>de 6 000 francs-or à 9 500 pour les agrégés de Paris.</p></li>
</ul>
<p>On aura remarqué que les différences sont très sensibles pour tous les enseignants entre le début et la fin de leur carrière (comme aujourd’hui), mais aussi entre les différentes catégories d’enseignants. En fin de carrière, un agrégé de Paris gagne 4,3 fois plus qu’un instituteur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/entre-les-enseignants-des-ecarts-de-salaires-qui-persistent-109545">Entre les enseignants, des écarts de salaires qui persistent</a>
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<p>Les instituteurs pouvaient certes prendre leur retraite dès 55 ans (contrairement aux professeurs du secondaire qui ne pouvaient la prendre qu’à 60 ans), mais elle était bien plus faible compte tenu de leurs traitements (même en fin de carrière) beaucoup plus bas.</p>
<p>Dans <em>Les Cahiers de la Quinzaine</em> du 16 février 1913, Charles Péguy a bien pu alors promouvoir « les hussards noirs de la République », il apparaît que la reconnaissance et le dévouement ne payent pas « ipso facto ». L’expression a été indéfiniment reprise depuis pour exalter les maîtres d’école – à tort d’ailleurs, car il s’agissait pour Péguy de distinguer seulement les normaliens des écoles normales d’instituteurs et leurs uniformes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308631/original/file-20200106-123395-1lof1o5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les élèves-maîtres de la promotion 1908-1911 de l’École normale de garçons d’Orléans (Loiret).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hussard_noir_001.jpg">Wikimedia, archives familiales</a></span>
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<p>Finalement, comme l’a bien mis en évidence l’historien anglais Théodore Zeldin dans son <em>Histoire des passions françaises</em> :</p>
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<p>« En 1914, les instituteurs d’Alsace-Lorraine (alors sous souveraineté allemande) recevaient un salaire deux fois plus élevé que celui de leurs collègues français et, dans une enquête internationale, les enseignants du primaire en France furent classés comme les plus mal payés d’Europe, venant à la vingt-cinquième place, à égalité avec ceux du Monténégro. »</p>
</blockquote>
<p>Aujourd’hui, les enseignants du primaire, devenus professeurs des écoles, ne peuvent plus prendre leur retraite à 55 ans et sont alignés sur le dispositif des retraites dévolu à l’ensemble des professeurs. Ils ont la même grille indiciaire que les professeurs du secondaire non agrégés, sans bénéficier du type de primes existant dans l’enseignement secondaire.</p>
<p>On voit là que la réforme des retraites enseignantes ne peut s’envisager sans une réflexion globale sur les carrières et leurs évolutions. Alors que le gouvernement a promis une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/12/31/reforme-des-retraites-les-enseignants-ne-sont-pas-prets-a-avancer-les-yeux-bandes_6024452_3224.html">revalorisation</a> équivalente à 500 millions par an, les syndicats pointent le <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2019/12/13/sur-la-retraite-des-enseignants-les-syndicats-denoncent-le-flou-de-la-reforme_6022727_1473685.html">flou</a> qui se cache derrière les déclarations générales. Les négociations devraient s’échelonner jusqu’en juin 2020. Mais se pose aussi la question des fins de carrière et des aménagements possibles face à l’allongement de la durée de travail. Vaste chantier.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-le-probleme-des-fins-de-carriere-dans-leducation-nationale-128559">Réforme des retraites : le problème des fins de carrière dans l’Education nationale</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/129372/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les bases des retraites enseignantes ont été posées au XIXᵉ siècle. Un système aussi ancien peut-il être refondé radicalement, même en quelques années, sans de grandes difficultés ?Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.