tag:theconversation.com,2011:/id/topics/roundup-28821/articlesRoundup – The Conversation2019-02-14T21:36:28Ztag:theconversation.com,2011:article/1118492019-02-14T21:36:28Z2019-02-14T21:36:28ZQu’est-ce qui tue les insectes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259071/original/file-20190214-1721-bpdm4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bientôt plus de libellules ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/_QJcCpgqhG0">Marko Blazevic/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de systématique, évolution, biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités). Ils proposent ici une chronique scientifique de la biodiversité, « En direct des espèces ». Objectif : comprendre l’intérêt de décrire de nouvelles espèces et de cataloguer le vivant.</em></p>
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<p>On a souvent une image caricaturale des insectes, tantôt anges, tantôt démons.</p>
<p>Détestables et apparemment invincibles, comme les <a href="https://theconversation.com/en-direct-des-especes-tout-ce-que-vous-navez-jamais-voulu-savoir-sur-la-punaise-des-lits-88362">punaises de lits</a>, les blattes domestiques ou les ravageurs des cultures. Meurtriers, comme les moustiques anophèles, responsables indirects de plus de morts humaines au XX<sup>e</sup> siècle que tous les conflits armés par les maladies qu’ils nous transmettent. Ou, au contraire, admirables et utiles abeilles, victimes de nos mauvaises pratiques agricoles. Ou encore, merveilleux, ces beaux papillons dont le vol coloré ravit notre regard…</p>
<p>En réalité, les insectes sont légion et, comme tous les êtres vivants, ils ont leur bons côtés et leurs mauvais côtés… qu’il faudrait appréhender avec davantage de prudence et de mesure.</p>
<h2>Innombrables mais vulnérables</h2>
<p>Les insectes comptent <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/indicateur/FR/ES/7/CL/PH/Arthropoda">plus d’un million d’espèces</a> sur les 2,4 millions connues. Et l’on en dénombre presque 40 000 espèces rien qu’en France. Ils représentent des biomasses colossales – les fourmis pèsent ainsi autant que les humains sur Terre ! – et rendent des services écologiques essentiels et innombrables. 900 espèces d’abeilles contribuent par exemple à la pollinisation des plantes en France ; les insectes constituent également une source de nourriture majeure pour les oiseaux et participent à la régulation de milliers d’espèces dites nuisibles (les coccinelles figurent ainsi parmi nos meilleurs alliés contre les pucerons).</p>
<p>Souvent perçus comme innombrables, en nombre d’espèces comme d’individus, ils semblent pouvoir résister à tout. Pourtant, des études scientifiques récentes montrent, de manière répétée, qu’il n’en est rien. Le cas des <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/resinf/opm/2012/00000023/00000001/art00010%3bjsessionid=26s834lm1m8pm.x-ic-live-03">abeilles domestiques</a> et sauvages, qui souffrent terriblement de notre gestion des milieux naturels, est à ce titre emblématique.</p>
<p>Parue en octobre 2017, une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185809">étude</a> s’intéressant à des insectes évoluant dans des zones protégées au sein d’un paysage agricole en Allemagne a montré une baisse dramatique de l’abondance des populations : -76 % en 27 ans.</p>
<p>Il y a quelques jours, est paru dans la très sérieuse revue <em>Biological Conservation</em> un <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006320718313636">article</a> compilant les résultats de 73 études publiées depuis 40 ans sur le sujet. Cet article rigoureux a répertorié tous les travaux publiés, prenant en considération ceux qui analysaient des tendances quantitatives – nombre d’espèces ou abondances – sur des périodes de temps définies. Elle a conduit une analyse statistique des résultats de ces études, dans laquelle la valeur des résultats statistiques des différentes études est comparée – c’est ce que l’on appelle une méta-analyse statistique.</p>
<p>Le constat est accablant et quasi-unanime : la tendance est à la baisse drastique des populations d’insectes et à l’extinction probable de nombreuses espèces à l’horizon des quelques prochaines décennies, et cela plus encore que dans le cas des plantes ou des oiseaux.</p>
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<h2>41 % des espèces en déclin</h2>
<p>La lecture de ce nouvel article est déprimante car elle égrène une série de cas catastrophiques concernant papillons, hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis), coléoptères (carabes, scarabées, coccinelles, etc.), libellules et d’autres groupes d’insectes moins charismatiques mais tout aussi indispensables à la biodiversité, comme les perles ou les éphémères. Et cela dans de nombreuses régions et différents types d’environnements.</p>
<p>Au total, sur la base de toutes ces études, les auteurs évaluent qu’environ 41 % des espèces d’insectes sont en déclin, soit deux fois plus que les vertébrés et à un rythme encore plus rapide. Pour les nombreux pays concernés par les études recensées dans cet article (Amérique du Nord, Europe, Brésil, Chine, Japon, Afrique du Sud, Australie, etc.), il est estimé qu’un tiers des espèces est en risque d’extinction, ce qui est colossal. Il y a aussi de nombreux cas d’espèces manifestement déjà éteintes.</p>
<p>Quelques-unes des études analysées concernent la France, s’intéressant notamment aux coléoptères bousiers, qui ont un rôle primordial d’enfouissement des excréments d’animaux et dont nombre d’espèces régressent de façon alarmante. Doit-on rappeler que <a href="https://www.liberation.fr/terre/2004/03/29/des-insectes-retrouvent-du-gout-pour-la-bonne-bouse_474177">faute de bousiers locaux</a> adaptés aux bovins, l’Australie a du en importer pour éviter que des kilomètres carrés de prairies soient littéralement recouverts de bouses ?</p>
<p>Les auteurs de l’article soulignent également que ce bilan catastrophique est établi malgré le <a href="http://www.fondationbiodiversite.fr/images/documents/Syntheses/2018-07_2018-07_Synthese_Biomasse_Biais.pdf">peu d’attention relative</a> que portent aux insectes les scientifiques et les citoyens, par comparaison avec les groupes de vertébrés (mammifères, oiseaux, etc.).</p>
<p>De fait, ce bilan unanime risque de s’alourdir encore lorsqu’on prendra en considération plus de cas d’espèces, dans des régions lourdement impactées par les modifications environnementales humaines.</p>
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<h2>Des causes clairement identifiées</h2>
<p>Cette méta-analyse décrypte également certaines causes de ce déclin des populations d’insectes, comme l’usage des pollutions (fertilisants, pesticides). Or ce type d’exercice est toujours susceptible de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/03/29/pourquoi-les-pesticides-sont-bien-l-une-des-causes-du-declin-des-oiseaux_5278294_4355770.html">réveiller les contradicteurs</a>. Ceux-ci s’appuient souvent sur l’argument que « corrélation n’est pas raison ». Ou encore, ils soutiennent que les différentes causes étudiées seraient chacune d’importance mineure au prétexte qu’elles s’additionnent.</p>
<p>Par exemple, l’<a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185809">étude allemande</a> évoquée plus haut n’avait établi aucune corrélation environnementale simple au déclin catastrophique des populations insectes ; elle n’avait donc pu que soupçonner les traitements agricoles locaux en intensité croissante (drainage, pesticides, etc.) depuis plusieurs décennies.</p>
<p>Compte tenu de la gravité de la situation, de tels soupçons – étayés par des démonstrations indirectes négatives ou des corrélations – doivent aussi être pris en compte. Non seulement dans le cadre d’études scientifiques à venir qui seront plus ciblées mais aussi par mesures d’urgence et de précaution.</p>
<p>Car les insectes ne seront malheureusement pas les seules victimes de la très mauvaise gestion de nos milieux naturels ; à l’origine de nombre de ces perturbations, les communautés humaines n’échapperont pas aux effets néfastes sur leur santé ou leur confort de la pollution des nappes phréatiques, de la stérilisation de sols, des nombreuses pollutions, et du coût carbone ridiculement élevé des productions en circuits longs (par exemple, soja brésilien ou moutarde canadienne pour l’Europe).</p>
<p>La diversité des études <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006320718313636">recensées dans l’article</a> de <em>Biological Conservation</em> permet clairement d’établir quatre causes principales responsables du déclin des insectes : la conversion des milieux naturels (agriculture et urbanisation, perte de diversité des paysages, des milieux humides), les polluants – qu’ils soient fertilisants ou pesticides, sachant que la plupart des pesticides sont des insecticides –, les facteurs biologiques (introduction de pathogènes, d’espèces envahissantes ou de pseudo-auxiliaires) et, enfin, le changement climatique.</p>
<p>Il s’agit là des causes majeures citées par la plupart des bilans à l’échelle mondiale concernant la biodiversité dans son ensemble.</p>
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<h2>Quelles sont conséquences de ce déclin ?</h2>
<p>Il y a, tout d’abord, la certitude que des effets directs importants se font déjà sentir. Et l’on connaît depuis longtemps les liens entre abondance des insectes et existence de nombre d’espèces d’oiseaux, qui en dépendent pour leur nourriture. Peu ou pas d’insectes = <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/ou-sont-passes-les-oiseaux-des-champs">pas d’oiseaux</a>.</p>
<p>On sait aussi la situation préoccupante du « service » de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1461-0248.2005.00749.x">pollinisation</a> du fait du déclin des abeilles domestiques et sauvages. Moins de pollinisateurs amènera à une forte baisse de productivité agricole, avec peu ou pas de solutions de remplacement.</p>
<p>On sait aussi les relations complexes au sein des chaînes alimentaires incluant herbivores, prédateurs ou parasites. Le déclin de nombreuses espèces, en particulier des espèces dites « spécialisées », crée souvent des situations de déséquilibre dans les écosystèmes : on assiste par exemple à des pullulations de leurs antagonistes ou des disparitions de leurs associés, toutes préoccupantes sur le plan éthique ou immédiatement utilitaire.</p>
<p>Il y a ensuite la perspective complexe d’effets diffus et donc difficiles à prévoir.</p>
<p>Il faut en effet essayer d’imaginer la complexité des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-23210-y">réseaux</a> d’interaction entre les 40 000 espèces d’insectes, les quelque 8 000 espèces de plantes et les centaines d’espèces de vertébrés présents en France métropolitaine. Si l’on connaît assez bien aujourd’hui ces réseaux, et notamment les flux qui les parcourent, on n’en sait en revanche beaucoup moins sur les effets de ces déclins à des niveaux locaux plus fins. Certaines conséquences peuvent, d’autre part, être contre-intuitives : la disparition d’<a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1001569">espèces rares</a> et peu abondantes peut avoir d’importants effets compte tenu de leur rôle clé dans les écosystèmes.</p>
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<h2>Des pistes pour réagir</h2>
<p>Que faire pour remédier rapidement à cette situation ?</p>
<p>Il faudrait immédiatement restaurer une diversité indispensable de paysages, pratiquer massivement une agriculture raisonnée, voire bio, dans laquelle la lutte biologique et les bonnes pratiques peuvent diminuer de manière très importante l’apport d’intrants. Si cette solution est bien connue, sa mise en application rapide semble malheureusement toujours tributaire des tergiversations des décideurs et acteurs économiques, malgré sa bonne rentabilité…</p>
<p>Concernant les solutions à apporter au problème des espèces exotiques envahissantes qui sont l’une des causes majeures du déclin des insectes, les recommandations s’avèrent bien moins aisées. Aujourd’hui, les échanges et les transports commerciaux qui amènent un flux constant d’espèces localement <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms12986">exotiques</a> dans chaque écosystème ont pris une dimension globale qui échappe au contrôle.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/le-frelon-asiatique-est-entre-dans-paris-62746">Grâce à une étude génétique</a>, on sait ainsi que quelques femelles, voire une seule femelle fécondée plusieurs fois, sont probablement à l’origine de l’introduction du frelon asiatique en France. Dans le cas des invasions, il faut pouvoir agir vite sur des évènements souvent localisés et conduire des plans d’éradication vigoureux. Autant de modalités rarement employées jusqu’à présent.</p>
<p>Surtout, il faut cesser de porter sur les insectes et sur la nature en général, un regard manichéen.</p>
<p>Ni anges, ni démons, les insectes sont nos compagnons dans les milieux naturels, pour le meilleur et pour le pire, et nous devons interagir prudemment avec eux, sans penser que leur éradication massive par action directe ou par négligence est une solution envisageable. Leur déclin nous affecte déjà.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111849/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Grandcolas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une toute récente étude fait état d’une disparition massive des populations d’insectes. Une très mauvaise nouvelle pour la biodiversité.Philippe Grandcolas, Directeur de recherche CNRS, systématicien, UMR ISYEB, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1103662019-02-01T01:05:40Z2019-02-01T01:05:40ZFin des pesticides pour les particuliers, misez sur la biodiversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255859/original/file-20190128-108351-tk2rd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C212%2C5465%2C3076&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le 1er janvier, les jardiniers amateurs et les particuliers ne peuvent plus se procurer des pesticides de synthèse.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/gardener-tending-garden-356080496">Image Conscious/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier, les jardiniers amateurs français n’ont plus le droit de <a href="https://jardinage.lemonde.fr/article-222-vente-pesticides-particuliers-interdite-1er-janvier-2019.html">se procurer</a>, d’utiliser ou de stocker des produits à base de pesticides de synthèse, tels que le Roundup de Monsanto.</p>
<p>Les ravageurs combattus par les pesticides ne comptent pas pour autant déserter nos potagers. Dès lors, comment protéger nos plantations ? En recherchant sur Google des solutions pour « jardiner sans pesticides », on retrouve souvent l’idée selon laquelle diversifier les plantes composant un jardin constituerait une arme efficace contre les ravageurs. Qu’en est-il réellement ?</p>
<p>Les ravageurs désignent les insectes herbivores nuisibles pour l’agriculteur, le jardinier ou l’heureux propriétaire d’une terrasse fleurie ; en s’alimentant sur les plantes – sans les tuer, ce ne sont pas des prédateurs – ils compromettent la production ou la conservation de denrées alimentaires, ou altèrent l’esthétique des plantes d’ornement. Le <a href="https://www.animateur-nature.com/telechargements/animaux/doryphore.pdf">doryphore</a>, insecte de la famille des coléoptères, est par exemple l’un des pires ennemis de la pomme de terre. De son côté, la <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Mineuse_du_marronnier">mineuse du marronnier</a>, chenille ravageuse, donne une teinte brune aux feuilles de marronnier dès le début de l’été, leur donnant l’air moribond.</p>
<h2>Des ravageurs aux goûts sélectifs</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255837/original/file-20190128-39344-1oy0xlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La piéride du chou est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’à la famille de plantes incluant le chou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?search=pi%C3%A9ride+du+chou&title=Special:Search&profile=advanced&fulltext=1&advancedSearch-current=%7B%22namespaces%22%3A%5B0%2C6%2C14%5D%7D&ns0=1&ns6=1&ns14=1&searchToken=3pusn5fg5b5vcpeufkqdwvbv8#%2Fmedia%2FFile%3APi%C3%A9ride_du_chou_%2816788102074%29.jpg">Maxime Raynal/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Tous les herbivores n’attaquent pas toutes les plantes, et toutes les plantes ne subissent pas les assauts de tous les herbivores. Ces interactions dépendent des espèces des unes et des autres.</p>
<p>Les écologues distinguent les <a href="https://books.google.fr/books?id=gO4WDQAAQBAJ&pg=PA163&lpg=PA163&dq=herbivore+generaliste+specialiste&source=bl&ots=FtK6CefVMC&sig=ACfU3U00VZ5z5vdWvk0P67z1C_RiRhVZBA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiw1rOmmpHgAhU6AmMBHXBhCdcQ6AEwBHoECAUQAQ#v=onepage&q=herbivore%20generaliste%20specialiste&f=false">espèces spécialistes, des espèces généralistes</a>. Les herbivores dits « spécialistes » ne sont capables de s’attaquer qu’à un petit nombre de plantes de la même famille. La piéride du chou, par exemple, est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’aux Brassicacées, la famille de plantes incluant le chou.</p>
<p>À l’inverse, la chenille du papillon dite « noctuelle méditerranéenne » peut s’alimenter sur une gamme de plantes beaucoup plus large, appartenant à des familles botaniques différentes. On la qualifie donc d’espèce « généraliste ».</p>
<p>Cette préférence des herbivores pour certaines plantes explique la capacité de résistance d’un potager comportant des plantes diverses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255819/original/file-20190128-42594-1lu8vd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les grandes monocultures sont particulièrement susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/digitalmums/4590071842/in/photolist-6jLMGr-6m7kuR-6eCjrj-s7jpgk-bTQ3iD-razcxx-4NgrYt-4NkEU9-9xuUfJ-4YZdTi-LKa9E-6jBfJU-7ZBjrG-6jBhBq-LKh6r-LKhEv-55a8HS-eez8BY-9E8Q4U-4NkEyQ-4Kx2bi-axVWYt-eSiSut-rbdVFB-8ZAD5D-6eCsMY-caxxyL-bZu4nq-7W7USp-8hRELg-6qzepe-8hUVxC-6qDuzw-8iAFvT-8iAFPa-8hhXjn-8iAFii-qhuhkn-F2trfS-eSsuYh-4JqP2i-4ARTnS-8QeVAX-bWkhCd-rRxj2J-7MwvRY-FEoj1i-6uNkFP-6qDrxE-7MwvVb/">dmums/Flickr</a></span>
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<h2>Les monocultures, cibles privilégiées des ravageurs</h2>
<p>Prenons un paysage agricole dominé par les champs de colza. Pour un insecte herbivore spécialiste friand de cette plante oléagineuse, c’est le paradis !</p>
<p>Dans les années 1970, le chercheur américain Richard B. Root a formulé l’<a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2307/1942161">hypothèse</a> selon laquelle ces grandes monocultures seraient plus susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes : ceux-ci auraient une plus grande chance de coloniser ces champs et seraient donc moins susceptibles d’en partir.</p>
<p>Cette hypothèse, dite « de concentration de la ressource » a été largement <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12175">vérifiée depuis</a>. Dans ce contexte, la diversité des plantes joue le rôle de « diluant » : les plantes hôtes de l’herbivore spécialiste se retrouvent mélangées au milieu d’autres espèces végétales que l’herbivore ne reconnaît pas, voire même évite.</p>
<p>Cela s’applique autant à la diversité des plantes dans un champ qu’à la diversité des cultures <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880917303213">à l’échelle du paysage</a>. Lorsqu’ils prospectent dans leur environnement à la recherche de nourriture, les herbivores spécialistes seraient plus susceptibles de se perdre en chemin quand leur ressource est diluée.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1461-0248.2011.01642.x">Toutes les études</a> ne vont toutefois pas dans le même sens. Il arrive qu’ils se concentrent au contraire dans les rares parcelles ou sur les quelques plantes hôtes qu’ils trouvent ! La diversité des plantes ne fait donc pas tout, parce qu’aux yeux et aux antennes de l’herbivore, toutes ne se valent pas.</p>
<h2>Résister en s’associant</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256140/original/file-20190129-108351-1nino5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une chenille du bombyx disparate, ravageur des arbres feuillus, sur une feuille de chêne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comment les herbivores reconnaissent-ils et choisissent-ils leurs plantes hôtes ?</p>
<p>Tout comme nous, les insectes herbivores utilisent leurs sens, la vue, l’odorat et le goût. Par exemple, les récepteurs olfactifs présents sur leurs antennes permettent aux insectes herbivores de reconnaître et de s’orienter vers les odeurs attractives émises par leurs plantes hôtes, tout en évitant les odeurs répulsives émises par celles qui n’entrent pas dans leur régime alimentaire.</p>
<p>Des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0069431">chercheurs de l’université d’Uppsala</a>, en Suède, ont ainsi montré que des plants de pommes de terres cultivées en présence d’odeurs d’oignons étaient moins attractifs pour des pucerons que des plants 100 % pommes de terre ! On appelle « résistance par association » celle conférée par la présence de plantes voisines.</p>
<p>Attention toutefois : associer différentes espèces de plantes ne marche pas à tous les coups ! Le phénomène inverse, dit de « susceptibilité par association », existe tout autant. Une plante émettant des composés répulsifs pour certains herbivores peut les amener à se concentrer sur les plantes voisines qui se retrouvent ainsi plus vulnérables. Dans un <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/0012-9658%282000%29081%5B1795%3AASOCTA%5D2.0.CO%3B2">exemple classique</a>, Jennifer White et Thomas Whitham ont montré que le peuplier était plus attaqué par la <a href="https://www.wikiwand.com/fr/Arpenteuse_d%27automne">chenille arpenteuse d’automne</a> lorsqu’ils étaient associés à l’érable négundo.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256142/original/file-20190129-108370-8yxaj4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chenille de pyrale du buis, bien cachée entre des feuilles de buis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bastien Castagneyrol</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Encourager les ennemis des herbivores</h2>
<p>En l’absence de pesticides de synthèse, le jardinier amateur pourra aussi utiliser la diversité des plantes pour favoriser les ennemis des herbivores. La diversité de taille ou d’architecture des plantes crée par exemple des habitats hétérogènes qui abritent une plus grande diversité de prédateurs (notamment des araignées, des carabes, des syrphes) que celle de cultures très homogènes.</p>
<p>De plus, les prédateurs et les parasitoïdes – des organismes dont les larves se développent dans le corps des herbivores et les rongent de l’intérieur – peuvent bénéficier du nectar produit par certaines plantes et y trouver une source de nourriture complémentaire en cas de manque de proies. Dans ces deux cas, la diversité des plantes favorise la diversité et l’activité des prédateurs, ce qui – souvent, mais pas systématiquement – peut conduire à un meilleur contrôle des insectes herbivores.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iLQuuK3Oias?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les conseils pratiques délivrés par de nombreux sites Internet pour « jardiner sans pesticides » s’appuient donc sur des éléments bien établis. La recherche en écologie montre effectivement que la <a href="https://www.researchgate.net/profile/Adrianna_Szczepaniec/publication/221958507_Associational_Resistance_and_Associational_Susceptibility_Having_Right_or_Wrong_Neighbors/links/0c9605258049ecc78e000000/Associational-Resistance-and-Associational-Susceptibility-Having-Right-or-Wrong-Neighbors.pdf?origin=publication_detail">diversité des plantes</a> permet de limiter l’impact des insectes herbivores sur les plantes – en réduisant l’accessibilité des herbivores à leurs plantes hôtes et rendant plus probable le contrôle biologique exercé par les ennemis naturels des herbivores.</p>
<p>Mais ce que les recommandations omettent de préciser, c’est que toutes les associations ne se valent pas. Il est donc urgent de mieux comprendre pourquoi certaines associations de plantes « marchent », ou pas, pour lutter efficacement contre les insectes herbivores. Mélanger des plantes trop ressemblantes entre elles pourrait avoir des effets contraires à ceux attendus. La recherche en écologie a de beaux jours devant elle !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110366/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Castagneyrol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le 1ᵉʳ janvier, l’usage des pesticides de synthèse est interdit aux jardiniers amateurs. Diversifier les plantes de votre potager peut constituer un outil naturel efficace contre les ravageurs.Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1023002018-08-28T16:15:51Z2018-08-28T16:15:51ZNicolas Hulot face au « mur des lobbies »<p>L’annonce-surprise de la démission de Nicolas Hulot, en pleine rentrée gouvernementale, aura sans aucun doute étonné une partie du gouvernement et de l’opinion. Elle s’inscrit cependant dans la suite logique d’une série de compromissions et de grands écarts qui ont mis le ministre de la Transition écologique et solidaire dans une position difficile, voire intenable.</p>
<p>Au fil d’une année riche en dossiers lourds et complexes, celui du glyphosate au premier rang, le mandat du parfois <a href="https://www.challenges.fr/politique/shampoings-ushuaia-la-machine-a-cash-de-nicolas-hulot-dans-le-viseur-du-canard-enchaine_485239">controversé Monsieur « Ushuaïa »</a> n’a pas été un long fleuve tranquille, tant les arbitrages de Matignon et de l’Élysée ont pu le placer en porte à faux de ses convictions et engagements.</p>
<p>Lors des controverses et polémiques autour de certains dossiers – nucléaire, pesticides et transition agricole par exemple –, le ministre d’État apparaît avoir eu moins de poids que certains lobbies, voire d’autres ministères, ceux de l’Agriculture et de l’Économie notamment. Plus encore, il est revenu à l’ancien animateur télé d’avoir à assurer la promotion de décisions diamétralement opposées à ses engagements passés. Son mandat a pu ainsi ressembler, au mieux, à un simple exercice de communication gouvernementale, au pire, à un véritable cas d’étude de <em>greenwashing</em>.</p>
<p>À force de se heurter au « mur des lobbies », Nicolas Hulot a fini par démissionner, sans en informer Édouard Philippe ni Emmanuel Macron ; cela marque un grand désarroi mais également un manque de compréhension mutuelle, après seulement 15 mois passés au gouvernement. Sans faire ici le bilan de ce court mandat, il est intéressant de revenir sur quelques dossiers phares qui témoignent des contradictions de la politique écologique d’Emmanuel Macron.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1009219480684322822"}"></div></p>
<h2>La « caution écologique » de la présidence Macron</h2>
<p>Avec son pacte écologique, lancé en 2007, l’ancien animateur télé tente depuis longtemps d’inscrire les enjeux écologiques au cœur de la vie politique française, et en particulier de l’élection présidentielle. Longtemps courtisé par différents partis politiques, de l’UMP au PS, et après une candidature malheureuse à la primaire d’Europe Écologie-Les Verts en 2011, il refuse plusieurs fois d’intégrer le gouvernement de Manuel Valls, malgré les demandes insistantes et répétées de François Hollande.</p>
<p>Sa nomination en mai 2017, au ministère de la Transition écologique et solidaire, avec un rang de ministre d’État, semble incarner pleinement le renouveau voulu par Emmanuel Macron, et l’ouverture du gouvernement Philippe a des personnalités de premier plan de la société civile. Cette nomination joue en outre le rôle d’une véritable caution écologique, voire d’un souci et d’un intérêt réel d’Emmanuel Macron pour les enjeux environnementaux, tout en assurant un capital sympathie au gouvernement nouvellement formé, tant Nicolas Hulot est populaire dans l’opinion française.</p>
<p>Très rapidement, l’annonce en juillet 2017 de la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/07/06/nicolas-hulot-annonce-une-prime-pour-remplacer-les-vehicules-les-plus-polluants_5156706_3244.html">fin de la commercialisation des voitures à essence et diesel</a> d’ici 2040, l’inscription de l’environnement dans l’article premier de la Constitution, tout comme l’abandon définitif en janvier 2018 du projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes sonnent comme autant de « victoires » importantes pour Nicolas Hulot.</p>
<p>Ces annonces sont cependant loin de constituer de réelles avancées environnementales pour la France. L’inscription de l’environnement dans la Constitution ou la volonté de s’éloigner d’un modèle énergétique basé sur les hydrocarbures d’ici 2040 sonnent comme des vœux pieux. Et le retrait du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pourrait même ressembler une aubaine pour son futur ex-concessionnaire, le groupe de BTP Vinci : désastreux en termes d’image pour l’entreprise, le projet n’emballait plus vraiment le concessionnaire qui préférera sans doute <a href="https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/220118/notre-dame-des-landes-veni-vidi-vinci">récupérer des indemnités</a>, dont le montant n’a pas encore été dévoilé. Loin d’être uniquement écologique, la décision semble avant tout politique et économique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"994318900748832768"}"></div></p>
<h2>Glyphosate, cachez ce pesticide que je ne saurais interdire</h2>
<p>Dans les dossiers évoqués pour justifier sa démission, Nicolas Hulot cite notamment les pesticides et la biodiversité, deux sujets sur lesquels les manœuvres des lobbies ont été parmi les plus agressives et efficaces. C’est sans doute sur le dossier du glyphosate que l’échec de l’écologiste semble avoir été le plus cinglant, critère vraisemblablement déterminant de son départ.</p>
<p>Cet herbicide suscite depuis longtemps une forte controverse dans la communauté scientifique et se trouve au cœur de nombreuses polémiques médiatiques, politiques et juridiques. <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/proces-roundup-monsanto-condamne-a-payer-289-millions-de-dollars-de-dommages-1302549">La récente condamnation de Monsanto</a> dans l’affaire qui l’oppose au jardinier Dewayne Johnson a enfoncé le coin dans une <a href="http://theconversation.com/glyphosate-la-guerre-du-faux-a-bien-eu-lieu-86291">stratégie de communication et de lobbying agressive</a> que mène l’entreprise pour défendre son produit phare, le Roundup (le glyphosate en est le principe actif). Nicolas Hulot ne sera jamais parvenu à faire inscrire la date de son interdiction dans la loi.</p>
<p>Sur ce point, les lobbies semblent avoir de loin dicté les choix écologiques du gouvernement et en particulier d’avoir fait pencher la <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/yannick-jadot-lobbies-stephane-travert-7794482444">balance en faveur du ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert</a>. Le lobby de l’industrie des pesticides, l’UIPP, ou encore celui de l’agriculture « conventionnelle », la FNSEA, ont été en effet <a href="http://www.fnsea.fr/toutes-les-thematiques/agriculture-durable/bonnes-pratiques-agricoles/articles/glyphosate-sans-alternative-viable-nous-n-accepterons-pas-d-interdiction/">vent debout toute volonté d’interdire</a> la molécule controversée, jugeant qu’il n’y a pour l’instant pas d’alternative valable et que l’ utilisation du glyphosate rendait, selon l’UIPP, de <a href="http://www.uipp.org/Actualites/Les-services-rendus-par-le-glyphosate-en-agriculture">« réels services aux agriculteurs »</a>.</p>
<p>Face au poids politique et économique de ces acteurs, le gouvernement tranche et Hulot se trouve de nouveau pied au mur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879855749299662851"}"></div></p>
<h2>Un « Vieux monde » bien présent</h2>
<p>En réaction à la critique lancinante de n’être que le président des villes (et des riches), Emmanuel Macron a récemment pris une série de décisions à même de satisfaire les campagnes et certaines coteries traditionnelles. Le lobby des chasseurs a ainsi réussi à faire diviser par deux le prix du permis de chasse tout comme à faire autoriser le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/les-mesures-pour-la-chasse-sont-du-clientelisme-pathetique-d-apres-le-president-de-la-ligue-de-protection-des-oiseaux_2913793.html">piégeage de certaines espèces d’oiseaux</a> pourtant menacées.</p>
<p>Les lobbies de l’agriculture intensive et de l’agro-industrie ont pour leur part été choyés au Parlement lors du vote de la décevante loi sur l’Alimentation, où la plupart des amendements en faveur de l’amélioration du bien-être animal ont été rejetés.</p>
<p>Plus encore que l’influence des lobbies et le poids des intérêts économiques dans les décisions environnementales, ces dossiers – et tout particulièrement celui du glyphosate – sont révélateurs d’un modèle écologique de la macronie, bien loin d’un Nouveau Monde ! La phrase de Stéphane Travert, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/25/le-ministre-de-lagriculture-stephane-travert-furieux-quon-repete-quil-est-aux-mains-des-lobbies_a_23443226/">fustigeant « les petits marquis de l’écologie »</a>, traduit bien cette orientation où la question environnementale n’est ni centrale ni déterminante.</p>
<p>Avec le départ de Nicolas Hulot, tombé face au mur des lobbies, se valide alors l’adage chevènementiste – « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule » – et inscrit très nettement la politique écologique de la macronie dans l’Ancien Monde. En somme, <em>Make our planet great again</em> mais <em>Economy first</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver est membre de l'Académie des controverses et de la communication sensible (<a href="http://academie-ccs.org/">http://academie-ccs.org/</a>).</span></em></p>Dans certains dossiers particulièrement sensibles, du nucléaire aux pesticides, le ministre d’État apparaît avoir eu moins de poids que certains lobbies ou d’autres ministères.François Allard-Huver, Maître de conférences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759462017-06-27T18:13:16Z2017-06-27T18:13:16ZImpacts du glyphosate sur la santé et l’environnement, ce que dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175597/original/file-20170626-12696-1f57hnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Traitement d’un champ au glyphosate au Royaume-Uni en 2014. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/chafermachinery/15415567073/in/photolist-pudP2c-9TJyjM-9TJzoe-ozjfAB-9E6mXS-og4F7L-ptZnEC-oCwybJ-pUoY5Y-9TJyJa-9E3sHP-qaVBo1-oeLF5h-orTMhE-pudZUV-9EiaBp-9TJy5V-thFr2S-9E3fys-domMbu-5osr4e-nixaHL-ptZxbG-k7GU4K-ptZoGC-oCmqDS-q9yAGP-q9yDMr-b7cGjD-b7cFjz-ogNykZ-q9q8Us-qoGDF3-ogwfK6-b7beTr-pudSix-b7bd5a-ptZvcS-pudUoV-nZj1MW-ogwaqD-nZj3qf-b7bffB-oiyUaH-cKkZBo-ogKTD1-ogBY5o-b7bfzp-b7bkHc-b7bnaP">Chafer Machinery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On connaît le glyphosate depuis le début des années 1970 lorsqu’il fut introduit par Monsanto avec la commercialisation du Roundup. Depuis, d’autres glyphosates sont apparus, portant différents noms et répondant à diverses formules chimiques en fonction des adjuvants utilisés pour les élaborer.</p>
<p>Ces herbicides figurent parmi les <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-016-0070-0">plus utilisés en agriculture</a>. Les raisons en sont multiples : simplicité d’utilisation, coût modique, action sur certaines voies métaboliques de la croissance des végétaux qui n’existent pas chez les animaux.</p>
<p>Quoique la toxicité des glyphosates <a href="http://npic.orst.edu/factsheets/glyphogen.html">ne fait pas doute</a>, de nombreuses controverses existent quant au degré de cette toxicité sur les différents organismes vivants et sur l’environnement.</p>
<p>Cette toxicité dépend non seulement du type de la formulation du glyphosate, mais aussi des facteurs environnementaux tels que la température, le pH, la nature et la structure du sol, ainsi que les sédiments en suspension et la concentration en algues alimentaires dans le cas des milieux aquatiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879583791618109441"}"></div></p>
<h2>Quels impacts sur la flore ?</h2>
<p>Le mode d’action des glyphosates consiste à inhiber une voie métabolique spécifique de la croissance des plantes, voie metabolique qui n’existe pas chez les autres organismes vivants, comme les animaux ou les insectes.</p>
<p>Mais ces substances n’affectent pas uniquement les mauvaises herbes contre lesquelles on les utilise. Et l’avis selon lequel les glyphosates sont facilement dégradés et absorbés dans les sols – donc sans effet néfaste sur l’agriculture – <a href="http://www.mdpi.com/2305-6304/3/4/462/htm">est erroné</a>. Des études ont ainsi montré que les glyphosates se trouvent facilement acheminés <a href="https://academic.oup.com/jxb/article-lookup/doi/10.1093/jxb/eru269">des tiges vers les racines</a> ; ils peuvent de cette façon être stabilisés et affecter négativement les plantes non ciblées par le traitement.</p>
<p>Parmi ces effets négatifs, on note une réduction de l’absorption des éléments nutritifs du sol, comme le manganèse, le zinc, le fer et le bore, éléments connus pour leurs rôles dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies. Par conséquent, en réduisant l’absorption de ces éléments nutritifs, les glyphosates affectent indirectement la résistance des plantes aux maladies, ce qui induit en retour une utilisation plus intense de pesticides.</p>
<h2>Quels impacts sur la faune ?</h2>
<p>Les effets toxiques sur la faune s’avèrent plus importants que sur les plantes.</p>
<p>Des études de toxicité menées sur les rats ont démontré que si le glyphosate-Roundup (le plus connu des glyphosates) n’a pas induit d’effets toxiques visibles sur les femelles en gestation, il a eu un effet négatif <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00204-006-0170-5;http://www.i-sis.org.uk/glyphosate_kills_rat_testis_cells.php">sur la fertilité</a> des mâles, notamment des anomalies au niveau des spermatozoïdes et une baisse de la fertilité.</p>
<p><a href="https://www3.epa.gov/pesticides/endanger/litstatus/effects/redleg-frog/glyphosate/determination.pdf">D’autres expérimentations</a>, conduites notamment sur des grenouilles, ont démontré que les adjuvants – c’est-à-dire les composants autres que le principe actif entrant dans la composition du Roundup – avaient des effets négatifs, notamment sur les hormones thyroïdiennes de grenouilles.</p>
<p>On a d’autre part noté un impact plus important des glyphosates <a href="https://people.csail.mit.edu/seneff/Hoy_wildlife_2015.pdf">sur les oiseaux sauvages</a> que sur les oiseaux domestiques. Chez ces derniers, le facteur de son accumulation dans l’organisme est relativement faible car ils sont moins directement exposés à ces substances.</p>
<p>Du côté des organismes marins, même s’ils sont moins concernés que les espèces terrestres, de nombreuses études ont rapporté que le glyphosate avait provoqué des lésions du foie et des reins, comme chez le <a href="http://www.academicjournals.org/article/article1380968357_Ayoola.pdf">tilapia du Nil</a> ; après 96 heures d’exposition à des doses relativement élevées, une mortalité accrue a été observée. <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09712119.2015.1031776">D’autres études</a> ont révélé que les glyphosates provoquaient une diminution de certaines fonctions du foie et du métabolisme général.</p>
<h2>Quels impacts sur les sols ?</h2>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18161065">Des études</a> ont montré que le glyphosate possède un potentiel perturbateur affectant les microbes du sol. Il faut toutefois souligner que l’absorption, la dégradation et la lixiviation (c’est-à-dire la perte des éléments minéraux par lessivage) des sols causées par les glyphosates varient selon les types de sols ; beaucoup reste encore à comprendre dans ce domaine.</p>
<p>Cette variabilité et cette incertitude rendent très difficile l’établissement d’un tableau clair du devenir des glyphosates dans les sols. Certaines études ont cependant montré que ce dernier varie, certains complexes minéraux du sol retenant davantage les glyphosates que d’autres.</p>
<p>Il faut ici souligner que la matière organique – un des éléments les plus actifs du sol – ne semble pas avoir de capacité à absorber et retenir les glyphosates ; mais elle pourrait jouer un rôle dans ce processus. Même chose pour les éléments nutritifs des sols qui semblent également jouer un rôle réel dans l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18161065">absorption des glyphosates</a>.</p>
<p>L’hypothèse de l’implication du phosphate dans ce processus a été avancée, même si certaines contradictions ont été soulignées. Dans certains sols, la désorption du phosphate <a href="http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-90162003000100026">favoriserait la dégradation</a> des glyphosates ; dans d’autres, on note un <a href="https://cdn.intechopen.com/pdfs-wm/13139.pdf">effet contraire, sinon aucun effet</a>.</p>
<p>Ces observations ont amené à classer les sols en deux catégories : ceux qui sont sujets à une compétition entre les glyphosates et le phosphate, avec une préférence pour ce dernier ; ceux possédant des sites spécifiques d’adsorption, en faveur soit des glyphosates ou du phosphate. Par conséquent, un sol riche en phosphate pourrait retenir moins de glyphosates, induisant une plus grande contamination des couches inférieures du sol et des nappes phréatiques ; à l’inverse, la pauvreté des sols en phosphates constituerait un facteur favorisant l’accumulation des glyphosates dans les couches supérieures des sols et donc une plus grande accumulation par les plantes.</p>
<p><a href="https://www.soilassociation.org/media/7202/glyphosate-and-soil-health-full-report.pdf">D’autres études</a> ont montré que les glyphosates utilisés aux doses recommandées en agriculture n’avaient aucun effet négatif sur les populations microbiennes – la flore microbienne représentant l’un des principaux facteurs de dégradation des glyphosates dans les sols – et peu d’effets sur les populations fongiques ; des effets stimulants ont même été observés sur certaines espèces microbiennes.</p>
<h2>Quels impacts pour l’homme ?</h2>
<p>Comme toutes les études de toxicité des produits chimiques, la toxicité des glyphosates sur l’homme a fait l’objet de peu d’études, comparativement à celles menées sur les animaux ; ceci est principalement imputable aux difficultés techniques et éthiques, sans compter bien sûr les contraintes d’ordre financier et commercial.</p>
<p>Même si de nombreuses études ont souvent démontré que les adjuvants utilisés – notamment le polyoxyethyleneamine ou POEA – sont beaucoup plus nocifs que le principe actif des glyphosates, il n’en demeure pas moins que cette catégorie de pesticides <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15862083">représente un danger</a> pour l’environnement et la santé humaine.</p>
<p>Tous les pesticides contiennent des adjuvants ; la toxicité de ces composés ne fait que s’ajouter à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3955666/">celle du principe actif</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, si les organismes de régulations considèrent les glyphosates comme non toxiques aux doses recommandées, la communauté scientifique est elle convaincue que ces substances sont toxiques et même cancérogènes, à l’image de nombreux pesticides.</p>
<p>À titre d’exemple, l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC) a <a href="https://www.iarc.fr/fr/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf">publié en mars 2015</a> un rapport classant le glyphosate comme « cause probable de cancer chez l’homme », alors que l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) avait pour sa part <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/151112">indiqué en novembre</a> de la même année qu’il était peu probable que le Roundup représente un risque cancérogène pour l’homme.</p>
<p>Cette controverse a été attisée en mars 2017 par la décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de ne pas classer le glyphosate comme produit cancérogène ; à cela s’ajoute le revirement de l’Organisation mondiale de la santé qui en <a href="http://www.who.int/foodsafety/jmprsummary2016.pdf">mai 2016</a> a déclaré le Roundup comme non potentiellement cancérogène alors qu’elle avait dit le contraire quelques mois plus tôt.</p>
<p>Récemment, un groupe de scientifiques <a href="http://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(15)70134-8/abstract">a publié un commentaire</a> à propos de cette polémique autour du caractère cancérogène ou non du glyphosate. Ces derniers considèrent qu’il est plus approprié et plus rigoureux scientifiquement de considérer ce produit comme cancérogène au vu des évaluations et des données scientifiques portant sur des cas de cancers rapportés chez l’homme et certains animaux en laboratoire.</p>
<p>En se basant sur cette conclusion et en absence de toute preuve du contraire, il apparaît donc raisonnable de conclure que les glyphosates, sous toutes leurs formulations chimiques, doivent être considérés comme potentiellement cancérogènes. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879673195074396160"}"></div></p>
<p>Il est donc urgent de mener des études beaucoup plus approfondies visant à obtenir des données fiables quant aux effets directs et indirects de ces produits sur les organismes vivants, l’environnement et l’homme. Une urgence dictée par l’utilisation massive de ces substances en agriculture… Il serait malheureux de revivre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dichlorodiph%C3%A9nyltrichloro%C3%A9thane">drame du DDT</a>, cet insecticide reconnu comme dangereux et interdit dans les années 1970.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75946/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour ses recherches, Noureddine Benkeblia a reçu des financements de AMEXCID (Mexico). </span></em></p>Que nous disent les travaux scientifiques sur les effets de cet herbicide mondialement utilisé sur la flore, la faune, les sols et la santé humaine ?Noureddine Benkeblia, Professor of Crop Science, Department of Life Sciences, University of the West Indies, Mona CampusLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/788072017-06-13T20:57:04Z2017-06-13T20:57:04ZVingt ans après le début de l’effondrement des colonies, comment se portent les abeilles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173468/original/file-20170612-32034-ma4u48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les abeilles sauvages et domestiques pollinisent un tiers des plantes que nous consommons.</span> <span class="attribution"><span class="source">Simon Klein</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>C’était il y a vingt ans déjà : les apiculteurs français alertaient sur l’utilisation de pesticides comme le <a href="http://www.humanite.fr/la-longue-marche-des-abeilles-contre-les-pesticides-596007">Gaucho</a>, responsable selon eux d’une mortalité accrue dans les ruches ; on parle à l’époque de pertes annuelles entre <a href="https://www.lesechos.fr/amp/300195675.php">300 000 et 400 000</a> abeilles, entraînant une <a href="http://www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/abeilles/Abeilles_rapport.pdf">chute de 50 %</a> de la production de miel aux abords de champs de tournesols traités avec ce produit phytosanitaire. Cet épisode a constitué la première prise de conscience du danger auquel sont exposés ces insectes dans nos sociétés industrialisées.</p>
<p>Dix ans plus tard, c’est au tour des apiculteurs américains de tirer la sonnette d’alarme, après avoir observé des milliers de ruches soudainement vidées de leurs occupantes. Sur 2,4 millions de ruches au total, <a href="https://www.lesechos.fr/amp/300195675.php">1,5 million</a> disparaissent en effet en quelques mois dans une petite trentaine d’États. Ce phénomène appelé <a href="https://www.epa.gov/pollinator-protection/colony-collapse-disorder">« syndrome d’effondrement des colonies »</a> a provoqué une nouvelle prise de conscience planétaire. Contrairement à l’épisode du Gaucho, les pertes concernées sont plus importantes et leurs causes bien moins claires.</p>
<h2>Une préoccupation mondiale</h2>
<p>Depuis, nous avons réalisé que ces pertes ne concernaient pas seulement la France ou les États-Unis : des <a href="https://theconversation.com/honeybee-decline-warrants-concern-but-not-panic-5707">problèmes similaires</a> ont été observés un peu partout en Europe, en Asie et en Australie. Préoccupation supplémentaire, les abeilles domestiques ne sont pas les seules atteintes : de nombreuses espèces sauvages (comme les abeilles solitaires et les bourdons) sont désormais en danger. Or certaines plantes ne sont pollinisées que par ces espèces, à l’image de certaines Méllitidés qui butinent uniquement les fleurs de lysimaques.</p>
<p>La perte des abeilles peut avoir de graves conséquences pour la biodiversité et l’humanité. Car les abeilles sauvages et domestiques <a href="http://www.ipbes.net/publication/thematic-assessment-pollinators-pollination-and-food-production">pollinisent</a> environ un tiers des plantes que nous consommons, participant ainsi à un service écologique évalué à <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800908002942">153 milliards d’euros</a> par an à travers le monde (dont <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/11/24/20002-20161124ARTFIG00099-l-extinction-des-abeilles-couterait-29-milliards-d-euros-a-la-france.php">2,9 milliards d’euros en France</a>).</p>
<p>Deux décennies après les premiers signalements d’effondrement des colonies, dans quel état se trouvent les populations d’abeilles dans le monde ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"866778642327666688"}"></div></p>
<h2>Les abeilles aujourd’hui</h2>
<p>Depuis les premiers symptômes de déclin, nombre de pays ont développé des méthodes de recensement des colonies d’abeilles domestiques et nous avons accès aujourd’hui à un ensemble conséquent de données ; mais ces études demeurent souvent incomplètes et il persiste de réelles disparités entre les méthodes de comptage, rendant délicate la comparaison entre les pays ou les continents.</p>
<p>Au sortir de l’hiver 2016, l’évaluation des pertes pour la France variait par exemple entre <a href="http://blog-itsap.fr/pertes-de-colonies-hiver-2016-premiers-resultats/">13 et 20 %</a> en fonction des méthodes de comptage.</p>
<p>Aux États-Unis, les chiffres indiquent une situation préoccupante avec <a href="https://beeinformed.org/results/colony-loss-2015-2016-preliminary-results/">28,1 %</a> de colonies vidées durant l’hiver 2015-2016. On estime en général que les apiculteurs peuvent tolérer jusqu’à 15 % de pertes naturelles en hiver. Au Canada, les pertes atteignent <a href="http://www.capabees.com/shared/2015/07/2016-CAPA-Statement-on-Colony-Losses-July-19.pdf">16,8 %</a>, ce qui est mieux mais ce chiffre dépasse encore le seuil à partir duquel il est difficile de repeupler les cheptels.</p>
<p>Si nous ne disposons que de peu de recul pour l’Europe centrale, les abeilles semblent résister assez bien dans cette zone, avec <a href="http://www.coloss.org/announcements/losses-of-honey-bee-colonies-over-the-2015-16-winter">11,9 %</a> de pertes en 2015-2016.</p>
<p>Du côté de la Nouvelle-Zélande, les comptages n’ont débuté que l’an dernier, montrant une perte faible de <a href="http://www.landcareresearch.co.nz/science/portfolios/enhancing-policy-effectiveness/bee-health">10,7 %</a>. Il faut souligner que dans nombre de pays, comme l’Australie et la plupart des pays asiatiques, africains ou sud-américains, les comptages nationaux réguliers font toujours défaut.</p>
<p>Pour ce qui est des espèces non domestiques, les données demeurent à ce jour insuffisantes mais celles dont nous disposons sont alarmantes. En Europe, 9,2 % des 1965 espèces d’abeilles sauvages recensées sont en <a href="http://cmsdata.iucn.org/downloads/erl_of_bees_low_res_for_web.pdf">danger d’extinction</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173578/original/file-20170613-25860-7bxl4o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les bourdons, pollinisateurs sauvages, sont tout autant menacés que les abeilles domestiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tamara Gomez</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Les causes de l’effondrement</h2>
<p>Ces dix dernières années, la recherche s’est intensifiée et a fait d’énormes progrès dans la compréhension de l’effondrement des colonies. Nous savons désormais qu’il s’agit d’un problème <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214574515000541">complexe et multi-causal</a>… mais pas insoluble.</p>
<p>Pour toutes les abeilles, butiner est une tâche complexe : elles doivent parcourir de longues distances pour récolter pollen et nectar sur des fleurs pas toujours faciles à localiser. Puis il leur faut retourner au nid pour nourrir leur colonie. L’accomplissement de ces tâches nécessite des systèmes sensoriels et d’apprentissage performants pour s’orienter correctement, reconnaître les fleurs et apprendre à les manipuler.</p>
<p>Tout ce qui endommage leurs systèmes cognitifs peut ainsi désorienter les abeilles et les empêcher de trouver des fleurs ou leur nid. Or une abeille dans une telle situation est considérée comme morte pour sa colonie.</p>
<p>Les abeilles sont ainsi très vulnérables aux stress dits « sublétaux », qui ne provoquent pas directement leur disparition mais perturbent leur comportement. Dans un article publié récemment dans <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169534716302439"><em>Trends in Ecology & Evolution</em></a>, nous avançons l’idée que l’industrialisation toujours plus grande de nos sociétés est à l’origine de la multiplication des stress sublétaux, qui restent toutefois difficiles à identifier.</p>
<p>La <a href="https://phys.org/news/2013-10-diesel-exhaust-honeybees-forage.html">pollution automobile</a> ou les <a href="https://theconversation.com/neonicotinoids-linked-to-wild-bee-and-butterfly-declines-in-europe-and-us-63999">pesticides</a> réduisent par exemple l’efficacité de butinage en perturbant les communications nerveuses dans le cerveau des insectes. L’agriculture intensive et le <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/earth/earthnews/10730667/Bees-and-the-crops-they-pollinate-are-at-risk-from-climate-change-IPCC-report-to-warn.html">réchauffement climatique</a> altèrent également la <a href="https://theconversation.com/poor-nutrition-may-be-another-reason-for-the-declining-honey-bee-population-48684">nutrition</a> des abeilles, en réduisant la diversité des plantes disponibles ou leurs périodes de floraison.</p>
<p>Les abeilles domestiques sont d’autre part sujettes à de nombreux parasites, virus ou prédateurs qui se sont répandus au niveau mondial au gré des échanges commerciaux et autres transports humains incessants. <a href="https://theconversation.com/explainer-varroa-mite-the-tiny-killer-threatening-australias-bees-25710"><em>Varroa destructor</em></a>, le plus répandu de ces parasites provoque ainsi chez les abeilles des problèmes de développement cérébral.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173472/original/file-20170612-10249-1jmcoy3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Butiner le pollen, une activité exigeante au niveau cognitif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simon Klein</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Quelles actions pour sauver les abeilles ?</h2>
<p>La préservation des populations d’abeilles dépend de la qualité de leur environnement. Et la moindre petite action peut faire la différence ! Fleurir son jardin ou son balcon de <a href="http://www.shakymiel.fr/liste-melliferes-plantes-fleurs-nectariferes/">variétés</a> riches en nectar permettra de nourrir les abeilles. Réduire, voire éliminer, l’utilisation d’herbicides et de pesticides constitue une autre bonne pratique, de même que passer la <a href="https://www.researchgate.net/publication/301688107_Influence_of_the_reduction_of_urban_lawn_mowing_on_wild_bee_diversity_Hymenoptera_Apoidea">tondeuse moins fréquemment</a> pour fournir de nombreuses plantes à fleurs locales aux abeilles sauvages.</p>
<p>S’initier à l’apiculture en rejoignant un club ou construire un <a href="http://www.terrevivante.org/237-construire-un-hotel-a-inscetes.htm">hôtel à insectes</a> sur votre balcon ou dans votre jardin sont d’autres initiatives à explorer. Enfin, l’achat de miel de production locale et l’approvisionnement auprès de circuits courts ou d’une agriculture respectueuse de l’environnement pourront contribuer à protéger les colonies.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment fabriquer un hôtel à insectes (Rustica, 2015).</span></figcaption>
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<p>Sur le plan législatif, la France aura été l’un des premiers pays à prendre position en faveur de l’interdiction des pesticides neonicotinoides, dont de <a href="http://science.sciencemag.org/content/336/6079/348">nombreuses recherches</a> ont prouvé l’effet néfaste sur la cognition des abeilles. La loi, entrée en vigueur récemment, prévoit une interdiction de leur utilisation à partir de <a href="http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2016/06/22/les-deputes-se-prononcent-sur-l-epineux-dossier-des-pesticides-tueurs-d-abeilles_4956095_1652692.html">septembre 2018</a>, avec cependant des dérogations possibles jusqu’en 2020 (un recul par rapport au <a href="https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201506/projet_de_loi_pour_la_reconquete_de_la_biodiversite_de_la_nature_et_des_paysages.html">premier rapport de loi</a> qui témoigne de l’influence des industries pétrochimiques sur les parlementaires).</p>
<p>Au niveau européen, la forte <a href="https://blogs.mediapart.fr/edition/mieux-vivre-avec-la-terre-et-avec-les-gens/article/140517/vers-une-interdiction-des-neonicotinoides">mobilisation citoyenne</a> grâce à une <a href="https://actions.sumofus.org/a/support-the-european-commission-s-neonics-ban-proposal?sp_ref=303232807.99.180786.f.575890.3&referrer_id=19996646&source=fb&utm_source=actus_lilo">vaste pétition</a> aura sans doute poussé l’Union européenne à statuer prochainement sur l’<a href="http://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/europe-poised-for-total-ban-on-bee-harming-pesticides/">interdiction de ces insecticides</a>.</p>
<p>De la même manière, il a été montré que le glyphosate, cet herbicide commercialisé par Monsanto sous le nom de Round Up, <a href="http://jeb.biologists.org/content/jexbio/218/17/2799.full.pdf">constituait un agent perturbateur</a> du comportement des pollinisateurs (et tout aussi inquiétant pour la santé humaine). Malgré cela, l’Europe a signé l’autorisation de commercialisation de ce produit. Une <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/08/lancement-d-une-initiative-citoyenne-europeenne-pour-l-interdiction-du-glyphosate_5076674_3244.html">initiative citoyenne européenne</a> lancée en février 2017 tente d’infléchir cette position.</p>
<p>Deux décennies après les premières constatations d’un déclin massif des abeilles, nous pouvons affirmer que nous connaissons la nature des problèmes qui affectent les colonies et qu’il est possible de l’enrayer. Il nous incombe à tous de protéger ces précieux pollinisateurs, acteurs clés de notre environnement et de celui des générations futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Lihoreau a reçu des financements du CNRS, de l’ANR, de l’Université fédérale de Toulouse, de la Fondation Fyssen et de Biobest.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Klein ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis les premières constatations du déclin des abeilles, la recherche a réalisé d’importants progrès dans l’identification des causes de ce phénomène et les moyens de l’enrayer.Simon Klein, Doctorant, Université de Toulouse III – Paul SabatierMathieu Lihoreau, Chercheur CNRS en cognition animale, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/734082017-03-05T20:34:04Z2017-03-05T20:34:04ZRoundup : quelles chances de réussite pour l’initiative citoyenne « Stop glyphosate » ?<p>Le 16 mai dernier, les membres de la Commission européenne se sont déclarés disposés à reprendre les discussions sur un potentiel renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Une nouvelle qui n’aura pas manqué de déclencher la colère de nombreuses ONG, Greenpeace en tête, qui réclament l’interdiction du ce produit – principal ingrédient de l’herbicide Roundup commercialisé par la firme américaine Monsanto – depuis des années. </p>
<p>Dénoncé comme néfaste pour l’environnement, il est aussi accusé d’être une menace pour la santé. Des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22200534">études</a> l’ont en effet identifié comme perturbateur endocrinien. <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-293-notice.html">Ces substances</a>, que l’on retrouve dans une foule d’objets, des plastiques aux cosmétiques, sont soupçonnées de modifier le fonctionnement hormonal humain, contribuant ainsi à l’augmentation de certaines maladies, dont les cancers du sein et de la prostate.</p>
<p>Sur le plan économique, le Roundup constitue le produit phare de Monsanto, qui en a écoulé 825 000 tonnes en 2014. C’est un élément clé de la stratégie de verrouillage de la firme, car les semences génétiquement modifiées (et non reproductibles) vendues par Monsanto sont résistantes au Roundup. Or, en juin 2016, la Commission européenne a décidé de prolonger l’autorisation de ce produit au sein de l’Union européenne pour 18 mois supplémentaires. </p>
<p>Pour tenter de peser dans le débat, une coalition de 38 ONG issues de 14 États membres de l’Union européenne a initié, en février dernier, l’enregistrement par la Commission européenne d’une initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée <a href="https://stopglyphosate.org/">« Stop glyphosate »</a>.</p>
<p>S’il est difficile de prédire les chances de succès de ce <a href="http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.1.5.html">mécanisme</a> introduit par le <a href="http://www.robert-schuman.eu/fr/comprendre-le-traite-de-lisbonne">Traité de Lisbonne</a>, l’ICE constitue un nouveau droit politique pour les citoyens européens.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les perturbateurs endocriniens (AFP, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Obtenir un million de signatures</h2>
<p>La Commission a enregistré l’ICE « Stop glyphosate » le 25 janvier 2017, ouvrant ainsi la période de douze mois au cours desquels les signatures doivent être collectées par les organisateurs. Plus d’un million de signatures émanant d’au moins sept États membres (sur 28) devront être recueillies afin que l’ICE soit jugée recevable. Un nombre minimal de ces signatures par État est également fixé (par exemple, 72 000 pour l’Allemagne ; 55 500 pour la France ; 15 750 pour la Belgique ou 4 500 pour le Luxembourg). Au dernier comptage, près de 800 000 signatures ont déjà été reçues. </p>
<p>Enfin, pour être acceptée, l’action proposée comme ICE se doit de ne pas être manifestement abusive, fantaisiste ou vexatoire, ni être manifestement contraire aux valeurs de l’UE.</p>
<p>Les organisateurs espèrent recueillir le maximum de signatures dans un délai de 4 à 5 mois, afin de pouvoir peser sur le processus législatif. Ils en auraient déjà rassemblé plus de 250 000. S’ils dépassent l’objectif du million de signatures provenant d’au moins sept États membres, la Commission disposera d’un délai de trois mois pour faire droit ou non à la demande. En toute hypothèse, elle devra motiver sa décision, sous peine de voir annuler celle-ci par le Tribunal de l’Union, comme cela s’est produit pour l’ICE « Minority SafePack : One million signatures for diversity in Europe ».</p>
<h2>Une authentique innovation juridique</h2>
<p>L’ICE est un mécanisme inédit de démocratie semi-directe. Elle représente le premier droit collectif des citoyens de l’Union, et ne contient aucune dimension référendaire, les citoyens ayant seulement un pouvoir de proposer. Elle ne doit pas être confondue avec le <a href="http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.1.4.html">droit de pétition</a>, qui peut être exercé individuellement ou collectivement par un groupe de citoyens auprès du Parlement européen. En l’occurrence, dans un délai de trois mois après avoir recueilli le nombre de signatures requis, les organisateurs rencontrent la Commission, ont la possibilité de présenter leur ICE au Parlement européen. Enfin, la Commission adopte une réponse officielle.</p>
<p>Le fait que l’ICE s’applique à l’échelle de l’UE, et n’entre pas dans les traditions constitutionnelles communes aux États membres, permet d’affirmer qu’elle constitue une réelle innovation juridique. Elle représente également une avancée sous l’angle de la citoyenneté de l’Union, car les États membres n’interviennent pas dans son organisation. C’est justement ce qui permet de la qualifier d’instrument de démocratie participative.</p>
<p>L’une des principales difficultés pour les porteurs d’une ICE est d’en organiser une sur un sujet véritablement transnational. Elle doit permettre une réponse à une préoccupation d’importance qui ne se limite pas à certaines zones ou à une partie du territoire de l’UE.</p>
<h2>Agir face à l’inertie de la Commission</h2>
<p>L’ICE « Stop glyphosate » est lancée pour aboutir autant que possible à l’interdiction du glyphosate, qui est l’herbicide le plus utilisé en Europe. À vrai dire, elle est bien plus ambitieuse, car elle contient un triple objectif législatif.</p>
<p>Il s’agit tout d’abord d’interdire les herbicides à base de glyphosate, en raison des répercussions négatives sur la santé des êtres humains (risque de cancers) et sur l’environnement (dégradations des écosystèmes) ; de réformer la procédure d’approbation des pesticides, car les autorités de régulation de l’UE accordant l’agrément européen doivent s’appuyer sur des études commandées par les pouvoirs publics et non par les industriels de la chimie ; enfin, de fixer à l’échelle de l’Union des objectifs obligatoires de réduction de l’utilisation des pesticides.</p>
<p>L’ambition de l’ICE s’explique assez aisément, du fait de l’inaction, voire de l’impéritie, de la Commission européenne dans le domaine de l’agrochimie. En effet, saisi par la Suède, le Tribunal de l’Union a constaté en décembre 2015 <a href="http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=173067&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=12283">sa carence</a> à propos des produits biocides. Et ses propositions récentes du <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2152_fr.htm">15 juin 2016</a> sont critiquées tous azimuts !</p>
<p>La Médiatrice de l’UE a quant à elle <a href="https://www.ombudsman.europa.eu/press/release.faces/fr/64156/html.bookmark">blâmé</a> début 2016 la procédure de données de confirmation d’autorisation des pesticides et demandé à la Commission de lui rendre un rapport à ce propos d’ici au 18 février 2018.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Pesticide et santé : l’équation sans solution », un reportage d’Arte (Look at the World, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Une citoyenneté plus active</h2>
<p>Tout comme le <a href="https://theconversation.com/tribunal-monsanto-la-societe-civile-se-saisit-des-crimes-contre-la-nature-67115">Tribunal Monsanto</a>, qui cherche à provoquer un « réveil de la conscience juridique des peuples » et à faire évoluer le droit international, l’ICE « Stop glyphosate » permet aux citoyens européens de s’investir dans l’élaboration de la législation européenne.</p>
<p>L’ICE n’a pour l’instant connu qu’un succès mitigé. Sur un peu plus de 50 initiatives ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement, seules <a href="http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/initiatives/successful">trois ont été jugées recevables</a> : « Stop vivisection » ; « Un de nous » ; « L’eau et l’assainissement sont un droit humain ! L’eau est un bien public, pas une marchandise ! »</p>
<p>Il est malgré tout essentiel que les citoyens européens aient la possibilité de contribuer au lancement de propositions contribuant à l’exercice du pouvoir législatif au sein de l’UE. En sa qualité d’instrument de démocratie participative ou de mobilisation démocratique si l’on préfère, elle apparaît ainsi comme un complément utile de la démocratie représentative.</p>
<p>De surcroît, en raison de l’apparition d’un lien direct entre les citoyens de l’Union et la Commission européenne, celle-ci peut se prévaloir d’un mandat populaire. Ce canal démocratique, transitant par l’ICE, peut gommer quelque peu la vision souvent jugée « technocratique » de cette institution, mais également avoir un impact sur l’équilibre institutionnel.</p>
<p>Avec l’ICE, le Parlement européen n’est plus le vecteur unique de la légitimation démocratique des actes législatifs de l’UE. Mais si elle permet d’influer sur la détermination de l’agenda politique, elle n’est cependant pas un remède miracle au sentiment de déficit démocratique – réel ou supposé –, régulièrement pointé du doigt au sein de l’Union européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Initiée en février dernier, une action citoyenne tente de faire interdire l’herbicide de la firme américaine Monsanto. Elle a déjà recueilli près de 800 000 signatures.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/614952016-06-28T20:52:44Z2016-06-28T20:52:44ZLes e-citoyens auront-ils la peau du Roundup ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128480/original/image-20160628-7822-ybko7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Monsanto commercialise son herbicide controversé depuis 1975. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeepersmedia/26673445341/in/photolist-GD3o1D-nYQ6wU-GJW5E6-FPy6GM-rkJXCb-oEmbHi-r6Ag4i-r6A74V-r4HMdH-ro2ZMV-r6sVPE-rnURve-nfCxs3-qr3JdA-rnUXoM-r6tUy3-ro3o3B-r6sZPd-p2p12Q-qr3ziS-qr3qe9-qr3qQu-rnWS2S-rnUSn4-rnWGZU-p2asip-nfCdLV-oZp137-p2qQKx-oZp21Q-p2arLx-oZoYWu-p2qRNe-oZp1K9-oWzFf8-oJWeBo-oJWGji-oEmvHy-a9RCv2-qrfZxP-r4HEKx-r6sFqE-p2oWDC-oWRdiz-FPmXLQ-GJW4pR-qrg4mF-qr3A3h-rnV1kP-rnUQ6F">Mike Mozart/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’autorisation du glyphosate, la molécule active du Roundup, est arrivée à expiration ce jeudi 30 juin en Europe et la Commission européenne a finalement décidé de prolonger cette autorisation pour 18 mois. Depuis de nombreuses années, l’herbicide phare du groupe Monsanto déchaîne les passions et cristallise l’attention de l’opinion autour des pesticides et de leurs effets sur la santé. En mars 2015, la classification par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) du glyphosate comme <a href="http://bit.ly/1HcEFdV">« cancérogène probable »</a> avait ravivé la polémique.</p>
<p>Cette décision s’est accompagnée d’une passe d’armes virulente entre les comités d’experts scientifiques du CIRC et ceux de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/">(EFSA)</a>, chargée d’évaluer les risques que posent les pesticides et qui, à de multiples reprises, a réaffirmé l’absence de dangerosité du glyphosate pour l’homme. Cette prise de position a néanmoins donné aux opposants du Roundup un argument scientifique supplémentaire pour réclamer son interdiction en Europe à un moment crucial du calendrier de renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché de l’herbicide par la Commission européenne.</p>
<h2>L’émergence du citoyen-activiste</h2>
<p>Le dossier du glyphosate rencontre depuis longtemps une résistance importante des institutions en charge de l’évaluation des risques. Ces dernières se refusent en général à prendre en compte les critiques dont le glyphosate fait l’objet en s’appuyant bien souvent sur les études confidentielles des industriels ; les acteurs politiques tergiversent, eux, sur le retrait de ce produit largement défendu par les lobbies de l’industrie des pesticides, soucieux de défendre leurs intérêts économiques, mais également par un certain nombre d’acteurs du monde agricole, dont la <a href="http://bit.ly/29kB0xG">FNSEA</a>.</p>
<p>Si de nombreuses associations environnementales, comme Greenpeace, France Nature Environnement ou Générations futures, luttent depuis longtemps contre le Roundup, leurs campagnes n’ont jusqu’alors pas permis de peser durablement sur le débat. On note cependant l’émergence d’un nouvel acteur sur la scène qui parviendra peut-être à faire évoluer notablement le débat sur les pesticides en Europe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128485/original/image-20160628-7854-13lar4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La plateforme en ligne Avaaz a réuni plus d’un million de signatures en faveur de l’interdiction du glyphosate.</span>
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<p>La plateforme en ligne Avaaz a ainsi porté devant le Parlement européen une <a href="https://secure.avaaz.org/fr/monsanto_dont_silence_science_loc/?pv=190&rc=fb">pétition</a> signée par plus de 1,4 million (et à ce jour plus de 2 millions). Loin d’être un simple phénomène isolé, cette action témoigne de la montée en puissance des <em>grassroots</em>, ces mouvements citoyens émergeant de la « base », par opposition à la société civile organisée et aux associations traditionnelles.</p>
<p>Ce qui caractérise ces nouveaux acteurs réside dans leur capacité à utiliser les moyens de pression que sont les réseaux sociaux et les pétitions en ligne, tout en les combinant avec des stratégies de communication de communication d’influence plus classiques. Loin d’être une simple campagne sur les réseaux sociaux, l’action engagée par la plateforme de pétitions en ligne emprunte, à la <a href="http://www.tlibaert.info/communication-de-combat-le-point-de-vue-dun-specialiste/">communication de combat</a> et à la communication numérique, des tactiques qui la distinguent d’actions précédentes contre les pesticides. Ces dernières parviennent à construire une boucle de rétroaction positive où chaque action renforce la stratégie globale.</p>
<h2>Des actions ciblées et coordonnées</h2>
<p>En soumettant aux citoyens une pétition sur le glyphosate et en s’appuyant sur le rapport du CIRC, Avaaz utilise un argument d’autorité scientifique pour justifier une mobilisation citoyenne :</p>
<blockquote>
<p>Nous vous demandons d’appliquer le principe de précaution et de suspendre immédiatement l’autorisation de ce produit que l’on retrouve dans des herbicides tels que le Roundup de Monsanto. Nous vous demandons également d’inclure les travaux du Centre international de recherche sur le cancer dans votre évaluation de la sécurité du glyphosate.</p>
</blockquote>
<p>Cet argument fournit au site un motif valable pour s’emparer du sujet tout en justifiant une action rapide : la pétition est ainsi vue comme une réponse légitime à une interrogation légitime des citoyens. De plus, en cristallisant le débat autour du Roundup de Monsanto, la plateforme choisit un produit et une marque devenus au fil des ans de véritables « mythes », au sens de <a href="http://www.ina.fr/video/I00016123">Roland Barthes</a>, symbolisant les dérives de l’industrie chimique et agroalimentaire.</p>
<p>Le principal outil de la plateforme réside dans son système de recueil de signatures électroniques sous forme de pétitions. Ce dernier à l’avantage de permettre aux internautes de contribuer directement à l’action : ils peuvent « partager » leur engagement au travers des réseaux sociaux ou inviter leurs amis et leurs contacts par courriels ; ils peuvent également contribuer financièrement à la campagne par des dons. Avec un investissement minimum pour le site, la pétition circule ainsi d’internaute en internaute, chaque signataire transformant – indirectement – chacun de ses contacts en potentiel signataire. Il « recrute » pour le site tout en s’affichant comme un citoyen engagé.</p>
<p>Rapidement, la campagne d’Avaaz s’accompagne d’actions plus classiques comme des manifestations ou des campagnes chocs devant des lieux stratégiques, Commission européenne ou Parlement européen. Avec un nombre de personnes limité qui « représentent » potentiellement plus d’un million de signataires et quelques personnes en équipement de protection arborant des masques de « tête de mort », l’association peut espérer faire le « buzz » et alimenter les réseaux d’images chocs. Celles-ci renforcent alors positivement les actions de la plateforme, apparaissant dans les « timelines » des signataires et de leurs contacts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"745632326097473536"}"></div></p>
<p>L’intelligence de la plateforme consiste enfin à associer des acteurs plus classiques à ses actions pour en faire des relais et des cautions. Greenpeace, Pesticides Action Network ou bien encore Ségolène Royal sont ici remerciés comme de « fantastiques alliés et partenaires » de la campagne. Ces alliés, acteurs installés et reconnus dans l’espace public permettent alors à Avaaz de revendiquer une légitimité similaire sur le dossier des pesticides tout en ne s’aliénant pas ces acteurs qui pourraient préempter le sujet, voire nier la légitimité de la plateforme à s’en emparer sans expertise préalable.</p>
<h2>Les zones d’ombre de la méthode Avaaz</h2>
<p>La campagne d’Avaaz a semblé porter, en partie du moins, ses fruits dans la lutte contre le glyphosate : les récentes abstentions de la France et de l’Allemagne lors du renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché en témoignent. Cependant, cette méthode suscite quelques interrogations sur le degré de mobilisation des citoyens autour de ce sujet.</p>
<p>Si une grande partie des opinions européenne et française <a href="http://barometre.irsn.fr/wp-content/uploads/2015/09/IRSN_barometre_2015.pdf">se déclarent concernées</a> par les risques liés aux pesticides, qui sont les citoyens signataires de la pétition, d’où viennent-ils et combien sont européens et pourraient donc à juste titre vouloir peser sur la décision de la Commission européenne ? Le site ne le dit pas.</p>
<p>Par ailleurs, le degré d’engagement de ces citoyens est souvent questionné par les détracteurs des pétitions en ligne et des nouvelles formes de mobilisation numérique, qui dénoncent une <a href="http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/gq-enquete/articles/slacktivism-la-rvolution-assise/12395">forme d’activisme passif</a> et paresseux, appelé <a href="http://www.evgenymorozov.com/"><em>« slacktivisme »</em></a> ; les photos montrant quelques dizaines de personnes devant la Commission européenne ne traduisent pas, en effet, un mouvement de masse.</p>
<p>Enfin, c’est la légitimité même d’Avaaz à s’emparer de ce sujet qui peut être questionnée. En lançant cette pétition sur un sujet brûlant, ne s’agit-il pas de « surfer » sur l’agenda médiatique pour recueillir « les dons généreux de plus de 86 000 Avaaziens venus du monde entier » ? La question de la transparence des plateformes de pétitions en ligne, ainsi que celle de l’utilisation et de l’accès de leurs données de campagnes et de signataires, constituera sans doute un questionnement légitime sur ces nouvelles formes de mobilisations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la Commission européenne vient de renouveler l’autorisation de la molécule contenue dans l’herbicide de Monsanto, retour sur les nouvelles formes de mobilisation citoyenne antipesticides.François Allard-Huver, Maître de conférences, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.