tag:theconversation.com,2011:/id/topics/royaume-uni-22589/articlesRoyaume-Uni – The Conversation2024-03-25T16:39:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2260632024-03-25T16:39:32Z2024-03-25T16:39:32ZComprendre l’histoire de l’UE par ses élargissements successifs : de 1973 à 1986, cap au Sud<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583211/original/file-20240320-30-evm8dd.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C327%2C1365%2C758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 1981, la Grèce (vert foncé) rejoint les neuf pays déjà membres de la CEE. Elle sera suivie de l’Espagne et du Portugal (vert clair) en 1986.</span> <span class="attribution"><span class="source">The Conversation France</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Entre 1981 et 1986, la Communauté économique européenne (CEE) s’est élargie à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal. Les adhésions précédentes n’étaient pas très éloignées : en 1973, le <a href="https://theconversation.com/comprendre-lhistoire-de-lue-par-ses-elargissements-successifs-de-1957-a-1973-223028">Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni</a> avaient rejoint la Communauté. Ce premier élargissement était apparu comme le bouclage du marché commun institué en 1957 par le traité de Rome : avec les trois entrants de 1973, la carte du marché commun épousait tous les pays traversés par la fameuse <a href="https://www.lhistoire.fr/le-g%C3%A9ographe-et-la-banane-bleue">« banane bleue »</a>, cette dorsale du développement économique, urbain, culturel et politique européen, berceau historique de la révolution industrielle et du capitalisme.</p>
<p>Ces pays entrés dans les années 1970 auraient pu faire partie de la CEE dès 1957. Ce n’était pas le cas des trois pays concernés par le second élargissement. Ils étaient en effet plus agricoles, moins industrialisés, moins urbanisés – en un mot, leurs situations n’étaient pas celles de centres décisionnels, mais plutôt de périphéries économiques et politiques dans l’espace européen. Plus encore, ils étaient en sortie de fascisme ! C’était là leur grande singularité.</p>
<h2>La rapide intégration de la Grèce…</h2>
<p>À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la Grèce, l’Espagne et le Portugal vivent leur transition démocratique. On s’apprête à célébrer, en avril 2024, le cinquantième anniversaire de la <a href="https://www.sciencespo.fr/fr/evenements/la-revolution-des-o-eillets-un-evenement-de-portee-mondiale/">Révolution des Oeillets</a>, une révolution de hauts gradés de l’armée portugaise qui mit fin en même temps à la dictature salazariste, aux guerres coloniales et à l’empire portugais. En Espagne, la mort du <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-complexe-rapport-de-lespagne-a-la-figure-de-franco-224989">général Franco</a>, qui avait été le fossoyeur de la République espagnole par son coup d’État 40 ans plus tôt, ouvre la voie au retour à la démocratie dans le cadre d’un régime de monarchie parlementaire sous la conduite de Juan Carlos. En Grèce, la <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/2017/04/20/26001-20170420ARTFIG00291-il-y-a-50-ans-la-dictature-des-colonels-s-installait-en-grece.php">dictature des colonels</a> instaurée en 1967 tombe au même moment.</p>
<p>Avec ce deuxième élargissement, la CEE et ses dirigeants mettent ainsi en avant le fait que la Communauté n’est pas seulement un projet de prospérité et d’interdépendance économique, mais aussi un projet de consolidation de la démocratie au sein des pays européens : trois régimes fascisants reposant sur la mainmise de l’armée sur la société tombent au même moment, leurs citoyens se tournent immédiatement vers la Communauté européenne, et réciproquement.</p>
<p>C’est l’aboutissement d’un débat initié dans le début des années 1960, lorsque la <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/15bb0adb-1ff0-4299-b0aa-a9563ce40459/Resources#8a95e26f-e911-42a0-b811-b623b84a93d9_fr&overlay">dictature franquiste déposa la candidature d’adhésion de l’Espagne à la CEE</a>. Sur la base du <a href="https://www.cvce.eu/content/publication/2005/6/1/2d53201e-09db-43ee-9f80-552812d39c03/publishable_fr.pdf">rapport Birkelbach</a>, la réponse à donner avait <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2010-4-page-85.htm">fait débat</a> dans les Parlements nationaux de toute l’Europe des Six, sans passion ni urgence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Viens, viens ! » Le 29 octobre 1968, le chancelier fédéral Kurt Kiesinger rencontre à Madrid le général Franco. Au lendemain de cette visite, le 30 octobre, le caricaturiste allemand Wilhelm Hartung ironise sur cette rencontre qui fait polémique et accuse le chancelier d’œuvrer pour un rapprochement de l’Espagne franquiste avec la CEE. À l’issue de leurs conversations, les représentants de la RFA et de l’Espagne estiment qu’un « minimum de collaboration » est nécessaire entre les pays de l’Europe occidentale pour assurer leur défense face à la menace émanant du bloc communiste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/15bb0adb-1ff0-4299-b0aa-a9563ce40459/Resources#116b4ec0-9cba-4d39-9415-d04e92fd4079_fr&overlay">Wilhelm Hartung</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au final, les Européens avaient proposé à l’Espagne franquiste un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1970/02/02/un-accord-commercial-preferentiel-a-ete-conclu-entre-l-espagne-et-le-marche-commun-les-six-vont-reduire-progressivement-de-70-leurs-droits-de-douane-sur-les-produits-espagnols_3120538_1819218.html">accord de commerce</a>, pas même un accord d’association, en 1970. Un ultime raidissement très répressif de la dictature les années suivantes les conforta dans cette décision.</p>
<p>Aussi, la société espagnole s’attendait-elle majoritairement à ce que la CEE accueille avec chaleur cette Espagne nouvelle qui démontra très rapidement son engagement dans la transition démocratique. L’adhésion de la Grèce devenue une République, à nouveau gouvernée, à l’issue d’élections libres, par <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/biographie-konstantinos-karamanlis-artisan-de-l-adhesion-de-la-grece-a-la-cee-1907-1998/">Konstantinos Karamanlis</a> (qui avait déjà été premier ministre de 1955 à 1963), ne se négociait-elle pas sans coup férir en un temps très bref ?</p>
<p>Bénéficiant de conditions d’adhésion particulièrement favorables, la Grèce devint le 10<sup>e</sup> État membre dès 1981. Les dirigeants de la CEE, présidents français et européen en tête – Valéry Giscard d’Estaing et <a href="https://spartacus-educational.com/PRjenkinsR.htm">Roy Jenkins</a> – célébraient dans la Grèce libérée des colonels le berceau de la démocratie, quand bien même la démocratie athénienne du siècle de Périclès était une réalité historique éloignée de la Grèce actuelle de près de 25 siècles…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BJH1Jp18A2M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>… et le long blocage des candidatures espagnole et portugaise</h2>
<p>Pourtant, la demande déposée le 25 juillet 1977 par Marcelino Oreja, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Suárez, qui aboutit à l’ouverture officielle de la procédure d’adhésion en février 1979, ne se négociait ni dans la joie ni avec célérité. La demande du Portugal, déposée elle aussi en 1977, subit le même traitement. Contrairement à l’Allemagne de l’Ouest de la coalition SPD-parti libéral, la France giscardienne freinait.</p>
<p>Il est vrai que les toutes dernières années de la décennie 1970 et les trois premières années de la décennie 1980 sont passées à la postérité comme une période d’euro-pessimisme : confrontés au choc pétrolier, à la crise économique, à la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/38285-systeme-de-bretton-woods-fmi-bird-1944-1971">fin du système monétaire international dit de Bretton Woods</a>, à la fin des Trente glorieuses, au chômage de masse et à l’inflation, les dirigeants de l’Europe des Neuf puis des Dix étaient déstabilisés et peu capables de jouer collectif. En 1979, les premières élections au suffrage universel d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_europ%C3%A9ennes_de_1979">Parlement européen</a> aux pouvoirs limités pouvaient difficilement faire contrepoids à cette morosité.</p>
<p><a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/7124614a-42f3-4ced-add8-a5fb3428f21c/9eec77e2-c94d-42d3-beed-a8413e26654c">La mise en place du système monétaire européen</a>, le SME, était très récente (1979) ; elle avait été bloquée pendant sept ans par les divergences de vues et d’intérêts nationaux. Les dirigeants, les entrepreneurs et les syndicats européens n’eurent pourtant pas le temps de se réjouir de cet avènement : Margaret Thatcher, chef de gouvernement britannique depuis l’été de la même année, fit irruption sur la scène européenne avec fracas : <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/05/11/30-novembre-1979-margaret-thatcher-i-want-my-money-back_648386_3214.html">« I want my money back ! »</a></p>
<p>Le sentiment prévalait que cette raideur britannique bloquait le fonctionnement non seulement du budget européen, mais aussi de la vie politique communautaire. En conséquence, le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement demeurait comme indifférent à la finalisation de l’élargissement à l’Espagne et au Portugal. Il ne donnait pas plus suite à plusieurs propositions de relance de la construction européenne – <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/il-y-a-30-ans-le-rapport-spinelli_3069085.html">projet Spinelli</a> du Parlement européen, du nom d’un des eurodéputés les plus respectés ; <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/511084a1-fac4-44e0-82b1-a7a101b2d913">proposition d’« acte européen »</a> par Genscher et Colombo, ministres des Affaires étrangères de RFA et d’Italie.</p>
<p>De façon imprévue, la politique européenne de la France favorisait ce surplace. La gauche y avait remporté une double victoire, première alternance de l’histoire de la V<sup>e</sup> République : à l’élection présidentielle, gagnée par François Mitterrand le 10 mai 1981, puis aux élections législatives de juin 1981. Sa politique économique reposait sur deux grandes actions à contretemps, pour ne pas dire en complet décalage, de celles conduites par les partenaires européens de la France : la relance de la croissance par la consommation (« Le keynésianisme dans un seul pays ? », interroge avec humour <a href="https://www.academia.edu/3438198/Les_partis_socialistes_et_lint%C3%A9gration_europ%C3%A9enne_Belgique_France_Grande_Bretagne">Pascal Delwit)</a> ; et la nationalisation des principaux groupes industriels, bancaires et de crédit. Si, dans tous les pays européens, les socialistes et les sociaux-démocrates ont salué cette victoire de la gauche, ils s’interrogeaient sur ces deux particularités. Quelles seraient leurs implications sur la coordination du système monétaire européen ? Sur les positions françaises dans le domaine du budget de la CEE ?</p>
<p>Ce facteur d’attentisme supplémentaire est d’autant plus vif que les programmes du Parti socialiste refondé en 1969 et de son leader François Mitterrand n’avaient pas de mots assez durs pour désigner la CEE comme <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/45721">l’Europe des marchands, des trusts et du grand capital</a>. Le programme du Parti communiste, certes nettement minoritaire dans cette coalition, était, lui, franchement hostile à la construction communautaire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/US9_YIOhLgY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les citoyens français ayant voté pour une majorité socialiste, la construction européenne devait désormais favoriser <a href="https://books.openedition.org/pur/129129">« la rupture avec le capitalisme »</a>, formule étendard de la nouvelle majorité, et le changement promis aux Français. Si les Dix avaient pu s’engager ensemble dans la réduction du temps de travail, l’abaissement de l’âge de la retraite et l’augmentation du salaire minimum, c’eût été formidable : c’eût été l’Europe socialiste. Et c’eût été grâce à la France. Mais malgré l’engagement et l’expérience européens des ministres Cheysson, Delors et Jobert, le mémorandum français pour une Europe sociale tomba à plat. Le soutien de la Grèce, dirigée depuis 1981 par le Parti socialiste (Pasok) d’Andréas Papandréou, finalement rallié à l’adhésion de son pays à la CEE, n’y suffit pas.</p>
<p>Pendant ce temps, les bras de fer sur les négociations budgétaires – c’est‑à-dire, pour l’essentiel, sur la politique agricole commune (PAC) – absorbaient beaucoup d’énergie. Et les négociations d’adhésion avec le Portugal et l’Espagne patinaient, en raison notamment des <a href="https://www.persee.fr/doc/ecop_0249-4744_1987_num_78_2_4979">blocages italien et surtout français</a> : leurs dirigeants respectifs subordonnaient l’accès de ces pays méditerranéens à la PAC et aux financements territoriaux du Fonds européen de Développement régional (FEDER) à la garantie que ces financements n’iraient pas moins à leurs agriculteurs que dans la CEE à dix. Sur ce point, Mitterrand prolongeait VGE ! C’était précisément le type d’engagement que les Britanniques, mais pas seulement, refusaient, tant que les contributions budgétaires globales de chacun et le budget de la PAC en particulier ne seraient pas réformés. Tout était lié.</p>
<h2>Un contexte international qui change la donne</h2>
<p>C’est pourtant de l’extérieur qu’est peut-être venu le déclic : la fin de la détente. La reprise de la guerre froide inquiétait et divisait les opinions publiques. Un pacifisme résurgent et significatif les traversait : dans toute l’Europe, en 1982-1983, d’importantes manifestations (et même <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/984">massives en RFA</a>) s’opposaient au <a href="https://www.grip.org/il-y-a-40-ans-debutait-la-crise-des-euromissiles/">déploiement par l’OTAN de missiles Pershing 2</a> à moyenne portée en réponse à l’installation par les Soviétiques de missiles SS 20 dirigés vers l’Europe de l’Ouest. Le slogan <em>lieber rot als tot</em> – « plutôt rouge que mort » – est demeuré emblématique de cette crise des euromissiles.</p>
<p>Le gouvernement français, tout pétri de marxisme qu’il fut, lui opposa en 1983 le <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00018/discours-au-bundestag.html">discours historique</a> de François Mitterrand au Bundestag, puis son propos resté fameux lors d’un sommet en Belgique : <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i09082528/francois-mitterrand-le-pacifisme-est-a-l-ouest-et-les-euromissiles-sont-a-l">« Le pacifisme, et tout ce qu’il recouvre, il est à l’Ouest ; et les euromissiles, ils sont à l’Est. »</a> Helmut Kohl ne devait pas oublier ce soutien inespéré – il renvoya l’ascenseur à son ami François en mars 1983, lorsque la <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2001-2-page-49.htm">Bundesbank soutint le franc de façon massive</a>, et en procédant à une réévaluation sensible du mark. En septembre 1984, les deux hommes d’État endossaient la tunique du mythique <em><a href="https://theconversation.com/quand-merkel-et-macron-endossent-la-tunique-mythique-du-couple-franco-allemand-139191">couple franco-allemand</a> moteur de la construction européenne</em>, avec un sens remarqué de la mise en scène et du maniement des symboles lors de la rencontre devenue iconique de l’ossuaire de Douaumont à Verdun.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La rencontre de Verdun, 22 septembre 1984.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://european-union.europa.eu/principles-countries-history/history-eu/eu-pioneers/helmut-kohl-and-francois-mitterrand_fr">Site de l’Union européenne</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans l’intervalle, la relance de la construction communautaire eut lieu en juin 1984 au <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/20670/1984_juin_-_fontainebleau__fr_.pdf">Conseil européen de Fontainebleau</a>. Fort d’un accord avec Kohl, Mitterrand fait adopter un paquet de mesures préparées par une intense diplomatie menée depuis le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/134145-declaration-de-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique-li">sommet d’Athènes de décembre 1983</a>. Les Dix se mettent enfin d’accord sur une réduction permanente de la contribution britannique au budget communautaire. </p>
<p>À compter de 1985, la CEE remettrait chaque année au Royaume-Uni un chèque d’un montant ainsi calculé : 66 % de la différence entre, d’une part, la contribution britannique au budget communautaire assise sur sa TVA et, d’autre part, le montant total des financements communautaires reçus par le Royaume-Uni. C’était un compromis. Ce remboursement était moins ambitieux que celui réclamé par Margaret Thatcher et son parti <em>tory</em> depuis cinq ans. En contrepartie, François Mitterrand et les socialistes français acceptaient le principe cher à toute la classe politique britannique d’une <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-la-politique-agricole-commune/">réforme des mécanismes de la PAC</a> dans le but, notamment, d’en diminuer les dépenses. Dès 1985, la production de lait dans la CEE devint contingentée.</p>
<p>Ce dispositif, qui mettait fin à cinq années fatigantes et engourdissantes de conflit budgétaire, s’inscrivait dans un accord à facettes multiples toutes liées entre elles. Les socialistes français (et européens) obtenaient, enfin, un accroissement des ressources du budget communautaire : le plafond de la part de ses recettes de TVA que chaque État membre verse au budget communautaire montait à 1,4 % (il était à 1 % depuis 1970). Cette augmentation signalait que les Dix étaient prêts à s’engager sur de nouvelles politiques communes. Pour autant, celles‑ci ne prendraient leur sens qu’avec un approfondissement du marché intérieur de la CEE – ce serait la réforme du traité de Rome en <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/l-acte-unique-europeen-1986/">Acte unique européen</a> signé en 1986, consacrant la fin de tous les monopoles nationaux dans toutes les branches de l’économie. Les unes comme l’autre, <a href="https://www.cairn.info/la-construction-de-l-europe--9782200353056-page-337.htm">concluait le Conseil européen</a>, concourraient à </p>
<blockquote>
<p>« donner à l’économie européenne une impulsion comparable à celle que lui avait apportée, au début des années 1960, la mise en chantier de l’union douanière […] ».</p>
</blockquote>
<p>Dans le même temps, en 1984, le président Mitterrand avait enfin assoupli sa position sur l’élargissement. Pour ce faire, Mitterrand prétexta de l’arrivée au pouvoir de son homologue et ami socialiste et européiste <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/biographie-felipe-gonzalez-marquez-artisan-de-l-adhesion-de-l-espagne-a-la-communaute-economique/">Felipe Gonzalez</a>. Pourtant, la victoire du PSOE en Espagne remontait alors à près de deux ans déjà.</p>
<p>Dans une scénographie qui ne doit rien au hasard, c’est par un <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/136099-declaration-de-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique-li">voyage à Madrid</a> que le président français achève le semestre de « sa » présidence française de la CEE : </p>
<blockquote>
<p>« Je vous dirai en confiance que je suis très heureux à la fois de me trouver à Madrid (pour) terminer mon rôle dans ce domaine, (et) de pouvoir bâtir avec le peuple espagnol et ses dirigeants un pacte durable. »</p>
</blockquote>
<p>Deux jours plus tôt, Mitterrand et Gonzalez s’étaient retrouvés au <a href="https://www.alamyimages.fr/juin-28-1984-le-president-mitterrand-et-le-premier-ministre-espagnol-felipe-gonzales-sont-vus-ici-au-match-de-foot-ou-la-france-a-battu-l-espagne-par-deux-points-hier-dans-le-final-image69503074.html">Parc de Princes</a> pour la finale du premier <a href="https://www.taurillon.org/euro-retro-1984-grand-succes-pour-la-france-et-pour-l-europe">Euro de football</a> remporté par l’équipe de France de Platini sur <a href="https://www.slate.fr/story/118961/france-vole-titre-champion-europe-espagne">l’Espagne d’Arconada</a>, après son succès sur le Portugal lors d’une <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/07/11/france-portugal-1984-souvenirs-d-une-chaude-nuit-d-ete-a-marseille_6045908_3242.html">demi-finale d’anthologie</a> au Vélodrome de Marseille.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le 12 juin 1985, Felipe González signe le traité d’adhésion à la CEE. Apparaissent à ses côtés Fernando Morán, ministre des Affaires étrangères, et Manuel Marín, secrétaire d’État aux Relations avec les Communautés européennes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Felipe_Gonz%C3%A1lez_in_1985#/media/File:Felipe_Gonz%C3%A1lez_firma_el_Tratado_de_Adhesi%C3%B3n_de_Espa%C3%B1a_a_la_Comunidad_Econ%C3%B3mica_Europea_en_el_Palacio_Real_de_Madrid._Pool_Moncloa._12_de_junio_de_1985.jpeg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Entraînant avec elle les Italiens, la présidence française semestrielle de la CEE débloqua l’aboutissement des négociations d’adhésion avec l’Espagne et le Portugal au moment où le gouvernement socialiste de Mario Soares cédait le pouvoir pour dix ans au centre-droit (PSD) de <a href="https://www.liberation.fr/planete/1995/02/17/l-artisan-du-formidable-bond-en-avant-du-portugal_122963/">Cavaco Silva</a>. La relance de Fontainebleau avait notamment pour fonction d’apaiser les craintes des habitants des régions méditerranéennes de l’ex-Europe des Six, en particulier de leurs agriculteurs, et spécialement des agriculteurs français. Ce fut l’une des fonctions de la très importante <a href="https://www.cvce.eu/collections/unit-content/-/unit/df06517b-babc-451d-baf6-a2d4b19c1c88/a58194ee-132e-44a4-9a73-2c760ce9010b">réforme budgétaire</a> actée à ce sommet et mise en œuvre par la commission Delors (dont la nomination fut elle aussi décidée à Fontainebleau !) à compter de 1985.</p>
<p>Dès lors, tout alla très vite : le 1<sup>er</sup> janvier 1986, l’Espagne et le Portugal entraient dans la CEE.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226063/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les années 1980, la CEE ouvre ses portes à trois pays récemment sortis de la dictature : d’abord à la Grèce puis, après des négociations compliquées, à l’Espagne et au Portugal.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, européaniste au Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2265272024-03-25T16:39:00Z2024-03-25T16:39:00ZKate Middleton suit une « chimiothérapie préventive » contre le cancer. Qu’est-ce que cela veut dire ?<p>Catherine Middleton, dite Kate Middleton, princesse de Galles et épouse du prince William, héritier du Royaume-Uni, a mis un terme la semaine dernière aux spéculations concernant sa santé, en annonçant souffrir d’un cancer. Dans une vidéo de deux minutes destinées à remercier ses abonnés sur les réseaux sociaux pour leurs messages de soutien, la princesse a expliqué que « les analyses effectuées après l’opération [de chirurgie abdominale] ont révélé la présence d’un cancer. »</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1771237869509644455"}"></div></p>
<p>« Mes conseillers médicaux m’ont recommandé d’entamer une chimiothérapie préventive, dont les premières étapes ont commencé. », ajoute-t-elle. Aucun autre détail n’a été communiqué concernant le traitement en cours.</p>
<p>Que signifie « chimiothérapie préventive » ? Dans quel contexte ce type de prise en charge peut-il s’avérer efficace ? Voici ce que nous pouvons en dire.</p>
<h2>Il ne s’agit pas d’un remède contre le cancer</h2>
<p>Il est désormais scientifiquement bien établi qu’adopter un certain mode de vie permet de <a href="https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Reduire-les-risques-de-cancer">limiter le risque de survenue de cancers</a>. Faire du sport, adopter un régime alimentaire sain, se protéger du soleil… toutes ces actions ont fait montre de leurs bénéfices.</p>
<p>Dans des cas très spécifiques, l’administration de certains médicaments peut aussi être envisagée. C’est par exemple le cas du tamoxifène, qui bloque les récepteurs aux œstrogènes dont sont pourvues certaines cellules cancéreuses. Cette molécule peut être administrée aux patientes dont le risque de <a href="https://www.inserm.fr/actualite/cancer-du-sein-une-piste-pour-bloquer-la-formation-de-metastases/">cancer du sein</a> est très élevé.</p>
<p>Les travaux évaluent également l’intérêt de <a href="https://www.cancer.gov/about-cancer/causes-prevention/research/aspirin-cancer-risk">l’aspirine pour les personnes à haut risque de développer un cancer du côlon</a> ou certains autres cancers.</p>
<p>Toutefois, dans le cas présent, il ne s’agit pas de ce type de thérapie.</p>
<h2>En quoi une chimiothérapie peut-elle être préventive ?</h2>
<p>Dans le contexte de la prise en charge d’un cancer déclaré, la chimiothérapie préventive se réfère à l’administration de médicaments anticancéreux après suppression des cellules cancéreuses. L’objectif est d’empêcher la maladie de se réinstaller.</p>
<p>Il faut savoir que lorsqu’un cancer est localisé, autrement dit limité à une région donnée du corps, et que l’imagerie (scanner) n’a pas mis en évidence de propagation à d’autres sites, il est possible de venir à bout de la maladie grâce à des traitements tels que la chirurgie ou la radiothérapie.</p>
<p>En revanche, si la maladie a été détectée après qu’elle se soit propagée à d’autres parties du corps, les cliniciens optent pour des traitements <a href="https://www.healthline.com/health/cancer/metastatic-cancer">qui vont circuler dans l’ensemble de l’organisme</a>. C’est le cas des chimiothérapies (médicaments anticancer), des traitements hormonaux, ou des immunothérapies.</p>
<p>Les chimiothérapies peuvent également être utilisées via une autre approche, qui consiste à les administrer avant ou après une chirurgie ou une radiothérapie. L’idée est alors <a href="https://www.verywellhealth.com/adjuvant-therapy-5198903">d’empêcher le cancer initial de revenir</a>. En effet, si la chirurgie peut permettre d’éliminer l’intégralité des cellules cancéreuses, il peut aussi arriver dans certains cas que des cellules aient pu passer dans la circulation sanguine et ainsi s’installer dans d’autres endroits du corps.</p>
<p>Administrer une chimiothérapie avant ou après la chirurgie ou la radiothérapie permet de tuer ces cellules et de limiter le risque de retour du cancer.</p>
<p>L’efficacité de cette approche a été prouvée grâce à des essais cliniques. Le taux de rechute et la survie de patients ayant subi uniquement une chirurgie ont été comparés à ceux de patients ayant subi une chirurgie puis une chimiothérapie (lorsque la chimiothérapie est administrée administrée après l’acte chirurgical, on parle de <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Chimiotherapie">chimiothérapie adjuvante</a>). Les résultats ont montré que dans le second cas les patients étaient moins sujets aux rechutes et survivaient plus longtemps.</p>
<h2>Quelle est l’efficacité de la chimiothérapie préventive ?</h2>
<p>L’efficacité de cette approche dépend du type de cancer et du type de chimiothérapie administrée.</p>
<p>Dans le cas du cancer du côlon, considéré comme à haut risque de récidive après une chirurgie (en raison soit de son étendue soit de cette dissémination aux ganglions lymphatiques), la première chimiothérapie testée <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7564362/">avait augmenté le taux de survie à 5 ans de 15 %</a>. Dans le cas de l’administration de chimiothérapie plus intensive, les chances de survie à six ans approchent les 80 %.</p>
<p>On administre généralement ce genre de chimiothérapie pendant une durée de trois à six mois.</p>
<h2>Comment fonctionne la chimiothérapie ?</h2>
<p>Un grand nombre de médicaments utilisés en chimiothérapie empêche la division des cellules cancéreuses en s’attaquant à leur ADN (le matériel génétique situé dans leur noyau). Pour améliorer leur efficacité, les médicaments ciblant différents sites cellulaires peuvent être combinés.</p>
<p>La chimiothérapie n’est pas sélective, autrement dit elle ne s’attaque pas uniquement aux cellules cancéreuses : elle tue toutes les cellules qui se divisent.</p>
<p>Cependant, dans le cas du cancer, les tissus anormaux contiennent une proportion plus élevée de cellules en division que le reste du corps. Cela signifie qu’à chaque cycle de chimiothérapie une <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Se-faire-soigner/Traitements/Chimiotherapie/Qu-est-ce-que-la-chimiotherapie">proportion plus importante de cellules cancéreuses est éliminée</a> (en regard des dommages collatéraux subis par les cellules saines).</p>
<p>Les tissus normaux peuvent en outre « récupérer » entre deux cycles.</p>
<h2>Quels sont les effets secondaires des chimiothérapies ?</h2>
<p>Les <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-de-l-endometre/Chimiotherapie/Les-effets-secondaires">effets secondaires des chimiothérapies</a> sont généralement réversibles, et se font sentir dans les parties du corps où les cellules se renouvellent le plus.</p>
<p>Les chimiothérapies perturbent par exemple la production des cellules sanguines. Or, lorsque la quantité de globules blancs est basse, le risque d’infection augmente. La mort des cellules qui compose la paroi de l’intestin se traduit quant à elle par des aphtes, des nausées, des vomissements et des troubles intestinaux. Certains médicaments parfois administrés pendant la chimiothérapie peuvent aussi s’attaquer à d’autres organes, provoquant par exemple un engourdissement des mains et des pieds.</p>
<p>Les chimiothérapies génèrent également des symptômes généralisés, tels que la <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-de-l-endometre/Chimiotherapie/Les-effets-secondaires#toc-fatigue">fatigue</a>.</p>
<p>Étant donné que la chimiothérapie préventive est administrée après que toute trace de cancer a été éliminée par un acte de chirurgie locale, les patients peuvent généralement reprendre leurs activités dans les semaines qui suivent la fin du dernier cycle de traitement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ian Olver est financé par le Conseil australien de la recherche.</span></em></p>La princesse de Galles a annoncé souffrir d’un cancer dont la prise en charge nécessite l’administration d’une « chimiothérapie préventive ». De quoi s’agit-il ?Ian Olver, Adjunct Professsor, School of Psychology, Faculty of Health and Medical Sciences, University of AdelaideLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230282024-02-18T15:48:19Z2024-02-18T15:48:19ZComprendre l’histoire de l’UE par ses élargissements successifs : de 1957 à 1973<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583200/original/file-20240320-28-xzpwsb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C4%2C1423%2C1073&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En vert, les trois pays (Danemark, Irlande, Royaume-Uni) qui rejoignent en 1973 les six pays (en bleu) membres de la CEE depuis sa création en 1957.</span> <span class="attribution"><span class="source">The Conversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Les élections au Parlement européen se tiendront du 6 au 9 juin prochain. Vingt-sept pays sont concernés. Si l’on s’est habitué, ces dernières années, à la formule « les Vingt-Sept » pour désigner les membres de l’Union, ce nombre n’a en réalité cessé de varier : de six en 1957, il est passé à neuf en 1973, dix en 1981, douze en 1986, quinze en 1995, vingt-cinq en 2004, vingt-sept en 2007, vingt-huit en 2013… et à nouveau vingt-sept en 2016 avec la sortie du Royaume-Uni. Dans la perspective du scrutin de juin prochain, nous avons demandé à l’historien Sylvain Kahn, chercheur au Centre d’histoire de l’Europe de Sciences Po et auteur, entre autres nombreuses publications, d’une <a href="https://youtu.be/spoWemEOoYU?si=cZRyNRn4WxaUE2pW">Histoire de la construction de l’Europe depuis 1945</a> (PUF, 2021), de revenir sur ces différents élargissements, dans une série d’articles dont nous vous proposons ici le premier épisode.</em></p>
<hr>
<p>L’élargissement est constitutif de l’histoire de l’intégration européenne. La Communauté économique européenne comptait six membres lors de sa création en 1957. Entre 1973, année de l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark, et 2013, année de l’adhésion de la Croatie, vingt-deux pays supplémentaires ont rejoint la CEE puis l’Union européenne.</p>
<p>L’histoire des élargissements commence à la fin des années 1960 : De Gaulle parti, l’histoire de l’intégration européenne se poursuit sans dirigeant souverainiste. Son successeur élu le 15 juin 1969, Georges Pompidou, avait été l’un de ses plus proches collaborateurs puis son premier ministre. Dès son arrivée à l’Élysée, il prit son monde par surprise en <a href="https://www.georges-pompidou.org/projet-leurope-georges-pompidou-construction-europeenne">proposant une relance de la construction européenne</a>.</p>
<h2>Le sommet de La Haye, première étape d’un processus long de plusieurs décennies</h2>
<p>À l’initiative de Pompidou, les 1<sup>er</sup> et 2 décembre 1969, <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/d1cfaf4d-8b5c-4334-ac1d-0438f4a0d617/01b8a864-db8b-422c-915e-a47d5e86593e">La Haye accueillit un sommet européen des six chefs d’État et de gouvernement</a>. Le président français y annonça son fameux <a href="https://www.cairn.info/france-europe--9782804160166-page-93.htm">triptyque</a> : « achèvement » (de la PAC), « élargissement » (au Royaume-Uni), « approfondissement » (par <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/history/emu/html/index.fr.html">l’Union économique et monétaire</a> d’une part et la coopération en politique étrangère d’autre part).</p>
<p>Avec le recul, ce sommet de La Haye donna le « la » d’un mouvement qui allait se déployer sur la durée. Entre 1973 et 2013, il y eut <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-elargissements-de-l-union-europeenne-de-6-a-27-etats-membres/">quatre vagues d’élargissement</a> : aux pays industrialisés du nord-ouest dans les années 1970 ; aux pays méditerranéens, plus agricoles, en sortie de dictature, dans les années 1980 ; aux pays plus périphériques, très prospères, neutres et sociaux-démocrates du nord-est dans les années 1990 ; et aux pays d’Europe centrale et orientale ex-communistes, devenus démocratiques et capitalistes, dans les années 2000.</p>
<p>Chacune de ces vagues s’est déroulée de façon intriquée à des réformes institutionnelles allant dans le sens d’un approfondissement du système politique européen, selon quatre tendances fortes : des augmentations (relatives) du budget communautaire ; un accroissement des prérogatives tant du Parlement que du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement ; une extension et une simplification de la prise de décision à la majorité qualifiée ; et un achèvement toujours plus affiné des politiques communautaires.</p>
<p>Sanctuariser la politique agricole et intégrer le Royaume-Uni (sommet de La Haye) vont de pair dans les années 1970 ; démultiplier la politique régionale et intégrer les pays ibériques se font ensemble par la Commission Delors dans la décennie suivante ; pour le tandem Kohl-Mitterrand, rendre l’euro irréversible avec <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/history/emu/html/index.fr.html">l’Union économique et monétaire</a> et lancer l’intégration des pays d’Europe centrale et orientale sont les deux faces d’une même politique ; aujourd’hui, c’est le couplage entre, d’une part, le développement d’une défense et d’une diplomatie européennes et, d’autre part, <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/292425-lue-decide-douvrir-les-negociations-dadhesion-avec-lukraine-et-la-mo">l’élargissement à l’Ukraine et à la Moldavie</a> qui est en cours avec la Commission Von der Leyen.</p>
<h2>Les calculs de Georges Pompidou</h2>
<p>Revenons au sommet de La Haye de décembre 1969. Derrière le slogan du « triptyque » le changement proposé par Pompidou est un approfondissement dans la continuité.</p>
<p>Achever la PAC était dans la logique du traité de Rome et de la politique qu’il mena comme premier ministre de De Gaulle.</p>
<p>La coopération en politique étrangère proposait une démarche analogue à celle du <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/a70e642a-8531-494e-94b2-e459383192c9">plan Fouchet de 1961</a> : des consultations formalisées entre ministres des Affaires étrangères. Le plan est cette fois un rapport, rendu en 1970 et le diplomate qui lui donne son nom est cette fois belge : <a href="https://mjp.univ-perp.fr/europe/docue1970davignon.htm">Étienne Davignon</a>.</p>
<p>Le projet d’Union économique et monétaire est, lui, une vraie nouveauté. Le premier ministre luxembourgeois Pierre Werner et le vice-président de la Commission Raymond Barre sont chargés de concevoir sa mise en œuvre concrète, dans le respect des lignes rouges de la France pompidolienne : ne pas donner à l’institution supranationale qu’est la Commission un rôle plus important que celui des gouvernements des États membres.</p>
<p>Dans cette opération politique par laquelle Pompidou se démarque, le nouveau président français misait surtout sur l’élargissement au Royaume-Uni ; c’est ce qui l’intéressait le plus. Sur la scène politique communautaire, en ouvrant la CEE au Royaume-Uni, Pompidou escomptait compliquer toute évolution de la construction européenne vers davantage de supranationalité, sans que la France n’en soit rendue responsable. Il pensait aussi apporter un contrepoids à la RFA, dont il <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2003-3-page-163.htm">observe avec une pointe d’inquiétude</a> le rôle renouvelé – même si lors des célébrations du dixième anniversaire du traité de l’Élysée en janvier 1973, il assure Willy Brandt du soutien plein et entier de la France à l’<em>Ostpolitik</em>, ce nouveau cours de la politique étrangère ouest-allemande.</p>
<p>Accessoirement, sur la scène politique hexagonale, le président Pompidou a donné des gages aux centristes favorables à la construction européenne qu’il a jugé bon de faire revenir au gouvernement (Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Duhamel et René Pleven, le chef du gouvernement de la déclaration Schuman et du <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/46061">plan pour une Communauté européenne de défense en 1950</a> !). La nomination de Maurice Schumann au poste de ministre des Affaires étrangères est un choix très habile : ce dernier est à la fois un gaulliste historique, un européiste exempt de tout reproche et un anglophile.</p>
<p>Florentin, Pompidou met en porte-à-faux le tout nouveau Parti socialiste qui se veut plus européen que la majorité gaulliste. Le PS <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00054/francois-mitterrand-defend-une-europe-democratique.html">appelle à voter blanc ou à s’abstenir</a> lors de la ratification de ce premier élargissement par référendum. Tenu en 1972, il se soldera par une victoire du oui à 68 % (la question posée était : « Approuvez-vous, dans les perspectives nouvelles qui s’ouvrent à l’Europe, le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République, et autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la Grande-Bretagne, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège aux Communautés européennes ? »</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tPXTt85UuKU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Information première du 24 avril 1972, référendum sur l’Europe (Archive INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>À un autre niveau d’analyse, plus structurel, l’entrée du Danemark, du Royaume-Uni et de la République d’Irlande (les Norvégiens, pour leur part, <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/8bf94809-5b45-4840-8a90-9a33b4479419">rejettent par référendum</a> l’adhésion proposée par leur gouvernement) parachève cette association politico-économique qu’est la CEE du traité de Rome de 1957. Ces pays furent historiquement les berceaux de trois mouvements majeurs : le décollage économique de l’Europe d’une part ; l’émancipation du politique et de l’individu d’autre part, notamment par rapport à la sphère religieuse et à l’Église ; et la démocratie moderne.</p>
<p>Ce premier ensemble élargi est celui de l’Europe des plus fortes densités, de la diversité sociale, économique et culturelle, des centres de décision où s’invente et se développe le capitalisme. Roger Brunet, dans un <a href="https://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M202/Brunet.pdf">article devenu célèbre</a>, a expliqué ce phénomène de la dorsale européenne, baptisée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9galopole_europ%C3%A9enne">« banane bleue »</a> par les médias. En schématisant, l’Europe des Six (1957) puis des Neuf (1973) est l’Europe la plus urbaine, auréolée de ses périphéries plus rurales, arrière-pays moins urbanisés, moins métropolitains, moins industrialisés et agricoles. Dans l’histoire pluriséculaire des Européens, ces périphéries ont été agrégées à ces centres par des États déterminés et coercitifs, d’abord princiers ou royaux, puis s’étant parés du drapeau de la nation au cours de leur processus historique de consolidation et d’extension.</p>
<h2>Le Royaume-Uni, un État membre peu commode</h2>
<p>À un troisième niveau d’analyse, l’adhésion du Royaume-Uni réparait un accroc à l’histoire récente de ces Européens. Les Six fondateurs avaient bien cherché à être sept, tant dans la <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/qu-est-ce-que-la-ceca/">Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca, 1951)</a> que dans la CEE (traité de Rome 1957). Les Britanniques avaient snobé cette Europe communautaire, lui préférant le Commonwealth et pensant la mettre en difficulté en créant en 1960, <a href="https://www.efta.int/about-efta">l’AELE</a>, une zone de libre-échange comprenant l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse.</p>
<p>Finalement, leurs dirigeants s’étaient convaincus que leur pays, alors à la peine économiquement (<a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-royaume-uni--9782262044275-page-347.htm">« l’homme malade de l’Europe » disait-on du Royaume-Uni</a>), avait plus à gagner ou moins à perdre en se trouvant dans le Marché commun plutôt qu’en dehors. Pour autant, les <a href="https://laviedesidees.fr/L-anomalie-Brexit">spécificités britanniques n’avaient pas disparu comme par enchantement</a> avec ce revirement de Londres.</p>
<p>La première de celles-ci était que l’agriculture avait au Royaume-Uni une place bien moindre que dans les autres pays membres. Une autre était que la souveraineté du Parlement avait dans la culture politique britannique une place particulièrement prégnante qui s’accommodait mal avec la supranationalité. À la fin des années 1970, le Royaume-Uni finançait 20 % des ressources communautaires et était destinataire de moins de 10 % de ses dépenses. Dans la mesure où son PNB représentait 16,5 % de celui de la CEE, et où la politique agricole commune était le principal poste du budget européen, cette répartition lui paraissait injustifiée.</p>
<p>Le problème était délicat. Du point de vue de la spécificité de l’économie britannique, il y avait clairement une anomalie. Mais du point de vue de l’esprit et du fonctionnement d’ensemble, la démarche communautaire excluait les comptes d’épicier ou d’apothicaire ; elle reposait sur une solidarité d’ensemble dont chacun, au final, tirait un grand bénéfice. D’autant plus que les Britanniques savaient tout cela en candidatant, et que les montants en jeu étaient modestes. Les dépenses de la CEE étaient de l’ordre de 1 % du PNB de la zone CEE.</p>
<p>En votant à une large majorité pour le parti conservateur de Margaret Thatcher le 3 mai 1979, les Britanniques font de ces deux éléments un conflit politique au sein de la CEE. <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-3-page-69.htm">Thatcher souhaitait une rupture radicale avec trente-cinq années d’État-providence</a>, voulait en finir avec le secteur public, le pouvoir syndical et la récurrence des grèves ; elle disait vouloir déréguler le marché du travail pour lutter contre le chômage. Elle promettait de casser l’inflation pour redonner à l’épargne sa valeur et prônait la fierté patriotique et les valeurs victoriennes. En cohérence avec sa doctrine, elle voyait dans les décisions supranationales de la CEE résultant des négociations entre États et des compétences qu’ils avaient dévolues à la Commission à la fois une extension contre-productive de la bureaucratie et une limitation illégitime de la souveraineté parlementaire britannique. Intransigeante, indifférente aux sondages et aux pressions, on la surnommait la « Dame de fer ».</p>
<p>À son premier conseil européen, <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/20741/dublin_novembre_1979__fr_.pdf">celui de Dublin des 29 et 30 novembre 1979</a>, Margaret Thatcher demande comme ses prédécesseurs une réduction de la contribution britannique au budget communautaire, dont les trois quarts sont alors alloués à la politique agricole commune. Mais, à la différence de ceux-ci, elle refuse tout compromis. Dans une conférence de presse célèbre, en marge dudit conseil, expliquant longuement et patiemment la position du gouvernement britannique, elle eut cette formule restée fameuse : « We are asking for a very large amount of our own money back ». En France, cette formule est passée à la postérité sous une forme remaniée : <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/05/11/30-novembre-1979-margaret-thatcher-i-want-my-money-back_648386_3214.html">« I want my money back. »</a></p>
<p>Commence alors un autre chapitre de l’histoire de la construction européenne…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pendant ses seize premières années, la CEE a compté six membres : la France, la RFA, l’Italie et les trois pays du Bénélux. En 1973, elle est rejointe par le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, européaniste au Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216392024-02-08T16:52:31Z2024-02-08T16:52:31Z« Pauvres créatures » : Alasdair Gray, auteur du roman derrière le film<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573024/original/file-20240202-15-erbbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=125%2C83%2C1057%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alasdair Gray, _Eden and After_, fresque pour la Greenhead Church de Glasgow, 1963, détail. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nationalgalleries.org/art-and-artists/113174?artists%5B25%5D=25&search_set_offset=0">National Galleries, Scotland</a></span></figcaption></figure><p>Le film <em>Pauvres Créatures</em>, adaptation rétrofuturiste du roman éponyme d’Alasdair Gray, adapté par Tony McNamara et réalisé par Yorgos Lánthimos, propulse le spectateur dans un univers à la fois exubérant, tragicomique, grotesque et jubilatoire que ne renierait sans doute pas l’auteur du roman. <em>Poor Things</em> (1992) (<em>Pauvres Créatures</em>, <a href="https://editions-metailie.com/livre/pauvres-creatures">dans la version française</a>), est une réactivation dix-neuvièmisante du mythe de Frankenstein, fondée sur le postulat gothique du savant fou qui ressuscite une jeune suicidée en lui greffant le cerveau du fœtus qu’elle portait au moment de sa noyade. </p>
<p>L’esthétique travaillée du film, avec l’alternance noir et blanc/couleur, et le recours à une palette saturée et chromatiquement exubérante, l’effet d’œilleton qui indique la notion de point de vue, celui de la protagoniste Bella Baxter, sont autant d’éléments participant à l’interprétation que le metteur en scène propose de ce roman qui conduit ses personnages de Glasgow (Londres dans le film) à Alexandrie, en passant par Odessa (le film choisit Lisbonne) ou encore un bordel parisien.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RC6Fmy8XhQg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Faire lien entre littérature et Histoire</h2>
<p>En 2012 paraît une monographie signée Camille Manfredi consacrée à Alasdair Gray, écrivain et artiste peintre né à Glasgow en 1934, dont le titre, <a href="https://pur-editions.fr/product/4725/alasdair-gray"><em>Le Faiseur d’Écosse</em></a> est inspiré de celui d’un roman de l’auteur paru en 1994, <a href="https://editions-metailie.com/livre/le-faiseur-dhistoire/"><em>Le Faiseur d’Histoire</em></a> (<em>A History Maker</em>). Ces deux titres capturent l’essence de l’apport de l’auteur à la littérature écossaise, mais également britannique, en insistant sur le lien intime entre littérature, (petites) histoires, et (grande) histoire, et sur la capacité de l’artiste à « faire » (le mot « makar », proche phonologiquement de « maker », désigne le poète en langue écossaise). C’est en effet dès la publication du premier roman de Gray en 1981, <a href="https://editions-metailie.com/livre/lanark/"><em>Lanark, A Life in Four Books</em></a> que se manifeste cette étroite corrélation.</p>
<p>Le contexte historique, politique et social de la publication de <em>Lanark</em> coïncide avec l’arrivée au pouvoir en 1979 de Margaret Thatcher, dont la politique économique et le libéralisme laissez-faire laisseront de profondes traces en Écosse, notamment sur les <a href="http://www.clydewaterfront.com/clyde-heritage/river-clyde/shipbuilding-on-the-clyde_">chantiers navals de la Clyde à Glasgow</a>, dont la population ouvrière fut particulièrement touchée par la récession économique de la fin du XX<sup>e</sup> siècle. L’année de cette élection fut aussi l’année du (premier) <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1998/04/SCHLESINGER/3655">référendum sur l’autonomie de l’Écosse</a>, dont l’échec plongea le pays dans une période de dépression politique accompagnant les souffrances économiques.</p>
<p>Dans ce contexte se produisit une seconde renaissance littéraire, extrêmement politisée, dévolutionnaire puis indépendantiste, qui prit le relais d’une sphère politique en berne, édifiant ce que le romancier Duncan McLean décrivit comme « un parlement de romans » (<a href="https://journals.openedition.org/rfcb/1175">« a parliament of novels »</a>) pendant les années qui menèrent à la dévolution en Écosse et à l’inauguration du parlement en 1999. </p>
<p>Cette participation de la littérature à la (re) constitution à la fois politique et historique de l’Écosse prend aujourd’hui des allures de mythes des origines ; pour autant, cette vision atteste de la force du lien entre les artistes écossais et l’histoire de leur pays notamment depuis le poème accusateur de Robert Burns <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XLaYLDuxvQ8">« Such a Parcel of Rogues in a Nation »</a> (1791), dans lequel l’auteur traitait de vendus les technocrates qui, au moment de l’union des parlements en 1707, avaient accepté pour quelques pièces d’or de « vendre » l’Écosse à l’Angleterre.</p>
<h2>Postmodernisme et nationalisme : Gray et l’engagement</h2>
<p>Car la première caractéristique de l’œuvre de Gray qui, dès <em>Lanark</em>, mêle expérimentations formelles, visuelles et génériques, et propose un art qui tour à tour esquisse une forme d’hyperréalité, mais aussi de fantastique allant parfois jusqu’à convoquer des éléments de science-fiction au service de ce qu’il nomme inlassablement une « meilleure nation », est l’engagement. Engagement d’un artiste : <em>Lanark</em> possède une double intrigue, une réaliste, inspirée de la vie de l’auteur, et l’autre fantasmagorique, qui campe un sombre au-delà dystopique nommé Unthank, dans lequel erre un personnage amnésique que le récit relie au héros de la partie réaliste. </p>
<p>Il rencontre au passage son auteur, un « fichu magicien » dans un épilogue au roman intervenant avant la fin du livre, et se voit proposer deux fins, dont l’une est jugée « bloody rotten » (vraiment pourrie). Ce roman, qui valut à son auteur d’être rangé parmi les écrivains postmodernistes, jongle avec la temporalité, les identités, réelles et fictionnelles, au gré d’un récit déstructuré non chronologique ; il met en péril le texte en en déplaçant les frontières entre texte et hors texte, entre personnage de roman et leur auteur, entre monde fictionnel et monde réel.</p>
<p>Ce qualificatif encombrant d’auteur postmoderniste, que Gray réfute et dont il joue cependant, a parfois occulté à quel point son œuvre est à la fois engagée et politique. Engagée en faveur de l’indépendance écossaise : Gray est auteur de deux essais, <em>Why Scots should rule Scotland</em>, publié en 1992 au moment de la campagne pour la dévolution de l’Écosse, puis <em>Why we Should Rule Ourselves</em> (2005). Pour autant, son engagement n’est pas cantonné à la forme de l’essai ou du pamphlet : il est partie intégrante de son œuvre, qui répète sa vision d’une « meilleure nation », précisant qu’elle pourrait prendre la forme d’une « petite République socialiste coopérative ». C’est surtout un engagement qui postule l’importance de la littérature dans l’existence même d’une nation, argument qui sera important lors de la <a href="https://www.luath.co.uk/art-and-photography/arts-of-independence-the-cultural-argument-and-why-it-matters-most">campagne pour l’indépendance en 2016</a>.</p>
<h2>Un imaginaire politique, lié au territoire</h2>
<p>Duncan Thaw, héros de <em>Lanark</em>, identifie la raison de la non-existence de sa ville, et par extension, de son pays : « Si une ville n’a pas été utilisée par des artistes, même ses habitants n’y vivent pas en imagination », dit-il. Pour exister, une ville doit d’abord avoir une existence dans l’imaginaire collectif. Le mot est lâché : l’imaginaire ; il engage la responsabilité des artistes. Celle de Gray, et celle de ses contemporains tels que James Kelman, Edwin Morgan, Liz Lochhead, Iain Banks ou encore William McIlvanney qui, comme lui, viendront (ré) inscrire l’Écosse sur la carte du monde. L’adaptation de <em>Poor Things</em> par Yorgos Lánthimos vient parachever ce phénomène en lui donnant la résonance mondiale du blockbuster aux deux Golden Globes et au Lion d’Or, au prix toutefois d’une ironie, puisque l’intrigue du film est déplacée de Glasgow à Londres.</p>
<p>L’imaginaire est, chez Gray, politique, lié à la thématique fondatrice du territoire. Pour <em>Lanark</em>, il convient de prendre de la hauteur sur les montagnes du pays afin de cartographier l’espace et ainsi délimiter le territoire de la nation. Pour <em>A History Maker</em>, les territoires sont explorés par un « œil public » surplombe les champs de bataille entre clans rivaux. Enfin, Gray est illustrateur et, dans chacun de ses livres, fait dialoguer texte et image de manière foisonnante, et inclut la carte, le dessin de frontières, dans <a href="https://canongate.co.uk/books/97-a-history-maker/">nombre de ses illustrations et couvertures</a>.</p>
<p><em>Poor Things</em> convoque également le territoire comme conquête, en utilisant la période à laquelle se déroule l’intrigue afin de fustiger l’impérialisme britannique : Lord Blessington, époux de Bella/Victoria, est un impérialiste dominateur qui déclare dans le film vouloir annexer le corps de sa femme. Cette idéologie fait son chemin dans le livre sous forme d’addenda, une invasion des bordures du texte (des paratextes) qui sont la marque de fabrique de l’auteur. Elle est faite de notes historiques apocryphes, mais qui soulignent l’emprise de l’idéologie impérialiste et, au passage, la part que prit l’Écosse à l’expansionnisme britannique. Dans le film, cela se limite à la terreur grotesque que Blessington inspire à son personnel tenu en joue de son pistolet.</p>
<p>Autre dimension gommée de l’adaptation, la femme-territoire, dans le roman, est aussi une femme qui s’engage, et engage avec elle l’avenir d’une nation. Nommée Bella, Victoria Blessington, puis Victoria McCandless, mais surtout Bella Caledonia, elle allégorise la nation écossaise. Elle est aussi le véhicule de la critique sociale : Victoria McCandless, la version conquérante de Bella Baxter (cf le royal prénom) est médecin, suffragette, engagée pour faire une différence dans la vie des femmes et des hommes de son époque, mettant à mal les stéréotypes victoriens et édouardiens.</p>
<p>L’internationalisation que constitue l’adaptation par Lánthimos de ce roman à maints égards particulièrement écossais est aussi paradoxalement une sorte de retour bienvenu au point de départ pour un écrivain éclectique qui n’a jamais considéré ses inspirations comme étroitement nationales. Au rang des sources, Robert Burns bien sûr, le poète national, notamment pour ses propositions révolutionnaires, comme celle du poème « Un homme est un homme » (<a href="https://www.scottishpoetrylibrary.org.uk/poem/mans-man-0/">« A man’s a man for a’ that »</a>) qui fait fi des distinctions sociales pour proclamer l’humanité commune aux grands de ce monde et au peuple ; d’autres grands auteurs écossais tels que Robert Louis Stevenson, dont la nouvelle « The body snatcher » est une des sources d’inspiration de <em>Poor Things</em>, ou encore Walter Scott, Hugh MacDiarmid ou des contemporains de Gray ; mais aussi Shakespeare, Dickens, William Blake, Tolstoï, tous les grands auteurs de la littérature mondiale, les philosophes (il y a dans <em>Poor Things</em> une mise en perspective de la rationalité des lumières, la raison conduisant parfois à la déchéance de l’humain), les auteurs antiques, la Bible bien sûr, ou encore des lectures de son enfance, des romans ou des textes plus confidentiels.</p>
<h2>Un auteur versatile et curieux</h2>
<p>Car la seconde caractéristique de Gray est la versatilité de son esprit et de sa curiosité. Cette caractéristique de son écriture confère à ses romans une vitalité et une dimension carnavalesque, <a href="https://www.jstor.org/stable/42945044">au sens Bakhtinien du terme</a>. Les œuvres de Gray, de <em>Lanark</em> à <em>Old Men in Love</em> (2007) ou à sa pièce <em>Fleck</em> (2008), réécriture du mythe de Faust, se caractérisent en effet par cette exubérance, cette jubilation à mélanger forme et fond, à mettre en avant la matérialité de l’objet livre, dont les illustrations de couverture en font de véritables objets artistiques, à mettre en scène une intertextualité débordante, dont l’auteur se moque lui-même lorsque, dans l’épilogue de <em>Lanark</em>, il conçoit un « Index des plagiats », placé en marge du texte romanesque dans lequel une figure de l’auteur détaille les emprunts dont il s’est rendu coupable.</p>
<p>L’héritage de Gray, disparu en 2019, est donc immense, et fort opportunément rendu accessible par le travail de diffusion de son travail, pictural et littéraire, de la <a href="https://thealasdairgrayarchive.org">Alasdair Gray Archive</a>.</p>
<p>Pour avoir une idée de son œuvre picturale, on peut admirer la magistrale fresque murale dont Gray orna <a href="https://oran-mor.co.uk/arts-for-all/celestial-ceiling-mural/">l’église d’Oran Mor</a> dans le West End de Glasgow, aujourd’hui lieu dédié à la culture et à l’événementiel.</p>
<p>Concernant l’importance du Gray écrivain, certains auteurs l’ayant aujourd’hui rejoint au canon de la littérature écossaise reconnaissent sa colossale influence. Ainsi de Janice Galloway, qui écrit dans un article intitulé <a href="https://archive.org/details/sim_review-of-contemporary-fiction_1995_15_index">« Me and Alasdair Gray »</a> qu’il a ouvert la voie pour les artistes de sa génération, en décloisonnant une géographie de la littérature jusqu’alors polarisée sur la grande voisine anglaise et le « centre » londonien. Il lui a permis d’oser imaginer (encore l’imagination) une carrière d’écrivain pour elle-même, grâce à cette voix qui montre la voie :</p>
<blockquote>
<p>« La voix d’Alasdair Gray m’a apporté quelque chose de libérateur. Elle n’était ni distante ni condescendante. Elle connaissait des mots, une syntaxe, des endroits que je connaissais aussi, mais les utilisait sans s’en excuser : elle considérait sa propre expérience et sa propre culture comme valables et centrales, et non comme dépassée ou rurale, pittoresque pour les touristes ou arriérée pour déclencher l’hilarité. Plus encore, c’était une voix qui postulait qu’elle n’était pas la seule voix possible. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ce souffle de liberté, ce pouvoir d’imaginer autrement qui est perceptible dans l’adaptation de Lánthimos. C’est aussi ce patrimoine intellectuel, politique et artistique qui fait de Gray un des artistes les plus marquants du XX<sup>e</sup> siècle britannique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Odile Pittin-Hedon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Pauvres créatures » est l’adaptation rétrofuturiste du roman d’Alasdair Gray au cinéma. Un auteur et artiste écossais qui a marqué son époque et continue à inspirer le monde de la création.Marie-Odile Pittin-Hedon, Professeur de littérature écossaise contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2217692024-01-28T16:05:48Z2024-01-28T16:05:48ZUne nouvelle arme laser permet d'abattre des drones à distance – et à bas coût<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570837/original/file-20240121-38659-1vateu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C3%2C589%2C363&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tir de test du système anti-drone britannique, le _DragonFire_.</span> <span class="attribution"><span class="source">UK Ministry of Defence/wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Un flash de lumière s’envole vers un minuscule drone volant à une vitesse vertigineuse. Quelques instants plus tard, le drone désactivé s’écrase dans la mer. Pas un bruit, pas de victimes humaines, pas d’explosions désordonnées. Un drone mortel coûtant plusieurs millions de dollars a été proprement éliminé par un tir qui a coûté moins cher qu’une bonne bouteille de vin.</p>
<p>Si vous pensez qu’il s’agit d’une scène tirée d’un film de science-fiction, détrompez-vous. Il y a quelques jours à peine, une équipe de scientifiques et d’ingénieurs britanniques a réussi à <a href="https://www.gov.uk/government/news/advanced-future-military-laser-achieves-uk-first">démontrer qu’il s’agit d’une technologie viable</a>, qui pourrait trouver sa place sur le champ de bataille dans cinq ou dix ans.</p>
<p><em>DragonFire</em> est un programme de haute technologie lancé en 2017, financé à hauteur de 30 millions de livres sterling, et impliquant l’agence gouvernementale britannique <em>Defence Science and Technology Laboratory</em>, le fabricant de missiles MBDA, l’entreprise aérospatiale Leonardo UK et l’entreprise de technologie de défense QinetiQ. Ce programme a réussi son premier test sur le terrain en abattant plusieurs drones au large des côtes écossaises à l’aide de faisceaux laser.</p>
<p>Les drones sont des aéronefs sans pilote, semi-automatiques, capables d’infliger des dégâts mortels avec une grande précision. Ils sont <a href="https://theconversation.com/armes-autonomes-et-soldats-augmentes-quel-impact-sur-les-valeurs-des-armees-168295">très présents sur les champs de bataille modernes</a>, notamment lors de la guerre d’Ukraine et sur les routes navales commerciales de la mer Rouge.</p>
<p>Il n’est pas facile de les abattre : il faut généralement tirer des missiles qui coûtent jusqu’à 1 million de livres sterling pièce. Bien qu’ils soient généralement efficaces, les systèmes défensifs de ce type sont coûteux et comportent un risque important de dommages collatéraux. Si un missile manque sa cible, il finira par atterrir quelque part et explosera quand même.</p>
<p>Mais il n’est pas nécessaire de provoquer une explosion spectaculaire pour désactiver un drone… il suffit d’interférer avec ses systèmes de contrôle et de navigation.</p>
<p>Et un rayon laser est un très bon candidat pour s’acquitter de cette tâche. Les <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/physique/le-laser-et-le-renouveau-de-l-optique-2490.php">lasers sont des faisceaux lumineux particulièrement directionnels, qui peuvent être très intenses</a>. Un laser suffisamment puissant peut interférer avec n’importe quel appareil électronique et provoquer son dysfonctionnement.</p>
<p>Comparé aux missiles classiques, un système laser de grande puissance présente de nombreux avantages stratégiques. Pour commencer, il est étonnamment peu coûteux à utiliser : faire fonctionner le <em>DragonFire</em> pendant dix secondes coûte autant que d’allumer un chauffage pendant une heure (soit moins de 10£ par tir).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le système laser DragonFire" src="https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le système laser <em>DragonFire</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mbda-systems.com/press-releases/dragonfire-proving-trials-underway">MDBA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les lasers ne présentent pas non plus de risque de dommages collatéraux. Même si un laser manque sa cible, il continuera à se propager dans la même direction et finira par être absorbé et dispersé dans l’atmosphère. Un laser étant un faisceau lumineux, il se propage en ligne droite, indépendamment de la gravité. Finalement, la section d’un faisceau laser est généralement toute petite, de l’ordre de quelques millimètres carrés. Leur utilisation s’apparente ici à une intervention chirurgicale.</p>
<p>Les lasers sont donc une arme défensive par excellence : ils peuvent répondre à une menace, mais ne peuvent pas causer de dégâts importants. Ils sont aussi très peu sensibles aux contre-mesures, puisque les faisceaux lumineux se déplacent à la plus grande vitesse qui soit… celle de la lumière. En d’autres termes, une fois qu’un flash laser est lancé, rien ne peut le rattraper et le neutraliser.</p>
<p>Les rayons laser sont utilisés sur le champ de bataille depuis un certain temps. Côté défensif, ils sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214914719312231">principalement utilisés pour le suivi des cibles, la télédétection et la visée de précision</a>. Mais c’est la première fois qu’ils sont utilisés efficacement afin de perturber une action ennemie.</p>
<h2>Des défis à relever</h2>
<p>La mise au point du <em>DragonFire</em> comme arme a pris beaucoup de temps. C’est parce que pour neutraliser un drone, il faut un faisceau laser d’une grande intensité.</p>
<p>Mais si le faisceau laser est trop puissant, il peut fortement interagir avec l’air dans l’atmosphère, <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/12/7/918">ce qui entraîne son absorption ou sa dispersion</a>. Il faut trouver l’équilibre parfait entre les paramètres du faisceau, tels que <a href="https://scholar.harvard.edu/files/schwartz/files/lecture10-power.pdf">sa puissance, sa longueur d’onde et sa forme</a>, pour s’assurer qu’il peut se propager sur de longues distances sans se dégrader significativement.</p>
<p>Un faisceau laser est aussi particulièrement sensible aux conditions atmosphériques, et la présence de brouillard, de pluie ou de nuages <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/12/7/918">peut affecter de manière significative ses performances</a>.</p>
<p>Les drones et les missiles subsoniques représentent une menace croissante à l’échelle mondiale. C’est pourquoi le ministère britannique de la Défense accélère actuellement le développement du <em>DragonFire</em>, dans l’espoir de l’embarquer sur des navires de guerre dans les cinq à dix prochaines années.</p>
<p>Pour cela, plusieurs questions techniques et scientifiques doivent encore être résolues.</p>
<p>Par exemple, il n’est pas facile de maintenir la stabilité du pointage du laser sur une plate-forme en mouvement (comme un croiseur dans des eaux agitées). C’est comme si l’on essayait d’atteindre une cible de fléchettes en se tenant debout sur une planche d’équilibre – mais ceci n’affecte que la précision de l’arme, pas le risque de dommages collatéraux.</p>
<p>Il faudra également découpler les performances du système laser des conditions météorologiques. Comme les gouttelettes d’eau et les courants d’air peuvent diffuser ou absorber le faisceau laser, et réduire sa puissance et donc ses effets, il faudrait pouvoir tenir compte des conditions météorologiques lors de la préparation du faisceau. Cette tâche n’est pas impossible, mais techniquement difficile.</p>
<p>Un programme de formation doit également être mis en place pour que les soldats puissent utiliser efficacement un tel système de haute technologie.</p>
<p>Néanmoins, ces premiers essais ont démontré la viabilité et l’efficacité de cette arme laser, qui pourrait révolutionner la guerre moderne dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221769/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gianluca Sarri a reçu des financements de l'EPSRC (Engineering and Physical Sciences Research Council), de InnovateUK, et du DSTL (Defence Science and Technology Laboratory). </span></em></p>Le nouveau système de défense laser britannique permet des tirs coûtant 10 livres sterling – soit l’équivalent d’une heure de chauffage.Gianluca Sarri, Professor at the School of Mathematics and Physics, Queen's University BelfastLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2159522023-12-07T17:31:11Z2023-12-07T17:31:11ZLa laïcité à l’anglaise : autre pays, autres mœurs ?<p>Ceux qui ont observé le <a href="https://theconversation.com/visite-detat-du-roi-charles-un-an-apres-le-debut-de-son-regne-quest-ce-qui-a-change-avec-le-nouveau-monarque-214090">couronnement du roi Charles III</a> en mai 2023 pourraient penser que le Royaume-Uni est tout le contraire d’un pays laïc. Dans l’abbaye de Westminster, le nouveau chef de l’État a reçu son mandat de l’archevêque de Canterbury et est ainsi devenu chef de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_d%27Angleterre">l’Église d’Angleterre</a>. Pourtant, les apparences sont trompeuses.</p>
<p>La situation actuelle outre-Manche est complexe, tributaire des contradictions et des compromis de l’histoire britannique. Dans le fond, l’Angleterre devient une société séculière mais sans avoir adopté le principe français de la laïcité.</p>
<p>On cite souvent le philosophe américain <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674986916">Charles Taylor</a>, qui distingue trois éléments majeurs dans la sécularisation des sociétés occidentales : le déclin de la croyance religieuse, la conception de la religion comme choix personnel du croyant, et la séparation entre l’Église et l’État. Concernant les deux premiers éléments, la France et l’Angleterre sont assez proches.</p>
<h2>Un déclin de la croyance</h2>
<p>Lors du <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/culturalidentity/religion/bulletins/religionenglandandwales/census2021">recensement de 2021</a> en Angleterre et au Pays de Galles, on a observé pour la première fois que moins de la moitié de la population s’est déclarée chrétienne : 46 %, contre 59 % en 2011. 37 % se déclarent sans religion. Par comparaison, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Religion_in_Europe">l’Eurobaromètre de 2019</a> compte <a href="https://www.cairn.info/revue-historique-2022-1-page-171.htm">47 % de chrétiens en France</a>, contre 40 % sans religion. On a recensé 10 % de personne se déclarant d’autre religion que le christianisme en <a href="https://www.birmingham.ac.uk/news/2022/is-religion-dying-in-england-and-wales">Angleterre</a> et 12 % en France. <a href="https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/des-croyances-et-pratiques-religieuses-en-declin-en-france/">Ce déclin de l’identité religieuse</a> s’accompagne d’une chute de la pratique religieuse dans les deux pays.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches</em>.</p>
<p><em>La série « » laïcité » » s’attache à décrypter les possibles incompréhensions, les polémiques mais aussi usages de ce terme et de ce qu’il recouvre au sein du débat public.</em></p>
<p><em>À lire aussi</em> :</p>
<ul>
<li><a href="https://theconversation.com/la-cite-comment-les-enfants-la-percoivent-ils-151860">Laïcité : comment les enfants la perçoivent-ils ?</a></li>
<li><a href="https://theconversation.com/signes-religieux-a-lecole-une-longue-histoire-deja-212646">Signes religions à l’école, une longue histoire déjà</a></li>
<li><a href="https://theconversation.com/la-cite-lexception-nest-pas-la-ou-les-francais-la-voient-128338">Laïcité : l’exception n’est pas là où les Français la voient</a></li>
<li><a href="https://theconversation.com/la-la-cite-vertu-ou-principe-192262">La laïcité : vertu ou principe ?</a></li>
</ul>
<hr>
<p>On constate également des changements fondamentaux dans les pratiques, notamment concernant ce qui était considéré jusqu’à récemment comme des rites de passage. Par exemple, il était normal que les Anglais et les Anglaises se marient à l’église, mais en <a href="https://wwww.churchtimes.co.uk/articles/2023/19-may/news/uk/figures-for-2020-show-continued-decline-in-religious-wedding-ceremonies">2020 15 % seulement des couples s’y sont mariés</a>.</p>
<p>Ainsi, une église anglicane moyenne n’a assuré que quatre funérailles et un seul mariage en 2020. En revanche les <a href="https://www.bbc.co.uk/news/magazine-24565994">rites alternatifs foisonnent</a>. Il est maintenant possible et admis de se marier, ou de formaliser son union civile, en <a href="https://unconventionalwedding.co.uk/the-best-alternative-wedding-venues/">dehors de l’église ou du bureau d’enregistrement</a> : dans un hôtel, mais aussi dans un jardin, sur un bateau, à la plage, ou ailleurs selon l’imagination du couple.</p>
<p>Au Royaume-Uni, on constate que ce sont très souvent des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Humanist_celebrant">humanistes</a>, appartenant au mouvement non religieux que je présente plus bas, qui président les mariages et les autres rites en lieu et place des curés.</p>
<p>Au lieu de proposer des sacrements, ils marquent les hauts moments de la vie humaine dans des célébrations collectives. Ils peuvent êtres appelés tant pour les noces que pour les enterrements.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans les autres institutions sociales, on peut percevoir les mêmes tendances. Dans les tribunaux, par exemple, où autrefois on jurait sur la Bible, l’accusé ou les jurés peuvent aussi jurer sur un livre religieux de leur choix, comme le Coran, la Torah ou la Bhagavad-Gita (texte clé de l’hindouisme), ou peuvent simplement faire une déclaration solennelle. Lors d’un procès auquel j’ai participé l’année dernière, 10 jurés sur 12 ont choisi de jurer solennellement qu’ils et elles allaient accomplir leur devoir. Le choix religieux est donc une option personnelle, mais ne change rien dans le déroulement de la justice.</p>
<h2>La religion à l’école</h2>
<p>Concernant les institutions d’éducation, la France et le Royaume-Uni ont une économie mixte qui comprend des écoles publiques et privées. Au Royaume-Uni, 6 % des jeunes sont dans <a href="https://tutorful.co.uk/blog/private-school-statistics-uk-independent-schools">l’enseignement privé</a> pour près de 17 % en <a href="https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/290729-la-place-de-lenseignement-prive-en-france-en-cinq-questions">France</a>. Les écoles privées britanniques ne reçoivent aucune subvention financière directe de l’État, alors que la grande majorité des <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/289657-lenseignement-prive-sous-contrat">écoles privées françaises</a> sont « sous contrat » avec l’État et touchent une importante subvention publique.</p>
<p>Au Royaume-Uni, le tiers des écoles d’État sont des <a href="https://flashlearners.com/how-many-faith-schools-are-there-in-the-uk/">écoles dites « de foi »</a>, dont la majorité sont des écoles primaires. En France, par contre, l’enseignement à caractère religieux se passe essentiellement dans les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Enseignement_priv%C3%A9_en_France">écoles privées</a>, dont la vaste majorité (97 %) sont des écoles catholiques.</p>
<p>C’est dans les écoles d’État que les différences se manifestent. On sait combien les écoles d’État en France doivent insister sur <a href="https://theconversation.com/frances-la-cite-why-the-rest-of-the-world-struggles-to-understand-it-149943">l’exclusion des signes et des pratiques religieux</a>. La situation au Royaume-Uni varie à travers l’Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord, car chacune des « quatre nations » est responsable de l’éducation de ses jeunes administrés.</p>
<p>En Angleterre, par exemple, le tiers des écoles d’État (y compris les collèges et les lycées) ont un <a href="https://flashlearners.com/how-many-faith-schools-are-there-in-the-uk/">statut religieux</a> (anglican et catholique en majorité, mais aussi juif, musulman, hindou et Sikh). Ce statut implique que l’école ou le lycée est affilié à une organisation religieuse, offre des cours d’éducation religieuse et maintient une culture informée par la religion en question. L’école peut accepter des enfants d’autres religions, ou sans religion, qui peuvent manifester leur appartenance propre dans le respect de la culture religieuse de l’école. On peut penser qu’il y a une forte ressemblance entre les écoles d’État « de foi » britanniques et les écoles privées sous contrat en France.</p>
<p>Notons que depuis la <a href="https://www.parliament.uk/about/living-heritage/transformingsociety/livinglearning/school/overview/educationact1944/">loi de 1944</a>, les écoles d’État en Angleterre autre que les écoles de foi, en primaire et secondaire, sont obligées de fournir une fois par semaine un enseignement sur la religion, et de tenir tous les jours un « acte de culte chrétien ». En pratique, la majorité de ces écoles choisissent de reconnaître la diversité des croyances parmi les élèves, soit dans les classes de religion, soit dans les rassemblements collectives.</p>
<h2>Les familles peuvent choisir</h2>
<p>Au Royaume-Uni, les parents d’élève peuvent choisir de <a href="https://theconversation.com/parents-are-pulling-children-from-re-lessons-so-they-dont-learn-about-islam-95235">retirer leurs enfants des activités religieuses</a>, ce qui se fait de plus en plus. Les élèves eux-mêmes peuvent exercer ce choix à partir de 16 ans.</p>
<p>D’ailleurs, les écoles interprètent ces obligations à leur façon. Par exemple, « l’acte de culte » peut prendre la forme d’un rassemblement portant sur la vie de l’école (réussite scolaire ou sportive, événement marquant, discipline et comportement). Et les cours sur la religion peuvent porter sur les croyances et pratiques de toutes sortes.</p>
<p>Non seulement les parents ont la possibilité de retirer leurs enfants de ces activités, mais les directeurs peuvent demander que l’école en soit dispensée. In fine, on constate une diversité de situations ; entre l’enthousiasme religieux et la pratique laïque.</p>
<p>Chaque école a la responsabilité de formuler ses règlements sur la discipline intérieure (comportements, coiffure, vêtements, port de signes, etc.) selon le contexte de l’école et de sa composition sociale.</p>
<p>Il est rare d’y voir des confrontations et il semble que le régime du choix personnel des élèves, des parents et des enseignants, en matière de croyances et pratiques religieuses, contribue à la paix scolaire.</p>
<h2>La place du religieux en évolution</h2>
<p>La séparation de l’État et de l’Église dans le domaine politique et juridique pose des questions plus aiguës. L’église anglicane ne reçoit aucune subvention de l’État, mais elle est « établie » comme l’Église d’Angleterre <a href="https://www.bbc.co.uk/bitesize/topics/zwcsp4j/articles/zgkcr2p">depuis la Réforme d’Henri VIII au XVI<sup>e</sup> siècle</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, le monarque est toujours chef de cette l’église, même si les décisions sont en réalité prises par le gouvernement qui est par exemple chargé d’approuver la nomination d’évêques. 26 évêques siègent de droit dans la Chambre des Lords (équivalent du Sénat français) et y font peser leur voix.</p>
<p>La position politique de l’église est surtout symbolique, mais elle exerce un rôle de porte-parole en faveur des valeurs spirituelles et éthiques, ce qui lui donne une certaine influence dans l’opinion publique. Par contre, depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, son statut sous la loi est résiduel. Elle a peu de pouvoir politique direct, et elle se garde de l’utiliser dans la mesure du possible.</p>
<h2>Vers un régime séculier ?</h2>
<p>Actuellement, la critique de la religion est devenue très répandue et une minorité croissante s’exprime en faveur de l’exclusion des privilèges des religions dans la vie collective. Au Royaume-Uni, deux associations majeures représentent cette perspective : les Humanists UK (Humanistes Royaume-Uni) et la National Secular Society (Société séculière nationale).</p>
<p><a href="https://www.librairie-intranquille.fr/ebook/9780349425450/the-little-book-of-humanism-universal-lessons--alice-roberts-andrew-copson-piatkus">Les humanistes</a> se présentent comme des libres penseurs, non religieux, qui proposent une vision du monde rationnelle et éthique. Ils puisent dans une longue tradition européenne et même internationale, et favorisent le débat sur des <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/552033/humanly-possible-by-sarah-bakewell/">questions philosophiques</a> et sociales. Alors qu’en France l’humanisme peut être revendiqué par beaucoup de tendances intellectuelles, l’usage de ce terme au Royaume-Uni se limite en pratique aux non-croyants.</p>
<p><a href="https://humanists.uk/ceremonies/find-a-celebrant/">Les humanistes</a> forment un réseau de soutien et fournissent un grand nombre de célébrants pour les rites de passage non religieux. Ce sont des personnes formées et accréditées pour diriger des cérémonies comme les mariages et les enterrements, sans référence à la religion.</p>
<p>Ils sont proches de la <a href="https://www.secularism.org.uk/campaigns/">National Secular Society</a>, qui mène des campagnes en faveur d’une « démocratie laïque où chacun est traité de manière égale, quelle que soit sa religion ou ses convictions ». Cette société vise notamment à renforcer la séparation de l’église et de l’État, à abolir les écoles religieuses, à exclure la religion des institutions de la santé et à affirmer l’égalité de tous devant la loi, sans distinction de croyance. Ses perspectives correspondent donc de près à certaines interprétations du principe français de la laïcité.</p>
<p>Ces deux associations sont des membres actifs de l’association <a href="https://humanists.international/">Humanists International</a>, qui regroupe 130 associations à travers le monde. On constate qu’aucune association française n’y appartient. Cette absence est peu commentée, mais on peut penser que, d’une part, la notion d’humanisme n’a pas le même sens en français, et que, d’autre part, la promotion de la laïcité fait partie des débats quotidiens sur les valeurs républicaines en France, et n’est pas conçue comme le rôle d’une ONG internationale.</p>
<h2>Deux histoires proches mais différentes</h2>
<p>On pourrait développer davantage la complexité de la situation actuelle. Les différences entre les quatre « nations » du Royaume-Uni tendent à s’affirmer davantage avec la montée des nationalismes en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord. De plus, l’Église d’Angleterre fait partie d’une communauté internationale, qui regroupe <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Anglican_Communion">46 églises anglicanes</a> à travers le monde, surtout dans les anciennes colonies. On y retrouve des perspectives très diverses, surtout en matière de politique sociale (rôle des femmes, inclusion de l’homosexualité, rapports avec l’État et avec d’autres religions).</p>
<p>On trouve des complexités comparables dans les régions de France qui ont un rapport différent avec la laïcité (Alsace-Moselle, France d’Outre-mer). Cela renforce l’idée que l’Angleterre et la France font face aux mêmes défis.</p>
<p>Il y a cependant un travail important à faire pour arriver au point où les deux pays pourront mieux comprendre l’expérience du voisin. Les itinéraires historiques de la France et du Royaume-Uni sont très différents, malgré leur proximité géographique. Ces différences traversent leurs institutions, leurs structures politiques, sociales et intellectuelles et leurs langues. Et si les deux pays affrontent souvent des problèmes comparables, comme la place de la religion dans la société moderne, il est évident que chacun devra trouver des solutions adéquates en fonction de leur culture et de leur histoire propres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215952/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Kelly est membre du Labour Party britannique et de l'association South Hampshire Humanists. </span></em></p>Le Royaume-Uni est devenu une société séculière, mais sans avoir adopté le principe français de la laïcité. Qu'est-ce qui le distingue ?Michael Kelly, Emeritus Professor of French in Modern Languages and Linguistics, University of SouthamptonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164672023-11-07T17:27:11Z2023-11-07T17:27:11ZComment le rugby est devenu un élément majeur de l’identité irlandaise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556154/original/file-20231026-24-42brlj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3537%2C2360&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’équipe nationale de rugby est composée à la fois de joueurs de la République d’Irlande et de joueurs d’Irlande du Nord.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Marco Iacobucci Epp/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 9 septembre 2023, l’Irlande a entamé sa Coupe du monde de rugby par un match contre la Roumanie, à Bordeaux. En tribunes, l’ambassadeur d’Irlande et l’ambassadeur du Royaume-Uni étaient présents. Tous deux étaient venus encourager « leur » Irlande. En effet, l’équipe d’Irlande représente l’ensemble de l’île, donc aussi bien la République d’Irlande, qui est <a href="https://www.lisez.com/livre-de-poche/histoire-de-lirlande/9782262030223">indépendante depuis 1922</a>, que l’Irlande du Nord, restée dans le giron du Royaume-Uni.</p>
<p>Cette simple image des deux ambassadeurs illustre la complexité du rapport entre sport et politique en Irlande. Les équipes nationales irlandaises – et spécialement celle de rugby – se trouvent, plus qu’ailleurs, au centre de la construction identitaire des habitants de l’île, qu’ils soient citoyens de la République d’Irlande (5 millions de personnes) ou qu’ils comptent parmi les quelque 2 millions de résidents de l’Irlande du Nord, laquelle est partie intégrante du Royaume-Uni.</p>
<h2>Stades, drapeaux, hymnes… Les casse-tête irlandais</h2>
<p>Malgré la partition de 1922, l’Irlande est représentée par une seule sélection nationale unique dans de nombreux sports. Cette situation n’est pas allée sans créer quelques problèmes.</p>
<p>En football, jusque dans les années 1950, la République d’Irlande et l’Irlande du Nord prétendaient toutes deux représenter « l’Irlande ». Certains joueurs en profitaient pour jouer pour l’équipe du Nord le samedi à Belfast, avant de prendre le train pour Dublin et de porter les couleurs de l’équipe du Sud le dimanche. En 1953, la FIFA a ordonné que cela cesse et a décrété que, dorénavant, les deux équipes s’appelleraient République d’Irlande et Irlande du Nord.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En hockey sur gazon, une équipe irlandaise unique dispute la Coupe du monde et le Championnat d’Europe ; mais les règles des Jeux olympiques n’autorisent pas la présence de plusieurs équipes d’un même pays : aux JO, il y a donc une seule équipe représentant l’ensemble du Royaume-Uni, et une autre représentant la République d’Irlande. Plusieurs hockeyeurs ont ainsi joué pour l’Irlande lors de la Coupe du monde et des Championnats d’Europe, mais pour l’équipe du Royaume-Uni lors des Jeux olympiques.</p>
<p>En ce qui concerne le rugby, les problèmes ont également été nombreux lors des matchs de la sélection. Tout d’abord, où doit-elle disputer ses rencontres à domicile ? L’Irlande joue principalement à Dublin, et occasionnellement à Belfast, en Irlande du Nord (donc au Royaume-Uni).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556129/original/file-20231026-15-21aip8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lors de ce match au Millenium Stadium, au Pays de Galles, les supporters irlandais brandissent le drapeau national et le drapeau vert de l’IRFU.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.irishrugby.ie/gallery/fans-at-wales-v-ireland-millennium-stadium-saturday-march-21-2009/#nanogallery/undefined/0/1">Irish Rugby</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès lors, quel drapeau afficher ? Pour éviter les litiges sur ce point, l’IRFU (la fédération chargée du rugby à XV en Irlande) a conçu son propre drapeau en 1925. Lors des matchs qui se déroulent à Dublin, ce drapeau est associé au drapeau tricolore de la République. Et lors des rares matchs tenus à Belfast, c’est le drapeau de l’Ulster (région historique située dans le nord de l’île d’Irlande, qui recouvre la totalité de l’entité du Royaume-Uni qu’est l’Irlande du Nord ainsi que trois comtés relevant de la République d’Irlande) qui est utilisé conjointement avec celui de l’IRFU.</p>
<p>Autre symbole important de l’identité : l’hymne. Lors des matchs de rugby à Dublin, l’hymne national de la République d’Irlande (« Amhràn na bhFiann ») est joué, tandis qu’à Belfast, c’est « God Save The Queen » (ou désormais God Save The King) qui est utilisé, et aucun hymne n’est joué lors des matchs à l’extérieur. En 1954, ce problème a atteint son paroxysme lorsque certains joueurs de la République ont protesté contre l’utilisation de « God Save The Queen » avant un match contre l’Écosse à Belfast. Il s’ensuivit une longue période pendant laquelle l’IRFU évita d’organiser des matchs à Belfast.</p>
<p>L’absence d’un hymne irlandais acceptable par tous a été un problème lors de la première Coupe du monde de rugby, en 1987. Toutes les équipes, à l’exception de l’Irlande, avaient un hymne. En guise de mesure d’urgence, l’équipe a donc utilisé l’enregistrement, sur une cassette audio, d’une ballade irlandaise, <a href="https://www.independent.ie/regionals/kerry/news/the-rose-of-tralee-and-the-rugby-world-cup-how-the-kerry-festival-inspired-irelands-call/a697801384.html">« The Rose of Tralee »</a>. Cet enregistrement a suscité des moqueries en raison de la piètre qualité audio de la cassette et du fait que le morceau avait été enregistré par un musicien allemand, James Last.</p>
<p>Finalement, l’IRFU a commandé un hymne pour l’équipe de rugby, « Ireland’s Call ». Il a été écrit par l’un des meilleurs auteurs-compositeurs irlandais, Phil Coulter. Bien qu’il ait été initialement <a href="https://global.oup.com/academic/product/sport-and-ireland-9780198745907">critiqué</a>, il a fini par être adopté comme hymne politiquement neutre, non seulement par l’équipe irlandaise de rugby, mais aussi par les équipes irlandaises de cricket et de hockey.</p>
<p>La pratique consiste désormais à jouer « Ireland’s Call » et « Amhràn na bhFiann » à Dublin, mais seulement « Ireland’s Call » lors des matchs à l’extérieur.</p>
<p>Lors de la Coupe du monde de rugby 2023, un hymne non officiel des supporters a vu le jour. Les fans irlandais ont commencé à chanter la chanson « Zombie » des Cranberries, écrite quelque 30 ans plus tôt en réaction à un attentat à la bombe de l’IRA. L’adoption de cette chanson par les fans de rugby a déclenché un débat, certains estimant qu’elle insultait le nationalisme irlandais et qualifiant les fans de rugby de « West Brits » (terme péjoratif désignant les Irlandais trop pro-britanniques). Toutefois, le premier ministre irlandais actuel, Leo Varadkar, a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/oct/13/ireland-embrace-zombie-song-rugby-world-cup-stirs-debate-lyrics">« chanson antiterroriste ; ce n’est pas une chanson nationaliste ou unioniste »</a></p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CbGq_ffK2Jo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Le poids des années de Troubles</h2>
<p>Les discussions relatives à « Zombie » montrent comment le rugby a été affecté par les <a href="https://www.cairn.info/les-conflits-dans-le-monde--9782200611613-page-179.htm">Troubles</a>, le violent conflit sur le statut de l’Irlande du Nord qui a duré de la fin des années 1960 jusqu’à l’accord de paix de 1998.</p>
<p>Les graves violences qui ont éclaté en Irlande du Nord ont en effet eu des conséquences sur le rugby. En 1972, l’Écosse et le Pays de Galles ont refusé de se rendre à Dublin pour participer au Tournoi des cinq nations. L’année suivante, on s’attendait à ce que l’Angleterre fasse de même, mais au lieu de cela, elle est venue jouer à Dublin, un geste de soutien qui a été chaleureusement accueilli en Irlande.</p>
<p>Après ces deux années particulièrement tendues, il n’y a pas eu d’autres annulations de matchs de rugby. Cependant, en avril 1987, trois joueurs du Nord – Nigel Carr, David Irwin et Philip Rainey – ont été blessés lorsque la voiture dans laquelle ils se rendaient à une séance d’entraînement a été prise dans un attentat à la bombe commis par l’IRA au passage de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. La cible de l’attentat était <a href="https://www.irishtimes.com/news/victims-lord-justice-gibson-and-his-wife-cecily-1.400995">Maurice Gibson</a>, un haut magistrat d’Irlande du Nord ; sa femme et lui-même ont été tués dans l’explosion.</p>
<p>La voiture qui emmenait les trois rugbymen vers le sud passait juste à ce moment-là. Les joueurs n’ont pas subi de blessures mortelles – tous les trois ont fait partie de l’équipe d’Irlande lors de la Coupe du monde qui s’est déroulée plus tard dans l’année – mais l’un d’entre eux, Carr, s’est retiré prématurément du rugby à la suite des blessures qu’il a subies.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/b4g9rFq90p0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Revenons brièvement sur la question des stades accueillant les matchs. En 2007, l’ancien stade de Lansdowne Road à Dublin a été fermé pendant trois ans pour reconstruction. Pendant ces années, les rencontres internationales de rugby (et de football) ont été déplacées à Croke Park. Ce stade appartient à la Gaelic Athletic Association (GAA), qui vise à promouvoir les sports typiquement irlandais tels que le football gaélique et le hurling.</p>
<p>À l’origine, la GAA interdisait spécifiquement les « sports étrangers » tels que le football et le rugby – les membres des clubs de la GAA n’avaient pas le droit de participer à ces sports, ni même de les regarder. Si cette hostilité profonde s’est atténuée au début des années 2000, la réticence à aider un sport rival reste considérable. Un membre important de la GAA a par exemple déclaré en 2017 que le rugby <a href="https://www.irishexaminer.com/sport/gaa/arid-20442688.html">« menaçait de détourner les jeunes joueurs prometteurs des sports gaéliques »</a>.</p>
<p>En outre, Croke Park est imprégné de symbolisme nationaliste. L’une des extrémités du terrain est connue sous le nom de « Hill 16 », en mémoire du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-soulevement-de-paques-en-irlande-en-1916-6782217">soulèvement nationaliste de 1916 contre la domination britannique en Irlande</a>. Une autre partie est appelée Hogan Stand, en l’honneur d’un joueur de football gaélique qui fut l’une des 14 personnes tuées à Croke Park le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/centenaire-du-bloody-sunday-le-jour-ou-un-match-de-football-gaelique-s-est-transforme-en-massacre_4429661.html">21 novembre 1920</a> lorsque les forces de sécurité britanniques ont ouvert le feu sur une foule assistant à un match de football gaélique. La décision d’accueillir à Croke Park un « match étranger » a donc suscité la controverse. Cependant, lorsque l’Irlande y a joué contre l’Angleterre en 2007, « God Save The Queen » a été traité avec respect, ce qui a fait de cette journée <a href="https://www.theguardian.com/sport/2007/feb/26/rugbyunion.sixnations20071">« un jour de fierté pour l’Irlande moderne »</a>.</p>
<h2>Un sport devenu fédérateur</h2>
<p>On le voit : en Irlande, le rugby est entouré d’une importante symbolique politique. Malgré tout, l’île continue d’aligner une équipe nationale unique.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, c’est aussi l’alignement identitaire lié au rugby qui a changé. Auparavant, ce sport était considéré comme fortement protestant et, par conséquent, aux yeux d’une grande partie de la République d’Irlande, il <a href="https://muse.jhu.edu/article/510690/pdf">« ne représentait pas vraiment l’Irlande »</a>.</p>
<p>Mais progressivement, le nombre de catholiques appréciant et pratiquant le jeu a augmenté et une position plus équilibrée a émergé. Ce processus a été renforcé par l’identité de classe liée à la pratique et à l’appréciation du rugby en Irlande. Le rugby est fortement ancré dans la classe moyenne et « la pratique du rugby et la participation sociale au rugby (appartenance à un club, participation aux matchs, etc.) <a href="https://www.esri.ie/system/files/publications/RS97_0.pdf">sont fortement liées au statut socio-économique »</a>. Cette appartenance à une même classe sociale a contribué à maintenir l’unité du rugby en Irlande.</p>
<p>Enfin, la professionnalisation du rugby en 1995 a eu un impact majeur sur sa place en Irlande. Sa popularité a nettement augmenté, tant au niveau des clubs qu’au niveau de l’équipe nationale. L’ère du professionnalisme a également permis à de nombreux joueurs australiens, néo-zélandais et sud-africains de s’installer en Irlande et même de jouer pour la sélection irlandaise. Cela a contribué à l’affaiblissement des identités nationalistes et unionistes les plus dogmatiques et les plus enracinées, qui sont en train d’être remplacées par de nouvelles identités plus mondialisées.</p>
<p>Alors que l’équipe d’Irlande a pu être autrefois <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/714947402">« une union temporaire de deux nations politiquement distinctes par le biais du sport »</a>, elle « transcende désormais les barrières et les différences de race, de sexe, de religion et d’orientation sexuelle », selon la <a href="https://www.irishrugby.ie/irfu/strategic-plan/">formule de l’IRFU</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Holmes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Coupe du monde de rugby n’aura pas souri aux Irlandais, mais la compétition leur a tout de même permis, une fois de plus, d’exprimer leur unité à travers leur sélection nationale.Michael Holmes, Maître de conférences en science politique, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157292023-10-26T18:01:59Z2023-10-26T18:01:59Z« Une expo, un chercheur » : Les photos de Julia Margaret Cameron dans l’œil d’un spécialiste du romantisme anglais<p><em>Marc Porée est spécialiste de la littérature anglaise du XIXᵉ siècle, poésies comme romans. Infatigable lecteur, traducteur et contributeur régulier de notre média, il aime explorer les liens, les échos et les correspondances cachées entre différentes formes artistiques, en particulier chez les Romantiques. Il nous livre ses réflexions suite à sa visite de l’exposition dédiée à la photographe britannique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Julia_Margaret_Cameron">Julia Margaret Cameron </a> (1815-1879), figure du XIXᵉ siècle, qui se tient en <a href="https://jeudepaume.org/evenement/exposition-julia-margaret-cameron/">ce moment au Jeu de Paume</a>. Captivé, comme nous, par la beauté de ces portraits mélancoliques, il dissipe avec sensibilité le flou (artistique) et enrichit notre vision de références historiques et de questionnements littéraires et poétiques, sans rien ôter à la magie Cameron.</em></p>
<hr>
<p>Ma première impression, en me promenant dans les salles de l’exposition du Jeu de Paume, est celle d’une forêt de visages, qu’on regarde et qui vous regardent. Pourquoi une forêt ? Sans doute à cause de la présence, étrangement végétale, de ces portraits de Victoriens à la barbe épaisse et broussailleuse, de ces chevelures de femmes, dénouées, flottant librement sur l’épaule, telles des lianes.</p>
<p>Leurs visages, alignés comme autant de plantes rares, semblent tout droit sortis de la serre – en réalité, un ancien poulailler, très lumineux – où Julia Margaret Cameron faisait poser ses modèles, dans sa propriété de Freshwater, sur l’île de Wight. Où elle faisait éclore, à dire vrai, leur être profond à l’issue de longues séances de pose (jusqu’à sept minutes !). D’où cette sensation que les visages sont de « vivants piliers », pour citer le poème « Correspondances » de Charles Baudelaire. Ils brillent doucement, semblant émerger de l’épaisseur d’une « forêt obscure ».</p>
<h2>Visages connus et illustres anonymes</h2>
<p>L’étonnement majeur, c’est de découvrir que Cameron n’aura photographié aucun paysage, aucun extérieur, à quelques rares exceptions près. Uniquement des visages. Et là, le dix-neuviémiste que je suis se retrouve en pays de connaissance… et néanmoins dépaysé. Pour plus de la moitié d’entre eux, en effet, ce sont des visages connus, de personnalités marquantes du temps. Ces « Eminents Victoriens » ont pour nom : Charles Darwin, le poète lauréat <a href="https://actualitte.com/article/101899/radio/lord-alfred-tennyson-une-voix-venue-du-passe">Alfred Tennyson</a>, le polémiste Thomas Carlyle, l’astronome F.W. Herschel, etc. Bref, on a là le gratin qui trône en majesté. Je les reconnais, je les saluerais presque, si l’intensité de leur expression n’imposait respect et recueillement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=951&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=951&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554331/original/file-20231017-15-qxba0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=951&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Julia Margaret Cameron, « L’astronome John Frederick William Herschel », 1867, tirage albuminé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Royal Photographic Society/V&A</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais il y a aussi les anonymes, les sans grade, les obscurs, sur lesquels Cameron fait toute la lumière : la domesticité employée par le couple Cameron, de nombreux enfants, comme chez Lewis Carroll, des membres de sa famille, dont tous n’étaient pas illustres. Sans oublier une population indigène, native d’Inde ou de Ceylan (où la famille avait une plantation de café et dont elle tirait l’essentiel de sa richesse déclinante) que Cameron immortalise en les « orientalisant » quelque peu au passage.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="Vignette de présentation de la série « Une expo, un chercheur », montrant une installation artistique de l’artiste Kusama" src="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>« Une expo, un chercheur » est un nouveau format de The Conversation France. Si de prime abord, le monde de l’art et celui de la recherche scientifique semblent aux antipodes l’un de l’autre, nous souhaitons provoquer un dialogue fécond pour accompagner la réflexion sans exclure l’émotion. Cette série de rencontres inattendues vous guidera à travers l’actualité des expositions en les éclairant d’un jour nouveau.</em></p>
<hr>
<p>Et puis, troisième cas de figure, il y a les portraits de Julia Jackson, la nièce et filleule de Cameron, la future mère de l’écrivaine Virginia Woolf (que l’artiste n’a pas connue). La flèche du temps s’inverse : c’est comme si Virginia était « toujours déjà là », en germe dans l'oeuvre de Cameron, elle qui rédigera, en 1926, la première biographie de sa grand-tante, la tirant de l’oubli et façonnant sa légende. Renchérissant de la sorte sur la dimension intrinsèquement littéraire de cette branche (tiens, encore la métaphore végétale…) de l’art photographique qu’on nommera <a href="https://pur-editions.fr/product/8671/soleil-noir">« photolittérature »</a>. Quelque part, Cameron apparaît déjà dans le temps de demain, le temps d’après, celui des modernistes. Et puis, avec son studio « à soi », sa chambre noire « à elle » (installée dans la cave de la maison), elle anticipe sur les revendications de la même Woolf, réclamant pour les femmes une plus grande indépendance, matérielle et financière, au nom du droit à la création.</p>
<h2>Des portraits magnétiques</h2>
<p>On pourrait les croire en noir et blanc, mais les portraits de Cameron sont plutôt ton sur ton, un sépia sur un fond inégalement sombre. Ses images fascinent parce qu’y affleure le visage, dans sa nudité, sa vulnérabilité – dont parle si bien le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/levinas-quand-un-visage-nous-desarme-6097234">philosophe Emmanuel Lévinas</a> –, sa désirabilité, aussi. Sa mélancolie, surtout. <em>Bonjour tristesse</em>, aurait-on envie de titrer, en songeant « à ce quelque chose qui se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres » dont parlera, au XX<sup>e</sup> siècle, Françoise Sagan.</p>
<p>Anthropologiquement, la palette des émotions qu’exprime un visage est limitée, mais elle est de tous les temps. Un cri, une lamentation, une imploration, quand ils sont pris dans un faisceau de représentations, picturales, sculpturales, littéraires, reconnues comme telles ou non, prennent racine dans un psychisme collectif et sont de forts vecteurs d’émotion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=676&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=676&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=676&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554333/original/file-20231017-21-4g883l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Julia Margaret Cameron, « The Echo », 1868, tirage albuminé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La mythologie, aussi, réactive puissamment l’expression de la souffrance. Le portait intitulé « The Echo » représente une jeune femme désignant implicitement de la main sa gorge : dans la légende rapportée par Ovide, on se souvient que la nymphe amoureuse de Narcisse se voit punie par Junon, qui lui interdit de parler autrement qu’en répétant la dernière syllabe des mots entendus. On pourrait alors à se livrer à une analyse métapoétique de ce portrait, qui pointerait du doigt le mutisme affectant la photographie elle-même. Voyez, entendez, l’écho muet, ineffable, qui se prolonge…</p>
<h2>Une photographe anticonformiste</h2>
<p>Anticonformiste, Cameron l’est, parce qu’elle choisit de ne respecter aucune des préconisations contemporaines en matière de photographie. Elle va cultiver le flou artistique et faire de ses erreurs – erreurs de débutante, lui fait-on remarquer avec condescendance – sa marque de fabrique.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-expo-un-chercheur-les-cranes-geants-de-ron-mueck-vus-par-un-paleoanthropologue-208800">Une expo, un chercheur : les crânes géants de Ron Mueck vus par un paléoanthropologue</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Plus ses plaques et tirages comportent de tâches, de rayures, de griffes, de traces de doigt, sales par-dessus le marché, et mieux elle se porte ! La matérialité du médium, son opacité, lui importent, alors même que ses images se veulent immatérielles, quasi diaphanes ou éthérées. C’est ce paradoxal rappel à l’ordre de la matière (les tirages au charbon, le collodion dont on recouvre à l’époque les lourdes plaques de verre, le temps de pose, incompressible, mais qu’elle a tendance à rallonger encore, sa signature à la main et ses commentaires apposés tout autour du cliché), qui la distingue des autres photographes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554349/original/file-20231017-17-tp40pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Julia Margaret Cameron, « Annie », 1864, tirage albuminé. Il s’agit du premier tirage de la photographe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Royal Photographic Society Collection/V&A</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Anticonformiste, aussi, le despotisme, à peine éclairé, dont elle fait preuve avec ses modèles, auxquels elle impose, outre la pose, de se draper dans d’invraisemblables tenues, ou de supporter sur le dos de lourdes ailes d’anges. Cameron est une femme puissante, tyrannique dans sa façon de « réaliser » ses tableaux vivants et de diriger ses « acteurs » et « actrices », ce qui est peu conforme, en tout cas, au stéréotype de la femme victorienne.</p>
<h2>Les femmes et les enfants d’abord</h2>
<p>Les femmes que Cameron photographie sont ses proches, ou ses servantes. Ses sœurs aussi, au sens figuré. En permettant à ses modèles de sortir de l’ombre, celle de l’anonymat comme celle de l’arrière-plan, Cameron les révèle à elles-mêmes. Le topos de la femme en attente de son accomplissement sexuel, elle l’illustre plus d’une fois, comme s’il y avait là une échéance, un rite de passage, dont seule une femme peut saisir l’enjeu et déchiffrer le mystère.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=877&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=877&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=877&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1102&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1102&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554335/original/file-20231017-23-a0uhr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1102&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Julia Margaret Cameron, « Lucia », 1864, tirage albuminé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque nationale de France (BnF)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quant aux enfants, elle comprend, à l’instar des poètes romantiques avant elle, qu’ils sont le sel de la terre, les dépositaires d’une puissance d’être infinie. Aux artistes masculins, qui se détournent des enfants, Cameron oppose sa préférence pour ce qui, chez eux, rompt avec la hiérarchie des adultes. Ses premiers portraits sont du reste des portraits d’enfant. Elle a 48 ans quand sa fille et son gendre lui offrent pour Noël son premier appareil. Avec la ferveur des fraîchement converti(e) s, elle gardera un regard d’enfant pour ce jouet magique qui n’en est encore qu’à ses balbutiements. Dans l’enfance de l’art…</p>
<h2>Un univers victorien</h2>
<p>Victorienne, Cameron l’est jusqu’au bout des ongles. Ses portraits de femme, qui ne portent pas l’indication de leur identité (laquelle est réservée aux hommes), s’ornent de légendes mettant en avant des allégories (du chagrin, du deuil, de l’espérance, de la pureté, du désespoir, etc.). Son œuvre, même la plus profane en apparence, s’ouvre sur un arrière-plan religieux. Sous le portrait d’un enfant aux ailes d’ange, on lit « I wait » (J’attends). On comprend immédiatement que le chérubin bougon supporte difficilement l’attente qu’on lui fait subir ; dans un deuxième temps, pour nous, pas pour les Victoriens qui avaient parfaitement intégré le double niveau de lecture, l’énoncé renvoie à l’attente de la résurrection, de la vie éternelle dans l’au-delà. Il n’est d’ailleurs pas exclu que Cameron introduise, à l’occasion, de l’humour dans ces sujets graves et sérieux.</p>
<h2>Une pro du storytelling</h2>
<p>En faisant le choix d’illustrer les <a href="https://www.babelio.com/livres/Tennyson-Les-idylles-du-roi/297771">« Idylles du Roi »</a> de Tennyson, <a href="https://www.poetryfoundation.org/poems/43971/christabel">« Christabel »</a> de S.T. Coleridge, <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9791041914258-la-veille-de-la-sainte-agnes-poesies-et-poemes-de-john-keats-john-keats/">« la Veille de la St Agnès »</a> de John Keats, mais aussi Shakespeare, dans la deuxième période de sa courte existence de photographe (douze ans au plus), Cameron opte pour la narration, le storytelling, davantage que pour l’« imagement » (terme emprunté à <a href="https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/02/11/monde-image-bailly/">Jean-Christophe Bailly</a>, dont il faut lire les pénétrants essais sur la photographie). Certes, la photographie se soustrait à « l’éclosion continue » du temps, mais Cameron insiste pour la remettre en mouvement. Pareille dynamique fictionnelle témoigne de la persistance, outre-Manche, d’une forte tradition narrative. Nombre de photos de Cameron s’apparentent ainsi à des esquisses, des départs d’histoires, souvent d’amour : le futur époux de Mary Ryan, immigrante irlandaise, tomba fou amoureux d’elle à la seule vue du portrait qu’en tira Cameron…</p>
<h2>Révélation et flou artistique</h2>
<p>La photographie est d’abord un processus, chimique voire alchimique, qui se déploie dans le temps. Tout, dans cet arrêt sur image, est tributaire d’une action chimique visant la révélation, l’apparition de l’image au sens épiphanique et encore une fois religieux du terme. C’est l’âme inconnue du portraituré qui se dégage de la plaque, et se dépose sur cette feuille ultrasensible. Le visage illuminé de l’astronome Herschel, tourné vers le ciel qu’il scrute de son télescope, brille d’un éclat autant égaré que surnaturel. Cameron traque la folie, et la sainteté, du génie au moyen de son écriture lumineuse (<em>photo-graphie</em>, littéralement).</p>
<p>Le flou idéalise la personne, lui confère l’équivalent d’une auréole, ce qu’on désignera autrement par le terme d’aura. Mais gare à ne pas abuser de la technique du « soft focus » : les flous hamiltoniens, du nom de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Hamilton">David Hamilton</a>, le photographe aujourd’hui controversé des nymphettes qui connut son heure de gloire dans les années 1970, sont (justement) passés de mode.</p>
<p>Le flou caméronien, lui, procède du désir « d’empiéter sur le domaine de l’impalpable et de l’imaginaire », dont Charles Baudelaire se méfiait grandement, dans un Salon de 1859 consacré à démolir le surgissement en force de « l’industrie photographique ». En s’arrogeant pour sa part un droit de regard sur « tout ce qui ne vaut que parce que l’homme y ajoute son âme » (Baudelaire, encore), Cameron semble contredire formellement l’idée baudelairienne selon laquelle la photographie ferait notre « malheur » !</p>
<h2>Une créatrice partout présente et partout absente</h2>
<p>Arrivé au terme de l’exposition, on se pince les yeux. Comment se fait-il qu’aucun de ces portraits – Cameron a dû en réaliser plus d’un millier – ne la représente, elle ? Elle serait l’absente de tout portrait, s’il n’y avait, juste avant la sortie, un portrait réalisé par son fils, lui aussi photographe professionnel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554334/original/file-20231017-27-wp5fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Henry Herschel Hay Cameron, « Mrs Julia Margaret Cameron », 1867, tirage albuminé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Royal Photographic Society/V&A</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On la découvre, les traits un peu épais et mats, très loin des figures de Madones qui hantent ses photos. Cameron se serait-elle fuie elle-même ? Aurait-elle programmé minutieusement sa propre disparition ? Il faut comprendre, je crois, qu’à l’image de William Shakespeare dont Cameron mit photographiquement en scène des moments choisis de son répertoire, le créateur, dramaturge ou photographe, est partout absent et partout présent dans son œuvre, de par sa capacité à absorber l’identité de l’autre en passant tout entier en lui, à créer indifféremment un Iago ou une Imogène, à se faire caméléon, à se défaire de son identité propre, pour mieux les endosser toutes.</p>
<p>L’art le plus sublime, avait dit le poète William Blake, consiste à faire que l’autre « passe avant et devant soi ». Dont acte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215729/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi les visages mélancoliques capturés par la photographe Julia Margaret Cameron, à l’époque victorienne, sont-ils aussi fascinants ?Marc Porée, Professeur émérite de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSLSonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157382023-10-24T17:12:04Z2023-10-24T17:12:04ZWilliam Webb Ellis est-il le fondateur du rugby ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555339/original/file-20231023-29-7t6oqc.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C4%2C1007%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Statue de William Webb Ellis, courant avec le ballon dans la main, devant Rugby School.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Webb_Ellis">Wikipédia / Elliott Brown</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Bourgade anglaise à 120 kilomètres au nord-ouest de Londres, dans le Warwickshire, Rugby est connue pour son école, devenue le lieu saint de l’ovale, ou si l’on voulait poursuivre la métaphore religieuse, le <a href="https://editions.flammarion.com/dictionnaire-amoureux-du-rugby/9782081415539">« Bethléem » du jeu de rugby</a>. Parmi les équipes de passage, seules les plus prestigieuses obtiennent exceptionnellement le droit d’en fouler la pelouse et de s’y entraîner.</p>
<h2>Rugby, une école privée prestigieuse</h2>
<p>Fondée en 1567 pour accueillir des garçons des familles aristocratiques, l’école déménagea en 1750 pour s’installer dans un parc de huit hectares aux abords de la ville, Old Manor House. Rugby est une <em>public school</em>, c’est-à-dire l’un des plus célèbres collèges privés d’Angleterre. On appelle en effet en anglais « public school », curieusement pour un Français formé aux préceptes de Jules Ferry, ces prestigieux établissements privés comme Eton, Winchester ou Harrow.</p>
<p>Rugby compte parmi ses anciens élèves célèbres le poète de guerre et grand sportif Rupert Brooke, le Premier ministre Neville Chamberlain, ou encore le poète et critique Matthew Arnold, fils du directeur de l’école Thomas Arnold. L’écrivain et mathématicien Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, est du nombre. Si l’auteur d’<em>Alice au Pays des Merveilles</em> n’y fut pas très heureux et en garda même un mauvais souvenir, il y excella en mathématiques. Dans la bibliothèque de l’école est exposé son manuel où l’on peut lire cette inscription en latin : « Ce livre appartient à Charles Lutwidge Dodgson, ne pas toucher ! » Plus récemment Salman Rushdie y fut également élève, surtout fier en fait de fréquenter, dira-t-il, l’école de Lewis Carroll.</p>
<p>Charles Dickens situa dans la petite ville de Rugby certaines de ses nouvelles en 1866 dans un recueil intitulé <em>Mugby Junction</em>, où le nom inventé « Mugby » déguise à peine le nom de la ville. Dickens y moque en particulier la gare de chemin de fer, où un jour il fut traité avec suspicion par la propriétaire du buffet, qui ne l’avait pas reconnu et le fit même payer d’avance. Mais le plus célèbre des anciens de Rugby, des <em>alumni</em>, n’est pas un écrivain, ni un savant, ni un homme politique. C’est un modeste pasteur, William Webb Ellis, qui donna le nom de son école à tout un sport. Il faut maintenant en revenir à lui.</p>
<h2>Webb Ellis, sportif et clergyman</h2>
<p>William Webb Ellis fréquente l’école de Rugby entre 1816 et 1825. Il était né le 24 novembre 1806 à Salford, l’année de naissance du grand philosophe du siècle, John Stuart Mill et de la poétesse victorienne Elizabeth Barrett Browning. Il était le fils de James Ellis, un officier d’origine galloise des Royal Dragoon Guards et d’Ann Webb, dont le mariage fut célébré en 1804 à Exeter. James Ellis servit notamment en Irlande. Il trouva la mort loin des îles Britanniques le 6 mai 1811 lors de la bataille d’Albuera en Estrémadure, où quatre mille soldats britanniques furent tués. Lord Byron l’évoque l’année suivante <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Childe_Harold%27s_Pilgrimage">dans son poème « Childe Harold »</a>.</p>
<p>Après le décès de son mari, Ann Webb s’installa vers 1814 avec ses fils, William et Thomas de deux ans son aîné, à Rugby, dans le comté de Warwickshire, probablement parce qu’elle y avait de la famille. Les deux petits orphelins admis comme élèves boursiers à l’école de Rugby firent leur rentrée en septembre 1816.</p>
<p>C’est en 1823 qu’a lieu le geste transgressif et fondateur. Sur le terrain de football de son école, William Webb Ellis prend donc tout à coup le ballon sous le bras et court jusqu’entre les poteaux.</p>
<p>Est-on sérieux quand on a 17 ans ? Rimbaud pourrait répondre par la négative. Paul Morand aussi, qui écrit dans <em>Venises</em> :</p>
<blockquote>
<p>« A dix-sept ans, j’ouvris la fenêtre ; l’air du stade entra ; l’herbe élastique, la cendrée des pistes, la boue du rugby où tant de statues instantanément se sculptent dans la boue […] Soudain, c’était vivre […] »</p>
</blockquote>
<p>Ou encore :</p>
<blockquote>
<p>« J’acceptai la loi, je découvris la conscience collective, le goût de l’équipe, l’amour du prochain dont personne ne m’avait parlé. Je n’avais jamais vu le devoir que sous sa forme abstraite, rébarbative ; le sport me l’a fait sentir, vivre, aimer ; je compris qu’on doit passer le ballon. »</p>
</blockquote>
<p>Webb Ellis entre ensuite, grâce à une bourse universitaire Iver, à l’université d’Oxford, à Brasenose College en 1825, à l’âge de 18 ans. Il y obtient sa licence en 1829, puis sa maîtrise en 1831. Continue-t-il à jouer au football-rugby ? Peut-être. Mais il pratique en tout cas le sport. Nous savons qu’il a joué au cricket dans l’équipe d’Oxford, opposée à celle de Cambridge en 1827.</p>
<p>Comme nombre d’anciens de Brasenose College, il entre ensuite dans les ordres. Il est nommé diacre, en poste à la paroisse de Gravesend. Il devient ensuite prêtre et ministre du culte de St George’s Chapel, rue Abermarle, à Londres. Il perd sa mère en 1844, alors qu’il est pasteur à Saint-Clementes Danes, sur le Strand, et sa mère y est ensevelie dans la crypte. On le retrouve enfin recteur de Magdalen Laver dans l’Essex en 1855.</p>
<p>Les brumes anglaises requièrent une solide constitution. C’est sans doute pour des raisons de santé que William Webb Ellis décide de s’installer dans le sud de la France à Menton, comme le romancier écossais Tobias Smollett le fit avant lui à Nice, où une rue porte son nom, la « rue Smolett » (la plaque l’amputa d’un l), ou comme un autre pasteur, l’écrivain Laurence Sterne, qui voyagea la mort aux trousses sur les routes de France et laissa un étincelant <em>Voyage Sentimental</em>.</p>
<p>Menton n’est alors une commune française que depuis peu, par le traité de Paris du 2 février 1861, et la ville a retrouvé sa place dans le nouveau département des Alpes-Maritimes né du rattachement, un an plus tôt, du Comté de Nice à la France. Ellis aura été témoin des travaux que le Second Empire lance, notamment la construction de voies ferrées qui désenclavent les Alpes-Maritimes et Menton en particulier. La Grande Corniche est réaménagée. Commencés en mai 1867, les travaux de construction du port seront terminés en 1878.</p>
<p>Ellis aurait pu également être nommé – mais ce ne fut pas le cas – pour assurer le service de l’église du Christ, située en bord de mer, près de l’actuel square Victoria. Les Britanniques sont alors en effet nombreux à Menton si bien que dès 1867, si l’on en croit l’homme de lettres et journaliste Charles Yriarte dans Le Monde illustré, le village est devenu « un bourg anglais ».</p>
<p>Le pasteur anglican Ellis décède le 24 janvier 1872, alors qu’il réside à l’« hôtel d’Italie et de Grande-Bretagne ». Le fait qu’il se soit à l’avance acquitté de ses frais d’obsèques permet de penser qu’il avait exaucé le vœu du docteur James Henry Bennet, venu à Menton en 1859 « pour mourir dans un coin tranquille ». Le docteur Bennet s’y investira en fait et en fera une station climatique.</p>
<p>On ne connaît qu’un seul portrait de William Webb Ellis. Celui-ci parut dans <em>The Illustrated London News</em> après qu’il eut prononcé en 1854 un sermon remarqué sur la guerre de Crimée. La gravure, exposée à la National Portrait Gallery de Londres, montre un clergyman des plus paisibles et posés, au regard serein. Il laissa ses biens à des œuvres de bienfaisance.</p>
<p>Telle est la légende. Le sens étymologique bien connu de ce mot est « ce qu’il faut lire » (du latin <em>legenda</em>). La légende possède sa manière de s’imposer dans sa rivalité avec le réel. À la fin du western de John Ford, <em>L’Homme qui tua Liberty Valance</em> (<em>The Man Who Shot Liberty Valance</em>, 1962), Mr. Scott lance au sénateur interprété par James Stewart : « C’est l’Ouest ici, Monsieur. Quand la légende devient un fait, imprimez la légende ». Ainsi le bien pacifique William Webb Ellis n’avait tué personne pour qu’on imprime sa légende, qui veut qu’il soit l’homme qui inventa le rugby, tel un Newton qui ouvrirait une page décisive de l’histoire du sport. « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » C’est en effet le premier vers d’un poème d’Arthur Rimbaud, que Léo Ferré a chanté. Ce poème s’intitule « Roman ».</p>
<blockquote>
<p>« Il fallait être Anglais pour inventer le rugby. Qui d’autre aurait pu penser à un ballon ovale ?“ (Pierre Mac Orlan) </p>
</blockquote>
<p>Dans « Roman », le même Rimbaud a écrit : « Le cœur fou robinsonne à travers les romans ». Un sport qui a le nom d’une école, d’une ville, est peu commun et ce n’est pas le cas du football, du handball, du basket-ball, de l’escrime ou de la natation. Mais Rugby devient le lieu fondateur d’un sport qui prend le nom de la ville, et devient un nom commun, par <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/antonomase/4354">antonomase</a> du nom propre.</p>
<h2>Une légende forgée à titre posthume</h2>
<p>Revenons une fois encore à l’origine. C’est aux dires de l’un de ses camarades, lors d’un match de football en novembre 1823, qu’Ellis prit le ballon à la main au mépris des règles les plus élémentaires du jeu. La phrase qui immortalise son geste mérite d’être citée de nouveau : « William Webb Ellis, avec un beau mépris pour les règles du football tel que joué à son époque, a le premier pris le ballon dans les bras et couru avec, créant ainsi le caractère distinctif du rugby ».</p>
<p>Cette épitaphe, nous l’avons vu, se trouve sur sa tombe. Et on la retrouve aussi sur la plaque de marbre rose fixée sur un mur moussu de la <em>public school</em> de Rugby. La statue d’Ellis, ballon en main, se détache en outre sur la façade. Du temps d’Ellis, on a effectivement vu à Rugby des poteaux s’allonger, un ballon de forme ovale, des contacts physiques rudes entre joueurs. Rugby a sûrement été le laboratoire du <a href="https://theconversation.com/ce-que-lengouement-pour-le-rugby-dit-de-notre-rapport-a-la-violence-207849">rugby moderne</a>. Mais ce n’est que quatre ans après la mort d’Ellis qu’on lui prêta l’invention du rugby. Et l’histoire fut mise en doute dès son apparition, entre 1876 et 1895.</p>
<p>Aujourd’hui, aucun historien sérieux du sport britannique ne croit à sa véracité factuelle. Cette « légende », de l’avis général, a été forgée par d’anciens élèves du collège de Rugby. Le témoignage anonyme est ainsi battu en brèche par d’autres élèves du collège, indiquant que l’usage des mains était toujours interdit plus d’une décennie après le prétendu geste d’Ellis. Mais que les faits soient avérés ou non, la légende devient elle-même une donnée de la réalité, dont le tissu est bien sûr fait de ce qui est advenu, mais aussi de l’imaginaire des hommes, des mythes et des rêves qui les ont animés. Jean Lacouture n’hésite pas à inscrire le geste d’Ellis dans la lignée des plus grands récits de fondation.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-rugby-comment-arbitres-et-joueurs-sadaptent-ils-a-la-complexite-des-regles-214653">Au rugby, comment arbitres et joueurs s’adaptent-ils à la complexité des règles ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Toutes les sociétés aiment s’inventer un mythe fondateur. De Romulus à Guillaume Tell, les exemples ne manquent pas. Je trouve la légende de William Webb Ellis prenant le ballon de football dans les mains pour courir vers l’en-but plutôt charmante. Les origines du rugby sont multiples, du temps des Romains à la Soule du Moyen Âge. Mais il demeure que l’élaboration des règles savantes qui ont <a href="https://www.letemps.ch/sport/jean-lacouture-rugby-cest-violence-controlee-loi">façonné le rugby moderne</a> remonte à l’Angleterre des années 1834-1845[5].</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555338/original/file-20231023-15-lxu8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rugby Station ! Histoire, langages, cultures du rugby, Editions Interstices, 2023.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La légende s’est durablement installée dans la culture du rugby au point que de nombreux hommages et références à Ellis la cultivent. Son empreinte la plus illustre réside dans le trophée qui est remis à l’équipe victorieuse, tous les quatre ans, de la Coupe du monde de rugby. Ce trophée est officiellement appelé William Webb Ellis Cup : Les vainqueurs australiens de la Coupe appelaient même le trophée « Bill » (diminutif de William).</p>
<p>Le nom d’Ellis est également inscrit au Temple de la Renommée de l’International Rugby Board en 2006. On pourrait donner d’autres exemples. Le doyen des clubs belges, le RSCA-Rugby, s’est baptisé, à sa création en septembre 1931, William Ellis Rugby Club. Le Stade de Johannesburg, l’un des plus grands du monde, porte le nom d’Ellis Park. Une rue de la ville de Montpellier, aux abords du stade, porte aussi son nom.</p>
<p>Et le principal intéressé, Ellis lui-même, qu’en dit-il ? De son vivant, Ellis n’a jamais confirmé, ni démenti, ce geste originel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215738/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Viviès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>C’est aux dires de l’un de ses camarades, lors d’un match de football en novembre 1823, qu’Ellis prit le ballon à la main au mépris des règles les plus élémentaires du jeu.Jean Viviès, Professeur de littérature britannique, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2149792023-10-23T18:06:30Z2023-10-23T18:06:30ZUniversités : comment les inégalités se sont renforcées en France et au Royaume-Uni<p>Les systèmes d’enseignement supérieur en France et au Royaume-Uni connaissent d’importantes turbulences depuis quelques années. Les établissements, les étudiants et les personnels apparaissent de plus en plus vulnérables. Les universités sont en difficulté <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/09/le-sous-financement-chronique-des-universites-doit-cesser-selon-la-cncdh_6083480_3224.html">sur le plan budgétaire</a>, les étudiants luttent contre l’endettement et la <a href="https://theconversation.com/a-luniversite-le-cercle-vicieux-de-la-precarite-etudiante-201914">pauvreté</a>, et le personnel académique fait face à une perte de pouvoir d’achat (salaires et retraites) et à une précarisation croissante.</p>
<p>Des deux côtés de la Manche, les syndicats enseignants se mobilisent. <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2020-3-page-173.htm">Au Royaume-Uni</a>, ils revendiquent des améliorations en matière de salaires et de conditions de travail, mettant en avant des contradictions internes au discours qui relie les frais d’inscription élevés au maintien d’un service de qualité. En France, la contestation se focalise sur la dénonciation d’une politique de mise en concurrence au sein de la profession, favorisée par la <a href="https://theconversation.com/comment-la-loi-de-programmation-de-la-recherche-aggrave-les-inegalites-entre-territoires-en-france-146114">Loi de programmation de la recherche</a> qui contribue au développement des inégalités internes au système d’enseignement supérieur.</p>
<p>Ces débats relativement similaires en France et au Royaume-Uni concernant les personnels académiques s’articulent autour de deux questions majeures :</p>
<ul>
<li><p>l’augmentation massive du nombre des personnels précaires d’une part ;</p></li>
<li><p>le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2020-2-page-19.htm">renforcement des inégalités dans les conditions de travail</a> selon les disciplines et/ou les établissements, d’autre part.</p></li>
</ul>
<p>Cette convergence des problèmes peut surprendre quand on connait les différences de structures qui existent entre les deux systèmes : le modèle hautement marchandisé et décentralisé britannique s’oppose presque terme à terme au modèle français centralisé et quasiment gratuit (bien que 25 % des étudiants français soient désormais inscrits dans <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/13/l-enseignement-superieur-prive-un-marche-devenu-lucratif-et-illisible_6181815_3224.html">l’enseignement supérieur privé</a> et que des droits d’inscriptions conséquents soient désormais en place dans certains établissements).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseignants-chercheurs-le-metier-universitaire-ecartele-153044">Enseignants-chercheurs : le métier universitaire écartelé</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pourtant, malgré ces différences, nous montrons dans un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03050068.2023.2258676">récent papier</a> que les développements des professions universitaires des deux pays ont suivi des évolutions historiques parallèles, caractérisées par des réponses similaires aux transformations induites par la massification entamée dans les années 1960 et renforcée au début des années 1990.</p>
<h2>De l’ère des élites universitaires à l’âge managérial</h2>
<p>Sur la moyenne durée (le dernier siècle), trois périodes se dégagent qui correspondant à des configurations organisationnelles successives de la profession académique, en lien avec les évolutions du contexte.</p>
<p>La première période peut être qualifiée d’<strong>ère des élites universitaires</strong>. Elle représente le mode traditionnel de (re)fondation des universités contemporaines. Du XIX<sup>e</sup> siècle à la Seconde Guerre mondiale, elle se caractérise par la permanence du personnel en place, avec un recours limité à une main-d’œuvre de substitution, dont la très grande majorité rejoindra à terme le groupe des titulaires. Dans ces systèmes de petite taille, la profession forme une communauté au sein de laquelle les carrières sont linéaires, même si leur rythme varie dans le temps (un recrutement important limite les possibilités d’entrée de la génération suivante, créant des blocages cycliques). Le marché du travail est à la fois fermé et malthusien.</p>
<p><strong>L’ère de la massification fordiste</strong> qui suit durant la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle est marquée par l’augmentation du nombre des employés permanents, complétée par un recours accru aux employés contractuels (en particulier après la crise des années 1970). Dans cette nouvelle configuration, le nombre de ces derniers dépasse celui du personnel permanent, et les carrières peuvent être temporairement plus rapides (en fonction des besoins de recrutement), mais tendanciellement plus longues (les accès aux positions permanentes sont plus incertains). Le marché du travail est ouvert dans la mesure où une fraction non négligeable du personnel contractuel a la possibilité (mais non la garantie) de rejoindre le groupe du personnel permanent. Cette configuration se caractérise par un lien plus fort entre différentiation du travail académique entre établissements et segmentation professionnelle.</p>
<p>Enfin, <strong>l’âge managérial</strong> de la seconde massification des années 1990 est associé à l’émergence d’une nouvelle catégorie d’universitaires marginalisés. Les personnels permanents et contractuels ont été complétés par une troisième catégorie de plus en plus nombreuse de travailleurs précaires, travaillant à la pièce et sans contrat, même de moyenne durée.</p>
<p>Les travailleurs permanents ne sont plus majoritaires au Royaume-Uni (45 %). En France, le nombre de travailleurs précaires appelés « vacataires » est plus élevé que le nombre de travailleurs permanents et contractuels. Deux marchés du travail coexistent alors : l’un basé sur le modèle de l’époque fordiste, qui associe un ratio de permanent/contractuel suffisamment favorable pour qu’il puisse être qualifié d’ouvert. L’autre qui rassemble nombre de contractuels et tous les précaires, en marge du premier, et sans liens permettant l’accès au groupe des permanents.</p>
<h2>Des inégalités entre établissements du supérieur</h2>
<p>Les conséquences de ce « troisième moment » du système sont identiques en France et au Royaume-Uni. La précarisation d’une partie de la main-d’œuvre, la segmentation professionnelle et la différenciation sectorielle en sont les caractéristiques principales, conséquences des tensions fortes produites par une augmentation massive des étudiants dans un contexte de ressources contraintes inégalement distribuées.</p>
<p>La détérioration du ratio entre personnel enseignant et étudiants en constitue la marque la plus immédiate. Elle n’est pas le simple résultat des variations démographiques (le nombre des étudiants fluctue selon une temporalité différente de celles des effectifs enseignants) mais aussi et surtout un effet de la <a href="https://universites2024.fr/effectifs-et-moyens-des-universites-secret-defense-ou-transparence/">pression financière</a>.</p>
<p>Le recours à l’emploi précaire s’impose comme la principale variable d’ajustement, contribuant fortement à la segmentation de la profession. En France, la diminution du nombre des personnels permanents, impliqués à la fois dans l’enseignement et la recherche coïncide d’abord avec la montée en puissance des personnels permanents uniquement enseignants, suivie par un recrutement massif de « vacataires ».</p>
<p>Au Royaume-Uni, la croissance du personnel sous contrat à durée déterminée et du personnel payé à la pièce a permis d’absorber la massification dans un contexte d’austérité et de financiarisation croissante. Dans les deux systèmes, la question des inégalités devient centrale.</p>
<p>Ce processus de segmentation est également favorisé par un phénomène de différenciation institutionnelle commun aux deux pays. Il ne s’agit plus alors seulement de la question de l’accès à l’enseignement supérieur en général mais du type d’institution dans laquelle sont poursuivies les études.</p>
<p>Les différences des taux d’encadrement entre universités, ou entre universités et autres établissements, reflètent les différences de ressources par étudiants (financières, mais aussi sociales et culturelles) et contribuent à renforcer la stratification sociale. Le cumul s’opère alors entre caractéristiques sociales des étudiants et inégalités de financement des établissements.</p>
<p>Au Royaume-Uni, la différence de ressources et de prestige entre les universités traditionnelles et nouvelles s’est traduite par une disparité significative des taux d’encadrement. Les inégalités sont encore plus prononcées si l’on considère les universités d’élite du <em>Russell Group</em>. En France, les inégalités se situent en premier lieu entre les écoles et les universités, mais aussi de plus en plus entre les <a href="https://www.snesup.fr/article/inegalites-de-dotation-quels-sont-les-taux-dencadrement-et-les-budgets-par-etudiant-des-universites-et-etablissements-denseignement-superieur-publics">universités elles-mêmes</a>.</p>
<p>Finalement, les populations les plus favorisées socialement bénéficient des institutions les mieux financées et les mieux dotées sur le plan pédagogique. À l’inverse, les établissements qui accueillent le public de la massification bénéficient de moindres moyens financiers qui affectent d’autant plus leur fonction d’élargissement social de l’enseignement supérieur.</p>
<h2>Des systèmes en croissance sur des fondements inchangés</h2>
<p>Cette évolution historique similaire aboutissant à la mise en place d’un double marché soulève la question des conditions dans lesquelles les systèmes d’enseignement supérieur se transforment. Elle permet tout particulièrement de comprendre la façon dont ont été prises en charge les massifications successives des systèmes, indépendamment de la manière dont ils sont organisés.</p>
<p>Les deux systèmes partagent un contexte de restriction du financement public. En France, ceci conduit à un sous-financement chronique à l’origine de la crise actuelle. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23322969.2021.1896376">Au Royaume-Uni</a>, cela permet de comprendre comment l’augmentation des droits d’inscription s’est substituée au financement public, au lieu de permettre un accroissement des ressources, amplifiant les inégalités au sein des établissements et entre eux.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-recherche-a-lepreuve-de-la-mise-en-concurrence-131514">La recherche à l’épreuve de la mise en concurrence</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans les deux pays, le choix de la solution la plus économique (une précarisation du personnel) s’est fait sans tenir compte des risques d’inégalités croissantes qu’elle induit, tant pour la profession universitaire que pour les étudiants. D’aucune façon la question d’une réforme structurelle et institutionnelle n’a été envisagée. C’est donc par une simple croissance de systèmes inchangés mais de plus en plus mal financés que les deux pays ont ambitionné de produire les diplômés de plus en plus nécessaires à une société de la connaissance.</p>
<p>Or la résolution des inégalités des chances dans l’enseignement supérieur nécessite une relance combinée de l’investissement public et une réorganisation des systèmes d’enseignement supérieur et de leur personnel académique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Carpentier a reçu des financements de l'Economic and Social Research Council, the Office for Students and Research England (grant reference ES/M010082/1, ES/M010082/2 and ES/T014768/1) afin de soutenir le Centre for Global Higher Education. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Picard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre la France et le Royaume-Uni, les systèmes d’enseignement supérieur sont très différents. Mais leurs réponses face aux défis de la massification étudiante ne se rejoignent-elles pas ?Emmanuelle Picard, Professeure d'histoire contemporaine, spécialiste de l'enseignement supérieur et de la recherche, ENS de LyonVincent Carpentier, Reader in History of Education, UCLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143302023-10-19T20:37:08Z2023-10-19T20:37:08ZLes appellations géographiques, un gage de qualité ? Le cas – ambigu – du whisky écossais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550080/original/file-20230925-24-o561bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=137%2C106%2C1779%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme dans le vin, l’influence du terroir sur les comportements de consommation est avérée dans le monde du whisky.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/5911843/photo-image-public-domain-shape-wooden">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Bruichladdich, une distillerie écossaise de whisky renommée, arbore fièrement son slogan :</p>
<blockquote>
<p><a href="https://www.remy-cointreau.com/fr/nos-marques/bruichladdich-portcharlotte-octomore/">« We believe terroir matters »</a> (« Nous croyons en l’importance du terroir »).</p>
</blockquote>
<p>La marque suggère ainsi que sa situation géographique joue un rôle déterminant sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qualite-46094">qualité</a> de son whisky.</p>
<p>Cette philosophie rappelle celle du monde du vin, où l’influence du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/terroir-30486">terroir</a> est avérée et reconnue : la qualité du vin est dépendante de la vigne dont il est issu
et les conditions de développement de la vigne sont intimement liées à la population microbienne de la terre du vignoble. Ce lien entre terre, vigne et vin explique la volonté des acteurs de la filière viticole de protéger la réputation de leur terroir via des réglementations et systèmes d’indications géographiques divers.</p>
<p>À l’instar du vin, le whisky écossais est soumis à plusieurs réglementations, notamment le <a href="https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1988/22/enacted">Scotch Whisky Act</a> et les <a href="https://www.legislation.gov.uk/uksi/2009/2890/contents/made">Scotch Whisky Regulations</a>. Ces textes de loi définissent cinq appellations géographiques distinctes : Campbeltown, Highland, Islay, Lowland, et Speyside. Chacune de ces régions est réputée pour produire des styles de whisky uniques, se distinguant par des variations de saveur, de caractère et de méthode de production.</p>
<p>Par exemple, les whiskies de Speyside sont reconnus pour leur élégance, leur complexité et leur vaste palette de saveurs. Quant aux distilleries d’Islay, dont certaines comptent parmi les plus anciennes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecosse-28868">Écosse</a>, elles sont réputées pour des whiskies aux arômes marins, iodés et tourbés.</p>
<p>Ce type d’argument, qui ne manquera pas d’être mis en avant par les distilleries lors du <a href="https://www.whiskylive.fr/">Whisky Live Paris</a>, rendez-vous qui se déroulera cette année du 21 au 23 octobre à Paris, fait globalement mouche auprès des consommateurs.</p>
<p>En effet, nos recherches récentes sur la réputation collective des appellations géographiques, reposant sur l’analyse de plus de 80 000 ventes aux enchères de bouteilles de Scotch single malt, indiquent que les acheteurs attribuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999323001438">importance significative à l’origine géographique</a> du whisky, et ce même après avoir pris en compte d’autres facteurs que nous avons identifiés dans de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-wine-economics/article/abs/should-you-invest-in-an-old-bottle-of-whisky-or-in-a-bottle-of-old-whisky-a-hedonic-analysis-of-vintage-single-malt-scotch-whisky-prices/6DC8DE57878E49FC2849C6F84E224877">précédentes recherches</a> : l’âge du whisky, le titrage alcoolique, la distillerie, l’embouteilleur, etc. </p>
<p>En l’occurrence, les whiskies en provenance d’Islay sont généralement échangés à des niveaux de prix plus élevés que les whiskies originaires des autres appellations, toutes choses égales par ailleurs.</p>
<h2>Garantie qualité</h2>
<p>Les appellations géographiques regroupent des systèmes de protection et de certification visant notamment à prévenir la contrefaçon et à promouvoir des produits spécifiques liés à une région géographique particulière. En garantissant l’origine du produit, une appellation géographique permet au producteur de garantir à ses acheteurs un certain niveau de qualité, qui dépend étroitement des caractéristiques géographiques du territoire de production que du respect de certaines règles de production.</p>
<p>En effet, les producteurs bénéficiant de la reconnaissance d’une appellation géographique s’engagent à respecter un cahier des charges strict, que ce soit en termes d’étapes de production que d’origines géographiques des matières premières. Les produits bénéficiant d’une appellation sont alors souvent perçus comme uniques et de haute qualité, ce qui permet de les différencier et justifier des prix plus élevés tout en renforçant la confiance des consommateurs.</p>
<p>Dans l’industrie française du vin, les appellations d’origine contrôlée (AOC) imposent aux producteurs-récoltants de cultiver des variétés de raisin particulières sur le terroir de l’appellation et garantissent que les raisins ont été cultivés sur ce terroir. Les AOC permettent ainsi de différencier les vins en termes de caractéristiques gustatives, du fait des propriétés inhérentes au terroir (sol, climat, population microbienne) ainsi que des variétés de raisin utilisées.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte des appellations écossaises" src="https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les cinq appellations géographiques des whiskies écossais : Campbeltown, Highland, Islay, Lowland, et Speyside. La zone « Island » est officiellement rattachée à la région du Highland mais certains considèrent qu’il s’agit d’une appellation à part.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Scotch_regions_blank.svg#/media/File:Scotch_regions.svg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En ce qui concerne le whisky écossais, la réglementation stipule que la seule et unique condition pour pouvoir utiliser une appellation géographique est de distiller et vieillir le whisky sur le territoire correspondant. En revanche, il n’existe aucune règle concernant le type de céréales pouvant être utilisé, l’origine géographique de ces céréales, ou encore des tonneaux, et il est fréquent que les distilleries importent ces intrants. Si les céréales proviennent du continent européen et que les tonneaux viennent de Bordeaux, on peut, <a href="https://thewhiskylady.net/2016/05/20/scotch-whisky-regions-classification-still-relevant/">à l’image de certains professionnels du secteur</a>, s’interroger sur l’impact de la géographie du territoire écossais sur la qualité des whiskies et sur le bien-fondé de leurs appellations géographiques.</p>
<p>Ces appellations garantiraient-elles des conditions de vieillissement spécifiques, en exposant les tonneaux à des conditions climatiques propres à chaque territoire d’appellation ? Une simple visualisation de la carte des appellations permet d’écarter cette piste. L’appellation Highland regroupe par exemple des distilleries s’étalant sur plusieurs latitudes, certaines bénéficiant d’un air iodé du fait de leur localisation sur une île ou en bord de mer tandis que d’autres sont situées en plein cœur des terres, bien loin de toute influence marine !</p>
<h2>L’enjeu des labels</h2>
<p>Nos recherches permettent déjà de montrer que les consommateurs peuvent accorder une valeur plus élevée à certaines appellations même lorsque celles-ci ne permettent finalement pas de différencier la qualité des produits. Au-delà de ce simple constat, nos résultats invitent à s’interroger sur le contenu informationnel des appellations géographiques et sur leur lisibilité pour l’acheteur.</p>
<p>Ces interrogations sont légitimes tant pour le secteur du whisky que pour d’autres produits bénéficiant de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/labels-33624">labels</a> de qualité mettant en avant le lien entre la qualité du produit et son territoire de production : vin, fromage, viande, etc.</p>
<p>Nous pouvons notamment déduire de l’analyse du cas du whisky écossais que des producteurs peuvent bénéficier de la réputation favorable d’une appellation, même lorsque celle-ci ne fournit que peu d’indications sur la qualité réelle des produits. En montrant que les consommateurs peuvent être sensibles à des labels ou signaux de qualité au contenu informationnel particulièrement limité, nos travaux corroborent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999317315468">d’autres recherches</a> qui appellent à réduire le niveau de complexité de certains systèmes d’appellations.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, le consommateur se montre particulièrement sensible à la localisation de la distillerie, bien que cette information donne peu d'indications sur la qualité réelle des produits.Bruno Pecchioli, Professeur associé, ICN Business SchoolDavid Moroz, Associate professor, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157552023-10-18T17:04:19Z2023-10-18T17:04:19ZL’UE et le conflit israélo-palestinien : une politique introuvable pour une paix introuvable ?<p>Au lendemain des attaques barbares du Hamas contre Israël, le Commissaire européen chargé de l’élargissement et de la politique de voisinage, le Hongrois Oliver Varhelyi, annonçait la <a href="https://fr.euronews.com/my-europe/2023/10/10/le-cavalier-seul-du-commissaire-europeen-a-lelargissement-et-la-volte-face-de-linstitution">suspension de l’aide aux Palestiniens</a>. Il n’a pas tardé à être <a href="https://www.sudouest.fr/josep-borrell-s-oppose-au-blocage-de-l-aide-europeenne-a-l-autorite-palestinienne-15148369.php">démenti</a> par le Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell et par plusieurs pays et députés européens. C’est finalement une <a href="https://fr.euronews.com/my-europe/2023/10/09/la-commission-europeenne-suspend-son-aide-au-developpement-aux-palestiniens">« révision »</a> de l’aide européenne aux Palestiniens qui a été décidée. En outre, l’UE vient d’annoncer une augmentation de l’aide humanitaire à Gaza et la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/gaza-l-ue-va-ouvrir-un-couloir-aerien-humanitaire-vers-la-bande-de-gaza-via-l-egypte-20231016">mise en place d’un pont aérien pour l’acheminer via l’Égypte</a>.</p>
<p>Cette séquence illustre combien, sur le dossier israélo-palestinien, l’unité des 27 demeure difficile, malgré l’alignement des <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/israel-hamas-les-europeens-condamnent-unanimement-les-attaques-terroristes-et-constatent-leur-impuissance/">réactions de condamnation</a> des attentats commis par le Hamas et d’affirmation du droit d’Israël à se défendre. Ursula von der Leyen a d’ailleurs été peu après <a href="https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-au-sein-de-l-ue-le-soutien-inconditionnel-d-ursula-von-der-leyen-a-israel-ne-passe-plus">critiquée</a> pour avoir effectué une visite de soutien à Israël sans manifester sa préoccupation sur le sort des Palestiniens de Gaza.</p>
<p>Si par le passé, la <a href="https://www.puf.com/content/La_Politique_%C3%A9trang%C3%A8re_europ%C3%A9enne">Communauté économique européenne</a> (remplacée par l’UE en 1993) avait su en la matière élaborer des positions communes consensuelles, il semble que cela soit plus difficile désormais. Dès lors, on peine à voir comment l’UE pourrait peser sur l’issue du conflit.</p>
<h2>Un système bipolaire</h2>
<p>La <a href="https://www.liberation.fr/planete/2013/07/23/en-1980-deja-la-declaration-de-venise_920288/">déclaration de Venise</a> de 1980, sur le sujet spécifique de la Palestine, a été un terrain d’essai de la <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/humanisme-europ%C3%A9en/pratiques-diplomatiques/la-coop%C3%A9ration-politique-europ%C3%A9enne-1970-1993">« Coopération politique européenne »</a> lancée en 1970.</p>
<p>La « CPE » visait à doter la Communauté européenne d’une voix politique dans le concert des nations. Dans un contexte marqué par les deux chocs pétroliers et par les nouvelles tensions qu’avait engendrées la révolution islamique en Iran, mais aussi par les espoirs nés dans la foulée de la <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/124">signature en septembre 1978 des accords de Camp David entre Israël et l’Égypte</a>, les Neuf de l’époque affirmaient leur soutien au droit des Palestiniens à l’autodétermination.</p>
<p>Deux ans plus tard, François Mitterrand, tout en affichant son attachement à l’État d’Israël, évoquait devant la Knesset, le Parlement israélien, la perspective d’un État palestinien – une position française qui est ensuite devenue la position européenne.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/W1YJ2bUENxw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Malgré ces prises de parole fortes, les Européens n’ont guère pesé dans le processus de paix au Proche-Orient. La <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2016-9-page-43.htm">crise de Suez de 1956</a> avait déjà marqué l’éviction stratégique de la France et du Royaume-Uni de la région, même si la France gaullienne et post-gaullienne a par la suite continué de jouer un rôle important dans les affaires du Liban et ailleurs dans la zone à travers sa <a href="https://www.cairn.info/la-politique-etrangere-du-general-de-gaulle--9782130389200-page-177.htm">« politique arabe »</a> (qui se manifestait notamment par des ventes d’armes).</p>
<p>Au temps de la guerre froide, le système bipolaire s’était diffusé au Proche-Orient : les États-Unis se tenaient aux côtés d’Israël tandis que l’URSS soutenait la cause arabe et palestinienne. Les résolutions du Conseil de sécurité, dont la célèbre <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/la-resolution-242-des-nations-unies_1771195.html">résolution 242 de 1967</a>, qui demandait le retrait d’Israël des territoires occupés, marquaient néanmoins un consensus des puissances sur la nécessité de revenir au partage de la Palestine prévu en 1948-1949. En 1980, le même Conseil de sécurité, par sa <a href="https://digitallibrary.un.org/record/25618?ln=fr">résolution 478</a>, refusait de reconnaître l’annexion de Jérusalem par Israël.</p>
<p>C’est sous l’égide des deux Grands – et avant tout des États-Unis, l’Union soviétique étant alors moribonde – qu’a été réellement lancé le processus de paix, à la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Conference-de-Madrid.html">Conférence de Madrid en 1991</a>. Les Européens se sont fait une place dans ce processus complexe et hésitant avec la nomination d’un représentant spécial à partir de 1996 (l’Espagnol Miguel Moratinos a été le premier titulaire du poste, actuellement détenu par le Néerlandais <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/04/29/new-eu-special-representative-for-the-middle-east-peace-process-appointed/">Sven Kotmans</a>) et la mise en place en 2002 du <a href="https://www.un.org/unispal/fr/un-system/un-system-partners/the-quartet">« quartet »</a> (États-Unis, Russie, UE, ONU) pour jouer un rôle de médiateur dans le conflit.</p>
<h2>L’Europe en soutien</h2>
<p>Les Européens sont venus en soutien des accords de paix, finançant l’Autorité palestinienne et lançant une <a href="https://www.eubam-rafah.eu/">mission d’assistance au poste-frontière de Rafah</a>, entre l’Égypte et la bande de Gaza évacuée par Israël en 2005. Il n’en reste pas moins que, face à un conflit qui n’a cessé de se durcir (première arrivée au pouvoir de Benyamin Nétanyahou en 1996, deuxième intifada entre 2000 et 2006, guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, renforcement de la colonisation juive en territoires occupés, enchaînements d’attentats et de représailles), ils ont peiné à se faire entendre collectivement.</p>
<p>Ce n’est pas que les pays européens soient condamnés à l’impuissance : ils ont su mener une action unie et résolue sur le dossier nucléaire iranien à partir de 2003, combinant sanctions et diplomatie. Des éléments de consensus entre pays européens existent sur l’aide civile aux Palestiniens, le soutien au processus de paix, l’opposition à la politique de force et du fait accompli, y compris la colonisation des territoires occupés. Les Européens ne sont pas toujours restés passifs vis-à-vis d’Israël. Le Conseil d’association, prévu par <a href="https://neighbourhood-enlargement.ec.europa.eu/system/files/2022-03/25032022-factograph_israel_fr.pdf">l’accord d’association de 1995</a> qui organise la coopération entre l’Union et Israël, ne s’est pas réuni entre 2012 et 2022, les Israéliens réagissant aux objections formulées par l’Union à propos des colonies en Cisjordanie. L’accord de libre-échange ne s’applique pas aux produits israéliens issus des colonies.</p>
<p>Les États membres ne se sont cependant jamais accordés sur de quelconques sanctions. Tout juste ont-ils décidé en 2019 l’étiquetage (et non l’interdiction) des produits israéliens issus des territoires occupés, après qu’Israël <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/07/19/israel-etat-nation-juif-les-dessous-d-une-loi-controversee_5333745_3218.html">s’est proclamé par une loi fondamentale « l’État-nation du peuple juif »</a>, ce qui discrimine les citoyens non juifs, notamment la minorité arabe. Les relations commerciales et technologiques avec l’État hébreu restent étroites. Israël est notamment associé aux programmes de recherche de l’Union.</p>
<h2>Des divergences trop importantes ?</h2>
<p>Malgré les quelques points d’accord, les États membres (et l’ancien État membre qu’est le Royaume-Uni) ont des visions très (trop ?) différentes de la question israélo-palestinienne pour pouvoir se montrer plus efficaces.</p>
<p>Historiquement, le <a href="https://www.herodote.net/2_novembre_1917-evenement-19171102.php">Royaume-Uni</a> et la <a href="https://monbalagan.com/36-chronologie-israel/139-1917-4-juin-lettre-de-jules-cambon-a-sokolov.html">France</a> ont encouragé dès 1917 la renaissance d’un foyer national juif sur la terre ancestrale d’Israël. Si Londres est par la suite globalement resté très proche des positions israéliennes, cela n’a pas été le cas de Paris, qui a veillé à ménager ses relations avec le monde arabe et à défendre les droits des Palestiniens. L’Allemagne et l’Autriche, de leur côté, portent comme des stigmates l’élimination des communautés juives par les nazis et sont plus enclines à s’aligner sur les positions d’Israël. C’est aussi le cas des Pays-Bas, l’un des berceaux du libéralisme occidental, et d’un certain nombre de pays d’Europe centrale et orientale. L’Espagne, pour sa part, a eu souvent une position proche de la France, position qui a pu être relayée par des personnalités espagnoles ayant été placées à des postes clés de la diplomatie européenne – Javier Solana et Miguel Moratinos dans le passé, Josep Borrell aujourd’hui.</p>
<p>En réalité, aucun des pays européens n’est assez puissant pour s’imposer seul comme un acteur de poids ; mais ensemble, ils sont trop divisés. Leur voix ne peut qu’être faible, surtout quand il s’agit d’aller contre les positions de Washington.</p>
<p>Si l’UE a l’habitude d’adopter une position commune sur les textes de l’Assemblée générale des Nations unies (dans plus de 90 % des cas), les clivages réapparaissent dès que les questions deviennent sensibles. C’est ainsi que les votes des États membres se sont divisés sur la réaction de l’ONU à l’offensive israélienne à Gaza en 2008-2009, sur l’admission de la Palestine à l’Unesco en 2011, puis sur l’octroi d’un statut d’observateur à la Palestine à l’ONU en 2012. Dans ce dernier cas, 14 pays (dont la France) ont voté pour, la République tchèque s’est prononcée contre, 12 pays se sont abstenus, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni. Certains pays européens, comme la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/israel-vers-un-transfert-de-l-ambassade-de-hongrie-a-jerusalem-20230307">Hongrie</a> et la <a href="https://www.euractiv.fr/section/international/news/le-premier-ministre-tcheque-envisage-de-demenager-lambassade-de-tel-aviv-a-jerusalem/">Tchéquie</a>, sont aujourd’hui tentés de transférer leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, comme l’administration Trump l’a fait en 2018.</p>
<p>Par ailleurs, un axe droitier (« illibéral ») n’a cessé de se renforcer en Israël comme en Occident, combinant poussée identitaire et nationaliste, rhétorique de la « guerre contre le terrorisme islamiste » et logique du tout-sécuritaire, au détriment d’une analyse politique du conflit. À cette aune, il n’est pas surprenant de voir Viktor Orban, Georgia Meloni ou Marine Le Pen s’aligner totalement sur la politique sécuritaire du gouvernement Nétanyahou.</p>
<h2>L’UE peut-elle faire plus ?</h2>
<p>L’Europe pourrait-elle s’engager davantage ? La légitimité des institutions européennes pour porter une diplomatie forte au-dessus des États membres est fragile. Si l’on introduisait le vote majoritaire en politique étrangère, alors que celle-ci <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/unanimite-majorite-qualifiee-minorite-de-blocage-comment-les-decisions-sont-elles-prises-en-europ/">se définit actuellement à l’unanimité</a>, cela faciliterait peut-être les positions de compromis ; mais seraient-elles acceptées par tous et pourraient-elles soutenir des actions autonomes et fortes qui ne seraient pas forcément alignées sur les États-Unis ?</p>
<p>À ce stade, une action coordonnée de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, comme dans le dossier iranien, ne paraît pas non plus en vue. Le dossier israélo-palestinien montre hélas les limites de la puissance européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215755/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Lefebvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’UE apparaît aujourd’hui trop divisée pour jouer un rôle d’importance dans une éventuelle résolution du conflit.Maxime Lefebvre, Affiliate professor, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147782023-10-10T21:20:33Z2023-10-10T21:20:33ZEnseigner en France, en Espagne, au Royaume-Uni : un bien-être professionnel qui se dégrade ?<p>Le Baromètre international de la santé et du bien-être des personnels de l’éducation (I-BEST) a pour objectif de mieux connaître les conditions de travail et le ressenti des personnels de l’éducation. Il a été mis en place en 2021 par le Réseau Éducation et Solidarité (RES) et la Fondation d’entreprise pour la santé publique (FESP), avec l’appui de l’Internationale de l’Éducation et la Chaire Unesco « ÉducationS et Santé », dans une finalité de promotion de la santé globale, et avec l’idée que l’équilibre physique et mental de ces professionnels est une condition essentielle d’une éducation de qualité.</p>
<p>En 2021, après 18 mois de pandémie, la <a href="https://www.educationsolidarite.org/nos-actions/barometre-international-de-la-sante-du-personnel-de-leducation/">première édition d’I-BEST</a> avait objectivé <a href="https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-met-la-sante-du-personnel-enseignant-sous-haute-tension-171620">l’épuisement des enseignants à travers le monde</a>. Deux ans plus tard, la deuxième édition du Baromètre s’est élargie à 11 territoires repartis sur 4 continents et plus de 26 000 personnels de l’éducation ont répondu à l’enquête en ligne. Parmi eux, 9 595 enseignent en France, 2 723 en Espagne et 2 524 au Royaume-Uni, trois pays d’Europe géographiquement et économiquement proches, mais avec des cultures différentes, et dont la langue est un marqueur fort.</p>
<p>Au sortir de la crise Covid-19, alors que l’année scolaire 2022-2023 <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000381091">marque pour l’école dans son fonctionnement un certain retour à la normale</a>, qu’en est-il du ressenti des enseignants en Europe ? Selon les territoires, leurs ressentis sont-ils similaires, nuancés ou franchement contrastés ?</p>
<h2>Des enseignants qui travaillent 40h par semaine en moyenne</h2>
<p>Sept enseignants sur dix sont des femmes dans les échantillons français, espagnol et britannique, ce qui reflète la féminisation très large du secteur de l’éducation en Europe. Les profils des enseignants des trois pays sont également similaires en âge et niveau d’enseignement (Figure 1), tout comme leur cadre de travail, avec des distributions assez proches en ce qui concerne la taille de l’établissement, le caractère urbain-rural du quartier environnant, le niveau de sécurité perçue au quotidien ou encore les temps de trajet domicile-travail.</p>
<p>L’Espagne se distingue toutefois par des classes plus souvent petites (moins de 20 élèves) et par une relative insatisfaction vis-à-vis des locaux et des conditions matérielles.</p>
<p>Le temps de travail effectif par semaine apparait partout important, supérieur en moyenne à 40 heures hebdomadaires, et même 48 heures au Royaume-Uni. Parallèlement, les enseignants britanniques se révèlent moins satisfaits de l’autonomie dans leur travail et de leurs relations professionnelles tant en équipe qu’avec la hiérarchie. Les réponses en France vont aussi dans le sens d’une crispation avec la hiérarchie, alors que le travail en équipe y est jugé plus favorablement.</p>
<p>En ce qui concerne les possibilités de formation, d’évolutions et le salaire, des trois pays, l’insatisfaction est systématiquement la plus répandue en France (Figure 2).</p>
<p>Avec plus d’un quart des enseignants concernés, la proportion de personnels victimes de violence au travail dans les 12 derniers mois est partout préoccupante : 25 % en Espagne, 27 % au Royaume-Uni, et 35 % en France.</p>
<p>L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est jugé un peu plus défavorablement en France et au Royaume-Uni qu’en Espagne : 6 enseignants sur 10 y sont insatisfaits de cet aspect contre 5 sur 10 en Espagne. Pourtant, une plus forte proportion d’enseignants espagnols sont amenés à apporter, en plus de leur travail, un soutien régulier à un proche : 7 sur 10 en Espagne, versus 1 sur 2 en France et au Royaume-Uni.</p>
<h2>Des indicateurs de santé au travail contrastés</h2>
<p>Les enseignants espagnols apparaissent un peu plus satisfaits globalement de leur travail que ceux de France ou du Royaume-Uni (Figure 3). Dans ces deux pays, moins d’un enseignant sur deux est « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec l’affirmation « Dans l’ensemble, mon travail me donne satisfaction » contre plus de 7 sur 10 en Espagne. À noter que les enseignants en France déplorent quasi systématiquement une faible valorisation sociétale du métier : 97 % contre 86 % en Espagne et 84 % au Royaume-Uni.</p>
<p>Néanmoins, et faisant écho à la réserve des enseignants espagnols vis-à-vis de leurs conditions matérielles de travail, la proportion de ceux ayant été dans l’impossibilité de travailler à cause d’un problème de voix dans l’année écoulée est sensiblement plus élevée dans le pays : 41 % en Espagne, 26 % en France et 19 % au Royaume-Uni.</p>
<p>L’état de santé général des enseignants se maintient à un niveau favorable, avec un taux similaire dans les 3 pays de plus de 8 enseignants sur 10 qui le qualifient positivement. L’évaluation du bonheur, de la santé mentale et du sommeil est plus contrastée : ainsi les enseignants se situent sur une échelle de bonheur dans la vie plutôt positivement en Espagne (61 % de satisfaits), de manière intermédiaire au Royaume-Uni (53 %) et plus négativement en France (49 %).</p>
<p>La santé psychologique des enseignants apparait d’ailleurs fragilisée en France, et dans une moindre mesure au Royaume-Uni, avec près d’un personnel sur 2 qui y rapporte ressentir souvent, très souvent ou toujours des sentiments négatifs ; de même pour l’insatisfaction vis-à-vis du sommeil (Figure 4).</p>
<h2>Outils numériques : une bonne adhésion mais une pointe d’ambivalence</h2>
<p>Dans l’enseignement européen, la mise à disposition à titre professionnel d’outils numériques (ordinateur, tablette, connexion Internet…) apparait inégale selon les pays, les enseignants britanniques bénéficiant globalement de taux d’équipement meilleurs et la France de moins bon (Figure 5). En miroir, le taux d’utilisation systématique du matériel numérique personnel pour le travail va de 23 % au Royaume-Uni à 55 % en France.</p>
<p>Dans les trois pays, les outils numériques font partie du quotidien enseignant et l’adhésion est globalement bonne, puisque partout, au moins 8 enseignants sur 10 s’estiment à l’aise avec les outils numériques et considèrent qu’ils leur facilitent le travail. Cependant, tant en France qu’en Espagne et au Royaume-Uni, 4 enseignants sur 10 estiment que les outils numériques sont une source de stress. L’opinion est également partagée sur l’impact du numérique sur les relations avec les élèves et les familles : plus de 4 enseignants sur 10 dans les trois pays (même 6 sur 10 en France) expriment une réserve sur ce point.</p>
<h2>Des pistes d’amélioration différentes selon le pays</h2>
<p>I-BEST nous livre, en 2023, un tableau nuancé du bien-être professionnel et général des enseignants en France, au Royaume-Uni et en Espagne, mettant en lumière des marges de progression spécifiques au territoire.</p>
<p>Dans les trois pays, la lutte contre la violence à l’école et une meilleure valorisation du métier d’enseignant sont à renforcer. Mais aussi, l’accent gagnerait à être mis :</p>
<ul>
<li><p>en Espagne, sur les conditions matérielles d’enseignement, les possibilités d’évolution de carrière et la prévention des troubles de la voix ;</p></li>
<li><p>au Royaume-Uni, sur la charge de travail, les relations professionnelles, l’autonomie et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle ;</p></li>
<li><p>et en France, sur les possibilités de formation et d’évolutions de carrière, le salaire, l’amélioration de la relation avec la hiérarchie, et toujours, l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle.</p></li>
</ul>
<p>Un meilleur accompagnement médical de la santé professionnelle est aussi une piste à considérer au Royaume-Uni et en France, alors que 95 % des enseignants de ces deux pays ne voient jamais la médecine du travail, contre 45 % en Espagne (dans ce pays, un tiers des enseignants bénéficie d’une consultation annuelle).</p>
<p>Étant donné les retombées sociétales majeures à court ou plus long-terme de la santé des enseignants, alors que le bien-être est indispensable au bien-faire, suivre les évolutions au plus près du terrain doit rester une priorité afin d’identifier de manière réactive les pistes d’amélioration.</p>
<hr>
<p><em>Remerciement : le Réseau Éducation et Solidarité et tous ses partenaires pour la mise en œuvre d’I-BEST ; Nathalie Billaudeau pour les statistiques et les figures ; Nathalie Billaudeau, Pascale Lapie-Legouis, Karim Ould-Kaci, Ange-Andréa Lopoa et Morgane Richard.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noël Vercambre-Jacquot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment les enseignants se sentent-ils dans leur métier alors que l’année scolaire 2022-2023 marque un certain retour à la normale ? Quelques éléments de réponse avec le baromètre I-BEST 2023.Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d'entreprise pour la santé publiqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132992023-10-03T16:32:44Z2023-10-03T16:32:44ZL’art explosif d’Hamad Butt, étoile filante de l’art britannique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551733/original/file-20231003-21-kh2s3d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C776%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cradle, une œuvre qui attire l'attention sur un danger contenu mais bien réel. </span> <span class="attribution"><span class="source">Hamad Butt</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://hamadbutt.co.uk">Hamad Butt</a>, artiste méconnu en France, est mort du sida en 1994, à l’âge de 32 ans. Diplômé de l’université Goldsmith à Londres en 1990 et condisciple notamment du célèbre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Hirst">Damien Hirst</a>, il aura donc été une étoile filante dans le monde des plasticiens britanniques. Le <em>Guardian</em> lui a consacré un long article en <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2023/jun/12/hamad-butt-lethal-tate-rehang-evacuation">juin 2023</a>, à l’occasion de l’entrée de ses œuvres à la Tate Britain. C’est ainsi que je l’ai découvert.</p>
<p>L’historien d’art <a href="https://www.qmul.ac.uk/sed/staff/johnsond.html">Dominic Johnson</a>, professeur à la Queen Mary University de Londres, dont les recherches portent sur l’art de la performance et l’art vivant, généralement dans une perspective queer, va développer en 2024 à l’University of Southern California (Los Angeles), un <a href="https://fulbright.org.uk/people-search/dominic-johnson/">travail de recherche</a> annoncé comme :</p>
<blockquote>
<p>« la première étude scientifique de l’œuvre de cet artiste britannique originaire d’Asie du Sud dans le contexte de la relation entre l’art et le sida ».</p>
</blockquote>
<p>En attendant cette somme, j’ai eu envie de me pencher, en physicien, sur une seule pièce de Hamad Butt, intitulée <em>Cradle</em> (<em>Berceau</em>).</p>
<p>Je n’ai pas encore vu l’œuvre in situ mais sur les photos, on ressent déjà sa force, sa puissance plastique, avec cette immobilité qui appelle un mouvement, et cette idée de mouvement suspendu. L’objet peut sembler mystérieux au premier abord, surtout si on n’est pas familier du pendule de Newton, ni conscient de ce que représente le danger du gaz de chlore. Car l’œuvre s’impose, sous des dehors neutres et inoffensifs, par la présence réelle du danger, à la fois invisible et sensible.</p>
<p>Les boules de verre soufflé contiennent en effet du vrai gaz de chlore. Un très beau jaune… mortel si la dose respirée est trop importante. Ce produit toxique est un puissant irritant pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. Autrement dit, cette œuvre est effectivement dangereuse. Bien sûr, des mesures de sécurité draconiennes en font un danger qui reste potentiel, mais il est là et vous regarde dans les yeux. Cette œuvre expose le public, et c’est, à ma connaissance, unique.</p>
<h2>Un pendule de Newton, du chlore, du verre soufflé</h2>
<p>Hamad Butt installe sous nos yeux les principes de la physique et de la chimie. Pour la physique, il détourne le pendule de Newton : les cinq boules d’acier (ici en verre), par leur mouvement et leurs chocs, matérialisent deux lois de conservation fondamentales : celle de l’énergie mécanique et celle de la quantité de mouvement.</p>
<p>Une fois les boules lancées, leur comportement est spectaculaire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NfF61CR1jf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un pendule de Newton.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’artiste fait ainsi une allusion très directe au fait que la connaissance scientifique et la maîtrise technologique nous ont ouvert le contrôle et le développement du mouvement mécanisé, et surtout de la vitesse. Mais justement : le « pendule de Newton » de Hamad Butt ne bouge pas – « cradle » est peut-être une allusion ironique à ce mouvement de balancier en suspens. Il ne doit pas bouger pour des raisons de sécurité. Il évoque irrésistiblement le mouvement, mais le mettre en mouvement serait dangereux !</p>
<p>La physique et la chimie apparaissent ici dans toutes leurs dimensions : l’œuvre évoque un dispositif de recherche sorti d’un laboratoire, mais souligne dans le même temps combien l’alliance entre la science, la technologie et l’industrie ont été les éléments clés du développement au XX<sup>e</sup> siècle – son berceau. Dans cette perspective, l’œuvre de Hamad Butt est d’une grande force : par ses composants, par sa structure, elle nous rappelle comment cette société a déployé la science et la technologie à une échelle planétaire, tout en affirmant sa capacité à nous prémunir contre la plupart des dangers et des risques induits par ce développement sans précédent, sans que nous ayons à nous en préoccuper au quotidien.</p>
<p>L’irruption du VIH/sida et l’hécatombe qui en a résulté a largement pris à revers cette conviction, bien au-delà des dernières années de la vie de Hamad Butt.</p>
<h2>Le chlore, gaz dangereux et omniprésent</h2>
<p>Le chlore est un élément chimique extrêmement abondant. Le sel de mer, par exemple, est composé à parité sodium et chlore. L’eau de javel est une des mises en forme les plus connues du chlore. La manipulation du chlore, notamment industrielle, est donc très courante, mais elle reste dangereuse. En juin 2022, dans le port d’Aqaba en Jordanie, un accident a fait 13 morts et plus de 250 blessés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iRsJrwVMN8A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une fuite de chlore cause la mort de 13 personnes dans le port jordanien d’Aqaba.</span></figcaption>
</figure>
<p>Lors du chargement par une grue portuaire, la rupture du câble a précipité un lourd container de chlore directement sur le pont du bateau. Le nuage jaune très dense qui s’est répandu instantanément ne laissait aucun doute. Il y a là un parallèle saisissant avec <em>Cradle</em>, l’œuvre de Hamad Butt. La grue, les câbles de suspension et la citerne de chlore sont intégrés dans son installation. L’œuvre qui précède cet accident d’un quart de siècle est pratiquement la miniature du dispositif portuaire. Vraiment saisissant !</p>
<h2>Des usages massifs au prix d’accidents à répétition</h2>
<p>Cette mise en situation du risque, à travers le danger que représente le chlore gazeux, a été prise en charge par la collaboration avec les chimistes de l’Imperial Collège à Londres, et avec un technicien spécialiste du verre soufflé. Ils installent ici une relation entre arts et sciences très singulière, construite sur une responsabilité partagée et un engagement commun auprès du public. Ils doivent s’assurer que cette œuvre ne pose pas de problème de sécurité lors de son exposition au public.</p>
<p>C’est là une analogie de ce que font partout, et depuis des décennies, la science, la technologie et l’industrie : produire un nouveau dispositif, une innovation, trop intéressante pour ne pas prendre en charge le risque inhérent et chercher parallèlement à assurer la sécurité.</p>
<p>Mais ici, on a affaire à une installation « inutile » : ce dispositif ne sert à rien, n’a pas d’usage pratique qui justifierait la prise de risque. En réalité, sa fonction est toute autre : Hamad Butt nous rappelle ce pacte auquel nous nous associons tous en délégant à des experts les conditions de notre sécurité et de notre santé. L’accident dans le port d’Aqaba montre que nous acceptons de payer le prix d’accidents meurtriers et répétés, mais dont nous trouvons collectivement les impacts suffisamment limités pour ne pas nous passer de l’innovation.</p>
<h2><em>Cradle</em>, une œuvre complexe et multiple</h2>
<p>Lors de son départ en retraite, Steve Ramsey, le souffleur de verre, qui travaillait à l’époque de la conception de l’œuvre dans un laboratoire de recherche scientifique de l’Imperial College, a raconté sa collaboration avec Hamad Butt :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai travaillé pendant plus de deux ou trois ans avec cet artiste et il n’arrêtait pas de disparaître, alors qu’il faisait pression pour que cette œuvre soit réalisée. J’ai trouvé cela assez frustrant, mais je ne savais pas qu’il était en train de mourir du sida. »</p>
</blockquote>
<p>Ce propos éclaire d’un jour nouveau l’œuvre de Hamad Butt, celui que Dominic Johnson a choisi pour ses recherches. Difficile en effet de dissocier ce rapport à la maladie, à la finitude, au danger de l’œuvre de Hamad Butt.</p>
<p>Avec des œuvres qui s’imposent par leur présence physique et potentiellement dangereuses face aux visiteurs, et qui génèrent ces interrogations si contemporaines, Hamad Butt reste au cœur de nos vies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Méconnu en France, Hamad Butt sera prochainement mis à l’honneur à la Tate Britain. Le travail de l’artiste des années 1990 impose une réflexion inédite sur les dangers de notre ère technologique.Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140902023-09-22T07:00:26Z2023-09-22T07:00:26ZVisite d’État du roi Charles : un an après le début de son règne, qu’est-ce qui a changé avec le nouveau monarque ?<p>La visite d’État en France de trois jours du <a href="https://www.royal.uk/news-and-activity/2023-09-06/the-king-and-queen-will-undertake-a-state-visit-to-france">roi Charles III</a>, un an après le début de son règne, marque le retour de la dimension internationale de la monarchie britannique. Ce voyage, ainsi que sa visite d’État en Allemagne au début de l’année, sont les premiers d’une série qui devrait être longue.</p>
<p>Après une <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-33234200">visite d’État en Allemagne</a> et une <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-34929516">visite à Malte en 2015</a>, Élisabeth II avait cessé de voyager à l’étranger, réduisant ainsi l’une des fonctions clé de la monarchie, qui consiste à représenter le Royaume-Uni à l’international sous le sceau de la « soft power ». Bien que d’autres membres de la famille royale, dont Charles quand il était toutours prince de Galles, aient effectué des visites officielles à l’étranger, celles-ci n’ont pas eu l’ampleur et le faste d’une visite d’État officielle, qui comprend souvent de nombreuses cérémonies, un banquet d’État complet et un discours devant le parlement du pays d’accueil.</p>
<h2>Evolution</h2>
<p>La visite d’État en France est également le signe d’une évolution vers une monarchie dont le rôle est plus fortement défini. Elle a été organisée sur les conseils du gouvernement, très certainement pour envoyer un message clair : bien que le Royaume-Uni ait quitté l’UE, il se considère toujours comme faisant partie de l’Europe – un point qui est devenu d’autant plus important depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. C’est précisément le genre de messages qui bénéficient d’un large soutien au Royaume-Uni et que la monarchie est bien placée pour projeter.</p>
<p>Le roi doit néanmoins faire preuve de prudence. La monarchie ne peut envoyer de tels signaux que si elle conserve son impartialité politique. Lorsque le <a href="https://news.sky.com/story/eu-commission-president-ursula-von-der-leyen-to-meet-king-while-in-uk-for-brexit-talks-12821356">roi a rencontré Ursula von der Leyen</a>, la présidente de la Commission européenne, en février 2023, il s’agissait d’une rencontre classique entre le Roi et un dirigeant mondial. Toutefois, cette rencontre a eu lieu à un moment crucial des négociations sur le Brexit sur l’Irlande du Nord, ce qui a conduit certains hommes politiques soutenant le Brexit à <a href="https://www.theguardian.com/politics/2023/feb/28/king-charles-hosting-ursula-von-der-leyen-not-unusual-insists-james-cleverly-brexit-eu">se plaindre</a> que le roi était trop impliqué dans le dossier.</p>
<p>Il est vrai que les prises de position de Charles en tant que prince de Galles, le déservent, alors que sa mère avait su rester au dessus de la mélée. L’année qu’il a passée sur le trône lui a permis néanmoins de nuancer son approche et ses interventions sur le plan intérieur sont restées prudentes.</p>
<p>Fin 2022, par exemple, il a été annoncé que le roi avait fait un <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-england-london-63846028">don personnel de frigidaires aux banques alimentaires</a>, un geste qui a été interprété comme une prise de conscience de la monarchie du contexte difficile traversé par la population, tout en gardant une certaine réserve politique. Charles a également mis davantage l’accent sur la diversité dans le choix de ses engagements, entraînant l’une des photos les plus marquantes de sa première année de règne : Charles et Camilla marchant dans Brick Lane, un quartier londonien multi-ethnique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623385791844982788"}"></div></p>
<p>D’autres membres de la famille royale ont également eu les coudées plus franches et ont fait évoluer les missions traditionnelles. Par exemple, le prince William s’est joint à son personnel pour <a href="https://www.independent.co.uk/life-style/royal-family/prince-william-poland-tour-restaurant-b2307215.html">dîner dans un restaurant convivial pour les LGBTQ+ à Varsovie</a> lors d’une visite officielle en Pologne. Cette initiative a été perçue comme une réponse à la <a href="https://www.amnesty.org/es/wp-content/uploads/2021/08/eur370022005en.pdf">politique anti-LBGTQ+</a> dans le pays.</p>
<h2>Avancer prudemment</h2>
<p>Des défis se profilent aussi pour Charles III sur le plan international. Pour bon nombre des 14 royaumes du Commonwealth, comme l’Australie, le Canada, la Jamaïque et le Belize, qui partagent le roi comme chef d’État, le nouveau règne est l’occasion de réévaluer leur relation avec la Couronne.</p>
<p>Dans les Caraïbes en particulier, il s’agit d’aborder la question de l’esclavage et des pires excès de l’Empire britannique. Dans ce domaine, la marge de manœuvre du roi est limitée. Il a approuvé une <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-65200570">étude sur les liens de la monarchie avec l’esclavage</a> et a déclaré aux <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/apr/06/king-charles-signals-first-explicit-support-for-research-into-monarchys-slavery-ties?CMP=Share_iOSApp_Other">chefs de gouvernement du Commonwealth l’année dernière</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne peux décrire la profondeur de mon chagrin personnel face à la souffrance de tant de personnes, alors que je continue à approfondir ma propre compréhension de l’impact durable de l’esclavage. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, ce n’est pas au roi de décider des demandes de réparations. Ils relèvent de la compétence du gouvernement britannique, qui doit trouver un équilibre entre sa réponse à toute demande et l’opinion politique nationale.</p>
<p>En fin de compte, c’est l’opinion qui déterminera le succès du règne du roi. Même dans les jours les plus sombres de la monarchie, le républicanisme n’a jamais obtenu un soutien supérieur à 20 %. Mais après une longue période de stabilité pour la famille royale, la tendance à long terme est au <a href="https://theconversation.com/king-charles-inherits-crown-with-support-for-monarchy-at-record-low-but-future-not-set-in-stone-190448">déclin progressif</a>. Ce phénomène est particulièrement marqué chez les jeunes adultes, dont l’expérience de la monarchie a été le départ du <a href="https://theconversation.com/meghan-and-harrys-oprah-interview-why-royal-confessionals-threaten-the-monarchy-156601">duc et de la duchesse de Sussex pour l’Amérique</a>, ainsi que les allégations de racisme – et les <a href="https://theconversation.com/prince-andrew-a-legal-expert-explains-the-settlement-with-virginia-giuffre-177255">allégations d’abus sexuels à l’encontre du prince Andrew</a>.</p>
<p>Fondamentalement, le plus grand défi pour le roi est d’être à la hauteur de sa mère. Sur de longues périodes, Elizabeth II a transcendé le rôle de monarque, devenant une véritable figure mondiale. Des livres ont été publiés avec des titres tels que « Queen of the World » (Reine du monde). L’ancien premier ministre Boris Johnson l’a appelée <a href="https://www.youtube.com/watch?v=h_89HU_H7wo">« Elizabeth the Great »</a>. Le plus grand rassemblement de dirigeants mondiaux de l’histoire a assisté à ses funérailles. </p>
<p>Comment Charles peut-il marcher dans ces pas ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Craig Prescott ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le voyage en France marque encore un peu plus le retour de la monarchie britannique sur la scène internationale.Craig Prescott, Lecturer in Law, Royal Holloway University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2106012023-08-01T06:24:45Z2023-08-01T06:24:45ZLes forces de maintien de la paix de l'ONU quittent le Mali après dix ans de présence : ce qu'il faut pour une transition en douceur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540049/original/file-20230730-118729-a9qx57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des Maliens manifestent contre la force de maintien de la paix de l'ONU à Bamako en septembre 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ousmane Makaveli/AFP via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté le 30 juin 2023 pour <a href="https://news.un.org/en/story/2023/06/1138257">mettre fin à sa mission de maintien de la paix au Mali</a>, la <a href="https://minusma.unmissions.org/en">Minusma</a>, après que le Mali a officiellement demandé son retrait complet. Plus de <a href="https://minusma.unmissions.org/en/personnel">11 000 militaires de 53 pays</a> devraient quitter le pays d'ici le 31 décembre 2023. </p>
<p>La Minusma a été déployée pour la première fois au Mali en <a href="https://minusma.unmissions.org/en/history">avril 2013</a> pour soutenir le processus politique du pays et aider à <a href="https://betterworldcampaign.org/mission/mali-minusma#:%7E:text=The%20United%20Nations%20Multidimensional%20Integrated,fragile%20transition%20to%20constitutional%20order.">rétablir la paix et la stabilité</a>. A la <a href="https://www.britannica.com/place/Mali/2012-coup-and-warfare-in-the-north">mi-2012</a>, le nord du pays était sous le <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/13466?lang=en">contrôle de groupes terroristes</a>.</p>
<p>La récente demande du Mali de <a href="https://www.bbc.com/news/world-60419799">retrait des troupes de maintien de la paix de l'ONU</a> n'est pas une surprise. </p>
<p>Après un coup d'État en <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-53830348">2020</a> et un autre en <a href="https://theconversation.com/inside-malis-coup-within-a-coup-161621">2021</a>, les relations entre les autorités maliennes et la Minusma se sont détériorées. L'ONU a publié <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/05/malian-troops-foreign-military-personnel-killed-over-500-people-during">un rapport</a> accusant les troupes maliennes et leurs alliés d'avoir massacré au moins 500 civils en 2022. Elle a également accusé le gouvernement malien <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/mali/minusma-crossroads">de s'ingérer dans ses opérations</a>. </p>
<p>Ces événements ont incité certains pays à commencer à retirer leurs soldats de la mission de maintien de la paix. En <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/mali/minusma-crossroads">novembre 2022</a>, la Côte d'Ivoire a informé l'ONU que ses 900 soldats quitteraient la mission. Trois jours plus tard, le Royaume-Uni a annoncé également le retrait de ses troupes. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
Read more:
<a href="https://theconversation.com/un-troops-to-withdraw-from-mali-what-will-change-in-terms-of-security-209765">UN troops to withdraw from Mali: what will change in terms of security</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En tant que politologue qui fait des <a href="https://scholar.google.ca/citations?hl=en&user=9T47R7AAAAAJ&view_op=list_works&sortby=pubdate">recherches sur les questions de sécurité au Sahel</a> sur les questions de sécurité au Sahel, dont le Mali fait partie, je pense que pour que le Mali puisse effectuer une transition pacifique vers la démocratie, deux éléments clés sont nécessaires.</p>
<p>Premièrement, <a href="https://africacenter.org/spotlight/fatalities-from-militant-islamist-violence-in-africa-surge-by-nearly-50-percent/">les nouvelles menaces terroristes</a> dans <a href="https://www.britannica.com/place/Sahel">le Sahel</a> exigent le développement de nouveaux instruments et de nouvelles approches militaires, notamment une lutte commune contre les insurgés terroristes islamistes. Aucun pays de la région n'a <a href="https://www.researchgate.net/publication/350213273_Gestion_des_menaces_terroristes_au_Sahel_et_en_Afrique_de_l'Ouest">la force nécessaire</a> pour mener seul la lutte contre le terrorisme. Le Mali doit coordonner ses efforts militaires avec ses voisins : Algérie, Burkina Faso, Guinée, Côte d'Ivoire, Mauritanie, Niger et Sénégal. </p>
<p>Deuxièmement, le Mali doit accompagner l'aspect militaire de la lutte contre le terrorisme par des initiatives de développement visant à prévenir la radicalisation. Sans ces mesures, le pays et ses citoyens pourraient être confrontés à une instabilité accrue.</p>
<h2>Ce qu'il faut faire</h2>
<p>Le 3 juillet 2023, les autorités maliennes et une délégation de la Minusma se sont mises d'accord sur un <a href="https://peacekeeping.un.org/en/minusma-presents-its-withdrawal-plan-to-malian-foreign-minister">plan de retrait</a>. Ce plan prévoit le transfert des tâches, de la logistique, de la sécurité et de la communication stratégique à Bamako d'ici décembre.</p>
<p>Le Mali a mis en place des mesures pour le retrait des troupes de l'ONU depuis qu'un nouveau gouvernement a pris le pouvoir après le coup d'État de 2020. Le Conseil national de transition a approuvé la création d'une école de guerre en septembre 2021 pour <a href="https://www.maliweb.net/armee/le-mali-cree-son-ecole-de-guerre-2945251.html">renforcer l'appareil de sécurité nationale et former les futurs cadres de l'armée</a>. </p>
<p>L'objectif était de remplacer les troupes étrangères par des troupes locales en cas de retrait. La <a href="http://news.abamako.com/h/277568.html">première cohorte</a> a déjà terminé sa formation. La deuxième promotion est sur le point d'obtenir leurs diplômes. </p>
<p>Alors que le retrait de l'ONU créera un vide sécuritaire, <a href="https://www.lareussitemali.com/mali-la-2eme-promotion-de-lecole-de-guerre-fait-sa-rentree-solennelle/">augmentant la vulnérabilité du Mali aux défis liés à la sécurité et au terrorisme</a>, les diplômés de l'école de guerre pourraient aider à combler ce vide. </p>
<p>Mais pour que cela fonctionne, les autorités maliennes doivent s'assurer que les soldats locaux soient capables d'occuper les zones qui étaient sous le contrôle des forces de maintien de la paix. En outre, le gouvernement devra offrir des possibilités d'emploi aux plus de 800 civils travaillant avec la Minusma et créer de nouvelles activités économiques pour combler le vide laissée par leur départ. Cela permettra de minimiser tout impact négatif supplémentaire sur le <a href="https://www.ilo.org/global/topics/employment-intensive-investment/countries/WCMS_327090/lang--en/index.htm">taux de chômage déjà fragile</a> du Mali. Bamako s'est dit <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/3/what-next-for-mali-after-minusma-withdrawal">capable de sécuriser ses 23 millions de citoyens</a>, mais n'a pas encore précisé comment il compte le faire. </p>
<p>Le gouvernement doit également mettre en œuvre les recommandations de la conférence nationale sur <a href="https://modelemali.com/2021/12/30/conclusions-des-assises-nationales-de-la-refondation-de-letat-niveau-national-decembre-2021/">la refondation de l'État</a>. Il s'agit notamment d'organiser des élections crédibles, équitables et transparentes. Un accord de transition adopté par le <a href="https://www.africanews.com/2022/02/21/mali-parliament-approves-new-charter-allowing-a-five-year-democratic-transition//">parlement en 2022</a> avait donné au gouvernement de transition deux ans pour rendre le pouvoir aux civils. </p>
<p>Cependant, les progrès en la matière ont déjà été remis en question. Le président intérimaire Assimi Goïta a récemment <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-66282417">adopté une nouvelle constitution</a> qui renforce ses pouvoirs.</p>
<p>La principale préoccupation est maintenant de savoir si le gouvernement militaire respectera la période de transition et organisera des élections qui redonneront le pouvoir à un président démocratiquement élu d'ici 2024. Pour y parvenir, il faut des <a href="https://www.studiotamani.org/29484-mali-la-cedeao-favorable-a-une-transition-supplementaire-de-12-mois">mesures gouvernementales</a> qui rétablissent la sécurité dans tout le pays, favorisent la <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/01/02/mali-peuls-et-dogons-des-freres-devenus-ennemis_1771562/">réconciliation nationale</a> et promeuvent la bonne gouvernance. </p>
<h2>Pourquoi c'est important</h2>
<p>Le retrait des troupes de l'ONU du Mali pourrait avoir des conséquences négatives sur la <a href="https://theconversation.com/un-troops-to-withdraw-from-mali-what-will-change-in-terms-of-security-209765">situation sécuritaire</a> et la croissance économique du pays. Il pourrait également compliquer <a href="https://www.africanews.com/2022/09/03/mali-ex-rebels-and-the-government-return-to-talks-after-almost-a-year//">les efforts de dialogue et de négociation avec les ex-rebelles</a>. </p>
<p>Une perte de soutien et d'engagement de la part de la communauté internationale pourrait conduire à une réduction de <a href="https://reliefweb.int/report/mali/minusma-liquidation-process-unpacked">l'aide financière et du soutien politique</a> en matière de lutte contre l'insécurité. Cela aurait un <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/3/what-next-for-mali-after-minusma-withdrawal">impact direct</a> sur la stabilité du pays – et de la région du Sahel.</p>
<p>La voie du dialogue constructif reste une condition essentielle pour une transition politique pacifique et la construction du “<a href="http://www.maliweb.net/societe/politique-espoir-mali-koura-salue-le-discours-2993460.html">Mali Koura</a>”, ou d'un nouveau Mali. </p>
<p>Le Mali a besoin de reconstruire sa société. Son peuple a <a href="https://www.studiotamani.org/43945-democratie-au-mali-les-aspirations-profondes-du-peuple-n-ont-pas-ete-comblees">aspire à une véritable démocratie et au développement</a>. Les autorités de transition doivent veiller à mettre fin à la mauvaise gouvernance, à la gabegie politique, à la corruption et au népotisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210601/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mady Ibrahim Kanté does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le dialogue constructif est une condition essentielle pour une transition politique pacifique au Mali.Mady Ibrahim Kanté, Lecturer, Université des sciences juridiques et politiques de BamakoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083882023-06-29T19:11:55Z2023-06-29T19:11:55ZTempête économique sur le rugby professionnel anglais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533719/original/file-20230623-29-we9ykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3123%2C2457&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le club des London Wasp, dont Raphaël Ibañez, actuel manager général de l'équipe de France, a porté les couleurs entre 2005 et 2009, a été placé en redressement judiciaire en octobre 2022.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapha%C3%ABl_Iba%C3%B1ez#/media/Fichier:Raphael_Ibanez.jpg">David Howlett / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le XV de France entame le 2 juillet sa <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/06/21/coupe-du-monde-de-rugby-la-premiere-liste-de-42-joueurs-appeles-a-preparer-le-mondial-avec-le-xv-de-france-connue_6178554_3242.html">préparation pour la coupe du monde de rugby</a> qu’il accueille sur son territoire à partir du mois de septembre. Après des résultats probants ces dernières années et notamment une <a href="https://www.leparisien.fr/sports/rugby/rugby-14-victoires-consecutives-pour-le-xv-de-france-05-02-2023-EFW3BAHMNZDJJMNLHJLCZJLLQA.php">série record de victoires consécutives</a>, l’enthousiasme est de mise. En <a href="https://theconversation.com/topics/angleterre-96726">Angleterre</a>, le <a href="https://theconversation.com/topics/rugby-20625">monde de l’ovalie</a> se porte au plus mal. Les <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">finances</a> des clubs de première division sont dans le rouge et trois d’entre eux ont même été exclus de la compétition au cours de la dernière saison. Christina Philippou et Kieran Maguire vous en expliquent les raisons dans cet article traduit de l’<a href="https://theconversation.com/uk">édition anglaise de The Conversation</a>.</em></p>
<hr>
<p>Le club de rugby anglais des <a href="https://www.london-irish.com/the-club/about-us/122/">London Irish</a> a été fondé en 1898. Près de 100 ans plus tard, il est devenu un club professionnel à part entière, juste à temps pour participer à la saison inaugurale de la Premiership, l’échelon supérieur du rugby anglais. Après 25 ans en première division, les London Irish ont été <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/rugby/rugby-les-london-irish-suspendus-pour-insolvabilite-le-mal-se-propage-en-premiership_AV-202306060940.html">exclus du championnat</a> début juin, incapables de fournir des garanties financières suffisantes à l’instance dirigeante du sport. Trop endetté, le club ne pouvait pas payer ni son personnel ni ses joueurs.</p>
<p>Il n’est pas le seul à avoir perdu ainsi sa place parmi l’élite. Deux autres clubs historiques, les <a href="https://www.rugbyrama.fr/rugby/premiership-angleterre/2020-2021/premiership-tous-les-joueurs-des-wasps-sont-licencies-le-club-est-place-sous-tutelle_sto9191841/story.shtml">London Wasps</a> (qui en 2020 était encore parvenu en finale du championnat) et les <a href="https://www.sudouest.fr/sport/rugby-les-joueurs-de-worcester-libres-de-signer-ailleurs-apres-une-decision-de-justice-12493433.php">Worcester Warriors</a>, ont déjà été exclus de la compétition et placés sous tutelle administrative au cours de la saison écoulée. Les joueurs ont été autorisés à quitter les clubs. Le troisième ligne Jack Willis est ainsi récemment devenu champion de France, titulaire en finale avec le Stade toulousain après avoir commencé la saison avec les Wasps.</p>
<p>Que trois équipes de premier plan disparaissent en moins d’un an témoigne d’un problème majeur dans le rugby anglais. D’autres clubs sont-ils menacés ? Le rugby professionnel est-il encore économiquement viable outre-Manche ?</p>
<h2>Une majorité de clubs insolvables</h2>
<p>Les <a href="https://www.gov.uk/government/organisations/companies-house">finances actuelles</a> des équipes de Premiership n’inspirent pas confiance. Les 13 clubs qui ont entamé la saison 2022-23 avaient tous enregistré des pertes lors de la saison précédente. Huit d’entre eux avaient même des capitaux propres négatifs, ce qui signifie qu’ils étaient techniquement insolvables et subventionnés par leurs propriétaires. Worcester et les London Irish faisaient partie de ce groupe. Cet indicateur était plutôt sain pour les Wasps, qui avaient néanmoins un <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/rugby-union/63874443">niveau d’endettement relativement élevé</a>.</p>
<p><iframe id="34tgN" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/34tgN/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les déboires de ces trois clubs ne sont que les derniers en date de la <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/SBM-10-2016-0063/full/html">longue histoire des problèmes économiques du rugby à XV en Angleterre</a>. Bien que des efforts aient été fournis pour stabiliser les finances du sport, notamment en contrôlant les coûts par le biais de plafonds salariaux, il est clair que le problème n’a pas été résolu. Le <a href="https://www.skysports.com/rugby-union/news/12321/11586168/premiership-rugby-sell-minority-stake-to-cvc-capital-partners">partenariat lucratif</a>, conclu entre la Premiership et une société de capital-investissement en 2019, avait permis aux clubs d’obtenir plus de 200 millions de livres sterling en échange d’une participation de 27 % dans l’organisation. Cet argent néanmoins n’a donné qu’un <a href="https://theconversation.com/rugby-unions-financial-crisis-why-the-sports-model-is-broken-192563">coup de pouce temporaire</a> aux finances des clubs.</p>
<h2>Des recettes en dent de scie</h2>
<p>Les clubs de rugby disposent de trois sources principales de revenus : la vente de billets les jours de match, le sponsoring et les droits de diffusion. Les recettes des jours de match sont les plus importantes, mais varient d’un match à l’autre. Le week-end avec la plus forte affluence a rassemblé <a href="https://www.premiershiprugby.com/news/record-breaking-weekend-in-gallagher-premiership-rugby#:%7E:text=GALLAGHER%20PREMIERSHIP%20Rugby%20came%20back,across%20the%20five%20matches%20played">16 400 spectateurs par stade</a> en moyenne.</p>
<p>Les recettes de sponsoring peuvent également varier et dépendent de l’intérêt des supporters. Les sponsors aiment aussi la stabilité. Le risque d’effondrement des clubs influe alors sur leurs accords : l’annulation de rencontres, lorsqu’une équipe adverse a été placée sous administration judiciaire par exemple, et l’incertitude quant à la viabilité de la ligue dans son ensemble rendent leur l’investissement risqué.</p>
<p>En ce qui concerne la dernière source de revenus, le rugby à XV s’est professionnalisé relativement tard, à la fin des années 1990. D’autres sports, tels que le football et le golf, avaient alors déjà trouvé leur place dans le calendrier sportif des principaux diffuseurs. C’est pourquoi les recettes restent relativement faibles. Elles s’élèvent à 40 millions de livres sterling par an pour la Premiership, contre 1,6 milliard de livres sterling pour la Premier League en football, 40 fois moins.</p>
<p>Un autre problème vital auquel la première division anglaise se trouve confrontée est son manque d’intégration au sein du sport lui-même. Le championnat se poursuit par exemple pendant d’autres événements rugbystiques tels que le très populaire tournoi des Six Nations. Les clubs jouent alors sans leurs joueurs appelés en sélection et surtout devant moins de téléspectateurs. Cela affecte les trois types de revenus. À titre de comparaison, les clubs de football anglais connaissent une pause internationale pour permettre aux joueurs de jouer pour leur équipe nationale à différents moments de l’année.</p>
<h2>Reconquérir le public</h2>
<p>Le gouvernement britannique a ainsi lancé une <a href="https://committees.parliament.uk/committee/378/digital-culture-media-and-sport-committee/news/173615/rugby-football-union-and-premiership-rugby-to-face-questions-from-mps/">enquête parlementaire</a> pour répondre aux préoccupations concernant ce sport. Des <a href="https://www.gov.uk/government/news/independent-advisers-appointed-by-government-to-help-stabilise-future-of-professional-rugby-union">conseillers indépendants ont été nommés</a> pour travailler sur la stabilité du rugby.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que le gouvernement britannique s’immisce dans le sport. Dans le football, il avait par exemple proposé d’introduire un <a href="https://www.gov.uk/government/publications/a-sustainable-future-reforming-club-football-governance">régulateur indépendant</a> devant l’état fragile des finances des clubs. Lorsque nous avons examiné en détail la <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1071503/Assessing_the_financial_sustainability_of_football__web_accessible_.pdf">viabilité financière des clubs de football</a> en 2022, nous avons d’ailleurs constaté des problèmes similaires à ceux observés dans le rugby.</p>
<p>Pour atteindre une viabilité économique et améliorer ses recettes, le rugby à XV doit évoluer de manière à encourager la croissance et à susciter davantage d’intérêt. L’avantage du rugby de première division par rapport aux autres sports d’équipe réside dans l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13606719.2012.674388?journalCode=rmle20">équilibre compétitif</a>, qui fait que les résultats sont rarement prévisibles. C’est une bonne chose pour les diffuseurs, car cela rend le sport plus passionnant et plus attrayant pour les téléspectateurs.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Toucher de nouveaux publics s’avère aussi essentiel, comme celui qui commence à s’intéresser au <a href="https://www.ruck.co.uk/record-viewing-figures-2023-womens-six-nations-helped-grow-womens-sport-coverage/#:%7E:text=The%20growth%20of%20viewership%20has,total%20of%2010.4%20million%20hours.">rugby international féminin</a>. Il serait également utile de cibler un public plus jeune par le biais des médias sociaux et de se débarrasser de l’image anglaise du rugby, perçu comme un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17430437.2020.1711739">sport élitiste</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/grassroots-rugby-clubs-struggling-to-find-players-wxp2dtc0g">nombre de licenciés est en baisse</a>, ce qui est une mauvaise nouvelle, car les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37032737/">études</a> montrent que les personnes qui pratiquent un sport sont plus susceptibles de le regarder. Si cette tendance se poursuit, les difficultés ne feront que se renforcer, et de plus en plus de clubs chargés d’histoire finiront par en payer le prix fort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208388/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Trois clubs de première division anglaise ont été exclus du championnat cette année pour des raisons financières, liées notamment à des revenus trop aléatoires.Christina Philippou, Principal Lecturer, Accounting, Economics and Finance, University of PortsmouthKieran Maguire, Senior Teacher in Accountancy and member of Football Industries Group, University of LiverpoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2068972023-06-08T18:00:23Z2023-06-08T18:00:23ZL’Irlande du Nord dans l’impasse<p>Le 18 mai 2023, le <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/non-classe/la-victoire-des-nationalistes-en-irlande-du-nord-un-succes-symbolique-qui-ne"><em>Sinn Féin</em></a>, parti favorable à la réunification de l’île d’Irlande, divisée depuis 1921 entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord (partie constitutive du Royaume-Uni) est arrivé en tête des élections locales nord-irlandaises. <a href="https://www.bbc.com/news/election/2023/northern-ireland/results">Avec 30,9 % des voix</a>, il affiche une progression de 7,7 % par rapport à 2019 et, surtout, détrône, une fois de plus, le DUP (<em>Democratic Unionist Party</em>), le principal parti unioniste (c’est-à-dire attaché au maintien de l’Irlande du Nord dans le Royaume-Uni).</p>
<p>La campagne électorale a largement tourné autour de l’avenir de l’Assemblée d’Irlande du Nord, souvent bloquée depuis sa création en 1998 dans le cadre des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2018/04/10/01003-20180410ARTFIG00015-le-long-chemin-vers-l8216accord-du-vendredi-saint-en-irlande-du-nord.php">Accords du Vendredi saint</a>, et complètement paralysée depuis février 2022 par le DUP. Celui-ci est en effet profondément hostile <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/288371-brexit-accord-ue-royaume-uni-sur-lirlande-du-nord#">aux accords post-Brexit signés entre le Royaume-Uni et l’UE</a>, qui prévoient un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/27/brexit-qu-est-ce-que-le-protocole-sur-l-irlande-du-nord_6163530_3210.html">statut à part</a> pour l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Aux yeux des unionistes, ces dispositions mettraient en danger l’identité britannique de la Province.</p>
<p>Cette situation a donné à ces élections locales une autre dimension : celle d’un référendum sur le blocage politique causé par le DUP.</p>
<p>Pour rappel, depuis le Brexit, l’Irlande du Nord, en sa qualité de composante du Royaume-Uni, n’est plus membre de l’UE. Elle demeure cependant soumise à certaines règles régissant le marché unique européen, afin de protéger l’économie de l’île et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/27/brexit-qu-est-ce-que-le-protocole-sur-l-irlande-du-nord_6163530_3210.html">l’Accord de Belfast de 1998</a>.</p>
<h2>Le <em>Sinn Féin</em> tire son épingle du jeu</h2>
<p>L’année dernière déjà, lors d’une <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/elections-legislatives-en-irlande-du-nord-un-seisme-politique-attendu-209705">victoire historique</a>, le <em>Sinn Féin</em> était arrivé en tête des élections à l’Assemblée nord-irlandaise de mai 2022 (en <a href="https://www.bbc.com/news/election/2022/northern-ireland/results">obtenant 29 % des suffrages</a>), destituant ainsi le DUP de son titre de premier parti politique de la Province.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>À l’issue de ces élections, Michelle O’Neill (vice-présidente du <em>Sinn Féin</em>) aurait dû devenir Première ministre de l’Irlande du Nord avec, à ses côtés, Jeffrey Donaldson, chef du DUP, en tant que vice-Premier ministre. C’était sans compter avec un contexte politique post-Brexit tendu qui a conduit Jeffrey Donaldson à <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/irlande-du-nord-les-unionistes-refusent-tout-compromis-vers-des-elections-anticipees-20221027">refuser de former un exécutif</a> tant que les inquiétudes des unionistes au regard du statut de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni ne seraient pas apaisées. </p>
<p>En effet, suite à la négociation du Protocole nord-irlandais de 2020, puis des <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/irlande-du-nord-ce-que-contient-laccord-du-cadre-de-windsor-TL2E4Y4LU5FGVHYCPNDI5LWRUU/">Accords de Windsor</a> cette année, qui ont établi la frontière douanière entre le Royaume-Uni et l’UE en mer d’Irlande (soit entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni), le DUP a annoncé, en signe de protestation, qu’il renonçait à siéger au sein des institutions politiques nord-irlandaises. De fait, l’Irlande du Nord se trouve sans exécutif depuis février 2022.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1F7eP_mxOzc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Se posent dès lors les questions suivantes : la défaite du DUP aux élections locales du 18 mai dernier signifie-t-elle que, aux yeux de la population, le parti fait fausse route en bloquant les institutions politiques nord-irlandaises ? Quels ont été les ressorts de la campagne victorieuse du <em>Sinn Féin</em> ? Enfin, ce succès peut-il faciliter la formation d’une nouvelle Assemblée nord-irlandaise où partisans et opposants de la réunification siégeraient côté à côte ?</p>
<h2>L’intransigeance du DUP, cause de son recul politique ?</h2>
<p>Si l’on s’en tient strictement aux chiffres des résultats aux élections du 18 mai, on constate que le DUP n’a reculé que de 0,8 % par rapport aux élections locales précédentes, <a href="https://www.bbc.com/news/election/2023/northern-ireland/results">remportant 23,3 % des suffrages</a> et a obtenu exactement le même nombre d’élus locaux qu’en 2019 (122). Le recul – limité – du parti ne serait donc, a priori, pas assimilable à un vote sanction. </p>
<p>De plus, si l’on se réfère aux <a href="https://www.belfasttelegraph.co.uk/news/politics/lucidtalk-poll-sinn-feins-lead-over-dup-almost-halved-since-assembly-election/1974770182.html">sondages du site <em>Lucid Talk</em></a>, effectués quelques semaines avant les élections locales, il ne semble pas que l’électorat du DUP ait véritablement sanctionné ce dernier en raison de son blocage des institutions politiques nord-irlandaises. En effet, à la question « Le DUP devrait-il accepter les Accords de Windsor et réintégrer l’Assemblée nord-irlandaise ? », 76 % des sympathisants du DUP avaient répondu que le parti devait poursuivre le blocage, 17 % seulement préférant un retour au partage du pouvoir dans la Province, afin de renégocier les Accords. </p>
<p>Aussi, l’opinion générale des unionistes (les électeurs du DUP, du plus conservateur TUV – <em>Traditional Unionist Voice</em> – et du plus modéré UUP – <em>Ulster Unionist Party</em> – confondus) à l’égard des accords de Windsor semble s’être durcie, <a href="https://www.belfasttelegraph.co.uk/news/politics/lucidtalk-poll-sinn-feins-lead-over-dup-almost-halved-since-assembly-election/1974770182.html">62 % des électeurs unionistes se disant favorables au blocage des institutions politiques</a> tant que les Accords de Windsor ne seront pas annulés. </p>
<p>Le recul du DUP peut être expliqué par la progression des unionistes conservateurs du TUV, <a href="https://www.bbc.com/news/election/2023/northern-ireland/results">dont le score a augmenté de 1,7 %</a> aux dernières élections. Une progression qui s’inscrit dans la logique du durcissement de la position des unionistes face aux accords commerciaux nés du Brexit. </p>
<p>Surtout, et même si l’écart entre le <em>Sinn Féin</em> et le DUP s’est resserré (il était de <a href="https://www.belfasttelegraph.co.uk/news/politics/lucidtalk-poll-sinn-feins-lead-over-dup-almost-halved-since-assembly-election/1974770182.html">8 points aux élections à l’Assemblée nord-irlandaise de mai 2022 et de seulement 4 points aux élections locales du 18 mai 2023</a>) le succès électoral du parti pro-réunification est indéniable. Le recul du DUP à la deuxième place de ces élections s’explique sans doute, au moins en partie, par l’augmentation significative des votes en faveur du <em>Sinn Féin</em>.</p>
<h2>Les campagnes du <em>Sinn Féin</em> et du DUP : deux visions contrastées</h2>
<p>Le <em>Sinn Féin</em> n’a pas tant fait campagne sur le sujet de la réunification irlandaise que sur des <a href="https://www.sinnfein.ie/files/2023/LE23_Manifesto_English.pdf">thèmes concrets d’une grande actualité</a> : l’emploi, la santé, le pouvoir d’achat, le logement et la représentation du peuple nord-irlandais au sein d’institutions politiques fonctionnelles.</p>
<p>Sur ce dernier point, l’approche constructive adoptée par le parti a séduit une large partie de l’électorat. Dans le manifeste électoral du <em>Sinn Féin</em>, sa présidente Mary Lou McDonald déclare en effet : « Nous sommes déterminés à remettre l’exécutif sur pied, à offrir un gouvernement pour tous », propos précisés par la vice-présidente, Michelle O’Neill : « Nous sommes prêts à former un exécutif depuis les élections à l’Assemblée nord-irlandaise de mai dernier, et à travailler avec les autres partis pour apporter des solutions aux travailleurs et aux familles. » </p>
<p>Par ailleurs, le parti a su convaincre la jeune génération. Selon de récents sondages, il est la formation politique la plus populaire <a href="https://www.irishnews.com/news/northernirelandnews/2022/05/03/news/opinion-poll-shows-sinn-fe-in-most-popular-among-post-good-friday-agreement-generation-2658426/">auprès des personnes nées après les Accords de paix de 1998</a>. Il serait soutenu par 36,5 % des électeurs âgés de moins de 35 ans, mais seulement par 9,3 % des électeurs âgés de plus de 60 ans.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o8KFkmIJn6A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>De son côté, le DUP a largement <a href="https://s3.eu-west-1.amazonaws.com/my-dup/031761-DUP-2023-Manifesto.pdf">axé sa campagne</a> sur la la <a href="https://www.politico.eu/article/northern-irelands-dup-to-vote-against-windsor-framework-deal/">nécessité de renégocier les Accords de Windsor</a>, dont il estime qu’ils menacent le statut de la Province au sein du Royaume-Uni.</p>
<p>Il a également insisté sur la <a href="https://www.belfasttelegraph.co.uk/news/general-election-2017/dup-exploiting-conflict-survivors/31147648.html">justice pour les victimes du conflit nord-irlandais</a> ; l’accès à des services de qualité ; la coopération avec les autres partis unionistes afin de préserver la culture et l’héritage de la population « pro-union » en Irlande du Nord ; ou encore la <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-northern-ireland-politics-56041849">remise en cause du droit à l’avortement</a>, lequel n’a été <a href="https://www.slate.fr/story/235273/irlande-du-nord-avortement-legal-ivg-etude#">dépénalisé en Irlande du Nord qu’en 2019</a>. Des thèmes ayant visiblement moins séduit, si ce n’est un électorat plus âgé que celui du <em>Sinn Féin</em>, puisque les trois quarts des électeurs du parti de Jeffrey Donaldson sont âgés de plus de 35 ans, ce qui reflète un <a href="https://www.irishnews.com/news/northernirelandnews/2022/05/03/news/opinion-poll-shows-sinn-fe-in-most-popular-among-post-good-friday-agreement-generation-2658426/.">vieillissement de l’électorat du DUP</a>.</p>
<h2>La fin du blocage politique est-elle envisageable ?</h2>
<p>Le DUP a certes reculé au rang de deuxième parti derrière le <em>Sinn Féin</em>, mais il reste le porte-parole principal de la communauté unioniste. Il est donc peu probable que le blocage des institutions politiques nord-irlandaises soit levé, d’autant que Jeffrey Donaldson a interprété le résultat enregistré par sa formation comme une <a href="https://www.irishnews.com/news/northernirelandnews/2023/05/28/news/jeffrey_donaldson_election_results_renew_mandate_to_oppose_post-brexit_trade_arrangements-3308636/">validation de l’opposition du DUP aux accords commerciaux post-Brexit</a> (et par conséquent de son blocage des institutions politiques), et risque donc de persévérer dans cette stratégie.</p>
<p>Pour Michelle O’Neill, en revanche, « il est clair que la population nord-irlandaise a saisi l’opportunité d’envoyer un signal clair, qu’il est temps de <a href="https://www.breakingnews.ie/ireland/council-election-results-send-message-that-stormont-must-return-sinn-fein-1478224.html">remettre l’Assemblée sur pied »</a> dans la mesure où le <em>Sinn Féin</em> a une fois de plus devancé le DUP.</p>
<p>À défaut de mettre fin au blocage des institutions politiques dans la Province, ces élections ont au moins permis d’élire des autorités locales qui peuvent fonctionner indépendamment de celles de l’Assemblée nord-irlandaise à Stormont et travailler pour la population. Espérons toutefois qu’un compromis politique puisse être trouvé prochainement…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Dexpert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les institutions nord-irlandaises sont bloquées depuis plus d’un an du fait de l’opposition entre tenants de l’unification avec la République d’Irlande et partisans du maintien au sein du Royaume-Uni.Magali Dexpert, Enseignante et chercheuse en civilisation britannique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2051432023-05-11T18:15:52Z2023-05-11T18:15:52ZIl était une fois le Wrexham AFC, club de foot devenu attraction Disney<p>La saison 2022-2023 de l’un des plus anciens clubs de <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> au monde restera gravée dans les mémoires. L’équipe masculine de Wrexham a <a href="https://www.skysports.com/football/news/11095/12863302/wrexham-promoted-back-to-football-league-after-15-year-exile-as-hollywood-watches">remporté le titre</a> de National League et a été promue en League Two qui, comme son nom ne l’indique pas, est la quatrième division anglaise. On reste encore loin des sommets vertigineux de la Premier League, mais les supporters et les célèbres propriétaires du club, les acteurs Ryan Reynolds (Deadpool dans les films <em>X-men</em>) et Rob McElhenney, ont accueilli ce succès avec la joie qu’il mérite.</p>
<p>Pour <a href="https://www.theguardian.com/football/2021/feb/09/ryan-reynolds-and-rob-mcelhenney-complete-takeover-of-wrexham">2 millions de livres sterling</a> (un peu plus de 2 millions d’euros), le duo hollywoodien s’était offert le Wrexham Association Football Club en 2021 et a depuis inondé leur petit coin d’adoption du nord du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Pays de Galles</a> de tout le glamour californien, notamment grâce à <a href="https://theconversation.com/topics/disney-21590">Disney</a>. Le club fait maintenant l’objet d’une <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/football/62663215">série documentaire</a> disponible sur la plate-forme Disney+.</p>
<p>Ce conte de fées moderne sur le football, c’est un peu comme dans le <a href="https://www.the-numbers.com/movies/franchise/Cars#tab=summary">dessin animé populaire <em>Cars</em></a>, dans lequel une grande star se retrouve à vivre dans une petite ville de province. La star en question, Flash McQueen, finit par tomber amoureux de la ville de Radiator Springs, jadis point de passage obligé des voyageurs mais tombée en désuétude car court-circuitée par la mise en place d’une autoroute. La voiture de course incite ses nouveaux voisins à rêver grand. L’intrigue raconte l’histoire du grand rêve américain, selon lequel tout le monde peut atteindre le sommet, et souligne l’importance du lieu et de ses habitants.</p>
<p>Dans la version réelle qui se déroule dans le nord du Pays de Galles, Ryan Reynolds incarne le rôle principal, et le club devient le décor à la place de Radiator Springs. Le Wrexham AFC a une longue histoire et des supporters fidèles. Récemment, il a néanmoins connu des temps difficiles et s’est enfoncé dans les bas-fonds des ligues professionnelles anglaises. Dans les années 2000, le club a passé près de deux ans sous tutelle administrative et, en 2011, il a même fait l’objet d’une <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-wales-north-east-wales-13101239">ordonnance de mise en liquidation</a> pour ne pas avoir payé ses impôts.</p>
<h2>Disney en a fait des vedettes</h2>
<p>Ryan Reynolds, est arrivé en sauveur à un moment où l’on avait besoin de lui. Il a notamment su prouver qu’il n’était <a href="https://the-take.com/read/how-ryan-reynolds-went-from-star-to-wealthy-entrepreneur">pas dupe dans le monde des affaires</a>. Son objectif était d’extraire une valeur commerciale et financière du football grâce à une gestion astucieuse et à son expérience dans le domaine du divertissement : son bilan est d’ores et déjà impressionnant.</p>
<p>Wrexham a attiré l’attention du monde entier et a conclu de nouveaux contrats de sponsoring. Le propriétaire parle même maintenant de créer un <a href="https://ca.sports.yahoo.com/news/nhl-ryan-reynolds-wants-to-bring-welcome-to-wrexham-style-show-to-ottawa-174335500.html">réseau de franchises sportives</a>. Il est passé du statut d’observateur impassible du football à celui d’<a href="https://www.indy100.com/celebrities/ryan-reynolds-wrexham-tribute">amoureux du jeu et de Wrexham</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LwJPAjIUGzc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Rob McElhenney et lui sont ainsi devenus les vedettes de Welcome to Wrexham, la série de Disney+ qui affirme que les acteurs « apportent de l’espoir et du changement à une communauté qui en a besoin ». On estime que chaque épisode génère environ <a href="https://www.dailypost.co.uk/whats-on/whats-on-news/welcome-wrexham-documentary-rakes-430000-25923219">430 000 livres sterling</a> (près de 500 000 euros) pour le club et ses propriétaires.</p>
<p>Une partie du succès de Wrexham porte donc la marque de ce que l’on appelle la <a href="https://newint.org/features/1998/12/05/guide">« disneyfication »</a>, c’est-à-dire la création de divertissements sentimentalement convaincants pour des publics de masse dans tous les domaines, du sport à la <a href="https://www.theguardian.com/culture/tvandradioblog/2006/nov/23/disneyfyingnature">nature</a> en passant par les <a href="http://www.booksthatgrow.com/the-disneyfication-of-fairy-tales">contes pour enfants</a>. La « disneyfication » est souvent considérée comme synonyme de mondialisation, de commercialisation et de réification, et les recherches montrent qu’elle présente certaines caractéristiques essentielles.</p>
<h2>Disney, un succès et des craintes</h2>
<p>La première, connue sous le nom de <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781003086437-10/disneyfication-olympics-alan-tomlinson">« thématisation »</a>, consiste à placer une institution dans un récit qui n’a, pour l’essentiel, rien à voir avec ses origines. Le Wrexham AFC a été créé en 1864 et la majeure partie de son existence n’a en apparence pas de quoi offrir un contenu numérique déchirant pour une entreprise de divertissement américaine et deux acteurs hollywoodiens. Les joueurs ont presque soudainement cessé de taper simplement dans un ballon pour devenir les acteurs d’un drame diffusé en continu dans le monde entier.</p>
<p>Une autre composante de la « disneyfication » est la « consommation hybride », qui consiste à attirer des fans et des consommateurs potentiels par divers moyens commerciaux. Dans le cas de Wrexham, cela a commencé par la possession d’un stade assez grand pour accueillir 10 000 spectateurs. Cela s’est poursuivi sur les réseaux auprès des <a href="https://the18.com/en/soccer-entertainment/welcome-to-wrexham-should-you-watch">319 000 personnes</a> qui ont regardé le premier épisode de Welcome to Wrexham, puis du <a href="https://www.tiktok.com/@wrexham_afc">million d’abonnés</a> au compte TikTok du club.</p>
<p>La « disneyfication » exige également que l’on se concentre sur la vente de produits. À cette fin, le <a href="https://www.business-live.co.uk/economic-development/tiktok-agrees-deal-sponsor-wrexham-20938128">logo de TikTok</a> est apparu sur les maillots de Wrexham, <a href="https://www.dailypost.co.uk/sport/welcome-wrexham-huge-spike-demand-25024992">principal produit dérivé du club</a>. Visitez la boutique en ligne de Wrexham et vous verrez même des maillots avec le logo d’Aviation Gin, une entreprise d’alcool dans laquelle Ryan Reynolds a une <a href="https://www.foodandwine.com/news/ryan-reynolds-aviation-gin-sale-diageo">participation</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les amateurs de football les plus traditionnels <a href="https://www.cityam.com/wrexhams-promotion-feelgood-fairy-tale-or-brand-building-exercise-that-sticks-in-the-craw-our-writers-debate/">redoutent</a> l’influence que les propriétaires de Wrexham exercent sur le sport et sur le club, et craignent que le phénomène ne se répande désormais dans les ligues inférieures autant qu’au <a href="https://www.theguardian.com/football/2017/aug/31/disneyfication-clubs-manchester-city-red-bull">sommet du football anglais</a>. Certains redoutent que le Racecourse Ground, l’antre du club, devienne plus un <a href="https://tribes.hypotheses.org/2810">parc à thème</a> qu’un stade de football.</p>
<p>Reste que la « disneyfication » de Wrexham est en train de changer la ville, un peu comme l’influence de Flash McQueen sur Radiator Springs. Le nombre de <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-wales-65336986">touristes</a> a grimpé en flèche et le succès du club commence à avoir un <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-wales-63256557">impact économique local tangible</a> que l’on peut voir sur les réservations de chambres d’hôtel ou les ventes de bière.</p>
<p>À l’instar des attractions de Disney dans le monde entier, un petit club de football s’avère capable de générer des retours financiers et un soupçon de fantaisie. Cette ville provinciale du nord du Pays de Galles tient entre ses pieds une version Disney du rêve américain et peut désormais en profiter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205143/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Acquis par deux acteurs hollywoodiens, ce petit club gallois fait l’objet d’une série sur Disney+. À la manière de Radiator Springs dans le dessin animé Cars, la ville a ainsi retrouvé la lumière.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Reader of Sport Business, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2002112023-03-08T19:05:16Z2023-03-08T19:05:16ZCe que les grèves britanniques ont d’historique<p>Une grève « inédite » et « historique » : c’est en ces termes que la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/greve-historique-au-royaume-uni-20230131">presse</a> francophone qualifie volontiers le mouvement social que connaît le Royaume-Uni depuis l’été 2022, marqué par une mobilisation massive de nombreux corps de métier autour des problématiques de la baisse du pouvoir d’achat, de la fragilisation des statuts socio-professionnels et, indirectement, de la qualité des services publics.</p>
<p>Qu’en est-il en réalité ? En quoi le mouvement actuel se distingue-t-il des grandes grèves ayant marqué l’histoire sociale britannique de ces cinquante dernières années ? Les participants sont-ils plus nombreux, et viennent-ils d’autres milieux que précédemment ? Quelques éléments de réponse.</p>
<h2>Quantifier les grèves : ce qui se compte</h2>
<p>Pour mesurer l’ampleur d’un mouvement de grèves, les <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2009-2-page-51.htm">analystes se sont dotés d’un outil quantitatif</a> : le nombre de journées de travail perdues. Cet indicateur, qui privilégie une approche comptable, peut surprendre ou sembler désincarné, voire déshumanisant pour les grévistes, mais il est en fait assez fidèle à l’esprit des travaux de Marx.</p>
<p>Chez le penseur de la lutte des classes, le temps de travail est une variable fondamentale (voir par exemple le <a href="https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-10-1.htm">Chapitre X</a> du <em>Capital</em> sur la journée de travail). C’est la durée du travail imposée aux ouvriers qui détermine le profit que peuvent réaliser leurs employeurs. Quand le temps de travail tombe à zéro un jour de grève, le profit aussi.</p>
<p>Cet indicateur n’est donc pas aussi abstrait qu’il y paraît, et rend compte assez fidèlement des rapports de force entre travailleurs et employeurs. Il présente également l’avantage de permettre des comparaisons entre différents pays ou différentes époques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7NQYdzzVTCQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Au Royaume-Uni, le <a href="https://books.openedition.org/pus/4523?lang=fr">record fut atteint en 1926</a>, avec plus de 162 millions de journées perdues lors d’une grève générale menée par les mineurs, dont les conditions de travail et de rémunération étaient menacées, et soutenue par d’autres secteurs. Des pics de contestation sociale sont ensuite enregistrés en <a href="https://okina.univ-angers.fr/publications/ua3057/1/la_guerre_est_declaree2.pdf">1972</a>, <a href="https://journals.openedition.org/rfcb/1683">1979</a> et en <a href="https://www.history.ox.ac.uk/miners-strike-1984-5-oral-history">1984</a> : ces années-là, celles de la mise en œuvre de politiques de plus en plus libérales par les premiers ministres Edward Heath (1970-1974) et Margaret Thatcher (1979-1990), le total de journées de grève a été compris entre 20 et 30 millions.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Après 1985, qui fut <a href="https://www.lesechos.fr/2018/07/1984-1985-la-dame-de-fer-contre-les-hommes-du-charbon-1120320">l’année de la défaite des mineurs après une grève de plusieurs mois</a>, les chiffres baissent tout en restant substantiels, puis s’effondrent au début des années 1990 : ils ne dépassent plus alors le million qu’en quelques occasions. Derrière cette baisse de la conflictualité sociale se cache le <a href="https://www.syllepse.net/ici-notre-defaite-a-commence-_r_46_i_680.html">traumatisme de la défaite de 1985</a> et le <a href="https://tribunemag.co.uk/2020/06/blairs-trade-union-reform-at-20">développement continu de la législation anti-syndicale</a>, tant sous le conservateur John Major que sous son successeur travailliste (et très centriste) Tony Blair.</p>
<p>La dynamique de la grève, sur le temps long, va donc decrescendo. Mais si l’on observe les chiffres les plus récents, on constate que les derniers mois vont à l’encontre de cette pente historique : sur le deuxième semestre de 2022, le pays totalise <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/royaume-uni-le-chomage-reste-stable-en-decembre-dans-une-economie-qui-stagne-20230214">plus de 2,3 millions de journées de travail perdues</a>, avec une tendance à la hausse de mois en mois, qui ne s’est d’ailleurs pas démentie en ce début 2023. De tels chiffres n’avaient plus été atteints depuis 1989.</p>
<p>Le conflit actuel est donc d’ores et déjà, selon cette métrique, le plus important des trente dernières années, soit une génération. Quantitativement, c’est incontestable : la vague de grèves actuelle est bel et bien historique.</p>
<h2>Qualifier les grèves : ce qui se voit</h2>
<p>Mais compter les jours de grève ne suffit pas à saisir la spécificité d’un mouvement syndical ; il faut aussi déterminer, qualitativement, quels secteurs y sont impliqués.</p>
<p>En juin 2022, les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/23/deuxieme-grand-jour-de-greve-des-cheminots-britanniques_6131720_3210.html">cheminots britanniques</a> sont parmi les premiers à recourir à la grève pour faire entendre leurs revendications salariales. Après eux viennent d’autres travailleurs des services d’intérêt collectifs – terme que l’on préfère à celui de « services publics » au Royaume-Uni, car il permet de désigner aussi ceux d’entre eux qui ont été privatisés, <a href="https://www.cairn.info/revue-chronique-internationale-de-l-ires-2020-1-page-30.htm">dont le rail fait justement partie</a>.</p>
<p>Les chauffeurs de bus, mais aussi les facteurs se mettent en grève, également sur la question des salaires, à laquelle s’ajoute pour ces derniers la question de « l’uberisation » de leur métier, rendue possible par la <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20130711trib000775231/la-privatisation-de-royal-mail-ne-passe-pas-comme-une-lettre-a-la-poste.html">privatisation de la <em>Royal Mail</em> en 2013</a>.</p>
<p>Plus tard dans l’année 2022, ces bastions syndicaux sont imités par d’autres secteurs moins familiers de l’action collective : dans la santé (infirmiers, ambulanciers et internes), dans l’éducation (enseignants, universitaires, directeurs d’école), mais aussi pompiers, personnel du contrôle aux frontières dans les aéroports, examinateurs du permis de conduire. Tous se mobilisent sur la question salariale, avec des inflexions particulières selon les secteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1620788864871956480"}"></div></p>
<p>Mais, et c’est là l’une des spécificités du mouvement actuel, les employés des services d’intérêt collectif ne sont pas les seuls à prendre part à ce mouvement. Dans le secteur privé aussi, où les syndicats sont beaucoup moins présents (<a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1077904/Trade_Union_Membership_UK_1995-2021_statistical_bulletin.pdf">12,8 % de syndiqués en 2021, contre 50,1 % dans le secteur public</a>), les conflits salariaux se sont multipliés au cours des derniers mois.</p>
<p>On peut ainsi citer les dockers (ceux de Liverpool ont obtenu des augmentations <a href="https://www.unitetheunion.org/news-events/news/2022/november/liverpool-dockers-celebrate-major-victory-after-unite-secures-pay-deal-worth-between-143-and-185/">allant de 14,3 % à 18,5 %</a>), ou encore les <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/aug/10/ineos-grangemouth-oil-refinery-pay-dispute-strikes-inflation">employés de la pétrochimie</a> et ceux <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/greve-inedite-des-employes-damazon-au-royaume-uni-1900572">d’Amazon</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=886&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=886&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=886&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513700/original/file-20230306-18-dg98my.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des manifestantes demandent la revalorisation des salaires dans le secteur de la santé à Londres le 20 décembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/london-uk-december-20th-2022-england-2240025823">Brian Minkoff/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il faut noter encore que les femmes sont en première ligne des grèves britanniques d’aujourd’hui. Elles représentent <a href="https://www.tuc.org.uk/EqualityAudit2022?page=2=">plus de la moitié</a> des personnes syndiquées, sont très largement majoritaires dans certains secteurs mobilisés (<a href="https://www.counterfire.org/article/a-womens-strike-wave-weekly-briefing/">infirmières et enseignantes notamment</a>) et deux des principaux syndicats, <em>Unite</em> dans le privé et <em>Unison</em> dans le public, sont <a href="https://www.theguardian.com/politics/2022/dec/02/who-female-union-leaders-uk-strike-action">menés par des femmes</a>. Cette féminisation du mouvement social répond à celle du marché du travail, et vient renouveler un mouvement syndical longtemps dominé par les hommes et le secteur manufacturier.</p>
<p>Femmes et hommes en grève sont engagés dans des bras de fer salariaux avec leurs patrons : chaque conflit est indépendant et peut aboutir ou échouer. Si des journées de grèves et d’actions coordonnées entre syndicats et entre secteurs sont organisées, comme le <a href="https://www.tf1info.fr/international/ecoles-trains-administration-journee-de-greve-inedite-au-royaume-uni-ce-mercredi-1er-fevrier-pour-de-meilleurs-salaires-2246742.html">1er février 2023</a>, les grévistes ne défilent par derrière un mot d’ordre commun, comme le retrait de la réforme des retraites en France.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que leurs revendications résonnent les unes avec les autres, et que la victoire ou la présence en manifestation d’un secteur donne confiance aux autres. Cette multiplication des secteurs, ces résonances et ces ébauches de coordination font donc de ces grèves un mouvement sinon inter-, du moins pluri-, ou multiprofessionnel. En cela, on retrouve ici une dynamique de construction d’alliances qui évoque, sans l’égaler pour le moment, le soutien aux mineurs en grève par le reste du mouvement social dans les années 1980.</p>
<h2>Décrypter le mouvement : ce qui ne se voit pas</h2>
<p>En plus d’être important par le nombre et la diversité des grévistes, ce mouvement a deux caractéristiques moins tangibles, mais qui font aussi sa spécificité.</p>
<p>La vague de grèves actuelle est la première de cette ampleur depuis le déploiement progressif et continu d’une sévère législation anti-syndicale au cours des quatre dernières décennies. Sans rentrer ici dans les détails (on se référera aux travaux de <a href="https://journals.openedition.org/rfcb/1148">Marc Lenormand</a> sur ce sujet), entreprendre une grève au Royaume-Uni aujourd’hui relève en soi d’un tour de force.</p>
<p>Les syndicats sont tenus, pour organiser une grève, de consulter leurs adhérents par voie postale, avec des conditions strictes de participation, et ne peuvent le faire qu’au sujet d’un conflit actuel et circonscrit à la question du salaire ou des conditions de travail. Le volet le plus récent de cet arsenal législatif, le projet de loi <em>Strikes (Minimum Services Levels) Bill 2023</em> est <a href="https://www.gov.uk/government/publications/strikes-minimum-services-levels-bill-2023">actuellement en discussion au Parlement</a>. La loi permettra des réquisitions de grévistes dans six secteurs jugés essentiels (santé, pompiers, éducation, transport, contrôle aux frontières et nucléaire) pour qu’un <a href="https://www.lefigaro.fr/social/royaume-uni-le-gouvernement-conservateur-va-instaurer-un-service-minimum-lors-des-greves-20230105">service minimum</a> soit assuré, sous peine de licenciement en cas de refus. Le degré de colère et de détermination des grévistes britanniques se mesure donc aussi à la hauteur des embûches qui se dressent sur leur chemin. Les 2,3 millions de journées de grève se sont déroulées dans un contexte particulièrement difficile.</p>
<p>Enfin, ce contexte invite aussi à ne pas réduire le mouvement à l’expression de ses revendications officielles. Formuler leurs revendications en termes salariaux est une nécessité légale pour les syndicats britanniques, ce qui explique que la <a href="https://national-education-union.boast.io/w/da9f499c-89e6-43d7-a62f-458c69bed8fb">banderole</a> officielle de la <em>National Union of Education</em> réclame des hausses de salaire (<em>Pay Up !</em>) mais que la myriade de pancartes faites à la main qui l’entourent en manifestation témoigne de revendications beaucoup plus variées.</p>
<p>La question des salaires est en soi un motif de colère dans un pays où l’inflation est si haute et les salaires si bas que le pouvoir d’achat est en chute libre (<a href="https://www.mirror.co.uk/news/politics/teachers-hit-5-real-terms-28927626">-13 % sur dix ans pour la majorité des enseignants</a>).</p>
<p>Mais les grévistes réclament aussi, selon les cas, de meilleurs statuts, de meilleurs horaires, et surtout, de meilleures conditions d’accueil des usagers dans les services publics, donc des embauches massives, notamment dans l’éducation et la santé. En cela, ces grèves ont aussi des résonances avec la situation française, où le mouvement contre la réforme des retraites porte aussi implicitement sur le modèle social du pays. La simultanéité de ces deux mouvements, où les syndicats sont en pointe, est aussi une spécificité de la conjoncture actuelle. S’il est trop tôt pour dire si celle-ci est historique à l’échelle de l’espace transmanche, il ne fait pas de doute que les grèves britanniques actuelles, par leur ampleur, leur diversité et leur portée, sont un moment d’histoire singulier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémence Fourton est membre de l'Union syndicale Solidaires. </span></em></p>Le Royaume-Uni connaît depuis des mois un mouvement social de grande ampleur, sans précédent depuis les grèves des mineurs des années 1970 et 1980.Clémence Fourton, Maîtresse de conférences en études anglophones, Sciences Po LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2000142023-03-02T20:03:09Z2023-03-02T20:03:09ZFamille royale, showbiz et paparazzi : les tabloïds, une histoire 100 % british<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/513200/original/file-20230302-20-konvfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C398%2C4031%2C2619&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La presse à sensation fait toujours recette en Grande-Bretagne.</span> </figcaption></figure><p>Le documentaire <a href="https://www.netflix.com/fr/title/81439256"><em>Harry & Meghan</em></a> – sorti en décembre 2022 sur Netflix – et dans lequel le couple détaille les raisons de son conflit avec le reste de la famille royale, met en cause les médias britanniques et en particulier les tabloïds, taxés de harcèlement, et jugés en grande partie responsables du <a href="https://www.nytimes.com/2020/01/15/world/europe/harry-meghan-megxit-brexit.html">« Megxit »</a>. Mais à quand remonte l’apparition de ces journaux à sensation, quel est leur mode de fonctionnement, et pourquoi rencontrent-ils un tel succès outre-Manche ?</p>
<p>Les débuts de la presse britannique furent chaotiques, mais grâce aux progrès techniques, économiques et sociétaux, elle allait devenir une industrie puissante et influente, à tel point qu’on la surnomme le <a href="https://www.greelane.com/fr/sciences-humaines/probl%C3%A8mes/what-is-the-fourth-estate-3368058/">« quatrième pouvoir »</a>, allusion à sa place de contrepouvoir face à l’exécutif, au législatif et au judiciaire.</p>
<h2>Un peu d’histoire…</h2>
<p>Les premiers journaux paraissent en Écosse, en Angleterre et en Irlande avant la fin du XVII<sup>e</sup> siècle : le <a href="https://www.nls.uk/collections/rare-books/collections/newspapers/mercurius-caledonius/"><em>Mercurius Caledonius</em></a> à Édimbourg en 1660, puis la <a href="http://www.1-jour.fr/7-nov-1665-premiere-publication-du-london-gazette/"><em>London Gazette</em></a> en 1665, et en 1685, la <em>News Letter</em> à Dublin. En 1691, grâce aux progrès technologiques, l’Angleterre met en place un système postal national, ce qui facilite la publication quotidienne de certains titres.</p>
<p>Cependant, pour contrer le développement de la presse, le parlement britannique vote la loi <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Stamp_Act_1712">Stamp Act</a> en 1721. Cette taxation sur les journaux et autres publications, qui est une forme de censure imposée par l’état, est finalement abrogée en 1855.</p>
<p>Les innovations technologiques de l’imprimerie permettent alors la croissance rapide de la presse britannique, qui devient une industrie à part entière à la fin du dix-neuvième siècle et s’installe dans la vie quotidienne des Britanniques. En 1896, la <a href="http://www.1-jour.fr/4-mai-1896-sortie-du-journal-britannique-daily-mail/">première édition du <em>Daily Mail</em></a> paraît à Londres : c’est le premier journal du type « tabloïd, » un format qui allait littéralement bouleverser la place des journaux auprès des lecteurs ainsi que les attentes de ceux-ci.</p>
<p>On aurait pu croire que la <a href="https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2014/01/23/la-presse-ecrite-britannique-cherche-son-nouveau-modele-economique_4352821_3236.html">révolution numérique</a> sonnerait le glas de la presse britannique classique ; mais malgré la baisse considérable des tirages, les journaux britanniques arrivent à tirer leur épingle du jeu.</p>
<p>Cependant, le <a href="https://www.bing.com/ck/a?!&&p=aba44513ea1735a8JmltdHM9MTY3NTkwMDgwMCZpZ3VpZD0yMTYxNDI2My04MjVhLTZiZDItMTU1OC01MGQwODM1YzZhYTgmaW5zaWQ9NTQ0MQ&ptn=3&hsh=3&fclid=21614263-825a-6bd2-1558-50d0835c6aa8&u=a1L3ZpZGVvcy9zZWFyY2g_cT10cmFpbGVyK25ldGZsaXgraGFycnkrbWVnaGFuJnZpZXc9ZGV0YWlsJm1pZD1COUMxQUVCODA2NTYxNTU4ODQ0Q0I5QzFBRUI4MDY1NjE1NTg4NDRDJkZPUk09VklSRQ&ntb=1">départ des Sussex du Royaume-Uni</a> pour s’installer en Californie, en 2020, a mis en lumière de nombreuses pratiques peu éthiques de la part de certains journalistes.</p>
<h2>Les tabloïds en tête des ventes</h2>
<p>Pour mieux comprendre la presse britannique et ses lecteurs, il est important de connaître comment elle s’organise. La presse britannique peut être divisée en <a href="https://www.10differences.org/broadsheet-vs-tabloid/?utm_content=cmp-true">deux catégories distinctes</a> : d’une part les « broadsheets » (littéralement les feuillets larges), et d’autre part les tabloïds, de taille plus petite, avec beaucoup de photos, et donc plus faciles à manier et à lire.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-fausses-nouvelles-une-histoire-vieille-de-2-500-ans-101715">Les fausses nouvelles : une histoire vieille de 2 500 ans</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Si les « broadsheets » proposent généralement des articles de qualité et une analyse approfondie de l’actualité (comme dans <em>The Guardian</em>, par exemple), c’est tout autre chose pour les tabloïds, avec un journalisme axé sur le sensationnalisme et la médiocrité, et qui suscite de très vives critiques de la part des « victimes » de la classe politique, la famille royale et d’autres personnalités du showbiz. Avec son surnom de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2011/jul/30/tabloids-british-phone-hacking">« the gutter presse »</a> (la presse du caniveau) les tabloïds défraient régulièrement la chronique, et ce depuis de très longtemps…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/the-crown-saison-4-un-soap-opera-cruel-envers-linstitution-monarchique-151264">« The Crown », saison 4 : un soap opera cruel envers l’institution monarchique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Au niveau des tirages, parmi les <a href="https://www.newspapersland.com/united-kingdom/">titres nationaux</a> ce sont les tabloïds qui arrivent largement en tête des ventes. <a href="https://wikimonde.com/article/The_Sun"><em>The Sun</em></a>, journal fondé en 1964, reste le titre le plus vendu du pays, frôlant les quelques 1,2 million d’exemplaires quotidiennement. C’est le sensationnalisme qui fait vendre, avec une intrusion à outrance dans la vie privée de bon nombre de personnalités de la société britannique, dont la cible préférée des <a href="https://www.pointdevue.fr/royal/royaume-uni/diana-et-les-paparazzis-entre-amour-et-haine">paparazzis</a>, la famille royale. Les pratiques peu éthiques, et certains diraient franchement sordides, de ces derniers ont provoqué un tollé suite à la disparition de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/documentaires/the-princess-le-documentaire-inedit-sur-la-vie-tragique-de-lady-diana-25-ans-apres-sa-mort_5314465.html">Princesse de Galles, Diana</a>, dans un accident de voiture sous le pont de l’Alma à Paris le 31 août 1997. Les circonstances de l’accident ont déclenché une prise de conscience collective chez les Britanniques, comprenant les conséquences potentielles de la course au scoop.</p>
<h2>Un droit de regard sur la famille royale</h2>
<p>Dix ans après la disparition tragique de la <a href="https://edition.cnn.com/2020/08/31/world/princess-diana-death-the-windsors-series/index.html">« people’s princess »</a>, Tony Blair, premier ministre à l’époque, <a href="https://youtu.be/0wcADoF4Jos">lançait un pavé dans la mare</a> en dénonçant une tendance préoccupante au « sensationnalisme » de la part des médias britanniques. <a href="https://www.courrierinternational.com/breve/2007/06/13/pourquoi-tony-blair-deteste-the-independent">Il déplorait que</a></p>
<blockquote>
<p>« les médias chassent de plus en plus en meute, comme des bêtes féroces qui mettent en pièces les gens et leur réputation ».</p>
</blockquote>
<p>Malgré de nombreuses plaintes déposées auprès des tribunaux britanniques (on peut citer les actions juridiques entamées récemment par le Duc et la Duchesse de Sussex contre les propos racistes publiés <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/08/world/europe/harry-meghan-netflix-media.html">dans les tabloïds</a>, ces derniers continuent à mener la vie dure des personnalités sans réfléchir à l’impact psychologique des articles pondus pour… booster les ventes.</p>
<p>Il est légitime à se demander pourquoi les Britanniques ont un appétit aussi féroce pour les tabloïds et le sensationnalisme à outrance, un phénomène qu’on ne trouve pas ailleurs, en tous cas pas à cette échelle. Pourquoi <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/17499755221092810">certains éditorialistes</a> s’acharnent à dévoiler la vie privée, par exemple, de la famille royale et de certains membres de celle-ci ? La <a href="https://www.societyofeditors.org/">Society of Editors</a>, organisme qui regroupe 400 membres de médias britanniques, a réfuté catégoriquement toute accusation de racisme de la part de Prince Harry et sa femme. Ces derniers affirment que la presse britannique est, en grande partie, responsable de leur départ « precipité ».</p>
<p>Selon la Society of Editors, les Britanniques ont un droit de regard sur la vie des « riches », y compris la famille royale. La question épineuse du coût de la monarchie et de l’existence même de l’institution est une constante source de débat d’outre-Manche. Si le contribuable britannique finance une partie de cette institution, est-il en droit de connaître la vie privée de certains de ses membres ? Pour la Society of Editors, la réponse est claire : oui. La monarchie, financée par l’argent public, doit rendre des comptes. Quant aux Sussex et à leur <a href="https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-56326807">refus de respecter certaines conventions</a> de la famille Windsor (la célèbre maxime « ne jamais se plaindre, ne jamais s’expliquer »), avec notamment la diffusion sur Netflix de la série <em>Harry & Meghan</em>, il a peut-être renforcé cette frénésie de sensationnalisme.</p>
<p>On pourrait se demander si la mise en place de la <a href="https://www.ipso.co.uk/what-we-do/">Independent Press Standards Organisation</a>( IPSO) en 2014, qui a fait suite au scandale du <a href="https://youtu.be/52VQ3gSzqCE">piratage téléphonique par News International</a> (dont le propriétaire est Rupert Murdoch) a changé la donne. Mais à en croire les vives critiques à l’encontre de cet organisme, censé gérer les plaintes logées contre la presse, il semblerait qu’il reste encore un long chemin à faire.</p>
<p>Le Prince Harry, dans sa biographie, parue en janvier 2023, <a href="https://youtu.be/nRtzE658oSA"><em>Le Suppléant</em></a>,résume en quelques mots son ressenti concernant l’évolution de la presse à sensation :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde à l’époque [du décès de sa mère, NDLR] s’accordait à dire que la presse était une meute de monstres ; même ceux qui lisaient acceptaient leur part de responsabilité. Nous devions tous nous comporter mieux que ça, disaient la plupart des gens. Aujourd’hui, tant d’années plus tard, tout était oublié. L’histoire se répétait jour après jour… »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/200014/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwyn Jones ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi les Britanniques ont-ils un appétit aussi féroce pour les tabloïds ?Gwyn Jones, Etudes de civilisations britanniques, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1986122023-02-01T19:08:27Z2023-02-01T19:08:27ZVins et spiritueux : un immense secteur économique aux contours flous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506583/original/file-20230126-33048-102fb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C1040%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marché français des boissons alcoolisées pesait environ 50&nbsp;milliards d’euros en 2021.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.hippopx.com/en/query?q=french">Hippopx.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La récente campagne de communication de l’État sur les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/alcool-et-bonne-sante-une-association-paradoxale-denoncee-dans-la-nouvelle-campagne-de-sante-publique-france">dangers de l’alcool</a> interpelle un secteur considéré paradoxalement comme l’un des plus prestigieux et économiquement lourd en France. Mais qu’en est-il réellement ? Le marché des vins et spiritueux est-il aussi moteur qu’on le pense ? Comment le mesurer et le comprendre dans un pays où la consommation d’alcool est devenue une <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/pourquoi-les-francais-consomment-ils-de-l-alcool">particularité culturelle</a> en dépit des avertissements répétés quant à sa nocivité ?</p>
<p>Selon le portail statistique Statista, le marché français des boissons alcoolisées pesait environ <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1330411/chiffre-affaires-marche-boissons-alcoolisees-par-pays/">50 milliards d’euros en 2021 et le marché mondial 1 500 milliards e</a> (dont plus de 300 milliards pour la Chine, le premier pays consommateur). En France, il représente <a href="https://bordeaux.business/marche-alcool-france-nouvelles-tendances/">plus de 700 000 emplois</a>, soit près de 2,5 % de la population active française en 2019. Au-delà des chiffres, il provoque les débats et les controverses les plus vifs, rendant au final son poids économique très délicat à calculer.</p>
<p>Car lorsque l’on veut mesurer le poids économique d’une filière, il y a ce que l’on peut mesurer et ce que l’on ne peut qu’approximer ou imaginer. Le marché permet de mesurer les ventes domestiques et à l’export, ainsi que l’emploi direct. Mais toutes les activités de production et de consommation génèrent des externalités positives et négatives. Ces effets induits sont difficiles à capter car ils ne passent pas directement par un mécanisme de marché leur affectant un prix.</p>
<p>Or la filière des boissons alcoolisées est fortement génératrice d’externalités. En France, elle déchaîne peut-être plus qu’ailleurs les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/evaluation-qualitative-du-defi-de-janvier-dry-january-2020">passions</a>. Entre un totem – rémunérateur – de notre culture, et un mal endémique – coûteux –, essayons d’objectiver le poids des boissons alcoolisées dans l’économie française.</p>
<h2>Phénomènes de substitution</h2>
<p>Commençons par ce que l’on peut mesurer : le marché. Il existe trois grandes familles de boissons alcoolisées : le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biere-80058">bière</a> et les spiritueux. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), elles représentaient en 2018 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4319377">plus de 60 % du marché total</a> des boissons en valeur devant le café et le thé, mais aussi devant les sodas, l’eau ou les jus de fruits, dont les consommations augmentent bien plus vite. Car la consommation d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a> diminue très nettement depuis les années 1960 au profit des boissons non alcoolisées.</p>
<p><iframe id="8ekbu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8ekbu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>C’est la consommation de vin, notamment de vin rouge, qui a le plus baissé. Le vin reste l’alcool le plus consommé historiquement en France mais perd beaucoup de terrain par rapport à la bière. Ce phénomène de substitution est classique. Il touche tous les pays producteurs d’une famille d’alcool. Ainsi la France, l’Italie et plus encore l’Espagne ont vu leur consommation de vin s’effondrer au profit de la bière. Dans les pays producteurs de bière, c’est l’inverse qui se déroule. Le Royaume-Uni boit plus de vin que de bière aujourd’hui alors que, dans les années 1960, sa consommation d’alcool <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/30854">portait à plus de 80 % sur la bière</a>.</p>
<p>L’évolution sociologique tend à une consommation d’alcool moins régulière, <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2006-1-page-141.htm">plus féminisée aussi</a>. Le vin est passé d’une boisson de repas à une boisson occasionnelle. Il est en outre consommé par les plus âgés et les plus aisés, avec un déplacement de la demande vers des vins de plus haute qualité, donc plus chers. Le vin apparaît ainsi comme la boisson la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/economie_du_vin-9782707190963">plus élitiste</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La bière devenant l’alcool le plus consommé par les jeunes et les ménages modestes. La consommation de spiritueux diminue également avec les revenus mais reste stable dans l’ensemble. En 2018, les Français buvaient en moyenne, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4255812">selon l’Insee, 40,6 litres de vin par an et par personne</a>, contre 32,3 litres de bière et 5,3 de spiritueux.</p>
<h2>Premier secteur agricole français</h2>
<p>Le vin est aussi l’alcool le plus produit en France. Même si la France <a href="https://www.lepoint.fr/economie/vin-l-italie-detrone-la-france-28-10-2015-1977531_28.php">a perdu sa place de premier producteur mondial</a> au profit de l’Italie il y a une quinzaine d’années, elle reste l’un des principaux pays de production à l’échelle mondiale (en moyenne <a href="https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/chiffres-cles">4,2 milliards de litres</a> ces dernières années), en particulier pour les vins de qualité supérieure. Le secteur pèse environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3537221">150 000 emplois directs</a> et <a href="https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/chiffres-cles">500 000 emplois au total en 2019</a> en comptabilisant les emplois induits. Le vin représente le premier secteur agricole français.</p>
<p>Les fédérations professionnelles des spiritueux et de la bière avancent le chiffre de <a href="https://www.spiritueux.fr/developper/chiffres-cles/">100 000 emplois</a> pour chaque filière en comptabilisant les emplois induits. Les deux contribuent fortement au secteur agricole. La filière spiritueux achète ainsi environ 700 millions de matières agricoles en France chaque année. Notre pays est également un important producteur et exportateur d’orge de brasserie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1555458521872859139"}"></div></p>
<p>Pour autant, la France ne fait pas partie des grands producteurs de bière. En revanche, elle se distingue en Europe par la <a href="https://fr.statista.com/infographie/19362/evolution-du-nombre-de-brasseries-et-microbrasseries-en-france/">très forte croissance du nombre de brasseries artisanales</a>. La production de bière y est ainsi très atomisée, à l’instar du vin. C’est d’ailleurs à rapprocher avec une autre caractéristique commune à ces trois grandes familles d’alcool : leurs productions maillent très finement le territoire français. Elles créent des emplois là il y en a parfois très peu, notamment dans les zones rurales, et pour tous les niveaux de qualifications, avec une prédominance marquée pour des emplois d’ouvrier. C’est sans doute l’un des principaux intérêts économiques de ces filières.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507547/original/file-20230201-5970-92lwt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.statista.com/infographie/19362/evolution-du-nombre-de-brasseries-et-microbrasseries-en-france/">Statista (2021)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un deuxième intérêt économique tient au solde commercial très excédentaire de ce secteur. Cela ne vaut pas pour la bière, dont nous sommes plutôt importateurs nets. En revanche, les vins et spiritueux représentent le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/c0906ad5-ef46-4631-8393-3b4557b03f52/files/a6a2a393-c4a2-4746-a85e-527f2d29cc82">deuxième solde exportateur net de la France</a>, avec 13,7 milliards d’euros en 2021, derrière l’aéronautique. Dans un pays qui accumule les déficits commerciaux depuis 20 ans, un tel excédent prend toute son importance.</p>
<p>Troisième grand intérêt économique de ces filières pour le pays : le tourisme. Devenu très à la mode à l’échelle mondiale, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/oenotourisme-78515">l’œnotourisme</a> (au sens large, en incluant les brasseries et les producteurs de spiritueux) fait recette. Le Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV) revendique ainsi <a href="https://www.intervin.fr/etudes-et-economie-de-la-filiere/chiffres-cles">10 000 caves en France</a> qui accueilleraient 10 millions de touristes (dont 39 % étrangers), tandis que la Fédération française des spiritueux parle de <a href="https://www.spiritueux.fr/developper/chiffres-cles/">2 millions de visiteurs</a> annuellement accueillis dans les entreprises de spiritueux. Les répercussions économiques de ce tourisme n’ont cependant pas été mesurées précisément.</p>
<p>Au-delà, les vins et les spiritueux français jouissent d’une réputation mondiale, faisant du pays un leader d’excellence. Vecteur d’attractivité forte, à l’instar du luxe, il participe à un savoir-vivre et un savoir-faire unique. Les vins et spiritueux se posent ainsi en éléments culturels forts, pour certains inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco comme les <a href="https://www.beaune-tourisme.fr/decouvrir/les-vins-de-bourgogne/les-vignobles-de-bourgogne/les-climats-de-bourgogne-inscrits-a-l-unesco">Climats du vignoble de Bourgogne</a> ou <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-88864-les-vins-de-saint-emilion-veulent-valoriser-le-classement-unesco.html">l’appellation Saint-Émilion</a>. Derrière ces boissons se trouve en effet un patrimoine naturel (les paysages), architectural et humain (les savoir-faire), singulier.</p>
<p>Cependant, cette externalité positive que représente l’impact économique et social de cette renommée mondiale n’a jamais été mesurée.</p>
<h2>Un coût social de 120 milliards d’euros</h2>
<p>En revanche, les externalités négatives ont donné lieu à plusieurs tentatives de mesures. Ces externalités s’expriment en termes de pathologies et d’accidentologies imputables à l’alcool. L’étude la plus citée en France est celle menée sur l’année 2010 par l’économiste Pierre Kopp. Il chiffrait à <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxpkvc.pdf">120 milliards d’euros le coût social de l’alcool</a>. Ce coût se décompose en pertes de vies humaines, perte de qualité de vie et de productivité, et d’un coût net pour les finances publiques (soins, prévention et répression après déduction des recettes fiscales et des économies sur les retraites).</p>
<p>À cela il faudrait ajouter le coût des <a href="https://www.geo.fr/environnement/a-lheure-de-lapero-quelles-sont-les-boissons-qui-emettent-le-plus-de-co2-211304">effets environnementaux</a> délétères que peut avoir la production de boissons alcoolisées : bilan carbone de la filière, effets des produits phytosanitaires sur la santé des travailleurs et des riverains, etc., mais ce chiffrage n’existe pas.</p>
<p>Ainsi, la mesure du poids économique d’une filière par les seuls aspects de marché ne suffit pas. Une vision holistique impose d’y ajouter la balance entre les externalités positives et négatives. Pour le secteur des alcools, c’est une gageure car il n’existe pas d’étude sur toutes ces formes d’externalités. Cela laisse le débat ouvert, mais juger ce secteur sans prendre en compte ses externalités négatives serait une erreur aussi lourde que de le juger sur son seul poids de marché.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat a reçu des financements de l'Union Européenne et la Région Nouvelle Aquitaine. </span></em></p>Le poids économique de la filière alcool reste difficile à évaluer : plusieurs externalités, positives comme le prestige international ou négatives comme le coût social, ne sont pas prises en compte.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1976262023-01-25T18:01:32Z2023-01-25T18:01:32ZEnvoi de tous les migrants indésirables au Rwanda : quand le Royaume-Uni bafoue le droit d’asile<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505628/original/file-20230120-7984-qp49hp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5808%2C3860&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dungeness, Kent, Royaume-Uni, le 29&nbsp;août 2022. Des migrants arrivent sur la plage de Dungeness après avoir été secourus en mer par un bateau de sauvetage. Ils pourraient désormais en théorie être envoyés au Rwanda.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/dungeness-kent-uk-29th-august-2022-2198925823">Sean Aidan Calderbank/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 19 décembre, le « rêve » de Suella Braverman, la ministre de l’Intérieur britannique, s’est – presque – réalisé : celle qui rêvait de <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/suella-braverman-rwanda-dream-obsession-b2195296.html">voir décoller avant le 25 décembre un premier avion</a> pour le Rwanda emportant à son bord des migrants entrés irrégulièrement sur le sol anglais n’aura pas reçu ce « cadeau de Noël », mais à tout le moins elle aura eu la satisfaction d’entendre la <a href="https://www.judiciary.uk/wp-content/uploads/2022/12/AAA-v-SSHD-Rwanda-judgment.pdf">Haute Cour de Londres valider la faisabilité juridique</a> du dispositif.</p>
<p>Attendu bien au-delà des frontières du Royaume-Uni et du cercle des spécialistes des questions de migrations, cet arrêt témoigne des enjeux d’un mécanisme téméraire par lequel le gouvernement britannique entend montrer à ses électeurs – car tel sera probablement son principal effet – que la « maîtrise des frontières », promise lors du Brexit, est à son agenda, et qu’il reste donc quelques raisons de voter « conservateur » lors des prochaines échéances électorales.</p>
<h2>Que prévoit cet accord ?</h2>
<p>L’ambition officielle de ce « memorandum of understanding » est de limiter les arrivées sur le territoire anglais d’étrangers dépourvus du droit d’y entrer et d’y séjourner. Il s’agit de décourager les traversées de la Manche sur des embarcations de fortune, lesquelles se sont multipliées ces derniers mois pour atteindre <a href="https://fr.euronews.com/2022/11/13/royaume-uni-plus-de-40-000-migrants-ont-traverse-la-manche-en-2022">plus de 40 000 en 2022</a>.</p>
<p>Issu d’un <a href="https://www.gov.uk/government/publications/memorandum-of-understanding-mou-between-the-uk-and-rwanda/memorandum-of-understanding-between-the-government-of-the-united-kingdom-of-great-britain-and-northern-ireland-and-the-government-of-the-republic-of-r">protocole d’accord signé le 13 avril 2022</a>, le dispositif prévoit l’acheminement vers le Rwanda des demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni « illégalement ou par des méthodes dangereuses ou inutiles depuis des pays sûrs » et qui ne peuvent être admis sur le territoire anglais. Après un « screening » (examen sommaire) de leur situation, ces personnes, si elles entrent dans le champ d’application de l’accord, seront envoyées au Rwanda – quelle que soit leur nationalité, et quand bien même elles n’auraient jamais eu quelque contact que ce soit avec cet État. La plupart de ceux qui ont traversé la Manche en 2022 sur des embarcations de fortune sont d’ailleurs <a href="https://www.gov.uk/government/statistics/factsheet-small-boat-crossings-since-july-2022/factsheet-small-boat-crossings-since-july-2022">originaires d’Albanie, d’Afghanistan ou d’Iran</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6WmAQjyd1GY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Rwanda – Royaume-Uni : accord controversé sur les migrants, TV5 Monde, 11 juin 2022.</span></figcaption>
</figure>
<p>Une fois au Rwanda, cet État aura la charge de leur accueil et de l’examen de leur demande d’asile. Si celle-ci prospère, elles seront autorisées à séjourner au Rwanda, sans possibilité ou presque de retourner au Royaume-Uni. Si la demande est rejetée, le Rwanda devra accorder aux personnes ainsi déboutées un titre de séjour sur un autre fondement, ou les renvoyer vers un pays tiers qui les accepterait. Enfin, cet accord est défini par ses rédacteurs comme « non contraignant » juridiquement et insusceptible de recours.</p>
<p>Cela n’aura pas empêché la Cour européenne des droits de l’homme de demander, le <a href="https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf/?library=ECHR&id=003-7360406-10055338&filename=Mesure%20provisoire%20accord%C3%A9e%20concernant%20le%20refoulement%20imminent%20d">14 juin 2022</a>, la suspension en urgence du premier vol prévu sur ce fondement et, le 19 décembre dernier, la Haute Cour anglaise de valider l’accord.</p>
<h2>Un dispositif juridiquement problématique</h2>
<p>Le dispositif imaginé par le Royaume-Uni participe de <a href="https://esprit.presse.fr/article/thibaut-fleury-graff/tenir-a-distance-la-politique-europeenne-d-externalisation-de-l-asile-44374">« ces apo-politiques »</a>, destinées à « tenir à distance » les migrants des territoires occidentaux.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p><a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/iles-prisons-migrants-lAustralie-pointees-doigt-2019-07-19-1201036431">L’Australie en a été précurseur</a> en confiant l’examen des demandes d’asile à Nauru ; l’UE a suivi au mitan des années 2010 en <a href="https://theconversation.com/laccord-union-europeenne-turquie-sur-les-migrants-un-troc-de-dupes-57601">facilitant le renvoi en Turquie des personnes arrivant en situation irrégulière</a> sur les côtes grecques ; le <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/le-danemark-fait-un-pas-de-plus-vers-la-delocalisation-des-demandes-dasile-au-rwanda-20220909_6LU7QD55UBCM5LIITNYF36VNM4/">Danemark y songe</a>. Le Royaume-Uni est cependant le premier à confier à un État tiers, de manière générale, non seulement le soin d’examiner les demandes d’asile, mais encore d’accueillir sur son territoire les personnes protégées ou déboutées. Un tel dispositif soulève un certain nombre de difficultés juridiques, ainsi que l’a <a href="https://www.unhcr.org/62a317d34">notamment relevé le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés</a> (UNHCR).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1615077160091262976"}"></div></p>
<p>L’une des principales tient à la qualification du Rwanda de « pays sûr ». En vertu de l’article 33§1 de la <a href="https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62">Convention de Genève de 1951</a> relative au statut de réfugié et du droit international coutumier, les États ne peuvent renvoyer les étrangers, même en situation irrégulière, vers un État où il existerait « un risque pour leur vie ou leur liberté » pour l’un des motifs prévus par la Convention (opinions politiques, race ou nationalité, religion ou appartenance à un groupe social).</p>
<p>Qui plus est, en vertu de l’article 3 de la <a href="https://www.echr.coe.int/documents/convention_fra.pdf">Convention européenne des droits de l’Homme</a>, à laquelle le Royaume-Uni n’a pas cessé d’être partie, la torture et les traitements inhumains ou dégradants sont interdits, ce qui prohibe également l’éloignement des étrangers vers des pays où existerait un risque de tels traitements. Il est également interdit de renvoyer les étrangers vers des États avec lesquels ils n’ont aucun lien.</p>
<p><em>A contrario</em>, l’éloignement est donc possible vers les États – dits « sûrs » – où un tel risque n’est pas constitué. Encore faut-il s’assurer que tel est bien le cas : cela suppose d’examiner la situation individuelle de l’étranger éloigné, de s’assurer que la qualification d’État sûr est bien fondée, et que l’étranger a un lien avec cet État. Or, en l’espèce, aucun de ces critères n’est rempli.</p>
<p>Tout étranger pourra être renvoyé au Rwanda. L’examen de la situation individuelle aura généralement lieu par téléphone, alors que l’étranger se trouve en détention. Quant au Rwanda, il est loin d’avoir un système d’asile, une justice et un gouvernement garantissant que les personnes transférées depuis le Royaume-Uni ne sont pas soumises à de tels traitements. Connu pour ses détentions arbitraires et ses exécutions extra-judiciaires, le Rwanda s’est illustré récemment encore par l’arrestation, la détention – et même <a href="https://www.hrw.org/news/2019/02/23/rwanda-year-no-justice-refugee-killings">l’exécution sommaire pour douze d’entre eux</a> ! – de réfugiés protestant contre leur accès insuffisant aux services les plus élémentaires. Le pays, par ailleurs, n’est <a href="https://theconversation.com/rwanda-lgbt-rights-are-protected-on-paper-but-discrimination-and-homophobia-persist-182949">guère actif, pour dire le moins, dans la lutte contre les discriminations</a> à l’égard des personnes LBTQ+.</p>
<h2>Pourquoi le Rwanda ?</h2>
<p>Pour quelles raisons le Royaume-Uni, peuplé de 67 millions d’habitants, cinquième puissance mondiale, bien connu pour ses textes fondateurs en matière de protection des libertés, a-t-il donc bien pu décider de confier au Rwanda, 13 millions d’habitants, 144<sup>e</sup> économie mondiale et piètre garant des droits humains, le soin de gérer à sa place les questions d’asile ? Et quel intérêt, pour ce petit pays africain, d’accepter cet « <em>asylum deal » ?</em></p>
<p>Du point de vue britannique, l’accord vise à démontrer que le gouvernement conservateur travaille à la concrétisation de l’une des promesses du Brexit : limiter les migrations, dites irrégulières, sur le territoire anglais. Il est peu probable que l’accord y parvienne réellement – le gouvernement ne s’est d’ailleurs pas risqué à chiffrer le nombre de personnes qui pourraient être concernées. <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/24/francois-heran-il-est-temps-que-nos-dirigeants-tiennent-sur-l-immigration-une-parole-de-raison-plutot-qu-un-discours-de-peur_6012799_3232.html">Comme souvent en la matière</a>, l’affichage politique semble plus précieux que l’efficacité pratique – ce dont il faut sans doute se réjouir en l’espèce tant l’accord est « épouvantable » <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2022/jun/10/prince-charles-criticises-appalling-rwanda-scheme-reports">selon les mots</a> du Roi Charles III lui-même.</p>
<p>Du point de vue rwandais, l’accord est un joli coup économique et diplomatique. Économique, d’abord, car il inclut le versement par Londres de 120 millions de livres sterling au titre de l’aide au développement, auxquels il faut ajouter 12 000 livres par étranger relocalisé. Diplomatique, ensuite, car l’accord constitue pour Kigali un instrument de pression sur le Royaume-Uni, tant dans leurs relations bilatérales – le président rwandais Paul Kagamé a d’ores et déjà <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/may/16/rwanda-president-suggests-uk-extradite-genocide-suspect-asylum-deal-paul-kagame">pris prétexte de l’accord pour demander l’extradition de l’un de ses ressortissants</a> – que dans un contexte plus général, où le soutien de Londres pourrait être précieux – que l’on songe par exemple aux <a href="https://theconversation.com/m23-quatre-elements-essentiels-a-retenir-sur-le-role-du-groupe-rebelle-dans-le-conflit-entre-le-rwanda-et-la-rdc-195243">accusations de soutien du Rwanda aux rebelles du M23</a> dans le cadre du conflit en RDC.</p>
<p>En signant la Convention de Genève, en participant au <a href="https://globalcompactrefugees.org/sites/default/files/2020-05/GCR%20Booklet%20FR.pdf">Pacte mondial pour les Réfugiés de 2018</a>, le Royaume-Uni s’est engagé à coopérer en matière d’asile de manière à favoriser la protection des réfugiés, le partage des responsabilités entre États, et la garantie des droits des personnes en besoin de protection internationale : Londres n’en a manifestement pas fini avec le renoncement à ses engagements internationaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut Fleury Graff a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour le Projet "RefWar - Protection en France des exilés de guerre" (2019-2023) associant les Universités Paris Panthéon-Assas, Paris-Saclay, de Bordeaux et le UNHCR. </span></em></p>Londres et Kigali ont signé un accord qui permettra au Royaume-Uni d'envoyer au Rwanda les migrants qu'il refuse d'accueillir. Un texte qui enfreint, entre autres, la Convention de Genève.Thibaut Fleury Graff, Professeur de droit international, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1976652023-01-15T12:53:23Z2023-01-15T12:53:23ZÉtats-Unis, Royaume-Uni, Espagne… Quelles perspectives pour l’action syndicale dans le monde en 2023 ?<p><em>Mardi 10 janvier, la Première ministre Élisabeth Borne a présenté les contours de la future réforme des retraites, qui prévoit notamment l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Aussitôt, huit syndicats, <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-les-syndicats-peuvent-ils-reprendre-la-main-197468">vent debout contre le projet</a>, ont annoncé une <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/reforme-des-retraites-les-syndicats-annoncent-une-premiere-journee-de-greve-le-19-janvier-947440.html">première journée de mobilisation le jeudi 19 janvier</a>.</em></p>
<p><em>Pour les syndicats, l’enjeu dépasse la contestation de la réforme : il s’agit également de retrouver de l’influence. Fin 2022, les grèves des contrôleurs de train ou encore des médecins généralistes ont été initiées par des mouvements nés sur Internet qui les ont court-circuités. En outre, le taux de syndicalisation stagne autour de 10 % en France, l’un des niveaux les plus bas en Europe, depuis près de 30 ans.</em></p>
<p><em>Qu’en est-il de l’action syndicale ailleurs dans le monde ? Cet essoufflement se retrouve-t-il ? Les difficultés économiques donnent-elles, au contraire, un élan nouveau aux syndicats ? En ce début d’année, les experts américains, britanniques, indonésiens ou encore espagnols de The Conversation vous proposent un tour d’horizon mondial.</em></p>
<hr>
<h2>Canada : les syndicats qui s’affirment obtiennent des résultats</h2>
<p><em>Jim Stanford, économiste et directeur du Centre for Future Work, Australia Institute</em></p>
<p>Le mouvement syndical canadien compte parmi les plus <a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=TUD">solides</a> de l’OCDE, le club des pays développés, une solidité liée aux lois qui protègent contre les phénomènes de « passager clandestin » : les travailleurs ne peuvent pas bénéficier des conventions collectives sans être syndiqués.</p>
<p>Le taux de syndicalisation au Canada se situe autour de 30 % des travailleurs depuis le début du siècle, même s’il est moitié moindre dans le secteur privé et qu’il y diminue lentement. L’indicateur reste en revanche élevé dans les services publics (plus de 75 %) et en progression.</p>
<p>Cette relative stabilité a permis aux travailleurs canadiens d’être mieux préparés à affronter l’impact de l’inflation sur leurs paies. Les syndicats ont formulé des revendications salariales plus élevées qu’au cours des dernières décennies, et ont plus fréquemment fait grève (poursuivant une tendance amorcée en 2021).</p>
<p>De janvier à novembre 2022, <a href="https://www.canada.ca/en/employment-social-development/services/collective-bargaining-data/work-stoppages/work-stoppages-year-sector.html">156 mouvements de grèves</a> ont eu lieu (un mouvement est comptabilisé dès qu’il implique au moins dix personnes sur une journée) tout secteur confondu. Au total, 1,9 million journées de travail ont été perdues, le chiffre le plus élevé depuis 15 ans.</p>
<p>Une vague printanière de grèves dans le secteur de la <a href="https://globalnews.ca/video/8804136/thousands-of-residential-construction-workers-go-on-strike">construction</a> en Ontario, la province la plus peuplée du Canada, a bien symbolisé la montée du militantisme. Au plus fort de la vague, plus de 40 000 travailleurs, dont des charpentiers, des poseurs de placoplâtre et des ingénieurs, ont déposé leurs outils pour obtenir des salaires plus élevés. Des tentatives d’accords lancées par les autorités ont parfois été rejetés par les grévistes, prolongeant le mouvement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Doug Ford, Premier ministre de l’Ontario s’est attiré les foudres des syndicats.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andrew Scheer/FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un autre fait historique est survenu plus tard dans l’année. Le gouvernement de droite de l’Ontario avait voulu faire usage d’une clause constitutionnelle rarement utilisée pour annuler le droit de grève de 55 000 travailleurs, personnel de soutien dans l’éducation. La menace des syndicats, des secteurs public comme privé, de déclencher une grève générale dans la province, a poussé le gouvernement à <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/nov/07/ontario-repeal-law-right-to-strike">faire machine arrière</a>.</p>
<p>Pendant ce temps, les blocages opérés par les employeurs (ou <em>lock-out</em>) ont pratiquement disparu. Cette tactique, par laquelle ces derniers suspendent l’activité jusqu’à ce que les travailleurs acceptent les conditions proposées, n’a été utilisée que <a href="https://www.canada.ca/en/employment-social-development/services/collective-bargaining-data/work-stoppages/work-stoppages-year-sector.html">huit fois</a> de janvier à novembre dernier, alors qu’on en observait une soixantaine par an il y a dix ans.</p>
<p>La <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1410006401">croissance annuelle des salaires</a> a légèrement augmenté pour atteindre une moyenne de 5 % à la fin de l’année. Ce taux reste inférieur à celui de l’<a href="https://www.cbc.ca/news/business/inflation-canada-1.6693441">inflation</a> (6,8 %), mais l’écart créé en 2021 se réduit.</p>
<p>Reste à voir si cette pression syndicale pourra être maintenue et faire face à la hausse rapide des taux d’intérêt, à une <a href="https://www6.royalbank.com/en/di/hubs/now-and-noteworthy/article/canada-could-be-in-a-recession-as-soon-as-early-2023/l41dzp8q">récession probable en 2023</a> et à la <a href="https://www.freightwaves.com/news/canadas-largest-union-fights-proposal-to-curb-strikes">suppression continue</a> par les gouvernements des droits syndicaux dans certaines provinces.</p>
<h2>Royaume-Uni : un rameau d’olivier pour le service de santé ?</h2>
<p><em>Phil Tomlinson, professeur de stratégie industrielle, Université de Bath</em></p>
<p>L’<a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2022/dec/12/uk-strike-days-calendar-the-public-service-stoppages-planned-for-december">hiver de la colère</a> se prolonge au Royaume-Uni : le pays subit sa <a href="https://qz.com/the-uk-is-expecting-its-largest-wave-of-strikes-in-over-1849865611">plus grande vague de grèves</a> depuis plus de <a href="https://www.theguardian.com/politics/2022/dec/02/strikes-lead-women-frances-ogrady-tuc-unions">30 ans</a>. La plupart ont lieu dans le secteur public, où l’évolution des salaires reste bien inférieure à l’inflation et accuse un <a href="https://www.bbc.co.uk/news/55089900">retard considérable</a> par rapport aux entreprises privées.</p>
<p>Le sentiment d’amertume est prononcé après une vague d’austérité et la <a href="https://www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/cs-true-cost-austerity-inequality-uk-120913-en_0.pdf">baisse des salaires réels</a> des années 2010. Les grèves – dont on estime qu’elles ont <a href="https://cebr.com/reports/eight-months-of-strike-action-to-have-cost-the-uk-economy-at-least-1-7bn-adding-to-existing-recessionary-pressures/#:%7E:text=Assuming%20a%20working%20day%20of%20eight%20hours%2C%20our,is%20expected%20to%20have%20stood%20at%20%C2%A3393.0%20million">coûté 1,7 milliard de livres sterling</a> (1,92 milliard d’euros) à l’économie britannique en 2022 – sont <a href="https://uk.news.yahoo.com/unions-discuss-co-ordinating-hundreds-185532640.html?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAAMffASnLXnES4huvR6bYrO0Ncj1Z-sZmFlBDChWxD6up578J-wViP93sUD8HiNHKdT7kcyakp_0QMC0EEzVwIeQ4nxcwuC497Ek1YX3xicVxXlKo3f72l1qrsDiuvzahZGrgX5HqTJp5_zQbdQiS6_AapnlAHbDQeqLGzN3wMY3u">coordonnées</a> par différents syndicats, ajoutant des désagréments publics supplémentaires.</p>
<p>Néanmoins, le gouvernement britannique refuse catégoriquement de céder. Il se retranche derrière les recommandations indépendantes des organes de révision des salaires du secteur public, même s’il ne les a <a href="https://www.ft.com/content/0953587e-6a20-40d4-8459-d4d7a2aa4d27">pas toujours suivies</a>. Il a également affirmé que des augmentations salariales du secteur public correspondant à l’inflation coûteraient à chaque ménage britannique 1 000 livres sterling (1 130 euros) de plus par an, bien que ce chiffre ait été <a href="https://fullfact.org/economy/28-billion-public-sector-pay-increase/">démenti</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Le Trésor de Sa Majesté, le département gouvernemental en charge de la mise en place des politiques économiques, se fait également l’écho des préoccupations de la Banque d’Angleterre concernant le déclenchement d’une <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/jun/20/would-a-wageprice-spiral-cause-inflation-to-get-out-of-control?ref=biztoc.com&curator=biztoc.com">spirale salaires-prix</a>. Elle semble pourtant peu probable : l’inflation actuelle est largement due à des <a href="https://www.themintmagazine.com/inflation-is-a-supply-side-problem">chocs d’offre</a> consécutivement à la crise sanitaire et que déclenchement de la guerre en Ukraine, et la croissance moyenne des salaires reste <a href="https://www.bbc.co.uk/news/55089900">bien inférieure</a> à l’inflation.</p>
<p>Il existe des arguments économiques en faveur d’un accord généreux, notamment dans le National Health Service (NHS) (le système de santé publique) : avec plus de <a href="https://lordslibrary.parliament.uk/staff-shortages-in-the-nhs-and-social-care-sectors/&sa=D&source=docs&ust=1672830357836576&usg=AOvVaw3FX0e-g52Wr5BEl0HY83VT">133 000 postes vacants</a> non pourvus, de meilleurs salaires pourraient contribuer à améliorer la rétention et le recrutement du personnel.</p>
<p>Bien sûr, financer ces mesures en période de <a href="https://uk.finance.yahoo.com/news/uk-recession-until-end-2023-cbi-warns-093737274.html">récession</a> implique des <a href="https://www.newstatesman.com/quickfire/2022/12/run-out-money-pay-strikers-inflation-cost-of-living">choix difficiles</a>. Une augmentation des impôts s’avèrerait politiquement coûteuse, la charge fiscale n’ayant jamais été aussi élevée <a href="https://www.independent.co.uk/money/uk-s-tax-burden-what-do-the-figures-show-b2097564.html&sa=D&source=docs&ust=1672830357839216&usg=AOvVaw3T7sPgwHNZ0_ZEPYz3-F3W">depuis 70 ans</a>. Le recours à des emprunts publics pourrait, lui, aggraver l’inflation si la Banque d’Angleterre <a href="https://www.atb.com/wealth/good-advice/markets/impact-of-government-debt-and-inflation/">augmente la masse monétaire</a> par le biais d’un assouplissement quantitatif.</p>
<p>L’opinion publique semble largement soutenir les grévistes, en <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2022/dec/17/public-support-nurses-strike-pressure-sunak-tories">particulier ceux du NHS</a>. Toutefois, si le gouvernement cède dans un secteur, il crée un précédent pour les autres, avec des conséquences économiques potentiellement plus importantes.</p>
<p>Concernant le NHS, il pourrait plutôt avancer à 2023 les négociations de l’organe de révision des salaires du secteur public, afin de permettre une amélioration de l’accord, éventuellement accompagnée d’une <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2023/jan/08/rishi-sunak-consider-one-off-payment-end-nurses-strikes">prime</a> pour difficultés. Ailleurs, il tiendra probablement bon en espérant que les syndicats perdront leur détermination.</p>
<h2>Australie et Nouvelle-Zélande : les grèves restent rares malgré l’inflation</h2>
<p><em>Jim Stanford, économiste et directeur du Centre for Future Work, Australia Institute</em></p>
<p>Les grèves en Australie sont devenues très rares au cours des dernières décennies en raison des lois restrictives adoptées depuis les années 1990. Malgré un <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/labour/employment-and-unemployment/labour-force-australia/latest-release#:%7E:text=25th%20March%202023-,Unemployment,unemployment%20rate%20remained%20at%203.5%25.">taux de chômage historiquement bas</a> et des salaires très en [retard sur l’inflation](https://www.abs.gov.au/statistics/economy/price-indexes-and-inflation/wage-price-index-australia/latest-release#:%7E:text=Seasonally%20adjusted%20private%20sector%20wages,rate%20since%20December%20quarter%202012. Ces lois permettent encore de court-circuiter la plupart des actions syndicales.</p>
<p>En 2022, le taux de syndicalisation est tombé à <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/labour/earnings-and-working-conditions/trade-union-membership/latest-release">12,5 % des employés</a>, un niveau historiquement bas. En 1990 encore, il était supérieur à 50 % des travailleurs. Les membres d’un syndicat ne peuvent légalement faire grève qu’après que les négociations, les scrutins et les plans d’action spécifiques ont été rendus publics, révélant ainsi pleinement la stratégie du syndicat à l’employeur. Même lorsqu’il y a des grèves, elles ont tendance à être courtes.</p>
<p>Au total, <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/labour/earnings-and-working-conditions/industrial-disputes-australia/latest-release#:%7E:text=Data%20downloads-,Key%20statistics,in%208%20states%20and%20territories.">182 conflits du travail</a> ont eu lieu au cours de l’année qui s’est terminée en septembre. (Les statistiques ne font pas de distinction entre les grèves et les lock-out des employeurs, qui sont devenus courants en Australie). Ce chiffre est similaire à celui des années précédant la pandémie et ne représente qu’une fraction des actions industrielles des années 1970 et 1980.</p>
<p>La seule poussée visible des actions de grève en 2022 reste une série de protestations d’un jour organisées par les enseignants et les personnels de santé en Nouvelle-Galles du Sud, l’État le plus peuplé du pays. Après avoir supporté une décennie de plafonnement austère des salaires par le gouvernement conservateur de l’État, c’en était trop lorsque l’inflation s’est fait sentir.</p>
<p>La plupart des autres travailleurs sont restés passifs, alors même que l’Australie a connu une <a href="https://tradingeconomics.com/country-list/wage-growth">croissance des salaires parmi les plus lentes</a> de tous les grands pays industrialisés. Les <a href="https://tradingeconomics.com/australia/wage-growth">salaires nominaux</a> n’ont augmenté en moyenne que de 2 % par an en 10 ans jusqu’en 2021. Ce taux est passé à 3,1 % à la fin de 2022, mais cela reste moitié moins que le <a href="https://www.rba.gov.au/inflation/measures-cpi.html">taux d’inflation</a> de 7,3 %.</p>
<p>Le gouvernement travailliste nouvellement élu en Australie a adopté une <a href="https://www.dewr.gov.au/newsroom/articles/major-workplace-relations-reform-bill-now-act#:%7E:text=The%20legislation%20received%20Royal%20Assent,and%20better%20support%20vulnerable%20workers">série de réformes importantes</a> du droit du travail à la fin de 2022, visant à renforcer les négociations collectives et la croissance des salaires. Cela pourrait annoncer une amélioration progressive du pouvoir de négociation des travailleurs dans les années à venir.</p>
<p>Les perspectives des relations industrielles en Nouvelle-Zélande sont, de leur côté, un peu plus hospitalières pour les travailleurs et leurs syndicats. Le <a href="https://figure.nz/chart/nvVfvd43iJUbwFXz">taux de syndicalisation</a> a augmenté en 2021, pour atteindre 17 % des salariés (contre 14 % en 2020). Le salaire horaire moyen ordinaire a connu une <a href="https://www.stats.govt.nz/information-releases/labour-market-statistics-income-june-2022-quarter/">croissance impressionnante de 7,4 %</a> au cours de la dernière période de 12 mois, grâce à une augmentation de 6 % du salaire minimum décidée par le gouvernement travailliste.</p>
<p>Les actions industrielles restent rares – peut-être en partie parce que les travailleurs réussissent à augmenter les salaires par d’autres moyens. Aucune donnée officielle sur les grèves n’est disponible pour 2022, mais en 2021, seuls 20 mouvements ont eu lieu, ce qui représente une forte baisse par rapport à une moyenne de 140 par an au cours des trois années précédentes.</p>
<h2>Indonésie : colère contre les réformes du droit du travail</h2>
<p><em>Nabiyla Risfa Izzati, maître de conférences en droit du travail, Universitas Gadjah Mada</em></p>
<p>Il y a quelques semaines, le gouvernement a remplacé sa <a href="http://www.ilo.org/dyn/natlex/natlex4.detail?p_lang=en&p_isn=110587&p_count=1&p_classification=08">« loi Omnibus »</a> controversée par une nouvelle réglementation d’urgence, ce en réponse à la décision de la Cour constitutionnelle indonésienne qui l’avait <a href="https://www.mkri.id/index.php?page=web.Berita&id=17816">jugée inconstitutionnelle</a> en 2021.</p>
<p>Adoptée fin 2020, la loi omnibus incarnait l’ambition du président Joko Widodo d’<a href="https://thediplomat.com/2020/10/protests-strikes-greet-indonesias-controversial-omnibus-bill/">attirer les investisseurs étrangers</a> en réduisant les formalités administratives, mais au détriment des droits des salariés. Elle rendu plus facile les licenciements sans préavis.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le président indonésien Joko Widodo a dû abandonner sa loi Omnibus, du moins officiellement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/joko-widodo-2019-official-portrait-faa9d9">Picryl</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ont aussi été abaissées les indemnités de licenciement légales et la durée maximale des contrats temporaires a, elle, été allongée, tout en ignorant la protection des travailleurs. En 2022, la nouvelle formule de calcul du salaire minimum a également entraîné la <a href="https://bisnis.tempo.co/read/1529672/pakar-ugm-sebut-rata-rata-kenaikan-ump-109-persen-terendah-sepanjang-sejarah">plus faible augmentation annuelle</a> jamais enregistrée. La loi a suscité de <a href="https://theconversation.com/dua-tahun-uu-cipta-kerja-phk-kian-mudah-kenaikan-upah-jadi-paling-rendah-193090">nombreuses critiques</a> de la part des travailleurs, des militants et des organisations de la société civile.</p>
<p>Le nouveau règlement d’urgence est sans doute encore plus problématique. La majorité de ses dispositions ne font que copier la loi omnibus. Plusieurs changements et dispositions supplémentaires prêtent en fait à confusion et font double emploi avec les règlements précédents, tout en laissant de nombreuses failles qui pourraient être exploitées à l’avenir.</p>
<p>Pourtant, malgré les plaintes des travailleurs et des syndicats, arguant que les nouvelles règles ont été adoptées soudainement et sans consultation, il n’est <a href="https://www.hukumonline.com/klinik/a/aturan-mogok-kerja-dan-penutupan-perusahaan-lt62f9fb6c2de77">pas question de faire grève</a>. Le mode d’action reste peu populaire car elles ne peuvent être organisées qu’avec l’autorisation de l’entreprise concernée. Si les travailleurs organisent des grèves officieuses, les employeurs ont le droit de s’en débarrasser.</p>
<p>Les manifestations publiques constituent une alternative évidente, bien que les règles de la pandémie limitant la mobilité et les rassemblements de masse les aient rendues difficiles. Malgré tout, des milliers, voire des millions de travailleurs ont <a href="https://en.antaranews.com/news/248345/four-thousand-officers-deployed-for-handling-fuel-price-hike-protests">organisé des mouvements</a> dans leurs villes respectives au cours du second semestre 2022.</p>
<p>Les travailleurs demandaient à ce que la loi Omnibus soit révoquée et que le gouvernement <a href="https://www.merdeka.com/uang/buruh-protes-upah-tidak-naik-tapi-harga-komoditas-melonjak.html">n’utilise pas les formules de calcul du salaire minimum</a> stipulées dans la loi. Les protestations se sont intensifiées lorsque le gouvernement a augmenté les prix du carburant en septembre, ce qui a fait grimper l’inflation déjà élevée en raison de la hausse du cours des denrées alimentaires.</p>
<p>Les autorités politiques ont depuis publié un règlement distinct pour déterminer le salaire minimum de 2023. Les revendications ont donc abouti d’une certaine façon, mais les <a href="https://www.hukumonline.com/berita/a/substansi-tak-sesuai-harapan--serikat-buruh-tolak-perppu-cipta-kerja-lt63b25fa54f54c/">travailleurs</a> comme les <a href="https://www.metrotvnews.com/play/kqYCE01y-apindo-soroti-2-pasal-kontroversial-di-perppu-cipta-kerja">employeurs</a> restent furieux que les règles relatives au salaire minimum aient à nouveau changé dans le cadre du règlement d’urgence.</p>
<p>Il est clair que les manifestants n’ont pas obtenu la suppression des autres règles issues de la loi omnibus. Certains travailleurs ont protesté sur les médias sociaux. Cela n’incitera peut-être pas le gouvernement à modifier la loi, mais quelques tweets viraux ont poussé plusieurs entreprises à <a href="https://yogyakarta.kompas.com/read/2022/10/29/214612078/viral-surat-edaran-waroeng-ss-potong-gaji-karyawan-rp-300000-bagi-yang?page=all">changer leurs pratiques abusives</a>.</p>
<p>La controverse devrait se poursuivre en 2023 et au cours de l’année électorale de 2024, notamment dans le contexte de possibles licenciements massifs en pleine récession mondiale.</p>
<h2>États-Unis : la protestation des travailleurs montre des signes de vie</h2>
<p><em>Marick Masters, professeur de commerce et professeur auxiliaire de sciences politiques, Wayne State University</em></p>
<p>Les travailleurs américains ont été de plus en plus nombreux à s’organiser et à rejoindre les piquets de grève en 2022 pour réclamer de meilleurs salaires et une amélioration des conditions de travail. Cela a suscité un <a href="https://www.virginiamercury.com/2022/09/05/america-is-in-the-middle-of-a-labor-mobilization-moment/">optimisme</a> certain chez les <a href="https://www.afscme.org/blog/cause-for-optimism-on-labor-day">dirigeants syndicaux</a> et les <a href="https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2022-06-30/labor-strikes-in-uk-us-workers-unite-against-inflation-cost-of-living-crisis">défenseurs des droits des travailleurs</a>, pensant assister à un <a href="https://theconversation.com/amazon-starbucks-and-the-sparking-of-a-new-american-union-movement-180293">tournant</a> des rapports de force dans le monde du travail.</p>
<p>Les <a href="https://gothamist.com/news/new-school-teachers-strike-ends-as-nyc-university-agrees-to-first-pay-raises-in-4-years">enseignants</a>, les <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/07/business/media/new-york-times-union-walkout.html">journalistes</a> et les <a href="https://www.arlnow.com/2022/11/17/newly-unionized-starbucks-baristas-are-on-strike-in-courthouse/">baristas</a> font partie des dizaines de milliers de travailleurs qui se sont mis en grève. Il a fallu un <a href="https://www.npr.org/2022/12/01/1140123647/rail-strike-bill-senate">vote du Congrès</a> pour empêcher 115 000 employés des chemins de fer de débrayer eux aussi. Au total, il y a eu au moins <a href="https://www.bls.gov/wsp/publications/monthly-details/XLSX/work-stoppages-2022.xlsx">20 arrêts du travail majeurs</a> impliquant chacun plus de 1 000 travailleurs en 2022, contre <a href="https://www.bls.gov/opub/ted/2022/16-major-work-stoppages-in-2021.htm">16 en 2021</a>, en plus de <a href="https://striketracker.ilr.cornell.edu/">centaines</a> d’autres plus petits.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1598442185493549056"}"></div></p>
<p>Les travailleurs de Starbucks, Amazon, Apple et des dizaines d’autres entreprises ont également déposé <a href="https://www.nlrb.gov/reports/nlrb-case-activity-reports/representation-cases/intake/representation-petitions-rc/">plus de 2 000 demandes</a> pour former des syndicats au cours de l’année – un record depuis 2015. Les travailleurs ont remporté 76 % des 1 363 élections qui ont eu lieu.</p>
<p>Historiquement, cependant, ces chiffres restent tièdes. Le nombre d’arrêts de travail majeurs est en chute libre <a href="https://www.bls.gov/opub/ted/2022/16-major-work-stoppages-in-2021.htm">depuis des décennies</a> : il s’élevait à près de 200 en 1980. En 2021, le taux de syndicalisation, <a href="https://www.bls.gov/news.release/union2.nr0.htm">10,3 %</a>, n’était pas loin du plus bas jamais enregistré. Dans les années 1950, plus d’un travailleur sur trois était membre d’un syndicat.</p>
<p>L’environnement reste encore très défavorable aux syndicats, avec un <a href="https://prospect.org/labor/labors-john-l-lewis-moment">droit du travail timide</a> et très <a href="https://www.eventbrite.com/e/what-can-labor-do-to-build-on-this-unusually-promising-moment-tickets-380700223617">peu d’employeurs</a> montrant une réelle réceptivité à l’idée d’avoir une main-d’œuvre syndiquée. Les syndicats se trouvent <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674725119">limités</a> dans leur capacité à modifier les politiques publiques. La réforme du droit du travail par le biais de la législation reste vague, et les résultats des élections de mi-mandat de 2022 ne devraient pas faciliter les choses.</p>
<p>Néanmoins, le soutien de l’opinion publique aux syndicats est <a href="https://news.gallup.com/poll/354455/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx">à son plus haut niveau</a> depuis 1965, puisque 71 % des citoyens disent approuver l’action syndicale, d’après un sondage Gallup du mois d’août. Et les travailleurs eux-mêmes montrent de plus en plus d’intérêt à les rejoindre. En 2017, <a href="https://www.epi.org/publication/working-people-want-a-voice/">48 % des travailleurs interrogés</a> ont déclaré qu’ils voteraient aux élections syndicales, contre 32 % en 1995, la dernière fois que la question a été posée.</p>
<p>Les succès futurs pourraient dépendre de la capacité des syndicats à tirer parti de leur popularité croissante et à surfer sur la vague des récentes victoires dans l’établissement d’une représentation syndicale chez Starbucks et Amazon, ainsi que sur le succès de la campagne <a href="https://theconversation.com/fight-for-15-le-nouveau-visage-de-laction-syndicale-aux-etats-unis-126123">« Fight for $15 »</a>, qui depuis 2012 a contribué à l’adoption de <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2022/nov/23/fight-for-15-movement-10-years-old">lois portant sur un salaire minimum de 15 dollars</a> dans une douzaine d’États et à Washington DC. Les chances d’y parvenir sont peut-être grandes : il y a en tout cas des opportunités à faire germer.</p>
<p><em>Extrait d’un <a href="https://theconversation.com/worker-strikes-and-union-elections-surged-in-2022-could-it-mark-a-turning-point-for-organized-labor-195995">article</a> publié le 5 janvier 2023</em></p>
<h2>Espagne : les mesures d’aide inégales pourraient causer des problèmes</h2>
<p><em>Rubén Garrido-Yserte, directeur de l’Instituto Universitario de Análisis Económico y Social, Universidad de Alcalá</em></p>
<p>L’inflation mondiale provoque un ralentissement de l’économie mondiale et une hausse des taux d’intérêt à des niveaux <a href="https://www.oecd.org/economic-outlook/november-2022/">jamais vus depuis avant 2008</a>. Les taux d’intérêt continueront d’augmenter en 2023, affectant particulièrement des économies aussi endettées que l’Espagne.</p>
<p>Elle sapera à la fois le revenu disponible des familles et la rentabilité des entreprises (surtout les petites), tout en rendant plus coûteux le remboursement de la dette publique. Parallèlement, on devrait assister à une augmentation durable du coût du panier de la ménagère à moyen terme.</p>
<p>Jusqu’à présent, les actions gouvernementales ont partiellement atténué cette perte de pouvoir d’achat. L’Espagne a <a href="https://theconversation.com/la-excepcion-iberica-sobre-decisiones-de-gobierno-y-declaraciones-de-las-grandes-empresas-183064">plafonné les prix de l’électricité</a>, <a href="https://www.libremercado.com/2022-12-21/bono-se-acaba-la-chequera-de-sanchez-hacienda-recauda-en-el-ano-por-la-gasolina-mas-del-doble-del-coste-de-la-subvencion-6969423/">subventionné le carburant</a> et rendu les transports publics gratuits pour les citadins et les navetteurs.</p>
<p>Des <a href="https://www.lamoncloa.gob.es/consejodeministros/resumenes/Paginas/2022/221122-rp-cministros.aspx">accords</a> ont été passés avec les banques pour refinancer les prêts hypothécaires des familles les plus vulnérables. En outre, les retraites et les salaires du secteur public ont été <a href="https://www.rtve.es/noticias/20221214/subida-pensiones-2023/2410229.shtml">augmentés</a> et il est prévu de <a href="https://www.rtve.es/noticias/20221221/negociacion-subida-salario-minimo-2023-gobierno-sindicatos/2412514.shtml">relever le salaire minimum</a>.</p>
<p>Toutefois, nombre de ces mesures doivent nécessairement être temporaires. Le danger est qu’elles finissent par être considérées comme des droits auxquels il ne faut pas renoncer. Elles faussent également l’économie et créent des problèmes d’équité en excluant ou en soutenant insuffisamment certains groupes. Les salaires privés <a href="https://home.kpmg/es/es/home/tendencias/2022/12/estudio-de-tendencias-retributivas-2023.html">n’augmenteront pas suffisamment</a> pour couvrir l’inflation, par exemple.</p>
<p>L’action a été telle qu’il y a eu très peu d’actions syndicales en réponse à la crise du coût de la vie. Le danger est qu’elles créent un scénario où le calme d’aujourd’hui peut être le signe avant-coureur d’une tempête sociale demain.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article, dont la version originale a été publiée en anglais, fait partie de la série <a href="https://theconversation.com/topics/global-economy-2023-132115">Global Economy 2023</a> sur les défis économiques auxquels le monde sera confronté dans l’année à venir. Vous aimerez peut-être aussi notre bulletin d’information sur l’économie mondiale (en anglais), auquel vous pouvez vous abonner <a href="https://theconversation.com/uk/newsletters/global-economy-and-business-115">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Phil Tomlinson currently receives funding from the Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC) for Made Smarter Innovation: Centre for People-Led Digitalisation, and the Economic and Social Research Council (ESRC) for an Interact project on UK co-working spaces and manufacturing.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jim Stanford, Marick Masters, Nabiyla Risfa Izzati et Rubén Garrido-Yserte ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À quelques jours du mouvement des syndicats français contre la réforme des retraites, les experts de The Conversation vous proposent un panorama mondial de la mobilisation sociale.Jim Stanford, Economist and Director, Centre for Future Work, Australia Institute; Honorary Professor of Political Economy, University of SydneyMarick Masters, Professor of Business and Adjunct Professor of Political Science, Wayne State UniversityNabiyla Risfa Izzati, Lecturer of Labour Law, Universitas Gadjah Mada Phil Tomlinson, Professor of Industrial Strategy, Deputy Director Centre for Governance, Regulation and Industrial Strategy (CGR&IS), University of BathRubén Garrido-Yserte, Director del Instituto Universitario de Análisis Económico y Social, Universidad de AlcaláLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1948622022-12-18T18:08:23Z2022-12-18T18:08:23ZCes villes où les migrants sont les bienvenus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500397/original/file-20221212-106702-q7hy77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=293%2C38%2C3275%2C2590&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Europe, le phénomène des villes-refuges a connu un développement important depuis les années 1990, sous l'impulsion de groupes cosmopolites tels que le Parlement international des écrivains.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/r4vi/21370416141/in/photostream/">R4vi/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>En 1985, San Francisco se dotait d’une loi faisant de celle-ci une <a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1985-12-24-mn-20853-story.html"><em>sanctuary city</em></a> (ville sanctuaire) pour les réfugiés venant d’Amérique centrale. Appuyée par la maire de l’époque, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dianne_Feinstein">Dianne Feinstein</a>, cette résolution fut étendue quelques années plus tard à tous les migrants. Elle imposait à la police de ne pas coopérer aux contrôles et arrestations effectuées par l’autorité fédérale de contrôle de l’immigration. Depuis ce moment historique, de nombreuses villes de part et d’autre de l’Atlantique se sont officiellement déclarées lieux d’accueil pour les migrants.</p>
<p>En Europe, le phénomène des <a href="http://www.gisti.org/spip.php?article5816">villes-refuges</a> a connu un développement important depuis les années 1990, sous l’impulsion de groupes cosmopolites tels que le Parlement international des écrivains. Celui-ci a donné naissance à ce qui est aujourd’hui l’<a href="https://icorn.org/what-icorn">International Cities of Refuge Network</a> pour la protection des écrivains et journalistes menacés dans leur propre pays.</p>
<p>Parallèlement, en raison du processus de décentralisation du pouvoir politique, les <a href="https://moving-cities.eu/fr">municipalités</a> sont devenues des acteurs de premier plan dans la gestion des migrations. Les villes ont donc commencé non seulement à se déclarer accueillantes en soutenant des politiques de protection et d’inclusion, mais surtout à structurer des réseaux avec d’autres villes partageant les mêmes idées à l’égard des questions d’asile.</p>
<h2>Les réseaux accueillants ont explosé depuis 2015</h2>
<p><a href="https://journals.openedition.org/e-migrinter/2281">Un article récent</a> souligne que lors de la crise migratoire de 2015 tels réseaux se sont développés et multipliés en suivant une dynamique descendante et une dynamique ascendante. Dans le premier modèle, des organisations internationales soutiennent la mise à l’ordre du jour des questions d’accueil au sein de réseaux de villes préexistants. Ceci est le cas, par exemple, de l’Organisation Internationale de la Migration avec sa participation au <a href="https://www.iom.int/fr/news/les-maires-du-monde-entier-se-reunissent-en-soutien-la-mobilite-humaine-la-migration-et-au-developpement">Forum mondial des Maires</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/migrants-plus-de-10-millions-de-francais-vivent-dans-une-commune-accueillante-170496">Migrants : plus de 10 millions de Français vivent dans une commune accueillante</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le modèle ascendant, d’autre part, se caractérise par le regroupement spontané de différentes municipalités, mais aussi d’organisations, de collectivités territoriales et autres acteurs de la société civile. C’est l’exemple du réseau <a href="https://www.anvita.fr/fr/qui-sommes-nous/">ANVITA</a> en France, ou du projet <a href="https://cityofsanctuary.org/about/">City of Sanctuary UK</a> au Royaume-Uni, dont le principe est d’associer l’expertise et les pratiques des organisations à l’action politique formelle des municipalités.</p>
<h2>La société civile joue un rôle clé</h2>
<p>D’une manière générale, de nombreuses <a href="https://theconversation.com/contrairement-aux-idees-recues-laccueil-des-refugies-a-suscite-un-elan-citoyen-en-europe-122832">communautés de citoyens</a> sont prêtes à revendiquer l’accueil et l’ouverture à l’étranger en quête d’asile comme des éléments de leur identité historique. Dans de nombreux cas, le monde associatif est à l’origine du choix d’une ville de se déclarer accueillante. Les associations sont souvent porteuses d’initiatives, de campagnes de sensibilisation ainsi que <a href="https://www.cncd.be/portfolio-commune-hospitaliere-action-140917?lang=fr">d’appels à l’action</a> directement adressés aux autorités locales.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Hq-qYpk3O04?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le collectif CNCD-11.11.11 interpelle les municipalités belges pour les transformer en « communes hospitalières ».</span></figcaption>
</figure>
<p>Si ces idées sont généralement bien accueillies par les pouvoirs politiques, elles restent parfois limitées à une dimension symbolique, sans donner lieu à des politiques réelles de protection et d’inclusion.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/migrants-venise-ou-lexperimentation-de-la-ville-refuge-71510">Migrants : Venise ou l’expérimentation de la ville-refuge</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Quelles sont les limites des villes accueillantes ?</h2>
<p>C’est précisément dans cette dichotomie entre symbolique et politique réelle, entre approche <em>soft</em> et <em>hard</em>, que l’on peut identifier un premier enjeu. Dans le débat politique contemporain, la migration et l’asile figurent parmi les questions les plus chargées d’une force <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15562948.2017.1353189">médiatique</a> et d’une valeur démagogique. Les autorités locales peuvent alors se déclarer accueillantes pour des raisons stratégiques, pour montrer leur opposition à un gouvernement d’une autre couleur politique. Cependant, il peut arriver qu’elles s’engagent que dans une mesure limitée dans la mise en œuvre concrète d’un système d’accueil alternatif.</p>
<p>Deuxièmement, même lorsque les villes adoptent une approche <em>hard</em> et mettent en œuvre des pratiques locales d’accueil et protection plus inclusives, elles peuvent se heurter à des obstacles structurels. Cela souligne les limites d’autonomie de la gouvernance locale, mais surtout le fait que les villes seules peuvent être confrontées à une disponibilité limitée des ressources. Elles doivent souvent faire face à des problèmes préexistants qui sapent l’efficacité des politiques d’accueil. Plusieurs cas identifiés comme des modèles positifs d’intégration ont montré par exemple des problèmes de <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/35559">ségrégation spatiale des nouveaux arrivants</a>.</p>
<h2>Il existe également des obstacles juridiques</h2>
<p>Être une ville accueillante au sens <em>hard</em> et s’engager à protéger les migrants en opposition aux directives des gouvernements nationaux, signifie agir précisément sur l’appareil juridique et policier. C’est sans aucun doute le cas dans le contexte actuel, où le phénomène migratoire est souvent traité comme un <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2020-4-page-3.htm">problème de sécurité publique</a>. Pour donner suite à son engagement en tant que ville accueillante, le conseil communal de Liège a par exemple voté une motion contre le projet du gouvernement qui visait à instaurer des <a href="https://www.lesoir.be/137048/article/2018-01-29/visites-domiciliaires-le-conseil-communal-de-liege-vote-une-motion-contre-le">visites domiciliaires</a> pour trouver et arrêter les personnes en séjour illégal.</p>
<p>En agissant de manière autonome et en défiant le gouvernement central, les représentants politiques locaux risquent souvent d’outrepasser les limites juridiques. Tous les acteurs impliqués, à la fois migrants et non-migrants, peuvent se retrouver à enfreindre des lois perçues comme contraires à leurs principes et objectifs humanitaires, et en subir les conséquences. Les non-migrants peuvent notamment être condamnés pour un paradoxal délit de solidarité. Tel est le cas de l’ancien maire de Riace, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Domenico_Lucano">Mimmo Lucano</a>, accusé d’avoir facilité l’immigration clandestine dans son <a href="https://www.bbc.com/news/in-pictures-37289713">célèbre modèle d’accueil</a>, et récemment <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/sep/30/pro-refugee-italian-mayor-sentenced-to-13-years-for-abetting-migration">condamné à 13 ans de prison</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1532376137464152064"}"></div></p>
<p>Sans vouloir diminuer la contribution des villes accueillantes qui continuent à soutenir de nouveaux paradigmes d’inclusion, il faut toutefois se demander quels sont les risques pour les migrants impliqués dans ces modèles alternatifs et contestataires. La limite des villes accueillantes apparaît donc comme un problème de responsabilité envers des populations extrêmement vulnérables, lorsque elles doivent justifier leur droit de protection devant nos systèmes d’asile, prouver leur bon comportement, leur mérite. Les risques, évidemment, sont encore plus grands dans le cas des sans-papiers.</p>
<p>Comme le constatait un demandeur d’asile interrogé en 2018 dans un centre d’accueil en Belgique :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne veux pas changer le système, j’ai besoin de mes papiers, j’ai besoin d’être reconnu comme un réfugié. Quiconque veut nous aider doit comprendre ça […] et il faut trouver une solution dans le système, nous ne pouvons pas risquer d’aller contre le système […]. Si je me fais arrêter aujourd’hui, quelles seront mes chances demain ? »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/194862/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessandro Mazzola ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les villes-refuges ont connu une explosion lors de la crise migratoire de 2015. Ces modes d’accueil locaux, alternatifs, portent souvent des projets contraires aux gouvernements nationaux.Alessandro Mazzola, Cultural and Political Sociologist, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.