tag:theconversation.com,2011:/id/topics/series-22175/articlesséries – The Conversation2024-02-15T14:11:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2216532024-02-15T14:11:21Z2024-02-15T14:11:21ZDans la série « Deadloch », le rire en étendard face aux violences de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575881/original/file-20240215-20-f937ou.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C7%2C2431%2C1537&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une écriture féminine pour dénoncer les violences de genre.</span> </figcaption></figure><p>La scène d’ouverture donne le ton. Dans une ville fictive de la côte tasmanienne (Australie), deux jeunes aborigènes rentrent, insouciantes, au petit matin, traversant des espaces déserts et embrumés. Comme dans toute série policière qui se respecte, on s’attend à ce qu’elles soient attaquées, sinon qu’elles découvrent le cadavre d’une femme horriblement violentée. Mais contre toute attente, elles tombent plutôt sur le corps sans vie d’un homme nu. Littéralement même, puisqu’en trébuchant dessus, l’une d’elles fait tomber son joint, qui se ravive alors au contact des poils du pubis. Et l’adolescente, paniquée, de pousser un juron, tout en frappant énergiquement le sexe pour éteindre son mégot.</p>
<p><a href="https://tspace.library.utoronto.ca/handle/1807/10253">« Parodie satirique »</a>, selon les termes de la professeure de littérature Linda Hutcheon, <em>Deadloch</em>, la série créée par le duo de comiques australiennes Kate McLennan et Kate McCartney, est autant un réquisitoire contre la <a href="https://journals.openedition.org/gss/3546">« masculinité hégémonique »</a> qu’un plaidoyer en faveur des victimes de discrimination. En usant du rire pour dénoncer des violences structurelles, la série se positionne en tête d’un courant d’expression féministe, récent mais affirmé.</p>
<h2>Une satire sociale</h2>
<p>À la façon des <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/la-bruyere/caracteres"><em>Caractères</em> de la Bruyère</a>, dans <em>Deadloch</em>, chaque personnage correspond à un archétype et incarne de façon exagérée un trait de personnalité, associé à une tendance de la société occidentale. Ce principe permet à la série de brosser avec humour le portrait de nombreux personnages, parmi lesquels des « gentils », comme une vétérinaire écolo persécutant son entourage avec des règles de bienveillance, une footballeuse tenace en quête désespérée de coéquipières ou un agent de police adorablement tire-au-flanc. Du côté des « vilains », on retrouve toute une gamme de misogynes – du paternaliste arrogant au pervers harceleur, en passant par des sexistes ouvertement hostiles et insultants – ainsi que deux femmes : une héritière raciste condescendante, et la belle idiote du village, intolérante essentiellement par stupidité : <a href="https://www.nytimes.com/1991/04/07/magazine/hers-the-smurfette-principle.html">« la schtroumpfette »</a> selon le concept de l’autrice féministe américaine Katha Pollitt, qui sert autant d’alibi aux hommes masculinistes qu’elle est abusée et manipulée par eux.</p>
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<p>Auparavant entièrement contrôlée par des hommes blancs et discriminants, la ville de Deadloch s’est tournée vers l’art et la culture, à la faveur de quelques décès opportuns mais aussi sous l’impulsion d’une maire de couleur, stressée et stressante. La commune est alors devenue miraculeusement un havre de paix pour des couples de lesbiennes, qui sont maintenant beaucoup plus nombreuses ou visibles qu’avant, à commencer par la shérif Dulcie.</p>
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<p>C’est dans ce contexte qu’une série de meurtres fait paraître, aux abords de la ville, des cadavres d’hommes dénudés, dont on a également sectionné la langue, toute référence au <a href="https://www.cairn.info/les-femmes-et-le-pouvoir--9782262075811-page-13.htm">mythe grec de Philomèle</a> étant évidemment purement volontaire.</p>
<p>L’enquête se retrouve alors aux mains de Dulcie mais aussi d’Eddie, une détective impulsive, vulgaire et borderline homophobe, dépêchée en renfort. Les tensions très fortes qui émergent, à la fois entre Dulcie et Eddie et entre le duo d’enquêtrices et le reste de la population s’entremêlent avec la poursuite d’un, ou d’une serial killer, dont le mobile se révèle être lié à la question des violences de genre, les victimes en ayant toutes commis de leur vivant.</p>
<p>Naturellement, comprenant qu’ils sont visés par ce qu’ils pensent être une tueuse en série et supportant très mal leur soudaine position de cible vivante, les machos de la ville tentent de s’organiser pour reprendre la situation en main. Ainsi, dans <em>Deadloch</em>, les comiques de caractère, de mœurs et de situation permettent-ils la peinture contrastée d’un monde inégalitaire et absurde, au bord de l’implosion, une représentation encore rehaussée par une utilisation prononcée du vrai.</p>
<h2>La vérité comme ressort comique</h2>
<p>À maintes reprises, et de façon toujours inattendue, dans la série, les personnages énoncent la vérité, tout du moins leur vérité, que ce soit lors d’un banquet gastronomique, d’un dîner d’anniversaire, d’un interrogatoire de témoin, ou pendant une garde à vue collective. En plus de déclencher le rire, cette authenticité imprévue permet aux autrices de verbaliser, via leurs personnages, un nombre important de phénomènes sociaux et historiques : par exemple, le stigmate social dû à la non-conformité aux stéréotypes de genre, l’éviction des aborigènes de leurs terres lors de la colonisation anglaise ou encore la condamnation de l’homosexualité par l’Église. Typiquement, à la shérif qui lui demande pourquoi elle a arrêté de se rendre à la paroisse, Skye, la chef cuisinière, répond : « Comme toi, Dulcie, je suis devenue trop gay pour ça. »</p>
<p>Cette franchise à portée pédagogique s’accompagne de plus d’un langage grossier, imagé et tellement outrancier que les scénaristes ont dû le défendre auprès de la direction d’Amazon, qui diffuse la série. Dans un essai argumenté, surnommé <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2023/may/27/we-invoked-shakespeare-kates-mclennan-and-mccartney-on-explaining-australian-swearing-to-amazon"><em>The Cunt Manifesto</em></a> (littéralement <em>Le Manifeste de la Chatte</em>), les deux Kate, McLennan et McCartney, ont argué autant d’une exception culturelle australienne que d’une écriture de l’insulte <a href="https://mymarginalia.wordpress.com/2011/01/24/william-shakespeare-and-the-gentle-art-of-cursing/">typiquement shakespearienne</a>. Leur démarche est d’autant plus originale que c’est justement au nom de la bienséance que les femmes ont été pendant des siècles exclues du cercle des comiques professionnels, comme l’explique l’historienne Sabine Melchior-Bonnet dans son livre <a href="https://www.cairn.info/le-rire-des-femmes--9782130825531.htm"><em>Le Rire des femmes, une histoire de pouvoir</em></a>.</p>
<p>Par ailleurs, en observant d’autres œuvres comiques de la décennie passée, on constate que <em>Deadloch</em> partage avec certaines d’entre elles une écriture exclusivement féminine, une grande liberté de ton et l’exposition truculente de violences de genre.</p>
<h2><em>Deadloch</em>, série phare d’une contre-offensive féminine par le rire</h2>
<p>En effet, comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3ktWCk8g1kY"><em>Sweet/Vicious</em></a>, série inconnue en France mais qui a lancé en 2016 la carrière de l’autrice-réalisatrice américaine Jennifer Kaytin Robinson, <em>Deadloch</em> met en lumière l’importance de la sororité face à l’impunité masculine, et ce, malgré la difficulté reconnue de maintenir une cohésion féminine. Comme le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rwZwpqP89pc"><em>Promising Young Woman</em></a> d’Emerald Fennell, couronnée de l’Oscar du meilleur scénario en 2021, <em>Deadloch</em> malmène la figure de l’allié apparent, de l’homme en apparence « sympa », mais qui, sous des dehors amènes, ne sert en réalité que des intérêts égoïstes et malsains. Comme dans le final de <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19588708&cserie=25797.html"><em>I May Destroy you</em></a>, la série en partie autobiographique de Michaela Coel, on ne sait plus si l’on doit rire de l’homme violent, violenté à son tour, ou au contraire le plaindre, voire le consoler.</p>
<p>Auparavant, d’autres séries avaient déjà fait usage d’éléments de comédie, tout en dissertant sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2019-1-page-17.htm">« continuum des violences faites aux femmes »</a>, théorisé par la sociologue britannique Liz Kelly. Citons en particulier la première saison de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hO8Q0qGkiRY"><em>Jessica Jones</em></a> en 2015, la série <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1uFIwRDIO2k"><em>Big Little Lies</em></a> et la troisième saison de <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19568196&cserie=11230.html"><em>Broadchurch</em></a> en 2017. Néanmoins, dans ces œuvres, qui n’étaient pas toutes écrites par des femmes, le rire venait surtout en réconfort, ponctuer un récit dramatique de respirations comiques.</p>
<p>Au contraire, dans <em>Deadloch</em>, <em>I May Destroy You</em> ou <em>Promising Young Woman</em>, loin d’être un baume, le rire a du piquant et provoque d’amères prises de conscience. Non seulement rire et violences y sont indissociables, mais les tensions soulevées par l’humour restent en suspens. Alors qu’une plaisanterie consiste logiquement en l’articulation de deux temps, la création d’une tension que l’on vient ensuite soulager par une punchline, dans <em>Deadloch</em> – exactement comme le préconisait Hannah Gadsby, la comique d’origine tasmanienne, dans son spectacle <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5aE29fiatQ0"><em>Nanette</em></a> – la tension se maintient du côté des hommes. Réduits au silence ou exposés à la risée du public, machistes et misogynes terminent les véritables dindons de la farce, un procédé que l’on retrouve dans <em>Sweet/Vicious</em>, dans <em>Promising Young Woman</em> ou dernièrement aussi dans la démarche de l’humoriste belge Laura Laune. Celle-ci a en effet lancé Trashh, une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6WVMvaoZ4Pg">gamme de vêtements</a> recyclant des commentaires haineux reçus par elle-même et par d’autres femmes. Retournant notamment l’insulte sexiste la plus communément adressée en ligne, l’humoriste arbore, en couverture de son site, un t-shirt sur lequel on peut lire “Salut les fils de pute”. En rassemblant par connivence les personnes insultées et discriminées, le rire participe ici d’une contre-offensive féminine, voire d’une écriture post-traumatique collective.</p>
<h2>Une vision complexe des rapports de domination</h2>
<p>En tant que production emblématique d’une mouvance récente, <em>Deadloch</em> est donc autant une validation qu’un démenti des écrits de Virginia Woolf. D’un côté, la série est écrite et réalisée par des femmes qui cherchent clairement « à modifier les valeurs établies, à rendre sérieux ce qui paraît insignifiant à un homme, et insignifiant ce qui est, pour lui, important », <a href="https://www.editionsdelavariation.com/product-page/virginia-woolf-%C3%AAtre-femme">comme le disait l’autrice aux étudiantes de Cambridge en 1928</a>. Mais quelques années plus tard, <a href="https://www.editions-stock.fr/livre/journal-integral-1915-1941-9782234060302/">Woolf écrivait aussi dans son journal</a> : « plus une vision est complexe et moins elle se prête à la satire ». Or <em>Deadloch</em> offre justement, via la satire, une vision complexe des rapports de domination et de la façon dont ceux-ci peuvent gangrener le tissu d’une communauté.</p>
<p>De fait, puisqu’on ne peut rire de quelque chose sans présupposer de son existence, <a href="https://www.press.jhu.edu/books/title/1576/fictional-truth">comme l’expliquait le critique littéraire Michael Riffaterre</a>, l’humour, surtout s’il est moqueur, est un puissant moyen de générer une vérité, de dessiner les contours d’un fait social, selon la <a href="https://philosophie.universite.tours/documents/1894_Emile_Durkheim.pdf">terminologie d’Émile Durkheim</a>. C’est pourquoi <em>Deadloch</em> donne finalement raison à <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/la-civilisation-du-rire/">l’historien Alain Vaillant</a>, pour qui, « il faut parfois du sérieux, ne serait-ce que pour redonner au rire sa vraie mission anthropologique, qui est de mettre le réel à distance. Mais pour mieux le voir ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221653/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Bastin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’humour, surtout s’il est moqueur, est un puissant moyen de générer une vérité, de dessiner les contours d’un fait social. Illustration avec la série « Deadloch ».Nicole Bastin, Enseignante en études sur le genre, doctorante en études culturelles anglophones, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228362024-02-06T14:42:04Z2024-02-06T14:42:04ZLa série « Balenciaga », fenêtre sur l’histoire de la haute couture<p>Né dans un petit village de pêcheurs basques sur la côte nord de l’Espagne à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://www.cristobalbalenciagamuseoa.com/en/discover/cristobal-balenciaga/">Cristóbal Balenciaga</a> (1895-1972) est devenu l’un des créateurs de mode les plus novateurs et les plus influents du XX<sup>e</sup> siècle – et le roi de la mode à Paris.</p>
<p>Son dévouement au métier de couturier et de tailleur a été très tôt encouragé par sa mère couturière et reconnu par l’aristocratie espagnole locale qui a su reconnaître ses talents. La marquise de Casa Torres, sa protectrice, lui permet de faire un apprentissage de tailleur à Saint-Sébastien, où il a ouvert sa première entreprise de couture en 1919, à l’âge de 24 ans, et plus tard un atelier à Madrid.</p>
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<img alt="Un homme brun en costume élégant" src="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cristóbal Balenciaga ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Crist%C3%B3bal_Balenciaga#/media/File:Cristobal_Balenciaga.jpg">Louise Dahl-Wolfe, 1950/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ses coupes impeccables et ses compétences exceptionnelles en matière d’assemblage et de couture de vêtements à la main lui valent une position respectée dans le monde de la haute couture à Paris, où il ouvre sa <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/acref/9780199891573.001.0001/acref-9780199891573-e-4043">maison</a> en 1937.</p>
<p>La vie et l’œuvre de Balenciaga sont actuellement explorées dans une <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2024/jan/19/cristobal-balenciaga-review-this-classy-drama-is-utterly-gorgeous">série biographique espagnole en six épisodes</a> sur <a href="https://press.disney.co.uk/news/original-drama-series-crist%C3%B3bal-balenciaga-will-debut-january-19-exclusively-on-disney+-in-the-uk">Disney+</a>. La série retrace l’histoire de l’homme qui est devenu le « maître » de la <a href="https://www.businessoffashion.com/education/fashion-az/haute-couture">haute couture</a> grâce à ses créations innovantes de vêtements féminins et son utilisation originale des textiles pendant les années qu’il a passées à Paris, de 1937 à 1968.</p>
<p>La nouvelle série de Disney met en scène Alberto San Juan dans le rôle de Balenciaga et s’articule autour du créateur qui se remémore les événements de sa vie et de sa carrière lors d’une rare interview en 1971 avec la rédactrice de mode du <em>Times</em>, Prudence Glynn (Gemma Whelan).</p>
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<h2>La mode pour un monde d’après-guerre</h2>
<p>Nous rencontrons Balenciaga en 1937, un an après avoir accepté le statut très convoité de « couturier », conféré par les normes rigoureuses de la <a href="https://www.fhcm.paris/en/our-history">Chambre syndicale de la couture parisienne</a>. Les talents de tailleur et de couturier de Balenciaga, ainsi que ses créations innovantes, ont joué un rôle crucial dans le succès et l’impact durable de la haute couture du milieu du XX<sup>e</sup> siècle – un fait qui est soigneusement décrit dans la série.</p>
<p>Si la licence artistique embellit les moments intimes et émotionnels de la série, celle-ci est globalement fidèle à l’histoire, notamment en ce qui concerne les relations et les rivalités entre les couturiers <a href="https://www.vogue.co.uk/article/coco-chanel-biography">Coco Chanel</a> (Anouk Grinberg), <a href="https://www.vogue.co.uk/article/christian-dior">Christian Dior</a> (Patrice Thibaud) et le mentorat de <a href="https://www.vogue.co.uk/article/hubert-de-givenchy-biography">Hubert de Givenchy</a> (Adrien Dewitte).</p>
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<p>Dans l’épisode 2 (« L’occupation »), lorsque l’investisseur de Balenciaga cherche à se rassurer et rend visite à Chanel pour lui demander si le créateur peut réussir dans la haute couture parisienne, sa célèbre réponse est retentissante : « « Cristóbal était le seul vrai couturier parmi nous tous. Les autres n’étaient que des stylistes ».</p>
<p>La série retrace les turbulences politiques et économiques de la mode au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Les créateurs devaient protéger leur réputation et leur intégrité créative et faire face à l’espionnage industriel, dans un contexte international mouvementé. Pendant ce temps, les traditions artisanales de la couture devaient faire face à la montée et à l’expansion de la fabrication en masse du <a href="https://www.masterclass.com/articles/ready-to-wear-fashion-guide">prêt-à-porter</a>.</p>
<h2>Trouver l’inspiration</h2>
<p>L’influence de Balenciaga dans le domaine de la couture tient aussi à son inspiration issue des vêtements traditionnels espagnols et des vêtements liturgiques du catholicisme, qu’il a incorporés dans ses collections.</p>
<p>Au cours des épisodes 1 et 2, nous le voyons s’efforcer de définir le style de sa maison jusqu’à ce qu’il consulte ses livres d’art et de costumes historiques pour trouver l’inspiration. Cet engagement dans la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/memories-of-dress-9781350153813/">mémoire culturelle de l’habillement</a>, révèle l’authenticité, la signification et la profondeur de ses créations qui émergent de ses racines espagnoles.</p>
<p>Christian Dior a dit de Balenciaga qu’il était « notre maître à tous », et l’Espagnol était admiré pour son génie technique et ses innovations par les journalistes de mode, les critiques, les clients, les employés et ses pairs dans les cercles de la haute couture.</p>
<p>Les nouveaux créateurs de prêt-à-porter, dont il a été le mentor, ont repris ses principes de conception dans leurs lignes de vêtements de luxe fabriqués en série, notamment Givenchy, <a href="https://www.vogue.com/article/remembering-andre-courreges">André Courrèges</a> et <a href="https://www.vogue.co.uk/article/emanuel-ungaro-biography">Emanuel Ungaro</a>.</p>
<h2>Industrie et passion</h2>
<p>Il s’agit d’une série écrite, réalisée et dirigée par des personnes qui respectent la place des idées, des compétences et de l’innovation dans la pratique de la fabrication des vêtements de haute couture. La magie de Balenciaga repose sur un dévouement infatigable son art. Partout, nous voyons des mains, des outils, des textiles manipulés, coupés, pliés, cousus, ajustés et finalement formés sur un corps, prêt à être admirés et, en fin de compte, vendus.</p>
<p>Il s’agit là d’une des réussites de cette série. Dans le dernier épisode, « Je suis Balenciaga », l’Espagnol s’interroge sur l’avenir de la couture et de sa maison dans un contexte de prêt-à-porter en plein essor. Il se rend compte que l’une des options qui s’offrent à lui est de se retirer et de passer les rênes à un collaborateur de confiance. Cependant, il déclare : « Ce n’était pas seulement une entreprise, elle faisait partie de moi, comme une extension de mon corps. Comment un corps peut-il survivre sans cerveau ? »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femme portant un tailleur noir à manches évasées et jupe au genou, assise sur un socle, la main droite levée et appuyée contre le mur" src="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Costume vintage Cristóbal Balenciaga, 1951.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/51248231@N04/4711015713">Bianca Lee/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La série montre aussi le pouvoir croissant des médias qui imposent le rythme des changements sur les marchés de la mode. <a href="https://www.harpersbazaar.com/culture/features/a92/bazaar-140-0507/">Carmel Snow</a> ((Gabrielle Lazure) est un personnage important de la série : c’était la responsable de la mode de l’édition américaine du très influent magazine lifestyle <a href="https://www.harpersbazaar.com/"><em>Harper’s Bazaar</em></a>. Snow avait le pouvoir de faire ou défaire la fortune des plus grands couturiers, car, sans l’exposition offerte par le prestigieux magazine, il n’y aurait eu ni clients, ni commandes.</p>
<p>L’épisode quatre – « Imitations » – montre les prémisses du débat sur les systèmes actuels de <a href="https://www.vogue.co.uk/fashion/article/article/history-of-paris-fashion-week"><em>fashion weeks</em></a>, afin de limiter l’accès de la presse aux défilés de couture intimes dans les maisons, par crainte de voir apparaître des copies et des contrefaçons.</p>
<p>Cette série, bien que dramatisée, représente avec une certaine fidélité un pan important de l’histoire. Ce que nous portons est une facette de notre identité, et la mode est au cœur des événements quotidiens et extraordinaires. Cette série témoigne du fait que la conception, la fabrication et la promotion des vêtements mêleront toujours passion et drame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elizabeth Kealy-Morris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La série Balenciaga offre un aperçu fascinant de l’univers de la haute couture au milieu du siècle dernier, en retraçant le destin d’un couturier d’exception.Elizabeth Kealy-Morris, Senior Lecturer in Dress and Belonging, Manchester Fashion Institute, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204372024-01-25T14:53:19Z2024-01-25T14:53:19ZCulture pornographique et télé-réalité : quand l’inceste envahit nos écrans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570917/original/file-20240123-27-4v3kbw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C10%2C997%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kelle embrasse son fils Joey, image de promotion de l’émission MILF Manor, 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span></figcaption></figure><p>Dans l’émission de télé-réalité <em>Loft Story</em>, la désormais célèbre « scène de la piscine », dans laquelle il y aurait eu un rapport sexuel filmé entre Loana et Jean-Édouard, fait les gros titres en 2001. À ce moment-là, la polémique que suscite l’émission est symptomatique d’une panique morale plus large qui accompagne l’émergence de la télé-réalité en France : un genre télévisuel que certains appellent alors la « télé-poubelle » ou autrement dit en anglais la « trash TV ».</p>
<p>Plus de vingt ans après <em>Loft Story</em>, l’émission <em>Frenchie shore</em> diffusée fin 2023 sur la plate-forme de streaming payante Paramount+ et sur MTV fait à son tour scandale. Alors qu’elle donne à voir de manière bien plus explicite des personnes assumant « baiser devant les caméras » pour reprendre les mots d’Ouryel, une candidate de l’émission, <em>Frenchie Shore</em> montrerait alors, selon une journaliste de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TrjrU1MVIXI"><em>C l’hebdo</em></a>, une « image assez particulière de la sexualité ».</p>
<p>Si certains sonnent alors le retour de « la vraie télé-réalité » avec <em>Frenchie Shore</em>, considérée comme l’émission la plus « trashissime » jamais diffusée en France, ce genre d’émissions n’est pourtant pas nouveau. On pense à <em>L’île de la tentation</em> (diffusée à partir de 2002 sur TF1), <em>Opération séduction aux Caraïbes</em> (2002), <em>Secret Story</em> (première diffusion en 2007), <em>Les Anges de la télé-réalité</em> (diffusée pendant 10 ans à partir de 2007 également), <em>Les Marseillais</em> (de 2012 à 2022) ou encore <em>Adam recherche Eve</em>, une émission de <em>dating</em> diffusée en 2015 sur la chaîne C8, dans laquelle des hommes et des femmes se rencontrent totalement nus sur une île déserte.</p>
<h2>Les bikinis shows : sexualité et nudité au programme</h2>
<p>En fait, l’émission <em>Frenchie Shore</em>, dans laquelle de jeunes gens passent des vacances plutôt torrides dans une villa au Cap d’Adge, pourrait être classée du côté de ce que l’industrie appelle en anglais les bikinis shows : des émissions aux couleurs saturées, qui reposent sur un casting de jeunes adultes, hommes et femmes aux plastiques standardisées. </p>
<p>Notons par ailleurs que la plate-forme de streaming Netflix a elle aussi investi dans les <em>bikinis shows</em>, en diffusant par exemple depuis 2020 l’émission <em>Séduction haute tension</em> (<em>Too Hot to Handle</em> en anglais), dans laquelle les téléspectateurs assistent aux ébats sexuels des participantes et participants qui doivent pourtant rester chastes (sous peine de voir leur cagnotte collective diminuer à chaque transgression). Connue pour être désormais l’émission « la plus chaude » de Netflix, cette émission de télé-réalité américaine a depuis été déclinée dans plusieurs versions, comme en Allemagne ou au Brésil par exemple.</p>
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<p>En ce qui concerne <em>Frenchie Shore</em>, le producteur de l’émission précise que « ce n’est pas de la pornographie ». Pour ne pas franchir ce qui semblerait être les limites communément admises de ce qu’est ou non un contenu pornographique, les producteurs font usage de stratégies variées : floutages des parties génitales, images filmées en caméra infrarouges, <em>smiley</em> cachant des actes sexuels telles que des fellations ou des pénétrations, etc. Par ces procédés, les émissions de télé-réalité jouent de fait avec les limites de la pornographie, et en France, dans un contexte de nouvelle légifération entourant l’accessibilité des contenus pornographiques, l’émission <em>Frenchie Shore</em> fait sensation. Si l’émission ne peut être qualifié de « contenu pornographique » en tant que tel, elle permet néanmoins de poser la question des circulations entre télé-réalité et pornographie.</p>
<p>Subrepticement, l’émergence des thématiques incestueuses dans la télé-réalité permet d’approfondir la nature de ces liens et leurs conditions d’existence : d’autres émissions, cette fois-ci américaines mais disponibles aussi en France, s’emparent en effet plus manifestement des codes de la pornographie mainstream, en s’appuyant notamment sur la trend pornographique de l’érotisation de l’inceste, et méritent que l’on y prête une plus grande attention.</p>
<h2>« Dans la famille sexy », je demande… la mère et le fils !</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joey et sa mère, « ça va être une période effrayante » en parlant de l’émission de télé-réalité <em>MILF Manor</em> (2023).</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>En 2023, les émissions américaines <em>MILF Manor</em> (diffusé sur TLC en 2023) puis <em>Dated and Related</em> (en français <em>Dans la famille sexy</em> diffusée sur Netflix la même année) s’inscrivent dans la dynastie des bikinis shows, mais avec un twist narratif inédit : la co-présence de frères et sœurs (parfois jumeaux) ou de mères et de leurs fils dans les villas faisant office d’espaces de séduction clos.</p>
<p>Ainsi, <em>MILF Manor</em> filme huit femmes âgées de 44 à 60 ans cherchant à rencontrer des hommes plus jeunes qu’elles et à entamer une relation avec l’un d’entre eux. Mais « surprise », les huit jeunes hommes qui les rejoignent dans la villa ne sont autres que leurs fils respectifs, âgés de 20 à 30 ans environ. Dans l’émission <em>Dated and Related</em>, présentée par la plate-forme comme son émission la plus « gênante », des duos composés de frères et de sœurs ou de cousines et de cousins se rencontrent et cherchent à relationner sous l’œil plus ou moins complaisant de leurs collatéraux, dans une villa située dans les hauteurs de Cannes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les sœurs jumelles Diana et Nina dans l’émission Dated and Related (<em>Dans la famille sexy</em> en français) 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>À première vue, <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> pourraient appartenir à la lignée des émissions portées sur l’investissement de membres de la parenté dans la planification et le jugement de relations conjugales ou matrimoniales d’un·e des leurs (comme dans <em>Qui veut épouser mon fils ?</em> ou encore par exemple <em>Ma mère, ton père, l’amour et moi</em>, diffusée récemment sur TF1). Mais contrairement à ces émissions, l’enjeu entre les candidats appartenant à la même famille n’est pas l’intégration par la conjugalité d’un nouveau membre dans leur famille.</p>
<p>Les émissions <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> portent en effet sur la vie affective et sexuelle des candidates et candidats et s’inscrivent de cette façon dans le genre des bikinis shows et se distinguent par plusieurs aspects des émissions engageant les membres d’une même famille. D’abord, elles mettent en scène des corps standardisés et hypersexualisés propres aux codes de la pornographie mainstream.</p>
<p>Ensuite, le fait que les duos « mères/fils » dans <em>MILF Manor</em>, ou les duos de sœurs, de cousins, etc. dans <em>Dated and Related</em> soient simultanément à la recherche d’un partenaire dans le même espace clos est une mécanique narrative inédite dans la télé-réalité. Ainsi, dans ces deux émissions, les membres de la famille commentent les désirs des uns et des autres ou ce que chacun décide de faire avec son corps, dans sa vie intime : des sujets qui les invitent à se sexualiser mutuellement, ce qui est généralement esquivé dans les <em>dating shows</em> impliquant les familles des candidat·e·s.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le défi massage dans <em>MILF Manor</em>, lors duquel les fils massent chacune des mamans à l’aveugle, 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>Par ailleurs, <em>MILF Manor</em> joue de manière plus flagrante sur l’ambiguïté produite par la co-présence de celles et ceux présentés tout au long de l’émission comme les « moms » et les « sons » (en français « les mamans » et les « fils »). En effet, les duos mère-fils partagent une même chambre, ce qui ne les empêche pas d’avoir simultanément des invité·e·s dans leurs lits respectifs. Une confusion des générations est constamment mise en scène, des « moms » étant successivement amenées à « esquiver » d’autres MILFS pour s’acoquiner avec les « sons » sans se faire prendre, puis à exprimer une réprobation toute maternelle quant aux choix de fréquentations de leurs fils.</p>
<p>L’humour et le scandale reposent ainsi sur le risque érotisé de l’inceste et la suggestion de son existence, puisque les « défis » consistent par exemple, pour les mères, à reconnaître le torse de leur fils, les yeux bandés, en palpant un à un les garçons. En retour, les « sons » seront notamment invités à réaliser des massages sensuels, les yeux bandés, sur les dos nus de chacune des « moms ». Tous auront également à reconnaître un maximum de sous-vêtements sales appartenant à leur mère/fils pour obtenir une victoire.</p>
<h2>L’inceste : une nouvelle trend de la télé-réalité ?</h2>
<p>C’est avant tout dans l’industrie pornographique que l’inceste est devenu omniprésent au fil des dernières années, comme l’explique Ovidie dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-culture-de-l-inceste-collectif/9782021502053"><em>La culture de l’inceste</em></a> à travers un article sur la « step-mom » (belle-mère), « le tag le plus recherché au monde » sur les sites pornographiques.</p>
<p>Dans la pornographie, elle explique que l’inceste est montré comme fun et consenti. Outre les scénarios incestueux, il arrive également que des acteur·rices apparenté·e·s tournent ensemble dans des vidéos, tandis que des pages X (Twitter), Instagram ou Onlyfans proposent leur lot de contenus érotiques amateurs mettant en scènes des frères, des sœurs, des jumeaux. Les émissions <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em> capitalisent de fait sur cette tendance pornographique pour capter l’attention du public.</p>
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<p>Cela étant, la pirouette narrative de l’émission consiste au montage à accompagner systématiquement ces moments d’érotisation de l’inceste par les commentaires de candidat·e·s exprimant soit du dégoût, soit de l’excitation, mettant ainsi en exergue l’ambiguïté attendue dans la réception de ces scènes. Il s’agit donc de suggérer l’éventualité de la transgression (ici incestueuse), sans que celle-ci ne soit jamais actualisée, pour reprendre l’analyse de la chercheuse Divina Frau-Meigs dans un <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/15502322.pdf">article</a> qu’elle consacre aux liens entre télé-réalité et pornographie en 2003.</p>
<p>Si s’appuyer sur la culture de l’inceste dans la télé-réalité semble relativement nouveau, dans la pornographie, cette tendance est en revanche loin d’être marginale. Les journalistes de <em>Cash Investigation</em> (France TV, 2023) expliquent <a href="https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/5247165-porno-un-business-impitoyable.html">par exemple</a> que des sites pornographiques s’obligent en fait à « défaire » les liens de parenté dans leurs titres (en ajoutant par exemple « step » devant « brother and sister » ou devant « moms ») pour que les vidéos soient diffusables et ne soient pas qualifiées d’incestueuses. La popularité de l’inceste dans la pornographie souligne ainsi une contradiction entre les discours publics de rejet et de dégoût en réaction à l’inceste (et donc aux émissions citées), et entre l’excitation générée par la consommation de contenus en privé.</p>
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<h2>Décloisonner certains imaginaires pornographiques</h2>
<p>Il est important de souligner que la télé-réalité fait l’objet d’une forte dévaluation sociale, ici en montrant notamment dans <em>Frenchie Shore</em> des formes de sexualités jugées socialement inacceptables car considérées « trop vulgaires » et « débridées ». En fait, cette émission, comme beaucoup d’autres avant elle, brouille les frontières du public et de l’intime et s’inscrit dans un mouvement plus général de publicisation de l’intime, alors au cœur du « modèle néolibéral » (comme le note plus précisément Divina Frau-Meigs). Cela dit, la nouveauté dans <em>Frenchie Shore</em>, c’est qu’en plaçant la sexualité au cœur de son dispositif télévisuel de manière explicite, elle pousse le brouillage à son paroxysme, rendant alors quasi-visibles des choses qui demeurent habituellement cachées, sauf dans le cadre de la production pornographique. De la même manière, ce qui suscite l’indignation dans <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em>, c’est que des éléments de l’intimité des candidat·e·s sont exposés et commentés par des membres de leur famille.</p>
<p>Quoi qu’en disent plusieurs journalistes et internautes, notons que ces émissions de télé-réalité ne traduisent pas un intérêt nouveau pour l’inceste. À ce titre, il est important de rappeler que l’érotisation des relations incestueuses est un procédé récurrent des productions culturelles (comme le démontre Iris Brey dans <em>La culture de l’inceste</em>), qui nourrissent la culture de l’inceste et en occultent le véritable phénomène social : les violences sexuelles intrafamiliales commises sur les enfants, dont nous savons aujourd’hui qu’elles concernent un <a href="https://facealinceste.fr/blog/publication/comment-nous-arrivons-au-chiffre-de-1-francais-sur-10-victime-d-inceste">enfant sur dix</a> et qu’elles relèvent de l’exercice d’une domination.</p>
<p>Finalement, la question n’est donc pas de savoir si ce type d’émissions se place ou non à la limite de la pornographie, mais d’analyser la manière dont la télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique. Filmer des actes sexuels ou érotiser l’inceste s’inscrit dans la continuité de circulations et d’emprunts qui s’opèrent entre le genre de la télé-réalité et la pornographie. </p>
<p>Alors que ces représentations ne semblent guère entaillées par une période de lutte renouvelée contre les violences sexuelles intrafamiliales, la place d’un inceste illusoire, car « fun » et « consenti », dans ce genre de contenus qui troublent la notion de réalité, doit être questionnée de manière critique. Cela, dans un contexte où les productions culturelles montrant la violente réalité de l’inceste demeurent rares. La réception de certaines d’entre elles, tel que <em>Triste Tigre</em> de Neige Sinno qui a remporté les prix Femina et le Goncourt des lycéens en 2023, atteste d’ailleurs d’un intérêt renouvelé pour ces récits restituant les réalités subies par les victimes. Ainsi, la question de l’inceste ne cesse de mettre la société face à ses propres contradictions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique.Aziliz Kondracki, Doctorante en anthropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Corentin Legras, Doctorant en athropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189542023-12-14T19:11:09Z2023-12-14T19:11:09ZTéléfilms de Noël : les recettes de leur succès au long cours<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565157/original/file-20231212-23-3tf6ve.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C988%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_Falling for Christmas_, téléfilm de Noël diffusé sur Netflix.</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la nuit tombe plus tôt, que les rues, vitrines et monuments s’illuminent de mille feux et que les traditionnels marchés s’installent au cœur des bourgs, Noël envahit également l’intérieur des habitations, des décorations aux petits écrans. En effet, comme le chantait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Rct7_aMc5B8">Billy Mack</a> dans le désormais culte <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=44445.html"><em>Love Actually</em></a>, « Christmas is all around », y compris à la télévision.</p>
<p>Les « films de Noël » ne sont pas nouveaux : ils existent dès la fin du <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-films-de-noel-e5ccd9ce-ca1b-4cfe-9468-c19a72a2a054">XIX<sup>e</sup> siècle</a> et arrivent en France au tout début du XX<sup>e</sup> siècle (avec notamment <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Dc3ei1tseeM"><em>Santa Claus</em></a> de George Albert Smith, en 1898). Parmi les plus iconiques, on compte <em>Maman j’ai raté l’avion</em> (1990), <em>Love Actually</em> (2003), <em>The Holiday</em> (2006), ou les diverses adaptations des contes et histoires de Noël (<em>Le Grinch</em>, par exemple).</p>
<p>En plus d’un siècle d’histoire, ils ont bien entendu évolué au gré des époques et des technologies. Si les films de Noël existent toujours, ces dernières décennies ont vu le succès d’un autre format : les téléfilms de Noël. Ces derniers sont produits uniquement pour la télévision, et donc sont soumis à une production différente, généralement bien moins onéreuse. Ils se distinguent aussi par des codes narratifs bien précis empruntés aux comédies romantiques – les décorations de Noël en plus – qui en font des objets emblématiques de la période des fêtes.</p>
<h2>Un scénario cousu de fil blanc</h2>
<p>En général, l’histoire suit une jeune femme carriériste vivant dans une grande ville ; elle rencontre un problème qui la contraint à se rendre dans une petite bourgade pour les fêtes, où elle va rencontrer un homme. Sur place, les habitants et le protagoniste masculin, baignés dans une ambiance festive traditionnelle, l’aident à résoudre son problème, l’incitant ainsi à changer de vie et à s’installer dans la bourgade où elle a passé Noël… avec l’homme en question.</p>
<p>Parmi les instigateurs de ces codes bien connus de tous les amateur de ces téléfilms, on compte la chaîne américaine Hallmark, filiale de Hallmark Cards, la plus grande entreprise de cartes de vœux américaine. A l’origine, les films produits par la chaîne Hallmark avaient pour but de rappeler aux téléspectateurs que le temps était venu d’envoyer des cartes de vœux.</p>
<p>Les valeurs de Noël représentées dans les téléfilms appellent au partage et à la générosité, tentant ainsi d’inciter leurs publics à promouvoir les mêmes valeurs dans leur vie quotidienne. La chaîne Hallmark elle-même était, avant de devenir Hallmark, une chaîne religieuse (The Faith and Values Channel), puis une chaîne centrée sur la famille (Odyssey Network).</p>
<p>Cette orientation vers des programmes pour la famille s’est intensifiée après le rachat d’Odyssey par Hallmark, ce qui explique le côté conservateur de ses productions mais aussi l’aspect marketing, toujours présent derrière ces programmes saisonniers. La chaîne Hallmark diffuse dès le début des années 2000 ses premiers films de Noël et <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-films-de-noel-e5ccd9ce-ca1b-4cfe-9468-c19a72a2a054">lance en 2009 son « Countdown to Christmas », une programmation spéciale de fin octobre au 1<sup>er</sup> janvier »</a>, établissant la diffusion saisonnière des téléfilms de Noël. Hallmark est par ailleurs un des plus grands producteurs de téléfilms de Noël, avec plus de <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-films-de-noel-e5ccd9ce-ca1b-4cfe-9468-c19a72a2a054">300 films diffusés depuis 2009 et près de 40 nouveaux films produits et diffusés chaque année</a>.</p>
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<p>Ces téléfilms sont le fruit d’un simple calcul : un téléfilm de Noël Hallmark est produit pour environ <a href="https://thesciencesurvey.com/arts-entertainment/2022/01/13/the-hallmark-movie-popularity-paradox/">800 000 $ en trois mois</a> (contre plusieurs millions de dollars et plus d’un an pour un film classique) tout en étant extrêmement rentable, lors de la diffusion américaine (les annonceurs plébiscitent ces productions de fin d’année) et de la vente de ces téléfilms à l’international.</p>
<p>Les téléfilms Hallmark jouissent d’un succès certain, rassemblant plusieurs millions de téléspectateurs devant leur écran. De fait, Hallmark était en 2020 une des chaînes américaines les plus regardées.</p>
<h2>En France aussi</h2>
<p>Mais les téléfilms de Noël se sont également démocratisés en France ces dernières années. TF1 diffuse quotidiennement <a href="https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000047293.html">2 téléfilms de Noël</a> à partir de fin octobre. Les téléspectateurs français peuvent également trouver des films de Noël sur les plates-formes de replay My TF1 (dans la section <a href="https://www.tf1.fr/tf1/telefilms-de-noel">Les Films de Noël</a>) et M6 Replay (dans la section <a href="https://www.6play.fr/6play/-telefilms-de-noel-6play-f_1317">Téléfilms de Noël</a>).</p>
<p>Depuis plusieurs hivers, les téléfilms de Noël sont également devenus des incontournables des plates-formes de streaming telles que Netflix, qui s’est lancé dans la production de téléfilms et séries de Noël depuis 2017. Ces productions, parmi lesquelles on peut citer <em>A Christmas Prince</em> (2017), <em>The Princess Switch</em> (2018), <em>A Castle for Christmas</em> (2021) ou <em>The Noel Diary</em> (2022), rencontrent un succès indéniable. Sous forme de téléfilm ou de séries, ces réalisations reprennent les codes bien connus des films de Noël, tout en tentant d’actualiser le genre, avec plus de diversité dans les castings et la production de films de Noël LGBTQ-<em>friendly</em> par exemple (<em>Happiest Season</em>, 2020, <em>Single All the Way</em>, 2021).</p>
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<p>On l’a bien compris, à partir du 1<sup>er</sup> novembre, il n’est plus possible d’échapper à ces productions kitsch et pleines de bons sentiments. Comme l’écrit <a href="https://www.20minutes.fr/television/4006934-20221024-telefilms-noel-arrivent-automne-nouveau-printemps-demain?utm_term=Autofeed&xtref=twitter.com&utm_medium=Social&utm_source=Twitter&fbclid=IwAR2an9RyYBO-FiLZ620jilY9jYjpOVIAk9awU3XL_L47tITojOYCCqjxwvU#Echobox=1666630466">Maxime Fettweis</a>, « désormais incontournables, ces productions américaines se sont fait une place de choix dans le catalogue des rituels de Noël ». Celles-ci enchantent autant qu’elles agacent : pour certains téléspectateurs, ces productions codifiées et prévisibles sont insupportables, alors qu’elles font chaque année le bonheur d’autres publics, inconditionnels du genre. Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les téléfilms de Noël ne laissent personne indifférent. Mais quelles sont les raisons de leur succès ?</p>
<h2>Un rendez-vous réconfortant</h2>
<p>Un des premiers facteurs de succès des téléfilms de Noël, c’est leur temporalité : ces productions ne sont diffusées qu’à une période de l’année, entre fin octobre et début janvier. Ce sont donc des produits « de saison », dont les spectateurs ne peuvent profiter qu’à une période donnée et pendant un laps de temps déterminé.</p>
<p>Outre leur saisonnalité, les téléfilms de Noël sont également un divertissement qui arrive à point : novembre rime généralement avec pluie et froid, alors que décembre est le plus souvent une période effrénée et stressante de planification des achats de Noël et d’organisation des fêtes de famille. Que ce soit contre la grisaille de novembre ou la frénésie de décembre, les téléfilms de Noël apportent <a href="https://thesciencesurvey.com/arts-entertainment/2022/01/13/the-hallmark-movie-popularity-paradox/">optimisme</a> et réconfort, et présentent une vision positive des fêtes de fin d’année.</p>
<p>Autre raison de leur succès, ces téléfilms en appellent à la <a href="https://thesciencesurvey.com/arts-entertainment/2022/01/13/the-hallmark-movie-popularity-paradox/">nostalgie</a> des téléspectateurs à l’égard de la période de Noël. Par le biais de poncifs liés à la période des fêtes, ils convoquent des souvenirs et soulignent ce qui en fait une période magique – ou offrent l’occasion de la fantasmer ou de l’idéaliser. À cet égard, les téléfilms de Noël sont une véritable madeleine de Proust permettant un retour en enfance. Les spectateurs voient à nouveau Noël à hauteur d’enfant, avec ses lumières, sa magie et sa chaleur humaine – ou peuvent se lover dans cet imaginaire stéréotypé, quand bien même Noël n’a jamais ressemblé à cela pour eux. Ces productions se veulent un plaisir réconfortant qui garantit une déconnexion avec les problèmes du quotidien.</p>
<h2>Des valeurs conservatrices et rassurantes</h2>
<p>Les téléfilms de Noël mettent également en avant des valeurs conservatrices qui peuvent être rassurantes : la famille, la communauté, la solidarité, l’amitié, la loyauté. Ces « bons sentiments » qui peuvent faire paraître ces films mièvres sont également ce qui les rendent attrayants : ils ne sont pas engagés politiquement (même s’ils sont sous-tendus par une idéologie conservatrice), non clivants, et ne traitent pas de sujets controversés. Ce sont des téléfilms qui se veulent <a href="https://www.wgfoundation.org/blog/2022/12/6/hallmark-christmas-movies">consensuels</a>, qui rassemblent en rappelant les valeurs idéales d’une société utopique. Dans ces productions, les valeurs américaines conservatrices ont la part belle, et subliment la vie dans les petites villes, le travail manuel et les petits bonheurs quotidiens, par opposition à la représentation des citadins-cols blancs carriéristes et égocentriques. Ces téléfilms mettent aussi l’accent sur le fait qu’il n’y a pas besoin d’aller loin pour trouver le bonheur, dans une vision rassurante et un « retour aux vraies valeurs » qui trouve un écho aux États-Unis et au-delà.</p>
<h2>Un divertissement pour toute la famille</h2>
<p>Enfin, les téléfilms de Noël sont des produits divertissants par leur simplicité de compréhension. Ils ne requièrent pas une grande attention, s’adressent à tous, petits et grands, et permettent ainsi de rassembler toute la famille. Les scénarii cousus de fil blanc permettent de s’adonner à d’autres activités en parallèle tout en créant une ambiance de Noël.</p>
<p>C’est ce <a href="https://www.vogue.com/article/hallmark-christmas-movies">qu’affirmait Bill Abbott</a>, alors dirigeant de Crown Media Family Networks, la maison mère de la chaîne Hallmark, lorsqu’il déclarait : « Notre but est de créer une expérience où on peut allumer la télévision, se sentir bien, et cuisiner, décorer ou faire une activité en lien avec les fêtes qui met dans l’esprit de Noël. » Les téléfilms de Noël ne sont donc pas des films faits pour être appréciés pour leur qualité cinématographique, mais l’équivalent télévisuel d’un feu de cheminée, appréciés pour leur valeur symbolique et leur capacité à fédérer. Ils parlent à toutes les générations et ainsi unissent la famille devant la télévision, que ce soit pour profiter du film… ou pour s’en moquer.</p>
<p>Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les téléfilms de Noël font à présent bien partie du paysage médiatique français. Ce genre codifié et rassurant, fortement ancré dans les valeurs traditionnelles américaines, a su trouver son public en France. Au-delà des téléfilms américains, les plates-formes de streaming comme Netflix ont permis une plus grande diversification des productions de Noël, avec l’apparition de téléfilms et séries de Noël <a href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=28716.html">français</a>, <a href="https://www.programme-tv.net/news/cinema/290161-aux-antipodes-de-noel-netflix-devoile-un-nouveau-film-de-noel-a-laccent-espagnol/">espagnols</a> ou <a href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=25431.html">norvégiens</a> qui adaptent le genre aux spécificités culturelles européennes. Un premier pas vers de nouvelles représentations ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218954/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Escurignan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les téléfilms de Noël font à présent bien partie du paysage médiatique français. Mais pourquoi séduisent-ils autant ?Julie Escurignan, Enseignante chercheuse en Communication & Marketing, Responsable du Master Creative & Cultural Industries Management, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158572023-11-16T17:18:17Z2023-11-16T17:18:17ZDes planches de dessin à l’écran : que sont nos superhéros devenus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557534/original/file-20231103-25-2puvta.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C13%2C968%2C476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le personnage de _The Deep_ a complètement changé d'apparence entre le comic-book et son adaptation sérielle dans _The Boys_. </span> </figcaption></figure><p>Des pages de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bande-dessinee-bd-27413">bandes dessinées</a> aux plates-formes numériques de vidéo à la demande (VOD), nombreux sont les <a href="https://theconversation.com/topics/super-heros-65409">superhéros</a> à avoir transposé leur récit haut en couleur dans un format sériel plus réaliste et contemporain depuis les années 2010 : de Batman (avec la série <em>Gotham</em> diffusée sur la Fox en 2014 puis sur Netflix) à <em>Daredevil</em> (Netflix, 2015), en passant par <em>The Watchmen</em> (HBO, 2019 et Canal VOD) ou <em>The Boys et Gen V</em> (Prime Video, 2019 et 2023).</p>
<p>Dernièrement, c’est le manga <em>One Piece</em> qui a fait l’objet d’une adaptation en « live action » sur <a href="https://theconversation.com/topics/netflix-53737">Netflix</a>, en cassant tous les codes de son média originel pour transposer son récit de façon plus conforme au format des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/series-22175">séries</a>, en <a href="https://www.lepoint.fr/culture/one-piece-l-adaptation-de-tous-les-records-31-08-2023-2533489_3.php">battant de nombreux records</a>.</p>
<p>Longtemps cantonnés aux superpouvoirs et à une représentation fantaisiste dans les comics, les superhéros doivent dépasser leur statut de surhommes. Les scénaristes de séries redoublent d’ingéniosité pour les reconnecter à notre réalité en introduisant dans le récit des problématiques plus contemporaines, en exploitant davantage des personnages secondaires ou bien encore en redessinant les contours du genre pour donner un nouveau souffle au superhéros. Que reste-t-il du genre super-héroïque né dans les pages de comics ? Les superhéros ont-ils vraiment changé au cours de leur passage du médium bédéique à la série ?</p>
<h2>De héros en superhéros : un modèle générique</h2>
<p>Depuis l’Antiquité, nous sommes confrontés à toute une palette de héros, qu’ils soient fictifs ou réels, dont on garde un souvenir immortel et qui entretiennent encore aujourd’hui l’imaginaire collectif. Des plus célèbres héros grecs aux héros médiatiques contemporains, nous pouvons discerner un modèle générique du mythe héroïque avec <a href="https://www.le-livre.fr/livres/fiche-ro60052302.html">l’alternance « naissance-mort-renaissance »</a>. Du statut de héros à celui de superhéros, il n’y a alors qu’un pas, puisque les superhéros suivent également cette <a href="https://www.fabula.org/actualites/105543/les-superheros-que-sont-nos-heros-devenus--f-toudoire.html">dialectique de l’ombre à la lumière</a>.</p>
<p>L’immortalité est ainsi une composante intrinsèque aux deux modèles. Des <em>comics</em> ont déjà mis en récit la mort d’illustres superhéros comme Superman en 1993 ou encore Captain America en 2007 : ces derniers ont toujours été ressuscités. L’immortalité est d’autant plus caractéristique du modèle super-héroïque que nous la retrouvons dans différentes adaptations (séries télévisées, films, etc.).</p>
<p>Le dernier exemple majeur en date est la mort de Superman dans le film <em>Batman v Superman : l’Aube de la Justice</em> (2016), ressuscité dans la suite de la franchise cinématographique Superman adaptée par Zack Snyder <em>Justice League</em> (2017, 2021).</p>
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<figcaption><span class="caption">Les funérailles de Superman dans le film <em>Batman v Superman : l’Aube de la Justice</em> (2016).</span></figcaption>
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<h2>Du comic-book à la série : raconter autrement</h2>
<p>Cependant, si le modèle super-héroïque suit en partie celui du héros, il n’en possède pas moins <a href="https://www.fabula.org/actualites/105543/les-superheros-que-sont-nos-heros-devenus--f-toudoire.html">ses propres codes (drame familial, transformation, etc.)</a> qu’il peut décliner d’un média à l’autre.</p>
<p>Les développements narratifs de Batman dans les différents médias démontrent à ce titre le potentiel « médiagénique » du personnage bédéique créé par Bob Kane et Bill Finger. Selon le chercheur Philippe Marion, la <a href="https://ojs.uclouvain.be/index.php/rec/article/view/46413">« médiagénie » d’un projet narratif</a> définit sa capacité à se réaliser de manière optimale en choisissant le partenaire médiatique qui lui convient le mieux.</p>
<p>En effet, les aventures de l’homme chauve-souris ne cessent de s’inventer et de se réinventer au fil des adaptations médiatiques <a href="https://journals.openedition.org/communication/7376">comme nous l’avions démontré dans une recherche</a>. Et chaque média a la possibilité de piocher des éléments dans l’univers fictionnel de Batman pour développer un récit spécifique, suivant ses propres caractéristiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/9-11-que-sont-nos-super-heros-devenus-lexemple-de-batman-167199">9/11 : que sont nos super-héros devenus ? L’exemple de Batman</a>
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<p>C’est le cas de la série télévisée tirée du récit de Batman, <em>Gotham</em>, qui narre les aventures de l’inspecteur James Gordon dans la ville au sein de laquelle pullulent de nombreux criminels. Dans l’épisode pilote de la série, nous assistons à la mort des parents de Bruce Wayne, l’homme au masque de chauve-souris, qui est un élément déjà présent dans le <em>comic book</em> d’origine.</p>
<p>La série puise son originalité en proposant tout un pan inexploré de l’histoire de Batman dans des épisodes centrés sur les origines de ses plus illustres vilains. La pègre de Gotham y est décrite de façon détaillée dans la première saison à travers l’affrontement des gangs Falcone et Maroni, alors que la deuxième saison, sous-titrée <em>Rise of the Villains</em>, peint le portrait des figures antagonistes de Batman, du Pingouin au Joker, en passant par <em>Catwoman</em> ou <em>The Riddler</em>.</p>
<p>En ce sens, il ne s’agit plus seulement de tirer des ficelles narratives déjà exploitées par les bandes dessinées, mais aussi de <a href="https://journals.openedition.org/narratologie/10401?fbclid=IwAR2oaHm3L9O-_znLcGijuRzIfIfDmlvCbTnyc0qFF91j6XpNdMSKTRc5XHc">construire de nouveaux possibles dans l’histoire de Batman</a> à partir de la genèse de ses ennemis.</p>
<p>Ce qui n’est pas dit dans les comics devient ainsi le terrain d’exploitation du récit dans la série, <a href="https://deadline.com/2014/01/tca-foxs-gotham-series-will-feature-all-classic-batman-characts-including-bruce-wayne-663597/">comme l’explique Kevin Reilly (2014), patron de la Fox</a> : « la série suivra Bruce de ses jeunes années jusqu’au moment où il enfile la cape, dans le dernier épisode » – avant de continuer sur les super-méchants – « on verra comment ils deviennent ce qu’ils sont, alors que Gotham est au bord du gouffre ».</p>
<p>Le format sériel semble alors le plus adapté à ce déploiement narratif dans la mesure où le temps du récit est davantage étalé dans la durée avec des épisodes de 50 minutes et des saisons de 22 épisodes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Gotham Season 2 Promo « Villains Rising ».</span></figcaption>
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<h2>Redessiner les contours du genre</h2>
<p>Nous retrouvons la même volonté de s’écarter du récit d’origine du <em>comic-book</em> avec la série <em>The Watchmen</em>, produite par HBO en 2019. Contrairement à l’adaptation cinématographique du même nom sortie 10 ans plus tôt, la série prend le parti de jouer avec la temporalité du récit en prenant place dans notre présent. Il ne s’agit donc pas d’une adaptation de l’œuvre originale, mais d’une suite se déroulant de nos jours.</p>
<p>Dans cette série, le spectateur suit le personnage de Angela Abar (<em>Sister Night</em>), une ancienne policière qui prend une identité super-héroïque pour combattre le crime dans la ville de Tulsa (située en Oklahoma). Les premiers épisodes élaborent une intrigue autour d’une mystérieuse organisation de suprématistes blancs appelée « La 7<sup>e</sup> cavalerie ».</p>
<p>Le sixième épisode de la première saison intitulé <em>Cet être extraordinaire</em> marque un tournant dans la construction de la série en réinvestissant le passé du <em>comic book</em>. En effet, il offre une « origin story » à l’un des personnages les plus discutés de l’œuvre originale : <em>Hooded Justice</em>. Dans cet épisode, Angela va non seulement comprendre que son grand-père est le premier superhéros de l’histoire nord-américaine, mais surtout que sa transformation est le résultat d’une injustice sociale et raciale fondamentale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Watchmen : Épisode 6 Promo (HBO).</span></figcaption>
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<p>Lindelof, le « showrunner » (directeur de la série), consacre à <em>Watchmen</em> une mythologie alternative où le premier superhéros naît d’un traumatisme du racisme, de la ségrégation et du Ku Klux Klan. Symboliquement, la cagoule de Reeves ressemble à celle des membres du KKK, sauf que celle-ci est noire, comme une réponse métaphorique. En effet, Lindelof offre une <a href="https://www.lesinrocks.com/series/pourquoi-lepisode-6-de-watchmen-fera-date-dans-lhistoire-des-series-191686-27-11-2019/">réécriture des origines d’un genre</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le premier superhéros des États-Unis était un Noir, portant un masque pour dissimuler sa couleur de peau, qui protégeait les minorités des injustices d’un système profondément vicié. Ses successeurs deviendront les marionnettes de ce même système, et le visage triomphant d’une Amérique sclérosée, rongée par ses propres morsures. Cet être extraordinaire n’est ni plus ni moins que l’histoire oubliée d’une appropriation culturelle masquée. »</p>
</blockquote>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-serie-watchmen-reinvente-la-genese-du-super-heros-146610">Comment la série « Watchmen » réinvente la genèse du super-héros</a>
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<hr>
<p>Dans cette relecture contemporaine de la genèse du premier superhéros, <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/21/watchmen-les-supremacistes-prennent-les-armes_6016369_3246.html">plutôt bien accueillie par la critique</a>, nous retrouvons bien le costume distinctif (la cagoule et la corde notamment), la double vie (policier/superhéros) et les pouvoirs surhumains (Will est physiquement plus fort que les autres personnages). Néanmoins, Lindelof offre une lecture acerbe et violente de cette idée d’origine en réinvestissant les figures tutélaires du genre.</p>
<h2>Que sont nos superhéros devenus ?</h2>
<p>Transposé au récit sériel et à une nouvelle temporalité, le modèle super-héroïque évolue. Dans la série <em>Gotham</em>, nous avons affaire à une pluralité de destinateurs et de transformations associée à une catégorie principale : les vilains. Dans cette reconfiguration narrative, le superhéros n’est plus le détenteur de l’<em>origin story</em> ni son sujet principal – la sérialité rebattant les cartes de la morphologie du récit super-héroïque.</p>
<p>Là où le comic-book se construit autour du combat entre le superhéros et l’opposant, la série désaxe le récit en explorant davantage les causes de cet affrontement, questionnant ainsi les fondements mêmes du récit super-héroïque. En redéfinissant le premier superhéros dans <em>Watchmen</em>, c’est le genre super-héroïque en lui-même qui est transformé. Cette idée traverse aussi bien des séries telles que <em>Smallville</em> (The WB 2001), <em>Arrow</em> (The CW 2012), <em>The Flash</em> (The CW 2014), <em>Titans</em> (Netflix 2018), etc., qui explorent toutes à leur manière la question du superhéros et du super-vilain. La transmédialité permet donc une nouvelle manière de penser le récit et de réactualiser la question suivante de manière constante : que sont nos superhéros devenus ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Aubrun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les superhéros changent de costume et leurs histoires se transforment quand ils passent de la BD à la série. Comment parviennent-ils à s’adapter pour continuer à séduire le public ?Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2169292023-11-09T16:43:28Z2023-11-09T16:43:28ZLe zombie, monstre préféré du XXIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558381/original/file-20231108-17-ht8uxu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C1020%2C684&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Adaptée d'une bande-dessinée, la série _The Walking Dead_ comprend 11 saisons. Elle raconte l'histoire d'un petit groupe de survivants dans un monde post-apocalyptique en proie à une invasion de zombies.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.amc.com/shows/the-walking-dead--1002293">AMC</a></span></figcaption></figure><p>Le zombie serait-il le monstre emblématique du XXI<sup>e</sup> siècle ? Certains chercheurs ont remarqué une augmentation du nombre de fictions apocalyptiques mettant en scène ces êtres faits de chair en décomposition <a href="https://www.euppublishing.com/doi/pdf/10.7227/GS.0003">depuis les années 2000</a>.</p>
<p>Longtemps confiné à la paralittérature, le zombie connaît à présent une audience nouvelle ; plus respectable qu’avant, il a été récupéré par la BBC qui en a fait une série (<em>In the Flesh</em>, 2013), ou encore par un auteur américain couronné de plusieurs prix littéraires, Colson Whitehead (<em>Zone One</em>, 2011). Le mort-vivant serait-il en train de zombifier la culture canonique ? C’est ce que suggère le titre de l’ouvrage de Seth Grahame-Smith, <em>Pride and Prejudice and Zombies</em> (<em>Orgueil et Préjugés et Zombies</em>), réécriture parodique du célèbre roman de Jane Austen, porté à l’écran en 2016. Enfin, le blockbuster <em>World War Z</em> (2013), adapté du best-seller de <a href="https://www.calmann-levy.fr/livre/lintegrale-z-9782360510702/">Max Brooks</a>, avec Brad Pitt en héros triomphant, a consacré la contagion de la culture populaire par le fléau zombie, qui se confirme plus récemment avec le film <em>Vincent va mourir</em>, sorti sur les écrans français le 15 novembre 2023, qui emprunte aux codes du film de zombies. Sans compter l'incontournable série <em>The Walking Dead</em>, inspirée des bandes-dessinées du même nom - 11 saisons déjà diffusées, et un spin-off à venir. </p>
<p>Comment expliquer un tel succès ? En ces temps de pandémie, le zombie nous rappelle à quel point nous sommes vulnérables à une contagion planétaire, lui qui se répand comme une traînée de poudre, suscitant réactions de panique et stratégies de survie plus ou moins efficaces. Le réchauffement climatique ranime également la crainte d’un « virus zombie » libéré par le permafrost sibérien, menace conservée intacte pendant des millénaires, soudainement mise au jour par la fonte des glaces. Le zombie est une métaphore polyvalente, qui incarne diverses anxiétés de son époque.</p>
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<h2>Zombies, différences ethniques et transgression des frontières</h2>
<p>De ses origines haïtiennes à aujourd’hui, le zombie a changé de visage à de multiples reprises. Il désignait au commencement les victimes de sortilèges vaudous, qui pouvaient aussi bien ranimer les morts, que détruire la conscience d’un être vivant pour en faire une chose malléable. À ce titre, le zombie est aussi une figure du lavage de cerveau, d’un homme vidé de sa substance spirituelle. Dans le contexte esclavagiste nord-américain, il est devenu une métaphore de l’esclave revenu d’entre les morts, ou mort parmi les vivants, rendu semblable à une chose par un labeur harassant et inhumain dans les champs de coton. Puis, lors de la Grande Dépression de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle (1873-1896), poursuivie quelques années après par la crise de 1929, le <a href="https://compass.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/soc4.12053">zombie a changé de couleur</a>, passant du noir au blanc, pour devenir un symbole des travailleurs blancs précaires et paupérisés par le ralentissement de la machine capitaliste. Aujourd’hui encore, les zombies sont liés aussi bien à l’exclusion sociale qu’aux différences ethniques.</p>
<p>L’héritage ethnique du zombie se retrouve dans la représentation de la crise migratoire des pays pauvres du sud vers les pays du Nord. À ce titre, les récits de zombies sont une métaphore ambivalente : sont-ils favorables aux migrants, représentés par les non infectés fuyant le fléau, avec qui lecteurs et spectateurs se trouvent en empathie ? Ou bien diabolisent-ils au contraire la <a href="https://www.researchgate.net/publication/345481055_Dehumanized_and_demonized_refugees_zombies_and_World_War_Z">figure du migrant zombie</a> ? Comme le migrant, le zombie est un « autre » perçu comme un danger, un être qui menace de nous envahir et de nous transformer en lui-même, altérant notre identité (la série britannique <em>In The Flesh</em> montre bien comment les morts-vivants incarnent des peurs xénophobes).</p>
<p>Le zombie déferle comme les vagues migrantes, sans qu’il semble possible de mettre fin à sa course à l’aide d’un quelconque mur, tôt ou tard franchi par les damnés. L’une des affiches spectaculaires du blockbuster <em>World War Z</em> montre un empilement invraisemblable de goules, tenant en équilibre par un miracle de la gravité, tentant de rejoindre l’hélicoptère qui comprend des hommes encore en vie. L’image du mur qui cède face à la vague des zombies est topique dans les représentations du genre, et ne peut qu’évoquer d’autres murs et frontières destinés, partout dans le mur, à repousser les indésirables. De ce point de vue, les morts-vivants sont évidemment politiques, et les chercheurs des <em>cultural studies</em> anglo-américaines ont tendance à décrypter le zombie comme un objet culturel révélateur de tendances progressistes ou conservatrices.</p>
<h2>Zombies et crise écologique</h2>
<p>Si le zombie consacre l’échec des frontières à contenir les migrants, il renvoie aussi à l’échec de l’être humain à contenir la crise climatique. Dans le livre <em>World War Z</em>, signé Max Brooks, les réfugiés remontent du Sud vers le Nord, car les zombies gèlent dans le grand Nord ; difficile de ne pas songer aux mouvements migratoires causés par le réchauffement planétaire. L’auteur donne également la voix à un militant écologique :</p>
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<p>« Vous voulez savoir qui a perdu la Guerre des Zombies ? Qui l’a vraiment perdue, je veux dire ? Les baleines. »</p>
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<p>Image de la sixième extinction massive, la guerre des zombies métaphorise nos préoccupations environnementales. De même, les cendres qui recouvrent la surface de la Terre, visibles depuis l’espace, sont dues aux corps des zombies que l’on fait brûler partout dans le monde ; mais une telle fumée ne peut qu’évoquer la pollution. Dans <em>Zone One</em>, les cendres des zombies retombent sur le corps des héros comme des résidus d’une marée noire (Whitehead, 90). Enfin, le zombie en tant que corps carnassier renvoie également à notre consommation de viande, souvent pointée du doigt aussi bien pour des raisons d’exploitation animale, que <a href="https://academic.oup.com/isle/article-abstract/22/3/507/2357462">pour les émissions de CO₂ qu’elle implique</a>.</p>
<h2>Zombies, exploitation et société de consommation</h2>
<p>Corps dévorants, les morts-vivants sont aussi des consommateurs forcenés, images de nous-mêmes face au dernier I-Phone. Le zombie mange tout ce qu’il peut trouver, sans conscience ni discernement : à ce titre, il peut symboliser le rapport au monde induit par un capitalisme effréné, poussant à <a href="http://pilotprojectspilotprojects.com/Dendle_Barometer.pdf">consommer toujours plus</a>. Dans les films de zombies, depuis le classique de George Romero, <em>La Nuit des morts-vivants</em> (1968), il n’est pas rare de voir les héros se ruer sur les grands magasins pour dévaliser les provisions, accompagnés de caddies remplis par la crainte de manquer. De même, les héros se réfugient parfois dans de grands centres commerciaux, pensant échapper à la menace en soutenant un état de siège. Mais ce n’est pas en s’enfermant dans un gigantesque supermarché que les héros parviennent à s’en sortir, et la société de consommation n’offre qu’un refuge transitoire.</p>
<p>Le zombie, à la fois mort et vivant, renvoie aussi au système financier néolibéral, qui, tout en révélant de plus en plus ses limites, <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691154541/zombie-economics">continue d’imposer ses règles</a>. L’idée que nous serions soumis à la loi d’un système moribond a sans doute inspiré les manifestants <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RMsgN2WF0-M">déguisés en morts-vivants</a> lors du mouvement « Occupy Wall Street ».</p>
<p>Amy Bride <a href="https://research.manchester.ac.uk/en/studentTheses/zombies-spectres-and-a-great-vampire-squid-monsterized-capitalism">montre comment</a>, lors de la crise de 2008, une banque insolvable néanmoins soutenue par le gouvernement, comme Goldman Sachs pendant la crise des subprimes, a été désignée dans les médias comme une « banque zombie », prête à infecter les marchés financiers (Bride, 2019). La crise financière a ainsi entraîné une nette inflation de vocables formés à partir du mot « zombie » pour désigner les errements du néolibéralisme.</p>
<p>Corps et dents, les morts-vivants sont des métaphores polysémiques, qu’ils renvoient aux flux migratoires, au réchauffement climatique, à la spéculation financière, ou encore au lavage de cerveau. De plus en plus, les zombies intègrent le vocabulaire courant dans le monde anglo-américain : ainsi nos homologues parlent de « zombie forest », « zombie energy », ou encore « zombie enterprises. » À n’en pas douter, la langue française devrait être rapidement infectée par les goules.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216929/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Célia Mugnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le zombie est une métaphore polyvalente, qui incarne diverses anxiétés de son époque.Célia Mugnier, ATER en études culturelles, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2150262023-10-18T17:02:40Z2023-10-18T17:02:40ZLes séries télévisées, des armes culturelles géopolitiques ?<p><em>Elles battent sans cesse de nouveaux records d’audience, elles attirent des stars qui auparavant ne se consacraient qu’au cinéma, elles alimentent les conversations en famille, entre collègues et entre amis… et cela, partout sur la planète. Les séries télévisées, dont un grand nombre sont désormais traduites en de multiples langues et diffusées sur tous les continents, ont un impact réel sur les représentations que nous nous faisons du monde, et reflètent et même façonnent à leur manière la très complexe réalité géopolitique.</em></p>
<p><em>Nous vous proposons ici quelques extraits de l’introduction d’un récent ouvrage co-signé par Virginie Martin, professeure de sciences politiques et de sociologie à Kedge Business School, et Anne-Laure Melquiond, docteure en études cinématographiques, <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807357990-j-assure-en-geopolitique-grace-aux-series">« J’assure en géopolitique grâce aux séries »</a>, qui vient de paraître aux éditions De Boeck, ainsi que des passages consacrés à certaines des quinze séries analysées dans le livre, dont « Fauda », que la tragique actualité du Proche-Orient invite aujourd’hui à voir ou à revoir.</em></p>
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<p>Le phénomène des séries a pris un tournant particulier avec l’apparition récemment des plates-formes comme Netflix, Disney +, Amazon ou Apple, qui diffusent sur l’ensemble de la planète des séries qu’elles produisent elles-mêmes. Cette concentration dans la diffusion, voire dans la production, a des effets d’impact puissants et participe à modifier en retour la géopolitique du pays concerné.</p>
<p>Si le monde des séries intéresse la géopolitique, c’est à un double niveau : d’une part, comme inspiration et, d’autre part, comme vecteur politique. Les fictions sérielles sont d’abord des témoins de l’actualité et de l’histoire en marche : elles s’inscrivent dans leur monde et évoquent fréquemment les rapports de force géopolitiques. Mais au-delà de refléter ces réalités, elles en sont elles-mêmes des actrices. Chaque pays joue avec sa production sérielle afin de créer sa propre image, sa propre histoire, son propre <em>storytelling</em> pour l’utiliser comme arme de <em>soft power</em>, notion <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1991_num_41_1_394547">développée par Joseph Nye</a> dans les années 1990.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-series-historiques-turques-epousent-la-vision-du-pouvoir-168398">Quand les séries historiques turques épousent la vision du pouvoir</a>
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<p>Pour influencer le monde, cette « puissance douce » – par opposition au <em>hard power</em> de la « vraie » guerre avec armes et drones – compte sur le fait de séduire ou d’attirer certaines catégories de population, idéalement le plus largement possible, à travers notamment la culture populaire des séries, utilisée comme arme massive d’influence. Le « monde en séries » révèle de manière puissante le pouvoir des objets culturels sur nos sociétés. Les séries participent à une tentative d’hégémonie culturelle comme l’avait théorisé Antonio Gramsci, penseur communiste italien au début du XX<sup>e</sup> siècle, dans ses <a href="https://www.cairn.info/cahiers-de-prison--9782072901492.htm"><em>Cahiers de prison</em></a>.</p>
<p>C’est ce qui se joue à pleine puissance avec les plates-formes, armes de domination et d’appropriation culturelle.</p>
<p>Dans cette guerre idéologique, des pays sortent du lot pour la qualité et la performance de leurs séries, par exemple Israël avec des productions comme « Hatufim » ou « Fauda ».</p>
<p>Comme l’a largement montré Virginie Martin dans <a href="https://www.humensciences.com/livre/Le-charme-discret-des-series/85"><em>Le Charme discret des séries</em></a>, depuis une dizaine d’années les séries télévisées israéliennes sont devenues un puissant instrument de <em>soft power</em> car, au-delà du simple divertissement, elles diffusent subtilement des discours contribuant à positiver et embellir l’image du pays à l’étranger. L’Inde n’est pas en reste avec des séries télévisées comme « Delhi Crime », « Le Seigneur de Bombay », « Leila » ou « Bombay Begums ».</p>
<p>Déjà par son industrie cinématographique prolifique, Bollywood a souvent été perçu comme un vecteur du <em>soft power</em> de l’Inde. Les pays scandinaves eux-mêmes maîtrisent cet art du <em>soft power</em>, valorisant leur culture et leur vision politique du monde et des sociétés, avec des séries comme « Occupied » ou « Borgen » qui permettent par exemple de faire connaître et de diffuser leurs initiatives environnementales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-serie-occupied-une-dystopie-europeenne-117067">La série « Occupied », une dystopie européenne ?</a>
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<p>Les relations Sud-Sud sont aussi parfois très fortement présentes : le Sénégal, par exemple, consomme des séries brésiliennes, ou le Maroc diffuse les séries indiennes, séries qui ne sont que très rarement doublées en anglais.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cinema-et-series-au-senegal-la-portee-politique-dun-divertissement-tres-populaire-161464">Cinéma et séries au Sénégal : la portée politique d’un divertissement très populaire</a>
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<p>Ce « monde en séries » révèle plus que jamais un théâtre multipolaire, voire apolaire. Notre environnement est devenu extrêmement complexe depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et l’explosion du digital rebat les cartes dans la possibilité pour une ou deux puissances de maîtriser à elles – seules la planète. C’est aussi cette complexité que racontent ces fictions et qui montre combien la série est un outil de géopolitique au sens strict.</p>
<h2>Le conflit au Proche-Orient avec « Fauda »</h2>
<p>Fauda met en scène un face-à-face qui s’inscrit dans le conflit israélo – palestinien. Aucun camp n’est valorisé : un commandant du Hamas peut être montré avec des sentiments alors qu’un soldat israélien peut se comporter comme une brute. Mais l’unité d’infiltrés se bat contre un nouvel ennemi à chaque saison, le Hamas, l’État islamique, le Hezbollah… La série montre que, même si tout le monde veut la paix, on ne cherche pas la paix, on cherche à gérer le conflit.</p>
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<p>La question de la langue est fondamentale dans la série, comme le prouve déjà son titre : Fauda (qui signifie « chaos » en arabe). C’est donc une série israélienne qui porte un titre arabe. On entend d’ailleurs ce mot prononcé par les membres de l’unité lorsqu’ils sont en grande difficulté en territoire occupé, démasqués par les Palestiniens et qu’ils n’arrivent plus à se sortir du bourbier.</p>
<p>De fait, on parle principalement arabe dans la série, puisqu’elle se déroule au sein d’une unité arabophone de l’armée israélienne. Tous les membres de cette unité sont issus de pays arabes, parlent l’arabe et peuvent se fondre dans la masse : « Un Israélien de Tel-Aviv qui arrive à un café à Naplouse est repéré en exactement 45 secondes. Eux, ils savent demander un café avec l’accent de Naplouse et ils savent se fondre dans la population et c’est toute la spécificité de cette guerre souterraine que mène Israël contre des réseaux palestiniens », explique Pierre Haski lors d’une conférence dans le cadre de Série Mania en janvier 2023.</p>
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<p>Inversement, dans la série, des Palestiniens apprennent l’hébreu pour eux aussi s’infiltrer en Israël. Dans la première saison, l’épouse du frère de la Panthère, qui s’est fait tuer le jour de son mariage, cherche à se venger des assassins de son mari. Elle apprend quelques mots d’hébreu pour pouvoir commander un coca sans se faire repérer dans un café branché de Tel-Aviv où elle va faire exploser une bombe. Elle arrive dans le bar, complètement bouleversée par ce qu’elle va faire. La serveuse, ignorant tout de ses intentions, se méprend et pense qu’elle a été victime d’une agression sexuelle (on est à Tel-Aviv, ville israélienne très ouverte, très occidentale). La femme va faire exploser la bombe, et la serveuse mourra également. Toutes deux sont victimes d’un conflit qui les dépasse.</p>
<p>Dans la série, la maîtrise de la langue de « l’ennemi » (comme le dit, dans la deuxième saison, un membre de l’État islamique qui apprend l’hébreu à l’université pour s’infiltrer) est un enjeu central, tout comme la bonne connaissance des us et coutumes. Un soldat israélien infiltré dans une prison israélienne et qui se fait passer pour un prisonnier palestinien du Hamas dans le but de faire parler un détenu l’apprendra à ses dépens. Il se fait démasquer parce qu’il exprime à son codétenu son souhait de manger de l’akkoub quand il sortira de prison. Or, l’akkoub est un plat qui ne se mange pas à Gaza, d’où il prétend venir (S02 E08).</p>
<p>Si la langue est un enjeu dans la série, c’est parce qu’elle l’est dans la réalité puisque l’arabe et l’hébreu étaient les deux langues officielles du pays.</p>
<h2>L’Inde, un supergéant tout en paradoxes avec « Bombay Begums »</h2>
<p>Dans « Bombay Begums », Ayesha, une jeune provinciale nouvellement arrivée à Bombay se fait agresser sexuellement par son patron. Après un moment d’hésitation, elle décide de le dénoncer sur un forum, qui ressemble à s’y méprendre à MeToo :</p>
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<p>« J’ai 23 ans. C’est le directeur adjoint de ma banque. Il m’a agressée. Il me touchait, me caressait, m’embrassait. Je ne pouvais rien faire. J’étais sans défense. Je me sens si mal. J’ai honte de l’avoir laissé faire. Il a fait comme si de rien n’était. C’est normal ? »</p>
</blockquote>
<p>Dans un premier temps, la banque couvre son directeur général adjoint qui remercie ses collègues :</p>
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<p>« Merci d’avoir géré aussi bien cette histoire débile. Depuis MeToo, le monde est devenu fou. »</p>
</blockquote>
<p>Finalement, la PDG, elle-même victime d’agression sexuelle lorsqu’elle était plus jeune, va dénoncer son bras droit, qui sera arrêté. Cette affaire renvoie évidemment au mouvement MeToo (mentionné à maintes reprises dans la série), arrivé en Inde une année après avoir ébranlé Hollywood.</p>
<p>Tout comme le mouvement américain, c’est dans le milieu du cinéma indien que démarre le trouble avec l’accusation de l’actrice Tanushree Dutta contre l’acteur Nana Patekar. Après les premières plaintes déposées à Bollywood, de nombreuses femmes ont publié leurs histoires de harcèlement et d’agression sexuelle mettant en cause des hommes puissants dans leurs domaines. Le mouvement a enregistré en octobre 2018 une première victoire importante avec la démission d’un ministre du gouvernement Modi, ancien rédacteur en chef du journal <em>The Asian Age</em>, M. J. Akbar, alors accusé par une vingtaine de femmes. Plusieurs journalistes ont aussi dû quitter leur poste, notamment le rédacteur politique du <em>Hindustan Times</em>, Prashant Jha.</p>
<h2>Économie et consommation avec « Mad Men »</h2>
<p>Le générique de <em>Mad Men</em> est iconique, ce sont 38 secondes où tout est résumé : un homme, Don Draper, tombe d’un building, des façades sont couvertes de publicités, et Don continue de tomber pour finir sur son canapé de bureau, une cigarette à la main.</p>
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<p>Un détail est important à relever dans les dessins préparatoires du générique de la série <em>Mad Men</em> : Don Draper chute donc d’un building (ce qui n’est pas sans rappeler l’image du « Falling Man » du 11 Septembre). Mais, au départ, l’idée était que le héros s’écrase au sol pour voler en éclats comme du verre. Cette animation finale a été modifiée, car elle rappelait trop l’ima – gerie liée aux attentats du 11 septembre 2001.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-generiques-de-series-170824">De l’importance des génériques de séries</a>
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<p>Finalement, Don Draper tombe, mais il atterrit sur son canapé, un verre de whisky à la main et une cigarette entre les doigts, une Lucky Strike.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cet extrait est tiré de « Les Russes veulent-ils la guerre ? », qui vient de paraître aux Éditions du Cerf.</span>
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<h2>L’Europe et ses marges avec « Serviteur du Peuple »</h2>
<p>Arte a remis au goût du jour une fiction ukrainienne absolument incroyable. L’histoire d’un acteur-clown, du nom de Volodymyr Zelensky, qui est le protagoniste de la série « Serviteur du Peuple ». L’acteur Zelensky joue le rôle d’un professeur d’histoire qui, notamment encouragé pas ses élèves, finira président de l’Ukraine ; une fiction devenue littéralement réalité. À la fin de la diffusion de la série, l’acteur-clown Zelensky va effectivement devenir le président de l’Ukraine que l’on connaît, l’homme aux tee-shirts kaki vu sur Instagram, qui défend son pays contre la Russie de Poutine.</p>
<p>En somme, nous retrouvons une histoire qui nous emmène aux confins de la raison démocratique, peut-être au sommet du génie de la communication politique, ou plutôt du super-marketing politique. Nous avons ici une histoire folle qui donne corps et réalité à une pure fiction sérielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215026/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De l’israélienne « Fauda » à l’ukrainienne « Serviteur du Peuple », les séries télévisées reflètent l’état du monde… et peuvent même, dans une certaine mesure, l’influencer.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147482023-10-09T17:44:19Z2023-10-09T17:44:19Z« The Serpent Queen », hommage modernisé à Catherine de Médicis ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551783/original/file-20231003-15-2458g6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C6%2C1429%2C950&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Catherine de Médicis (Samantha Morton), dans la série « The Serpent Queen », de Justin Haythe. </span> <span class="attribution"><span class="source">STARZ</span></span></figcaption></figure><p>Au cours du XVI<sup>e</sup> siècle, Catherine de Médicis a été successivement reine de France, mère de trois rois et de deux reines, et belle-mère de Marie, reine d’Écosse. Avec tant de pouvoir et une telle longévité, le personnage avait tout pour séduire les scénaristes, et c’est ainsi qu’elle est devenue l’héroïne de la série <em>The Serpent Queen</em>.</p>
<p>Dans cette fiction, nous découvrons une Catherine intelligente et puissante (interprétée par Liv Hill à l’adolescence et Samantha Morton à l’âge adulte), séduisante et dangereuse. Ayant connu des violences dans l’enfance, et rejetée par son mari Henri (Alex Heath interprétant le jeune Henri et Lee Ingleby Henri sa version adulte), elle devient impitoyable.</p>
<p>Catherine décide de gouverner avec l’aide de la magie noire, déterminée à donner une leçon à ses ennemis. Et déclare même « ça fait du bien d’être méchante », sur fond de riffs de guitare.</p>
<p>Mais la série propose-t-elle vraiment une nouvelle vision du personnage ? En réalité, l’histoire de l’une des « bad girls » préférées de l’histoire se répète. Et dans ce processus, l’histoire de la vraie Catherine de Médicis est à nouveau déformée.</p>
<p>Il semble que la propagande conçue de son vivant – renforcée par les générations suivantes – reste plus convaincante que jamais.</p>
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<h2>Une femme de pouvoir</h2>
<p>Catherine n’a jamais régné sur la France, mais elle connaissait intimement les rouages de la politique, au plus haut niveau.</p>
<p>Les lettres qui nous sont parvenues (quelque 6 000 ont été conservées) ne nous donnent qu’une petite idée de l’ampleur des relations qu’elle a entretenues tout au long d’une vie longue et bien remplie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mary-queen-of-scots-was-a-poet-and-you-should-know-it-29645">Mary, Queen of Scots was a poet – and you should know it</a>
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<p>Sa trajectoire a été remarquable. Les Médicis n’étaient pas une dynastie de sang royal, mais Catherine est néanmoins devenue régente et a été la conseillère de ses fils devenus rois.</p>
<p>Sa sphère d’influence en tant qu’épouse et mère, bien que conventionnelle, était perçue comme dangereuse par les hommes politiques et les commentateurs, parce qu’elle se jouait hors des mécanismes formels de régulation du pouvoir.</p>
<h2>Plusieurs versions de Catherine</h2>
<p>Catherine connaît l’apogée de son pouvoir au moment des <a href="https://www.geo.fr/histoire/les-guerres-de-religion-conflit-sanglant-entre-catholiques-et-protestants-202778">guerres de religion</a>. De 1562 à 1598, catholiques et <a href="https://books.openedition.org/pup/6796">Huguenots</a> s’opposent en France.</p>
<p>Devenue veuve en 1559, Catherine reste proche du trône en tant que conseillère de ses trois fils devenus rois.</p>
<p>Bien qu’ils soient catholiques, les recommandations de Catherine pour ses fils favorisaient généralement une voie médiane visant à maintenir l’intégrité du royaume et la réputation de la dynastie à laquelle elle était affiliée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Production image" src="https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les Médicis n’étaient pas une dynastie de sang royal, mais Catherine est néanmoins devenue régente de France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les ardents défenseurs des deux camps n’y trouvaient pas leur compte et ont créé différentes versions du personnage de Catherine de Médicis à instrumentaliser en fonction de leur cause. Dans tous les cas, Catherine apparaissait comme un ennemi public. Un pamphlet de 1575 versifie ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Elle dépouille les coqs, leur arrache la crête et les testicules, une virago règne sur les Français. Une femme débridée se nourrit de testicules de coqs, et en dévorant cette nourriture, elle se frappe les lèvres et dit : “Ainsi, je castre le courage gaulois, ainsi je déshabille les Français, ainsi je les soumets”. »</p>
</blockquote>
<p>Cette vision scandaleuse rencontra beaucoup de succès.</p>
<p>Bien sûr, Catherine de Médicis <a href="https://brill.com/view/title/36179?language=en">veillait elle-même à son image</a> à travers des productions artistiques, des cérémonies officielles, la décoration de ses palais et par son comportement public.</p>
<p>Catherine connaissait les enjeux importants pour les femmes. Elle entretenait des relations tendues et complexes avec Marie, reine d’Écosse, mais elle l’a défendue auprès de Francis Walsingham, le courtisan d’Élisabeth I. Elle a déclaré à Walshingham qu’elle “savait très bien combien de fois les gens ont dit des choses sur une pauvre princesse affligée qui ne se sont pas toujours révélées être vraies”.</p>
<p>Après sa mort, des dizaines de versions de Catherine ont pris leur envol dans des romans. Dans la <a href="https://theconversation.com/culture-vivante-la-reine-margot-ce-manifeste-feministe-sombre-et-flamboyant-155908"><em>Reine Margot</em></a> (1845) d’Alexandre Dumas, elle dissèque le cerveau d’un poulet dont elle a tranché la tête d’un seul coup, en vue d’une analyse prophétique. Elle est affublée d’un « sourire malin ».</p>
<p>Elle n’a guère eu plus de succès auprès des érudits du XIX<sup>e</sup> siècle. L’historien influent Jules Michelet, un huguenot, a qualifié Catherine de « larve du tombeau de l’Italie ».</p>
<p>Cette représentation de Catherine a également connu un grand succès au fil de l’histoire.</p>
<h2>Les femmes dans l’opinion publique</h2>
<p>Le traitement réservé à Catherine tout au long de l’histoire reflète notre relation problématique avec le rôle des femmes dans la vie publique. Il existe une <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/les-institutions-internationales-sinquietent-de-la-recrudescence-des-attaques-sexistes-a-lencontre-des-femmes-de-pouvoir-207723">longue histoire</a> d’hostilité envers les femmes de pouvoir et les femmes au pouvoir.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GfwZ9HG1V-I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><em>The Serpent Queen</em> retrace la vie de Catherine, depuis les épreuves de son enfance jusqu’à l’époque où elle joua un rôle politique central, pendant le règne de ses fils. Dans la série, elle apparaît puissante, maîtresse de son récit. Ses répliques font même écho à des discours enregistrés par des ambassadeurs contemporains.</p>
<p>Cette Catherine semble rechercher notre sympathie. Elle nous regarde et nous parle directement, semblant solliciter notre compréhension. Elle semble nous demander : « Dites-moi ce que vous auriez fait à ma place ».</p>
<p>Mais c’est peut-être simplement notre complicité dans la création d’une version familière de Catherine que la série cherche à susciter.</p>
<p>S’agit-il d’une Catherine nouvelle pour des temps nouveaux, complexe, remise dans son contexte, libérée de la réputation de « bad girl » qui l’a poursuivie à travers les siècles ? Ou bien simplement d’une version modernisée de Catherine en « bad girl » ? une chose est sûre : on est encore dans le domaine de la légende, et loin de la vérité historique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Susan Broomhall bénéficie d'un financement du Conseil australien de la recherche. Elle est l'auteur du livre « The Identities of Catherine de' Medici », publié par Brill en 2021.</span></em></p>Catherine de Médicis fut reine de France, mère de trois rois et de deux reines, et belle-mère de Marie, reine d’Écosse.Susan Broomhall, Director, Gender and Women's History Research Centre, Australian Catholic UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138082023-09-25T16:49:34Z2023-09-25T16:49:34ZDans « Game of Thrones », un autre regard sur le handicap<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548798/original/file-20230822-26-ii0ulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1803%2C1198&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peter Dinklage dans le rôle de Tyrion Lannister dans _Game of Thrones_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.filmaffinity.com/es/filmimages.php?movie_id=874956">FilmAffinity</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Il y a une place particulière dans mon cœur pour les infirmes, les bâtards et choses brisées. »</p>
</blockquote>
<p>C’est par cet aveu – une véritable déclaration d’intention – que Tyrion Lannister ouvre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Infirmes,_B%C3%A2tards_et_Choses_bris%C3%A9es">quatrième épisode de la série <em>Game of Thrones</em></a>.</p>
<p>Ces dernières années, de nombreux <a href="https://www.researchgate.net/publication/346215251_Cripples_Bastards_and_Broken_Things_Disability_in_Game_of_Thrones">universitaires</a> se sont intéressés à la pop culture, à travers l’étude des séries et des émissions de télévision les plus populaires. Des séries cultes comme <em>Breaking Bad</em> et <em>The Sopranos</em> sont des exemples notoires de productions audiovisuelles à fort impact qui, en raison de leurs connotations idéologiques ou politiques, ont suscité des réflexions dans différents domaines, clairement comparables à des approches portant sur des matériaux plus classiques (tels que des œuvres littéraires ou des œuvres philosophiques canoniques).</p>
<p>Bien que l’on ait déjà beaucoup écrit sur <em>Game of Thrones</em> selon différentes perspectives académiques, il est très intéressant d’<a href="https://journal.media-culture.org.au/index.php/mcjournal/article/view/895">analyser</a>, comme le fait Katie M. Ellis, le traitement du handicap dans la série.</p>
<h2>Jaime Lannister s’effondre</h2>
<p>Tout au long de l’histoire, de nombreux personnages de <em>Game of Thrones</em> se « brisent ». Bran se brise (il tient son surnom, le <em>Brisé</em>, de la chute qui l’a rendu paraplégique), Tyrion se brise (lui qui, en plus d’être atteint d’achondroplasie, est défiguré après une bataille), l’eunuque Varys se brise (lorsqu’il est castré), et Jaime se brise (lorsqu’il perd sa main). Tout au long de la série, la rupture est présentée comme un chemin existentiel interrompu.</p>
<p>Nous, les spectateurs, sommes témoins de l’apprentissage, de la découverte ou de l’acquisition d’un caractère moral chez des personnages qui, dans de nombreux cas, se découvrent vulnérables après s’être montrés incapables de développer de l’empathie avant leur blessure ou leur accident.</p>
<p>Par exemple le méchant, beau et invaincu Jaime Lannister <a href="https://eneltronodehierro.wordpress.com/2013/05/02/jaime-lannister-y-el-impacto-de-una-amputacion/">perd</a> sa main – main avec laquelle il se bat et tue, qui lui donne du prestige par la violence – et sa vie s’effondre…</p>
<p>Finalement, grâce aux commentaires sages et crus de Brienne, la géante elle-même discriminée pour sa taille et sa férocité au combat, l’amputation lui ouvre les yeux d’une autre manière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme avec une main d’acier regarde fixement devant lui alors que d’autres hommes se tiennent à quelques pas derrière lui" src="https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nikolaj Coster-Waldau dans le rôle de Jaime Lannister dans l’un des derniers chapitres de <em>Game of Thrones</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.imdb.com/name/nm0182666/mediaviewer/rm2454021632?ref_=nmmi_mi_all_sf_18">IMDB</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fait, l’une des dernières scènes de la série, où Jaime appelle Brienne « chevalier » en tenant son épée de la main gauche, représente l’une des <a href="https://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?code=7418639">transgressions</a> les plus fascinantes de toute la saga : un amputé en disgrâce enfreint les règles parce qu’il nomme une femme <em>chevalier</em>, qui ne respecte pas non plus la loi écrite (en raison de son sexe, elle n’a pas pu prêter serment en tant que telle, puisqu’elle n’est <em>pas</em> un homme), bien qu’elle soit en réalité la plus loyale, la plus noble, de sa catégorie.</p>
<h2>Le « héros ambigu »</h2>
<p>Dans le cadre de l’analyse du handicap dans cette fiction, la complexité du personnage de <a href="https://www.wiley.com/en-us/Game+of+Thrones+and+Philosophy%3A+Logic+Cuts+Deeper+Than+Swords-p-9781118161999">Tyrion Lannister</a> – le « héros ambigu » – est remarquable.</p>
<p>Nous pourrions dire que ce personnage gagnerait certainement un concours de popularité parmi les fans les plus acharnés de la série, battant le noble et beau Jon Snow ou la scintillante mère des dragons, Daenerys Targaryen, entre autres.</p>
<p>Tyrion est une combinaison intéressante de vertus et de vices. Le nain difforme et parricide, parangon des « estropiés », nous émeut par sa lucidité, sa compréhension du monde et son intelligence.</p>
<p>Certes, Tyrion est né marqué par le pire et le meilleur. Sa petite taille (en plus de sa défiguration), cause un profond mépris et une grande haine même de la part de ses proches ; mais en parallèle il jouit du pouvoir qui découle du fait d’être un Lannister. À cela s’ajoute sa formidable intelligence, autant d’éléments lumineux de son caractère complexe.</p>
<p>C’est cette intelligence que Tyrion s’efforce de cultiver alors qu’il défie la masculinité hégémonique de Westeros, physiquement puissante, musclée et guerrière. Ainsi, s’adressant à Jon Snow, Tyrion déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Mon esprit est mon arme. Mon frère a son épée, le roi Robert a son marteau de guerre, et moi, j’ai mon esprit… et un esprit a besoin de livres, car une épée a besoin d’une pierre à aiguiser pour avoir l’avantage. C’est pour cela que je lis beaucoup. »</p>
</blockquote>
<h2>Les exclus hériteront de la terre</h2>
<p>Cette superproduction, qui touche aujourd’hui plus de foyers et de cœurs que n’importe quel classique de la littérature mondiale, offre un cadre fascinant pour observer tous ces personnages appartenant à des catégories minoritaires ou <a href="https://books.google.fr/books/about/Beyond_the_Wall.html?id=6sJQMs6WyQcC&redir_esc=y">marginalisées</a>, comme nous le montrent des approches critiques contemporaines.</p>
<p>En effet, la série nous permet de l’aborder sous différentes perspectives, telles que l’<a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-genre-et-science-politique--9782724613810-page-286.htm">intersectionnalité</a> (une approche inventée par la juriste américaine Kimberlé Crenshaw, qui met l’accent sur la relation structurelle de toutes les formes de discrimination ou d’exclusion), le concept de <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2006-3-page-133.htm">subalternité</a> chez la philosophe indienne Gayatri Spivak (qui reconnaît, dans sa critique postcoloniale, la nécessité de la valeur combative de la position subalterne face à l’hégémonique dans une structure hiérarchique), ou les différents <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/genre-et-europe/f%C3%A9minismes-et-mouvements-f%C3%A9ministes-en-europe/f%C3%A9minismes-et-mouvements-f%C3%A9ministes-en-europe">féminismes</a>.</p>
<p>Dans <em>Game of Thrones</em>, le monde est <em>hérité</em>, symboliquement et matériellement, par les marginaux du système : personne de petite taille et infirme comme Tyrion ou Bran (personnes présentant des diversités fonctionnelles intrinsèques ou acquises), enfant illégitime ou « bâtard », tel qu’il est nommé dans la série, comme Jon Snow (socialement exclu pour être né hors mariage), <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jpcu.12647">eunuques</a> comme Varys ou Grey Worm (de hommes castrés), les femmes (dans toutes leurs versions, en particulier celles qui ont des féminités non normatives) et les hommes éloignés du modèle dominant de masculinité, qui sont stigmatisés et finissent par en faire une force.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme en cape s’agenouille devant un jeune homme en fauteuil roulant, tandis que deux femmes les regardent" src="https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Jon Snow s’agenouille devant Bran, tandis qu’Arya Stark et Sansa Stark regardent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.imdb.com/name/nm3652842/mediaviewer/rm395942401/">IMDB</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut y voir une manière de se <a href="https://www.jstor.org/stable/20866817">réapproprier</a> de manière subversive <a href="https://ojs.ehu.eus/index.php/papelesCEIC/article/view/21839">l’imaginaire scandaleux</a> (celui qui depuis des millénaires présente le handicap comme paradigme du péché ou de la disgrâce), <a href="https://ojs.ehu.eus/index.php/papelesCEIC/article/view/21839">au sens</a> de la philosophe Melania Moscoso : « sa propre puissance offensive nous préservera de la tentation de conformer les corps à des représentations sociales ancrées dans la norme, aussi bien intentionnées soient-elles. »</p>
<p>Ainsi, et conformément à l’observation de Tyrion dans la citation d’ouverture, nous utilisons également ici des termes tels que <em>estropié</em>, <em>bâtard</em> ou <em>chose cassée</em> en nous réappropriant leur sens de manière critique et combative. Lui-même, dans le chapitre « Le loup et le lion », déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Si on te donne un surnom, accepte-le et approprie-le-toi, ainsi, il ne peut plus te blesser. »</p>
</blockquote>
<h2>Une vie pleine de possibilités</h2>
<p>Une conversation entre les frères Lannister, Tyrion et Jaime, dans le deuxième épisode de la série (« La route royale »), montre que le handicap n’est pas la fin de l’histoire. Bien qu’ils se ressemblent à certains égards, ils sont, à ce moment du récit, aux antipodes des archétypes du désir et de l’horreur.</p>
<p>Après sa « chute » (c’est en fait Jaime qui l’a poussé du haut d’une tour, déclenchant ainsi le conflit initial), Bran est dans le coma, et les frères discutent de son sort :</p>
<p><strong>Jaime</strong> : Même si le garçon survit, il sera infirme, il sera monstrueux. La mort serait une fin appropriée.</p>
<p><strong>Tyrion</strong> : Au nom des monstres, je ne suis pas d’accord. La mort a quelque chose d’effroyablement définitif. La vie, elle, ouvre sur d’infinies possibilités. J’espère qu’il se réveillera, j’ai hâte de l’entendre raconter ce qui lui est arrivé.</p>
<p>Tyrion finit par triompher à la <a href="https://www.konbini.com/biiinge/final-game-of-thrones-analyse-epique-decevant/">fin</a> de la saga, non seulement parce qu’il a été capable de survivre contre toute attente dans un monde post-apocalyptique, mais aussi parce qu’il est devenu (une fois de plus) la Main du Roi (le bras droit) lorsque Bran le Brisé a pris le pouvoir.</p>
<p><em>Sous-fifres</em>, <em>brisés</em>… au nom du grotesque, tous deux finissent par montrer que « l’infirme », dans <em>Game of Thrones</em>, c’est autre chose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ester Massó Guijarro ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans « Game of Thrones », les personnages handicapés, blessés ou considérés comme des parias sont légion et tissent un vibrant éloge de la non-conformité.Ester Massó Guijarro, Profesora Titular de Filosofía Moral y miembro de la Unidad de Excelencia FiloLab, Universidad de GranadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122012023-08-24T16:51:55Z2023-08-24T16:51:55ZLes scénaristes hollywoodiens peuvent-ils terrasser les géants du streaming ?<p>Le 16 août dernier, la Writers Guild of America West (WGA), déjà en grève depuis plus de 100 jours contre les pratiques des studios de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cinema-20770">cinéma</a>, a publié un « antitrust report » à travers lequel le syndicat des scénaristes hollywoodiens urgent les autorités américaines de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> d’intervenir contre les acteurs du streaming que l’association accuse d’abus de position dominante.</p>
<p>Plus précisément, la WGA ne vise pas tous les acteurs du streaming, mais trois entreprises en particulier qui, à elles seules, contrôlent <a href="https://www.statista.com/statistics/496011/usa-svod-to-tv-streaming-usage/">quatre plates-formes dominantes</a> aux États-Unis : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/netflix-53737">Netflix</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/amazon-40118">Amazon</a> (Amazon Prime Video) et The Walt <a href="https://theconversation.com/fr/topics/disney-21590">Disney</a> Company (Disney+ et Hulu).</p>
<p>Selon la WGA, la domination de ces trois entreprises sur les maillons les plus essentiels de la chaîne de valeur – production, distribution, marché de l’emploi – en ferait des « gatekeepers » de fait, c’est-à-dire qu’<a href="https://www.causeur.fr/demanteler-les-gafa-google-facebook-amazon-julien-pillot-inseec-165407">à l’instar des GAFAM</a>, ces entreprises seraient en capacité d’imposer les conditions techniques et tarifaires d’accès à ces marchés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1692220981413388520"}"></div></p>
<p>Le problème serait, toujours selon l’association, de deux ordres. D’une part, ces conditions d’accès seraient défavorables aux intérêts du consommateur et des travailleurs du secteur, au premier rang desquels figurent bien entendu les scénaristes. D’autre part, passée la phase d’euphorie où chaque acteur majeur de l’industrie de l’entertainment s’est imaginé lancer sa propre plate-forme de streaming, le secteur entre dans une phase particulièrement <a href="https://www.forbes.com/sites/bradadgate/2021/12/17/as-svod-subscriptions-slows-industry-consolidation-is-looming/">agressive de consolidation</a> qui, outre de réduire la liberté de choix des consommateurs autant que les débouchés pour les travailleurs et studios indépendants, déséquilibre sérieusement les rapports de force dans l’industrie.</p>
<p>Si des différences stratégiques existent, notamment quant à leur positionnement, les trois entreprises ont en effet en commun de mener une <a href="https://www.ladn.eu/nouvelle-economie/netflix-decryptage-modele-economique/">intégration verticale</a> à différents niveaux. Toutes sont des producteurs – éditeurs – distributeurs qui ont tendance à se réserver leurs productions en exclusivité, et à acquérir un maximum de licences culturelles fortes pour densifier une offre propriétaire (à l’image des <a href="https://theconversation.com/podcast-disney-fox-85-milliards-uniquement-pour-tuer-netflix-109111">rachats de Star Wars, Marvel ou Indiana Jones par Disney</a>, ou de James Bond et Le Seigneur des Anneaux par Amazon). Amazon, qui dispose en plus d’une position dominante sur le segment hautement stratégique des équipements OTT avec son Amazon Fire TV (position qu’il partage avec Roku, avec 36 % de part de marché chacun aux États-Unis), a poussé encore plus loin son intégration verticale, et en ferait bénéficier sa plate-forme vidéo au détriment des offres concurrentes.</p>
<h2>Des abonnements de plus en plus chers</h2>
<p>Cette consolidation est la fois la résultante de stratégies « en silo » qui visent à gagner et retenir des abonnés via des contenus majoritairement exclusifs, mais aussi la volonté des marchés financiers en quête de performance. La consolidation est susceptible d’assécher suffisamment la concurrence pour permettre des augmentations de prix, mais aussi l’abaissement des coûts en réduisant les volumes de production ou le besoin en créativité (l’offre de films de Disney a diminué de 65 % en 2017). Autre facteur d’économies : en réduisant le nombre de débouchés possibles pour les parties prenantes de l’écosystème créatif, employés et studios et scénaristes indépendants en tête, les plates-formes de streaming sont en position de force pour négocier salaires, royalties et droits à leur avantage.</p>
<p>C’est en substance ce que nous raconte la WGA à travers son rapport. Dans un marché qui se consolide, les acteurs qui survivent finissent par avoir un tel pouvoir de marché qu’ils peuvent imposer leurs conditions à tout l’écosystème, notamment dans une optique de réduction drastique des coûts, et d’augmentation tendancielle des prix.</p>
<p><iframe id="3KfUS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3KfUS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En réalité, la financiarisation de la stratégie, dans cette industrie hautement compétitive et extrêmement intensive en capital, a créé son propre paradoxe. En effet, pour alimenter une telle stratégie, il faut mettre la main sur des capacités de production et des licences très onéreuses. Ces acquisitions, dans un contexte d’enchères entre compétiteurs suivant la même stratégie, a fini par endetter de façon massive les conglomérats. À l’image de The Walt Disney Company qui a <a href="https://edition.cnn.com/2023/02/07/investing/disney-earnings-bob-iger-preview/index.html">beaucoup de mal à digérer sa fusion avec la Fox</a>.</p>
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<p>Or, cet endettement, à plus forte raison que les potentiels de croissance de l’industrie se tarissent et que la concurrence entre géants s’installe, rend impérieux la recherche rapide de cash, les coupes massives dans les coûts et l’augmentation des prix en étant la résultante. Mais pour gagner suffisamment de pouvoir de marché pour parvenir à résoudre cette équation, il convient d’aller encore plus loin dans la consolidation et chercher de nouvelles proies.</p>
<p>Jusqu’au jour où ce jeu devient même trop intensif en capital pour ceux qui l’ont initié. <a href="https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-12413239/Get-ready-iMarvel-iStar-Wars-iPixar-Apple-interested-buying-Disney-according-insiders-deal-worth-160-BILLION.html">Apple serait ainsi en embuscade pour profiter d’une potentielle défaillance de Disney ou Netflix</a>. Dans ce contexte, combien de temps des entreprises telles que Paramount, Warner Bros Discovery ou Sony Pictures, acteurs majeurs de leur industrie, mais devenues des petits poissons dans ce capitalisme ultra-financiarisé, pourront-elles encore demeurer « indépendantes » ?</p>
<h2>Un précédent dans les années 1970</h2>
<p>Avec ce rapport, les scénaristes jugent en conséquence incontournable de renforcer la régulation sur le marché du streaming. L’idée est non seulement de limiter la capacité des trois géants à augmenter encore leur pouvoir de marché, mais également de restreindre également leur capacité à en (ab)user.</p>
<p>Quant à savoir si cela peut aboutir, il ne nous revient pas de dire le droit en lieu et place d’un juge à la concurrence. Néanmoins, trois éléments semblent favorables à la WGA dans cette affaire. Le premier, c’est un <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/loi-antitrust-l-administration-biden-apporte-un-soutien-crucial-pour-contrer-le-monopole-des-gafam-907337.html">retour au premier plan de l’antitrust aux États-Unis</a>, sous l’impulsion de l’administration Biden.</p>
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<img alt="Homme regardant la télévision" src="https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544522/original/file-20230824-17-k1ihmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les géants du streaming se sont imposés au prix d’une stratégie particulièrement coûteuse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-qjgun">Pxfuel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le deuxième concerne les signaux renvoyés par le marché. La capacité des acteurs à augmenter régulièrement les prix sans avoir à déplorer une fuite massive d’abonnés semble dessiner les contours d’une industrie où les clients sont relativement captifs. D’ailleurs, les stratégies en silo rendent les trois géants du streaming davantage complémentaires que concurrents : bien des ménages sont multiabonnés de façon à avoir accès à des contenus présents exclusivement sur l’une ou l’autre des plates-formes.</p>
<p>Enfin, le troisième élément favorable réside dans le fait qu’un précédent existe dans cette industrie. Dans les années 1970, la TV américaine était alors contrôlée par trois majors verticalement intégrées sur la production et la distribution : NBC, ABC et CBS. La Federal Communication Commission était alors intervenue à travers le règlement <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Financial_Interest_and_Syndication_Rules">Financial Interest and Syndication Rules</a> (Fin-Syn) pour limiter drastiquement le pouvoir de marché des trois leaders. La concurrence qui a pu se mettre en place, à la fois sur le segment de la production, mais aussi sur celui de la distribution TV et câble, avait permis l’émergence de nombreux acteurs et contenus diversifiés dont ont pu bénéficier les consommateurs et les travailleurs de cette industrie.</p>
<p>Bien que ce règlement a pu être suspendu en 1993, le secteur est demeuré depuis sous l’étroite surveillance des autorités de régulation et antitrust. Il est d’ailleurs étrange de constater qu’au titre de la <a href="https://www.fcc.gov/document/amendment-section-73658g-commissions-rules-dual-network">« dual network rule »</a>, un groupe comme Disney n’est pas autorisé à posséder deux parmi les quatre principaux réseaux TV (c’est à ce titre qu’il a dû renoncer à récupérer celui de Fox lors de la fusion de 2019), mais que rien d’analogue ne soit prévu sur le marché du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/streaming-52254">streaming</a>, devenu pourtant incontournable. Quoi qu’il en soi, les deux situations présentent de troublantes similitudes. Reste à savoir si les mêmes causes produiront les mêmes effets.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212201/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs éléments plaident la cause la Writers Guild of America, en grève depuis plusieurs mois, qui dénonce l’abus de position dominante de Netflix, Amazon et Disney sur le marché du streaming.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087902023-08-02T18:06:44Z2023-08-02T18:06:44Z« Black Mirror » : notre monde est-il devenu la dystopie que prédisait la série ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535145/original/file-20230701-100349-yyygjs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C17%2C1076%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visuel de "Joan est horrible", premier épisode de la sixième saison de Black Mirror sortie le 15 juin dernier sur Netflix. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Diffusée en France depuis 2016 sur la plate-forme <a href="https://www.netflix.com/title/70264888">Netflix</a>, <em>Black Mirror</em> est ce qu’on appelle une série d’anthologie : ses épisodes sont indépendants les uns des autres et <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">reliés par la thématique de la dystopie</a>. Elle met en scène une société à l’avenir sombre, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-le-cote-obscur-de-la-technologie-117466">marquée par le progrès technologique</a>.</p>
<p>Le 15 juin marquait le grand retour de la série, quatre ans après la sortie de sa cinquième saison, en raison de la crise sanitaire. Depuis la première saison, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lanthologie-de-la-pente-fatale-90482">nous retrouvons au centre de chaque épisode un procédé technique soulevant des problématiques éthiques</a>, dans un repère temporel généralement flou pour nous permettre d’envisager ses dangers à moyen ou long terme. </p>
<p>Dans cette sixième saison, des sujets récurrents sont abordés, tels que l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux et une vision horrifique de l’usage des technologies. Pourtant, ces cinq derniers épisodes ne semblent pas tournés vers l’avenir proche comme les précédents. Dans une dimension spatio-temporelle mieux définie, soit contemporaine, soit située quelque part au XX<sup>e</sup> siècle, ils abordent des situations néfastes qui présentent la décadence des comportements humains déjà bien amorcés dans la réalité.</p>
<p>Notre monde est-il donc définitivement entré dans l’écran noir de <em>Black Mirror</em> ? Cette sixième saison nous tend-elle un miroir sur notre quotidien ?</p>
<h2>Red Mirror : la fin d’une dystopie ?</h2>
<p>Durant cinq saisons, la dystopie fait sens dans tous les épisodes en évoquant les dangers des progrès technologiques (S01E03 ; S04E02), le contrôle au profit d’une élite (S03E01 ; S03E05), le recours à l’intelligence artificielle pour maîtriser ce nouveau monde (S02E01 ; S05E03) ou encore le pouvoir politique des médias (S01E01 ; S01E02 ; S02E03 ; S03E06). Ces épisodes se déroulent souvent dans un « non-lieu » (S03E04 ; S04E01) et un futur apocalyptique (S04E04 ; S04E05).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">« Black Mirror » ou l’ambiguïté du pire</a>
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<p>Or, cette sixième saison marque un changement par rapport aux autres, en jouant davantage sur l’ironie des situations induites par ces progrès déjà en cours dans notre société. Du premier épisode (« Joan is Awful ») présentant la venue des doubles virtuels déjà parmi nous depuis 2017 aux deux suivants (« Loch Henry » et « Beyond the Sea ») qui traitent de meurtres, rien de nouveau n’apparaît. Pas plus que les deux derniers épisodes (« Mazey Day » et « Demon 79 ») qui abordent le voyeurisme de la presse et les mythes sociaux (le loup-garou et le démon).</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce, <em>Black Mirror</em>, saison 6 (Netflix).</span></figcaption>
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<p>Ce changement de perspective questionne. La série montre habituellement notre avenir disruptif perturbé par le progrès technologique. Et <em>Black Mirror</em> a eu énormément de succès en se basant sur la dystopie d’un monde auquel nous ne pouvons échapper. Pour quelles raisons dans cette saison, les scénaristes alertent-ils déontologiquement sur les comportements humains qui dégénèrent ? Est-on toujours dans une dystopie ?</p>
<p>Le contexte de production de cette sixième saison est à prendre compte pour comprendre le changement de ton et de direction artistique de la série. Les scénaristes se voient rattrapés par le présent anxiogène (Covid-19) alors qu’ils contaient des histoires destinées à penser l’avenir : « En ce moment, je ne vois pas comment on pourrait avoir l’envie et la force de regarder des histoires concernant une société qui s’écroule. Donc je ne travaille pas du tout sur de nouveaux épisodes », <a href="https://www.radiotimes.com/tv/sci-fi/black-mirror-6-update/">confiait Charlie Brooker à <em>Radio Times</em> en 2020</a>.</p>
<p>Cette affirmation confirme que le créateur s’éloigne de la dystopie pour traiter autrement des histoires menant à une réflexion et des temporalités différentes qui se situent dans le présent ou dans le passé, voire dans une <a href="https://journals.openedition.org/elh/362">uchronie</a> (le récit d’évènements fictifs à partir d’un point de départ historique).</p>
<p>C’est le cas de l’épisode 3 (« Beyond the Sea ») qui puise dans le passé pour réécrire le futur. En effet, à partir d’un évènement narré en 1969, en <a href="https://www.britannica.com/topic/rock-Los-Angeles-1950s-overview-1371230">référence au meurtre de Sharon Tate (épouse de Roman Polanski)</a>, les scénaristes introduisent un progrès technologique. Un astronaute assiste alors, impuissant, au meurtre de sa femme et de ses enfants par des hippies via sa propre réplique numérique. Comme en témoigne un spécialiste <a href="https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-features/black-mirror-beyond-the-sea-ending-josh-hartnett-kate-mara-1235516380/">“[…] Charlie voulait retourner à cette époque pour réinventer le pourquoi […]”</a>, nous renvoyant au principe de l’uchronie.</p>
<p>La question « que se serait-il passé si… » prévaut dans chacun des épisodes composant cette sixième saison, invitant le spectateur à imaginer un récit hypothétique : « et si une starlette ne s’était pas suicidée ? », « et si le démon n’avait pas pu contacter l’héroïne ? », « et si un astronaute n’avait pas laissé son collègue revenir sur Terre ? »</p>
<p>Le ton est aussi différent dans cette saison, à la tournure clairement plus horrifique comme pour compenser la dimension prophétique qui avait tant marqué les premières saisons : le créateur de la série en témoigne : « Cette saison, j’ai voulu faire quelque chose de très différent – une sorte de Red Mirror, comme un label parallèle tourné vers le crime et l’horreur. Et en faisant ça, je me suis dit, essaye de transformer ta propre vision de ce qu’est un épisode de <em>Black Mirror</em> ».</p>
<p><em>Black Mirror</em>, jusque là, se faisait l’écho du futur de notre société dans un contexte souvent totalitaire, de contrôle et de surveillance étatique par le biais des progrès informatiques. Par des scénarios prenant source dans notre réalité, cette série d’anticipation projetait donc, dans un avenir dystopique, des fictions qui n’en sont plus. Le temps semble avoir avancé plus vite que les scénaristes et la réalité dépasse aujourd’hui la fiction – mentionnons par exemple la déflagration ChatGPT.</p>
<h2>Quand l’intelligence artificielle dépasse la fiction</h2>
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<p><a href="https://www.netflix-news.com/articles/programmes/1577344-joan-est-horrible-black-mirror-saison-6-que-vaut-le-premier-episode-douverture-de-la-serie-netflix-avis-des-internautes-22-06-2023/">Le premier épisode de cette nouvelle saison met en scène une jeune femme</a> (Joan) troublée après qu’elle ait découvert sur une plate-forme de streaming une série à son image, relatant ses journées, parfois au mot près. Cet épisode permet aux scénaristes d’aborder la question du vide juridique qui entoure les doublures digitales, imaginées à partir de la vie bien réelle d’êtres humains.</p>
<p>La problématique se présente déjà dans le milieu de la communication et du marketing avec une absence de cadre législatif régulant l’usage des <a href="https://theconversation.com/si-un-influenceur-virtuel-commet-une-infraction-qui-est-responsable-208512">influenceurs biodigitaux</a>.</p>
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<p>Cette absence de mesure législative peut mener tout un chacun à usurper l’identité visuelle d’une personne en plaçant son double digitalisé sur le net, sans encourir aucune poursuite. Depuis le 13 juillet 2023, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/14/greve-a-hollywood-les-acteurs-craignent-d-etre-remplaces-par-des-machines_6181893_3234.html">grève des acteurs à Hollywood</a> place l’intelligence artificielle au centre du débat public, poussant ces premiers à réclamer de meilleurs revenus du streaming et des garanties contre son intrusion dans le milieu audiovisuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1679770215796678656"}"></div></p>
<p>Dans <em>Black Mirror</em>, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce thème mêlant intelligence artificielle (IA) et corps digitalisés est abordé. En effet, par les progrès de la science, la reproduction virtuelle d’une jeune chanteuse Ashley apparaît sous l’apparence d’une poupée robotisée nommée « Ashley Too » (saison 5, épisode 3). La réflexion au centre de cet épisode est proche de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-05064-0_20">ce travail de recherche internationale</a> dans lequel les professionnels de la communication et du marketing s’expriment sur les fondements de nos libertés, il y a déjà plus de trois ans ; ils disent craindre le façonnage d’humains virtuels dont la digitalisation est invisibilisée. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">Les influenceurs virtuels sont-ils plus puissants que les influenceurs humains ?</a>
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<p>Cette question prévaut également dans le premier épisode de la saison 2, intitulé « Bientôt de retour », qui présente des êtres de substitution faisant revivre des morts en utilisant toutes les caractéristiques de l’individu décédé (voix, gestuelle, personnalité, etc.).</p>
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<p>Dans la série, le personnage principal, une femme éprouvée par le décès de son mari, refuse de reconnaître toute humanité à cette entité <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">biodigitale</a>, elle finit toutefois par converser secrètement avec elle. Ceci n’est pas sans nous rappeler la <a href="https://www.facebook.com/help/103897939701143">page Facebook d’un individu qui reste active après son décès</a> ou la <a href="https://theconversation.com/debat-lintelligence-artificielle-peut-elle-accompagner-les-personnes-en-deuil-205491">façon dont l’intelligence accompagne les personnes en deuil</a>. Le dernier exemple en date étant l’application « Project December » qui utilise GPT-3 pour permettre à l’utilisateur de recréer un dialogue avec des personnes disparues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Simulate the Dead, « Project December ».</span></figcaption>
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<p>Il faudra sans doute attendre la septième saison pour savoir si la série se propose toujours d’explorer toutes les facettes des avancées technologiques et sociales en tentant de nous éclairer sur cet avenir dirigé par l’intelligence artificielle qui brille de mille feux pour mieux nous aveugler. Il se peut aussi que, subliminalement, la série ait choisi d’alerter sur les comportements humains, toujours plus déviants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour son grand retour, « Black Mirror » appréhende à nouveau notre rapport aux nouvelles technologies : un usage démesuré comme elle l’avait prédit.Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleMarie-Nathalie Jauffret, Chercheure - Prof. Communication & Marketing, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2085122023-06-27T18:24:29Z2023-06-27T18:24:29ZSi un influenceur virtuel commet une infraction, qui est responsable ?<p>À l’ère digitale, les réalités se superposent. En effet, certains de vos amis sont réels : vous les avez déjà rencontrés et vous avez échangé des paroles et des idées. Dans la réalité digitale, un second niveau donc, vous avez d’autres amis ou <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> que vous suivez et même si vous ne les avez jamais touchés. Vous avez aussi déjà échangé avec eux, vu leurs posts, leurs vidéos et commenté leurs activités.</p>
<p>Aujourd’hui, le monde digital évolue encore et passe à un nouveau niveau de réalité avec l’arrivée des « biodigitaux ». Ces personnages fictifs, conçus et créés par la magie de l’ordinateur, sont de parfaites copies numérisées d’humains qui peuvent être en contact avec tous, sur tous les écrans et supports communicationnels (sous forme d’images mais aussi de vidéos). Ils échangent avec vous, commentent vos posts, chantent, dansent et se produisent sur scène sous forme d’hologrammes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les biodigitaux sur Instagram : un nouveau challenge pour les marques ? (FNEGE Médias, 2022).</span></figcaption>
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<p>Ce sont de parfaites répliques qui <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/les-biodigitaux-sur-instagram-un-nouveau-challenge-pour-les-marques">travaillent déjà aujourd’hui</a> dans le domaine de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/communication-21313">communication</a> comme mannequin, artiste, etc. et ambassadeur de marque. Ils sont parfois influenceurs.</p>
<h2><em>Black Mirror</em></h2>
<p>Par exemple, <a href="https://www.instagram.com/lilmiquela/">LilMiquela</a>, égérie de Calvin Klein, flirte, sur la plate-forme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/instagram-54307">Instagram</a>, avec presque 3 millions d’abonnés ; <a href="https://www.instagram.com/shudu.gram/?hl=fr">Shudu Gram</a>, courtisée par de grandes marques internationales (Fenty Beauty, Shiseido) est présentée comme « le premier super modèle digital du monde » et « défile » à Londres. Le géant suédois de la distribution d’ameublement, Ikea, a quant à lui choisi de travailler avec Imma Gram qui vit (virtuellement) au Japon. En parallèle, des agences proposent aux célébrités de concevoir des <a href="https://eisko.com/fr/double-numerique-3d/">doublures digitales</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ikea Harajuku with Imma (WKtokyo, 2021).</span></figcaption>
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<p>Or, l’intensité des activités discrètes des biodigitaux commencent à questionner éthiquement et légalement cette technologie de l’hyperréalisme dans un multivers (un ensemble d’univers dans un unique système).</p>
<p>Dans un <a href="https://www.imdb.com/title/tt20247352/">épisode</a> de la récente saison 6 de la série dystopique <em>Black Mirror</em>, intitulé « Joan is awful » (« Joan est horrible »), une avocate explique à sa cliente que, légalement, aucun texte de loi ne peut arrêter cette biodigitale qui a pris sa place, son identité physique – pas même les abominations qu’elle commet sous sa personne.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce de <em>Black Mirror</em>, saison 6 (Netflix France, juin 2023).</span></figcaption>
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<p>Ce scénario alerte sur un vide juridique. Aucune loi ne peut interdire la création de votre parfait double digital. Aucun texte n’aurait donc de valeur face à ces personnages hyperréalistes qui pourraient vous substituer sur les écrans.</p>
<h2>Des craintes dans les agences d’influence</h2>
<p>En mars dernier, les députés français adoptaient, à l’unanimité, une loi visant à mieux encadrer les influenceurs sur les réseaux sociaux. Le texte renforce notamment l’obligation de signaler si leurs publications font l’objet d’un partenariat ou non. En effet, sur de nombreuses <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> digitales, certains influenceurs suivent des valeurs éthiques fortes : ils s’interdisent notamment de mentir en vantant un produit non testé ou de présenter un produit non autorisé sur le marché. Il n’en est pas de même pour d’autres influenceurs, qui, attirés par l’appât du gain, mènent sans en avoir conscience ou tout à fait volontairement des actions de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> d’influence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1646791200261718017"}"></div></p>
<p>Faute de lois claires régulant ces activités professionnelles ou bénévoles, certains influenceurs menaient donc à terme leurs actions marchandes frauduleuses en manipulant les consommateurs pour leur propre profit sans se soucier des risques. Désormais, ils devront définir strictement la finalité publicitaire des messages sous peine de poursuites. En revanche, le cas des <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">personnages biodigitaux</a>, qui avancent discrètement sous l’apparence humaine, reste absent de cette avancée législative.</p>
<p>La divergence d’interprétation sur la nature juridique de ce type de personnage commence d’ailleurs à questionner les professionnels de la communication et du marketing. En effet, une <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-05064-0_20">recherche</a> récente que nous avons menée démontre que leurs agences demandent une « phase de temps et de réflexion avant de créer un biodigital » (94 %) ou de suggérer à leur client d’en concevoir un. Le risque lié à l’absence de connaissance de la législation spécifique à ces biodigitaux (73 %) et à leur confusion avec les êtres humains prévaut notamment sur l’objectif d’innovation.</p>
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<p>En effet, qui est l’auteur d’un personnage biodigital, responsable juridiquement ? Ces faux humains ne possèdent pas de carte d’identité : ils ne peuvent donc pas être responsables juridiquement. En cas de problème, les responsabilités seraient très complexes à établir, surtout si toute une équipe s’occupe du personnage biodigital.</p>
<h2>« … sauf si la loi l’interdit »</h2>
<p>Il y a donc urgence à relever ce défi juridique. D’autant plus que certaines organisations ont déjà commencé à créer des biodigitaux et proposent même de créer votre propre <a href="https://eisko.com/fr/double-numerique-3d/">doublure digitale</a>.</p>
<p>Dans une <a href="https://youareawful.com/">expérience interactive</a>, Netflix propose de son côté d’exploiter votre image, notamment pour ses prochaines productions. En signant avec le géant du streaming, vous cédez :</p>
<blockquote>
<p>« le droit irrévocable, perpétuel, mondial et non exclusif d’enregistrer, de représenter et/ou de faire votre portrait et d’utiliser […] votre nom, votre photographie, votre voix, vos actions, etc. […] dans tous les médias connus à ce jour et conçus ultérieurement, et dans toutes les langues, tous les formats, toutes les versions […] sans compensation pour vous ou pour toute autre personne, sauf si la loi l’interdit. »</p>
</blockquote>
<p>Votre biodigital est prêt à vous représenter si vous approuvez sans lire les termes et conditions. Raison de plus pour adopter un règlement clair et explicite pour toute personne ou groupement (public ou privé) qui conçoit, édite, loue ou vend des influenceurs biodigitaux et des doublures numériques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208512/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La récente loi visant à lutter contre la publicité trompeuse sur les réseaux sociaux ne répond pas aux défis que posent les comptes virtuels entièrement pilotés par des IA.Marie-Nathalie Jauffret, Chercheure - Prof. Communication & Marketing, International University of MonacoFrédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleMarcus Galdia, Professeur associé de droit des affaires, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2069042023-06-22T19:00:40Z2023-06-22T19:00:40ZLe docu-fiction « Formula 1 : Drive to Survive » fabrique-t-il des héros sous pression ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532934/original/file-20230620-21-9zigo6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C2378%2C1343&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Charles Leclerc, 26 ans, pilote monégasque de l'écurie Ferrari. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix/ Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>La série de docu-fiction <em>Formula 1 : Drive to Survive</em> (« Formula 1 : Pilotes de leur destin ») diffusée sur Netflix provoque un regain d’intérêt pour le sport automobile. Pourtant, lorsqu’on adopte une perspective critique sur ce qui est montré, basée sur une lecture liée à l’éthique organisationnelle, on peut y déceler une mise sous pression intense des pilotes. C’est une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/00187267211059826">pratique courante mais controversée</a>, pouvant à la fois nourrir la motivation des employés, mais aussi affecter négativement leur bien-être.</p>
<p>D’autres programmes comme <em>Shark Tank</em> (ABC) ou <em>Dragon’s Den</em> (BBC) se concentrent également sur les aspects les plus compétitifs de l’entrepreneuriat, tout en présentant les vainqueurs comme des <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=kPuPCgAAQBAJ">héros</a>. Dans <em>Selling Sunset</em> (une série Netflix sur l’immobilier de luxe à Los Angeles), les agents les plus performants semblent aussi travailler sans interruption et sous une pression constante. <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=WSJHEAAAQBAJ">Si la pression au travail est couramment représentée</a> dans les films et les émissions télévisées, ces représentations ne sont jamais neutres.</p>
<p>Quelles peuvent être les conséquences sociétales d’une scénarisation qui embellit des pratiques organisationnelles pouvant parfois conduire à de la souffrance au travail ?</p>
<p>Cet article apporte un regard critique sur la représentation idéalisée de pratiques pouvant générer de la souffrance au travail et de leurs conséquences, et questionne les rapprochements entre l’industrie cinématographique et les organisations privées dans la production de séries et de docu-fictions.</p>
<h2>Une série à succès… et des pratiques pouvant compromettre le bien-être au travail</h2>
<p>Avec 5 saisons au compteur depuis 2018 sur Netflix, le succès de cette série est <a href="https://monaco-hebdo.com/dossier/netflix-formule-1-drive-to-survive/">incontestable</a>. Ce docu-fiction a su attirer un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/auto-moto/formule-1/netflix-reseaux-sociaux-comment-la-formule-1-a-reussi-a-seduire-un-nouveau-public_4453529.html">nouveau public</a> pour la Formule 1, que ce soit devant les écrans ou sur les <a href="https://monaco-hebdo.com/dossier/netflix-formule-1-drive-to-survive/">circuits automobiles</a>.</p>
<p>Si cette série montre une facette plus humaine et immersive de l’industrie de la Formule 1, en suivant pas à pas les pilotes et les managers de différentes écuries, elle ouvre aussi une fenêtre sur des pratiques organisationnelles qui soulèvent des questions éthiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V87R-FVuzm4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les pilotes, qui sont au centre de l’attention, semblent évoluer sous une pression très forte liée à leur performance. Malgré leur très jeune âge (Lance Stroll rejoint Williams à seulement 19 ans, Lando Norris entre chez McLaren alors qu’il n’a que 20 ans, etc.), ils semblent devoir porter une grande part de responsabilité pour <a href="https://www.youtube.com/watch?v=raTPtB19OOs">« rapporter des points »</a> à leur écurie. Cette idée est martelée continuellement lors des différents épisodes. Lors de leurs témoignages, les pilotes évoquent la possibilité de ne pas être recrutés la saison suivante. Il n’y a en effet qu’une vingtaine de postes à ce niveau de la compétition, ce qui en fait une industrie ultra-compétitive. Ainsi, leurs <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OEY3Q43aE_c">performances</a> lors de chaque course peuvent peser dans la balance.</p>
<p>Bien que leurs témoignages ne semblent pas s’attarder sur une potentielle dureté de ces conditions de travail – ils adoptent plutôt une posture positive, de compétiteurs essayant de se dépasser – d’un point de vue éthique, on peut se demander si cette pression constante ne peut pas engendrer des souffrances. Chaque saison, la série construit d’ailleurs une partie de la tension narrative autour de la question du maintien ou du remplacement des pilotes.</p>
<p>Seulement, montrer et dramatiser cette tension, sans en questionner les potentielles conséquences humaines et sociales, participe à normaliser une logique de « dépassement de soi » continuelle, qui ne présente pas que des avantages. En effet, <a href="https://www.cairn.info/revue-connexions-2009-1-page-85.htm?ora.z_ref=li-31356433-pub">Dominique Lhuilier</a>, chercheuse en psychologie du travail, a montré comment « l’idéologie de l’excellence qui sollicite des identifications héroïques au service du dépassement de soi » tend à façonner un imaginaire du travail mobilisateur mais déconnecté des réalités vécues. Cette déconnexion tend à nourrir un malaise diffus lié à l’impossibilité d’accomplir le travail « rêvé ». En même temps, comprendre et exprimer ce malaise devient plus difficile, car en s’éloignant des réalités vécues, l’imaginaire du travail brouille la compréhension de ce qu’il est réaliste ou non d’accomplir.</p>
<p>La série montre par ailleurs que la décision de remplacement est parfois au cœur de tensions allant au-delà de la performance des pilotes. La série suggère que lorsqu’une écurie est en difficulté financière, la résolution via la vente de l’écurie (comme dans le cas de <a href="https://www.reuters.com/article/uk-motor-f1-forceindia-idUKKCN1ME1LV">Force India</a>) peut avoir une influence directe sur le recrutement des pilotes. Ainsi, <a href="https://www.bbc.com/sport/formula1/46342907">Force India recrutera le fils de son nouvel acquéreur</a>.</p>
<p>Lorsque l’écurie Haas est contrainte de rechercher de nouveaux sponsors, la série semble suggérer une fois encore que cela peut avoir une incidence sur le recrutement des pilotes, poussant son manager Guenther Steiner à se <a href="https://www.essentiallysports.com/f1-news-steiner-clarifies-german-sponsors-role-in-mick-schumacher-getting-haas-f1-seat/">justifier</a> dans les médias.</p>
<p>La série, décrite par Netflix comme « docu-fiction », mêle donc potentiellement de l’information avec de la fiction dans un but de divertissement, sans être explicite sur la manière dont le public doit faire la différence. Ce faisant, et en dramatisant potentiellement certaines pratiques organisationnelles pouvant s’assimiler à des conflits d’intérêts, mais sans les questionner, elle peut donner l’impression que ces pratiques sont courantes et normales.</p>
<p>Au fil des saisons, ce sont plusieurs accidents graves – comme celui de <a href="https://www.autonews.fr/racing/formule-1/news/drive-to-survive-saison-3-l-accident-de-grosjean-dans-le-trailer-officiel-94976">Romain Grosjean</a>, voire mortels – celui de <a href="https://www.lemonde.fr/formule-1/article/2015/07/18/formule-1-mort-du-pilote-francais-jules-bianchi_4687979_1616771.html">Jules Bianchi</a> et d’<a href="https://www.lefigaro.fr/sports/auto-moto/actualites/journee-tragique-devaste-le-monde-du-sport-reagit-au-deces-du-jeune-pilote-francais-anthoine-hubert-971905">Anthoine Hubert</a>, qui sont mentionnés lors de témoignages ou directement présentés à l’écran.</p>
<p>Malgré ces images <a href="https://www.theguardian.com/sport/2021/sep/13/you-realise-how-fragile-we-are-lewis-hamilton-still-shocked-by-crash-at-monza">choquantes</a>, et les liens proches qu’entretiennent les pilotes entre eux, la scénarisation de la série laisse à penser que les pilotes doivent rapidement retourner sur le circuit, sans faire état d’un éventuel d’accompagnement psychologique. La nature de ce sport fait que les pilotes risquent leur vie à chaque course. Mais cette scénarisation (voir la bande-annonce officielle de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wtJPe1ksS6E">saison 1</a> ou de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aViLtXEtgqs">saison 3</a>) ne risque-t-elle pas de transformer la probabilité de mourir au travail en aventure palpitante, si ses conséquences psychologiques ne sont pas discutées ?</p>
<p>Loin d’amener les téléspectateurs à questionner les risques liés à ce sport et à l’univers compétitif qu’elle dramatise, il semblerait que la série les transforme en nouveaux passionnés. Comment expliquer ce paradoxe ?</p>
<h2>Une représentation idéalisée de l’industrie et des pilotes</h2>
<p>Pour comprendre, il faut d’abord considérer la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-020-04460-1">construction filmique</a> de la série ; soit l’utilisation de techniques éditoriales (effets visuels, structure de la narration, musique et bruitages, etc.) qui scénarisent et racontent une histoire particulière.</p>
<p>Nous observons que les diverses techniques éditoriales de la série mettent les résultats des pilotes et des écuries au cœur de la structure narrative. Nous sommes tenus en haleine pour découvrir leur performance à chaque course. Grâce aux multiples rebondissements liés aux changements de pilotes, aux tensions relationnelles, etc., chaque compétition est présentée comme une nouvelle aventure palpitante et dangereuse.</p>
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<p>Dans ce cadre, les thèmes comme la mort sont attachés à la bravoure et à l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=wtJPe1ksS6E">héroïsme des pilotes</a> (par exemple, les effets visuels et certains témoignages les présentent comme des personnes hors du commun). La potentielle responsabilité des employeurs n’est que très rarement soulevée dans la série. Les managers d’écuries sont présentés comme pas tout à fait maîtres de leur destin, en proie à des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fO_PX1t3ODc">tensions multiples</a> avec leurs concurrents, leurs financeurs et parfois leurs pilotes. Les tensions liées au recrutements face aux contraintes financières sont ainsi présentées comme inévitables, comme un choix contraint mais rationnel.</p>
<p>Cette série adopte donc tous les ressorts d’un film d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=PSLTXPefVGE">aventure</a> bien ficelé : les personnages héroïques, les nombreux rebondissements, le danger omniprésent, les drames et les tensions relationnelles, tout cela dans un univers glamour. L’héroïsme, le suspense et l’univers glamour déconnectent la série des questionnements éthiques que devraient soulever certains sujets.</p>
<p>Mais pourquoi transformer cette industrie en aventure spectaculaire ?</p>
<h2>Un outil stratégique pour redorer l’image de la F1</h2>
<p>Tout a commencé en 2017, lorsque l’entreprise américaine de communication et de média de masse <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/auto-moto/formule-1/le-rachat-de-la-formule-1-par-liberty-media-autorise_4497691.html">Liberty Media a racheté Formula One Management</a> – un ensemble d’organisations chargées de la promotion, de la diffusion et du management des épreuves de Formule 1 dans le monde – dans un contexte de désintérêt croissant des (télé) spectateurs pour ces courses. Un des objectifs clés de ce rachat était de <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/auto-moto/formule-1/netflix-reseaux-sociaux-comment-la-formule-1-a-reussi-a-seduire-un-nouveau-public_4453529.html">rendre la compétition automobile plus attractive</a>, notamment auprès d’un public rajeuni, par le renouvellement de sa stratégie de communication. Jusqu’à ce rachat, la direction de Formula One Management s’était <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/04/17/avec-formula-1-drive-to-survive-netflix-met-la-f1-en-pole-position_6077136_3246.html">opposé à la diffusion</a> des compétitions sur Internet et sur les réseaux sociaux, privilégiant les retransmissions en direct à la télévision.</p>
<p>Dans le cadre de cette réorientation stratégique, Formula One Management et Liberty Media ont accordé des <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/04/17/avec-formula-1-drive-to-survive-netflix-met-la-f1-en-pole-position_6077136_3246.html">droits d’accès inédits</a> aux coulisses des Grands Prix et aux acteurs de l’industrie.</p>
<p>Ce type de partenariats entre l’industrie cinématographique et des organisations privées pour la création de séries documentaires et d’émissions de télé-réalité deviennent communs. En effet, des séries comme <a href="https://time.com/6123115/selling-sunset-real-estate-explained/"><em>Selling Sunset</em></a>, <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-le-succes-des-emissions-de-tele-realite-immobilieres-185436"><em>l’Agence</em></a>, ou <a href="https://www.yachting-pages.com/articles/12-mind-blowing-below-deck-production-facts.html"><em>Below Deck</em></a> mettent en scène la vie quotidienne au sein d’une organisation – qu’il s’agisse de l’immobilier de luxe ou de la vie sur un superyacht de tourisme.</p>
<p>Cependant, ce sont avant tout des outils de <a href="https://theconversation.com/patron-incognito-ou-quand-la-tele-realite-faconne-une-vision-morale-de-lentreprise-175580">communication stratégique</a>, permettant potentiellement à ces organisations de se présenter de manière avantageuse. Cette stratégie est toutefois risquée pour l’organisation, notamment lorsque la dramatisation devient trop déconnectée du réel et nourrit la critique des différentes parties prenantes. À la sortie de la saison 4, la direction de Formula One Management a ainsi <a href="https://www.motorsinside.com/f1/actualite/26644-la-f1-va-parler-a-netflix-pour-que-drive-to-survive-soit-plus-realiste.html">réagit aux critiques</a> provenant notamment du paddock, en demandant à Netflix de revenir à un format plus réaliste. Le flou autour de ces partenariats entre organisations et industrie cinématographiques soulève donc de nombreuses questions.</p>
<h2>La normalisation de pratiques organisationnelles pouvant engendrer de la souffrance</h2>
<p>La dramatisation et la mise en spectacle de la Formule 1 participent à transformer les pilotes en héros et à rendre romantique l’univers ultra-compétitif dans lequel ils évoluent. Ce faisant, la série peut normaliser des pratiques organisationnelles qui peuvent affecter la santé sociale, psychologique et physique des travailleurs. En effet, les représentations cinématographiques proposent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0956522117302531">schémas interprétatifs</a> sur la manière dont les organisations fonctionnent et contribuent donc à normaliser certaines pratiques.</p>
<p>La recherche a montré que l’industrie cinématographique avait une influence <a href="https://link.springer.com/book/9780230520929">pédagogique</a> substantielle sur la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14759550802709517">construction sociale et identitaire</a> des individus, notamment au <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0018726713503023?journalCode=huma">travail</a>. Même si les téléspectateurs ne sont pas dupes, et sont conscients de la dimension fictionnelle des films et séries, la répétition de certains messages peut devenir performative.</p>
<p>Les représentations organisationnelles visibles dans les films, séries et émissions de télévision ne sont pas neutres. Leur construction filmique soutient une certaine <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-020-04460-1">vision morale</a> des pratiques représentées. Bien souvent, le premier contact que nous avons avec les réalités vécues d’une profession se fait à travers le cinéma, et celui-ci peut influencer nos <a href="https://www.thehrdirector.com/business-news/hr_in_business/favourite-tv-shows-influence-career-choices/">choix de carrière</a> ainsi que notre comportement au travail.</p>
<p>Avec un nombre croissant d’organisations privées cherchant à utiliser des œuvres cinématographiques grand public dans un but stratégique, il devient nécessaire de questionner les représentations que ces œuvres produisent et les valeurs et pratiques qu’elles promeuvent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Farias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Idéaliser, dans un docu-fiction à succès, des pratiques sources de souffrance au travail, ce n’est pas sans conséquences.Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787352023-01-23T18:47:58Z2023-01-23T18:47:58ZCombattantes dans les séries : les femmes peuvent-elles aussi faire la guerre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505895/original/file-20230123-3880-28mpxd.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C851%2C473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La valeureuse Brienne de Torth dans Game of Thrones. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-532621/photos/detail/?cmediafile=20508088">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’histoire des représentations, la <a href="https://theconversation.com/quand-larcheologie-enquete-sur-lorigine-de-la-violence-organisee-149382">guerre</a> semble l’activité genrée par excellence : les femmes à l’arrière, les hommes au front. L’accès au combat ressort du domaine masculin, la cause semble entendue depuis longtemps ; c’est pour avoir transgressé cette règle que Jeanne d’Arc fut brûlée. Dans la série <em>Mrs America</em>, qui raconte l’histoire du mouvement féministe pour la ratification de l’amendement sur l’égalité des droits (Equal Rights Amendment) dans les années 1920, la conservatrice Phyllis Schlafy s’y oppose au prétexte que sa ratification permettrait d’envoyer les femmes se battre au Vietnam.</p>
<p>Pourtant, peu à peu, on découvre que la <a href="https://journals.openedition.org/clio/11845">controverse est ancienne</a> et que de nombreuses femmes en armes ont traversé l’histoire. Des récits perdus, des <a href="https://marie-eve-stenuit.iggybook.com/fr/femmes-en-armes/">noms quasi inconnus émergent</a>. Parallèlement, la guerre se complexifie, avec la montée en puissance de nouvelles technologies moins liées à la force physique.</p>
<p>Car c’est là l’argument phare qui barre l’accès des femmes au champ de bataille : d’une constitution plus faible, elles seraient plus vulnérables et donc à protéger. De ce fait, leur intrusion dans le monde guerrier ne serait acceptable que dans des moments exceptionnels, ce que reflètent clairement les séries.</p>
<h2>La guerre au front : une affaire d’hommes</h2>
<p>Difficile de comptabiliser le nombre de films de guerre sortis depuis le premier du genre, celui du Britannique James Williamson en 1901, <em>L’Attaque d’une mission en Chine</em>. La série <em>Band of Brothers</em> illustre parfaitement cet entre-soi viril <a href="https://youtu.be/aH06LWZs-Ys">tissé de camaraderie et de courage</a>.</p>
<p>Dans les séries comme dans la vie, les femmes restent systématiquement à l’arrière, dans des fonctions liées au « care », ou occupent momentanément les postes de travail laissés vacants. C’est l’effort de guerre des 6 millions d’Américaines appelées à l’usine que symbolise <a href="https://youtu.be/qWIVSmx0zPE">l’affiche Rosie la Riveteuse</a>.</p>
<p>Récemment encore <em>Les combattantes</em> reprennent cette classification genrée et <a href="https://theconversation.com/napoleon-vs-marie-antoinette-les-stereotypes-de-genre-dans-la-narration-des-jeux-video-194312">quelque peu stéréotypée</a>, avec les personnages de <a href="https://youtu.be/qxmIDIf0gYE">l’infirmière, la nonne, de la cheffe d’entreprise et de la prostituée</a>.</p>
<p>Quand il s’agit d’intervenir plus directement, les femmes se font résistantes ou espionnes : c’est le cas de Marie Germain dans <em>Un Village Français</em> ou de Marina Loiseau dans <a href="https://youtu.be/L0uSarccJ44"><em>Le Bureau des Légendes</em></a>.</p>
<h2>L’accès au combat : une héroïsation très encadrée</h2>
<p>L’idéal chevaleresque se montre plus propice à la représentation des femmes. Si l’icône Jeanne d’Arc a largement dépassé nos frontières, la possibilité pour une femme de défendre son fief en prenant les armes est historiquement fondée. Jusqu’à la professionnalisation de l’armée au XVII<sup>e</sup> siècle, les <a href="https://shs.hal.science/halshs-00687858/document">femmes ont en effet souvent combattu</a>. Comme le souligne l’historienne Nicole Dufournaud, Christine de Pizan écrivait au au début du XV<sup>e</sup> siècle que les dames « doi[ven]t avoir coeur d’homme », doivent « savoir les droits d’armes » afin qu’elles soient « preste de ordonner ses hommes » si besoin est, « pour assaillir ou pour deffendre » et doivent prendre garde que leurs forteresses soient bien garnies.</p>
<p>Ces femmes rejoignent en ce sens les figures de l’héroic fantasy qui manient l’épée, l’arc ou le couteau.</p>
<p>Ainsi <em>Brienne</em> de Torth dans <em>Game</em> <em>of</em> <em>Throne</em> défait ses ennemis <a href="https://youtu.be/wE2XFEUXxjk">à la stupéfaction générale</a>. Dans <em>Lord of The Rings</em> – <em>The Rings of Power</em>, Galadriel est une jeune combattante qui <a href="https://youtu.be/Bsnka8xrlfU">force l’admiration de tous</a>. Plus proche d’une réalité historique, dans <em>Vikings</em>, la <a href="https://youtu.be/liF0AyTz6Os">cheffe Lagertha</a> comme la Germanique <a href="https://youtu.be/SPADnZwchiU">Thusnelda dans <em>Barbares</em></a> tuent leurs ennemis sans hésitation.</p>
<p>Mais point d’armées. On ne croise que des singularités valeureuses, des exceptions. La norme se conjugue toujours au masculin.</p>
<h2>La condamnation latente de la violence des femmes</h2>
<p>Pourtant, il y a eu les bataillons féminins russes de la mort en 1917 fondées par la paysanne Yasha, les <a href="https://www.actes-sud.fr/node/25346">combattantes Scythes</a> ou la <a href="https://youtu.be/SJGVeq8-MGk">terrifiante tireuse d’élite soviétique Roza Chanina</a>.</p>
<p>Pourquoi cette frilosité des scénaristes, qui ne s’intéressent pas à ces parcours ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1211&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1211&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1211&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Xéna, un exemple de vision érotisée et très cliché de la guerrière.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie-310/photos/detail/?cmediafile=18780810">Allociné</a></span>
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<p>Il faut croire que la violence inhérente au combat pose problème quand elle s’applique aux femmes. Si elle est acceptable dans la défense du foyer, du clan, voire de la nation, elle reste suspecte et dangereuse pour l’ordre social. Les femmes sont vite qualifiées d’hystériques, de furies, de pétroleuses, de terroristes. L’héroïne de <em>The Last Kingdom</em>, Brida, <a href="https://youtu.be/bo6C6ZxrPmQ">l’illustre parfaitement</a>.</p>
<p>Les clichés sur cette ambivalence abondent. Travestie en vêtements masculins, la combattante brouille la barrière des sexes. Érotisée en petite tenue, elle devient, comme <em>Xéna</em>, un <a href="https://youtu.be/sFIStm-Kzto">fantasme</a>. Les Amazones en savent d’ailleurs quelque chose.</p>
<h2>Les Amazones : un mythe ambigü et récurrent</h2>
<p>Cavalières armées, politiquement autonomes, les Amazones représentent un mythe puissant depuis l’Antiquité. Celui-ci semble s’inspirer des combattantes Scythes et se propage à bien des représentations de guerrières.</p>
<p>Nulle trace de pratique du sein brûlé qui aurait permis de tirer à l’arc. En revanche son imaginaire, tenace, participe bien de la fascination mêlée de peur pour ces femmes libres. Elles n’en sont pas moins généralement vaincues par les hommes, Penthesilée comme Hippolyte.</p>
<p>Dans une interprétation moderne, <em>Wonder Woman</em> est aux yeux de son créateur, Charles Mouton, une <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/03/30/wonder-woman-porte-voix-du-feminisme_6074902_3246.html">version féministe actualisée de l’amazone</a>. Mais très vite, les représentations d’Amazones se muent en caricature. La série éponyme a tenté de <a href="https://youtu.be/Ry8lBwtdMgQ">revenir aux sources du personnage</a>, <a href="https://youtu.be/1Q8fG0TtVAY">tout comme le film de 2017</a>.</p>
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<p>Cependant, ce sont les superhéroïnes de <em>The Boys</em>, <a href="https://youtu.be/4XMyBFvV_CY">Starlight et Maeve</a>, qui, dans leur lutte contre la misogynie, sont probablement les plus proches du projet émancipateur de Wonder Woman.</p>
<p>Elles alertent également sur le sexisme, peu évoqué, qui existe dans le monde réel <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/comment-son-reve-de-rejoindre-l-armee-l-a-confrontee-a-la-pire-misogynie_137202.html">au sein des armées</a>. Le réseau social « Paye mon Treillis » en <a href="https://www.aufeminin.com/news-societe/le-tumblr-paye-ton-treillis-denonce-le-sexisme-au-sein-de-l-armee-s2245202.html">témoigne.</a> </p>
<h2>L’émancipation féminine passe-t-elle par les armes ?</h2>
<p>Chevalier en armes, barbare ou amazone, la figure de la combattante navigue entre de nombreux stéréotypes. Les séries originales sur les combattantes sont relativement rares. Et dans la réalité, les annonces de nomination aux hauts grades sont médiatisées sans nécessairement être installées : le statut des femmes dans l’armée reste complexe.</p>
<p>On peut comme l’Irakienne Swasam dans <a href="https://youtu.be/wrURRgqiCWY"><em>Baghdad Central</em></a>, finir par s’interroger sur « l’empowerment » que représente au fond l’intégration dans l’armée. Cependant, <a href="https://igg-geo.org/?p=8285">comme le soulignent les combattantes d’aujourd’hui, en Ukraine</a>, ce n’est pas tant la participation à la guerre que son impossibilité qui doit poser problème, si l’on adopte un point de vue féministe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monika Siejka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les séries comme dans la vie, les femmes restent presque toujours à l’arrière, dans des fonctions liées au « care ». Et quand elles combattent, elles font figure d’exception.Monika Siejka, Enseignante Chercheuse en storytelling, leadership et management, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1968992023-01-01T16:26:41Z2023-01-01T16:26:41ZNetflix, une machine à standardiser les histoires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504947/original/file-20230117-26-e5a7h9.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C8%2C784%2C450&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Emily in Paris », pur produit de la plateforme. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie-22796/photos/detail/?cmediafile=21754009">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’univers académique, les « popular culture studies » s’intéressent depuis la fin des années 1950 à ce que les cultures populaires disent de nos sociétés : Netflix et le monde des séries, toujours plus nombreuses, entrent de plein fouet dans ce champ. Cette culture dite populaire est très souvent critiquée par celles et ceux <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2005-2-page-60.htm">qui voient dans cette production souvent d’origine anglo-saxonne une forme d’abrutissement des masses à des fins exclusivement commerciales</a>.</p>
<p>Pourtant, ces travaux fournissent aujourd’hui d’importants apports sociologiques et révèlent au grand jour des <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/19368">combats et des audaces multiples</a>, que ce soit à travers l’étude du hip-hop, du mouvement punk, d’Andy Warhol, de <a href="https://www.ens.psl.eu/agenda/beyonce-nuances-d-une-icone-culturelle/2023-01-19t183000">Beyoncé</a> ou de Lady Gaga.</p>
<p>Créé en 1997, Netflix inonde le marché de la VOD dès 2007 pour créer la plus grande plate-forme mondiale de streaming.</p>
<p>En 2022, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/20/netflix-limite-ses-pertes-a-un-million-d-abonnes-au-2e-trimestre-et-prevoit-un-rebond_6135430_4408996.html">malgré un certain ralentissement</a>, la plate-forme compte 220 millions d’abonnés, plus de 5 000 programmes et vient de lancer un nouvel abonnement à bas prix, mais avec publicité.</p>
<p>Si Netflix est parvenu à écraser une concurrence de plus en plus dure, voire à l’étouffer dès le départ, c’est grâce à son audace, en proposant des contenus inédits. Mais cet <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2021-2-page-124.htm">hypermarché des séries</a> pose question : la plate-forme promeut-elle la diversité des histoires et des scénarios ou au contraire, cette plate-forme n’est-elle qu’une énorme machine à produire de la conformité ?</p>
<h2>De l’audace dans un paysage morne</h2>
<p>Quand Netflix arrive en France en 2014, les offres sérielles sont assez peu nombreuses et le choix se fait entre quelques créations de Canal+ dont certaines feront date – <em>Engrenages</em> en 2005, <em>Le Bureau des Légendes</em> en 2015 ou encore <em>Baron noir</em> en 2016 et la mythique <em>Kaamelott</em> sur M6 (2005) ; sans compter les feuilletons quotidiens des grandes chaînes façon <em>Plus belle la vie</em> (2004–2022). La France reste dans des cadres narratifs et imaginaires souvent policés, très classiques – on imagine mal un <em>House of cards</em> avec pour toile de fond l’Elysée <a href="https://www.ege.fr/infoguerre/2019/08/series-televisees-devenues-puissant-outil-daffrontement-informationnel-a-lechelle-mondiale">comme le dit Dominique Moïsi</a>.</p>
<p>Au milieu des années 2010, Netflix heurte de plein fouet l’offre française en proposant son système de très grande distribution de séries.</p>
<h2>La création originale : premier pari</h2>
<p>Dès 2007, quand Netflix lance son service de streaming aux États-Unis, il est tout de suite question de distancer les premiers concurrents – notamment les chaînes telles HBO – qui a diffusé la fameuse série <em>Games of Thrones</em> en 2011 – ou NBC. Netflix développe alors une offre audacieuse, avec des histoires complexes, des personnages forts (Carrie dans <em>Homeland</em>, Piper dans <em>Orange Is the New Black</em>…), une production soignée. Il s’agit de conquérir le marché, et l’innovation fait partie de sa stratégie pour devancer la concurrence.</p>
<p>Dès 2010, des accords sont passés avec les studios Paramount, Lionsgate et aussi la Metro Goldwyn Mayer, pour assurer une certaine qualité et une plus grande diversité à la programmation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-series-et-la-guerre-des-recits-retour-sur-le-soft-power-des-plateformes-173860">Les séries et la guerre des récits : retour sur le soft power des plateformes</a>
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<p>En 2013, Reed Hastings – cofondateur et directeur de Netflix – décide de produire des créations originales. <em>House of Cards</em> et <em>Orange Is the New Black</em> seront ces premières offres made by Netflix, et leur succès confirmeront la pertinence du choix stratégique de la plate-forme.</p>
<p>Les créations originales deviennent dès lors un axe fondamental pour Netflix. Entre 2017 et 2018, <a href="https://www.latimes.com/business/hollywood/la-fi-ct-netflix-programming-surge-20180812-story.html">elles augmentent de 88 %</a> et représentent plus de 5000 programmes. C’est d’ailleurs cette même année que la plate-forme s’offre son premier grand studio de production à Albuquerque.</p>
<p>La création originale a donc fait la marque Netflix qui se lance avec des stars – côté réalisation comme dans les castings – et du budget ; ce virage de simple diffuseur à producteur est essentiel et Netflix arrive à attirer, entre autres, Martin Scorsese ou Bong Joo-Ho. Avec <em>Orange Is the New Black</em>, les questions féministes et de genre sont mises en avant, de même que les violences sexuelles. C’est une première dans un monde audiovisuel très soumis <a href="https://academic.oup.com/screen/article-abstract/16/3/6/1603296?redirectedFrom=fulltext">au « male gaze » décrit par Laura Mulvey</a>. Être audacieux et bousculer les spectateurs permet à Netflix d’asphyxier la concurrence.</p>
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<h2>Universel et local : second pari</h2>
<p>Si le marché se globalise via Internet, Netflix s’exporte et tient compte, dans ses productions originales et bien sûr via ses partenariats, des spécificités locales. Netflix joue sur une sorte d’universalisme des attentes, dans un monde où la pop culture est déjà largement dominée par les productions américaines, mais sait faire avec les différences, les particularismes, les identités régionales, dans une dynamique de <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2021-2-page-45.htm">glocalisation</a>. Ce pari passe par l’achat et la proposition de créations nationales : l’exemple le plus parlant étant <em>La Casa de Papel</em> « petite » série espagnole – 600 000 $ de budget par épisode pour les premières saisons environ contre 6 millions pour GOT par exemple – devenue iconique grâce à la plate-forme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-le-charme-discret-des-series-165686">Bonnes feuilles : « Le charme discret des séries »</a>
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<p>Des séries made by Netflix s’inscrivant dans le régional et savent aussi être très incisives, bousculant aussi bien le gouvernement de Modi en Inde que celui d’Erdogan en Turquie : les séries comme <em>Leila</em> ou <em>Dir Baskadir</em> sont typiques de la ligne « progressiste » de la plate-forme, avec des arcs narratifs très audacieux notamment pour <em>Leila</em> qui nous projette dans une dystopie toute politique au cœur de l’Inde de 2047.</p>
<p>Au total, ce sont dès les années 2020, 18 % des séries Netflix Originals qui sont produites ou coproduites en Europe, 12 %, en Asie, 5 % en Amérique latine et 2 % en Océanie. Jusqu’ici, une quarantaine de pays ont été impliqués <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2021-2-page-124.htm">dans des productions originales Netflix</a>, tournées en une vingtaine de langues.</p>
<p>Pour se démarquer, Netflix doit innover et repousser les limites des récits habituels – en abordant des thèmes comme la politique dans <em>House of Cards</em>, en proposant un huis clos féministe avec <em>Orange Is the New Black</em>, ou en racontant la misère au féminin avec <em>Maid</em>. Cette créativité, cette originalité des propositions est vitale pour la plate-forme, si tant est que la qualité de production soit au rendez-vous… Avec l’arrivée de l’univers de jeux vidéos dans certaines productions, de nouvelles dynamiques se dessineront dans les années à venir.</p>
<p>Pour l’heure, la stratégie en « tour de Babel » porte ses fruits et que <a href="https://www.latimes.com/business/hollywood/la-fi-ct-netflix-programming-surge-20180812-story.html">« Le meilleur vecteur de promotion pour Netflix, c’est le service Netflix lui-même »</a>, selon l’aveu de Cindy Holland en 2018, tandis qu’elle était encore vice-présidente des contenus originaux pour la plate-forme. En d’autres termes, <a href="https://www.fypeditions.com/brand-success-50-reussites-exceptionnelles-marketing-de-communication-preface-de-maurice-levy-ouvrage-dirige-marc-drillech/">Netflix construit son autonomie</a> afin de maîtriser en interne tous les rouages de son offre : créations, auteurs maison, production, diffusion.</p>
<h2>Economie de l’attention</h2>
<p>Tout cela se passe dans le cadre de ce que l’on nomme l’<a href="https://www.cairn.info/l-economie-de-l-attention--9782707178701-page-7.htm?contenu=resume">« économie de l’attention »</a>.</p>
<p>Si celle-ci a toujours existé, elle tend à devenir l’alpha et l’oméga de toute production audiovisuelle ou éditoriale ; en d’autres termes, le lien réception – consommation est devenu fondamental, la nouveauté résidant dans la surabondance des informations, des propositions, des offres perpétuelles de contenu ; une surabondance qui s’est emballée via la technologie.</p>
<p>Netflix – comme d’autres – doit capter cette attention : notre temps de cerveau disponible, y compris quand il rogne sur notre sommeil, <a href="https://www.cairn.info/l-economie-de-l-attention--9782707178701-page-7.htm?contenu=resume">est la base de sa rentabilité</a>.</p>
<p>C’est peut-être ici que Netflix peut verser dans la tentation de standardiser ses contenus, tendant des pièges aux téléspectateurs/consommateurs que nous sommes.</p>
<h2>Algorithmes et cliffhangers</h2>
<p>Les algorithmes permettent à Netflix – comme à d’autres – de consolider cette économie de l’attention, de la parfaire, d’en jouer toujours plus et certainement de nous enfermer dans nos propres silos. Attirer le public, puis le conserver aussi longtemps que possible, telle est la stratégie de Netflix, qui se traduit par le redoutable bouton : « Lancer l’épisode suivant ».</p>
<p>L’algorithme de Netflix est surpuissant : il profile l’utilisateur et tire profit de chaque visite sur le site, devenant de plus en plus précis quant aux propositions voire aux prédictions qu’il fait. Cela maximise l’addiction de l’utilisateur puisque l’algorithme répond toujours et encore à ses attentes.</p>
<p>C’est là que le piège se referme : nous ne sommes plus que des consommateurs, réfractaires à sortir de notre confort de visionnage… nous standardisons notre consommation, puissamment aidés en cela par l’algorithme.</p>
<p>Un autre piège s’opère via les arcs narratifs essentiellement conçus autour du fameux « cliffhanger », le « à suivre » des <a href="https://journals.openedition.org/narratologie/7570">feuilletons d’antan</a>. Celui-ci n’a d’autre but que de laisser le récit en suspens et de créer une forte attente du côté du spectateur.</p>
<p>Des séries coréennes non doublées (VOST) peuvent ainsi faire exploser le box-office de Netflix avec une féroce critique politique et sociale <a href="https://theconversation.com/transformer-la-serie-squid-game-en-jeu-de-telerealite-est-ce-trahir-sa-portee-critique-186407">avec <em>Squid Game</em></a>. <em>Extraordinary Attorney Woo</em> met en scène une avocate souffrant d’un trouble autistique, tandis que <em>The Penthouse</em> dépeint la vie de riches habitants de Séoul plus ou moins corrompus. Ces trois séries ont fait des audiences spectaculaires : 46 millions d’heures de visionnage pour <em>Extraordinary Attorney Woo</em>, 142 millions pour <em>Squid Game</em>, soit le double de Bridgerton qui est pourtant un énorme succès.</p>
<p>Dans ces séries plutôt audacieuses au regard des sujets proposés, on retrouve toujours un pic émotionnel, qui encourage le binge-watching (pratique consistant à regarder à la suite plusieurs épisodes d’une même série télévisée) : il s’agit de tenir en haleine celui ou celle qui regarde, provoquer l’envie de continuer à regarder à l’infini.</p>
<p>Finis le silence, la réflexion, les plans longs sur des paysages ou des visages… Il en va de même au cinéma, qui peut offrir des créations extrêmement attendues, comme des fictions plus exigeantes qui généralement ne rencontrent pas une grande audience – le casse <em>Océan’s 11</em> (450 millions de $ au box-office) n’est pas le cinéma plus confidentiel et artistique de Peter Greenaway. Il en va des séries comme des films ou des livres ; l’accès « facile » reste un peu la règle.</p>
<p>Netflix s’appuie sur les <a href="https://www.huffpost.com/entry/the-netflix-addiction_b_8473094">ressorts du neuromarketing</a> qui consiste à <a href="https://www.humensciences.com/livre/Le-charme-discret-des-series/85">stimuler sans cesse l’attention</a> à offrir des sensations fortes ; une fois les visionnages à l’arrêt, la dopamine s’en va : il est donc « nécessaire » de continuer à regarder afin d’obtenir un rééquilibrage homéostatique. En d’autres termes, il est émotionnellement difficile de se passer de la suite, de l’épisode suivant. Le phénomène des séries obéit bien à la logique stimulation/addiction.</p>
<p>On le voit, Netflix sait faire preuve d’audace et encourager la créativité à travers une offre qui ouvre le champ des possibles en matière de récits et d’horizons imaginaires ; mais le succès de son modèle repose largement sur le binge-watching, entretenu à coups de cliffhangers et autres algorithmes. Bien sûr les recettes existent, bien sûr les bibles (projets de séries) répondent à des standards, mais elles engendrent moins une pression vers la conformité qu’une pression vers la facilité absolument nécessaire à cette économie de l’attention : facilité à regarder des créations qui se/nous ressemblent, facilité à être toujours stimulés via du suspense, facilité à être toujours « nourris », à éprouver du plaisir. À nous de faire le tri et d’éduquer notre capacité à chercher d’autres sources de stimulation !</p>
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<p><em>Virginie Martin est l’autrice du <a href="https://www.humensciences.com/livre/Le-charme-discret-des-series/85">« Charme discret des séries »</a>, paru aux éditions Humensciences en 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dès son lancement, la plate-forme de streaming s’est imposée par des propositions innovantes et audacieuses. Mais ce modèle finit-il par produire de l’uniformité dans les récits et les visions du monde ?Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942182022-11-13T16:33:07Z2022-11-13T16:33:07ZLa saison 5 de « The Crown » est sortie : cap sur la décennie infernale des Windsor<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494145/original/file-20221108-20-q726f7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5914%2C2943&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo de la neuvième saison de "The Crown". </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span></figcaption></figure><p>La cinquième saison de <em>The Crown</em>, la série britannique consacrée à la vie d’Elizabeth II d’Angleterre, est sortie le 9 novembre. Le nouveau volet couvre les événements des années 1990 qui, sur le plan politique et privé, ont défini cette période de son règne. Mais que s’est-il passé exactement pendant ces années ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce pour la cinquième saison de <em>The Crown</em>.</span></figcaption>
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<h2>1992, <em>annus horribilis</em></h2>
<p>L’année 1992 marque le 40<sup>e</sup> anniversaire de l’accession au trône d’Elizabeth II. Toutefois, dans le discours qu’elle prononce le 24 novembre pour marquer l’occasion, Elizabeth II décrit 1992 comme son <a href="https://www.royal.uk/annus-horribilis-speech"><em>annus horribilis</em></a>.</p>
<p>Le discours intervient <a href="https://www.lumni.fr/video/elizabeth-ii-et-le-grand-incendie-1992">quatre jours après l’incendie du château de Windsor</a>, qui a détruit une partie du bâtiment. Au cours des mois précédents, les tabloïds londoniens ont ouvert leurs éditions quotidiennes en évoquant les frictions dans la relation entre le prince et la princesse de Galles, le divorce de la princesse Anne et de son mari, le capitaine Mark Phillips, et le divorce entre le prince Andrew et Sarah Ferguson.</p>
<p>Les scandales sont continuels et rien ne semble calmer la presse à scandale qui se déchaîne contre les enfants de la Reine. L’intransigeance de l’incombustible reine mère dans les affaires sentimentales de ses petits-enfants n’a pas non plus arrangé la situation.</p>
<p>L’époque est également marquée par de nombreux changements dans l’ordre international. Après plus d’une décennie en tant que Premier ministre, Margaret Thatcher laissait Downing Street aux mains de John Major, moins charismatique, mais doté d’un gouvernement conservateur capable de remettre sur les rails la situation en Irlande du Nord après des années de violence et de meurtres.</p>
<p>La fin de la guerre froide provoque l’effondrement de l’Union soviétique. Boris Eltsine tente de faire face à une nouvelle Russie menacée par la corruption et la guerre en Tchétchénie.</p>
<p>Bien qu’Elizabeth II soit parvenue à maintenir sa légitimité en tant que chef d’État et du Commonwealth, la famille royale s’effrite sous ses yeux.</p>
<h2>Charles et Diana</h2>
<p>Le désaccord entre le prince Charles et Diana a été rendu public bien que tous deux aient essayé de protéger leurs deux plus jeunes fils, William et Harry, qui avaient respectivement onze et neuf ans lorsque la séparation a été annoncée en décembre 1992.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran de la cinquième saison de <em>The Crown</em> où sont mis en scène Diana et le prince Charles avec leurs fils, Henry et William.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span>
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<p>Camilla, toujours mariée au brigadier Andrew Parker Bowles, était peut-être alors la figure la plus détestée de la société britannique, une source infinie de dérision et de reproches. Peu de gens comprenaient pourquoi le prince de Galles préférait son éternelle maîtresse, peu raffinée et vulgaire, au glamour que dégageait Diana.</p>
<p>Élisabeth II ne l’a probablement pas compris non plus, même si ses relations avec sa belle-fille avaient été peu cordiales jusque-là. Elle a enduré pendant des décennies les rumeurs constantes sur les aventures extraconjugales du duc d’Édimbourg. Même au début des années 1990, alors qu’ils avaient tous deux largement dépassé l’âge mûr, l’existence de Lady Penny (Penelope Knatchbull) dans la vie sentimentale de son mari, une amie proche souvent considérée comme une maîtresse, était bien connue.</p>
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<p>La reine se souvient également de quelle façon la vie « licencieuse » de sa sœur Margaret a jeté le discrédit sur l’institution royale, même si depuis ces années de jeunesse, les relations entre elles se sont apaisées.</p>
<p>La goutte d’eau a fait déborder le vase lorsque <a href="https://www.la-croix.com/Interview-Lady-Di-1995-journaliste-BBC-excuse-defend-2021-05-23-1301157206">Diana, en deuil, a donné une interview en 1995</a> au journaliste de la BBC Martin Bashir dans laquelle elle a déclaré qu’ils étaient « trois dans leur mariage ». Le divorce suit rapidement et est rendu public en 1996.</p>
<h2>Charles… successeur ?</h2>
<p>Buckingham Palace était sur le point d’exploser. La popularité de l’héritier était au plus bas et certains ont osé faire allusion à des <a href="https://www.independent.co.uk/life-style/royal-family/the-crown-season-5-charles-john-major-b2211038.html">accords présumés</a> entre le prince Charles et John Major pour tenter de forcer une transmission accélérée de la couronne, ce que l’ancien Premier ministre lui-même a nié.</p>
<p>Si John Major a pu avoir des divergences d’opinion sur la manière de traiter les questions relatives au nouvel ordre du Commonwealth et, en particulier, le transfert de la souveraineté sur Hongkong du Royaume-Uni à la République populaire de Chine – l’un des sujets brûlants de la politique étrangère de la Couronne au milieu des années 1990 –, il n’y a jamais eu de manœuvres de Charles contre la Reine pour avancer la succession.</p>
<p>De plus, la vision britannique de l’héritier présomptif était si négative qu’une telle intrigue de palais aurait été incompréhensible.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image fixe de <em>The Crown</em> représentant la famille royale britannique dans les années 1990.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span>
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</figure>
<p>Seul le plus jeune des enfants de la Reine, le prince Edward, qui avait abandonné ses activités audiovisuelles pour travailler pour la couronne, semblait alors épargné par les scandales sentimentaux. Edward essayait de garder secrète son histoire naissante avec la fille d’un vendeur de voitures, Sophie Rhys-Jones. Pour la reine et le duc d’Édimbourg, cela allait également être difficile à avaler.</p>
<h2>La « princesse du peuple »</h2>
<p>Pendant ce temps, les sujets britanniques commençaient à construire le mythe de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/video-surnommee-la-princesse-du-peuple-on-vous-raconte-l-historie-de-lady-diana_4183439.html">« princesse du peuple »</a> : celui de la pauvre Diana abandonnée, déprimée, boulimique qui, enfoncée dans la douleur de la trahison, tombait dans les bras des médecins et des gardes du corps. Elle était la martyre, il était le traître. La Reine tente de gérer la pire crise institutionnelle de la monarchie depuis l’époque d’Edouard VIII.</p>
<p>Au milieu des gros titres et des poursuites photographiques des paparazzi, la « Lady Di » autrefois apathique commence à renaître de ses cendres, portant du Versace, fréquentant des artistes et se souciant des problèmes de société, ceux que la monarchie semble négliger : la <a href="https://blog.francetvinfo.fr/bureau-londres/2017/04/09/la-poignee-de-main-de-la-princesse-diana-contre-le-sida.html">lutte contre le sida</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TKjvpmSYTPE">mines anti-personnel</a> ou la pauvreté à Calcutta, entre autres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image fixe de <em>The Crown</em>, qui recrée un moment de la « résurgence » de la princesse Diana après son divorce.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span>
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<p>Cependant, elle commence également à avoir une liaison avec le fils rebelle du milliardaire Al-Fayed. Dodi Al-Fayed était d’origine égyptienne et de confession musulmane, ce qui était inacceptable pour la mère du futur souverain du Royaume-Uni.</p>
<p>En cet été 1997, il semblait que l’arrivée des travaillistes de Tony Blair au gouvernement ouvrirait une nouvelle ère. Mais le 31 août 1997, le <a href="https://www.sudouest.fr/culture/people/il-y-a-25-ans-la-mort-de-lady-diana-que-s-est-il-passe-ce-jour-la-12089004.php">monde s’est réveillé avec la nouvelle de la mort de Diana</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cristina Barreiro Gordillo no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>La cinquième saison débute, relatant une décennie pas si facile pour la reine Elizabeth II. Que s’est-il passé exactement pendant ces années ?Cristina Barreiro Gordillo, Profesora Titular Historia Contemporánea, Universidad CEU San PabloLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1918662022-10-17T15:45:54Z2022-10-17T15:45:54ZAvec « Stranger Things », faites des expériences de physique-chimie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488002/original/file-20221004-18-b51km0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1914%2C954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Eleven, le personnage principal de _Stranger Things_, flotte dans une piscine dans l'épisode de la série intitulé _La Baignoire_. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Certains films sont des viviers d’informations scientifiques et peuvent constituer de bonnes ressources pédagogiques pour renforcer la motivation des élèves. L’impact sensoriel des images en mouvement dépasse en effet souvent celui des photographies, ce qui permet de mieux renforcer la mémoire et les associations.</p>
<p>Il faut cependant rester vigilant dans la mesure où leur caractère ludique peut nuire à leur exploitation lorsque les phénomènes ne sont pas restitués avec rigueur.</p>
<p>La science-fiction rapproche la réalité scientifique des élèves en donnant des supports pour rebondir sur leurs idées reçues et les aider à les dépasser. Ce ne sont donc pas des modes aussi antagonistes qu’on pourrait le penser, la fiction se nourrissant de la réalité tandis que l’ingéniosité et l’imagination aident la science à avancer.</p>
<h2>Physique et chimie dans les séries et les films</h2>
<p>Des séries comme <em>The Big Bang Theory</em> et <em>Lost in Space</em> ont contribué à rapprocher la physique du grand public. Un film comme <em>Tad l’explorateur : à la recherche de la cité perdue</em> peut toucher des spectateurs plus jeunes. Dans ce type de fictions, on retrouve souvent le thème du voyage dans l’espace, c’est le cas par exemple dans <em>Gravity</em>, <em>Mars</em> ou <em>Interstellar</em>, où les références constantes à la physique moderne sont fréquentes. Pourquoi ne pas inclure dans cette catégorie la saga <em>Star Wars</em>, avec ses métaphores de l’énergie avec la notion de Force.</p>
<p>Aujourd’hui, si la physique est souvent invoquée au cinéma, la chimie reste camouflée entre les images, sans indice significatif. Cependant, on trouve des exemples tels que <em>Bones</em>, une série bien documentée basée sur la médecine légale, <em>Breaking Bad</em>, dont le protagoniste est un professeur de chimie, et le film <em>Le Fight Club</em>, qui détaille la fabrication du savon par saponification.</p>
<p>Afin d’adapter la ressource au niveau d’études et au temps disponible encours, nous proposons de partir de séquences courtes. Le choix de ces dernières est un point critique. Pour la Physique et la Chimie en classe de seconde (ou 4<sup>e</sup> ESO en Espagne), nous avons sélectionné un passage de la série <a href="https://www.netflix.com/browse"><em>Stranger Things</em></a>.</p>
<p>L’utilisation de ce matériel cinématographique n’est pas aussi courante au lycée qu’à l’université, bien qu’il existe suffisamment de preuves de son intérêt.</p>
<h2>Le réservoir de Eleven</h2>
<p>La scène que nous proposons se déroule de la 22<sup>e</sup> à la 32<sup>e</sup> minute de <a href="https://www.netflix.com/watch/80077374?trackId=255824129">l’épisode 7 de la première saison</a>. Les protagonistes veulent générer un portail pour qu’Eleven, le personnage principal, qui a des pouvoirs extrasensoriels, puisse contacter un ami piégé dans une autre réalité.</p>
<p>Leur professeur de sciences leur explique par téléphone comment créer le portail idéal : ils doivent construire un <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Tanque_de_aislamiento_sensorial">réservoir de privation sensorielle</a> avec une solution saline très concentrée. Ils préparent la solution en versant du sel ordinaire jusqu’à ce qu’un œuf flotte. Eleven doit aussi flotter.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Inspirons-nous de cette scène en classe. Les élèves disposent alors de 700 kg de sel, qu’ils doivent diluer dans le volume d’eau qui entre dans une pataugeoire à une température donnée. Ils doivent placer la piscine sur un terrain de basket, la remplissent d’eau et ajoutent du sel. On teste avec un œuf si la concentration est suffisante en appliquant le concept de flottabilité et sa relation avec la densité.</p>
<p>Au premier essai, l’œuf coule. Dans la vie quotidienne, on peut observer ce phénomène en faisant bouillir un œuf. Cependant, une fois que vous avez ajouté plus sel, « Eureka ! », vous exclamez-vous, voilà que l’œuf flotte.</p>
<p>« Eurêka ! » est l’expression dont se serait servi Archimède de Syracuse en découvrant que tout corps immergé dans un liquide subit une poussée vers le haut égale au poids du fluide déplacé. Si cette poussée s’oppose au poids d’un objet, celui-ci flotte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dustin, Mike et Lucas vérifient que l’œuf flotte dans l’eau salée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’image de l’œuf flottant est la plus significative et suscite la curiosité du spectateur et, bien sûr, de l’étudiant en sciences. La séquence se termine lorsque Eleven entre dans la piscine et flotte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Eleven flotte dans une piscine d’eau et de sel ordinaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de là, vous pouvez stimuler la réflexion de l’élève en lui posant des questions pour prédire s’il est possible ou non que l’œuf flotte de manière stable.</p>
<p>La densité de la solution finale doit être calculée. La quantité d’eau dans la piscine doit être connue. Pour cela, on applique des <a href="https://openstax.org/books/f%C3%ADsica-universitaria-volumen-1/pages/1-5-estimaciones-y-calculos-de-fermi">estimations de type Fermi</a>, car les informations provenant de la scène sont très limitées. L’étudiant, tel un détective, cherchera des informations en confrontant les données et les images.</p>
<p>Par exemple, le diamètre de la piscine peut être estimé à partir du cadre de la figure 2 : la piscine apparaît à l’intérieur du cercle central d’un terrain de basket américain (3,6 m).</p>
<p>Il est également nécessaire de connaître la solubilité du sel, qui dépend de la température. Cette valeur est obtenue à partir d’une autre image, où l’un des enfants tient un thermomètre où figure la température.</p>
<p>Incidemment, l’analyse des données indiquera que la solution saline n’est pas saturée. Il est possible de montrer que toutes les images sont scientifiquement rigoureuses.</p>
<p>L’intérêt de cette séquence de <em>Stranger Things</em> va au-delà de la science : elle favorise la coopération entre élèves, la curiosité d’apprendre et d’expérimenter, et rapproche le professeur de sa classe, en donnant une autre image aux sciences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Las personas firmantes no son asalariadas, ni consultoras, ni poseen acciones, ni reciben financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y han declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado anteriormente.</span></em></p>En une séquence de dix minutes, la série de science-fiction nous permet d’observer et d’expérimenter une série de principes de physique de manière ludique et accessible.Beatriz García Vasallo, Profesora titular en el Área de Electrónica (Departamento de Física Aplicada), Universidad de SalamancaPatricia Desire Aldonza Cimas, Profesora Enseñanza Secundaria especialidad Física y Química, Universidad de SalamancaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1904722022-09-12T22:46:47Z2022-09-12T22:46:47ZCes reines (et ces rois) qui trônent sur le roman anglais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484046/original/file-20220912-14-boun80.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C12%2C582%2C479&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qu'on lui coupe la tête (1907), illustration de Charles Robinson pour Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Reine_de_c%C5%93ur_%28Alice_au_pays_des_merveilles%29#/media/Fichier:Alice's_Adventures_in_Wonderland_-_Carroll,_Robinson_-_S008_-_'Off_with_her_head!'.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Dans quelques jours, le 19 septembre prochain, le cortège funéraire portant le cercueil d’Elizabeth II cheminera à travers les rues de Londres, avant de gagner la dernière demeure de feu la reine, à Windsor. On ne le sait pas, mais la scène a déjà été vécue, déjà écrite surtout. En 1823. Par un certain <a href="https://xn--rpubliquedeslettres-bzb.fr/quincey.php">Thomas de Quincey</a>, l’auteur des <em>Confessions d’un mangeur d’opium anglais</em>. Son évocation commence ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« S’il a jamais été présent dans une vaste métropole le jour où quelque grande idole nationale était menée en pompe funèbre à sa tombe, et s’il est arrivé que, marchant près de l’itinéraire suivi par elle, il ait senti puissamment, dans le silence et la désertion des rues et la stagnation de toute affaire courante, le profond intérêt qui, à ce moment-là, possède le cœur de l’homme […] »</p>
</blockquote>
<p>C’était à l’occasion des funérailles de la Princesse Charlotte Augusta, fille du Prince régent, le futur George IV, morte en couches en 1817, à l’âge de 21 ans. L’affliction à Londres avait été considérable, et <a href="https://theconversation.com/byron-et-delacroix-aux-avant-postes-de-linternationale-romantique-163918">Lord Byron</a>, autre témoin capital, l’avait également rapportée au chant IV de son poème autobiographique, « Childe Harold ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484091/original/file-20220912-5769-3rxqjv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La princesse Charlotte Augusta.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlotte_de_Galles_(1796-1817)#/media/Fichier:Charlotte_Augusta_of_Wales.jpg">Wikipédia</a></span>
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<h2>Matériau romanesque</h2>
<p>D’une « idolâtrie », l’autre. En dépit de ce qui rapproche le deuil « national » d’hier de celui d’aujourd’hui, nous sommes loin, avec De Quincey, de nos séries télévisées (<em>Royals</em>, <a href="https://theconversation.com/the-crown-saison-4-un-soap-opera-cruel-envers-linstitution-monarchique-151264"><em>The Crown</em></a>…) et de leur scénarisation addictive. Loin des deux modalités quasi obligées du discours contemporain autour de la famille royale, lequel a décidément du mal à échapper aux séductions (tentaculaires) du storytelling, d’un côté, du conte de fées de l’autre. Implacable machine à raconter, la « Firme » royale arraisonne cyniquement les carrosses (en feignant d’oublier qu’ils peuvent à tout moment redevenir citrouilles). Sans voir qu’à force d’exploiter jusqu’à plus soif, par marketing et « infodivertissement » interposés, l’exceptionnel matériau romanesque que la dynastie des Windsor génère à son corps défendant, elle va tuer la poule aux œufs d’or.</p>
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<p>Vendre du rêve, tel n’est a priori pas le job des hommes et femmes de lettres, outre-Manche. C’est même souvent sans révérence particulière qu’ils « regardent » la royauté en face. « A dog may look at a king » (« Un chien regarde bien un roi » ; là où le français traduit par « Un chien regarde bien un évêque »), entend-on dire en Grande-Bretagne, au moins depuis 1563. Il faut dire que, depuis ses lointaines origines, la royauté britannique abreuve dramaturges et poètes d’intrigues et de décorum, de guerres de succession et de « villains » d’exception.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/macbeth-une-source-dinspiration-sans-fin-48783">« Macbeth », une source d’inspiration sans fin</a>
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<p>William Shakespeare leur doit <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2009-1-page-244.htm">ses <em>history plays</em></a>, il est vrai non exemptes de visées propagandistes, et son personnage de Richard III, monstre de séduction ; Edmund Spenser, son long poème épico-patriotique, « The Faerie Queene » (1590), empreint de l’imagerie chrétienne et martiale portée par Elizabeth 1<sup>re</sup> d’Angleterre. Tard-venus, se défiant du snobisme fustigé par <a href="https://xn--rpubliquedeslettres-bzb.fr/thackeray.php">W.M. Thackeray</a> dans son influent <em>Book of Snobs</em> (1848), les romanciers finiront, au fil du temps et de l’évolution de la monarchie moderne, par prendre leurs désirs pour des réalités. En cherchant à détourner rois et reines fictifs de leurs engagements officiels. Pour mieux les entraîner sur leur terrain à eux, écrivains : celui des livres, de la lecture. Et de la possibilité de devenir auteur/autrice de sa vie, en laissant derrière soi le protocole.</p>
<h2>Un prétexte à la satire</h2>
<p>Avec <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/swift/voyages-gulliver"><em>Les Voyages de Gulliver</em></a> (1721), Jonathan Swift ne fait pas que parodier la littérature de voyage, si populaire en son temps. Il fait œuvre d’imagination, d’une part, et d’autre part il endosse le costume du satiriste, doublé d’un politiste qui connaît ses théories sur le bout des doigts. En toute partialité, Swift convoque sur le ring deux figures royales, pour un affrontement sans merci.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484092/original/file-20220912-1734-35q5w8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le roi des Brobdingnag et Gulliver, Gravure anglaise du 10 février 1804 dans Estampes relatives à l'Histoire de France. Tome 147, par James Gillray (1757-1815), graveur, Londres, 1804.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BnF, département des Estampes et de la photographie.</span></span>
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<p>A sa droite, le roi de Lilliput, minuscule et risible incarnation de la monarchie absolue. A sa gauche, le grand roi (au moins par la taille) de Brobdingnag, son exacte antithèse. Le premier surveille et punit, se mêle de tout et de rien, et n’a que la guerre en tête. Le second, pacifique, a priori tempéré, s’informe auprès de Gulliver sur la conduite des affaires en Europe, et tout particulièrement en Angleterre. Il perdra cependant son calme en apprenant l’usage qui y est fait de la poudre et des canons, et de l’universelle destruction qui en découle. Tout comme il s’offusquera de la corruption et de l’iniquité qui, à en croire Gulliver, mais ce dernier est-il un observateur fiable ? gangrènent la société britannique. Au miroir déformant de la fiction, la frontière se brouille entre royautés proches et royautés lointaines, couronnes réelles et couronnes imaginaires.</p>
<p>Avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=72-wePCkHJs&t=1s">Lewis Carroll</a>, on assiste à un retour en force de l’absolutisme royal, qui n’est pourtant qu’un lointain souvenir, en 1865, lorsque paraît <em>Alice au pays des merveilles</em>. Dans ce texte qui baigne dans la <a href="https://theconversation.com/alice-a-lasile-60457">fantaisie la plus débridée</a>, c’est paradoxalement une figure de reine qui incarne le principe de réalité. La carte représentant la « Reine de Cœur » s’y montre sans cœur, ordonnant à tout bout de champ qu’on procède à des exécutions capitales. Sur la base de jugements arbitraires, cela va sans dire. « Qu’on lui/leur coupe la tête ! » est l’expression récurrente dans sa bouche.</p>
<p>Les contemporains de Carroll prirent un malin plaisir à lui trouver des traits de caractère possiblement empruntés à la reine Victoria, pour ne pas la nommer. Il faut dire qu’elle est l’omniprésente souveraine du temps présent, et cela ne saurait échapper, même au plus distrait des mathématiciens d’Oxford ! On peut sans doute expliquer par la misogynie l’invention d’une figure aussi grossièrement « genrée », à l’autoritarisme autant hystérique qu’inefficace, dès lors que ses ordres ne sont jamais mis à exécution, et qu’elle ne fait même pas peur à ses valets. Ce serait oublier, toutefois, que c’est à une petite fille, et non à un garçonnet, que revient le soin de faire s’écrouler le château de cartes, d’un revers de la main. La reine est nue, donc, objet par ailleurs de plus d’un fantasme…</p>
<h2>Revisiter l’histoire</h2>
<p>C’est en 1814 que paraît <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070116195-waverley-et-autres-romans-walter-scott/"><em>Waverley</em></a>, sans mention d’auteur. Le récit revient, plus de soixante ans après les faits, sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9bellions_jacobites">soulèvement jacobite de 1745</a>, après l’échec du premier, en 1715. Il s’agit de la dernière tentative des partisans des partisans des Stuarts pour renverser le roi George II de Hanovre, et rétablir sur le trône d’Angleterre et d’Écosse leur « Prétendant ». Rien de tel qu’un roi, qu’un prétendant au trône en tout cas, pour consolider un genre encore balbutiant, pour insuffler au nouveau genre fictionnel (<em>novel</em>, en anglais) la noblesse, le prestige, qui lui manquaient. Le jeune et bouillant Bonnie Prince Charlie (Charles Edward Stuart) illumine ainsi de sa présence quelques pages du roman, mais elles sont rares.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=791&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=791&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=791&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484093/original/file-20220912-20-5gbnef.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait équestre du prince jacobite Charlie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_%C3%89douard_Stuart#/media/Fichier:Jacobite_broadside_-_Prince_Charles_Edward_Stewart.jpg">Wikipédia</a></span>
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<p>Si « élévation » il devait y avoir, dans l’esprit de Walter Scott, poète devenu romancier, et dont l’influence sur le roman européen sera considérable, celle-ci devait passer par une grandeur de silhouette, de préférence à une grandeur de plein exercice. Son <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_whig_(Royaume-Uni)#:%7E:text=Le%20parti%20whig%20d%C3%A9signe%20un,l'origine%20un%20brigand%20%C3%A9cossais.">idéologie whig</a> s’accommodant de la doctrine de la monarchie constitutionnelle, Scott fait du roman historique le fruit d’un compromis entre l’imagination cavalière, qui finit écrasée à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=y_0tzSfKc9w">la bataille de Culloden</a> (jamais nommée dans le roman), et un pragmatisme petit-bourgeois, plutôt terre-à-terre. Quitte à ce que le panache de la royauté y perde une bonne part de son éclat…</p>
<p>Un siècle plus tard, l’histoire se fait uchronique et/ou dystopique avec H. H. Munro (dit Saki). Paru en 1913, <a href="https://www.letemps.ch/culture/litterature-guillaume-vint"><em>Quand Guillaume vint, Portrait de Londres sous les Hohenzollern</em></a>, imagine l’invasion de l’Angleterre par les « Boches », au terme d’une campagne éclair. Contraint de vider les lieux, le roi prend la route de l’exil : ce sera l’Inde et Delhi. Le Kaiser allemand, lui, s’empare du trône avec gourmandise, tandis que les sujets de son ex-Majesté collaborent, peu ou prou, dans un royaume sous occupation teutonne. Au reste, les mauvaises langues, et il n’en manquera pas, ne se priveront pas de fustiger les origines germaniques de la dynastie des Windsor, anciennement Maison de Saxe-Coburg et Gotha. </p>
<p>En amont cette fois de la deuxième guerre mondiale, un procès sera d’ailleurs instruit contre certains aristocrates, proches de la cour royale, accusés d’intelligence avec l’ennemi nazi, ce qu’un roman comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2hiwl76qZwM"><em>Les Vestiges du jour</em></a> (1989), de Kazuo Ishiguro, rappelle encore, fût-ce discrètement.</p>
<h2>Inventer d’autres destins aux figures royales</h2>
<p>Devant l’image partout répandue d’une reine entièrement consacrée à son devoir, de longues décennies durant, les romanciers, c’est plus fort qu’eux, se prennent à douter. Et de se livrer à leur sport favori : la spéculation, l’invention d’une contre-réalité, tout à la fois fictive et plus « vraie » que ce que les faits donnent à voir. Une reine d’apparence lisse et institutionnellement mutique ne peut pas, en son for intérieur, être que cela. A charge pour les romanciers de traquer sa part d’ombre, de pointer la faille dans la cuirasse. Après tout, il se dit bien que, pour se consoler du chagrin consécutif à la mort de son époux, c’est la reine Victoria qui aurait rédigé <em>Alice au pays des merveilles</em>, en lieu et place de son auteur « officiel », Lewis Carroll ! Le bobard est avéré, mais sur le Net, légendes et complots ont la vie dure.</p>
<p>En 1992, cinq ans avant la mort de Lady Di, la romancière Sue Townsend bouleverse de fond en comble le casting monarchique. <em>La Reine et moi</em> se place dans l’hypothèse farfelue selon laquelle, aux élections législatives de la même année, le parti républicain remporte tous les suffrages. Dans la foulée, le nouveau Premier ministre fait voter l’abolition de la royauté, et contraint les « royaux » à troquer le palais de Buckingham contre l’équivalent d’une HLM dans un quartier populaire. Le prince Charles s’y découvre une passion pour le jardinage, mais le duc d’Edimbourg, lui, refuse de se raser et de quitter son lit. Quant à Diana, elle pleure sa Mercedes confisquée et se plaint du manque de place pour loger sa princière garde-robe. La reine mère dilapide son argent aux courses… Il n’y a, au final, que Mrs Windsor, ex-Elizabeth II, pour s’accommoder de son nouveau statut de roturière, opposant même un refus ferme quoique poli à ceux qui lui parlent de revenir au pouvoir. C’est drôle, mais si tout cela n’était qu’un rêve, mauvais ou bon, en fonction des opinions de chacun ?</p>
<p>En 2007, le très caustique Alan Bennett, ancien professeur d’histoire médiévale devenu acteur et dramaturge, fait paraître <em>The Uncommon Reader</em> (traduit en français par <em>La Reine des lectrices</em>). Sous un titre démarqué du <em>Common Reader</em>, recueil d’essais rédigés par Virginia Woolf, Bennett imagine une reine découvrant, par le plus grand des hasards la littérature et les livres. Et s’entichant de la lecture, au point de se détourner des affaires de l’État, auxquelles elle cesse de trouver le moindre intérêt. Elle finira même par abdiquer, à la dernière page du livre. Plaisamment métafictive, la parabole de Bennett est un vibrant plaidoyer pour la lecture.</p>
<p>Politiquement, le récit dit quelque chose de la démocratie littéraire : les livres vous regardent, confie la reine à son journal de bord, et <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-le-boom-des-book-clubs-150699">ils n’ont que faire de votre identité</a>, de votre statut social. Reine ou paysanne, c’est tout comme, de leur point de vue. En retour, ils changent votre horizon d’attente, ouvrent des portes qu’on pensait à jamais closes. Il faut donc imaginer la reine heureuse… de ne plus l’être ! Dans la même veine, mais avec moins d’appétence pour l’ironie, William Kuhn signe en 2012 <em>Mrs Queen Takes the Train</em> (non traduit) : Elizabeth s’ennuie tellement dans l’exercice de ses fonctions qu’elle choisit la fuite, direction les champs de courses, la passion de sa vie, et le port d’attache du <em>Queen Mary</em>, l’ancien paquebot de la famille royale. En lui faisant prendre le train, en lui offrant, dans le contexte cette fois des Jeux Olympiques de Londres, l’occasion de sauter en parachute (pour de faux) au bras de James Bond, la littérature en liberté émancipe la royauté. A elle de ne pas rater le coche…</p>
<h2>L’esprit de royauté</h2>
<p>On finira comme on avait commencé – dans les rues de la capitale londonienne. Une explosion retentit. Il pourrait s’agir d’une détonation occasionnée par l’éclatement d’un pneu, ou d’un gaz d’échappement. Voire, honni soit qui mal y pense, d’un vent (!) échappé d’une auguste paire de fesses. Une limousine vient de s’arrêter le long d’un trottoir de Bond Street, suscitant un grand émoi. A son bord, à peine entrevu, un grand de ce monde.S’agit-il de la reine (Mary reine consort), du Premier Ministre (Stanley Baldwin) surpris en train de faire leurs courses ? L’incertitude est totale et les spéculations vont bon train. Dans le sillage de la grandeur masquée qui passe à portée de main du commun des mortels, s’exhale « un souffle de vénération ». Et la séquence de s’achever comme se clôt la rencontre avec le Chat du Cheshire, dans <em>Alice au pays des Merveilles</em>. Par un lent effacement du visage (et du sourire) de la Reine. Laquelle ne disparaît que pour mieux se graver dans les mémoires, individuelles et collectives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-sont-les-noms-qui-rayonnent-dans-la-litterature-lesbienne-175402">Quels sont les noms qui rayonnent dans la littérature lesbienne ?</a>
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<p>Rien de tel qu’un roman (moderniste) pour retenir dans ses filets une matière aussi radioactive. Ce roman, c’est <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-culture-change-le-monde/mrs-dalloway-de-virginia-woolf-roman-qui-change-le-monde-8297970"><em>Mrs Dalloway</em></a> (1925), de Virginia Woolf. Ce quelque chose d’imperceptible dans l’air, c’est l’esprit de royauté, comme on parle d’esprit-de-vin. Mais le roman ne saurait être courtisan. Tout en recueillant la précieuse part des anges, à savoir cette composante de l’« aura » royale qui peut s’apparenter à une mystique, Woolf s’emploie à saper l’ordre patriarcal. En effet, par ses valeurs de fluidité flottant au sein d’un « courant de conscience », la matière royale en mouvement s’affranchit de tout ce qui pèse et en impose, à commencer par la gravité qui fait de nous des « sujets » par trop assujettis.</p>
<p>Régnant sans gouverner, les rois et reines <em>made in England</em> ont ceci de grand qu’ils trônent, oui, mais in abstentia.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Porée ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De Shakespeare à Virginia Woolf, les rois et les reines n’ont cessé d’inspirer la littérature anglaise, dans une veine souvent irrévérencieuse.Marc Porée, Professeur émérite de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1903752022-09-09T15:59:33Z2022-09-09T15:59:33ZTroubles mentaux, fausses couches et inceste : à l’instar de « House of the Dragon », les déboires des familles royales à travers l’histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483757/original/file-20220909-7504-1hr7y6.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C5%2C1736%2C1157&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le roi Viserys I Targaryen, dans House of the Dragon. </span> <span class="attribution"><span class="source">HBO</span></span></figcaption></figure><p><em>House of the Dragon</em>, le prequel de <em>Game of Thrones</em>, relate la chute de la dynastie des Targaryen quelque deux siècles avant que la vie sur le continent de Westeros ne soit bouleversée par la guerre et par une mini-période glaciaire.</p>
<p>Le premier épisode suggère que l’instabilité politique et le déclin dynastique commencent généralement par l’irruption de maladies et de crises sanitaires.</p>
<p>Le roi Targaryen Viserys I<sup>er</sup> souffre d’une large et douloureuse plaie ouverte et infectée dans le dos. Il considère qu’il s’agit d’une blessure mineure – subie en s’asseyant sur le fameux trône de fer forgé avec les épées des vaincus au fil des règnes.</p>
<p>Sa femme, la reine Aemma Arryn, enceinte, qui a déjà subi de multiples fausses couches et perdu plusieurs enfants, s’inquiète de la santé de leur futur bébé. L’accouchement montré dans cet épisode est extrêmement difficile et traumatisant.</p>
<p>Les maladies et afflictions physiques et mentales qui ont frappé les maisons régnantes de Westeros – complications de grossesse, maladies mentales et troubles génétiques – ont aussi touché les véritables familles royales d’Europe au cours de la période médiévale et du début de la période moderne. </p>
<p>Et tout comme dans <em>House of the Dragon</em>, ces afflictions ont façonné de véritables luttes dynastiques.</p>
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<h2>Les troubles génétiques</h2>
<p>Comme les Targaryen fictifs, les vrais rois européens se mariaient fréquemment avec des parents proches, contribuant à créer des troubles génétiques dans leurs familles.</p>
<p>Le dernier roi Habsbourg d’Espagne, Charles II, est un exemple d’enfant issu d’un inceste royal. Il souffrait de multiples problèmes de santé avant sa mort à 38 ans, notamment d’un cas extrême de ce qu’on appelle la <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/evolution/inceste-et-genetique-les-difformites-faciales-de-la-dynastie-des-habsbourg-sont-bien-dues-a-la-consanguinite_139414">mâchoire de Habsbourg</a> ou mandibule malformée, qui rendait très difficile la parole et la mastication des aliments. Ses parents étaient un oncle et une nièce. Les généticiens ont fait valoir que la consanguinité, ou le fait que les parents descendent des mêmes ancêtres, était à l’origine de ce problème de santé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=831&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=831&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=831&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1044&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1044&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480995/original/file-20220825-21-hwjavr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1044&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le roi Charles II d’Espagne par John Closterman.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La reine Victoria d’Angleterre, de son côté, a transmis par le biais des mariages de ses enfants le gène à l’origine de l’hémophilie (une maladie récessive du sang) aux familles royales de Russie, d’Espagne et d’Allemagne.</p>
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<p>L’arrière-petit-fils de Victoria, Alexei Nikolaevich, Tsarevich de Russie, <a href="https://www.lalibre.be/debats/opinions/2010/07/07/la-maladie-royale-etait-une-hemophilie-b-KITHVCZZ7VGYFBTJZEXEQJOXWU/">a hérité de cette maladie</a>. Le mystique Raspoutine, qui avait été amené au palais pour soigner le tsar de Russie, en vint à se mêler des affaires du gouvernement, ce qui provoqua une montée des tensions au sein de l’aristocratie et une méfiance du public à l’égard de la famille royale. De cette manière indirecte, la « maladie des rois », comme on appelle l’hémophilie, a contribué à déclencher la révolution qui a mis fin à la monarchie des Romanov.</p>
<h2>Grossesse et fertilité</h2>
<p>Le but premier du mariage royal, tant dans l’Europe moderne qu'à Westeros, était de réunir des familles puissantes et de produire des héritiers qui perpétueraient la dynastie.</p>
<p>Les créateurs de <em>House of the Dragon</em> ont été critiqués pour la scène d’accouchement très violente dans le premier épisode, mais ils ont eu raison de dépeindre la grossesse comme dangereuse pour les membres de la famille royale. Sept reines et princesses des Asturies (héritières du trône d’Espagne) <a href="https://museoecologiahumana.org/en/obras/death-in-childbed/">ont eu des enfants entre 1500 et 1700, dont quatre sont morts de causes liées à la grossesse</a>.</p>
<p>Si l’accouchement pouvait s’avérer fatal pour les femmes royales, l’incapacité à donner naissance à un héritier pouvait également signifier la fin d’une maison dynastique. L’histoire de l’île de Westeros, qui ressemble incroyablement aux îles britanniques, reflète également une grande partie de l’histoire de la Grande-Bretagne. Le désir d’avoir un héritier mâle peut déchirer les familles royales.</p>
<p>Dans l’Angleterre du XVI<sup>e</sup> siècle, le roi Henri VIII (qui souffrait d'une plaie ulcéreuse à la jambe, qui a peut-être inspiré la blessure au dos de Viserys I<sup>er</sup>), s’est détaché de l’Église catholique de Rome et s’est marié six fois pour s’assurer des héritiers mâles qui soutiendraient la dynastie Tudor. Ironiquement, ce sont finalement les filles d’Henry, Marie I et Elizabeth I, qui ont accédé au trône après la mort de leur frère, Edward VI, à l’âge de 16 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/game-of-thrones-prequel-house-of-the-dragon-confirms-there-will-be-no-sexual-violence-on-screen-heres-why-thats-important-188521">Game of Thrones prequel House of the Dragon confirms there will be no sexual violence on screen. Here's why that's important</a>
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<p><a href="https://www.hrp.org.uk/kensington-palace/history-and-stories/queen-anne/#gs.9y4yxt">La reine Anne</a> a connu au moins 17 grossesses en 17 ans. Elle donna naissance à 18 enfants, dont beaucoup furent mort-nés ; un seul d'etre eux vécut jusqu’à l’âge de 11 ans. Sans héritier, le trône fut transmis aux cousins allemands des Stuart, les Hanovriens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481012/original/file-20220825-19-fm2qcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Anne (au centre) et sa sœur Mary (à gauche) avec leurs parents, le duc et la duchesse d’York, peintes par Peter Lely et Benedetto Gennari le Jeune.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h3>Santé mentale</h3>
<p>Le roi George III d’Angleterre a souffert d’épisodes maniaques qui ont entraîné l’instabilité du gouvernement et des crises de régence, à l’image d’Aerys Targaryen dans le monde de <em>Game of Thrones</em>. Diverses <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4953321/">hypothèses médicales</a> ont été proposées pour expliquer la folie du monarque, notamment la <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-hormonaux-et-m%C3%A9taboliques/porphyries/porphyrie-aigu%C3%AB-intermittente">porphyrie</a>, une maladie génétique du sang qui peut entraîner l’anxiété et la confusion mentale, ou plus récemment, le trouble bipolaire.</p>
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<p>George a ensuite été dépeint comme un <a href="https://www.lhistoire.fr/le-roi-fou-de-windsor">roi tyrannique et fou</a> ayant provoqué la perte des <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2016-4-page-438.htm">colonies américaines de L’Angleterre</a>. Cependant, en réalité, la monarchie britannique était constitutionnelle à ce moment-là et George avait peu d’influence directe sur les colonies.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=633&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=633&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=633&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=795&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=795&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481015/original/file-20220825-22-zv34k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=795&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Gravure par Henry Meyer de George III (1817).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Des soins bien particuliers</h2>
<p>La religion pourrait se mêler davantage de médecine à Kings Landing si les créateurs de <em>House of the Dragon</em> voulaient créer une maison royale à l’image de celles des débuts de l’Europe moderne.</p>
<p>En effet, les monarques catholiques malades et blessés croyaient aux pouvoirs de guérison des objets sacrés. Au XVII<sup>e</sup> siècle, les reines d’Espagne enceintes se voyaient prêter la « santa cinta » ou « ceinture sainte », une relique qui aurait appartenu à Marie, la mère de Jésus. Le fait de porter ou de toucher ce vêtement était censé protéger les reines enceintes et leurs fœtus.</p>
<p>Les reliques des saints – hommes et femmes – jouaient également un rôle dans la guérison des monarques catholiques et de leurs familles.</p>
<p>Lorsque le prince Don Carlos des Asturies, héritier du roi d’Espagne Philippe II, a été victime d’un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00381-015-2693-7">traumatisme crânien</a> en 1562, des frères franciscains ont apporté le cadavre de Fray Diego de Alcalá dans la chambre du prince et l’ont placé dans son lit. Les premiers modernes ont attribué la guérison de Don Carlos à cette relique et à la chirurgie crânienne que les médecins ont pratiquée pour lui sauver la vie.</p>
<p>Dans un pays protestant comme l’Angleterre, à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, les soins apportés aux malades étaient beaucoup plus conventionnels, et plus brutaux aussi.</p>
<p>Le traitement des maladies mentales, y compris la manie de George III, impliquait par exemple l’utilisation de camisoles de force et de chaises de contention, que George, qui gardait son humour malgré la maladie, appelait souvent sa « chaise de couronnement ». Pas tout à fait le trône de fer… mais un trône pour un « roi fou », néanmoins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Bendall reçoit des fonds du Conseil australien de la recherche et du Fonds de recherche Pasold.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kristie Patricia Flannery ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les maladies et afflictions physiques et mentales qui frappent les maisons régnantes de Westeros, dans la fiction, ont bien des points communs avec l’histoire réelle des monarchies européennes.Kristie Patricia Flannery, Research Fellow, Institute for Humanities and Social Sciences, Australian Catholic UniversitySarah Bendall, Research Fellow, Gender and Women's History Research Centre, Institute for Humanities and Social Sciences, Australian Catholic UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1864072022-08-23T18:05:43Z2022-08-23T18:05:43ZTransformer la série « Squid Game » en jeu de téléréalité, est-ce trahir sa portée critique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561950/original/file-20231127-29-5jj37x.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C3%2C1266%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Squid Game : le défi »</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Le 14 juin 2022, la plate-forme de streaming Netflix a annoncé le lancement de <a href="https://www.squidgamecasting.com/">« Squid Game : The Challenge »</a>, un jeu de téléréalité au casting mondial et avec un gain de <a href="https://about.netflix.com/en/news/netflix-greenlights-squid-game-the-challenge-reality-competition-series">4,56 millions de dollars à la clé</a>, inspiré de la série <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Squid_Game"><em>Squid Game</em></a>.</p>
<p>Réalisée par Hwang Dong-hyuk, cette série dystopique sud-coréenne présente la lutte de 456 personnes endettées et désespérées qui sont recrutées par une mystérieuse organisation pour participer à une compétition où l’unique vainqueur remportera 4,56 millions de wons. Les épreuves de la compétition sont basées sur une <a href="https://www.nbcnews.com/news/asian-america/real-kids-games-squid-game-rcna2726">série de jeux pour enfants traditionnels de la Corée du Sud</a>. Dans la série cependant, à chaque épreuve, les perdants meurent.</p>
<h2>Un succès fulgurant</h2>
<p>Lors de sa sortie en 2021, <em>Squid Game</em> a connu un succès fulgurant. Vue par plus de 130 millions de spectateurs et générant un « media impact value » estimé à 891,1 millions d’euros, d’après <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-10-17/squid-game-season-2-series-worth-900-million-to-netflix-so-far">Bloomberg</a>, c’est le plus grand succès de la plate-forme Netflix pour une série non-anglophone. En dehors du visionnage, la série a également provoqué un raz-de-marée de réactions sur les réseaux sociaux. <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-s-squid-game-sensation-here-s-why-it-s-n1280646">NBC News</a> rapporte notamment que le hashtag de la série #SquidGame a été vu plus de 22 milliards de fois sur TikTok, seulement 17 jours après la sortie de la série.</p>
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<p>Bien que surprenant, ce succès se nourrit de plusieurs éléments. On peut penser <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">au concept et à l’esthétique propres à la série, basés sur des références puissantes</a>, et à un intérêt croissant pour la <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-s-squid-game-sensation-here-s-why-it-s-n1280646">pop culture sud-coréenne</a>. L’univers <em>Squid Game</em> favorise une certaine résonance émotionnelle liée à la nostalgie éveillée par <a href="https://www.cbr.com/netflix-squid-game-billion-dollar/">l’univers de l’enfance et des jeux</a> et à la <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">fascination pour les jeux télévisés où le vainqueur fait fortune</a>.</p>
<p>La place du <a href="https://theconversation.com/la-serie-squid-game-est-elle-hors-jeu-171080">« jeu »</a> dans la série, sans cesse mis en étroite relation avec le sérieux du désespoir, de la violence et de la lutte, fait émerger une ambiguïté morale et un cynisme retenant l’attention des spectateurs. Cette ambiguïté permet d’appréhender le message central de la série, auquel de nombreux spectateurs semblent s’identifier : cette série représente de manière brutale et angoissante les <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">dérives et les injustices de la société moderne</a>, qui repose sur des <a href="https://www.cbr.com/netflix-squid-game-billion-dollar/">inégalités structurelles et sur la compétition pour la survie</a>.</p>
<h2>Transposer <em>Squid Game</em> en jeu de téléréalité</h2>
<p>Le jeu de téléréalité « Squid Game : The Challenge » actuellement en préparation, et dont le casting est ouvert à <a href="https://www.cnbc.com/2022/06/15/netflix-plans-squid-game-reality-show-with-record-cash-prize.html">toute personne parlant anglais à travers le monde</a>, reprendra des éléments clés de la série. Notamment, l’esthétique du jeu sera reproduite, il y aura le même nombre de participants (456), le même prix à gagner (en dollars cette fois-ci) et la même manière de fonctionner. Il n’y aura qu’un seul gagnant, les épreuves seront inconnues des participants en avance et les perdants seront éliminés à chaque épreuve. Notons une différence de taille : les perdants resteront en vie…</p>
<p>D’après <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-announced-squid-game-competition-series-fans-say-goes-original-rcna33800">NBC News</a>, de nombreux fans de la série ont réagi négativement sur les réseaux sociaux suite à l’annonce du lancement de « Squid Game : The Challenge », estimant que ce jeu irait à l’encontre du message original de la série.</p>
<h2>Une transposition problématique</h2>
<p><em>Squid Game</em>, la série, porte une critique sociale acerbe. C’est une représentation cynique et brutale du capitalisme moderne dans lequel, selon Hwang Dong-hyuk, <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">chacun doit se battre individuellement pour survivre, dans un contexte très inégalitaire</a>. Le créateur de la série s’est d’ailleurs inspiré de ses propres difficultés financières d’après crise, et de luttes sociales ayant marqué la mémoire collective des sud-coréens, telles que <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">l’occupation de l’usine de voiture Ssangyoung pendant 77 jours, secouée par un assaut violent de la part des forces de l’ordre et des agents de sécurité</a>.</p>
<p>Pour Elaine Chang, professeure de littérature spécialisée dans le cinéma et les médias vidéo, on pourrait voir dans la série une critique d’un <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">capitalisme inhumain qui ne proposerait aucune alternative à son système politico-économique</a>. De même, Sung-ae Lee, professeure en Langues et Cultures Asiatiques, considère la série comme une <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">métaphore du capitalisme et des inégalités socio-économiques existantes</a>, faisant écho au contexte politique et historique traumatisant de la Corée du Sud au cours du XX<sup>e</sup> siècle. Ces inégalités socio-économiques sont reflétées par l’état de stress économique auxquels sont confrontés les personnages, qui les pousse à accepter de risquer leur vie dans l’espoir de retrouver un ancrage dans la société.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-serie-squid-game-est-elle-hors-jeu-171080">La série « Squid Game » est-elle hors-jeu ?</a>
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<p>La fiction dystopique s’ancre dans des réalités vécues tout en développant une société imaginaire où les dangers et injustices sont poussés à l’extrême. Elle vise donc à faire réfléchir les spectateurs aux dérives potentielles des modèles socio-économiques actuels. Loin de se positionner comme modèle de société, la fiction dystopique cherche à révulser pour alerter. Il y a donc un côté très cynique à « transformer ce monde fictif en réalité » pour reprendre l’expression de <a href="https://about.netflix.com/en/news/netflix-greenlights-squid-game-the-challenge-reality-competition-series">Brandon Riegg</a>, le vice-président de Netflix.</p>
<p>Le risque, c’est d’annihiler ou de rendre stérile la critique sociale d’une œuvre culturelle forte. Le jeu de téléréalité proposé à une échelle internationale risque de détacher <em>Squid Game</em> du contexte socio-économique et culturel dans lequel l’œuvre a été réalisée. Cette décontextualisation met le message politique à distance et le détache des réalités sociales (notamment du surendettement) vécues. Le détournement de cette critique sociale en simple jeu fait disparaître les questions d’éthique et de justice sociale soulevées par la série.</p>
<h2>L’invitation au désengagement moral des spectateurs</h2>
<p>D’après <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1367877920968105">Hermes and Hill</a>, la transgression des valeurs morales est une force énergisante très utilisée dans la pop culture. La transgression suit un cycle où les règles sont enfreintes puis ré-établies. Ce cycle permet de maintenir notre intérêt en tant que spectateur, mais aussi de renforcer nos liens citoyens dans la célébration, l’outrage ou la condamnation.</p>
<p>Cette force énergisante, on la ressent dans la manière dont Netflix sensationnalise le lancement de ce nouveau jeu de téléréalité qualifié d’ <a href="https://a1.etribez.com/ag/realcasting/sgrow/welcome.html">« expérience sociale »</a>, en utilisant des formules telles que <a href="https://a1.etribez.com/ag/realcasting/sgrow/welcome.html">« jusqu’où êtes-vous prêt à aller ? »</a> dans leur campagne de recrutement. Cela suggère une valorisation des candidats qui seront prêts à dépasser leurs limites physiques et à enfreindre leurs limites morales – le formulaire de recrutement faisant écho aux stratégies de trahison pour aller vers la victoire – afin de gagner la compétition. Ainsi, les participants du jeu sont poussés vers un désengagement moral, où la transgression est valorisée, afin de ressembler au maximum aux personnages en compétition dans la série.</p>
<h2>Marchandisation de la souffrance</h2>
<p>Au-delà de la lutte individuelle et macabre pour la survie dans un contexte d’inégalités et d’injustices, la fiction <em>Squid Game</em> dénonce également une sorte de marchandisation de la souffrance. Dans la série, des spectateurs mystérieux parient sur la vie ou la mort des participants, tout en se délectant de ce spectacle dans une atmosphère lugubre mais luxueuse. Observer des humains désespérés se battre pour leur survie devient donc un spectacle ; la souffrance de l’autre est réduite à un bien que l’on consomme par plaisir.</p>
<p>En transposant la fiction dystopique en jeu de téléréalité, nous propose-t-on de devenir ces spectateurs à la moralité douteuse, se délectant du désespoir et de la souffrance d’êtres humains – même si elle est mise en scène – prêts à tout pour obtenir une meilleure situation financière ?</p>
<p>D’autres émissions de téléréalité nous ont déjà habitués à consommer le <a href="https://www.society-magazine.fr/les-demons-de-la-tele-realite/">désespoir plus ou moins mis en scène des candidats</a>, comme s’il s’agissait d’un simple divertissement. Le danger, c’est que ces questions éthiques autour de la construction et de la consommation d’un jeu fondé sur une fiction dystopique ne soient même pas posées. Que nourrit-on en participant, ou en visionnant un tel programme ? L’évitement et la mise sous silence de ces questions éthiques favorise le désengagement moral des spectateurs et participe à rendre stérile la critique sociale portée par la série.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186407/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Farias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lors de sa sortie en 2021, Squid Game a connu un succès fulgurant. Mais le jeu de téléréalité qui en sera bientôt dérivé pose de nombreuses questions d’ordre éthique.Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863562022-07-12T18:33:44Z2022-07-12T18:33:44ZCe que les élections législatives de juin 2022 nous apprennent de notre vision du Parlement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/473406/original/file-20220711-12-azpdr2.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C628%2C417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kad Merad joue Philippe Rickwaert, député de gauche dans Baron Noir, saison 1 (2019), ici représenté en bleu de travail pour interpeller les parlementaires. Mais la fiction caricature souvent la réalité politique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie-19344/photos/detail/?cmediafile=21612089">Allociné/Jean-Claude Lother/KWAI</a></span></figcaption></figure><p>Le décret du 4 juillet 2022 a actualisé la composition du Gouvernement Borne nommé le 20 mai 2022 afin de tenir compte des résultats des élections législatives. Faute d’avoir pu conclure un accord de coalition durable pour toute la législature, le président a choisi d’augmenter le poids des fidèles d’Edouard Phillipe et de François Bayrou, sans davantage ouvrir aux autres partis de gouvernements comme le PS ou LR. <a href="https://theconversation.com/legislatives-la-vie-politique-bouleversee-par-un-scrutin-inattendu-185375">Les situations inédites se succèdent</a> : premier président de la République réélu hors situation de cohabitation depuis 1958, première fois que la démission du Gouvernement à l’issue des élections législatives est refusée par le président, et surtout, la première fois depuis 1988 que la majorité parlementaire sur laquelle le gouvernement est assis n’est que relative.</p>
<p>Certes, le groupe (ou plus exactement les groupes) sur lequel le Gouvernement s’appuie est le plus important de l’Assemblée, mais le nombre de sièges détenus par celui-ci est inférieur à 289, seuil de la majorité absolue. Et si tous les autres groupes se coalisent contre le Gouvernement, ils peuvent le renverser.</p>
<p>Toutes ces nouveautés ont permis aux Français de se rappeler que la V<sup>e</sup> République est un régime parlementaire. Contrairement à tout ce que les Français ont pris l’habitude de croire depuis l’élection du président au suffrage universel direct en 1962 et l’inversion du calendrier électoral en 2000, le siège du pouvoir ne se trouve donc pas à l’Élysée mais à l’Assemblée. Le Parlement ne leur apparaît désormais plus comme le supplétif d’un président fort, soumis, politiquement ou juridiquement à ses injonctions. Il semble redevenir digne d’intérêt : une institution à part entière et non plus celle que l’on avait pris l’habitude de voir à travers le regard d’un autre.</p>
<h2>Faire émerger l’intérêt général</h2>
<p>Pourtant le 1<sup>er</sup> alinéa de l’article 24 de la Constitution <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241014/">ne peut pas être plus clair</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le Parlement vote la loi. Il contrôle le Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »</p>
</blockquote>
<p>La première mission qui lui est assignée relève de l’évidence, la loi se définissant comme l’acte général et impératif voté par le Parlement.</p>
<p>Toutefois, elle mérite des explications. Si le Parlement est ainsi légitime à imposer aux citoyens des comportements en définissant ceux qui sont interdits, c’est d’une part parce que ses membres sont élus par ces mêmes citoyens.</p>
<p>D’autre part, l’intérêt général est censé émerger de leurs délibérations. La confrontation des idées et des opinions politiques doit permettre de définir les contours de la loi la meilleure pour tous, non pas seulement pour une majorité, non pas uniquement pour le moment présent, mais conforme à l’intérêt général.</p>
<p>Dès lors que l’intérêt général s’impose au Parlement grâce à la discipline de vote à laquelle la majorité se soumet, consciente que son rôle est dorénavant de réaliser le programme du président sur la base duquel elle a été élue, l’institution est déconsidérée. Finis <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7e.asp">l’éloquence parlementaire</a> et les grands orateurs.</p>
<h2>Une discussion précipitée</h2>
<p>Il faut dorénavant faire vite et voter la loi présentée par le Gouvernement. C’est donc à travers ce prisme que les Français ont appris à regarder leur Parlement : une étape obligée dans l’adoption d’une décision. Or on cherche à court-circuiter cette chambre. En recourant aux ordonnances (article 38 de la Constitution) ou en escamotant le débat grâce aux procédures de rationalisation du parlementarisme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/legislatives-2022-un-regain-dinteret-pour-le-parlement-182689">Législatives 2022 : un regain d’intérêt pour le Parlement ?</a>
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<p>Le vote bloqué (article 44 alinéa 3) qui contraint l’assemblée saisie à se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte, dans les limites fixées par le Gouvernement en est un exemple. Cette technique a provoqué la colère des députés le 17 juin 2021 lorsque le gouvernement les a contraints à abandonner un article transpartisan qui permettait de déconjugaliser le calcul des revenus dans le cadre de <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/allocation-adulte-handicape-le-gouvernement-recourt-au-vote-bloque-20210617">l’allocation aux adultes handicapés (AAH)</a>. </p>
<p>Autre moyen : la procédure accélérée qui permet d’écourter la navette (utilisée à 224 reprises sous la <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/15/statistiques-de-l-activite-parlementaire-sous-la-xve-legislature">législature précédente</a>) avant de convoquer la commission mixte paritaire, étape nécessaire afin de donner le dernier mot à l’Assemblée si le désaccord avec le Sénat persiste (article 45). Sans oublier la procédure d’adoption sans vote qui permet cette fois-ci de se passer de l’accord de l’Assemblée (<a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/l-article-49.3-comment-ca-marche">article 49 al. 3</a>).</p>
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<p>À travers ces procédures, le Parlement est perçu comme un frein qui gêne l’action du Gouvernement et le débat parlementaire comme un inconvénient qu’il faut accélérer. Vision trompeuse d’un Parlement transformé en chambre d’enregistrement, alors que les amendements parlementaires permettent d’améliorer l’écriture de la loi, même s’ils ne peuvent plus en dicter le contenu. Cette vision biaisée de notre Parlement est-elle appelée à changer à la suite de cette prise de conscience ?</p>
<p>On peine à le croire. Au lendemain des élections, la plupart des éditos nationaux et internationaux <a href="https://www.courrierinternational.com/article/politique-legislatives-la-crainte-d-une-france-ingouvernable">regrettaient</a> « Une France ingouvernable ». Une fois encore, on propose aux Français de regarder leur Parlement à travers un objectif déformant : celui d’un gouvernement assis sur une majorité relative.</p>
<p>Certes, dans le régime parlementaire, l’un des rôles premiers du Parlement est de créer un gouvernement, notre vision du Parlement part donc toujours du <a href="https://theconversation.com/politique-une-histoire-de-confiance-186487">réel</a>. Constat qui vaut également pour les représentations fictionnelles du Parlement, qui confirment que notre vision est toujours filtrée et déformée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-groupes-parlementaires-structurent-la-vie-politique-francaise-186104">Comment les groupes parlementaires structurent la vie politique française</a>
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<h2>Un exécutif dans la tourmente</h2>
<p>Les axes dramatiques des séries politiques françaises (<em>Baron Noir</em>, <em>Les hommes de l’ombre</em>, <em>L’État de Grâce</em>) donnent à voir un exécutif dans la tourmente, confronté à un Parlement qui cherche à retrouver son rôle de faiseur de gouvernements des 3<sup>e</sup> et IV<sup>e</sup> Républiques, n’hésitant pas pour cela à renverser le Gouvernement ou à utiliser la procédure de destitution à l’encontre d’un président minoritaire.</p>
<p>On se souvient ainsi qu’en 3 saisons de la série télévisée Baron Noir, pour ne citer que cet exemple récent des représentations fictionnelles, deux présidents ont été l’objet d’une procédure de destitution.</p>
<p>La série a par ailleurs mis en scène une présidente paralysée par son refus d’utiliser l’article 49 alinéa 3 et contrainte de recourir au référendum. Le héros offre également une vision biaisée du Parlement : être parlementaire n’est plus une fin, mais un moyen d’obtenir un poste plus prestigieux (ministre, chef de gouvernement, chef d’État).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vkcLVlR0VE0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Saison 3 de <em>Baron Noir</em>, Canal+.</span></figcaption>
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<p>Ainsi, la représentation de son action au Parlement est-elle minimaliste. Et si la série offre un moment d’éloquence parlementaire, lorsque Philippe Rickwaert enfile un bleu de travail pour critiquer le texte d’un gouvernement qu’il est censé soutenir, la réalité parlementaire est déformée pour permettre cette instrumentalisation du Parlement.</p>
<p>En effet, l’article 9 de l’instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale impose que la tenue du député doive rester neutre et s’apparenter à une tenue de ville. Il est difficile, par ailleurs, de croire que le groupe majoritaire aurait laissé l’un de ses membres turbulents, qui dirige la fronde contre l’exécutif, <a href="https://u-paris.fr/%C3%A9v%C3%A8nement/baron-noir-la-science-politique-a-lepreuve-de-la-fiction/">poser une question</a> au Gouvernement. Derrière la caricature, on retiendra l’image d’un Parlement instrumentalisé, rarement vu pour lui-même.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/elections-pandemie-populisme-quand-les-series-lancent-lalerte-156396">Élections, pandémie, populisme : quand les séries lancent l’alerte</a>
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<h2>Le Parlement n’est pas un miroir fidèle de la société</h2>
<p>Depuis le 19 juin 2022, notre regard du Parlement aurait pu être attiré par le rajeunissement de l’Assemblée, dont la moyenne d’âge est de 48 ans et demi. Sa féminisation, certes relative : 215 députées en 2022 contre 224 en 2017, mais pour la première fois sous la V<sup>e</sup> République, l’Assemblée est présidée par une femme et les trois principaux groupes parlementaires (LREM, RN et LFI) sont dirigés par des femmes.</p>
<p>Peu d’observateurs ont d’ailleurs relevé que les ouvriers faisaient leur retour à l’Assemblée – certes seulement 0,9 % de l’ensemble des <a href="https://www.bfmtv.com/politique/ouvriers-salaries-pourquoi-la-france-populaire-peine-a-s-implanter-a-l-assemblee-nationale_AN-202206280245.html">577 députés</a> – et qu’y entraient des députées femmes de ménage de profession comme Rachel Kéké ou Lisette Pollet <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1195986/article/2022-06-21/femme-de-menage-chauffeur-ex-boxeur-ces-profils-inhabituels-de-deputes-l">mais aussi des chauffeurs ou anciens boxeurs</a>. Certains pourraient nous reprocher, à travers ce constat, de développer une nouvelle vision partiale de l’Assemblée.</p>
<p>Centrée sur sa composition, elle s’interrogerait non plus sur son rôle mais sur sa représentativité, alors que le Parlement représente les citoyens sans avoir à être le miroir fidèle de la société.</p>
<p>Il nous sera possible de leur répondre que la manière dont le Parlement exerce son rôle est fondamentalement liée à sa composition ; qu’il s’agisse de l’appartenance socioprofessionnelle des députés, de leur appartenance politique, du nombre de groupes qui se sont constitués…</p>
<p>Finalement, nous sommes toujours tributaires de la personne qui nous donne à voir le Parlement, lui-même se mettant peu en lumière. Notre vision de cette institution est ainsi toujours soumise à des filtres dont la multiplication trouble notre rapport à la réalité. Il est permis d’espérer que le récent coup de projecteur porté sur le Parlement lui permette de se présenter lui-même comme le cœur vivant de notre démocratie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186356/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dorothée Reignier est maître de conférences à sciences po Lille et est membre du CERAPS, laboratoire de l'université de Lille</span></em></p>Les situations inédites issues des élections législatives et le regain d’intérêt pour le Parlement permettent de se pencher sur la façon dont celui-ci est vu et compris par les citoyens.Dorothée Reignier, Enseignant chercheur, membre du CERAPS, Université de Lille,, Sciences Po LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854362022-07-05T18:53:26Z2022-07-05T18:53:26ZComment s’explique le succès des émissions de télé-réalité immobilières ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/472543/original/file-20220705-14-bl2apb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C1159%2C791&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La famille de « l'Agence » en pleine discussion.</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plus d’une dizaine d’années, de nombreuses émissions de téléréalité et de télé-crochet qui s’appuient sur l’industrie immobilière occupent le paysage audiovisuel français. Récemment, la diffusion de la série de téléréalité <a href="https://www.netflix.com/title/81417684"><em>L’Agence</em></a>, programmée sur TMC en 2020 et sur la plate-forme Netflix depuis juin 2021, confirme cette tendance de fond.</p>
<p>Mais comment expliquer une telle passion nationale pour le quotidien d’une famille d’agents immobiliers de Boulogne-Billancourt qui vend des maisons à 15 millions d’euros ?</p>
<h2>Jouer sur les émotions</h2>
<p>L’impact des émissions télévisées sur les individus et la société est en grande partie dû <a href="https://www.routledgehandbooks.com/doi/10.4324/9780203885390.ch1">aux émotions qu’elles suscitent</a>. En effet, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840619835254">nos expériences sensorielles impactent fortement les perceptions et les jugements</a> que nous portons sur les phénomènes sociaux et organisationnels. </p>
<p>Or, les films et émissions de télévision se fondent sur une construction filmique (ou éditoriale) qui suscite et orchestre des <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/sem-2013-0082/html">émotions particulières</a> envers les spectateurs. Lorsque les messages audiovisuels provoquent une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840619835575">résonance émotionnelle</a>, c’est-à-dire lorsque l’expérience esthétique qu’ils offrent renforce les schémas normatifs et les codes institutionnels partagés par les téléspectateurs, ils auront un impact d’autant plus fort dans la construction d’imaginaires et de représentations sociales transcendant la télévision.</p>
<h2>Un double phénomène d’identification</h2>
<p>Les émissions de téléréalité consacrées au marché immobilier ouvrent la possibilité d’une double résonance émotionnelle de la part des téléspectateurs. La première peut s’opérer via l’identification auprès des acheteurs qui sont représentés dans ces émissions. L’achat d’un bien immobilier étant un processus souvent chargé d’émotions complexes, au vu des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02673030801893164">multiples implications économiques et socio-culturelles</a> auxquelles il renvoie, cette résonance peut être particulièrement forte (et généralement positive).</p>
<p>La seconde se situe autour de l’identification potentielle auprès des agents immobiliers. Leur point de vue constitue souvent l’ancrage narratif central de ces émissions, comme c’est le cas dans l’émission <em>L’Agence</em>, mais aussi dans <a href="https://pro.m6.fr/m6/programme/2022-27/chasseurs-d-appart-940242869856"><em>Chasseurs d’Appart</em></a>, et dans une moindre mesure de <a href="https://pro.m6.fr/m6/programme/2022-27/recherche-appartement-ou-maison-940246960812"><em>Recherche appartement ou maison</em></a>.</p>
<p>[<em>Près de 85 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<p>Le point de vue privilégié dans ces programmes est généralement celui des personnages « agents immobiliers », mais un narratif récurrent pousse à une résonance émotionnelle auprès d’un public plus large. En effet, un grand nombre d’agents immobiliers racontent dans ces émissions leur parcours de reconversion professionnelle. L’horizon d’une reconversion professionnelle facile et réussie, vers un métier montré comme épanouissant et rémunérateur fait écho à un imaginaire social relevant de la liberté de choix, de la prise d’autonomie, de la rupture délibérée et du renouveau. Si l’on en croit le succès commercial et médiatique du livre de David Graeber <a href="https://davidgraeber.org/books/bullshit-jobs/"><em>Bullshit Jobs</em></a> publié en 2018, qui montre qu’un grand nombre de travailleurs souhaiterait apporter plus de sens à leur travail, cette idée peut sembler particulièrement séduisante.</p>
<p>Pourtant, derrière cette image idyllique se cachent les réalités diverses et complexes d’un métier touché par ce que la sociologue Lise Bernard qualifie de <a href="https://theconversation.com/enquete-chez-les-agents-immobiliers-ces-precaires-en-col-blanc-87639">« précarité en col blanc »</a>.</p>
<h2>Une téléréalité à part</h2>
<p>Cette émission présente le quotidien de la famille Kretz, à la tête d’une entreprise familiale française opérant dans l’immobilier de luxe, et reprend certains codes classiques de ce type d’émission. Une fois de plus, c’est la perspective des agents immobiliers qui est adoptée : l’intrigue principale se situe autour de la capacité de ces agents à proposer des biens immobiliers qui vont satisfaire leur clientèle. Le narratif classique de la reconversion professionnelle y est aussi représenté. Nous apprenons dès le premier épisode que Sandrine et Olivier, parents de quatre enfants, ont créé l’entreprise Kretz & Partners après une double reconversion : Sandrine était auparavant institutrice et Olivier directeur commercial.</p>
<p>Néanmoins, cette émission de téléréalité se distingue des autres émissions du genre principalement parce qu’elle est centrée autour d’une seule entreprise : une agence immobilière familiale spécialisée dans le luxe. Les représentations sociales qu’elle façonne sont principalement liées aux mythes associés à l’entrepreneuriat familial. En substance, l’émission propose une représentation idéalisée de l’organisation et de la réussite d’une entreprise familiale, où les liens familiaux transcendent et humanisent les affaires, au point que ces liens familiaux soient présentés comme la raison première de la réussite commerciale de l’entreprise.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472544/original/file-20220705-1817-stmhco.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les villas de rêve le disputent aux hôtels particuliers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>Pour bien comprendre ces choix et filtres éditoriaux, il est important de noter qu’une telle émission, centrée sur une seule entreprise, est avant tout un outil promotionnel déguisé en documentaire. A minima, elle doit permettre de renforcer l’image de marque de l’entreprise. Il n’est donc pas étonnant que les choix et filtres éditoriaux permettant de construire une représentation spécifique de l’entreprise familiale collent en tout point aux éléments de différenciation de la proposition de valeur de l’entreprise en question.</p>
<p>Une visite sur le site de <a href="https://kretz.fr/en/agency/">Kretz & Partners</a> permet de voir que la dimension familiale de l’organisation est la pierre angulaire de leur argumentaire de vente. Ils ne se contentent pas de faciliter l’échange de biens immobiliers, mais promettent avant tout une expérience relationnelle personnalisée, généreuse, émotionnelle et mémorable auprès de leurs clients. Et cette promesse est fondée sur une extension des liens familiaux sur la manière de gérer l’entreprise. Ce positionnement se reflète dans l’émission, qui met en scène des relations familiales idylliques garantes de l’efficacité organisationnelle de l’agence, avec quelques frictions superficielles et bien choisies qui humanisent et crédibilisent cette représentation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/patron-incognito-ou-quand-la-tele-realite-faconne-une-vision-morale-de-lentreprise-175580">« Patron incognito », ou quand la télé-réalité façonne une vision morale de l’entreprise</a>
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<p>L’un des différends exposé dans l’émission relève d’une difficulté caractéristique des entreprises familiales, la question de la transmission. La transmission de l’entreprise familiale est reconnue comme étant une période particulièrement intense en <a href="https://theconversation.com/la-transmission-des-entreprises-familiales-une-periode-particulierement-intense-en-emotions-154422">émotions ambivalentes concernant toute la famille</a>. Ces émotions sont parfois liées à des <a href="https://theconversation.com/transmettre-une-entreprise-familiale-difficultes-emotionnelles-et-freins-psychologiques-84544">freins psychologiques pouvant entraver la transmission de l’entreprise familiale</a>. Mettre en scène les doutes des plus expérimentés quant au fait que le plus jeune fils rejoigne l’entreprise familiale ou des désaccords sur l’éventuel départ de l’entreprise de l’aîné vise à susciter de l’empathie envers cette famille cherchant à maintenir son unité autour d’un projet commun. Mais les désaccords mis en scène ne dégénèrent jamais en conflits et sont rapidement résolus : l’entreprise familiale, fondée sur des liens de confiance forts, surmonte toutes les épreuves, happy end garanti.</p>
<h2>L’attrait pour l’immobilier de luxe</h2>
<p>En dehors de la dimension familiale de l’entreprise comme un pivot de son succès, Kretz & Partners se positionne sur l’immobilier de luxe, un univers qui a tendance à <a href="https://www.elle.fr/Loisirs/Series/Selling-sunset-L-Agence-Netflix-et-le-business-du-bling-bling-4017272">fasciner les téléspectateurs</a>.</p>
<p>Là encore, la construction filmique et éditoriale de l’émission doit faire écho à ce positionnement dans l’univers du luxe, d’autant plus que l’entreprise propose un service de production de vidéos à ses clients. L’émission, publicité géante, permet à l’entreprise de montrer son savoir-faire en matière de mise en valeur des biens qui lui est confiée. On peut notamment remarquer l’utilisation intense de la lumière qui renvoie un effet de beauté et de perfection, ou encore les plans aériens qui accentuent la grandeur des biens proposés.</p>
<p>Cette image de luxe se poursuit dans la mise en scène du quotidien de cette entreprise familiale. La beauté et la grandeur de la maison familiale servant de siège à l’entreprise est mise en avant par la construction filmique. Quelques détails ostentatoires comme la balançoire dans le salon ou la présence d’un gong antique que l’on fait rituellement sonner à chaque vente renforcent et sacralisent la notion de luxe et de réussite économique, dans un esprit ultralibéral totalement décomplexé.</p>
<p>Cette émission à visée promotionnelle fonctionne donc sur des ressorts de résonances émotionnelles variées qui favorisent la sympathie du public, tout en créant une fascination distante via la représentation idéalisée et irréaliste de l’entreprise familiale et de la réussite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Farias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En offrant une image idyllique du métier d’agent immobilier et à travers une mise en scène très léchée, l’émission « L’Agence » séduit de nombreux téléspectateurs.Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854352022-07-04T18:42:42Z2022-07-04T18:42:42ZPour promouvoir « Stranger Things », Netflix étend le récit au-delà des écrans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469814/original/file-20220620-18-s7n642.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C1182%2C815&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'affiche de la saison 3 de _Stranger Things_. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Netflix ne manque pas d’originalité et d’imagination lorsqu’il s’agit de <a href="https://ultv.univ-lorraine.fr/video/1216-frederic-aubrun-et-thomas-bihay-le-transmedia-storytelling-au-coeur-de-la-strategie-de-netflix-les-cas-de-13-reasons-why-et-de-stranger-things/?old_url=true">promouvoir ses séries à partir de stratégies dites de « transmédia storytelling »</a>.</p>
<p>La promotion de la quatrième saison de <em>Stranger Things</em> (diffusée à partir du 27 mai 2022) ne déroge pas à la règle, la plate-forme de streaming ayant notamment misé sur un dispositif d’immersion dans « The Upside Down » (« le monde à l’envers »), qui constitue le cœur narratif de la série. L’occasion pour nous de revenir sur la manière dont les éléments narratifs centraux des séries de Netflix sont réinvestis dans des stratégies promotionnelles qui reposent sur leur déploiement au-delà de leur univers fictionnel.</p>
<h2>Immerger dans l’univers fantastique de la série</h2>
<p>Depuis le lancement de <em>Stranger Things</em>, Netflix étend son récit au-delà des écrans à des fins promotionnelles, en faisant notamment de « The Upside Down » un pilier d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=BoKEAzxi3a8">activation de marque</a>. Il s’agit de susciter l’engouement du public pour la saison à venir ou en cours à partir d’expériences immersives lors desquelles il s’imprègne de l’ambiance de la série tout en découvrant des éléments clés de son intrigue.</p>
<p>Le portail <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QehwOg6n3JQ">World Lens</a> développé par la plate-forme l’illustre très bien. Accessible via l’application Snapchat, il permet au spectateur de visiter une pièce centrale de l’histoire de la série, le salon-chambre de la maison de protagonistes dans lequel des créatures surgissent d’un univers parallèle dès la première saison. Il s’agit d’une expérience de réalité augmentée qui donne accès au fameux « monde à l’envers ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Portal World Lens Snapchat.</span></figcaption>
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<p>Selon <a href="https://www.fabula.org/actualites/l-dolezel-heterocosmica-fiction-and-possible-worlds_800.php">Lubomir Dolezel</a>, les mondes fictionnels sont artificiels et présentent une incomplétude qui peut être alimentée par une infinité de récits connexes à leur trame centrale. Selon lui, il existe trois types de textures : la texture explicite qui désigne ce qui est déjà déterminé dans la fiction (donc, les événements, sujets ou encore objets qui apparaissent explicitement à l’écran), celle implicite qui construit le domaine indéterminé (c’est-à-dire l’ensemble des événements, personnages ou encore objets qui pourraient se produire ou exister dans les interstices ou en parallèle de ce qui apparaît déjà à l’écran) et, enfin, la texture zéro qui construit le domaine du vague.</p>
<p>Il s’agit pour Netflix, avec ce portail, de puiser dans ce que l’on appelle la texture explicite de l’univers fictionnel de la série.</p>
<p>À partir d’une <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-logiques-immersives">« narration augmentée »</a>, Netflix donne accès à des éléments narratifs complémentaires qui se nourrissent de la texture explicite de l’univers fictionnel de <em>Stranger Things</em>, puisque les spectateurs reconnaissent ce lieu clef de l’intrigue.</p>
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<p>Plusieurs « Easter eggs » (des fonctions cachées) sont disposés dans les pièces visitées. Les joueurs/spectateurs peuvent les activer en interagissant avec chacune d’elles ou via l’application Shazam, puisque la musique du générique de la série déclenche l’ensemble d’entre elles. Elles renvoient à des scènes précises de la première saison, ce qui contribue à immerger les spectateurs dans l’univers fictionnel, tout en leur rappelant des scènes et événements centraux de la série. Par exemple, si les spectateurs cliquent sur le mur du salon à un endroit précis, le bras d’une créature en surgit, comme dans l’un des premiers épisodes.</p>
<h2>Des stratégies sophistiquées</h2>
<p>Pour d’autres séries, comme <em>13 Reasons Why</em>, Netflix va plus loin et joue sur les <a href="https://ultv.univ-lorraine.fr/video/1216-frederic-aubrun-et-thomas-bihay-le-transmedia-storytelling-au-coeur-de-la-strategie-de-netflix-les-cas-de-13-reasons-why-et-de-stranger-things/?old_url=true">textures explicite et implicite</a>. Lors de la diffusion de la première saison, Netflix a lancé une opération digitale connectée à l’univers narratif de la série pour créer une expérience immersive dans l’univers de l’héroïne via la mise en place d’un site mobile, 13reasons.fr. </p>
<p>Au cours de cette saison, le spectateur assistait au suicide d’Hanna Baker, un événement faisant partie intégrante de la texture explicite et qui sera repris dans de nombreuses autres extensions narratives promotionnelles. Le site mobile a alors puisé son originalité dans la texture implicite liée à ce suicide, puisque le public a pu y découvrir tout un pan inexploré des raisons qui ont mené le personnage principal à cette décision tragique. En s’y connectant avec leur mobile, les spectateurs découvraient le contenu du téléphone de l’héroïne, qui est évoqué mais non montré dans la série.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"849251282909106180"}"></div></p>
<h2>Disséminer l’univers fictionnel dans la réalité</h2>
<p>Pour valoriser ses séries, Netflix investit également des lieux réels. Pour promouvoir la quatrième saison de <em>Stranger Things</em>, la plate-forme s’est une fois encore appuyée sur la texture explicite de la série, en plaçant l’univers fictionnel au cœur de sa stratégie de transmédia storytelling, à partir notamment de l’installation de différentes failles surnaturelles au sein de grandes villes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-serie-watchmen-reinvente-la-genese-du-super-heros-146610">Comment la série « Watchmen » réinvente la genèse du super-héros</a>
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<p>Ces failles représentent des portails vers le monde à l’envers, qui semble dès lors désormais accessible depuis la réalité. Ceci prolonge alors l’expérience de marque au-delà des écrans. Dans la même perspective, la fiction pénètre aussi dans la réalité à travers d’autres opérations de <em>street marketing</em> qui interpellent le public, comme l’installation d’un portail tentaculaire de 20 mètres de long sur la plage australienne de Bondi.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471821/original/file-20220630-18-pvsa00.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple de portail installé sur la plage australienne de Bondi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<span class="caption">Exemple de portail installé sur la plage australienne de Bondi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>La semaine précédant le lancement de cette dernière saison, Netflix a proposé aux fans un jeu de piste dans le cadre d’une campagne de promotion, dans les rues de Londres. On pouvait y voir des affiches publicitaires vantant des produits, services ou villes emblématiques de l’univers de la série. Ces affiches contenaient des indices menant vers un lieu londonien où serait caché le portail vers le monde à l’envers. Par exemple, dans une annonce vantant Lenora Hills, California, une ville de la série, l’énigme contenait des mots en lettres majuscules irrégulières : « Realm » et « Peached » – un anagramme de « Dereham Place », le site de Shoreditch, à l’est de Londres – où les fans pouvaient trouver une faille vers « The Upside Down ». </p>
<p>Un jeu de lecture-décodage à partir des connaissances des fans s’est instauré, dans stratégie de ludicisation de <a href="https://www.researchgate.net/publication/360647100_Mediologie_narratologie_et_production_de_sens_du_webdocumentaire">plus en plus présente dans les productions culturelles, médiatiques</a> ou <a href="https://journals.openedition.org/entrelacs/1876">dans les productions publicitaires</a> – on parle d’« advergaming ». Au moment du lancement de la quatrième saison, les fans qui avaient trouvé les réponses ont pu accéder au portail, à travers une grande porte qui semblait avoir été percée par un Demogorgon (une référence à un monstre du jeu « Donjons et Dragons »). Après avoir traversé un tunnel sombre avec une lampe de poche, ils découvraient une étrange pizzeria, qui est un lieu central dans la série.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1529100176320778241"}"></div></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1529824797340749824"}"></div></p>
<p>Toute la stratégie de transmédia storytelling repose ici sur la réappropriation de l’esthétique de la série dans l’espace urbain ou des espaces naturels à partir de la dissémination de décors, personnages (enquêteurs paranormaux, créatures, protagonistes…) ou encore d’autres référents comme la chaîne « Surfer Boy Pizza », qui est omniprésente dans la saison 4.</p>
<p>Cette stratégie n’est pas exclusive à cette dernière saison, puisque lors de la New York Comic-Con, une convention consacrée à la bande dessinée, aux jeux vidéo et à d’autres productions culturelles et médiatiques, des taxis vélos – de la marque de vélo mise en avant dans la série – avaient convoyé le public avec des conducteurs déguisés en Dustin, personnage phare de la série. De même, des affiches de <em>Stranger Things</em>, des téléviseurs cathodiques, des vélos ou encore des bornes d’arcade similaires à ceux de la série avaient envahi certaines stations du métro parisien.</p>
<h2>Recycler l’imaginaire des années 1980</h2>
<p>La culture médiatique contemporaine réinvestit sans cesse des éléments issus d’autres genres et médias : c’est ce que Philippe Marion nomme le <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/853e/d231964b4eab28216de820ab74d690aa0186.pdf">« recyclage médiatique »</a>.</p>
<p>Dans le cas de <em>Stranger Things</em>, cette logique repose sur de multiples références explicites et implicites aux années 1980 et, plus particulièrement, à la culture geek et aux jeux, productions culturelles, comportements ou encore tenues vestimentaires des adolescents de cette décennie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-generiques-de-series-170824">De l’importance des génériques de séries</a>
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<p>Le jeu « Stranger Things : The Game », publié sous application Android pour promouvoir la deuxième saison, est symptomatique de ce recyclage médiatique, tout comme de l’advergaming. Il reprend l’esthétique des jeux d’arcade de l’époque et invite les joueurs à revivre les épreuves traversées par les personnages dans six lieux de l’intrigue comme la ville d’Hawkins, un laboratoire de recherche ou encore une forêt du monde à l’envers. Ils y découvrent quelques pans de la saison en avant-première, dont de nouveaux personnages, ce qui n’a pas entravé leur plaisir de la visionner.</p>
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<figcaption><span class="caption">Stranger Things : The Game.</span></figcaption>
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<p>À travers ce développement d’univers narratifs sur différents supports médiatiques et dans l’espace urbain, le caractère promotionnel du discours de Netflix tend à s’effacer au profit de la création d’un écrin médiatique. Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-communication-et-management-2021-2-page-5.htm">stratégie de « dépublicitarisation »</a> du discours promotionnel accompagne souvent le lancement des séries originales Netflix et des saisons suivantes, démontrant par-là même son emprise tentaculaire sur les imaginaires, à travers tous les moyens possibles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les éléments narratifs des séries de Netflix sont réinvestis dans des stratégies promotionnelles qui reposent sur leur déploiement au-delà de leur univers fictionnel.Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleThomas Bihay, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication - Département Infocom, laboratoire GERiiCO (ULR 4073), Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837502022-06-02T17:47:03Z2022-06-02T17:47:03Z« La meilleure version de moi-même », une série grinçante qui questionne le développement personnel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466805/original/file-20220602-12-2r1r8m.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=54%2C25%2C2097%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jusqu'où peut mener l'injonction au bonheur?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=TJG7vllNRzs">Youtube / Capture d'écran.</a></span></figcaption></figure><p>Dans <em>La Meilleure version de moi-même</em>, Blanche Gardin propose une mosaïque grinçante du milieu du développement personnel en France. À l’aide de l’autofiction et d’un humour qui égare le spectateur entre les différents degrés possibles d’interprétation, la comédienne fait découvrir aux spectateurs un univers à part entière, avec son langage caractéristique, qui peut les laisser pantois s’ils n’y sont pas initiés, mais trouvera un écho sûr chez ceux qui le sont. La perception de l’incongruité et de l’absurde dépend donc de la sensibilité du spectateur au métalangage et au fonctionnement du développement personnel, ce qui peut ajouter au malaise que crée la série.</p>
<p>La trame de la série est l’archétypique des démarches des adeptes du développement personnel : perturbée par un problème digestif chronique que la médecine peine à expliquer, l’héroïne s’embarque dans un voyage initiatique censé la conduire vers la guérison, la découverte d’elle-même et le bonheur.</p>
<p>Entre quête d’identité, individualisme et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9o-tribalisme">tribalisme</a> cette série permet de comprendre que le développement personnel correspond à une démarche spirituelle et donc de dépasser le débat qui concerne la question du bien-fondé du développement personnel pour mieux faire ressortir certains traits de la religiosité contemporaine, caractéristique de notre modernité tardive.</p>
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<h2>Un univers à part entière</h2>
<p>Il est difficile de s’entendre sur une définition du développement personnel et même de le décrire, tant est vaste ce qui peut entrer dans ce domaine. La trajectoire de l’héroïne est en cela révélatrice, puisqu’elle passe entre les mains de différents spécialistes et tente différents moyens pour résoudre un même et unique problème. Si tout commence chez un naturopathe, on la voit aussi fréquenter un chamane, faire appel à un technicien en dynamisation de l’eau, lire un ouvrage sur les Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ou encore constituer un « cercle de parole ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ecole-le-yoga-une-activite-a-mettre-au-programme-141714">École : le yoga, une activité à mettre au programme ?</a>
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<p>De cette liste émergent des outils et des démarches hétéroclites qui illustrent la complexité du champ, mais font aussi émerger une structure caractéristique qui unit dans une relation un individu travaillé par une angoisse existentielle et un médiateur détenteur d’éléments de réponses qu’il transmet grâce à un médium. Ce médium peut prendre la forme d’un livre, d’une conférence, d’un groupe de parole ou d’une thérapie, quelle qu’en soit la nature. S’il existe tout un versant porté par la psychologie positive qui revendique une scientificité très forte – <a href="http://www.premierparallele.fr/livre/happycratie">bien que discutée</a> –, les médecines alternatives y occupent également un très grand espace, tout comme les spiritualités alternatives. Bien souvent, les discours et les médiateurs du développement personnel cumulent différentes approches et peuvent les combiner ainsi, par exemple, psychologie humaniste et astrologie, comme a pu le faire Dane Rudhyar (1895-1985).</p>
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<p>Alors que la série peut donner une impression de marginalité de ce type de pratiques et de démarches, une simple visite des rayons « développement personnel » d’une librairie permet, non seulement d’ajouter à notre description un certain nombre de produits dérivés nécessaires à certaines démarches (cartes, pierres, encens, coussins de méditation, etc.), mais aussi de bien saisir l’ampleur du phénomène et l’importance du marché économique qu’il représente.</p>
<h2>Un langage caractéristique</h2>
<p>Au-delà des approches, c’est aussi un métalangage partagé qui caractérise le milieu du développement personnel. Il n’est pas seulement question de recherche du bonheur, mais aussi du bien-être – ou au moins du mieux-être – et de la « pleine vitalité ». On manipule à l’envi les notions de « réalisation de soi » ou « de plein potentiel » et « d’épanouissement » ; et tout cela se fait dans un esprit de « bienveillance » et dans la plus grande attention qu’on accorde aux « énergies ». On cherche à se « reconnecter », que ce soit à « soi-même », à « la nature » ou au « cosmos », et ce dans une perspective « holistique ». L’objectif est d’arriver à « se comprendre soi-même », à « s’accepter tel que l’on est » et de « trouver sa place dans le monde ». Toutefois, cela ne s’obtient pas sans efforts, puisqu’il faut « travailler sur soi » afin de corriger ce qui est à l’origine de son « mal-être », de ses « déséquilibres » ou de ses « dysfonctionnements ». Chacun est « seul responsable de ses choix » et « acteur de son changement », ce qui pousse certains chercheurs, à l’instar de Nicolas Marquis, <a href="https://www.puf.com/content/Du_bien-%C3%AAtre_au_march%C3%A9_du_malaise">à parler d’une éthique de responsabilisation</a>.</p>
<p>Il est intéressant de souligner que, bien souvent, toutes ces expressions ne sont pas clairement ni définies ni justifiées et peuvent être reliées à un vocabulaire scientifique extrapolé ou réinterprété, comme c’est le cas <a href="http://www.slate.fr/story/154595/medecine-quantique-revolution-scientifique-arnaque">du terme « quantique »</a>, véritable obsession d’une partie du développement personnel.</p>
<p>Il en résulte un milieu dans lequel « on se comprend » lorsqu’on est impliqué, mais qui peut paraître rapidement abscons, voire absurde, à qui n’en possède pas les clés. Les notions « parlent d’elles-mêmes » pour les adeptes, qui les « ressentent » sans éprouver le besoin de les intellectualiser, de les conceptualiser ni même de les définir. Le développement personnel se révèle être un ensemble de démarches symboliques qui visent à la gestion des émotions et échappent ainsi volontairement à la rationalité scientifique et à ses outils de mesure, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles soient forcément et totalement inefficientes.</p>
<h2>Une expérimentation existentielle subjective</h2>
<p>Comme l’est l’expérience de Blanche Gardin dans sa série, la démarche de tout adepte du développement personnel est individuelle et singulière. Chacun a son « terrain » et chacun doit trouver « sa solution » parmi une offre extrêmement diversifiée, ce dont résultent des trajectoires complexes, façonnées par des expérimentations et des ajustements constants au rythme des résultats obtenus et des rencontres. Bien souvent, les adeptes n’hésitent pas à cumuler les démarches, mettant en avant leur complémentarité ou leurs différents champs d’action, comme peuvent le faire la plupart des médiateurs.</p>
<p>En l’absence de la possibilité d’un contrôle scientifique, les échecs et les réussites relèvent de l’auto-évaluation de chacun et fonctionnent principalement sur les convictions et les ressentis, forcément subjectifs. Le développement personnel s’impose ainsi comme un outil de connaissance et d’affirmation de soi, et il n’est pas rare non plus que ce travail aboutisse à la conversion de l’adepte en médiateur, ce que finit par faire Blanche Gardin elle-même en organisant son propre « cercle de femmes ».</p>
<p>Dans ce milieu, une trajectoire de vie et un travail sur soi constituent une forme de légitimité et un gage d’« authenticité » suffisants pour qu’on devienne médiateur. Cependant, bien souvent, cela est complété d’une part par des diplômes – plus ou moins officiels – et des références à des études scientifiques – plus ou moins fiables et réelles – et, d’autre part, par le rattachement à une tradition – plus ou moins ancienne et souvent « exotique » –. La valeur attribuée à chacun de ces éléments ne relève que de l’évaluation de l’adepte.</p>
<p>Il n’existe donc pas, objectivement parlant, dans le développement personnel, de « bons » médiateurs, mais seulement des médiateurs et des médiums qui « nous parlent », c’est-à-dire qui entrent en résonance avec nos problématiques existentielles et nos attentes.</p>
<h2>Une démarche individualiste</h2>
<p>Les trajectoires au sein du développement personnel, que ce soient celles des adeptes ou celles des médiateurs, sont donc fondamentalement individualistes et subjectives. Lorsqu’un individu entreprend un travail sur lui-même, les « autres » se divisent entre ceux susceptibles de l’aider et ceux qui, au contraire, ne seront que des entraves. Les termes ne manquent pas pour parler de ces derniers : « personnes toxiques », « codépendants » ou bien encore « pervers narcissiques ». Cependant, si certains sont d’une aide précieuse à un moment donné et pour un sujet précis, ils peuvent se révéler nocifs dans un autre contexte.</p>
<p>Par conséquent, lorsque le travail sur soi requiert un groupe ou des échanges, que ce soit en face à face ou sur Internet, les liens créés ne seront, pour la plupart, que lâches, éphémères et circonstanciels, sans que cela les empêche d’être intenses. Il en découle des relations très utilitaires, surtout lorsqu’on considère que, dans ce milieu où l’adepte est souvent aussi médiateur, l’autre incarne aussi un client potentiel.</p>
<p>Ainsi le développement personnel entretient-il une forme de nomadisme, induit par la nature même du travail sur soi, et un tribalisme, qui naît du besoin ponctuel de s’associer à des personnes qui partagent la même dynamique afin de pouvoir poursuivre sa propre évolution. Pour décrire cette dynamique sociale, caractéristique de notre modernité tardive, on peut parler d’« individualisme confinitaire », pour reprendre une expression <a href="https://doi.org/10.4000/sociologies.3536">du sociologue Olivier Bobineau</a>.</p>
<p>Cependant, les entretiens que nous avons pu réaliser au sein de ce milieu font ressortir une sensation de profonde solitude, en dépit des nombreuses activités collectives pratiquées par les uns et les autres ; et ce sentiment de solitude est renforcé par celui d’incompréhension par le « reste de la société », c’est-à-dire par ceux qui ne sont pas impliqués dans le développement personnel, sentiment qui prend souvent la forme d’une impression d’exclusion, parfois revendiquée, souvent subie.</p>
<h2>Une forme de spiritualité moderne</h2>
<p>À plusieurs reprises, le milieu du développement personnel a été associé à la notion de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/08/22/le-yoga-nouvelle-porte-d-entree-aux-derives-complotistes-et-sectaires_6092024_4355770.html%88">« dérives sectaires »</a>. Si de telles tendances peuvent s’observer, elles ne résument pas néanmoins l’ensemble du champ, et les démarches individuelles suffisent à limiter en partie de telles dérives. En revanche, cette association d’idées permet de comprendre que le développement personnel entretienne un lien étroit et ambigu avec le champ religieux, comme en atteste la récurrence des références aux religions, principalement orientales.</p>
<p>Mais plutôt que de « religion », terme inapproprié pour décrire les dynamiques du développement personnel, il convient mieux de parler de « spiritualité », dans le sens d’<a href="https://www.editions-ellipses.fr/accueil/5514-introduction-a-l-histoire-des-religions-9782340020498.html">« une quête personnelle dans la réalisation d’un idéal de perfection religieuse »</a>, et que l’on peut considérer comme séculière, dans la mesure où son idéal porte sur l’ici-et-maintenant, c’est-à-dire sur le bonheur individuel immédiat.</p>
<p>À la suite d’Eva Illouz, il est également possible de voir le développement personnel comme une théodicée, c’est-à-dire comme un moyen d’expliquer le mal dans le monde ; autrement dit, <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180820.OBS1055/eva-illouz-l-ideologie-du-bonheur-est-le-bras-arme-du-capitalisme.html">ce qui nous empêche d’être heureux</a>. Là aussi, le métalangage abonde : « croyances limitantes », « relations toxiques », « pensées négatives », etc. Comme l’explique Nicolas Marquis, le discours du développement personnel cherche à expliquer l’existence d’inégalités dans une société qui prône pourtant l’égalité de tous, tout en proposant comme solution de transformer l’individu par la découverte de son « vrai soi », exempt des défauts qui sont à l’origine des malheurs de sa vie.</p>
<p>Cette quête « d’authenticité » peut se comprendre comme un rituel initiatique qui vise à transformer l’adepte en profondeur. Ce dernier en ressort « éveillé » et doté de nouvelles capacités qui l’incitent à vouloir transformer le monde à l’image de sa propre expérience, afin d’en résoudre tous les problèmes, ce qui explique la dynamique prosélyte du milieu du développement personnel pour lequel convaincre les autres d’adopter le même point de vue signifie simplement améliorer le monde.</p>
<h2>Renégocier son identité dans un monde réordonné</h2>
<p>Ainsi le développement personnel, sous toutes ses formes, vise à ordonner le chaos du monde et, en particulier, celui de la société en donnant du sens et une place à chacun. Il permet, non pas de « retrouver son identité », mais bien de la redéfinir dans un monde incertain et en proie à des mutations complexes.</p>
<p>A la croisée de la science et de la religion, il incarne une nouvelle vision du monde et constitue une véritable forme de spiritualité contemporaine, en phase avec le néolibéralisme et ses problématiques, qu’elles soient écologiques ou sociales, privées ou professionnelles. En définitive, la quête d’idéal qui y est proposée n’est autre que celle de la performativité professionnelle et sociale, synonyme d’une intégration sans heurts aux tumultes actuels du monde. On n’en comprend alors que mieux pourquoi cette quête est nécessairement infinie, puisque le monde ne cesse de changer, ce qui explique aussi en partie l’importance et la diversité du marché économique qu’elle représente.</p>
<p>Objet d’approches très contradictoires <a href="https://selfhelp.hypotheses.org/category/uncategorized">par les milieux universitaires</a>, partagés entre critique et promotion, le développement personnel est un domaine extrêmement vaste, polymorphe et complexe, qui permet d’observer la difficulté de nos sociétés à penser leur propre religiosité, comme en a témoigné la réception compliquée de la série de Blanche Gardin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Karbovnik ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À travers sa satire féroce de l’univers du développement personnel, Blanche Gardin nous invite à réfléchir à notre vision du bonheur et à insuffler du second degré dans notre rapport au bien-être.Damien Karbovnik, Historien des religions, sociologue, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1826922022-05-30T18:44:05Z2022-05-30T18:44:05ZL’avortement dans les séries, miroir de nos contradictions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466049/original/file-20220530-20-vwuyt7.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=331%2C34%2C2211%2C1338&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La solidarité féminine dans « Sex education ».</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix/ Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Bien des séries se retrouvent face à un dilemme dès qu’il s’agit de représenter l’avortement. De tous les actes liés à la reproduction, il fait partie de ceux qui sont les plus réprimés ou cachés. Quelles en sont les représentations « acceptables » au XXI<sup>e</sup> siècle ?</p>
<p>Quand, dans la série <em>The Morning Show</em>, Bradley Jackson (interprétée par Reese Whitherspoon) annonce à l’antenne avoir avorté à 15 ans, c’est un scandale.</p>
<p>L’avortement ne se dit pas. Il se vit dans le silence et la honte. Pourtant Bradley n’est pas renvoyée en dépit de la violence des protestations, car sa prise de parole libère celles de nombreuses spectatrices qui s’expriment à leur tour et augmentent l’audience du show.</p>
<p>Aujourd’hui, alors que ce droit <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/15/a-washington-les-partisans-du-droit-a-l-avortement-donnent-rendez-vous-aux-elections-de-mi-mandat_6126170_3210.html">est remis en cause jusqu’aux États-Unis</a>, on peut observer plusieurs formes intimes de récits qui se superposent, entre contradictions et stéréotypes.</p>
<h2>Un acte qui questionne la norme de la maternité</h2>
<p>Longtemps, les scénaristes ont préféré contourner la question. Lorsque les héroïnes ne revenaient pas sur leur décision (Lynette ou Julie dans <em>Desperate Housewives</em>, Laure dans <em>Engrenages</em>) quitte à faire adopter leur bébé (Peggy dans <em>Mad Men</em>), elles faisaient une fausse couche (Gabrielle dans <em>Desperate Housewives</em>, Blair dans <em>Gossipn Girl</em>).</p>
<p>Il faut néanmoins s’intéresser de plus près à ce qui guide la renonciation. Si dans la conservatrice <em>Desperate</em> <em>Housewives</em>, Lynette – bien que déjà mère de quatre enfants – reste sur le chemin de la « grande famille », la jeune Julie subit un véritable harcèlement moral de la part de Suzanne sa mère avant de céder.</p>
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<p>La situation est différente pour Betty Draper dans <em>Mad Men</em>. Séparée de son mari, elle ne veut pas de cette grossesse, mais c’est très difficile dans les années 60 : « il y a bien un docteur à Albany qui fait ça et une clinique à Porto Rico » lui glisse une amie. Betty n’a pas cette force. Elle préférera retrouver son mari et plus tard, l’alcool.</p>
<p>Laure Bertaud, dans <em>Engrenages</em> est une célibataire, libre, battante, cheffe d’une équipe d’hommes dans la police. Elle découvre une grossesse de 15 semaines et décide de partir en Hollande pour se faire avorter. Alors que son meilleur ami lui propose une adoption, elle le remet vertement en place : « je vais pas jouer les mères porteuses parce que tu t’emmerdes dans ta vie. Si tu veux un gamin il faut que tu te trouves une vraie copine ». Puis elle fait volte-face sans plus d’explication, comme une résignation.</p>
<p>En effet, renoncer à l’IVG n’est pas forcément synonyme de maternité heureuse, mais de retour à la norme sociale de la maternité.</p>
<h2>D’un acte solidaire à une remise en question du couple</h2>
<p>Lorsque l’avortement est interdit, les séries nous parlent de la solitude et de la mise en danger des femmes. C’est le propos des séries historiques comme dans <em>Peaky Blinders</em> où Polli, la cheffe de clan dit avoir avorté « toute seule » à 16 ans. Dans <em>Downtown Abbey</em>, Edith se rend à une adresse trouvée dans un magazine à la gare. Est-ce vraiment un médecin qui officie interroge sa tante ? Dans <em>Call the Midwife</em> qui se déroule dans le quartier pauvre de l’East End en 1950-1960, le premier épisode débute avec une femme qui doit subir une hystérectomie. Heidi Thomas, créatrice de la série, met en garde : « [Avorter] c’était l’horreur… et montrer une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/series-avortement-le-dernier-tabou-de-la-television-est-il-enfin-tombe">réalité différente ne serait pas juste »</a>.</p>
<p>La légalisation ouvre de nouveaux récits qui incluent la place des proches, à commencer par celle du père dans la prise de décision.</p>
<p>Celle-ci ne va pas de soi. Le devrait-elle ? C’est non dans <em>Scandal</em> où Olivia Pope se rend à la clinique seule sans hésitation. Certes le père est marié et président des États-Unis, mais pour Shonda Rhimes : « C’est la femme qui choisit, c’est un choix intime et <a href="https://variety.com/2016/tv/news/scandal-abortion-shonda-rhimes-reaction-fitz-olivia-1201731223/">c’est un choix qui est son droit le plus strict »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/series-les-hero-nes-ont-elles-le-droit-de-vieillir-163928">Séries : les héroïnes ont-elles le droit de vieillir ?</a>
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<p>Dans <em>Plus Belle La Vie</em>, au contraire, c’est une discussion familiale qui permet à la série d’exposer les arguments pro et anti IVG. Au delà des ressorts purement dramatiques, la série offre une approche pédagogique, à l’instar des autres sujets de société abordés.</p>
<p>Le droit à l’information permet-il celui du débat ? Tel est l’enjeu récurrent au sein des couples : le rôle de chacun dans le choix final.</p>
<p>Au départ, le père est généralement réticent (<em>Workin’ Moms</em>, <em>Drôle</em>) voire opposé à l’IVG (<em>Grey</em>’s Anatomy_). Une première phase comprend d’ailleurs de nombreux affrontements verbaux souvent stéréotypés : « Tu as déjà décidé toute seule ».</p>
<p>Dans la série humoristique canadienne <em>Workin’ Moms</em>, Ann et Lionel listent sur un tableau le pour et le contre, comme pour élaborer un schéma décisionnel commun. Dans <em>Grey’s Anatomy</em>, Owen s’oppose violemment à la volonté de Cristina, en dépit de ses multiples tentatives d’explications. Il la met dehors : « Get out ! », signifiant ainsi l’échec du couple.</p>
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<h2>La possibilité d’un acte accompagné et entrevu</h2>
<p>« I love you » dit Lionel à Ann (<em>Workin’ Moms</em>) avant de monter l’escalier de la clinique avec elle. On ne verra rien de plus.</p>
<p>« Rien que de repenser aux biberons, aux couches, aux bronchiolites, j’ai juste envie de crever, là. » : dans <em>Drôle</em>, passée la période des argumentations, Aïssatou est dans les bras de son mari lorsqu’elle se tord de douleur sur le lit après avoir pris la pilule abortive.</p>
<p>Dans <em>Sex Education</em>, la jeune Maeva va trouver accompagnement et réconfort auprès de ses compagnes de clinique, du corps médical et de son meilleur ami Otis. La scène est suffisamment rare pour être signalée. Elle nous mène de l’anesthésie aux recommandations médicales postopératoires. Elle nous propose aussi la rencontre émouvante d’une femme dont ce n’est pas le premier IVG.</p>
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<h2>La récurrence d’un acte condamné</h2>
<p>Dans <em>Grey</em>’s Anatomy_, la colère d’Owen vacille lorsque l’amie de Cristina, Meredith, lui parle de sa propre enfance d’enfant non désiré : « Sais-tu ce que c’est que d’être élevée par une mère qui ne voulait pas de toi ? Moi je sais ». Il semble comprendre alors ce qu’une grossesse non voulue pourrait engendrer. <a href="https://youtu.be/peezG_HUnKk">Ses préjugés s’estompent</a>.</p>
<p>Cependant, malgré ses efforts, la colère ressurgit et les accusations stéréotypées tombent : « Tu as tué notre enfant. »</p>
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<p>La condamnation est sans appel. Elle n’est pas sans faire écho aux propos d’Augusto dans la série brésilienne <em>Cosa Mais Linda</em>, qui se déroule dans les années 50. Ce dernier, ayant tué sa femme qui l’avait quitté, obtient l’indulgence du jury en clamant : « Elle a tué la première ! Elle a tué notre enfant. »</p>
<p>On n’est plus très loin de la République de Gilead dans <em>La Servante Écarlate</em> où toute tentative d’avortement est punie de mort pour la femme, comme pour le médecin.</p>
<h2>Un enfant, si je veux, quand je veux</h2>
<p>Emblématique de la lutte des femmes <a href="https://journals.openedition.org/lectures/9190">pour le droit à l’avortement et l’accès à la contraception</a>, ce fameux slogan des années 70 symbolisait une maternité non subie mais librement choisie.</p>
<p>Si de nombreuses séries s’intéressent à la complexité des cheminements qui mènent à cette liberté, il reste beaucoup de territoires à explorer. Les enjeux et difficultés de la contraception en constituent une partie <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/05/24/idee-recue-n-4-l-ivg-est-pratiquee-par-des-femmes-qui-n-utilisaient-pas-de-moyens-de-contraception_5304024_4355770.html">notamment dans les préjugés qu’ils véhiculent</a>. Le rôle du corps médical sur lequel repose la clause dite de conscience accentue cette condamnation latente.</p>
<p>La lettre de Trixie dans <em>Call the Midwife</em> l’aborde ouvertement.</p>
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<p>Dans <em>En Thérapie</em>, Inès réclame au docteur Dayan « l’enfant que vous me devez », le rendant responsable de son avortement à l’âge de 17 ans. Grâce à son écoute, elle va apprendre à surmonter les non-dits et les systèmes de culpabilisation pour être libre de décider vraiment. D’avoir un enfant ou non.</p>
<p>Aujourd’hui alors que le droit à l’avortement est ouvertement menacé, il est plus que jamais nécessaire de comprendre que le droit à cet acte, jamais banal, ne doit pas disparaître.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182692/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monika Siejka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment parler d’avortement dans les séries ? Entre évocations timides, représentations audacieuses et questionnements éthiques, tour d’horizon dans les productions récentes.Monika Siejka, Enseignante Chercheuse en storytelling, leadership et management, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.