tag:theconversation.com,2011:/id/topics/zoologie-35459/articleszoologie – The Conversation2024-01-29T15:49:07Ztag:theconversation.com,2011:article/2213372024-01-29T15:49:07Z2024-01-29T15:49:07ZÀ la découverte de l’univers sensoriel des dauphins et de leurs trois « super-sens »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571941/original/file-20240129-15-onehyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4265%2C2826&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dauphins peuvent communiquer de manière très efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/photographie-en-accelere-de-deux-dauphins-nageant-dans-la-mer-ZYPQDN_xSqk">Arielle Allouche / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Imaginez que vous êtes dans une pièce confortable avec votre chat. Vous êtes tous deux soumis au même espace, à la même température et au même éclairage. Néanmoins, alors que vous appréciez le décor, probablement le goût du chocolat chaud ou la programmation télévisuelle, le chat semble intrigué par autre chose. Peut-être est-il à la recherche des friandises que vous lui avez promises, ou bien veille-t-il à ce que personne ne s’introduise dans son coin détente, un vieux fauteuil près du chauffage. D’une certaine manière, même si vous évoluez dans le même environnement, vous et votre chat percevez différemment l’univers qui vous entoure.</p>
<p>En 1934, un scientifique allemand nommé Jakob von Uexküll s’est penché sur cette question et l’a définie comme l’« umwelt » (environnement en allemand). L’<a href="https://monoskop.org/images/1/1d/Uexkuell_Jakob_von_A_Stroll_Through_the_Worlds_of_Animals_and_Men_A_Picture_Book_of_Invisible_Worlds.pdf"><em>umwelt</em> est la perception qu’à chaque individu du monde dans lequel il vit</a>.</p>
<p>Mais alors comment les autres animaux perçoivent-ils leur environnement ? Je m’intéresse en particulier à ceux qui vivent au sein d’habitats drastiquement différents de ceux des humains, tels que les dauphins dans l’immensité de l’océan.</p>
<p>Mieux comprendre comment les autres animaux perçoivent leur environnement nous permet de mieux les protéger. Par exemple pour les dauphins, savoir comme ils perçoivent leur environnement permet de connaître l’impact du bruit sous-marin sur leur communication et prendre des mesures dans les aires marines protégées pour contrôler le bruit sous-marin.</p>
<p>Plongeons à la découverte des trois super-sens des dauphins, à savoir : la perception magnétique, la perception électrique et l’écholocalisation.</p>
<h2>La perception magnétique chez les dauphins</h2>
<p>La perception magnétique a été mise en évidence pour la première fois chez les dauphins en 1981 : des chercheurs américains ont trouvé des <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/7256282">fragments de magnétite étroitement liées à des connexions neuronales extraites du cerveau de quatre dauphins communs</a> échoués. À l’époque, les scientifiques ont été surpris par leur découverte et ont suggéré que cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Magn%C3%A9tite">magnétite</a> pouvait avoir une fonction sensorielle ou jouer un rôle dans la navigation.</p>
<p>En 1985, une autre équipe de chercheurs a découvert une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/120/1/1/4953/Evidence-From-Strandings-for-Geomagnetic">relation entre les positions d’échouage des cétacés et le champ géomagnétique de la Terre</a> : plusieurs espèces de baleines et de dauphins ont en fait tendance à s’échouer dans des endroits où l’intensité magnétique est faible. Une hypothèse pour expliquer ce phénomène est que, si les cétacés utilisent le champ magnétique terrestre pour se repérer, les zones où l’intensité magnétique est plus faible augmenteraient les probabilités d’échouage, faute de repérages.</p>
<p>C’est en 2014, avec une équipe de scientifiques de l’Université de Rennes 1, que j’ai mené une étude comportementale qui nous a permis de montrer que les <a href="https://hal.science/hal-01134557">grands dauphins possèdent un sens magnétique</a>. Dans cette étude, nous avons testé la réponse spontanée de 6 dauphins captifs à la présentation de deux types d’appareils de même forme et densité : le premier dispositif contenait un bloc de néodyme (un métal) magnétiquement chargé tandis que le bloc du second était totalement démagnétisé.</p>
<p>Les dauphins s’approchaient beaucoup plus rapidement du dispositif lorsque celui-ci contenait un bloc de néodyme fortement magnétisé. Cela nous a permis de conclure que les dauphins sont capables de discriminer les deux stimuli sur la base de leurs propriétés magnétiques.</p>
<p>Ces données soutiennent l’hypothèse que les cétacés peuvent se repérer à l’aide du champ magnétique terrestre et que, par conséquent, quand ce champ est plus faible, les tendances à l’échouage sont plus importantes.</p>
<h2>La perception électrique</h2>
<p>Les poissons émettent de faibles champs électriques causés par le mouvement de leurs muscles et de leurs squelettes. Certains prédateurs, notamment dans des zones benthiques (au fond de l’océan) à visibilité réduite, sont capables de percevoir leurs proies via ces champs électriques. Une capacité partagée par diverses espèces aquatiques et semi-aquatiques.</p>
<p>Chez les dauphins, l’électroréception a été mise en évidence en 2012 pour la première fois. Les structures appelées <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2011.1127">« cryptes vibrissales glabres » du rostre des dauphins de Guyane (l’une des plus petites espèces) servent d’électro-récepteurs</a>. Dans cette étude, les chercheurs ont remarqué que les cryptes vibrissales possèdent une structure ampullaire bien innervée, rappelant les électro-récepteurs ampullaires d’autres espèces comme les elasmobranches (requins et raies), les lamproies, les poissons-spatule, les poissons-chats, certains amphibiens et chez les mammifères protères (par exemple les ornithorynques et les échidnés). Ces cryptes vibrissales marcheraient comme des récepteurs sensoriels capables de capter de petits champs électriques émis par les proies dans des environnements aquatiques.</p>
<p>La même étude a également trouvé des preuves comportementales de l’électroperception. Un dauphin de Guyane mâle a été entraîné à répondre à des stimuli électriques de l’ordre de grandeur de ceux générés par des poissons de taille petite à moyenne. Par exemple, un poisson rouge d’une longueur de 5-6 centimètres produit des champs électriques de 90 microvolts par centimètres, avec un pic d’énergie à 3 hertz. Des champs bioélectriques de 1 000 microvolts par centimètres ont été rapportés chez les limandes – une magnitude qui équivaut à un cent-millième de la charge électrique d’une ampoule électrique.</p>
<p>Le dauphin a été entraîné à placer sa tête dans un cerceau et à toucher une cible avec l’extrémité de son rostre. Il devait quitter le cerceau lorsqu’un stimulus était présenté, et devait rester dans le cerceau pendant au moins 12 secondes lorsqu’aucun stimulus n’était présenté.</p>
<p>Cette expérience a montré que les dauphins perçoivent des champs électriques faibles – une sensibilité comparable à celle des électrorécepteurs des ornithorynques. La première démonstration claire de l’électroréception chez l’ornithorynque a été réalisée à Canberra en 1985 par une équipe germano-australienne, qui a montré que les <a href="https://www.nature.com/articles/319401a0">ornithorynques recherchaient et attaquaient les batteries immergées et invisibles par ailleurs</a>.</p>
<p>En 2023, une équipe de chercheurs a trouvé des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38035544/">seuils de détection similaires chez le grand dauphin</a>, en utilisant le même test comportemental.</p>
<p>On pense aujourd’hui que l’électroréception peut faciliter la détection des proies à courte distance et l’abattage ciblé des proies dans les fonds marins.</p>
<p>En outre, la capacité de détecter de faibles champs électriques pourrait permettre aux dauphins de percevoir le champ magnétique de la Terre grâce à une magnétoréception, qui leur permettrait peut-être de s’orienter à grande échelle.</p>
<h2>L’écholocalisation</h2>
<p>Le sens le plus étudié chez les dauphins reste l’<a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2016.00049/full">écholocalisation</a>.</p>
<p>Cette fois-ci, c’est un sens plus actif que pour la détection de champs électriques ou magnétiques. En effet, les dauphins produisent des séquences de clics avec leurs lèvres phoniques (situées dans l’évent, la narine située sur la tête des dauphins). Les clics produits sont très directionnels, vers l’avant. Lorsqu’ils touchent une surface, l’onde sonore revient et est perçue à travers la mâchoire inférieure du dauphin. Ainsi, les dauphins perçoivent extrêmement bien les ondes acoustiques, sans avoir d’oreilles externes et tout en conservant leur hydrodynamisme.</p>
<p>Grâce à ces informations, le dauphin peut non seulement connaître l’emplacement d’une cible, mais aussi déduire sa densité : un <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article-abstract/68/4/1077/625152/Long-range-target-detection-in-open-waters-by-an">dauphin peut distinguer à une distance de 75 mètres si une sphère d’un pouce (2,54 cm) de diamètre est faite d’acier solide ou remplie d’eau</a>.</p>
<h2>Les dauphins communiquent par des canaux qui nous sont inaccessibles</h2>
<p>Mais cette impressionnante capacité à « voir avec les oreilles » ne s’arrête pas là. En effet, les <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03199007">dauphins peuvent écouter les échos des clics produits par leurs congénères, une capacité appelée « eavesdropping »</a>, que l’on pourrait traduire par « écoute clandestine ». Ils peuvent ainsi « partager » ce qu’ils détectent avec les membres de leur groupe et coordonner leurs mouvements.</p>
<p>Dans le cadre de mes recherches, je me suis intéressée à la <a href="https://go.gale.com/ps/i.do?id=GALE%7CA491087577&sid=googleScholar&v=2.1">manière dont les dauphins utilisent leurs clics pour synchroniser leurs mouvements</a>. Pour ce faire, j’ai exploité une <a href="https://www.aquaticmammalsjournal.org/article/vol-43-iss-2-lopez-marulanda/">méthode d’enregistrement utilisant quatre hydrophones et une caméra à 360°</a>, qui permettent de savoir quel dauphin émet un son – ce qui était jusque là impossible car les dauphins n’ouvrent pas la gueule pour vocaliser.</p>
<p>J’ai pu montrer que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0376635721000449">lorsque les dauphins sautent de manière synchronisée, dans un delphinarium, l’un des animaux produit les clics et les autres restent silencieux</a>. Dans notre expérience, l’animal qui produisait les clics était toujours la femelle la plus âgée.</p>
<p>La même chose se produira-t-elle dans la nature lorsque les dauphins pêchent en coordination ? Pour le vérifier, il faudrait utiliser la même méthode d’enregistrement audiovisuel à 360° dans l’océan. Cela impliquerait établir une base d’observation dans une zone d’alimentation à bonne visibilité, par exemple lorsque les dauphins pêchent autour des fermes aquicoles. La proximité régulière des dauphins permettrait d’enregistrer leur comportement de pêche en solitaire, et de mieux comprendre comment ils coopèrent et se coordonnent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juliana López Marulanda est co-fondatrice de la Fondation Macuaticos Colombia pour la recherche et la conservations des cétacés en Colombie. </span></em></p>Plongeons à la découverte des trois super-sens des dauphins : la perception magnétique, la perception électrique et l’écholocalisation.Juliana López Marulanda, Enseignante chercheuse en éthologie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205652024-01-14T16:29:42Z2024-01-14T16:29:42ZLes dauphins ne peuvent pas boire l’eau dans laquelle ils nagent, alors comment s’hydratent-ils ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568916/original/file-20240111-29-z4hwam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5954%2C3347&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour boire, les dauphins mangent des poissons.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-groupe-de-dauphins-nageant-au-dessus-dun-recif-corallien-hKURiUaSGsc">Oleksandr Sushko / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Pour tous les amoureux des animaux, le mois de septembre 2023 restera un mois noir. Sur les berges du lac Tefé, un affluent de l’Amazone au Brésil, 130 dauphins roses (<em>Inia geoffrensis</em>), 23 dauphins tucuxi (<em>Sotalia fluviatilis</em>), mais également des milliers de poissons ont été retrouvés sans vie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qvX1NvLDgGI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Brésil : plus de 120 dauphins roses retrouvés morts (France 24).</span></figcaption>
</figure>
<p>Selon les propos des membres de l’Institut Mamirauá, un centre de recherche en partie financé par le ministère brésilien des Sciences, <a href="https://www.leparisien.fr/environnement/rechauffement-climatique-102-dauphins-roses-retrouves-morts-dans-le-fleuve-amazone-trop-chaud-01-10-2023-WDNWGDQWOJDMHCRV7WSDEKHQCM.php">recueillis par le <em>Parisien</em></a> : </p>
<blockquote>
<p>« Il est encore tôt pour déterminer la cause de cet événement extrême, mais selon nos experts, il est certainement lié à la période de sécheresse et aux températures élevées du lac Tefé, dont certains points dépassent les 39 °C. »</p>
</blockquote>
<p>Et si ces dauphins, véritables icônes de la faune brésilienne, étaient morts de soif ? Cela semble improbable, me diriez-vous, puisqu’ils ont accès à de l’eau en abondance. Mais, savez-vous comment les dauphins s’hydratent ? Boivent-ils réellement l’eau dans laquelle ils vivent ? La réponse est non, voyons donc comment ils maintiennent un niveau d’hydratation correcte.</p>
<h2>Les dauphins vivant dans les océans ne boivent pas l’eau de mer</h2>
<p>Pour les dauphins d’eau douce, c’est encore un mystère puisqu’aucune étude scientifique ne s’est, à l’heure actuelle, intéressée à la question. En revanche, nous possédons des informations précieuses sur la manière dont les dauphins vivant dans les océans s’hydratent.</p>
<p>Contrairement à ce que nous pourrions penser, les dauphins ne boivent pas l’eau salée dans laquelle ils vivent puisque pour eux, comme pour nous, un <a href="https://www.actiononsalt.org.uk/salthealth/">excès de sel peut être mortel</a>. <a href="https://doi.org/10.1242/jeb.245648">Dans notre étude récemment publiée</a> dans la revue scientifique <em>Journal of Experimental Biology</em>, nous avons confirmé que les dauphins ne boivent pas de l’eau de mer <a href="https://theconversation.com/torben-quand-les-poissons-ont-soif-est-ce-quils-boivent-de-leau-de-mer-141249">contrairement aux poissons osseux</a> (le thon, le hareng ou encore la sardine), aux tortues marines et aux oiseaux marins. En effet, boire de l’eau de mer nécessite de disposer d’un moyen de se débarrasser de l’excès de sel, et certains animaux marins disposent pour ce faire d’organes appelés <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-662-00989-5_25">glandes à sels</a>.</p>
<p>Les dauphins en sont dépourvus, et leurs reins ne sont pas capables d’éliminer une quantité trop importante de sels. Mais alors, comment s’hydratent-ils ? Les dauphins ne boivent pas « volontairement » comme nous pourrions l’imaginer, ils s’hydratent de manière indirecte grâce à l’eau contenue au sein de leurs proies (entre 70 et 85 % de la masse totale chez les poissons) et de l’eau produite au niveau des mitochondries, des organites situés dans les cellules, qui produisent de l’eau, appelée eau métabolique, issue de la dégradation des molécules organiques ingérées par l’animal (glucides, protéines, lipides).</p>
<p>La question de l’hydratation chez les dauphins agitait l’esprit des scientifiques depuis près d’un siècle. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/5452073/">Les premières études physiologiques</a> réalisées au milieu du vingtième siècle avaient montré qu’ils ne buvaient pas, mais les expériences se basaient uniquement sur des dauphins à jeun et donc privé d’une source d’eau : la nourriture.</p>
<p>Aujourd’hui, c’est l’eau des proies et l’eau métabolique qui sont considérées comme les <a href="https://doi.org/10.1007/s00227-019-3567-4">deux principales sources d’eau chez les dauphins</a>, mais leurs contributions respectives restent inconnues, en particulier chez les animaux nourris. Pour déterminer la proportion respective d’eau provenant des proies, de l’eau métabolique et de l’eau salée environnante chez les Odontocètes (les cétacés à dents tels que les dauphins, les orques ou encore les cachalots en opposition aux Mysticètes, les baleines à fanons), nous avons analysé la composition isotopique de l’oxygène (<sup>18</sup>O et <sup>16</sup>O, tous deux des atomes d’oxygène, mais dont la masse diffère par leur nombre de neutrons au sein de leur noyau) de l’eau contenue dans leur corps afin de déterminer son origine.</p>
<h2>Les isotopes de l’oxygène comme traceurs des sources d’eau</h2>
<p>Pour cela nous avons mesuré la composition isotopique de l’oxygène de l’eau contenue dans le plasma sanguin et de l’urine de quatre orques, <em>Orcinus orca</em>, et de neuf grands dauphins, <em>Tursiops truncatus</em>, nés et élevés en structure zoologique. Ces valeurs ont été comparées à celle de l’eau contenue dans leurs proies et celle de l’eau environnante (eau du bassin dans lequel ils vivent) et ceci pendant un an et à intervalles réguliers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Prise de sang sur un grand dauphin, Tursiops truncatus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">R.Amiot au Zoo Marineland</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Puis dans un second temps, ces données ont servi à alimenter un modèle mathématique permettant de prédire les contributions des différentes sources d’eau des cétacés.</p>
<p>Les résultats isotopiques obtenus et ceux de la modélisation indiquent que l’eau des proies constitue la source principale d’apport d’eau chez les orques et les grands dauphins (61–67 % des apports totaux), suivie par l’eau métabolique (28–35 % des apports totaux). La production d’eau métabolique étant <a href="https://doi.org/10.1139/y71-007">significativement plus élevée</a> chez les orques dont le régime alimentaire est plus riche en lipides. Le reste étant de l’eau de mer environnante ingérée accidentellement et de la vapeur d’eau inhalée lors de la respiration.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Contributions relatives de chacune des sources d’eau chez les orques et les grands dauphins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Séon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nos recherches apportent de nouvelles informations sur la physiologie des cétacés, avec des implications majeures concernant les problématiques de conservation concernant ces organismes. En raison du fait que ces animaux tirent de leur nourriture l’eau permettant de les maintenir hydratés, la surpêche dans certaines régions du monde et le réchauffement climatique actuel qui affecte la distribution des proies des cétacés s’affichent comme des défis majeurs pour la préservation de la biodiversité marine.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été coécrit par Isabelle Brasseur, Responsable Éducation – Recherche et Conservation à Marineland Côte d’Azur</em>.</p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE31-0020">OXYMORE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Séon, Peggy Vincent et Romain Amiot ont reçu des financements du CNRS sous le projet ANR OXYMORE. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Peggy Vincent et Romain Amiot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Qu’ils vivent dans l’eau douce ou salée, les dauphins ne peuvent pas directement boire pour s’hydrater, mais se servent de leur nourriture.Nicolas Séon, Docteur en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Peggy Vincent, Chercheuse CNRS en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Romain Amiot, Chargé de Recherche, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205042024-01-04T21:56:24Z2024-01-04T21:56:24ZDossier : L’humain doit-il avoir une place spéciale au sein du vivant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567899/original/file-20240104-23-syqbz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5982%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Où doit-on se placer par rapport à l'animal ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-femme-avec-un-parapluie-rouge-passe-devant-un-buffle-deau-h3aBP-EA0WA">Nathan Cima/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Au fur et à mesure des découvertes scientifiques, les barrières entre l’humain et les animaux semblent se briser : intelligence, sociabilité, capacité d’abstraction… À tel point que l’on pourrait se demander si parler du « propre de l’homme » a encore un sens. Pour y réfléchir, nous vous proposons une série de quatre articles pour mieux trouver notre place parmi le vivant qui nous entoure.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-separe-vraiment-lhumain-de-lanimal-une-histoire-de-la-classification-zoologique-218204">Qu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ? Une histoire de la classification zoologique</a></h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567712/original/file-20240103-25-up09js.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’humain fait partie du groupe des primates, tout comme l’orang-outan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joshua J. Cotten/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Homme ou animal, homme et animal, homme-animal, homme sage versus animal machine… Qu’est-ce qui distingue l’humain des autres animaux ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/peut-on-encore-parler-de-propre-de-lhomme-et-comment-se-place-homo-sapiens-parmi-les-autres-especes-humaines-218630">Peut-on encore parler de « propre de l’homme » et comment se place Homo Sapiens parmi les autres espèces humaines ?</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567880/original/file-20240104-27-rttb38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sommes-nous si différents des autres espèces humaines ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Crawford Jolly/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Nous sommes la dernière espèce vivante du genre Homo, mais pouvons-nous vraiment nous différencier de nos cousins, aujourd’hui disparus ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/parentalite-ce-qui-distingue-les-humains-des-animaux-220114">Parentalité : ce qui distingue les humains des animaux</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567883/original/file-20240104-17-78kwgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Difficile de ne pas comparer ce comportement à celui d’un humain avec son enfant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lewis Roberts/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La grande majorité des animaux s’occupent de leurs petits, surtout les femelles, parfois les mâles. Sommes-nous des parents-animaux comme les autres ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/faire-societe-du-chimpanze-a-lhumain-217949">« Faire société », du chimpanzé à l’humain</a></h2>
<p>Les chimpanzés s’organisent en groupes, avec une hiérarchie bien établie. Peut-on alors parler de société ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Tonson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au fil de l’histoire, l’humain a souvent été tenté de se placer au-dessus de l’animal ; comment penser notre rapport au vivant aujourd’hui ?Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182042023-12-26T16:58:54Z2023-12-26T16:58:54ZQu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ? Une histoire de la classification zoologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567338/original/file-20231226-15-s1lto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C3500%2C2609&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'humain fait partie du groupe des primates, tout comme l'orang-outan.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/singe-brun-couche-sur-textile-vert-73gRvjpsqz8">Joshua J. Cotten/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En ces temps de crise de la biodiversité et de questionnements sur le vivant, la vieille question de la dualité homme-animal est, semble-t-il, toujours d’actualité. Même si le « vraiment » de la question laisse entendre qu’au fond la séparation n’est pas si profonde.</p>
<p>Sur le plan de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biologie-22231">biologie</a>, de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zoologie-35459">zoologie</a> même devrait-on préciser, le paradoxe a été levé depuis longtemps. L’homme est un animal. Il ne peut donc se séparer de lui-même.</p>
<p>La question n’est donc plus de nature scientifique, mais philosophique et sociologique. Il reste que pour la plupart d’entre nous la réponse scientifique importe peu tant les termes sont connotés. Affirmer que l’homme est un animal a peu de poids. L’affirmation serait-elle admise que la question deviendrait : qu’est-ce qui distingue l’humain des autres animaux ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/parentalite-ce-qui-distingue-les-humains-des-animaux-220114">Parentalité : ce qui distingue les humains des animaux</a>
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<h2>L’humain classé parmi les primates par Linné</h2>
<p>Depuis des siècles les caractéristiques biologiques de l’humanité ont toutes été intégrées dans le panorama des traits des êtres vivants en général et des animaux en particulier. Et pourtant l’homme s’est quasiment toujours singularisé par rapport au reste du monde vivant. Toute une tradition de réflexion philosophique et spirituelle s’oppose à la vision unitaire de la science biologique.</p>
<p>C’est là le grand problème que Linné au 1VIII<sup>e</sup> siècle a cru résoudre définitivement. Dans son <a href="https://www.biodiversitylibrary.org/item/10277#page/1/mode/1up"><em>Systema Naturae</em></a> dont la 10<sup>e</sup> édition datant de 1758 est considérée comme le point de départ de la nomenclature zoologique moderne, l’homme, genre Homo, est classé, parmi les animaux, dans l’ordre des Primates – les « premiers », noblesse oblige –, mais en compagnie de trois autres genres : Simia (les singes), Lemur (les lémuriens incluant, pour Linné, le galéopithèque, un petit mammifère arboricole planeur d’Indonésie) et Vespertilio (les chauves-souris).</p>
<p>Ce choix est significatif et fait de Linné un pionnier qui, d’une certaine manière, dépassa les concepts de la majorité de ses successeurs du 1IX<sup>e</sup> siècle. De fait en 1910, une fois la biologie devenue évolutionniste, l’anatomiste <a href="https://www.biodiversitylibrary.org/creator/1818#/titles">William K. Gregory</a> nomma Archonta un groupe réunissant les primates (singes, lémuriens, homme), les chauves-souris (ordre des chiroptères), le galéopithèque (ordre des dermoptères) à quoi s’ajoutent des mammifères insectivores inconnus de Linné, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tupaiidae">toupayes</a> (mammifères arboricoles d’Asie).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=715&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=715&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=715&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=898&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=898&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567339/original/file-20231226-15-ny6ez0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=898&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un toupaye.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tupaiidae#/media/Fichier:Tupaia_cf_javanica_050917_manc.jpg">W. Djatmiko/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’homme était non seulement un membre des Primates, mais aussi un membre des Mammalia (tous ces termes sont dus à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_von_Linn%C3%A9">Carl Von Linné</a>). On peut remonter la hiérarchie classificatoire est inclure l’homme dans les amniotes, dans les vertébrés, dans les animaux. Les animaux c’est-à-dire dans les classifications le règne des Animalia, aujourd’hui appelé Metazoa (mot qui signifie la totalité des animaux) – les deux termes sont synonymes.</p>
<p>Le terme de Metazoa à la sonorité incontestablement scientifique ne heurte aucune oreille. Dire que l’homme est un métazoaire ne choque personne. Dire qu’il est un métazoaire parce qu’il est pluricellulaire et possède une protéine qui structure le lien entre les cellules – le collagène – est affaire de spécialistes et empêche invariablement toute percée philosophique. Aucune sensibilité là-dedans. Un animal, c’est autre chose, n’est-ce pas ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-pionniers-de-la-biologie-ont-ils-participe-a-la-construction-du-racisme-194105">Les pionniers de la biologie ont-ils participé à la construction du racisme ?</a>
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<h2>Les successeurs de Linné ont voulu placer l’humain hors du règne animal</h2>
<p>Linné à sa manière a été un révolutionnaire. Ses successeurs se sont attachés à défaire le regroupement des Primates. Le naturaliste français <a href="https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/12116326/page1">Armand de Quatrefages</a> classa en 1861 l’homme seul dans le <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/quatrefages_armand_de/quatrefages_armand_de_photo/quatrefages_armand_de_photo.html">« règne humain »</a>, caractérisé par « l’âme humaine » reprenant une suggestion émise plus de quarante ans auparavant par l’agronome lamarckien <a href="https://data.bnf.fr/fr/10725384/charles-helion_barbancois-villegongis/">Charles-Hélion de Barbançois</a> : classer l’homme dans un règne à part, le « règne moral ».</p>
<p>Quatrefages s’attacha autant à réfléchir à l’unité de l’espèce humaine qu’à analyser la singularité de ses composantes. Pour Quatrefage, en savant positiviste, c’est-à-dire qui s’en tient aux faits, la notion de Règne (la plus haute des catégories de la classification) s’impose à l’esprit humain : les caractères qui définissent l’homme sont évidents et ne sont liés à aucune hypothèse ou théorie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseigner-la-theorie-de-levolution-en-france-aller-au-dela-des-voeux-pieux-71318">Enseigner la théorie de l’évolution en France : aller au-delà des voeux pieux</a>
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<p>L’âme humaine, différente de l’âme animale serait un pur fait d’observation. Auparavant, l’anatomiste allemand <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_Friedrich_Blumenbach">Johann Friedrich Blumenbach</a> et l’anatomiste français <a href="http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-cuvier.htm">Georges Cuvier</a> opposèrent l’homme seul (ordre des Bimana) aux autres primates (ordre des Quadrumana). Le naturaliste allemand J. C. Illiger avait classé l’homme seul (seul à être debout) dans les Erecta, tandis que l’anatomiste britannique Richard Owen, adversaire résolu du darwinisme, en fit le seul représentant des Archencephala, introduction notable du cerveau comme spécificité humaine.</p>
<p>On peut remarquer toutefois qu’à l’exception de Quatrefages, tous les autres auteurs cités subordonnent l’espèce humaine au règne animal et à la classe des mammifères. On saisit bien la difficulté de ces anatomistes distingués qui, bien conscients des caractères morphologiques et physiologiques qui tout en intégrant parfaitement l’homme dans les mammifères, étaient tentés irrépressiblement, aussi en tant que croyants, de l’opposer au reste de la création.</p>
<h2>« L’homme sage »</h2>
<p>L’anatomiste, celui qui décide, c’est bien l’homme, <em>Homo sapiens</em> (« l’homme sage » que Linné n’a pas nommé comme tel par hasard). On aura donc compris que ces affirmations taxinomiques ont pour objet de placer l’Homo sapiens à part, en fonction de traits qui lui sont propres, du psychisme à la bipédie, et non d’identifier une séquence de caractères partagés par l’homme et différents animaux.</p>
<p>Que l’homme soit opposé au reste du règne animal ou bien à son plus proche parent animal revient au même. Un évolutionniste tel que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Julian_Huxley">Julian Huxley</a> prit en 1957 l’exemple de la classification de l’homme pour illustrer sa conception du « grade évolutif ». L’activité intellectuelle de l’homme est telle qu’elle lui suffit pour concevoir une niche écologique sans précédent. Le cerveau humain situerait l’homme, seul, au niveau de la plus haute des catégories, le règne : le règne des Psychozoa.</p>
<p>On le sait, le plus proche parent vivant de l’homme (Homo) est le chimpanzé (Pan). Dans les années 1960, les premières classifications incluant les deux genres dans la famille des Hominidae firent scandale. Le tableau de famille était dégradé, gâché, détruit.</p>
<h2>7 millions d’années d’évolution</h2>
<p>La biologie moléculaire nous dit que l’homme et les chimpanzés sont presque identiques génétiquement parlant. Mais c’est en pure perte : on reconnaît aisément un homme d’un chimpanzé. On devrait dire : on reconnaît aisément les deux animaux. La baleine bleue et la musaraigne aussi sont des animaux, et même des mammifères, certes bien distincts. Leurs différences sont infiniment plus grandes que celles qui séparent l’homme et le chimpanzé, mais elles ne sont pas importantes à nos yeux d’hommes sages. Philosophiquement parlant, ce ne sont pas elles qui nous concernent. L’anthropocentrisme est patent. En fait, après des centaines de millions d’années d’évolution animale, la lignée humaine est celle des chimpanzés se sont séparées il y a 7 millions d’années environ.</p>
<p>Sept millions d’années d’évolution : voilà qui est responsable de l’existence des humains et des chimpanzés à la surface de la planète. Et rien d’autre.</p>
<p>L’homme est pétri de caractères animaux depuis le liquide amniotique dans lequel baigne l’embryon rappelant les origines aquatiques des animaux jusqu’à l’éminence mentonnière qui fait saillie à l’avant de la mâchoire inférieure (la grande invention ostéologique des humains !) en passant par tous les traits de vertébrés, de tétrapodes, de mammifères et de primates. L’homme n’est qu’un animal comme les autres et différent de tous les autres comme le sont toutes les espèces animales les unes des autres.</p>
<p>Peut-on se contenter d’une telle affirmation ? Les mots du quotidien sont lourds de sens et de contresens. Le verbe persiste, tenace. Malgré l’idéologie et la perte des repères scientifiques, on n’aura pas la mauvaise grâce de s’en plaindre puisque le verbe, après tout, est l’une des caractéristiques d’Homo sapiens, au moins dans la nature actuelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Tassy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Homme ou animal, homme et animal, homme-animal, homme sage versus animal machine… Qu’est-ce qui distingue l’humain des autres animaux ?Pascal Tassy, Professeur, paléontologue, paléomammalogie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2006262023-03-17T14:12:35Z2023-03-17T14:12:35ZLes serpents peuvent entendre nos cris, selon une nouvelle étude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512090/original/file-20230223-644-axvk6k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C3335%2C2218&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien que la vue et le goût soient les principaux sens par lesquels les serpents perçoivent leur environnement, notre étude permet de constater que l’ouïe joue un rôle important dans le répertoire sensoriel des serpents.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Christina Zdenek)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les spécialistes savent depuis longtemps que les serpents peuvent ressentir les vibrations sonores dans le sol – ce qu’on appelle détection « tactile » –, mais nous nous sommes demandé s’ils peuvent également entendre les vibrations sonores aériennes, et surtout, comment ils réagissent aux sons.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-serpents-ont-un-clitoris-196641">Les serpents ont un clitoris</a>
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<p>Dans un <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0281285">nouvel article</a> publié dans PLOS One, nous arrivons à la conclusion que les serpents utilisent l’ouïe pour interpréter le monde, et nous réfutons le mythe selon lequel les serpents sont sourds aux sons aériens.</p>
<p>Notre étude, qui a porté sur 19 serpents de sept espèces, révèle que les serpents ont une ouïe aérienne, mais que les espèces ne réagissent pas toutes de la même manière aux sons.</p>
<h2>Comment les serpents réagissent-ils aux sons aériens et terrestres ?</h2>
<p>Bien que la vue et le goût soient les principaux sens par lesquels les serpents perçoivent leur environnement, notre étude permet de constater que l’ouïe joue un rôle important dans le répertoire sensoriel des serpents.</p>
<p>D’un point de vue évolutif, c’est tout à fait logique. Les serpents sont menacés par des prédateurs, notamment les varans, les chats, les chiens et d’autres serpents. L’ouïe sert à éviter les attaques ou les blessures (par exemple, en se faisant piétiner).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un taipan côtier se trouve au centre d’une grande grille noire et blanche sur le sol" src="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510230/original/file-20230215-26-xn6zpb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le taïpan côtier était l’une des espèces étudiées dans le cadre de notre recherche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina Zdenek)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour nos expériences, nous avons collaboré avec la <a href="https://www.qut.edu.au/about/our-university/organisational-structure/faculty-of-creative-industries,-education-and-social-justice-old/school-of-creative-practice"><em>School of Creative Practice</em></a> de l’Université de technologie du Queensland pour aménager une salle insonorisée et tester les serpents un par un.</p>
<p>En utilisant le silence comme condition témoin, nous avons fait jouer un son parmi trois, chacun couvrant une gamme de fréquences : 1-150Hz, 150-300Hz et 300-450Hz. À titre de comparaison, la voix humaine varie généralement entre 100 et 250 Hz, et les oiseaux gazouillent à environ 8 000 Hz.</p>
<p>Dans une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/205/19/3087/9027/Response-of-western-diamondback-rattlesnakes">étude précédente</a>, des chercheurs ont suspendu des crotales diamantins de l’Ouest (<em>Crotalus atrox</em>) dans un panier en maille d’acier et ont observé leurs comportements en réaction à des fréquences sonores situées entre 200 et 400 Hz. Dans une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/222/14/jeb198184/20779/Underwater-hearing-in-sea-snakes-Hydrophiinae">autre étude</a>, on a implanté par chirurgie des électrodes dans le cerveau de serpents sous anesthésie partielle afin de détecter des potentiels électriques en réponse à des sons allant jusqu’à 600 Hz.</p>
<p>Notre recherche est la première à étudier comment plusieurs espèces de serpents réagissent aux sons dans un espace où ils peuvent se déplacer librement. Nous avons également utilisé un accéléromètre pour déterminer si les sons produisaient des vibrations au sol. Cela nous a permis de confirmer que les serpents ne ressentaient pas seulement les vibrations du sol et enregistraient bel et bien les sons aériens.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510261/original/file-20230215-24-7w43c2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un taïpan côtier près d’une ferme de canne à sucre dans le Queensland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Chris Hay), Fourni par l’auteure</span></span>
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</figure>
<h2>Les serpents se rapprochent-ils ou s’éloignent-ils des sons ?</h2>
<p>La plupart des serpents ont manifesté des comportements très différents dans les essais avec son par rapport aux moments de silence.</p>
<p>Le python de Ramsay (<em>Aspidites ramsayi</em>) – un serpent non venimeux que l’on trouve dans toute la zone aride du centre de l’Australie – s’est mis à bouger davantage en réponse au son et s’en est même approché. Il a présenté un comportement intéressant appelé « périscopique », qui consiste à lever le tiers avant de son corps d’une manière qui évoque la curiosité.</p>
<p>En revanche, trois autres espèces – Acanthophis (vipère de la mort), Oxyuranus (taïpan) et Pseudonaja (serpent brun) – ont plutôt eu tendance à s’éloigner du son, signe d’un possible comportement d’évitement.</p>
<p>Les vipères de la mort sont des prédateurs en embuscade. Elles attendent que leur proie vienne à elles en utilisant le <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2435.2008.01466.x">leurre sur leur queue</a> (qu’elles agitent pour faire penser à un ver), et elles ne peuvent se déplacer rapidement. Il est donc logique qu’elles s’éloignent du son. Pour survivre, elles doivent éviter de se faire piétiner par de grands vertébrés comme les kangourous, les wombats ou les humains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510263/original/file-20230215-3672-ie0u3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vipère de la mort (<em>Acanthophis antarcticus</em>) en position d’embuscade au Mount Glorious, dans le Queensland.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina N. Zdenek), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les serpents bruns et les taïpans chassent activement et poursuivent leurs proies le jour. Cela signifie qu’ils risquent d’être victimes de prédateurs diurnes tels que les rapaces. Lors de nos expériences, ces deux serpents semblaient avoir les sens aiguisés. Les taïpans, en particulier, avaient tendance à manifester une attitude défensive et méfiante en réponse à un son.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CY26uRzqsS4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les taïpans côtiers ont eu des réactions méfiantes en réponse aux sons.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les serpents nous entendent-ils ?</h2>
<p>Notre étude réfute le mythe selon lequel les serpents sont sourds. Ils peuvent entendre, mais pas aussi bien que vous et moi. Les serpents ne distinguent que les basses fréquences, soit moins de 600 Hz environ, alors que la plupart des humains entendent un <a href="https://hypertextbook.com/facts/2003/ChrisDAmbrose.shtml">spectre beaucoup plus large</a>. Les serpents perçoivent probablement des versions étouffées de ce que nous entendons.</p>
<p>Alors, les serpents peuvent-ils nous entendre ? La fréquence de la voix humaine se situe entre 100 et 250Hz. Les sons utilisés au cours de notre étude comprenaient ces fréquences et étaient diffusés à une distance de 1,2 m des serpents à 85 décibels. C’est à peu près le volume d’une voix forte.</p>
<p>Les serpents ont réagi à ces sons, et plusieurs ont eu une forte réponse. On peut donc dire que les serpents peuvent percevoir la voix des gens qui parlent fort ou qui crient. Cela ne signifie pas qu’ils n’entendent pas quelqu’un qui parle (une conversation normale est d’environ 60 décibels) – nous n’avons tout simplement pas fait de tests à ce niveau sonore.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200626/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christina N. Zdenek reçoit des fonds du Conseil australien de la recherche et travaille pour l'Australian Reptile Academy.</span></em></p>Les spécialistes savent depuis longtemps que les serpents peuvent ressentir les vibrations sonores dans le sol. Or, une nouvelle étude démontre qu’ils peuvent également percevoir les sons aériens.Christina N. Zdenek, Post-doctoral Research Fellow, Venom Evolution Lab, The University of QueenslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966412022-12-19T15:18:12Z2022-12-19T15:18:12ZLes serpents ont un clitoris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501397/original/file-20221215-21-nnxaqr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1899%2C1260&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La découverte de ce qui semble être un clitoris fonctionnel offre une nouvelle perspective sur l'accouplement des serpents.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Luke Allen)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les serpents ont un clitoris – et, pour la première fois, nous en avons donné une description anatomique complète.</p>
<p>Dans <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2022.1702">notre étude</a>, publiée dans la revue scientifique <em>Proceedings of the Royal Society B</em>, nous décrivons la taille et la forme du clitoris (ou hémiclitoris) des serpents chez neuf espèces.</p>
<p>Nous avons également étudié de près la composition cellulaire du clitoris des couleuvres de la mort australiennes (<em>Acanthophis antarcticus</em>), et constaté qu’il était composé de tissu érectile et de faisceaux de nerfs.</p>
<p>La découverte de ce qui semble être un clitoris fonctionnel offre une nouvelle perspective sur l’accouplement des serpents.</p>
<h2>Trouver le clitoris des serpents</h2>
<p>Dans le cadre de ses recherches doctorales, notre étudiante Megan Folwell, de l’Université d’Adélaïde, avait disséqué des spécimens de serpents dans des musées. Elle est tombée sur une structure en forme de cœur dans la queue de la femelle, nichée entre deux glandes odorantes, qu’elle pensait être le clitoris (ou l’hémiclitoris, comme on l’appelle chez les serpents). Comme elle n’était pas certaine, elle m’a demandé d’y jeter un coup d’œil.</p>
<p>Comme j’avais également certains doutes, nous avons contacté Patricia Brennan du Mount Holyoke College aux États-Unis, qui est une experte de l’évolution des organes génitaux chez les vertébrés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une animation montrant un dessin filaire de la moitié inférieure du corps d’un serpent avec le clitoris mis en évidence" src="https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500876/original/file-20221213-151-bqi4g7.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le clitoris du serpent est une structure en forme de cœur, située dans la queue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Folwell et al</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En y regardant de plus près, nous avons constaté qu’il s’agissait d’une structure pleine de globules rouges et de tissu nerveux, comme on pourrait s’y attendre pour un tissu érectile. Cela suggère qu’il s’agit bien du clitoris, qui peut gonfler et être stimulé pendant l’accouplement.</p>
<p>Nous avons ensuite examiné neuf espèces différentes de serpents représentant les principales branches de l’évolution. Toutes avaient un clitoris, bien que la taille et la forme variaient.</p>
<h2>Pourquoi ne le savions-nous pas déjà ?</h2>
<p>Chez toutes les espèces, historiquement, les chercheurs ont accordé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35353194/">beaucoup</a> <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1001851">moins</a> d’attention aux organes génitaux féminins que ceux des mâles.</p>
<p>De plus, il est difficile d’avoir un bon aperçu des organes génitaux des serpents. Toutes les structures sont internes à la queue du serpent, pour la plupart, bien que le pénis du serpent (ou hémipénis) se gonfle pour l’accouplement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=627&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=627&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=627&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=788&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=788&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500912/original/file-20221214-13-kq7mqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=788&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le clitoris d’une vipère de la mort australienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Folwell et al</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le pénis des serpents a fait l’objet de nombreuses recherches, mais le clitoris des serpents a été oublié.</p>
<p>Bien qu’il existe des rapports antérieurs, la plupart se réfèrent en fait à des lézards, ou décrivent par erreur le pénis ou les glandes odorantes, ou encore ne comportent que de vagues descriptions sans références anatomiques. Des études portant sur des espèces chez lesquelles les individus hermaphrodites sont relativement courants ont accentué cette confusion.</p>
<p>Cependant, nous avons montré que le clitoris du serpent, bien qu’il partage ses origines développementales avec le pénis, est très différent de ce dernier – et notre description anatomique détaillée devrait permettre d’éviter ce type de confusion à l’avenir.</p>
<h2>Un élément crucial de l’anatomie</h2>
<p>Chez d’autres espèces, nous savons que le clitoris a des <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/articleSelectSinglePerm?Redirect=https%3A%2F%2Fwww.sciencedirect.com%2Fscience%2Farticle%2Fpii%2FS0065345420300012%3Fvia%253Dihub&key=22f7498e0cabf6da1cbf5bbec791b299065c7bd7">fonctions importantes</a> dans la reproduction.</p>
<p>De nombreux scientifiques ont supposé que les serpents femelles n’avaient pas de clitoris, et donc aucune capacité d’excitation. Il a donc généralement été présumé que l’accouplement chez les serpents est en grande partie une question de mâles contraignant les femelles.</p>
<p>Mais un élément crucial de l’anatomie était absent de cette conversation. Notre découverte suggère que l’excitation féminine – et une certaine forme de séduction – pourrait jouer un rôle.</p>
<p>Nous avons encore beaucoup à apprendre. Il se peut que les variations du clitoris d’une espèce à l’autre soient corrélées aux comportements de parade nuptiale et d’accouplement et nous aident à comprendre comment les femelles choisissent leurs compagnons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196641/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jenna Crowe-Riddell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La première description du clitoris des serpents pourrait changer ce que nous pensons savoir sur l’accouplement et la parade nuptiale chez les reptiles rampants.Jenna Crowe-Riddell, Postdoctoral Researcher in Neuroecology, La Trobe UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898372022-09-09T13:22:37Z2022-09-09T13:22:37ZUne méduse immortelle qui voyage dans le temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/482362/original/file-20220901-19-f5rvrl.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C10%2C3471%2C2462&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La méduse immortelle «Turritopsis dohrnii».</span> <span class="attribution"><span class="source">(Daniel Maeso Miguel)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La quête de l’immortalité a motivé les êtres humains pendant une grande partie de leur histoire. La recherche d’élixirs de jouvence a fait l’objet de légendes et de fables des plus singulières. Les alchimistes du Moyen Âge ont travaillé sans relâche pour trouver la formule de la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/pierre-philosophale/">pierre philosophale</a>, qui confère des pouvoirs de rajeunissement. Les voyages de Juan Ponce de Leon, qui, tout en conquérant le Nouveau Monde, a cherché avec acharnement la mystérieuse <a href="https://www.nationalgeographic.com/history/article/fountain-of-youth">fontaine de jouvence</a>, sont également bien connus.</p>
<p>Jusqu’à tout récemment, personne n’avait réussi à percer les secrets de la vie éternelle.</p>
<p>Mais la découverte d’une créature dont la taille ne dépasse pas quatre millimètres, <em>Turritopsis dohrnii</em>, également appelée « la méduse immortelle », vient changer la donne.</p>
<h2>L’immortalité biologique à la portée d’une méduse</h2>
<p>Contrairement à la grande majorité des êtres vivants, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5764029/pdf/peerj-06-4225.pdf"><em>Turritopsis dohrnii</em></a> est capable de rajeunir et d’atteindre l’immortalité biologique. Il va sans dire que cette méduse remet en question notre perception du vieillissement. Mais comment y parvient-elle ?</p>
<p>Commençons par comprendre à quoi ressemble le <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/en/collections/memoires-du-museum-national-d-histoire-naturelle/introduction-hydrozoa">cycle de vie d’une « méduse mortelle »</a>. Sa reproduction est sexuée : le sperme du mâle féconde les ovules de la femelle et le zygote est alors formé. Le zygote se transforme en larve et dérive jusqu’à ce qu’il se fixe au fond de la mer. Une fois installé, il se transforme en polype et, une fois prêt, se reproduit de manière asexuée. Pour ce faire, elle libère de minuscules méduses de son propre corps, qui vont se développer jusqu’au stade adulte et se reproduire, puis mourir.</p>
<p>La méduse immortelle <em>Turritopsis dohrnii</em> suit également ce cycle, mais après s’être reproduite, elle ne meurt pas toujours : elle peut choisir une autre voie et inverser son cycle de vie. Son corps de méduse se rétrécit alors pour devenir une sorte de sphère, appelée « cyste ». Celle-ci dérive jusqu’à ce qu’elle s’accroche au fond, et génère alors un nouveau polype, qui donnera naissance à de nouvelles méduses, entrant ainsi à nouveau dans le cycle.</p>
<p>Ce processus peut se produire sans fin et permet à la méduse d’échapper à la mort.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="diagramme montrant le cycle de vie des méduses" src="https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482359/original/file-20220901-27-7og4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Origine géographique et cycle de vie d’une méduse mortelle (à gauche) et T. dohrnii (à droite). Les flèches bleu pâle indiquent le cycle de vie régulier d’une méduse, tandis que le bleu foncé indique l’inversion dy cycle de vie de T. dohrnii.</span>
<span class="attribution"><span class="source">PNAS</span></span>
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<h2>Décryptage du génome de la méduse immortelle</h2>
<p>Les clés de l’immortalité de <em>Turritopsis dohrnii</em> sont inscrites dans son ADN, mais leur découverte n’a pas été facile.</p>
<p>Notre équipe de recherche, dirigée par Carlos López Otín de l’Université d’Oviedo, a contribué à déchiffrer le génome de cette méduse immortelle. Les résultats <a href="https://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.2118763119">sont publiés fin août dans la revue <em>PNAS</em></a>. Comment ? En lisant lettre par lettre et en écrivant gène par gène tout son ADN, comme s’il s’agissait d’un grand livre d’instructions.</p>
<p>Ce grand livre contient toutes les informations permettant aux cellules de remplir leurs fonctions vitales. Ainsi, plusieurs aspects génomiques qui contribuent à la compréhension de l’extraordinaire longévité des méduses immortelles ont été définies.</p>
<p>Grâce à différents outils bioinformatiques et à la génomique comparative (la comparaison du livre génétique de certaines espèces avec d’autres), il a été découvert que <em>Turritopsis dohrnii</em> possède une série de variations génétiques qui contribuent à sa plasticité biologique et à sa longévité.</p>
<p>Les gènes découverts sont associés à différentes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3836174/">clés du vieillissement</a>, telles que la réparation et la réplication de l’ADN, le renouvellement de la population de cellules souches, la communication intercellulaire et la réduction de l’environnement cellulaire oxydatif qui endommage les cellules, ainsi que le maintien des télomères (extrémités des chromosomes).</p>
<p>Tous ces processus sont associés à la longévité et au vieillissement sain chez l’humain.</p>
<p>L’étude détaillée de chaque étape du rajeunissement de cette méduse a permis d’identifier une série de changements dans l’expression des gènes qui sont nécessaires pour que les cellules se transforment : ce processus est connu sous le nom de dédifférenciation. Cela permet le <em>saut dans le temps biologique</em> de <em>Turritopsis dohrnii</em>.</p>
<p>Tous les mécanismes découverts agiraient en synergie, à l’image d’un orchestre, pour assurer le rajeunissement de la méduse immortelle.</p>
<h2>Le vrai secret de l’immortalité</h2>
<p>Il n’y a pas de vie sans mort. Tout système, comme l’humanité ou notre propre corps, a besoin de la mort de certaines de ses parties pour maintenir un équilibre et survivre.</p>
<p>Grâce aux fascinants voyages dans le temps de <em>Turritopsis dohrnii</em>, nous avons appris les clés et les limites de la plasticité cellulaire. À partir de ces connaissances, nous espérons trouver de meilleures réponses aux nombreuses maladies liées au vieillissement qui nous préoccupent aujourd’hui.</p>
<p>L’atteinte de l’immortalité biologique chez l’humain ne reste qu’un rêve.</p>
<p>Mais l’individu a depuis longtemps découvert comment demeurer immortel : en apportant sa contribution à l’histoire par l’art et la connaissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189837/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La méduse immortelle « Turritopsis dohrnii » est capable d’échapper à la mort. Les mécanismes moléculaires impliqués dans sa longévité ont été révélés par des chercheurs de l’Université d’Oviedo.Daniel Maeso Miguel, Doctorando en biomedicina y oncología molecular, Universidad de OviedoMaria Pascual Torner, Investigadora Postdoctoral, Universidad de OviedoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1806032022-04-07T18:58:28Z2022-04-07T18:58:28ZLes voyages du tatou dans les sciences et par les mers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456850/original/file-20220407-23-ul8962.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1367%2C844&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tatou à trois bandes du Sud (Tolypeutes matacus) musée Vert, Le Mans, France MHNLM 2003.28.200. </span> <span class="attribution"><span class="source">musées du Mans</span></span></figcaption></figure><p>Dans les réserves du muséum d’histoire naturelle du Mans (musée Vert) se trouve un étrange animal venu du passé. Il porte une étiquette ancienne et figure parmi les objets les plus anciennement présents dans les collections du Mans. Il ne s’agit pas d’un pangolin, dont nous avons tous entendu parler dernièrement, mais d’un autre mammifère singulier, le tatou, qui a connu son heure de gloire dans le passé. Il a encore fait la une, il y a peu, comme mascotte du Mondial de football 2014 au Brésil.</p>
<p>Cet animal américain, bien différent de la faune connue en Europe, a suscité la curiosité des Occidentaux dès sa découverte à l’époque moderne et a figuré dans la plupart des cabinets de curiosité. Des travaux nombreux existent sur sa place dans les collections, sur les manières dont les savants occidentaux l’ont interprété, sur ses représentations comme emblème des Amériques, de même que sur son utilisation pour fabriquer des remèdes dans la médecine de la Renaissance (par exemple <a href="http://www.jstor.org/stable/43392680">Egmond et Masson 1994</a> ; <a href="https://digital.csic.es/handle/10261/108453">López Piñero 1991</a>.</p>
<p>Ce spécimen de musée raconte plusieurs histoires de voyages et de sciences et permet de présenter des recherches réalisées dans le cadre du projet européen <a href="https://scicomove.hypotheses.org/">SciCoMove. Scientific Collections on the Move</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456851/original/file-20220407-14-kb0b5h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maarten de Vos, « America », série Les quatre continents, 1600 (graveur Adriaen Collaert).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Marten_de_Vos_Adriaen_Collaert_America.jpg">Wikimedia</a></span>
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<h2>Des spécimens recherchés, qui voyagent facilement</h2>
<p>À l’époque moderne, la curiosité suscitée par le tatou en fait un animal recherché par tous ceux qui rassemblent une collection. Une de ses caractéristiques est qu’il est facile à conserver une fois mort, contrairement à d’autres mammifères des mêmes contrées. Les plaques osseuses qui le couvrent peuvent être facilement préparées et transportées sur de longues distances.</p>
<p>Pour ces raisons, de nombreux tatous ont voyagé post-mortem, dès le 16e siècle, en suivant les circuits commerciaux des puissances européennes depuis leurs zones d’influence (ou leurs colonies) jusqu’aux métropoles.</p>
<p>Le tatou est alors recherché à cause de ses particularités zoologiques, mais aussi parce qu’il symbolise une nature américaine exotique et lointaine. Posséder un spécimen dans sa collection permet d’y présenter cette partie du monde et de manifester le prestige ou la fortune de son propriétaire, capable de se procurer des objets rares et venus de loin. Beaucoup de cabinets de curiosité en possèdent.</p>
<p>Le spécimen du Mans provient ainsi de la collection de Louis Maulny (1758-1815), naturaliste manceau qui l’a probablement acheté dans un commerce d’histoire naturelle parisien. Sa collection, acquise par le département de la Sarthe en 1816 après la mort de son propriétaire, a enrichi les fonds du musée du Mans, ouvert au public depuis 1799.</p>
<p>D’abord conservés dans des collections privées ou royales, de nombreux spécimens ont ensuite intégré des fonds publics. Le spécimen du musée Vert témoigne ainsi, après son voyage transatlantique dont nous ne savons rien, d’un autre voyage, d’une collection à l’autre, lorsqu’il intègre le musée de la ville du Mans au début du XIX<sup>e</sup> siècle. Beaucoup de tatous sont désormais conservés dans les musées de sciences naturelles, en majorité créés dans les pays occidentaux entre la fin du XVIII<sup>e</sup> et la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Le musée Vert du Mans possède ainsi quatre autres spécimens, dont trois ont été collectés dans l’actuelle Guyane française.</p>
<h2>Des vitrines des musées aux réserves</h2>
<p>Au sein de ces musées, les tatous ont aussi pu voyager. En effet, l’histoire de ces institutions est longue et complexe et les spécimens peuvent y changer de signification et d’importance.</p>
<p>Dans les musées qui présentent la faune mondiale, le tatou reste une pièce centrale des vitrines consacrées aux Amériques. Mais il n’est plus seulement un emblème d’exotisme et un symbole de l’histoire particulière de la nature américaine, distincte de celle du vieux monde. Il est intégré dans un discours sur la biodiversité et sur les dangers qui la menacent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-punaises-nommees-dapres-lunivers-de-tolkien-74779">Des punaises nommées d’après l’univers de Tolkien</a>
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<p>Si le tatou à neuf bandes est actuellement en expansion dans le sud-est des États-Unis, d’autres espèces sont au contraire considérées comme menacées, tel le tatou géant (Priodontes maximus). Certains musées pour leur part ont évolué dans une autre direction, en se recentrant sur l’histoire naturelle locale. Au Mans, l’établissement créé à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle s’est scindé en plusieurs musées plus spécialisés. Les collections d’histoire naturelle, d’archéologie et de beaux-arts ont été séparées. Le musée Vert du Mans présente désormais, dans ses salles d’exposition permanente, la biodiversité locale, si bien que le tatou de la collection Maulny est actuellement relégué dans les réserves. Il en ressortira toutefois dans les prochaines années et figurera dans un parcours permanent dédié aux cabinets de curiosité.</p>
<h2>Les voyages du tatou dans les classifications zoologiques</h2>
<p>L’étiquette ancienne du spécimen du musée Vert raconte encore un autre déplacement. Les tatous constituent en effet une famille comportant de nombreuses espèces réunies en plusieurs genres et ont posé des problèmes de classification depuis leur découverte.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456853/original/file-20220407-17-nypdth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Étiquette ancienne du tatou à trois bandes du Sud (Tolypeutes matacus) musée Vert, Le Mans, France MHNLM 2003.28.200.</span>
<span class="attribution"><span class="source">musées du Mans</span></span>
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<p>Outre une appellation en français « Apar à trois bandes », cette étiquette propose deux noms latins : « Dasypus tricinctus, Linn » et « Tolypeutes tricinctus (Illiger) ». Ces identifications renvoient à deux systèmes concurrents de classification des mammifères. La première se réfère à Carl von Linné (1707-1778), naturaliste suédois du XVIII<sup>e</sup> siècle, célèbre pour avoir inventé la nomenclature latine binominale moderne. Il a repris à Clusius (Charles de l’Écluse, 1526-1609), le nom de « Dasypus » <a href="http://naturalis.fcnym.unlp.edu.ar/repositorio/_documentos/sipcyt/bfa004253.pdf">pour désigner les tatous comme genre</a>.</p>
<p>Le deuxième nom est proposé par Johann Karl Wilhelm Illiger (1775-1813), conservateur du Musée zoologique de Berlin après sa création en 1810. Celui-ci <a href="http://www.biodiversitylibrary.org/page/48453684">a proposé en 1811</a> une révision de la systématique des mammifères et des oiseaux, en donnant une nouvelle importance à la « famille », au-dessus du genre et de l’espèce privilégiés par Linné. Il donne ainsi un nom à la famille à laquelle appartiennent les tatous, « Cingulata » (de cingulum, ceinture en latin), puis les distingue en deux genres « Tolypeutes » et « Dasypus », classant le tatou à trois bandes dans le premier.</p>
<p>Les deux noms qui figurent sur l’étiquette témoignent ainsi des débats sur la classification des espèces qui animent les milieux naturalistes au début du XIX<sup>e</sup> siècle. Au moment où le tatou intègre les collections du musée Vert, en 1816, les conservateurs hésitent entre deux manières de classer les mammifères. Grâce à sa formule dentaire, il est maintenant identifié comme appartenant à l’espèce Tolypeutes matacus ou Tatou à trois bandes du Sud.</p>
<h2>Le tatou mort et le tatou vivant</h2>
<p>Si le tatou naturalisé est présent dans de très nombreuses collections particulières ou étatiques depuis la Renaissance, le tatou vivant a aussi voyagé dans l’espace et dans les sciences. À partir du XIX<sup>e</sup> siècle, il est présent dans les parcs zoologiques qui jouent un rôle important pour la connaissance et l’étude de la nature.</p>
<p>Le tatou vivant a notamment permis de penser, par comparaison, un animal fossile géant, le Glyptodon, qui devient emblématique de la richesse et de l’étrangeté des faunes de mammifères géants fossiles sud-américains au XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>En 1788, les ossements d’un animal géant inconnu sont découverts dans l’actuelle Argentine et envoyés à Madrid, avant d’être identifiés en 1796 par le naturaliste français Georges Cuvier comme appartenant à un genre disparu, qu’il nomme Mégathérium. Au début du XIX<sup>e</sup> siècle, les naturalistes locaux, qui connaissent bien les tatous vivants et se concentrent sur leur classification, commencent à penser que certains fragments fossiles énigmatiques pourraient être des restes de la carapace du Mégathérium, qu’ils imaginent comme une sorte de tatou géant. En 1836, une planche de <em>Geology and Mineralogy considered with reference to Natural Theology</em> de l’anglais William Buckland (1784-1856) résume bien leurs spéculations. Des fragments fossilisés y sont associés au squelette de Madrid et à deux tatous vivants.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456855/original/file-20220407-18-wqewue.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">W. Buckland, Geology and Mineralogy considered with reference to Natural Theology, London, 1836, vol. 2, pl. 5.</span>
<span class="attribution"><span class="source">source</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 1839 toutefois, à partir d’un dessin schématique de cette carapace fossile et d’une dent, l’anatomiste anglais Richard Owen (1804-1892) conclut que les fragments ne peuvent appartenir au Mégathérium. Il fait l’hypothèse d’un nouveau genre, qu’il nomme Glyptodon. À partir de ce moment, cet animal étonnant devient, avec le Mégathérium, une des pièces maîtresses des collections paléontologiques mondiales et l’Argentine et l’Uruguay des fournisseurs majeurs de spécimens pour les grands musées. Sur place, les musées publics mettent progressivement en scène l’importance de la paléontologie comme science nationale. C’est le cas par exemple au Musée de La Plata, fondé en 1884.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=293&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456857/original/file-20220407-5069-vr5i82.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=368&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« Los gliptodontes del Museo Pùblico », Burgmeister, 1864.</span>
<span class="attribution"><span class="source">source</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, le tatou entre aussi dans les laboratoires de biologie. Des tentatives ont été faites pour l’utiliser dans les Amériques, car son taux de reproduction est aussi élevé que celui de certains rongeurs comme le rat. Des études nouvelles portent aussi sur l’embryologie, <a href="https://www.scielo.br/j/hcsm/a/sSQ95rgmtTFCBjpxPX39cvb/?format=pdf&lang=es">car certaines espèces ont pour particularité de donner naissance à des jumeaux</a>. De nos jours, le tatou fait l’objet de recherches en biomimétisme. La structure de sa carapace <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1751616110001888">intéresse les spécialistes des matériaux</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-poils-outils-precieux-pour-inventer-de-nouvelles-techniques-de-nettoyage-52392">Les poils, outils précieux pour inventer de nouvelles techniques de nettoyage</a>
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<p>Des Amériques jusqu’en Europe, des cabinets de curiosité aux musées modernes de sciences naturelles, de la systématique à la paléontologie en passant par l’embryologie et la science contemporaine des matériaux, le tatou a beaucoup voyagé. Arrivés au terme de ce périple, nous espérons avoir montré tout l’intérêt qu’il y a à étudier les itinéraires des objets présents dans les musées de science, en prêtant attention aux spécimens, aux étiquettes anciennes et aux archives. </p>
<p>Ces recherches sont utiles pour les historiens, pour les musées, mais aussi pour les biologistes ou les paléontologues qui ont besoin de savoir comment des spécimens anciens qu’ils réétudient actuellement sont parvenus jusqu’à nous. Toutes ces perspectives sont au cœur des recherches réalisées dans le cadre du projet européen SciCoMove.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce projet a été financé par le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 101007579.</span></em></p>Cet animal américain, bien différent de la faune connue en Europe, a suscité la curiosité des Occidentaux dès sa découverte à l’époque moderne et a figuré dans la plupart des cabinets de curiosité.Nathalie Richard, Professeure des université et chercheuse en histoire des sciences à TEMOS (Temps, Mondes, Sociétés), CNRS UMR 9016, Le Mans UniversitéIrina Podgorny, Visiting Scholar, Max Planck Institute for the History of ScienceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1057802018-10-28T20:20:55Z2018-10-28T20:20:55ZBonne feuilles : Le poisson qui savait marcher<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242535/original/file-20181026-7047-1vvw92k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1310%2C2244%2C1622&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poisson chauve-souris
_Ogcocephalus darwini_.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Julie Terrazzoni/Editions Arthaud</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici un extrait de l’ouvrage : « Atlas de zoologie poétique », paru en 2018 aux éditions Arthaud. Les illustrations sont de Julie Terrazzoni.</em></p>
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<p>Après le lézard qui court sur l’eau, voici le poisson qui marche sous l’eau ! J’ai nommé… le diable de mer. Mais d’où sort cette curiosité aquatique ? </p>
<p>Cette espèce vit dans les eaux des Galápagos. Ses nageoires pectorales ressemblent, vues du dessus, aux ailes des chauves-souris. D’où son nom… Ce poisson possède une tête circulaire ou en forme de boîte. </p>
<p><em>Ogcocephalus darwini</em> est un animal remarquablement étrange, même au sein de sa famille, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ogcocephalidae">ogcocephalidés</a>. Entre son corps aplati triangulaire recouvert de bosses et d’épines, son « rouge à lèvres », ses « quatre pattes », son « grand nez » et sa « petite trompe rétractile », on finit par se demander s’il ne s’agit pas d’un canular.</p>
<h2>Rouge aux lèvres</h2>
<p>Connu pour ses lèvres rouges presque fluorescentes qui améliorent probablement la reconnaissance des espèces pendant les périodes de reproduction, ce poisson n’est pas un excellent nageur. Il est plus efficace en « marchant » sur les fonds marins. </p>
<p>Comment fait-il ? Il déambule du bout de ses nageoires pectorales et pelviennes. Fortement développées sur le plan musculaire, elles lui donnent l’apparence de grandes jambes ! Elles possèdent même une sorte de coussinet charnu sur le bout des rayons. Nul besoin d’être sur la terre ferme pour marcher, ni d’avoir des pieds !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jszxhzRzlOg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ogcocephalus Darwini dans son milieu naturel.</span></figcaption>
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<p>Outre cette capacité locomotrice inattendue, ce poisson chauve-souris se paye également le luxe, pour chasser, d’utiliser son <em>illicium</em> (du latin illicere, « amorcer »). Qu’est-ce donc ? </p>
<p>Au-dessus de la tête du poisson chauve-souris se trouve une nageoire dorsale qui, à l’âge adulte, vient se projeter en forme d’épine sortant du sommet de la tête, lui donnant l’aspect d’un « nez proéminent », ou rostre. Ce poisson s’en sert comme moyen pour attirer des proies tels des petits poissons, des crustacés ou des mollusques. </p>
<h2>Canne à pêche secrète</h2>
<p>Mais il y a plus encore. Entre la base de ce rostre et la bouche, le plus souvent dans une cavité, se trouve un organe surprenant : un leurre rétractile ! Ou devrais-je dire une canne à pêche qui sécrète même parfois un liquide agissant comme un appât chimique.</p>
<p>Le poisson chauve-souris peut ainsi déployer et faire osciller son leurre pour appâter ses proies. Il semblerait même que son leurre lui serve à les détecter. Autant dire que le piège est redoutable. D’autant que ce poisson utilise d’autres stratégies pour chasser. Certains spécimens couvrent partiellement leurs corps de sable ou s’enterrent pour se camoufler. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=835&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=835&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=835&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Atlas de zoologie poétique</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editions Arthaud</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Magnifiques adaptations qui permettent à ce poisson de chasser à l’affût, posté sous le sable ou sur une roche, en attirant ses proies. Comme si ses lèvres éclatantes ne suffisaient pas à fasciner les alentours !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Pouydebat est l'auteure de l'ouvrage cité.</span></em></p>La zoologie rime avec poésie : partez à la rencontre de Ogcocephalus darwini, le poisson chauve-souris des Galapagos.Emmanuelle Pouydebat, Directrice de Recherche au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle (MECADEV - mécanismes adaptatifs et évolution), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/818092017-08-28T19:10:35Z2017-08-28T19:10:35ZPourquoi les scientifiques collectent-ils des animaux sauvages ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180611/original/file-20170801-4118-ulzdel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grenouille dorée du Panama Atelopus zeteki, en danger d'extinction </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panamanian_golden_frog#/media/File:Atelopus_zeteki1.jpg">Brian Gratwicke/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://www.amnh.org/our-research/staff-directory/chris-filardi">Dr. Chris Filardi</a> ne se doutait pas de l’accueil que recevrait sa découverte, quand il publia sur Twitter la première photographie d’un martin-pêcheur à moustache en vie. L’oiseau, capturé en 2015 au cours d’une campagne d’évaluation de la biodiversité menée à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guadalcanal">Guadalcanal</a>, fut par la suite euthanasié afin de constituer le tout premier spécimen mâle déposé dans une collection de référence. Faisant très certainement écho au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Braconnage_du_lion_Cecil">braconnage du lion Cecil</a> quelques mois auparavant, cet événement fut l’occasion de vives critiques d’internautes du monde entier, et d’acerbes amalgames entre la recherche scientifique et la chasse de loisir.</p>
<p>Pourquoi cet événement a-t-il suscité une telle émotion, alors que les destructions de la biodiversité en cours ne semblent pas être en mesure de mobiliser une réaction populaire proportionnelle à l’ampleur des dégâts qu’ils occasionnent ? Ainsi, à titre d’exemple, la déforestation planétaire détruit chaque année une surface équivalente à trois fois celle de la Belgique, et à court terme la quasi-totalité des animaux y vivant. En quoi un spécimen de collection scientifique diffère-t-il d’un trophée de chasse ? Enfin, pourquoi les chercheurs naturalistes du XXI<sup>e</sup> siècle collectent-ils encore des animaux sauvages ?</p>
<h2>Tués à des fins scientifiques</h2>
<p>Chaque zoologue travaillant sur les collections scientifiques d’histoire naturelle est susceptible d’avoir déjà été confronté à cette dernière question. Les grands muséums présentent des millions de spécimens – majoritairement des insectes – collectés aux quatre coins de la planète au cours des deux derniers siècles. Le plus souvent, ceux-ci ont en effet été tués à cette seule fin scientifique. Tuer, donc. Si l’on peut manier l’euphémisme et préférer d’autres termes (sacrifier, euthanasier, prélever ou collecter), la vie de l’individu ne s’en arrête pas moins prématurément dès lors qu’il devient spécimen de collection.</p>
<p>Or, aujourd’hui, la question animale alimente un débat de société croissant et soulève de multiples questions éthiques et philosophiques. Dans ce contexte, il est légitime de se demander si, en 2017, la collecte scientifique fait encore sens. Cette question mérite une réponse transparente de la part des chercheurs naturalistes qui la pratiquent. En contrepartie, elle implique de la part de ceux qui la posent une réflexion visant à soupeser l’ensemble des aspects « moraux » – il est ici question d’éthique – découlant d’une telle pratique.</p>
<h2>De la différence entre les individus et l’environnement</h2>
<p>En premier lieu, il convient de ne pas confondre considérations éthiques animalistes et environnementalistes. Les premières ont pour objet les animaux en tant qu’individus dotés de sensibilité. Les secondes se rapportent aux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce">espèces</a> et à leurs interactions au sein des écosystèmes. Individus et espèces ne sont pas de même nature. Les individus, entités matérielles par essence éphémères, disposent de la faculté de se reproduire, et donc de compenser les impacts de prélèvements mesurés sur la population dont ils font partie (prédation, maladie ou collecte). En revanche, une espèce ne se reproduit pas : son patrimoine biologique, une fois éteint, l’est définitivement. Par ailleurs, les individus peuvent déployer des efforts pour rester en vie et avoir une prise directe sur nos affects – nous pouvons être en empathie – alors qu’une espèce n’est qu’un concept catégoriel. L’espèce ne vit pas, ne ressent ni n’exprime rien. La « valeur » d’un individu n’en est pourtant pas moins subordonnée à celle de son espèce, dans le sens où celle-ci correspond à la somme de tous les individus qui la constituent : quand une espèce s’éteint, c’est que l’intégralité de ses individus sont morts.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Herpestes javanicus</em> ou mangouste de Java.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Considérations environnementalistes et animalistes sont donc foncièrement différentes, bien qu’elles puissent converger vers un même idéal. Elles peuvent néanmoins s’opposer dès lors que la primauté de la vie animale se heurte aux intérêts environnementaux. Prenons l’exemple des <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/listeEspeces/statut/metropole/J">espèces invasives</a>, telle la dévastatrice <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mangouste_de_Java">mangouste de Java</a> introduite aux Antilles : dans les faits, s’opposer à son élimination aux Antilles n’équivaut-il pas à la laisser éradiquer une part non négligeable de la faune autochtone ? Avancer que celle-ci n’aurait pas dû être introduite relève de l’évidence, mais ne contribue en rien à résoudre le problème qui se pose. Ne pas choisir, c’est encore choisir, et que l’on engage ou non une action contre cette espèce invasive, il nous revient d’en assumer les conséquences.</p>
<h2>Les deux éthiques de Max Weber</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Max Weber.</span>
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</figure>
<p>Quand elles ont lieu, les confrontations entre considérations animalistes et environnementalistes semblent essentiellement relever de la dualité entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, telle que formalisée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Weber">Max Weber</a>. Selon le philosophe, qui les considérait inconciliables, la première repose sur le principe du devoir (agir en fonction de principes supérieurs auxquels on croit) tandis que la seconde relève du conséquentialisme (répondre des conséquences prévisibles de nos actes). Ainsi, les considérations animalistes tendent à ériger le respect de la vie d’un individu animal en principe supérieur (il ne faut pas tuer un individu), tandis que les considérations environnementalistes privilégieront les approches dont on est en mesure de penser qu’elles seront les plus favorables à l’espèce dans son ensemble, quitte à devoir tuer un individu.</p>
<p>Le rejet catégorique de la collecte scientifique représente un paradoxe comparable à celui évoqué ci-dessus. Face à l’érosion croissante de la biodiversité mondiale, il est inconcevable pour les chercheurs d’espérer pouvoir préserver celle-ci efficacement sans connaître sa composition, sa répartition ou les réseaux d’interactions complexes qui la caractérisent. Comment faire face aux menaces (évaluer, alerter ou agir) qui pèsent sur une espèce, si l’on ne connaît rien ou trop peu de ses vulnérabilités spécifiques ? Ou si l’on ignore jusqu’à son existence même ?</p>
<p>Pour ce faire, nombre de chercheurs s’appuient sur les collections scientifiques. En parallèle, le recours à des méthodes non létales (prélèvement d’ADN, photographies HD, prises de mesures <em>in situ</em>…) se généralisent en fonction des développements technologiques le permettant. Dans un grand nombre d’études, elles simplifient le travail de terrain et offrent la possibilité de relâcher les individus sains et saufs. Néanmoins, affirmer que ces outils pourraient intégralement se substituer à la collecte de spécimens relève d’une foi en une technologie omnipotente et témoigne d’une méconnaissance profonde de la pluralité des disciplines naturalistes et des organismes qu’elles étudient.</p>
<h2>Décrire les espèces pour les faire exister</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1243&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1243&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1243&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’initiative internationale <em>Catalogue of Life</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catalogue of Life</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’<a href="http://edu.mnhn.fr/mod/page/view.php?id=2995&inpopup=1">inventaire des espèces</a> est très loin d’être achevé. Selon les <a href="https://theconversation.com/biodiversite-combien-de-millions-despeces-61875">estimations</a> les plus récentes, seul un dixième de la biodiversité serait déjà décrit. Cet inventaire d’espèces nommées (c’est-à-dire dont la description scientifique permet, entre autres, l’attribution d’un nom) établit le « vocabulaire » élémentaire de la biodiversité sur lequel s’appuient les différentes disciplines biologiques, mais également les acteurs de la conservation ou les diverses réglementations internationales. Une espèce biologique non encore décrite n’existe pas aux yeux de la société : l’impact de son exploitation ou de la destruction des milieux ne sera jamais évalué à sa juste mesure. Sa vulnérabilité spécifique sera ignorée ou confondue avec celle d’autres espèces plus communes et qui lui ressemblent.</p>
<p>Pour décrire une espèce, les chercheurs doivent impérativement disposer d’un spécimen préservé et mis à disposition de leur communauté. Ce spécimen type constitue le point d’ancrage liant le nom scientifique à l’espèce en tant qu’entité biologique. L’ensemble des chercheurs du monde entier pourra examiner cette référence universelle et intemporelle, notamment afin de savoir exactement à quoi ce nom d’espèce se rattache. Sans cette pierre de Rosette, il leur serait impossible de s’accorder. Et, à terme, notre capacité à communiquer sur les millions d’espèces de la planète s’en trouverait profondément altérée. De quoi parlerait-on et que protégerait-on, si même les spécialistes n’étaient plus en mesure de se retrouver dans un dédale de noms ambigus ?</p>
<p>Par ailleurs, ce spécimen constitue la preuve matérielle de sa propre existence, indispensable support à l’hypothèse d’espèce qu’il soutient. Sans elle, Big Foot ou Nessie pourraient figurer dans la liste des espèces en voie de disparition. Réciproquement, l’existence d’espèces très rares – mais bien réelles – pourrait être facilement niée par ceux ayant tout intérêt à ce qu’elles n’existassent pas.</p>
<h2>Savoir que nous ne savons (presque) rien</h2>
<p>Décrire une espèce ne signifie pas pour autant la connaître. À titre d’exemple, 15 % des 85 000 espèces traitées par la <a href="http://uicn.fr/liste-rouge-mondiale/">Liste rouge mondiale des espèces menacées</a> ne disposent pas d’un véritable statut de conservation (par exemple « éteinte », « vulnérable », « préoccupation mineure ») et sont provisoirement placées dans la catégorie « données déficientes ». Plus préoccupant, l’ensemble des espèces ayant fait l’objet de telles évaluations ne représentent que 5 % du 1,8 million d’espèces déjà décrites. </p>
<p>Notre ignorance concernant l’alimentation, la reproduction, ou encore la répartition de la majorité des espèces est vraisemblablement du même ordre. La seule et unique source de connaissances disponibles pour une espèce se limite fréquemment à l’existence d’une poignée de spécimens auxquels se rattache une étiquette portant un nom, une date et un lieu de récolte parfois approximatif. Chacun de ces spécimens pourra être étudié par des générations de chercheurs grâce aux technologies propres à leur époque, et contribuera à révéler au compte-gouttes des informations éparses mais fondamentales (par exemple, pour un individu, le contenu d’un estomac, la taille des portées, la longévité).</p>
<h2>Échelle temporelle</h2>
<p>Se priver du recours aux collections rendrait quasi-impossible l’étude des espèces de petites tailles, fragiles, très discrètes ou rares, localisées dans des régions isolées ou celles aussi extrêmes que les grands fonds océaniques… Un chercheur pourrait ainsi passer sa carrière à rechercher une rare espèce amazonienne ou abyssale, pour ne collecter au final que des données très peu informatives et centrées sur sa seule problématique de recherche. </p>
<p>Il pourrait tout aussi bien rentrer bredouille. Au contraire, les collections des grands muséums mondiaux s’inscrivent dans une échelle de temps qui dépasse celle de la vie humaine. Elles capitalisent et collectivisent les fruits des missions de terrain. Elles permettent, en laboratoire, l’étude approfondie d’un nombre significatif de spécimens, aboutissement de millions d’heures de prospection, réalisées par des naturalistes issus du monde entier et de toutes époques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée, Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Galerie_de_pal%C3%A9ontologie_et_d%27anatomie_compar%C3%A9e_-431.jpg">Mossot/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Ne privons pas la recherche de ses collections</h2>
<p>À l’instar de bien de mes collègues, ma vocation de chercheur plonge ses racines dans l’enfance. Elle repose tant sur une inextinguible soif de compréhension que sur un profond attachement à la beauté et à la richesse du monde vivant. Je n’ai encore jamais rencontré de chercheurs tirant plaisir à ôter la vie des animaux à l’étude desquels ils avaient fait le choix de consacrer leur vie. En évoquant l’empathie chez les animaux, le collecteur que fut Charles Darwin allait même jusqu’à suggérer que l’amour désintéressé envers toutes les créatures vivantes constituait le plus noble attribut de l’Homme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carl Spitzweg/<em>Le Chasseur de papillons</em>, circa 1840.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Le travail de recherche consiste à produire du savoir. Celui-ci n’a pas nécessairement pour finalité la préservation de la nature. Il ne fait cependant aucun doute que les connaissances qu’il génère y contribuent très significativement. L’ampleur de la crise d’extinction de la biodiversité que nous traversons actuellement pourrait être inégalée à l’échelle de l’histoire de la vie. Le constat est accablant. Alors que le temps joue contre nous, priver la recherche des collections ne ferait que nous ralentir davantage, en réduisant dramatiquement notre capacité à réagir et à alerter l’opinion publique et les décideurs sur l’état de notre planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81809/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien MIRALLES a reçu des financements pour ses recherches du Labex BC-Div Diversités Biologiques et Culturelles, du CNRS et du MNHN. </span></em></p>Comment, de nos jours, justifier d’ôter la vie à un animal à des fins scientifiques ? Il convient de ne pas confondre considérations animalistes et environnementalistes.Aurélien Miralles, Enseignant-chercheur en Systématique animale, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/753452017-04-05T22:38:28Z2017-04-05T22:38:28ZCe que le sommeil des éléphants nous apprend sur le nôtre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164136/original/image-20170405-14593-pvu9r5.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le plus grand capteur d'activité au monde?</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Tout comme les humains, les animaux doivent accomplir un certain nombre de choses pour s’assurer qu’ils parviendront à transmettre leurs gènes : manger, éviter de se faire manger, se reproduire et dormir. Si l’un de ces impératifs biologiques n’est pas respecté, c’est la mort assurée. Pourtant, lorsqu’on dort, on ne peut accomplir aucune de ces activités. C’est là un des grands mystères de la science : pourquoi dormons-nous ?</p>
<p>En ce qui concerne les humains, les scientifiques ont formulé plusieurs hypothèses. Pour certains chercheurs, le sommeil permet de nettoyer notre cerveau des déchets métaboliques produits par l’activité des neurones ; pour d’autres, il sert à <a href="http://www.nature.com/neuro/journal/v3/n12/full/nn1200_1225.html">consolider la mémoire</a>. Pour tester la validité de ces hypothèses, on peut observer si elles s’appliquent au sommeil des animaux qui ne sont habituellement pas étudiés sur ce plan, comme les grands mammifères africains.</p>
<p>La recherche a déjà démontré que plus les mammifères sont grands, <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v437/n7063/abs/nature04285.html">moins ils dorment</a>. En principe, donc, les éléphants africains – les adultes pèsent entre 3 000 et 5 000 kilos – ne devraient pas dormir beaucoup. Pour vérifier si un animal dort, on enregistre ses ondes cérébrales en posant des électrodes sur son crâne : les caractéristiques de l’activité globale du cerveau montrent si le cerveau est éveillé, s’il est dans une phase de sommeil profond ou dans une phase de sommeil paradoxal (celui des rêves). Mais avec les éléphants, c’est impossible d’un point de vue chirurgical, en raison de la particularité de leur crâne, constitué en grande partie d’un immense sinus frontal.</p>
<p>Pour surmonter ce problème, notre équipe de neurobiologie comparée de l’Université des Witwatersrand a adapté un compteur d’activité utilisé dans les études sur le sommeil humain, avec l’aide de nos collègues de l'ONG <a href="http://elephantswithoutborders.org/">Elephants Without Borders</a> et ceux de l'université américaine <a href="https://www.semel.ucla.edu/sleepresearch">UCLA</a>. Cela nous a permis de mesurer les habitudes de sommeil de deux matriarches dans une population d’éléphants sauvages.</p>
<p><a href="http://journals.plos.org/plosone/article%20?id=10.1371/journal.pone.0171903">Les résultats obtenus</a>, qui ont été publiés dans le journal <em>PLoS ONE</em>, sont importants pour deux raisons. D’abord, en étudiant le sommeil à travers les animaux, nous pouvons tenter d’améliorer la qualité du sommeil et la qualité de vie des humains. Mais comprendre le sommeil chez des animaux comme les éléphants nous aide aussi à mieux les comprendre – améliorant ainsi notre capacité à développer des stratégies de gestion et de conservation de la biodiversité.</p>
<h2>Les résultats</h2>
<p>L’appareil que nous avons utilisé mesurait l’activité des éléphants en comptabilisant le nombre d’accélérations de leurs mouvements par minute. Il est facile à implanter sous la peau, pour savoir quand l’éléphant bouge ou reste immobile. En observant les éléphants dans la nature, nous avons constaté que la partie de leur corps la plus mobile était leur tronc. Nous en avons déduit que si le tronc ne bougeait pas pendant cinq minutes, l’éléphant était susceptible d’être endormi – c’est donc à cet endroit que nous avons implanté le capteur d’activité.</p>
<p>En combinant ce système avec un collier GPS et un gyroscope – qui mesurait les mouvements corporels dans les plans <a href="https://my-ms.org/mri_planes.htm">x, y et z</a>, nous avons fait quatre observations vraiment intéressantes :</p>
<ul>
<li><p>Les éléphants dormaient en moyenne deux heures par jour ;</p></li>
<li><p>La plupart du temps, ils dormaient debout, mais ils s’allongeaient pour dormir tous les trois ou quatre jours ;</p></li>
<li><p>Certaines nuits, ils ne dormaient pas et parcouraient une distance de 30 kilomètres ;</p></li>
<li><p>Lorsqu’ils s’endormaient ou se réveillaient, cela coïncidait avec des conditions environnementales non corrélées au lever ou au coucher du soleil.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_4JGBKr10Vs?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">The secrets of elephant sleep, revealed…</span></figcaption>
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<p>Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1557589">recherches existantes</a> menées sur des éléphants en captivité ont révélé qu’ils dormaient en moyenne entre quatre et six heures par jour. Cela s’explique : ils ont beaucoup de temps pour dormir et n’ont pas besoin de marcher pour trouver la nourriture dont ils ont besoin pour rester en forme, leur régime alimentaire est de meilleure qualité, et ils n’ont aucun prédateur.</p>
<p>Un grand éléphant doit manger environ 300 kg de nourriture – de qualité nutritionnelle médiocre – chaque jour. Cela lui laisse peu de temps pour dormir. Le cerveau des éléphants, comme celui des humains, comprend des orexines, des neurotransmetteurs qui contrôlent l’équilibre entre la satiété et l’état d’éveil : si vous avez eu assez à manger, les neurones se calment et vous permettent de vous coucher. Sinon, ils vous gardent éveillés.</p>
<p>Cet équilibre entre satiété et état d’éveil, combiné à leur régime alimentaire, explique pourquoi les mammifères les plus gros dorment moins, mais aussi pourquoi les herbivores dorment moins que les carnivores et les omnivores (comme les humains). Les données recueillies sur les éléphants renforcent cette idée émergente dans la recherche sur le sommeil et permettent d’expliquer pourquoi l’éléphant dort si peu.</p>
<p>En captivité, les éléphants passent une grande partie de leur temps à dormir couchés, mais ils dorment parfois debout. Avec les données combinées du gyroscope et du capteur d’activité, nous avons constaté que les éléphants sauvages dormaient principalement debout. Ils ne dorment couchés que tous les trois ou quatre jours, pendant environ une heure.</p>
<p>Pendant le sommeil paradoxal, le tonus musculaire des mammifères disparaît. Donc, pour qu’un éléphant rentre dans le sommeil paradoxal, il lui faut s’allonger, car sans aucun tonus musculaire, il ne peut pas rester debout, à moins qu’il ne s’appuie contre un arbre ou un grand rocher.</p>
<p>Pour certains chercheurs, le sommeil paradoxal sert à consolider la mémoire : les expériences vécues au cours de la journée seraient converties en mémoire à long terme pendant le sommeil paradoxal. Les éléphants ont une bonne <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23728481">mémoire à long terme</a>, mais n’entrent dans le sommeil paradoxal que tous les trois ou quatre jours. Cela permet de penser que la consolidation de la mémoire n’est peut-être pas la fonction du sommeil paradoxal.</p>
<h2>Indicateurs environnementaux</h2>
<p>Il est arrivé que les éléphants ne dorment pas de la nuit. Cela s’est produit trois fois pour un éléphant, deux fois pour l’autre. Ces jours-là, peu de temps après le coucher du soleil, les éléphants ont été perturbés, peut-être par des lions, des braconniers ou même un éléphant mâle en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25091910">musth</a>, un état le rendant particulièrement agressif. Pendant le reste de la nuit, les éléphants ont parcouru une distance d’environ 30 kilomètres. Ce comportement n’avait jamais été enregistré précédemment et indique que les éléphants ont vraiment besoin de beaucoup d’espace, un élément important en termes de conservation – dans les petites réserves, ils sont à l’étroit.</p>
<p>Enfin, les moments où les éléphants sont allés dormir (début du sommeil) et se sont réveillés (sortie du sommeil) n’étaient pas liés au coucher et au lever du soleil. Par contre, ces deux moments étaient fortement liés à certaines sensations associées à l’environnement : un mélange de température, d’humidité, de vitesse du vent et de rayonnement solaire. Il semble que certains indicateurs environnementaux soient importants pour les éléphants, pour aller dormir et se réveiller au bon moment. En examinant cela de plus près, nous pourrions être en mesure d’ajuster l’environnement dans lequel nous dormons afin d’améliorer la qualité de nos nuits de sommeil.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Manger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En étudiant le sommeil des animaux, nous pouvons comprendre comment améliorer le sommeil chez l’homme, mais aussi ajuster nos stratégies de protection des espèces menacées.Paul Manger, Professor of Comparative and Evolutionary Neurobiology, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/730922017-02-28T23:23:43Z2017-02-28T23:23:43ZDes chauves-souris vampire qui se nourrissent… de sang humain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158761/original/image-20170228-29929-12xwmhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une chauve-souris _Diphylla ecaudata_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://goo.gl/images/oQIg5L">Gerry Carter/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Certaines chauves-souris vampire brésiliennes se nourrissent de sang humain.</p>
<p>Tel est le surprenant résultat que j’ai publié dans le journal <a href="http://www.bioone.org/toc/acta/18/2">« Acta Chiropterologica »</a>, suite à de récentes recherches : en effet, la chauve-souris vampire poilue de l’état de Pernambouc, au Brésil, a développé un appétit pour le sang humain.</p>
<p>Cette découverte vient contredire toute la littérature scientifique existante sur cette espèce de chauve-souris, qui se nourrit habituellement de sang d’oiseau.</p>
<h2>Une chauve-souris mal connue (et dotée d’un secret)</h2>
<p>La chauve-souris à pattes velues (<em>Diphylla ecaudata</em>) est la moins étudiée des <a href="https://en.wikimedia.org/wiki/Vampire_bat">trois espèces de chauves-souris vampires connues</a>. En 20 ans de zoologie, je n’avais jamais tenu un spécimen vivant de <em>Diphylla</em> entre mes mains.</p>
<p>Mais en 2013, je me trouvais dans la zones aride de l’état de Pernambouc, à l’intérieur d’une grotte située dans le parc national de Catimbau, quand le faisceau de ma lampe-torche s’est attardé sur une petite colonie de chauves-souris au-dessus de ma tête, parmi lesquelles j’ai repéré quelques <em>Diphylla</em>. Bien qu’elles ne comptent pas parmi les plus belles chauves-souris qui soient, elles sont plus délicates que d’autres espèces, avec une expression sympathique, de petites oreilles et, je dois bien l’avouer, un regard que je trouve attendrissant.</p>
<p>Sur le sol, en dessous des chauves-souris, se trouvaient des flaques de guano (les excréments des chauves-souris), chacune de la taille d’une assiette de soupe. Les chauves-souris vampire sont hématophages, ce qui signifie qu’elles ne mangent que du sang qui colore leurs excréments en rouge.</p>
<p>Habituellement, <em>Diphylla</em> se nourrit de sang d’oiseau, mais dans le parc de Catimbau, les oiseaux indigènes de taille moyenne et grande <a href="http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0031-10492005001400001">ont disparu</a>.</p>
<p>Le pénélope à front blanc, le tinamou noctivague et le pigeon picazuro – autant de proies potentielles pour <em>Diphylla</em> par le passé – ont disparu de la région en 2013, probablement à cause de la <a href="http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0031-10492005001400001">chasse non réglementée</a>.</p>
<p>Alors, de quel sang ces <em>Diphylla</em> pouvaient bien se nourrir, faute d’oiseaux ? Le sang de chèvre m’a semblé une piste intéressante. J’avais vu de nombreux élevages dans le parc, où vivent des centaines de familles, toujours installées à Catimbau malgré son statut de zone naturelle protégée.</p>
<p>Je suis donc retourné à l’Université fédérale de l’état de Pernambouc à Recife, déterminé à enquêter sur le régime alimentaire des <em>Diphylla</em>.</p>
<h2>La méthode scientifique</h2>
<p>Extraire l’ADN du guano de chauve-souris vampire n’est pas une mince affaire. Les protéines présentes dans leur appareil digestif sont capables de décomposer l’ADN du sang qu’elles ont consommé, et les échantillons de guano prélevés dans les grottes peuvent être contaminés par de l’ADN exogène, provenant d’autres organismes présents dans le guano (bactéries, champignons, insectes) ou même par celui de la personne qui collecte les échantillons.</p>
<p>Pour mener cette mission à bien, j’ai travaillé avec Fernanda Ito, alors doctorante à l’UFPE (Université Fédérale du Pernambouc). L’idée de centrer sa thèse sur l'analyse de l’ADN fécal pour comprendre quelles étaient les proies des chauves-souris lui plaisait. Un peu plus tard, notre équipe s’est agrandie avec l'arrivée Rodrigo Torres, du Département de Zoologie de l’UFPE, qui travaille sur la génétique appliquée à la conservation de la biodiversité.</p>
<p>Si tout se passait bien, les séquences que nous avions obtenues seraient comparées à celles déposées dans la GenBank (banque de séquences ADN), et nous saurions quelles proies avaient choisi les <em>Diphylla</em> pour se nourrir de leur sang.</p>
<p>Le processus d’extraction et de purification de l’ADN a été aussi long et dramatique qu’un soap-opera brésilien. Pendant des jours, Fernanda n’a cessé de tester et de modifier des protocoles à différentes températures et selon différentes durées, afin de trouver la bonne combinaison, celle qui produirait la réaction parfaite.</p>
<p>En fin de compte, au moment où Fernanda était sur le point de tout abandonner tant sa frustration était grande, elle réussit à séquencer les échantillons. Lorsque nous avons comparé nos séquences d’ADN de chauve-souris à celles obtenues à partir de l’ADN de chèvre, de porc, de vache, de chien, de poulet et d’humain, nous avons constaté que <em>Diphylla</em> avait consommé du sang de poulet et du sang humain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156675/original/image-20170213-25969-1vlmvj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un chercheur installe des instruments de mesure dans une grotte du parc national de Catimbau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eder Barbier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Au moins trois échantillons obtenus à des dates différentes ont mis en évidence la consommation de sang humain. Les 12 autres (sur un total de 15 échantillons) ont révélé que <em>Diphylla</em> prélevait du sang de poulet.</p>
<p>C’était là une découverte surprenante. La littérature scientifique semble en effet affirmer que <em>Diphylla</em> ne consommerait jamais de sang humain. Qui plus est, deux articles mexicains, en <a href="https://academic.oup.com/jmammal/article-abstract/48/4/683/861258/Villa-R-Bernardo-Los-Murcielagos-de-Mexico-%20Su?%20RedirectedFrom%20=%20fulltext">1966</a> et en <a href="https://academic.oup.com/jmammal/article-abstract/62/1/215/953100/Observations-on-Diphylla-ecaudata-in-Captivity?redirectedFrom=fulltext">1981</a> et un article brésilien de <a href="http://www.bibliotecadigital.unicamp.br/document/?code=vtls000075144">1994</a> indiquaient qu’en captivité, les <em>Diphylla</em> préféraient mourir de faim que se nourrir de sang de vache, de rat, de lapin, de porc ou de chèvre.</p>
<h2>Des données révolutionnaires</h2>
<p>Nos données contredisaient donc toutes les informations disponibles sur <em>Diphylla</em> jusqu’à présent. Nous avons lu <a href="https://books.google.com.mx/books/about/Comparative_Nutritional_Ecology_of_Two_G.html?id=1H5PAAAAYAAJ&redir_esc=y">des rapports</a> qui indiquaient que cette espèce souffrait d’une intolérance physiologique au sang de mammifères, qui contient plus de matière sèche, principalement des protéines, que le sang d’oiseau (plus riche en eau et en graisse).</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156677/original/image-20170213-25977-bufyup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Diphylla ecaudata</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eder Barbier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cela pourrait expliquer pourquoi les chauves-souris ne s’en prennent pas aux chèvres, comme je l’avais pensé à l’origine. Mais comment expliquer leur préférence étrange pour le sang humain ?</p>
<p>Il semble que la rareté des grands oiseaux indigènes dans le parc a conduit <em>Diphylla</em> à développer une alimentation plus souple que les scientifiques n’auraient pu l’imaginer. C'est peut-être bon pour la survie de <em>Diphylla</em>, mais cela signifie aussi que la biodiversité de la région est compromise. Dans les forêts sèches du nord-est du Brésil, les espèces indigènes disparaissent, obligeant probablement d’autres espèces à changer leur alimentation et leur comportement.</p>
<p>La présence de sang humain dans le guano de chauve-souris soulève également des problèmes de santé publique. De toute évidence, certaines personnes dans la région de Catimbau se font mordre par des chauves-souris, ce qui augmente le risque de transmission de la rage et d’autres maladies.</p>
<p>Sur un plan plus positif, Fernanda a défendu sa thèse avec succès et notre article dans « Acta Chiropterologica » attire les médias du monde entier.</p>
<p>Découvrir que les chauves-souris peuvent apprendre à vivre en se nourrissant de sang humain m’a donné plusieurs nouvelles idées à explorer, comme par exemple d'utiliser le radio-tracking pour pister leurs proies humaines. Reste désormais à trouver un(e) étudiant(e) aussi motivé(e) que Fernanda !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Enrico Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude récente démontre que la chauve-souris vampire poilue de l’état de Pernambouc, au Brésil, se nourrit de sang humain alors qu’elle ne consommait jusqu’alors que du sang d’oiseau.Enrico Bernard, Departamento de Zoologia, Centro de Ciências Biológicas, Universidade Federal de Pernambuco (UFPE)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712512017-01-31T23:14:55Z2017-01-31T23:14:55ZRelire Adolf Portmann pour voir les animaux autrement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154943/original/image-20170131-13243-1ufs11g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paon faisant la roue. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/20299709@N00/624150998/in/photolist-X9Wm7-6vXjhb-rvqQG1-d82tX-pyQVAE-4UHLWK-6wzpaK-o1vysP-MTkwM-4vWkXz-6coi1F-ehKtMP-7KE448-8ZRg2u-9QwSHL-aw6peF-6coi8x-9Tdo92-9bnLVe-pY829t-bBrzyS-6qDg1x-8AXxVg-8Escry-e1shyG-JJj6C-849n9Z-dywzJv-aw6qyM-7HrihY-eiqWcE-a4epVh-5cSAuo-bXekob-dBKPxz-hCGDfk-9MhtiW-7D1ytf-3Z5UGM-4MHT6-qfyoyc-4UMZXf-6Ee7wX-2ZgsLG-6CCmuo-nWXhSJ-CvFrB4-aw9GTo-bGPo32-aw6xPP">Jos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’entrée de l’exposition <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JA5g_cyB8Bs">« Le Grand Orchestre des animaux »</a>, qui a fermé ses portes le 8 janvier dernier, une installation appelée « Les oiseaux artistes » présentait de très belles vidéos du <a href="http://www.birds.cornell.edu/Page.aspx?pid=1478">Cornell Lab of Ornithology</a>.</p>
<p>Au programme, les impressionnantes parades nuptiales des paradisiers (oiseaux de Paradis parés de couleurs et de plumage flamboyants), les chorégraphies complexes des ménures superbes (oiseaux-lyre arborant une magnifique queue composée de longues plumes), ou encore les constructions décorées (tonnelles ou berceaux) des oiseaux jardiniers. Le succès de ces films devant un public nombreux, amusé et fasciné, ne pouvait se démentir.</p>
<p>Comment comprendre ces formes et ces marquages colorés qui nous captivent tant ? Comment penser cette complexité que l’on observe dans les comportements expressifs ? Car si l’apparence et les attitudes servent une fonction, pour se reproduire par exemple, cette fonctionnalité n’explique pas l’incroyable variété ni la profusion de leurs formes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YTR21os8gTA?wmode=transparent&start=236" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Incroyables paradisiers (Lab of Ornithology, 2012).</span></figcaption>
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<h2>Auto-présentation et interanimalité</h2>
<p>Pour aborder ces questions, deux grands types d’analyse se distinguent. Il y a d’abord l’approche fonctionnelle, selon laquelle l’apparence est mise au service d’une fonction ; et l’approche phénoménologique, qui présuppose et dépasse la première.</p>
<p>Les travaux du biologiste et zoologiste suisse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Adolf_Portmann">Adolf Portmann</a> (1897-1982), relayés par le philosophe belge Jacques Dewitte, éclairent l’analyse phénoménologique de façon originale en pensant le mode de manifestation de l’animal comme un apparaître et une « autoprésentation ».</p>
<p>Cette idée, que Portmann développe dans les années 1940, est tout à fait originale : la vie des animaux n’obéit pas seulement aux nécessités de la conservation, elle répond également à un besoin de manifester dans le champ du visible la spécificité de l’animal.</p>
<p>En fonction de ses spécificités physiologiques, de son corps organique, chaque espèce dispose d’un appareil perceptif privilégié (l’ouïe, l’odorat, le toucher ou la vision) qui l’unit non seulement au monde, mais aussi à l’autre. Car le corps de l’animal est aussi un « organe pour autrui », pour reprendre l’<a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-Philosophie/Notes-des-cours-au-College-de-France">expression de Merleau-Ponty</a>.</p>
<h2>Le corps animal</h2>
<p>La perspective phénoménologique ne peut se comprendre que si l’on pense différemment la relation entre l’apparence d’un sujet doté de caractères visibles et l’individu doté d’organes récepteurs qui le perçoit. Portmann avance l’idée d’une visibilité première.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=883&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1110&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1110&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154946/original/image-20170131-13220-kejcpf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1110&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« La Forme animale » est paru en 1948.</span>
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<p>Dans son ouvrage <a href="http://www.philomag.com/les-livres/notre-selection/la-forme-animale-9030"><em>La Forme animale</em></a>, il souligne d’ailleurs que l’apparence « attire le regard » et qu’elle est destinée à apparaître. Selon cette logique, les dessins et les motifs colorés sont des organes à être vus, élaborés de la même manière qu’un organe de la locomotion ou de la digestion par exemple.</p>
<p>Car le corps animal est fait de deux antithèses, le visible obéissant à d’autres lois que l’invisible. L’intérieur du corps (c’est-à-dire l’organisation interne des organes vitaux) est plutôt asymétrique, tandis que la coloration de l’apparence extérieure est plutôt symétrique. Pour Portmann, l’opposition entre les lois de l’intérieur et celles de l’extérieur montre que le corps de l’animal n’est pas une enveloppe externe qui protège et dissimule les organes, mais qu’il manifeste l’importance réelle du visible.</p>
<p>Ceci se manifeste également à travers la différenciation sexuelle entre les animaux mâles et femelles d’une même espèce. La question soulevée ici est celle de la spécificité des formes qu’il faut penser selon leur valeur expressive. D’ailleurs, cette tendance à la profusion des formes se manifeste aussi dans le champ du comportement. Ainsi, certaines espèces pourtant très proches utilisent des parades sexuelles tout à fait différentes. Au Panama, on a par exemple observé une parade sexuelle spécifique pour chacune des vingt-sept espèces de crabes violonistes (Uca).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154948/original/image-20170131-13235-12wsh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Crabe violoniste de Thaïlande.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rushen/16668955211/in/photolist-roYKDv-r8jQBm-gebXru-pWS8LQ-pGjSHG-bitZmB-i84FeT-ohG9xw-nyxB8Z-pZwcbB-dnHroU-5jHatH-pYGYhz-dnHr5H-p3aWnY-pZEcDG-pXqDEU-i84Jkb-p3JxgG-pYrM7f-pZkjHP-p37LUf-dnJcap-pZk5NK-qbUrMA-pY86tH-pGh1i8-pZuGDP-pFXLT9-a2544Q-a254aq-i85cDt-acXcGe-a22bHp-p2wuFm-fTKVzB-5ay9zD-JWtxKE-rPytWe-fTJQgZ-d1Njfs-ecFC86-ehuhAn-eBpESn-dQHkDY-nyybgb-pXwyZE-dQHkdu-nAjhTV-rmc9Yt">Rushen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais comment comprendre et penser l’originalité de ces formes animales ?</p>
<p>La première piste est darwinienne : l’importance et la transmission héréditaire des caractères visibles s’expliquent selon une sélection sexuelle qui s’appuie sur deux postulats : l’ardeur des mâles et la faculté de choix des femelles. Ainsi, la lutte entre les mâles pour s’assurer la possession des femelles favorise les individus les plus forts, c’est-à-dire ceux qui possèdent certains avantages provenant de leurs armes, ou de leurs attraits, qu’ils transmettent à leur descendance mâle.</p>
<p>Cette perspective peut être qualifiée d’« utilitaire » dans la mesure où tout ce qui ne contribue pas à la survie de l’organisme est condamné tôt ou tard à disparaître. La sélection est ici un principe d’économie où l’apparence et les comportements sont toujours nécessaires et suffisants. Or, il est évident qu’il existe un écart manifeste entre la profusion des formes et les rôles fonctionnels censés les analyser.</p>
<h2>Un décalage</h2>
<p>Du point de vue darwinien, la livrée de la guêpe a ainsi été sélectionnée parce qu’elle joue un rôle d’avertissement ; la roue de paon parce qu’elle sert de stimulus pour la femelle, etc. Mais comme le <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_manifestation_de_soi-9782707164469.html">souligne justement Jacques Dewitte</a>, cette logique présuppose quelque chose d’antérieur et d’externe au système : une forme déjà existante beaucoup plus riche et englobante que les quelques traits pertinents du point de vue fonctionnel.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154949/original/image-20170131-13257-ad1n5b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Guêpe butinant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jgonzac/14033992892/in/photolist-no8T9G-hqvNzu-6g44i4-pMwocP-7gnSkc-4Kk5NU-g8zpvq-fv9hDW-8Y2RQC-pYzh1h-BNHhkM-cBSP5G-Gv9bQs-4WHjkP-dLHEX1-7C51WN-6CPEtb-qaHmSq-83ZE2t-dHo5M6-83ZEtx-ogdA5L-oSd6bt-6fojCS-J4PY5J-9AxfGy-HUPZqi-nL7wMb-H6mMSN-fp5kBw-71iiSa-NYMFn6-oTVT2h-2UNmXE-EGLq1Z-vBDtWj-8szvVs-dLHES7-bwypzL-a7WsKE-5Nq2b3-7ccP75-6uxzpo-bDHvY5-bSCfwv-a7TneX-4RcsvN-a7TzqX-g8zpvL-e8hSTm">Jaime González/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a là un double décalage, à la fois morphologique et temporel, poursuit Dewitte : décalage morphologique entre la forme effective telle qu’elle se présente dans sa globalité et les quelques traits fonctionnels qui n’en sont qu’une partie limitée ; décalage temporel entre la genèse de la forme et le moment nécessairement postérieur où les relations fonctionnelles ont pu intervenir et entrer en ligne de compte.</p>
<p>L’apparence extérieure prend toute son importance par sa valeur existentielle de manifestation et de présentation. Dans ce cadre-là, les marquages sexuels périodiques que l’on aurait tendance à subordonner totalement à la fonction de reproduction, manifestent dans une sorte d’urgence l’exigence de ce que l’animal a à être. De la même façon, les ornements démesurés – les évolutionnistes parlent de « caractères aberrants » parce qu’ils attirent l’œil des prédateurs ! –, contribuent à élever l’espèce à un niveau supérieur de différenciation qui n’est pas nécessairement une amélioration fonctionnelle.</p>
<h2>L’apparence inadressée</h2>
<p>Nous avons dit que l’animal devait apparaître et que l’apparence était une autoprésentation de soi. Mais l’apparence implique-t-elle toujours un sujet capable de la percevoir ? Que penser des espèces qui n’ont pas d’appareil perceptif et qui ont pourtant des couleurs et des formes extravagantes, comme les étoiles de mer ou les éponges ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154951/original/image-20170131-13261-1aqfoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Étoile de mer Couronne d’épines se nourrissant de corail dans les eaux des Maldives.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/coralivorous-crown-thorn-feeding-on-fresh-325828052?src=qwQipKBnf7w9Ob5PerfQOA-1-70">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour Portmann, elles nous montrent que l’apparence excède la relation sujet-objet et devient auto-façonnement gratuit et pur apparaître. Dans le champ du comportement, cette apparence dite « inadressée » est à la fois antérieure et contemporaine de l’apparence « adressée ».</p>
<p>Elle est contemporaine parce que les parades amoureuses utilisent et déplacent ces traits caractéristiques qui manifestent l’animal. Elle est antérieure, car c’est seulement dans un deuxième temps qu’elle devient apparence adressée à des yeux, dans le champ d’une communication visuelle entre animaux. Dans le cadre de cette interprétation, le fonctionnel émerge à partir du non-fonctionnel ; le principe de sélection n’est donc pas contesté, il est déplacé.</p>
<p>Le point de vue fonctionnaliste devient ici un cas particulier à l’intérieur d’un champ de réalité plus vaste ; on voit se mettre en place une relation bien spécifique, que Jacques Dewitte appelle « relation d’enveloppement » entre deux sphères de réalité : le champ phénoménal et le champ fonctionnel.</p>
<p>Selon cette même logique il n’y a pas de contradiction entre les notions d’« interanimalité » et d’« apparence inadressée » : un envoi est émis sans que la réception ne soit la condition préalable de son émission, et sans qu’il se règle par avance sur la réception.</p>
<p>Voici un exemple (donné par Portmann dans un <a href="http://bit.ly/2kcBEmk">ouvrage de 1965</a>) qui illustre cette idée de façon très concrète. Il existe chez une espèce de fauvette deux types de chants principaux : le chant juvénile (dit « chant spécifique ») très complexe et auquel s’adonne l’oiseau avec beaucoup d’entrain même lorsqu’il est seul ; et le chant dit « à motifs », plus simple, qui sert à rechercher un partenaire ou à revendiquer un territoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le chant de la fauvette à tête noire (Digiscopie, 2009).</span></figcaption>
</figure>
<p>Il s’avère qu’après analyse minutieuse des séquences chantées, les ornithologues se sont aperçus que le chant à motifs est une version simplifiée du chant juvénile. Ici, le chant s’est comme appauvri pour assumer des fonctions liées à l’autoconservation. Dans ce cas, le chant non fonctionnel constitue une sorte de chant originaire enveloppant le chant fonctionnel.</p>
<h2>Dépasser les clivages</h2>
<p>La force de la pensée de Portmann tient à ce qu’elle propose de dépasser le clivage entre la pensée scientifique et le monde sensible proposé par la science moderne qui a tendance, il faut bien le dire, à se couper <a href="http://larevuepretentaine.com/issues/">du monde de la vie</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1005&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1005&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1005&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1263&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1263&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154955/original/image-20170131-13220-1o61oov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1263&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Planche extraite du « Dictionnaire universel d’histoire naturelle », publié en seize volumes entre 1841 et 1849 sous la direction du botaniste et géologue français, Charles d’Orbigny).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/search/?user_id=61021753%40N02&view_all=1&text=butterfly">Biodiversity Heritage Library/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Fondamentalement, le spectateur et le scientifique, captivés par les « oiseaux artistes » de l’exposition <em>Le Grand Orchestre des animaux</em>, sont saisis par le même enchantement. Nous sommes subjugués par la beauté, la complexité et la variété des formes animales dont les raisons nous restent mystérieuses ; il y a bien quelque chose de fantastique et de poétique dans la prolifération de ces couleurs, de ces formes et dans l’originalité de ces parades.</p>
<p>La coexistence du sentiment poétique d’émerveillement et du regard scientifique est-elle possible ? Il pourrait sembler au premier abord qu’ils soient incompatibles, soit parce que l’on voudrait renoncer au savoir scientifique pour retrouver l’émerveillement, soit parce que la connaissance scientifique aurait démystifié ou transformé l’animal en objet – ce dernier point est crucial parce qu’il soulève le problème de l’exploitation systématique du monde animal.</p>
<p>Pourtant, une autre position semble possible si l’on comprend l’attitude d’émerveillement comme quelque chose d’indépassable à laquelle la science fait appel – parfois à son insu – pour puiser une part de ses questionnements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71251/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Autran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans son ouvrage « La Forme animale » paru en 1948, le biologiste suisse propose une approche phénoménologique de la nature qui laisse toute sa place à l’émerveillement.Isabelle Autran, Docteur en sociologie, adjointe à la direction de la recherche et des études doctorales, responsable d’édition des Presses universitaires de Paris Nanterre, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/707922017-01-02T20:56:30Z2017-01-02T20:56:30ZCinq scénarios pour imaginer le futur des relations entre l’homme et l’animal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151489/original/image-20161230-29216-1l5x7uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wilber/416668511/in/photolist-CPx2R-cvMc1-HAdHe-4EHiwB-weHoY-2XuqZT-b3JhSM-aGANnX-aGANiz-aH4dRp-aGAJb8-aGANJn-41bDmS-2QX4t-aGAN1g-K3Ghd-aGANxt-aGANzr-aGAL3K-5QdGt-8rGRyp-twrkR-aGAKzP-T1B9-aGAJqX-8zHi-aGAJ9k-aGAHRX-aH4dva-aGAND8-cajfrw-aGANXa-41bNRJ-doTqtL-aGAMsZ-aGAHMB-2QX4Y-aGANrp-7ecdWn-8Yq1f8-7Jztgs-aGAMx8-aGAMp6-4tdRtL-mS5aSb-6fFHBT-6fGi7B-9JAPGs-biwxeD-82JwNp">Dávid Kótai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au sein de la <a href="http://dictionnaire.cordial-enligne.fr/definition/technosph%C3%A8re">technosphère</a> contemporaine, l’impact des activités humaines sur la nature intensifie et complexifie les rapports que l’humain entretient avec la nature et les animaux ; l’existence de ces derniers est ainsi économiquement, écologiquement et techniquement assujettie au traitement que leur réservent les êtres humains.</p>
<p>Dans ce contexte toujours plus mécanisé, les maltraitances et les violences commises principalement sur les animaux de rente ont récemment fait l’objet d’un écho inédit avec la mobilisation d’associations comme <a href="http://www.l214.com/">L214</a> ou <a href="http://www.petafrance.com/">Peta</a>.</p>
<p>En fait, qu’il s’agisse d’animaux sauvages, de rente ou de compagnie, la question de la frontière entre les espèces et de la valeur de l’animal – « outil » ou « être à part entière » – mobilise de plus en plus l’opinion.</p>
<p>En décembre dernier, un <a href="http://agriculture.gouv.fr/le-rapport-homme-animal-cinq-scenarios-lhorizon-2030-analyse-ndeg-95">rapport ministériel de prospective</a> paraissait, proposant cinq scénarios au sujet de l’évolution du rapport entre humains et animaux à l’horizon 2030. Au sujet de l’animal, ce rapport spécifie que « son devenir est incertain car les sources d’inflexion sont nombreuses ».</p>
<p>Ces trois principaux facteurs d’inflexion concernent le contexte économique, la situation écologique et l’évolution des représentations humaines à l’égard des animaux. Trois questions parcourent ainsi l’ensemble du rapport : le rapport homme-animal deviendra-t-il l’un des enjeux structurants de la société française, de son système alimentaire, et des évolutions du monde agricole et rural ? Sera-t-il au contraire un thème marginal, subordonné à d’autres facteurs plus déterminants ? Sa mise en débat et sa gestion seront-elles pacifiées ou conflictuelles ?</p>
<h2>Scénario 1 : la sobriété forcée</h2>
<blockquote>
<p>« Dans un contexte de sobriété forcée et de tensions sur les ressources, le sort des animaux évolue, sous contrainte économique, par une meilleure reconnaissance de leurs utilités sociales. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce premier scénario, les animaux subissent moins de mauvais traitements dans le but d’optimiser leur exploitation. L’animal est ainsi toujours conçu comme outil, déterminé par l’usage humain et est envisagé comme « solution écologique, pratique, et surtout peu onéreuse ».</p>
<p>Dans ce contexte économique contraint où les microfilières se développent, « les mouvements les plus radicaux, positionnés sur la dénonciation de toute forme d’exploitation animale, perdent en audience ». Les microfilières assurent auprès du public de « garantir le respect animal en abattoir » et promeuvent la pratique de la « ferme ouverte ». En outre, la contrainte économique alliée à la nécessité du maintien de la biodiversité réduisent la préoccupation vis-à-vis des animaux à quelques « animaux-symboles ».</p>
<p>Dans ce scénario de « sobriété forcée », l’animal demeure une ressource, c’est-à-dire un outil pour l’être humain : il est une source d’alimentation, une variable d’optimisation dans la gestion de l’environnement et un compagnon au statut fonctionnel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151490/original/image-20161230-29237-pmtrhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Visite à la ferme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bert_m_b/2460803400/in/photolist-98wMJ9-JjLVe4-oT1D1G-6QwjQ7-5DCdnb-aq4LCv-7pVDzR-dMqYRL-bKq56r-5t8aW9-5ChwLL-6ZZvZs-6ZVvyP-cKe8T3-ZHjH-3avDmb-2rrB9e-bKpSyn-4KnYdn-awedGU-ZHkz-3U8jiq-5DxSge-patrUL-3BcCZL-fdxh7N-oT29fR-dMkqAi-29qVbm-6z6U24-8zpDmQ-4f81Fk-5DxUTD-bKqbRV-bfnFFV-5wx5vx-fts1c-7MiMys-98wMkG-N9WRD-5DC96S-4nx85-4Ksg7Q-PHKSV-5HPB-bKpWw2-46NN4q-eNSViU-2j54GJ-98wLVj">Brian Boucheron/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Scénario 2 : la sobriété environnementale choisie</h2>
<blockquote>
<p>« Dans un contexte économique très favorable, […] les animaux sont très présents, visibles et intégrés aux collectifs humains, avec une utilité sociale et une reconnaissance élevées. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce second scénario, l’<a href="http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Rapport_One_Health.pdf">approche de « la santé globale »</a> (<em>one health</em>) qui inclue le respect de l’environnement, prévaut dans la société française. Autour des années 2020, l’opinion publique s’entend autour de l’idée que la mise à mort fait partie de « l’ordre des choses ». Suite à la correction des abus de traitements infligés aux animaux de rente, l’émotion suscitée dans le milieu des années 2010 par les thèses <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2009-1-page-117.htm">antispécistes</a> s’essouffle, laissant place à une « une relégitimation de l’abattage des animaux ».</p>
<p>Dans ce contexte économique favorable, le consommateur a une plus grande incidence sur l’offre des produits de consommation. Les Français réduisent leur consommation de viande animale et souhaitent favoriser « l’agrobiodiversite ».</p>
<p>En outre, du point de vue écologique « la non-soutenabilité de la trajectoire actuelle, amène(nt) progressivement un changement du regard dominant sur la place de l’humain dans la nature ». La cohabitation entre les hommes et les animaux, mêmes sauvages à l’image du loup, est renforcée par le développement de « centres d’expérimentation de nouvelles cohabitations entre hommes et animaux sauvages », ainsi que par la diversification du compagnonnage animal (les cochons, chèvres, poules sont aussi des animaux de compagnie).</p>
<p>Dans ce scénario, bien que les animaux soient davantage intégrés à la société, ils n’ont toujours pas de droits fondamentaux et demeurent, pour certains, des ressources : « Sans acquérir le statut juridique de personne morale, les animaux voient leurs “droits” […] augmenter, quelles que soient leurs “fonctions” ».</p>
<h2>Scénario 3 : l’hypermécanisation des rapports</h2>
<blockquote>
<p>« Dans ce troisième scénario, la situation est économiquement dégradée, socialement sensible […]. On assiste à une massification et une automatisation des rapports sociaux, comme des rapports à l’animal. »</p>
</blockquote>
<p>La crainte d’attaques biologiques terroristes, l’intensification de l’élevage industriel et la dégradation écologique générale, portent l’attention sur les <a href="http://www.inra.fr/Grand-public/Sante-des-animaux/Toutes-les-actualites/zoonoses">risques zoonotiques</a>, et font passer la santé publique avant « les préoccupations éthiques et même économiques liées aux soins animaux ».</p>
<p>L’intensification de l’automatisation généralisée conduit à intégrer la filière agricole à des filières « bioéconomiques » plus vastes. La demande en produits agricoles poursuit sa forte hausse, bien que l’offre française soit concurrencée par des pays produisant à moindre coût. La production est réduite à quelques races d’animaux de rente dans un souci d’« d’écologie industrielle ».</p>
<p>Par ailleurs, les innovations en matière de protéine animale participent à menacer le statut des animaux de rente, qui deviennent moins intéressants économiquement et écologiquement parlant. Dans le même temps, la distinction entre les animaux de rente et les animaux de compagnie s’épaissit. Ces derniers sont en concurrence avec les robots de compagnie, dont l’usage se répand petit à petit après les années 2020. De sorte que, « les statuts juridiques accompagnent cette évolution, avec une différenciation normative fondée sur la fonction sociétale et la “destination” de l’animal ».</p>
<p>Dans ce contexte général particulièrement dégradé, les animaux sont souvent identifiés aux nuisances qu’ils peuvent occasionner. Ainsi, ils sont réduits à des « variables d’ajustement ». Pourtant, la contestation du traitement infligé aux animaux continue à revenir par vague : « À l’Assemblée nationale, le club parlementaire antispéciste, créé en 2027, parvient à mettre en débat l’abolition de la mort utilitaire, mesure qui semble pour beaucoup irréaliste mais qui témoigne d’une contestation croissante et de plus en plus agissante ».</p>
<h2>Scénario 4 : éthique et durabilité</h2>
<blockquote>
<p>« Dans une économie prospère, dominée par les enjeux et visions des urbains, la question animale devient centrale à mesure que les interactions hommes-animaux se réduisent. »</p>
</blockquote>
<p>La prospérité économique permet une meilleure action écologique et une prise en compte éthique intrinsèque de l’animal. Ainsi, « les défenseurs du statu quo sont mal perçus. Le respect des animaux devient un sujet très politisé, partout où ces derniers sont “exploités” et menacés ». Globalement, l’éthique, la durabilité et la santé globale deviennent des enjeux majeurs.</p>
<p>La production est centrée sur les produits végétaux, notamment par le soutien de la Silicon Valley qui investit « dans la recherche et le développement de produits de substitution » ; et 55 % des moins de 30 ans s’orientent vers une alimentation limitant les produits d’origine animale.</p>
<p>Du point de vue écologique, « à compter de la loi biodiversité de 2023, un véritable quadrillage environnemental, limitant parfois fortement les activités humaines. […] il ravive les débats sur la place de l’homme, de la nature et de l’animal sauvage ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151492/original/image-20161230-29233-1dp7t4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le régime végétarien fera-t-il de plus en plus d’adeptes ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/shazbot/19154164/in/photolist-2GaSd-d1GKC7-2EhHdX-maMywJ-9Ndjiw-aQDAiX-aQDA3B-ctDc6s-6DUmjK-HuHwPj-7qYh21-oQd1KF-2xtdc1-84bzQ3-KFCaM-AWfG4-7mzT3G-9Naynv-a6C18k-6RdBC-71WQvP-9a1vMb-a5GXgJ-6ah4tf-d1GJJ7-23n4us-89s4Ub-5EUTdX-99Xzae-chUNqC-bf1yuK-6eDpuX-99XbTk-9a1vMs-99XxQH-9a1vLY-ajmU6X-99XiYv-Cbe12-9a1vM7-5SjsDo-99Xs5B-9a1CN3-9a1vLN-99XxQP-99XiYg-7tm69S-99XxQn-9a1vMd-99XbTg">Shawn Allen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En termes juridiques, le statut de l’animal évolue significativement. Celui de l’animal de compagnie devient proche du statut d’une personne dépendante ; celui des animaux d’élevage et des animaux sauvages suit la même dynamique ; l’expérimentation animale est abolie au profit du développement d’alternatives telle l’expérimentation sur tissus in vitro (ce qui délocalise certains domaines de la recherche pour lesquels le modèle animal ne peut pas encore être remplacé).</p>
<p>Dans ce contexte favorable à une modification du modèle économique agricole en faveur de la production massive de produits végétaux (bien que certains rares animaux – en races et en nombre – continuent à être élevés pour être consommés), l’animal d’élevage est « exfiltré » de la société. Paradoxalement, cette configuration donne l’opportunité de penser des droits pour les animaux, en dehors de toute fonction préconçue.</p>
<h2>Scénario 5 : prospérité et indifférence</h2>
<blockquote>
<p>« Dans une société prospère, individualiste, largement dépolitisée malgré des inégalités marquées, la question animale se dilue en une pluralité de logiques sectorielles. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce dernier scénario favorable économiquement, l’individualisme et les choix utilitaristes priment sur toute considération éthique et ce dans tous les domaines : « Les logiques sectorielles (économiques, sanitaires, écologiques, etc.) s’autonomisent, dans une réelle indifférence du public ». Courant 2030, la question alimentaire est sortie du débat public.</p>
<p>Économiquement parlant, dans cette logique individualiste et sectorielle cohabitent différentes communautés alimentaires basées sur les protéines végétales, les insectes et la viande in vitro. La consommation de viande animale persiste, via des élevages intensifs ou des circuits courts.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Vntkmo_owKY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">«La viande in vitro, bientôt dans nos assiettes ?», un documentaire de Véronique Préault diffusé par Arte (Locavore de Bretagne, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>Des « zones d’intérêt écologique prioritaire » sont circonscrites afin de maintenir la biodiversité. La place des animaux sauvages y est secondaire et utilitaire :</p>
<blockquote>
<p>« Progressivement, la notion de protection des animaux sauvages s’efface et intègre une logique de gestion écosystémique paysagère jugée plus pertinente. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le même ordre d’idée, la logique du soin globale (<em>one health</em>) implique un soin envers les animaux, uniquement dans la mesure où cela dépend de la sécurité sanitaire humaine ou que des impératifs économiques l’imposent.</p>
<p>Dans ce contexte centré sur l’individu : « Des innovations en robotique concurrencent puis limitent les interactions directes homme-animal ». L’indifférence généralisée implique un statu quo par rapport aux droits des animaux : « Pour la plupart des Français, l’attachement à leur animal de compagnie coexiste avec une certaine indifférence à l’égard des autres animaux ».</p>
<h2>Un choix de société</h2>
<p>Dans ces cinq scénarios de « futurs possibles » se dessine en filigrane une alternative : les animaux devraient-ils être conçus comme de purs outils et ressources exploitables ou bien pensés dans leur valeur intrinsèque ?</p>
<p>Dans un contexte d’hypermécanisation où les animaux d’élevage sont principalement traités comme des outils – et leurs besoins physiologiques primaires non respectés –, la question de la valeur intrinsèque de la vie des animaux s’impose plus clairement encore. Ce qui serait peut-être moins le cas dans une configuration économique d’élevage traditionnel, pour laquelle les conditions de vie élémentaire sont davantage respectées et permettent de laisser au second plan la question de la valeur intrinsèque de la vie animale.</p>
<p>La production intensive de produits d’origine animale polarise donc le questionnement contemporain sur la condition animale autour de l’alternative entre les « animaux outils » et les « animaux conçus pour leur valeur intrinsèque ».</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151493/original/image-20161230-29231-1oys2uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au zoo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pardee/7994298378/in/photolist-dbqSoE-73dR5b-73dP6h-5NdTJ2-5Ne9nB-acYupu-9sWW6-5Nie7s-5NihHu-89khBk-acYph7-5NdQZv-dvdzu9-739Mca-5Nida1-739S5i-4JGApV-6WSRi4-84woEJ-5Ni9eh-fwteAA-739MNR-73dLwL-89kxEF-aictnq-8Nb5Jx-73dLJC-fwdS7X-4JGA5a-73dQrW-9sWW5-oRqeh4-dbqTDP-739R1k-dbqQfD-739RXn-89oJfd-73dL77-8Nb5sK-739N4i-pK8cRW-puPowC-8qy9Nx-dbqVsw-8qy8DH-dHVUMG-8qBfgw-fACdkD-89ozUS-8NebVw">Pardee Ave/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette polarisation met la société en face d’un choix qui n’est plus seulement utilitaire, à savoir bien traiter les animaux destinés à la consommation humaine, ou poursuivre des mauvais traitements qui peuvent avoir un impact sur la santé humaine et sur l’environnement. La question animale prend une dimension éthique également centrée sur la valeur de la vie animale. En effet, est-il soutenable éthiquement et écologiquement de maintenir des processus et des pratiques violentes au regard du respect des êtres vivants ? Et si le respect des animaux est une question légitime, comment ne pas envisager des droits empêchant toute forme de violence subie par les animaux ? Par extension, si l’évolution des droits pour les animaux est légitime, condamner toute forme de maltraitance et de violence envers les animaux, ne passe-t-il pas par la promulgation de droits fondamentaux ?</p>
<p>C’est bien souvent la configuration économique et, dorénavant, écologique qui permet de statuer sur ces questions de représentation du vivant en général. Cela dit, le statut de l’animal et sa valeur intrinsèque sont des sujets qui intéressent de plus en plus l’opinion publique. Et si cet intérêt semble moins mesurable, il peut cependant jouer un rôle significatif et fondamental dans l’évolution de la société, des mœurs, dans la gestion économique et écologique, relatifs à la question animale, et plus généralement dans le rapport entre les humains et les animaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Thessard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage d’un récent rapport ministériel qui se propose d’imaginer les rapports entre les êtres humains et les animaux à l’horizon 2030.Anne-Laure Thessard, Doctorante en sémiotique, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/703622016-12-30T09:07:32Z2016-12-30T09:07:32ZScience et société : des valeurs sous tension<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151394/original/image-20161222-17291-1c2zc52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cheltenham Science Festival.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ukfamelab/14355468351">FameLab UK/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous vous proposons cet article en partenariat avec l’émission de vulgarisation scientifique quotidienne <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre">« La Tête au carré »</a>, présentée et produite par Mathieu Vidard sur France Inter. L’auteur de ce texte, Romain Pierronnet, évoquera ses recherches dans l’émission du 30 décembre 2016 – présentée par Daniel Fievet – en compagnie d’Aline Richard, éditrice science et technologie pour The Conversation France.</em> <em><a href="https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-30-decembre-2016">Réécoutez leur intervention dans le podcast de l'émission, à 45’</a></em></p>
<hr>
<p>Dangerosité des vaccins, des OGM, des pesticides… Autant de sujets polémiques qui questionnent le rapport entre connaissance et démocratie. Le sujet est intéressant, et a par exemple été traité sous l’angle des croyances par le <a href="https://www.puf.com/content/La_d%C3%A9mocratie_des_cr%C3%A9dules">sociologue Gérald Bronner</a>. Cette question fait aussi l’objet du développement de la démarche sceptique et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Z%C3%A9t%C3%A9tique">zététique</a> sur Internet (par exemple avec la chaîne YouTube de la <a href="https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais">“Tronche en biais”</a> ou le <a href="https://cortecs.org/">site du CORTECS</a>), de sorte à déconstruire les nombreuses théories fumeuses qui circulent sur le web, ainsi qu’à montrer aux citoyens pourquoi nous sommes toutes et tous susceptibles d’être séduits par ces théories qui n’en sont pas, en fait…</p>
<p>Pour analyser ces évolutions, on peut s’intéresser à une question voisine : en quoi la production de la science a-t-elle elle-même évolué depuis les dernières décennies ? Pour y répondre, on peut lire le sociologue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_King_Merton">Robert K. Merton</a> (prix Nobel qui deviendra également père d’un autre prix Nobel). Il a cherché à distinguer les principales valeurs qui structurent le champ scientifique, qu’il a résumées dans <em>The Normative Structure of Science</em> sous l’acronyme <em>CUDOS</em> pour décrire cet « ethos de la science » :</p>
<p><strong>C : Communism</strong> – « Communisme », au sens où le chercheur participe à la production d’une connaissance constitutive du bien commun, en s’intégrant à une communauté scientifique qui valide et reconnaît sa contribution. Les résultats doivent être communicables ne serait-ce que parce qu’ils doivent être critiquables.</p>
<p><strong>U : Universalism</strong> – « Universalisme », car pour ce faire, les chercheurs s’appuient sur des méthodes et des concepts admis comme constitutifs d’une vérité scientifiquement éprouvée. Ces pratiques sont universelles au sens où elles sont à la fois partagées et indépendantes des caractéristiques sociales individuelles (convictions, origines…) des chercheurs.</p>
<p><strong>D : Disinterestedness</strong> – « Désintéressement », puisque la pratique de la science impose qu’elle soit encadrée et contrôlée au plan éthique afin d’échapper à des conflits d’intérêts liés à des enjeux personnels, pourraient en menacer l’objectivité.</p>
<p><strong>OS : Organized skepticism</strong> – « Scepticisme organisé », dès lors que la construction de la connaissance passe par des mécanismes de collégialité, à l’image du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89valuation_par_les_pairs">peer reviewing</a> consistant à soumettre son travail à la critique exigeante et constructive de ses pairs chercheurs.</p>
<p>Une telle description de l’ethos scientifique est proposée par Merton en 1942, fortement influencé par son travail de thèse portant sur les transformations du monde scientifique dans l’Angleterre du XVII<sup>e</sup> siècle. Mais, en cette fin 2016, qu’en est-il désormais en France, et dans le monde ? Tentons une relecture.</p>
<p><strong>C</strong> : si la communauté (les communautés) scientifique existe toujours, les débats autour de l’<em>open science</em> à l’heure de l’économie de la connaissance et des impératifs de protection industrielle (brevets, etc.) montrent que cette norme mertonienne est soumise à tensions.</p>
<p><strong>U</strong> : si l’exigence du recours à des méthodologies robustes demeure évidemment fondamentale pour la pratique de la science, elle peut entrer en tension avec la libre circulation de l’information sur Internet. Les critères de « scientificité » de la vérité, telle que conçue par les chercheurs, ne sont pas forcément ceux retenus par la population en général. Les démocraties ont certes oeuvré au développement de l’accès à la connaissance et à l’éducation, mais peut-on affirmer pour autant que les citoyens adhèrent aux mêmes modes d’appropriation de l’information ? À en juger par les débats auxquels chacun peut assister, on voit bien que du chemin reste à faire et que l’un des enjeux du dialogue entre science et société réside dans la prise en compte de ces différences de conception quant à la fabrication des représentations de la vérité. À défaut, le réveil pourrait être douloureux : il suffit de penser à certaines des prises de position du « Président élu » aux États-Unis… et à l’écho qu’elles ont pu rencontrer.</p>
<p><strong>D</strong> : la population est de plus en plus vigilante et méfiante quant à la mobilisation de résultats scientifiques qui seraient suspectés d’avoir été co-financés par des entreprises qui pourraient en tirer partie, surtout que le financement public de la recherche stagne. C’est là sans doute une vigilance saine. Mais il est bon de rappeler que le champ scientifique demeure lui aussi traversé par ses propres mécanismes de concurrence : légitimité, primauté des découvertes, recherche de financements publics sur projets, <em>publish or perish</em>, etc. (d’ailleurs, nul besoin qu’une étude soit financée par des fonds privés pour que sa validité soit mise en doute).</p>
<p><strong>OS</strong> : le scepticisme scientifique est toujours organisé, mais sans doute perturbé. On lit parfois du numérique qu’il facilite le plagiat et la fraude, mais il ouvre aussi à de nouvelles formes de <em>peer reviewing</em> et de production collaborative de connaissance, en ligne, à l’image de la plateforme <a href="https://osf.io/">Open Science Framework</a>. Le numérique est à ce titre un <em>pharmakon</em> pour la recherche : tantôt poison, tantôt remède ! On peut aussi penser au blog <a href="http://retractionwatch.com/">Retraction Watch</a>, qui traque et commente les rétractations d’articles scientifiques dont la validité a été sérieusement remise en cause. En outre, des mouvements se développent de promotion des <a href="http://www.sciences-participatives.com/">sciences participatives</a>. Leurs promoteurs y voient une façon d’enrichir la manière de produire des connaissances nouvelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sciences participatives au Tallahassee Science Festival.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/flseagrant/29646040936">Florida Sea Grant/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Cette lecture « mertonienne » des transformations du champ scientifique permet par extension de comprendre certaines des tensions qui apparaissent aujourd’hui dans les rapports entre sciences et sociétés. C’est aussi la fameuse question de la légitimité des « experts » qui est posée, prétexte à rappeler tout l’intérêt qu’il y aurait à intégrer davantage de docteurs, qui maîtrisent les codes et pratiques du monde scientifique, dans le secteur public et dans le monde politique. On relèvera en particulier que chacune des composantes du CUDOS est remise en question par la transformation digitale, ne serait-ce qu’au travers de son impact sur notre conception de l’espace et du temps. Pour la recherche, viendra ainsi peut-être le temps de la <a href="http://slow-science.org/"><em>slow science</em></a>.</p>
<p>Ces tensions ne renvoient donc pas seulement à des aspects technologiques, mais aussi à des enjeux démocratiques : alors que se développent les aspirations des citoyens de participer à la fabrication de l’action publique, on voit émerger le concept de <a href="https://theconversation.com/le-choc-trump-pourquoi-nous-sommes-apres-la-verite-69151">« post-vérité »</a> qui interroge les différentes normes qui « font le vrai », entre celles du « citoyen lambda », celles du « chercheur », celles du « politique » (quand ils ne sont pas tous les trois confondus).</p>
<p>La libre circulation de l’information ne saurait suffire au développement d’une « société de la connaissance » : ces différences nous rappellent l’enjeu majeur que constitue l’éducation pour former des individus doués de libre arbitre et sachant employer les outils de la raison et du discernement. Vaste programme, qui commence par soi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70362/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Pierronnet a reçu des financements de Agence Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT).
Il élu en charge du Numérique à la ville de Nancy et à la métropole du Grand Nancy.</span></em></p>OGM, statines, vaccins… Autant d’objets de dialogue compliqué entre science et société. Comment l’expliquer, et quels enjeux en tirer ?Romain Pierronnet, Doctorant en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/651152016-09-08T18:20:04Z2016-09-08T18:20:04ZQuels sont les plus vieux animaux de la planète ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/137085/original/image-20160908-25240-1nlujck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un requin du Groenland.</span> <span class="attribution"><span class="source">Julius Nielsen</span></span></figcaption></figure><p>Pour la <a href="https://www.researchgate.net/publication/257568506_Pangnirtung_Inuit_and_the_Greenland_Shark_Co-producing_Knowledge_of_a_Little_Discussed_Species">communauté inuite de Pangnirtung</a>, vivant dans le territoire autonome du Nunavut (Canada), le requin du Groenland est un animal qui ne meurt pas facilement :</p>
<blockquote>
<p>Mon père me disait que les requins avaient la peau dure. Ces animaux pouvaient être pourris, même visqueusement pourris, mais quand on touchait leur peau ou leur chair, elles continuaient à bouger. Vous voyez, c’est vivant mais pourri.</p>
</blockquote>
<p>Cela peut paraître horrible, mais cette réputation du requin du Groenland est en partie vraie. Avec une durée de vie estimée à 400 ans, cet animal <a href="http://science.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.aaf1703">vient juste d’être identifié</a> comme le plus vieux vertébré vivant sur la planète.</p>
<p>Cette découverte n’en est qu’une parmi d’autres récentes qui font reculer les limites de la longévité animale ; de telles découvertes font également resurgir des questions sur les causes de ce que nous pourrions nommer la longévité extrême, avec des durées de vie qui se mesurent en siècles !</p>
<p>Pour devenir une espèce à la durée de vie très longue, il faut qu’un certain nombre de ses membres meurent de vieillesse (et non de maladie ou du fait d’avoir été tué). L’expérience de la dégénérescence liée à l’âge est indispensable pour <a href="http://www.senescence.info/evolution_of_aging.html">y devenir plus résistant</a>.</p>
<p>Il faut également que ces espèces soient pourvues de mécanismes de défense efficaces contre leurs prédateurs – comme peut en fournir une coque résistante, par exemple. Une fois cette sécurité assurée, vivre plus longtemps devient une façon d’assurer sa descendance, tout particulièrement quand l’approvisionnement alimentaire <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/bies.950100408/abstract">se fait irrégulier</a>.</p>
<p>Gros plan sur cinq espèces à l’extraordinaire longévité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/133809/original/image-20160811-18034-10n2pxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">On dit que le froid conserve…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julius Nielsen</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le requin du Groenland</h2>
<p>En plus d’être lui-même un redoutable prédateur, ce requin possède une imparable défense grâce à sa peau <a href="http://www.wired.com/2014/02/creature-feature-10-fun-facts-greenland-shark/">hautement toxique</a>. La capacité à échapper aux prédateurs durant ses jeunes années permet à ce requin d’adopter une stratégie de reproduction plus calme. C’est ainsi que les femelles doivent attendre d’avoir <a href="http://science.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.aaf1703">environ 150 ans</a> pour atteindre la maturité reproductive.</p>
<p>Dans les hautes latitudes où ils évoluent, la faible luminosité des mois d’hiver induit une raréfaction des plantes et des algues dont les autres créatures de ces zones se nourrissent ; cela peut avoir un effet sur les apports de nutriments de toute la chaîne alimentaire. Dès lors, la capacité à endurer les mauvaises années et à se reproduire pendant les périodes plus fastes est un élément-clé pour la survie de ces requins ; on l’aura compris, une durée de vie allongée est un moyen très efficace de connaître de nombreuses « bonnes » années.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/133812/original/image-20160811-11853-wo1i5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boucliers anti-âge.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La cyprine</h2>
<p>La cyprine (encore appelée quahog nordique ou praire d’Islande, <em>Arctica islandica</em>) détient le record de l’animal le plus vieux connu des scientifiques. Pour déterminer son âge, il suffit de compter les bandes annuelles observables sur sa coquille. C’est ainsi qu’un spécimen (désormais connu sous le nom de Ming) collecté en Islande a affiché un âge de <a href="http://www.sciencenordic.com/new-record-world%E2%80%99s-oldest-animal-507-years-old">507 années</a>.</p>
<p>Comme de nombreuses autres <a href="http://rspb.royalsocietypublishing.org/content/283/1836/20161364">espèces de mollusques</a>, la cyprine connaît une croissance lente et vit plus longtemps dans les hautes latitudes. Dans le nord de l’Islande, elle peut ainsi vivre en général <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0031018212000302">au-delà de 300 ans</a>, quand, plus au sud, dans les eaux européennes ou nord-américaines (où les nutriments sont présents en plus grande quantité), son âge ne dépasse pas les 250 ans. De même que pour le requin du Groenland, il s’agit là d’une stratégie de reproduction adaptée dans des eaux pauvres en nutriments mais où il y a peu à craindre des prédateurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/133815/original/image-20160811-18014-1b7tcry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comment apprivoiser la vieillesse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bowhead_whale#/media/File:Bowhead-1_Kate_Stafford_edit_(16272151841).jpg"> Bering Land Bridge National Preserve/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>La baleine boréale</h2>
<p>On a retrouvé sur une baleine boréale pêchée lors d’une expédition en Alaska courant 2007 la tête d’un harpon datant de <a href="http://www.nature.com/news/2007/070619/full/news070618-6.html">la fin du XIX<sup>e</sup> siècle</a>. On a établi son âge grâce au radiocarbone à 211 ans, ce qui en fait le plus vieux mammifère jamais observé. À la différence des autres baleines, on trouve ces animaux uniquement dans les eaux froides arctiques et subarctiques.</p>
<p>L’<a href="http://www.medicaldaily.com/can-marine-biology-help-us-live-forever-bowhead-whale-can-live-200-years-cancer-316424">analyse de leur ADN</a> suggère que l’absence de prédateurs naturels leur a permis de développer des défenses naturelles contre le déclin lié à l’âge.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/133814/original/image-20160811-18014-1wjt4b1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les années passent, pas la carapace.</span>
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<h2>La tortue géante</h2>
<p>Seul animal terrestre connu pour vivre plus de 200 ans, la tortue géante se rencontre aujourd’hui seulement sur quelques îles isolées des océans pacifique et indien. Une tortue géante originaire de l’atoll d’Aldabra aux Seychelles est morte en 2006 à l’âge de 255 ans dans un <a href="http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/south_asia/4837988.stm">zoo de Calcutta</a>, en Inde. Jonathan, la tortue géante la plus âgée vit aujourd’hui aux Seychelles et <a href="http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-35268755">affiche 184 années</a>.</p>
<p>Pour déjouer les attaques de ses prédateurs, la tortue géante adopte le système « ceinture-bretelle », et conserve sa très résistante carapace même dans les zones où elle ne craint absolument rien. Sans la menace de devenir une proie, l’animal peut – comme c’est le cas du requin du Groenland et de la cyprine – ralentir son métabolisme, ce qui lui permet d’affronter les périodes où la nourriture <a href="https://animalcaseprofile.wordpress.com/2015/10/21/galapagos-giant-tortoise-geochelone-nigra/">se fait rare</a>.</p>
<h2><em>Homo sapiens</em></h2>
<p>Jeanne Calment, qui est morte en 1997 à l’âge de 122 ans, fut la plus vieille personne (et très probablement le plus vieux mammifère terrestre) dont on a pu établir <a href="http://www.nytimes.com/1997/08/05/world/jeanne-calment-world-s-elder-dies-at-122.html">avec exactitude</a> la longévité. De fait, <em>Homo sapiens</em> est le seul mammifère terrestre connu pour vivre <a href="http://www.encyclopedia.com/topic/lifespan.aspx">plus d’un siècle</a>, et la question de savoir si une telle longévité a pu exister avant l’avènement de l’agriculture est passionnante.</p>
<p>Pour les mammifères, l’un des indicateurs de la longévité semble être la taille du cerveau. Celle-ci reflète une capacité renforcée à s’adapter à un environnement qui évolue sans cesse ainsi qu’une défense efficace contre les prédateurs. Et il semble que même les premiers humains pouvaient vivre jusqu’à 70 ou 80 ans, ce qui est nettement plus long que les <a href="http://biomedgerontology.oxfordjournals.org/content/55/4/B201.full.pdf+html">grands singes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Butler a reçu des financements de l’Union européenne. </span></em></p>Après la récente découverte d’un requin vieux de quatre siècles, gros plan sur cinq espèces à l’extraordinaire longévité.Paul Butler, Research Lecturer, School of Ocean Sciences, Bangor UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.