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Comment la gestion des risques liés aux inondations a évolué en France

À Paris, en 1910, lors de la grande crue. RV1864/flickr, CC BY-NC-ND

L’inondation est, de très loin, le premier risque naturel en France. Plus de la moitié des indemnisations des catastrophes naturelles vont à ses victimes. En effet, près d’un Français sur quatre et un emploi sur trois sont aujourd’hui en zone potentiellement exposée. Environ 19 000 communes françaises sont soumises à ce danger à des degrés divers.

Les dommages directs sont également très lourds : on estime que les inondations coûtent chaque année, en moyenne, entre 650 à 800 millions d’euros de dommages assurables, dont environ la moitié est prise en charge par le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Mais ces dernières années, le milliard d’euros annuel est de plus en plus fréquemment dépassé, et on s’attend à des sommes supérieures à 30 milliards d’euros si l’Île-de-France venait à être touchée par une crue majeure du type de celle survenue en 1910.

À l’échelle européenne, on a estimé que, pour la période 2002-2013, les inondations ont coûté 150 milliards d’euros aux États membres pour 363 événements recensés. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont payé un lourd tribut avec respectivement 34 et 23 milliards d’euros de dommages. La France, quant à elle, a subit 8,7 milliards d’euros de dégâts sur cette même période.

Au gré des événements marquants

Si ces dernières décennies la France a été épargnée par les très grandes catastrophes mettant à mal l’économie du pays, le risque d’inondation n’en est pas moins une préoccupation nationale et la réglementation, principalement pour contrôler l’urbanisme, a toujours évolué à la suite d’événements qui ont marqué les esprits et les territoires.

L’histoire de la prévention des risques d’inondation démarre en France à la suite des grandes inondations du milieu du XIXᵉ siècle, sur la Loire et le Rhône notamment. La lutte contre la déforestation et l’érosion des sols s’organise alors dans les zones de montagne à partir de 1860, tandis qu’à l’aval, les villes voient l’apparition dès 1858 d’un dispositif législatif pour la mise en place d’actions de protection. Ces lois impériales ont très longtemps eu cours, tandis qu’elles ont été complétées après les inondations de 1910 (à Paris notamment) et, entre les deux guerres, pour finalement aboutir, en 1935, à l’apparition des premiers zonages à grande échelle : les PSS (plans de surfaces submersibles), ancêtres de nos outils actuels.

S’ensuit plusieurs décennies de relative tranquillité en matière d’inondation, au cours desquelles l’État s’emploie à établir un lien entre l’urbanisme – les permis de construire – et ces premiers zonages. Dans les années 1970, les parlementaires débattent régulièrement sur le projet d’un système d’assurance à garantie nationale, basé sur la solidarité et la mutualisation. En 1981, des inondations sur la Saône et la Garonne accélèrent le processus et, le 13 juillet 1982, la loi instaurant le système catastrophes naturelles dit « CAT NAT » voit le jour. L’État en profite pour réformer les vieux PSS en créant les PER (plans d’exposition aux risques). On complète cet arsenal par une réforme de la sécurité civile par la loi risque de 1987, qui donne aussi le droit au citoyen à l’information relative aux risques.

De nouveaux outils pour faire face

A priori le pays semblait armé pour une meilleure prise en compte du risque inondation, mais c’était sans compter sur une série de catastrophes qui allaient se succéder en peu d’années : Le Grand-Bornand en 1987, Nîmes en 1988, Vaison-la-Romaine en 1992, le Bas-Rhône et la Camargue en 1993 vont éveiller les consciences sur les lacunes de notre politique de gestion des risques d’inondation. L’effort sur la maîtrise de l’urbanisme doit être une priorité et les PER se voient remplacés par les PPR (plan de prévention des risques) dans une loi de 1995 qui instaura un fonds dédié aux politiques de prévention (le fonds Barnier). Par ailleurs, cette loi rend possible « le retour en arrière » de l’urbanisation en zone inondable par l’expropriation. Le PPR et le fonds Barnier sont encore aujourd’hui des piliers de la politique française de gestion des risques d’inondation, mais ils ont depuis été complété par d’autres outils.

À La Faute-sur-Mer, en mars 2010, après la passage de la tempête Xynthia qui s’est abattue sur la côte atlantique, faisant une cinquantaine de victimes en France. Jean-Pierre Muller/AFP

Dans les années 2000, le rythme des événements catastrophiques s’accélère. L’Aude en 1999, le Gard en 2002 et la basse vallée du Rhône en 2003 totalisèrent 67 décès, tandis que les inondations de la Somme, en 2001, durèrent deux mois durant. Réglementer l’urbanisme et se protéger par des digues ne suffisent plus. La gestion des risques d’inondation doit passer par plus d’actions de prévention : le réaménagement du bâti existant, la préparation de la gestion de crise, l’organisation par la commune de la mise en sécurité préventive des personnes, l’information et la sensibilisation des populations, l’acquisition des bons réflexes…

Ces actions et les outils qui permettent d’y parvenir sont l’objet du PAPI (le programme d’action de prévention des inondations) dont le principe est issu de la loi risque du 30 juillet 2003. Les PAPI seront dorénavant déployés sur des territoires particulièrement vulnérables. La sécurité civile a, quant à elle, été une nouvelle fois réformée par une loi en 2004 qui crée les réserves communales de sécurité civile et les plans communaux de sauvegarde (PCS) pour une gestion de la crise au plus près de la catastrophe.

Une approche localisée

Parallèlement, l’Europe impose dorénavant un traitement de la problématique des inondations à tous ses états membres par une directive de 2007. Cette dernière est appliquée sur le territoire français depuis 2010 en évaluant et hiérarchisant les territoires les plus à risques (122 territoires ont été ciblés pour prendre en compte le maximum d’habitants et d’emplois en zone inondable), mais aussi en privilégiant une recherche de solutions concertée entre tous les acteurs locaux. Des programmes de mesures verront le jour à partir de 2016 dans ces zones.

Le nombre de victimes, catastrophe après catastrophe, demeure toujours aussi préoccupant. Le Var a subi en 2010 de graves inondations faisant 23 morts. Un peu plus tôt dans l’année, les inondations de la tempête Xynthia furent la cause de 53 décès sur la façade atlantique. Les plans submersions rapides (PSR) sont mis en place en 2011 et ont pour vocation prioritaire d’augmenter la sécurité des populations. Après les inondations de 2013 dans les Pyrénées, l’année 2014 bat tous les records avec 10 épisodes pluvieux intenses dans le sud méditerranéen et 2015 fait déjà payer un lourd tribut humain à ces mêmes régions.

Les événements qui se succèdent interpellent, mais ne doivent pas nous faire oublier que les solutions déjà en place ont besoin de temps pour porter leurs fruits.

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