tag:theconversation.com,2011:/institutions/ecole-des-hautes-etudes-en-sante-publique-ehesp-3028/articlesÉcole des hautes études en santé publique (EHESP) 2024-02-20T14:41:12Ztag:theconversation.com,2011:article/2189792024-02-20T14:41:12Z2024-02-20T14:41:12ZComment les lycéens se représentent l’avenir en temps de crise<p>L’adolescence a longtemps été perçue comme une période d’irresponsabilité, où l’important était surtout de « prendre du bon temps » et de profiter de l’instant présent. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, tant s’en faut. L’avenir est une préoccupation majeure, aussi bien pour les parents que pour les jeunes.</p>
<p>Plus de <a href="https://journals.openedition.org/revss/9981">80 % des lycéennes et lycéens que nous avons enquêtés</a> dans un établissement de 3 000 élèves de l’ouest de la France, socialement mixte, dans le cadre de la chaire <a href="https://www.ehesp.fr/recherche/organisation-de-la-recherche/les-chaires/chaire-enfance-bien-etre-et-parentalite/">« Enfance, bien-être et parentalité »</a> y réfléchissent au moins une fois par mois, et environ un tiers d’entre eux le font quotidiennement.</p>
<p>Si leur avenir scolaire et professionnel arrive très largement en tête de leurs préoccupations, le devenir du monde et de la société occupe une place non négligeable dans les réflexions des adolescents. L’écologie, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-sociales-53084">inégalités sociales</a> et les situations politiques nationales et internationales suscitent davantage leur intérêt et leur attention que l’avenir de leurs proches et des relations entretenues avec eux.</p>
<p>Toutefois, cette capacité à se projeter dans l’avenir n’est pas uniformément répartie dans la société. Elle est marquée par de fortes différenciations sociales : les filles et les élèves des classes supérieures sont plus enclins que les garçons et les élèves de classes populaires à s’inquiéter de leur propre avenir et de l’avenir en général.</p>
<p>Non seulement les premiers sont bien plus nombreux que les seconds à avoir des projets d’études et des projets professionnels, mais ils et elles sont également plus susceptibles de se détacher d’une vision individualiste du futur pour se questionner sur le monde de demain, et plus particulièrement sur son versant écologique.</p>
<h2>Chez les lycéens et les lycéennes, des visions de l’avenir assez contrastées</h2>
<p>Lorsqu’on leur demande à quoi leur fait penser le terme « avenir », trois mots ressortent particulièrement : le travail (64 %), l’indépendance (64 %) et le <a href="https://theconversation.com/face-au-rechauffement-climatique-passer-de-leco-anxiete-a-leco-colere-184670">réchauffement climatique</a> (40 %). Si la prégnance des mots « travail » et « réchauffement climatique » ne fait que renforcer le constat déjà établi sur l’importance de leur avenir professionnel et de leurs questionnements sur la situation écologique à venir, le recours fréquent au mot « indépendance » met en lumière un autre élément du rapport à l’avenir des jeunes : la centralité du <a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">processus d’autonomisation</a> induit par le passage de l’adolescence à la jeunesse, puis à l’âge adulte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">Comment la pandémie redessine les chemins des jeunes vers l’autonomie</a>
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<p>Le futur est, pour une grande partie de ces jeunes, le signe d’un détachement (tant attendu) du contrôle des adultes et des parents. L’analyse des mots que les adolescents associent à l’avenir permet de mettre en lumière quatre visions du futur, structurées par une double opposition : d’un côté, entre un rapport positif et un rapport négatif à l’avenir ; de l’autre, entre un rapport individuel et un rapport collectif au futur.</p>
<p><strong>L’avenir comme horizon incertain</strong></p>
<p>Dans la première vision, qui rassemble 45 % des enquêtés, les termes qui reviennent le plus souvent sont : « incertitude », « ailleurs » et « peur », tandis que « joie » et « liberté » font partie des mots les moins employés. Les adolescentes et adolescents de ce groupe ont une perception plus individualiste de l’avenir : s’ils sont parmi les plus nombreux à se questionner quotidiennement sur leur propre avenir, et plus précisément sur leur avenir scolaire, ils sont également les moins susceptibles de s’inquiéter de l’avenir de leur famille et de la société en général.</p>
<p><strong>L’avenir comme situation de crise(s)</strong></p>
<p>La deuxième vision, regroupant 10 % des jeunes, a également une tonalité négative et inquiète mais appliquée à une dimension plus globale et collective. Les mots les plus fréquemment utilisés sont « catastrophes sociales », « crise économique », et « réchauffement climatique ». Les termes liés à connotation plus individuelle tels que « peur », « liberté », « joie » sont peu mobilisés. Les lycéens de ce groupe apparaissent autant, voire bien plus inquiets et concernés par l’avenir de la société dans son ensemble que par leur propre futur.</p>
<p><strong>L’avenir comme période de liberté</strong></p>
<p>La troisième vision, qui réunit 30 % des enquêtés, contraste nettement avec les précédentes en ce qu’elle est largement positive. Les mots associés au futur sont « liberté » et « indépendance ». Il y a peu de traces de « peur », d’« incertitude » ou d’« inquiétude » dans les réponses. Les adolescentes et adolescents de ce groupe semblent confiants. La situation sociale et écologique à venir comme leur devenir professionnel les préoccupent peu. Seul leur futur amoureux et amical est l’objet de questionnement quotidien – sans doute parce qu’il sera au centre de leur vie (étudiante à venir).</p>
<p><strong>L’avenir comme entrée dans un monde adulte (idéalisé)</strong></p>
<p>La dernière vision, qui caractérise 15 % des personnes interrogées, est également positive, mais se place, contrairement à la précédente, sous le signe d’une réalisation familiale et professionnelle plutôt que personnelle. Ce sont les termes « famille », « joie » et « travail » qui sont les plus employés, très loin devant « indépendance » ou « liberté ». Si les jeunes de ce groupe souhaitent travailler rapidement (la plupart ont une idée précise du métier qu’ils entendent exercer), c’est pour pouvoir fonder une famille ou venir en aide à leurs parents ou à leurs frères et sœurs. Ce n’est pas pour profiter d’une période de liberté. Ce qui compte c’est l’avenir des gens qui comptent pour eux.</p>
<h2>L’influence des styles d’éducation familiale</h2>
<p>Ces quatre visions de l’avenir ne se retrouvent pas de façon aléatoire dans la société. Elles dépendent des conditions d’existence des adolescentes et adolescents mais aussi et peut-être surtout des styles d’éducation familiale reçue, et notamment du niveau d’implication des pères et des mères dans les différents domaines de la vie de leurs enfants.</p>
<p><strong>Le style éducatif centré sur la réussite scolaire</strong></p>
<p>Les adolescents qui ont une vision incertaine de l’avenir se distinguent par le fait d’avoir des parents très impliqués dans leur vie scolaire et qui contrôlent constamment la vie sociale et amoureuse de leurs enfants, afin de les rendre plus enclins à s’investir pleinement, voire uniquement dans le domaine scolaire.</p>
<p>Dans ces familles de classes moyennes, la réussite scolaire est fondamentale et occupe une large part des discussions parents-enfants dans la mesure où de fortes rétributions matérielles et symboliques sont attendues de l’école et de l’investissement scolaire, d’autant plus que leurs enfants sont majoritairement en Terminale, où se posent clairement les questions d’orientation.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la politique</strong></p>
<p>Les lycéennes et lycéens qui perçoivent l’avenir comme une période de crise viennent de familles très politisées, qui accordent plus de place à l’autonomie des jeunes et où les enjeux scolaires semblent moins importants, d’une part du fait de bons résultats scolaires des enfants et d’autre part en raison d’une moindre pression à s’orienter puisqu’ils et elles sont encore en classe de Seconde ou de Première.</p>
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<p>Les parents de ces adolescents privilégient les discussions autour de sujets économiques, politiques, écologiques et sociaux, avec une attention particulière aux inégalités sociales. Il n’est donc pas surprenant de retrouver chez ces jeunes un rapport de confrontation au monde avec une forte volonté d’agir contre les injustices.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la négociation et l’autonomie</strong></p>
<p>Les lycéennes et lycéens qui conçoivent l’avenir comme une période de liberté ont eu une éducation très libérale, basée sur la négociation et l’apprentissage de l’auto-contrainte, avec une sociabilité amicale fortement valorisée. Dans ces familles plutôt issues de classes supérieures, il est important que les enfants, et notamment les garçons, soient autonomes dès leur plus jeune âge et apprennent à bien gérer et à bien contrôler le(ur) temps, dans la mesure où il s’agit de compétences jugées nécessaires pour accéder aux positions dominantes qu’ils devront occuper plus tard.</p>
<p>Mais il semble également primordial pour ces parents que leurs enfants valorisent leurs relations sociales, une sociabilité (mondaine) dans le but de créer et d’entretenir un capital social utile à l’âge adulte.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la réalisation des aspirations personnelles</strong></p>
<p>Enfin, les jeunes qui se représentent l’avenir comme une entrée dans un monde adulte idéalisé se distinguent par le fait d’avoir reçu une éducation familiale centrée sur la réalisation des aspirations personnelles. Dans ces familles appartenant aux classes populaires stables, les relations parents-enfants sont chaleureuses et se caractérisent par un fort niveau de connivence et par un soutien important des premiers à l’égard de la vie scolaire et quotidienne des seconds.</p>
<p>Si la réussite scolaire importe, elle n’est pas une fin en soi. Le but de la forte implication morale et matérielle des parents est que leur enfant puisse être heureux dans ce qu’il entreprend. Il n’est donc pas surprenant que le futur brossé par ces jeunes ressemble beaucoup à la situation familiale vécue avec leurs parents. Les niveaux de bien-être qu’elles et ils perçoivent et ressentent eux-mêmes en tant qu’enfants semblent contribuer à la volonté de reproduire cette situation pour leurs futurs enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a>
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<p>Le rapport à l’avenir des jeunes est donc loin d’être homogène et défaitiste, malgré les situations de crises économiques, écologiques ou sanitaires. En fonction de leurs conditions de vie et des styles d’éducation familiale reçue, les adolescents n’ont, d’une part, pas les mêmes dispositions à se projeter dans l’avenir et, d’autre part, pas les mêmes représentations de l’avenir et de ce qui compte ou comptera dans le futur (étude, famille, travail, etc.).</p>
<p>Aussi intéressants soient ces résultats, il convient toutefois de rappeler que les tendances repérées ici mériteraient d’être corroborées par d’autres enquêtes dans la mesure où il s’agit d’une enquête exploratoire dans laquelle les filles et les classes supérieures sont légèrement surreprésentées.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par Kevin Diter, Marine Lecœur and Claude Martin. Ces recherches sur l'avenir des lycéennes et lycéens ont aussi fait l'objet d'un <a href="https://soundcloud.com/inspe-lille-hdf/sets">podcast avec l'INSPE Lille Hauts-de-France</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Diter a reçu des financements de la caisse nationale d'allocation familiale (CNAF) et du ministère de la Culture pour des projets de recherche portant sur la construction des émotions et du sens de la justice chez les enfants. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claude Martin a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de son activité de chercheur au CNRS. </span></em></p>La manière dont les lycéennes et lycéens envisagent l’avenir est loin d’être uniforme. Et le style d’éducation qu’ils reçoivent contribue à modeler leur vision du futur.Kevin Diter, Maître de conférences en sociologie, Université de LilleClaude Martin, Sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2178362023-11-20T17:14:46Z2023-11-20T17:14:46ZQuand le conflit israélo-palestinien déborde sur les campus américains<p>La violence de l’attaque inédite du Hamas contre Israël, puis celle de la riposte de Tsahal dans la bande de Gaza ont déclenché des <a href="https://www.letemps.ch/monde/avec-la-guerre-a-gaza-les-campus-americains-sont-sous-tension">réactions intenses au sein de la plupart des campus universitaires américains</a>. Depuis le 7 octobre, les étudiants expriment leurs opinions, s’engagent dans des débats, s’opposent ouvertement et manifestent.</p>
<p>Cette polarisation ramène la question israélo-palestinienne au centre des préoccupations, mettant les dirigeants des universités dans une position délicate : ceux-ci doivent en effet arbitrer en permanence entre la protection de la liberté d’expression et celle de la sécurité, tout en conservant de <a href="https://www.marianne.net/monde/ameriques/guerre-israel-hamas-les-universites-americaines-prises-en-etau-entre-ses-donateurs-et-ses-etudiants">bonnes relations avec les donateurs</a>, qui représentent une <a href="https://www.cairn.info/mutations-de-l-enseignement-superieur-et-internati--9782804165963-page-129.htm">source majeure de financement</a> pour les établissements d’enseignement supérieur aux États-Unis.</p>
<h2>Tensions sur les campus</h2>
<p>Début novembre, à l’Université Brown, à Providence, dans l’État du Rhode Island, la police a arrêté des membres du collectif <a href="https://www.bostonglobe.com/2023/11/08/metro/18-students-arrested-brown-university-during-sit-in-over-israel-hamas-war/">« Jews for Ceasefire Now »</a> qui occupaient par un sit-in le bureau présidentiel, réclamant le désengagement financier de l’université des entreprises impliquées dans le conflit, notamment celles qui facilitent l’occupation des territoires palestiniens. Cette revendication s’inscrit dans le cadre du plus vaste mouvement <a href="https://www.cairn.info/boycott-desinvestissement-sanctions--9782358720076-page-7.htm">BDS</a> (Boycott Désinvestissement Sanctions) qui, depuis 2005, mobilise régulièrement une partie des étudiants des campus universitaires américains.</p>
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<p>Il y a quelques jours, à Columbia, <a href="https://fr.timesofisrael.com/columbia-university-suspend-jewish-voice-for-peace-et-students-for-justice-in-palestine/">deux associations d’étudiants pro-palestiniens ont été suspendues</a> pour avoir organisé un rassemblement non autorisé, en violation de la politique relative à la tenue d’événements sur le campus. La décision a suscité des critiques et des débats autour de la censure et de la défense de la liberté académique et d’expression. « Jewish Voice for Peace », une organisation se définissant comme antisioniste, a réagi à la suspension de Columbia, <a href="https://www.jewishvoiceforpeace.org/2023/11/10/cu-appalling/">dénonçant une atteinte à la liberté d’expression</a>. La section new-yorkaise du Conseil des relations américano-islamiques a également <a href="https://www.cair.com/press_releases/cair-new-york-condemns-columbia-u-decision-to-suspend-students-for-justice-in-palestine-jewish-voice-for-peace/">critiqué cette décision</a>, qualifiée de répression des voix pro-palestiniennes sur les campus.</p>
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<p>À Harvard, comme dans de nombreuses autres universités, des manifestations ont éclaté, suivies de contre-manifestations, mettant en lumière les divisions au sein de la communauté estudiantine et la complexité croissante de la gestion de la confrontation de la pluralité d’opinions en milieu universitaire.</p>
<h2>Réactions politiques</h2>
<p>Les tensions s’étendent au-delà des campus, suscitant des réactions politiques. De nombreux élus républicains ont ciblé les condamnations d’Israël dans les universités, <a href="https://www.foxnews.com/politics/gop-presidential-hopefuls-call-repeal-federal-funding-tax-breaks-colleges-excuse-antisemitism">menaçant de suspendre les subventions fédérales</a> si les administrateurs des établissements n’endiguaient pas l’activisme en faveur des droits des Palestiniens.</p>
<p>Le sénateur Tim Scott, candidat républicain à la présidentielle de 2024, a présenté en octobre un <a href="https://www.scott.senate.gov/media-center/press-releases/senator-tim-scott-introduces-legislation-to-defund-colleges-and-universities-that-promote-antisemitism/">projet de loi</a> visant à geler le financement fédéral pour les universités qui « colportent l’antisémitisme », citant en exemple la tenue d’un <a href="https://www.inquirer.com/education/university-pennsylvania-literature-festival-antisemitism-20231003.html">festival de littérature palestinienne à l’Université de Pennsylvanie</a>.</p>
<p>De même, le réseau des universités de l’État de Floride a appelé les institutions sous sa tutelle à <a href="https://www.aclu.org/cases/students-for-justice-in-palestine-at-the-university-of-florida-v-raymond-rodrigues">dissoudre les sections du groupe « Students for Justice in Palestine »</a> (SJP) du fait de ses liens présumés avec des « groupes terroristes ». La décision aurait été prise après consultation du gouverneur de Floride Ron DeSantis, lui aussi candidat républicain à la présidence.</p>
<p>Ces prises de position soulèvent des inquiétudes majeures quant à la liberté académique et ont incité l’American Civil Liberties Union (ACLU) à publier une <a href="https://www.aclu.org/documents/open-letter-to-colleges-and-university-leaders-reject-efforts-to-restrict-constitutionally-protected-speech-on-campuses">lettre ouverte</a> adressée aux dirigeants des universités, les appelant à protéger la liberté d’expression et dénonçant les tentatives de dissolution ou de réduction au silence des associations.</p>
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<p>Les étudiants ressentent les répercussions de cette crise, avec la multiplication des menaces en ligne, des tactiques d’intimidation et du <a href="https://abcnews.go.com/International/doxxing-campaign-pro-palestinian-college-students-ramps/story?id=104141630">« doxxing »</a> – une nouvelle pratique consistant à divulguer publiquement, souvent en ligne, leurs informations personnelles.</p>
<p>Certains étudiants redoutent également que leurs perspectives de carrière ne soient compromises par leur engagement. Par exemple, un professeur de droit à l’Université de Californie à Berkeley a signé une <a href="https://www.wsj.com/articles/dont-hire-my-anti-semitic-law-students-protests-colleges-universities-jews-palestine-6ad86ad5">tribune</a> dans le <em>Wall Street Journal</em> appelant à ne pas embaucher ceux, parmi ses étudiants en droit, qui avaient critiqué le sionisme dans le cadre de leur militantisme. Les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/opinion-rien-ne-m-avait-prepare-a-l-antisemitisme-qui-regne-actuellement-sur-les-campus-americains">incidents antisémites</a>, les critiques envers Israël, et les débats clivants autour du soutien aux Palestiniens alimentent les divisions sur les campus.</p>
<h2>Le poids des donateurs</h2>
<p>Aux États-Unis, sans doute plus qu’ailleurs, les dirigeants universitaires sont confrontés à des dilemmes complexes. Car leurs déclarations officielles, cruciales et délicates, sont scrutées non seulement par les étudiants et les médias mais aussi par les donateurs. Certains mécènes ont réagi de manière inattendue, critiquant ouvertement les présidents d’université pour des positions perçues comme insuffisamment fermes envers les violences perpétrées par le Hamas.</p>
<p>À l’Université de Pennsylvanie, la présidente Liz Magill a été <a href="https://edition.cnn.com/2023/10/25/business/palestine-writes-literature-festival-what-happened/index.html">désavouée</a> pour avoir autorisé la participation et l’expression de personnalités considérées comme antisémites – notamment <a href="https://fr.timesofisrael.com/roger-waters-explique-ses-propos-antisemites-recemment-reveles-dans-un-documentaire/">Roger Waters</a>, l’ancien leader du groupe de rock Pink Floyd – lors du festival de littérature « Palestine Writes », ce qui avait conduit à la <a href="https://www.thedp.com/article/2023/10/penn-trustees-pressure-palestine-writes-letter">démission de plusieurs membres du conseil d’administration</a> et à une <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/13/us/university-of-pennsylvania-israel-palestine.html">réaction en chaîne de protestations chez les donateurs</a>.</p>
<p>Le défi consistant à concilier liberté académique et attentes des donateurs n’épargne aucune institution. Harvard a également été sous les feux des projecteurs, suite à une <a href="https://www.newyorker.com/news/dispatch/the-anguished-fallout-from-a-pro-palestinian-letter-at-harvard">lettre ouverte signée par de nombreuses organisations étudiantes</a> publiée sur les réseaux sociaux dès le 7 octobre au soir, accusant Israël de porter la responsabilité des violences en cours.</p>
<p>L’indignation a éclaté face au <a href="https://twitter.com/LHSummers/status/1711421309358420140">silence de la présidente de Harvard</a>, Claudine Gay, qui a fini par <a href="https://www.washingtontimes.com/news/2023/oct/10/harvard-president-claudine-gay-condemns-letter-stu/">condamner la lettre quelques jours plus tard</a>. Des figures influentes telles que l’ancien président de l’université (et secrétaire des États-Unis au Trésor de 1999 à 2001 sous Bill Clinton) <a href="https://larrysummers.com/2023/11/13/reflections-on-antisemitism-and-the-university/">Lawrence Summers</a> et les sénateurs républicains <a href="https://www.cruz.senate.gov/newsroom/press-releases/icymi-cruz-stefanik-confront-alma-mater-in-letter-demanding-harvard-condemn-antisemitism">Ted Cruz</a> et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-10-23/harvard-criticized-by-klarman-romney-over-campus-antisemitism">Mitt Romney</a> (tous deux anciens de Harvard) ont appelé à des mesures plus fermes contre l’antisémitisme, soulignant le risque de mise en danger des étudiants juifs.</p>
<p>Même la Maison Blanche exprime désormais sa préoccupation face à la montée alarmante des actes antisémites dans les écoles et universités. En effet, malgré les mesures en cours, les étudiants identifiés comme juifs ou pro-palestiniens sont confrontés à des menaces graves qui conduisent certains à se barricader chez eux et à <a href="https://www.europe1.fr/international/je-dois-cacher-que-je-suis-juive-aux-etats-unis-les-actes-antisemites-explosent-4213841">suivre les cours à distance</a>.</p>
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<p>Du fait de l’épisode de la lettre ouverte et de la réaction jugée tardive de Claudine Gay, et en raison d’inquiétudes concernant une possible montée de l’antisémitisme au sein du campus, Harvard a perdu des donateurs de taille, dont la <a href="https://www.wexnerfoundation.org/letter-to-harvard/">Fondation Wexner</a> qui soutient traditionnellement par des bourses (plus de 2 millions de dollars en 2021) l’accès aux programmes de la Kennedy School des futurs leaders de la communauté juive américaine et d’Israël. Ancien élève de Harvard, le milliardaire <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-12633907/Harvard-donor-student-letter-Hamas-Israel.html">Ken Griffin</a> a appelé à une réponse plus ferme de la part des dirigeants de son <em>alma mater</em>, sans pour autant couper son soutien financier qui s’est élevé, pour 2023, à 300 millions de dollars.</p>
<p>De façon plus structurelle, les organisations, fondations familiales et fédérations juives d’Amérique du Nord, principalement des États-Unis, comptent traditionnellement parmi les plus gros donateurs des organisations à but non lucratif en Israël et <a href="https://theconversation.com/israel-is-getting-a-surge-in-donations-from-the-us-in-the-aftermath-of-the-oct-7-attacks-215590">sont donc particulièrement sensibles à l’évolution de l’antisémitisme dans la société américaine au général et sur les campus en particulier</a>.</p>
<p>Compte tenu du modèle économique des grandes universités de recherche américaines, essentiellement dépendantes des revenus de leur capital (<em>endowment</em>) et du mécénat, les donateurs exercent une influence croissante, ce qui soulève des questions sur la garantie de la liberté académique et d’expression sur les campus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberte-academique-des-enseignants-est-elle-en-danger-sur-les-campus-americains-156729">La liberté académique des enseignants est-elle en danger sur les campus américains ?</a>
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<h2>Interrogations renouvelées sur le rôle des philanthropes dans l’enseignement supérieur</h2>
<p>Le contexte géopolitique international a provoqué la réouverture aux États-Unis des débats jusqu’alors focalisés sur la pensée dite <a href="https://www.cairn.info/revue-raison-presente-2016-3-page-3.htm">décoloniale</a> (et sur les phénomènes dits de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-jeudi-17-novembre-2022-9858232">« cancel culture »</a> et de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/etats-unis-face-a-la-censure-woke-l-universite-s-organise-8892340">wokisme</a>) ou bien réservés à des cercles intellectuels minoritaires sur les liens entre enseignement supérieur et démocratie.</p>
<p>De nombreux universitaires, comme le philosophe <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691183497/just-giving">Robert Reich</a>, l’historien <a href="https://www.columbiaspectator.com/opinion/2023/11/08/on-israel-and-gaza-we-silence-ourselves/">Gregory Mann</a>, ou encore la section de l’université de Pennsylvanie de <a href="https://aaup-penn.org/wp-content/uploads/2023/10/Statement-on-Threats-to-Academic-Freedom-University-Governance-and-Safety-at-the-University-of-Pennsylvania.pdf">l’Association américaine des professeurs d’université</a>, se sont exprimés publiquement, estimant que les philanthropes ne devraient pas orienter la politique des institutions d’enseignement supérieur et de recherche, soulignant ainsi l’importance de l’indépendance académique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-vous-avez-dit-philanthropie-face-a-la-privatisation-de-la-democratie-il-est-urgent-douvrir-les-yeux-103750">Débat : Vous avez dit philanthropie ? Face à la privatisation de la démocratie, il est urgent d’ouvrir les yeux</a>
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<p>La reprise du conflit en Israël, à Gaza et en Cisjordanie met à l’épreuve la gouvernance des campus et l’engagement des donateurs. L’équilibre entre financement et indépendance académique se révèle plus crucial que jamais, rappelant encore une fois la fragilité des dispositifs de préservation de la liberté académique face aux pressions extérieures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Manifestations, lettres ouvertes, sit-in… les universités américaines sont en ébullition depuis le 7 octobre, et leurs donateurs entendent bien peser sur leurs orientations.Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2149882023-10-05T08:23:10Z2023-10-05T08:23:10ZLa désobéissance civile climatique : les États face à un nouveau défi démocratique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552066/original/file-20231004-23-zkgz2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=179%2C62%2C5811%2C3925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« La désobéissance civile marche » assure sur cette pancarte cette militante australienne d'Extinction Rebellion. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rebellion-day-brisbane-australia-july-2009-1487980760">Ramji Creations/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 28 août 1963, Martin Luther King prononçait son célèbre discours à la suite d’une marche à Washington pour les droits civiques des Noirs américains, dont l’histoire a gardé la formule « I have a dream ». La mémoire collective a principalement conservé des images de marches, de boycotts de bus voire d’occupations illégales d’espaces d’exclusion des personnes dites de couleur de cette pratique de la désobéissance civile. Une expression forgée par le philosophe précurseur de l’écologie Henry David Thoreau qui renvoie à des registres de mobilisations variées allant du refus d’appliquer la loi à celle de la transgresser voire à l’interpeller pour montrer son caractère injuste.</p>
<p>Mais pour les acteurs de ces mouvements, pour ces personnes revendiquant leur citoyenneté pour pratiquer des illégalismes sans recourir à une remise en cause du récit démocratique, la désobéissance civile, avant de fournir de possibles symboles marquants, s’appuie d’abord sur un corpus de pensée et de théories qui les autorisent, aux yeux de l’opinion publique, d’enfreindre la loi en toute conscience, de s’opposer avec leur détermination voire de se mettre en danger tout en acceptant la répression.</p>
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<img alt="Photographie de Martin Luther King incarcéré en 1963 suite à sa participation à une manifestation pacifique pour les droits civiques des Noirs Américains" src="https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">photographie de Martin Luther King incarcéré en 1963 suite à sa participation à une manifestation pacifique pour les droits civiques des Noirs Américains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La pratique de la désobéissance civile contemporaine des écologistes s’inscrit clairement dans cette lignée de « I have a dream ». Car il s’agit de faire advenir un monde nouveau, de pousser les lignes du récit démocratique en le renouvelant par de nouvelles générations, de nouveaux enjeux. Le caractère idéaliste voire révolutionnaire de transformation est au cœur de la pratique même si, en France, cet aspect-là a longtemps pu seulement renvoyer à des épisodes de « violence » ou de recours à des actions de confrontations, avec par exemple la vague d’attentats anarchistes à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle ou l’extrême gauche des années 1970.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Mais à l’heure où les effets du dérèglement climatiques sont de plus en plus tangibles, et où l’inaction des gouvernants est de plus en plus pointée du doigt, en quoi la désobéissance civile peut-elle ou non permettre de mobiliser en faveur du climat ? Sous fond de crise sociale et démocratique, avec une abstention croissante et des institutions malmenées, on voit les militants climatiques interpeller via divers biais les pouvoirs étatiques.</p>
<p>Le mouvement de désobéissance civile est un canal d’action et d’expression possible, qui demeure cependant au carrefour d’un risque de répression d’une part, et de banalisation d’autre part. Depuis son émergence, jusqu’aux rassemblements récents et l’organisation des Soulèvements de la Terre, la désobéissance civile climatique a, de surcroît, dû se réinventer face à un contexte paradoxal mêlant la reconnaissance de l’urgence, l’accroissement du climatoscepticisme et de la répression. Voyons comment nous en sommes arrivés là.</p>
<h2>De la « paix verte » à la génération Climat en colère</h2>
<p>La désobéissance civile en France a connu ses premières armes sur le plateau du Larzac dans les années 1970, même si les militants parlaient alors plutôt de résistance civile. Cette lutte locale, dont le soutien dépassera rapidement les frontières nationales, est née du refus de voir l’extension d’un camp militaire sur plateau du Larzac qui risquait notamment de provoquer l’expropriation d’un certain nombre de paysans et s’achèvera par l’abandon du projet d’extension avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, en 1981.</p>
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<img alt="Des gendarmes mobiles en action" src="https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La lutte du Larzac, un combat pas exempt de répression policière, ici avec la mobilisation de gendarmes mobiles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lutte_du_Larzac#/media/Fichier:Crs_larzac2.jpg">Community of the Ark of Lanza del Vasto/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Une des premières applications de la désobéissance civile de cette lutte fut l’abandon du service militaire, à une époque où l’objection de conscience, c’est-à-dire le refus de faire son service militaire ou de rejoindre des conflits n’était pas reconnue, et où la question de la désobéissance civile rejoignait celle de l’éthique humaniste face à des États qui réclamaient de leurs citoyens masculins le prix du sang.</p>
<p>Loin d’être anecdotique, cette réalité rappelle combien l’écologie française et nord-américaine, avec, outre-Atlantique, un pareil refus d’être enrôlé pour la guerre du Vietnam est né autant de la volonté de protéger la nature que de l’exigence morale de ne pas attenter à la vie humaine. Parmi les premiers militants de l’ONG Greenpeace, on retrouve ainsi des quakers (puritains fondateurs d’un mouvement pacifiste et non violent) et étudiants refusant de se battre pour des guerres lointaines à l’heure de la nucléarisation des moyens de destruction.</p>
<p>L’exigence morale d’une paix verte (<em>green peace</em> en anglais) surgit ainsi de ce lien fait entre le vivant et l’humain. Dans cette dynamique, il n’est pas étonnant de voir l’écologie choisir peu à peu des moyens de pression de la non-violence et se distancer ainsi des groupes plus révolutionnaires recourant à des actions plus violentes voire ou s’y opposant pas frontalement comme les maoïstes qui utilisaient l’opportunité du service militaire pour soit créer des comités de soldats, soit se socialiser aux maniements des armes.</p>
<p>La désobéissance civile a ensuite réémergé au moment des vagues d’altermondialisme de la fin des années 1990 pour contester contre les OGM puis contre l’exploitation des gaz de schiste en insistant, cette fois-ci, sur la protection de la biodiversité ou du vivant. Dans cette époque post-effondrement du bloc soviétique, les écologistes se sont attachés à rappeler les limites du récit néo-libéral et de la brevetabilité du vivant ou encore, se sont appliqués à mettre les paysans au cœur de l’activité agricole face aux grands groupes, à expliciter les effets néfastes pour l’environnement de l’exploitation du <a href="https://theconversation.com/la-guerre-du-gaz-de-schiste-naura-sans-doute-pas-lieu-181535">gaz de schiste</a>.</p>
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<img alt="Rassemblement anti-OGM en 2008" src="https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rassemblement anti-OGM en 2008.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ernest-morales/2493604466">Ernest Morales/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comme pour le Larzac, l’émergence de ces luttes est souvent le fruit d’un engagement local, via par exemple une opposition à des projets futurs, en Ardèche par exemple avec des projets d’extraction de gaz de schiste, avant d’émerger comme une question de société. Les actions de certains militants (fauchage de champs d’OGM, « démontage » du McDonald’s de Millau) ont pu être <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/27/jose-bove-et-sept-autres-faucheurs-volontaires-definitivement-condamnes_3148824_3244.html">sanctionnées par la loi</a>, mais <a href="https://www.lepoint.fr/societe/gaz-de-schiste-la-porte-fermee-a-double-tour-selon-jose-bove-11-10-2013-1742630_23.php">l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste</a> sur le territoire français, validée par le Conseil constitutionnel en 2014, et l’interdiction de la première génération d’OGM en France ont pu permettre aux <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/bistroscopie/bistroscopie-du-samedi-30-septembre-2023-1040939">figures de ces luttes</a> de considérer leur combat et leurs moyens comme légitimes et utiles.</p>
<p>Ces dernières années, la génération des années 2020 et la figure de Greta Thunberg ont de nouveau convoqué la notion de désobéissance civile pour lutter contre le dérèglement climatique, en dérangeant au passage autant les États, les groupes multinationaux voire, depuis 2022, à force de coups médiatiques, de rassemblements ou de menace de sabotage.</p>
<p>Sommes-nous ainsi passés d’une écologie qui voulait éviter le pire à celle qui veut gérer la catastrophe annoncée et reconnue par les États en y employant tous les moyens ?</p>
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<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://shows.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/episodes/64f885b7b20f810011c5577f?">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://embed.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/651da0350934650010507f7b" width="100%"></iframe>
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<h2>La génération Climat, exigence écologiste et impatience démocratique</h2>
<p>Par commodité, nous appellerons la génération Climat celle qui a suivi les appels à la grève scolaire de Greta Thunberg de la fin des années 2010 et qui a été socialisée au développement durable et aux problèmes environnementaux dès leur enfance. Une génération qui a ensuite pu grandir et s’informer sur le dérèglement climatique au gré de la publication, de plus en plus médiatique, des rapports successifs du GIEC et de divers ONG. Sous ces influences, le cadre des luttes environnementales a pu sensiblement évoluer en se focalisant sur le dérèglement climatique comme un problème global qui rend par exemple vain de protéger telle ou telle espèce ou espace, si, en parallèle, le climat ou la planète se trouve dans un tel état que l’ensemble de l’écosystème serait irrémédiablement modifié ou en péril.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/l8svua7TGxU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si cette mobilisation a débuté avant l’arrivée du Covid-19, ses militants ont cependant tâché, durant la pandémie, et les mois de mise à l’arrêt total de notre système social, de maintenir le cap de l’alerte maximale sur les questions de réchauffement climatique, et de réfléchir au « monde d’après » sans pourtant réussir à ce que le système redémarre en y incluant centralement cette préoccupation dite de « survie » de la planète et ses effets sur les populations les plus vulnérables.</p>
<p>Dans un contexte de plus en plus inquiétant, la désobéissance civile a pu d’abord être pratiquée dans le registre de l’alerte. On peut y rassembler les manifestations d’<a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">Extinction Rebellion</a>, les perturbations de Dernière Rénovation ou encore les actions directes médiatiques de Just Stop Oil. Au-delà de leurs actions symboliques, les écologistes ont également commencé à s’organiser en réseau, avec des interconnexions transnationales comme les Soulèvements de la Terre.</p>
<p>Leurs discours réclament, dès lors d’être entendus, écoutés au nom de victimes du Climat présentes voire futures et expriment une impatience à l’égard des élus, des institutions qui ne prendraient pas les mesures adaptées à l’enjeu mondial. Dans le temps comme dans l’espace, les enjeux de ces luttes s’éloignent de seules questions locales et revendiquent de façon explicite la nécessité d’un changement de paradigme global.</p>
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<img alt="Docteur membre d’Extinction Rebellion arrêté après le blocage d’un pont de Londres en avril 2022" src="https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Docteur membre d’Extinction Rebellion arrêté après le blocage d’un pont de Londres en avril 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alisdare/51995882398/in/photolist-2ndGuk1-2ndJVaQ-2neoi2N-2ndHAvg-24ZFRrv-2fhcBAB-2ndK2xu-2neqR9g-2neo7Sz-2nei56Z-2neqXF1-2ndPvDy-2ndPuh7-2ne6D4m-2nepxWZ-2ndG4Re-2nepvyh-2nenVEV-24ECPez-2neodui-2nehJ49-2neov5h-2nenYve-2hseZbb-2nehPGt-2nehZBZ-2nehVYM-RvQJjK-2nehT36-2neocwK-2neoteD-2ng1GBZ-2nepvWm-2nei2W8-2kNspFM-2hseVkk-2hsepYo-2nehGVT-2fhc55R-2hsdZ1Y-2hsmwZA-2fhc3VB-2fcvLAq-2nci77E-2fhcqvF-RvQunB-2ebihEq-RvQwct-2fcw2af-2dTiZRM/">Alisdare Hickson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Mus par une dynamique de colère, d’impatience, de demandes de politiques actives, ces militants commencent à mobiliser dans le registre de la désobéissance civile non seulement le répertoire pacifique avec arrestation ou procès, mais également celui dit du désarmement, c’est-à-dire le sabotage préventif avant que les atteintes à l’environnement soient majeures et irréparables. Or, les États, garant de l’ordre public et les groupes d’intérêts mis en cause réagissent en travaillant l’opinion publique, voire en créant des catégories pour stigmatiser la mobilisation qui ciblent autant l’espace public que les propriétés privées (golf, piscine, entreprises, banques…).</p>
<p>L’opinion publique peut s’en étonner, car elle a en mémoire les grandes marches de Gandhi ou Martin Luther King en oubliant que la désobéissance civile a visé des intérêts privés dès sa naissance avec l’appel à boycott d’entreprise. Ainsi, par le passé, la ségrégation passait également par des espaces privés comme les bus, les cafés, les toilettes ou les magasins ; hier, José Bové s’attaquait à des enseignes mondialisées comme McDonald ou Monsanto. C’est peut-être plus finalement le contexte qui a changé, avec des États et en particulier la France, depuis les attentats de 2015, qui ont adopté des législations de plus en plus restrictives dans un souci de prévention des radicalisations au point que des militants peuvent se sentir « criminalisés », et réajuster leur militantisme dans ce contexte avec une culture du secret.</p>
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<p>De plus, la répression de citoyens désarmés est un véritable défi des appareils d’État démocratique qui jouent sur la crête de l’autoritarisme et de l’illibéralisme. Dans ce cadre, le jeu de polarité entre contestataires désobéissants et appareil répressif se tend en faisant augmenter le coût de l’engagement du côté des manifestants et le coût de l’image et de la répression au nom de la violence légitime de l’autre. Comme un symbole de ce jeu d’équilibrisme inédit, on a ainsi pu voir en août 2023 le Conseil d’Etat désavouer une partie de l’analyse de l’État qui rangeait les Soulèvements de la Terre comme une organisation « terroriste » alors que les associations restaient confortées par la légitimité de leurs combats. Pour preuve, au nom de la sous-estimation des effets environnementaux et de l’enjeu du réchauffement climatique, le juge administratif annule des projets de retenues d’eau de substitution, dites les méga-bassines, et renforce ce paradoxe : celui d’un engagement réprimé et pourtant légitime.</p>
<p>Cette nouvelle désobéissance civile transnationale s’immisce ainsi au cœur d’un malentendu entre des États qui ont la volonté d’être les seuls maîtres de leur agenda concernant les mesures à prendre contre le réchauffement climatique et une génération Climat porteuse, avec des ONG et des associations, d’un sentiment d’urgence qui ne serait pas pris en compte. Une ignorance perçue également comme une injustice au vu de la non-considération de leur demande démocratique et de mesures d’intérêt général planétaire. L’Europe et les pays industrialisés se retrouvent de ce fait face à un double défi : celui d’un enjeu écologique majeur et d’un récit démocratique à réinventer dans un siècle traversé par le renouveau des pandémies et des crises environnementales mondialisées.</p>
<p><em>Why we can’t wait</em>, traduit en Français par <em>La Révolution non violente</em>, est le titre d’un ouvrage de référence que Martin Luther King a écrit en prison à Birmingham et qui fait étrangement écho aux justifications de ces nouvelles causes de la Désobéissance civile. Dans ce texte publié quatre ans avant son assassinat, le militant <em>in fine</em> récompensé du prix Nobel de la Paix explicite l’urgence de transformation de la société américaine, l’importance de la reconnaissance d’égalité réelle des droits des populations afro-américaines. Ce sentiment d’urgence au cœur de la désobéissance civile nous le retrouvons intact dans les justifications climatiques après près de 40 ans de lutte et d’alerte. Cette bascule marque l’impatience de groupes de citoyens qui sont prêts à entrer dans l’illégalité et à accepter la répression dans un cadre qui se veut celui des droits.</p>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Ollitrault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des plateaux du Larzac jusqu’à Ste-Soline, la désobéissance civile climatique a dû se réinventer face à un contexte paradoxal mêlant la reconnaissance de l’urgence et l’accroissement de la répression.Sylvie Ollitrault, Directrice de recherche en sciences politiques, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910882023-07-12T15:38:22Z2023-07-12T15:38:22ZFace à la crise écologique, le défi lancé par les jeunes générations aux écoles et aux universités<p>Les jeunes souhaitent contribuer à un monde meilleur, ils s’en sentent responsables, et attendent de leur école ou de leur université de les préparer à un métier en <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/9-jeunes-sur-10-estiment-que-leur-generation-doit-changer-le-monde-mais-aussi-quils-ny-sont-pas">accord avec leurs convictions</a>. Il s’agit d’un sérieux défi pour les établissements d’enseignement supérieur qui doivent répondre à ces attentes s’ils souhaitent rester attractifs et continuer à former les talents de chaque nouvelle génération.</p>
<p>Les ambitions et les aspirations des jeunes convergent mondialement. Quel que soit le pays, <a href="https://www.amnesty.fr/presse/le-changement-climatique-class-en-tte-des-problmes">leur implication dans la question écologique</a> est croissante. Dans <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/france-seuls-37-des-jeunes-estiment-que-le-systeme-educatif-les-prepare-bien-entrer-sur-le-marche">l’enquête menée en 2019 par WISE, Ipsos et JobTeaser dans cinq pays</a>, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) faisait son entrée parmi les cinq critères intervenant dans le choix d’un emploi les plus cités.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« L’envers des mots » : Bifurquer</a>
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<p>Les enquêtes sur la situation en France donnent des résultats similaires. Selon la 5<sup>e</sup> édition du <a href="https://www.cge.asso.fr/barometre-bcg-ipsos-cge-talents-ce-quils-attendent-de-leur-emploi/">baromètre de Boston Consulting Group–Conférence des Grandes Écoles–Ipsos</a>, publiée en mai 2023, et dans la continuité des résultats des éditions précédentes, étudiants et diplômés des grandes écoles françaises expriment une déception massive par rapport à l’engagement RSE des grandes entreprises, des PME et de l’État.</p>
<p>Même s’ils reconnaissent à plus de 70 % que les employeurs s’impliquent davantage qu’il y a dix ans, ils considèrent que cela reste motivé par la nécessité d’améliorer leur image, pas par la conviction. Cela ne les empêche pourtant pas de vouloir rejoindre les entreprises pour leur carrière ou « pour les faire changer de l’intérieur » (48 %), notamment dans les deux secteurs les plus recherchés pour leur premier emploi : l’environnement (76 %) et l’énergie (68 %).</p>
<p>C’est précisément cette exigence qui est exprimée publiquement depuis quelques années par des discours prononcés <a href="https://theconversation.com/agroparistech-quand-de-futurs-ingenieurs-racontent-leur-conversion-ecologique-183764">lors des cérémonies de remise des diplômes</a>, par la <a href="https://manifeste.pour-un-reveil-ecologique.org/fr">signature de manifestes</a> et de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/17/les-universites-et-grandes-ecoles-doivent-integrer-l-urgence-climatique-dans-leur-strategie_5511279_3232.html">tribunes dans la presse</a> ainsi que par des <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/nos-etudes-ne-serviront-pas-a-detruire-la-planete-a-hec-ou-l-x-les-jeunes-mobilises-pour-le-climat_4d79201c-e40b-11ed-8ada-6bcd9e4e0c49/">mobilisations collectives</a> pour éveiller la conscience écologique des grandes entreprises ou contester leur présence sur les campus.</p>
<h2>Dans les formations, l’écueil d’une logique disciplinaire</h2>
<p>Quelles leçons tirer de ces tendances ? Ces chiffres et ces mobilisations peuvent paraître épisodiques mais c’est la convergence des aspirations qui est notable. Depuis plus de cinq ans, chaque cohorte de jeunes issue des meilleures formations s’interroge sur les valeurs et l’engagement sociétal et environnemental de ceux qui les embaucheront.</p>
<p>Si les jeunes générations ont des aspirations claires, elles ne se sentent pas toujours préparées à les réaliser, au regard des connaissances et compétences requises. <a href="https://www.carenews.com/fondation-du-college-de-france/news/69-des-jeunes-declarent-manquer-d-informations-scientifiques">Une enquête conduite en France auprès des 18-35 ans en 2021</a> par la Fondation de France avait montré que beaucoup de jeunes, bien que préoccupés par les questions environnementales, avouaient ne pas bien connaître la signification d’expressions telles que « gaz à effet de serre » (46 % des répondants) ou « empreinte écologique » (55 % des répondants).</p>
<p>En effet, toutes les écoles et universités ne sont pas encore en mesure de bien cibler les compétences à mobiliser pour devenir acteurs de la transition écologique, car les cursus de formation sont souvent organisés selon des logiques disciplinaires. Et quand les compétences sont identifiées, elles le sont par métier ou alors elles relèvent des compétences transversales ou « soft skills », ce qui ne correspond pas aux attentes des étudiants pour se positionner sur des métiers à fort impact.</p>
<p>Dans certains cas, ce sentiment d’impréparation s’appuie sur ce que les médecins définissent comme <a href="https://theconversation.com/leco-anxiete-nous-guette-et-ce-nest-pas-forcement-une-mauvaise-nouvelle-123028">« éco-anxiété »</a> ou « solastalgie », une détresse mentale que de nombreux adolescents et étudiants développent à mesure qu’ils deviennent plus conscients de l’état de l’environnement.</p>
<p>Paradoxalement, plus les étudiants sont formés, plus ils acquièrent les clefs de compréhension des mécanismes du vivant et des limites planétaires, plus leur revendication est forte. Ce sont avant tout les <a href="https://www.isf-france.org/formic">étudiants et diplômés des grandes écoles d’ingénieur</a> qui ont exprimé le besoin d’une formation plus ambitieuse. Si savoir, c’est comprendre les interdépendances entre l’action humaine et les crises écologiques, cette prise de conscience de sa propre responsabilité génère un devoir d’action. Se rendre compte que leur mode de vie est une partie de la cause, met les étudiants face à un <a href="https://www.nonfiction.fr/article-1206-lethique_environnementale_aujourdhui.htm">impératif éthique d’agir</a> pour changer le cours des choses.</p>
<h2>Les établissements réfléchissent à un socle commun de compétences</h2>
<p>Dans ce contexte, beaucoup de responsables d’établissements d’enseignement supérieur ont pris des mesures pour retenir les étudiants et prouver leur pertinence aux employeurs. Dans un premier temps, ces mesures ont principalement été des déclarations publiques.</p>
<p>Au lendemain de la COP21 de Paris, sous la houlette de Columbia University, 115 écoles de santé publique et de médecine de tous les continents ont décidé de lancer une initiative commune, visant à former les futurs professionnels médicaux aux effets du changement climatique sur la santé. En 2017, un <a href="https://www.earth.columbia.edu/projects/view/863">consortium mondial sur l’éducation au climat et à la santé</a> (GCCHE) a été créé, au nom d’un « impératif pour une action rapide ». Les présidents de ces établissements reconnaissaient ainsi que le climat était sous-représenté dans les programmes de santé et s’accordaient sur la nécessité de poursuivre le renforcement des compétences par la formation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-ecologique-ces-eleves-ingenieurs-qui-veulent-transformer-leur-metier-184339">Crise écologique : ces élèves ingénieurs qui veulent transformer leur métier</a>
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<p>Des initiatives similaires ont vu le jour dans différentes régions du monde au cours des cinq dernières années. Au Royaume-Uni, par exemple, les 24 universités qui composent le <a href="https://russellgroup.ac.uk/news/russell-group-publishes-joint-statement-on-environmenta-sustainability/">Russell Group</a> ont déclaré publiquement en décembre 2019 leur engagement à « lutter contre le changement climatique par la recherche, l’enseignement et des pratiques plus durables ». Le Russell Group a donc à son tour créé un Environmental Sustainability Network afin « d’apprendre les uns des autres, de renforcer les efforts pour réduire les déchets, augmenter le recyclage » et réduire les émissions de CO<sub>2</sub> sur le campus.</p>
<p>En France aussi, les responsables de l’enseignement supérieur on fait entendre leur volonté d’<a href="https://www.lejdd.fr/Societe/exclusif-formons-tous-les-etudiants-aux-enjeux-climatiques-lappel-de-80-dirigeants-detablissements-3919612">introduire davantage d’enseignements liés au climat et à l’environnement</a>. L’année 2019 a été ponctuée de déclarations appelant le gouvernement à consacrer des ressources financières supplémentaires dans le but de pouvoir former tous les étudiants aux questions climatiques et écologiques.</p>
<p>Suivant l’exemple de nombreuses universités européennes et américaines, la majorité des présidents et directeurs d’établissements d’enseignement supérieur français, rejoints par les conférences nationales (CPU, CGE, CDEFI), ont annoncé <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-universites-doivent-declarer-letat-durgence-ecologique-et-climatique-126880">vouloir faire du climat une « urgence »</a>, engageant ainsi leurs communautés dans une transformation efficace et rapide à travers <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/17/les-universites-et-grandes-ecoles-doivent-integrer-l-urgence-climatique-dans-leur-strategie_5511279_3232.html">l’évolution des cursus</a>, la formation du personnel, l’introduction de pratiques responsables dans la gestion du campus et de la vie étudiante.</p>
<p>Au fil des tribunes et des rapports, la réflexion sur un cadre commun de référence, par-delà les métiers, les statuts et les secteurs, s’est imposée progressivement dans le débat public. Un consensus s’est établi sur le fait que répondre au double défi climat-biodiversité nécessite des formations renouvelées pour tous les métiers du privé et de la fonction publique, ainsi que <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/03/repondre-au-defi-climatique-necessite-de-former-l-ensemble-des-agents-publics_6021502_3232.html">l’introduction de la préoccupation climatique et écologique</a> dans toutes les politiques publiques et dans les stratégies d’entreprise.</p>
<h2>D’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous</h2>
<p>Une enquête de 2023 menée par <a href="https://iau-aiu.net/IMG/pdf/iauhesdsurvey2023_accelerating_actions.pdf">l’Association internationale des universités</a> (IAU) donne un aperçu de l’engagement des établissements du monde entier sur les objectifs du développement durable (ODD). En comparaison avec les résultats des enquêtes précédentes (2016 et 2019), le nombre d’universités qui inscrit les ODD dans le plan stratégique reste stable (38 %). Près de la moitié des établissements déclarent allouer un budget spécifique et croissant aux initiatives en lien avec le développement durable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-a-lurgence-ecologique-comment-transformer-les-programmes-des-ecoles-et-universites-190090">Face à l’urgence écologique, comment transformer les programmes des écoles et universités ?</a>
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<p>Néanmoins, l’enquête pointe un certain nombre de difficultés qui entravent une transformation plus profonde et transversale : le manque de financement, le manque de personnel formé, le manque de mécanismes de gratification pour les cours. Si la majorité des universités (65 %) offrent des cours dédiés, ces cours sont généralement spécialisés, concentrés dans un nombre restreint de départements – appartenant le plus souvent aux STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques)- et largement inconnus sur le campus. Les approches trans et interdisciplinaires sont rares et les perspectives systémiques difficiles à mettre en œuvre.</p>
<p>En France, la situation est très contrastée. Jusqu’à une époque très récente, peu de cursus proposaient des cours obligatoires liés aux enjeux énergétiques et climatiques, comme le montrait un rapport publié par le <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2019/04/Rapport_ClimatSup_TheShiftProject-2019.pdf">Shift Project</a> en mars 2019 sur l’enseignement supérieur et le climat. Les écoles d’ingénieurs offrent traditionnellement plus de cours que les écoles de management et, même dans les universités, les étudiants inscrits dans des programmes de science, technologie, ingénierie et mathématiques ont plus de cours liés à l’environnement que les autres. Enfin, ces cours sont généralement réservés aux cycles supérieurs, presque jamais au premier cycle, produisant ainsi de fortes inégalités d’accès.</p>
<p>L’enjeu a été donc de passer d’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous. C’est le <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/enseigner-la-transition-ecologique-dans-le-superieur-51505">rapport remis en 2020 par le paléoclimatologue Jean Jouzel et par l’écologue Luc Abbadie</a> à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a fait bouger les lignes sur ces aspects. En recommandant de généraliser l’approche environnementale à toutes les formations, le rapport fait de la transition écologique une partie intégrante des parcours de formation de premier cycle, de façon à ce que tous les étudiants de niveau bac+2, toutes filières confondues, disposent des quelques compétences communes.</p>
<p>La dimension pluridisciplinaire de la transition écologique – mobilisant des savoirs allant de la géographie à la biologie, de la philosophie à l’économie en passant par les sciences de la terre – ajoute un obstacle supplémentaire à la nécessaire adaptation des formations et génère des formes de résistance à tous les niveaux. En effet, un cours commun à tous les programmes d’enseignement et disciplines est beaucoup plus difficile à réaliser que n’importe quel enseignement spécialisé. Pourtant, ce que l’on attend de l’enseignement supérieur, sous peine de désaffection chronique, est la promesse de former tous les futurs professionnels, pas seulement ceux qui travailleront dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, pour qu’ils sachent naviguer dans la complexité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Très engagés, les jeunes attendent des formations du supérieur qu’elles leur transmettent les compétences nécessaires pour affronter les défis écologiques. Comment les établissements y répondent-ils ?Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027602023-06-19T17:52:16Z2023-06-19T17:52:16ZPapillomavirus et cancers : les éléments pour comprendre la campagne de vaccination dans les collèges<p>Le 29 mai dernier, le Centre de recherche sur les cancers de Heidelberg (DKFZ), en Allemagne, a annoncé le décès de Harald zur Hausen, à l’âge de 86 ans. Ce médecin et virologue avait reçu le prix Nobel de médecine en 2008, pour avoir démontré que l’infection persistante par certains papillomavirus humains (en anglais <em>human papillomavirus</em>, abrégé HPV) était l’unique cause de la <a href="https://www.oncohemato.be/fr/actualites/harald-zur-hausen-prix-nobel-de-medecine-pour-ses-recherches-en-oncologie-est-decede.html">principale forme de cancer du col de l’utérus</a>.</p>
<p>Cette découverte s’est avérée extrêmement importante pour la prévention. En effet, le cancer du col de l’utérus est un des rares exemples de cancer résultant d’une cause unique, identifiée et évitable. Les travaux de Harald zur Hausen ont ouvert la voie à la prévention de ce cancer par la vaccination.</p>
<p>En France, la vaccination contre les papillomavirus humains est recommandée depuis 2008. En février 2023, le président de la République a annoncé la mise en place d’une campagne de vaccination contre ces virus dans les <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/28/papillomavirus-emmanuel-macron-annonce-une-campagne-de-vaccination-generalisee-dans-les-colleges_6163632_3224.html">classes de 5ᵉ des collèges français</a>. Depuis la rentrée de septembre 2023, filles et garçons peuvent, <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/papillomavirus-vaccination-pour-les-eleves-de-5e-a-la-rentree-2023">sous couvert d’avoir l’accord de leurs deux parents, se faire vacciner gratuitement contre les papillomavirus</a>.</p>
<p>Les campagnes vaccinales à l’école constituent une mesure exceptionnelle dans notre pays. Quels sont aujourd’hui les arguments pour cette exception ? Pourquoi rendre cette vaccination contre plusieurs cancers gratuitement accessible à tous les collégiens de 5<sup>e</sup> ?</p>
<h2>Du prix Nobel à la vaccination</h2>
<p>Plus de 200 différents types (on parle de « génotypes ») de HPV sont aujourd’hui connus. Tous se transmettent par contact direct et provoquent des verrues à différents endroits du corps, notamment les mains et pieds. Parmi eux, environ 40 types infectent spécifiquement la peau de la sphère génitale, anale ou ORL (bouche et gorge), dont <a href="https://www.e-cancer.fr/content/download/240202/3301879/file/Papillomavirus_et_cancer_mel_20180704.pdf">12 sont considérés comme « à haut risque », car oncogènes (pouvant provoquer un cancer)</a>.</p>
<p>En France chaque année, on estime que plus de 6 000 nouveaux cancers sont dus à des HPV, dont environ la moitié sont des cancers du col de l’utérus, la structure anatomique qui ferme l’utérus vers l’extérieur. L’autre moitié est constituée, environ à part égal, de <a href="https://www.e-cancer.fr/content/download/240202/3301879/file/Papillomavirus_et_cancer_mel_20180704.pdf">cancers de l’anus (plus fréquents chez les femmes) et de la sphère ORL (plus fréquents chez les hommes)</a>. D’autres cancers causés par les HPV concernent aussi les organes génitaux des hommes et des femmes.</p>
<p>Le cancer du col de l’utérus se déclare typiquement à un âge relativement jeune, chez des patientes qui ont souvent des enfants à charge. Il est fatal pour environ un tiers d’entre elles, malgré un dépistage organisé au niveau national (détection des lésions superficielles avant la survenue du cancer, ou des stades précoces, plus faciles à traiter) et malgré des protocoles de prise en charge performants.</p>
<p>En outre, le traitement nécessaire en cas de lésion précancéreuse consiste en l’ablation d’une partie du col de l’utérus, ce qui augmente le risque de naissance prématurée lors de futures grossesses.</p>
<p>De nombreuses études internationales révèlent qu’une première infection génitale par un HPV est quasi-systématique chez les jeunes adultes. L’infection persistante, contre laquelle aucun traitement n’existe à ce jour, peut déclencher le développement d’un cancer à l’endroit infecté.</p>
<h2>1. La perspective de l’élimination du cancer du col</h2>
<p>Le principe d’immunité de groupe s’applique à la vaccination contre les HPV. L’efficacité du vaccin contre l’infection HPV étant très élevée, l’on peut envisager d’interrompre la circulation des types de virus inclus dans le vaccin par une forte couverture vaccinale.</p>
<p>L’infection HPV étant la seule cause du cancer du col, ce cancer pourra donc disparaître de la population. Par exemple, selon une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32057315/">modélisation pour la population américaine</a>, en maintenant à une couverture vaccinale de plus 65 % chez les filles et 55 % chez les garçons, la fréquence des nouveaux diagnostics de cancer du col de l’utérus tombera en dessous du seuil de l’élimination défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).</p>
<p>L’Australie pourrait être le premier pays à atteindre cet objectif. Ce pays a en effet obtenu de longue date un fort taux de couverture vaccinale, tout sexe confondu : en 2017, soit 10 ans après le début de la campagne nationale de vaccination, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2023.1150238/full">89 % des filles et 86 % des garçons avaient déjà reçu une dose de vaccin à l’âge de 15 ans</a>. À l’issue des six premières années de vaccination, en 2012, le pourcentage de femmes âgées de 18 à 24 ans infectées avec un génotype ciblé par la vaccination avait diminué de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25107680/">29 % à 7 %</a>.</p>
<p>Au total, il est attendu qu’en deux décennies, le cancer du col aura quasiment disparu des pays qui auront vacciné la majorité des enfants contre les HPV. La France pourrait être parmi eux.</p>
<h2>2. L’efficacité vaccinale contre le cancer du col démontrée</h2>
<p>Si la prévention du cancer du col de l’utérus par la vaccination anti-HPV apparaît tout à fait logique, étant donné la forte protection que confère celle-ci contre les infections, des voix critiques soulignaient ces dernières années que l’efficacité vaccinale contre le cancer lui-même n’avait pas encore été formellement démontrée (cela s’explique par le délai de plusieurs années entre infection et apparition du cancer).</p>
<p>C’est désormais chose faite, depuis la publication en 2020 de données issues de la population suédoise. Celles-ci mettent en évidence la protection spécifique <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32997908/">contre les cancers du col de l’utérus</a> que confère la vaccination anti-HPV. En consultant le graphique ci-dessous, on constate que l’écart en fréquence du cancer du col se creuse, dès l’âge de 24 ans, entre le groupe de femmes vaccinées avant l’âge de 17 ans (courbe verte), et celles qui n’ont pas été vaccinées (courbe orange) ou qui ont été vaccinées plus tard (courbe bleue). Cette efficacité a été confirmée par d’autres études.</p>
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<img alt="Figure établissant le lien entre vaccination et protection contre le cancer du col de l’utérus, d’après Lei J., et al. (2020) HPV Vaccination and the Risk of Invasive Cervical Cancer" src="https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532717/original/file-20230619-1823-1u50a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure établissant le lien entre vaccination et protection contre le cancer du col de l’utérus, d’après Lei J., et al. (2020) HPV Vaccination and the Risk of Invasive Cervical Cancer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1917338">New England Journal of Medicine</a></span>
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</figure>
<h2>3. 15 ans d’observation de la sécurité du vaccin</h2>
<p>Aujourd’hui, après plus de 15 ans d’observation et des millions de doses utilisées dans le monde, on peut conclure à la sécurité de la vaccination contre les HPV.</p>
<p>Parmi les soupçons exprimés dans le passé figuraient un lien causal entre cette vaccination et le syndrome de fatigue chronique ou des maladies auto-immunes (des maladies causées par des anomalies du système immunitaire, qui attaque l’organisme). Cependant, de nombreuses études menées pour vérifier l’existence de ce lien n’ont pas pu confirmer ces craintes.</p>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28750853/">Une étude française, menée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)</a> et reposant sur les données de remboursement des médicaments et des soins, avait toutefois pointé vers une association statistique entre vaccination HPV et <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/guillain-barr%C3%A9-syndrome">syndrome de Guillain-Barré</a>. Ce syndrome auto-immun se manifeste typiquement après une infection grippale et entraîne une paralysie. Mais plusieurs études similaires réalisées dans d’autres pays (dont en Angleterre, en Suède et aux États-Unis) n’ont pas trouvé une telle association statistique.</p>
<p>Enfin, les résultats <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2022.27.4.2001619">d'une méta-analyse regroupant toutes les données disponibles</a> au niveau mondial, suggèrent qu’on ne peut pas scientifiquement confirmer un lien entre vaccination HPV et le syndrome de Guillain-Barré.</p>
<p>Au total, les observations cumulées suggèrent que – au-delà du risque de réaction allergique, présent pour tous les vaccins – la vaccination anti-HPV ne provoque pas d’effet indésirable grave.</p>
<h2>4. La vaccination recommandée aussi aux garçons</h2>
<p>La haute Autorité de santé (HAS) a recommandé en 2019 que la <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3116022/fr/recommandation-sur-l-elargissement-de-la-vaccination-contre-les-papillomavirus-aux-garcons">vaccination HPV soit aussi proposée et remboursée chez les garçons de 11-14 ans</a>. Cette recommandation a été intégrée dans le <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/calendrier-vaccinal">calendrier vaccinal</a> en 2021.</p>
<p>Quels sont les arguments en faveur de vacciner les garçons autant que les filles contre les HPV ?</p>
<p>Tout d’abord, les hommes bénéficieront directement (c’est-à-dire par leur propre vaccination) d’une protection contre les cancers et verrues de la sphère ano-génitale (pénis et anus), contre lesquels l’efficacité du vaccin est déjà établie.</p>
<p>Par ailleurs, comme évoqué précédemment, les HPV induisent aussi des cancers ORL, et ces derniers sont plus fréquents chez les hommes. Or, la vaccination procure une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23873171/">forte protection contre l’infection orale persistante par les HPV de type oncogène</a>. Soulignons qu’étant donné que ces cancers peuvent aussi être causés par l’alcool et le tabagisme, il convient d’attendre que des études épidémiologiques démontrent formellement l’impact de la vaccination sur le risque de ces cancers. On peut toutefois logiquement supposer que la vaccination protégera contre une bonne partie de ces cancers assez fréquents.</p>
<p>Un autre argument pour la vaccination des garçons est qu’ils sont de futurs partenaires et conjoints, et risqueront à ce titre de transmettre les HPV. Leur vaccination permettra d’accélérer la réduction du risque du cancer du col, un effet important <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29253379/#&gid=article-figures&pid=figure-4-uid-3">tant que la couverture vaccinale dans la population féminine ne dépasse les 80 %</a>.</p>
<p>Sur le plan pratique, recommander la vaccination à tous les jeunes facilite la promotion du vaccin, non seulement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455122000364">du point de vue des médecins généralistes</a>, mais aussi en milieu scolaire, car la communication n’a pas besoin d’être ciblée aux jeunes filles et leurs parents.</p>
<p>Soulignons enfin que l’OMS recommande de vacciner les garçons <a href="https://www.who.int/fr/news/item/20-12-2022-WHO-updates-recommendations-on-HPV-vaccination-schedule">« lorsque cela s’avère faisable sur le plan pratique et économique »</a>. Cette formulation s’inscrit dans un souci de prioriser l’utilisation des doses vaccinales pour la lutte contre le cancer du col de l’utérus, dont la prise en charge médicale n’est pas garantie dans de nombreux pays. Cette même raison justifie aussi la position de l’OMS en faveur d’un schéma vaccinal à une seule dose.</p>
<h2>5. Le défi de promouvoir une vaccination pour les jeunes de 11 à 14 ans</h2>
<p>L’âge recommandé pour la vaccination HPV a été avancé en France en 2012 (de 14 ans à 11-14 ans), notamment pour réduire le nombre de doses de vaccins nécessaires : 2 doses au lieu de 3, grâce à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27893068/">meilleure réponse immunitaire</a> (la quantité d’anticorps produits par le corps est plus importante à un âge plus jeune). Cela permet aussi de s’éloigner de la perception d’un vaccin « d’entrée à la vie sexuelle ».</p>
<p>Mais promouvoir une vaccination à cette période de la vie n’est pas chose facile : globalement, cette tranche d’âge voit rarement son médecin traitant en dehors de situations d’urgence. Par ailleurs, lors d’une consultation, les médecins généralistes ont de nombreux autres messages de prévention à faire passer, et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26752063/">ils ne proposent pas systématiquement la vaccination HPV</a>. </p>
<p>Ainsi en France, si la couverture de vaccination contre les HPV augmente depuis plusieurs années, elle ne dépasse pas encore les 50 % : fin 2022, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/vaccination/articles/donnees-de-couverture-vaccinale-papillomavirus-humains-hpv-par-groupe-d-age">48 % des filles et 13 % des garçons de 15 ans</a> avaient reçu au moins une dose de vaccin.</p>
<p>Une revue des politiques vaccinales en Europe a révélé que les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31836255/">pays qui organisent des campagnes dans les collèges atteignent de fortes couvertures vaccinales</a>. Ainsi, le Royaume-Uni, le Portugal et la Suède rapportent des couvertures de plus de 80 % chez les filles (et les garçons, s’ils sont aussi ciblés).</p>
<p>Autre enjeu de la vaccination à l’école : les inégalités sociales face à la vaccination. Il existe en effet en France un <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/22-23/2019_22-23_5.html">écart de 7 % au niveau de la couverture vaccinale</a> entre les filles vivant dans les communes les plus favorisées et celles vivant dans les communes les moins favorisées. Les mêmes travaux ont montré que cet écart atteint 20 % pour les jeunes couverts par la CMU-C (aujourd’hui appelée « Complémentaire santé solidaire »). Les raisons pour ces inégalités de vaccination s’expliquent non seulement par un moindre recours aux consultations médicales et par des barrières financières, mais aussi par une information et proposition vaccinale insuffisamment adaptées.</p>
<p>Combiné avec une adhésion inégale au dépistage, cet écart dans l’accès des jeunes au vaccin fait que les cancers liés aux HPV risquent de devenir en France un marqueur social. Informer, proposer et rendre accessible la vaccination HPV à toutes les familles est donc une priorité.</p>
<p>Dans ce contexte, les professionnels de santé publique recommandent depuis plusieurs années l’organisation de campagnes vaccinales contre les HPV dans les collèges.</p>
<p>Le projet de recherche interventionnelle <a href="https://iresp.net/videos-prevhpv/">PrevHPV</a> expérimente actuellement différentes modalités de promotion vaccinale, par des séances d’éducation en classe de 4<sup>e</sup>-3<sup>e</sup>, par des campagnes vaccinales en collège, et par une formation en appui des médecins généralistes. Les résultats permettront de juger si la vaccination au collège peut tenir la promesse d’augmenter de la couverture vaccinale et d’aborder les inégalités sociales.</p>
<h2>Et si l’on ne souhaite pas que son enfant soit vacciné·e à l’école ?</h2>
<p>Les campagnes menées au collège faciliteront aussi le travail des médecins, en participant à l’information des adolescents et de leurs parents (y compris dans les autres classes de collège).</p>
<p>Au-delà de 14 ans, la vaccination (à trois doses) est remboursée jusqu’à l’âge de 19 ans. Par ailleurs, les sages-femmes peuvent déjà prescrire et réaliser la vaccination HPV et les textes réglementaires sont attendus <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33924">pour donner ces mêmes compétences aux pharmaciens et infirmiers</a>.</p>
<p>Pour finir, rappelons que, statistiquement, parmi les élèves inscrits dans un collège de taille moyenne en France (soit environ 500 élèves), en l’absence de vaccination 2 filles se verront diagnostiquer au cours de leur vie un cancer du col de l’utérus, et <a href="https://hpvcentre.net/statistics/reports/FRA.pdf">2 garçons auront un cancer de la sphère ORL</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Judith Mueller est membre de la Commission technique des vaccinations (CTV) à la Haute autorité de la santé (HAS). Elle a reçu des financements de l'Institut de recherche en santé publique (IReSP) dans le cadre du projet PrevHPV et collabore avec l'Institut national du cancer (INCa) dans le cadre du projet Partnership to Contrast HPV (PERCH), financé par l'Union Européenne. </span></em></p>Le cancer du col de l’utérus résulte de l’infection par certains papillomavirus humains. Une couverture vaccinale suffisante permettrait d’éradiquer la maladie, et de faire reculer d’autres cancers.Judith Mueller, Professeur en épidémiologie, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072462023-06-15T16:41:00Z2023-06-15T16:41:00ZDébat : Changer les mots pour changer le système de santé ?<p>Nos <a href="https://theconversation.com/crise-des-systemes-de-sante-en-europe-comment-expliquer-les-difficultes-francaises-198807">systèmes de santé sont en crise</a>. La pandémie Covid-19 n’a fait que rendre plus aigu le besoin de revisiter les fondements sur lesquels de nombreux pays doivent faire face aux besoins de santé de leur population et de définir les niveaux de réponse afin de trouver les formes les plus efficientes.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) tente depuis plusieurs décennies de proposer une organisation qui définisse au mieux le rôle des services de santé et leur complémentarité. C’est dans ce contexte qu’est apparue en 1978, lors de la conférence d’Alma-Ata, la notion de « primary health care ». Ce terme a été traduit en langue française par l’expression « soins de santé primaires », souvent simplifiée de nos jours en « soins primaires ».</p>
<p>Or, cette traduction, bien ancrée dans le monde francophone,
nous apparaît non seulement erronée, mais aussi source de nombreuses fausses interprétations. Son existence ne facilite pas la transformation majeure et nécessaire que doivent opérer nos systèmes de santé.</p>
<p>De quoi parle-t-on exactement, et comment faudrait-il le dire ?</p>
<h2>À quoi correspond le concept de <em>primary health care</em> ?</h2>
<p>Lorsque l’on parle de soins primaires, la première question à se poser est celle de leur définition : de quels soins parle-t-on ? </p>
<p><a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/primary-health-care">Pour l’OMS</a>, les <em>primary health care</em> constituent </p>
<blockquote>
<p>« une approche de la santé tenant compte de la société dans son ensemble qui vise à garantir le niveau de santé et de bien-être le plus élevé possible et sa répartition équitable en accordant la priorité aux besoins des populations le plus tôt possible tout au long de la chaîne de soins allant de la promotion de la santé et de la prévention des maladies au traitement, à la réadaptation et aux soins palliatifs, et en restant le plus proche possible de l’environnement quotidien des populations. »</p>
</blockquote>
<p>Trois notions méritent d’être soulignées dans cette définition : un niveau de santé et de bien-être le plus élevé possible, une action le plus en amont possible et une proximité des interventions. </p>
<p>Ces points ont été complétés en 2018 lors de la déclaration d’Astana, signée par l’ensemble des États membres de l’ONU, et qui lie ces soins à la couverture sanitaire universelle d’une part, aux objectifs de développement durable d’autre part. </p>
<p>Enfin, ces soins sont en mesure, par leur proximité avec les populations, de lutter plus efficacement contre les iniquités en santé, y compris en se mobilisant pour participer pleinement à la préparation contre les futures crises ou pandémies.</p>
<p>Peut-on, dès lors, considérer que la traduction de <em>primary health care</em> transcrit de façon satisfaisante ces diverses facettes ?</p>
<h2>Une traduction erronée</h2>
<p>Rappelons tout d’abord que le terme « primaire » en langue française se traduit généralement en anglais par « elementary » ; l’école primaire est ainsi appelée dans beaucoup de pays anglo-saxons « elementary school ».</p>
<p>Selon l’un des dictionnaires les plus affûtés, « The American Heritage College Dictionary », <a href="https://www.ahdictionary.com/word/search.html?q=primary">le terme anglais <em>primary</em></a> signifie « first or higher in rank, quality or importance » et « principal ». Le Larousse en donne quant à lui deux traductions au terme : <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/anglais-francais/primary/604020">« premier ou principal » et « fondamental »</a>. </p>
<p>Dans les notes de la traductrice du célèbre ouvrage de la pensée politique <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/theorie-de-la-justice-john-rawls/9782757814161">« Théorie de la justice »</a> du philosophe américain <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-rawls">John Rawls</a>, considéré comme un texte fondamental de la philosophie politique, le terme « primary goods » est traduit par « biens premiers », et non par « biens primaires ». </p>
<p>À l’inverse, le terme « primaire » en français porte également selon le dictionnaire Le Robert une connotation plus négative : <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/primaire">« simpliste et borné »</a>.</p>
<p>On peut donc légitimement se demander s’il ne faudrait pas abandonner en français ce terme de <em>primaire</em>, qui n’exprime pas la dimension « principale » de <em>primary</em> et devient source de confusion, au bénéfice d’une terminologie plus fidèle au concept ?</p>
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<h2>Parler plutôt de « soins de première ligne » ou « soins primordiaux »</h2>
<p>En quoi ces considérations linguistiques peuvent-elles influer sur le système de santé ? L’enjeu n’est pas uniquement sémantique. </p>
<p>Le recours au terme « soins de première ligne » permettrait en effet de mieux caractériser l’étendue et, souvent, la complexité de ces soins, comme l’ont relevé des experts <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/541288/l-avenir-des-soins-de-premiere-ligne-au-quebec">au Québec</a> et <a href="https://www.lesoir.be/200508/article/2019-01-14/que-signifie-soins-de-premiere-ligne">en Belgique</a>. </p>
<p>En optant pour une labélisation en lien avec le terme anglais originel, on positionne mieux la première ligne dans les enjeux actuels des crises des systèmes de soins. L’actualité nous confirme malheureusement régulièrement que nos systèmes de soins sont trop hospitalo-centrés. Cette situation est en lien avec une mauvaise perception des décideurs vis-à-vis de l’importance de la première ligne, qualifiée à tort de « primaire » et donc, moins valorisée et valorisante. Ainsi, faisant le bilan de 40 ans de mise en œuvre de ce concept dans les pays, <a href="https://www.who.int/docs/default-source/documents/about-us/evaluation/phc-report-final-french.pdf?sfvrsn=54ec0281_2">l’OMS mettait en exergue en décembre 2019</a> : </p>
<blockquote>
<p>« La traduction de la volonté politique en actes est une condition préalable essentielle à la réalisation des principes et des objectifs des soins de santé primaires »</p>
</blockquote>
<p>Une autre option consisterait à parler de « soins primordiaux », ce qui comporterait l’avantage de mettre l’accent sur la nature essentielle des services qui sont inclus dans cette définition. Elle permettrait de remettre à l’endroit la pyramide des services, plaçant au centre du dispositif les activités (et donc les professionnels) qui sont au contact des personnes de manière régulière et proche. </p>
<p>Pour ne pas susciter de résistance de la part des soins prodigués par l’hôpital ou les spécialistes, qui, à juste titre, pourraient rétorquer qu’eux aussi font des soins primordiaux, tel un chirurgien qui opère une tumeur maligne ou un ophtalmologue qui traite un décollement de rétine, elle devrait être expliquée et mettre l’accent sur la nécessaire continuité et complémentarité des soins. Elle permettrait également de démontrer qu’une telle approche est de nature à soulager l’hôpital, actuellement en proie à un engorgement chronique du fait de l’absence d’une régulation organisée en amont.</p>
<p>Cette redéfinition des soins donnerait finalement des clefs pour les transformations de nos systèmes de santé, qui montrent dans de nombreux pays des signes inquiétants de vulnérabilité, notamment <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/27/crise-des-systemes-de-sante-en-europe-la-grande-penurie-de-soignants_6136283_3210.html">par la pénurie de professionnels de santé qui se dessine</a>. </p>
<p>Elle permettrait de redonner un sens collectif à tous ces métiers. Elle valoriserait le travail en équipe et éviterait les dérives corporatistes. Elle offrirait une alternative à l’organisation en tuyau d’orgue de nos systèmes. Elle serait la réponse durable à la crise de l’hôpital, en facilitant des parcours plus fluides. Elle faciliterait la capacité de nos systèmes de santé à répondre aux défis de développement durable en participant à une moindre empreinte carbone. Enfin, elle faciliterait une appropriation de nos organisations sur les territoires de proximité, au profit des associations d’usagers et des collectivités territoriales, dessinant ainsi une véritable démocratie en santé.</p>
<p>« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », disait Albert Camus. En poursuivant cette idée, nous pourrions ajouter, mieux nommer ce concept de « primary care », c’est participer au réconfort de nos systèmes de santé !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207246/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud est membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacques Cornuz est membre de l'Académie suisse des sciences médicales.</span></em></p>« Traduire, c’est trahir », dit l’adage. Conceptualisée en 1978, la notion de « primary health care » a été transcrite en français par « soin de santé primaire ». Ce qui ne va pas sans poser question…Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Jacques Cornuz, Professeur, docteur en médecine, tabacologue - Directeur général d’Unisanté, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1988072023-03-12T17:15:23Z2023-03-12T17:15:23ZCrise des systèmes de santé en Europe : comment expliquer les difficultés françaises ?<p>Les systèmes de santé de nombreux pays européens sont en difficulté. Au Royaume-Uni, le manque de moyens pour le National Health Service (NHS) est criant depuis des années. En Espagne, des manifestations d’ampleur à la fin de l’année dernière demandaient de meilleures conditions de travail pour les soignants. En Italie ou en Allemagne, la crise de recrutement des soignants prend des proportions inquiétantes. Au Québec, des voix s'élèvent <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1855525/rapport-final-commissaire-sante-bien-etre-pandemie-quebec">pour repenser en profondeur le système de santé</a>.</p>
<p>La France, elle aussi, vit au rythme des crises de son système de santé. Elles ont précédé la pandémie de SARS-Cov-2, et reviennent régulièrement sur le devant de la scène. Cette fragilité, qui touche tous les secteurs, de l’hôpital au médico-social en passant par le secteur libéral. Quelles sont les raisons de cette situation de crise permanente ? </p>
<h2>Le système de santé français</h2>
<p>Les systèmes de santé qui ont été mis en place dans les pays occidentaux après la Seconde Guerre mondiale pouvaient à l’origine <a href="https://www.cairn.info/la-reforme-des-systemes-de-sante--9782715406711-page-22.htm">être classés en trois catégories</a> : les systèmes nationaux de santé (pays scandinaves, Royaume-Uni, Italie, Espagne…), les systèmes de santé basés sur l’assurance-maladie (France, Allemagne, Pays-Bas…), et les systèmes de santé libéraux (États-Unis, Suisse).</p>
<p>Le système français s'est construit selon les principes de la seconde catégorie : l’offre de services de santé est en partie publique (majeure partie du système hospitalier notamment), en partie privée, et financée dans une large proportion par des cotisations sociales. Son fonctionnement <a href="https://www.cleiss.fr/particuliers/venir/soins/ue/systeme-de-sante-en-france.html#ambulatoire">repose sur l’articulation de différentes structures</a>, qui assurent des niveaux d'attention aux personnes peu coordonnés entre eux : les soins « de ville » (notamment assurés par les professionnels libéraux, mais pas uniquement), l'accueil dans les établissements de santé, et les dispositifs d'accueil et de soutien médico-social et social (publics « fragiles », âgés ou porteurs de handicaps). Dans ce système, chaque patient peut en théorie choisir son médecin, généraliste ou spécialiste, et son établissement de santé.</p>
<p>Basé sur des principes d’universalité, d’égalité, d’accessibilité et de qualité, ce système est aujourd’hui en crise, même si c’est en France que le reste à charge des ménages est encore, en moyenne, le plus faible des pays de l’OCDE après le Luxembourg (<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-documents-de-reference-communique-de-presse/panoramas-de-la-drees/CNS2022">8.9 % de la dépense courante, en incluant la part des complémentaires</a>).</p>
<p>Les difficultés de l’hôpital public sont sous le feu des projecteurs, mais les autres secteurs ne sont pas épargnés, comme le souligne la récente grève des médecins libéraux et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/01/echec-de-la-convention-medicale-medecine-liberale-financement-public_6163723_3232.html">l’impasse de la négociation conventionnelle</a>.</p>
<h2>Une crise systémique</h2>
<p>En France, l’espérance de vie sans incapacité à la naissance continue à évoluer de façon positive : elle était estimée en 2021 <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/lesperance-de-vie-sans-incapacite-65-ans-est">à 67 ans chez les femmes et 65,6 ans chez les hommes</a>. Ce chiffre, qui se situe juste au niveau de la moyenne des pays européens, ne doit cependant pas être utilisé pour éviter de s’interroger sur la fragilité de notre système de santé. </p>
<p>En effet, <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/286468-l-etat-de-sante-de-la-population-en-france-edition-2022">certains indicateurs de l’état de santé sont préoccupants</a> : taux de mortalité infantile en hausse, évolution préoccupante du surpoids et de l’obésité (notamment en fonction des conditions sociales), taux de vaccination contre le papillomavirus faible, signant un déficit en prévention médicale, évolution préoccupante du surpoids et de l’obésité, toutes ces données accentuées par de fortes inégalités sociales.</p>
<p>Dans son avis n° 140, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) souligne d’ailleurs que la situation tendue de l’hôpital public est <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2022-11/Avis140_Final_0.pdf">« le symptôme le plus saillant de la crise du système de soin »</a>.</p>
<p>Mais l’hôpital n’est pas le seul secteur concerné. Le problème des « déserts médicaux » vient rappeler que l’organisation des soins dits « primaires », c’est-à-dire permettant le premier contact avec le patient, laisse une partie de la population sans solution d’accès aux services. </p>
<p>Une des conséquences, en France comme dans de nombreux pays, est que les urgences hospitalières deviennent de plus en plus le premier recours, ce qui contribue à l’engorgement de ces structures, dont certaines se retrouvent par ailleurs <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/A-lhopital-services-durgences-ferment-nuit-faute-soignants-2022-01-25-1201196712">contraintes de fermer la nuit, faute de personnels</a>.</p>
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<p>Enfin, le scandale Orpea, révélé suite à la parution, le 24 janvier 2022, du livre-enquête <em>Les Fossoyeurs</em>, du journaliste Victor Castanet, démontre que la question du vieillissement et de l’accompagnement des dépendances est loin d’être réglée dans notre pays. S’interroger sur la capacité de notre société à accompagner dignement les personnes les plus fragiles, les plus vulnérables passe non seulement par la valorisation et la reconnaissance des personnels qui travaillent auprès de ces publics, mais aussi par une réflexion sur le type de structures et services à développer et leur mode de financement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/deserts-medicaux-lacces-reel-des-patients-aux-soins-est-aussi-important-que-le-nombre-de-medecins-199703">Déserts médicaux : l’accès réel des patients aux soins est aussi important que le nombre de médecins</a>
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<p>Les raisons de cette situation dégradée, qui peut être qualifiée d’endémique, sont connues. Elles ne sont pas spécifiques à la France et se retrouvent dans toutes les sociétés, dans tous les pays. </p>
<h2>Trois raisons majeures à l’évolution des besoins de santé</h2>
<p>La crise du système de santé français est liée tout d’abord à une forte évolution des besoins de santé, caractérisée par trois éléments majeurs. </p>
<p>Deux d’entre eux sont connus depuis des décennies : la progression régulière <a href="https://www.cairn.info/revue-raison-presente-2022-3-page-121.htm?contenu=article">des maladies chroniques</a> (maladies cardiovasculaires, diabète, cancers, maladies neurodégénératives…) et le vieillissement de la population. </p>
<p>Ces deux facteurs modifient en effet le profil des patients, et demandent des approches plus transversales et globales. Ainsi, près de 4 millions de personnes vivent aujourd’hui avec un cancer dans notre pays. Il faut non seulement que le diagnostic soit le plus précoce possible, mais aussi que les patients bénéficient des meilleurs traitements pendant l’ensemble de leur parcours. Il faut aussi, pour pouvoir vivre avec cette maladie, garder une vie sociale ainsi qu’une inscription professionnelle.</p>
<p>Un troisième élément a un impact sur l’évolution des besoins de santé comme nous l’a brutalement rappelé la pandémie de Covid-19 : c’est le fait que nous sommes et resterons confrontés à notre environnement. Notre écosystème continuera à avoir un impact sur la santé des populations, que ce soit par la survenue d’épidémies, ou par les conséquences des évolutions de notre planète, en premier lieu les effets du changement climatique. Or, nos systèmes de soins et de santé publique ne sont pas prêts à prévenir et absorber de tels chocs dont la fréquence et la gravité risquent selon toute vraisemblance d’augmenter.</p>
<p>En outre, en regard de cette évolution des besoins, des changements dans la nature et le niveau des ressources professionnelles et dans les modes d’exercice sont en cours. </p>
<h2>La question des ressources humaines</h2>
<p>La France, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/27/crise-des-systemes-de-sante-en-europe-la-grande-penurie-de-soignants_6136283_3210.html">comme de nombreux pays</a>, fait face à une pénurie de professionnels de santé. Ce déficit se double d’un manque d’attractivité de ces professions. La récente alerte sur <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/01/31/pharmacie-la-penurie-de-diplomes-fait-craindre-la-catastrophe_6159908_4401467.html">l’effondrement des effectifs d’étudiants en pharmacie en est une illustration</a></p>
<p>Ce manque d’attractivité se retrouve également dans les fonctions d’encadrement et de management, comme le révèlent les statistiques de l’École des hautes Études en Santé publique. Ainsi, depuis plusieurs années, un pourcentage non négligeable de postes offerts pour les élèves directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, directeurs de soins, attachés d’administration hospitalière ou inspecteurs de l’action sanitaire et sociale ne sont pas pourvus.</p>
<p>Par ailleurs, les modes d’exercice évoluent eux aussi fortement. Les jeunes professionnels ne souhaitent plus s’installer de manière isolée, et sont en demande d’une grande souplesse dans leur carrière. Ils et elles privilégient les exercices collectifs pluriprofessionnels, comme les maisons de santé pluriprofessionnelles, en pleine expansion (leur nombre a plus que doublé entre 2017 et 2022, avec 2251 maisons de santé au 31 décembre 2022) ou les centres de santé. Ils souhaitent concilier vie professionnelle et vie personnelle, et sont prêts à utiliser les avancées des nouvelles technologies. Mais avant tout, ils et elles demandent à retrouver du sens dans leur engagement professionnel.</p>
<h2>Un décloisonnement à améliorer</h2>
<p>Le cloisonnement des structures et l’organisation en silos sont une constante de nos systèmes de santé. Construits sur le paradigme dominant de l’hospitalo-centrisme au sortir de la 2e Guerre mondiale, ils n’ont, pour bon nombre d’entre eux, que peu évolué dans leurs fondements. </p>
<p>Ce modèle qui se reflète dans les types de recrutement des professionnels autant que dans les modes de financement. D’une part, les recrutements sont liés à une structure et deviennent de plus en plus spécialisés, chaque exercice se trouvant ainsi isolé. D’autre part les modes de financement privilégient l’activité (<a href="https://theconversation.com/hopital-financement-au-parcours-de-soins-lhumain-avant-loutil-101076">tarification à l’activité pour l’hôpital</a>, à l’acte pour le libéral) et non la continuité des services à la personne. Cette situation ne favorise pas la nécessaire coordination des interventions autour de la personne malade ou fragilisée, <a href="https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article437">malgré les nombreux dispositifs empilés pour lutter contre ce cloisonnement</a>.</p>
<p>Pourtant des initiatives montrant des effets positifs en termes de décloisonnement existent. C’est par exemple le cas <a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/parcours-des-patients-et-des-usagers/article-51-lfss-2018-innovations-organisationnelles-pour-la-transformation-du/les-experimentations/article/experimentation-d-un-paiement-en-equipe-de-professionnels-de-sante-en-ville">du paiement en équipe de professionnels de santé en ville (PEPS)</a>, qui consiste à mettre en place, pour des médecins généralistes et infirmiers exerçant dans une structure de ville (maisons ou centres de santé par exemple), une rémunération forfaitaire collective à la place du paiement à l’acte. Mais ces dispositifs <a href="https://www.irdes.fr/recherche/seminaires-les-mardis-de-l-irdes-en-economie-de-la-sante.html">restent expérimentaux et se diffusent peu</a>.</p>
<h2>Des nouvelles technologies dont l’impact reste à évaluer</h2>
<p>Les nouvelles technologies sont souvent présentées comme une solution pour alléger la charge qui pèse sur le système de santé.</p>
<p>Elles pourraient certes permettre de mieux répondre aux besoins des personnes, sans aggraver les inégalités sociales et géographiques d’accès aux soins (grâce à la téléconsultation par exemple). Ou être utilisées pour améliorer le quotidien des patients (prothèses pour certains patients dépendants, nouveaux traitements…), des soignants (<a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-exosquelettes-pour-soulager-les-soignants">exosquelettes pour les assister</a> dans les gestes les plus pénibles…). Des évolutions majeures sont anticipées dans certaines spécialités (robots chirurgicaux, amélioration des diagnostics grâce à l’intelligence artificielle…). Le secteur biomédical est également concerné, avec la mise au point de nouvelles stratégies de développement des médicaments, ciblant des produits « de niche », personnalisés (mais très onéreux…).</p>
<p>Enfin, les nouvelles technologies contribuent aussi au développement d’outils de prévention individuelle, par la mise sur le marché de nombreuses applications, plus ou moins validées, plus ou moins utiles.</p>
<p>Cependant, l’impact réel de ces avancées sur le système de santé est pour l’instant difficile à appréhender, en raison du grand nombre de domaines concernés. Évaluer leur impact réel demandera un suivi attentif de toutes ces technologies dans les années à venir.</p>
<p>Un autre point devra faire l’objet de toutes les attentions : le devenir et la sécurisation de la quantité considérable de données de santé générées par les nouvelles technologies (ce que l’on appelle les « big data » ou données massives). Si lesdites données peuvent aider à améliorer les connaissances dans le domaine de la santé ou à mieux organiser les services, elles constituent une arme à double tranchant : très sensibles, elles peuvent être l’objet de cyberattaques. </p>
<p>Cette transformation numérique devra donc être appréhendée et réfléchie, notamment d’un point de vue éthique. Le Comité consultatif national d’éthique <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis_130.pdf#page=6">proposait dès 2019 12 recommandations</a> permettant d’y veiller.</p>
<h2>Une démocratie en santé à repenser et renforcer</h2>
<p>Le questionnement sur l’avenir de notre système de santé déborde du cercle des experts, et devient l’objet d’une préoccupation grandissante de la population. Le domaine de la santé est un enjeu politique et médiatique de plus en plus important, comme l’a montré de manière brutale la récente pandémie. </p>
<p>Celle-ci a bousculé une démocratie en santé qui s’était construite lentement, depuis plus d’une vingtaine d’années. Ce concept, qui se traduit par des démarches visant à <a href="https://www.ars.sante.fr/quest-ce-que-la-democratie-en-sante-3">« associer l’ensemble des acteurs du système de santé dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation »</a> (en créant par exemple des « conférences » traitant de la santé au niveau national, régional ou local, ou en permettant par exemple <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/03/28/droit-des-malades-la-democratie-sanitaire-victime-collaterale-du-covid-19_6119530_1650684.html">aux usagers d’être représentés dans les instances de santé publique et hospitalières</a>, devra probablement être revisité suite à la pandémie, car cette crise a figé des institutions fragiles. </p>
<p>Elle a montré d’une part une absence de maturité de ce dispositif, et d’autre part, une ambiguïté entre le rôle des associations et la place des collectivités territoriales.</p>
<h2>Une réponse insuffisante des pouvoirs publics</h2>
<p>Depuis 20 ans, face à ces évolutions majeures, la réponse des pouvoirs publics français s’est traduite par une succession de lois dont les intitulés semblent indiquer une préoccupation croissante pour l'avenir de notre système : loi de 2002 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000227015/">« relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé »</a> ; loi de 2004 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000787078/">« relative à la politique de santé publique »</a> ; loi de 2009 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020879475">« Hôpital, patient, santé, territoires »</a> ; loi de 2016 dite de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000029589477/">« modernisation de notre système de santé »</a> ; loi de 2019 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038821260">« relative à l’organisation et à la transformation du système de santé »</a>.</p>
<p>Mais malgré des lois aux intitulés de plus en plus pressants, malgré les nombreuses expérimentations lancées au plan local pour initier plus de coordination et plus de souplesse, malgré le choc de la pandémie et les milliards débloqués pour l’hôpital, les fondements du système de santé français n’ont que très peu bougé, provoquant une désillusion croissante des professionnels de santé.</p>
<p>Cette inertie résulte probablement de la croyance que des « ajustements continuels » peuvent suffire, les lois se contentant de fournir une boite à outils complexifiant la technostructure.</p>
<p>Le débat public sur l’avenir de notre système de santé est toujours esquivé, toujours reporté. La question de la place de la prévention et la promotion de la santé est à ce titre emblématique. </p>
<h2>Un nécessaire changement de paradigme</h2>
<p>Promues depuis longtemps dans les discours, la prévention et la promotion de la santé pourraient être un puissant outil pour éviter l’entrée dans la maladie. </p>
<p>Mais dans les faits, elles stagnent dans leur soutien financier et reposent bien souvent sur un tissu associatif fragile. Selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-11/CNS2022MAJ%20Fiche%2024%20-%20Les%20d%C3%A9penses%20de%20pr%C3%A9vention.pdf#page=3">les dépenses de prévention n’ont augmenté qu’au rythme de 1,1 % par an entre 2013 et 2019</a>. </p>
<p>Par ailleurs, la promotion de la santé, qui recouvre des actions aussi diverses que les campagnes pour promouvoir la mobilité active, la promotion du <a href="https://theconversation.com/qualite-nutritionnelle-des-aliments-nutri-score-ou-en-est-on-conversation-avec-mathilde-touvier-158985">logo NutriScore</a>, le développement d’un urbanisme favorable à la santé (avec par exemple la lutte contre les îlots de chaleur), n’est jamais comptabilisée. Or bon nombre de ces actions sont souvent aux mains des collectivités locales, qui n’ont pas de compétence spécifique dans le domaine de la santé !</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leurope-la-france-et-la-sante-publique-apres-la-covid-19-une-nouvelle-donne-168007">L’Europe, la France et la santé publique : après la Covid-19, une nouvelle donne ?</a>
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<p>En Europe, le système de santé se construit au niveau de chaque État, en fonction d’une histoire, d’une culture, d’un développement économique. Mais il est grand temps que l’Union européenne puisse intervenir pour défendre et promouvoir des bases communes. Et que cet ensemble soit ouvert aux enjeux mondiaux et planétaires colossaux en termes d’accès à la santé. </p>
<p>Rappelons que l’on estime que les besoins en professionnels de santé se situent - a minima - <a href="https://www.wma.net/fr/news-post/action-urged-to-meet-world-shortage-of-health-professionals/">autour de 18 millions de personnes</a>, au niveau mondial. Dans de nombreux pays, dont la France, le changement de paradigme nécessaire pour faire face aux évolutions en cours semble toujours être remis à demain. Une procrastination qui risque d’engendrer un réveil douloureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Hôpital, médecine de ville, secteur médico-social… Le système de santé français tout entier est en crise. Pourquoi ? Quelles pistes pour en sortir ?Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1892522022-09-13T19:21:27Z2022-09-13T19:21:27ZComment les universités américaines accueillent leurs nouveaux étudiants<p>Quel que soit le pays, l’année universitaire commence généralement par un temps dédié à l’information des étudiants nouvellement inscrits. Une période de bienvenue à laquelle les établissements français sont de plus en plus attentifs pour aider chaque élève à prendre un bon départ et lutter contre le décrochage, alors que seuls <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/parcours-et-reussite-en-licence-les-resultats-de-la-session-2020-82060">29,6 % des bacheliers</a> entrant en première année valident une licence en trois ans – et 43,6 % en trois ou quatre ans.</p>
<p>Si ce premier contact entre les élèves et leur université ou leur école est un tremplin dans la construction des projets personnels et le dialogue entre les promotions, il peut aussi jouer un rôle stratégique pour les établissements dans un contexte de compétition internationale. C’est ce que montre l’exemple des États-Unis, où ce temps d’accueil prend une ampleur tout à fait particulière, mobilisant plus d’énergies et de moyens que dans le reste du monde.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">Comment la pandémie redessine les chemins des jeunes vers l’autonomie</a>
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<p>À l’heure où les conséquences de la crise sanitaire pèsent encore sur la vie étudiante, que ce soit en matière de mobilité ou de santé mentale, comment les universités repensent-elles leurs rentrées, entre tradition et innovation ?</p>
<h2>Transmission de valeurs</h2>
<p>Outre-Atlantique, celle qui est appelée généralement « semaine d’orientation », mais dont la durée peut se compter en journées ou en semaines selon l’université, est devenue une véritable institution, presque autant que la cérémonie de remise des diplômes. Contrairement à ce que son nom indique, l’orientation des étudiants primo-entrants n’est en effet pas la seule fonction de ce programme.</p>
<p>Les universités les plus anciennes, notamment celles qui font partie de la « Ivy League », ont instauré des dispositifs d’intégration depuis plusieurs décennies. Dans un contexte hautement sélectif et élitiste, le but poursuivi est de s’assurer que les nouveaux étudiants adhèrent aux valeurs et au projet éducatif qui distingue chacune de ses universités.</p>
<p>Un système de mentorat par les pairs ou par des enseignants permet aux « freshmen », c’est-à-dire aux étudiants de première année, d’intégrer leur nouvelle communauté le plus rapidement et le plus facilement possible. Le programme d’intégration peut ainsi prendre la forme d’activités sportives, artistiques, spirituelles, récréatives en équipe, voire de voyages d’intégration à l’extérieur du campus, généralement en pleine nature.</p>
<p>Depuis 1974, l’université Princeton accueille ses nouveaux étudiants en les envoyant réaliser de véritables expéditions de plein air par petits groupes de 10, encadrés par deux ou trois étudiants plus avancés. Chaque groupe se voit fixer un objectif commun dont la réalisation nécessitera la connaissance mutuelle et la coopération entre ses membres. En quelques jours, les étudiants acquièrent ainsi un <a href="https://outdooraction.princeton.edu/frosh-trip/what-is-frosh-trip">esprit collectif qu’ils sont censés garder et pratiquer tout au long de leur scolarité</a>.</p>
<p>Cette catégorie d’universités utilise plus que d’autres l’argument des valeurs, ancrés généralement dans l’histoire de l’établissement, de ses fondateurs et de ses alumni, pour se différencier et définir une identité singulière dans laquelle les candidats peuvent se reconnaître ou à laquelle ils souhaitent adhérer. C’est le cas à Harvard où, au cours des traditionnelles « Conversations communautaires », les étudiants peuvent discuter des éléments d’identité et du sens d’appartenance avec leurs pairs et leurs mentors.</p>
<p>[<em>More than 80,000 readers look to The Conversation France’s newsletter for expert insights into the world’s most pressing issues</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Sign up now</a>]</p>
<p>Présenté comme un temps neutre, destiné à faciliter l’installation, la rencontre avec les pairs et les conseillers, ainsi que les premières réflexions sur le projet intellectuel et personnel, le programme d’orientation représente un véritable lieu d’initiation à un état d’esprit qui se transmet d’une promotion à l’autre depuis plus d’un siècle.</p>
<p>Pris en charge et conseillés par les étudiants des promotions au-dessus, les professeurs et les membres du personnel, les nouveaux arrivants s’inscrivent dans ces processus d’intégration et de socialisation qui avaient déjà été identifiés et décrits par Michel Anteby dans sa <a href="https://journals.openedition.org/sdt/3919">socio-ethnographie du corps professoral de la Harvard Business School</a>. Par l’orientation, ils commencent à intégrer la tradition et surtout les normes d’une bonne conduite – celles que la sociologie appelle les « routines » – qui leur permettront d’aller au bout de leurs études dans une relative sécurité et par là contribuer à <a href="https://dso.college.harvard.edu/orientation">« la construction et le maintien de la communauté d’Harvard »</a>, c’est-à-dire à son prestige et à sa réputation.</p>
<h2>Objectifs d’inclusion</h2>
<p>Les enjeux d’appartenance à une communauté de valeurs sont devenus avec le temps plus forts sur les campus américains du fait de la diversification accrue du recrutement des étudiants. Chaque nouvelle promotion de première année est composée d’étudiants d’une immense variété quant aux origines géographiques, linguistiques et sociales. Les politiques de recrutement des universités combinent de nombreux critères, de façon à assurer un certain degré de diversité de profil, en accord avec leur mission et leurs statuts.</p>
<p>Sur le plan national, grâce à différentes formes de discrimination positive, réaffirmées jusqu’à présent par la jurisprudence de la Cour suprême, mais dont certaines risquent d’être remises en question dans les <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2022/aug/02/supreme-court-affirmative-action-harvard">années à venir</a>, les minorités ethniques, de genre ou d’autres groupes traditionnellement sous-représentés comme les vétérans, les sportifs de haut niveau, les étudiants de première génération ou encore les personnes en situation de handicap, occupent une place accrue parmi la population étudiante. Ces profils, tout comme les étudiants issus de « Community College », font face à plus de défis à l’université que les autres et nécessitent, surtout au début de leur cursus, plus d’attention.</p>
<p>Sur le plan international, si les États-Unis ont une très longue tradition d’accueil d’étudiants étrangers, jusqu’aux années 1990 la mobilité entrante était surtout réalisée au niveau doctoral ou en formation continue. Il s’agissait essentiellement d’une mobilité financée par des bourses gouvernementales ou de fondations philanthropiques, s’inscrivant dans le contexte de lutte d’influence géopolitique de l’après-guerre puis de la guerre froide.</p>
<p>Plus récemment, sous le double effet de la mondialisation et de l’Internet, ce sont des candidats plus jeunes qui, depuis n’importe quel pays, peuvent postuler aux universités américaines dès le premier cycle. Les États-Unis se placent ainsi avec stabilité en tête de pays d’accueil pour les étudiants étrangers en quête de formation diplômante, tous cycles confondus.</p>
<p>Face à cette diversité de profils, le temps de l’intégration devient stratégique pour les universités. L’on cherche à favoriser chez les étudiants la compréhension des règles, leur permettre d’identifier clairement interlocuteurs et services, faire converger les attentes, et réduire au minimum le besoin d’accompagnement spécifique, autrement plus coûteux.</p>
<p>De même, il est important de diminuer autant que possible le risque de mécontentement, de décrochage voire d’abandon d’études, potentiellement néfaste pour l’image de l’université mais aussi et surtout, pour ses conséquences économiques en cas de demande de remboursement. Les étudiants paient des <a href="https://www.letudiant.fr/etudes/international/combien-coute-un-sejour-d-etudes-aux-etats-unis-comment-le-financer.html">frais de scolarité</a> de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de dollars par an il faut donc qu’ils soient satisfaits dès leur premiers jours.</p>
<p>Ces éléments expliquent en partie le caractère extrêmement convivial et inclusif de la plupart de programmes d’orientation, qui promettent des soirées, des jeux de piste, des speed-datings pour se faire des amis, des cours de cuisine et autres activités ludiques. Certaines universités, comme Brown ou Chicago, prévoient des temps pour et avec les familles, considérées comme faisant partie de la communauté universitaire.</p>
<p>L’organisation de ces animations est habituellement confiée au service de la vie étudiante, parfois à une association étudiante. À l’université Wisconsin-Madison, un service spécifique a été créé, le “Centre pour l’expérience de la première année”, chargé de faciliter la transition vers les études supérieures et garantir la réussite à travers le programme d’orientation et d’autres actions tout au long de l’année.</p>
<h2>La question du bien-être</h2>
<p>Il est vrai que la pandémie de Covid-19 a mis à rude épreuve le modèle d’études supérieures américain fondé sur « l’expérience étudiante ». La brusque fermeture des campus et l’isolement de beaucoup d’étudiants pendant les périodes de confinement a eu des répercussions considérables sur leur santé mentale. Parmi les populations les plus vulnérables en termes de santé mentale pendant la pandémie se trouvent les minorités de genre et sexuelles mais aussi les étudiants asiatiques, noirs et métis <a href="https://www.cdc.gov/media/releases/2022/p0331-youth-mental-health-covid-19.html">victimes d’actes racistes plus fréquents</a>.</p>
<p>Une <a href="https://bmcpsychology.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40359-021-00598-3#citeas">étude parue en 2021</a> sur l’état de détérioration de la santé mentale des étudiants américains a révélé la plus grande fragilité de ceux de première année, déjà soumis au stress de la transition vers l’université, et privés pendant le confinement de la possibilité de nouer des amitiés solides, de contacts humains et de soutien personnalisé.</p>
<p>Les préoccupations liées à la santé mentale des étudiants rejoignent finalement, du fait de la pandémie, ce que <a href="https://www.cambridge.org/core/books/international-student-security/42D96B47B1CDF77E82CFF1D452ED06BB">Simon Marginson appelait en 2010</a> le droit à la sécurité des étudiants internationaux, eux aussi potentiellement fragiles et seuls au cours des premiers mois de mobilité sortante dans un environnement inconnu et sans repères.</p>
<p>Ainsi, en 2022 plusieurs universités ont modifié leurs activités d’orientation et d’accueil des étudiants pour mieux répondre aux besoins sociaux et psychologiques des nouvelles promotions. Elles ont ainsi intégré des temps de discussion sur la gestion du stress, avec des groupes de taille réduite, moins intimidants pour des jeunes qui sortent du confinement. À l’université Columbia on emploie, pour ces accueils post-Covid, les mots de <a href="https://news.columbia.edu/news/your-guide-welcome-home-columbia-activities-fall">« se reconnecter, se renforcer et se reconstruire en tant que communauté »</a>.</p>
<h2>Stratégies internationales</h2>
<p>De façon plus structurelle, si les universités déploient autant d’efforts en direction des primo-entrants c’est aussi parce qu’elles cherchent à maintenir leur attractivité, auprès des candidats internationaux en particulier. C’est pour elles, compte tenu de leur modèle économique, l’enjeu majeur. La pandémie a fortement limité la mobilité étudiante au niveau mondial avec des répercussions sur le nombre de candidats internationaux qui a diminué aux États-Unis comme dans les autres pays.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/universites-vers-un-declin-de-lempire-americain-153215">Universités : vers un déclin de l’empire américain ?</a>
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<p>Si la chute des inscriptions en 2020 a été la plus importante depuis 1948 (-14,2 % en premier cycle) le nombre d’étudiants internationaux aux États-Unis <a href="https://theconversation.com/us-colleges-report-a-43-decline-in-new-international-student-enrollment-and-not-just-because-of-the-pandemic-149885">est constamment en baisse depuis 2016</a>. Cette situation inquiète pour plusieurs raisons, notamment la forte dépendance des universités américaines vis-à-vis des candidats chinois et indiens, particulièrement sensibles <a href="https://www.forbes.com/sites/stuartanderson/2021/08/10/biden-keeps-costly-trump-visa-policy-denying-chinese-grad-students/?sh=7ff26e1b3641">aux évolutions récentes de la politique d’immigration</a>]. Un étudiant international sur trois aux États-Unis vient de Chine et environ un sur cinq vient d’Inde.</p>
<p>Le déclin est plus marqué en informatique et sciences de l’ingénieur, stratégiques en termes d’innovation et d’enjeux économiques. D’après une <a href="https://nfap.com/wp-content/uploads/2022/03/Analysis-of-International-Student-Data.NFAP-Policy-Brief.March-2022.pdf">étude</a> réalisée par le think tank américain National Foundation for American Policy, une grande partie des étudiants indiens et chinois dans ces domaines se tourneraient depuis quelques années vers le Canada qui ne leur impose pas les mêmes restrictions de visa.</p>
<p>Au-delà de la semaine d’orientation et de l’accueil des nouveaux entrants, ce qui est en jeu, bien sûr, c’est la capacité des universités américaines à attirer les talents internationaux et à garder les meilleurs étudiants américains, tout en pérennisant le modèle économique sur lequel elles reposent.</p>
<p>Dans le contexte de finances publiques national, ce modèle est donc clef pour le <a href="https://theconversation.com/drop-in-students-who-come-to-the-us-to-study-could-affect-higher-education-and-jobs-172286">maintien de la compétitivité</a> de l’économie américaine ainsi que sa capacité à continuer à produire de l’innovation. Et si l’on en croit aux données publiées récemment <a href="https://www.oxtero.com/2022/08/11/la-chine-depasse-les-etats-unis-dans-la-production-de-la-recherche-scientifique/">par le ministère de la science et technologie du Japon</a>, la Chine aurait dépassé pour la première fois cette année les États-Unis quant aux résultats de recherche scientifique et aux publications à impact élevé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189252/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la crise du Covid a transformé la mobilité étudiante et rappelé l’importance des liens sociaux, les enjeux de la rentrée universitaire se renforcent. Regard sur les campus américains.Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1868052022-08-01T18:10:19Z2022-08-01T18:10:19ZCovid-19 : une quatrième dose de vaccin pour qui, pourquoi ?<p><em>Judith Mueller est médecin épidémiologiste, professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et chercheur à l’Institut Pasteur. Elle revient sur l’intérêt de la quatrième dose (second rappel), 18 mois après le lancement de la vaccination contre le Covid-19 et à la suite de la <a href="https://theconversation.com/reprise-de-lepidemie-de-covid-pourquoi-les-variants-omicron-ba-4-et-ba-5-gagnent-la-france-184615">septième vague de l’épidémie avec les variants Omicron BA.4 et BA.5</a>, et fait le point sur l’efficacité des vaccins actuels contre les variants Omicron.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Les vaccins utilisés actuellement ont été conçus à partir de la souche initiale du SARS-CoV-2 qui a émergé à Wuhan. À l’heure actuelle, que sait-on de leur efficacité contre les variants Omicron ?</strong></p>
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<p><strong>Judith Mueller :</strong> Des recherches immunologiques ont montré que les <a href="https://www.science.org/doi/epdf/10.1126/science.abq1841">variants Omicron, et notamment BA.4 et BA.5, échappent davantage aux anticorps neutralisants et même, un peu, à l’immunité liée aux lymphocytes T</a>, développés suite à la vaccination. Un phénomène identique s’observe pour les anticorps acquis suite une infection.</p>
<p>C’est un <a href="https://theconversation.com/emergence-des-variants-du-sars-cov-2-que-peut-on-esperer-ou-craindre-dans-un-futur-proche-174069">mécanisme naturel normal</a> : les virus évoluent en fonction des anticorps qu’ils rencontrent, et plus spécifiquement des anticorps donnés protégeant contre cette infection. L’évolution génétique chez ces virus sélectionne des structures moins bien reconnues par les anticorps, avec pour conséquence de maintenir la capacité d’infection dans une population immunisée – c’est l’échappement immunitaire.</p>
<p>Par contre, il n’est pas « utile » pour un virus comme le SARS-CoV-2 d’être plus dangereux. Cela correspond à l’observation que, pour l’instant, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9221361/pdf/main.pdf">variants successifs n’ont pas vraiment diminué la protection contre le risque de forme sévère de Covid-19 que procure la vaccination</a>.</p>
<p>La question est donc plutôt celle-ci : pourrait-on, dans l’avenir, du fait de ces adaptations génétiques, voir émerger un variant contre lequel la vaccination ne protégeait plus ou peu des formes sévères ? Ce serait plutôt un hasard malheureux – on ne peut pas l’exclure, mais c’est peu probable.</p>
<p><strong>T.C. : Il ne faut donc pas confondre protection contre les formes sévères de Covid-19 et protection contre l’infection…</strong></p>
<p><strong>J.M. :</strong> Effectivement, ce sont deux choses différentes et cela peut être source de confusion. La protection contre l’infection (souvent appelé « infection symptomatique » dans les études) diminue assez rapidement après la vaccination face aux variants Omicron : <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9221361/pdf/main.pdf">elle est inférieure à 30 % (<30 % des épisodes sont évités) au-delà de trois mois</a>.</p>
<p>Par contre, la <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2822%2900462-7"><strong>protection contre l’hospitalisation ou décès en cas d’infection bouge très peu</strong> avec le temps et les variants</a>. Il en résulte que la protection globale contre les formes sévères (qui inclut la protection contre l’infection) <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9221361/pdf/main.pdf">reste bonne face aux variants Omicron et ne diminue que légèrement depuis la vaccination</a>.</p>
<p>Les seules exceptions sont les personnes de grand âge et celles touchées par un affaiblissement de leur système immunitaire : leur protection vaccinale diminue plus rapidement <a href="https://www.bmj.com/content/376/bmj-2021-068632.long">car ils développent moins d’anticorps après leur vaccination</a>. Ce ne sont pas des cas si rares dans notre société : disposition génétique, maladie chronique ou traitement en cours contre un cancer entraînent une telle insuffisance immunitaire.</p>
<p><strong>T.C. : Pourquoi parle-t-on de l’importance des doses de rappel ?</strong></p>
<p><strong>J.M. :</strong> Il faut avoir conscience que cette protection globale contre les formes sévères – que je qualifie de bonne contre Omicron et dans le temps – est loin d’être parfaite, puisqu’elle se situe aux alentours de 60 à 70 % après le schéma initial (sans rappel). Autrement dit, 6 cas sur 10 de Covid-19 avec complications peuvent être évités par la vaccination. Mais les 4 autres épisodes surviendront néanmoins. Cela peut faire beaucoup de monde au même temps dans les hôpitaux, dès qu’il y a à nouveau une hausse des infections.</p>
<p>Après une dose de rappel, cette <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9221361/pdf/main.pdf">protection augmente à environ 80 %</a>. Cette protection complémentaire est d’autant plus intéressante qu’on est âgé (à partir de 50 ans) et qu’on est exposé à un risque élevé d’infection (comme pendant une vague épidémique).</p>
<p>On considère aujourd’hui que le rappel fait partie du schéma complet de vaccination pour obtenir une bonne protection contre les formes sévères. Le même raisonnement s’applique aussi aux personnes pas encore vaccinées qui ont été infectées – une <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2022.01.011">dose de vaccin complète la protection immunitaire, la rend plus durable et plus solide contre les variants</a>.</p>
<p><strong>T.C. : Il y a eu des discussions pour savoir s’il fallait diminuer l’âge pour ce second rappel. Pourquoi ?</strong></p>
<p><strong>J.M. :</strong> Une deuxième dose de rappel <a href="https://www.bmj.com/content/378/bmj-2022-071502.long">permet d’augmenter encore la protection contre une forme sévère</a>. C’est intéressant notamment pour les personnes plus âgées, chez qui le risque de complications est plus élevé. Il n’y a pas de seuil précis – c’est pourquoi la recommandation de la quatrième dose est actuellement peu homogène entre les pays.</p>
<p>Un rappel supplémentaire permet aussi de fortement diminuer son risque d’être infecté (et d’infecter d’autres) pour environ trois mois. Pour les personnes de grand âge ou immunodéprimées, cela veut dire optimiser leur protection. Pour les adultes plus jeunes vivant ou travaillant à côté de personnes vulnérables, cela permet de sécuriser les contacts pour une certaine période.</p>
<p>Une campagne plus large de quatrième dose serait – c’est mon avis personnel – à réserver pour une situation exceptionnelle : une vague épidémique avec un variant plus dangereux, face à laquelle il faudrait absolument et rapidement réduire la transmission pour éviter le pire.</p>
<p><strong>T.C. : Qui est concerné aujourd’hui par cette quatrième dose, ou deuxième rappel ?</strong></p>
<p><strong>J.M. :</strong> <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3352538/fr/avis-n2022-0043/ac/sespev-du-13-juillet-2022-du-college-de-la-haute-autorite-de-sante-relatif-a-la-place-d-une-dose-de-rappel-additionnelle-des-vaccins-contre-la-covid-19-dans-la-strategie-vaccinale">Selon le nouvel avis de la HAS</a>, elle est recommandée à partir de 60 ans et pour les personnes immunodéprimées. La recommandation couvre maintenant également les adolescents et adultes de moins de 60 ans avec facteur de risque pour une forme sévère (diabète, obésité…), y compris les femmes enceintes dès le premier trimestre de grossesse.</p>
<p>La quatrième dose est aussi recommandée pour les personnes dans l’entourage de personnes vulnérables.</p>
<p>Comme expliqué précédemment, l’idée est ici de fermer « la fenêtre » de risque en étant au-delà des 80 % de protection.</p>
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<p><strong>T.C. : Dans ce contexte, fin juin l’Agence européenne du médicament (EMA) a autorisé un <a href="https://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/Covid-19">vaccin supplémentaire, celui du laboratoire français Valneva</a>. Quel est l’intérêt de ce vaccin supplémentaire, qui porte à six le nombre de vaccins disponibles dans l’Hexagone ?</strong></p>
<p><strong>J.M. :</strong> Ce vaccin est basé sur une technologie similaire à celle utilisée pour produire la plupart des vaccins contre la grippe saisonnière. Cela pourrait éventuellement convaincre des gens qui seraient encore réticents à utiliser la technologie des vaccins à ARN messager.</p>
<p>Il est pour l’instant autorisé chez les adultes âgés de 18 à 50 ans seulement, car il n’a pas encore été évalué chez les personnes plus âgées. Étant donné sa technologie et les données présentées par l’EMA, ce vaccin devrait apporter une protection substantielle. Son <a href="https://www.vidal.fr/actualites/29529-covid-19-vaccine-inactivated-adjuvanted-valneva-sixieme-vaccin-autorise-dans-l-union-europeenne.html">efficacité devrait être probablement aussi bonne que celle du vaccin Vaxzevria (d’Astra Zeneca) ou des vaccins à ARNm</a>.</p>
<p>Reste à évaluer à quel niveau ce vaccin protège contre les variants Omicron, car les essais cliniques ont été menés sur la souche Wuhan. Et bien sûr, il faudra observer de près la durée de protection contre l’infection et les formes sévères.</p>
<p>Les données de pharmacovigilance vont aussi être scrutées attentivement, car il s’agit d’un vaccin récent pour lequel nous n’avons pas encore d’informations à très grande échelle, contrairement aux précédents vaccins (ARNm, vecteur viral) qui ont été administrés à des millions de personnes depuis 18 mois.</p>
<p><strong>T.C. : À ce propos, il n’y a pas eu de nouveaux effets secondaires identifiés concernant les vaccins à ARN ?</strong></p>
<p><strong>J.M. :</strong> Non, rien d’essentiellement nouveau depuis l’été dernier. Ce qui n’est pas étonnant, car le nombre de doses administrées et la durée d’observation étaient déjà très importants l’an dernier à la même époque.</p>
<p>Le <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-31401-5">risque de myocardite chez les personnes jeunes dans la semaine après vaccination a été observé depuis avec plus de précision</a> – ces myo – ou péricardites évoluent habituellement sans complication ou séquelles. Surtout, on sait maintenant que <strong>c’est le <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2110475">Covid-19 qui augmente le risque de myocardites et de péricardites</a></strong>.</p>
<p>Il reste quelques interrogations concernant les <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/troubles-menstruels-apres-la-vaccination-contre-le-covid-19-etat-des-connaissances-et-conseils-aux-femmes-concernees">troubles menstruels signalés par un bon nombre de femmes après la vaccination</a>. Pour conclure sur un effet de la vaccination, il faut bien sûr <a href="https://theconversation.com/virus-vaccins-comment-la-pandemie-a-perturbe-les-regles-feminines-178221">comparer la fréquence de ces perturbations chez les femmes vaccinées à celle des femmes pas (encore) vaccinées</a>, par exemple lors d’un essai clinique ou dans une étude épidémiologique après utilisation à large échelle.</p>
<p>Selon l’EMA, le données disponibles permettent d’écarter un lien entre la vaccination et l’absence de règles, mais des <a href="https://www.ema.europa.eu/en/news/meeting-highlights-pharmacovigilance-risk-assessment-committee-prac-7-10-june-2022">données sont encore attendues pour un éventuel lien avec des saignements plus abondants</a>.</p>
<p>Si elles sont passagères, les irrégularités de règles impactent la qualité de vie mais ne représentent pas un problème de santé ou de fécondité. Je trouve toutefois intéressant qu’avec la vaccination contre le Covid-19, cette qualité de vie reçoive l’attention des autorités de santé. Elle sera peut-être davantage prise en compte et évaluée lors des essais cliniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Judith Mueller est membre de la Commission technique des vaccinations (CTV) à la HAS. Elle ne reçoit pas de financements, subventions ou soutiens en lien avec le contenu de l'article.</span></em></p>Alors que la France vient de connaître une nouvelle vague de Covid, la Haute autorité de santé recommande une quatrième dose (second rappel) pour certaines catégories de personnes. Explications.Judith Mueller, Professeur en épidémiologie, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831512022-05-31T19:00:22Z2022-05-31T19:00:22ZLes universités chinoises vont-elles quitter les classements internationaux ?<p>Près de 20 ans après avoir lancé le classement de Shanghai, la Chine serait-elle en train de changer de cap stratégique ? Trois mois avant la sortie ce 15 août de <a href="http://www.shanghairanking.com/">l'édition 2022 du palmarès</a> qui fait chaque année couler beaucoup d'encre, trois universités chinoises ont déclaré le 9 mai dernier leur intention de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/12/des-universites-chinoises-veulent-renoncer-aux-classements-internationaux_6125867_3210.html">« se retirer des classements internationaux »</a>. L’annonce, donnée par les organes de presse officiels nationaux, concerne l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Renmin_de_Chine">université du Peuple (Renmin)</a> à Pékin ainsi que les universités de Nanjing et de Lanzhou, situées respectivement dans les provinces du Jiangsu, à l’est du pays, et du Gansu, dans le nord-ouest, à la jonction du plateau tibétain et de la Mongolie.</p>
<p>Si ces trois universités sont reconnues en Chine par leur taille et leur histoire, leur nom est plus confidentiel en dehors des frontières nationales, puisqu’elles ne font pas partie des « world-class universities », ces établissements de rang mondial annuellement évalués par les divers organismes de classement internationaux.</p>
<p>Les annonces de ces universités sont une réponse immédiate à l’allocution du président de la République populaire de Chine lors d’une visite à l’université du Peuple. Le 25 avril, ce dernier s’était exprimé avec véhémence sur la nécessité pour la Chine de continuer à renforcer la place de ses universités pour en faire des références mondiales mais « aux caractéristiques chinoises ». Xi Jinping avait explicitement déclaré à cette occasion que l’excellence académique internationale ne pourrait pas être atteinte en suivant les autres pays ni en adoptant des modèles ou des standards étrangers.</p>
<h2>Guerre des standards</h2>
<p>Le discours du président, suivi de ces trois annonces d’abandon du système de classement international, n’a pas encore eu de conséquences directes sur les politiques des autres établissements mais il interroge quant à la vision du Parti communiste chinois en matière d’enseignement supérieur et de recherche dans la compétition internationale.</p>
<p>Certes, la déclaration a avant tout une portée politique et symbolique, puisque l’on ne décide pas de « sortir » d’un classement tout comme l’on ne décide pas d’y entrer. L’université peut au mieux cesser de fournir des données aux organismes de classement qui continueront dans ce cas de l’évaluer à partir d’autres sources de données telles que les bases bibliographiques, les bases de brevets, les registres des prix Nobel, les moteurs de recherche, les <a href="https://collaboratif.cirad.fr/alfresco/s/d/workspace/SpacesStore/09704ef1-e988-4cd9-94e7-faf8a8dfa186/comprendre-les-classements-internationaux-20150504.pdf">enquêtes publiques</a>.</p>
<p>Plus fondamentalement, pousser les universités à sortir des classements internationaux peut sembler une décision incongrue dans le contexte géopolitique actuel. Historiquement absente du paysage de l’enseignement supérieur mondial, la Chine compte bien en 2022 dix universités dans le top 200 du classement <a href="https://www.timeshighereducation.com/world-university-rankings">Times Higher Education</a>, avec l’Université Tsinghua et l’Université de Pékin à la seizième place ex aequo. Sept universités de Chine continentale figurent dans le top 150 du <a href="https://www.topuniversities.com/university-rankings/world-university-rankings/2022">classement QS</a>.</p>
<p>Il s’agit là d’une ascension récente et fulgurante que le gouvernement chinois a fortement soutenue dans l’objectif d’attirer les talents et les investissements nécessaires à la recherche scientifique dans une économie mondiale étroitement dépendante de l’innovation et de la R&D.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1917%2C1258&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407935/original/file-20210623-21-1omf3wy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De plus en plus nombreux, les palmarès universitaires sont très attendus par les établissements comme par les étudiants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/photographie-de-personnes-diplomees-1205651/">Emily Ranquist/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/classements-duniversites-des-enjeux-geopolitiques-sous-estimes-161914">Classements d’universités : des enjeux géopolitiques sous-estimés ?</a>
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<p>Ces performances ont été obtenues non seulement par des réformes de la gouvernance et du mode de financement des universités mais aussi par une véritable guerre mondiale des standards qui ont longtemps été ceux de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivy_League">l’Ivy League américaine</a> ou d’Oxbridge. Au début des années 2000, s’appuyant sur les recherches d’une équipe de l’université Jiaotong de Shanghai, la Chine met au point sa méthode et ses indicateurs d’excellence, aujourd’hui confiés à un opérateur privé, l’Academic Ranking of World Universities (<a href="https://www.shanghairanking.com/rankings/arwu/2021">AWRU</a>). C’est donc ce classement, dit « de Shanghai », qui depuis 2003 bouleverse les équilibres traditionnels dans le grand marché mondial de la réputation des universités.</p>
<h2>Revendication d’autonomie</h2>
<p>Que Xi Jinping s’érige aujourd’hui en pourfendeur de la domination des standards occidentaux peut sembler ironique puisque c’est précisément la Chine qui a imposé les critères qui prévalent à l’échelle mondiale.</p>
<p>Davantage quantitatifs et moins axés sur la réputation et le prestige, ces critères ont permis en vingt ans à quelques universités chinoises de collaborer d’égal à égal avec les meilleures universités du monde, d’intensifier les échanges académiques, de recruter des scientifiques chinois diplômés à l’étranger, et surtout de ne pas être évaluées sur des dimensions qu’elles ne maitrisent pas ou sur lesquelles elles sont fragiles, comme la <a href="https://theconversation.com/la-liberte-academique-aux-prises-avec-de-nouvelles-menaces-171682">liberté académique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-classement-de-shanghai-un-palmares-pas-tres-classe-142444">Débat : Classement de Shanghai, un palmarès pas très classe !</a>
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<p>Déclarer la sortie des classements marque ainsi une nouvelle étape dans la <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100637910">stratégie de développement</a> de l’enseignement supérieur chinois et de diplomatie scientifique avec les puissances occidentales.</p>
<p>Le message de Xi Jinping est clair : le développement académique et scientifique chinois est aujourd’hui de moins en moins dépendant du transfert de connaissances depuis l’étranger. <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-chine-est-elle-re-devenue-la-premiere-puissance-economique-mondiale-915626.html">Deuxième puissance économique mondiale</a>, la Chine a moins besoin de l’Occident comme source de légitimité car son stade d’avancement économique et scientifique suffit pour auto-déclarer l’excellence de ses universités. Ainsi, le temps où il était nécessaire d’influencer les critères des autres est révolu. Le pays avance dans sa stratégie et passe à un niveau supérieur.</p>
<p>Par cet appel au rejet des modèles et des standards étrangers, Xi Jinping ne s’adresse pas uniquement aux pays occidentaux, mais il parle également au reste du monde. S’inscrivant dans la continuité de la politique étrangère des dix dernières années, le président chinois réaffirme son opposition aux ingérences externes, surtout dès lorsqu’elles sont occidentales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-les-mandarins-2-0-une-bureaucratie-chinoise-formee-a-lamericaine-144968">Bonnes feuilles : « Les Mandarins 2.0. Une bureaucratie chinoise formée à l’américaine »</a>
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<p>En utilisant l’expression « aux caractéristiques chinoises » d’ailleurs, il reprend une habitude des leaders chinois depuis la mise en place de la politique d’ouverture économique par Deng Xiaoping dans les années 1980 pour s’inspirer d’exemples étrangers sans devoir justifier les éventuelles incohérences et surtout sans permettre à aucun modèle en particulier de se considérer comme tel. Paradoxalement, cette formule aux apparences de fermeture a été, au cours des quarante dernières années, un puissant moyen pour la Chine d’emprunter de l’étranger en toute liberté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-centenaire-du-parti-communiste-chinois-la-puissance-et-le-chaos-163334">Le centenaire du Parti communiste chinois : la puissance et le chaos</a>
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<p>Ainsi, plus qu’un discours isolationniste, l’appel adressé aux universités pour créer un système indépendant de connaissances et de savoirs est une revendication d’autonomie vis-à-vis des pays occidentaux, principalement des États-Unis. En cohérence avec les principes qui ont présidé à l’ouverture de la <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-route-de-la-soie-une-strategie-dinfluence-mondiale-de-la-chine-75084">« nouvelle route de la Soie »</a> et à l’intensification des investissements sur le continent africain, la Chine continue en effet de s’adresser aux autres pays, en essayant de les amener de plus en plus dans l’ordre anti-américain qu’elle prône, de les constituer en « cercle d’amis » pour reprendre les termes de la politiste <a href="https://www.iss.europa.eu/content/china-and-battle-coalitions">Alice Ekman</a>.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/la-chine-confirme-ses-velleites-de-conquete-du-monde-menee-par-un-xi-tout-puissant-86359">nouveau leadership mondial</a> que Xi Jinping tente d’installer comme alternative à celui des États-Unis défend un système de valeurs différent de celui des régimes démocratiques mais qui se veut pourtant moderne et performant en termes de résultats, notamment sur le plan scientifique et de l’éducation.</p>
<p>Quant aux effets potentiels de ces déclarations, il est encore tôt pour le dire. Pour le moment, les trois universités zélées qui ont annoncé, dans le sillage du discours présidentiel, vouloir tourner le dos aux classements ne font pas partie du peloton de tête et ont peu de relations avec les universités nord-américaines.</p>
<h2>Anticiper l’incertitude</h2>
<p>Un tel discours pourrait toutefois présager de nouvelles politiques entraînant davantage de restrictions à la mobilité académique, voire des réelles contraintes, encore plus drastiques que les actuelles, pénalisant l’activité des chercheurs et des étudiants, rappelant ainsi les prémices de la révolution culturelle, au milieu des années 1960.</p>
<p>Ces restrictions se justifieraient d’autant plus facilement aux yeux de l’opinion publique chinoise, voire internationale, que le contexte sanitaire de l’épidémie de Covid-19 amène déjà le gouvernement à restreindre sensiblement depuis quelques semaines la mobilité internationale entrante et sortante : limitation de la délivrance de nouveaux passeports aux ressortissants chinois, annulation de la plupart des vols internationaux depuis et vers la Chine, confiscation temporaire de passeports dans certaines provinces.</p>
<p>Ces mesure conjoncturelles font écho à une série de réformes qui, au cours des dernières années, ont diminué l’importance de l’enseignement des langues étrangères dans la formation secondaire et dans les concours d’entrée aux universités, jusqu’à la décision prise par le gouvernement de <a href="https://www.timeshighereducation.com/news/china-taking-isolationist-stance-higher-education">ne pas ouvrir cette année</a> les examens pour le test international « Advanced Placement » (AP) massivement utilisé par les bacheliers chinois pour accéder aux universités américaines.</p>
<p>La crise sanitaire affecte le rayonnement international des universités chinoises, cela ne fait aucun doute. Découragés par les restrictions aux libertés fondamentales et par les conditions draconiennes de surveillance et de quarantaine, les candidats étrangers se détournent au profit d’autres destinations. Nul ne sait si la Chine saura conserver sa huitième place dans le palmarès des pays d’accueil de la mobilité internationale entrante, après avoir connu des flux en constante augmentation depuis le début des années 2000 (<a href="https://ressources.campusfrance.org/publications/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_2021_fr.pdf">données Campus France 2018</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-democratie-3-3-la-democratisation-de-la-chine-un-espoir-a-oublier-161251">« Quelle démocratie ? » (3 / 3) : La démocratisation de la Chine, un espoir à oublier ?</a>
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<p>La prétendue « sortie » des classements serait ainsi une façon d’anticiper les incertitudes qui planent sur le potentiel des grandes universités chinoises à poursuivre l’amélioration de leur rang dans les années à venir. Ayant déjà acquis un certain prestige mondial grâce à leur ascension rapide dans les classements internationaux, ces universités pourraient par ailleurs voir peu de gains à <a href="https://www.scmp.com/comment/opinion/article/3178704/why-some-chinese-universities-are-opting-out-global-rankings?module=perpetual_scroll_0&pgtype=article&campaign=3178704">se contenter de plafonner sans pouvoir atteindre le sommet</a>.</p>
<p>L’éventuelle annonce de restrictions permanentes à la liberté de mouvement des étudiants et des chercheurs tout comme la mise en œuvre d’une politique réellement isolationniste en matière académique, serait toutefois un jeu dangereux. En indiquant dans son discours à l’université du Peuple que les universités chinoises devront « hériter du gène rouge » et « suivre le parti », Xi Jinping semble vouloir renouer avec les pratiques des années de la révolution culturelle (1966-76). À cette époque, la sélection et la promotion des élites se fondaient avant tout sur la loyauté politique : il fallait être identifié comme « rouge » pour servir le Parti dans la réalisation de ses ambitions de développement du pays. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2014-2-page-353.htm">L’« expertise », c’est-à-dire la compétence, ne suffisait pas</a>.</p>
<p>Les enjeux du XXI<sup>e</sup> siècle sont différents et Xi Jinping sait que le développement et l’influence géopolitique de son pays reposent essentiellement sur ses capacités de formation, sur ses avancées scientifiques ainsi que sur son potentiel <a href="https://www.larecherche.fr/dossier/lenseignement-sup%C3%A9rieur-va-t-il-r%C3%A9ussir-le-pari-de-la-modernisation">d’innovation</a>.</p>
<p>Dans un futur proche, nous pourrions assister à la fois à des limitations à la mobilité académique et à la poursuite du développement de l’influence scientifique et intellectuelle chinoise dans le monde, réalisant ainsi la prophétie de l’historienne américaine Rebecca E. Karl <a href="https://newbooksnetwork.com/rebecca-e-karl-chinas-revolutions-in-the-modern-world-a-brief-interpretive-history-verso-2020%20">qui écrivait en 2020</a> que « l’ère de Xi Jinping s’annonce à la fois comme la plus effroyablement insulaire et la plus tournée vers le monde extérieur de l’histoire de la Chine ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Près de 20 ans après avoir lancé le classement de Shanghai, dont l'édition 2022 a été publiée lundi 15 août, la Chine serait-elle en train de changer de cap stratégique ?Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1776482022-03-16T11:29:53Z2022-03-16T11:29:53ZLes jeunes et le politique : au-delà du vote, des formes d’engagement multiples<p>Les jeunes Français et les jeunes Françaises, comme l’ensemble des jeunes Européens et dans une certaine mesure comme leurs aînés et aînées, tendent à s’abstenir toujours davantage de voter. Une attitude qui semble se renforcer au fil des décennies. Cet éloignement est encore plus prononcé chez les jeunes peu diplômés et rencontrant des difficultés d’intégration sociale.</p>
<p>Le phénomène a été étudié de manière approfondie par un certain nombre d’auteurs et d’autrices. Anne Muxel, en particulier, a souligné l’existence d’un moratoire concernant les jeunes et leur relation au vote (c’est-à-dire d’une période de transition pendant laquelle les jeunes ne votent pas) ainsi que le <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/politiquement-jeune/">caractère politique de leurs abstentions</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retour-sur-les-municipales-les-jeunes-a-la-pointe-du-vote-vert-142133">Retour sur les municipales : les jeunes à la pointe du vote vert ?</a>
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<p>Analysant ainsi les raisons de l’abstention des jeunes lors des élections de 2017, elle montre que 48 % des jeunes se déclarent insatisfaits et insatisfaites de l’offre électorale : ils utilisent l’abstention pour manifester leur mécontentement (31 %) et expriment des doutes sur la capacité de l’élection à changer réellement les choses (31 %). Ainsi que le soulignent les résultats d’un <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/chiffres-cles-0">tout récent sondage Ipsos</a>, seulement 47 % des jeunes de moins de 24 ans se déclarent certains de se rendre aux urnes au printemps 2022 (contre 65 % de la population générale et 79 % des plus de 70 ans). Les jeunes insistent, comme en 2017, sur leur faible enthousiasme vis-à-vis des candidates et candidats déclarés.</p>
<h2>Une conception exigeante de la démocratie</h2>
<p>Comme le pointe Vincent Tiberj, si le vote reste l’outil de participation politique le plus massif, les différentes générations n’ont pas la même attitude vis-à-vis de cet outil – cet auteur rappelle qu’en 2020, à l’occasion des élections municipales et malgré l’épidémie de Covid, 20 millions de Françaises et Français se sont déplacés alors que les manifestations massives « Je suis Charlie » n’ont rassemblé « qu’un » million et demi de personnes.</p>
<p>Alors que les plus âgés tendent à recourir au vote de manière systématique, les plus jeunes en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02975231">font un usage intermittent</a>, et ce même parmi les plus diplômés. L’explication de cet éloignement des jeunes vis-à-vis du vote est sans doute à rechercher du côté de la défiance institutionnelle de cette population vis-à-vis des responsables politiques.</p>
<p>Ainsi que le met en évidence Tom Chevalier, par le biais de travaux comparatifs, plus l’action publique se base sur des critères de citoyenneté socio-économique inclusive, plus les jeunes <a href="https://www.puf.com/content/La_jeunesse_dans_tous_ses_%C3%89tats">ont confiance dans les institutions</a> et, à l’inverse, plus les jeunes se trouvent confrontés à des normes restrictives (une citoyenneté refusée pour reprendre les termes de l’auteur), plus la confiance des jeunes à l’égard des institutions <a href="https://doi.org/10.3917/rfs.601.0013">tend à décroître</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GYrOeOewKT8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Abstention : des jeunes expliquent pourquoi ils ne sont pas allés voter aux élections régionales (Ouest-France, 2022).</span></figcaption>
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<p>Cela dit, pour comprendre les relations entretenues entre les jeunes et le politique, il faut sans doute sortir d’une perspective essentiellement dépréciative.</p>
<p>Tout d’abord, les travaux de recherche montrent que les jeunes, de plus en plus diplômés et au fait des enjeux sociaux, ont une <a href="https://injep.fr/publication/generations-desenchantees-jeunes-et-democratie/">conception exigeante de la démocratie</a>, basée sur une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/pour-une-politique-de-la-jeunesse-camille-peugny/9782021492439">relation à la fois distante et critique</a>, alimentée par leurs capacités à décoder les discours, à comprendre les jeux de la scène politique et à remettre en question la capacité des gouvernants à vraiment agir sur les défis globaux.</p>
<p>En outre, ils et elles font preuve d’une <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/une-jeunesse-plurielle-enquete-aupres-des-18-24-ans">plus grande tolérance</a> vis‑à‑vis de certaines questions sociales comme celle de l’immigration par exemple. Dans la même veine, <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02993298">Camille Bedock</a> souligne que, si les jeunes se disent moins attachés que leurs aînés à l’importance d’être gouvernés démocratiquement (8.3 sur une échelle de 0 à 10 pour les personnes nées après 1990 contre 8.6 en moyenne), ils et elles considèrent que l’égalité des droits entre les hommes et les femmes est particulièrement importante (8.6 contre 8.3 en moyenne), que la redistribution par l’impôt est un outil intéressant (6.2 contre 6 en moyenne) de même que l’égalisation des revenus (6.2 contre 5.8). Ils et elles se montrent donc dans le même temps plus détachés des règles démocratiques et plus attachés à des valeurs sociales fortes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1462717596017508353"}"></div></p>
<p>Ensuite, en dehors des rencontres électorales, les jeunes développent des formes d’engagement multiples. Là encore, un certain nombre de chercheurs et chercheuses ont pu mettre en évidence des évolutions dans les manières dont les jeunes s’engagent aujourd’hui. Dès les années 1990, Jacques Ion avait souligné une <a href="https://www.cairn.info/la-fin-des-militants--9782708232822.htm">prise de distance</a> vis-à-vis des modes classiques de représentation politique à travers le vote, l’adhésion à un parti politique, à un syndicat ou encore à une association nationale, et avait insisté sur l’émergence de ce qu’il a appelé des formes d’engagement « Post-it », plus réversibles, en pointillé et marquées par des exigences du point de vue de la délégation de la parole.</p>
<h2>Grande diversité des engagements</h2>
<p>Plus récemment, Sarah Pickard a proposé la notion de <a href="https://link.springer.com/book/10.1057/978-1-137-57788-7">« Do it yourself politics »</a> pour qualifier les comportements politiques des jeunes. Selon elle, ces derniers développent de nouvelles conceptions dans lesquelles l’engagement devient composite et multiforme dans la mesure où la même personne peut à la fois s’engager dans la sphère privée (en pratiquant la réduction des déchets par exemple) et au local (en adhérant à une association de son territoire) tout en militant à l’échelle nationale pour une cause particulière et en signant des pétitions internationales sur des sujets devenus globaux comme #Metoo, Black lives matter ou encore Fridays for Future.</p>
<p>Par ailleurs, il est possible d’insister sur le fait que l’engagement des jeunes peut s’exprimer à la fois dans une certaine proximité avec les institutions, car les jeunes s’impliquent dans les dispositifs de participation promus par les pouvoirs publics (qu’il s’agisse de Conseils de jeunes, du Service civique ou bien des bourses de soutien aux projets de jeunes) ou bien totalement en marge des pouvoirs publics ou encore en opposition avec ces derniers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1456552877556748292"}"></div></p>
<p>Dans une recherche européenne récente sur l’engagement des jeunes au niveau local en Europe, nous avons ainsi eu l’occasion de montrer la grande diversité de ces formes d’engagement dans les domaines de l’écologie, de l’accueil des personnes exilées, de la lutte contre la précarité ou bien encore pour la défense des personnes LGBTQ. Si, dans certains cas, peu fréquents, les responsables politiques <a href="https://www.routledge.com/Young-People-and-the-Struggle-for-Participation-Contested-Practices-Power/Walther-Batsleer-Loncle-Pohl/p/book/9781032091136">s’appuient sur ces mouvements</a>, dans la vaste majorité des cas, ils et elles ont tendance à les mettre de côté ou à simplement ne pas les considérer comme des formes d’expression politique.</p>
<p>Pourtant, les mobilisations de jeunes peuvent parfois jouer des rôles tout à fait importants alors même que les pouvoirs publics refusent de s’impliquer. C’est singulièrement le cas pour les personnes exilées déboutées du droit d’asile où la solidarité <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01143473/">déployée par les jeunes</a> vient pallier l’absence d’intervention publique.</p>
<p>Il est donc sans doute nécessaire, pour comprendre quels sont les rapports noués entre les jeunes et le politique aujourd’hui, de reconnaître à la fois la distance critique qu’exercent les jeunes quand ils et elles s’abstiennent et l’importance de leurs capacités de mobilisation sur des sujets sociaux cruciaux et parfois peu couverts par les pouvoirs publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patricia Loncle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le vote reste l’outil de participation politique le plus massif, les différentes générations n’ont pas la même attitude vis-à-vis de cet outil.Patricia Loncle, Professeure en sociologie, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1761982022-02-02T10:20:57Z2022-02-02T10:20:57ZPortrait(s) de France(s) : Santé en danger ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/443838/original/file-20220201-15324-h7khdl.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1077&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock/AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Portrait(s) de France(s), un rendez-vous bimensuel et thématique réunissant articles inédits, cartographies et podcasts, pour aborder les grands enjeux de l’élection présidentielle de 2022.</em></p>
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<p><strong>L’édito de Laurent Chambaud</strong></p>
<p>Nous avons vécu, collectivement, un évènement inédit. Une crise sanitaire planétaire. Nous ne savons pas comment cette pandémie va évoluer, même si la mise au point et la fabrication d’un vaccin se sont déroulées avec une célérité inconnue jusqu’ici.</p>
<p>Nous devons faire preuve d’humilité devant l’étendue de notre ignorance quand surgit une telle crise, mais aussi reconnaître la rapidité avec laquelle se construisent les « ilots de connaissance », selon les mots d’Edgar Morin.</p>
<p>Cette crise a mis en tension l’ensemble de nos systèmes de santé, elle a éprouvé nos solidarités, mis au grand jour les inégalités de santé, remis en cause nos capacités à être en interaction avec nos écosystèmes.</p>
<p>Est-ce que, comme l’affirmait le président de la République au début de la pandémie, le 16 mars 2020, « rien ne sera plus comme avant » ?</p>
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<h2>L’Europe, la France et la santé publique : après la Covid-19, une nouvelle donne ?</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 a mis les systèmes de santé à rude épreuve, et a forcé les pays européens à coordonner en partie leurs efforts. Peut-on, pour autant, parler d’une ébauche de politique européenne de santé ? Quel est le rôle réel de l’Europe en matière de santé publique ? Et quelle marge de manœuvre ont les États membres ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/leurope-la-france-et-la-sante-publique-apres-la-covid-19-une-nouvelle-donne-168007">>> Lire l’article</a></p>
<h2>Crise des paramédicaux : des hôpitaux « magnétiques » pour attirer et retenir les soignants ?</h2>
<p>Mal considérés, mal payés, peu écoutés, surchargés de travail… Les paramédicaux, infirmiers et infirmières en tête, sont depuis plusieurs années dans une situation professionnelle difficile, qui se traduit par le nombreux burn-outs et réorientations professionnelles. Comment changer la situation ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/crise-des-paramedicaux-des-hopitaux-magnetiques-pour-attirer-et-retenir-les-soignants-168003">>> Lire l’article</a></p>
<h2>Comment la crise sanitaire affecte la santé mentale des étudiants</h2>
<p>Les étudiants ont vécu des situations de confinement variées. Les inégalités que l’on constatait avant le confinement se sont accentuées, avec un impact sur leurs suivis médicaux.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/comment-la-crise-sanitaire-affecte-la-sante-mentale-des-etudiants-163843">> Lire l’article</a></p>
<h2>L’infographie</h2>
<p>Ces dernières années, plusieurs éléments ont été avancés pour expliquer l’origine des « déserts médicaux », expression qu’on devrait plutôt remplacer par <a href="https://www.medecin-occitanie.org/inegalites-territoriales-versus-desertification-medicale/">« inégalités territoriales de santé »</a>. Mais les inégalités territoriales de santé ne sont en réalité qu’une facette d’un problème plus large d’aménagement du territoire.</p>
<iframe title="Carte de la densité des médecins généralistes en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-sG4Bp" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sG4Bp/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="844" width="100%"></iframe>
<iframe title="Carte de la densité des infirmiers en France" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-WVgM0" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WVgM0/7/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="806" width="100%"></iframe>
<p><a href="https://theconversation.com/contraindre-ou-inciter-lepineuse-gestion-des-deserts-medicaux-167955">> Lire l’article</a></p>
<h2>Le podcast</h2>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="110px" style="overflow:hidden;" src="https://podcasts.ouest-france.fr/share/player_of/mode=broadcast&id=12724">Wikiradio Saooti</iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-610" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/610/72c170d08decb232b562838500852df6833297ca/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176198/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kenza EL HADJ SAID a reçu des financements de la Ville de Paris.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexis Lévrier, Gaël Coron, Guillaume Rousset et Odessa Dariel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Des hôpitaux qui peinent à recruter, des déserts médicaux qui progressent, une Europe de la santé inexistante, une pandémie qui s’éternise… La santé sera un enjeu majeur de la campagne présidentielle.Gaël Coron, Professeur de sociologie et science politique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Alexis Lévrier, Historien de la presse, maître de conférences, chercheur associé au GRIPIC, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Guillaume Rousset, Maître de conférences en droit, HDR, Université Jean-Moulin Lyon 3Kenza El Hadj Said, Doctorante en sociologie de l'éducation à la Ville de Paris, Université de Bourgogne – UBFCOdessa Dariel, Professeure en sciences infirmières, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750802022-01-19T13:43:44Z2022-01-19T13:43:44ZPortrait(s) de France(s) : Quelle politique étrangère, pour quelle France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441064/original/file-20220117-21-13023bm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Présidentielle 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock/Pexels/AFP/Pixabay</span></span></figcaption></figure><p><em>Portrait(s) de France(s), un rendez-vous bimensuel et thématique réunissant articles inédits, cartographies et podcasts, pour aborder les grands enjeux de l’élection présidentielle de 2022.</em></p>
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<p><strong>L'édito de Cyrille Bret.</strong></p>
<p><strong>Diplomatie française : l’éternelle tension entre les valeurs et les intérêts</strong></p>
<p>En politique étrangère, Emmanuel Macron aura-t-il été un révolutionnaire, un réaliste ou un héritier ? Par-delà un bilan nécessairement complexe et profus, The Conversation fait émerger les contours de ce qu’aura été le « style Macron » dans ce domaine qui, à n’en pas douter, occupera une place majeure dans la campagne présidentielle des prochains mois – comme l’a déjà montré, par exemple, la polémique née de l’accrochage d’un drapeau européen sous l’Arc de Triomphe, ce 1<sup>er</sup> janvier.</p>
<p>Dans le sillage de sa campagne de 2017 et de ses discours fondateurs (Sorbonne, ONU), le président français a cherché plusieurs ruptures avec ses prédécesseurs : <a href="https://theconversation.com/de-quoi-la-france-est-elle-le-nom-dans-le-monde-174269">l’engagement personnel et volontaire dans diverses crises</a>, analysé par Frédéric Charillon ; <a href="https://theconversation.com/aide-au-developpement-que-fait-la-france-174086">l’augmentation sensible de l’aide publique au développement</a> relevée par Philippe Marchesin – même si la croissance des crédits ne peut répondre à tous les défis posés par cette dimension essentielle de l’action extérieure de la France ; ou encore les tentatives de <a href="https://theconversation.com/latout-de-la-puissance-militaire-francaise-dans-lue-173814">promouvoir une Europe-puissance et l’autonomie stratégique européenne</a> soulignées par Sylvain Kahn ; toutes ces initiatives ont été présentées par leur auteur comme autant de ruptures. Car le « style Macron » valorise la « disruption » en politique intérieure comme sur la scène internationale.</p>
<p>Toutefois, il convient de tempérer la portée de cette « révolution diplomatique » car un réalisme certain s’est affirmé sans réticence : avec l’Arabie saoudite malgré l’affaire Khashoggi ; avec les Émirats arabes unis malgré la guerre au Yémen ; et avec la Russie malgré les sanctions. La Realpolitik fait partie du logiciel macronien : <a href="https://theconversation.com/en-graphiques-les-exportations-darmes-francaises-173864">l’addiction de la France aux exportations de défense</a> selon l’expression de Josselin Droff et Julien Malizard, en atteste. Et, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, la France cherche toujours à <a href="https://theconversation.com/perte-dattractivite-des-universites-qui-veut-encore-venir-etudier-en-france-174207">attirer les meilleurs étudiants étrangers</a> – mais, constate Alessia Lefébure, la tâche est de plus en plus ardue…</p>
<p>Ce qui est sûr, c’est que, en politique étrangère, le « style Macron » aura été éclectique : le révolutionnaire aura cohabité avec l’héritier et le réaliste avec l’idéaliste. Il y a cinq ans, le candidat Macron avait théorisé le « en même temps » pour dépasser le clivage entre la gauche et la droite à l’intérieur. Une fois installé à l’Élysée, il a mis en œuvre ce principe sur la scène internationale au nom de la préservation des intérêts, des alliances et des ambitions de la France. Si l’élection de 2022 ne se gagnera probablement pas sur les questions internationales, le « style Macron » en diplomatie fera sans aucun doute l’objet de nombreuses discussions.</p>
<p><em>Cyrille Bret</em></p>
<h2>De quoi la France est-elle le nom dans le monde ?</h2>
<p>À l’aube d’un nouveau quinquennat, retour sur la politique étrangère française de ces cinq dernières années.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/de-quoi-la-france-est-elle-le-nom-dans-le-monde-174269">> Lire l’article</a></p>
<h2>L’atout de la puissance militaire française dans l’UE</h2>
<p>Unique puissance nucléaire de l’UE, forte de son expérience militaire, la France a l’opportunité d’être écoutée par des Européens qui doivent faire face à des menaces géopolitiques.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/latout-de-la-puissance-militaire-francaise-dans-lue-173814">> Lire l’article</a></p>
<h2>Aide au développement : que fait la France ?</h2>
<p>La France est un acteur important de l’aide au développement, notamment en Afrique. Mais comment agit-elle et pourquoi ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/aide-au-developpement-que-fait-la-france-174086">> Lire l’article</a></p>
<h2>Perte d’attractivité des universités : qui veut (encore) venir étudier en France ?</h2>
<p>Malgré de nombreuses réformes, l’enseignement supérieur français poursuit sa descente dans les classements d’attractivité et d’accueil d’étudiants étrangers. Pourquoi ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/perte-dattractivite-des-universites-qui-veut-encore-venir-etudier-en-france-174207">> Lire l’article</a></p>
<h2>L’infographie</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441522/original/file-20220119-19-qcz8gn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exportations d'armes françaises vers les autres pays du monde.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’étude des données des exportations d’armes françaises permet de faire ressortir les particularités de la place du pays dans ce marché explosif. Panorama en graphiques</p>
<p><a href="https://theconversation.com/en-graphiques-les-exportations-darmes-francaises-173864">> Lire l’article</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175080/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Josselin Droff est chercheur à la Chaire économie de défense de l'IHEDN. Il est par ailleurs chercheur associé au GREThA (Université de Bordeaux, UMR 5113). Il a reçu des financements de la DGA pour sa thèse de doctorat entre 2009 et 2012. Il a reçu le prix de thèse du Ministère des armées en 2015 pour sa thèse de doctorat en sciences économiques.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Malizard travaille pour la Chaire Economie de défense de l'IHEDN comme titulaire adjoint ; il est par ailleurs chercheur associé au GREThA (Université de Bordeaux, UMR 5113). Il a reçu une bourse de thèse de la Direction générale de l'armement (DGA). Il est lauréat du prix de thèse de l'IHEDN en 2011.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure, Cyrille Bret, Frédéric Charillon, Philippe Marchesin et Sylvain Kahn ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Portrait(s) de France(s), un rendez-vous thématique pour aborder les grands enjeux de la présidentielle 2022. Dans cet épisode, focus sur la France à l’international.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Josselin Droff, Chercheur associé au GREThA (UMR 5113), Université de BordeauxJulien Malizard, Chercheur associé au GREThA (UMR 5113), Université de BordeauxPhilippe Marchesin, Enseignant-chercheur en science politique, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneSylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1745872022-01-13T20:02:38Z2022-01-13T20:02:38ZOmicron : les problèmes que pose un variant trois fois moins sévère, mais deux fois plus transmissible<p><em>Identifié pour la première fois au Botswana et en Afrique du Sud en novembre 2021, le variant Omicron s’est rapidement propagé partout sur la planète. S’il semble entraîner moins de formes sévères que les précédents variants du SARS-CoV-2, il est beaucoup plus transmissible, ce qui fait peser un risque important sur les hôpitaux. Épidémiologiste et biostatisticien à l’École des Hautes Études en Santé Publique, Pascal Crépey nous explique pourquoi, et fait le point sur la situation française.</em> </p>
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<p><strong>The Conversation : Sait-on précisément où en est la propagation d’Omicron dans notre pays ? A-t-on assez de données pour suivre efficacement sa dissémination ?</strong></p>
<p><strong>Pascal Crépey :</strong> Aujourd’hui, nous avons une vision assez précise de la dynamique de ce variant sur le territoire. Mais cela n’a malheureusement pas toujours été le cas ces dernières semaines. En effet, identifier un variant peut se faire de deux façons, soit en lisant totalement sa séquence d’ARN (c’est le séquençage), soit en la passant, littéralement, au “crible” (on parle de criblage), c’est-à-dire en recherchant un certain nombre de mutations prédéfinies, dont l’absence ou la présence vont permettre de catégoriser ce variant sans avoir à le séquencer. Cette dernière approche est plus rapide, le résultat est obtenu en quelques heures, mais a des limites, puisqu’elle se focalise sur des quelques mutations déjà connues. </p>
<p>C’est de cette façon qu’on avait pu suivre le variant Alpha : son profil était différent de celui de la souche historique. Dans le cas d’Omicron, la situation était similaire, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’une nouvelle version de ce variant avait émergé, acquérant une mutation qui brouillait les pistes, car elle faisait ressembler son profil avec celui du variant précédent. En effet, Delta peut acquérir certaines mutations d’Omicron et vice-versa. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Profils de criblages des différents variants." src="https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=204&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=204&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=204&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Profils de criblages des différents variants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.afro.who.int/sites/default/files/Covid-19/Techinical%20documents/FF_Technical%20Note_VOC%20Omicron_Fr.pdf">https://www.afro.who.int</a></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=132&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=132&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=132&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=166&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=166&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=166&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.afro.who.int/sites/default/files/Covid-19/Techinical%20documents/FF_Technical%20Note_VOC%20Omicron_Fr.pdf">https://www.afro.who.int</a></span>
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<p>Le risque était qu’une partie des variants Omicron circulants passent sous les radars. Pour renforcer le système de détection la direction générale de la santé (DGS) a donc décidé mi-décembre de <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgs_urgent_2021_131_actualisation_doctrine_de_criblage.pdf">mettre à jour le système</a>, afin que les laboratoires d’analyse intègrent des marqueurs plus spécifiques d’Omicron. Mais ce genre d’adaptation prend du temps, car tous les laboratoires qui participent doivent modifier leurs protocoles, leurs logiciels, mettre en place des contrôles qualité… En outre, le grand nombre de tests pratiqués en ce moment a compliqué encore un peu plus les choses, en engorgeant les laboratoires.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, selon le bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France du 13 janvier, durant la première semaine de 2022, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-13-janvier-2022">« 89 % des tests criblés montraient un profil compatible avec le variant Omicron »</a>. Comme pour le reste de l’Europe, en France ce variant aura remplacé le précédent en quelques semaines.</p>
<p><strong>TC : Omicron se répand donc beaucoup plus rapidement que les variants précédents…</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Effectivement. Alors que le nombre de reproduction initial (R0) du variant historique était situé autour de 2,5, le variant Alpha avait un R0 de 80 % supérieur, situé autour de 4. Le variant Delta était lui-même encore plus transmissible, avec un R0 compris entre 6 et 8. Or, le variant Omicron pourrait être jusqu’à 100 % plus transmissible, ce qui signifie son R0 se situerait autour de 12 ou 15.</p>
<p>Ce virus fait donc désormais partie des plus contagieux que l’on connaisse : le seul autre équivalent connu avec un tel R0 est le virus de la rougeole, qui se propage lui aussi par aérosol. Le point positif est que, puisqu’on ne connaît pas d’autre virus avec des R0 plus élevés, on peut espérer qu’Omicron n’a plus vraiment de marge de progression en termes de transmissibilité…</p>
<p>(<em>Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/media/multimedia/covid-19-le-r-ou-taux-de-reproduction-du-virus-c-est-quoi">nombre de reproduction R</a>, correspond au nombre moyen de personnes contaminées par chaque personne infectée, à un instant donné. On distingue le nombre de reproduction initial, R0 (au moment où l’agent pathogène est introduit au sein d’une population dans laquelle l’ensemble des individus sont susceptibles d’être infectés, sans mesure de contrôle) du nombre de reproduction effectif Rt, calculé ensuite. Rt est généralement inférieur à R0, car la proportion de sujets non immunisés à tendance à diminuer et en raison de la mise en place de mesures préventives, ndlr</em>)</p>
<p><strong>TC : Le virus semble provoquer moins de formes graves. Est-ce un fait acquis ? Cette moindre sévérité pourrait-elle compenser l’avantage en transmissibilité et alléger le fardeau hospitalier ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> D’après les <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1045619/Technical-Briefing-31-Dec-2021-Omicron_severity_update.pdf">dernières données britanniques</a>, la sévérité d’Omicron serait 30 à 50 % de celle de Delta. Cela est aussi confirmé par <a href="https://doi.org/10.1101/2022.01.11.22269045">les données américaines</a>. Ce qui nous ramène à un niveau qui est, au maximum, de l’ordre de la sévérité du variant historique, responsable de la première vague, voire qui pourrait s’avérer moitié moins sévère que ce variant.</p>
<p>Au point de vue individuel, il vaut donc certainement mieux être infecté par le variant Omicron que par l’un des précédents variants, car le risque de développer une forme grave est moins élevé. Mais d’un point de vue collectif, le problème est tout autre : étant donné que sa capacité à se transmettre est très importante, Omicron va infecter beaucoup plus de personnes que ses prédécesseurs. Donc globalement, il risque d’être responsable de davantage de formes sévères, de plus d’hospitalisations, de plus d’entrées en réanimation et donc de plus de morts que les autres variants. </p>
<p>Ce paradoxe apparent complique probablement la compréhension de la dynamique épidémique d’un grand nombre de personnes, politiques et médecins inclus.</p>
<p><strong>TC : On a beaucoup discuté de la fermeture des écoles. Jouent-elles un rôle important dans cette vague ? Omicron touche-t-il davantage les enfants ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Pour l’instant, l’augmentation d’incidence observée chez les enfants, qui s’accompagne d’une augmentation des hospitalisations pédiatriques, n’a rien de surprenant. Il s’agit en effet de la partie de la population qui est la moins protégée, et qui a néanmoins des contacts sociaux. Mécaniquement, s’il y a plus d’infections, le risque d’observer des hospitalisations augmente, même si le risque “individuel” pour un enfant de faire une forme grave reste très faible.</p>
<p>Concernant le rôle des écoles dans la dynamique épidémique : certes, elles jouent un rôle dans la propagation du virus, mais on constate que pour cette vague, l’augmentation des contaminations s’est produite pendant les vacances de Noël, alors que les établissements scolaires étaient fermés. Omicron se transmettant beaucoup plus, il n’a plus vraiment besoin des écoles pour diffuser. En outre, les écoles sont le miroir de ce qui se passe dans les foyers : il est difficile de savoir si les plus jeunes se contaminent chez eux ou en milieu scolaire. Donc oui, fermer les écoles pourrait éviter des contaminations, mais cette mesure ne suffirait certainement pas, à elle seule, à bloquer l’épidémie.</p>
<p><strong>TC : Les contaminations atteignent des niveaux record. Pour quand est attendu le pic de cette vague ? Quelles risquent d’être les conséquences pour l’hôpital ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que la dynamique de la maladie semble un peu différente de celle observée lors des vagues précédentes. Actuellement, les données hospitalières indiquent que les passages en services d’urgence se traduisent par un nombre d’hospitalisations plus faible que lors des vagues précédentes. Par ailleurs, ces hospitalisations entraînent pour l’instant moins d’admissions en réanimation, et les séjours ont aussi l’air d’être plus courts. Si cela se confirme, cela va forcément influer sur les lits disponibles, ce qui pourrait améliorer notre capacité à absorber la vague Omicron.</p>
<p>Mais on attend encore des données plus précises, car même si ces chiffres semblent encourageants, il reste encore trop d’inconnues pour être tout à fait rassuré, notamment parce que <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-021-27163-1">les travaux que nous avons menés avec Simon Cauchemez</a>, de l’Institut Pasteur, ont mis en évidence un effet « cascade d’âge » durant les vagues épidémiques. </p>
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<img alt="Jeunes gens portant des masques en train de discuter à l’extérieur." src="https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À chaque vague de l’épidémie, les classes d’âge les plus jeunes ont été les premières à être touchées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/e0A6lJA4mCI">Xingyue HUANG / Unsplash</a></span>
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<p>Au début d’une vague, ce sont d’abord les personnes les plus jeunes qui sont infectées, parce qu’elles ont plus de contacts sociaux que les autres classes d’âge. L’épidémie se propage ensuite de proche en proche, en remontant la pyramide des âges. Donc en début de vague, les personnes touchées sont forcément plus jeunes, ce qui signifie que le fardeau hospitalier est moins lourd. C’est ce que l’on observe à présent. Il est à craindre que, dans les semaines à venir, lorsque le virus touchera les personnes plus âgées, la situation se détériore. Reste à voir dans quelles proportions. Nous en saurons plus entre mi- et fin janvier, car c’est à cette période qu’est attendu le pic des contaminations.</p>
<p>Il faut aussi souligner que les situations sont très hétérogènes d’une région à l’autre. Dans certains endroits, comme en PACA, le fardeau hospitalier est déjà très lourd, tandis qu’ailleurs, comme dans l’Ouest, le contexte est plus favorable. De multiples facteurs expliquent ces disparités : climatiques, structurels, culturels, comportementaux… On sait notamment que les facteurs socio-économiques sont importants, ils influent à la fois sur le risque d’infection et sur la gravité de la maladie. </p>
<p>Il existe un lien entre le niveau de vie des populations et leur santé, moins bonne chez les plus pauvres. On sait aussi que la couverture vaccinale et le niveau d’éducation sont corrélés : plus la population a un niveau d’éducation élevée, plus la couverture vaccinale est importante. Cela se traduit par des écarts qui peuvent aller jusqu’à plus de 10 % d’une région à l’autre (83 % de la population a reçu une première dose dans le Finistère contre 70 % dans les Bouches du Rhône, par exemple).</p>
<p><strong>TC : Justement, quel rôle joue la vaccination ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Il existe des preuves claires que la vaccination est très efficace pour limiter le risque de survenue de formes graves. La stratégie vaccinale en place, et notamment l’administration d’une troisième dose, devrait donc nous permettre d’atténuer très largement la vague d’hospitalisation à venir.</p>
<p>Cela a déjà des conséquences sur les admissions en réanimation, qui pour l’instant sont encore davantage liées au variant Delta qu’au variant Omicron. La troisième dose influe sur les deux variants, et la plus grande sévérité de Delta qui explique qu’il provoque plus d’hospitalisations. Reste à voir ce qui va se passer à mesure que la vague d’Omicron progresse.</p>
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<img alt="Flacons du vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech." src="https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/qqyIX177sY0">Mat Napo / Unsplash</a></span>
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<p>On entend beaucoup parler de l’absence d’efficacité des vaccins contre la transmission. Or, on a tendance à confondre deux concepts distincts : transmission et excrétion. C’est vrai, une personne vaccinée, si elle est infectée, transmettra quasiment autant qu’une personne non-vaccinée. Cependant, son risque d’être infecté est réduit (de 80 % juste après la 2e ou 3e dose, à 50 % quelques mois plus tard). Et le meilleur moyen de ne pas transmettre est bien de ne pas être infecté ! </p>
<p>Malheureusement, cette protection contre l’infection n’est pas durable, car elle dépend des anticorps neutralisants produits juste après la vaccination et qui disparaissent en quelques mois. On constate néanmoins qu’après une troisième dose, l’efficacité contre l’infection à Omicron est similaire à celle que l’on observait contre Delta après la deuxième dose. </p>
<p><strong>TC : L’immunité collective est-elle désormais une chimère ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Non, l’immunité collective n’est pas du tout une chimère : nous l’avons déjà atteinte quatre fois, à chaque fois que nous avons passé le sommet d’une vague !</p>
<p>Il faut bien comprendre ce qu’est l’immunité collective : il s’agit du niveau d’immunité qui permet de faire passer le nombre de reproduction effectif en dessous de 1, donc d’entamer la phase décroissante de l’épidémie. Selon les projections, le pic de contaminations par Omicron pourrait survenir entre mi- et fin janvier : à ce moment-là, grâce à la vaccination et en raison des infections qui seront survenues, on aura atteint un niveau d’immunité dans la population qui permettra de casser le processus de croissance exponentielle de l’épidémie.</p>
<p>Mais l’immunité collective est temporaire : l’immunité individuelle baisse dans le temps et un nouveau variant pourrait lui échapper. C’est la raison pour laquelle il est illusoire de penser que laisser circuler le virus est une solution ! Premièrement, un tel laisser-aller a un coût humain important. Ensuite, plus le virus se réplique, plus il y a de variabilité génétique, et plus on augmente le risque d’émergence d’un variant qui aurait acquis des fonctions d’échappement immunitaire pouvant nous poser problème. C’est d’autant plus inquiétant qu’étant donné que les capacités de propagation d’Omicron sont maximales, son remplaçant potentiel devra avoir un autre avantage évolutif, qui pourrait justement être la capacité d’échapper à l’immunité.</p>
<p>On sait que les virus ne restent généralement pas bloqués très longtemps face à de tels obstacles, ils les contournent, comme les cours d’eau contournent les piles des ponts… Mieux vaut donc rester vigilant et se dire qu’il y a toujours un intérêt à diminuer la circulation virale.</p>
<p><strong>TC : Ce qui pose à nouveau la question de l’immunité vaccinale au niveau mondial ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Je pense que, malheureusement, la vaccination au niveau global dans un but d’éradication du virus n’est plus vraiment une option. Il faudrait en effet atteindre des niveaux de vaccination qui sont déjà difficilement atteignables en France ou en Europe, en raison notamment de l’hésitation vaccinale, alors même que ces pays payent déjà l’un des fardeaux épidémiques les plus importants…</p>
<p>Il est plus probable que l’on se dirige vers un scénario de type grippe, qui nécessitera une surveillance annuelle, et un regain de vigueur de l’épidémie en hiver, après une accalmie qui s’étendra de mai à septembre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174587/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Crépey a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de l'ANRS-Maladies Infectieuses Emergentes. </span></em></p>En moins de deux mois, le variant Omicron a envahi notre pays. Que sait-on de lui et des conséquences de sa présence ? Le pic épidémique est-il passé ? Les hôpitaux risquent-ils d’être submergés ?Pascal Crépey, Professeur, département Méthodes quantitatives en santé publique (METIS), EA 7449 REPERES, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742072022-01-05T11:22:29Z2022-01-05T11:22:29ZPerte d’attractivité des universités : qui veut (encore) venir étudier en France ?<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle et jusqu’aux années 1920, la France a été <a href="https://journals.openedition.org/hommesmigrations/3011">l’un des principaux pôles d’attraction</a> des étudiants étrangers grâce à la libéralité de son accueil. Les mesures d’ouverture, telles que la création de collèges, lycées et instituts culturels à l’étranger, de bourses, puis l’introduction d’équivalences, cours de français et certificats adaptés ont façonné une politique sans égale en Europe, au service du prestige et de l’influence diplomatique de la France. C’est ainsi que, entre 1880 et 1930, le nombre d’étudiants étrangers connaît une croissance plus élevée en France qu’ailleurs (Allemagne, Suisse, Autriche-Hongrie, Belgique, Italie, Royaume-Uni), passant de 5,6 % de la population étudiante totale en 1890 à 15 % en 1910.</p>
<p>Aujourd’hui, d’après les <a href="https://ressources.campusfrance.org/agence_cf/institutionnel/fr/10AnsMobiliteChiffres_fr.pdf">chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur</a>, la France demeure une destination attractive auprès des étudiants en mobilité internationale. En 2019-2020, le pays a accueilli 365 000 étudiants étrangers, soit presque 13 % de la population totale inscrite dans les établissements français (2,7 millions). Ce flux est en hausse, porté par les écoles d’ingénieur et de commerce.</p>
<p>Toutefois, en dix ans, les mobilités étudiantes ont augmenté de 68 % sur le plan mondial et de seulement 32 % en France. La France connaîtrait donc une perte relative de son attractivité. Le nombre d’étudiants étrangers qu’elle recrute augmente moins rapidement que la moyenne mondiale, et leur part dans la population étudiante française totale diminue légèrement (<a href="https://read.oecd-ilibrary.org/education/regards-sur-l-education-2021_5077a968-fr">-1 % entre 2014 et 2019</a>). Passée de la troisième à la sixième place dans le <a href="https://ressources.campusfrance.org/publications/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_2021_fr.pdf#page=24">classement des pays d’accueil</a>, la France se fait doubler par des pays non anglophones, comme l’Allemagne et la Russie.</p>
<p>Si au cours de la dernière décennie le nombre global d’étudiants en mobilité internationale s’est considérablement accru (en <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/education/regards-sur-l-education-2021_5077a968-fr">moyenne de 5,5 % par an</a>), cette augmentation a surtout concerné la Chine, la Russie et autres pays hors zone OCDE, c’est-à-dire les pays du Sud. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Allemagne, la France et le Canada demeurent les <a href="https://ressources.campusfrance.org/publications/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_2021_fr.pdf">principaux pays d’accueil</a> en nombre absolu, mais la croissance est plus rapide dans des pays non membres de l’OCDE où le nombre a augmenté de 7 % par an en moyenne, contre 4,9 % dans les pays de l’OCDE. Les étudiants étrangers inscrits dans des pays hors OCDE représentent aujourd’hui environ 31 % de la population mondiale d’étudiants en mobilité, contre 23 % en 1998.</p>
<h2>Une organisation des universités peu lisible à l’international</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-10/20211021-NS-Universites.pdf">rapport</a> de 2021, la Cour de Comptes dresse un portait en demi-teinte de l’université française. Tout en saluant les efforts qui ont permis à cette dernière de se positionner en haut des classements internationaux, elle constate l’échec des réformes qui se succèdent, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000824315/">loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007</a>, en termes de lisibilité internationale.</p>
<p>En rappelant les injonctions consécutives, parfois <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2019-1-page-5.htm">contradictoires</a>, qui – à un « rythme effréné » – ont conduit les établissements français à se regrouper, à fusionner, à signer des contrats d’association et à élaborer des politiques de site, la Cour s’interroge.</p>
<p>La question de la marque est cruciale pour la lisibilité à l’échelle internationale. Paradoxalement, à force de vouloir promouvoir l’excellence et la visibilité de l’enseignement supérieur en faisant levier sur son fort ancrage territorial, les politiques publiques semblent faire l’impasse sur l’ancienneté et le prestige de la marque des établissements dans la construction des <a href="https://theconversation.com/lenseignement-superieur-francais-une-industrie-sans-marque-et-sans-direction-57450">réputations mondiales</a>.</p>
<p>Les universités qui occupent les premières places dans les <a href="https://www.timeshighereducation.com/world-university-rankings/2022/world-ranking#!/page/0/length/25/sort_by/rank/sort_order/asc/cols/stats">grands classements mondiaux</a> valorisent toutes, sans exception, une marque ancienne, inchangée depuis leur fondation. Harvard, MIT, Princeton, Yale, Cambridge, London School of Economics, Tsinghua, l’université de Tokyo : aucune de ces universités n’envisagerait de troquer sa marque historique contre un acronyme nouvellement créé ou une dénomination géographique générique de territoire.</p>
<p>L’insuffisante notoriété internationale de l’enseignement supérieur français est, selon la Cour des Comptes, la conséquence d’une autonomie inachevée. Contrairement aux ambitions initiales, les réformes n’ont pas permis aux universités, largement dépendantes des subventions pour charge de service public, de se doter de l’autonomie de gestion et des moyens nécessaires pour affronter la compétition internationale qui se joue sur les infrastructures, les conditions d’accueil et la vie étudiante, ainsi que sur les bourses et les perspectives d’emploi à la sortie des études.</p>
<p>Sans oublier, plus récemment, l’engagement en matière de développement durable et de responsabilité sociétale de l’établissement, domaine dans lequel l’enseignement supérieur français semble prendre du <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/30/world/europe/france-elite-universities-environment.html?smid=url-share">retard par rapport aux voisins européens</a>, et qui compte de façon croissante parmi les <a href="https://www.timeshighereducation.com/news/sustainability-more-important-location-mobile-students">critères de choix des candidats internationaux</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Étudiants étrangers : le choix de la France, France 24, 10 novembre 2017.</span></figcaption>
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<h2>La France attire de moins en moins les étudiants de lycées français et d’Afrique</h2>
<p>Si la France peine à suivre l’accélération de la concurrence internationale sur les nouveaux viviers, constitués essentiellement d’étudiants anglophones en provenance d’Asie (Chine, Inde, Vietnam), elle semble également perdre du terrain sur ses réseaux d’influence traditionnels : les bacheliers des lycées français à l’étranger, tout comme les candidats venant des pays d’Afrique francophone commencent à délaisser la France pour se tourner vers de nouvelles destinations.</p>
<p>Depuis plus d’un siècle, le réseau d’enseignement français à l’étranger est l’un des outils les plus puissants de la diplomatie d’influence de la France. Confié depuis 1990 à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), ce réseau, d’une densité unique au monde, s’appuie aujourd’hui sur 522 établissements dans 139 pays accueillant 370 000 élèves, dont environ plus de 60 % ne sont pas des ressortissants français.</p>
<p>Ces lycéens étrangers, francophones et formés aux programmes de l’enseignement secondaire français, ont été historiquement nombreux à opter pour la France. Portant, selon une <a href="https://ressources.campusfrance.org/publi_institu/agence_cf/notes/fr/note_55_fr.pdf">enquête Campus France</a> réalisée en 2018, la part de bacheliers étrangers des lycées français à l’étranger qui choisissent de faire leurs études supérieures en France est en baisse de 2 % depuis 2015, alors que le nombre d’établissements augmente.</p>
<p>« Boudent-ils l’Hexagone », comme le <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/05/14/les-bacheliers-etrangers-de-moins-en-moins-seduits-par-des-etudes-en-france_5461770_4401467.html">titrait</a> <em>Le Monde</em> dans un article de juin 2019 ? De fait, ils étaient 46,2 % en 2018 à se tourner vers la France, contre 47,7 % en 2014. Ils sont en revanche plus nombreux qu’autrefois à choisir le Canada, les États-Unis ou le Royaume-Uni (+25,6 % entre 2013 et 2017). Parmi l’ensemble des bacheliers AEFE ayant choisi la France, 56,2 % viennent d’un lycée du continent africain, mais ce public est, lui aussi, en <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/05/14/les-bacheliers-etrangers-de-moins-en-moins-seduits-par-des-etudes-en-france_5461770_4401467.html">diminution</a>.</p>
<p>Un étudiant étranger sur deux en France est <a href="https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-sur-les-enseignements-la-formation-et-la-recherche-2019-3806">originaire d’un pays d’Afrique</a>. La France reste ainsi le premier pays de destination des étudiants africains en mobilité, devant les États-Unis, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni. Parmi les 10 premiers <a href="http://uis.unesco.org/fr/uis-student-flow">pays d’origine des étudiants étrangers en France</a>, 6 sont africains : Maroc (1), Algérie (2), Sénégal (4), Tunisie (5), Côte d’Ivoire (7), Cameroun (10). Toutefois, la part des étudiants africains en France est en recul depuis quinze ans, au profit de pays tels que l’Arabie saoudite, le Canada francophone, l’Allemagne, l’Italie, l’Ukraine, la Malaisie, l’Indonésie et les Émirats arabes unis, jugés plus attractifs.</p>
<p>Pour des raisons démographiques, géopolitiques et climatiques, la part de l’Afrique dans la mobilité étudiante mondiale continuera à augmenter fortement dans les années à venir. La France saura-t-elle se positionner ?</p>
<p>Par la création d’universités franco-étrangères en Afrique, elle souhaite accompagner le développement de l’enseignement supérieur sur place. Toutefois, la stratégie <a href="https://www.campusfrance.org/fr/le-label-bienvenue-en-france">« Bienvenue en France »</a> de 2018, qui recentre l’attractivité étudiante sur l’excellence et sur la diversification des pays d’origine, assortie d’une différenciation des frais de scolarité pour les candidats hors Union européenne, est perçue dans cette région comme <a href="https://www.academia.edu/44902549/Kabbanji_et_Toma_2020_Politiques_migratoires_et_selectivite_des_migratio">l’expression d’une politique de l’immigration choisie</a>, posant ainsi un défi de taille à la capacité à maintenir l’attrait de l’université française.</p>
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<figcaption><span class="caption">La France est présente dans de nombreux pays d’Afrique francophone pour attirer des étudiants étrangers.</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, la France est historiquement une terre de formation des dirigeants mondiaux (chefs d’État, chefs de gouvernements…). Mais, en miroir des baisses constatées pour le public général, la France est aussi en <a href="https://www.hepi.ac.uk/2021/09/02/2021-hepi-soft-power-index-uk-slips-further-behind-the-us-again/">perte de vitesse dans la formation des élites mondiales</a>, contrairement au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui progressent.</p>
<h2>Une recherche française en perte de vitesse</h2>
<p>L’image de l’université française serait également mise à mal par un marché des personnels de recherche insuffisamment compétitif à l’échelle internationale. La part des étrangers parmi les enseignants-chercheurs titulaires recrutés reste modeste, se situant à <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T844/qualification_et_recrutement_des_enseignants_chercheurs/">10-15 % selon les postes</a>.</p>
<p>Contrairement aux pays anglosaxons et asiatiques, la France se caractérise en effet par une fort taux d’endorecrutement, à savoir le recrutement des enseignants-chercheurs par l’établissement dans lequel ils ont effectué leur doctorat ou ils ont été maître de conférences, créant ainsi un <a href="https://assets.kpmg/content/dam/kpmg/fr/pdf/2017/04/fr-panorama-attractivite-enseignement-superieur-recherche.pdf">frein à la venue d’enseignants étrangers</a> qui s’ajoute à la faible attractivité des rémunérations et des perspectives d’évolution, surtout dans le secteur public.</p>
<p>Quant aux jeunes chercheurs, la France reste parmi les 10 pays les plus attractifs du monde pour les doctorants étrangers mais, contrairement aux autres pays de l’OCDE, cet effectif ne fait que <a href="https://ressources.campusfrance.org/publications/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_2021_fr.pdf">baisser depuis 2013 (-9 %)</a>, alors que l’Allemagne, pour la même période, réalise une augmentation de +57 % et que la Suisse compte plus de doctorants étrangers que de nationaux (56 %).</p>
<p>La capacité à attirer les talents scientifiques n’est pas anodine car elle conditionne fortement les performances nationales en matière d’innovation. L’agence de presse américaine Bloomberg, qui établit tous les ans le <a href="https://ec.europa.eu/newsroom/rtd/items/713430/en">Global Innovation Index</a>, un classement des pays selon leurs capacités d’innovation, analyse ainsi le <a href="https://theconversation.com/universites-vers-un-declin-de-lempire-americain-153215">déclin relatif des États-Unis</a>, classés premier pays du monde en 2013, et qui ont disparu du top 10 en 2021. Même si les universités américaines sont mondialement connues, les restrictions dues à la <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/international-students-united-states-2020">politique migratoire</a> des dernières années vis-à-vis des étudiants et chercheurs pourraient être à l’origine de cette contre-performance.</p>
<p>Les pays qui se situent invariablement en tête de cet index – Corée du Sud, Singapour, Suisse et Allemagne – se distinguent par des politiques volontaristes en matière d’accueil de scientifiques étrangers et par des universités compétitives à l’échelle mondiale. La France est absente de ce palmarès alors qu’elle l’un des pays à fort coefficient de recherche.</p>
<p>Si les chercheurs français continuent de figurer régulièrement parmi les lauréats du prix Nobel, nombre d’entre eux ont effectué la majeure partie de leur carrière scientifique à l’étranger, comme d’autres nombreuses professions intellectuelles ayant <a href="https://www.oecd.org/fr/els/mig/Brief%20%C3%A9migration%20fran%C3%A7aise%20FINAL.pdf">émigré ces dernières années</a>. Le dernier <a href="https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/hceres_ost_positionnement_scientifique_france_edition_2021.pdf">rapport de l’Observatoire des Sciences et Techniques</a> publié par le Hcéres en 2021 confirme que la place de la recherche française baisse lentement mais constamment, tant en nombre de publications qu’en indice d’impact. En 15 ans, la France est passée du 6<sup>e</sup> au 9<sup>e</sup> rang des premiers pays publiants et ses publications sont de moins en moins citées.</p>
<p>De nouveaux entrants progressent rapidement dans de nombreuses disciplines et, contrairement à la France, se spécialisent dans les domaines à plus forte publication mondiale ou les plus dynamiques. Le <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-recherche-francaise-perd-du-terrain-sur-la-scene-internationale-157081">faible niveau de financement</a> public et privé de la recherche française (2,22 % en 2016, au-dessous de la moyenne OCDE) contraste avec les stratégies de puissance scientifique de nombreux pays émergents, tels la <a href="https://theconversation.com/classements-duniversites-des-enjeux-geopolitiques-sous-estimes-161914">Chine</a> ou Singapour.</p>
<h2>Une attractivité académique plombée par les politiques migratoires ?</h2>
<p>Dans un contexte de concurrence internationale accrue et de redéfinition des équilibres, l’enseignement supérieur français dispose d’atouts liés à son histoire mais se heurte à la difficile convergence entre les multiples objectifs que les politiques publiques lui imposent tour à tour : diplomatie d’influence, innovation technologique au service du développement économique, augmentation de ressources économiques propres, internationalisation…</p>
<p>C’est sans doute en matière de politique migratoire que les difficultés de coordination avec la politique d’attractivité universitaire sont les plus manifestes. Alors que la France souhaite accroître ses capacités d’innovation et de recherche, la rétention de ses jeunes diplômés étrangers reste un enjeu. Selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (<a href="https://www.cereq.fr/le-cereq-activites-scientifiques-groupes-de-travail-et-seminaires/groupe-de-travail-sur">Céreq</a>) près de <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/NI_Insertion_Docteurs_1141785.pdf">40 % des diplômés étrangers rentrent chez eux</a> après l’obtention de leur diplôme.</p>
<p>La transition études-emploi s’avère souvent difficile et l’octroi d’un titre de séjour à l’issue des études, notamment des très qualifiés, reste soumis à des critères de salaire minimum ou d’adéquation entre emploi et niveau de qualification. Plus étonnant encore, la France figure parmi les pays qui intègrent le moins de migrants à son marché du travail sans réussir à transformer ce potentiel en une <a href="https://theconversation.com/limmigration-un-levier-de-croissance-et-dinnovation-mal-active-en-france-172326">source d’innovation et de croissance</a> pour son économie. Leur insertion professionnelle est d’autant plus difficile et lente que la part des migrants faiblement qualifiés est plus élevée en France que chez ses voisins européens.</p>
<p>Pourtant, c’est précisément entre le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle et la Belle époque, lorsque la France se distinguait en Europe par sa politique d’accueil libérale réservé aux étudiants étrangers venus de tous les continents, y compris les victimes de persécutions religieuses et de discriminations politiques, que le rayonnement de ses universités a été le plus éclatant et son influence intellectuelle hors de ses frontières la plus <a href="https://books.openedition.org/pur/132666">déterminante</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174207/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré de nombreuses réformes, l’enseignement supérieur français poursuit sa descente dans les classements d’attractivité et d’accueil d’étudiants étrangers. Pourquoi ?Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1718992021-11-18T21:32:21Z2021-11-18T21:32:21Z« Une jeunesse, des jeunesses » : Comment les jeunes réinventent-ils l’engagement politique ?<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/61950f80123423001241f5b0" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Une série de trois podcasts pour dresser un portrait de la jeunesse et en éclairer la diversité, à l’aube des élections présidentielles de 2022. Comment la crise sanitaire a-t-elle rebattu les cartes de l’entrée dans l’âge adulte ? Quelle vision les jeunes se font-ils de la formation, à l’heure où l’accès à l’emploi relève du parcours du combattant ? Et en quoi réinventent-ils l'engagement politique, eux qui semblent plus éloignés des urnes que leurs aînés ? Sur tous ces sujets, les enseignants-chercheurs nous aident à dépasser les clichés.</em></p>
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<p>Au fil des élections, il semblerait que les jeunes ne se déplacent plus autant jusqu'aux bureaux de vote que ne le faisaient leurs aînés. Mais, bouder les urnes, est-ce le signe qu'on renonce à changer le monde ? Les choses sont loin d'être si simples. La défiance envers les personnalités politiques ne signifie pas que l'on se désintéresse des enjeux politiques, et de nouveaux modes de participation politique émergent. On en parle avec les chercheurs Tom Chevalier et Patricia Loncle, coordinateurs d'un ouvrage très remarqué, publié à la rentrée 2021 : <a href="https://www.puf.com/content/Une_jeunesse_sacrifi%C3%A9e"><em>Une jeunesse sacrifiée ?</em></a> (PUF/La vie des idées).</p>
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<p><em>Crédits, conception, Aurélie Djavadi. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni, Archives, Unis-Cité, Mozaik Cristal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>S'ils ont boudé les urnes lors des dernières élections, les 18-25 ans ne se désintéressent pas des enjeux politiques. Ils en redéfinissent plutôt les frontières, inventant de nouveaux modes d'action.Patricia Loncle, Professeure en sociologie, École des hautes études en santé publique (EHESP) Aurélie Djavadi, Cheffe de rubrique Education, The Conversation FranceTom Chevalier, Chargé de recherche CNRS au laboratoire Arènes, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1651862021-10-04T18:49:39Z2021-10-04T18:49:39ZQuelle stratégie de vaccination anti-Covid : contrôler ou éradiquer le coronavirus ?<p>Le 4 octobre, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Arden <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/09/l-australie-et-la-nouvelle-zelande-actent-l-echec-du-zero-covid_6097738_3244.html">a acté l’échec de la stratégie « zéro-Covid »</a> mise en place dans son pays. Débordées par le variant Delta, les autorités ont renoncé à s’appuyer sur les sévères restrictions mises en place jusqu’ici pour empêcher la propagation du coronavirus, préférant désormais accélérer la vaccination. Une décision similaire a été prise par l’Australie voisine. </p>
<p>En France, la <a href="https://covidtracker.fr/">couverture vaccinale contre la Covid-19</a> a progressé rapidement au cours de ces derniers mois : au 8 octobre 2021, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/article/le-tableau-de-bord-de-la-vaccination">89 % des adultes de plus de 18 ans ont reçu une première dose et 87 % disposent désormais d’un schéma vaccinal complet</a>.</p>
<p><a href="https://vaccinetracker.ecdc.europa.eu/public/extensions/COVID-19/vaccine-tracker.html">En Europe</a>, à la même date, 80 % des plus de 18 ans ont reçu au moins une dose (74,5 % ayant un schéma vaccinal complet). Au total, 68 % de la population européenne a reçu au moins une injection, et 63,3 %, deux injections. Ces chiffres contrastent avec la situation internationale, de nombreux pays affichant une proportion de la population ayant reçu au moins une dose largement inférieure : <a href="https://covid19.who.int/">Brésil 62 %, Inde 36 % ou Nigeria 2 %</a>…</p>
<p>La couverture est notamment élevée dans les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33521775/">tranches d’âge à risque accru de forme grave de Covid-19</a> (qui entraînent hospitalisation, éventuellement passage en réanimation et potentiellement décès), soit à partir de 40-50 ans. Cela explique le <a href="https://covid19-country-overviews.ecdc.europa.eu/#europe">découplage observé entre les courbes d’infections et de décès</a>. Ainsi, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-circulation-des-variants-du-sars-cov-2">malgré la dominance du variant Delta</a>, deux à trois fois plus infectieux que la souche initiale du SARS-CoV-2, la dernière vague observée cet été en France n’a <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde">pas entraîné une saturation des hôpitaux comparable aux précédentes</a>.</p>
<p>Ces observations interrogent quant à ce qui peut être envisagé à long terme grâce à la vaccination : pourrait-on faire disparaître la Covid-19 et son virus ? Ou faudra-t-il se contenter de mettre fin à l’épidémie et de continuer ensuite à vivre avec le virus ? Dans un cas comme dans l’autre, quelle stratégie vaccinale envisager ? Voici les éléments de réponses dont on dispose.</p>
<h2>Immunité naturelle et théorie</h2>
<p>Le variant Delta affiche un « R0 basique » (<a href="https://sph.umich.edu/pursuit/2020posts/how-scientists-quantify-outbreaks.html">constante biologique spécifique à chaque pathogène</a>) de quasiment 6, autrement dit une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33587929/">personne infectée contamine théoriquement 6 personnes non immunisées</a>. Avec une telle infectiosité, une population non vaccinée serait presque entièrement infectée à terme : il faudrait que plus de 85 % des individus soient complètement protégés contre l’infection pour arrêter la transmission virale (selon la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32318-7/fulltext">formule seuil de l’immunité collective = 1-1/R</a>). L’application de cette théorie est plus complexe…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du SARS-CoV-2" src="https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les nouveaux variants du SARS-CoV-2 (photo) sont typiquement plus infectieux que les précédents. Un malade porteur du Delta va, théoriquement, en contaminer six autres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Niaid/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Car la <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.18.21262237v1.full.pdf">protection obtenue par une première infection n’est pas parfaite</a> : elle ne réduit le risque d’une nouvelle infection « que » de 73 % pendant les trois mois suivant, un pourcentage qui diminue probablement dans le temps. Il est donc très peu probable que la transmission virale s’arrête seule, même si la totalité de la population a été infectée.</p>
<p>L’immunité naturelle que nous développons après infection par un virus respiratoire (type coronavirus ou influenza) n’est, en effet, que partielle et de durée limitée : nous avons tous déjà eu des rhumes voire la grippe, et nous savons que nous en aurons encore… Ces virus se distinguent en cela de ceux des maladies infantiles (rougeole et autres), que nous n’attrapons (si nous n’avons pas été vaccinés) qu’une fois.</p>
<p>Néanmoins, si imparfaite soit-elle, cette immunité naturelle suffit à réduire notre vulnérabilité à des virus respiratoires « cousins » de celui qui nous infecté – on parle d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25513756/">immunité croisée, par exemple entre les souches de grippe</a>. Par transposition, on peut s’attendre à ce que les <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1866/6041697">personnes infectées à plusieurs reprises par un variant de SARS-CoV-2</a> développent une protection contre une éventuelle forme grave de la Covid-19.</p>
<h2>L’efficacité de la vaccination contre l’infection</h2>
<p>Quel niveau de protection la vaccination permettrait, elle, d’atteindre ?</p>
<p>Les estimations les plus fiables proviennent d’études transversales avec test systématique des participants (sans tenir compte de la gravité des symptômes, etc.). Ainsi, une telle étude réalisée <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.18.21262237v1.full.pdf">dans des ménages anglais</a> a révélé qu’un schéma vaccinal complet (avec Pfizer-BioNTech) avait une efficacité de 80 % contre l’infection par le variant Delta.</p>
<p>En outre, ces travaux ont montré que la protection contre l’infection persistait dans le temps, mais diminuait plus vite chez les plus de 35 ans – d’environ 10 points de pourcentage dans les trois mois suivant la vaccination. La vaccination des personnes précédemment infectées leur conférait une protection comparable, avec une meilleure persistance dans le temps. Une <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/70/wr/mm7034e4.htm?s_cid=mm7034e4_w">observation similaire a été faite chez des soignants américains</a> : l’efficacité vaccinale contre l’infection passait de 85 % à 73 % respectivement quatre et cinq mois après la double injection.</p>
<p>Il a aussi été montré que, vacciné, le <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.07.12.21260377v1">risque de transmettre le virus</a> en cas d’infection <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.18.21262237v1.full.pdf">semble être réduit</a>… mais les estimations varient et cet effet pourrait être moindre avec le variant Delta. Dans l’ensemble, ces éléments suggèrent que la vaccination permet d’atteindre une protection forte, mais imparfaite contre l’infection et la transmission.</p>
<p>En conséquence, il faudrait que près de 100 % de la population soit vaccinée pour arrêter la circulation virale. Pour éviter que se créent des niches de circulation virale, il conviendrait dans le même temps de s’assurer que tout le territoire soit couvert de façon homogène – avec des rappels si besoin pour maintenir le niveau de protection contre l’infection dans la durée.</p>
<h2>Une protection aussi contre les formes graves</h2>
<p>L’enjeu principal de la vaccination Covid-19 est la protection contre les formes graves. Quelques données sont déjà disponibles sur ce point.</p>
<p>Dans la prolongation (six mois) des essais cliniques Pfizer-BioNTech, il a été observé que l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34525277/">efficacité vaccinale contre la Covid-19 ne diminuait que légèrement</a> – jusqu’à quatre mois après la vaccination, elle était encore d’environ 90 %, puis passait à près de 84 % entre quatre mois et six mois (fin de la collecte des données de ces travaux). Une étude menée aux États-Unis a montré que la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3909743">protection assurée par le vaccin vis-à-vis du risque d’hospitalisation</a> restait supérieure à 80 % dans toutes les tranches d’âge, malgré la présence du variant Delta et un intervalle de temps écoulé depuis la vaccination de plus de cinq mois.</p>
<p>Confinement et couvre-feu ont permis de ralentir la progression de l’épidémie – et les restrictions d’accès, le port du masque ainsi que le maintien des gestes barrières le permettent toujours. L’objectif est de gagner du temps et d’éviter au maximum la saturation des services de santé, jusqu’à ce que toutes les personnes à risque accru de développer des formes sévères aient été complètement vaccinées.</p>
<p>C’est d’autant plus important que les personnes qui ne sont pas encore vaccinées seront fort probablement infectées dans les prochains mois. Or elles ne sont pas à l’abri de complications, puisque le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33521775/">risque d’hospitalisation est de 1 % pour à 40-50 ans, tout comme le risque de décès dans la tranche d’âge 60-70 ans</a>.</p>
<p>En ce qui concerne les plus jeunes, leur vaccination n’a pas tant pour but de les protéger contre une forme grave (ils sont moins à risque) que de freiner la progression de l’épidémie dans la population non-vaccinée ou pas immunisée. Leur implication dans la campagne vaccinale permet d’envisager une alternative aux restrictions qui impactent la vie sociale – qui plus est aux effets plus durables.</p>
<h2>Contrôler ou éliminer : quelle stratégie au long terme ?</h2>
<p>Deux objectifs distincts peuvent être envisagés : contrôler la Covid-19, ou l’éliminer. Chacun implique des stratégies différentes.</p>
<p>Contrôler la maladie requiert de faire passer sous un seuil acceptable le nombre de formes sévères (sachant que ce seuil reste à définir), d’éviter les poussées épidémiques… ou de réagir par une riposte vaccinale si une telle vague se produit malgré tout. Avec la volonté d’établir une situation stable au long terme.</p>
<p>Cette stratégie implique de cibler les personnes les plus à risque de forme grave et de concevoir un schéma vaccinal permettant de maintenir une bonne protection – éventuellement avec des rappels ou une vaccination régulière pour répondre à l’évolution des souches. Le choix se fait en fonction de l’efficacité vaccinale contre les formes graves et son évolution dans le temps. Si la vaccination réduit le risque de transmission, il est possible de l’étendre à l’entourage des personnes vulnérables (famille, soignants).</p>
<p>C’est l’approche qui est employée contre la grippe dite saisonnière par exemple. La stratégie vaccinale mise en place s’adresse en priorité aux personnes de plus de 65 ans ou atteintes de comorbidité, et peut être élargie à leur entourage. Et comme les virus responsables mutent en permanence, les vaccins doivent être « remis à jour » tous les ans – avec une réussite plus ou moins importante. La vaccination contre la coqueluche (vaccination des nourrissons en ciblant l’entourage des nouveau-nés) est un <a href="https://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/Coqueluche">autre exemple</a>.</p>
<p>Cette stratégie serait tout à fait applicable à la Covid-19 en France, étant donné l’excellente efficacité vaccinale contre les formes graves y compris chez les personnes âgées, sur une durée d’au moins six mois et ce même en présence de nouveaux variants. Les campagnes annuelles de vaccination antigrippale constitueraient une <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-08/avis_n2021.0061.ac.seesp_du_23_ao%C3%BBt_2021_du_college_de_la_has_sur_la_campagne_de_rappel_vaccinal_contre_la_covid_19.pdf">bonne base logistique</a>.</p>
<p>L’intervalle entre les rappels serait à déterminer en fonction de la durée de protection, des souches circulantes et des vaccins disponibles. L’indicateur principal pour établir un tel programme serait le nombre d’hospitalisations et admissions en réanimation.</p>
<h2>Éliminer le virus, une stratégie moins évidente</h2>
<p>Le second objectif possible est d’éliminer la maladie. Il impliquerait cette fois d’éviter tout nouveau cas et d’arrêter la circulation du virus SARS-CoV-2. Cette stratégie a été choisie pour la variole (objectif atteint au niveau mondial), la poliomyélite (objectif atteint en Europe et sur la plupart des continents) ou la rougeole (objectif non atteint en France). L’objectif ultime étant d’éradiquer le virus sur un plan mondial, et ainsi pouvoir arrêter la vaccination.</p>
<p>Outre la volonté politique, sa faisabilité théorique repose sur <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmra1200391">trois critères</a> : l’absence d’un réservoir animal dans lequel le virus peut « se replier » ; une faible proportion d’infections asymptomatiques (car elles rendent difficile la surveillance de la circulation du virus) ; et l’existence de vaccins efficaces.</p>
<p>Pour le SARS-CoV-2, les deux premières conditions ne sont pas remplies. L’hypothèse la plus probable quant à son origine est qu’il s’agit d’un virus « zoonotique », <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32387617/">possiblement issu</a> <a href="https://www.researchsquare.com/article/rs-871965/v1">d’une population de chauve-souris</a>. En outre, il entraîne environ 25 % d’<a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0249090">infections asymptomatiques</a>. Concernant les vaccins, la situation est plus favorable, même si leur performance actuelle nécessitait la vaccination répétée de la totalité de la population.</p>
<p>Quant à un objectif d’élimination seulement national ou européen, il se heurterait aux importations du virus SARS-CoV-2 depuis d’autres régions du monde. </p>
<p>(<em>L'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui espéraient pouvoir profiter de leur situation insulaire pour appliquer la stratégie « zéro Covid », <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/09/l-australie-et-la-nouvelle-zelande-actent-l-echec-du-zero-covid_6097738_3244.html">viennent d’en faire les frais</a>, ndlr</em>)</p>
<h2>Quelle stratégie demain ?</h2>
<p>Le statut de plusieurs facteurs à prendre en compte pour établir une stratégie vaccinale de long terme reste encore incertain : apparition de nouveaux variants plus transmissibles ou de formes de maladie plus graves et/ou échappant l’immunité vaccinale ; capacité des laboratoires à adapter leurs vaccins aux souches émergentes et à développer de nouvelles formulations plus efficaces contre l’infection au long terme (un vaccin en développement par Novax <a href="https://www.vidal.fr/actualites/26613-vaccin-novavax-nvx-cov2373-un-nouveau-venu-sur-le-podium.html">ouvre de nouvelles perspectives</a>) ; qualité de l’immunité après une première vaccination suivie d’infections sporadiques ; capacité de la communauté internationale à donner accès à la vaccination aux personnes à risque ou à une majeure partie de la population mondiale…</p>
<p>Il est donc peu réaliste d’envisager aujourd’hui une élimination du SARS-CoV-2. Ce constat ne doit pas distraire du fait que la stratégie de vacciner aussi les tranches d’âge avec moindre risque de Covid-19 grave permet de ralentir la progression de l’épidémie et ainsi de réduire la charge sur les services de soins et de gagner du temps pour la vaccination des personnes à risque accru de formes sévères. Définir à quel moment cette stratégie pourra être mise en retrait pour se concentrer sur le contrôle de la maladie et ses formes sévères relève de choix politiques – particulièrement importants en temps d’épidémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Judith Mueller est membre de la Commission technique des vaccinations (CTV) à la HAS.</span></em></p>Si se débarrasser du virus reste une gageure, la vaccination permet une autre approche : le contrôler. Quelles sont les forces et faiblesses de ces deux stratégies ?Judith Mueller, Professor in epidemiology, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1678452021-09-23T19:46:13Z2021-09-23T19:46:13Z¿Cómo eligen los niños a sus amigos?<blockquote>
<p>“A mi vida le falta un tiempo.</p>
<p>Me falta tu risa, me aburro.</p>
<p>Me faltas tú, mi amigo, mi alter ego”.</p>
</blockquote>
<p>Lo cantaba Jean-Louis Aubert en 2001. Aunque esta canción no sea muy conocida por los niños –a menudo la asocian con “algo antiguo”, como me señalaron agradablemente durante una clase de música–, su título y su estribillo están, en cambio, muy presentes en su realidad cotidiana.</p>
<p>Ocurre sobre todo cuando se divierten clasificando a sus compañeros por nivel de afinidad en categorías tan diferentes, precisas y jerarquizadas como “mejor o verdadero amigo”, “amigo”, “compañero” o “sólo compañero”.</p>
<p>Al igual que las de los adultos, las <a href="http://www.theses.fr/2019SACLS046">prácticas afectivas y de amistad</a> de los niños no son en absoluto democráticas. A chicos y chicas les resulta muy difícil reconocer que pueden “enamorarse o incluso convertirse en mejores amigos” (sic) de cualquier persona, independientemente de su edad, sexo, actividades recreativas favoritas o apariencia.</p>
<h2>Las amistades mixtas son raras</h2>
<p>En el amor, como en la amistad, la figura del <em>alter ego</em> emerge muy rápidamente al analizar la sociabilidad infantil. La mayoría de los niños establecen vínculos con niños que se parecen a ellos en sus aspectos principales, es decir, en los que más obviamente distinguen y jerarquizan el patio de recreo, a saber, el sexo y la edad.</p>
<p>Tener la misma edad y ser del mismo sexo parecen ser las dos principales condiciones necesarias para la formación de los vínculos afectivos de los niños. Sin uno de ellos, no puede haber amistad, y mucho menos la “mejor amistad”. Son los principales factores entre los que los niños pueden elegir y seleccionar a sus compañeros o “amigos favoritos” en función de diferentes <a href="https://www.cairn.info/revue-geneses-2014-3-page-35.htm">criterios de evaluación y juicio</a>.</p>
<p>Independientemente de su edad, los niños declaran con mayor frecuencia tener amigos de su mismo sexo: es el caso de casi seis de cada diez niñas y siete de cada diez niños (en las escuelas y centros extraescolares estudiados). La proporción, para ambos sexos, se eleva al 80 % para los “mejores amigos”.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364499/original/file-20201020-14-19ystqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Los niños declaran con mayor frecuencia tener compañeros y amigos del mismo sexo que ellos.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Más sorprendente es que sólo el 20 % declara tener amistades mixtas, es decir, tener un grupo de amigos formado por tantos amigos del otro sexo como del mismo, y sólo el 10 % tiene tantos mejores amigos como mejores amigas.</p>
<p>¿Cómo podemos explicar este fuerte tropismo de niños y niñas hacia sus compañeros del mismo sexo? De sus comentarios se desprenden dos respuestas principales. La primera, y más frecuente, se refiere a razones prosaicas y, más ampliamente, al funcionamiento de las amistades de los niños.</p>
<p>Es difícil hacerse (mejor) amigo de un niño cuando no se comparten los mismos gustos, los mismos juegos y las mismas actividades, cuando no hay un terreno favorable para el desarrollo de una relación que se mantenga mínimamente en el tiempo. Tanto los chicos como las chicas coinciden en que los demás “juegan a juegos demasiado feos”, que “no son divertidos”, y que “siempre te aburres [cuando estás] con ellos y te molestan”.</p>
<p>La segunda razón, que suele expresarse a escondidas, pero que es igualmente importante, es el riesgo que supone para unos y otros el permanecer tranquilos, sin mostrar aburrimiento o vergüenza, en un pequeño grupo de niños, en su mayoría del otro sexo, a saber, el de ser llamado “novio de” o incluso “novio de” la persona equivocada, como relata Marion:</p>
<blockquote>
<p>En cuanto jugábamos con un chico, alguien decía: ‘Ah, estás enamorada’. Por ejemplo, jugando a El Gavilán, Elsa estaba charlando con Hugo, y enseguida creo que Lea, Sandra y no sé quién más empezaron a decir: ‘Oh, estáis enamorados’, porque estaban uno al lado del otro. Y en cuanto tenemos un novio, dicen: ‘¡Oh, qué vergüenza!’.</p>
</blockquote>
<h2>El peso de la clase y la edad</h2>
<p>Más allá de la coincidencia del sexo, las amistades infantiles se caracterizan por una homofilia muy fuerte de edad y, más concretamente, de nivel escolar. Casi el 90 % de los chicos y chicas dicen que la mayoría de sus amigos están en la misma clase que ellos. Por el contrario, muy pocos mencionaron tener amigos en cursos superiores al suyo (29 %) y aún menos en cursos inferiores (19 %).</p>
<p>Cuando se les preguntó por este fenómeno, los niños dijeron que era “porque los niños mayores nunca les dejan jugar con ellos, excepto cuando les falta gente para jugar al fútbol o a la comba. Pero si no es así, los mayores sólo juegan entre ellos. No nos quieren porque somos demasiado pequeños y no sabemos jugar al fútbol ni charlar” (Christophe, clase media).</p>
<p>Esta asociación entre ser demasiado pequeño y no ser lo suficientemente bueno o fuerte como para “tener derecho” a jugar con los niños mayores y a ser su amigo también está presente en las palabras de Mathias, que explica que no podría ser amigo “de los niños mayores” porque “juegan a cosas demasiado complicadas”.</p>
<p>En otras palabras, la razón por la que a los niños les resulta tan difícil hacerse amigos y, además, mejores amigos de niños que no son de su edad o que no pertenecen a su mismo género es que están poniendo en juego su reputación y su lugar en el patio.</p>
<p>Al jugar con niños más pequeños o con compañeros del otro sexo, no sólo se arriesgan a que se burlen de ellos, a que les llamen novios, les acusen de “querer hacerse los mayores” o, lo que es peor, a que les llamen “bebés”, sino, sobre todo, a que se vean desvalorizados al ser asociados con las figuras repulsivas de los bebés, los niños pequeños y, sobre todo, las niñas.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364505/original/file-20201020-24-le1kli.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Los debates y juegos en el ámbito escolar están muy codificados.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Estas sanciones simbólicas, muy presentes en los juegos, recuerdan a los niños las reglas de la amistad y la necesidad de respetar la edad y el género. Sin embargo, no se imponen con la misma fuerza a todos.</p>
<p>Son sobre todo los niños y los niños mayores –como “reyes de la corte” (sic)– los que tienen más que perder, ya que es más insultante y degradante que se refieran a ellos como bebés y niñas que como niños y niños mayores, lo que subraya la existencia temprana de jerarquías y <a href="https://www.jstor.org/stable/190063?seq=1">desigualdades de edad y género</a>.</p>
<h2>El papel implícito de los adultos</h2>
<p>La forma de elegir a los amigos no es sólo una cuestión de elección de los niños o de la cultura infantil, sino que está vinculada al mundo de los adultos al menos de tres maneras. En primer lugar, es más probable que los niños y las niñas sean amigos de compañeros de su misma edad y sexo porque los profesionales de la educación tienden a agruparlos por género y grado, incluso en las actividades extraescolares.</p>
<p>Los niños de la misma edad y sexo pasan más tiempo juntos y, por lo tanto, tienen más oportunidad de conocerse, hablar y crear fuertes vínculos entre ellos.</p>
<p>En segundo lugar, porque los adultos contribuyen, a menudo sin darse cuenta, a promover normas de género y de edad que diferencian y jerarquizan a los niños. Por ejemplo, al distinguir los juegos o actividades para niños mayores, niños menores, niñas y niños según su nivel de dificultad o implicación física, dificultan la realización de actividades mixtas, e incluso animan a los niños a distinguirse para demostrar su edad o sexo.</p>
<p>Por último, los adultos influyen en las elecciones emocionales de los niños en la medida en que sus juicios y observaciones actúan como indicadores reales del valor intrínseco de los niños.</p>
<p>Al etiquetar a algunos niños como inteligentes, guapos o divertidos y a otros como sucios, problemáticos, revoltosos o dispersos, influyen en gran medida en la reputación y en la jerarquía de los niños en el patio y, por tanto, configuran el mercado de la amistad.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Diter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Al igual que los adultos, los niños están lejos de ser democráticos en lo que respecta a las amistades y son muy sensibles a los juicios de quienes les rodean.Kevin Diter, Post-Doctorant, Chaire « enfance, bien-être et parentalité », École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1680072021-09-15T10:18:32Z2021-09-15T10:18:32ZL’Europe, la France et la santé publique : après la Covid-19, une nouvelle donne ?<p><em>La pandémie de Covid-19 a mis les systèmes de santé à rude épreuve, et a forcé les pays européens à coordonner en partie leurs efforts. Peut-on pour autant parler d’une ébauche de politique européenne de santé ? Professeur à l’EHESP et spécialiste de l’Europe, Gaël Coron revient sur le rôle de l’Europe en matière de santé publique, et sur la marge de manœuvre des États membres.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Quel est le rôle joué par l’Europe en matière de santé publique ? Existe-t-il une politique européenne de santé ?</strong></p>
<p><strong>Gaël Coron :</strong> Si la question est de savoir si l’Union européenne peut se substituer à l’État français ou à un autre des États membres, via l’édiction de normes restrictives, pour imposer une politique de santé publique, le maintien d’un nombre minimal de lits d’hôpitaux ou l’embauche de personnels soignants, etc., la réponse est non. L’Europe n’est pas dotée des moyens financiers ou humains nécessaires pour mener telle politique de santé. Pour en comprendre la raison, il faut revenir brièvement sur l’histoire de la construction européenne.</p>
<p>Dans les années 1950, une tentative de construire une « communauté européenne de santé » a été menée. Cette initiative, portée notamment par la France qui y voyait un moyen de résoudre les problèmes de son système de santé, était un projet ambitieux qui s’inscrivait dans la droite ligne du projet de communauté européenne de défense. </p>
<p>Lorsque ce dernier a été abandonné (la Seconde Guerre mondiale était encore trop récente, peu de gens étaient prêts à construire une armée européenne impliquant Français et Allemands), le projet d’« Europe de la santé » a disparu avec lui. Cela illustre un fait bien connu en sociologie de l’action publique : le succès ou l’échec d’une politique résulte davantage d’un contexte historique que d’un calcul « rationnel ».</p>
<p>Après cet échec initial, la communauté économique européenne puis l’Union européenne ont développé des politiques dans le champ de la santé mais « par la bande » à travers les deux grands projets que sont le marché unique et la monnaie unique qui chacun ont un impact essentiel sur le fonctionnement des politiques de santé nationales</p>
<p>Plus récemment, dans les années 1990, l’UE a commencé à faire apparaître la santé comme un objectif transversal de toutes ses politiques. L’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise qu’« un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union ».</p>
<p>D’une politique « de santé » que l’UE n’a pas réussi à installer, on est passé à une politique « pour la santé », en quelque sorte. Une approche qui est en ligne avec celle de l’Organisation mondiale de la Santé, <a href="https://www3.paho.org/hq/index.php?option=com_content&view=article&id=9361:2014-welcome-health-all-policies&Itemid=40258&lang=en">« health in all policies »</a>.</p>
<p>L’idée est bonne : comme l’ont révélé un certain nombre de recherches en santé publique, avoir un raisonnement transversal peut s’avérer payant. L’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé peut passer par des actions dans le champ de l’environnement, de l’enseignement (surtout les premières années), du logement…</p>
<p>En cela, l’approche européenne diffère des politiques nationales. Celles-ci sont davantage tournées vers le curatif, alors que pour les spécialistes de santé publique, les actions les plus efficaces sur les déterminants de la santé humaine ne passent pas forcément par plus d’équipements lourds dans les établissements.</p>
<p><strong>TC : Comment les projets économiques que vous évoquez, le marché et la monnaie, peuvent-ils avoir un impact sur la santé ?</strong></p>
<p><strong>GC :</strong> Sur le marché unique, qui historiquement vient en premier, l’immiscion de l’UE est rendue possible parce que les principes (dé)régulateurs sont conçus de manière très large : ainsi la libre circulation des marchandises peut impliquer la création d’un marché unique des médicaments avec une autorisation de mise sur le marché attribuée au niveau européen, la libre circulation des personnes peut induire celle des professionnels de santé avec une reconnaissance mutuelle par les États des diplômes…</p>
<p>Pour la monnaie unique, il faut rappeler que le pendant de la construction d’une monnaie unique a été la mise sous surveillance des dépenses publiques des États et parmi celles-ci, les dépenses de santé. L’Union européenne, et surtout la Commission, peut de ce fait émettre des recommandations pour « mieux » gérer les dépenses de santé, mais surtout dans une perspective de contrôle des déficits. Après la crise de 2008, les outils mis en place pour renforcer la surveillance budgétaire des États ont donné plus de poids aux dites recommandations. Or, des travaux effectués à l’observatoire social européen ont montré que ces dernières vont souvent dans le sens d’une réduction des coûts.</p>
<p>En pratique, dans ces deux cas, ce sont donc des acteurs de l’Union européenne qui ne sont pas spécialisés dans la santé qui prennent des mesures qui auront une influence sur le domaine. Au niveau de la Commission européenne, structurée en directions générales (l’équivalent des ministères, si on veut traduire en termes nationaux), ce n’est pas forcément la DG santé qui a la main sur ces dossiers, même si ces dernières années, elle s’affirme un peu plus. Par exemple, elle a obtenu la tutelle de l’agence européenne du médicament en 2009 et la responsabilité des dispositifs médicaux en 2019.</p>
<p><strong>TC : Quels sont les avantages et les inconvénients de l’approche transversale ?</strong></p>
<p><strong>GC :</strong> Le problème est qu’en mettant en avant la santé en tant qu’objectif transversal, on se prive de la possibilité de s’appuyer sur les outils classiques d’une politique de santé. On sait que pour une politique fonctionne, il faut une administration dédiée, des moyens financiers, des moyens humains, des acteurs politico-administratifs puissants…</p>
<p>À l’heure actuelle, chaque direction générale a ses propres données d’expertise, ses propres partenaires, ses propres objectifs, ses propres groupes d’intérêt… Ce qui complique l’approche intersectorielle. Pour le dire clairement, les Directions générales les plus puissantes dictent souvent leurs positions aux autres sur les sujets transversaux. La cristallisation du débat autour des pesticides, dans un contexte d’agriculture productiviste, en est un exemple.</p>
<p>En outre, les travaux de Sébastien Guigner, spécialiste des politiques publiques, ont montré que pour convaincre les acteurs dominants de s’occuper des questions de santé, la DG santé <a href="https://www.cairn.info/revue-chronique-internationale-de-l-ires-2020-3-page-90.htm#pa27">a promu le concept de « health for wealth » (la santé pour la croissance)</a>, formatant son discours en fonction d’intérêts économiques. Paradoxalement, la conséquence en a été que, sur certains sujets comme les produits chimiques, la DG Santé s’est avérée moins restrictive dans ses recommandations que la DG Environnement. On voit bien qu’il ne s’agit pas uniquement d’une question de moyens, mais aussi d’autonomie politique.</p>
<p>En revanche, dans certains domaines, cette organisation n’est pas absurde. Lors de la crise récente, elle s’est avérée efficace pour négocier les achats de vaccins : en effet, qui de plus compétent que le commissaire chargé du marché intérieur pour négocier avec les firmes pharmaceutiques…</p>
<p>Par ailleurs, il arrive que l’approche marchande ait des effets positifs. Les travaux d’Alban Davesne ont montré que pendant longtemps la lutte contre le tabagisme s’est heurtée en France au monopole de la Seita, défendu bec et ongles par le ministère de l’Économie. Quand, pour des raisons liées en partie au droit de la concurrence européen, le monopole s’est effrité, une politique de lutte contre le tabagisme efficace a pu être mise en place nationalement. Il n’y avait plus de « champion industriel », plus d’intérêt économique national à défendre… Mais l’effet peut aussi être inverse : la Suède, qui avait l’une des législations les plus restrictives en matière de distribution d’alcool (grâce à son monopole de boutiques d’État seules autorisées à vendre des alcools), a dû ouvrir ce modèle à la concurrence.</p>
<p><strong>TC : L’Europe a donc, malgré tout, les moyens d’imposer certaines mesures à la France en matière de santé ?</strong></p>
<p><strong>GC :</strong> Si un pays comme la France a clairement une volonté de s’opposer à une norme européenne, il a de fortes chances d’y parvenir. Cependant, parfois, il peut aussi être politiquement intéressant de se défausser sur l’Europe des éléments qui sont électoralement difficiles à faire passer… Les Anglo-saxons parlent de « blame avoidance », la sociologue de l’action publique Sophie Jacquot évoque le concept d’<a href="https://www.researchgate.net/publication/30391285_Usage_of_European_Integration_Europeanisation_from_a_Sociological_Perspective">« usage de l’Europe »</a>. Le cas du plan Juppé, en 1995, en est un bon exemple.</p>
<p>Il s’agissait à l’époque de se lancer dans la première réforme d’ampleur de l’Assurance-maladie, avec la mise en place d’un budget fermé appelé « objectif national de dépenses de l’Assurance-maladie ». Pour faire accepter ce projet politiquement délicat, les décideurs de l’époque ont argumenté que cette réforme était nécessaire pour pouvoir intégrer la zone Euro (nous étions alors en phase de qualification).</p>
<p>En réalité, les États membres sont intégrés avec un poids déterminant dans le système de gouvernance de l’UE ; et dans le champ économique, si la plupart des gouvernements nationaux sont convertis à une politique économique monétariste basée sur l’austérité, l’Union la mettra en place. Mais elle n’agira pas contre les États.</p>
<p><strong>TC : La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a-t-elle changé les choses ?</strong></p>
<p><strong>GC :</strong> Cette crise a révélé au grand jour des problèmes qui étaient sous-jacents, tels que le désarmement des stocks, les conséquences des restrictions budgétaires imposées de longue date au système hospitalier, etc.</p>
<p>Si, dans un premier temps, on a observé un retour aux égoïsmes nationaux, à partir du printemps-été 2020, la Commission a mis en place des initiatives pour relancer la politique de santé européenne, en accordant cette fois-ci des moyens financiers importants. Elle a notamment annoncé la réaffectation de fonds de cohésion non dépensés au titre de l’exercice 2014-2020 vers les systèmes de santé. Cette aide d’urgence a permis de faire face à la première vague de la pandémie, mais ne constitue pas une transformation pérenne des institutions.</p>
<p>La crise de la vache folle avait mené à la création de la DG Santé. Aujourd’hui on peut se demander quelles seront les mesures prises suite à la pandémie de Covid-19. Outre le renforcement du poids du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l’euro-CDC, des textes ont été voté pour permettre la création d’une agence européenne sur le modèle de la Biomedical Advanced Research and Development Authority états-unienne (BARDA). L’objectif serait de faciliter l’investissement dans le secteur du médicament ou des dispositifs médicaux et de garantir la disponibilité d’outils de luttes contre les épidémies (c’est la BARDA qui a largement financé la mise au point des vaccins par des acteurs américains). Par ailleurs, le programme de santé pour 2021-2027, « EU4health », est chiffré à 5,3 milliards d’euros alors que celui pour 2014-2020 était à 400 millions.</p>
<p>Mais il ne faut pas oublier une chose : dans le cas de la crise de la vache folle, la solution était européenne car le problème initial était européen. Cette fois-ci, il est mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaël Coron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel est le rôle de l’Europe en matière de santé publique ? La Commission peut-elle imposer aux États membres des décisions ? Que signifie mettre « la santé dans toutes les politiques » ?Gaël Coron, Professeur de sociologie et science politique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1680032021-09-15T10:18:30Z2021-09-15T10:18:30ZCrise des paramédicaux : des hôpitaux « magnétiques » pour attirer et retenir les soignants ?<p><em>Mal considérés, mal payés, peu écoutés, surchargés de travail… Les paramédicaux, infirmiers et infirmières en tête, sont depuis plusieurs années dans une situation professionnelle difficile, qui se traduit par le nombreux burnouts et réorientations professionnelles. Comment changer la situation ? Odessa Dariel, professeure en sciences infirmières à l’École des Hautes Études en Santé publique (EHESP) nous présente plusieurs pistes qui ont déjà fait leurs preuves à l’étranger.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : À quelles problématiques sont confrontés les responsables d’hôpitaux concernant les personnels paramédicaux ?</strong></p>
<p><strong>Odessa Dariel :</strong> Avant l’épidémie de Covid, les principaux enjeux ayant trait aux personnels paramédicaux auxquels étaient confrontées les organisations de santé, en particulier les hôpitaux, étaient liés aux insuffisances d’effectifs. La masse salariale étant le poste de dépenses le plus important, et les paramédicaux représentant le gros des personnels, ce sont souvent eux qui faisaient les frais des restrictions budgétaires.</p>
<p>Il faut savoir qu’à l’exception de quelques services comme la réanimation, la néonatalogie ou certains services d’oncologie, il n’existe pas vraiment de régulation concernant le nombre d’effectifs par patient. De ce fait, les responsables des autres services n’ont pas de base sur laquelle argumenter lorsqu’il s’agit de faire une demande d’effectifs supplémentaires.</p>
<p>Dans certains États des États-Unis, où j’ai été formée, les effectifs sont réglementés. Même dans les États sans réglementation fixant le ratio infirmier/patient, il n’est pas coutume, dans un service médicochirurgical, d’avoir plus de sept patients par infirmière. En France, certaines doivent parfois <a href="http://www.syndicat-infirmier.com/Effectifs-infirmiers-ratios-ou-rationnement.html">en gérer le double</a> ! Certes, on peut argumenter en disant que les métiers sont différents outre-Atlantique. Cependant, devoir s’occuper d’un trop grand nombre de patients complique la prise en charge et les soins.</p>
<p><strong>TC : Cette situation est délétère pour les patients et pour les soignants ?</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Oui, car l’impact se fait sentir non seulement sur la qualité des soins, mais aussi sur le sens du travail accompli. Les soignants sont obligés de se limiter aux aspects techniques des soins et n’ont plus de temps pour le reste : les échanges avec le patient, tout ce qui relève du « care », « prendre soin ».</p>
<p>C’est un problème à plusieurs niveaux. Du point de vue des soignants qui ont l’impression de travailler « à la chaîne », et de sacrifier une partie de leur éthique de travail, tout d’abord. Cela limite aussi les capacités de détection des signaux précoces qui peuvent précéder la détérioration d’un patient. </p>
<p>Il faut bien avoir conscience que la majorité du temps, les interlocuteurs des patients sont les personnels paramédicaux. Ce sont les yeux et les oreilles du médecin, en quelque sorte, qui les voit plus rarement. Si leur charge de travail ne leur permet plus de détecter ces problèmes en amont, cela peut être préjudiciable au patient.</p>
<p><strong>TC : Au-delà de ces problématiques d’effectifs, se pose aussi la question de la reconnaissance…</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Effectivement, la reconnaissance et la valorisation des personnels paramédicaux constituent des enjeux importants pour l’image et l’attractivité de la profession.</p>
<p>La question du salaire est centrale. Ces métiers, qui impliquent d’importantes responsabilités, sont physiquement et émotionnellement éprouvants. Or les salaires des paramédicaux ne sont pas à la hauteur de ces enjeux. Ils ne reflètent pas l’importance de leur travail pour la société. Quelque part, perdure l’idée qu’il s’agit de vocations que l’on exerce comme un sacerdoce.</p>
<p>Un autre problème est que les paramédicaux sont rarement inclus dans les groupes de travails ou consultés (au niveau du ministère, des commissions parlementaires…). Ce manque de formation au milieu politique fait que leurs plaidoyers sont peu relayés.</p>
<p>Enfin, leur reconnaissance professionnelle au sein même du système de santé est souvent insuffisante. Il ne s’agit pas de caricaturer, bien sûr, mais en France on reste dans une culture très hiérarchique où les paramédicaux sont surtout des exécutants. Aux États-Unis, les patients sont davantage pris en charge par des équipes, pas uniquement par le médecin. La recherche en sciences infirmières et la plus-value de ses savoirs sont reconnues, permettant aux infirmiers dans les services hospitaliers de contribuer pleinement aux décisions cliniques concernant les soins prodigués aux patients.</p>
<p>Les choses commencent à changer très progressivement en France, notamment avec le statut d’infirmière en pratique avancée, la reconnaissance des sciences infirmières, etc. On voit aussi arriver une nouvelle génération de médecins qui exprime un réel intérêt pour le travail en équipe, et prend la mesure de la valeur ajoutée de ces échanges avec les professions paramédicales.</p>
<p>Mais tous ces problèmes font que l’on se retrouve actuellement avec un problème de recrutement et de fidélisation des personnels paramédicaux. Après leur formation, un certain nombre de personnes abandonnent l’idée de travailler dans le domaine sanitaire, en partie en raison de leur expérience dans le milieu hospitalier lors de leurs stages.</p>
<p><strong>TC : La crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 a-t-elle aggravé les choses ?</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Il est probablement un peu tôt pour dire si elle va susciter un engouement (dû à une reconnaissance accrue de l’importance de la santé et la santé publique) ou au contraire détourner les jeunes de ces métiers, suite à la constatation que les discours des décideurs politiques ne se traduisent pas en actions concrètes pour améliorer les conditions de travail. </p>
<p>En effet, pour faire face à la première vague de l’épidémie, des enveloppes budgétaires ont été débloquées, et on a laissé plus de latitude en matière d’organisation du travail, ce qui a eu pour conséquence de permettre de soigner différemment. On espérait que cette situation allait perdurer dans le « monde d’après » que tous appelaient de leurs vœux. Malheureusement, pour l’instant il semblerait que les anciens problèmes soient de retour…</p>
<p>Dans ce paysage sombre, des innovations sont néanmoins porteuses d’espoir. Certes, la question des budgets est centrale, mais même dans un cadre contraint, il est possible d’employer les financements de façon à améliorer les conditions de travail et de soins.</p>
<p><strong>TC : Quelles pistes sont explorées pour y parvenir ?</strong></p>
<p><strong>OD :</strong> Je travaille actuellement sur un projet de recherche qui évalue la mise en place d’un modèle hollandais qui a très bien fonctionné aux Pays-Bas, le modèle Buurtzorg. Il s’agit de repenser le modèle des soins à domicile. Actuellement, le patient voit défiler divers soignants qui viennent effectuer chacun un seul soin (infirmière, aide-soignant, auxiliaire de vie…). Le modèle Buurtzorg vise à remédier à ce morcèlement en faisant prendre en charge les soins à domicile dans leur globalité par une équipe autogérée. Cette approche est davantage propice au développement d’une relation soignants-soigné. Il s’agit de passer du temps avec le patient et de prendre le temps de le connaître et de tisser des liens avec sa famille, son entourage, les services à proximité – en créant un réseau de soutien qui permet aux patients d’avancer vers d’avantage d’autonomisation.</p>
<p>Ce modèle, basé sur un forfait à l’heure plutôt qu’une tarification à l’acte, est notamment expérimenté dans les Hauts de France grâce à des financements débloqués dans le cadre de l’Article 51.</p>
<p>L’autre approche consiste à explorer la possibilité d’adapter au contexte français les certains stratégies promues par les « <a href="https://www.anfh.fr/sites/default/files/fichiers/matthieu_sibe_isped_0.pdf">Magnet hospitals</a> » (« hôpitaux magnétiques ») étatsuniens. Forgé par l’Association des Infirmiers Americains (American Nurses Association) dans les années 1980 pour faire face à la pénurie de soignants, le concept de « magnet hospital » vise à mettre en place une organisation de soins destinée à « aimanter » les soignants. L’objectif est d’attirer et de garder ces professionnels en créant les conditions de leur épanouissement.</p>
<p>Plusieurs axes sont développés pour y parvenir :</p>
<ul>
<li><p>Le leadership infirmier</p></li>
<li><p>Le travail en équipe collaboratif et interprofessionnel</p></li>
<li><p>La recherche : il s’agit de baser les pratiques professionnelles sur des données probantes, et de développer une culture de recherche au sein de la structure de soin.</p></li>
<li><p>La reconnaissance explicite du métier infirmier au sein de l’organisation</p></li>
</ul>
<p>Aux États-Unis, le label Magnet prend la forme d’une (coûteuse) accréditation commerciale délivrée par l’<a href="https://www.nursingworld.org/organizational-programs/magnet/">American Nurses Credentialing Center</a>, filiale de l’ANA. Les hôpitaux « Magnet recognized » attirent non seulement les professionnels, mais aussi les patients, qui sont certains de la qualité des soins qu’ils recevront dans ces centres de soins.</p>
<p>Il ne s’agit pas de transposer cette accréditation commerciale en France, mais plutôt d’en tirer les points forts pour les adapter au concept français : la qualité de vie au travail, le recentrage sur le travail infirmier, l’implication des soignants au sein de comités dédiés à l’identification de diverses problématiques et à la formulation de solutions (expérience patient, éthique…). Une fois les moyens attribués à la mise en œuvre de ces solutions, leur évaluation doit aussi être envisagée.</p>
<p>Cette approche permet non seulement aux soignants de reprendre la main sur leurs propres pratiques professionnelles de soin, mais aussi de valoriser leur investissement. En outre, l’accréditation <em>Magnet</em> se mettant en place sur plusieurs années, les solutions envisagées ne peuvent être de court terme. C’est une façon d’orienter les choix, même dans une situation budgétaire contrainte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168003/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Odessa Dariel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment renforcer l’attractivité des métiers paramédicaux, mis à rude épreuve par la pandémie de Covid-19 ? Odessa Dariel, Professeure en sciences infirmières, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.