tag:theconversation.com,2011:/institutions/german-institute-for-international-and-security-affairs-2598/articlesGerman Institute for International and Security Affairs2019-04-14T19:45:06Ztag:theconversation.com,2011:article/1154272019-04-14T19:45:06Z2019-04-14T19:45:06ZBataille de Tripoli : la méprise de Khalifa Haftar<p>Depuis une semaine, la Libye est en proie à sa troisième guerre civile depuis 2011. L’élément déclencheur de cette guerre a été l’offensive menée par Khalifa Haftar, le chef de guerre qui contrôle l’est de la Libye, pour prendre le contrôle, par la force, de la capitale Tripoli.</p>
<p>Depuis qu’il s’est autoproclamé chef d’une « Armée nationale libyenne » à l’Est, en 2014, Khalifa Haftar n’a cessé de monter en puissance, aidé en cela par des <a href="https://www.nytimes.com/2018/04/12/world/middleeast/libya-hifter-benghazi.html?module=inline">soutiens étrangers</a>. Apparemment, il a pensé qu’il était maintenant assez puissant pour rompre les <a href="https://foreignpolicy.com/2019/04/01/while-you-werent-looking-general-haftar-has-been-taking-over-libya-oil-united-nations/">négociations en cours</a> en vue de la formation d’un gouvernement provisoire et créer une nouvelle réalité sur le terrain par la force.</p>
<h2>L’échec du plan initial de Khalifa Haftar</h2>
<p>Cette guerre n’était pas le scénario privilégié par Khalifa Haftar. Son plan initial était de faire entrer des troupes en petit nombre à Tripoli avant que ses adversaires n’aient le temps de réagir, et d’entraîner la défection et le ralliement à son camp de groupes armés locaux et de responsables sécuritaires.</p>
<p>La responsabilité de l’engagement des hostilités dans les zones densément peuplées serait ainsi revenue à ses adversaires ; la pression locale et internationale les aurait alors contraints au cessez-le-feu et Khalifa Haftar aurait pu se servir de sa position nouvellement acquise à Tripoli comme d’un tremplin, la transformant en pouvoir politique à l’occasion d’une <a href="https://www.reuters.com/article/us-libya-security/un-to-hold-libya-conference-as-planned-despite-surge-in-fighting-envoy-idUSKCN1RI0C2">Conférence nationale</a> prévue mi-avril, sous l’égide de l’ONU.</p>
<p>Ce plan a toutefois échoué dès le premier jour de l’opération. L’attaque de Khalifa Haftar n’a pas eu l’effet escompté de diviser les groupes armés dans l’ouest de la Libye, mais les a au contraire unis contre lui. Haftar n’a pas su comprendre les motivations des milices, et a surestimé leur opportunisme. Il n’a désormais plus d’autre choix que de jouer le tout pour le tout à Tripoli, car une défaite serait désastreuse pour lui.</p>
<p>La réponse des gouvernements occidentaux à l’offensive menée dans la région la plus peuplée de Libye a tardé, ces derniers attendant de voir si Haftar allait parvenir à des accords avec les groupes armés locaux et à entrer dans Tripoli. Alors que la responsabilité de l’escalade du conflit incombait uniquement à Haftar, les <a href="https://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2019/04/290918.htm">premiers communiqués</a> des puissances occidentales et du Conseil de sécurité de l’ONU enjoignaient « toutes les parties » à cesser les hostilités.</p>
<p>Lorsque l’échec du plan initial de Haftar fut évident, les États-Unis ont <a href="https://www.state.gov/secretary/remarks/2019/04/290949.htm">durci leur position</a>. Mais la France, qui soutient Haftar depuis des années, continue de le <a href="https://www.politico.eu/article/mogherini-eu-united-against-violence-in-libya/">protéger</a> au niveau de l’UE et au Conseil de sécurité de l’ONU (où Haftar peut aussi compter sur le soutien de la Russie.)</p>
<h2>Des groupes armés désabusés</h2>
<p>Je travaille sur les groupes armés libyens depuis 2011, affinant peu à peu mes connaissances sur ces derniers et ma compréhension de leur contexte social au cours des dizaines de voyages que j’ai effectués dans le pays pendant cette période. La grande majorité des forces qui se sont mobilisées pour combattre Haftar reste habituellement en dehors des luttes de pouvoir que Tripoli a connues depuis la chute de Kadhafi.</p>
<p>Un grand nombre de ces groupes armés ont été créés au moment de la guerre de 2011 contre Kadhafi, sur la base de communautés locales – villages, villes ou quartiers. La guerre n’a fait que renforcer la cohésion de ces groupes. Après la chute de Kadhafi, la plupart des combattants sont retournés à la vie civile, laissant leurs pick-up dans leurs garages et leurs armes bien rangées à la maison ; les stocks d’artillerie lourde ont le plus souvent été placés sous surveillance collective ou entreposés dans les propriétés des commandants. Bon nombre des combattants percevaient des salaires ou d’autres formes de rémunération dans des <a href="http://www.smallarmssurvey.org/fileadmin/docs/F-Working-papers/SAS-SANA-WP20-Libya-Security-Sector.pdf">unités reconnues par l’État</a>, mais seule une fraction d’entre eux a, dans les faits, fourni un travail concret dans ces unités.</p>
<p>Pour la plupart de ces groupes, la dernière mobilisation remonte à 2014, au moment où la deuxième guerre civile libyenne a éclaté. Mais même à cette époque, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/19/a-zouara-la-revolution-silencieuse-des-berberes-libyens_5016255_3212.html">dans les villes amazighes</a> (berbérophones), par exemple, seule une faible proportion des forces armées a rejoint le combat, restant sceptique quant à ses objectifs.</p>
<p>À la fin de la deuxième guerre, la plupart étaient désabusés par les discours qui avaient justifié la tuerie. Parmi les commandants et les combattants de groupes armés s’est répandu le sentiment d’avoir été utilisé par les politiciens pour servir leurs propres intérêts. Les divisions politiques au sein des villes et communautés, quasi absentes au cours du conflit, ont réapparu, gagnant en ampleur au cours des années suivantes.</p>
<p>Lorsqu’en 2016 des groupes armés de Misrata se sont mobilisés pour arracher la ville voisine de Syrte aux griffes de l’État islamique dans une <a href="https://www.newyorker.com/news/news-desk/the-grinding-fight-to-root-out-isis-in-a-battered-libya">bataille sanglante et épuisante</a>, tous les combattants et commandants à qui j’ai parlé m’ont assuré qu’ils ne reprendraient plus les armes.</p>
<h2>Rancœur envers les milices à Tripoli, mais refus de la guerre</h2>
<p>Ces trois dernières années, pendant que des milices se disputaient le contrôle des institutions à Tripoli, la plupart de ces combattants restaient en retrait, écœurés. Une poignée de milices a établi un <a href="http://www.smallarmssurvey.org/fileadmin/docs/T-Briefing-Papers/SAS-SANA-BP-Tripoli-armed-groups.pdf">véritable cartel</a> coordonnant un pillage des caisses de l’État au profit d’un cercle restreint de politiciens, d’hommes d’affaires et de chefs de milices.</p>
<p>Si la rancœur n’a cessé de croître parmi les groupes armés de l’ouest de la Libye face au pillage des ressources publiques, peu d’entre eux étaient prêts à affronter les milices à Tripoli. L’année dernière, quelques politiciens et chefs de milices de l’Ouest libyen ont tenté, pendant plusieurs mois, de mobiliser des soutiens en vue d’une offensive contre les milices qui sévissaient à Tripoli. Mais lorsqu’un groupe armé de Tarhouna (sud-est de Tripoli) s’est finalement décidé à lancer cette <a href="https://www.washingtonpost.com/world/surge-in-fighting-among-libyas-super-militias-imperils-western-peace-efforts/2018/10/01/54969c5c-c0d0-11e8-9f4f-a1b7af255aa5_story.html">offensive</a>, en août 2018, très peu de groupes de Misrata et de Zintan – encore moins d’autres villes – se sont associés à l’attaque.</p>
<p>Pendant mes séjours en 2018 et début 2019 à Misrata, Zintan et dans les villes amazighes, les commandants de groupes armés et les leaders communautaires s’accordaient tous pour rejeter une nouvelle guerre. Comme me l’expliquait un chef de brigade de Misrata en février dernier :</p>
<blockquote>
<p>« Oui, des hommes d’affaires veulent mobiliser des troupes pour entrer dans Tripoli. Mais Misrata ne se laissera plus instrumentaliser à des fins politiques. »</p>
</blockquote>
<p>Parallèlement, l’hostilité initiale envers Haftar s’adoucissait chez beaucoup dans les villes de l’ouest de la Libye. Des officiers de l’armée y menaient des négociations avec des représentants de Haftar en vue d’une unification des structures de commande. Les émissaires d’Haftar contactaient des commandants de milices à l’Ouest pour conclure des accords qui permettraient à Haftar de prendre pied à Tripoli. Un nombre croissant de commandants me disait être prêt à accepter Haftar si ce dernier se soumettait au contrôle des autorités civiles.</p>
<h2>L’argent, nerf de la guerre en Libye ? Pas que…</h2>
<p>Tel était le contexte à l’aune duquel les diplomates occidentaux, et Haftar lui-même, mesuraient ses chances de succès d’une prise de Tripoli. Le plan tablait sur des divisions entre les groupes armés de l’ouest de la Libye, et sur l’opportunisme dont avaient fait preuve les milices à Tripoli au cours des trois dernières années.</p>
<p>Les conflits en Libye étaient alors analysés quasi exclusivement à travers le prisme de l’<a href="https://www.chathamhouse.org/sites/default/files/publications/research/2018-04-12-libyas-war-economy-eaton-final.pdf">économie de guerre</a>, et ses acteurs étaient vus comme mus uniquement par un désir de <a href="https://www.apnews.com/6f1d2bc622eb400aa2ecf242938eaef8">maximisation de profits</a>. En conséquence, dans les chancelleries et les gouvernements, on ne prenait souvent pas au sérieux les <a href="https://www.swp-berlin.org/fileadmin/contents/products/comments/2019C08_lac.pdf">avertissements</a> sur le fait que des groupes armés profondément ancrés dans des communautés locales ne céderaient pas le pouvoir si facilement à un dictateur militaire. On arguait de la lassitude de ces communautés face à la guerre et des nombreuses façons d’acheter les chefs de milice.</p>
<p>Or, contrairement à ces prévisions, l’offensive d’Haftar sur Tripoli a uni les factions rivales à l’ouest de la Libye et entraîné la plus grande mobilisation de forces vue depuis 2011. Certaines des milices en présence défendent peut-être leur fief, et un petit nombre d’extrémistes profite aussi de la situation pour se réinsérer dans les conflits. Mais la grande majorité de ces groupes a répondu à des appels collectifs aux armes en réponse à une menace sévère et existentielle.</p>
<p>Ces groupes sont principalement composés de civils et ils ne disposent pas de structures de commande centralisées. Leur mobilisation, la préparation des véhicules et de l’équipement et leur déploiement ont pris du temps. Mais une fois acquise, cette mobilisation a fondamentalement transformé l’équilibre des forces tel qu’on pouvait l’observer avant la guerre et qui a fait penser à Haftar qu’une prise de Tripoli par son camp était possible.</p>
<p>Un seul objectif unit ces groupes : chasser les troupes d’Haftar de l’ouest de la Libye et les repousser au-delà des positions qu’elles occupaient avant l’offensive afin qu’elles ne puissent plus jamais menacer Tripoli.</p>
<p>Il ne s’agit pas de nier qu’il existe des intérêts matériels. Les butins de guerre sont une motivation certaine pour les combattants, et d’imaginer ce à quoi pourraient servir les armes dérobées aux troupes de Haftar fait froid dans le dos.</p>
<p>Car quand la bataille sera terminée, les vainqueurs voudront récolter les fruits de leur victoire – au niveau politique comme financier. Le bloc uni formé actuellement contre Haftar se dissoudra et les rivalités apparaîtront, les différents groupes se disputant leur part du gâteau. Et ceux qui sont écœurés par les luttes pour l’accaparement de la manne pétrolière libyenne rentreront, une fois de plus, chez eux.</p>
<hr>
<p><em>La version en anglais de cet article a été publié par le site <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2019/04/10/think-libyas-warring-factions-are-only-it-money-think-again/?utm_term=.7d2ba4e4c103">Monkey Cage</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wolfram Lacher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi Khalifa Haftar et les gouvernements occidentaux se sont trompés sur la réaction que la tentative de prise de Tripoli allait susciter dans l’ouest du pays.Wolfram Lacher, Politologue, chercheur à l’Institut allemand des Affaires internationales et de Sécurité, German Institute for International and Security AffairsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/591412016-05-16T20:34:32Z2016-05-16T20:34:32ZCrise des réfugiés : le leurre d’un accord avec la Libye<p>Depuis l’<a href="https://theconversation.com/echange-demandeurs-dasile-contre-refugies-57402">accord UE-Turquie</a> sur le renvoi des réfugiés, l’attention européenne se tourne vers la Libye. La fin de l’hiver a signé la reprise des traversées à partir de ce pays, faisant déjà plusieurs centaines de victimes au cours des dernières semaines. En avril, la Chancelière allemande Angela Merkel a <a href="http://www.lepoint.fr/monde/angela-merkel-appelle-l-europe-a-defendre-ses-frontieres-05-05-2016-2037284_24.php">émis l’idée d’une collaboration</a> de l’Union européenne avec la Libye qui aboutirait à un accord semblable à celui conclu avec la Turquie. <a href="https://www.yeclo.com/2016/04/13/une-conf%C3%A9rence-de-soutien-%C3%A0-la-libye-en-mai-en-italie-conseil-pr%C3%A9sidentiel/">Ahmed Maitig</a>, membre du Conseil présidentiel établi en décembre 2015, déclarait récemment à Rome que son gouvernement serait prêt à adhérer à un tel accord.</p>
<p>La proposition de Maitig, qui a aussitôt suscité l’indignation en Libye, ne représentait manifestement pas la position du Conseil présidentiel. Quoi qu’il en soit, les gouvernements européens feraient bien de l’ignorer. Renvoyer des migrants et des réfugiés dans un pays en proie à la guerre civile serait inadmissible.</p>
<p>Il ne peut, de toute manière, être question de reproduire l’accord UE-Turquie avec <a href="http://orientxxi.info/magazine/libye-quand-la-guerre-contre-le-terrorisme-empeche-la-reconciliation-nationale,1316,1316">l'État failli</a> qu’est la Libye. En admettant qu’il survive, le nouveau gouvernement d’union nationale sera très loin de pouvoir contrôler les frontières du pays. On ne peut pas davantage compter sur lui pour améliorer les <a href="https://www.amnesty.org/download/Documents/MDE1915782015ENGLISH.pdf">conditions catastrophiques</a> qui prévalent dans les centres de détention pour migrants irréguliers, ces derniers échappant dans une large mesure à toute supervision étatique et étant pour certains sous le contrôle de milices.</p>
<h2>Marionnette de l’Occident</h2>
<p>Mais d’autres formes de coopération avec la Libye sur les réfugiés et les migrations sont également à déconseiller. <a href="http://www.lepoint.fr/monde/libye-le-drian-annonce-une-aide-a-la-securite-maritime-26-04-2016-2034990_24.php">Certains États membres plaident en faveur</a> d’une extension de l’<a href="http://www.eeas.europa.eu/csdp/missions-and-operations/eunavfor-med/pdf/factsheet_eunavfor_med_fr.pdf">opération navale Sophia</a> aux eaux territoriales, voire au territoire libyen. Mais une telle extension nécessiterait l’accord du gouvernement d’union, qui fait toujours défaut – et c’est tant mieux. La priorité devrait plutôt être au rétablissement de l’autorité étatique en Libye.</p>
<p>Le gouvernement est d’ores et déjà en très mauvaise posture, étant perçu par nombre de Libyens comme une marionnette de l’Occident. Une perception qu’il devra combattre. La présence de navires de guerre européens dans les eaux territoriales libyennes – sans parler de celle de soldats européens sur le sol libyen – compromettraient sérieusement la crédibilité du gouvernement.</p>
<h2>Les priorités du gouvernement libyen</h2>
<p>La quête de partenaires dans la gestion de la crise des réfugiés explique, en partie, les pressions exercées par les pays européens sur les parties au conflit pour obtenir le plus rapidement possible un accord sur un gouvernement d’union, au détriment de sa solidité. Mais – il faut le souligner – la maîtrise des flux migratoires ne figurera pas parmi les priorités de ce gouvernement.</p>
<p>Celui-ci est établi sur un accord fragile, et <a href="http://orientxxi.info/magazine/libye-quand-la-guerre-contre-le-terrorisme-empeche-la-reconciliation-nationale,1316,1316">sa marge de manœuvre est très étroite</a>. Il ne dispose aucunement de forces de sécurité gouvernementales loyales, et doit tout d’abord prendre le contrôle d’un appareil administratif divisé et en partielle décomposition. Si tant est qu’il ne succombe pas à des rivalités internes, ce gouvernement devra mettre en œuvre toutes les ressources dont il dispose pour essayer de contrer ses adversaires politiques et militaires, et pour empêcher l’effondrement économique du pays.</p>
<p>En revanche, les flux de migrants et de réfugiés ne constituent pas une menace pour le gouvernement. Il est peu probable qu’il choisisse de s’en prendre aux bandes de passeurs, afin d’éviter une source supplémentaire de problèmes. Dès lors, toute tentative d’amener le gouvernement à agir dans le domaine de la migration, à travers des pressions européennes ou des perspectives d’assistance, est vouée à l’échec et ne servirait en rien l’objectif de soutien du gouvernement dans sa tâche difficile.</p>
<h2>Fragmentation extrême</h2>
<p>Étant donné la faiblesse du pouvoir central, il serait possible d’envisager une collaboration directe avec des acteurs locaux afin d’empêcher les périlleuses traversées de la Méditerranée. On peut citer en exemple les unités de garde-côtes et d’autres forces de sécurité qui agissent, dans une large mesure, de manière autonome du fait de l’effondrement de l’État. D’ailleurs, elles profitent souvent elles-mêmes du business des migrants et des réfugiés.</p>
<p>La Libye d’aujourd’hui est marquée par une fragmentation extrême, et les rapports de forces sont instables même au niveau local. Toute entente avec des acteurs locaux ne saurait être que temporaire, et pour chaque route bloquée, deux nouvelles routes sont susceptibles de s’ouvrir. En outre, la mise en place d’une coopération directe des Européens avec des unités locales en Libye pourrait même finir par entraver les tentatives du gouvernement visant à resserrer les chaînes de commandement.</p>
<p>En définitive, la seule manière réaliste de lutter contre les abus et la corruption est de rétablir progressivement l’autorité de l’État – une perspective qui n’est réaliste qu’à moyen terme.</p>
<h2>Une approche policière plutôt que militaire</h2>
<p>Ne rien faire n’est pas une option, vu les milliers de victimes que l’on déplore parmi tous ceux qui ont tenté de traverser la Méditerranée à partir de la Libye depuis 2014. Mais les solutions doivent être cherchées ailleurs qu’en Libye, à moins d’un changement majeur dans ce pays.</p>
<p>En Méditerranée, l’Europe doit investir beaucoup plus dans le secours maritime, tout en développant davantage les <em>hot spots</em> sur le territoire italien pour l’enregistrement, et en assurant un rapatriement plus rapide de migrants qui ne remplissent pas les conditions d’obtention du droit d’asile. Les structures d’accueil doivent être améliorées le long des routes migratoires, notamment dans les pays voisins des États en crise, comme la Somalie ou l’Érythrée.</p>
<p>L’approche militaire, qui entraînerait des dommages politiques en Libye, devrait faire place à une attention accrue au travail policier afin d’arrêter les chefs des réseaux de passeurs libyens pendant leurs séjours dans des pays voisins. Enfin, les chemins d’accès légaux doivent être élargis pour les migrants et les demandeurs d’asile – ce qui permettrait de réduire le nombre de ceux qui sont prêts à risquer leur vie dans la traversée vers l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wolfram Lacher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’UE serait bien avisée d’abandonner les propositions actuelles de coopération avec la Libye visant à enrayer les flux migratoires. Le renvoi des migrants dans un pays en guerre serait inadmissible.Wolfram Lacher, Politologue, chercheur à l’Institut allemand des Affaires internationales et de Sécurité, German Institute for International and Security AffairsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.