tag:theconversation.com,2011:/institutions/istec-3054/articlesISTEC2018-05-06T20:10:50Ztag:theconversation.com,2011:article/958972018-05-06T20:10:50Z2018-05-06T20:10:50ZÊtre jeune chercheur·e en gestion aujourd’hui : la résilience hip-hop<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/217662/original/file-20180503-83693-1unhgbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1914%2C1115&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hip-hop !</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/hip-hop-danse-cool-style-motion-3256398/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Des articles récents s’intéressent à l’évolution de la recherche en gestion et la montée <a href="https://bit.ly/2HMOnr2">d’une course à la publication</a>. Certains pointent les effets de tels changements sur les doctorant·e·s qui n’exprimeraient plus assez leur liberté, leurs passions et leur curiosité. La voix des doctorant·e·s et jeunes chercheur·e·s, premier·e·s concerné·e·s, manque au débat. Ainsi, si ces discussions sont nécessaires pour notre discipline, nous ne nous reconnaissons pas dans la <a href="https://bit.ly/2I0tOYR">description qui est faite des doctorant·e·s actuel·le·s</a>.</p>
<p>Nous avons conscience d’être de jeunes académiques moins exposé·e·s à la précarité car issu·e·s d’une grande école de commerce française, et en cela notre parole n’engage pas tou·te·s les doctorant·e·s. Néanmoins, notre point de vue pourrait apporter des éléments supplémentaires sur ce qu’est le travail et la vie de doctorant·e en sciences de gestion (au sens large, nous représentons ici plusieurs disciplines) aujourd’hui.</p>
<p>Ainsi, à travers cet article, nous souhaitons évoquer notre quotidien, le sel et le goût de la vie des jeunes académiques, leur résistance silencieuse et leur engagement à faire œuvre de créativité, malgré les doutes, les peurs et les angoisses, dans un contexte social et institutionnel qui impose de nouvelles règles, pressions et de nouveaux indicateurs.</p>
<h2>Défendre une vision commune de la recherche</h2>
<p>Se poser la question du sens de notre métier nous paraît essentiel : pourquoi avons-nous choisi de faire ce métier ? Qu’est-ce que cela signifie d’être enseignant·e-chercheur·e en gestion aujourd’hui ? Nous partageons certains constats faits par nos aîné·e·s : nous allons vers une recherche aseptisée, très « orientée publication », qui pourrait entraver la pensée complexe, le goût du risque et l’immersion de long terme sur le terrain.</p>
<p>Soumis·es à ces normes, les jeunes chercheur·e·s semblent parfois s’empêcher de penser en dehors du cadre. Il faut donc les encourager à s’ouvrir aux autres, à prendre le temps de s’étonner, à débattre, bref à profiter de cette période unique qu’offre le doctorat pour se créer une identité propre de chercheur·e et d’enseignant·e.</p>
<p>Certain·e·s chercheur·e·s plus expérimenté·e·s avancent que la course à la publication et les pressions associées seraient intériorisées par les doctorant·e·s qui se fermeraient au monde et abandonneraient tout esprit de camaraderie pour se soumettre à ces normes dans la crainte imaginaire de ne pas être en mesure de trouver un poste dans le milieu académique féroce. La généralisation de ce propos fait des doctorant·e·s les premier·e·s responsables de leur situation. À travers le récit de notre expérience de la vie doctorale et de jeunes académiques, nous souhaitons témoigner d’une autre réalité doctorale et postdoctorale.</p>
<h2>Une pression systémique réelle</h2>
<p>Il serait réducteur de dire que la pression des doctorant·e·s est uniquement auto-infligée et il nous semble important de ne pas sous-estimer les effets concrets d’un système de plus en plus violent envers les jeunes chercheur·e·s non titularisé·e·s.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217577/original/file-20180503-138586-bnscrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Doc-solitude.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/4304386471/bc0f9f89c0/">Tico/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La néo-libéralisation de l’éducation supérieure, particulièrement en sciences de gestion, n’est pas le fruit de notre imagination mais bien un phénomène largement documenté par les académiques eux-mêmes sous l’idée d’un <em>jeu</em> de la publication, imposé par un capitalisme académique (<a href="https://bit.ly/2wdttQw">Jessop, 2018</a>), et qui pousse à l’auto-contrôle par effet panoptique (<a href="https://bit.ly/2FEN7UV">Prasad, 2013</a>).</p>
<p>Si cette néolibéralisation touche prioritairement les pays anglo-saxons, la France n’en reste pas épargnée. L’injonction à la publication dans des revues européennes et américaines de premier rang est manifeste. Lors des entretiens de recrutement, les professeur·e·s en font l’objet central de la discussion.</p>
<p>En parallèle, les programmes doctoraux ont des moyens de plus en plus réduits et s’adaptent à cette pression ambiante : pressés par des indicateurs qui jugent la qualité d’un programme doctoral par sa capacité à faire soutenir ses thésard·e·s en trois ans, les programmes doctoraux poussent de plus en plus leurs jeunes chercheur·e·s vers des formats de thèse les plus courts possibles.</p>
<h2>Postdoc, tenure, CDD : le langage de la précarité des jeunes académiques</h2>
<p>La précarité des doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s est également indéniable. Et encore, les doctorant·e·s sont mieux loti·e·s en sciences de gestion qu’en sciences physiques ou en sociologie. On pourrait dire qu’il ne faut <em>que</em> cinq ans à un·e jeune docteur·e pour trouver un emploi stable. Mais cinq ans de précarité après quatre ans de précarité doctorale, cela fait tout de même neuf ans de précarité au total… cela à un âge où certain·e·s d’entre nous souhaitent peut-être s’installer et/ou avoir des enfants, sans parler des sacrifices de ceux et celles d’entre nous en reconversion.</p>
<p>Nous pouvons qualifier notre situation de « précaires privilégié·e·s ». Nous avons la chance de pouvoir partir faire un postdoc à l’autre bout de la Terre en nous déracinant, en nous coupant de nos proches et en mettant notre couple en danger parce que les grandes écoles de commerce françaises ne souhaitent embaucher que des profils « internationaux » (comme elles aiment tant dire) avec deux articles de rangs A publiés.</p>
<p>Si certain·e·s semblent dire que c’était déjà comme cela avant, d’autres au contraire font souvent le récit d’un poste trouvé avant la fin de la thèse, il y a 10, 20 ou encore 30 ans. D’autres encore n’hésitent pas à nous dire qu’ils ne se recruteraient pas eux-mêmes aujourd’hui ! Sur ce point, nous nous disons également que, finalement, « c’était mieux avant » !</p>
<p>Alors, sommes-nous là par hasard ? Ne sommes-nous que des premier·e·s de la classe qui auraient oublié de se demander : est-ce que je souhaite réellement faire cela ? Qu’est-ce qui m’anime dans ce métier ? Démarrer une thèse en gestion plutôt que de trouver un emploi dans une banque ou dans un cabinet de conseil, c’est faire le choix de baisser son salaire, c’est faire le choix de l’incertitude, c’est faire le choix de la vulnérabilité. C’est aussi – et surtout – faire le choix de la passion, de l’excitation, de la pensée, de l’engagement, de l’amusement, de l’exploration, de l’aventure !</p>
<p>Pour plusieurs d’entre nous, c’était tout sauf le choix évident. Au contraire, la continuité aurait été de faire comme 99 % de nos camarades de promotion et de poursuivre nous aussi une carrière en entreprise. Il ne faudrait pas minimiser les difficultés rencontrées par les doctorant·e·s ou présenter leurs problèmes comme imaginaires au risque d’accentuer les difficultés et risques psychosociaux qui pèsent déjà sur certain·e·s d’entre eux.</p>
<p>Nous reconnaissons plutôt que tous ces éléments peuvent avoir des conséquences néfastes sur les doctorant·e·s. On peut effectivement s’inquiéter de voir les jeunes académiques transformé·e·s en machines préoccupées uniquement par la publication académique.</p>
<h2>Après le rock’n’roll, place au hip-hop ?</h2>
<p>Face à ce constat, comment décrire la vie de doctorant·e ou jeune chercheur·e en sciences de gestion ? Une vision individualiste et déshumanisée des jeunes académiques ne nous semble pas décrire notre situation, certes loin d’être universelle. Au contraire, notre quotidien nous évoque curiosité et collectif.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217576/original/file-20180503-153891-ysk2l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résilience hip hop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/prefvotuporanga/16499216837/in/photolist-r8YNkP-bGALQe-6G8kN7-6caotB-ohu7Qk-mjHaN1-5ChvCv-kAhjTh-cTpAsA-nZZGtQ-bXs9sE-eLMb3-m4o82Y-m2YF9Z-qeKNpt-9SArPw-9Sxr1a-9SADTE-9SAg71-ojfguP-r8YLsv-f5iFp9-5CmVGL-9BWmYh-e9jUJh-5CmUnu-6G8kZs-btFZCm-nZZFDK-7NbMHG-mjFCG4-Kiz1V-ehNEp6-nZZJ5M-bGiRqc-f53fMZ-5Cn2zN-budCWu-f5h4To-bGiRa2-btFYeh-bH6LDe-m4nj3N-f5gWhY-btG1eW-btFYQL-5CmZnQ-5CinPH-VjdYqz-8Fi4ot">ASCOM Prefeitura de Votup/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En ce sens, le hip-hop nous semble bien mieux décrire notre réalité que le rock. <a href="https://bit.ly/2FqeLJX">Le hip-hop</a>, c’est la musique comme moyen d’exprimer les injustices vécues par une partie de la population, mais c’est aussi un art musical repris pour exprimer la joie de vivre dans un quotidien, aussi hostile soit-il. Conscients que nous ne sommes <em>pas né·e·s sous la même étoile</em>, nous ne restons pas prostré·e·s dans l’auto-lamentation mais cherchons plutôt à créer des espaces de liberté pour pouvoir continuer à faire preuve de ténacité et à <em>danser le Mia</em> (sans oublier de payer notre loyer).</p>
<p>Si nous avons eu vent de parcours doctoraux solitaires, souvent subis, ce n’est et ne fut pas notre cas, et pour cela nous nous estimons chanceux/ses. Pour nous, le collectif a une place prépondérante dans notre réussite, bien au-delà des moments de rire et de partages évidents. Du fait des pressions actuelles, le collectif s’avère plus nécessaire que jamais !</p>
<p>Notre collectif a constitué et constitue toujours un espace de résistance infiniment vital durant ces années de thèse. Il est aisé pour nous de nous en souvenir, tant ces discussions étaient vives, parfois sur le ton de l’humour, de l’ironie, du débat, de la taquinerie : autour de nos objets de recherche qui nous passionnent, de nos étudiant·e·s, du monde académique, du sens de la recherche, de notre mission pédagogique, des meilleures recettes d’apéros ou de desserts, toujours avec la parole, la foi, la pensée et le cœur exalté·e·s.</p>
<p>Toutes ces discussions nous permettent de faire évoluer notre pensée, de l’amener à maturité, de la déconstruire, de la retricoter, de la nourrir des idées des autres, si bien que nous avons tou·te·s joué un rôle important dans les thèses des un·e·s et des autres, et dans la construction collective de notre identité de chercheur·e et d’enseignant·e. Si l’adversité fait partie de notre quotidien, et cela sous toutes ses formes – rejet d’un article, reviews peu tendres, employabilité réduite –, nous étions tou·te·s concerné·e·s par les défaites et les réussites de nos camarades.</p>
<p>Nous avons toujours pris le temps de mélanger nos expertises naissantes, nos méthodologies si différentes, nos anecdotes disciplinaires, afin d’apporter du soutien à un·e camarade doctorant·e. Nous avons illuminé des sujets de nos approches parallèles, et nous nous sommes écharpé en parlant épistémologie (et aussi politique !). Nous avons répété des soutenances, relu des mails, et partagé de longues soirées devant l’écran.</p>
<p>Nous n’avons jamais hésité à prendre deux heures de pause pour <em>débriefer</em> le cours fraîchement donné par l’un d’entre nous et encore moins à aller tou·te·s prendre une bière pour fêter un texte déposé sur la plateforme d’une revue académique. Ce sont ces blagues plus diffuses, telle cette parodie de Martine ne finissant (jamais) sa thèse, trônant dans notre salle de travail, qui créent une atmosphère singulière et un esprit de groupe. Un groupe qui continue par la suite d’exister en dehors du lieu de travail dans les crêperies et les bars des alentours dès qu’une occasion se présente de fêter un événement quelconque.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217561/original/file-20180503-153891-1ci9jpy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Martine rédige sa thèse et la finit (peut-être) en 2015 (ou en 2016, ou plus tard).</span>
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<h2>Nul besoin de <em>docto-bashing</em>, mais de soutien</h2>
<p>Selon nous, négliger les effets concrets d’un système de pressions engendrant la précarisation des doctorant·e·s et l’accentuation de l’incertitude sur leur avenir, c’est prendre le risque d’un <em>docto-bashing</em> gratuit au moment où nous avons le plus besoin de soutien et non de mépris. C’est également pointer les jeunes académiques comme (presque) uniques responsables de leur situation : ils et elles n’auraient pas compris que ce n’est pas le marché de l’emploi qui se crispe, mais uniquement leur imagination.</p>
<p>Malgré un environnement de plus en plus difficile et compétitif, nous sommes capables de faire un pas de côté, de rendre compte de notre rapport au monde et, plus particulièrement, au monde de la recherche en gestion, notamment en écrivant et en pensant collectivement.</p>
<p>Ce texte se veut donc être une trace modeste de notre expérience de jeunes académiques où, face à de nouveaux défis et de nouvelles normes produites par nos aîné·e·s, nous puisons notre énergie des expériences académiques propres à notre génération, très certainement aux antipodes de l’insouciance du rock and roll et des années yéyé.</p>
<p>Voici la réponse d’une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs qui ne souhaitent pas se résigner, mais défendre, s’engager et contribuer, autant que possible, à la beauté et l’utilité de leur métier.</p>
<p>Pour ne pas conclure, attaché·e·s à la tradition académique et scientifique, nous imaginons (peut être en utopistes !) la poursuite de ce débat, critique et constructif, avec tou·te·s ceux et celles qui seraient intéressé·e·s à l’idée d’enrichir cette réflexion autour d’un verre, d’une guitare ou encore d’un bon gros hip-hop !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Témoignage de doctorants en sciences de gestion sur leur quotidien, leurs aspirations et les obstacles qu’ils doivent surmonter.Nora Meziani, Postdoc, HEC MontréalAlban Ouahab, Doctorant en Sciences de Gestion, ESCP Business SchoolArthur Petit-Romec, Professeur Assistant de Finance, SKEMA Business SchoolCaroline Rieu Plichon, Doctorante en Management, ESCP Business SchoolEmmanuelle Garbe, Enseignant-chercheur en management et GRH, ISTECPénélope Van den Bussche, Doctorante en Sciences de Gestion, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/846132017-10-04T21:06:55Z2017-10-04T21:06:55ZLe collège universitaire : dépoussiérer une vieille idée pour inspirer l’université de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188166/original/file-20170929-21594-u4q12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campus de Toronto : le college.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/156381/">Visual Hunt</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 septembre dernier, une <a href="http://bit.ly/2xQagnb">fuite relayée par EducPros</a> révélait que l’Université Paris-Saclay pourrait être divisée en deux entités : « Cette dernière deviendrait une université de recherche avec masters et doctorats, laissant des formations bac+2 et bac+3 à un « collège universitaire » autonome ». L’article donne peu de précisions sur ce collège, si ce n’est son objectif affiché de professionnalisation, mais il semblerait que l’idée suscite de forts débats.</p>
<p>Il ne serait pas passionnant ici de disserter sur un projet dont on ne sait pas grand-chose. Une chose est surprenante cependant, l’emploi d’une expression relativement rare dans la nomenclature universitaire française : le collège. En effet, c’est plutôt une institution connue et centrale en Angleterre et aux États-Unis. Si l’on va vers ce modèle, ne faut-il pas revenir sur ses origines, son histoire et son fonctionnement ?</p>
<p>Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’idéaliser la manière dont s’organise et fonctionne le système d’enseignement supérieur anglo-saxon, mais de chercher à en comprendre les principes et objectifs pour éventuellement s’en inspirer. Je ne prêche donc pas pour une réplication rigide de ces formes étrangères sur notre modèle français, ce serait idiot. Mais ne pas s’y intéresser en ces temps de réformes (nécessaires, mais souvent démunies de vision) serait tout aussi problématique…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188169/original/file-20170929-13542-1eckjsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le collège de l’université du Missouri à Columbia et ses colonnes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo/Visual Hunt</span></span>
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<h2>Collège, racine et histoire d’une idée</h2>
<p>Le mot collège vient du latin <em>collegium</em> qui renvoie à l’idée d’une association, d’un ensemble de personnes ou d’un corps social. On retrouvera ce sens au Moyen-Âge pendant lequel le terme collège sert à désigner des confréries religieuses ou des corporations professionnelles. Au sens large, on peut donc y voir un collectif, une collectivité, voire une communauté d’individus possédant une caractéristique ou un trait qui les regroupe.</p>
<p>Mais le mot renvoie aussi à un mode de fonctionnement : la collégialité. Il s’agit alors de postuler l’égalité entre les membres, ce qui impose des logiques de délibération et potentiellement de vote. Dans un fonctionnement collégial, le pouvoir se doit d’être ouvert et non concentré entre les mains de quelques-uns. Pour autant, une personne peut « mener » le groupe pour des raisons pratiques, on parlera alors du <em>primus inter pares</em>, le premier d’entre ses pairs : Proviseur, Principal, Doyen, Prévôt, etc. L’inspiration est ici religieuse, et plus particulièrement chrétienne. Comme on le retrouve dans la Constitution dogmatique sur l’Eglise <em>Lumen Gentium</em> : Jésus-Christ donne aux apôtres « la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux » (L’institution des Douze, §19).</p>
<p>Au-delà des organisations religieuses, c’est au Moyen-Âge que le collège deviendra aussi une institution pédagogique. Il est alors principalement une œuvre caritative permettant aux étudiants les plus pauvres de pouvoir être logés et soutenus financièrement en parallèle de leurs études universitaires.</p>
<p>Si des enseignements complémentaires y sont délivrés, il est d’abord un lieu de vie et d’assistance. On les voit apparaître d’abord en France autour du XII<sup>e</sup> siècle avant de se développer rapidement dans le reste de l’Europe, principalement dans les villes universitaires évidemment (Paris, Oxford, Bologne, Cambridge, Toulouse).</p>
<p>En France, ils garderont pour la plupart cette dimension caritative et complémentaire répondant aux besoins d’étudiants pauvres, même si les enseignements vont peu à peu s’y développer et qu’ils s’ouvriront pour certains à des étudiants extérieurs. On y trouve alors des répétiteurs complétant les cours universitaires, mais aussi des maîtres qui délivrent leurs propres enseignements.</p>
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<span class="caption">Robert de Sorbon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_de_Sorbon#/media/File:Robert_de_Sorbon.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>Ce fut par exemple le cas pour le collège fondé par Robert de Sorbon durant la décennie 1250 dans le Quartier Latin à Paris et dont la bibliothèque était jalousée par tous les autres (Jacques Verger, <a href="https://francearchives.fr/commemo/recueil-2007/39909">La fondation du Collège de Sorbonne</a>).</p>
<p>Mais c’est probablement en Angleterre, et plus particulièrement à Oxford, que le « collège » trouve sa forme pédagogique la plus aboutie.</p>
<h2>Le <em>college</em>, unité historique et organisationnelle de l’Université d’Oxford</h2>
<p>Oxford, en tant qu’institution d’enseignement supérieur, émerge au XI<sup>e</sup> siècle de l’organisation d’une vie intellectuelle et académique locale autour de savants en théologie et d’historiens que l’on venait consulter et écouter. Même si les théories et récits diffèrent, il est aujourd’hui clair que l’institution se structure dès le XIII<sup>e</sup> siècle sur deux piliers : les départements de l’Université d’un côté, et les <em>colleges</em> de l’autre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188171/original/file-20170929-18267-cq4b6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Oxford, Angleterre : Keble College.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/14961856100/50745872be/">Superdove/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comme l’annonce l’<a href="https://www.ox.ac.uk/about/organisation?wssl=1">Université d’Oxford</a>, « Les 38 collèges sont des institutions aux gouvernances et financements indépendants (qui) sélectionnent et admettent les étudiants de premier cycle (<em>undergraduate</em>) […] offrent le logement, les repas, les espaces communs, les bibliothèques, les équipements sportifs et sociaux et un soin pastoral à leurs étudiants ». Plus loin, on découvre que « le système des collèges est au cœur du succès de l’Université, permettant aux étudiants et aux professeurs de bénéficier d’une appartenance à une institution importante et internationalement reconnue, et à une communauté académique restreinte et interdisciplinaire ».</p>
<p>Les <em>colleges</em> d’Oxford (et de Cambridge) sont avant tout des lieux de vie intellectuelle pour leurs étudiants – à l’origine on y venait faire une retraite pour apprendre. Ils y dorment, mangent, apprennent et se divertissent au sein d’une communauté, ouverte certes mais première et centrale. Les <em>fellows</em> qui y enseignent s’y considèrent comme leurs membres responsables de l’élévation intellectuelle de leurs étudiants, laissant aux départements le soin de leur formation disciplinaire. La logique est celle d’une <em>liberal arts education</em>, c’est-à-dire l’acquisition d’une culture générale et pluridisciplinaire, et ce quelle que soit la spécialité choisie par l’étudiant.</p>
<p>Cet apprentissage se fait en tutorats, le fameux dispositif pédagogique qui fait la fierté d’Oxford depuis sa fondation, basé sur des interactions directes avec les <em>fellows</em>, en tous petits groupes (en général seul ou à deux, parfois à trois) et préparés par des essais obligeant les étudiants à se positionner sur les sujets (Cosgrove, 2011, <a href="http://bit.ly/2yxw7wz"><em>Critical Thinking in the Oxford tutorial</em></a>).</p>
<p>Le collège universitaire pourrait alors être cette communauté d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs, qui par leurs coexistence, interactions et collaborations sur un lieu partagé et ouvert (du latin <em>campus</em> « large espace, place ») s’enrichiraient intellectuellement et mutuellement. Par contre, dans le modèle d’Oxford, l’enseignement n’y est alors pas spécialisé, mais par définition sur la base des arts libéraux : <strong>transdisciplinaire et généraliste</strong>.</p>
<p>Ce modèle s’est diffusé un peu partout en Angleterre (Cambridge et Durham par exemple) mais peine à survivre à la massification de l’enseignement supérieur britannique (pour plus de détails, voir l’excellent <a href="http://bit.ly/2hAMSnk"><em>The Oxford Tutorial</em></a>). Il a auparavant influencé de nombreuses institutions, et surtout inspiré les premiers colons américains dans leur fondation de l’Université d’Harvard, puis de l’ensemble du système d’enseignement supérieur des États-Unis.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188172/original/file-20170929-23041-bazi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Harvard College Medical School, plus tard Boston University.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5373039869/fe4ec38e18/">Boston Public Library/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Les <em>colleges</em> étasuniens</h2>
<p>Au XVII<sup>e</sup> siècle dans l’état de la Nouvelle-Angleterre, alors que les protestants fraîchement arrivés cherchent à structurer un établissement d’enseignement supérieur, ils se tournent naturellement vers le modèle britannique. Au-delà d’un « simple » lieu d’apprentissage, il s’agit pour eux de créer une institution qui vise à « développer l’homme dans sa totalité – son corps et son âme tout autant que son intellect » (Morison, <a href="http://bit.ly/2fWdxY6"><em>The Founding of Harvard College</em></a>).</p>
<p>Morison ira même plus moins :</p>
<blockquote>
<p>« L’apprentissage à l’université sans la vie d’un collège n’a aucun intérêt […] Apprendre dans les livres seulement peut se faire en classe et par la lecture ; mais c’est seulement en étudiant et en débattant, mangeant et buvant, jouant et priant en tant que membres de la même communauté collégiale, dans une association proche et constante les uns avec les autres et avec leurs tuteurs que le cadeau inestimable du caractère peut être transmis aux jeunes hommes. »</p>
</blockquote>
<p>Comme en Angleterre, il s’agit d’organiser, autour d’un apprentissage universitaire, <strong>une vie intellectuelle</strong> au sein d’une communauté.</p>
<p>Cette dernière permet au savoir formel de s’insérer dans « une tête bien faite », ou comme le formulent les américains, un caractère, au sens large de la personnalité et du sens moral (le <em>character</em>). Ainsi, Daniel C. Gilman, président de John Hopkins à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, considère que l’université ne devra jamais être « un simple lieu de progression du savoir et de son acquisition, mais devra toujours être un lieu de développement du caractère » (Laurence Versey, <a href="http://bit.ly/2xGNdZT"><em>Emergence of the American University</em></a>)</p>
<p>Au cœur de la pédagogie d’un <em>college</em> est l’idée d’un <strong>apprentissage latéral</strong>, entre les étudiants, au travers d’échanges structurés et enrichis par les enseignants, et avec les enseignants eux-mêmes qui, en partageant une partie de leur vie avec eux, ne peuvent plus être de simples et distantes figures d’autorité épistémique. Pas de spécialisation hâtive donc, on s’y confronte à « toutes les branches du savoir (qui sont) connectées ensemble » (Laurence Newman, <a href="http://www.cardinalnewmansociety.net/university.html"><em>The Idea of a University</em></a>)</p>
<p>L’idée du <em>college</em> américain est donc de compléter, ou plutôt d’encadrer, le savoir universitaire par un dispositif permettant aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui y vivent de structurer les esprits qui l’accueillent. Il faut donc considérer les enseignements techniques et autres formations professionnelles comme une sorte de seconde couche qui ne peut se déposer que si la première est saine. Il ne s’agit donc pas d’opposer – l’un serait nécessairement meilleur que l’autre – mais d’articuler – l’un ne peut aller sans l’autre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188175/original/file-20170929-22066-1w8d6c0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un des objectif du « collège » : favoriser la transmission entre étudiants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/12826654344/6575a94808/">KOMUnews/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et la France ?</h2>
<p>Comme le synthétise élégamment Andrew Delbanco dans son excellent <a href="http://bit.ly/2k8iqC7"><em>College, What It Was, Is and Should Be</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le collège américain a toujours été plus qu’un lieu de transmission d’informations ou de l’acquisition de compétences ; il a, dans ses beaux jours, aidé les jeunes à se préparer pour des vies pleines de sens et de vocation […] A une époque où la demande d’innovation n’a jamais été aussi forte, la plus grandes des innovations que nous pourrions faire est de retrouver ces valeurs fondamentales et de renouveler notre engagement envers elles. » (p. xiv)</p>
</blockquote>
<p>Est-ce dans cette direction que Paris-Saclay ou d’autres veulent aller ? Ce serait ambitieux, mais absolument nécessaire tant nos campus français manquent parfois de cette intense vie collective des <em>colleges</em> anglo-saxons.</p>
<p>L’enjeu est de taille car, comme le disait <a href="http://bit.ly/2yK3xsZ">Richard Riley</a>, ministre de l’Éducation sous Bill Clinton,</p>
<blockquote>
<p>« Nous préparons actuellement les étudiants à des postes qui n’existent pas encore, et à utiliser des technologie qui n’ont pas été inventées pour résoudre des problèmes dont nous ne savons pas encore qu’ils en sont ».</p>
</blockquote>
<p>Se concentrer uniquement sur des connaissances formelles et disciplinaires, ou sur les outils et techniques du moment, est dangereux et contre-productif. Il faut que nos étudiants soient capables d’appréhender les enjeux d’aujourd’hui pour préparer les réponses et techniques de demain.</p>
<p>Dans cette optique, le <em>college</em> américain cherche à articuler les enseignements techniques nécessaires à l’insertion professionnelle des étudiants, tout en les confrontant aux « grandes questions » des humanités, de la science et des arts. Encore une fois, il ne s’agit pas d’idéaliser l’université américaine telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, ou a fonctionné hier, mais d’en comprendre la logique et les intentions pour inspirer nos propres solutions, aujourd’hui et demain.</p>
<p>Une dernière chose que les étudiants peuvent acquérir par l’éducation libérale des <em>colleges</em> américains, et même la plus importante pour <a href="http://bit.ly/2xC7d1Z">Andrew Delbanco</a> : « un efficace détecteur à conneries (<em>bullshit</em>) ». Quoi ne plus nécessaire à l’heure du populisme, des faits alternatifs et du règne de ce qu’on appelle dorénavant le régime de la post-vérité ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoann Bazin est membre du think tank Different.</span></em></p>Le collège est une institution connue et centrale en Angleterre et aux États-Unis. Analyse de ce modèle au moment où l’on en parle pour le système français.Yoann Bazin, Enseignant chercheur en Sciences de gestion, ISTECLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/794622017-06-22T19:43:38Z2017-06-22T19:43:38ZDe l’impossible solidarité en milieu libéral<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174538/original/file-20170619-22096-15msqnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C1019%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vers de « nouvelles solidarités » ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/1421489128/f8defe3a4d/">Maxually/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="http://bit.ly/2iWQs9H">ouvrage</a> maladroitement intitulé <em>Révolution</em>, Emmanuel Macron, alors en campagne pour l’élection présidentielle, cherchait à exprimer sa position sur le difficile équilibre entre liberté – ou plutôt sa version macronienne de la libération – et la solidarité :</p>
<blockquote>
<p>« Je crois profondément à une société du choix, c’est-à-dire libérée des blocages de tous ordres, d’une organisation obsolète, et dans laquelle chacun pourrait décider de sa vie. Mais, sans solidarités, cette société tomberait dans la dislocation, l’exclusion, la violence – la liberté de choisir sa vie serait réservée aux plus forts, et non aux plus faibles » (p. 177).</p>
</blockquote>
<p>On sent bien dans cette vision une approche libérale qui, dès les pages suivantes, dénonce une égalité qui se fonderait sur l’uniformité et appelle l’État à devenir un</p>
<blockquote>
<p>« “investisseur social”, qui considère les individus non pas selon ce qu’ils sont, mais selon ce qu’ils peuvent devenir et apporter à la société ».</p>
</blockquote>
<p>On note au passage l’absence du terme <em>citoyen</em> et le registre lexical managérial qui font la marque de fabrique du nouveau président français : un libéralisme mâtiné d’entrepreneuriat.</p>
<h2>Retour sur le néo-libéralisme</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174542/original/file-20170619-22096-jcpdqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capitalism & freedom.</span>
</figcaption>
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<p>Le tournant néolibéral des années 1980 porté par Margaret Thatcher et Ronald Reagan compte d’innombrables sources dans la philosophie et les sciences politiques, mais à l’époque son manifeste le plus récent et le plus clair était l’ouvrage de Milton Friedman <a href="http://bit.ly/2ss6FqD"><em>Capitalisme et liberté</em></a> publié en 1962.</p>
<p>Il y dessinait une vision du monde et de la société qui deviendra plus une idéologie : le libéralisme (la traduction de l’anglais <em>liberalism</em> pose ici problème car il signifie en fait plutôt libertarianisme – le projet politique <a href="http://bit.ly/2rIKOOE">libertarien</a> – qu’on traduit parfois par ultra-libéral, et plus récemment, néo-libéral).</p>
<p>Friedman annonçait un monde qui ne devrait fonctionner qu’autour d’une seule et unique valeur : la liberté. Toute limite à la liberté (de penser, mais aussi d’agir, d’échanger et donc d’entreprendre) serait un pas inacceptable vers la tyrannie et le totalitarisme. D’où l’appellation de libertarien.</p>
<h2>Relire Milton Friedman</h2>
<p>Si Milton Friedman a été utilisé de manière abusive pour justifier de vastes programmes de privatisation (un bon libertarien dirait évidemment plutôt « libéralisation » puisque toute activité sociale non soumise aux lois du marché est par essence emprisonnée…) et défendre les pratiques de certaines multinationales, sa pensée est subtile et mérite d’être relue.</p>
<p>Dans sa perspective, la société n’existe pas, ou presque pas :</p>
<blockquote>
<p>« Pour l’homme libre, le pays est une collection d’individus qui le compose, pas quelque chose au-dessus ou au-delà de lui » (pp. 1-2).</p>
</blockquote>
<p>Il rêve d’une société réellement libertarienne qui</p>
<blockquote>
<p>« consisterait d’un ensemble de foyers indépendants, une collection de Robinson Crusoé en quelque sorte » (p. 13).</p>
</blockquote>
<p>Dans l’idéologie libérale, il n’y a pas de corps social, pas de culture au sens anthropologique du terme, et donc finalement, pas de société. Et cela a des conséquences lourdes…</p>
<h2>Et la solidarité ?</h2>
<p>La solidarité renvoie fondamentalement à un lien entre une unité et un ensemble auquel elle appartient. En effet, son étymologie latine, in solidum, une expression juridique signifiant <a href="http://cnrtl.fr/etymologie/solidaire">« pour le tout »</a>. On ne peut donc être solidaire que dans une adhésion à quelque chose auquel on appartient, à un <strong>corps social</strong>.</p>
<p>Ce dernier peut être local et circonscrit – une famille, un village, les employés d’une entreprise – ou vaste et ouvert – un pays, une profession, une classe sociale. En mécanique et en physique, être solidaire renvoie à l’idée d’être attaché, de bouger avec, de faire partie de quelque chose.</p>
<p>Nous ne pouvons être solidaires les uns des autres que dans la mesure où nous avons le sentiment de faire partie d’un collectif, voire d’une collectivité : faire bouger un individu, c’est devoir faire face au mouvement de tout le corps dont il est solidaire.</p>
<h2>Les corps sociaux</h2>
<p>Quand les corps sociaux sont institutionnalisés, la solidarité s’opère a priori, elle préexiste à l’individu. En naissant ou en rejoignant un collectif, on faisait alors spontanément et évidemment corps, sans nécessairement de contrat ou de démarche réflexive. D’où la puissance de l’idée de solidarité de classe dans la pensée marxiste.</p>
<p>La bourgeoisie, vue comme communauté hautement institutionnalisée et concentrée, ferait aisément preuve de solidarité, là où la classe des prolétaires, par nature plus étendue et diffuse, peinerait à faire corps. Là encore, la solidarité s’opère fondamentalement en s’articulant à la notion de corps, d’un solide auquel on se rattache.</p>
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<span class="caption">Zygmunt Bauman.</span>
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<p>Les travaux sur les mouvements sociaux <a href="http://bit.ly/2rvK8Yz">et la rébellion</a> ont montré l’importance du sentiment de corps sur la structure des réactions collectives. Ainsi, <a href="http://bit.ly/2tEQVQx">dans une étude publiée en 2012</a>, John T. Jost et ses collègues ont montré qu’un déficit d’identification au collectif (<em>in-group identification</em>) était corrélatif de contestations non perturbatrices (<em>nondisruptive protest</em>) lors d’un rejet d’une situation injuste. Sans sentiment de corps, la solidarité est mise à mal, et la contestation est affaiblie…</p>
<h2>De la liberté à la « société liquide »</h2>
<p><a href="http://bit.ly/2rI1Jkq">Dans sa critique de la modernité</a>, Zygmunt Bauman dénonce la perturbation de l’équilibre qui existait entre sécurité (physique et nationale, mais aussi sociale) et liberté qui est tombé dans une idéologie de la seconde au détriment de la première. Dans ce qu’il nomme la « société liquide », la seule et unique référence est l’individu (et sa liberté) et on assiste à une dévalorisation progressive des structures sociales collectivement et historiquement construites.</p>
<p>Le néo-libéralisme et la société de consommation placent chacun d’entre nous à ses choix individuels qui définissent son identité, renvoyant les idées de classe ou de société dans l’ombre, voire les détruisant. Bauman nous avertit que</p>
<blockquote>
<p>« le culte de l’éphémère et les projets à court terme favorisent le règne de la concurrence au détriment de la solidarité et transforment les citoyens en chasseurs ou, pis, en gibier. Ainsi, le présent liquide favorise l’émergence d’individus peureux, hantés par la <a href="http://bit.ly/2sscFzy">crainte de l’insécurité</a> ».</p>
</blockquote>
<h2>Nouvelles solidarités ?</h2>
<p>On pourra certes arguer que nous sommes simplement face à une évolution des formes de solidarité.</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas la fin de la solidarité, c’est au contraire le renouveau de la solidarité. » (Emmanuel Macron, « Révolution », p. 178).</p>
</blockquote>
<p>On peut aussi les étudier en détail. Mais elles sont, elles aussi, devenues liquides : plus localisées et plus concentrées, plus éphémères aussi. La dissolution des corps sociaux et l’apologie de l’individu et de sa liberté qui caractérisent la société libérale, et donc liquide, rendent la solidarité plus rare, plus précaire.</p>
<p>Certes, cela rend les réactions collectives plus belles et plus précieuses, mais ne nous laissons pas obnubiler par leur beauté au point d’oublier les évolutions du contexte dans lequel elles se déploient.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec la <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/ledition-de-luniversite-paris-saclay-4">revue L’Édition</a> de l’Université Paris-Saclay.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoann Bazin est membre du think tank Different. </span></em></p>Comment la logique libérale-libertarienne mène fondamentalement à la dissolution des solidarités. Retour sur les apports de Milton Friedman et de Zygmunt Bauman.Yoann Bazin, Enseignant chercheur en Sciences de gestion, ISTECLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.