tag:theconversation.com,2011:/institutions/universite-de-tours-2282/articlesUniversité de Tours2024-03-05T16:01:37Ztag:theconversation.com,2011:article/2239372024-03-05T16:01:37Z2024-03-05T16:01:37ZL’avenir des médias et de l’influence repose-t-il sur les newsletters ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579848/original/file-20240305-24-y5flwb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=81%2C90%2C5925%2C3917&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les newsletters, une stratégie payante pour les médias?</span> </figcaption></figure><p>Faites-vous partie des abonnés aux newsletters proposées par <a href="https://secure.lemonde.fr/newsletters"><em>Le Monde</em></a>, <a href="https://www.lesechos.fr/newsletters"><em>Les Echos</em></a>, ou <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/">The Conversation</a> ? Ces envois réguliers par mail – quotidiens, hebdomadaires ou mensuels – ne se limitent pas à une simple transmission périodique d’informations, mais correspondent à une stratégie de diffusion de l’information, dans un contexte où il est de plus en plus difficile de capter et de retenir l’attention.</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, les préférences des utilisateurs sont en constante évolution. Sursollicités, ils expriment une <a href="https://www.meta-media.fr/2022/06/17/reuters-digital-news-report-la-news-fatigue-sinstalle.html">forme de lassitude</a>. Au fil du temps, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-42412-1_15">l’attention</a> du public se fait de plus en plus rare et précieuse, en raison de la concurrence permanente des réseaux sociaux, qui contribuent à brouiller la frontière entre les journalistes et les influenceurs. Les algorithmes orchestrent les préférences et régulent l’accès aux articles produits par les médias et aux autres contenus. Dès lors, malgré un grand nombre d’abonnés à sa page Facebook ou de followers sur Instagram, aucun média ne peut s’assurer de la visibilité et de la lecture effective de ses articles, même lorsque les lecteurs ont manifesté de l’intérêt en « likant » la page.</p>
<h2>Le retour en force des newsletters</h2>
<p>Dans ce contexte, les nouvelles entreprises médiatiques exclusivement numériques (les pure players) ont <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/19312431211037681">compris l’intérêt des newsletters</a>, qui font un <a href="https://www.statista.com/statistics/812060/email-marketing-revenue-worldwide">retour</a> en force avec quelques améliorations par rapport à leurs versions précédentes des années 2000.</p>
<p><a href="https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/people/nic-newman">Selon Nic Newman</a>, auteur du rapport de 2024 de Reuters et de l’Université d’Oxford sur l’avenir et la consommation des médias, <a href="https://www.statista.com/forecasts/1143723/smartphone-users-in-the-world">l’essor croissant de l’usage des appareils mobiles</a> joue un rôle déterminant dans le regain de popularité des newsletters par e-mail. Au sein de cette enquête, 77 % des auteurs interrogés déclarent leur intention de renforcer leurs efforts dans le développement de liens directs avec les consommateurs à travers des sites web, des applications, des newsletters et des podcasts.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.statista.com/statistics/1376934/email-marketing-campaign-objectives/">enquête menée en 2023</a> auprès de spécialistes du marketing, l’envoi de newsletters est l’un des principaux usages des campagnes par e-mail, juste après la sensibilisation aux produits et les promotions.</p>
<p>Considérées comme un outil puissant par les médias qui les utilisent, les plates-formes qui permettent d’envoyer des newsletters comme Mailjet, Sarbacane, Brevo et Mailchimp offrent un moyen direct et efficace de communication avec les abonnés, permettant une large diffusion d’informations, fidélisation de l’audience et création d’une communauté. L’e-mail garantit une relation continue et permet d’afficher un bouton « répondre » ; il offre des opportunités qui contribuent à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/19312431211037681">réduire la distance entre l’auteur et le lecteur</a>.</p>
<p>La personnalisation, la fréquence d’envoi et la valeur ajoutée du contenu sont des éléments clés pour le succès d’une newsletter. Écrivains, journalistes et créateurs de contenu l’ont bien compris et utilisent beaucoup Substack, une application américaine.</p>
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<p>En France, il existe un équivalent : Kessel Media, une start-up créée en juin 2022 pour aider les créateurs de contenu à se développer et à générer des revenus. Sur cette application, les contributeurs restent propriétaires de leur newsletter et de leur liste d’abonnés, rejoignant une communauté d’auteurs prêts à échanger des conseils et à s’entraider.</p>
<p>Ces newsletters indépendantes sont rédigées par des individus qui se concentrent sur des niches spécifiques dont ils ont une expertise approfondie. Citons parmi les plus populaires Hugo Clément (« actualité écolo et culturelle »), Louise Aubery (influenceuse qui prône l’acceptation de soi) ou encore Rose Lamy (sexisme ordinaire dans les médias). Ils proposent des idées, des analyses et des commentaires ciblés qui arrivent directement dans la boîte de réception des abonnés, selon une fréquence régulière, généralement hebdomadaire ou mensuelle, et proposent différentes formules d’abonnement (payant, gratuit, ou mixte).</p>
<h2>Personnaliser son offre</h2>
<p>Les études montrent que les organisations médiatiques grand public, en <a href="https://www.digitalnewsreport.org/survey/2020/the-resurgence-and-importance-of-email-newsletters/">France et ailleurs,</a> ont réaffecté une part de leurs ressources vers la création de newsletters dans le but d’élargir leur base d’abonnés, de fidéliser leur audience actuelle et <a href="https://www.niemanlab.org/2016/11/there-are-at-least-eight-promising-business-models-for-email-newsletters/">d’incorporer davantage de personnalisation dans leurs offres numériques</a>.</p>
<p>Les médias ont compris l’importance de rester directement connectés à leurs lecteurs, à l’instar du <em>New York Times</em>. Côté lecteurs, il peut être difficile de trouver des informations fiables et des analyses pertinentes parmi la multitude d’informations disponibles. C’est pourquoi, pour favoriser ses abonnés, le journal américain a migré en 2021 des newsletters gratuites vers des contenus exclusivement réservés aux abonnés.</p>
<p>Toutefois, la newsletter <a href="https://www.nytimes.com/series/us-morning-briefing">« The Morning »</a>, très appréciée, reste gratuite, probablement pour continuer d’attirer de potentiels abonnés. Emboîtant le pas au <em>New York Times</em>, des auteurs de renom se tournent depuis 2021 vers des plates-formes de newsletter et les médias s’orientent vers un contenu plus axé sur le destinataire. En recevant des newsletters, les lecteurs n’ont plus besoin de consulter régulièrement un site web pour découvrir de nouveaux articles : les actualités leur parviennent directement dans leur boîte de réception. Les interactions entre auteurs et lecteurs dans le cadre des newsletters établissent alors des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/youtubeurs-podcasteurs-nos-relations-parasociales-avec-ces-amis-qui-nous-ignorent-5081620">relations parasociales</a>, créant une connexion directe et personnelle qui influe sur la nature et le contenu des newsletters.</p>
<p>D’après l’enquête menée par Reuters et l’Université d’Oxford, qui couvre 56 pays et territoires, dans un scénario optimiste, les producteurs de newsletters envisagent une ère où leur dépendance envers les géants de la technologie serait moindre, et où ils établiraient de plus en plus de relations plus directes avec leurs abonnés fidèles. La chute significative du trafic de référence en provenance de Facebook et de X (anciennement Twitter) réduit progressivement les flux d’audience vers les sites d’actualités établis et accroît la pression sur leur rentabilité.</p>
<p>Néanmoins, ces stratégies risquent de marginaliser les médias et les influenceurs en compliquant <a href="https://theconversation.com/medias-les-jeunes-ont-envie-dune-information-qui-leur-ressemble-218264">l’accès à des utilisateurs plus jeunes</a> et moins éduqués, nombre d’entre eux étant déjà familiarisés avec les actualités générées de manière algorithmique et ayant des liens plus faibles avec les médias traditionnels.</p>
<p>Il est donc indispensable d’adopter une stratégie de diffusion de l’information inclusive et diversifiée, tout en maintenant une veille active sur les réseaux sociaux <a href="https://fr.statista.com/statistiques/570930/reseaux-sociaux-mondiaux-classes-par-nombre-d-utilisateurs/">où les jeunes sont plus présents</a> (Instagram ; Snapchat et TikTok).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ali Ahmadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment anticiper l’avenir des médias, quand les technologies s’emballent et que l’IA s’en mêle ? Les newsletters offrent une piste.Ali Ahmadi, Enseignant-chercheur, spécialiste des plateformes numériques, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224422024-02-29T16:25:31Z2024-02-29T16:25:31ZPourquoi lire des histoires aux bébés prématurés ?<p>Aux États-Unis, de plus en plus de services de néonatologie mettent en place des programmes de lecture destinés aux bébés prématurés et à leurs parents. Leurs noms : « Goslings », <a href="https://www.babieswithbooks.org/">« Babies with Books »</a>, <a href="https://album50.hypotheses.org/3523">« Reach Out and Read »</a>, « Little Readers », « Bookworm »…</p>
<p>Les initiatives françaises sont plus rares, mais se développent à leur tour. Au <a href="https://www.linkedin.com/posts/chu-nantes_livres-lecture-maternit%C3%A9-activity-7069933010892021760-2r_2/">Centre hospitalier universitaire de Nantes</a> par exemple, une petite bibliothèque d’albums est à la disposition des parents de prématurés. <a href="https://album50.hypotheses.org/7597">À Amiens</a>, ce sont les psychiatres de liaison qui viennent lire des histoires aux bébés. Ailleurs, des bénévoles ou des salariés d’associations se relaient. <a href="https://www.touraine-actualites.fr/actualites-departementales/solidarites/actualites-solidarites/lisons-aux-nourrissons-lire-pour-entourer-des-bebes-fragiles.html">À Tours</a>, un petit groupe réunissant bibliothécaires, lectrice salariée et chercheuse vient chaque semaine partager des histoires dans le service.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lecture-comment-choisir-un-album-qui-peut-vraiment-plaire-aux-enfants-140965">Lecture : comment choisir un album qui peut vraiment plaire aux enfants</a>
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<p>L’idée peut paraître d’abord saugrenue, aux parents comme aux soignants : pourquoi lire aux bébés des récits qu’ils sont bien trop petits pour comprendre ? Cependant, la mise en place de ces programmes repose sur des motivations rationnelles. Elles s’appuient sur l’importance des <a href="https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2013-2-page-34.htm">soins dits « de développement »</a>, qui recouvrent tout ce qui, au sein de ces services de grande technicité, ne sert pas prioritairement à faire survivre l’enfant mais l’engage dans son développement ultérieur.</p>
<h2>Faire entendre au bébé la voix de ses parents dans un univers médical</h2>
<p>Un bébé qui naît avec beaucoup d’avance peut être conduit à passer de longues semaines dans un service hospitalier dans lequel le bruit, la lumière, un excès ou un défaut de stimulation peuvent gêner son développement. De là, le risque qu’il manifeste des difficultés directement liées à ses conditions d’hospitalisation.</p>
<p>Pour prévenir ces problèmes, les soins de développement s’intéressent à tout son environnement : sa position dans son incubateur, son environnement sensoriel (lumière, sons), son soutien affectif. <a href="https://album50.hypotheses.org/7350">Des études extrêmement rigoureuses</a> ont ainsi montré que la présence des parents est bénéfique au développement du bébé, et qu’il faut tout faire pour encourager cette présence.</p>
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<p>En découvrant l’effet des nuisances sonores sur le bébé prématuré, on a aussi pris conscience du soutien que pouvait apporter la <a href="https://album50.hypotheses.org/7380">musique</a>, surtout si elle est chantée par les parents. Ce faisant, c’est l’importance fondamentale de la <a href="https://www.theses.fr/2013PA100199">voix des parents</a>, et en particulier de la mère, qui a intéressé les chercheurs : on incite désormais fortement les parents à parler et <a href="https://www.cairn.info/revue-contraste-2010-2-page-103.htm">chanter à leur bébé</a>. C’est dans ce cadre que sont apparues les premières manifestations d’intérêt pour la lecture en néonatologie : le support du livre apparaissait comme un vecteur naturel pour la voix des parents.</p>
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<figcaption><span class="caption">Accueil et parcours d’un bébé prématuré (CHU de Nantes, 2015).</span></figcaption>
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<p>Les programmes de lecture introduisent dans l’environnement très technique des services de néonatologie les objets « ordinaires » de la puériculture qui n’y ont que peu de place habituellement. Pour les parents, l’arrivée d’albums colorés ou tendres dans une chambre dominée par les écrans de contrôle et les appareils de soutien vital est un appel à l’univers de l’enfance et pas vers la médecine.</p>
<p>Ces livres multicolores rappellent que le bébé va sortir de son incubateur, qu’il sera un être avec lequel les interactions seront plaisantes. La présence des albums aide les parents à se projeter, alors que l’anxiété autour de la santé du bébé au jour le jour produit une sidération qui arrête le temps.</p>
<h2>Instaurer un échange par la musicalité des textes et les couleurs des albums</h2>
<p>Par ailleurs la <a href="https://theconversation.com/lire-un-texte-a-haute-voix-aide-t-il-a-le-comprendre-172632">lecture à haute voix</a>, proposée aux bébés lors de leurs brefs moments d’éveil calme, accompagne les parents dans la construction de leur lien à leur enfant. La musicalité des textes sollicite ses compétences auditives : le rythme d’une comptine, la variation d’intensité de la voix lisante tranchent sur l’environnement sonore pauvre de l’unité néonatale, et il n’est pas rare qu’à cette écoute, le <a href="https://album50.hypotheses.org/7597">bébé ouvre un œil, arrête un mouvement, tourne la tête</a>. Les parents s’émerveillent : « il entend ! », « il réagit ! »</p>
<p>Les bébés prématurés ont une perception visuelle encore à parfaire, mais les formes simples et les couleurs éclatantes des livres pour les tout-petits sont adaptées à leurs capacités : voilà un bébé qui fixe intensément l’objet livre, qui suit du regard le personnage sur la page, qui tourne la tête pour ne pas en perdre une miette. Les parents alors constatent : « il est attentif ! », « il regarde ! »</p>
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<figcaption><span class="caption">Le chant pour apaiser les bébés prématurés (Sud-Ouest, 2020)</span></figcaption>
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<p><a href="https://link.springer.com/epdf/10.1007/s10583-023-09564-6?sharing_token=bbZYTsJBfaizGZiV40dRuPe4RwlQNchNByi7wbcMAY7dWuySfZpA-rSojuFfLOX-hlXg0ni8Wz55Na6alYvDlCEDuRjdOzJJOzCkwS2i_Ci95ke87u-5ggh8at4MsDJE9FrKUrrxd_LPI6QeWYBCKcvTaPS9fiqh1UUMXeaTar8%3D">Les albums pour tout-petits</a> sont construits autour de structures narratives élémentaires, souvent avec une chute fortement marquée, qui fait parfois réagir les bébés : l’un ouvre subitement les yeux, l’autre s’étire, un autre encore vocalise. Les parents sont intrigués, ravis : « il s’intéresse ! » Soudain, ce bébé qu’ils percevaient surtout par le prisme de ses incapacités (il ne respire ni ne mange encore tout seul), devient un enfant plein de compétences, qu’ils peuvent admirer et encourager.</p>
<p>Si les premières lectures peuvent être faites par des intervenants (soignants, ou extérieurs au milieu médical), laisser les livres dans les chambres permet ensuite aux parents de reprendre seuls les albums, dans des moments d’intimité, et les partager à leur tour avec leur bébé. <a href="https://album50.hypotheses.org/5495">Ces parents à qui l’équipe soignante conseille de « parler » à leur bébé</a> sont parfois à court de sujets de conversation, à court de mots : les albums leur « prêtent » alors ces mots qui leur manquent.</p>
<p>Quand ils ont à choisir, les parents sélectionnent souvent des <a href="https://album50.hypotheses.org/6505#Etlesb%C3%A9b%C3%A9s">albums à la thématique tendre</a>, dont le titre, à la première ou à la deuxième personne, en fait leur « porte-parole » : <em>Devine combien je t’aime</em>, <em>Je serai toujours là pour toi</em>, <em>À quoi rêves-tu bébé ?</em> Par l’intermédiaire du livre, la voix des parents porte jusqu’au bébé les mots qu’ils n’ont pas trouvés seuls, mais qui traduisent leur émotion.</p>
<h2>Par la lecture, sortir de la sidération et se projeter vers l’avenir</h2>
<p>Faire la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/histoires-les-adultes-feraient-bien-de-redecouvrir-le-plaisir-de-la-lecture-a-haute-voix">lecture à haute voix</a> à des parents, bouleversés par une naissance prématurée ou une information médicale inquiétante, peut leur permettre de vivre un moment d’évasion en harmonie avec leur bébé. Écrasés par la responsabilité, parfois la culpabilité qui va avec la maladie d’un enfant, voilà qu’on leur accorde un moment pour eux, de pur plaisir. Ils reçoivent la lecture d’une histoire, un instant recueillis autour de leur enfant, uniquement occupés du plaisir de la langue et des images, et de la joie de voir leur bébé s’éveiller. Ce moment, pourtant très bref, <a href="https://www.cairn.info/lire-a-haute-voix-des-livres-aux-tout-petits--9782749206790-page-111.htm">restera inscrit dans leur mémoire émotionnelle</a> de cette naissance bouleversée.</p>
<p>Le partage de lecture s’attache alors durablement à un souvenir de plaisir, de détente, d’émotion. On peut supposer que cela facilite la pratique familiale de la lecture, si favorable au développement du langage et à la littératie, cet ensemble de familiarisations précoces qui permettent ultérieurement l’entrée dans l’écrit. Ces bébés, que leur naissance prématurée expose davantage aux retards de langage et aux difficultés d’apprentissage, bénéficieront d’autant plus de ces expositions familiales aux livres et aux lectures, dont la <a href="https://album50.hypotheses.org/6179">littérature scientifique</a> a démontré qu’elles étaient déterminantes pour l’ensemble du développement cognitif.</p>
<p>Implanter des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27777407/">programmes de lectures d’albums pour enfants dans un service de néonatologie</a> ne tombe pas sous le sens, mais a montré son intérêt. Même les soignants reconnaissent que le climat change dans les chambres, et que les histoires lues aux bébés qu’ils et elles soignent leur permettent de voir leurs petits patients sous un autre jour. La présence des livres aide les <a href="https://www.cairn.info/le-debut-de-la-vie-d-un-grand-premature--9782749207476-page-205.htm">parents</a> à sortir de leur sidération et à <a href="https://www.cairn.info/revue-contraste-2015-1-page-65.htm?ref=doi">se projeter vers l’avenir</a>.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/comment-la-lecture-enrichit-leducation-des-enfants-116309">partage d’une lecture avec la famille</a> permet aux parents à regarder leur enfant sous l’angle de ses aptitudes. Les livres, laissés dans les chambres pendant la durée de l’hospitalisation, soutiennent le déclenchement de la parole adressée au bébé, très favorable à son soutien. Et l’expérience positive, en termes d’évasion, de plaisir et de symbiose, représentée par une lecture offerte et partagée en famille, permet d’associer durablement lecture et plaisir, ce qui augure favorablement des pratiques de littératie familiale ultérieures, prédictives de développement langagier et cognitif harmonieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Boulaire est membre de l'association Livre passerelle.</span></em></p>Aux États-Unis mais aussi en France, de plus en plus de services de néonatologie mettent en place des programmes de lecture destinés aux bébés prématurés et à leurs parents. Qu’en dit la recherche ?Cécile Boulaire, Maîtresse de conférences en littérature pour la jeunesse, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2234922024-02-14T14:27:39Z2024-02-14T14:27:39ZLa victoire en coupe d’Asie, nouveau succès pour le soft power du Qatar<p>Un an après Lionel Messi, Hassan Al-Haydoos est à son tour revêtu d’un <a href="https://www.geo.fr/histoire/coupe-du-monde-quest-ce-que-le-bisht-pose-par-lemir-du-qatar-sur-les-epaules-de-messi-212961"><em>bisht</em></a>. L’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani habille de ce manteau, synonyme de noblesse et d’autorité, le capitaine de sa sélection. Il le couronne, cette fois-ci, « prince » du football asiatique.</p>
<p>Le Qatar vient, en effet, de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/coupe-dasie-des-nations-porte-par-afif-le-qatar-simpose-face-a-la-jordanie-et-conserve-son-titre-fe106094-c84d-11ee-9a26-b3fe0ec43b85">réussir un doublé historique</a>, d’autant plus pour un État de sa dimension (seulement 330 000 citoyens), en remportant la Coupe d’Asie qu’il organisait sur ses terres. Une victoire dont l’importance, comme toujours, n’est pas que sportive…</p>
<h2>La Coupe du monde 2022 : succès d’image, échec sportif</h2>
<p>Cet exploit installe sa génération triomphante au rang des grands d’Asie. C’est une fois de plus, en grande partie le sacre de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-qatar/reportage-dans-les-coulisses-d-aspire-le-clairefontaine-du-football-au-qatar-ba2a9746-5ad5-11ed-8bfd-8dba71fb0669">l’Aspire Academy</a> et des dizaines de formateurs étrangers passés par ce centre dédié à la formation de l’excellence sportive du pays. D’ailleurs, son président, cheikh Jassim, le frère de l’émir, initialement promis à ce titre suprême, est à cet instant présent au côté de Tamim. Au quotidien, son ombre plane sur ce lieu stratégique de la performance sportive dans la monarchie.</p>
<p>Au cœur de la péninsule, les faits de jeu litigieux de la finale ayant avantagé sa sélection n’y font rien : la ferveur autour de son collectif est retrouvée. Les observateurs du football international avaient pourtant laissé, en décembre 2022, cette équipe sur une page inachevée, <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-le-zero-pointe-historique-du-qatar-a-domicile_AV-202211290680.html">ridiculisée lors de cette Coupe du monde tant attendue</a>. N’inscrivant qu’un but en trois rencontres, toutes perdues, la sélection, déjà championne d’Asie, avait déçu tous les espoirs misés en elle par l’émirat. Malgré un groupe relevé (Pays-Bas, Sénégal, Équateur), ses supporters étaient tombés de haut face à la piètre prestation de leurs joueurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1597847900662378496"}"></div></p>
<p>La principale faiblesse, pointée par plusieurs de leurs formateurs, le mental, avait jailli aux yeux du monde. <em>Al-’Annaby</em> (la Bordeaux, couleur de son maillot, qui est aussi celle du drapeau national) – était apparue totalement dépassée, tétanisée par les attentes placées en elle par tout un pays.</p>
<p>Ce grand écart, entre un premier sacre continental étincelant, en 2019, et un échec retentissant trois ans plus tard lors du plus grand événement sportif mondial, a provoqué une <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/qatar-fans-lambast-team-after-second-world-cup-defeat-2022-11-25/">profonde frustration</a>. Plusieurs échanges houleux eurent lieu. Le flou persiste autour de l’ensemble de ces faits, mais cela n’a pas manqué de rejaillir sur les rangs de sa sélection. Il a été clairement notifié aux joueurs qu’ils ne sont pas maîtres dans l’émirat, mais bien à son service, et peuvent passer à tout moment de stars à sujets de seconde zone.</p>
<h2>Abdelkarim Hassan, un cas emblématique</h2>
<p>Ce malaise se perçoit sur la feuille du match d’ouverture de la Coupe d’Asie, alors que le Qatar étrille sur la pelouse une faible sélection du Liban, 3 buts à 0. L’effectif convoqué pour défendre son titre de champion d’Asie laisse apparaître le traumatisme qu’a constitué pour <em>Al-’Annaby</em> l’échec patent enregistré lors de sa Coupe du monde. Un nouveau venu particulièrement remarqué prend ainsi place au sein de l’effectif, en la personne de Lucas Mendes. Le joueur brésilien passé par l’olympique de Marseille, recruté par Al-Duhaïl, le club de l’armée, porte cette saison les couleurs de l’équipe en vogue d’Al-Wakrah. Il se substitue à l’une des stars de la sélection, Abdelkarim Hassan.</p>
<p>Ce joueur promis à un avenir radieux dans le football asiatique a été <a href="https://www.cbc.ca/sports/soccer/qatar-player-banned-fifa-world-cup-1.6719002">contraint de quitter Doha dans l’urgence</a> pour le Koweït, avant de rejoindre l’Iran. Sa trajectoire raconte celle de la hiérarchie sociale propre aux sociétés du Golfe, dont le sport est l’un des reflets.</p>
<p>Comme la majeure partie de la sélection, il est issu des promotions de l’Aspire Academy, rouage essentiel dans l’intégration du sport à la politique étrangère dessinée par le pouvoir. Lancée en 2004, sa mission consiste à revivifier le tissu sportif qatarien affaibli au cours de la décennie 1990 par l’enrichissement de sa société. Elle vise ainsi à apporter la légitimité nécessaire à l’essor du Qatar comme nouvel acteur influent du sport mondial. Dans les faits, cette institution s’appuie avant tout sur les communautés arabes vivant au Qatar, plus enclines à épouser les contours d’une carrière de sportif de haut niveau et en quête de reconnaissance sociale.</p>
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<p>Né de parents soudanais installés à Doha, Abdelkarim Hassan en est l’illustration. Ce statut lui assure l’accès à un degré de la nationalité qatarienne. En effet, n’appartenant pas au noyau de la population définie comme originelle, il ne peut pas bénéficier de l’ensemble des <a href="https://apnews.com/article/world-cup-entertainment-soccer-sports-95c68fcde462922fc7c599e6f26497cb">droits économiques</a> attribués aux familles d’ascendance qatarienne. Son statut de sportif de haut niveau lui confère toutefois des prérogatives financières équivalentes. Élu meilleur joueur asiatique de l’année 2018, acteur majeur des bonnes performances répétées de son club d’Al-Sadd SC, ailier gauche incontournable de la sélection, il est l’un des grands artisans de l’épopée victorieuse lors de la Coupe d’Asie 2019.</p>
<p>C’est un parcours sans faute qui s’arrête au lendemain d’une phase finale de la Coupe du monde désastreuse qui l’amène à faire un faux pas. Sous le poids des critiques, il profère des insultes <em>via</em> les réseaux sociaux à l’égard de Qatariens. La suite reste obscure. Le dossier est traité en interne par les dirigeants. L’avenir de ce pilier d’<em>Al-’Annaby</em> est tranché : il n’a pas respecté la hiérarchie d’une société qui repose sur <a href="https://theconversation.com/qatar-comment-mieux-comprendre-une-societe-basee-sur-lhistoire-et-la-tradition-195961">« l’idéologie de l’origine »</a>.</p>
<p>L’avenir de l’ancien espoir ayant commis l’irréparable se déroulera loin de Doha, et il passera du statut de star à celui de paria en sa terre natale. Il évolue désormais dans un effectif à sa mesure, pour le club phare de Téhéran, le Persepolis FC. De retour à Doha, en ce mois janvier 2024, c’est en tribune qu’il prendra place pour supporter ses anciens coéquipiers.</p>
<p>La naturalisation de Lucas Mendes, un procédé qui n’était pour le Qatar plus d’usage dans le football depuis le milieu des années 2010, s’explique par cet imprévu. Doha doit alors combler le vide causé par la perte d’un pilier de son onze majeur. Le défenseur brésilien est à même d’occuper l’intérim, le temps d’une Coupe d’Asie qui s’avère cruciale pour l’émirat. À ses côtés, un autre arrière rarement convoqué prend place. Al-Mahdy Ali Mokhtar relègue sur le banc l’Algérien naturalisé Boualem Khoukhi, qui jusqu’à présent s’affirmait comme un titulaire indiscutable à ce poste. Formé à l’Aspire Academy, le joueur provient également de la communauté soudanaise de Doha. Resté dans l’ombre des grands noms de ses promotions, il profite des largesses affichées par l’arrière-garde d’<em>Al-’Annaby</em> pour enfin s’affirmer sous ses couleurs. Le Qatar compte ainsi toujours sur son principal vivier sorti des rangs de l’Aspire Academy, mais sa fédération peut, dans l’urgence, pallier ses manquements en s’appuyant sur les étrangers de son championnat éligibles.</p>
<h2>Un émirat porté vers le mondial, une sélection taillée pour l’Asie</h2>
<p>Cette histoire est le récit d’un émirat passé de la fierté d’être champion d’Asie à la honte d’une élimination précoce lors de sa Coupe du monde. Avec l’Aspire Academy, l’émirat s’est donné les moyens d’être à la hauteur de ses ambitions internationales en matière de <em>soft power</em>. Il fait cependant face à un obstacle : la place des joueurs issus de ses promotions une fois leur formation terminée.</p>
<p>Bénéficiant d’un traitement financier de choix, ils jouent principalement pour l’un des cinq clubs majeurs du pays et restent ainsi auprès de leur famille, au service de l’émir et de la sélection. Ces footballeurs sont alors cantonnés au football asiatique sans jamais se mesurer réellement à l’élite du football mondial qui, pour la majorité, évolue dans les hautes sphères du football européen.</p>
<p>Suivant ce schéma, la sélection est taillée pour l’Asie, mais n’est pas en mesure de rivaliser sur les pelouses mondiales. Son parcours lors de la Coupe d’Asie vient l’illustrer. C’est une question de niveau et là se présente la limite de son projet sportif. <a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">La politique de libéralisation initiée par l’Arabie saoudite</a> à l’été 2023 autour de son championnat apparaît à ce titre comme un signe positif pour le Qatar.</p>
<p>L’arrivée de dizaines de joueurs de renom dans le football asiatique pourrait, en effet, lui être bénéfique. La qualité inégale de la Qatar Stars League, son championnat, reste l’obstacle majeur pour que le projet dont l’Aspire Academy est le fer de lance fonctionne pleinement. La ligne prônée est désormais de recruter de jeunes pépites européennes tout juste formées, souvent en manque de temps de jeu dans leur club d’origine pour poursuivre leur progression. Le Qatar pourrait se présenter pour ces joueurs d’avenir comme un débouché sérieux avant qu’ils ne retournent jouer pour de grandes écuries européennes.</p>
<p>L’adversité à laquelle les joueurs d’<em>Al-’Annaby</em> seraient confrontés au quotidien serait dès lors autrement plus élevée. Dans l’ombre du « bling bling » saoudien, le Qatar a enclenché cette politique à l’été 2023. Reste à savoir combien de temps cette ligne sera de mise. En matière de sport, au Qatar, tout reste incertain, régi en dernier lieu par les proches du cercle de l’émir. Le désastre de la Coupe du monde aura sans doute été le détonateur pour tenter d’agir sur l’écosystème sportif qatarien, qui loin de son soft power reste figé. Quoi qu’il en soit, le Qatar continue de briller sur les pelouses continentales, à la portée de sa génération dorée, ce qui suffit à lui apporter la légitimité qu’il recherche depuis la fin des années 1990 pour asseoir son soft power.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de la Fondation de France. </span></em></p>Retour sur l’histoire tourmentée de la sélection nationale du Qatar, qui vient de remporter « sa » coupe d’Asie après avoir subi un échec cinglant lors de « sa » Coupe du monde.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216732024-02-09T17:48:18Z2024-02-09T17:48:18ZSur fond de guerre, le Qatar orchestre son soft power autour de la cause palestinienne<p>Depuis octobre et l’enclenchement de la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/themes/guerre/la-guerre-de-soukkot/">« guerre de Soukkot »</a> en représailles à l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, les tarmacs des aéroports de Doha sont au cœur d’un <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/video/2023/12/07/israel-hamas-comment-le-qatar-s-est-il-impose-comme-un-interlocuteur-incontournable-comprendre-en-trois-minutes_6204360_6176282.html">intense ballet diplomatique</a>. L’émirat est, en effet, devenu un acteur incontournable dans la gestion des crises régionales.</p>
<p>Ces jours-ci, les projecteurs de son théâtre du <em>soft power</em> sont à nouveau braqués vers l’aéroport Hamad international. L’élite du football asiatique y a défilé depuis le 12 janvier, avec un seul but en tête : soulever la Coupe d’Asie des Nations. Une compétition que le Qatar organise un peu plus d’un an après avoir accueilli la Coupe du monde, et dont il espère, au-delà d’une victoire finale de son équipe nationale (qui affrontera la Jordanie en finale ce samedi), qu’elle lui permettra d’entretenir son rang international.</p>
<h2>Le Hamas à Doha</h2>
<p>L’histoire du <em>soft power</em> qatarien pourrait se résumer aux arrivées sur ses tarmacs. Ces lieux de passage symbolisent la centralité de l’émirat sur l’échiquier moyen-oriental, particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de gérer d’épineux dossiers tel celui du conflit israélo-palestinien.</p>
<p>La crise qui s’est ouverte à Gaza offre au Qatar une nouvelle occasion de jouer un rôle crucial. Si issue favorable au sujet des otages israéliens détenus par le Hamas il y a, ce sera probablement grâce à <a href="https://www.iris-france.org/180462-israel-hamas-comment-le-qatar-sest-il-impose-comme-mediateur-du-conflit/">sa médiation</a>.</p>
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<p>Ce caractère central, Doha l’a forgé en se positionnant comme un relais auprès d’acteurs régionaux souvent jugés infréquentables par les puissances occidentales. C’est ainsi qu’une partie de la branche politique du Hamas est <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-que-va-t-il-advenir-des-dirigeants-du-hamas-installes-au-qatar">officiellement installée dans la capitale</a> depuis 2012. À cette époque, le mouvement palestinien, alors basé à Damas, ne cautionne pas la répression exercée par son protecteur Bachar Al-Assad à l’encontre de sa propre population. Face à cette discorde majeure, son bureau politique <a href="https://www.nytimes.com/2012/01/28/world/middleeast/khaled-meshal-the-leader-of-hamas-vacates-damascus.html">cherche un nouveau point de chute</a>.</p>
<p>Les États-Unis y voient une occasion de renouer discrètement leurs relations avec le Hamas, rompues de manière officielle en 1997, quand Washington l’avait inclus dans sa <a href="https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/">liste des organisation terroristes</a>. Le tournant de 2012 est pour l’administration américaine une nouvelle occasion à saisir, une aubaine pour instaurer une nouvelle voie d’échanges avec cet acteur incontournable sur l’échiquier palestinien, qui administre pleinement depuis 2007 la bande de Gaza. Aux yeux de Washington, Doha apparaît comme le parfait entremetteur, et les Américains incitent l’émirat à proposer l’hospitalité aux dirigeants palestiniens. Voir ces derniers quitter Damas pour leur autre sponsor, Téhéran, aurait grandement compromis tout canal de discussions.</p>
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<p>Échanger avec le Hamas passe désormais avant tout par l’émirat, où la confrérie des Frères musulmans, persécutée par les différents régimes nationalistes arabes, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/les-pays-du-golfe-face-la-question-freriste">est influente depuis les années 1960</a>. La diplomatie américaine perçoit le Qatar comme son seul allié en mesure d’exercer ce rôle.</p>
<p>De son côté, Doha considère que la présence sur son sol du Hamas renforce sa capacité à peser davantage dans l’arène internationale. Ce ressort diplomatique est un point crucial dans l’essor d’un <em>soft power</em> à multiples facettes fréquemment présenté comme l’assurance vie d’un émirat de prime abord fragile. Cette stratégie initiée à partir de 1995 à l’issue d’un coup d’État de palais qui amène au pouvoir Hamad ben Khalifa Al-Thani (lequel abdiquera en 2013 au profit de son fils Tamim ben Hamad Al Thani) résulte d’un environnement régional incertain.</p>
<h2>Un rôle clé au cœur du Proche-Orient</h2>
<p>Hamad ben Khalifa Al-Thani a le dessein de garantir la sécurité de son pays en mettant en place un système basé sur l’interdépendance. Son architecture repose sur l’investissement de multiples champs, allant de <a href="https://gfmag.com/country-report/qatar-spending-cash-abroad/">l’entrée au capital de grands groupes</a> à une présence soutenue sur le marché de l’art. La modernisation de son infrastructure gazière et l’exploitation de riches gisements constituent le noyau de sa stratégie.</p>
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<p>Fort de <a href="https://www.lesechos.fr/2017/06/comment-le-petit-qatar-est-devenu-si-riche-si-rapidement-172941">ressources financières rapidement devenues abondantes</a>, le pays cultive des alliances plurielles. Depuis 1995, il accueille de nombreux événements, <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210717-afghanistan-des-discussions-%C3%A0-doha-entre-taliban-et-gouvernement-malgr%C3%A9-les-combats">politiques</a> comme <a href="https://journals.openedition.org/emam/3402">sportifs</a>, et <em>Al-Jazeera</em>, son média panarabe, s’affirme dans le même temps comme un moyen privilégié d’offrir à l’opinion arabe une vision de l’actualité régionale conforme aux intérêts de Doha.</p>
<p>Après le 7 octobre dernier, le Qatar propose ses services à Tel-Aviv pour faciliter la libération des centaines d’otages aux mains du mouvement islamiste. Dans un exercice où il excelle, sa diplomatie prend activement part aux négociations d’échanges d’otages et de cessez-le-feu. Elle doit aussi composer avec la stratégie jusqu’au-boutiste d’un premier ministre israélien qui voit dans la poursuite de la guerre la seule condition de sa survie politique et de son immunité judiciaire. Doha et sa posture médiatrice sont à présent <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20240125-isra%C3%ABl-benjamin-netanyahou-remettrait-en-cause-la-m%C3%A9diation-du-qatar">sous le feu des critiques de Benyamin Nétanyahou</a>.</p>
<h2>Une cérémonie d’ouverture aux sons de la Palestine</h2>
<p>Le 12 janvier dernier, l’ouverture de la Coupe d’Asie à Lusaïl, ville nouvelle située dans le nord de la métropole de Doha, réaffirme une fois de plus l’omniprésence de l’émirat. Ses stades, construits en vue de la Coupe du monde 2022, ont été conçus comme un arsenal, armé pour entretenir ce pilier de son <em>soft power</em> actif.</p>
<p>L’attribution de la Coupe du monde avait pourtant fait jaser, du fait de rumeurs insistantes de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/26/coupe-du-monde-2022-le-qatari-mohamed-ben-hammam-vise-par-un-mandat-d-arret-de-la-justice-francaise_6191047_3224.html">corruption</a> de certains membres de la FIFA ; par la suite, la construction des stades avait mis en lumière le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/football-coupe-du-monde-2022-6-500-ouvriers-seraient-morts-dans-les-chantiers-au-qatar-7164865">sort inhumain réservé aux ouvriers étrangers</a> travaillant sur les chantiers qatariens ; et l’attention accrue portée au Qatar dans les mois et années précédant la compétition mondiale avait suscité la mise en avant de nombreuses interrogations sur son <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/ingerence-etrangere-pourquoi-un-lobbyiste-et-un-specialiste-du-qatar-sont-mis-en-examen-dans-une-affaire-tentaculaire_6192618_3224.html">ingérence</a> dans les affaires de ses partenaires, notamment occidentaux. Des accusations illustrant le fait que l’arme première du Qatar réside dans l’argent.</p>
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<p>Tout cela ne semble pas, pour l’heure, freiner la progression de Doha. Dans un système mondialisé avant tout régi par la norme monétaire, le Qatar l’a bien compris : sa prospérité économique le protège. Un an après une finale de Coupe du monde légendaire, l’émir et Gianni Infantino, le président de la FIFA, aux mêmes places, assistent côte à côte à la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Asie des nations.</p>
<p>Et en ces temps de guerre, à la manière d’<em>Al-Jazeera</em>, le Qatar conçoit à nouveau son événement comme une caisse de résonance de son discours international – en l’occurrence, celui d’un appui complet à la cause palestinienne. L’émirat fête ainsi la Palestine – et cette fois-ci, une sélection palestinienne meurtrie mais qualifiée <a href="https://www.la-croix.com/sport/football-cinq-choses-a-savoir-sur-l-equipe-de-palestine-qui-se-distingue-a-la-coupe-dasie-20240129">est sur le terrain</a>.</p>
<p>Le temps de la cérémonie d’ouverture, la pelouse de l’Iconic Stadium prend des airs d’étendue désertique. Sur les dunes, les acteurs et danseurs entrent en scène pour une évocation de <a href="https://www.imarabe.org/fr/rencontres-debats/kalila-dimna-ou-la-fable-fertile"><em>Kalila et Dimna</em></a>, œuvre littéraire majeure du répertoire indien. Ce faisant, Doha rappelle les âges d’or de grandes civilisations asiatiques, de l’Inde à la Bagdad des Abbassides. Ces multiples livres réunissent des fables ayant pour but d’enseigner l’art de gouverner. Écrits en sanskrit au IV<sup>e</sup> siècle, ces textes ont été par la suite traduits en pehlavi dans la Perse sassanide, puis en arabe sous les Abbassides. <em>Kalila et Dimna</em> intègre ainsi la culture arabe. Par le recours à ces traits artistiques, le Qatar crée du liant entre sociétés asiatiques d’horizons divers.</p>
<p>Place au jeu ; comme la tradition le veut, le capitaine de la sélection du pays hôte entre sur le terrain. Hassan Al-Haydoos salue l’émir, puis rappelle que de coutume il revient au capitaine de la sélection hôte de prêter serment pour lancer le tournoi… mais annonce que pour cette édition extraordinaire il réserve cet honneur à la Palestine et à son capitaine. Sous les vivats du stade, Musab Al-Batat prend le micro et déclame le serment.</p>
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<p>Le symbole est fort : la parole est donnée à la Palestine, qui donne le coup d’envoi de cette Coupe d’Asie. À présent, une voix résonne dans l’enceinte : « Lil-madinat al-salat usaly – Pour la ville de la prière je prie ». Sur ces paroles empruntées à la grande diva libanaise, Fayrouz, la chanteuse qatarienne Dana Al-Mir entonne ce vers de sa célèbre chanson <a href="https://www.imarabe.org/fr/actualites/bibliotheque/2018/jerusalem-zahrat-al-mada-in">« Al-Zaharat al-mada’ïn »</a>, un hommage à Jérusalem, restée pour l’opinion arabe la capitale de la Palestine.</p>
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<p>S’ensuit un chant symbolique de la résistance des femmes palestiniennes, le <em>tarwideh</em>, également appelé <em>al-malulah</em>. Dana Al-Mir est rejointe sur scène par un groupe de femmes sorti de l’ombre, portant l’habit traditionnel palestinien, <em>al-thowb al-falestiny</em>. Rassemblées, elles reprennent en cœur une poésie cryptée visant à déjouer la surveillance de l’ennemi. Forgé par les femmes palestiniennes au cours du XX<sup>e</sup> face aux oppressions successives subies par la société palestinienne, ce genre musical repose sur l’inversion des lettres de la phrase ou du cœur de la dernière lettre de chaque mot. Les paroles interprétées à Lusaïl signifient littéralement : <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=urLTg-3eImU">« Et je suis pour envoyer avec le vent du nord »</a>. L’emploi de ce vers au sens caché vise à donner une orientation géographique au détenu qui l’entend. Puis les danseuses avancent en rythme vers la sortie. Une chanson retentit pour les accompagner : « Bilady, bilady, bilady, ya ardy, ya ard al-jadoud – Mon pays, mon pays, mon pays, ô ma terre, ô la terre des ancêtres ». L’hymne de la Palestine, « Fedayi », ponctue cette cérémonie d’ouverture imprégnée de géopolitique.</p>
<p>Deux semaines plus tard, le Qatar rencontrera la Palestine en huitième de finale et la vaincra de justesse ; mais au-delà du résultat sportif, la plus grande victoire pour Doha sera probablement l’impact symbolique de la solidarité affichée à cette occasion, comme tout au long de la Coupe d’Asie, par les footballeurs et les autorités du petit émirat à l’égard des Palestiniens. Se voyant comme un leader arabe, le Qatar continue de jouer sur la corde sensible de la cause palestinienne qui, loin des palais, demeure le trait d’union entre sociétés de Casablanca à Bagdad.</p>
<h2>La FIFA sous pression, une fois de plus confrontée à la géopolitique moyen-orientale</h2>
<p>À l’abri des regards, les loges et salons de Doha auront vraisemblablement été des lieux d’échanges poussés. Alors que la Coupe d’Asie touche à sa fin, en coulisses, derrière le prince Ali ben Al-Husseïn, l’influent président de la fédération jordanienne, se rangent douze de ses homologues de pays membres de la Fédération d’Asie de l’Ouest de football. Ils formulent auprès de la FIFA une demande d’exclusion de la fédération israélienne de toute instance du football mondial. Cette requête « choc », <a href="https://news.sky.com/story/amp/israel-faces-calls-for-football-ban-from-nations-in-the-middle-east-but-urges-fifa-not-to-involve-politics-13066461">révélée par <em>Sky News</em></a>, montre que ces États décident de pleinement politiser le football mondial pour tenter de peser sur la situation à Gaza. Comptant en son sein de puissants acteurs, parmi lesquels le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, cette union entend jouer sur leur stature pour accroître la pression sur le gouvernement Nétanhyaou. La FIFA fait face une nouvelle fois à ses contradictions. Vantée comme « apolitique », l’enceinte sportive se révèle, encore une fois, intrinsèquement politique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de Fondation de France. </span></em></p>La Coupe d’Asie organisée au Qatar est pour l’émirat un nouveau moment de soft power – spécialement dans le contexte actuel, quand l’ensemble des sociétés arabes a les yeux braqués sur la Palestine.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152382024-01-24T17:14:53Z2024-01-24T17:14:53ZAnxiété, dépression… Les fausses couches engendrent des problèmes psychologiques encore trop souvent négligés<p>En moyenne, une femme sur deux est confrontée à une fausse couche dans sa vie, selon les chiffres du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Certaines en subissent même plusieurs au cours de leur existence.</p>
<p>De nombreuses recherches ont été menées pour déterminer les causes des fausses couches et améliorer leur prise en charge médicale. En revanche, leurs conséquences en termes de santé mentale demeurent peu étudiées.</p>
<p>Pour mieux les comprendre, notre équipe a mené un travail de recherche au sein de la population française. Voici ce que ces travaux nous ont appris.</p>
<h2>Les fausses couches concernent jusqu’à un quart des grossesses</h2>
<p>Selon le <a href="https://www.gynerisq.fr/wp-content/uploads/2013/12/2014_CNGOF_Pertes-foetales.pdf">CNGOF</a>, une fausse couche se définit par l’expulsion spontanée d’un embryon ou d’un fœtus avant la 22<sup>e</sup> semaine d’aménorrhée (qui constitue le seuil de viabilité en France). Une fausse couche est dite « précoce » lorsqu’elle survient avant la 14<sup>e</sup> semaine, et tardive si elle se produit entre la 14<sup>e</sup> et la 22<sup>e</sup> semaine d’aménorrhée. La prévalence des formes précoces est élevée, touchant 12 à 24 % des grossesses. Les formes tardives sont plus rares, et concernent 1 % des grossesses.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fausses-couches-a-repetition-le-point-sur-les-causes-et-la-prise-en-charge-215951">Fausses couches à répétition : le point sur les causes et la prise en charge</a>
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<p><a href="https://theconversation.com/fausses-couches-a-repetition-le-point-sur-les-causes-et-la-prise-en-charge-215951">Les causes des fausses couches sont nombreuses</a>. Citons notamment, pour les fausses couches précoces, un âge maternel ou paternel supérieur à 35 ans, des problèmes de réplication du matériel génétique de l’embryon, la consommation de tabac, d’alcool, une exposition aux radiations. Les causes des fausses couches tardives sont généralement obstétricales et gynécologiques, et cet évènement peut se produire de façon unique ou se répéter au cours de différentes grossesses.</p>
<p>Si le traitement médical des fausses couches est désormais bien connu, leurs conséquences psychologiques le sont moins. Pourtant, elles ne sont pas négligeables.</p>
<h2>Dépression et troubles anxieux</h2>
<p>Quand une fausse couche survient au cours d’une grossesse investie très tôt par le couple, elle marque l’interruption brutale de projections dans l’avenir, pour soi, pour son projet de vie et de famille.</p>
<p>Les <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1521-6934(06)00156-8">rares travaux de recherche</a> qui ont été menés au niveau international indiquent que les femmes qui ont vécu une fausse couche peuvent développer non seulement des symptômes anxieux ou dépressifs, mais aussi des états de stress post-traumatiques.</p>
<p>Des études prospectives ont elles aussi révélé l’existence de symptômes dépressifs et majoritairement anxieux 13 mois après une fausse couche. <a href="https://www.doi.org/10.111/j.1471-0528.2007.01452.x">D’autres recherches</a> ont montré que les scores de dépression, qui culminent à 6 mois, baissent ensuite progressivement, excepté pour les femmes qui ne parviennent pas à accéder à la maternité. Pour ces dernières, la symptomatologie dépressive persiste, avec un rebond entre 7 et 12 mois.</p>
<p>Les conséquences psychologiques de la fausse couche <a href="https://sonar.ch/hesso/documents/315236">dépendent de divers paramètres</a> : accès à l’information, niveau de reconnaissance par les soignants de la perte vécue, insatisfaction quant à l’accompagnement prodigué, ou encore soutien social reçu, notamment par le partenaire. Nos propres travaux ont par ailleurs permis d’identifier que les séquelles psychologiques de la fausse couche peuvent être assimilées à un trouble de l’adaptation, un trouble fréquent en psychiatrie.</p>
<h2>Fausse couche et trouble de l’adaptation</h2>
<p>Le trouble de l’adaptation survient lorsqu’une personne a du mal à s’ajuster à un évènement de vie éprouvant. Transitoire, il est parfois banalisé, alors même qu’il nécessite une prise en charge psychologique adaptée, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20865099/">compte tenu de son association à un risque suicidaire élevé</a>.</p>
<p>Dans notre étude, nous avons comparé les scores au questionnaire du trouble de l’adaptation (<a href="https://www.psychology.uzh.ch/dam/jcr:15220404-d1b2-4d9a-9661-f1709b4ca3f4/ADNM_20_Homepage_English.pdf">ADNM-<em>Adjustment Disorder New Module</em> – 20 items</a>) de personnes ayant vécu une fausse couche et de personnes ayant vécu un autre évènement de vie difficile, tel que le décès d’un proche, une rupture, etc.</p>
<p>Les résultats montrent que les personnes ayant vécu une fausse couche présentent le même niveau de difficultés psychologiques que celles ayant vécu un autre évènement de vie stressant. De plus, l’analyse des réponses au questionnaire révèle que 60 % des personnes ayant vécu une fausse couche présentent un trouble de l’adaptation.</p>
<p>Parmi les facteurs étudiés lors de cette étude, nous nous sommes aussi intéressés aux compétences psychologiques, telles que les capacités de régulation émotionnelle. Nous avons observé que des compétences psychologiques plus faibles étaient associées à un plus haut niveau de trouble de l’adaptation. Ces résultats suggèrent de possibles axes de travail à proposer à nos patients, basés sur les <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-therapies-comportementales-cognitives-et-emotionnelles-129883">thérapies cognitivo-comportementales</a>.</p>
<h2>Travailler sur les émotions et la relaxation</h2>
<p>La psychoéducation pourrait aider les couples concernés par une fausse couche à développer des outils afin de mieux identifier leurs émotions, les exprimer puis les réguler en retrouvant du contrôle sur celles-ci.</p>
<p>Concrètement, il s’agirait de proposer des consultations ou des ateliers en groupes au cours desquels les couples seraient informés sur les émotions (colère, tristesse, stress) qu’ils peuvent ressentir suite à cet évènement. Ils pourraient également être invités lors de ces temps, <a href="https://doi.org/10.1016/j.amp.2014.12.001">à trouver des ressources pour y faire face</a>.</p>
<p>Proposer des techniques de relaxation permettrait au patient de se centrer sur les sensations corporelles agréables et sur le sentiment de détente associé, <a href="https://doi.org/10.1016/j.encep.2014.07.001">et ainsi de diminuer leur anxiété</a>.</p>
<p>Lors de l’évaluation psychologique, questionner le patient sur la façon dont la fausse couche vient s’inscrire dans son parcours et son projet de vie peut également permettre de dégager d’autres thématiques de travail. Il est important de déceler un éventuel sentiment de culpabilité, reposant sur des croyances ou des représentations en lien avec la fausse couche (« j’aurais dû me reposer davantage », « tout est de ma faute »).</p>
<p>Ces dernières pourraient être prises en charge grâce à des techniques de restructuration cognitive, une approche qui permet de travailler sur la prise de conscience par le patient de ses pensées négatives et lui apprend à transformer ces pensées par d’autres pensées, plus rationnelles et plus neutres.</p>
<p>Qui plus est, envisager la fausse couche comme un trouble de l’adaptation permet aussi de proposer des thérapies structurées sur les souvenirs douloureux de l’évènement, telles que la thérapie narrative. Cette dernière, aussi appelée thérapie d’exposition par la narration, permet au patient de revenir en détail sur l’évènement douloureux en précisant les émotions, les sensations corporelles, les pensées et les comportements qui l’ont traversé.</p>
<p>L’exposition répétée à ce script narratif, en séance, dans un lieu sécurisé, est l’une des bases de la thérapie cognitivo-comportementale et permet de « digérer » émotionnellement les évènements difficiles. De la même manière, la <a href="https://presse.inserm.fr/canal-detox/lemdr-pour-traiter-le-stress-post-traumatique-vraiment/">thérapie EMDR (<em>eye movement desensitization and reprocessing</em>)</a> pourrait être proposée.</p>
<h2>Une loi pour mieux prendre en charge les couples confrontés à une fausse couche</h2>
<p>Fréquentes, les fausses couches sont parfois banalisées par l’entourage et les soignants. Elles n’en restent pas moins des évènements douloureux, dont la prise en charge psychologique, dans les mois qui suivent, est cruciale.</p>
<p><a href="https://www.vie-publique.fr/loi/288561-fausses-couches-accompagner-les-femmes-victimes-loi-7-juillet-2023">Pour favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche</a>, une nouvelle loi a été promulguée le 8 mars 2023.</p>
<p>Ce texte prévoit la mise en place d’un « parcours interruption spontanée de grossesse », associant médecins, sages-femmes et psychologues, hospitaliers et libéraux, afin d’améliorer le suivi médical et psychologique des personnes confrontées à une fausse couche, à partir du 1<sup>er</sup> septembre 2024. Inclure les partenaires dans la prise en charge permettra de ne plus méconnaître leur ressenti face à cet évènement de vie, et de les impliquer dans la prise en charge proposée.</p>
<p>Ladite prise en charge consiste notamment en un accès facilité à un suivi psychologique, pouvant se faire via le programme <a href="https://monsoutienpsy.sante.gouv.fr/">Mon Soutien Psy</a> (dans ce cas, sages-femmes et médecins peuvent prescrire des séances). La formation des soignants sur les répercussions psychologiques de la fausse couche, et sur la douleur que cela peut engendrer, sera aussi renforcée.</p>
<p>La loi prévoit également de pouvoir bénéficier d’indemnités journalières sans délai de carence pendant leur arrêt maladie, ce qui constitue un progrès important pour le droit des femmes.</p>
<p>Parallèlement à cette évolution législative, les recherches sur les difficultés d’adaptation à la suite de la fausse couche doivent se poursuivre. Grâce aux connaissances qu’elles permettront d’accumuler, il sera possible de proposer des programmes de prise en charge spécialisés pour aider les couples à surmonter au mieux cette épreuve.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215238/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Vancappel a reçu des financements de l’IRCCADE (Institut de recherches cognitive et
comportemental sur la dépression et l’anxiété).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christelle Lefort ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les conséquences psychologiques des fausses couches ont longtemps été sous-estimées. Elles peuvent pourtant être dévastatrices pour les femmes concernées, et pour leur couple.Alexis Vancappel, Maître de conférences en psychologie, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206782024-01-14T16:24:58Z2024-01-14T16:24:58ZArmée de l’air et de l’espace : l’exigeant défi du recrutement des pilotes de combat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568173/original/file-20240108-25-ah743g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=61%2C12%2C1983%2C1168&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forces aériennes françaises comptent aujourd’hui de plus de 40&nbsp;000 aviateurs.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/falcon_33/48712907897">Falcon Photography/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dotée de <a href="https://air.defense.gouv.fr/fiche/chiffres_cles">plus de 40 000 aviateurs</a> employés dans une quarantaine de métiers, l’<a href="https://www.defense.gouv.fr/air">armée de l’air et de l’espace</a> (AAE) a pour raison d’être l’action dans la troisième dimension, ce qui repose en très grande partie sur les opérations aériennes dont les figures les plus emblématiques sont les pilotes de combat. Chaque année, l’AAE recrute en moyenne 120 pilotes : 70 <a href="https://devenir-aviateur.fr/devenir/nos-metiers/pilote-de-chasse">officiers sous contrat</a> (OSC ; niveau bac) et 50 <a href="https://www.ecole-air-espace.fr/devenir-officier/les-concours/">officiers de carrière</a> sur concours (École de l’Air et de l’Espace ; niveaux bac+2 à bac+5 en fonction de la filière). Lors de ce processus, il s’agit de détecter les candidats qui auront la probabilité la plus forte de réussir une longue et exigeante formation.</p>
<p>Ce choix se fait à travers une <a href="https://devenir-aviateur.fr/les-tests-devaluation-pour-les-pilotes-et-les-navigateurs-officiers-systemes-darmes">procédure de sélection</a> scientifique rigoureuse constituée de différentes épreuves élaborées par l’équipe de psychologues et d’informaticiens du Centre d’études et de recherches psychologiques Air (CERP’Air). En effet, les pilotes de l’AAE ne sont pas seulement sélectionnés pour leurs aptitudes à piloter. Leurs capacités de résilience, c’est-à-dire leurs capacités à surmonter les difficultés, ainsi que leur motivation militaire sont fondamentales.</p>
<h2>Compétences non techniques</h2>
<p>Les qualités recherchées, que l’on retrouve également au sein de l’US Air Force ou de la Royal Air Force britannique, relèvent de deux grands domaines : la sphère cognitive et psychomotrice ; et la <a href="https://www.cairn.info/l-orientation-scolaire-et-professionnelle--9782804705893-page-215.htm">sphère conative</a>, composée des « soft skills » et de la motivation.</p>
<p>Dans la sphère cognitive et psychomotrice, les aptitudes montrant les <a href="https://apps.dtic.mil/sti/citations/ADA546965">plus fortes corrélations avec les performances</a> en formation en vol sont l’orientation spatiale, la vitesse perceptive, le raisonnement arithmétique, la répartition de l’attention, l’attention sélective, le contrôle précis des mouvements et la coordination des mouvements des membres.</p>
<p>La forte validité prédictive de ces différentes aptitudes reflète certes le caractère technique du métier de pilote militaire mais ne doit pas occulter l’importance de la sphère conative. En effet, le pilote de combat évolue dans un milieu où la cohésion de l’équipe de travail est capitale. De plus, l’élève pilote doit affronter une formation longue et complexe tout en subissant nombre de contraintes stressantes.</p>
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<p>Par ailleurs, une fois les compétences de pilotage maîtrisées, les différences de performances entre les individus s’expliquent par les compétences non techniques dont le rôle est d’importance pour garantir des opérations aériennes sûres et efficaces. Ainsi, de récentes études ont mis en évidence la plus-value de caractéristiques individuelles telles que les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10508414.2014.860843">compétences sociales</a>, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-20246-004">connaissances sur le métier</a> ou certains traits de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-27938-007">personnalité</a>. Par exemple, les individus extravertis et émotionnellement stables résistent mieux au stress de la formation aéronautique.</p>
<p>Plus propre au domaine militaire, le rôle de ressources personnelles telles que le <a href="https://theses.fr/2020TOUR2011">capital psychologique</a> ou la <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.1910510116">« niaque »</a> (<em>grit</em> en anglais) accroissent la résilience de ces professionnels soumis à des environnements incertains et parfois dangereux.</p>
<h2>15 à 20 % de réussite</h2>
<p>Le besoin de faire passer un grand nombre d’épreuves à un flux conséquent de candidats a conduit à l’adoption d’une <a href="https://devenir-aviateur.fr/les-tests-devaluation-pour-les-pilotes-et-les-navigateurs-officiers-systemes-darmes">procédure en trois étapes</a> sélectives. Toutes les ressources humaines et techniques nécessaires à l’évaluation des candidats sont concentrées sur la base aérienne 705 de Tours-Cinq-Mars-La-Pile (Indre-et-Loire). Notons qu’à l’instar de toute candidate ou tout candidat postulant à une spécialité de l’AAE, un passage dans un Centre régional de recrutement Air permettra de s’assurer que les personnes ne présentent pas de contre-indication majeure (santé, niveau d’anglais, etc.).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Avion militaire au décollage" src="https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les individus extravertis et émotionnellement stables résistent mieux au stress de la formation aéronautique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/joseluiscel/53166589587/">José Luis Celada Euba/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, la première étape de la sélection consiste à évaluer le potentiel cognitif des candidats tandis que la deuxième est axée sur les aptitudes psychomotrices. Environ 25 % des personnes accèdent à la troisième et dernière étape dont l’objectif est de mesurer les « soft skills » et la motivation.</p>
<p>Ces qualités sont mesurées à l’aide d’une épreuve de résolution de problème en groupe et de deux entretiens individuels (un avec un psychologue du CERP’Air et un avec un binôme de personnel navigant formé à la conduite d’entretiens). Cette dernière étape n’est pas éliminatoire et peut être repassée sur décision de la commission de recrutement, tout candidat pouvant toujours améliorer, au prix d’un travail sur soi, son projet professionnel ou ses connaissances sur le métier.</p>
<p>En revanche, les deux premières étapes ne peuvent être repassées pour éviter des biais d’évaluation tels qu’un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2389.2011.00530.x">effet de familiarité ou la mémorisation de questions</a>. Au final, 15 à 20 % des candidats auront le privilège de s’asseoir dans le cockpit d’un appareil de l’AAE.</p>
<h2>Des processus en mutation</h2>
<p>L’aviation a connu un essor technologique fulgurant et bien que les aptitudes de base du pilote n’aient évolué qu’à la marge, les techniques de recrutement des pilotes sont actuellement en pleine mutation avec l’arrivée de la digitalisation et de l’intelligence artificielle.</p>
<p>L’actuelle procédure de sélection des pilotes de l’AAE avait déjà fait l’objet d’une refonte en mai 2018 à la suite de différents <a href="https://psycnet.apa.org/record/2023-72916-003">travaux de recherche</a> intégrant l’avis des experts métiers comme les pilotes qualifiés. Cependant, la prise en compte de l’humain et le respect du règlement général sur la protection des données viennent aujourd’hui modérer une tendance à la disruption.</p>
<p>L’objectif d’une sélection de pilotes militaires est néanmoins de rester efficace et évolutive tout en tirant le meilleur parti de tous les outils et méthodes existant ou à venir. Aussi le CERP’Air met régulièrement à jour ses épreuves afin de suivre les évolutions techniques requérant de nouvelles compétences telles que la prise en compte d’un nombre de données tactiques en accroissement constant du fait de l’interconnexion des matériels (avions, drones, radars, etc.).</p>
<p>En définitive, cette procédure de sélection exigeante et complexe reste nécessaire à l’AAE pour pourvoir les forces aériennes en personnel fiable et compétent. Cette étape permet également de réduire drastiquement les lourdes déconvenues personnelles générées par un arrêt de la progression une fois en poste. Bien que rare, cet événement peut être traumatisant pour l’apprenti ou l’apprentie pilote qui voit alors son rêve prendre fin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le processus d’embauche des pilotes de combat se fonde sur des compétences qui dépassent largement les aptitudes au pilotage.Frédéric Choisay, Docteur en psychologie du travail, EE 1901 QualiPsy, Université de ToursEvelyne Fouquereau, Professeure des Universités en Psychologie du travail, Directrice EE 1901 QualiPsy, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181022023-11-19T16:34:58Z2023-11-19T16:34:58ZMaltraitance infantile : comment la violence actuelle induit la violence future<p>Selon Organisation mondiale de la Santé, au cours de l’année écoulée, on peut estimer que jusqu’à 1 milliard d’enfants âgés de 2 à 17 ans ont été <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-children">victimes de maltraitance infantile</a>.</p>
<p>Derrière cette expression se cachent la maltraitance physique (coups et blessures infligées à des enfants), la maltraitance émotionnelle (atteintes à l’estime de soi), les abus sexuels et la négligence. À cela, il faut ajouter les enfants qui sont exposés à des traumas infantiles, liés à des situations de violence, comme un terrain de guerre. Ces diverses formes de maltraitance et de traumas infantiles sont malheureusement fréquentes : par exemple on estime qu’au niveau mondial <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1077559511403920">la prévalence est de l’ordre de 12.7 % rien que pour les abus sexuels</a>.</p>
<p>Or, les conséquences de ces maltraitances se font sentir durant des années, voire des décennies, et même se perpétuer au-delà de l’existence des victimes.</p>
<h2>La maltraitance infantile a des conséquences durables</h2>
<p>Les conséquences de la maltraitance infantile sont dévastatrices puisqu’elles induisent des altérations du fonctionnement émotionnel, cognitif et social des sujets, altérations qui persistent une fois que les victimes sont devenues adultes.</p>
<p>Les conséquences peuvent être non seulement des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37525603/">pathologies psychiatriques</a> telles que l’anxiété généralisée, la dépression, les états de stress post-traumatique, les addictions, mais aussi des pathologies métaboliques comme l’obésité. Ainsi, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27908895/">46 % des adultes souffrant de dépression reportent avoir été victimes de maltraitances dans leur enfance</a>, ce qui est un taux très élevé. Par ailleurs, certaines victimes de maltraitance reproduisent ce qu’ils ont subi enfant, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zPOZ0BZfqOk">deviennent à leur tour des prédateurs</a>.</p>
<p>De façon intéressante, ces altérations du fonctionnement psychologique ont été identifiées non seulement dans les cas où la maltraitance s’est traduite par des violences physiques (coups, viols), mais aussi dans les cas où les actes de maltraitance n’ont pas été associés à des atteintes physiques, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8339467/">comme c’est le cas avec les maltraitances émotionnelles ou la négligence</a>. Ces effets sont persistants sur le long terme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31519507/">puisqu’elles peuvent se transmettre sur plusieurs générations</a>, en particulier au travers d’un déficit de l’attachement.</p>
<p>Dès lors, on peut se demander si les séquelles des diverses formes de maltraitance induisent des conséquences biologiques, en plus des conséquences psychologiques.</p>
<h2>La maltraitance infantile induit des conséquences biologiques</h2>
<p>Les faits concernant de potentiels effets biologiques des maltraitances infantiles sont bien documentés. On sait notamment que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1783123/">la maltraitance et les traumas infantiles induisent une augmentation de marqueurs de l’inflammation</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26938439/">et des hormones du stress</a>. Ils sont aussi associés à des <a href="https://theconversation.com/les-maltraitances-de-lenfance-laissent-des-cicatrices-dans-ladn-157900">altérations de l’expression des gènes</a> qui persistent jusqu’à l’âge adulte.</p>
<p>En outre, des altérations cérébrales morphologiques et fonctionnelles cérébrales <a href="https://www.youtube.com/watch?v=80Bt6aICUXo&t=2s">ont également été constatées</a>, comme une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6939135/">diminution du volume du cortex préfrontal</a> (une zone importante pour la régulation des émotions, la planification de l’action, la flexibilité cognitive) et de l’hippocampe (une zone importante pour la mémoire) ou une augmentation de l’activité de l’amygdale (une zone impliquée dans l’anxiété et le stress). Par ailleurs, une altération de la connexion entre le cortex préfrontal et l’amygdale a également été observée, ce qui explique probablement les difficultés de régulation émotionnelle.</p>
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<p>Les conséquences des maltraitances se traduisent également par des modifications sur le plan cellulaire, comme des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29158585/">altérations au niveau des oligodendrocytes</a> (les cellules qui forment la gaine entourant les faisceaux de fibres cérébrales) dans une sous-partie du cortex préfrontal, ce qui atteste à la fois du fait que la maltraitance induit des modifications morphologiques durables, et de leur impact fonctionnel.</p>
<p>Il est important de souligner que ces changements biologiques ne sont pas transitoires et limités à la période de l’enfance, mais qu’ils altèrent le développement du sujet et persistent jusqu’à l’âge adulte, voire bien au-delà, influant également sur les descendants des victimes.</p>
<h2>Des conséquences biologiques durables</h2>
<p>Il a été démontré que certaines des altérations biologiques résultant de maltraitances infantiles peuvent se transmettre aux générations suivantes, c’est-à-dire aux enfants, voire aux petits-enfants des personnes exposées à la maltraitance et à la violence. </p>
<p>C’est le cas par exemple des effets sur les hormones du stress, dont le niveau élevé est retrouvé <a href="https://research.rug.nl/en/publications/intergenerational-impact-of-childhood-trauma-on-hair-cortisol-con">chez les descendants de mères qui avaient subi un trauma pendant leur enfance</a> ; il en est de même <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-developmental-origins-of-health-and-disease/article/abs/maternal-childhood-maltreatment-associations-to-offspring-brain-volume-and-white-matter-connectivity/ECFC9E30F964F5F089B3422F2C03F4FF">pour certaines altérations cérébrales</a>. Par ailleurs, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sHNXpDvKR70&t=32s">l’altération de l’expression des gènes peut quant à elle se transmettre sur plusieurs générations</a>. </p>
<p>Cela donne le vertige quand on pense à certains contextes familiaux, mais aussi aux situations de guerre, puisque le cercle vicieux de la violence peut ainsi se perpétuer de génération en génération, mettant en péril la cohésion sociale entre les personnes - et les peuples ? - dans un cycle sans fin.</p>
<h2>La situation est-elle sans espoir ?</h2>
<p>Fort heureusement, n’est pas totalement désespérée. Des mesures efficaces existent, qui permettent de stimuler la résilience, <a href="https://www.researchgate.net/publication/363186210_A_systematic_review_of_community-level_protective_factors_in_children_exposed_to_maltreatment">comme le support social à l’école ou lors des activités extrascolaires</a>. Certaines psychothérapies, comme les <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-therapies-comportementales-cognitives-et-emotionnelles-129883">thérapies cognitivo-comportementales</a>, ou la participation à des programmes inclusifs et à des <a href="https://www.researchgate.net/publication/342452242_Psychosocial_Interventions_for_Third-Generation_Palestinian_Refugee_Children_Current_Challenges_and_Hope_for_the_Future">interventions psychosociales impliquant des communautés entières</a>, ont aussi fait leurs preuves. </p>
<p>Il faut donc être vigilant à les rendre disponibles dans les communautés les plus à risque, en particulier dans des pays ayant été confrontés à des situations de violences armées. Ce pourrait être l’un des leviers pour arriver à une paix durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Belzung coordonne la chaire Unesco « Maltraitance infantile » (<a href="https://unescochair-children-maltreatment.univ-tours.fr/version-francaise/accueil">https://unescochair-children-maltreatment.univ-tours.fr/version-francaise/accueil</a>).</span></em></p>Les conséquences des traumas subits dans l’enfance peuvent persister durant toute l’existence, voire se transmettre à la descendance. Heureusement, il est possible de stimuler la résilience des victimes.Catherine Belzung, Professor, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140162023-11-13T19:32:04Z2023-11-13T19:32:04ZPour sa santé mentale et son bien-être, quelles activités sportives privilégier ?<p>Pratiquer une activité physique est <a href="https://www.mangerbouger.fr/bouger-plus/a-tout-age-et-a-chaque-etape-de-la-vie">recommandé</a> pour la santé physique et pour prévenir certaines pathologies. Mais les effets bénéfiques de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/activite-physique-23234">activité physique</a> sur le bien-être, les capacités cognitives (par exemple, la mémoire ou la prise de décision), la régulation des émotions et la santé mentale de façon plus générale sont également bien établis. Par exemple, la pratique du sport <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2908331/">diminue les symptômes d’anxiété, de dépression, de stress et de solitude</a>.</p>
<p>Cependant, nombre de questions restent ouvertes : les effets bénéfiques de l’activité physique sur la santé mentale et les capacités cognitives concernent-ils tous les types de sport, qu’ils soient intensifs ou plus modérés, individuels ou collectifs ? L’activité physique peut-elle être défavorable ? Quels sont les mécanismes biologiques par lesquels ces effets surviennent ? Sont-ils présents chez tous les sujets ? Le but de cet article est de fournir des éléments de réponse à ces questions.</p>
<h2>Les effets bénéfiques du sport sur la santé mentale dépendent-ils de l’intensité de l’effort ?</h2>
<p>Quand on prend en compte l’intensité de l’effort physique, on distingue deux catégories de sports. Les premiers, à l’image de la marche ou du jogging, mettent en jeu l’endurance. Ils mobilisent entre 65 % et 80 % de la fréquence cardiaque maximale (FCmax) du sujet. On dit que ces activités se situent dans des zones aérobies car l’organisme utilise de l’oxygène pour libérer l’énergie nécessaire à leur pratique.</p>
<p>Les seconds concernent des efforts plus intenses, comme le sprint. Ils mobilisent 85 à 90 % de la fréquence cardiaque maximale en produisant de l’acide lactique, un composé nécessaire pour le fonctionnement musculaire mais qui peut induire des crampes en cas d’excès. Ces sports se situent en zone anaérobie, c’est-à-dire sans consommation d’oxygène pour produire de l’énergie.</p>
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<p>Il est clairement établi qu’une activité aérobie, qui met donc en jeu l’endurance et qui dure une vingtaine de minutes, est suffisante pour améliorer les fonctions cognitives chez des adolescents. Mais les effets bénéfiques ne se limitent pas aux sports aérobies (d’endurance). En effet, l’<a href="https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/415534">entraînement en résistance</a>, une technique populaire de musculation utilisée par les adeptes du « body building », induit des effets similaires sur la cognition.</p>
<p>D’autres <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3159917/">études</a> se sont intéressées à des sports plus spécifiques. Elles montrent que le karaté ou le taekwondo, par exemple, améliorent la concentration et ce que l’on appelle les fonctions exécutives (c’est-à-dire les processus cognitifs de haut niveau comme la planification, l’élaboration de stratégie, la flexibilité mentale), que le tennis de table joue sur l’anticipation de l’action et le temps de réaction, ou encore que la pratique de la danse favorise le bien-être. Ainsi, le sport est en général bénéfique, mais le type de sport pratiqué peut s’avérer déterminant pour développer certaines dimensions cognitives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-yoga-modifie-le-cerveau-et-ameliore-la-sante-mentale-195064">Le yoga modifie le cerveau et améliore la santé mentale</a>
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<h2>Dans certaines situations, l’activité physique peut-elle s’avérer défavorable ?</h2>
<p>Cependant, le sport peut aussi exposer les personnes à des risques pour la santé. Ainsi, les sportifs de haut niveau et les adeptes de sports de haute intensité (marathon, triathlon, iron man, CrossFit…) s’entraînent pendant de nombreuses heures, amenant leur corps au seuil de ses limites. Ces pratiques peuvent également être un facteur de risque de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.01484/full">conduites addictives</a>, l’<a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2002-3-page-39.htm">addiction à l’exercice physique</a> augmentant le risque de développer une autre addiction, par exemple à une substance comme l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3109/10826081003682297">alcool</a>.</p>
<h2>Les sports individuels et collectifs ont-ils le même impact ?</h2>
<p>Plusieurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1403494818791405">études</a> montrent que la participation à une équipe sportive pendant l’adolescence diminue le stress et améliore la santé mentale ainsi que l’insertion sociale des participants. Cet effet n’est pas retrouvé de façon systématique pour la pratique de sports individuels, certaines études rapportant même des effets négatifs. Ces travaux semblent suggérer que la participation à un sport collectif a un impact positif plus important sur la santé mentale que la pratique de sports individuels. Pour certains auteurs, l’un des mécanismes par lesquels le sport en équipe favorise la santé mentale est lié au fait que l’activité collective permet de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10964-021-01416-0">construire des relations sociales et amicales, et de favoriser le sentiment d’appartenance à un groupe</a>, ce qui est déterminant pour la santé mentale, en particulier au moment de l’adolescence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cours-deducation-physique-et-sportive-consistent-ils-seulement-a-faire-du-sport-203804">Les cours d’éducation physique et sportive consistent-ils seulement à faire du sport ?</a>
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<p>Cependant, le contexte dans lequel ces activités s’exercent ainsi que des facteurs individuels jouent également un rôle important. En effet, certaines conditions, par exemple des contextes de <a href="https://theconversation.com/la-competition-eloigne-t-elle-les-filles-du-sport-212207">compétition</a> intense avec des entraînements extrêmes, des styles de coaching qui insistent sur le fait de gagner ou sur des moyens immoraux pour y parvenir, ont des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0268583">effets défavorables sur la santé mentale</a>, conduisant au stress, au burn-out, à l’addiction.</p>
<h2>Par quels mécanismes biologiques le sport agit-il sur le bien-être et la santé mentale ?</h2>
<p>Des études d’imagerie cérébrale ont établi une association positive entre exercice physique et augmentation du volume d’aires cérébrales spécifiques comme l’hippocampe, une région importante pour l’encodage mnésique (le processus par lequel s’effectue la mémorisation) et la gestion du stress. La pratique régulière du tennis, en particulier, améliore aussi le fonctionnement des régions préfrontales, une région cruciale pour les fonctions exécutives.</p>
<p>Si on considère ce phénomène à l’échelle cellulaire, on observe que les effets bénéfiques d’une activité d’endurance (aérobie) sont associés à une augmentation de ce que les spécialistes nomment la neurogenèse hippocampique adulte.</p>
<p>En effet, il a été démontré qu’au sein de l’hippocampe d’un sujet adulte, de nouveaux neurones étaient générés chaque jour. Ces derniers favorisent la mémoire et la résistance au stress. Lorsque l’on introduit une roue d’écureuil dans la cage d’élevage de souris, celles-ci se mettent spontanément à faire de l’exercice aérobie (d’endurance). Si on compare le cerveau de souris qui ont produit ce type d’effort, d’une façon régulière et soutenue, avec celui de souris sédentaires, on constate une <a href="https://physoc.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1113/JP271552">augmentation importante des néoneurones de l’hippocampe</a>.</p>
<p>Plusieurs mécanismes ont été proposés : l’exercice augmente le flux sanguin cérébral et l’apport en oxygène au niveau du cerveau. Il libère aussi des facteurs neurotrophiques, c’est-à-dire des facteurs qui favorisent la croissance et la survie des neurones. Par ailleurs, on peut imposer à des souris des efforts physiques intenses, interrompus par de courtes périodes de repos. Dans un premier temps, des études semblaient indiquer plutôt un effet défavorable de l’effort anaérobie. Mais des études plus récentes ont indiqué que ce type d’effort induisait lui aussi un effet positif sur la génération de nouveaux neurones par l’hippocampe (neurogenèse hippocampique), sans doute au travers de la libération de facteurs neurotrophiques par les muscles.</p>
<h2>Ces effets existent-ils chez tout le monde ?</h2>
<p>Dans les études <a href="https://physoc.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1113/JP271552">chez l’animal</a> mais aussi <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00207454.2020.1865953">chez l’Homme</a>, les effets bénéfiques de l’effort physique sur la cognition, le bien-être et la génération de nouveaux neurones par l’hippocampe (neurogenèse hippocampique) ne sont pas présents chez tous les sujets et varient en fonction de leur fond génétique. En effet, certains variants de gènes codant pour des facteurs neurotrophiques (comme la BDNF) ou des facteurs de croissance (comme le NGF) réduisent les effets bénéfiques du sport.</p>
<p>En conclusion, on retiendra que l’ensemble de ces études confirment et précisent les effets bénéfiques de l’activité physique sur la santé mentale et le bien-être. Ils soulignent à quel point le corps et les processus cognitifs, émotionnels, sociaux sont en constante interaction. En outre, l’exercice physique, souvent pratiqué en équipe, favorise aussi l’insertion sociale, en se faisant un puissant catalyseur d’une société plus inclusive.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Federica Comazzi est membre de Sportmeet for a United World. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Catherine Belzung ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des études confirment les bénéfices de l’activité physique sur le bien-être et la santé mentale. Pratiqué en équipe, l’exercice physique favorise aussi l’insertion sociale.Catherine Belzung, Professor, Université de ToursFederica Comazzi, Doctoral candidateLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2101472023-10-11T10:50:06Z2023-10-11T10:50:06ZLes insectes : une nouvelle source de protéines pour les sportifs ?<p>Les insectes peuvent être une nuisance pour l’homme, qu’il s’agisse des moustiques qui perturbent notre tranquillité ou des chenilles qui grignotent nos jardins, mais ce n’est pas toujours le cas. Ces animaux à six pattes jouent un rôle fondamental dans la nature et peuvent fournir de la nourriture à moindre coût environnemental.</p>
<p>La dépendance excessive <a href="https://www.mdpi.com/2304-8158/6/7/53">à l’égard des protéines végétales et animales</a>, dont la production s’accompagne d’une lourde empreinte carbone, a eu et continue d’avoir un impact négatif sur l’environnement et sur le climat. Bien que l’évolution des préférences alimentaires et l’urbanisation aient pu entraîner un déclin de l’entomophagie dans certaines sociétés, nous assistons à une sorte de résurgence moderne à mesure que les avantages de l’élevage et de la consommation d’insectes deviennent plus clairs.</p>
<p>Dans un monde qui comptera <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/sites/www.un.org.development.desa.pd/files/wpp2022_summary_of_results.pdf">9 milliards d’habitants d’ici 2050</a>, il est nécessaire de trouver des moyens créatifs de cultiver des aliments pour répondre aux besoins nutritionnels, et en particulier à la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/anu.13201">demande de protéines</a>.</p>
<h2>Des élevages d’insectes pour l’alimentation</h2>
<p>Les <a href="https://www.fao.org/3/i3253e/i3253e.pdf">insectes comestibles</a> font partie de l’alimentation humaine depuis des milliers d’années. <a href="https://ethnobiomed.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13002-017-0191-6">L’entomophagie</a>, c’est-à-dire le fait de manger des insectes, est retrouvée dans des preuves archéologiques et des documents historiques provenant de diverses cultures, notamment de la Grèce et de la Rome antiques. Les insectes consommés et leur signification culturelle varient, mais de manière générale, <a href="https://www.fao.org/3/i3253e/i3253e.pdf">plus de 2 000 espèces d’insectes</a> sont consommées par environ 2 milliards de personnes dans le monde. Contrairement à la croyance populaire, les insectes ne sont pas seulement des <a href="https://www.fao.org/3/i3253e/i3253e.pdf">aliments réservés aux périodes de famine</a>, mais peuvent être consommés par choix et entrer dans la composition d’un régime alimentaire qui présente des avantages pour la santé, l’économie et l’environnement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550282/original/file-20230926-17-p0wj21.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>On estime que les insectes contiennent <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6728817/">entre 35 et 70 % de protéines</a> sur la base de leur poids sec. Ils offrent les avantages de la production animale traditionnelle avec une plus grande diversité, des niveaux nutritionnels comparables, voire meilleurs, et une bioconversion efficace, tout en utilisant moins de terres, moins d’eau et en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-017-0452-8#Sec4">émettant moins de gaz à effet de serre par kilogramme de protéines produites</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, l’industrie de l’élevage d’insectes connaît une <a href="https://www.eurogroupforanimals.org/files/eurogroupforanimals/2023-03/The_future_of_insect_farming__where%E2%80%99s_the_catch__final_ver.pdf">croissance significative</a>, avec 71 entreprises pratiquant activement l’élevage de masse à une échelle semi-industrielle ou industrielle rien qu’en Europe. Actuellement, quatre insectes sont autorisés pour l’alimentation humaine dans l’UE, et huit autres sont en <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2023-000581_EN.html">cours de réglementation</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550284/original/file-20230926-29-o9bcy4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.eurogroupforanimals.org/files/eurogroupforanimals/2023-03/The_future_of_insect_farming__where%E2%80%99s_the_catch__final_ver.pdf">Insect species authorized in the EU for food and feed, January 2023</a></span>
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<p>De manière générale, les insectes sont <a href="https://www.annualreviews.org/doi/pdf/10.1146/annurev-nutr-041520-010856">riches en protéines</a>, acides gras mono et polyinsaturés (oméga 3 et 6), minéraux (cuivre, fer, magnésium, manganèse, phosphore, sélénium et zinc) et vitamines (groupe B, A, D, E et K). La plupart contiennent également des composés bioactifs, molécules issues du vivant pouvant avoir des effets bénéfiques sur la santé, comme des antioxydants ou des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensice (ECA) connu pour leur rôle dans la régulation de l’hypertension artérielle.</p>
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<p>Tous les insectes ne se valent pas. La <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/proceedings-of-the-nutrition-society/article/edible-insects-are-the-future/206E43F1C95FCA2E67EF04950321414E">composition nutritionnelle</a> d’un insecte varie en fonction de l’espèce, du stade de développement (larves ou adultes), de la nourriture qu’il a ingérée, de l’environnement (température, humidité, photopériode), mais aussi du mode de préparation avant consommation (séché, cuisiné, frit). Lors de la production d’insectes, ces facteurs peuvent être modulés pour optimiser <a href="https://www.wageningenacademic.com/doi/10.3920/JIFF2020.0050">leur qualité nutritionnelle</a>.</p>
<h2>Pourquoi cibler les sportifs ?</h2>
<p>La plupart des sportifs sont toujours en recherche de meilleure performance et certains vont avoir recours à des compléments alimentaires pour atteindre leurs objectifs. Leurs motivations sont multiples : augmenter leur masse musculaire, améliorer leur endurance, mieux récupérer après l’effort, ou simplement être en meilleure santé.</p>
<p>Dernièrement, le <a href="https://pepswork.com/2023/05/31/le-marche-de-la-nutrition-sportive/">marché mondial de la nutrition sportive</a> a connu une croissance fulgurante, passant de 28 milliards de dollars en 2016 à plus de 50 milliards de dollars en 2023, et devrait dépasser les 80 milliards d’ici 2030. Les produits les plus consommés sont les poudres de protéines, les compléments de vitamines et minéraux, les produits « prêts à boire » et les barres protéinées.</p>
<p>En France, les produits à base d’insectes pour les sportifs sont difficiles à trouver. À l’étranger, le choix est plus important. <a href="https://gymsect.com/product/gymsect-aesthetic-blend-caramel-latte-flavour-cricket-protein-powder/">Les poudres de protéines d’insectes</a> se retrouvent au même rang que la whey ou les poudres de protéines végétales.</p>
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<p>Le dégoût est un des freins principaux à la consommation d’insectes. Les inclure dans la préparation des poudres de protéines ou des barres protéinées pourrait permettre de réduire l’appréhension à consommer les insectes puisque réduits en poudre il ne reste rien de leur apparence et leur goût est relativement neutre. En 2022, <a href="https://www.ynsect.com/food/">60 % des athlètes européens</a> étaient prêts à intégrer les insectes à leur alimentation.</p>
<p>Il existe un <a href="https://www.researchgate.net/profile/Dick-Vane-Wright/publication/231873437_Why_Not_Eat_Insects/links/55ca86d808aea2d9bdcc0242/Why-Not-Eat-Insects.pdf">rejet des insectes dans l’inconscient collectif occidental</a>. Néanmoins, les perceptions évoluent, en particulier depuis que la <em>Food and Agriculture Organization of the United Nations</em> (FAO) promeut leur consommation en vue d’assurer la <a href="https://library.wur.nl/WebQuery/wurpubs/fulltext/258042">sécurité alimentaire mondiale</a>. En effet, les insectes peuvent s’avérer efficaces, par exemple, pour nourrir les animaux d’élevage. Un usage relativement accepté ; en France, dans un sondage réalisé pour l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) plus de 70 % des sondés accepteraient d’intégrer les farines d’insectes dans l’alimentation animale. Chez les 30 % restant un des arguments principaux des personnes ne voulant pas voir apparaître une production industrielle d’insectes serait la <a href="https://www.clcv.org/storage/app/media/files/CLCV-Etude-de-la-perception-des-consommateurs-sur-les-projets-de-bio-raffineries-dinsectes.pdf">peur d’une crise sanitaire</a> similaire à celle de la vache folle.</p>
<p>Toutefois, quand il s’agit de nos assiettes, le dégoût des insectes est toujours présent et les producteurs d’aliments à base d’insectes en sont pleinement conscients. Pour charmer les consommateurs malgré ce rejet, certaines stratégies sont utilisées : par exemple, proposer des dessins d’insectes sur les produits plutôt que des photos, ou bien vendre des produits à base de farine plutôt que des insectes entiers (les barres protéinées en sont la parfaite image), les consommateurs étant moins réticents à goûter ces produits <a href="https://ifst.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ijfs.15167">lorsque les insectes ne sont pas visibles dans leur assiette</a>.</p>
<h2>Quelques défis encore à relever</h2>
<p>Le secteur de la production d’insectes est confronté à de nombreux défis. Selon Nathan Preteseille, un expert de l’industrie mondiale de l’élevage d’insectes, l’un des plus difficiles à relever en Europe, vient du fait que les insectes entrent dans la catégorie des « nouveaux aliments ». Cette catégorie s’accompagne d’un plus grand nombre de tests et de procédures administratives, ce qui allonge considérablement les délais d’approbation avant l’utilisation pour la consommation humaine. Ceci dit, cela permet d’approfondir la recherche sur des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772566921000033">pratiques d’élevage qui soient plus sûres</a>.</p>
<p>Dans les élevages d’insectes, les conditions d’élevage peuvent favoriser <a href="https://www.wageningenacademic.com/doi/10.3920/JIFF2021.0024">l’apparition de maladies entomopathogènes</a>. C’est pourquoi, comme pour l’élevage animal, il est nécessaire de veiller au contrôle de la qualité des installations. Par ailleurs, il existe une demande croissante pour que le bien-être des insectes soit pris en compte, non seulement sur le plan de la santé, mais aussi en ce qui concerne leur traitement éthique dans ces installations, avec des questionnements autour de la perception de la douleur chez les insectes.</p>
<p>Pour la santé humaine, au-delà des avantages cités plus haut, les allergies alimentaires peuvent constituer un risque auquel il convient de prêter attention. En raison des régimes alimentaires occidentaux depuis longtemps exempts d’insectes, il est par exemple possible que certaines personnes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352364616300013">n’aient plus les enzymes nécessaires</a> à la consommation de chitine contenue dans les insectes et les crustacés. Ainsi, il est probable que les personnes déjà allergiques aux fruits de mer, comme les mollusques et les crustacés, le soient également aux insectes.</p>
<p>Consommer des insectes devrait devenir de plus en plus populaire et accepté dans le monde occidental. Les stratégies de commercialisation des produits à base d’insectes contribuent à améliorer la perception de la consommation de produits à base d’insectes. Les politiques s’améliorent et des associations mondiales telles que <em>International Platform of Insects for Food and Feed</em> (<a href="https://ipiff.org/">IPIFF</a>), <em>Asian Food and Feed Insect Association</em> (<a href="https://affia.org/">AFFIA</a>) et la FAO travaillent à l’amélioration des cadres réglementaires, non seulement pour la production d’insectes, mais aussi pour l’utilisation des produits à base d’insectes sur un marché en pleine expansion. Alors, êtes-vous prêt·e·s à essayer la prochaine boisson protéinée à base de grillons et aromatisée au chocolat ?</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210147/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deconninck Gwenaëlle est doctorante à l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (IRBI) - UMR 7261 CNRS - Université de Tours</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Manas est doctorant à l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (IRBI) - UMR 7261 CNRS - Université de tours</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Loretta Mugo a reçu des financements de Marie Curie ITN project INSECTDOCTORS program grant number 859850. She works at the Research Institute for Insect Biology (IRBI)- UMR 7261 CNRS / Univeristy of Tours</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Robert Pienaar est membre de Consortium de recherche INSECTDOCTORS et il a reçu des financements de Marie Curie ITN project INSECTDOCTORS program grant number 859850. Il travaille dans l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte - UMR 7261 CNRS / Université de Tours.</span></em></p>Les insectes sont riches en protéines, vitamines et minéraux, tout en ayant une haute digestibilité. Dans quelle mesure peuvent-ils constituer une alimentation de choix pour les sportifs ?Deconninck Gwenaëlle, Doctorante à l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte, Université de ToursFrédéric Manas, Doctorant en biologie des organismes, Université de ToursLoretta Mugo-Kamiri, Double doctorante entre University of Exeter et l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte - CNRS, Université de ToursRobert Pienaar, Double doctorant entre Universitat de València et l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte - CNRS, Université de Tours, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129222023-09-24T15:32:40Z2023-09-24T15:32:40ZLe pays le plus peuplé du monde peut-il fournir des emplois à sa jeunesse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548687/original/file-20230917-36057-kzuxov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5356%2C3551&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mumbai, août 2017. Les Indiens migrent en grand nombre des campagnes aux villes, et dernièrement des villes aux campagnes, dans l’espoir de trouver un emploi.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mumbai-india-august-8-2017-falling-1107077855">Emmanuel Nalli/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques mois, l’Inde est officiellement devenue le <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/inde-pays-le-plus-peuple">pays le plus peuplé du monde</a>, comptant 1,4 milliard d’habitants. Alors qu’elle a longtemps été considérée comme un pays pauvre, son économie surpasse désormais celle de son ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, et se classe au cinquième rang mondial, tandis que son taux de croissance est <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/inde-le-pib-a-progresse-de-7-2-en-2022-23-20230531">l’un des plus élevés au monde</a>.</p>
<p>Ces indicateurs peuvent faire oublier les fragilités structurelles de l’économie indienne, au premier rang desquelles l’emploi et la pauvreté. <a href="https://pip.worldbank.org/country-profiles/IND">45 % de sa population vit avec moins de 3,65 dollars par jour</a>, et elle ne se place qu’au <a href="https://www.imf.org/external/datamapper/PPPPC@WEO/IND?zoom=IND&highlight=IND">127ᵉ rang mondial en termes de PIB par habitant</a>. Les taux de croissance spectaculaires de l’économie indienne au cours des vingt dernières années n’auront permis qu’une amélioration modeste des conditions de vie d’une vaste majorité d’Indiens. L’emploi est le principal canal de transmission de la croissance économique vers l’amélioration des conditions de vie ; or il est devenu un sujet majeur d’inquiétude.</p>
<h2>Une croissance sans emploi ?</h2>
<p>Une expansion économique qui ne créerait pas d’emplois ne saurait induire du développement humain. Et en Inde, l’élasticité emploi de la croissance, c’est-à-dire la variation en pourcentage du nombre d’emplois pour 1 % de croissance, n’a cessé de baisser depuis les années 1970. Elle était de 0,44 au début des années 2000, ce qui signifie que moins d’un demi-emploi est créé pour chaque point de croissance, et a continuellement décliné depuis, jusqu’à devenir négative en 2014 : la croissance détruisait alors des emplois.</p>
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<p>La croissance était alors qualifiée de « sans emploi » ou <a href="https://www.almendron.com/tribuna/wp-content/uploads/2013/03/Joblessness_Informalization_in_India.pdf">« jobless growth »</a>. Elle s’établit depuis aux alentours de 0,01. Cela signifie qu’un taux de croissance de 7,2 %, (celui enregistré sur l’année fiscale 2022-2023) permettrait de créer <a href="https://www.cmie.com/kommon/bin/sr.php?kall=warticle&dt=20220425122826&msec=57">6 millions d’emplois</a>, tandis que la population active croît de 10 millions d’individus par an, et alors que seuls 4 Indiens sur 10 en âge de travailler cherchent ou ont un emploi.</p>
<p>Cette fin de transition démographique et cet accroissement associé de la population active soulignent l’acuité de la question de l’emploi.</p>
<h2>L’emploi repose avant tout sur le secteur manufacturier</h2>
<p>La piètre capacité de la croissance indienne à créer des emplois trouve son origine d’une part dans le développement bridé du secteur manufacturier, et d’autre part dans l’essor précoce du secteur des services.</p>
<p>Au cours des années 1970, l’introduction conjuguée de deux législations a entravé la croissance des unités de production et leur capacité à bénéficier d’économies d’échelle.</p>
<p>Premièrement, les <a href="https://www.ilo.org/dyn/natlex/natlex4.detail?p_lang=fr&p_isn=5215">amendements de l’« Industrial Disputes Act »</a> en 1976 et 1984, ont introduit des rigidités sur le marché du travail, incitant les entreprises à recourir au travail informel, par ailleurs moins onéreux. Le coût moyen du travail baissant, les industries ont préféré utiliser ce facteur aux dépens du capital. L’intensité capitalistique du secteur était donc relativement faible, de même que la productivité du travail.</p>
<p>D’autre part, une réglementation a été introduite au cours des années 1970 et 1980 pour réserver la production de certains biens à de petites unités, ce qui a entravé l’accroissement de la taille des unités de production.</p>
<p>La conjugaison de ces deux phénomènes – salaires bas et protection des petites unités de production – a découragé le recours au capital et limité la capacité de ces industries à bénéficier d’économies d’échelle. L’emploi dans le secteur manufacturier était alors relativement abondant, mais la productivité du travail y était faible.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JUC8op0uwDQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Au moment où, dans les années 1990 et au début des années 2000, l’Inde s’est lancée, en partie sous l’égide du FMI, <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2006-3-page-189.htmInternational">dans l’ouverture et la libéralisation de son économie</a>, les mesures de protection de ces petites industries ont été retirées. Ces dernières se sont alors trouvées confrontées non seulement à la concurrence interne mais également à celle des importations.</p>
<p>Elles ont cherché à accroître leur taille, en privilégiant le recours au capital au détriment du travail. La croissance du secteur manufacturier qui s’en est suivie s’est appuyée sur une hausse de la productivité du travail, tandis que son contenu en emplois a été faible. Ainsi, entre 2011 et 2018, le secteur manufacturier a connu un taux de croissance moyen de 5,8 %, <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.IND.MANF.KD.ZG?end=2019&locations=IN&start=2011">tout en détruisant 3 millions d’emplois</a>. </p>
<h2>Un transfert intersectoriel de la main-d’œuvre trop lent</h2>
<p>La croissance de l’emploi dans le secteur manufacturier est essentielle pour l’amélioration du niveau de vie d’une grande partie de la population indienne, grâce au transfert intersectoriel de main-d’œuvre. Étant donné que 44 % de la population active est employée dans le secteur primaire – qui, par ailleurs, ne contribue qu’à 17 % du PIB – la productivité et donc la rémunération du travail agricoles sont faibles. Cette surabondance de main-d’œuvre peut en partie s’expliquer par le rôle d’assurance que joue le secteur agricole en Inde. L’emploi étant aux deux tiers informel, les travailleurs ne bénéficient d’aucun filet de sécurité, si ce n’est le travail sur la terre.</p>
<p>Ainsi, malgré une baisse tendancielle depuis trente ans de la part de la main-d’œuvre dans l’agriculture, celle-ci a à nouveau augmenté à partir de 2020 et suite aux mesures de confinement liées à l’épidémie de Covid-19. De nombreux Indiens, privés de moyens de subsistance, sont retournés dans leur village pour travailler dans les exploitations agricoles familiales. Un transfert de main-d’œuvre de l’agriculture vers l’industrie permettrait d’augmenter la productivité et donc les revenus agricoles, tandis que les rémunérations dans l’industrie sont en moyenne plus élevées.</p>
<p>De plus, compte tenu du niveau moyen de qualification de la main-d’œuvre indienne, un tiers de la population active n’a pas reçu d’instruction élémentaire. L’emploi manufacturier semble le plus à même d’absorber ces travailleurs. L’amélioration du niveau de vie de près d’un Indien sur deux dépend de ce transfert de main-d’œuvre, et donc de la création d’emplois dans l’industrie, création bien faible sur la période récente.</p>
<h2>La faible contribution du secteur des services</h2>
<p>Le secteur des services aurait également pu permettre la création d’emplois, si sa croissance n’avait pas reposé depuis les années 1980 sur des secteurs de niche extrêmement productifs requérant un niveau élevé de qualifications, tels que les services financiers, de communication ou aux entreprises. La part de ce sous-secteur dans la valeur ajoutée et l’emploi dans les services était, en 1983, respectivement de 9 % et 5 %. En 2012, il représentait 30 % de la valeur ajoutée dans les services mais n’employait que 10 % de la main-d’œuvre du secteur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701131135097733325"}"></div></p>
<p>L’expansion du secteur n’a pas conduit à une création massive d’emplois. Dans de nombreux pays comparables, les parts du secteur des services dans le PIB total et dans l’emploi sont équivalentes. En Inde, le secteur des services contribue aujourd’hui à 48 % de la création de valeur ajoutée, mais <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.SRV.TOTL.ZS?locations=IN">n’emploie que 31 % de la main-d’œuvre</a>.</p>
<p>Non seulement la source de la croissance dans les services ne permet pas une création massive d’emplois, mais encore ces emplois requièrent un niveau élevé de qualification, que peu de travailleurs indiens possèdent. Nous l’avons dit : 78 % de la population active <a href="https://data.oecd.org/eduatt/adult-education-level.htm">n’a pas dépassé le niveau secondaire</a>.</p>
<h2>L’emploi : l’enjeu central de l’avenir économique de l’Inde</h2>
<p>La création d’emplois dans l’industrie est un enjeu crucial pour l’économie indienne afin d’absorber les nombreux nouveaux entrants sur le marché du travail, de permettre le transfert de la main-d’œuvre de l’agriculture vers d’autres secteurs et donc l’amélioration des conditions de vie, et de rendre la croissance soutenable en favorisant la demande intérieure, l’économie indienne étant peu tournée, pour l’instant, vers les exportations.</p>
<p>L’importance du développement du secteur manufacturier a été reconnue par le gouvernement au travers de la mise en place de plans visant à stimuler cette industrie tels que <a href="https://www.makeinindia.com/">« Make in India »</a> ou encore le volet industriel du programme <a href="https://www.investindia.gov.in/fr-fr/atmanirbhar-bharat-abhiyaan">« Atmanirbhar Bharat »</a> ou Inde autonome, ainsi que l’assouplissement du droit du travail.</p>
<p>Entre 2020 et 2022, le secteur manufacturier a, à nouveau créé huit millions de nouveaux emplois. Bien que ces chiffres soient encourageants, ils ne sont, pour l’instant, pas à la mesure du défi, compte tenu de l’entrée massive d’actifs sur le marché du travail. L’emploi est un enjeu central de l’expansion économique et de la stabilité politique de l’Inde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212922/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Bros ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Inde connaît une rapide croissance économique, mais peine à créer des emplois en nombre suffisant pour les millions de jeunes actifs qui arrivent chaque année sur le marché du travail.Catherine Bros, Professeur des universités en économie, Université de Tours - LEO, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048742023-05-24T17:31:32Z2023-05-24T17:31:32ZAux États-Unis, la longue marche vers l’égalité LGBTQ+<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526472/original/file-20230516-15-zgqnd1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C7%2C4930%2C3289&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, les minorités sexuelles se sont battues pendant des décennies pour obtenir des droits qui sont aujourd’hui menacés par certains responsables politiques.
</span> <span class="attribution"><span class="source">lazyllama/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>La remise en cause progressive de l’ordre hétéronormatif bouleverse le paysage juridique états-unien à mesure que les notions d’orientation sexuelle et d’identité de genre trouvent un écho puissant dans les pratiques des opérateurs juridiques. Cette tendance se heurte à des résistances acharnées, comme on a récemment pu le constater avec la <a href="https://theconversation.com/fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-moins-de-democratie-plus-de-religion-184914">révocation du droit fédéral à l’avortement</a>. Clarence Thomas, l’un des neuf juges de la Cour suprême, n’a pas caché <a href="https://www.newsweek.com/clarence-thomas-gay-marriage-supreme-court-ruling-obergefell-v-hodges-1718971">son souhait de démanteler certains des droits fondamentaux des Américains LGBTQ+</a>, acquis au niveau fédéral, alors que <a href="https://www.slate.fr/story/243755/amerique-floride-etats-unis-projet-ron-desantis-make-america-florida-election-presidentielle-2024">Ron DeSantis</a>, actuel gouverneur de la Floride et possible candidat républicain à la présidentielle de 2024, s’est engagé dans une guerre culturelle acharnée contre les personnes LGBTQ+. Anthony Castet, maître de conférences en études nord-américaines, à l’Université de Tours, revient dans <a href="https://pufr-editions.fr/produit/la-fabrique-de-legalite-lgbtq-aux-etats-unis/">« La Fabrique de l’égalité LGBTQ+ aux États-Unis »</a>, à paraître aux Presses universitaires François Rabelais et dont nous vous proposons ici un extrait, sur le long combat pour les droits civiques des minorités sexuelles et de genre dans un pays tiraillé entre l’égale protection des lois, réservée à chacun, et l’instrumentalisation de la liberté religieuse, hostile aux personnes LGBTQ+.</em></p>
<h2>Statut des minorités sexuelles et de genre</h2>
<p>Cette population est d’évidence composée d’individus dont les aptitudes, les compétences, les croyances religieuses, les origines ethniques et sociales sont diverses et contribuent à la richesse de la communauté nationale à laquelle ils appartiennent. Pourtant, ils subissent l’incompréhension viscérale d’une partie de la société qui n’a de cesse de recourir à des éléments de langage visant à discréditer et à disqualifier le mouvement par tous les moyens possibles.</p>
<p>Ils sont accusés de défendre des intérêts particuliers dont ils ambitionnent de se prévaloir, en particulier au niveau politique. On parle de « lobby LGBT », de « communautarisme LGBT », d’« agenda homosexuel » et de « droits spéciaux », terminologie dont la connotation péjorative vise à associer le mouvement LGBTQ+ à une force sournoise profondément antidémocratique et prosélyte. Ce refus de comprendre et cette incompréhension – issus de la morale religieuse la plus rigoriste – sont alimentés par certains politiques et juges qui sont les architectes de l’invisibilisation, du refoulement, de la compartimentation, de l’homophobie intériorisée et de l’<em>outing</em>.</p>
<p>La brèche ouverte dans le mur de séparation entre les Églises et l’État ainsi que la liberté religieuse, érigée en dogme absolu pour justifier une différence de traitement à l’égard d’un groupe minoritaire, comptent parmi les caractéristiques de cette guerre culturelle menée contre le mouvement LGBTQ+. Un groupe minoritaire est <a href="https://www.abebooks.com/first-edition/Gays-Uniform-Pentagons-Secret-Reports-Edited/545217051/bd">constitué par</a> des individus qui ont en commun l’expérience d’être l’objet de discriminations fondées sur des stéréotypes, sur des croyances ethnocentriques ou sur des préjugés qui sont partagés par des membres du groupe non minoritaire.</p>
<p>Ces deux composantes agissent à la manière de turbines qui alimentent les agitations sociales du pays et affectent les mécanismes institutionnels de la vie politique, à mesure que la communauté LGBTQ+ gagne en visibilité et en crédibilité dans la conquête des cœurs et des esprits. Cette dynamique au profit de la minorité LGBTQ+ correspond historiquement, selon <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2009-4-page-135.htm">Camille Froidevaux-Metterie</a>, professeure de science politique, à un « mouvement de flux et de reflux de la foi religieuse » qui va de pair avec un second processus amorcé par le mouvement LGBTQ+ en faveur de l’égalité réelle <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo3627498.html">« sous la forme de cycles alternatifs que nous pourrions communément décrire par “des pas de géant” et “des phases de stabilité” »</a>.</p>
<p>Le contexte des guerres culturelles rend les victoires politiques et juridiques du mouvement LGBTQ+ fragiles et incertaines. La persistance de l’homophobie, de discours contradictoires au niveau politique et de l’injonction paradoxale au niveau juridique peut encore aujourd’hui conduire à la régression. Ainsi, le statut des Américains LGBTQ+ est constamment soumis à réévaluation par les conservateurs, ce qui peut constituer de nombreuses situations anxiogènes pour ces personnes. […]</p>
<p>En s’appuyant sur le cadre juridique international des droits de l’homme, les juges ont été les principaux artisans de l’égalité des droits des Américains LGBTQ+ en bâtissant un arsenal jurisprudentiel progressif et solide fondé sur les V<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> amendements de la Constitution des États-Unis. Ils ont été les témoins directs de nombreux récits authentiques d’hommes et de femmes LGBTQ+ frappé‧e‧s historiquement d’indignité et d’immoralité en raison de leur orientation sexuelle. Néanmoins, les progrès considérables acquis par les personnes LGBTQ+ aux niveaux politique et juridique, la visibilité grandissante des problèmes auxquels elles font face ainsi que la libération de la parole ne doivent pas occulter un passé historique funeste pour ces individus dont l’humanité a été dépréciée et malmenée par une discrimination d’État. […]</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/loyacDl4HuI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Établissement du droit à la vie privée des couples de même sexe</h2>
<p>Dans l’introduction de son opinion majoritaire, dans l’affaire <a href="https://supreme.justia.com/cases/federal/us/539/558/">Lawrence vs Texas</a> (2002), le juge de la Cour suprême Anthony Kennedy fonde clairement son raisonnement sur un principe essentiel de liberté. Une valeur fondamentale de la démocratie, obtenue au prix d’une lutte sans faille contre l’oppression de la monarchie britannique, qui garantit l’importance des libertés individuelles et plus précisément encore le droit d’être en sécurité chez soi : </p>
<blockquote>
<p>« Dans notre tradition, l’État n’est pas omniprésent à l’intérieur de la maison [ainsi que dans] d’autres domaines de notre vie et de notre existence, à l’extérieur de la maison. »</p>
</blockquote>
<p>Au nom de la tradition libérale, le juge invoque implicitement un droit des personnes homosexuelles à une vie privée garantie par le IV<sup>e</sup> amendement de la Constitution qui protège les Américains contre des perquisitions et saisies non justifiées. […]</p>
<p>Kennedy s’évertue à complexifier la reconnaissance des droits fondamentaux des Américains LGBTQ+ du point de vue historique, juridique, philosophique, mais aussi des droits de l’homme. En s’appuyant sur la procédure légale régulière, Kennedy doit expliciter la ou les libertés qui sont, selon lui, bafouées. Pour ce faire, il fait appel une nouvelle fois à un contrôle du fondement rationnel pour invalider la loi du Texas, ce qui lui vaudra de nombreuses critiques […].</p>
<p>Son premier objectif est de démontrer que la vie privée est une liberté, et que celle-ci est fondée sur la jurisprudence de nombreuses affaires traitées entre 1923 et 1973, dont le point culminant a été la légalisation de l’avortement dans <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cw4xpn9yv2no"><em>Roe v. Wade</em></a>. Cet arrêt garantit la libre disposition du corps de la femme et la liberté de pouvoir prendre des décisions le concernant. Le droit à la vie privée est encadré par le <em>substantive due process</em>, principe qui consiste à restreindre le pouvoir des législateurs d’adopter certaines lois qui viendraient considérablement porter atteinte à la substance du droit et/ou de la liberté (fondamentale) contenus dans le XIV<sup>e</sup> amendement.</p>
<p>Le jugement rendu dans <a href="https://www.oyez.org/cases/1900-1940/262us390"><em>Meyer</em> (1923)</a> (la Cour a annulé une loi du Nebraska qui interdisait aux professeurs d’enseigner une autre langue vivante que l’anglais) guide le cheminement intellectuel emprunté par Kennedy dans la perspective de définir le terme de liberté du point de vue juridique dans une approche purement pragmatique :</p>
<blockquote>
<p>« Le droit de l’individu […] de se lancer dans n’importe quelle occupation ordinaire de la vie, d’acquérir des connaissances utiles, de se marier, de fonder un foyer et d’élever des enfants […] et, en général, de profiter de ces privilèges reconnus il y a longtemps par le droit coutumier comme étant essentiels dans la recherche ordonnée du bonheur des hommes libres. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, le droit à la vie privée trouve sa place dans cette longue énumération d’opportunités qui permettent aux individus de s’accomplir et de s’enrichir dans toutes les étapes de la vie sans que l’État puisse invoquer arbitrairement un intérêt d’ordre public pour s’y opposer. Ce principe du <em>substantive due process</em> (droit substantiel) autoriserait certains juges « libéraux » de la Cour suprême à user d’un pouvoir d’interprétation non négligeable que certains utiliseraient de manière abusive, selon leurs détracteurs. Cette accusation contre-productive vise à disqualifier le fond du raisonnement alors même que Kennedy est un juge conservateur modéré. […]</p>
<p>Kennedy fait référence également à l’arrêt <a href="https://www.oyez.org/cases/1964/496"><em>Griswold v. Connecticut</em> (1965)</a> afin d’établir un lien entre le présent dossier et un droit marital à la vie privée qui sanctuarise la chambre en tant qu’espace protégé, propice à la sexualité. Dans <em>Griswold</em>, la Cour a décidé d’invalider une loi du Connecticut (1879) qui interdisait la promotion et l’utilisation de moyens contraceptifs. Ce jugement a instauré le droit des individus de prendre des décisions relatives à leur intimité sexuelle et reproductive.</p>
<p>En 1972, dans l’affaire <a href="https://www.oyez.org/cases/1971/70-17"><em>Eisenstadt</em></a>, la Cour suprême a annulé une loi du Massachusetts qui interdisait la distribution de moyens contraceptifs à des personnes non mariées : « C’est le droit de l’individu, marié ou célibataire, que d’être libre de toute intrusion gouvernementale injustifiée dans des affaires qui touchent une personne de manière si fondamentale ». <em>Griswold</em> (1965) et <em>Eisenstadt</em> (1972) servent de précédents dans <em>Roe v. Wade</em> (1973) afin d’autoriser les femmes à avorter. D’après la Cour, le corps d’un individu est un espace de liberté protégé. Il est donc légitime de pouvoir faire des choix intimes qui s’y rapportent. Rappelons que ces deux affaires se déroulent dans le contexte des années 1960-70 au moment où la justice est confrontée à la question du rapport sexuel à des fins récréatives et non procréatives en dehors du mariage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Castet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un récent ouvrage revient sur les longues et complexes procédures juridiques qui, aux États-Unis, ont permis aux personnes LGBT+ d'obtenir des droits dont certains sont aujourd'hui remis en cause.Anthony Castet, Maître de Conférences civilisation nord-américaine, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042252023-05-23T17:51:35Z2023-05-23T17:51:35ZFaire décoller une goutte, ou comment utiliser des ultrasons pour sculpter de l’eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525577/original/file-20230511-15-jniafg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C13%2C2986%2C1800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La déformation de l'interface entre eau et air engendrée par l'énergie acoustique est ici haute de 4 millimètres. </span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Devaux, Félix Sisombat</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ceci n’est pas une goutte qui tombe, mais bien une goutte qui décolle… poussée par des ultrasons.</p>
<p>Pour la faire décoller, nous avons disposé sous la surface de l’eau un type de haut-parleur qui génère des ultrasons (un transducteur acoustique). Il est orienté vers l’interface entre deux fluides, par exemple ici entre l’eau et l’air, mais cela fonctionne aussi avec d’autres fluides. Quand les ultrasons atteignent une intensité suffisamment élevée, une <a href="https://theses.hal.science/tel-00283449/document">goutte d’eau peut se former, se soulever et même se détacher</a> de la surface. Ici, l’intensité est juste en dessous de ce seuil et la goutte reste « attachée ».</p>
<p>Si le signal acoustique continue, plusieurs gouttes d’eau sont successivement formées et éjectées. On parle de <em>fontaine acoustique</em>.</p>
<h2>Faire léviter des petits objets avec des ultrasons… et les déplacer</h2>
<p>En première approximation, la pression de radiation est un effet du second ordre, donc une grandeur nettement plus petite que la pression acoustique dont elle est la moyenne temporelle. La pression de radiation se manifeste comme une force mécanique lorsqu’elle s’applique sur une surface. Grâce à cette force acoustique, on peut manipuler de petits objets de l’ordre du millimètre tels que des gouttes d’eau, des composants électroniques et <a href="https://pubs.aip.org/aip/apl/article/89/21/214102/327898/Acoustic-method-for-levitation-of-small-living">même de petits insectes</a>. Dans ces cas, l’objet est directement poussé par le faisceau acoustique.</p>
<p>En orientant un transducteur vers l’objet et en dimensionnant judicieusement le système, il est possible d’avoir une force de radiation acoustique qui compense les effets de la gravité terrestre et permet alors à l’objet de léviter dans l’espace. En ajoutant des transducteurs acoustiques, des tourbillons (ou vortex) acoustiques peuvent être créés afin de manipuler de façon précise l’objet en lévitation : en modifiant le faisceau acoustique, on modifie l’<em>œil de la tornade</em> et on peut déplacer l’objet. On parle alors de <a href="https://theses.hal.science/tel-01165034">« pince acoustique »</a>.</p>
<p>Ce phénomène intéresse notamment pour les applications dans le domaine du biomédical où on recherche à <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2003569117">déplacer des médicaments</a>, contrôler à distance des dispositifs médicaux implantés dans le corps humain, ou <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/118/5/2829/897018/Temporal-analysis-of-tissue-displacement-induced,https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/118/5/2829/897018/Temporal-analysis-of-tissue-displacement-induced">effectuer des interventions chirurgicales très précises à l’échelle microscopique</a> – des recherches qui restent exploratoires pour le moment.</p>
<h2>Contrôler la forme de surfaces</h2>
<p>Pour contrôler précisément l’éjection de gouttes et le mouvement de la particule en lévitation, nous avons besoin de bien comprendre la force de radiation acoustique.</p>
<p>Les physiciens ont tendance dans ces cas à se pencher sur des systèmes relativement simples, par exemple une interface entre de l’eau et de l’air. En disposant un transducteur acoustique dans l’eau et en l’orientant vers la surface, quels vont être les paramètres ayant une influence sur la force de radiation acoustique ? Quelle déformation de l’interface en résulte ? Est-il possible de contrôler précisément dans le temps et dans l’espace cette déformation ?</p>
<p>Dans nos travaux, nous avons proposé un <a href="https://pubs.aip.org/aip/jap/article/132/17/174901/2837694/Water-air-interface-deformation-by-transient">nouveau dispositif de mesure de cette déformation</a>, qui utilise simultanément un laser confocal et un appareil photographique avec un objectif macroscopique. Ces mesures précises couplées à des simulations numériques montrent l’influence du transducteur (sa forme et sa puissance notamment).</p>
<p>Ces études ont révélé que selon l’excitation acoustique, la forme de la déformation change : sur la <em>bosse</em> d’eau se forme une tétine (ou une goutte) qui se détache si on augmente le temps d’excitation ou l’intensité acoustique générée par le transducteur – en d’autres termes, la goutte décolle.</p>
<h2>Sculpter des formes plus complexes</h2>
<p>Pour mieux comprendre l’interaction entre les ondes acoustiques et une interface, nous étudions aussi d’autres couples de fluides, comme l’eau et l’huile par exemple.</p>
<p>Mais nous cherchons également à obtenir des formes plus complexes sur une interface eau-air, en utilisant plusieurs transducteurs ultrasonores couplés entre eux. Nous aimerions ainsi un jour sculpter à façon la surface de l’eau grâce à l’énergie acoustique.</p>
<p>En effet, à plus long terme, les scientifiques aimeraient utiliser la pression de radiation sur des milieux plus complexes tels que les <a href="https://theconversation.com/ces-metamateriaux-qui-se-jouent-des-lois-de-propagation-des-ondes-85420">métamatériaux</a>. Un objectif serait par exemple de réaliser des dispositifs qui absorbent les ondes acoustiques venant dans l’air (des <em>absorbeurs acoustiques</em>), et que l’on peut contrôler en temps réel pour les adapter aux ondes à absorber.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204225/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut DEVAUX a reçu des financements de l'agence nationale de la recherche (ANR) et de la région Centre-Val de Loire</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Félix Sisombat a reçu dans le cadre de cet article un financement de de la région Centre-Val-de-Loire (bourse de thèse).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lionel Haumesser a reçu dans le cadre de cet article un financement de la région Centre-Val-de-Loire (bourse de thèse) et est membre de la société française d'acoustique (SFA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Samuel Callé a reçu dans le cadre de cet article un financement de la région Centre-Val-de-Loire (bourse de thèse).</span></em></p>Les ondes acoustiques permettent de sculpter l’interface entre deux fluides, de l’eau et de l’air par exemple.Thibaut Devaux, Maître de Conférences en Acoustique, Université de ToursFélix Sisombat, Doctorant en acoustique physique, Université de ToursLionel Haumesser, Maitre de Conférences HdR en acoustique ultrasonore, Université de ToursSamuel Callé, Professeur des universités en acoustique, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2031912023-04-13T17:49:53Z2023-04-13T17:49:53ZSéisme en Turquie : Pourquoi autant de dégâts et d’impuissance ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519941/original/file-20230407-22-g3cadh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8192%2C5457&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tremblement de terre du 6&nbsp;février 2023, qui a frappé une zone frontalière turco-syrienne, a fait plus de 50&nbsp;000 morts.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/turkey-earthquake-kahramanmaras-gaziantep-adana-hatay-2261981611">FreelanceJournalist/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>À un mois de <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20230310-pr%C3%A9sidentielle-en-turquie-l-opposition-unie-face-%C3%A0-un-erdogan-plus-fragilis%C3%A9-que-jamais">l’élection présidentielle en Turquie</a>, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan essuie de nombreuses critiques du fait de sa gestion du <a href="https://theconversation.com/seisme-en-turquie-la-catastrophe-humanitaire-sexplique-aussi-par-la-corruption-generalisee-200568">tremblement de terre du 6 février dernier</a>, qui a provoqué un traumatisme national. Dans les heures suivant la catastrophe, la société civile s’est mobilisée en un temps record pour envoyer de l’aide humanitaire dans la région. L’État, lui, a semblé tétanisé, et n’a commencé à réagir qu’au bout de 48 heures.</p>
<p>Chacun a pu constater que l’État n’était pas vraiment préparé à un plan d’action d’urgence en cas de séisme de grande ampleur et que ses services étaient largement dysfonctionnels. Au-delà, la catastrophe a également mis en évidence les immenses lacunes de la Turquie en matière de mise en œuvre d’une urbanisation rationnelle tenant compte du <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-des-seismes-en-cascade-en-turquie-et-en-syrie-199350">risque sismique</a>.</p>
<p>Ce risque n’a pourtant rien de nouveau dans le pays, qui a déjà connu, par le passé, des secousses comparables, notamment le <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20230207-la-turquie-une-longue-histoire-de-s%C3%A9ismes-d%C3%A9vastateurs">séisme d’Elazığ en 1939, qui avait causé la mort de 33 000 personnes</a>. Rien que depuis 1999, la Turquie a subi (si l’on tient compte du 6 février dernier) 11 tremblements de terre d’une magnitude de plus de 6 sur l’échelle de Richter, qui ont causé au total plus de 70 000 morts et des dégâts colossaux.</p>
<p>Pourquoi la Turquie n’arrive-t-elle toujours pas à mettre en place un système de construction fiable et solide et une politique urbanistique adaptée aux réalités géologiques ? Le 6 février en a tragiquement rappelé l’urgence, d’autant que les spécialistes indiquent qu’un séisme de grande ampleur <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geologie-istanbul-tarde-a-se-premunir-contre-le-seisme-qui-vient">va très probablement bientôt frapper la métropole d’Istanbul</a> et ses 16 millions d’habitants…</p>
<h2>Cent ans d’urbanisation prenant très peu en compte les risques sismiques</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2017-2-page-54.htm">L’urbanisation</a> a été une priorité de l’État dans les premières années suivant la fondation de la République (1923). Le gouvernement de Mustafa Kemal Atatürk avait alors convié des aménageurs français et allemands pour planifier et développer des villes, notamment la capitale <a href="https://books.openedition.org/ifeagd/2700?lang=fr">Ankara</a>, selon des normes modernes.</p>
<p>Néanmoins, dès la fin des années 1930, cette volonté s’est heurtée à deux phénomènes devenus endémiques jusqu’à nos jours : d’une part, le manque de moyens ; de l’autre, la spéculation et les intérêts fonciers des dirigeants eux-mêmes.</p>
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<p>Dès les années 1940, les politiques d’urbanisation et de logement sont pratiquement devenues lettre morte et les villes se sont développées d’une manière anarchique, les grandes métropoles se couvrant d’habitats informels (gecekondus). Si bien que, dans les années 1990, 72 % des habitants d’Ankara vivaient dans ce type de logements.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de bidonvilles à Ankara.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cem Aytas/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mis à part quelques tentatives infructueuses, les gouvernements ont longtemps laissé faire, et n’ont pas tenté de transformer à grande échelle les gecekondus, craignant une sanction électorale dans ces zones fortement peuplées.</p>
<p>Cette position a évolué à la suite <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/turquie-ao%C3%BBt-1999-17-000-morts-en-moins-de-quarante-secondes-4517831">du grand tremblement de terre de 1999</a> dans la mer de Marmara près d’Istanbul, qui a causé la mort de 16 000 personnes et la destruction de 20 000 bâtiments, et de la <a href="https://www.persee.fr/doc/tiers_1293-8882_2003_num_44_175_5414">crise financière de 2001</a>, qui a provoqué une rupture politique et économique considérable.</p>
<p>Porté au gouvernement après la crise de 2001, le Parti de la justice et du développement (AKP) a massivement utilisé l’argument du risque sismique pour entreprendre de vastes projets urbains : transformation ou rénovation des quartiers informels ou vétustes, construction de grandes infrastructures comme des ponts, des autoroutes et des aéroports. L’idée était de relancer la croissance économique du pays en stimulant le secteur de la construction. Malheureusement, l’urbanisation rapide ainsi mise en œuvre n’a guère pris en compte les normes anti-sismiques, ce qui aurait pu sauver des milliers de vies au vu des séismes qui se sont produits par la suite et qui, pour la plupart, étaient prévisibles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Institution nationale des statistiques de Turquie (TÜIK).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les projets d’urbanisation ont souvent été justifiés par la nécessité d’adapter les bâtiments et infrastructures du pays aux risques sismiques mais, dans les faits, les normes correspondantes n’ont que très peu été appliquées, et ces projets ont surtout servi à enrichir les entreprises proches de l’AKP et, partant, à renforcer le pouvoir en place.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/1468-2427.12154">Erdi-Lelandais, 2014</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’urbanisation conduite par l’AKP a abouti à la destruction des gecekondus et au déplacement forcé de leurs habitants vers les marges des villes. Comme le montre le tableau ci-dessus, la construction de nouveaux bâtiments suite à une catastrophe naturelle comme le séisme est restée minime (0,1 %), la priorité étant donnée à l’édification d’immeubles générant de hauts profits et rapportant de l’argent à l’État (75,25 %).</p>
<h2>La centralisation des politiques d’urbanisme</h2>
<p>En termes de construction et de protection contre les désastres naturels, la Turquie possède un arsenal législatif couvrant l’ensemble des domaines de l’urbanisation.</p>
<p>Dès son arrivée au pouvoir, l’AKP décide de restructurer la gouvernance du marché immobilier et de l’urbanisme en renforçant le rôle des institutions étatiques dans ce secteur.</p>
<p>En 2003, il élargit les compétences de l’Administration des Logements Collectifs (TOKI), autorisée à édifier des logements sur les terrains appartenant à l’État. En 2004, la TOKI obtient le pouvoir de procéder à des expropriations dans les zones de rénovation urbaine, d’établir des partenariats avec des entreprises privées et des trusts financiers, et de développer des projets de transformation dans les zones de gecekondus. En 2007, elle devient la seule autorité responsable de la détermination des zones de construction et de la vente des terrains publics. Enfin, en 2012, la « loi sur la transformation des zones à risques de catastrophe » donne au gouvernement les mains libres pour entreprendre des projets de renouvellement, toujours via la TOKI, en utilisant l’argument du « risque ». Les propriétaires des logements situés dans des zones déclarées à risque sont obligés de les vendre à la municipalité ou de les démolir à leurs propres frais.</p>
<p>Depuis le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/04/16/le-premier-ministre-turc-proclame-la-victoire-du-oui-au-referendum-constitutionnel_5112199_3210.html">référendum constitutionnel de 2017</a>, le pouvoir politique est plus que jamais centralisé autour du président Erdogan qui gère plusieurs domaines comme la défense, le patrimoine national, les affaires religieuses voire la communication, via des décrets présidentiels, sans passer par le Parlement. Cette centralisation se reflète au niveau local : les mairies métropolitaines deviennent compétentes dans l’ensemble des départements où elles se trouvent, y compris les villages et les zones rurales. Elles peuvent entreprendre des actions d’expropriation ou changer la caractéristique des sols, ouvrant les zones agricoles à la construction.</p>
<h2>Clientélisme et corruption</h2>
<p>Si l’ultra-centralisation aurait pu fournir à l’État la possibilité d’améliorer l’ensemble du parc immobilier du pays de façon à le rendre plus résistant aux séismes, la législation n’a pas été utilisée en ce sens.</p>
<p>L’État a utilisé l’urbanisation et la construction pour faire des profits grâce au développement de projets dans des zones à haute valeur foncière, ces projets étant sous-traités à des entreprises privées de construction « amies » : Limak, Cengiz, Kolin, Kalyon et Makyol… Les dirigeants de ces entreprises figurent dans le cercle rapproché d’Erdogan et constituent ensemble la <a href="https://www.jstor.org/stable/2777096">« machine de croissance » urbaine</a> du pays, selon les termes du sociologue Harvey Molotch.</p>
<p>Le candidat de l’opposition à la prochaine élection présidentielle, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/turquie/turquie-qui-est-kemal-kilicdaroglu-l-homme-qui-va-defier-recep-tayyip-erdogan-dans-les-urnes_5703293.html">Kemal Kılıçdaroğlu</a>, utilise la formule <a href="https://www.duvarenglish.com/erdogan-sues-main-opposition-chp-leader-kemal-kilicdaroglu-for-1-million-liras-for-calling-him-money-collector-of-five-construction-firms-news-60772"><em>Beşli Çete</em> (Gang des Cinq)</a> pour désigner ces entreprises. Celles-ci accumulent les contrats publics et se sont constitué, d’après l’opposition, une fortune d’environ 418 milliards de dollars attribués uniquement par l’État.</p>
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<p>Cette gouvernance où s’imbriquent et se chevauchent des liens amicaux, familiaux, économiques, financiers mais aussi politiques se retrouve non seulement dans la construction et les infrastructures physiques (transport, facilités portuaires, canalisation, approvisionnement en eau, etc.) mais aussi dans les infrastructures sociales (éducation, culture, technologie…). Mais le secteur de la construction est particulièrement marqué par le clientélisme. Jusqu’à récemment, les constructeurs pouvaient choisir eux-mêmes l’entreprise chargée d’inspecter la conformité de leurs bâtiments aux normes antisismiques.</p>
<p>Les intérêts financiers ont toujours dépassé l’intérêt public et le pouvoir a fermé les yeux pendant des années sur ces relations. Aucun système efficace, susceptible de sanctionner ces dérives, n’a été établi.</p>
<p>Depuis des années, des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/turquie-le-seisme-revele-le-manque-d-anticipation-des-autorites-20230207">scientifiques annonçaient l’imminence d’un grand séisme dans la région</a>, mais le gouvernement a fait la sourde oreille et continué d’autoriser la construction de bâtiments au-dessus des lignes de faille.</p>
<p>Le comble a été <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/seisme-en-turquie-et-en-syrie/seisme-en-turquie-une-loi-d-amnistie-a-autorise-durant-plus-de-40-ans-la-construction-illegale-de-logements_5660081.html">l’adoption en 2018 d’une loi rendant légaux les bâtiments construits dans des zones à risques</a> illégalement et sans respecter les normes sismiques. Ce faisant, au lieu de consolider le bâti résistant au séisme, l’État a laissé en place de nombreux bâtiments mal conçus, ce qui a, de fait, augmenté le nombre de pertes humaines le 6 février dernier.</p>
<p>On l’aura compris : l’État turc actuel, ultra-centralisé, focalisé sur les intérêts financiers d’entreprises proches du pouvoir, voit ses institutions publiques de tous les niveaux pratiquement paralysées et incapables d’agir pour réduire les risques sismiques. À chaque niveau, l’accord des supérieurs hiérarchiques est nécessaire, ce qui empêche ainsi un fonctionnement souple. À titre d’exemple, l’envoi de soldats dans la zone du séisme du 6 février pour participer aux opérations de sauvetage a pris deux jours car (en partie à cause de la méfiance envers l’armée consécutive à la <a href="https://theconversation.com/erdogan-la-guerre-tous-azimuts-64916">tentative de putsch de 2016</a>) hormis le président Erdogan, personne n’était habilité à prendre cette décision. La transformation du fonctionnement du système politique et étatique en Turquie apparaît aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Il aura fallu les dizaines de milliers de morts du 6 février pour que cette prise de conscience s’opère…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gülçin Erdi a reçu des financements de l'ANR France pour un projet de recherche sur les villes capitales (SPACEPOL) </span></em></p>Le bilan du tremblement de terre qui a dévasté le 6 février dernier une zone à cheval entre la Turquie et la Syrie s’explique en partie, côté turc, par des décennies d’urbanisation incohérente.Gülçin Erdi, Chargée de recherches CItés, TERritoires, Environnement, Sociétés (CITERES), CNRS, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2007582023-03-12T17:14:39Z2023-03-12T17:14:39ZCellules médico-psychologiques : comment aident-elles les élèves après un événement traumatique ?<p>Le milieu scolaire est, à l’image du reste de la société, régulièrement confronté à des violences et des événements graves à fort <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329409-le-trauma-comment-s-en-sortir">impact traumatique</a>. Brutalement exposés à une menace pour leur intégrité physique ou psychique, à un risque mortel pour eux-mêmes ou pour autrui, voire au spectacle d’une mort horrible, les sujets impliqués peuvent éprouver un vécu d’insécurité totale ou de perte de contrôle.</p>
<p>Dans cette expérience inattendue, désorganisatrice et destructrice du « réel de la mort », victimes et témoins se retrouvent démunis, comme dans la cité scolaire Gambetta-Carnot, à Arras, où, ce vendredi 13 octobre 2023, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/live/2023/10/13/attaque-au-couteau-dans-un-lycee-d-arras-un-enseignant-tue-deux-blesses-graves-les-dernieres-informations-en-direct_6194166_3224.html">un homme s'est introduit muni d'une arme blanche, tuant un professeur et blessant deux autres membres du personnel de l'établissement</a>. </p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/attaque-au-couteau-a-arras-certains-etaient-tres-tres-paniques-et-d-autres-tres-calmes-les-eleves-temoignent-apres-leur-sortie-de-la-cite-scolaire_6119856.html">Une cellule psychologique</a> a été ouverte dans le lycée du Pas-de-Calais pour accueillir le personnel éducatif, les élèves et leurs parents, comme cela avait été le cas lors du <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/professeure-poignardee-par-un-eleve-a-saint-jean-de-luz/enseignante-tuee-a-saint-jean-de-luz-quatre-questions-sur-l-expertise-psychiatrique-et-la-responsabilite-penale-centrales-dans-l-enquete_5680997.html">drame au lycée Saint-Thomas-d'Aquin de Saint-Jean-de-Luz</a> (Pyrénées-Atlantiques), où, le 22 février 2023, Agnès Lassalle, professeure d'espagnole est morte après avoir été poignardée en plein cours par un élève.</p>
<p>Souvent plébiscités par les médias et les politiques dans le cadre d’événements potentiellement traumatiques à dimension collective, les dispositifs de ce type sont mis en place pour dépister, soutenir et prévenir de la survenue des séquelles psychologiques. Quels sont les personnels qui les composent ? Comment fonctionnent ces cellules et quelles sont leurs missions ?</p>
<h2>Stress post-traumatique</h2>
<p>Rappelons d’abord que, pour chaque individu, le vécu subjectif des événements à potentiel traumatique est singulier, avec des répercussions variables selon le degré d’exposition à l’événement, sa sévérité, l’histoire personnelle de chacun (antécédents traumatiques, violences, carences, anxiété), les ressources internes dont on dispose et du soutien social qu’on perçoit. Les personnes impliquées peuvent ressentir une peur intense, une sidération, un sentiment d’horreur et d’impuissance.</p>
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<p>Lors de l’événement, ou juste après, la plupart des sujets se trouvent dans un état de stress adapté, c’est-à-dire avec des comportements efficaces face au danger. D’autres personnes développent un état de stress dépassé, c’est-à-dire un état de sidération, d’agitation excessive, de fuite panique, ou de comportements automatisés non adaptés au contexte.</p>
<p>Dans les jours suivant l’événement, il est fréquent d’éprouver des difficultés à dormir, avec des cauchemars et des pensées ou images intrusives de la scène traumatique. Ces réactions précoces de stress aigu sont physiologiques et peuvent être qualifiées de normales. Néanmoins, près d’un quart des impliqués, enfants ou adultes, peuvent voir ces symptômes persister et altérer de manière notable leur quotidien. On parle alors de trouble stress aigu dans le premier mois et de <a href="https://theconversation.com/stress-post-traumatique-rompre-le-silence-123803">trouble de stress post-traumatique (TSPT)</a> au-delà.</p>
<p>Le TSPT est caractérisé par des symptômes de répétition de pensées, d’images et de rêves centrés sur l’événement, des comportements d’évitement avec l’adoption de stratégies et d’efforts importants pour éviter ce qui peut rappeler l’événement (lieu, pensées, activités, personnes…), d’un état affectif marqué par des émotions négatives prédominantes, et de symptômes d’hypervigilance dans un état d’alerte permanente avec des troubles de la concentration et de l’irritabilité.</p>
<p>Ce tableau post-traumatique peut se compliquer de <a href="https://theconversation.com/les-troubles-anxieux-sont-frequents-il-faut-les-diagnostiquer-129637">troubles anxieux</a> (généralisation de la peur, phobie…) dans 60 % des cas, de <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-depression-est-une-maladie-pas-un-choix-125671">dépression</a> dans 40 % des cas, d’augmentation du risque suicidaire multiplié par quatre, d’addictions voire de manifestations somatiques d’origine psychogène.</p>
<h2>Premiers soins psychiques</h2>
<p>Créées après la <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2012/03/21/1311615-la-vague-d-attentats-islamistes-de-l-annee-1995-en-france.html">vague d’attentats de 1995</a> pour proposer une offre de soins adaptée aux blessés psychiques victimes d’événements collectifs à fort potentiel traumatique, les <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/securite-sanitaire/article/les-cellules-d-urgence-medico-psychologique-cump">cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP)</a> se sont progressivement structurées en réseau national.</p>
<p>Implantées dans chaque siège de SAMU départemental, elles sont localement animées par un psychiatre référent et composées de médecins, infirmiers et psychologues volontaires.</p>
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<figcaption><span class="caption">La CUMP : Cellule d’Urgence Médico-Psychologique (AP-HM – Hôpitaux Universitaires de Marseille, 2020).</span></figcaption>
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<p>Les <a href="https://santepsy.ascodocpsy.org/index.php?lvl=notice_display&id=149415">cellules d’urgence médico-psychologique</a> interviennent sur demande exclusive du SAMU ou de la préfecture. Elles peuvent intervenir dans l’immédiat, dans les 24 premières heures, ou en post-immédiat jusqu’à un mois après l’événement.</p>
<p>La CUMP se déploie sur place ou à proximité de l’événement, par exemple dans l’établissement scolaire, dans les premières heures qui suivent le drame. Elle reçoit le renfort en personnel de la cellule d’accueil et d’écoute de l’éducation nationale (composée des médecins, infirmiers, psychologues et assistants sociaux de l’éducation nationale). Les objectifs de cette intervention précoce sont d’apporter les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11126-022-10003-w">premiers soins psychiques</a> aux enfants, adolescents, ou adultes présents. Les principes directeurs de ce type d’intervention sont la proximité, l’immédiateté et la restauration de l’espérance.</p>
<p>Les CUMP déploient un dispositif adapté à chaque situation, en collaboration avec les acteurs de l’éducation nationale et les secours, pour rétablir le plus rapidement possible un cadre sécurisant et lutter contre les images de chaos délétères pour les victimes, en particulier pour les enfants.</p>
<h2>Favoriser la décharge émotionnelle</h2>
<p>Une première étape, en concertation avec les interlocuteurs de l’établissement, consiste à identifier, chez les enfants et adultes exposés à l’événement, le degré d’exposition à l’événement traumatique.</p>
<p>Cette étape est essentielle pour cibler les différents sous-groupes d’impliqués et adapter les prises en charge en fonction du degré d’exposition. En effet, une prise en charge collective sans cette distinction priverait les témoins directs de la parole, de peur de susciter une détresse supplémentaire chez leurs pairs n’ayant pas assisté à l’événement. Inversement, les témoins indirects pourraient ne pas se sentir légitimes à verbaliser leurs émotions devant leurs camarades ou collègues témoins directs, ce qui les enfermerait dans une souffrance muette.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/13-novembre-et-traumatisme-la-memoire-collective-influence-profondement-la-memoire-individuelle-150005">13 Novembre et traumatisme : « La mémoire collective influence profondément la mémoire individuelle »</a>
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<p>Les soins immédiats proposés visent à apaiser le stress et l’angoisse générés par l’événement, à atténuer le sentiment d’isolement ou d’impuissance, à reconnaître le préjudice subi et le caractère effroyable et exceptionnel de l’événement, à restaurer le fonctionnement adaptatif et à mobiliser les ressources personnelles.</p>
<p>La deuxième étape consiste à repérer les personnes dont les capacités de contrôle émotionnel ont été débordées, nécessitant une vigilance accrue des professionnels de la CUMP, une intensification des techniques d’apaisement, et un suivi rapproché au décours devant le <a href="http://www.abcpsychotraumas.fr/pages/actualites/livre-abc.php">risque accru de développement de TSPT</a>. Parfois, un transfert en milieu hospitalier peut être organisé lorsque l’état clinique le justifie.</p>
<p>Pour l’ensemble des personnes impliquées, les CUMP utilisent des techniques de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Defusing">« defusing »</a>, ou <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/prise-en-charge-psychologique-post-attentat-ce-qu-il-faut-faire-et-ne-pas-faire_116029">entretien de déchocage</a>, en individuel ou en groupe. Le but est de réduire la détresse en favorisant la décharge émotionnelle par le récit factuel partagé de l’événement, dans un cadre sécure. Cela permet d’initier l’intégration cognitive et émotionnelle de l’événement vécu, d’aider le sujet à reprendre la maîtrise sur ce qui lui arrive, et de le réhumaniser dans sa relation aux autres.</p>
<p>Cette prise en charge souple est non intrusive, permet parfois une amélioration rapide de l’état psychique, et s’accompagne systématiquement d’une information – adaptée aux capacités de compréhension du public pris en charge – sur la possible émergence de symptômes « normaux ou pathologiques » dans les jours suivants. Sont également communiquées les coordonnées de professionnels de santé spécialisés à consulter le cas échéant.</p>
<h2>Travailler avec la communauté éducative</h2>
<p>La CUMP peut être amenée à intervenir dans les 3 à 10 jours, pour réaliser des Interventions Psychothérapeutiques Post-Immédiates (IPPI). Cette technique psychothérapeutique directive et relativement intrusive nécessite une formation spécifique, et peut être proposée en individuel ou à des groupes de personnes volontaires, homogènes en termes d’exposition, et appartenant au même groupe avant l’événement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cellules-psy-prescription-politico-mediatique-du-traumatisme-50727">Les cellules « psy » : prescription politico-médiatique du traumatisme</a>
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<p>Son but est de faciliter l’intégration de l’événement vécu, tout en limitant les effets potentiellement traumatiques, par la limitation des débordements émotionnels, en légitimant les émotions ressenties et en corrigeant les informations inexactes. Cette intervention favorise la reprise de l’activité et du fonctionnement du groupe préexistant à l’événement. Elle permet aussi le repérage des personnes présentant un TSPT naissant, et de les orienter vers une prise en charge.</p>
<p>Les événements traumatiques sont inoubliables. Leur survenue en milieu scolaire peut marquer durablement l’établissement concerné. Elle implique de sensibiliser l’ensemble des professionnels de l’institution scolaire et de porter une attention spécifique aux personnes touchées par l’événement. Les professionnels de santé veillent sur le risque de réactivation traumatique, qui peut parfois survenir des années plus tard, lors de dates anniversaires, ou lors d’événements de vie plus personnels. Leur mission est alors d’accompagner l’enfant ou l’adulte vers les structures de soins adaptées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Bray est le psychiatre référent de la CUMP 37.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Wissam El-Hage ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une cellule psychologique a été déployée pour soutenir les membres de la cité scolaire Gambetta-Carnot d'Arras touchée par une attaque au couteau. Quelles sont les missions de ce type de dispositifs ?Antoine Bray, Psychiatre au Centre Régional de Psychotraumatologie (CHRU Tours), CUMP 37, Université de ToursWissam El-Hage, Professeur de Psychiatrie, Responsable du Centre Régional de Psychotraumatologie CVL , Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1988292023-03-08T19:03:48Z2023-03-08T19:03:48ZLe masque nous empêche-t-il de lire les émotions d’un visage ?<p>Le visage est une source d’information essentielle pour connaître l’identité ou les émotions d’une personne. Il capture systématiquement notre attention visuelle, entraînant une orientation automatique du regard et une réponse du corps visible par exemple au niveau de la pupille.</p>
<p>Lors de l’observation d’un visage, notre regard chemine par les yeux et la bouche formant un triangle. La pupille, elle, se dilate ; ce phénomène est plus important en réponse à un visage qui exprime une émotion, qu’elle soit positive ou négative. Cela pourrait être lié à <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2009.0142">l’empathie que nous ressentons</a> pour autrui.</p>
<p>Depuis 2020, la pandémie de Covid-19 a imposé des contraintes dans notre vie de tous les jours. La plupart des autorités sanitaires mondiales ont recommandé le confinement ainsi que le port d’un masque chirurgical couvrant la bouche et le nez. Ces restrictions ont mené à une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14992027.2020.1851401?journalCode=iija20">diminution quantitative et qualitative</a> des interactions sociales.</p>
<p>Quel est l’impact du masque sur nos interactions sociales ? Pour le comprendre, nous avons étudié les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2022.1033243/full">effets du masque</a> sur l’identification, l’exploration et la réaction de la pupille à des visages émotionnels en comparaison à d’autres accessoires faciaux portés dans la vie quotidienne, comme des lunettes de soleil.</p>
<h2>Détecter les émotions</h2>
<p>Les émotions faciales sont dynamiques, pourtant, la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-81780-w">plupart des études</a> récentes s’intéressant à l’effet du masque sur la reconnaissance des émotions ont utilisé des photos sur lesquelles un masque a été numériquement incrusté.</p>
<p>Afin de conserver les mouvements faciaux et leur authenticité, nous avons créé une base de données vidéo la plus réaliste possible : des acteurs ont été filmés portant un masque et d’autres accessoires faciaux. Au total, 48 vidéos ont été créées puis testées : quatre acteurs, trois émotions (neutralité, joie ou tristesse) et quatre conditions de dissimulation partielle du visage (sans accessoire, lunettes de soleil, cache-nez ou masque).</p>
<p>La reconnaissance des émotions exprimées dans ces vidéos a été mesurée lors <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2022.982899/full">d’une étude en ligne</a>. Nous avons ainsi montré, chez 122 participants âgés de 18 à plus de 70 ans, que tous les accessoires faciaux (masque, cache-nez ou lunettes de soleil) gênent la reconnaissance de la tristesse. Cette gêne augmente avec l’âge pour le masque.</p>
<p>Cette difficulté de reconnaissance de la tristesse est sans doute due à la subtilité de l’expression de cette émotion (mobilisation moindre des muscles du visage comparé à l’expression de joie). Par ailleurs, le masque est le seul accessoire qui gêne la reconnaissance de la joie. Ceci est lié au masquage de la bouche, mais pas exclusivement, car le cache-nez, qui cache aussi la boucle, n’affecte pas cette reconnaissance. Il y a donc très certainement un biais cognitif négatif associé au masque : les participants pourraient anticiper des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14992027.2020.1851401?journalCode=iija20">relations interindividuelles plus difficiles</a>, impactant ainsi la reconnaissance des émotions.</p>
<h2>Que nous dit votre regard</h2>
<p>Pour mieux comprendre l’impact des accessoires sur le traitement des émotions, intéressons-nous aux yeux. Nous les utiliserons comme fenêtres sur les mécanismes automatiques, « non-conscients » de traitement de l’information visuelle.</p>
<p>Quand on regarde un visage, on s’attarde plus sur la partie supérieure comprenant les yeux. Lors de l’observation d’émotions, nous sommes guidés par les informations pertinentes et avons tendance à nous attarder sur des zones clefs du visage : la bouche pour la joie et la zone des yeux pour la tristesse.</p>
<p>Afin de mieux comprendre et quantifier l’exploration oculaire, nous avons utilisé, chez des adultes âgés de 18 à 35 ans, une technique qui enregistre le regard et la taille de la pupille de manière non-invasive : l’« eye-tracking ».</p>
<p>Nous avons ainsi montré que l’exploration oculaire du visage, exprimant ou non une émotion, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2022.1033243/full">est modifiée par les accessoires</a> : les zones recouvertes sont moins observées. Cependant, cette différence d’exploration oculaire ne permet pas à elle seule d’expliquer l’effet du port d’accessoire facial sur la reconnaissance des émotions. En effet, couvrir le bas du visage diminue le temps passé à regarder la bouche, quelle que soit l’émotion. Pourtant la reconnaissance de la tristesse est moindre quel que soit l’accessoire couvrant la bouche (masque ou cache-nez) alors que la reconnaissance de la joie est impactée par le masque uniquement, sans modification de la reconnaissance de la neutralité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=151&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=151&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514213/original/file-20230308-394-orvbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=151&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Enregistrement en « eye tracking » et cartes de chaleur de l’exploration d’un visage joyeux avec ou sans masque.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais ce n’est pas tout, les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2022.982899/full">pupilles réagissent</a> elles aussi aux stimulations émotionnelles. Elles varient en taille selon l’émotion observée, avec une dilatation plus grande pour la tristesse que pour la joie. De manière surprenante, le masque et les autres accessoires faciaux n’influent presque pas sur la réponse de la pupille, suggérant que la réaction automatique aux émotions est préservée.</p>
<h2>Un masque aux conséquences discutables</h2>
<p>En résumé, nous avons montré au travers de ces deux études que le masque perturbe la reconnaissance des émotions, et plus spécifiquement celle de la joie. Les performances de reconnaissance restent toutefois bien au-dessus de la simple chance. Comment le masque nous gêne-t-il ? En obstruant notre champ de vision, il nous empêche de venir chercher efficacement les informations de décryptage des émotions au niveau de la bouche. Cependant, cette exploration oculaire est comparable à toute autre situation dans laquelle la bouche n’est pas visible. Mais cette modification de prise d’information n’explique pas tout et la présence d’un masque pourrait entraîner un biais cognitif négatif, reflétant possiblement un effet psychologique associé à la pandémie de Covid-19.</p>
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<p>Malgré ces conséquences du masque, celui-ci n’a qu’un effet mineur sur l’éveil physiologique provoqué par l’observation d’une émotion et mesurable via la taille de la pupille. Ce résultat suggère que les processus automatiques de détection et d’identification des émotions sont préservés, en tout cas chez les adultes. Ils peuvent être considérés comme des personnes « expertes », qui ont automatisé une partie du traitement des visages et des émotions.</p>
<p>Les résultats seraient peut-être différents chez des enfants chez lesquels le système de traitement des visages et des émotions est toujours en cours de développement.</p>
<p>Mis bout à bout, ces résultats attestent d’un effet limité du masque, qui n’agit que consciemment sur nos interactions avec autrui. En outre, dans la vie de tous les jours d’autres informations, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2022.982899/full">comme la posture</a>, sont à notre disposition pour déchiffrer les émotions. Néanmoins, ces résultats doivent être interprétés avec précaution. En effet, nous étudions seulement l’aspect qualitatif des interactions sociales sur une population limitée. Il est maintenant important de voir plus loin, en s’intéressant à des populations plus vulnérables comme les enfants, mais aussi d’évaluer le phénomène d’habituation au masque qui s’est installé ces trois dernières années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198829/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le masque a pris une importance considérable dans nos vies depuis la pandémie de Covid-19. Que change-t-il quant à notre perception des visages ?Vivien Rabadan, Doctorant en neuroscience cognitive, Université de ToursClaire Wardak, Chargée de recherche en Neurosciences, InsermMarianne Latinus, Chargée de Recherche INSERM en neurosciences cognitives, InsermNadia Aguillon-Hernandez, Neurosciences, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995522023-03-02T20:01:00Z2023-03-02T20:01:00ZCovid-19 : comment les discours conspirationnistes se sont engouffrés dans les failles de com’ du gouvernement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511387/original/file-20230221-22-weafsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C2542%2C1644&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Outre la propagation rapide et massive de la pandémie, le monde s’est trouvé confronté dès le début de l’année 2020 à un autre type de perturbation : un dérèglement informationnel, parfois qualifié d’ infodémie ».</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis 2020, la pandémie de Covid-19 a généré dans différentes parties du monde des inquiétudes et des incertitudes légitimes face à la maladie et les réponses sanitaires et politiques qui lui ont été apportées. Mais, elle a également donné naissance à diverses <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/oa-edit/10.4324/9781003330769/Covid-conspiracy-theories-global-perspective-michael-butter-peter-knight">« théories du complot »</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2020-2-page-371.htm?contenu=resume">fake news</a> et autres expressions de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953618306798">« populisme médical »</a> contestant les avancées des connaissances scientifiques à propos du virus et certaines mesures mises en place par les gouvernements pour tenter de juguler le <a href="https://journals.openedition.org/revss/8113">développement de la pandémie</a>.</p>
<p>Précisons que contester ou critiquer les politiques sanitaires mises en place, notamment lorsqu’il s’agit de mesures de privation ou de restriction des libertés publiques, n’est en rien immédiatement réductible et (dis)qualifiable de <a href="https://theconversation.com/theories-du-complot-de-quoi-ne-parle-t-on-pas-162485">complotisme</a>, d’obscurantisme ou d’irrationalité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-laccusation-de-complotisme-disqualifie-et-polarise-le-debat-public-178666">Quand l’accusation de « complotisme » disqualifie et polarise le débat public</a>
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<p>Néanmoins, les failles de la communication gouvernementale en France, depuis le début de l’année 2020, ont facilité l’émergence de discours conspirationnistes. Ces derniers ont participé de différentes stratégies de démarcation pour plusieurs (pré)candidats, notamment <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/oa-edit/10.4324/9781003330769-20/Covid-19-conspiracy-theories-france-julien-giry?context=ubx&refId=253d1af9-3bf7-4c44-a760-d9969949481e">au sein des droites extrêmes</a>.</p>
<h2>Des épidémies aux « infodémies »</h2>
<p>A suivre l’<a href="https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200202-sitrep-13-ncov-v3.pdf">Organisation mondiale de la Santé (OMS)</a>, outre la propagation rapide et massive de la pandémie, le monde s’est trouvé confronté dès 2020 à un autre type de perturbation : un dérèglement informationnel, parfois qualifié d’<a href="https://www.jmir.org/2020/6/e21820/">« infodémie »</a>, c’est-à-dire la circulation et la succession, inédites dans leur rapidité et leur ampleur, d’informations vraies ou fausses, aux statuts incertains et fluctuants, et parfois contradictoires.</p>
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<p>Il fut alors très difficile pour les publics de s’y retrouver et de savoir à quelles informations et à quelles autorités il convenait de faire confiance : les scientifiques et les experts, les professionnels des médias et de la politique, les influenceurs sur les réseaux socionumériques et les médias alternatifs ?</p>
<p>Dans ce contexte de brouillage informationnel, trois facteurs ont contribué à ouvrir une <a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-des-politiques-publiques--9782724615500-page-274.htm">fenêtre d’opportunité</a> pour l’émergence de discours alternatifs, conspirationnistes pour certains.</p>
<p>Le premier, et sans doute le plus évident, fut le développement même d’un virus à propos duquel le savoir scientifique et médical était encore balbutiant, y compris dans sa dénomination : le/la Covid-19, le coronavirus, le SARS-CoV-2, le 2019-nCoV,le « virus chinois », etc. Cette « science en train de se faire » et les discours parfois opposés des experts – on pense au cas du <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2020-3-page-124.htm">Dr Raoult</a> – ou des journalistes invités à s’exprimer dans les médias traditionnels ont alimenté la confusion au sein des publics.</p>
<p>Ce virus a aussi émergé dans un contexte de haut degré de défiance structurelle des citoyens vis-à-vis des <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/publicite-medias-et-rp/2021-barometre-de-la-confiance-des-francais-dans-les-media">professionnels des médias</a> et de la <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/CEVIPOF_confiance_10ans_CHEURFA_CHANVRIL_2019.pdf">politique</a>, et plus généralement des discours officiels et/ou institutionnels (OMS, ministère de la Santé, ARS, etc.).</p>
<p>Enfin, d’un point de vue conjoncturel, la cacophonie communicationnelle du gouvernement n’a rien fait pour améliorer la confiance dans les pouvoirs publics.</p>
<h2>Des injonctions contradictoires</h2>
<p>Dès la première quinzaine de mars, les injonctions contradictoires se succèdent à propos de la fermeture des écoles, de la nécessité de changer/maintenir nos habitudes de sociabilités (visites interdite dans les Ehpad mais sortie <a href="https://www.bfmtv.com/people/emmanuel-et-brigitte-macron-au-theatre-pour-inciter-les-francais-a-sortir-malgre-le-coronavirus_AN-202003070063.html">présidentielle au théâtre</a>), des élections municipales (<a href="https://www.lagazettedescommunes.com/749562/municipales-2020-le-juge-de-lelection-face-au-Covid-19/">restez chez vous, mais allez voter</a>). Le point d’orgue de cette séquence étant l’annonce, le 16 mars, par le président d’un confinement « de 15 jours au moins ».</p>
<p>Puis, en avril-mai, la nécessité du port du masque en population générale est sujette à revirement de doctrine. En septembre-octobre, contrairement à d’autres pays, la possibilité de mettre en place rapidement une campagne de vaccination massive est balayée de la main par les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-ethique-appliquee-2021-1-page-141.htm">experts gouvernementaux et les médias</a>. Enfin, la suspension/réintroduction du vaccin AstraZeneca en mars 2021 est l’objet d’une <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/suspension-d-astrazeneca-les-complotistes-tourneront-toujours-la-situation-a-leur-avantage_2146931.html">communication totalement inaudible</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-an-de-communication-de-crise-lexecutif-face-aux-francais-158144">Un an de communication de crise : l’exécutif face aux Français</a>
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<p>En somme, tous ces éléments ont favorisé l’émergence et la circulation dans l’espace public de discours alternatifs ou complotistes à même de donner du sens à la pandémie.</p>
<h2>Des ressemblances avec les autres grandes crises sanitaires</h2>
<p>Sur le fond, plus que l’originalité des <a href="https://www.cairn.info/revue-quaderni-2022-2-page-43.htm">fake news et « théories du complot »</a> qui entourent le Covid-19, ce qui frappe l’observateur est au contraire les ressemblances avec celles avancées lors des précédentes crises sanitaires depuis les grippes <a href="https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2014-2-page-78.htm">« russe »</a> (1899-1890) et <a href="https://theconversation.com/Covid-19-et-grippe-espagnole-quand-la-presse-du-xx-si%C3%A8cle-rappelle-celle-de-2020-137035">« espagnole »</a> (1918-1921) jusqu’à la grippe « mexicaine » (2009) en passant par le sida (depuis 1982) ou le SARS-CoV (2002-2004).</p>
<p>Plusieurs thématiques, déclinées dans le tableau ci-dessous, semblent récurrentes. On pense à l’altérisation de la maladie menaçante, c’est-à-dire le fait de la désigner comme étrangère, le rejet des nouvelles technologies et des élites prétendument corrompues et aux intérêts opposés à ceux du peuple, la négation de la gravité de la maladie et la formulation de propositions thérapeutiques alternatives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les principales thématiques complotistes et désinformationnelles en lien avec les crises sanitaires" src="https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511419/original/file-20230221-28-53ez16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les principales thématiques complotistes et désinformationnelles en lien avec les crises sanitaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Giry, 2022</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si ces théories conspirationnistes et fake news relatives au Covid-19 se sont principalement propagées sur Internet, tant sur les réseaux alternatifs tels <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21670811.2021.1938165">4Chan, Odyssée, Gab ou 8Kun</a>) que sur des plates-formes plus institutionnalisées comme Reddit, Twitter, Instagram, Facebook ou YouTube – on pense notamment au documentaire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hold-up_(film,_2020)">Hold-Up</a> – ainsi que sur des sites conspirationnistes comme Égalité & Réconciliation, FranceSoir, RéInfo Covid, ou Riposte laïque, il convient toutefois de souligner que celles-ci ont débordé l’espace numérique et ont donné lieu à de véritables usages stratégiques durant la (pré)campagne électorale de 2022.</p>
<h2>Des usages politiques du complotisme</h2>
<p>Pour les candidats qui prétendaient accéder au second tour, voire à la victoire, lors de la dernière élection présidentielle, le complotisme médical a largement constitué un repoussoir, contrairement à d’autres thèmes conspirationnistes, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_remplacement">« Grand Remplacement » par exemple</a> qui a été mobilisé par Éric Zemmour et Marine Le Pen par exemple.</p>
<p>Cependant, on observe que des « petits candidats » ont pu être tentés de chercher à convertir ces narratifs en ressources et capitaux politiques.</p>
<p>En adoptant des positions hétérodoxes, voire disqualifiées au sein des champs politiques, médiatiques et scientifiques à propos de la vaccination ou de l’instauration d’une prétendue « dictature sanitaire », des personnalités situées aux extrêmes droites telles que Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan ou encore François Asselineau ont cherché, certes sans succès, à porter un discours anti-élites à même de fédérer un mouvement de protestation populaire potentiellement monnayable en gains électoraux.</p>
<p>Ainsi, dès la mi-2020, Philippot et d’autres groupes ont organisé, à Paris d’abord et en province ensuite, des rassemblements hebdomadaires pour dénoncer l’introduction d’une « dictature sanitaire », puis du passe vaccinal, et défendre les libertés individuelles. Parmi les participants, citons différentes personnalités ayant endossé des positions complotistes : Francis Lalanne, Jean-Marie Bigard, Pierre Cassen (Riposte laïque), Richard Boutry (FranceSoir), Louis Fouché (RéInfo Covid) ou encore Martine Wonner.</p>
<p>Si ces tentatives de mobilisations ont été épisodiquement plus ou moins suivies dans la rue jusqu’en septembre 2021, elles ont clairement échoué sur le plan électoral en 2022. Plusieurs pistes d’explication <a href="https://www.slate.fr/story/229475/mouvement-anti-restrictions-complotistes-antivax-echec-lalanne-philippot-wonner-rohaut-legislatives">peuvent être avancées</a>.</p>
<p>Au sein du champ politique tout d’abord, bien que le complotisme pointe avec justesse certains dysfonctionnements et maux des régimes représentatifs, il ne constitue pas un programme de gouvernement dans la mesure où il procède davantage du registre de la dénonciation ou de la protestation que de propositions politiques alternatives réellement applicables. Surtout, même si le complotisme pointe des dysfonctionnements réels, il se méprend en les attribuant à l’action de groupes d’individus secrets et omnipotents alors que leurs causes et leurs effets sont le produit de structures sociales de domination qui échappent elles-mêmes largement aux titulaires du pouvoir.</p>
<p>Il convient aussi de répéter avec force qu’il n’existe pas d’équivalence totale entre ce qui se passe sur le web (clics, vues, traction, etc.), et en tout particulier sur les réseaux socionumériques, et le champ social. Le poids du complotisme est largement surestimé dans la société (effet de loupe à l’activité de minorités agissantes et organisées sur les réseaux socionumériques) par certains « experts » dans les médias et les militants « anti-conspi » qui participent et alimentent en même temps une panique morale qui touche une frange des <a href="https://aoc.media/analyse/2022/01/19/panique-morale-a-lelysee-sur-le-rapport-de-la-commission-bronner/">élites politiques et médiatiques</a>. Plus encore, les médias traditionnels participent d’un second effet de loupe en focalisant l’attention des publics sur des épiphénomènes limités aux réseaux socionumériques et qui, sans leur intervention, seraient passés inaperçus. On pense ainsi en décembre 2022 à cette rumeur transphobe insinuant que Brigitte Macron serait en réalité née de sexe masculin sous le <a href="https://www.liberation.fr/checknews/jeanmicheltrogneux-quelle-est-lorigine-de-la-fake-news-transphobe-visant-brigitte-macron-20211215_VADA3N3GAZDBJESOF2MYYAVEII/">patronyme de Jean-Michel</a>.]</p>
<p>Pour en revenir aux discours conspirationnistes en lien avec le Covid-19, bien que largement minoritaires au sein de la population, ils attestent cependant <a href="https://cnnumerique.fr/le-complotisme-est-un-processus-social-entretien-avec-julien-giry">d’une grande défiance d’une frange de la population, d’une forte polarisation</a> qui s’est traduite lors du cycle électoral de 2022 par une <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/04/11/sept-cartes-et-graphiques-pour-comprendre-l-abstention-au-premier-tour-de-la-presidentielle-2022_6121706_4355770.html">forte abstention</a>, la marginalisation des partis de gouvernement traditionnel ainsi que l’accentuation de la poussée et de la normalisation des droites extrêmes. Ceux sont là autant de marqueurs d’une défiance profonde d’une patrie des Français envers les institutions que la réélection d’Emmanuel Macron <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284746-presidentielle-2022-les-resultats-du-premier-tour">ne doit en rien occulter</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Giry est membre du CSA - Fédération Wallonie Bruxelles</span></em></p>Partout à travers le monde, la pandémie de Covid-19 a donné lieu à de nombreuses théories complotistes. Retour sur les facteurs à l’origine de cette infodémie dans notre pays.Julien Giry, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1988232023-01-31T19:32:20Z2023-01-31T19:32:20ZComment les abeilles se tiennent chaud en hiver ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567601/original/file-20240102-19-9zxbla.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C613%2C623&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>En hiver, de nombreux insectes disparaissent. Ils se réfugient dans des endroits protégés du froid et des intempéries et attendent, endormis, la venue du printemps. Les colonies d’abeilles mellifères font de même, et les ruches ne présentent aucune activité hivernale visible, mais elles doivent conserver la chaleur que produisent les abeilles. La survie de la colonie en dépend grandement.</p>
<p>Les abeilles ne sortent pas en raison du froid et restent regroupées pour former ce que l’on appelle la « grappe hivernale ». Elles sont plus ou moins en léthargie, elles présentent une activité limitée. Elles se déplacent un peu, notamment pour s’alimenter : elles consomment les réserves de miel qu’elles ont stockées avant l’hiver, ou des blocs de sucre que les apiculteurs leur ont fournis par crainte d’un manque de nourriture. Grâce à cet apport énergétique, elles contractent régulièrement leurs muscles thoraciques <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/206/2/353/13914/Endothermic-heat-production-in-honeybee-winter">pour produire de la chaleur</a>. Elles maintiennent ainsi au sein du groupe une température supérieure à 10 °C qui assure leur survie, quelle que soit la température extérieure.</p>
<p>Dès le retour des beaux jours et de températures plus clémentes, la température au sein des ruches pourra remonter et restera maintenue aux alentours de 35 °C – la température optimale pour assurer le développement des larves et le renouvellement des ouvrières adultes au sein des colonies.</p>
<h2>La caméra thermique, un outil de suivi hivernal des ruchers</h2>
<p>Pour les apiculteurs, la période hivernale sert à préparer la nouvelle saison apicole, en bricolant et en préparant les cadres de ruches qui recevront les nouvelles productions de miel de la nouvelle année. Cette période est toutefois compliquée car ils ne doivent pas ouvrir les ruches pour vérifier l’état de leurs colonies, car si la température descend en dessous de 10 °C au sein de la ruche, la colonie peut mourir.</p>
<p>Comment savoir alors si les colonies vont bien, si le nombre d’abeilles n’est pas trop bas, si elles ne sont pas malades, s’il n’y a pas de mortalité excessive, si elles ont assez de réserves de nourriture… ceci sans aller regarder dans les ruches ?</p>
<p>Les apiculteurs, surtout professionnels, ont besoin d’outils de suivi non intrusifs de leurs colonies. La prise de mesures de température au sein des ruches est une analyse intéressante qui permet un suivi de la santé des colonies. Toute colonie en bonne santé maintient sa température au-dessus de 10 °C-12 °C. Diverses techniques permettent cela, notamment par la mise en place de sondes thermiques au sein des ruches. Toutefois, elles nécessitent une installation parfois assez lourde, et surtout peuvent ne pas permettre une mesure thermique fine au sein de la grappe, celle-ci pouvant se positionner en divers endroits dans la ruche.</p>
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<p>L’imagerie infrarouge est ainsi une alternative de choix. Ce rayonnement étant corrélé à la chaleur, une caméra infrarouge, dite thermique, permet de visualiser de l’extérieur, et sans toucher aux ruches, la température émise par les abeilles qui réchauffe les parois des ruches. Une couleur bleu-violet homogène de la ruche indique classiquement une absence de chaleur, donc une colonie qui est malheureusement morte. Par contre, une zone plus ou moins étendue colorée en jaune et blanc indique la position de la grappe d’abeille qui émet de la chaleur.</p>
<p>L’image thermique de la ruche permet de suivre sa température, de visualiser la localisation de la grappe d’abeille et ainsi de vérifier que la colonie est toujours vivante. Une caméra thermique peut, de fait, devenir un outil important pour assurer le suivi hivernal des colonies d’abeilles. Néanmoins, le prix de ces caméras reste relativement haut.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Darrouzet a reçu des financements de C-Valo et du matériel de Edialux. </span></em></p>Pour évaluer la santé d’une ruche en plein hiver, prenez sa température !Eric Darrouzet, Chercheur sur les insectes sociaux, spécialiste du frelon asiatique, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1978882023-01-16T09:31:04Z2023-01-16T09:31:04ZParasit pada anjing dapat membantu melawan kanker yang tidak dapat disembuhkan<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504558/original/file-20230115-22-1o7e2h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Diidentifikasi pada anjing jenis boxer pada tahun 1984, parasit _Neospora caninum_ tidak berbahaya bagi manusia, tetapi terbukti efektif melawan sel tumor pada tikus.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Kanker adalah <a href="https://www.who.int/health-topics/cancer">penyebab kematian kedua di dunia</a> setelah <a href="https://ourworldindata.org/causes-of-death#what-do-people-die-from">penyakit kardiovaskular</a>. Keseriusan penyakit ini terletak pada keragaman mereka – beberapa jenis kanker dapat diobati secara efektif dengan pembedahan, kemoterapi, dan radioterapi, sementara jenis yang menunjukkan respons yang buruk atau sama sekali tidak menunjukkan respons. Oleh karena itu, meningkatkan cara pengobatan kanker merupakan tantangan besar.</p>
<p>Selama beberapa tahun, pengembangan imunoterapi – perawatan yang menggunakan berbagai komponen sistem kekebalan untuk melawan tumor – telah memberikan harapan. Beberapa menggunakan virus yang dimodifikasi, tetapi ini dapat mengakibatkan efek yang buruk bagi pasien.</p>
<p>Untuk mengatasi masalah ini, tim kami mempelajari kemungkinan menggunakan mikroorganisme <em>Neospora caninum</em>. Parasit ini ditemukan pada anjing dan tidak berbahaya bagi manusia. Hasil pertama dari penelitian kami, yang diperoleh pada tikus, sangat menggembirakan.</p>
<h2>Imunoterapi pertama: hasil positif</h2>
<p>Kemoterapi dan radioterapi mencegah multiplikasi sel tumor tetapi juga menyerang sel non-kanker, sehingga memiliki efek samping yang serius. Sebaliknya, imunoterapi merangsang sistem kekebalan pasien untuk menyerang sel kanker. Imunoterapi menggunakan berbagai strategi, mulai dari penggunaan antibodi yang menargetkan sel kanker atau yang mencegahnya menonaktifkan sistem kekebalan (dikenal sebagai <a href="https://www.cancer.gov/publications/dictionaries/cancer-terms/def/immune-checkpoint-inhibitor">sistem yang menghambat yang berasal dari imunitas seseorang</a>), hingga penggunaan mikroorganisme hidup yang menginduksi respons imun yang kuat untuk menghancurkan sel tumor.</p>
<p>Pendekatan imunoterapi telah digunakan sejak tahun 2001 untuk mengobati melanoma: pengembangan pos pemeriksaan imun pertama yang menghambat antibodi telah membantu lebih dari <a href="https://doi.org/10.1016/S1470-2045(16)30366-7">53,6% pasien yang dirawat untuk bertahan hidup selama dua tahun</a>. Pada tahun 2015, kemajuan lain dalam pengelolaan melanoma menghasilkan tingkat <a href="https://doi.org/10.1016/j.critrevonc.2022.103705">pengecilan tumor dan peningkatan kelangsungan hidup</a>. Ini didasarkan pada penggunaan virus herpes yang dimodifikasi untuk berkembang biak dalam sel tumor dan menyebabkan kematiannya.</p>
<p>Imunoterapi dapat menjadi kunci untuk mengobati kanker yang saat ini tidak dapat disembuhkan. Contohnya termasuk glioblastoma, kanker otak serius dengan kelangsungan hidup rata-rata <a href="http://dx.doi.org/10%E2%80%8B.15586/codon.glioblastoma.2017.ch8">15 bulan</a> setelah diagnosis, dan kanker pankreas, yang memiliki kelangsungan hidup rata-rata <a href="https://pancreatica.org/pancreatic-cancer/pancreatic-cancer-prognosis/">8 bulan</a>.</p>
<h2>Mikroorganisme sebagai harapan terapi baru?</h2>
<p><em>N. caninum</em> adalah parasit bersel tunggal yang dapat menyebabkan penyakit saraf parah dan kematian janin pada beberapa hewan, termasuk <a href="https://www.msdvetmanual.com/generalized-conditions/neosporosis/neosporosis-in-animals">sapi dan anjing</a>. Namun, parasit ini sama sekali tidak berbahaya bagi manusia dan sebagian besar hewan pengerat, yang mungkin dikarenakan perbedaan respons imun. Pada saat yang sama, <em>N. caninum</em> mampu berkembang biak <em>in vitro</em> dalam sel asal manusia atau tikus.</p>
<p>Layaknya virus-virus yang digunakan dalam imunoterapi, <em>N. caninum</em> dapat menghancurkan sel yang diinfeksi dan menginduksi <a href="https://doi.org/10.1006/expr.1996.4110">respons imun yang kuat</a>. Kedua karakteristik ini menjadikannya kandidat yang baik untuk imunoterapi antitumor.</p>
<p>Dengan pengetahuan ini, kami memutuskan untuk menguji kemampuannya dalam mengobati tikus untuk kanker timus (kelenjar yang terletak di bagian atas dada) yang disebut <a href="https://theoncologist.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1634/theoncologist.11-8-887">timoma</a>. Kanker jenis ini sebagian besar diobati dengan pembedahan pada manusia. Tujuannya adalah untuk menunjukkan kemanjuran antikanker <em>N. caninum</em> sebelum mengujinya pada kanker yang kebal terhadap pengobatan yang ada.</p>
<p>Hasil pengujian kami, yang diterbitkan dalam <em>Journal for ImmunoTherapy of Cancer</em>, menunjukkan bahwa, pada tikus, <em>N. caninum</em> dapat mengontrol perkembangan tumor <a href="https://jitc.bmj.com/content/8/2/e001242">hingga regresi penuh</a>. Hasil ini diperoleh tidak hanya setelah mikroorganisme (yang tidak dimodifikasi) dimasukkan langsung ke tumor, tetapi juga dari jauh.</p>
<h2>Tiga mekanisme untuk mengendalikan perkembangan tumor</h2>
<p><em>N. canium</em> mampu mengontrol perkembangan tumor dengan tiga cara berbeda. Pertama, parasit ini dapat menghancurkan sel kanker secara langsung. Empat hari setelah perawatan, <a href="https://www.genome.gov/genetics-glossary/Vacuole">vakuola</a> (kompartemen kecil di dalam sel) yang berisi <em>N. caninum</em> diamati pada sel tumor. Dibentuk oleh mikroorganisme, kompartemen memungkinkannya berkembang biak di dalam sel inang sambil dilindungi dari degradasi. Setelah tahap penggandaan, sel yang diberi parasit akan dihancurkan.</p>
<p>Pengamatan vakuola dalam tumor tersebut menunjukkan bahwa <em>N. caninum</em> memang mampu berkembang biak dalam sel kanker dan kemudian menghancurkannya. <em>N. caninum</em> telah terdeteksi di sel lain, tetapi tanpa bertahan atau menyebabkan kerusakan.</p>
<p>Cara kedua yang dilakukan <em>N. caninum</em> untuk mengontrol perkembangan tumor adalah melalui stimulasi respons imun seluler. Respons ini ditandai dengan molekul peradangan tingkat tinggi serta perekrutan sel kekebalan yang khusus untuk menghancurkan sel kanker, terlepas dari apakah mereka terinfeksi <em>N. caninum</em> atau tidak. Sel-sel ini adalah sitotoksik <a href="https://www.cancer.gov/publications/dictionaries/cancer-terms/def/t-lymphocyte">limfosit T</a> dan <a href="https://www.cancer.gov/publications/dictionaries/cancer-terms/def/natural-killer-cell">sel pembunuh alami</a> (NK), dengan kekhususannya dalam menghasilkan protein yang mendegradasi membran sel, yang menyebabkan kerusakan sel kanker.</p>
<p>Terakhir, <em>N. caninum</em> mempengaruhi perkembangan tumor melalui pemrograman ulang lingkungan mikro tumor. Tumor tumbuh sebagian karena mampu “menenangkan” sistem kekebalan. Ini membentuk apa yang disebut <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6200899/">lingkungan mikro imunosupresif</a>, yang mendukung perkembangan mereka. Tumor melakukannya dengan memproduksi molekul seperti VEGF (<em>vascular endothelial growth factor</em>), yaitu protein yang terlibat dalam pembentukan pembuluh darah yang membawa nutrisi ke tumor, dan PD-L1 (<em>programmed death-Ligand 1</em>), yang mencegah kematian sel yang menunjukkan keberadaan molekul ini dengan kuat.</p>
<p>Namun, setelah perawatan dengan <em>N. caninum</em>, kedua molekul ini diproduksi pada tingkat yang lebih rendah di dalam tumor. Penurunan konsentrasi ini memungkin pemograman ulang lingkungan mikro tumor agar dapat berpartisipasi dalam menghilangkan sel kanker.</p>
<h2>Hasil awal yang menjanjikan</h2>
<p>Percobaan pada tikus menunjukkan hasil-hasil awal tetapi sangat menggembirakan. Mereka menunjukkan bahwa <em>N. caninum</em> berpotensi menjadi kandidat yang baik untuk memperkaya persenjataan imunoterapi.</p>
<p>Menggunakan mikroorganisme untuk mengobati kanker adalah sebuah pertaruhan karena berpotensi untuk berkembang biak di dalam sel. Namun, pada akhir percobaan kami, <em>N. caninum</em> tidak lagi terdeteksi pada tikus yang dirawat. Meskipun manusia tidak rentan terhadap infeksi <em>N. caninum</em>, eliminasinya oleh sistem kekebalan harus dikonfirmasi sebelum dapat digunakan untuk terapi. Setelah menunjukkan kemanjurannya dalam model kanker jinak, langkah selanjutnya adalah mempelajari sifat antikanker <em>N. caninum</em> pada kanker yang sulit diobati.</p>
<hr>
<p>_Zalfa Imani Trijatna dari Universitas Indonesia menerjemahkan artikel ini dari bahasa Inggris._s.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Para penulis tidak bekerja, menjadi konsultan, memiliki saham atau menerima dana dari perusahaan atau organisasi mana pun yang akan mengambil untung dari artikel ini, dan telah mengungkapkan bahwa ia tidak memiliki afiliasi di luar afiliasi akademis yang telah disebut di atas.</span></em></p>Penelitian baru menemukan bahwa parasit yang pertama kali diidentifikasi pada anjing dapat membantu merangsang sistem kekebalan tubuh manusia untuk menyerang sel tumor kanker.Arthur Battistoni, Doctorant, équipe BioMAP UMR ISP 1282, Université de ToursFrançoise Debierre-Grockiego, Enseignant chercheur, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1973692023-01-12T18:46:09Z2023-01-12T18:46:09ZCentres-villes, centres commerciaux : quelles sont les attentes des « millenials » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503444/original/file-20230106-6872-g7rtqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C1280%2C835&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes agenais ont récemment partagé un avis mitigé sur leur ville et son centre.
</span> <span class="attribution"><span class="source">John Seb Barber / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Piétonnisation des centres-villes, place des petits commerces, accessibilité sont des questions régulièrement débattues dans de nombreuses municipalités. Mais qu’ont à dire les jeunes, en particulier, sur ces espaces dont on vante la convivialité mais dont on craint aussi parfois qu’ils perdent de leur charme et leur typicité avec l’implantation de grandes chaînes de magasins ?</p>
<p>À Agen (Lot-et-Garonne), par exemple, les jeunes ont pu exprimer dans une enquête menée un <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/01/04/lavis-des-jeunes-agenais-sur-leur-ville-est-mitige-10903146.php">avis mitigé</a> sur la qualité de leur centre-ville. Dans le quartier de la Chapelle à Paris, on a souhaité les <a href="https://www.parisetmetropole-amenagement.fr/fr/reamenagements-des-espaces-publics-les-jeunes-ont-leur-mot-dire-508">associer</a> aux réaménagements urbains.</p>
<p>Il en va de même dès qu’il s’agit d’implanter ou de réhabiliter un centre commercial, entre vitalité économique, facilités pour consommer et critiques environnementales : les débats s’animent. Le Conseil national des centres commerciaux, en partenariat avec l’institut de sondage OpinionWay et Quantaflow, s’est, lui, récemment <a href="https://www.lsa-conso.fr/des-francais-plus-que-jamais-adeptes-du-commerce-physique-et-des-centres-commerciaux-etude,419901">interrogé sur le rôle</a> des centres commerciaux dans la construction de soi pour les 18-24 ans et leur attachement à ces lieux.</p>
<p>Connaît-on véritablement à ces sujets les attentes des adultes les plus jeunes ? Comment s’approprient-ils les centres-villes et les centres commerciaux ? Cette génération souhaite-t-elle vivre les mêmes expériences, d’achat ou non, dans ces espaces marchands ? Ceux-ci ont-ils les moyens de continuer à exister face à l’hégémonie d’Internet ? Que doivent faire ces espaces marchands afin de séduire à l’avenir cette cible spécifique ? Cette cible est-elle unique ou multiple ?</p>
<p>Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des éléments de réponse grâce à une enquête dont les résultats ont été présentés lors du <a href="https://www.association-etienne-thil.com/wp-content/uploads/2022/10/Thil-2022-programme.pdf">25ᵉ colloque Étienne Thil</a>, qui rassemble, tous les ans, des professionnels et des enseignants-chercheurs, spécialisés dans les domaines du commerce et de la distribution.</p>
<p>Ont répondu à notre questionnaire en ligne plus de 500 jeunes âgés de 17 à 21 ans, génération que l’on désigne parfois avec le terme de « millenials ». À noter que notre échantillon reste un peu particulier avec 67 % d’étudiants en écoles de commerce et 33 % en universités.</p>
<h2>Les centres-villes ne sont pas délaissés</h2>
<p>Notre étude souligne tout d’abord que, même si Internet est le principal canal d’achat utilisé par les millennials, les centres-villes, et les centres commerciaux dans une moindre mesure, ne sont pas délaissés. Et peu importe qu’ils soient visités avec ou sans but précis d’achat en tête.</p>
<p><iframe id="ziPDQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ziPDQ/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces deux espaces marchands ne sont en revanche pas envisagés de la même façon. Dans leur esprit, les centres commerciaux sont surtout des lieux où réaliser des achats (47 %) et dans une bien moindre mesure où se balader (23 %). Les motivations utilitaires y semblent premières.</p>
<p>Les centres-villes, eux, semblent devoir répondre à d’autres besoins pour les jeunes : ils y font certes des achats (30 %), mais aussi s’y baladent (25 %) ou y prennent un verre avec des amis (21 %). Ce sont pour eux des lieux de vie, dans lesquels se rencontrer et échanger. Les motivations hédoniques et sociales y sont bien davantage présentes.</p>
<p>Malgré des usages de ces espaces marchands quelque peu différents, les millennials interrogés se rejoignent toutefois sur ce qui pourrait diminuer leur fréquentation de ceux-ci. Dans leur réponse au questionnaire reviennent fréquemment la difficulté d’accès, la potentielle perte de temps pour s’y rendre ainsi que le sentiment d’insécurité.</p>
<p><iframe id="2caLP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2caLP/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La vacance dans ces espaces marchands, soit le fait que certains magasins ne soient pas occupés, est également dissuasive. Elle ne donne pas envie de passer du temps dans les centres-villes et centres commerciaux (respectivement 48,9 % et 54,7 %) et surtout, elle donne l’impression que ces espaces sont mal gérés (54,3 % et 56,6 %).</p>
<h2>Viser l’efficacité, la surprise ou le divertissement ?</h2>
<p>Pour les politiques publiques, il est également intéressant d’avoir en tête les attentes des jeunes adultes pour le futur de ces espaces. Elles sont à la fois élevées, multiples et diverses.</p>
<p>Une fois les attentes hédoniques communes aux deux espaces marchands satisfaites, en proposant aux millennials des espaces dédiés aux loisirs (90 % pour les centres-villes et 75 % pour les espaces commerciaux) et une ambiance surprenante (83 % et 76 %), des conceptions différentes de ces deux lieux apparaissent à nouveau.</p>
<p>Les centres-villes devraient ainsi davantage dépasser leur simple fonction d’approvisionnement pour devenir des endroits où se divertir, faire du sport en intérieur comme en extérieur, se cultiver grâce à des expositions ou des rencontres avec des artistes, et pour se rencontrer. Sur ce point, ils semblent notamment demandeurs d’espaces de restauration où tout le monde pourrait manger ensemble, même si les commandes n’ont pas été passées au même endroit.</p>
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<p>Il s’agirait aussi, selon les 17-21 ans, de proposer des services relatifs à la vie de tous les jours, des banques, des serruriers, ou autres cabinets médicaux. Des espaces de travail de type coworking sont également demandés. Enfin, des espaces dédiés aux producteurs et produits de la région pourraient leur plaire, afin de montrer concrètement l’ancrage territorial du centre-ville et la valorisation des acteurs locaux.</p>
<p><iframe id="DqAdU" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DqAdU/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour ce qui est des centres commerciaux, les attentes semblent renforcer la vision que s’en fait aujourd’hui cette génération qui envisage ces espaces marchands principalement comme des lieux d’approvisionnement. L’objectif : rendre la réalisation de leurs achats encore plus efficiente et rapide, avec des services de <em>click and collect</em>, de livraisons à domicile ou encore la mise en place de conciergerie afin de déposer au fur et à mesure de son parcours les achats effectués et de pouvoir les récupérer à la fin de celui-ci.</p>
<h2>Au-delà, des profils variés à séduire</h2>
<p>Une analyse typologique a, par la suite, permis d’affiner ces résultats en mettant en évidence deux sous-groupes de consommateurs qui sont en proportion quasi équivalente : ceux que nous avons appelés « les technophiles » et « les écoresponsables ».</p>
<p>Les premiers privilégient surtout Internet pour acheter. Ils apprécient recevoir une livraison à domicile en une heure si possible. S’ils se rendent en centres-villes et en centres commerciaux, ils privilégient la voiture, pour des déplacements faciles et rapides. Leurs attentes envers les espaces marchands restent très classiques : une ambiance agréable, des espaces de loisirs, ainsi que des services de <em>click and collect</em> et de livraison.</p>
<p>Les écoresponsables sont, quant à eux, plus sensibles aux questions d’économie circulaire. Ils se tournent plus volontiers vers la location de produits ou la mutualisation des achats (avec des amis ou des proches) ou encore la réparation de produits qu’ils préfèrent, si possible, made in France.</p>
<p>Les engagements citoyens de ces derniers entraînent des exigences supplémentaires à satisfaire pour les centres-villes et centres commerciaux. En effet, en plus des attentes précédemment présentées, ce profil de jeune souhaiterait trouver davantage d’espaces valorisant les produits locaux, et avoir la certitude que ces espaces marchands et leurs magasins intègrent la protection de l’environnement dans leurs différentes décisions.</p>
<p>Il y a là un enjeu tout particulier : les espaces marchands vont devoir se réinventer pour séduire ce segment qui compte pour plus de la moitié de notre échantillon.</p>
<hr>
<p><em>Emmanuel Le Roch, Délégué Général de Procos, fédération représentative du commerce spécialisé, a également contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’attrait des jeunes générations pour les centres-villes dépasse leur intérêt pour les centres commerciaux, souvent perçus comme de simples lieux d’approvisionnement.Cindy Lombart, Professeure de marketing, AudenciaMichael Flacandji, Maître de conférences en marketing, IAE BordeauxPatricia Brillet-Coutelle, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de ToursRégine Vanheems, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1967532022-12-19T16:42:45Z2022-12-19T16:42:45ZLa Palestine, invitée surprise de la Coupe du Monde 2022<p>Le temps d’un Mondial, la Palestine s’est rappelée au monde. Des travées aux pelouses, les drapeaux et symboles palestiniens ont fleuri au cours de la première Coupe du Monde de football organisée dans un pays arabe.</p>
<p>Il est vrai que le soutien à la Palestine est une ligne politique assumée par le Qatar et que cette cause fait largement consensus au sein des sociétés arabes et, spécialement, dans les stades de nombreux pays de la région, même hors période de Coupe du Monde…</p>
<p>Un soir de 2019, dans la « curva » sud du stade Mohammed V, à Casablanca, le groupe d’ultras du Raja de Casablanca déploie un <em>tifo</em>. Sur la toile, le dessin d’un enfant de dos, Handala.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7w5Uu5dG5r8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Handala, une figure majeure de la culture palestinienne depuis 50 ans.</span></figcaption>
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<p>Ce petit personnage devenu, en 50 ans d’existence, une figure majeure de la culture palestinienne, est l’œuvre du dessinateur palestinien <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/actu-et-enquetes/palestine-naji-al-ali-handala-caricaturiste-assassinat-israel">Naji Al-Ali</a> (1937-1987). Après avoir fui, en 1948, la Palestine pour le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/04/27/ain-el-heloue-la-capitale-meurtrie-des-refugies-palestiniens-au-liban_5291489_3210.html">camp d’Aïn Al-Helwe</a>, en périphérie de Saïda, ville côtière au sud du Liban, il acquiert ses galons de caricaturiste dans la presse du Koweït, où il s’installe en 1963.</p>
<p>C’est dans les pages d’un journal publié dans cet émirat qu’Handala voit le jour, en 1969. L’enfant représente le caricaturiste palestinien fuyant sa terre natale à l’âge de dix ans. Il se retrouve alors sans territoire, sans appui. Handala deviendra, au cours des décennies suivantes, l’un des emblèmes de la cause palestinienne, qui unit au-delà des frontières, du Machrek au Maghreb.</p>
<p>L’enfant apatride surgit en ce jour de 2019 des tribunes bouillonnantes de Casablanca, encadré par une phrase qui prolonge le <em>tifo</em>, « Hatta al-nasr » – « jusqu’à la victoire ». Les ultras d’Afrique du Nord sont coutumiers du fait et notamment ceux des verts et blancs du Raja. Ce même soir de 2019, les ultras du Raja entonnent la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5DJ_SNT6U7M">« rajaoui falestiniy »</a> – « rajaoui palestinien ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177649636665888773"}"></div></p>
<h2>Thermomètre social</h2>
<p>Du Maroc à l’Irak, <a href="https://www.lemonde.fr/mondial-2018/article/2018/06/15/coupe-du-monde-2018-en-egypte-etre-ultra-c-est-etre-revolutionnaire_5315445_5193650.html">ces groupes de supporters</a> font office de thermomètre social. Du <em>tifo</em> aux chants, pour ces groupes, la cause palestinienne apparaît comme un prolongement de l’esprit contestataire qui structure la tribune et souvent, s’oppose aux régimes en place.</p>
<p>La tendance au <a href="https://theconversation.com/ce-que-change-laccord-de-cooperation-securitaire-entre-le-maroc-et-israel-178335">rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv</a> n’est pas pour rien dans cette manifestation de soutien à la Palestine. À l’instar du film égyptien <a href="https://www.lorientlejour.com/article/507508/%3C%3C_Une_ambassade_dans_l%27immeuble_%3E%3E%E2%80%A6_un_film_a_succes_de_Adel_ImamLa_normalisation_avec_Israel_a_travers_le_prisme_de_l%27humour_egyptien.html"><em>Une ambassade dans l’immeuble</em></a>, où le personnage joué par l’acteur star Adel Imam est horrifié, à son retour des Émirats arabes unis, de constater que l’ambassade d’Israël est désormais voisine de son appartement, le stade est le reflet du décalage qui subsiste entre les salons du pouvoir et <a href="https://arabcenterdc.org/resource/does-arab-public-opinion-on-palestine-still-count-in-2020/">l’état d’esprit qui règne au sein des sociétés arabes</a>.</p>
<p>Autre exemple : en Égypte, les matchs de la sélection de football sont régulièrement marqués par des chants en soutien à la Palestine, réfutant les <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/accordsdecampdavid">accords de Camp David signés, en 1978, par Le Caire et Tel-Aviv</a>.</p>
<h2>Des joueurs arabes sur le même credo</h2>
<p>De la jeunesse des tribunes à celle de la pelouse, l’état d’esprit reste le même. Ainsi de la star marocaine Achraf Hakimi. En mai 2021, le défenseur des Lions de l’Atlas <a href="https://footballclubgeopolitics.fr/2022/09/14/maccabi-haifa-hakimi-psg-le-conflit-israelo-palestinien-en-trame-de-fond/">signale sur Twitter son soutien à la Palestine</a>, ce qui lui vaudra d’être sifflé quand il jouera avec le PSG à Tel-Aviv dans le cadre du trophée des Champions, en août 2021 puis en juillet 2022. Ce cas est loin d’être isolé : la cause palestinienne <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20210512-violences-%C3%A0-j%C3%A9rusalem-des-sportifs-appellent-%C3%A0-la-paix-et-au-respect-des-droits-de-l-homme">demeure prégnante</a> dans les rangs des équipes de la région et chez de nombreux joueurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501576/original/file-20221216-13-a6e6l8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tweet posté par Achraf Hakimi le 10 mai 2021.</span>
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</figure>
<p>Il n’est pas rare que des célébrations de but mettent en scène la violence subie par la population palestinienne. Au Caire, Mustafa Mohammed célèbre son but avec la sélection « Espoirs » en plaçant sa main sur son œil, ce 19 novembre 2019. Le jeune buteur égyptien rend ainsi hommage au photographe palestinien <a href="https://www.jpost.com/arab-israeli-conflict/palestinian-photographer-loses-sight-in-eye-hit-by-israeli-bullet-608267">Moaz Amaraneh, éborgné par un tir de l’armée israélienne</a>.</p>
<p>Originaires de la région ou de la diaspora, les joueurs apparaissent eux-mêmes comme un prolongement de cette cause qui unit au-delà des frontières. Malgré la posture stratégique de plusieurs chancelleries du monde arabe, qui se rapprochent d’Israël – ce qui se manifeste notamment par la signature en 2020 des <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Les-Accords-d-Abraham-entre-Israel-et-les-pays-du-Golfe-Emirats-arabes-unis-et-3480.html">Accords d’Abraham</a> entre Israël, d’une part, et les Émirats arabes unis, Bahreïn de l’autre, rejoints ensuite par le Maroc et le Soudan, la cause palestinienne continue de mobiliser.</p>
<p>Une zone fait cependant exception : celle, précisément, où vient de se dérouler la Coupe du Monde.</p>
<h2>Loin de la Coupe du Monde, une cause palestinienne absente des stades du Golfe</h2>
<p>Cette Coupe du Monde 2022 fait la part belle à la cause palestinienne ; pourtant, au Qatar, en temps normal, loin de ces lumières, cette lutte reste absente de ses travées.</p>
<p>Rien d’étonnant, dans un émirat où le domaine sportif est construit par le pouvoir comme un <a href="https://www.amazon.fr/Lempire-Qatar-nouveau-maitre-jeu/dp/2359302523">espace apolitique</a> et où le supportérisme épouse les formes du consumérisme. Et il n’y a pas qu’au Qatar que cette lutte demeure peu visible dans les tribunes : cet apolitisme règne sur l’ensemble des stades de la région.</p>
<p>Or, il faut rappeler le rôle des Palestiniens, qui ont été des acteurs moteurs dans l’essor du sport et en particulier du football dans la péninsule arabique. Pour prendre le cas du Koweït, terre d’exil du caricaturiste Naji Al-Ali, la bourgeoisie palestinienne a eu un rôle déterminant dans la structuration du mouvement sportif de l’émirat. Parmi les professeurs qui composent ses rangs, nombreux sont ceux qui pratiquent le football. Entre la centralité du Koweït pour <a href="https://books.openedition.org/ifpo/3376?lang=fr">l’immigration palestinienne</a> et les voyages d’études de jeunes koweïtiens au Caire, de multiples idées se diffusent et infusent le milieu sportif koweïtien. </p>
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<p>Al-Arabi l’un des deux grands clubs du pays est le fruit de cet élan. Il est fondé dans les années 1950 sous le nom d’Al-Ourouba – l’arabisme. À cette période, le nationalisme arabe et notamment la cause palestinienne sont à l’origine de la création de ce club. Et dès les années 1950, de nombreux clubs essaiment dans l’ensemble de la région sous ce même nom, avec cette même essence. Certains de leurs joueurs repartent d’ailleurs parfois au Proche-Orient, pour prendre part au combat contre l’État d’Israël dans les rangs des « fedayin ».</p>
<p><a href="https://orientxxi.info/magazine/les-irreductibles-koweitiens-rejettent-la-normalisation-avec-israel,4207">Ferme dans sa posture face à Israël</a>, le Koweït reste toutefois une exception sur la scène golfienne en matière de rapport de son monde footballistique à la question palestinienne. En effet, le club d’Al-Arabi n’a pas oublié ses racines et il n’est pas rare de voir ses joueurs arborer des symboles en hommage à la Palestine.</p>
<p>En revanche, dans les autres pays du Golfe les autorités cherchent à éviter toute revendication politique dans leurs stades, y compris les pro-palestiniennes.</p>
<h2>Quand Doha brandit la cause palestinienne</h2>
<p>Objet stratégique pour Doha, la Coupe du monde aura notamment été un relais de sa ligne politique régionale. L’émirat s’appuie sur la résonance d’un tel événement pour communiquer et recentrer la question palestinienne sur l’échiquier mondial durant un mois de compétition.</p>
<p>L’afflux de supporters de l’ensemble de la région, ainsi que la présence de centaines de milliers de personnes appartenant à cette aire géographique et habitant les pays de la péninsule arabique ont rejailli sur l’atmosphère du Mondial. Par cette <a href="https://www.msn.com/fr-ch/actualite/other/r%C3%A9ponse-au-one-love-lgbtq-les-qataris-portent-un-%C3%A9trange-brassard/ar-AA14Bxcg?bk=1&ocid=msedgntp">politisation sélective</a> – d’autres symboles, comme le fameux brassard One Love, ou encore des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/sport/video/coupe-du-monde-le-nom-de-l-iranienne-mahsa-amini-interdit-a-l-interieur-d-un-stade_210742.html">messages de soutien au mouvement de contestation en Iran</a>, ont été interdits au nom de l’apolitisme officiel de l’événement – le Qatar laisse s’exprimer un sujet de popularité transnational au sein d’un ensemble culturel dans lequel il s’inscrit et met ainsi en scène son orientation politique.</p>
<p>À travers l’usage de ce code fédérateur, il se positionne du côté des sociétés arabes et orchestre une nouvelle fois l’organisation de cette compétition comme <a href="https://orientxxi.info/magazine/qatar-un-derby-arabe-de-prestige-en-lever-de-rideau,5839">« la Coupe du monde pour tous les Arabes »</a>. La Coupe du Monde est construite par le Qatar comme un objet de séduction, il cherche véritablement à renforcer sa popularité auprès des sociétés arabes. Mettant la FIFA face au fait accompli de la géopolitique, loin de l’apolitisme prôné par l’institution du football mondial, le Qatar se sera placé, pendant un mois, au centre du monde arabe, cherchant toujours à renforcer sa position de « leader en douceur ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196753/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de IHEDN-Fondation de France . </span></em></p>Des joueurs, des supporters et même des officiels du Qatar ont profité de la compétition pour afficher leur solidarité pour la cause palestinienne, qui fait toujours consensus dans le monde arabe.Raphaël Le Magoariec, Chercheur doctorant en géopolitique, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.