tag:theconversation.com,2011:/institutions/universite-littoral-cote-dopale-3293/articlesUniversité Littoral Côte d'Opale 2024-02-05T09:57:26Ztag:theconversation.com,2011:article/2223412024-02-05T09:57:26Z2024-02-05T09:57:26ZÊtre dans la lune au travail : pour le meilleur ou pour le pire ?<blockquote>
<p>« Qu’en penses-tu Tony ? – Excuse-moi, tu disais ? »</p>
</blockquote>
<p>Qui parmi vous n’a jamais été ramené sur Terre au cours d’une réunion de <a href="https://theconversation.com/topics/travail-20134">travail</a> ? Soyez rassurés, les neuroscientifiques ont montré que ce phénomène, dénommé en Anglais <em>Mind-Wandering</em>, est <a href="https://pdodds.w3.uvm.edu/files/papers/others/2010/killingsworth2010a.pdf">davantage la norme que l’exception</a>. L’existence de nombreuses expressions du langage courant l’atteste d’ailleurs : rêvasser, être distrait, être dans la lune, dans les nuages, dans son monde, avoir la tête à autre chose, être perdu dans ses pensées… Bien <a href="https://sites.insead.edu/facultyresearch/research/file.cfm?fid=57510">peu d’études</a> en sciences de <a href="https://theconversation.com/topics/gestion-24154">gestion</a> ont pourtant été consacrées à ce phénomène qui nous concerne tous. Ce silence des chercheurs de la discipline est d’autant plus étonnant que l’errance de la pensée semble avoir des conséquences négatives non négligeables… mais aussi positives fort heureusement.</p>
<p>Dans une première approche approximative, il est possible de définir le <em>Mind-wandering</em> comme le <a href="https://www.researchgate.net/publication/224927532_Flow_The_Psychology_of_Optimal_Experience">contraire du <em>flow</em></a>, c’est-à-dire de l’engagement extrême dans le travail. Ces deux états ont malgré tout pour point commun une perte passagère de conscience du temps et de l’environnement. L’originalité du <em>Mind-Wandering</em> tient surtout à un déplacement de notre attention vers des pensées autogénérées et/ou des sentiments sans rapport avec la tâche en cours. En ce sens, il n’est pas un défaut de concentration mais plutôt une <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-psych-010814-015331">dérive</a>.</p>
<p>Pendant ces moments, notre pensée se disperse sans forcément poursuivre un but précis. Elle flotte et associe une idée à une autre sans forcément de logique précise. Elle est instable contrairement à nos moments de rumination. Cette dérive peut être spontanée (<em>zoning out</em>) comme quand vous lisez une phrase sans en comprendre le sens ou, au contraire, intentionnelle (<em>tuning out</em>) à l’image de ces instants où vous planifiez intellectuellement vos prochaines vacances alors que vous devriez travailler. Ne mentez pas, cela vous est déjà arrivé !</p>
<h2>Combattre les rêveurs ?</h2>
<p>Intuitivement, nous comprenons tous que ces pensées hors tâches peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur certains postes nécessitant une forte vigilance. Chacun perçoit sans difficulté ce qu’il pourrait par exemple advenir à un conducteur de poids lourds dans la lune, au patient d’un chirurgien distrait, ou à vous, dont l’avion devrait être précisément guidé alors que le contrôleur aérien est absorbé par ses pensées. Que les chauffeurs routiers, les chirurgiens et les contrôleurs aériens qui nous lisent ne nous en veulent pas de les avoir pris en exemple. Bien d’autres métiers auraient pu l’être.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1738688351723557221"}"></div></p>
<p>De nombreuses recherches ont confirmé ces intuitions de bon sens et les <a href="https://scholar.google.com/scholar">résultats</a> sont éloquents : le <em>Mind-Wandering</em> pénalise d’au moins 25 % les performances de lecture, d’attention et de mémorisation. Il <a href="https://www.researchgate.net/publication/235785870_The_Costs_and_Benefits_of_Mind-Wandering_A_Review">nuit à la résolution</a> de problèmes raisonnée, objective et sans émotion. L’organisation n’est pas la seule à en souffrir apparemment puisque <a href="https://www.researchgate.net/publication/253648485_I_don%27t_feel_your_pain_as_much_The_desensitizing_effect_of_mind_wandering_on_the_perception_of_others%27_discomfort">l’attention portée aux collègues est réduite</a>. La sensibilité à leur peine et à leur inconfort décline dramatiquement.</p>
<p>Ces impacts négatifs s’expliquent par la concurrence que se livrent tâche et <em>Mind-Wandering</em> pour capter nos ressources intellectuelles. Ils sont également interprétés comme une faille dans notre contrôle exécutif, c’est-à-dire une incapacité à rester concentrés sur notre travail. N’en jetez plus, son sort est scellé : le <em>Mind-Wandering</em> au travail doit être surveillé de près, combattu, et réprimandé sévèrement. En êtes-vous si sûr ?</p>
<h2>Newton sous le pommier et Archimède dans son bain</h2>
<p>L’élargissement de l’analyse à l’objet vers lequel vos pensées se sont dirigées invite à formuler un avis plus nuancé. Le <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-18777-009">bénéfice d’incubation</a> est certes débattu. Celui-ci se définit comme la contribution de la rêverie à la reconstitution des ressources intellectuelles. Pour les uns, elle est indispensable à périodicité régulière pour se régénérer alors que d’autres remarquent que la dérive de l’attention n’est pas toujours reposante pour l’esprit.</p>
<p>D’autres incidences positives sont en revanche moins contestées. Il en va ainsi de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810011001978">planification autobiographique</a> et de la pensée créative. La première permet de se préparer à ce qui adviendra en anticipant et en hiérarchisant les buts à atteindre. Elle autorise la conception et la simulation de plans à long terme de manière réfléchie plutôt que réactive et impulsive. Il s’agit là d’une fonction adaptative précieuse dans les environnements professionnels changeants et incertains.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La pensée créative facilite quant à elle la mise au jour de solutions inédites pour surmonter des difficultés avant qu’elles n’adviennent dans le monde réel. Elle aussi est indispensable dans le contexte du travail contemporain qui invite davantage à questionner le statu quo de façon régulière plutôt qu’à simplement reconduire des routines. Les inspirations célèbres de Newton et sa pomme ou d’Archimède qui s’exclame « <em>Eurêka</em> ! », solutionnant un problème en prenant un bain, sont là pour nous rappeler le potentiel productif de ces moments d’absence.</p>
<p>D’autres effets bénéfiques du <em>Mind-Wandering</em> ont pu être observés à l’image de la consolidation en mémoire de nouveaux savoirs ou bien encore du découplage de la situation actuelle qui limite par exemple l’impact négatif des évènements stressants. Dans cette perspective, nous avons, pour notre part, montré statistiquement qu’un <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1.htm">bien-être au travail faible</a> est associé à une propension forte du salarié à laisser sa pensée errer. Autrement dit, les salariés qui se sentent les plus heureux au travail ont moins besoin de relâcher la pression en rêvant. L’errance de la pensée constitue ainsi une échappatoire salutaire aux situations de travail négatives.</p>
<p>Il ressort de toutes ces observations que le <em>Mind-Wandering</em> au travail ne peut pas être restreint à un simple état mental dysfonctionnel. Il semble aussi avoir des effets positifs. Le contenu même de la pensée dérivée les conditionnerait. Elle peut porter selon les cas sur les problèmes actuels, le passé, le futur, les solutions innovantes, les émotions positives ou négatives. Mais ça, aucun manager n’est en mesure de le contrôler à coup sûr. Cela laisse rêveur n’est-ce pas ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certes, rêver ne fait pas beaucoup avancer le travail… Mais les effets positifs sont aussi nombreux !Franck Biétry, Professeur des Universités en gestion des ressources humaines, Université de Caen NormandieCarine Bourdreux, Doctorante en 4ème année en sciences de gestion spécialité comportement organisationnel, Université Littoral Côte d'Opale Jordan Creusier, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2151222023-10-16T10:08:28Z2023-10-16T10:08:28ZL’arroseur arrosé : Quand les témoins de dénigrements au travail le font payer à leur auteur<p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/harcelement-22180">harcèlement</a> touche de nombreuses sphères de la société. Le <a href="https://theconversation.com/ecole-exclure-les-eleves-harceleurs-est-ce-vraiment-la-solution-211950">système scolaire</a> a récemment fait la Une de la presse du fait de ses incidences pouvant aller jusqu’au <a href="https://www.bfmtv.com/societe/education/suicide-d-un-lyceen-a-poissy-gabriel-attal-deplore-un-drame-qui-nous-endeuille-tous_AN-202309060796.html">suicide</a> de jeunes victimes. Le monde du travail n’est pas non plus épargné.</p>
<p>Le harcèlement est un délit qui peut y prendre de multiples formes. La loi distingue notamment le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Harcelement_moral_dgt_07-2010.pdf">harcèlement moral</a>, qui désigne des agissements répétés dégradant les conditions de travail et susceptible de causer un dommage au salarié, du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006177846/">harcèlement sexuel</a> « constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». On y associe aussi toute forme de pression grave, même non répétée, visant à obtenir un acte de nature sexuelle.</p>
<p>Insultes, menaces, communications répétées, propos ou comportements à connotation sexuelle, ces pratiques sont sanctionnées jusque 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende en plus d’un éventuel licenciement. Être harcelé génère un fort <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.psych.60.110707.163703">mal-être</a> chez les victimes : perte d’estime de soi, stress, anxiété, burn-out, dépression sont des corolaires connus de cette dégradation du climat social. Elles ont également des effets négatifs sur les organisations : le désengagement, l’absentéisme, les démissions induits se soldent en effet tôt ou tard par des pertes de productivité.</p>
<h2>Le harceleur, le harcelé et le témoin</h2>
<p>Certaines manifestations du harcèlement au travail sont parfois plus insidieuses. Il en va ainsi du dénigrement. Ce phénomène implique trois acteurs qui peuvent être de même niveau hiérarchique ou non : un auteur d’une critique négative informelle au sujet d’une victime absente de la scène, et un témoin. C’est à ce dernier protagoniste que nous nous sommes intéressés dans nos <a href="https://management-aims.com/index.php/mgmt/article/view/3805/9498">travaux</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1578827972899143682"}"></div></p>
<p>Dans ce triptyque, le témoin a longtemps été considéré comme un auditeur neutre. Il est pourtant partie prenante de l’<a href="https://theconversation.com/topics/culture-dentreprise-46719">environnement de travail</a>, doté d’une sensibilité particulière et animé par un système personnel de valeurs. Il peut à ce titre se contenter d’être un simple spectateur passif et indifférent, adhérer à la critique émise voire même l’encourager en la relayant à son tour, ou au contraire, faire preuve de compassion à l’égard de la victime, dénoncer la médisance en contre-argumentant et même la combattre en se dressant contre l’auteur.</p>
<p>Grâce à une expérimentation plaçant 223 salariés en position de témoin d’un dénigrement, nous sommes parvenus à identifier les conditions dans lesquelles l’auteur peut devenir lui-même victime de ses propres agissements, c’est-à-dire subir à son tour une réaction négative du témoin. Pour se décider, le témoin estime tout d’abord l’ampleur de l’injustice subie par la victime, puis attribue la responsabilité de l’évènement au dénigreur ou au dénigré, et enfin, décide ou non de s’identifier à la victime.</p>
<h2>« C’est bien mérité »</h2>
<p>La légitimité du dénigrement est en premier lieu évaluée. En plus de la qualité des arguments qui étayent la critique, cette estimation est grandement tributaire du système personnel de valeurs du témoin. Pour certains, parler en mal d’un autre salarié dans son dos est moralement condamnable, quel que soit le propos tenu. Y prêter l’oreille peut même générer un sentiment de culpabilité honteuse qui incitera à réagir tout simplement parce que c’est la « bonne chose à faire ».</p>
<p>Cette <a href="https://psycnet.apa.org/doi/10.5465/AMR.2011.61031810">identité morale</a> agit ainsi comme un impératif. La probabilité qu’il se traduise en comportement négatif à l’égard de l’auteur n’est pas certaine pour autant. Elle dépend d’abord de l’attribution de la responsabilité du dénigrement. Quand le témoin croît en général en la justice du monde, c’est-à-dire, selon le psychologue Melvin Lerner, adhère au <a href="https://doi.org/10.1007/978-1-4899-0448-5">principe</a> selon lequel « chacun a ce qu’il mérite et mérite ce qu’il a », il aura tendance à incriminer la victime plutôt que l’auteur et donc à ne pas lui porter secours. Cette croyance est fréquente car elle constitue un puissant mécanisme de défense : en évitant de se comporter comme la victime, le témoin pense se protéger.</p>
<p>Elle est fréquente mais pas unanime dans la mesure où elle peut avoir été remise en cause par l’expérience personnelle de situations professionnelles injustes. Dans une telle éventualité, la sensibilité du témoin à l’injustice est accrue et sa tolérance diminuée. Moins indifférent au traitement d’autrui, il a davantage tendance à s’identifier à la victime et à se faire plus punitif à l’égard de l’auteur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La réaction négative du témoin peut également être freinée par le pouvoir dont bénéficie l’auteur. Lors d’un dénigrement, le témoin est en effet implicitement invité à adhérer à l’opinion négative émise. La critique présente une dimension coercitive larvée : en laissant entendre qu’il pourrait propager des informations de même nature au sujet du témoin, l’auteur lui adresse à mots couverts une menace d’autant plus crédible qu’il est doté de pouvoir. Le rapport coûts/bénéfices de la réaction établi par le témoin l’incite alors à « ne pas se mêler des affaires des autres ».</p>
<p>En d’autres termes, le dénigreur risque fort de se « tirer une balle dans le pied » quand le témoin considère que la critique émise à l’égard de la victime est injuste compte tenu de la situation ou pour des raisons morales, quand il ne croît plus en la justice du monde du fait d’expériences professionnelles malheureuses, et quand auteur et témoin bénéficient de niveaux de pouvoir similaires comme c’est le cas entre collègues de travail.</p>
<h2>Éviter une spirale négative</h2>
<p>En de telles circonstances, la réaction du témoin peut être émotionnelle. Une hostilité, un mépris, un dégoût vis-à-vis de l’auteur, mais aussi une tristesse, une contrariété, une déception, une gêne ou une peine peuvent être ressentis. La réaction peut aussi être plus attitudinale comme notre expérimentation le montre : lorsque les trois conditions mentionnées sont réunies, la prédisposition du témoin à aider à l’avenir l’auteur en cas de besoin professionnel est significativement réduite.</p>
<p>En sanctionnant de cette manière l’auteur, le témoin évite d’avoir à se considérer comme complice d’actes qu’il condamne pour en avoir fait lui aussi les frais par le passé. La situation est alors propice à l’enclenchement dans l’organisation d’une spirale négative faite de comportements non éthiques échangés.</p>
<p>Ces conclusions ont des incidences opérationnelles importantes. En premier lieu, l’intérêt du manager est de lutter contre l’injustice en général et le dénigrement en particulier s’il souhaite éviter que l’incivilité devienne progressivement la norme organisationnelle. Rester neutre et passif dans un tel climat est en soi assimilable à de la permissivité, ou pire encore à de l’encouragement.</p>
<p>Il s’agit là d’un véritable défi. Le contrôle du dénigrement est en effet très difficile. L’action peut néanmoins consister en une alerte envoyée explicitement à l’auteur coutumier du fait au sujet des risques légaux auxquels il s’expose. Les risques sont également sociaux pour l’auteur puisqu’il se marginalise dans l’organisation faute de pouvoir bénéficier de l’entraide de ses collègues.</p>
<p>Pour éviter ce scénario finalement pénalisant pour la victime, l’auteur et in fine l’organisation, il peut aussi être recommandé de ne pas instaurer un climat de concurrence interne entre les salariés. Ces situations sont en effet propices au dénigrement. Enfin, la lutte contre le stress au travail trouve là aussi une véritable légitimité puisque ce trouble fragilise celui qui le ressent et en fait une victime facile du dénigrement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une expérimentation identifie les conditions dans lesquelles un témoin d’un dénigrement se retourne contre qui son auteur, au risque d’instaurer un climat négatif au travail.Franck Biétry, Professeur des Universités en gestion des ressources humaines, Université de Caen NormandieJordan Creusier, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1895822022-10-12T19:10:40Z2022-10-12T19:10:40ZSur le littoral, notre rapport à la « nature » change en même temps que le climat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487254/original/file-20220929-26-xnqk8f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le cap Romain (Calvados), exemple type d’une juxtaposition étroite entre la mer, un espace naturel protégé (réserve naturelle nationale) et un espace habité. 15 décembre 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">Julien Guerrero</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« J’habite dans un cadre de vacances. »</p>
<p>« Nous avons la nature aux portes de chez nous. »</p>
<p>« Je ne dirais pas que c’est notre jardin, mais un peu quand même. »</p>
<p>« Quand je vois que le sable s’est déplacé à cette vitesse, je me dis que le changement climatique, on ne l’a pas vu venir mais on le vit. »</p>
<p>« C’est sûr qu’on préfère le côté sauvage, mais le réchauffement climatique fait que ce n’est plus possible. »</p>
<p>« Ils vont aller où, les pauvres oiseaux ? »</p>
</blockquote>
<p>Les personnes rencontrées au cours de <a href="https://www.theses.fr/s280619">notre travail de thèse</a> témoignent d’une prise de conscience des effets du changement climatique sur les espaces « naturels ». Ces effets <a href="https://naturadapt.com/groups/communaute/documents/190/get">variés et déjà visibles</a> - hausse du niveau marin, réduction de la neige en montagne, <a href="https://theconversation.com/lurbanisation-anarchique-facteur-aggravant-des-incendies-dans-les-landes-188619">augmentation des températures en forêt</a> – affectent la biodiversité et les écosystèmes (aire de répartition, phénologie, fonctionnement).</p>
<p>Ce nouveau contexte est cependant encore peu pris en compte en ce qu’il ne concerne pas directement les humains. Pourtant, au-delà des <a href="https://theconversation.com/le-bruit-sous-marin-cette-pollution-du-littoral-peu-connue-et-pourtant-facile-a-reduire-185816">conséquences physiques</a>, il affecte déjà notre attachement à une <em>certaine</em> nature.</p>
<hr>
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<em>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-saint-laurent-touristique-entre-imaginaire-et-realite-180233">Le Saint-Laurent touristique, entre imaginaire et réalité</a>
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<h2>D’une mouvance à une autre</h2>
<p>Il reste toutefois difficile de déterminer ce qui relève ou non du changement climatique dans un phénomène donné. Par exemple, a-t-il fait naître telle tempête venant <a href="https://theconversation.com/que-faire-face-a-la-montee-du-niveau-de-la-mer-lexemple-de-miquelon-village-en-cours-de-deplacement-177786">rudoyer le littoral</a> ou aurait-elle eu lieu de toute façon ? l’a-t-il ou non rendue plus sévère ? <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/3/2019/09/SROCC_PressRelease_FR.pdf">Ce qui est certain</a>, c’est qu’il fait s’élever le niveau marin – de 3,6 mm/an, rythme très rapide par rapport aux variations passées et s’accélérant encore – et que les tempêtes, même sans devenir plus fréquentes ou plus intenses, séviront plus loin dans les terres en raison de ce « tremplin ».</p>
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<p>Une estimation en 2004 (confirmée en 2011 mais il n’existe pas à notre connaissance de chiffres plus récents) a montré que 20 % du domaine du Conservatoire du littoral pourrait être plus ou moins fréquemment <a href="https://www.lifeadapto.eu/media/3732/Plaquette_adapto_20180904.pdf">submergé entre 2050 et 2100</a>, soit quatre fois la superficie de Paris.</p>
<p>Si ces annonces soulèvent des <a href="https://theconversation.com/dans-la-rade-de-brest-les-effets-irreversibles-de-la-pollution-humaine-sur-le-plancton-170354">craintes</a> par rapport à une situation préalable qu’on imagine paisible, rappelons que, changement climatique ou non, les littoraux ont toujours été dynamiques sous l’action des intempéries habituelles, des courants fluviaux et marins, et avant cela des évolutions géologiques. Il y a donc aussi une mouvance « normale », dont les paysages littoraux que nous aimons sont justement le fruit.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-les-cotes-francaises-14-stations-de-mesure-scrutent-les-effets-du-changement-climatique-sur-locean-174841">Sur les côtes françaises, 14 stations de mesure scrutent les effets du changement climatique sur l’océan</a>
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<h2>De nouveaux risques entre « nature » et « nature »</h2>
<p>Ce dynamisme peut se traduire par un recul plus ou moins pérenne de la côte : érosion temporaire (lorsqu’une plage et sa dune sont attaquées l’hiver mais se reconstituent l’été) ou définitive (effondrement de falaise), submersion temporaire (lors d’une tempête majeure) ou définitive à nos échelles de temps (élévation du niveau de la mer). Érosion et submersion sont alors qualifiées d’aléas – des <a href="https://www.risques-cotiers.fr/wp-content/uploads/2021/03/glossaire-cocorisco-risques-cotiers.pdf">événements potentiellement dangereux</a>. Installé çà et là au plus près du rivage et sans intention d’en partir a priori, l’homme se trouve alors confronté à d’évidents problèmes, ce qui amène la notion d’enjeux – <a href="https://www.risques-cotiers.fr/wp-content/uploads/2021/03/glossaire-cocorisco-risques-cotiers.pdf">éléments de valeur exposés à l’aléa</a>, en l’occurrence les personnes, leurs biens et leurs activités – et finalement celle de risques – <a href="https://www.risques-cotiers.fr/wp-content/uploads/2021/03/glossaire-cocorisco-risques-cotiers.pdf">croisement de l’aléa et d’un enjeu vulnérable</a> –, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/search/index?q=risques+littoraux">abondamment documentée</a>.</p>
<p>Selon cette logique, un aléa seul ou un enjeu seul ne suffisent pas à générer un risque. Aussi a-t-on longtemps considéré qu’un espace <em>naturel</em> littoral (dunes, bois, marais…), dépourvu d’« enjeux » au sens classique, n’était qu’une zone marginale que la mer pouvait bien heurter <em>sans risque</em>. Or on assiste aujourd’hui à une convergence singulière qui rebat les cartes : en même temps que le <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/3/2019/09/SROCC_PressRelease_FR.pdf">changement climatique</a> induit de nouveaux aléas, les espaces naturels littoraux constituent de nouveaux enjeux.</p>
<p>Par l’attachement croissant que nous leur portons et les <a href="https://inpn.mnhn.fr/programme/espaces-proteges/presentation">statuts de protection</a> que nous leur attribuons dans un contexte de <a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">déclin de la biodiversité</a>, ces espaces ne sont plus « marginaux » mais viennent au centre des attentions. Il en résulte de nouveaux risques à gérer.</p>
<h2>Deux exemples à la fois similaires et distincts</h2>
<p>Le platier d’Oye est comme une parenthèse entre les agglomérations de Calais et Dunkerque. Espace « naturel » progressivement poldérisé depuis le XVII<sup>e</sup> siècle, formé de dunes et de milieux humides attirant notamment des oiseaux migrateurs, il a échappé à une artificialisation massive mais pas à une urbanisation éparse. Ainsi, un lotissement s’y est implanté dans les années 1970, bien que les lieux eussent été submergés lors de la tempête de 1953.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La zone du platier d’Oye (Pas-de-Calais) porte en son centre un lotissement et, autour, fait l’objet d’une réserve naturelle nationale (périmètre grisé). Vue prise en 2021" src="https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486750/original/file-20220927-18-upaapm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La zone du platier d’Oye (Pas-de-Calais) porte en son centre un lotissement et, autour, fait l’objet d’une réserve naturelle nationale (périmètre grisé). Vue prise en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IGN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Depuis les années 1980, des statuts de protection foncière (<a href="https://www.conservatoire-du-littoral.fr/siteLittoral/32/28-le-platier-d-oye-62_pas-de-calais.htm">Conservatoire du littoral</a>) et réglementaire (<a href="https://www.reserves-naturelles.org/platier-d-oye">réserve naturelle nationale</a>) ont vocation à préserver les espaces naturels résiduels, garantissant ainsi aux riverains la qualité des paysages environnants mais s’opposant aussi à des techniques lourdes de défense contre la mer pourtant espérées par certains.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La dune du platier d’Oye au droit du lotissement" src="https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486751/original/file-20220927-14-dq0j6p.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La dune du platier d’Oye au droit du lotissement. Vue prise en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eden62,</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En Vendée, la casse de la Belle Henriette est une <a href="https://reserve-naturelle-belle-henriette.fr/la-lagune-de-la-belle-henriette/naissance-et-evolution/">lagune qui se mouvait déjà fortement avant le changement climatique</a>, au gré d’une lutte entre l’écoulement du Lay et la poussée de la pointe d’Arçay. En 1972, on sépare artificiellement la lagune de l’océan, l’eau douce remplace l’eau salée, la flore et la faune changent radicalement.</p>
<p>Mais en 2010 la <a href="https://journals.openedition.org/norois/3895">tempête Xynthia</a> ébranle le tout, et l’hiver mouvementé 2013-2014 porte le coup de grâce : on laisse alors la lagune se reconnecter à la mer, les bancs de sable retrouver leur dynamique, l’écosystème se retransformer. En parallèle, on instaure ici aussi une <a href="https://www.reserves-naturelles.org/casse-de-la-belle-henriette">réserve naturelle nationale</a> en 2011.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La casse de la Belle Henriette (Vendée) consiste en une lagune bordée d’habitations et de campings et fait également l’objet d’une réserve naturelle nationale (périmètre grisé). Vue prise en 2019" src="https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486752/original/file-20220927-24-vg6rhl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La casse de la Belle Henriette (Vendée) consiste en une lagune bordée d’habitations et de campings et fait également l’objet d’une réserve naturelle nationale (périmètre grisé). Vue prise en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IGN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans les deux cas, les riverains n’éprouvent pas seulement de l’attachement et de l’inquiétude pour leur logement propre mais également pour cet espace naturel adjacent qui leur procure du bien-être (« j’ai besoin du platier pour vivre », « je tiens à ma maison et à son cadre comme à la prunelle de mes yeux »).</p>
<p>Pour autant, si cet attachement apparaît homogène au platier d’Oye, où les lieux ont peu changé à l’échelle d’une vie humaine, il est plus hétérogène à la Belle Henriette où se sont succédé des phases très différentes ces dernières décennies… et où chacun tend alors à préférer l’aspect qu’il a connu en emménageant là.</p>
<h2>Des espaces protégés… à (sur)protéger ?</h2>
<p>En outre, les personnes que nous avons interrogées ne prônent pas toutes les mêmes stratégies de gestion actuelle et future.</p>
<p>À la Belle Henriette, où l’on a abandonné l’idée d’une défense au plus près de la mer pour la placer au plus près des hommes (une digue en arrière de la lagune), avec de fait un laisser-faire sur la lagune elle-même, la population riveraine semble s’habituer à cette nouvelle donne : elle soutient ce laisser-faire et l’entretien de cette défense reculée bien plus que ne les soutiennent de leur côté les voisins du platier d’Oye (52 % contre 11 %).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La lagune de la Belle Henriette, partiellement contenue par le banc de sable visible à l’arrière-plan, se remplit et se vide au gré des marées. 26 mai 2021" src="https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486753/original/file-20220927-16-sz28.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La lagune de la Belle Henriette, partiellement contenue par le banc de sable visible à l’arrière-plan, se remplit et se vide au gré des marées. 26 mai 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Guerrero</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une digue a été érigée en arrière de la lagune de la Belle Henriette, au plus près des résidents plutôt qu’au plus près de la mer. 9 décembre 2020" src="https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486754/original/file-20220927-24-rti07r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une digue a été érigée en arrière de la lagune de la Belle Henriette, au plus près des résidents plutôt qu’au plus près de la mer. 9 décembre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Guerrero</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>À l’inverse, au platier d’Oye où l’on souhaite maintenir encore longtemps le trait de côte actuel, ce sont la défense douce (apports de sable et plantations) et la défense dure au plus près de la mer (par exemple un enrochement devant la dune) qui sont plébiscitées (75 % contre 39 % à la Belle Henriette). Or des ouvrages de génie civil n’auront pas leur place dans la réserve naturelle, et même un chantier de défense douce, en théorie envisageable, s’avérerait trop dangereux dans cette zone constellée de restes de guerre non explosés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Résultats issus d’une enquête par questionnaire menée en 2021-2022 auprès de riverains des deux sites" src="https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486755/original/file-20220927-20-jgtvgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résultats issus d’une enquête par questionnaire menée en 2021-2022 auprès de riverains des deux sites.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Guerrero</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Enfin, l’idée de déplacer un jour les habitants les plus proches du rivage afin de les écarter du danger – idée déjà impopulaire en soi – est contrariée dans les deux cas par la topographie basse et plane d’un vaste arrière-pays lui-même susceptible d’être submergé (« comme ce ne sont que des marais derrière, il faudrait aller à 10, 20 voire 30 km »). Il ne s’agirait donc pas d’un recul anodin mais d’un renoncement plus profond à vivre près de la mer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-les-littoraux-le-dilemme-entre-maintien-et-abandon-des-digues-147106">Sur les littoraux, le dilemme entre maintien et abandon des digues</a>
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<h2>Une doctrine qui se cherche encore</h2>
<p>Les réflexions sur le sujet ne manquent pas, tant au niveau national qu’à travers des déclinaisons locales : <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/12004-1_Strat%C3%A9gie%20gestion%20trait%20de%20c%C3%B4te%202017_light.pdf">stratégie nationale de gestion intégrée de la zone côtière</a>, <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/272115.pdf">rapport « Quel littoral pour demain ? »</a>, programmes Life <a href="https://www.lifeadapto.eu/media/3732/Plaquette_adapto_20180904.pdf">Adapto</a> et <a href="https://naturadapt.com/groups/communaute/documents/190/get">Natur’Adapt</a>, appels à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/appel-projets-des-solutions-fondees-sur-nature-des-territoires-littoraux-resilients">projets</a> ou à <a href="https://www.cerema.fr/fr/appel-partenaires-gestion-integree-du-littoral">partenaires</a>… Or pareil foisonnement révèle peut-être la fébrilité d’une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/adaptation-des-territoires-aux-evolutions-du-littoral">doctrine</a> qui se cherche encore.</p>
<p>La puissance publique sait désormais que les ouvrages lourds, en plus de paraître absurdes au droit d’espaces naturels, sont coûteux et guère efficaces sur le long terme, aussi s’en détourne-t-elle bien que des riverains les voient encore comme des garanties rassurantes. Elle préfère à présent s’en remettre à des options souples telles que les <a href="https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/centre-ressources/des-solutions-fondees-sur-la-nature-pour-sadapter-au-changement-climatique">solutions fondées sur la nature</a>, encore peu éprouvées mais réputées prometteuses (bon rapport efficacité/coût, acceptabilité croissante), pour faire d’une pierre plusieurs coups : protéger le plus longtemps possible les enjeux humains au moyen d’un « bouclier naturel » qui de surcroît se protégerait lui-même et qu’adopteraient volontiers les habitants et les visiteurs.</p>
<p>Il reste que le prix de ce cumul d’avantages est d’accepter, à court terme, une mouvance plus ou moins prévisible du trait de côte et, à plus long terme, une tendance à son recul. Le déplacement de nos installations humaines, pour impensable ou prohibitif qu’il soit, semble alors inévitable, afin non seulement d’éloigner des aléas nos enjeux « humains » mais aussi d’éviter que les enjeux « naturels » terrestres ne soient <a href="https://link.springer.com/article/10.1652/1400-0350(2004)010%5B0129:CSAHP%5D2.0.CO;2">pris en étau</a> entre la mer et un front urbanisé ou agricole.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Guerrero a reçu des financements de l'Université du Littoral Côte d'Opale (financement intégral du doctorat).</span></em></p>Le changement climatique affecte aussi notre attachement à une certaine « nature », une perception de notre environnement encore peu prise en compte.Julien Guerrero, Doctorant, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1681192021-11-03T19:22:27Z2021-11-03T19:22:27ZMulti CHARME : entre recherche et émotions, un projet en temps de Covid<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/430050/original/file-20211103-15-1avln86.PNG?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C819%2C500&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les allers – retours d’un laser rouge dans la cellule de Chernin.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette édition a pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>Dans l’atmosphère ambiante, il est difficile de séparer la chimie, de la météorologie, des effets de mélanges, des émissions… Depuis la fin des années soixante, les chercheurs ont développé en laboratoire des systèmes fermés afin d’étudier les processus physico-chimiques atmosphériques. Appelées chambres de simulation atmosphériques (CSA), elles permettent de travailler dans un environnement contrôlé. Les expériences en CSA permettent, entre autres, de comprendre les mécanismes complexes se produisant dans l’atmosphère. Ces recherches ont ainsi permis le développement de modèles de chimie atmosphérique permettant par exemple de prédire la formation de l’ozone ambiant.</p>
<p>Il existe aujourd’hui dans la communauté internationale une quarantaine de CSA dont la moitié en Europe. Chacune de ces chambres présente des caractéristiques différentes et sont complémentaires. La CSA du Laboratoire de physicochimie de l’atmosphère (LPCA) de l’Université du Littoral Côte d’Opale (ULCO) a, dès sa création, été pensée pour le couplage d’expériences d’optiques originales. Répondant au nom évocateur de CHARME, acronyme anglais pour « chamber for the atmospheric reactivity and the metrology of the environment », la CSA est une enceinte en inox de 1,5m de diamètre et d’une longueur de 5 mètres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429990/original/file-20211103-27-1uqywf7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La chambre de simulation atmosphérique CHARME.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au LPCA, Arnaud et Éric sont chercheurs. L’un est professeur et l’autre, ingénieur de recherche. Le premier, véritable Sherlock Holmes, sait retrouver la signature d’un gaz à l’état de trace dans un enregistrement complexe caractéristique d’un mélange gazeux tandis que le second construira le système qui permet de les détecter.</p>
<p>Avec leur équipe, ils se lancent dans un projet innovant consistant à construire dans la CSA un système ultra-sensible, appelé spectromètre par les spécialistes. Celui-ci permettra de mesurer la répartition d’un rayonnement térahertz en fonction de sa fréquence et ainsi détecter des gaz dans des environnements hostiles tels que les fumées par exemple. Cependant, pour que le spectromètre soit ultra-sensible, il est nécessaire battre le record mondial de distance de propagation de cette onde électromagnétique. L’idée consiste donc à placer judicieusement des miroirs face à face afin de replier le faisceau térahertz sur lui-même à chaque réflexion.</p>
<p>Ainsi piégée entre ces deux réflecteurs qui constituent une cellule dite « de Chernin » (du nom de son inventeur), l’onde parcourt plusieurs centaines de mètres avant d’être recueillie par un détecteur spécifique. À chaque passage, le rayonnement est absorbé par les gaz contenus dans la chambre de simulation. Plus le nombre de passages est élevé, plus cette absorption est importante et plus la sensibilité du système est élevée. Le nom du projet découle de la description du projet développé dans la CSA : MULTI-CHARME pour MULTIpass reflexions in CHARME.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429992/original/file-20211103-15-o1v2iy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les allers-retours d’un laser rouge dans la cellule de Chernin.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Comme tout projet innovant, deux difficultés sont à surmonter : la première consiste à avoir une distance suffisamment grande entre les miroirs. C’est le cas ici puisque la CSA a une longueur de 5m. La seconde nécessite la construction de miroirs suffisamment grands afin d’éviter que les réflexions du faisceau sur les miroirs se recouvrent, amenant alors des interférences parasites. Ils se tournent alors vers les chercheurs avec lesquels ils collaborent depuis de nombreuses années : Weixiong et son équipe de la Hefei Institutes of Physical Science de l’Académie des Sciences en Chine.</p>
<p>Le projet Multi CHARME atteint son but : il séduit les investisseurs qui proposent de financer non seulement la fabrication du matériel d’optique mais aussi un ingénieur d’étude qui travaillera sur le projet avec Arnaud et Éric pendant une année.</p>
<p>Dès lors, le projet passe à la vitesse supérieure et le calendrier se précise. Jean est recruté : il quitte Avignon et s’installe à Dunkerque en juillet 2019. Parallèlement, les miroirs, très spécifiques, seront fabriqués par Weixiong et ses collaborateurs. Ils arrivent au laboratoire en novembre 2019. Weixiong reçoit dans la foulée son visa pour venir installer le système en février 2020, après les fêtes du Nouvel An chinois.</p>
<p>De retour des vacances de Noël, Arnaud réserve la chambre d’hôtel de Weixiong. Sauf que celui-ci ne retournera pas travailler en présentiel après ses congés : le gouvernement chinois décrète la mise en quarantaine face à la pandémie de Covid-19. C’est la consternation parmi nos chercheurs français.</p>
<p>Arnaud prend les rênes.</p>
<blockquote>
<p>« En Chine, les chercheurs ont appris à aligner la cellule de Chernin. Ils ne viendront pas nous aider en France. Nous devons apprendre à le faire nous-même, décide-t-il. »</p>
</blockquote>
<p>Éric part alors à la recherche d’une salle suffisamment grande pour contenir la cellule de 5m et le matériel d’émission et de réception des faisceaux lumineux. Pour ce faire, une salle de travaux pratiques des étudiants de licence est réquisitionnée. Cependant, un deuxième problème surgit. L’électronique de pilotage des miroirs est restée en Chine. C’est à ce moment qu’intervient Pierre. C’est le technicien en charge de la salle de TP dans laquelle la cellule a été montée. Il se révèle comme un véritable « géo-trouvetou » dans le domaine des plates-formes de prototypage. En quelques heures, il trouve une méthode pour piloter les vérins de chaque miroir indépendamment les uns des autres. Éric et Jean maitrisent les techniques d’alignement après quinze jours de travaux intensifs.</p>
<p>Cependant, le 17 mars 2020, la vie se fige aussi en France. La veille, le groupe au complet se réuni et met en place un plan d’action. Il est difficile de prévoir l’évolution de la géométrie du faisceau térahertz dans la cellule. Il est nécessaire de faire des simulations de propagation optique. Le temps du confinement sera réservé à cela. Le premier confinement débute alors.</p>
<p>Finalement,ce sont les réunions par vidéoconférence et les appels téléphoniques qui vont permettre non seulement l’avancement du projet mais aussi à chacun de garder un pied dans la réalité, dans la « vraie vie du travail ».</p>
<p>La rentrée post Covid voit Éric et Jean s’agiter autour de la CSA, avec l’aide de Nicolas, l’ingénieur CSA, et de l’équipe technique. Il s’agit d’ouvrir l’extrémité de la chambre pour y introduire la cellule multipassages. Les flasques d’entrée et de sortie pèsent une centaine de kilos et nécessitent l’emploi d’une mini-grue adaptée (photo 3). Toutes ces manipulations sont possibles grâce à un sésame : « le guide de conduite en temps de pandémie », écrit par le comité hygiène et sécurité de l’ULCO et décrivant les précautions à prendre et les gestes barrières à mettre en place.</p>
<p>Pendant ce temps, Arnaud s’active en télétravail. Sa priorité numéro 1 est de prolonger le contrat de Jean afin de pallier les 2 mois pendant lesquels il a été impossible de venir travailler en présentiel. Puis il élabore un véritable plan de bataille qu’Éric et Jean vont suivre à la lettre. Le premier gaz cible est détecté juste avant les vacances du mois d’août. Les mesures qualitatives puis quantitatives suivent au mois de septembre. Peut de temps avant le second confinement, une grande joie s’empare de l’équipe : le record mondial de propagation du rayonnement térahertz est battu : 280 m alors qu’il était de 150 m jusqu’à alors.</p>
<p>Ainsi, le projet Multi CHARME sera finalisé avec succès fin octobre 2020 avec, à ce jour, un article publié dans <a href="https://doi.org/10.3390/app11031229"><em>Applied Sciences</em></a>, une conférence à l’International Symposium of Molecular Spectroscopy à l’université d’Illinois aux États-Unis et un poster présenté aux Journées de Spectroscopie moléculaire à Rennes.</p>
<p>Néanmoins, Multi CHARME restera, dans l’esprit de tous ses acteurs, un ascenseur émotionnel. D’un jour sur l’autre l’équipe est passée de l’euphorie d’avoir réussi à piloter le système complet avec deux microprocesseurs à l’anxiété la plus profonde en coordonnant le contenu de leurs ordinateurs portables en vue du premier confinement. Arnaud a ainsi passé ses soirées d’octobre avec Jean pour analyser les résultats obtenus afin de boucler le projet avant le second confinement.</p>
<p>Ce sont pourtant ces interrogations, ces peurs mais aussi les succès face à l’adversité qui ont formé une équipe soudée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Fertein ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Mettre au point une toute nouvelle expérience pour analyser des mélanges de gaz en collaboration avec des chercheurs chinois pendant la période de pandémie n’a pas été une sinécure !Eric Fertein, Ingénieur de Recherche en instrumentation scientifique, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1511642020-12-03T20:18:51Z2020-12-03T20:18:51ZDonald Trump et le scénario du coup d’État<p>Analystes et commentateurs se sont récemment émus des <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/defense-department-election-transition/2020/11/10/5a173e60-2371-11eb-8599-406466ad1b8e_story.html">limogeages</a>, des <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/acting-defense-secretary-chris-miller/2020/11/09/43a4296e-22d0-11eb-8599-406466ad1b8e_story.html">nominations contestables</a> mais aussi des démissions forcées intervenues au sein du <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/defense-secretary-mark-esper-fired-trump/2020/11/09/9b7cbcbc-a5b9-11ea-8681-7d471bf20207_story.html">ministère de la Défense</a> et du <a href="https://www.washingtonpost.com/national/dhs-officials-fired-white-house/2020/11/12/98fdf224-2554-11eb-8599-406466ad1b8e_story.html">secrétariat de l’Intérieur</a> qui ont suivi le 3 novembre.</p>
<p>Les explications proposées par les médias pour justifier cette série de remaniements de dernière minute – hormis le <a href="https://www.leparisien.fr/international/donald-trump-limoge-chris-krebs-un-haut-responsable-contestant-ses-accusations-de-fraude-electorale-18-11-2020-8408959.php">remerciement de Christopher Krebs</a> pour avoir, depuis son poste, considéré les élections comme « les plus sûres » de l’histoire des États-Unis –, tiendraient à la volonté de Donald Trump de mettre fin à la présence militaire américaine en <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/trump-troop-cut-afghanistan-iraq/2020/11/17/ed6f3f80-28fa-11eb-b847-66c66ace1afb_story.html">Afghanistan, en Irak</a> et en <a href="https://www.washingtonpost.com/world/national-security/temporary-us-pentagon-chief-makes-rare-visit-to-somalia/2020/11/27/f588cd30-30e3-11eb-9dd6-2d0179981719_story.html">Somalie</a>, malgré l’avis contraire et répété de l’état-major, et d’exercer une pression maximale sur <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8932925/Trump-start-operations-against-Iran-Esper-firing-officials-fear.html">l’Iran</a></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1329027964860833794"}"></div></p>
<p>Imaginons un instant une autre raison : le 20 janvier 2021 à 11h du matin, celui qui est toujours président des États-Unis apparaît sur les écrans et proclame vouloir défendre la volonté du peuple, qui a été bafouée par des élections truquées. Il déclare <a href="https://www.brennancenter.org/our-work/research-reports/guide-emergency-powers-and-their-use">l’état d’urgence nationale</a> et décrète par <a href="http://juspoliticum.com/article/Les-executive-orders-du-president-des-%C3%89tats-Unis-comme-outil-alternatif-de-legislation-1239.html"><em>executive order</em></a> la dispersion du rassemblement insurrectionnel – la foule réunie pour l’Inauguration Day – au pied du Capitole. </p>
<p>Il annonce que le nouveau chef d’état-major interarmées – le général <a href="https://www.lejdd.fr/International/etats-unis-ce-general-qui-a-ose-contrer-donald-trump-3973414">Mark A. Milley</a> a été limogé pour déloyauté – a placé en état d’arrestation « Tricky Joe » et tous ses complices félons. Il décrète la <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2016-1-page-54.htm">mobilisation de l’ensemble de la Garde nationale</a> des 50 États, la suspension de toutes les permissions et la fermeture des aéroports civils, qui passent sous le contrôle de l’US Air Force. Les garde-côtes reçoivent l’ordre de bloquer les ports. Le tout récent <a href="https://www.washingtonpost.com/national/dhs-officials-fired-white-house/2020/11/12/98fdf224-2554-11eb-8599-406466ad1b8e_story.html">secrétaire à la Sécurité intérieure</a> est sommé d’organiser un couvre-feu national applicable à l’ensemble du territoire et à Porto Rico. En tant que commandant en chef, le président Trump relève l’armée de Terre des restrictions imposées par le <a href="https://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/monograph_reports/MR1251/MR1251.AppD.pdf">Posse Comitatus</a> (1878) et lui ordonne, en vertu de l’Insurrection Act (1807), d’assurer la sécurité dans toutes les villes, contre les pillages et les émeutes, avec l’injonction de tirer à vue sur chaque fauteur de trouble.</p>
<p>Politique-fiction ? Le <em>45th president</em> peut-il tenter un tel scénario avec l’assistance de l’armée des États-Unis ? Donald Trump a tous les pouvoirs du commandant en chef, et d’autres encore, jusqu’à l’ultime seconde de son mandat. Il aurait pu s’en servir pour se maintenir au pouvoir… s'il n’avait pas été le président de l’union fédérale la plus républicaine du monde.</p>
<h2>Les conditions potentielles d’un <em>pronunciamiento</em></h2>
<p>La Constitution des États-Unis fournit les conditions idéales d’un coup d’État militaire.</p>
<p>Tous les pays qui ont répliqué son texte fondamental sont passés par la dictature : les « républiques-sœurs » d’Amérique latine, les Philippines, mais aussi la <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1848-iie-republique">France de la IIᵉ République (1848-1852)</a>, dont la loi fondamentale reproduisait l’organisation de sa cousine d’outre-Atlantique. On sait comment le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte obtint par référendum la présidence à vie, séduisit l’armée, emprisonna la majorité parlementaire royaliste et réprima dans le sang le soulèvement ouvrier et républicain (400 morts et 27 000 interpellations). Il transforma la Constitution républicaine en Empire par un simple <em>senatus-consulte</em>.</p>
<p>Outre la légitimité présidentielle tirée du suffrage universel, une particularité du système présidentiel américain procède de l’alliage, datant de 1787, entre des principes démocratiques et les ressorts profonds de la monarchie britannique, pourtant honnie : le discours sur l’État de l’Union reproduit le discours du trône et, surtout, la Constitution reprend la fonction royale de <em>Commander in Chief</em> – équivalent du <em>Princeps imperator</em> romain – qui fait du président des États-Unis, même le plus inculte dans l’art militaire, un vrai généralissime sans étoiles qui, comme le roi d’Angleterre, <a href="https://scholarship.law.georgetown.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://www.google.com/&httpsredir=1&article=2699&context=facpub">peut diriger directement les troupes</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372225/original/file-20201201-16-131j9yc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">George Washington passe les troupes en revue pendant la « Rébellion du Whisky ». Attribué à Frederick Kemmelmeyer, 1795.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Metropolitan Museum of Art/Wikimedia</span></span>
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<p>Washington commande à cheval sa cavalerie contre les insurgés de la <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-whiskey-rebellion-9780195051919">Whiskey Rebellion (1791-1794</a>). Madison ordonne lui-même de tirer au canon contre la flotte britannique, lors de la seconde guerre d’indépendance (1814). De nos jours, le <em>Chief Executive</em> ordonne régulièrement frappes aériennes et exécutions extra-judiciaires. Rappelons les <a href="https://www.thebureauinvestigates.com/stories/2017-01-17/obamas-covert-drone-war-in-numbers-ten-times-more-strikes-than-bush">très nombreuses</a> attaques par drones approuvées par Barack Obama.</p>
<p>Après la proclamation des États-Unis, les pouvoirs de guerre du président ont été décuplés. En 1798, lors de la <a href="https://courrierdesameriques.com/2020/06/04/la-quasi-guerre-quand-la-france-et-les-etats-unis-ne-saimaient-pas/">« quasi-guerre » franco-américaine</a>, le président John Adams fait passer la loi contre la « sédition » et les « étrangers » (<a href="https://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=false&doc=16&page=transcript"><em>Alien and Sedition Act</em></a>). Il y gagne le droit d’expulser toute personne « dangereuse pour la paix et la sécurité des États-Unis ». Lors de la guerre civile, Lincoln permet par un simple <a href="https://en.wikisource.org/wiki/Order_to_Suspend_Habeas_Corpus,_April_27,_1861"><em>executive order</em></a> au général Scott de suspendre l’<em>habeas corpus</em> entre Philadelphie et Washington. Certains civils passent <a href="https://teachingamericanhistory.org/library/document/ex-parte-merryman/">devant des juridictions militaires</a>, sans droit de recours. Lincoln fait ensuite voter une <a href="http://memory.loc.gov/cgi-bin/ampage?collId=llsl&fileName=012/llsl012.db&recNum=0786">loi générale qui lui donne le droit</a> de suspendre l’<em>habeas corpus</em>, n’importe où pendant toute la rébellion.</p>
<p>Plus tard, sur la base de l’<a href="https://www.mtsu.edu/first-amendment/article/1045/espionage-act-of-1917"><em>Espionage Act</em></a> de 1917 – toujours en vigueur et en vertu duquel <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2013/jun/22/snowden-espionage-charges">Edward Snowden</a> a été <a href="https://www.washingtonpost.com/world/national-security/us-charges-snowden-with-espionage/2013/06/21/507497d8-dab1-11e2-a016-92547bf094cc_story.html">inculpé</a> –, Roosevelt signera seul l’<a href="https://www.presidency.ucsb.edu/documents/executive-order-9066-authorizing-the-secretary-war-prescribe-military-areas"><em>executive order</em> n° 9066</a> (février 1942), qui a permis l’internement sans recours de quelques 120 000 citoyens d’origine japonaise et 11 000 citoyens d’origine allemande, fraîchement naturalisés.</p>
<p>Par ailleurs, l’<a href="https://crsreports.congress.gov/product/pdf/IF/IF10539"><em>Insurrection Act</em></a> voté en 1807 donne au président le droit de déployer l’armée sur tout le territoire des États-Unis pour mettre un terme aux incursions (indiennes à l’époque), aux troubles civils, à l’insurrection et à la rébellion.</p>
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<p>Il a été invoqué une vingtaine de fois depuis lors, soit à la demande d’un gouverneur quand sa garde nationale ne suffisait pas à ramener l’ordre, soit à l’initiative directe du gouvernement fédéral. Au XX<sup>e</sup> siècle L’<em>Insurrection Act</em> a servi à réduire les émeutes racistes au Mississippi et dans l’Alabama en 1962-1963 et à contenir les émeutes raciales de Detroit en 1967, de Washington, Baltimore et Chicago en 1968 après la mort de Martin Luther King, et enfin de Los Angeles en 1992. <a href="https://www.nytimes.com/article/insurrection-act.html">Donald Trump a menacé de déployer l’armée</a>, en juin 2020, face aux débordements qui ont suivi la mort de George Floyd.</p>
<h2><em>Cedant Arma Togae</em></h2>
<p>Pour l’instant, et jusqu’à preuve du contraire, aucune des lois d’exception américaines, si elles ont pu restreindre considérablement les libertés individuelles, n’a servi à un coup d’État d’origine présidentielle.</p>
<p>Tout d’abord, l’état-major a intériorisé, depuis le temps exemplaire de George Washington, l’antimilitarisme à la romaine des Pères fondateurs (<em>Cedant Arma Togae</em>, c’est-à-dire « que les armes cèdent à la toge »), comme le montre une résolution du Congrès adoptée le 2 juin 1784 :</p>
<blockquote>
<p>« Les armées constituées en temps de paix sont incompatibles avec les principes de gouvernement républicain. Elles sont dangereuses pour les libertés d’un peuple libre. Elles sont généralement utilisées comme un appareil de destruction pour installer la dictature. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, autant l’opinion et la classe politique américaines considèrent l’armée comme un acteur à part entière de la politique publique, autant elles ne lui octroient aucune primauté institutionnelle. Ce n’est pas une armée de métier qui a fondé la Nation américaine, mais bien celle des volontaires patriotes. Le refus, jusqu’en 1947, d’une vraie armée de terre permanente en temps de paix, et la phobie d’un « Grand état-major général » à la prussienne, totalement indépendant, tout-puissant et capable de décider d’une entrée en guerre, illustrent ce rejet d’un établissement militaire complètement institutionnalisé.</p>
<p>Comme la Constitution américaine a été pensée contre l’absolutisme royal et l’existence d’une armée à son seul service, l’activité militaire est soumise au double contrôle du Congrès et du président. Ainsi, en 1917-1918, Wilson imposera à Pershing la nécessité de conclure l’armistice de novembre. Fin 1950, Truman <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1960_num_10_3_392584">interdira à MacArthur de porter la guerre contre la Chine</a> pendant le conflit coréen et le <a href="https://www.trumanlibrary.gov/education/presidential-inquiries/firing-macarthur">relèvera de ses fonctions</a> en avril 1951. Le général devenu président Dwight Eisenhower a écarté le modèle du <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/enterprise-and-society/article/not-yet-a-garrison-state-reconsidering-eisenhowers-militaryindustrial-complex/FB1676EAF3D085F14D2ACC291EF8384C"><em>garrison state</em></a> (l’État spartiate), qui aurait pu conduire à une économie de guerre permanente, dictée par le conflit est-ouest.</p>
<p>Outre le président, le Congrès américain surveille à la loupe les moindres modifications internes du Pentagone. L’état-major interarmées se voit très limité par le nombre total de ses officiers – quelques dizaines selon la <a href="https://history.state.gov/milestones/1945-1952/national-security-act">loi de sécurité nationale de 1947</a> – tandis que la <a href="https://www.congress.gov/bill/99th-congress/house-bill/3622">loi Goldwater-Nichols</a> de 1986 lui enlève tout commandement opérationnel à l’exception du feu nucléaire, sous la responsabilité technique du général présidant l’état-major.</p>
<h2>L’armée, rempart de la démocratie américaine</h2>
<p>La dernière raison qui rend impossible l’utilisation de l’armée pour un éventuel coup d’État relève d’une loi universelle non écrite. Le sens profond et la destinée des régimes se jouent durant leur première décennie. La République américaine a pu naître grâce au sacrifice de ses patriotes, face à une armée coloniale implacable et dirigée par un souverain dominateur. Cette naissance garantit la passation de pouvoir au nom d’un peuple qui se gouverne librement. Dès le départ, ni Washington, ni Madison, ni même le bouillonnant général-président Andrew Jackson ne profitèrent de leurs extraordinaires ressources militaires pour imposer une lecture autoritaire de leur fonction. La loi martiale, édictée le cas échéant, s’évanouit une fois le danger passé. <em>De facto et de jure</em>, le caractère sacré de la volonté du peuple, volonté qui s’impose par le vote, l’a toujours emporté.</p>
<p>Un président souhaitant abuser de l’<em>Insurrection Act</em> pour établir un pouvoir arbitraire ou se maintenir à la Maison Blanche aurait même à faire face à l’Armée de cette Union qui n’est pas « son » armée. Lorsque Trump caressa l’idée d’utiliser les instruments de l’<em>Insurrection Act</em> pour mater les troubles de Portland, <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=m7-1BwEM5No">son secrétaire à la Défense, Mark Esper</a>, et derrière lui tout le haut commandement, s’y opposa publiquement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268226478103240704"}"></div></p>
<p>En matière de prise de décision politico-militaire, il existe une liberté de parole considérable accordée aux généraux et aux subordonnés civils du secrétaire à la Défense. Ils doivent avoir leur propre opinion sur la politique de défense et ne pas hésiter à la donner. Cela s’explique par les principes de décentralisation et de subsidiarité qui régissent la gouvernance américaine. Enfin, le caractère comminatoire des convocations aux commissions du Congrès a habitué les officiers généraux à dévoiler le fond de leur pensée.</p>
<p>De façon générale, à travers l’histoire du pays, on ne peut que souligner le peu d’appétence des généraux américains, et pour la guerre, et pour le pouvoir autoritaire, encore plus lorsqu’ils deviennent présidents à la faveur des circonstances. C’est bien malgré lui qu’Ulysses S. Grant – qui avait obtenu le pouvoir d’intervention militaire en 1871, à travers le <em>Third Enforcement Act</em>, pour réduire les atrocités du Ku Klux Klan dans le Sud – se retrouva obligé de sécuriser les résultats de l’élection la plus controversée en 1876. Grant dut <a href="https://history.army.mil/html/books/075/75-18/cmhPub_75-18.pdf">envoyer les forces armées</a> en Louisiane, en Caroline et en Floride, où, pour le coup, des fraudes patentes et des obstructions électorales avaient faussé les résultats. La paix civile fut rétablie au prix d’une transaction funeste entre Républicains (finalement vainqueurs) et Démocrates : la <a href="https://time.com/5562869/reconstruction-history/">Reconstruction</a> (1865-1877) fut abandonnée dans le Sud.</p>
<p>Quand « Ike » Eisenhower employa à nouveau la force armée dans le Sud en 1956, ce fut pour forcer la déségrégation. Il ordonna à la Garde nationale partisane de l’Arkansas de regagner ses cantonnements et la remplaça par un régiment de la prestigieuse 101e Aéroportée, pour permettre à des élèves noirs d’accéder à une école de Little Rock. On est loin du jour où César imperator, consul et dictateur – fonctions temporaires – accepta du Sénat la dictature à vie, hors de toute règle républicaine.</p>
<p>Ainsi donc, la tentation dictatoriale d’un perdant mégalomane et mauvais joueur ne serait pas servie par les pouvoirs autorisés par les lois d’exception. Peut-être ce pays pourrait-il connaître un jour – comme d’autres – une dictature militaire, sous l’effet malheureux d’une implosion de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00941517/">son impérialisme informel</a> et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00941517/">global</a>. Mais ce temps paraît loin, très loin des hypothèses trumpiennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151164/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Même si la Constitution américaine confère au président des pouvoirs considérables en matière militaire, les contrepoids sont suffisants pour l’empêcher de conserver le pouvoir par la force.Blandine Chelini-Pont, Professeur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)François David, Professeur des Universités, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470742020-11-02T19:59:09Z2020-11-02T19:59:09ZLa perception des risques d’érosion côtière et de submersion marine par la population du littoral : les cas de Wissant et Oye-Plage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361924/original/file-20201006-22-1ilqpk7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Oye-Plage aux Ecardines, les bunkers, autrefois sur la digue, sont maintenant en haut de plage. Les maisons sont juste derrière le cordon dunaire.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<p><em>Le présent article a été coécrit avec Philippe Deboudt (Univ. Lille, Univ. Littoral Côte d’Opale, ULR 4477 – TVES – Territoires, Villes, Environnement & Société), Florian Lebreton, (Univ. Littoral Côte d’Opale, Univ. Lille, ULR 4477 – TVES – Territoires, Villes, Environnement & Société), Arnaud Héquette, François Schmitt, Denis Marin, Rachel Révillon et Lucie Le Goff (Univ. Littoral Côte d’Opale, Univ. Lille, CNRS, Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences, UMR CNRS 8187).</em></p>
<hr>
<p>Les côtes sont des territoires à enjeux forts : on trouve par exemple 60 % de la population mondiale sur une bande de 150 km de large le long des rivages <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1379044/aq_oldcol_23.pdf">d’après l’Insee</a>. En France métropolitaine, s’il ne représente que 4 % de la surface du territoire national, le littoral accueille 10 % des habitants, d’après l’<a href="https://www.onml.fr/accueil/">Observatoire National de la Mer et du Littoral</a>. Il concentre également des activités économiques essentielles : ports, zones industrielles, pôles touristiques, etc. Les habitants et les infrastructures peuvent être menacés par endroits par l’érosion côtière. Dans un <a href="http://www.geolittoral.developpement-durable.gouv.fr/premiers-enseignements-r476.html">rapport technique de 2018</a>, le <a href="https://www.cerema.fr/fr">Centre d’Études et d’Expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement</a> indique qu’en France métropolitaine 37 % des côtes sableuses sont en érosion, soit un linéaire de 700 km environ et qu’une surface de territoire d’à peu près 30 km<sup>2</sup> a déjà été perdue depuis 50 ans.</p>
<p>Dans le contexte actuel d’accélération de la montée du niveau de la mer et d’incertitude quant à l’évolution du régime futur des tempêtes, l’inquiétude des populations exposées aux aléas littoraux est légitime. Elles seront de plus en plus vulnérables à l’avenir. La gestion des risques littoraux en France a été jusqu’à présent un sujet dont les citoyens avaient été tenus à l’écart, sans qu’ils soient associés directement à la prise de décision. Pourtant, l’acculturation et la connaissance de la perception des risques côtiers par les populations locales sont un préalable indispensable à la co-construction et à l’acceptabilité des stratégies d’aménagement du territoire à mettre en place dans les années à venir.</p>
<p>Dans le cadre d’un projet intitulé « Quel littoral dans cinquante ans ? Co-construction de stratégies d’adaptation au changement climatique en Côte d’Opale » (<a href="https://cosaco.univ-littoral.fr/">COSACO</a>, financé par la Fondation de France), une équipe pluridisciplinaire de chercheurs (géographes, géomorphologues, sociologue et océanographe) a travaillé pendant trois ans (2016-2019) avec les habitants de deux communes littorales du Pas-de-Calais en région Hauts de France, Wissant et Oye-Plage.</p>
<p>Dans ces deux communes, des lotissements ont été construits dans les années 1970 directement en arrière d’un cordon dunaire, respectivement le lotissement de la dune d’Aval et celui des Ecardines. Ces deux sites sont affectés par l’érosion côtière depuis plusieurs décennies : <a href="https://cosaco.univ-littoral.fr/wp-content/uploads/2017/02/Pres-Wissant-mars-2017-MHR.pdf">recul moyen de 147 m entre 1949 et 2015 dans le centre de la baie de Wissant</a> ; <a href="https://cosaco.univ-littoral.fr/wp-content/uploads/2017/02/Pres-Oye-Plage-mars-2017-MHR.pdf">recul de 50 m au droit des Ecardines pendant la même période</a>. Ces zones sont donc menacées à court ou moyen terme.</p>
<p><strong>Figure 1 : localisation et présentation des sites étudiés</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360363/original/file-20200928-16-78skbw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<span class="caption">Wissant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360364/original/file-20200928-18-1v8wdkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lotissement des Ecardines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces projets s’inscrivent dans une démarche participative et collaborative mise en place par l’équipe de chercheurs dont l’objectif était d’impliquer les habitants dans le devenir de leur littoral.</p>
<p>Afin d’entamer une réflexion sur les stratégies d’aménagement du littoral souhaitées par les habitants, dans un premier temps a eu lieu une phase pédagogique d’acculturation aux risques côtiers. Elle s’est concrétisée par des réunions publiques pendant lesquelles les universitaires ont apporté aux participants de l’information scientifique sur les évolutions passées et futures de leurs rivages. Puis des débats et des ateliers ont permis aux habitants de faire émerger leur expérience du terrain et leur perception face aux risques côtiers. Certains habitants de Oye-Plage ont aussi souhaité collaborer à l’étude de l’évolution du trait de côte grâce à des outils simples d’utilisation : suivi photographique, application sur smartphone et mesures de profils topographiques de plage. Ce suivi du trait de côte avait pour but de leur permettre d’objectiver et de mettre à jour leur connaissance du terrain.</p>
<p>Pour compléter l’étude, une enquête a été menée auprès de 285 foyers (123 à Oye-Plage, 162 à Wissant) entre juin et juillet 2018, période la plus favorable pour interroger les résidents à l’année et les propriétaires de résidences secondaires. Les groupes de questions portaient sur 1) leur logement, 2) le rapport personnel au territoire et à ses activités, 3) les risques côtiers, 4) la connaissance et le sentiment d’exposition au risque, 5) les risques passés et à venir, 6) les connaissances sur les tempêtes et le changement climatique, 7) les connaissances sur les techniques et les stratégies d’aménagement souhaitées.</p>
<p>Les personnes interrogées pouvaient choisir parmi quatre stratégies de gestion du littoral : fixer le trait de côte (par exemple avec des digues) ; s’adapter en fonction des enjeux locaux (par exemple : laisser les zones naturelles reculer, utiliser des solutions dites douces de type rechargement de plage au niveau des zones peuplées et temporiser) ; relocaliser les biens et les activités vers l’intérieur des terres ; ne rien faire (abandonner le territoire à la mer).</p>
<p>À la question « Pensez-vous que votre lieu de résidence soit concerné par le risque d’érosion/submersion ? », les résultats diffèrent nettement dans les deux communes. À Oye-Plage, 35 % des habitants pensent que leur maison n’est pas menacée et 64 % qu’elle l’est.</p>
<p>À Wissant, 59 % pensent qu’elle n’est pas à risque et 41 % qu’elle l’est. Le croisement du type de réponse avec la localisation du logement montre que, logiquement, les personnes se pensant exposées sont celles qui vivent à proximité du rivage. À Wissant, le sentiment d’exposition varie nettement dans l’espace : les habitants vivant sur les hauteurs se sentent moins concernés que ceux résidant près de la plage et derrière la dune d’Aval. À Oye-Plage, où tout le territoire est très bas (situé sur un polder ?), le constat est moins tranché : les habitants se sentent donc plus souvent (64 %) et partout menacés.</p>
<p><strong>Figure 2 : sentiment d’exposition au risque</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360366/original/file-20200928-24-15osxg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le sentiment d’exposition au risque varie en fonction de la localisation des logements (A, Wissant ; B, Oye-Plage).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>Figure 3 : stratégies d’aménagement souhaitées</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360367/original/file-20200928-16-141t1p2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 3 : les stratégies d’aménagement souhaitées (A, Wissant ; B, Oye-Plage).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour ce qui est des stratégies d’aménagement souhaitées, à Wissant 53 % des sondés choisissent les mesures d’adaptation et 25 % envisagent de fixer le trait de côte. À Oye-Plage, c’est cette dernière solution qui remporte la majorité des suffrages (43 %) juste devant l’adaptation (41 %). Sans doute cela peut-il s’expliquer par le fait qu’une partie du littoral wissantais soit déjà équipé d’une digue, derrière laquelle les habitants se sentent en sécurité. Au Platier d’Oye, le littoral est constitué d’un cordon dunaire en érosion, le sentiment de sécurité est moindre, l’expression d’un besoin de protection est donc plus fréquente. Rares sont ceux qui envisagent la relocalisation des biens et des activités (17 et 11 %) et encore moins l’abandon du territoire (4 et 5 %). On trouve le même type de réponses rapporté dans la littérature scientifique ailleurs dans le monde, par exemple dans la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11027-011-9340-8">région de Boston aux USA</a>.</p>
<p>À la différence du sentiment d’exposition aux risques, les réponses ne semblent pas ici liées à la localisation des résidences. Cependant à Wissant, c’est derrière la dune d’Aval, à l’ouest du village, secteur fortement exposé à l’érosion, que l’on trouve le plus de réponses pour la fixation du trait de côte et l’adaptation (triangles rouge et orange).</p>
<p>Les éléments de l’enquête rapportés ici montrent donc que les résidents de Oye-Plage et Wissant sont conscients des risques côtiers dans leurs communes. Ils pourraient donc être mieux associés à leur gestion. Paradoxalement, même dans un contexte de dérèglement climatique, de montée du niveau de la mer et d’accentuation des risques, ils préfèrent majoritairement continuer à y habiter comme aujourd’hui. Ils sont peu nombreux à avoir intégré la nécessité d’envisager d’autres stratégies d’aménagement du territoire. Dans ce domaine, des efforts de pédagogie de la part des pouvoirs publics et des scientifiques sont encore à réaliser.</p>
<hr>
<p><em>Toute l’équipe du projet tient à remercier sincèrement la <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr">Fondation de France</a> qui a financé le projet COSACO. L’équipe remercie également les maires des deux communes, l’association « Les Amis de Wissant », les habitants de Oye-Plage et de Wissant qui ont participé aux réunions publiques, aux ateliers et au suivi du trait de côte.</em></p>
<p><em>Pour aller plus loin : Ruz, M.-H. ; Rufin-Soler, C. ; Héquette, A. ; Révillon, R. ; Hellequin, A.-P. ; Deboudt, P. ; Herbert, V. ; Cohen, O. ; Lebreton, F. ; Le Goff, L. ; Schmitt, F.G., and Marin, D., 2020. « Climate change and risk perceptions in two French coastal communities », _in :</em> Malvárez, G. and Navas, F. (eds.), <em>Global Coastal Issues of 2020</em>. <em>Journal of Coastal Research</em>, Special Issue No. 95, pp. 875–879. Coconut Creek (Florida), ISSN 0749-0208._</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147074/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Ruz a reçu des financements de La Fondation de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Peggy Hellequin a reçu des financements de La Fondation de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Caroline Rufin-Soler a reçu des financements de Fondation de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Cohen a reçu des financements de la Fondation de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Deboudt a reçu des financements de ANR ; Fondation de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Herbert a reçu des financements de La Fondation de France.</span></em></p>Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs a étudié la réaction des habitants de deux communes du Pas-de-Calais face à l’érosion du littoral qui menace leurs lieux d’habitation.Marie-Hélène Ruz, Professeur des universités, Université Littoral Côte d'Opale Anne-Peggy Hellequin, Professeur des Universités, Laboratoire Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces, UMR CNRS 7533, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresCaroline Rufin-Soler, Maître de Conférences de Géographie, ULR 4477 -- TVES -Territoires, Villes, Environnement & Société, Université du Littoral Côte d'Opale, Université Littoral Côte d'Opale Olivier Cohen, Maître de Conférences de Géographie, Laboratoire d'Océanologie et de Géosciences, UMR CNRS 8187, Université Littoral Côte d'Opale, Université Littoral Côte d'Opale Philippe Deboudt, Professeur des Universités, Directeur du Laboratoire Territoires, Villes, Environnement & Société (TVES) ULR 447, Université de LilleVincent Herbert, Maître de conférences à l'Université du Littoral Côte d'Opale, ULR 4477 -- TVES -Territoires, Villes, Environnement & Société, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1434892020-09-28T18:20:57Z2020-09-28T18:20:57ZComment l’imagerie satellite peut contribuer à protéger notre littoral<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356916/original/file-20200908-14-maokve.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C72%2C994%2C601&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image des côtes normando-picardes, prise par le satellite Sentinel-2.</span> <span class="attribution"><span class="source">Benoît Menuge / Sentinel-2</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science qui aura lieu du 2 au 12 octobre prochain en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>L’érosion de la côte française est une menace croissante pour les communes côtières. Il y a en France métropolitaine <a href="http://observatoires-littoral.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-r9.html">920 kilomètres de littoral en érosion</a>, soit 20 % du littoral métropolitain. Pour mieux comprendre l’évolution rapide de l’érosion, et pour satisfaire la demande croissante d’études d’impacts par des acteurs locaux, nous améliorons nos outils de suivi du littoral.</p>
<h2>Aller sur le terrain</h2>
<p>Dans les départements littoraux, 700 000 hectares <a href="http://observatoires-littoral.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-r9.html">sont situés</a> sous le niveau pouvant être atteint par la mer en période extrême. Pour « maintenir le trait de côte », les autorités peuvent mobiliser différentes stratégies, par exemple la construction de digues. Ceci intervient généralement après que des acteurs locaux, comme une association, la mairie, la préfecture, demandent différentes analyses et un bilan de la situation, qui nécessitent une connaissance du terrain.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=670&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=670&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=670&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=842&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=842&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349648/original/file-20200727-23-osa5hk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=842&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de l’évolution du trait de côte en baie d’Authie. L’érosion est visible au nord-est de la baie et l’accumulation est située juste au-dessous.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Menuge</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les études de terrain comprennent des prélèvements, des inventaires de la faune et de la flore, des mesures de topographie, granulométrie et courants par exemple. Elles peuvent être limitées par le manque d’accessibilité à une zone donnée, par des contraintes imposées par les marées ou encore par une météo capricieuse.</p>
<p>De plus, ces analyses demandent un traitement de données qui peut être plus ou moins long en fonction du protocole, du nombre de personnes mobilisées et du nombre d’échantillons prélevés ou de mesures réalisées. Par conséquent, le prix d’une demande d’étude peut vite augmenter en fonction de tous ces paramètres, ce qui peut être décourageant pour des localités ou associations avec peu de moyens.</p>
<p>D’où la question de trouver de nouveaux moyens pour connaître et comprendre le littoral. En particulier, j’explique ici comment les données satellites peuvent être utilisées afin de pallier aux problèmes logistiques et budgétaires des analyses de terrains, et comment elles peuvent être un gain de temps dans la prise de décision dans le cadre d’une stratégie de défense contre l’érosion.</p>
<h2>Observer depuis l’espace</h2>
<p>Une des solutions proposées est l’utilisation de satellites – ils offrent la possibilité de combler les lacunes et/ou le manque de représentativité des données obtenues sur le terrain.</p>
<p>Depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle et l’avènement des systèmes d’information géographique, de nombreux chercheurs et chercheuses étudient des phénomènes naturels grâce aux données satellite, par exemple, dans mon domaine, le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0303243499850077">déplacement des chenaux du delta de la rivière Jaune</a> ou la <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/5651056/">quantité de biomasse dans la baie de Bourgneuf</a>, en France.</p>
<p>Les satellites peuvent être comparés à des appareils photo, partant du principe qu’il capte une image un instant donné. Comme l’œil humain, la photographie « ordinaire » acquiert une composition d’images rouge, vert et bleu superposées. L’imagerie satellite est aussi capable d’enregistrer, en plus des gammes visibles, dans les gammes de l’ultraviolet et dans l’infrarouge.</p>
<p>De nombreuses plates-formes satellitaires acquièrent des données depuis 1972. Si certaines données sont accessibles moyennant une redevance, d’autres images peuvent être obtenues gratuitement puisqu’elles sont financées par des fonds publics, par exemple Sentinel-2, un satellite dont le programme <a href="https://www.copernicus.eu/fr">Copernicus</a> est financé par l’Union européenne. Le téléchargement pour une image satellite prend environ 5 ou 10 minutes selon la connexion et la taille de l’image. Des traitements d’images sont réalisés – correction des effets de l’atmosphère, calibration, entre autres – si la donnée n’est pas mise à disposition des utilisateurs déjà traitée, ce qui est rare aujourd’hui.</p>
<h2>Les couleurs contenues dans les images satellites renseignent sur l’état du sol</h2>
<p>Les données sont composées d’une multitude de « bandes » permettant de visualiser le rayonnement dans les différentes longueurs d’onde du spectre de la lumière. Pour une zone donnée, certaines bandes possèdent des valeurs plus ou moins importantes. Par exemple, pour la bande infrarouge, l’intensité sera d’autant plus faible que l’humidité du sol sera grande, car l’eau absorbe le rayonnement infrarouge, ce qui réduit la réflexion de ces rayons lumineux vers le satellite. Au contraire, la végétation réfléchit l’infrarouge plus qu’elle ne l’absorbe et présente donc une intensité plus importante pour la bande infrarouge.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349649/original/file-20200727-17-m79ohr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Inventaires des bandes présentent pour les capteurs Sentinel-2 et illustration de deux différentes combinaisons d’assemblage de bandes menant à une composition colorée. Pour faciliter la compréhension, les images, issues des bandes d’acquisition, ont été volontairement colorisées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Menuge</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ce constat est partagé pour chaque bande et pour chaque entité. Plus l’entité absorbe de lumière, à une longueur d’onde donnée, moins elle sera réfléchie. Ainsi lorsque ces bandes sont assemblées dans un diagramme, une signature spectrale est retrouvée. Par exemple, la végétation présente de la chlorophylle, qui absorbe la lumière rouge – ce qui explique que nous la voyons verte. De plus, la végétation reflète fortement dans l’infrarouge. On obtient un spectre avec une baisse du rouge et un rebond net dans l’infrarouge. Autre exemple : l’eau absorbe l’infrarouge et reflète bleu et vert. Le spectre montrera un signal caractéristique montrant une ligne décroissante avec l’augmentation de la longueur d’onde (le rouge correspond aux grandes longueurs d’onde).</p>
<h2>La baie d’Authie, un exemple de diagnostic couplé entre terrain et satellite</h2>
<p>Berck-sur-Mer est située à côté de la baie d’Authie, dans les Hauts-de-France, dont l’érosion de la rive nord menace de nombreux foyers et des édifices patrimoniaux comme l’hôpital maritime. De nombreuses études d’impact ont été réalisées depuis de le XIX<sup>e</sup> siècle et des édifices de défenses ont été construits : digues, épis (structures proches des digues met mises perpendiculairement à la côte), enrochement. On retrouve bien sûr dans les images satellites ce qui est constaté sur le terrain : une zone en érosion et une autre en « accumulation », c’est-à-dire là où les sables et les vases s’accumulent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356912/original/file-20200908-16-17haarz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de 1900 de l’hôpital maritime de Berck-Plage, construit de 1867 à 1869 sur les plans de l’architecte Émile Lavezzari.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4pital_maritime_de_Berck#/media/Fichier:HopitalMaritimeBerck1900.jpg">L. Courtoisnon, carte postale ancienne</a></span>
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<p>L’hypothèse serait que lorsque la marée monte, le courant qui l’accompagne érode la zone et le sable transporté est déposé plus loin dans la zone en accumulation. Pour vérifier cette hypothèse sur le terrain, il faudrait envoyer une équipe sur place, à marée descendante, pour collecter des sédiments environ tous les 10 mètres du nord au sud et d’ouest en est. Cela représente un temps de collecte important et l’analyse de la taille du grain moyen, la « granulométrie », prend en sus environ 4 minutes par échantillon. Le but après la collecte étant de déterminer le transport du sédiment. Ce protocole est à répéter autant de fois que nécessaire pour avoir une représentativité du transport au sein de ces zones.</p>
<p>C’est là qu’intervient l’imagerie satellite. Après le téléchargement, un algorithme est appliqué à l’image pour avoir une carte des propriétés granulométriques pour déterminer le transport sédimentaire. Le résultat est obtenu en une petite dizaine de minutes par image.</p>
<p>Voici un exemple, parmi d’autres, pour illustrer l’intégration de l’imagerie satellite dans les études d’impacts. Les avantages sont la possibilité de faire une étude intégrant des données passées, car les acquisitions satellites, depuis 1972, sont stockées dans des « data-centre » sans limites de stockage, et un gain de temps important. Ainsi la reproductibilité et la rapidité de cet outil aboutiraient à la possibilité d’informer les décisions plus rapidement et donc de revoir les stratégies mises en place, de manière continue, avec des coûts réduits.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143489/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Menuge ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France est un pays côtier. Pour comprendre et préserver le littoral, l’imagerie satellite peut compléter et accélérer les études de terrain.Benoit Menuge, Doctorant en télédétection littoral, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1241362019-10-01T18:16:36Z2019-10-01T18:16:36ZHeisenberg, le physicien de l’incertitude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294916/original/file-20190930-194829-18nfqqh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4320%2C3078&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Heisenberg gymnasium.</span> </figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Mais qui est donc Werner Heisenberg ? Les fans de la série Breaking Bad vous répondront <a href="https://www.youtube.com/watch?v=U58LgbzMR0o">Walter White</a>, un professeur de chimie d’Albuquerque au Nouveau-Mexique qui sombre dans le crime. D’autres amateurs d’histoire se souviendront du scientifique qui a coordonné le programme nucléaire allemand pendant la Seconde Guerre mondiale et qui apparaît dans les séries <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9mXJK86GCsI&t=53s">« Genius »</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_K3Ry2K4yNE">« The heavy water war »</a>. Enfin, certains étudiants férus de science vous diront qu’Heisenberg n’est pas un personnage de fiction mais un scientifique célèbre pour son principe d’incertitude.</p>
<h2>Vous avez dit principe d’incertitude ?</h2>
<p>Pour comprendre ce principe, il faut d’abord se placer dans le monde de la physique classique, celle de Newton et de Képler qui nous ont démontré que si l’on connaît à chaque instant la position d’un objet, sa masse et sa vitesse alors sa dynamique est complètement déterminée.</p>
<p>Jusque-là tout va bien, mais quand on quitte le monde classique pour entrer dans le monde atomique qui obéit aux lois de la physique quantique ce n’est plus si simple. Au début du XX<sup>e</sup> siècle, les physiciens se sont heurtés à un casse-tête inextricable : les trajectoires des particules observées dans les chambres à brouillard ne permettaient pas de définir simultanément une position et une vitesse précise à ces particules.</p>
<p>Un soir de février 1926, dans son petit appartement sous les combles de l’institut de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Niels_Bohr">Niels Bohr</a> à Copenhague, Heisenberg, réfléchissant à l’énigme des trajectoires dans la chambre à brouillard, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Partie_et_le_Tout">repensa à une conversation</a> qu’il avait eue avec Einstein qui lui affirma que : « C’est la théorie qui décide ce que nous pouvons observer. »</p>
<p>Mais comment la théorie décidait-elle de ce qui peut et de ce qui ne peut pas être observé ? La réponse était le principe d’incertitude. Heisenberg découvrit ce soir là que la mécanique quantique interdit, à un instant donné, la détermination précise simultanée de la position et de la vitesse d’une particule. Il est possible de mesurer exactement soit où se trouve une particule soit à quelle vitesse elle se déplace, mais pas les deux à la fois. C’était le prix exigé par la Nature pour connaître exactement l’une de ces valeurs. Plus l’une était connue avec précision, moins l’autre pouvait l’être.</p>
<p>Heisenberg savait que, s’il avait raison, cela signifiait qu’aucune expérience effectuée à l’intérieur du royaume atomique ne réussirait à transgresser les limites imposées par le principe d’incertitude. En 1927, lorsqu’il présenta son principe au congrès de Solvay devant les plus grandes têtes pensantes du monde de la physique les réactions furent des plus houleuses. Fallait-il voir de l’arrogance ou de l’humilité dans ce principe qui finalement affirme que, même dans 1 000 ans avec l’instrument le plus précis du monde, on ne sera jamais capable de mesurer avec précision simultanément la position et la vitesse des briques ultimes de notre matière.</p>
<p>Le renoncement à une réalité objective, à une vérité absolue, le couronnement de l’incertitude au cœur même de la Nature fût pour certains la marque de Dieu et pour d’autres comme Einstein le refus d’une Nature probabiliste avec la célèbre phrase provocatrice « Dieu ne joue pas aux dés ! ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294888/original/file-20190930-194876-l6wmou.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image de trajectoires de particules dans la chambre à bulles BEBC prise en 1973.</span>
<span class="attribution"><span class="source">/www.astrosurf.com</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une carrière fulgurante</h2>
<p>Mais l’incertitude chez Heisenberg allait bien au-delà de son principe : sa vie et plus précisément les positions qu’il a pu prendre en contexte de guerre nous laisse encore aujourd’hui dans l’incertitude. Werner Heisenberg est né en 1901, il grandit dans un milieu privilégié où ses parents lui donnent le goût de la beauté : la beauté de la nature, la poésie, la musique et bien évidemment la beauté du langage mathématique qui va lui donner l’intuition que la substance du monde n’est pas matérielle.</p>
<p>Toute la scolarité du jeune Werner se déroula dans le contexte de la Première Guerre mondiale. Il y reçut un programme d’endoctrinement patriotique à travers la <em>Wehrkraftverein</em>, une version paramilitaire des Boys Scouts allemands. Heisenberg va profiter de l’interruption des cours pendant la guerre pour étudier de son côté et acquérir des connaissances d’un niveau supérieur à celles qu’on lui demandait. Dès cette époque, il s’intéressera aux atomes, fondamentalement pour des raisons philosophiques. Il dira : « J’étais fasciné par l’idée que l’on puisse trouver des formes mathématiques dans la plus petite partie de la matière ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294893/original/file-20190930-194884-67walz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Heisenberg et Niels Bohr en 1932 à Copenhague.</span>
<span class="attribution"><span class="source">http://archives-dc.library.caltech.edu/islandora/object/ct1 %3A7548</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Sa carrière universitaire puis scientifique ne sera que fulgurances. Il obtient son doctorat à 22 ans dans un délai record de 3 ans après avoir intégré l’université de Munich. En 1922, Niels Bohr lui révèle sa vocation de physicien. À l’âge de 26 ans, en plus du principe d’incertitude, il jette les bases théoriques de la mécanique quantique et devient professeur à l’université de Leipzig. En 1933, l’année de ses 32 ans et de son prix Nobel coïncide avec l’accession au pouvoir des nazis. </p>
<p>Certes Heisenberg va employer une grande partie de son temps à maintenir le haut niveau scientifique de son pays, à promouvoir la physique théorique et à se défendre des attaques de certains nazis. Mais néanmoins, contrairement à Einstein ou Schrödinger, Heisenberg décide de rester en Allemagne et ne s’oppose pas ouvertement à la politique d’Hitler. Il aura, avec quelques nuances, une attitude proche de la majorité des scientifiques allemands en ne voyant pas forcément d’un mauvais œil l’idée de rénovation nationale promise par Hitler. <a href="https://www.institut-pandore.com/physique-quantique/comment-hitler-a-failli-tuer-la-physique-quantique/">Il écrit</a> en juin 1933 : « Avec le temps, les choses splendides seront certainement séparées des choses odieuses »</p>
<h2>Heisenberg sans certitude</h2>
<p>Beaucoup d’éléments laissent à penser que le père du principe d’incertitude s’est retrouvé dans les heures noires de l’histoire, dans l’incapacité de comprendre le monde extérieur qui n’était que pour lui qu’une succession d’incertitudes. C’est pendant la Seconde Guerre mondiale que l’on trouve les principales controverses quand Heisenberg va jouer un rôle de 1<sup>er</sup> plan dans le projet nucléaire allemand.</p>
<p>Il fut d’abord affecté au début de la guerre au club de l’uranium où son travail consista à établir un rapport sur la fission nucléaire et ses possibilités pratiques d’utilisation. Heisenberg affirmera qu’il vit, à cette époque, s’ouvrir devant lui le chemin qui menait à la bombe atomique mais qu’il a essayé de développer le programme vers le développement de l’énergie nucléaire pacifique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=430&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294910/original/file-20190930-194873-1uecre1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=540&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les forces alliées avec les restes du brûleur d’uranium d’Heisenberg en mai 1945.</span>
<span class="attribution"><span class="source">wikipedia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Encore aujourd’hui, il est difficile de savoir si oui ou non Heisenberg a tenté de ralentir le projet nucléaire allemand. La fable d’un Heisenberg prétendant dresser les physiciens du monde contre la bombe peut paraître aussi pertinente que celle d’un scientifique dont le nationalisme et l’ambition personnelle l’ont conduit à accepter et à se faire bien voir du régime nazi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Cuisset ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Werner Heisenberg fut un des pionniers de la physique quantique. Il est célèbre pour avoir énoncé un « principe d’incertitude ». Portrait.Arnaud Cuisset, Professeur de Physique, expert en spectroscopie moléculaire, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1117632019-03-24T23:32:40Z2019-03-24T23:32:40ZParcoursup : premiers retours sur les dispositifs d’aide à la réussite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265358/original/file-20190322-36244-1dlunwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C5%2C995%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les enseignants intervenant dans ces dispositifs pédagogiques d’accompagnement pour la réussite doivent être formés</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.parcoursup.fr/index.php?desc=questions#RUBRIQUE-0">Parcoursup</a> est la plate-forme d’<a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/12/20/parcoursup-2019-mode-d-emploi_5400050_4401467.html">orientation</a> et de candidature des lycéens vers l’enseignement supérieur qui a remplacé le site Admissions Post-Bac en 2018. Pour cette deuxième saison d’utilisation, il nous semble important de revenir sur l’une des nouveautés apportées par la procédure : les dispositifs d’accompagnement proposés aux étudiants auxquels les universités ont répondu <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/les-oui-si-quel-bilan-du-nouveau-dispositif-daccompagnement-pour-les-etudiants-a-luniversite">« Oui, si »</a> lors de la phase de candidature.</p>
<p>Cette admission sous condition supposait que les nouveaux arrivants, dont le niveau était jugé un peu juste par rapport aux exigences et attendus de la licence visée, devraient suivre un parcours spécifique ou personnalisé, intégrant un tutorat, des modules de renforcement, ou les deux. Comment les universités ont-elles aménagé les cursus en ce sens ?</p>
<p>La <a href="http://promosciences.org/dispositif-oui-si-quelles-pedagogies-pour-la-reussite/">récente enquête</a> que nous avons menée dans le cadre de notre association <a href="http://promosciences.org/">Promosciences</a> a mis en évidence de fortes différences de stratégies en fonction des publics concernés, des objectifs et des ressources à disposition (humaines, logistiques, numériques…).</p>
<h2>Valoriser les mentors</h2>
<p>Afin d’élaborer et ensuite déployer ces dispositifs d’accompagnement, il est essentiel d’engager et de motiver les enseignants, les enseignants chercheurs et même les étudiants tuteurs ou mentors.</p>
<p>Il est à noter que si la valorisation de l’implication des étudiants mentors peut être effectuée par le biais d’emplois étudiants associés à une reconnaissance de leur engagement, il est important que ces tuteurs ou mentors soient également formés et accompagnés par les équipes pédagogiques. C’est bien ici tout un écosystème qui doit être mis en place dans chaque composante, ou établissement, pour tendre vers une amélioration de la réussite des étudiants. Celle-ci ne doit d’ailleurs pas être considérée uniquement comme « scolaire » mais bien aussi comme personnelle.</p>
<p>De la même façon, les enseignants intervenant dans ces dispositifs pédagogiques d’accompagnement pour la réussite doivent être formés, et leur engagement valorisé par des progressions dans leur carrière. La demande va bien au-delà de la simple prise en considération d’heures complémentaires, d’autant plus que, pour ces nouvelles approches pédagogiques, les temps de médiation et d’accompagnement des étudiants nécessitent un investissement et des compétences jusque-là négligées par le système.</p>
<h2>Des étudiants acteurs</h2>
<p>Les noms et les articulations de ces parcours accompagnés « Oui-Si » avec les parcours classiques doivent être choisis avec pertinence, de sorte à ne pas stigmatiser les étudiants qui les suivent.</p>
<p>En dehors des transformations portant sur les cursus – étalement de la première année sur deux ans, ou ajout d’heures d’enseignements complémentaires de « remise à niveau » sur la première année de licence – la préoccupation majeure de toutes les équipes porteuses des dispositifs d’accompagnement est de rendre l’étudiant acteur de ses apprentissages. Cela s’organise généralement au travers de pédagogies dites « actives », par projet ou par problème, qui privilégient les situations authentiques d’investigation et facilitent les interactions entre pairs.</p>
<p>Toutefois, les stratégies mises en œuvre pour atteindre cet objectif, et <em>in fine</em> accompagner les jeunes dans l’appropriation de leur nouveau métier d’étudiant, diffèrent d’une formation à une autre, d’un établissement à un autre. Les enseignements de méthodologie du travail universitaire ont montré toute leur importance, mais semblent également avoir des limites (tout au moins dans leur forme classique), s’agissant de leur capacité à engager les étudiants dans une dynamique de réussite.</p>
<p>Le tutorat est un outil difficile à gérer, car souvent imaginé sans l’appui des moyens de communication les plus utilisés par les jeunes. Au contraire, l’enseignement et l’accompagnement par les pairs (majoritairement des étudiants de L3 ou de master) pour les apprentissages disciplinaires, mais aussi pour donner des conseils sur les méthodes de travail et les stratégies d’apprentissage, semblent relativement pertinents.</p>
<p>Dans ce cadre, l’accent mis sur l’acquisition par l’étudiant de compétences transversales de communication, d’expression écrite ou orale est clairement l’un des axes au centre de la grande majorité des dispositifs d’accompagnement mis en œuvre.</p>
<h2>Des résultats à confirmer</h2>
<p>Pour la communauté universitaire, sans ces pratiques pédagogiques renouvelées, sans un étalement des enseignements de la première ou des deux premières années sur un temps plus long, permettant un meilleur rythme d’apprentissage de l’étudiant grâce à la mise en œuvre du contrat pédagogique pour la réussite étudiante, la réforme semblerait vouée à un échec quasi certain – ou tout du moins, aurait-elle une portée limitée comme le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid55536/plan-pluriannuel-pour-la-reussite-en-licence.html">« Plan pluriannuel pour la réussite en licence »</a> en son temps. Le simple ajout d’heures de « renforcement » au programme est d’ailleurs clairement identifié comme non pertinent pour la réussite des étudiants.</p>
<p>Les analyses des premiers résultats en cours, à l’issue de ce premier semestre d’expérimentation de ces parcours accompagnés, montrent que certains dispositifs ont un réel intérêt pour la réussite des étudiants, avec en particulier une meilleure persévérance dans les études et une certaine amélioration des notes, tandis que d’autres n’obtiennent pas l’adhésion des étudiants.</p>
<p>Les équipes pédagogiques impliquées dans ces parcours accompagnés ont clairement adopté une démarche scientifique : conception et expérimentation de nouveaux dispositifs, suivies par une évaluation de l’impact sur les apprentissages et la réussite. Cependant, si un premier aperçu de cet impact sur la réussite des étudiants est possible en fin d’année universitaire, il faudra encore deux à trois ans de suivi pour réellement mesurer l’efficacité de ce qui a été mis en place.</p>
<p>Malgré cela, après une année d’expérimentation, les échanges dans les réseaux professionnels, entre collègues de différents établissements, devraient permettre de remodeler certains parcours, pour pallier certains défauts déjà identifiés en s’inspirant des bonnes pratiques d’autres parcours. Et c’est bien là le point le plus important pour les futurs bacheliers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Morin est membre de PROMOSCIENCES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claire Darraud est membre de l'association PROMOSCIENCES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Kolinsky est membre de l'association PROMOSCIENCES</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Evain est membre de l'association PROMOSCIENCES</span></em></p>En cette nouvelle saison d’orientation post-bac, voici les enseignements d’une première enquête sur l’aménagement de cursus pour les étudiants admis en licence sous condition de remise à niveau.Christophe Morin, Maître de conférences en Biochimie, Vice-doyen à la pédagogie ; Président de PROMOSCIENCES, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Claire Darraud, Associate professor, Université de LimogesCorinne Kolinsky, Maître de conférence en Physique, Université Littoral Côte d'Opale Michel Evain, Chair professor, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/866652017-11-13T20:15:13Z2017-11-13T20:15:13ZFace aux risques : comment choisir entre liberté et sécurité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193178/original/file-20171103-26478-11qglre.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Doit-on renoncer à sa liberté pour plus de sécurité ?</span> <span class="attribution"><span class="source"> Christian Hartmann/AFP </span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la deuxième édition du <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/festival-des-idees">Festival des idées</a>, qui a pour thème « L’amour du risque ». L’événement, organisé par USPC, se tient du 14 au 18 novembre 2017. The Conversation France est partenaire de la journée du 16 novembre intitulée « La journée du risque » qui se déroule à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).</em></p>
<hr>
<p>Benjamin Franklin <a href="https://www.lawfareblog.com/what-ben-franklin-really-said#.UvvR12RDtZs">aurait un jour écrit</a> qu’« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. » Cette belle citation constitue certainement un bon encouragement à défendre ses libertés… mais elle est objectivement fausse ! Dans tous les domaines ou presque, liberté et sécurité constituent deux aspirations en tension, et augmenter l’une revient presque toujours à diminuer l’autre.</p>
<h2>Filets de sécurité</h2>
<p>Par exemple, nous pouvons utiliser les routes en relative sécurité uniquement car nos libertés au volant ont été réduites. De 15 000 morts par an en France <a href="http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias/espace-presse/publications-presse/1972-2012-les-francais-et-la-securite-routiere-40-annees-de-route-commune">au milieu des années 70 nous en déplorons quelque 3 000</a> en 2012 grâce à un code de la route encadrant de plus en plus le comportement du conducteur et que les libertés de ce dernier sont restreintes. En attachant sa ceinture, en limitant de plus en plus sa vitesse, en s’abstenant de boire avant de prendre le volant, il a sacrifié une bonne part de sa liberté en échange de plus de sécurité.</p>
<p>Il en a été de même pour la mise en place de la protection sociale <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782905882929/index.shtml">tout au long du XXᵉ siècle</a>. En France et dans les pays développés, la mise en place de l’État Providence a constitué un formidable progrès, que ce soit pour les personnes âgées, les chômeurs, les malades et toutes les personnes porteuses d’un handicap, physique, psychique ou simplement social.</p>
<p>Mais pour financer les indemnités chômage, les allocations diverses et le système de santé, la Sécurité sociale doit prélever de manière autoritaire des cotisations ; d’ailleurs fort logiquement qualifiées d’« obligatoires ». Les salaires et autres revenus d’activité en sont diminués d’autant, privant leurs bénéficiaires de la liberté d’user de ces sommes à leur guise.</p>
<p>La garantie contre les risques économiques, sociaux et sanitaires mise place par l’État dans ce système assurantiel imposé constitue donc à la fois un filet de sécurité et une contrainte pour tous.</p>
<h2>Quelles libertés sommes-nous prêts à sacrifier pour être mieux protégés ?</h2>
<p>On pourrait multiplier à l'envie les exemples, sauf peut-être pour la liberté d’opinion et celle des médias, où gains en matière de liberté et de sécurité peuvent être conjoints.</p>
<p>Partout ailleurs, la recherche de plus de sûreté se paie du sacrifice d’une part de liberté, et la volonté de conserver le maximum de libertés amène de son côté à renoncer à certains éléments de sécurité. Tout est alors question d’arbitrage et de choix politique : quelles libertés sommes-nous prêts à sacrifier pour être mieux protégés ? Quels dangers sommes-nous prêts à côtoyer pour garder le maximum de libertés d’action, de parole, etc. ?</p>
<p>Chacun possède ses valeurs propres, sa représentation du monde qui l’amène à choisir un point d’équilibre peu ou prou différent de celui du voisin ; et c’est alors à la représentation nationale qu’il incombe de décider où le situer de manière pratique.</p>
<p>Deux débats récents montrent que cet équilibre n’est pas facile à trouver et que les tenants de chaque camp n’hésitent pas à dénigrer, parfois durement, les arguments de ceux qui appartiennent à l’autre.</p>
<h2>État liberticide ou État trop faible ?</h2>
<p>Si l’on examine d’abord le débat actuel sur le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », on se rend compte que le texte gouvernemental crée des insatisfactions des deux côtés. Les uns, défenseurs inconditionnels des libertés individuelles- on pense à des organisations telles que le Syndicat de la Magistrature, la Cimade – considèrent comme liberticide le fait de transposer dans la loi ordinaire des dispositifs propres aux situations d’exception ; les autres, qui se disent avant tout soucieux d’assurer une sécurité optimum à leurs concitoyens (La Droite Populaire, le député <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/28/les-mensonges-d-eric-ciotti-sur-le-presume-laxisme-du-projet-de-loi-antiterroriste-du-gouvernement_5192874_4355770.html">Eric Ciotti</a>…), trouvent au contraire les mesures bien trop timides. Selon les premiers nous glissons vers un État autoritaire, où les libertés fondamentales sont menacées, selon les seconds le Pouvoir n’a pas pris conscience de la gravité de la situation et donc pas assez durci la loi.</p>
<p>Selon les premiers nous glissons vers un État autoritaire, où les libertés fondamentales sont menacées, selon les seconds le pouvoir n’a pas pris conscience de la gravité de la situation et donc pas assez durci la loi.</p>
<h2>Être vacciné contre son gré</h2>
<p>Le second exemple est celui de la vaccination obligatoire. Là, le gouvernement a tranché nettement en faveur de plus de sécurité sanitaire.</p>
<p>Onze vaccins seront obligatoires pour les enfants qui naîtront <a href="https://theconversation.com/vaccins-tout-ne-se-joue-pas-avant-deux-ans-81205">à partir du 1ᵉʳ janvier 2018</a>, et les parents qui refuseront cette mesure se verront refuser l’entrée de leur progéniture dans les crèches, les écoles et autres lieux de vie collective.</p>
<p>Ils pourront même être attaqués en justice par leur enfant dans le cas où celui-ci aurait à souffrir d’une maladie et de ses conséquences du fait du refus de ses parents de le faire vacciner. Les parents hostiles à la vaccination protestent contre cette mesure qui leur enlève la liberté de décider eux-mêmes comment prendre soin de leurs enfants. De leur côté, la ministre de la Santé et son administration invoquent la sécurité sanitaire de tous. Le vaccin n’est pas seulement une protection personnelle pour la personne qui le reçoit mais aussi une protection collective, une <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/Actualites/Vaccination-des-jeunes-enfants-des-donnees-pour-mieux-comprendre-l-action-publique/Dossier-pedagogique-n-2-Vaccination-la-protection-collective">façon de construire une immunité de groupe</a> : plus le pourcentage de vaccinés est important, moins il est probable pour chacun de rencontrer l’agent pathogène.</p>
<p>Les parents opposés à la vaccination de leurs enfants transforment donc ceux-ci en vecteur de transmission de la maladie et mettent en danger la santé de toutes celles et tous ceux qu’ils fréquenteront. Des autorités publiques cherchant à minimiser les risques sanitaires ne peuvent alors que priver les parents de cette liberté.</p>
<h2>L’inévitable choix</h2>
<p>Si l’on va maintenant plus loin dans ce débat qui oppose amateurs de sécurité et amoureux de la liberté, on constate que, selon le contexte, les mêmes personnes peuvent se retrouver d’un côté ou de l’autre. Celles et ceux qui ne jurent que par la liberté dans le domaine économique se montrent souvent très attachés à une protection forte dans le domaine civil ; et inversement.</p>
<p>Ainsi, les citoyens, intellectuels et politiques se réclamant de la droite attachent une grande importance à la liberté d’entreprendre, de créer de la valeur, mais demandent au contraire à l’État plus de règles et de contrôles quand il s’agit de sécurité civile. Ils plaident pour plus de forces de police, plus de restrictions aux frontières et une sévérité plus grande des tribunaux. À l’inverse, celles et ceux qui se classent à gauche veulent un État interventionniste en matière économique, afin de mieux garantir les droits des plus faibles, mais tiennent volontiers un discours à connotation libertaire quand il s’agit de sécurité intérieure. On pourrait dire, en allant vite, qu’ils souhaitent qu’il y ait plus d’inspecteurs du travail et moins d’inspecteurs de police.</p>
<p>Ce rapide tour d’horizon des tensions qui existent entre désir de liberté et désir de sécurité montre bien qu’il s’agit de deux aspirations que l’on peut qualifier d’à la fois légitimes et difficilement compatibles. <a href="https://www.puf.com/content/Des_risques_et_des_hommes">Entre les deux, nous sommes souvent contraints de choisir</a>.</p>
<p>De plus, selon la nature de nos valeurs et notre orientation politique, nous pouvons être amenés à arbitrer en faveur de l’une dans un domaine et de l’autre dans un autre. Le libéral au sens économique du terme peut ne pas l’être au sens que l’on donne à cet adjectif dans le monde anglo-saxon, puisque partisan d’une économie dérégulée, il demande des règles strictes pour bénéficier d’une bonne sécurité civile.</p>
<p>En miroir, on peut dessiner le portait de l’individu adepte d’un État régulateur de l’économie, qui assure par ses lois et interventions un haut niveau sécurité aux salariés, mais qui est prêt à se mobiliser contre toute loi empiétant sur les libertés individuelles pour garantir un haut niveau de sécurité intérieure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Flanquart a reçu des financements, via son laboratoire universitaire, dans le cadre de ses recherches sur la perception des risques (technologiques et naturels) du Ministère de l'Environnement (programmes RDT, CDE), de la FonCSI, de l'ADEME et du CNRS. </span></em></p>Quelles libertés sommes-nous prêts à sacrifier pour être mieux protégés ? Quels dangers sommes-nous prêts à côtoyer pour garder le maximum de libertés d’action.Hervé Flanquart, professeur en Aménagement et Urbanisme, Territoires, Villes, Environnement & Société, Université Littoral Côte d'Opale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.