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La baisse des impôts est-elle compatible avec la diminution des inégalités ?

En France, les impôts jouent un rôle important dans la réduction des inégalités de revenus. Gérard Bottino / Shutterstock

Aujourd’hui, les « gilets jaunes » réclament à la fois une baisse des impôts et une meilleure redistribution. Mais peut-on avoir les deux à la fois ? De fait : l’impôt est-il un obstacle à la réduction des inégalités ?

La courbe de Gini montre que c’est faux. Le coefficient de Gini est un indice statistique mesurant la dispersion d’une distribution dans une population donnée. Il varie de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite et 1, à l’opposé, signifie une inégalité parfaite (par exemple quand un seul salarié dispose de tous les revenus et les autres n’ont aucun revenu). Le coefficient de Gini a été principalement utilisé pour mesurer l’inégalité de revenu, mais peut aussi servir à mesurer l’inégalité de richesse ou de patrimoine.

Réduire l’impôt ne réduit pas les inégalités

L’évolution de la courbe de Gini en France en comparaison avec d’autres pays est intéressante, notamment quand on confronte les revenus avant et après impôts et charges sociales. Avant impôts, l’indice des inégalités de revenus est presque au même niveau qu’aux États-Unis ou en Italie, et plus faible qu’au Royaume-Uni. Après impôts, les statistiques (voir graphique ci-dessous) montrent que les inégalités de revenus en France selon le revenu disponible sont nettement plus faibles que dans ces autres pays. En France, les impôts ont donc joué un rôle important dans la réduction des inégalités de revenus. En conséquence, réduire les impôts ne va pas permettre de réduire davantage les inégalités.

Les réclamations des « gilets jaunes » ont démarré avec le rejet de la hausse de la fiscalité sur le prix du carburant, mais se généralisent aujourd’hui à une critique de l’ensemble des impôts et charges. En même temps, ils exigent une meilleure redistribution et une réduction des inégalités de revenus. Ces deux demandes sont-elles compatibles ?

Revendications paradoxales

Nous avons utilisé ce graphique auprès de nos étudiants en grande école de management dans un cours qui a pour but de faire de l’analyse critique de l’actualité économique et financière. C’était l’occasion d’évoquer avec eux les revendications des « gilets jaunes » en prenant en compte les différentes écoles de la pensée économique. Les étudiants ont classé la demande de réduction des impôts dans une approche très « libérale », tandis que le désir de réduire les inégalités était perçu comme plutôt « marxiste », à l’autre bout du spectre. Dès lors, l’hétérogénéité des revendications est frappante. Plus que cela, elles risquent surtout d’entraîner des mesures incohérentes, voire incompatibles.


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Certains étudiants ont également souligné la fracture entre les « dirigeants » politiques et la population. Mais comment réduire cette fracture et donner de l’optimisme à nos jeunes et à nos classes moyennes en allant dans des directions différentes ? Plutôt que de demander des mesures incohérentes, il faut fournir une vision et un sens de l’orientation. À l’heure où de nombreuses études craignent l’impact des médias sociaux sur la bonne compréhension des problèmes, où l’émotion peut parfois prendre le pas sur la réflexion et l’analyse des faits, il est essentiel de pouvoir former à l’analyse critique nos étudiants, qui peuvent à leur tour relayer cette compréhension sur les réseaux sociaux.

Cette compréhension ne pourra qu’aider les manifestants, « gilets jaunes » ou pas, à mieux réfléchir et discuter. Avant de demain prendre des décisions.

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