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Les femmes ont été durement frappées par la pandémie. Si rien n'est fait, elles risquent d'être ignorées des plans de relance. Shuterstock

La Covid-19, un sérieux frein pour la cause des femmes

La crise sanitaire et économique que nous vivons depuis maintenant un an menace de freiner les progrès des dernières décennies en matière d’égalité des sexes et des droits des femmes ou, pire, d’augmenter les inégalités et entraîner une régression de la participation féminine à la vie économique.

L’Organisation des Nations unies l’a mis en lumière dans un document sur les objectifs du développement durable, dont l’un porte justement sur l’égalité entre les sexes. « Avec la propagation de la pandémie de Covid-19, même les progrès limités obtenus en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes pourraient être réduits à néant. La Covid-19 creuse des inégalités déjà existantes dont souffrent les femmes et les filles dans tous les domaines, de la santé à l’économie, en passant par la sécurité et la protection sociale », est-il écrit.

Depuis plusieurs années, j’observe et j’étudie la diversité des entreprises canadiennes. À l’École de Gestion John Molson de l’Université Concordia, je participe à un groupe de réflexion qui vise à mieux comprendre pourquoi les femmes disparaissent quand on grimpe l’échelle hiérarchique et à identifier des stratégies qui remédient à cet effritement.


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Les femmes sont plus affectées que les hommes par la crise sanitaire

Les statistiques sur le chômage publiées par Statistique Canada ou l’Institut de la statistique du Québec confirment que les femmes ont été davantage touchées que les hommes, tant dans la première que dans la seconde vague de la Covid-19. D’une part, elles ont plus souffert des pertes d’emploi, notamment dans le commerce de détail, la restauration et l’hébergement, ou d’un réalignement vers des emplois à temps partiel. D’autre part, parce qu’elles sont surreprésentées dans les secteurs de la santé et des services sociaux, les femmes ont vécu un stress intense en première ligne et une surcharge de travail importante depuis le début de la pandémie.

Selon les données de Statistique Canada pour le mois de janvier 2021 pour le groupe des gens âgés de 25 à 54 ans au Canada, on dénombrait 33 500 pertes d’emploi chez les hommes, contre 73 400 chez les femmes. C’est un écart considérable. Les pertes d’emploi et la hausse des responsabilités domestiques ont exclu beaucoup de femmes de la population active.

« La Covid-19 a mis un frein à trois décennies d’amélioration de la participation des femmes au marché du travail », pouvait-on lire dans un rapport récent de la Banque Royale. Si nous manquons de vigilance, les gains réalisés par les femmes au fil des ans pourraient être grandement fragilisés, voire anéantis. Ce scénario n’est aucunement souhaitable et nous devons tout faire pour éviter qu’il ne se produise.

Dans ce contexte périlleux qui fragilise nos acquis, comment agissent nos gouvernements et nos entreprises pour ne pas que les femmes soient pénalisées à long terme par cette situation, et pour éviter qu’elles ne mettent en veilleuse leurs carrières ou leurs projets de développement professionnel et de création d’entreprises ? Que fait-on pour s’assurer que celles qui occupent présentement des fonctions dans des domaines touchés par la pandémie bénéficieront d’une formation leur permettant de participer pleinement à la relance de l’économie, une fois que la crise sanitaire sera derrière nous ?

Incontournables nouvelles technologies

Une étude de la firme McKinsey Global Institute révèle qu’une proportion importante des femmes dans tous les pays du monde pourraient devoir changer de profession d’ici 2030, en évoluant notamment vers des postes exigeant plus de qualifications technologiques. Pour composer efficacement avec ce bouleversement, les femmes devront être qualifiées, mobiles et expertes en nouvelles technologies. Proportionnellement moins présentes que les hommes dans ces domaines, les femmes seront confrontées à des obstacles importants ; elles auront besoin d’un soutien ciblé afin de progresser dans le monde du travail de demain.

Au fil du temps, de nombreux arguments ont été invoqués pour justifier une présence accrue des femmes dans des postes de direction au sein des organisations. L’argument le plus souvent entendu est celui de leur contribution à la performance de l’entreprise. Or, le plus récent rapport publié par les autorités réglementaires canadiennes révèle que la présence des femmes au sein des conseils d’administration est stagnante dans les grandes entreprises et n’augmente que faiblement dans les petites et moyennes entreprises. Le rapport démontre également que la moitié des entreprises ne disposent toujours pas d’une politique de représentation féminine et que très peu d’entreprises se sont dotées d’objectifs précis, que ce soit en regard des conseils d’administration ou des postes de direction.

À la recherche d’une nouvelle raison d’être

Nos sociétés demandent de plus en plus aux entreprises de se doter d’une raison d’être, au-delà de la seule activité économique et de la course à la rentabilité. Comme il nous faudra bâtir sur de nouvelles bases axées sur des valeurs d’inclusion, d’équité, de bienveillance et du droit de se réaliser pleinement, il est temps de saisir l’occasion pour créer un monde reconnaissant l’égalité des deux sexes.

Si nous souhaitons que des changements durables s’effectuent, il faut promouvoir plus fortement l’égalité des chances. Trop souvent encore aujourd’hui, des biais et des stéréotypes freinent le déploiement des talents féminins. Or, les femmes dirigeantes ont déjà démontré qu’elles étaient plus enclines à promouvoir des politiques favorables au développement des talents et à défendre l’égalité des chances pour les sexes.

Les talents économiques des femmes, qui sont mis en péril par la crise sanitaire qui sévit depuis maintenant un an, doivent être récupérés et redéployés, aussi bien dans les secteurs plus traditionnels que dans ceux associés à la nouvelle économie. Il le faut si nous voulons que la reprise économique repose sur des assises solides et équitables pour tous et toutes, et si nous souhaitons vraiment promouvoir l’égalité des sexes pour sa véritable raison d’être, soit non seulement un droit fondamental de la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable.

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