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jeune fille se fait lécher la joue par un chier
La UK Health Security Agency, l’organisme responsable de la protection de la santé publique au Royaume-Uni, s’efforce de trouver la cause de la maladie afin de pouvoir la contrôler et la traiter efficacement. (Shutterstock)

La flambée d’hépatite chez les enfants serait-elle liée aux chiens ? Les preuves sont faibles

La récente flambée des cas d’hépatite soudaine et sévère chez les enfants a été largement rapportée dans le monde entier. Récemment, plusieurs médias ont mis en évidence un lien possible entre ces cas et les contacts avec des chiens de compagnie. Cependant, les données suggérant un tel rapprochement sont extrêmement limitées – en fait, probablement beaucoup plus limitées que la plupart des autres hypothèses qui ont été proposées.

L’éclosion des cas d’hépatite chez les enfants a d’abord été constatée au Royaume-Uni, mais a maintenant été signalée en Europe, en Asie et sur le continent américain. Bien que les chiffres soient encore très bas à l’échelle mondiale, la maladie s’avère grave et certains enfants ont dû subir une transplantation du foie. Au moins 11 enfants sont morts, et il semblerait que le phénomène risque de se poursuivre pendant un certain temps.

L’hépatite chez l’humain est normalement causée soit par une substance toxique, comme l’alcool, soit par une infection par un virus parmi plusieurs différents types. Cependant, aucun des virus habituels n’a été décelé chez ces enfants.

La UK Health Security Agency (UKHSA), l’organisme responsable de la protection de la santé publique au Royaume-Uni, s’efforce de trouver la cause de la maladie afin de pouvoir la contrôler et la traiter efficacement.

Expositions aux chiens

Dans un récent document d’information, l’agence a signalé un nombre élevé d’« expositions aux chiens » dans ces cas d’hépatite infantile grave. Toutefois, avant que les parents n’empêchent leurs enfants de s’approcher du chien de la famille, il convient d’examiner les résultats en détail.

La UKHSA a constaté que 70 % des patients (64 sur 92, lorsque les données étaient disponibles) étaient issus de familles propriétaires de chiens ou avaient été « exposés à d’autres chiens ». Or, 33 % des ménages britanniques possèdent un chien, et un nombre bien plus important d’enfants issus de ménages n’en possédant pas y sont exposés lorsqu’ils rendent visite à leurs amis ou jouent avec eux. Une exposition aux chiens à 70 % peut être tout à fait normale.

Pour suggérer un lien, il est important de montrer non seulement que l’exposition aux chiens chez les patients est élevée, mais aussi qu’elle est plus élevée que chez les enfants non touchés. Tant que cela n’a pas été vérifié dans le cadre de ce que l’on appelle une étude cas-témoin, un quelconque lien ne constitue rien de plus qu’une suggestion.

Un deuxième point problématique avec ces données réside dans le fait qu’en posant suffisamment de questions, il y a une forte probabilité que les réponses à une ou plusieurs de ces questions semblent liées aux cas.

Lorsque nous collectons rétrospectivement de très grandes quantités de données, ce type d’association factice peut facilement se produire. Il existe d’ailleurs un site web consacré à la collecte de ces statistiques. En voici un exemple : le taux de divorce dans le Maine entre 2000 et 2009 semble fortement lié à la consommation de margarine par habitant.

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Graphique montrant un lien factice entre la consommation de margarine et les taux de divorce dans le Maine, aux États-Unis. (Tyler Vigen), Fourni par l’auteur

Le point à retenir concernant les liens identifiés par des données rétrospectives est qu’il s’agit d’hypothèses. Elles doivent toujours être vérifiées en collectant des informations supplémentaires sur de nouveaux cas. Si le lien est réel, il continuera à apparaître dans les nouvelles données. S’il est faux, on ne le verra plus.

L’une des associations du site web sur les corrélations factices révèle un autre problème important. Entre 2000 et 2009, la consommation de fromage par habitant aux États-Unis pourrait être liée à des décès dus à un enchevêtrement dans les draps de lit.

On peut facilement concevoir que cela puisse être le résultat de cauchemars provoqués par le fromage. Le fait que nous puissions penser à un mécanisme sous-jacent au lien nous conforte dans l’idée qu’il pourrait être vrai, même si ledit mécanisme est assez tiré par les cheveux. Nous avons tendance à accorder plus de poids aux associations pour lesquelles nous pouvons envisager une explication, même si les preuves sont faibles.

Quelles sont donc les causes possibles de la recrudescence des cas d’hépatite chez les enfants ? L’une d’entre elles pourrait-elle être liée aux chiens ? Un virus en particulier, un adénovirus, a été détecté dans le sang de 72 % des patients testés (à titre de comparaison, le SARS-CoV-2 n’a été détecté que dans 18 % des cas).

Dans les cas où il a été possible d’identifier le type de virus, il s’agissait de l’adénovirus de sérotype 41 (Ad41), de type humain, qui provoque normalement des diarrhées chez les enfants. Bien que les chiens puissent héberger leurs propres adénovirus qui provoquent des maladies respiratoires ou des hépatites, ces derniers ne sont pas connus pour infecter les humains. De plus, l’Ad41 n’a aucun lien connu avec les chiens.

Les cas observés chez les enfants ne suggèrent pas que l’infection se transmet d’un individu à l’autre – le nombre de cas est trop faible et la répartition trop large pour cela. De même, la répartition des cas ne laisse pas penser qu’il s’agit d’un nouveau virus transmis des chiens aux enfants. Dans d’autres pays, des cas sont apparus beaucoup plus rapidement qu’un virus canin ne se propage entre chiens.

Causes possibles

Y a-t-il d’autres causes possibles ? Il a été suggéré que la gravité de l’hépatite résulte d’un mauvais fonctionnement du système immunitaire – trop ou pas assez fort. La distanciation sociale pendant la pandémie a réduit la transmission de toute une série de maladies, et le manque d’exposition à ces pathologies a pu laisser certains enfants dépourvus face à des infections qui ne poseraient normalement aucun problème.

De même, le manque d’exposition à la saleté résultant du lavage des mains, de la stérilisation des surfaces et d’autres mesures d’hygiène peut avoir prédisposé les enfants à des réponses immunitaires hyperréactives (comme cela a été suggéré pour les maladies allergiques). L’hépatite pourrait donc être causée par la réponse immunitaire plutôt que par un virus. Enfin, et sans surprise, on a évoqué la possibilité que des infections antérieures à la Covid-19 aient prédisposé les enfants à l’hépatite.

Tous ces éléments ne sont pour l’instant que des théories, et les données disponibles sont insuffisantes pour les classer par ordre de priorité ou les utiliser pour proposer des mesures de contrôle. Heureusement, l’incidence reste extrêmement faible et, jusqu’à ce que l’on dispose de meilleures données, les parents devraient probablement se concentrer davantage sur l’observation de tout symptôme chez leurs enfants que sur la réduction de leur exposition aux chiens.

This article was originally published in English

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