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« La Grande École du Numérique », une nécessité pour les acteurs de l’éducation

Lancement de la “Grande Ecole du Numérique” à L'Elysée le 19 septembre 2015. Ian Langsdon / Pool / AFP

Le lancement récent de l’appel à projets « Grande École du Numérique » (GEN) par le gouvernement français s’inscrit pleinement dans une logique de formation aux technologies et de réduction des écarts de compétences. Les institutions pédagogiques et du numérique sont uniformément invitées à y répondre pour développer des programmes de formation destinés à des publics en décrochage scolaire ou inadaptés au fonctionnement d’une société qui nécessite d’avoir des compétences technologiques de base.

La GEN n’est donc pas un établissement spécifiquement dédié au numérique ni un programme destiné aux individus ayant déjà des compétences dans ce champ. C’est un programme d’aide ouvert à tous les acteurs de l’éducation ou du numérique qui promeut la démocratisation des savoirs technologiques.

« Humanités Numériques »

Nombre de chercheurs et d’intellectuels (historiens, sociologues, designers, etc.) sont maintenant persuadés de cette nécessité d’une formation aux technologies et se sont réunis, en dehors des cadres académiques traditionnels, pour former le nouveau mouvement des « Humanités Numériques » (calqué sur le modèle anglo-saxon des Digital Humanities) au sein duquel les technologies numériques sont mises au centre des humanités contemporaines ou – pour le dire autrement – des fondamentaux utiles pour évoluer dans notre société.

Il suffit de revenir sur le programme de leur dernière réunion en juin 2015 à l’occasion du ThatCamp Paris où des réflexions d’envergure ont été conduites autour de questions aussi diverses que : le projet de baccalauréat en Humanités Numériques annoncé par le gouvernement, les méthodologies numériques pour l’enseignement ou les formes de pédagogies émergentes permises par les technologies. Une somme de réflexions qui se posent dans la plupart des pays du monde. Nous avons pu le constater cet hiver en participant à la grand-messe des technologies éducatives : SXSWedu à Austin, Texas.

La France est à ce titre un des pays le plus en avance sur la problématique des apprentissages outillés, mais aussi un pays qui s’engage dans la voie du numérique, un pays qui compte sur ses compétences nombreuses dans ce champ. Il suffit de voir le foisonnement de startups et autres espaces de co-working, l’intérêt porté par les municipalités pour le label FrenchTech ou encore la quête incessante de Paris pour tenir – avec succès – la dragée haute à ses concurrentes directes : Londres et Berlin.

Démocratisation généralisée

On ne s’étonnera donc pas de lire, dans un récent rapport le l’OCDE sur les TICE à l’école (« Students, Computers and Learning : Making the Connection » que la France est un des pays les plus compétents en terme de formation au numérique et ce, même si nous sommes encore loin d’être entrés dans une ère de démocratisation généralisée. Car cette étude pointe aussi la nécessité de repenser en profondeur les politiques d’usages des TICE, les technologies numériques ne favorisant apparemment pas l’acquisition de meilleures compétences en langue, en mathématiques ou en sciences.

Cette étude propose alors une issue aussi ambiguë qu’elle oscille astucieusement entre deux préconisations sans prendre parti. La première des deux voies énoncées est clairement conservatrice. Elle invite à abandonner quasi intégralement l’usage des technologies à l’école ce qui, d’un point de vue proprement économique, autoriserait les établissements pédagogiques à ne plus faire d’investissements et conduirait à une forme de démocratisation des apprentissages par le bas. La seconde préconisation, clairement progressiste, soutient l’idée qu’il faudrait investir lourdement dans la formation d’un personnel pédagogique qui manque souvent de compétences numériques, afin de mettre en œuvre des programmes pédagogiques qui sont clairement démocratiques et qui favorisent, à terme, une poussée globale des connaissances.

Si on s’accorde sur le fait que la mission des institutions d’enseignement est aussi de former des citoyens qui sont capables d’évoluer dans le monde, alors il n’y a pas d’autre alternative que d’investir dans des équipements technologiques et ainsi de former les individus à des savoirs numériques : manipulation des outils technologiques et, plus encore, acquisition d’une culture technologique qui ne consiste pas uniquement à savoir utiliser l’outil, mais aussi à avoir un comportement raisonné et raisonnable avec lui.

Approfondir

Ce comportement raisonné et raisonnable dont nous parlons c’est, à la fois, la raison comme réflexion et la raison comme pratique modérée et censée. Car toutes les formes d’apprentissage ne nécessitent pas le recours aux technologies du numérique. Il est tout autant possible d’ouvrir un dictionnaire que de consulter Wikipedia ; il est tout autant possible de retirer un disque ou un DVD à la médiathèque ou au CDI plutôt que de consulter un fragment dégradé en ligne. Ce type de pratiques offrent l’opportunité du temps retrouvé dans la recherche d’objets de la culture, puis leur consultation lente, précieuse et enthousiasmante. Pour autant, il ne faut pas négliger les apports de l’ordinateur ou de la tablette, aussi bien pour l’aisance de la manipulation que pour le gain de temps incontestable qu’ils permettent.

Une récente enquête conduite au Canada par une équipe de recherche de Vancouver (« Great Expectations : Students and Video in Higher Education ») nous révélait que 80 % des étudiants utilisent des terminaux numériques et des contenus vidéo pour approfondir leurs connaissances de cours et réviser leurs examens. Ainsi, peut-on seulement aller contre ces comportements, quasi naturalisés, à propos du numérique ? Et qui plus est, des comportements qui progressent déjà à l’intérieur du réseau numérique lui-même.

En effet, les apprenants abandonnent de plus en plus la sphère de l’écrit pour celle de l’audiovisuel dans leurs méthodes d’apprentissage (en atteste le succès récent des MOOCs dont la forme privilégiée est la vidéo), ce qui n’est pas sans soulever de nouvelles problématiques et atteste de la rapidité à laquelle les usages sociaux du numérique avancent. Les institutions d’enseignement ne peuvent pas fermer les yeux sur ces phénomènes et il est de leur devoir de s’emparer de cette problématique à bras-le-corps.

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