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La nature, un remède au mal urbain

P.

Des travaux en bas de chez moi m’ont réveillée ce matin. Le bruit des marteaux piqueurs, les éclairages de rue qui illuminent les murs de l’appartement, les voitures qui défilent, ou juste l’air qui, au lieu de sentir le vert, sent le gasoil. On s’y est habitué. Les odeurs, les rythmes et les sons de la ville sont devenus ma norme.

De plus en plus d’auteurs évoquent le manque de nature dont souffre la société occidentale. Glenn Albrecht, ancien professeur à l’Université Murdoch, a créé le terme solastalgie pour évoquer la détresse que l’être humain éprouve face aux changements liés à son environnement naturel proche. Le journaliste américain Richard Louv, lui, parle même de trouble de déficit de nature dont les conséquences sur la santé vont du stress chronique à la dépression, en passant par les troubles du sommeil et l’hyperactivité.

Le parc des Buttes Chaumont à Paris. Wikipédia, CC BY

Alors que le mode de vie moderne pousse à plus d’heures face aux écrans, passer du temps au grand air est devenu optionnel. Mais pour l’animal humain que nous sommes, ce nouvel état des choses peut perturber jusqu’à notre sens d’appartenance. Albrecht parle de cette impression d’avoir le mal du pays alors même qu’on est à la maison. Peut-être parce que l’on s’est trompé de « maison ». Parce qu’on a besoin de nature. Si favoriser du temps dans la nature est salvateur, quelles en sont les vertus admises par la science, et comment peut-on ramener du sauvage dans un quotidien urbanisé ?

Les vertus de la nature

De plus en plus d’études sont menées afin de comprendre les effets physiologiques et psychologiques de la nature sur le corps et le cerveau humain. Voici les idées les plus répandues :

  • La nature réduit le stress

Selon une étude de l’Université du Michigan, passer du temps dans la nature est un remède efficace contre le stress. Des marches régulières dans la nature permettent d’abaisser le niveau stress et de réduire les symptômes de dépression. Cela ralentit le rythme cardiaque et diminue la tension artérielle. De même, le simple fait de jardiner diminue le taux de cortisol dans le sang – l’hormone du stress – et améliore de l’humeur.

  • La nature renforce l’immunité

Une étude de l’Université de l’Illinois a démontré un lien entre temps passé dans la nature et hausse de l’immunité. Cela résulte du fait que le corps, mis dans un milieu naturel, se met automatiquement en mode « repos/détente », l’opposé du mode « fuite/lutte » ; le système immunitaire, lié au système nerveux parasympathique, est alors mis sur pause. Une autre étude suggère que des « bains de forêt » (de l’expression japonaise shinrin yoku) augmentent le taux de globules blancs dans le sang jusqu’à 30 jours après exposition.

  • La nature rend créatif

Des chercheurs de l’Université de l’Utah ont soumis un groupe de randonneurs à une série de tests avant et après une randonnée de quatre jours. Les résultats montrent une amélioration de 50 % des capacités créatives des participants après randonnée. De même, les enfants qui travaillent dans des salles de classe en plein air apprennent mieux et génèrent plus d’idées créatives.

Plage d’Australie. Photographie de Mélusine Martin
  • La nature favorise le sommeil

La vie moderne qui encourage lever tôt et coucher tardif, le tout à la lumière d’ampoules électriques et d’écrans digitaux, aurait retardé notre horloge biologique interne d’environ deux heures. Selon une étude de l’Université du Colorado, faire du camping pendant seulement deux jours permet de rééquilibrer les rythmes naturels de veille et de sommeil. S’exposer dès le matin à la lumière du soleil aide à éviter sautes d’humeur, insomnie et prise de poids.


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Le dualisme homme/nature

On ne guérit pas de la ville lorsqu’on y est né. On la porte en soi. Je souhaitais lister les effets scientifiquement prouvés de la nature car c’est ce que l’esprit pensant aime entendre : la science réconforte, elle dit une « vérité ». On la croit avant même de l’avoir comprise. Mais il faut commencer par analyser ses croyances pour amorcer un changement réel.

Le dualisme homme/nature, concept important en sociologie environnementale, qui définit l’humain comme étant séparé de la nature, reste omniprésent dans la culture occidentale. L’avènement de la révolution industrielle, au XIXe siècle, a radicalement changé la relation de l’homme à la nature. Là où la nature était auparavant directement expérimentée (travail aux champs, etc.), elle est devenue le résultat d’une intellectualisation sociale et culturelle avec l’urbanisation et les changements de mode de vie qui en découlent.

Le milieu urbain nous coupe-t-il de la nature ?

On finit par comprendre et observer la nature par l’entremise des médias, des livres, sur Internet, au cinéma, etc. On s’y attache sans se rendre compte que ce n’est qu’une idée qui ne prédomine pas dans le monde entier. Comme l’explique Descola dans Par-delà nature et culture, « la manière dont l’Occident moderne se représente la nature est la chose la moins bien partagée. » Le dualisme homme/nature est aussi aux fondements de la politique environnementale moderne. On ne chercherait pas à « sauver » la nature si l’on ne se pensait pas séparé d’elle. Autre. Retrouver la nature en ville, c’est abolir ces frontières.

Apprendre à redéfinir ce qu’est la nature, ce qu’elle n’est pas, c’est aussi apprendre à se redéfinir soi-même. Délaissons la croyance selon laquelle la nature, pour être vraie, doit être sauvage et absente de toute trace de vie humaine. La nature est tout autour de nous, tout le temps, qu’il s’agisse d’un parc en banlieue, du jardin de sa maison, de la colline derrière chez soi, des arbres le long d’une avenue, de la plage, de la Seine à Paris, du ciel. Si le terme nature implique un endroit où le vert l’emporte sur le béton, il est aussi important d’apprendre à porter notre attention sur ces petits bouts de nature que la ville inclut et de ne pas oublier que sous le goudron, il y a la terre. Alors comment faire pour ramener un peu de nature dans un quotidien urbanisé ?

Intégrer la nature à un quotidien urbanisé

Voici quelques façons simples et accessibles de réintégrer la nature en ville.

  • Passer 30 minutes par jour dans la nature. Lire dans un parc, marcher sur la plage ou flâner le long des quais sont autant de doses de nature en ville qu’il est aisé d’intégrer à sa routine quotidienne.

  • Mettre des plantes vertes chez soi En plus d’assainir l’air, elles ont un effet apaisant. Une étude réalisée par la NASA a testé un grand nombre de plantes et montré lesquelles étaient les plus purifiantes pour les environnements pollués.

  • Jardiner Si vous avez un jardin, tant mieux. Si vous vivez en appartement, cultivez en pots sur votre balcon ou rebords de fenêtre. Même un bocal de graines germées sur le comptoir de la cuisine constitue un mini jardin en soi.

  • Favoriser les matériaux naturels chez soi

Terre cuite, bois et lin, des matières naturelles dans la maison. Mélusine Martin

Essayez le bois et la terre cuite pour les ustensiles de vaisselle et de cuisine, les draps de lit en lin naturel ou en coton bio. Optez pour des contenants en verre plutôt qu’en plastique pour stocker la nourriture (vous pouvez en profiter pour recycler vos bocaux usagés qui font des tupperwares sains et gratuits).

  • Se reconnecter à la nature par l’alimentation

Faites le plein de fibres et de vitamines en faisant la part belle au végétal dans vos repas. Allez régulièrement au marché et tentez la cueillette en milieu urbain si l’endroit s’y prête. Les cosmétiques et produits de soin ne sont pas à négliger non plus. Inspirez-vous du principe de beauté ayurvédique qui veut que l’on ne mette rien sur la peau que l’on ne mettrait dans la bouche.

  • Composter ses déchets organiques Épluchures, pelures, fanes, pain rassis et restes de nourriture, ces matières organiques que vous jetez à la poubelle ne se décomposeront pas en décharge et seront même source de pollution. Votre ville propose certainement des composteurs collectifs, sinon pourquoi ne pas essayer le lombricompostage qui se prête très bien à la vie en appartement ?

Si en naissant dans un pays industrialisé, j’ai, sans le vouloir, pris part à l’écocide, que le raffinement de mon héritage culturel et la dimension sauvage de mon appartenance au monde animal se font la guerre, et que je m’exaspère à chaque fois que s’enclenche le vrombissement d’un souffleur de feuilles, c’est doucement que je renégocie le quotidien. Un pas après l’autre, je redécore en vert ce que l’on m’a donné en gris. On peut choisir de fuir la ville. On peut aussi choisir de la changer.

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