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La recherche faite par les femmes, souvent plus qualitative, est plus vulnérable aux effets du confinement. shutterstock

La pandémie pourrait avoir un impact sur la place des femmes dans nos universités

Les chercheures et professeures universitaires sont désavantagées par la pandémie de Covid-19 et ce recul pourrait avoir des répercussions à long terme sur la place qu’elles occupent dans nos universités. Des solutions existent, mais il faut demeurer vigilant.

Les femmes rencontrent encore aujourd’hui plus de difficultés que leurs collègues masculins dans leur parcours professionnel en raison des biais, des stéréotypes, des enjeux de la conciliation travail-famille, des absences dues à la maternité et des politiques d’entreprise qui ne tiennent pas suffisamment compte des particularités de la condition féminine.

La pandémie met en exergue cette situation. Au cours des derniers mois, plusieurs articles ont été publiés sur l’impact différencié de la pandémie sur les femmes, notamment parce que celles-ci sont surreprésentées dans des postes moins bien rémunérés ou à temps partiel, rendant ainsi leur statut d’emploi plus précaire que celui des hommes. De plus, elles demeurent davantage sollicitées par les aléas de la conciliation travail-famille avec la multiplication des tâches reliées à la famille et à l’éducation des enfants.


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Les professeures universitaires sont également durement frappées par la pandémie dans l’évolution de leur carrière. Rappelons que le parcours professionnel des professeurs universitaires est étroitement lié à leur production d’articles scientifiques dans des revues spécialisées ainsi qu’à leur capacité de recueillir des fonds pour entreprendre des recherches. Tout manque de productivité à ce chapitre les désavantage tous et toutes dans leur carrière.

Or, avec la pandémie et le confinement à la maison qui s’en est suivi, il devient de plus en plus difficile pour les professeures universitaires de concilier leurs vies familiale et professionnelle. Comme le poids des tâches familiales est généralement davantage porté par les femmes que par les hommes, les professeures peinent à dégager la marge de manœuvre nécessaire à la production d’articles scientifiques, qui reposent sur des revues de littérature imposantes, des analyses de nombreuses données, une mise à jour continue de leurs connaissances, d’intenses périodes de réflexion et un réseau de contacts avec des chefs de file dans leur discipline.


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Autre frein à mentionner : le type de recherches réalisées par les femmes. Selon les professeures Stéphanie Chasserio et Helen Bollaert, le type de recherche faite majoritairement par les femmes est plus vulnérable aux effets du confinement que celui réalisé majoritairement par les hommes.

« Les chercheures mobilisent plus fréquemment que leurs collègues masculins des méthodes de recherche qualitatives. Ces méthodes requièrent de rencontrer les personnes, d’être présentes sur le terrain pour collecter des données. Ces protocoles ont été stoppés durant la crise, reportés dans le meilleur des cas, mais parfois simplement annulés », écrivent les deux professeures.

Ainsi, l’impossibilité pour plusieurs d’entre elles de collecter des données signifie aussi l’impossibilité de publier des articles. Elles prennent ainsi du retard par rapport aux chercheurs qui utilisent les données secondaires et méthodes quantitatives, et qui se trouvent à être majoritairement des hommes.

Ce ralentissement dans la production féminine de recherches scientifiques aura sûrement un impact sur la représentation féminine au sein des échelons supérieurs de nos universités.

Ne pouvant produire au même rythme que leurs collègues masculins, il est permis de penser que les professeures chercheures pourraient être moins nombreuses dans les hautes instances au cours des prochaines années soit parce que les critères de promotion les désavantagent ou qu’elles ont abandonné la profession, faute de pouvoir répondre aux objectifs qu’elles s’étaient fixés ou par épuisement professionnel. De plus, les répercussions pourraient se faire sentir sur les générations futures, ayant peu de modèles féminins à donner en exemple pour encourager les femmes de demain à choisir cette profession.

Outre cette répercussion sur la place des femmes au sein de nos universités, cette perte ou cette réduction de la contribution féminine à l’activité de recherche scientifique appauvrira notre société dans son ensemble.

Comme l’écrivent les chercheurs Philippe Vincent-Lamarre, Cassidy R. Sugimoto and Vincent Larivière, un environnement scientifique solide nécessite la participation de toute la population et une crise exige que nous tirions parti de l’intellect de tous ses membres. Nous devons créer des infrastructures permettant à toute la société de participer et reconnaître les différences systémiques dans la capacité de chacun de le faire.

Si nous manquons de vigilance, les gains réalisés par les femmes au fil des ans pourraient être grandement fragilisés voire anéantis. Cela n’est aucunement un scénario souhaitable et nous devons tout faire pour éviter qu’il ne se produise.

À cet égard, certaines universités canadiennes ont déjà mis en place des solutions pour mieux soutenir les professeurs et professeures en leur permettant de reporter leur sabbatique à une date ultérieure afin de compenser pour le ralentissement de leurs travaux de recherche causé par la pandémie.

Les mécanismes d’évaluation des dossiers de demandes de subventions ont aussi été revus afin de donner plus de temps aux candidats et candidates. Il va sans dire que de tels ajustements viennent aussi avec un contrecoup, qui est de ralentir l’obtention d’un nouveau statut ou d’une promotion. Mais comme notre monde vit actuellement au ralenti, mieux vaut mettre moins de pression sur les personnes et leur offrir le soutien organisationnel nécessaire afin de les aider à poursuivre leurs ambitions à un rythme plus réaliste.

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