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Un nouveau rapport suggère que davantage de Canadiens sont prêts à payer pour des informations en ligne. Les salles de rédaction se sont plaintes que les plateformes de médias sociaux comme Facebook ont profité de leur travail sans le payer. La Presse Canadienne/Nathan Denette

La pandémie va-t-elle convaincre plus de Canadiens à payer pour l’information en ligne ?

Le nombre de Canadiens qui paient pour des nouvelles sur Internet progresse. Certains médias qui privilégient des formules payantes (articles « verrouillés », contenus premium pour abonnés, etc.) rapportent une croissance de ce type de revenus, alors que la chute des recettes publicitaires s’accélère depuis le début de la pandémie.

La contribution des usagers ne suffira sûrement pas à elle seule à endiguer ces pertes, mais elle pourrait continuer à s’accroître, comme c’est déjà le cas ailleurs dans le monde.

Selon l’enquête internationale annuelle du Digital News Report, 13 % des internautes canadiens auraient accédé à des nouvelles en ligne payantes au cours de la dernière année. Depuis 2016, cette proportion n’avait pas dépassé 9 %. Malgré l’augmentation en 2020, le Canada est encore sous la moyenne de l’ensemble des 40 pays étudiés (16 %). Parmi les répondants canadiens, les hommes, les jeunes adultes, les personnes qui s’identifient à la gauche politique sont plus nombreux que les autres à contribuer financièrement aux nouvelles en ligne.

Trois pays ont fait l’objet d’une analyse plus détaillée.

Les Norvégiens payent pour leurs nouvelles

En Norvège, l’habitude de payer pour s’informer en ligne est plus ancrée et croît aussi plus rapidement. Aux États-Unis, la menace des « fausses nouvelles » et la force de quelques grands titres ont contribué à la hausse de l’accès aux contenus payants. Au Royaume-Uni par contre, cette pratique demeure faible, notamment en raison de l’accès abondant aux contenus gratuits, ceux des quotidiens, mais aussi de la BBC — une situation comparable à celle du Canada.

On a demandé aux citoyens de différents pays s’ils avaient payé pour du contenu d’actualité au cours de la dernière année. 2020 Digital News Report/The Reuters Institute, CC BY

Soulignons que l’enquête a été réalisée en février, avant que la plupart des pays occidentaux appliquent des mesures de confinement. Or, depuis le début de la pandémie, les craintes à l’égard de la désinformation en ligne et la confiance envers les médias sont en hausse.

L’accès à une information de qualité, indépendante et produite localement, revêt une importance toute particulière dans un tel contexte. Les annonces de compressions d’effectifs et de fermetures de médias contribuent aussi, sans doute, à une prise de conscience de la fragilité des écosystèmes médiatiques. Mais tout cela se traduira-t-il par une augmentation des abonnements et autres formes de paiement pour le journalisme en ligne ?

Plus d’abonnés choisissent un site

L’incertitude économique amène les consommateurs à limiter les dépenses discrétionnaires — et selon notre enquête de 2019, l’abonnement numérique à un média d’information passe loin derrière le compte Netflix ou Spotify dans l’ordre de priorités. De plus, selon les données du Digital News Report, les gens qui paient pour s’informer en ligne ont tendance à privilégier un seul média. Rares sont ceux qui accepteront de payer plusieurs abonnements simultanément.

Mais la situation commence peut-être à changer. Des médias 100 % numériques comme The Logic à Toronto, qui couvre l’actualité liée à l’économie de l’innovation, et le Halifax Examiner, ont pu profiter d’une augmentation des contributions des lecteurs depuis le mois de mars dernier. Le quotidien Le Devoir, dont 60 % des revenus proviennent des achats à l’unité ainsi que des abonnements papier et numériques, a engrangé un surplus pour la troisième année consécutive. Les aides publiques d’Ottawa et de Québec, ainsi que l’augmentation de la publicité gouvernementale depuis le début de la pandémie, contribuent aussi à garder ce journal à flot.

Utiliser l’intelligence artificielle

Le Globe and Mail a pris une longueur d’avance en matière de paiement pour des nouvelles en ligne. Son équipe en science des données développe depuis plusieurs années, en collaboration avec des chercheurs universitaires, des solutions en intelligence artificielle. Il s’agit de stimuler une fréquentation « optimisée » de ses plates-formes numériques — notamment en modulant la gratuité d’accès à ses contenus selon le profil de chaque usager, ce qui stimulerait la décision de s’abonner plus efficacement que de simplement bloquer l’accès (et afficher une fenêtre de sollicitation) après consultation de quatre ou cinq textes.


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De manière générale, les médias ont sans doute intérêt à offrir un produit distinctif. Mais ils doivent aussi développer une relation de confiance avec leurs audiences s’ils veulent les inciter à les financer, que ce soit par des abonnements ou des dons. Cela ne s’improvise évidemment pas dans le contexte d’une pandémie, mais la crise peut rehausser la valeur accordée au travail journalistique. Et ce, même si la plupart des médias ont décidé de fournir gratuitement les contenus liés à la Covid-19.

On dit que dans chaque crise, il y a des opportunités à saisir. La formule payante n’est pas une panacée et il n’y a pas de recette unique. Beaucoup de médias ont choisi de maintenir l’accès gratuit intégral aux nouvelles en ligne — Radio-Canada bien entendu, les télédiffuseurs privés, mais aussi plusieurs quotidiens, comme La Presse. Mais s’ils sont assez nombreux à prendre le virage payant, beaucoup de Canadiens pourraient les suivre.


_Le Digital News Report est piloté par le Reuters Institute for the Study of Journalism, à l’Université d’Oxford. Le Centre d’études sur les médias a produit une synthèse des données canadiennes de l’enquête 2020. _

This article was originally published in English

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