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La transition énergétique, un enjeu géopolitique pour l’Europe

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L’Union européenne doit accélérer sa transition énergétique, tant pour lutter contre le changement climatique que d’un point de vue géopolitique. C’est ce que l’on peut retenir de la dernière évaluation de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publiée en 2014 et mise à jour en décembre 2016.

Les tendances actuelles, si elles sont encourageantes, doivent en effet s’intensifier pour atteindre les nouveaux objectifs que l’Union s’est fixée pour 2030. La voie à suivre est claire : les États membres doivent revoir leurs ambitions et leurs efforts à la hausse pour garantir une économie à faible intensité de carbone, compétitive et circulaire dans les décennies à venir.

Des voix dissonantes

Mais à Bruxelles, la question de la transition énergétique est loin d’être tranchée.

Pour Miguel Arias Cañete, nouveau commissaire européen à l’Énergie et ex-président de la compagnie pétrolière Petrolifera, les énergies fossiles ne sont pas à bannir. L’Espagnol défend tout particulièrement le gaz de pétrole liquéfié (GPL), facile à transporter et permettant une diversification meilleure et plus sûre des sources d’approvisionnement, souligne-t-il.

Miguel Arias Cañete s’inscrit ici dans la lignée de son prédécesseur, l’Allemand Günther Oettinger, dont l’objectif en termes d’économies d’énergie ne dépassait pas les 28 %. Il recommandait d’ailleurs que l’Europe diversifie ses sources d’approvisionnement en énergies fossiles en s’appuyant notamment sur le gaz de schiste, une technologie de production de gaz naturel controversée.

Des positions qui contrastent fortement avec les recommandations adoptées lors de la COP21 en faveur d’une réduction drastique des énergies fossiles pour tenter de limiter les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

Le vice-président de la Commission européenne en charge de l’Union énergétique, le Slovaque Maroš Šefčoviča, voit les choses bien différemment.

Le 30 novembre 2016, il a lancé le projet « Énergie propre pour tous les Européens ». Il s’agit de s’éloigner des systèmes centralisés basés sur les combustibles fossiles. Maroš Šefčoviča prône une transition énergétique accélérée avec, à la fois, une baisse des énergies fossiles dans la consommation totale d’énergie au profit d’énergies vertes, et un objectif contraignant d’efficacité énergétique de 30 % au niveau de l’Union.

L’idée étant d’assurer le droit à chaque citoyen européen de produire de l’énergie renouvelable, de l’autoconsommer, de la stocker et/ou de la vendre au réseau pour en retirer un revenu équitable. Le vice-président a ainsi annoncé dans le cadre de cette initiative, la création future de 900 000 emplois supplémentaires dans l’ensemble du secteur de l’énergie.

Pour un marché unique de l’énergie

Le 25 février 2015, la Commission européenne a présenté sa stratégie pour une Union européenne de l’énergie. L’objectif était de proposer un marché de l’énergie compétitif, fiable, durable et abordable.

Mais avec des infrastructures vieillissantes, des voix dissonantes à la Commission et des politiques énergétiques non coordonnées, les utilisateurs en bout de chaîne ne bénéficient toujours pas d’une vaste gamme de choix ni d’une baisse des prix de l’énergie.

Il est ainsi temps de créer un marché unique de l’énergie en Europe sans barrières nationales, permettant aux consommateurs d’acquérir leur énergie là où le coût en sera le moins élevé.

Un avantage majeur pour l’Europe réside dans le fait que la demande en énergie n’est pas la même au cours de l’année d’un pays à l’autre. Par conséquent, à tout moment, le besoin peut être fourni ou reçu des pays voisins. Des accords européens et transfrontaliers contribueraient de manière décisive à satisfaire la demande énergétique. Mais ce marché unique de l’énergie nécessiterait une compréhension et une coordination communes, absentes aujourd’hui.

Un enjeu géopolitique

La situation énergétique des pays est aujourd’hui très contrastée au sein de l’Union : de l’indépendance énergétique de certaines îles danoises à la dépendance totale de l’île de Malte à l’égard des importations (et ce malgré d’excellentes conditions climatiques pour développer l’énergie éolienne et solaire).

Samso, l’île danoise qui est passée au 100% renouvelable (GEO, 2016).

Les pays d’Europe de l’Est dépendent fortement du pétrole brut et du gaz naturel russes. En 2013, 42 % du volume de gaz naturel et 33 % des importations de pétrole brut vers l’Europe provenaient de Russie.

Dans ce contexte, le premier ministre polonais Donald Tusk a appelé de ses vœux, en 2014, la création d’une Union européenne de l’énergie qui compenserait de possibles suspensions d’approvisionnements si les relations russo-européennes venaient à se dégrader.

Qui a peur de Moscou ?

En cas de sanctions économiques imposées par Bruxelles à Moscou, les autorités russes ne manqueraient pas de riposter ; mais les deux parties subiraient des dommages… et la Russie en tout premier.

L’économie d’exportation de ce pays s’appuie en effet sur ses matières premières. La Russie est riche en pétrole brut, gaz naturel et charbon, mais aussi en plomb, fer, or, cobalt, cuivre, nickel, zinc, étain et platine. Cette impressionnante liste laisse cependant entrevoir la faiblesse de l’économie russe d’exportation en cas de baisse des prix des matières premières. Ce fut le cas en 2008, par exemple, avec la crise économique et financière qui a vu les prix mondiaux des matières premières s’effondrer.

La Russie ne peut ainsi se permettre de suspendre ses exportations d’énergie vers l’Union européenne. Et même aux jours les plus critiques de la Guerre froide, l’Union soviétique n’a jamais cessé de livrer de l’énergie à l’Occident.

Parallèlement, si la Chine a des besoins énergétiques de plus en plus importants, la Russie manque encore des infrastructures lui permettant de réorienter ses exportations d’énergies fossiles vers les économies émergentes d’Asie.

Il faudra en effet des années pour que les livraisons de gaz convenues entre Moscou et Pékin en 2014 atteignent la Chine via un pipeline qui n’a pas encore été construit.

Est-ce à dire que l’Europe peut baisser la garde ? Pas vraiment : malgré son Plan Climat, la dépendance énergétique de l’Union n’a cessé d’augmenter depuis les années 1990.

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