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Les moustiques jouent un rôle très important en tant que pollinisateurs. shutterstock

La vie étrange, secrète – et très écolos – des moustiques dévoilée

Les moustiques. Des hordes de moustiques qui bourdonnent dans nos oreilles et nous piquent, comme c’est pénible ! Et c’est sans compter les effets dévastateurs sur la santé causés par le paludisme, le virus Zika et d’autres agents pathogènes qu’ils propagent.

Les moustiques ont également tout un pan de leur vie qui n’a rien à voir avec les piqûres, mais plutôt avec leurs interactions avec les plantes. Nous considérons souvent les moustiques comme des suceurs de sang qui ne font que nous pourrir l’existence. Cependant, ils ont aussi des rôles écologiques. La vie secrète des moustiques est parfois bizarre, mais aussi très importante sur le plan environnemental.

Les moustiques remplissent de nombreuses fonctions dans l’écosystème dont on parle peu. L’élimination de masse des moustiques aurait des répercussions dans beaucoup de domaines, de la pollinisation au transfert de biomasse en passant par les réseaux alimentaires.

Un maringouin domestique, Culex pipiens, couvert de pollen de tanaisie. (Mike Hrabar), Author provided

La pollinisation par les moustiques

Il existe environ 3 500 espèces de moustiques, dont beaucoup ne sont pas du tout intéressées par le sang des humains ou de tout autre animal. Même chez celles qui piquent, ce sont seulement les femelles qui le font dans le but de permettre à leurs œufs de se développer.

La nourriture de base de tous les moustiques adultes est le sucre végétal et les nutriments qu’il contient, le plus souvent sous forme de nectar floral. En cherchant du nectar, les moustiques pollinisent les fleurs qu’ils visitent, remplissant ainsi une des fonctions écologiques des moustiques qu’on a tendance à oublier.

La pollinisation par les moustiques est probablement beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense. Il est prouvé que les moustiques jouent le rôle de pollinisateurs généralistes pour certaines familles de plantes, et il existe de nombreux cas de pollinisation qui sont très peu étudiés.

La pollinisation par les moustiques a été constatée dès le 19e siècle. Elle est difficile à observer, car la plupart des moustiques visitent les fleurs au crépuscule ou un peu après, et la présence humaine les fait fuir. Pendant la courte période de végétation de l’Arctique, les plantes utilisent les vastes hordes de moustiques avides de nectar pour se polliniser.

Évolution des moustiques

Le lien entre les fleurs et les moustiques est ancien et a probablement eu une forte influence sur l’évolution de ce type d’insectes. Des preuves génétiques confirment une augmentation rapide de leur diversité qui correspond à l’apparition des plantes à fleurs. Des écailles de moustiques ont été trouvées dans des fossiles de fleurs datant du Crétacé moyen.

Les moustiques repèrent les fleurs grâce à divers indices, dont l’odeur et l’information visuelle, et des recherches récentes ont permis de découvrir que des constituants olfactifs de certaines fleurs dont se nourrissent les moustiques (et qu’ils pollinisent) sont présents chez les humains. On pourrait en conclure que les moustiques confondent l’odeur de certaines fleurs avec celle des humains, révélant possiblement les origines évolutives de leur attrait pour le sang.

Un moustique Aedes qui se nourrit du sang de l’auteur du texte. L’alimentation des moustiques par le sang peut avoir évolué à partir d’une alimentation au nectar floral en raison des constituants odorants partagés entre les vertébrés et les fleurs. (Dan Peach), Author provided

Un repas de miellat

Bien que ce soit moins important sur le plan écologique que la pollinisation, les moustiques consomment également du sucre végétal transformé par d’autres insectes.

Les insectes suceurs de plantes comme les pucerons excrètent un déchet sucré appelé miellat, qui sert de nourriture pour de nombreux insectes, dont les moustiques. Mais le miellat est difficile à trouver dans l’environnement. Les moustiques ont résolu ce problème en utilisant les odeurs émises par les microbes qui vivent dans le miellat pour le localiser.

Le miellat est aussi consommé par différentes sortes de fourmis, qui élèvent des pucerons pour en recueillir. Une fourmi peut, par des coups d’antennes, inciter une compatriote qui a récemment mangé du miellat à régurgiter et à partager une partie de son repas. Certaines espèces de moustiques ont appris à exploiter ce système à leur profit.

Un moustique peut insérer ses pièces buccales dans la bouche d’une fourmi et lui caresser la tête avec ses antennes afin de provoquer un vomissement.

Transferts de biomasse

Les larves de moustiques se développent en consommant des microorganismes comme les algues et les microbes qui décomposent les matières végétales. Ces larves contribuent aux chaînes alimentaires aquatiques en servant de nourriture à différents prédateurs, comme les poissons et les oiseaux.

Si un moustique survit jusqu’à l’âge adulte, il quitte son habitat aquatique, transférant ainsi sa biomasse (le poids de sa matière) à l’écosystème terrestre.

De nombreux animaux, comme les oiseaux, les chauves-souris, les grenouilles et d’autres insectes, se nourrissent de moustiques adultes. Lorsque ceux-ci meurent (ou qu’ils sont mangés et excrétés), ils se décomposent. Les microbes qu’ils avaient consommés sous forme de larves se transforment alors en nutriments pour les plantes, ce qui constitue une autre fonction écologique des moustiques.

On a évalué la biomasse des moustiques à 43 500 tonnes en Alaska seulement. Bien que la contribution du cycle des nutriments des moustiques à la croissance des plantes et à d’autres fonctions de l’écosystème n’ait pas encore été étudiée, la quantité de leurs biomasses laisse entendre qu’elle pourrait être importante.

On trouve des larves de moustiques dans divers habitats où l’eau s’accumule, notamment dans les terriers des crabes, à l’intérieur des sarracénies et entre les feuilles des plantes des forêts tropicales humides. (Shutterstock)

Des habitats uniques

Les larves de moustiques sont présentes dans la plupart des types d’eau douce, que ce soient des lacs ou des mares temporaires causées par la fonte des neiges. On peut même les trouver dans quelques habitats d’eau salée comme les terriers de crabe.

L’un des habitats les plus intéressants où l’on découvre des larves de moustiques sont les urnes de la plante carnivore Sarracenia purpurea. Ces urnes sont remplies d’eau et d’insectes en décomposition qui fournissent de la nourriture à la plante et aux moustiques. Les enzymes digestives de la sarracénie sont trop faibles pour dissoudre les larves des moustiques.

Plusieurs espèces de moustiques pondent leurs œufs dans l’eau qui s’accumule entre les feuilles des plantes tropicales de la forêt atlantique brésilienne, et les larves d’autres moustiques se fixent aux racines de plantes aquatiques pour respirer.

Réduction des maladies, préservation des écosystèmes

Le moustique, qui est l’animal le plus meurtrier pour les humains, cause aussi d’immenses souffrances. Idéalement, on devrait protéger les fonctions écosystémiques des moustiques tout en réduisant leur charge de morbidité.

Ce ne sont pas toutes les espèces de moustiques qui sont responsables de la propagation des agents pathogènes. Cibler des espèces précises ou immuniser celles-ci contre les agents pathogènes protégerait les humains tout en maintenant les fonctions écosystémiques des moustiques.

Dans un monde où les écosystèmes s’effondrent et où les populations de pollinisateurs déclinent, nous avons besoin de toute l’aide possible. On doit reconnaître la vie secrète des moustiques et mettre au point des stratégies plus sophistiquées de lutte contre eux afin de préserver leur rôle écologique.

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This article was originally published in English

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