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Politico-médiatique

L’agenda médiatique de la présidentielle dominé par les médias traditionnels

En mars 2017, le candidat socialiste Benoît Hamon encerclé par les journalistes. Gabriel Bouys/AFP

Après l’élection présidentielle française mais aussi les élections générales britanniques, certaines personnes ont affirmé que les médias traditionnels avaient perdu leurs positions historiques de générateurs de la conversation politique. Selon ceux qui défendent cet argument, les médias traditionnels auraient vu leur rôle de faiseurs de l’agenda des contenus politiques considérablement diminuer au profit des médias nés en ligne et des plateformes de réseaux socionumériques.

Bien sûr, les données annuelles du l’étude de la médiatisation de la campagne française conduite par le Reuters Institute (Digital News Report) sur les informations en ligne montrent que les plateformes sociales sont de plus en plus utilisées pour suivre l’actualité. Ce que nous avons mis en évidence également, tout comme le Pew Research Center aux États-Unis. Néanmoins, ils n’ont pas encore devancé les médias traditionnels – écrits ou audiovisuels – en tant que principales sources d’information des Français.

Le Reuters Institute de l'université d'Oxford a voulu savoir, dans une étude conduite par la journaliste et post-doctorante espagnole Silvia Majó-Vázquez, Jun Zhao et Rasmus K. Nielsen si les médias traditionnels avaient oui ou non perdu leur rôle décisif de maîtrise de l’agenda politique au détriment d’un réseau social comme Twitter, durant l’élection présidentielle française. L’Institut Reuters pour l’étude du journalisme (RISJ) a examiné la façon dont les médias traditionnels et ceux nés en ligne ont été utilisés par le public français sur Twitter pour évaluer dans quelle mesure cette utilisation avait conféré une certaine influence à plusieurs marques de médias lors de la campagne présidentielle.

Un tel événement politique offre en effet un terrain d’étude pertinent pour cerner le rôle réel des médias existants en tant que fournisseurs de contenus politiques et comme source que les gens utilisent pour entretenir des conversations politiques.

Les principaux enseignements de cette étude

Dans cette étude, reposant sur une base de données de 2,96 millions de tweets collectés entre le 2 avril et le 8 mai 2017, les médias historiques – surtout les journaux et les médias audiovisuels – sont très proéminents dans la discussion politique observable sur Twitter lors de la campagne présidentielle française. Les médias traditionnels ainsi ont généré sept fois plus d’activité et d’engagement que les médias nés en ligne. 88,4 % des tweets liés à l’information d’actualité collectés lors des élections françaises sont issus ou ont inclus une référence explicite aux médias historiques, comparativement à 11,6 % qui provenaient ou comprenaient une référence explicite aux médias nés en ligne.

Les auteurs de l’étude ont également constaté que l’attention et l’engagement sont très inégalement répartis. Alors que quelques organisations médiatiques comme Libération, TF1 et Médiapart sont mentionnées ou reprises en moyenne des centaines voire plus d’un millier de fois chaque fois qu’elles tweetaient, beaucoup d’autres, en particulier les journaux locaux et régionaux et les petits médias nés en ligne, ont tweeté presque aussi souvent que d’autres utilisateurs de Twitter s’engageaient avec leurs tweets – ce qui suggère un engagement limité.

Fait intéressant, parmi les contenus les plus partagés par le public français durant cette période figure une vidéo satirique publiée à la fin de la campagne électorale par Brut, la plateforme audiovisuelle récemment née en ligne. De plus, parmi les médias qui ont reçu le plus haut niveau d’engagement, on trouve Le Canard Enchainé, qui a été le premier à signaler le scandale financier affectant l’épouse de François Fillon et qui est connu pour son approche plus que réticente de la mise en ligne de ses contenus et des réseaux socionumériques.

Notons aussi que des pics d’activité sont remarqués au moment d’événements fortement médiatisés, comme un attentat, les résultats présentés dans les soirées électorales, et bien sûr les débats télévisés, comme le débat collectif du 4 avril qui a généré le plus grand nombre de tweets avec mention d’un média d’information.

Étude d’activité de Reuters.

En partenariat avec Semiocast et la radio France Info, nous étions arrivés à la même conclusion pour les élections municipales en France : un événement médiatique ou fortement médiatisé attise la conversation sur Twitter, bien plus souvent qu’un « buzz » né sur Twitter finirait par attirer l’attention des médias.

Ainsi, les résultats de cette étude montrent bien qu’un petit nombre de médias historiques clés ont dominé la production globale de contenu d’information sur Twitter, mais leur activité n’a pas toujours été associée à des niveaux élevés d’influence, mesurés par l’engagement du public. Un grand nombre de petits médias traditionnels et numériques ont connu un faible engagement sur Twitter.

L’analyse complète invalide donc la thèse d’une substitution de médias au profit d’une mixité d’influence entre médias traditionnels toujours dominants, et médias nés en ligne.

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