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Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées : ça ne change rien, ça change tout ?

Un moment de détente pour les têtes de liste (de gauche à droite): Dominique Reynié (LR), Gerard Onesta (EELV-FG), Carole Delga (PS-PRG) et Philippe Saurel (DVG) Pascal Pavani / AFP

Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (LRMP) fait partie des nouvelles régions qui ont émergé suite à la loi du 16 janvier 2015. La transformation est de taille puisqu’avec ses 72 000 km2 et ses plus de 5 millions d’habitants, il s’agit de la seconde région la plus vaste de la France métropolitaine. Et les changements ne s’arrêtent pas là.

A priori, la nouvelle carte des régions ne portait que sur les contours des régions, sur leur périmètre géographique qu’il fallait notamment agrandir pour les rendre plus compétitives. Il n’était question ni d’augmenter le nombre de conseillers régionaux ni de changer leur mode d’élection. Et pourtant, le cas du LRMP démontre à quel point les « petits » changements qui ont eu lieu suite à la création de cette vaste région ont pesé sur une campagne qui, sur le plan local comme au plan national, n’a jamais réellement décollé.

Sans nom, sans logo, en construction…

La naissance de la grande région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, prévue officiellement pour le 1er janvier 2016, a en effet rendu la tâche difficile pour les candidats. Comment s’approprier une entité qui n’a toujours pas de nom ? Qui n’a pas de logo ? Qui est composée de cultures très fortes, occitanes et catalanes ? Si la plupart des grandes listes s’est essayée à inventer un nouveau logo, peu ont réellement développé dans leur projet la vision qu’elles avaient pour ce nouveau territoire.

Les programmes sont, dans l’ensemble, restés très généraux et se sont souvent raccrochés à des thèmes ou des valeurs défendus par les partis des chefs de file. D’où un sentiment renforcé de nationalisation d’une campagne pour des élections régionales qui étaient annoncées depuis longtemps comme étant des élections intermédiaires.

Pour autant, peut-être faut-il voir aussi derrière ces propos très généraux la difficulté de la plupart des candidats à s’approprier les enjeux d’un territoire en pleine redéfinition. Non seulement les compétences des régions viennent tout juste d’être rebattues avec l’adoption de la loi NOTR en août 2015, mais la fusion des deux régions conduit aussi à une reconfiguration du territoire politique et administratif. Depuis cet été, plusieurs sièges d’administration ont ainsi été partagés entre les deux anciennes capitales régionales, Montpellier et Toulouse – ce qui amène également à une redéfinition du tissu économique, certaines grandes entreprises, à l’instar d’Intel, ayant annoncé leur départ prochain pour Toulouse.

La nouvelle grande région est donc en plein aménagement, ce qui implique tout à la fois une vigilance en termes de développement du territoire – il s’agit de ne pas accentuer les écarts, de ne pas concentrer l’essentiel des forces vives sur Toulouse – et de veiller à ne pas exacerber la rivalité sous-jacente entre les deux villes érigées au rang de métropoles, Toulouse et Montpellier.

Pas de choc des titans

Dans ce territoire encore peu saisissable, vaste à parcourir, 11 listes s’affrontent, menées par de « nouveaux » candidats. Les élections de 2015 ne se traduisent pas, en effet, par un choc des titans dans la mesure où il n’y a pas d’affrontement des présidents sortants : Martin Malvy (Midi-Pyrénées) ne se représente pas et Damien Alary (Languedoc-Roussillon), qui avait succédé à Georges Frêche et Christian Bourquin, n’a pas été désigné comme chef de file. Cette absence de fortes personnalités, qui auraient pu aussi faciliter la médiatisation des élections, semble donc laisser le jeu ouvert aux diverses listes qui, pour se faire connaître et être identifiables aux yeux des électeurs, misent sur des ressources différentes.

Pour les petites listes, il va s’agir le plus souvent d’être présentes à ce scrutin (LO, Debout la France) et d’en profiter éventuellement pour faire passer un message : « L’UPR, avec François Asselineau – le parti qui monte malgré le silence des médias » ou « Indignez-vous avec Nouvelle Donne ». Les autres têtes de liste mettent davantage en avant leur lien avec le territoire, rappelant qu’ils sont natifs soit de la région toulousaine (Gérard Onesta, Louis Aliot, Carole Delga), soit de Montpellier (Philippe Saurel), soit de l’Aveyron (Dominique Reynié).

Ces candidats disposent, en outre, de deux autres types de ressources. La première peut être politique, à l’instar de Philippe Saurel, qui se présente dans sa profession de foi comme le maire de Montpellier. Ou élective : certains sont des conseillers régionaux sortants, comme Louis Aliot (FN). Enfin d’autres disposent en plus de la légitimité procurée par d’autres mandat ou fonction : Gérard Onesta est un ancien député européen et Carole Delga a été secrétaire d’État.

Légitimité médiatique

La seconde ressource est procurée par la labellisation partisane, qu’elle soit endossée ou clairement refusée. L’alliance Nouveau monde-en commun de Gérard Onesta rassemble une constellation de formations politiques. La liste conduite par Carole Delga est soutenue par le PS, le PRG, le MRC et Génération Écologie. Pour Les Républicains, Dominique Reynié s’est assuré du soutien d’une palette assez large de la droite avec le MODEM, l’UDI, CPNT et même la société civile. Alors que Louis Aliot fait clairement campagne pour le FN, comme en témoigne le nom de sa liste (« liste FN, présentée par Marine Le Pen »), Philippe Saurel revendique au contraire, comme en 2014, le fait de se situer « hors des partis politiques ».

Ces cinq chefs de file, généralement connus sur une partie seulement de la nouvelle région, doivent donc s’appuyer sur ces différents éléments ou sur leur légitimité médiatique pour être identifiés par les électeurs. C’est le cas pour Dominique Reynié, politologue, spécialiste des régions et, dans une moindre mesure, pour Philippe Saurel.

En l’absence de connaissance des enjeux, sans programme clairement défini ni professions de foi (pour la première fois s’opère une dématérialisation du scrutin), sans relais médiatique visant à présenter le vote et à mobiliser les électeurs autrement qu’en commentant les sondages sur les scores attendus pour le FN, la participation risque d’être des plus basse.

Cette pénurie de repères pourrait inciter les électeurs à se détourner des urnes ou à appliquer une grille de lecture très nationale pour cette élection (avec une dimension contestataire) alors que s’engage dès le premier tour, une redéfinition profonde du cadre régional. La première assemblée marquera de son empreinte la nouvelle grande région LRMP en choisissant son nom, son logo mais surtout les politiques de développement économique et territorial qui seront déployées.

L’auteure est membre du laboratoire CEPEL (Centre d’études politiques de l’Europe latine), UMR 5112, à l’Université de Montpellier.

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