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Les RH dans tous leurs états

L’assurance chômage pour tous : utopie ou réalité ?

L'accueil de l'agence Pôle Emploi « Dijon Nord ». Julien Faure/Pôle Emploi/Flickr

Mercredi 2 août, le bureau de l’Assemblée nationale a accepté le principe de l’alignement sur le droit commun du régime de retraite spécifique des députés et de leur allocation chômage. Et dans un an, à l’été 2018, le gouvernement prévoit de mettre en place une réforme de l’assurance chômage. C’est l’occasion de dresser le bilan de la réforme en cours.

Depuis 40 ans, le taux de chômage a fortement augmenté et de façon presque constante.

Dans son rapport du 3 juillet 2017, l’Unédic a présenté les dispositions de la nouvelle convention d’assurance chômage qui s’appliqueront progressivement à partir du 1er octobre 2017.

Parmi les nouvelles mesures, on note :

  • une ouverture des droits harmonisée, quelle que soit la nature du contrat de travail ;

  • le différé d’indemnisation spécifique sera ramené de 180 à 150 jours (il était de 75 jours avant l’accord de 2014) ;

  • les règles protectrices concernant les seniors évoluent (il faudra attendre 55 ans et non plus 50 ans pour bénéficier d’une prise en charge de 36 mois au lieu de 24) ;

  • la création d’une contribution exceptionnelle temporaire de 0,05 %, versée par les employeurs pour tous les contrats de travail.

La nouvelle convention d’assurance chômage signée le 14 avril 2017 par les partenaires sociaux définit ainsi de nouvelles règles d’indemnisation et de contribution pour 3 ans.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Le chômage est une préoccupation très ancienne pour les pouvoirs publics : l’existence d’ateliers de charité sous la royauté, d’ateliers nationaux en 1848, puis d’ateliers d’utilité publique, et la mise en œuvre d’un plan de grands travaux en 1938 témoignent d’une volonté de venir en aide aux citoyens privés d’emploi.

Ce n’est qu’au début du XXe siècle, que le concept d’indemnisation des périodes d’inactivité apparaît, afin de compléter les caisses de secours syndicales.

Malgré sa victoire éléctorale, le Front populaire n’aura pas les moyens de développer le Fonds national de chômage ; photo : manifestation du Rassemblement populaire, 14 juillet 1936. Agence de presse Meurice/Gallica/Wikimedia

En 1914 naît le Fonds national du chômage. Celui-ci permet l’abondement des fonds des caisses syndicales et des caisses municipales. Mais ces caisses ont été dépassées par la crise de 1929. Le gouvernement du Front populaire qui souhaitait développer le Fonds national de chômage, n’a d’ailleurs pas trouvé les moyens de le faire.

Cependant, après la Deuxième Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance n’a pas intégré l’idée du chômage dans la création de la Sécurité sociale : la période de reconstruction étant propice au quasi-plein-emploi. Après la guerre, les chômeurs ne bénéficient que d’une aide d’un montant forfaitaire très faible, subordonnée à des conditions de ressources.

La crainte d’un ralentissement de l’économie pousse alors les partenaires sociaux à réfléchir à des mesures permettant l’adaptation du marché du travail, et c’est ainsi qu’un accord est conclu le 31 décembre 1958. L’assurance-chômage est créée, sous la forme d’associations (loi 1901). L’assurance chômage est confiée par la loi aux organisations patronales et aux organisations syndicales représentatives au plan national et interprofessionnel.

L’assurance chômage devient obligatoire pour la majeure partie des employeurs et salariés du secteur privé. Elle est régie par la convention d’Assurance Chômage, négociée tous les deux ou trois ans par les partenaires sociaux. Il s’agit d’un mode de gestion « paritaire », par les organisations de patrons et de salariés.

Le fonctionnement de l’assurance chômage

L’assurance chômage indemnise les salariés involontairement privés d’emploi, quel que soit le motif de rupture de leur contrat (y compris pour faute). La démission pour suivi de conjoint est par exemple considérée comme un motif légitime de démission et indemnisable à ce titre.

L’assurance chômage permet de mettre en œuvre une politique sociale, comme le souligne le sociologue Didier Demazière : « … les pauvres d’occasion victimes d’une rupture dans un parcours professionnel auparavant continu. Ces derniers vont, à partir du début du XXe siècle, faire l’objet d’aides spécifiques (caisses de secours et actions de placement dans de nouveaux emplois) qui les constitueront comme chômeurs, involontaires et méritants. »

Salariés et employeurs cotisent conjointement (la part patronale est de 4 %, la part salariale de 2,4 %). Les cotisations sont plafonnées à la tranche B, soit 13 076 euros (quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale) en 2017 ; ce qui a pour conséquence que les indemnisations sont elles aussi plafonnées.

Le demandeur d’emploi doit justifier de 122 jours d’affiliation ou 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail. Un aménagement spécifique est prévu pour les 50 ans et plus qui doivent justifier de cette durée au cours des 36 derniers mois. L’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) est calculée à partir du salaire journalier de référence (le SJR). L’allocation versée est le résultat le plus élevé entre :

  • 40,4 % du salaire journalier de référence + une partie fixe de 11,84 euros.

  • 57 % du salaire journalier de référence, l’allocation minimale équivaut à 28,86 euros par jour.

Les artisans, commerçants, professions libérales, mandataires sociaux sont exclus du dispositif. Ils peuvent en revanche souscrire à la Garantie sociale du chef d’entreprise (GSC, assurance perte d’emploi des dirigeants d’entreprise).

Une indemnisation pour tous

Le gouvernement Macron travaille actuellement sur le concept de chômage universel. L’idée d’une prise en charge pour tous est nouvelle. Les débats portent habituellement sur la durée, le taux de cotisation et les montants d’indemnisation.

Quelle que soit la catégorie à laquelle le travailleur appartient (profession libérale, agriculteur, entrepreneur, salarié), il pourra prétendre à une indemnisation. Cela suppose en contrepartie, que chacun cotise. Les cotisations chômage payées par les salariés (2,4 % du salaire brut) seraient supprimées, mais pas celles versées par les employeurs (4 % du salaire). Le financement serait assuré par une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) payée par tous (+ 1,7 point), y compris par les retraités (sauf exonération).

En 2018, l’assurance chômage devrait ainsi être ouverte aux indépendants et aux démissionnaires. Cela devrait coûter 4.8 milliards d’après l’institut Montaigne. En pariant sur une baisse du chômage, ce surcoût serait absorbé.

Le projet vise à corriger un système injuste. Le principe de protection sociale en France repose en effet sur des droits financés par des cotisations mutualisées (c’est le cas pour les retraites, l’assurance maladie). Dans le cas du chômage, une partie de la population active est exclue des droits mais aussi du versement des cotisations.

L’institut Montaigne a chiffré le coût d’une telle mesure. Les économies (sont prises en compte les restrictions sur l’activité réduite et la filière senior) pourraient atteindre entre 1,4 milliard d’euros par an et 1,9 à 2,4 milliards d’euros par an.

Vers un rééquilibrage de la relation employeur-salarié

En ayant la possibilité de percevoir un revenu de substitution, les salariés pourront davantage prendre le risque de lancer leur activité, de se reconvertir ou de quitter leur emploi en cas de mésentente avec l’entreprise. En contrepartie, le contrôle des demandeurs d’emploi sera renforcé.

La rupture conventionnelle, mise en place en 2008, prévoyait déjà la rupture amiable indemnisable. Certains employeurs refusent ces ruptures, au motif qu’ils doivent indemniser le salarié à hauteur d’une indemnité de licenciement. La possibilité de démissionner tous les cinq ans avec indemnisation permettrait de remédier aux problèmes des salariés très démotivés qui n’obtiennent pas l’aval pour une rupture conventionnelle et qui contribuent à l’installation d’un climat détestable dans l’organisation.

La relation employeur-salarié sera rééquilibrée, car le salarié sera moins soumis au bon vouloir de l’employeur pour son évolution professionnelle. La mobilité des travailleurs sera accrue et contribuera sans doute à fluidifier le marché de l’emploi. La diminution du différé d’indemnisation (150 au lieu de 180 jours) facilitera la négociation des indemnités supra légales au moment d’un départ, évitant du même coup au salarié de former un contentieux.

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